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Dragan Nikolić

Ce que je peux dire, c'est que j'éprouve des remords très sincères à cause de tout cela. [...] Je ne le dis pas pour la forme [...] ce remord, je l'éprouve de manière très profonde, car je connaissais la grosse majorité de ces gens […] Et je tiens à saisir cette occasion pour présenter mes excuses à toutes mes victimes directes ou indirectes. Je tiens à exprimer mes plus profondes excuses à tous ceux qui se sont trouvés à Sušica…

Dragan Nikolić était le commandant du camp de détention de Sušica, dirigé par les Serbes dans la municipalité de Vlasenica, en Bosnie-Herzégovine, en juin 1992. Lorsqu’il dirigeait le camp, il a contribué à mettre en place et à entretenir un climat de terreur et de sadisme systématique à l’encontre des détenus musulmans et des autres prisonniers non serbes. Il a personnellement tué neuf prisonniers, et en a battu et torturé d’autres durant leur internement. Sous son commandement, des femmes de tous âges ont été violées et victimes de violences sexuelles. Dragan Nikolić a été condamné à une peine de 20 ans d’emprisonnement.

Lire son aveu de culpabilité

6 novembre 2003 (extrait du compte rendu d'audience)

[interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je suis pleinement conscient de ce qui m'est reproché et je suis conscient des faits que j'ai commis. Je l'ai reconnu, point par point, chef par chef, lorsqu'on m'a donné lecture de ce texte. J'ai plaidé coupable, et je suis prêt à assumer tmon entière responsabilité pour les actes que j'ai commis.

Qu'est-ce que j'éprouve concernant ce que j'ai fait pendant les trois mois que j'ai passés à Sušica? Je suis le seul à le savoir. Mais ce qui est essentiel, c'est que j'éprouve réellement une grande honte. Et comme il a été dit ici, à Sušica, je me suis retrouvé d'un côté, en uniforme, armé. Et puis en face de moi, il y avait des femmes qui avaient l'âge de ma mère, il y avait des enfants et il y avait aussi mes camarades, mes copains, ceux avec qui j'avais passé des années à faire du sport, que j’avais fréquenter dans des cafés, avec qui j’avais passer des vacances d'été. Et cela tourne à une sorte de cauchemar lorsque je pense à tout ce qui s'est produit. Je me demande comment j’ai pu faire tout cela. Et j'ai eu beaucoup de temps pour y penser, 11 années se sont écoulées depuis. Mais j'ai du mal à répondre à ces questions.

Très sincèrement, je n'ai jamais éprouvé de compassion pour moi-même, car je n'avais pas 15 ans à l'époque, j'étais un homme mûr. C’est toujours vers les victimes que s’est dirigée ma compassion. Pas seulement mes victimes directes, mais aussi leurs proches et aussi tous ces gens qui se sont trouvés à Sušica, et il y en a eu beaucoup.

Que puis-je dire ? Ce que je peux dire, c'est que j'éprouve des remords très sincères à cause de tout cela. Réellement, j'éprouve des remords. Je ne le dis pas pour la forme. Je sais très bien ce que j'éprouve, et ce remord, je l'éprouve de manière très profonde, car je connaissais  la grosse majorité de ces gens. Nous avons grandi ensemble. Il y avait parmi eux des gens qui étaient mes voisins.
 
 Et je tiens à saisir cette occasion pour présenter mes excuses à toutes mes victimes directes ou indirectes. Je tiens à exprimer mes plus profondes excuses à tous ceux qui se sont trouvés à Sušica, que ce soit un jour, un mois ou plus de temps.

Je souhaiterais aujourd'hui que ces victimes, si possible, voient que mes remords et mes excuses sont sincères, adressées à elles toutes, même à celles qui n'ont pas été détenus au camp de Sušica et qui sont aujourd'hui dispersés de par le monde en conséquence de ce conflit et de ces expulsions qui ont rendu impossible le retour dans leurs foyers.

Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, je suis conscient du fait que je passerais beaucoup de temps en prison, mais j'espère aussi que le moment viendra où je sortirais de prison. Ce que je souhaite, c'est revenir à Vlasenica. Je souhaite faire ce qui est en mon pouvoir, si toutefois c’est possible, pour que ces gens retournent chez eux et revivent ensemble. Et à aucun moment je ne souhaiterais constituer une menace pour qui que ce soit. Si à un moment donné je devais avoir l'impression que je gênais quelqu'un, je serais prêt à repartir. J’irais m'installer chez des parents mais  tant que je vivrai j'y reviendrais jusqu'à ce que j'ai l'impression de ne plus constituer une gêne, une entrave à la vie de ces gens, pour les aider à commencer une vie nouvelle dans cette ville, qui n'a pas été complètement détruite en fait.

J'ai fait mes aveux et comme mon conseil l'a dit, j'espère que d'autres suivront mon exemple, de quelque côté qu'ils soient, et j'espère que cela encouragera tous ceux qui ont commis des actes atroces à assumer leurs responsabilités, car ce n'est que comme cela qu'il sera possible de rétablir une cohabitation des peuples dans ces contrées. Il faudra du temps pour cela. Nous tous qui avons pris part directement à tout cela, il nous faut comprendre que nous serons un facteur important dans cette réconciliation et le rétablissement de la vie commune. Ce Tribunal joue un rôle important en ce sens, et j'essaie de l’y l'aider.

Nous ne devons jamais oublier les victimes. Je ne peux pas parler aux noms des autres, je ne peux parler qu'en mon propre nom. Parmi ces victimes, j’avais de vrais amis, des gens avec qui j'ai grandi et je veux réitérer l’expression de mes remords les plus sincères pour tout ce que j'ai commis là-bas. J'espère avoir l'occasion de me racheter et d'agir autant que possible pour réduire leur souffrance. Un message m'a été envoyé, une parente m'a rendu visite et Monsieur le Président, Madame le Juge, je souhaite saisir cette occasion afin de vous remercier de m'avoir donné la parole, de m'avoir entendu. Je vous remercie en mon nom et au nom de ma mère et de ma sœur, qui sont ici. Je leur ai dit que cela se déroulait en audience publique et elles m'ont demandé de faire passer le message que leur porte est ouverte à tout moment, que tous ceux qui souhaitent s’entretenir avec elles sont bienvenus, qu’il s’agisse de victimes ou même de gens qui n’ont pas été à Sušica.

On peut considérer qu'il ne s’agit que de paroles en l'air et que ceci ne suffit pas, qu'il faut passer aux actes. Or je suis prêt à travailler sur le retour et le rétablissement de la confiance, le retour de ces personnes déplacées. C'est mon souhait.

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