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Stevan Todorović

…il m'est arrivé de prendre de mauvaises décisions et de commettre des actes qui n'étaient pas corrects et je n'avais pas assez de courage et assez de détermination à l'époque pour empêcher les volontaires et les criminels locaux de faire ces actes répréhensibles et de procéder au pillage des biens des habitants. Je le regrette profondément.

Stevan Todorović était chef de la police et membre de la Cellule de crise de la municipalité serbe de Bosanski Šamac, en Bosnie-Herzégovine, en 1992 et 1993. Il a persécuté des non-Serbes pour des raisons politiques, raciales et religieuses. Il a, pendant huit mois, battu et torturé des hommes. Il a ordonné des interrogatoires et y a participé, forçant des détenus à signer de fausses déclarations. Il a donné des ordres et des directives qui faisaient fi du droit des civils non serbes à l’égalité devant la loi. Stevan Todorović a accepté de coopérer avec l’Accusation en fournissant des informations exactes et complètes et en témoignant au procès de ses anciens coaccusés. La Chambre de première instance a également pris en compte le souhait qu’il a exprimé de réaliser, sur la base de ses remords, des actions positives pour contribuer à la réconciliation en Bosnie-Herzégovine. Il a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement.

Lire son aveu de culpabilité

4 mai 2001 (extrait du compte rendu d'audience)

(interprétation): Messieurs les Juges, de ma vie, je n'ai jamais désiré être un chef de police. Mais le destin ou peut-être des circonstances malencontreuses m'ont emmené à cet endroit, à ce poste en période de guerre. Et je suis là devant vous, devant la communauté internationale et devant Dieu. La guerre est un enfer. La ville de Bosanski Šamac ainsi que le poste de police ont été, au cours de toute la guerre, situés en plein sur la ligne de front. Les obus d'artillerie pilonnaient la ville presque tous les jours, ainsi que tout le territoire de la municipalité. Il arrivait très souvent que des gens perdent la vie, les soldats se faisaient blesser, les civils aussi et les enfants ont également souffert de tout ceci. J'ai dû assister à des enterrements d'amis, de connaissances et de membres de ma famille.

Des Serbes qui sont venus d’Odžak et d’Orašje ont témoigné de tout ceci. Les événements se déroulaient très rapidement et il était parfois très difficile d'arriver à une bonne décision. Mon comportement était influencé par une très grande peur, la panique, le stress, la fatigue et parfois l'effet de l'alcool. Dans un tel état, il m'est arrivé de prendre de mauvaises décisions et de commettre des actes qui n'étaient pas corrects et je n'avais pas assez de courage et assez de détermination à l'époque pour empêcher les volontaires et les criminels locaux de faire ces actes répréhensibles et de procéder au pillage des biens des habitants. Je le regrette profondément.

Avant la guerre, je n'avais jamais planifié le nettoyage ethnique ni la persécution des habitants et je n'avais même pas connaissance de ce genre de plan. Et quelques semaines après le début de la guerre, j'ai pu remarquer qu'un grand nombre de non-Serbes était en train de quitter la région, la municipalité de Šamac. J'avais compris ce qui se passait mais je n'avais pas assez de courage pour empêcher la commission de ces actes illégaux et inhumains à l'encontre de la population civile non serbe, à cause desquels cette population quittait le territoire de la municipalité non serbe de Šamac. Certaines personnes sont parties, même avant les conflits. Certaines personnes ont quitté la Yougoslavie pour se rendre en Europe de l'ouest tandis que nombre d’entre eux ont, magré eux ,fait l'objet d'un échange. Ces échanges, à l'époque, me semblaient une solution temporaire. Aujourd'hui, je comprends qu’ils étaient illégaux.

En automne 1992, j'ai compris que les volontaires de Serbie avaient fait plus de dégâts et provoqué plus de malheurs qu’ils n’avaient fait de bien. Puisque j'avais encore peur d'eux, nous avons entamé en secret une initiative pour nous en débarrasser et les chasser en Serbie. Après cela, ils ont fait l'objet d'arrestations et ils ont été transférés dans la prison militaire de Banja Luka. Cette année, en 1992, j'ai été tout à fait conscient que les Croates et les Musulmans ont souffert malheureusement beaucoup. C'est la raison pour laquelle j'éprouve de très profonds regrets. Tous les jours, je prie Dieu de pardonner ma faute.

J'ai coopéré pleinement avec le Tribunal et je suis prêt, et à l'avenir également, à venir témoigner, à coopérer et à dire tout ce dont j'ai connaissance dans l'intérêt de la vérité et de la justice. Mon désir profond -et bien sûr cela dépend de vous, Monsieur le Président et Messieurs les Juges- est de  pouvoir retourner dans la merveilleuse période d'avant la guerre, où tous les habitants de Bosnie vivaient heureux ensemble. Malheureusement, je ne peux pas changer le passé. Je désire essayer de changer l'avenir et je suis prêt à m’y employer, si vous me donnez une chance. Si le destin m'offre la possibilité de le faire, je me consacrerai à ma famille et à mes enfants. Et je suis prêt également aux plus gros efforts pour que cette nouvelle Bosnie multiethnique redevienne ce qu'elle était auparavant. J'essaierai d'agir de façon positive auprès de mon entourage, et  de faire en sorte que les blessures causées par ces conflits multiethniques guérissent le plus tôt possible; et je crois que tous les peuples doivent vivre ensemble, se respecter mutuellement et vivre en harmonie. J'essaierai de la sorte de me racheter pour les torts que j'ai commis, devant Dieu et devant les êtres humains.

Même si je suis là devant vous, Messieurs les Juges, en tant qu'accusé, je vous remercie de votre attention, de votre compréhension, et je vous remercie d'avoir protégé mes droits. Merci.

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