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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
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5 Jeudi 19 mars 1998
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9 L'audience est ouverte à 11 heures 20.
10 (Audience à huis clos) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]
11 M. le Président. - Monsieur le Greffier, veuillez introduire le
12 Général Blaskic
13 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience)
14 M. le Président.- Ensuite, Monsieur le Greffier, veuillez
15 introduire M. Mesic.
16 (Le témoin, M. Mesic, est introduit dans la salle d’audience.)
17 M. le Président. - Nous avons une lourde journée aujourd'hui.
18 Nous allons essayer d'achever le témoignage de M. Mesic. Ensuite, nous
19 avons un autre témoin, peut-être même deux autres, Monsieur Harmon, en
20 tout cas l’un qui risque de prendre un certain temps.
21 Nous devons procéder à une audience ex parte.
22 Pourquoi va-t-on essayer de faire tout cela ? Parce M. Mesic
23 doit témoigner demain dans un autre procès. Le Président de l'autre
24 Chambre m'a bien dit que cela durait un petit peu dans l'après-midi, mais
25 l'expérience démontre qu'il n'est pas toujours possible de réaliser ce
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1 genre d'engagement.
2 Nous allons essayer, sinon nous siégerons une partie de demain
3 après-midi.
4 Maître Nobilo, pour la poursuite de votre contre-
5 interrogatoire...
6 Je salue les interprètes. J'avais oublié de le faire, mais je
7 pense qu'elles m'ont
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10 entendu.
11 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie,
12 Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur Mesic.
13 Nous allons poursuivre le contre-interrogatoire. Je ne serai pas
14 long.
15 Hier, à un moment donné, nous avons abordé un entretien que vous
16 avez donné à un hebdomadaire de "Herceg Novi". Pour les interprètes, il
17 s'agit du n° 10. Vous avez dit que vous n'aviez pas souvenir de cet
18 entretien. Par conséquent, je vais vous donner lecture d'une partie de cet
19 article pour voir si c'était, à l'époque, votre opinion et votre point de
20 vue sur ce problème.
21 Il s'agit du "c", pour les interprètes. Il s'agit de
22 Nikola Koljevic qui s'est rendu à Zagreb. Vous vous en souvenez
23 probablement.
24 "Question : récemment, M. Nikola Koljevic s'est rendu à Zagreb.
25 Pour le Tribunal, j'explique que Nikola Koljevic est l'un des dirigeants
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1 des Serbes de Bosnie. Dans la presse bosniaque, on a interprété cela comme
2 une entente avec Franjo Tudjman sur le partage de la Bosnie-Herzégovine.
3 Est-ce exact ?"
4 Suit votre réponse : "C'est ce que la propagande de Milosevic
5 aimerait dire. La Croatie part toujours du principe qu'il faut négocier et
6 ne pas faire la guerre. C'est la raison pour laquelle on nous a beaucoup
7 critiqués, car nous avons essayé de négocier avec tous, y compris avec
8 Milosevic. Si M. Koljevic vient à Zagreb et qu'il souhaite avoir des
9 pourparlers, nous allons discuter avec lui ; c'est normal. Cela ne veut
10 pas dire pour autant que nous partageons la Bosnie-Herzégovine avec lui.
11 La Croatie conserve le principe selon lequel les frontières doivent être
12 respectées et selon lequel la Bosnie-Herzégovine ne doit pas être divisée.
13 Les citoyens de Bosnie-Herzégovine décideront eux-mêmes de leur destin".
14 Puis, une autre question du journaliste : "Les intellectuels bosniaques,
15 qui aiment s'appeler "intellectuels croates" depuis peu, critiquent
16 Franjo Tudjman pour son partage de la Bosnie-Herzégovine. Quels sont vos
17 commentaires là-dessus ?" Votre réponse : "Cela découle d'une ignorance de
18 ce
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21 que M. Franjo Tudjman a déclaré.
22 Il a déclaré qu'en principe, il est pour la souveraineté de la
23 Herceg-Bosna et c’est pourquoi il a eu des entretiens avec
24 M. Alija Izetbegovic, et la raison pour laquelle il a essayé de fournir
25 des arguments à M. Izetbegovic, pour qu'il accepte tout d'abord le concept
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1 d'une confédération et, par la suite, le principe de la souveraineté de la
2 Bosnie-Herzegovine. »
3 En effet, il s'agit de la seule manière de se débarrasser de la
4 Yougoslavie, qui n'existe plus, mais qui est utilisée par la Serbie pour
5 remplir ses intérêts impérialistes. Je pense que la Bosnie a attendu trop
6 longtemps, mais malheureusement nous ne pouvons rien changer à cela
7 maintenant.
8 Nous devons résoudre le problème actuel. En d'autres termes,
9 Franjo Tudjman n'a jamais dit qu'il fallait partager la Bosnie-Herzegovine
10 . Mais il a dit que le peuple croate ne pouvait rester sur la touche en
11 Bosnie-Herzegovine. Le peuple croate en Bosnie-Herzegovine ne souhaite
12 entrer dans aucune Yougoslavie ou dans aucune Sloboslavie. Il souhaite que
13 sa souveraineté soit respectée, et que la coopération avec la Croatie soit
14 possible d'une manière ou d'une autre".
15 Fin de lecture.
16 Monsieur Mesic, est-ce que vous avez affirmé à l'époque, au
17 moment de la visite de Koljevic à Zagreb , est-ce que ce sont vos termes,
18 et tenez-vous à cette opinion ?
19 M. Mesic (interprétation). - Je crois que ce texte n'est pas en
20 rapport avec ce que j'ai dit. Je vous ai dit que je ne me souvenais ni de
21 ce journal ni de cette interview, je n'ai jamais donné cette autorisation.
22 Manifestement, cela a été écrit d'une certaine manière. Certaines choses
23 sont acceptables, mais d'autres sont de pures inventions, y compris des
24 mots que je n'utilise jamais
25 M. Nobilo (interprétation). - Que pourriez-vous accepter là-
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1 dessus, y compris aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vous semble représenter la
2 vérité ? Est-ce que par exemple, on peut
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5 dire qu'il est vrai que l'ignorance de la politique de Franjo Tudjman,
6 selon laquelle il souhaite partager la Bosnie-Herzegovine, c'est-à-dire
7 qu'il est pour la souveraineté de la Bosnie-Herzegovine, mais qu'il
8 souhaite protéger le peuple croate ?
9 M. Mesic (interprétation). - Je ne vais pas entrer dans une
10 discussion sur cet entretien. Je l'estime non authentique et je ne ferai
11 pas de commentaires dessus.
12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez mentionné Fikret Abdic
13 pour le Tribunal de. S'agit-il d'un Musulman ?
14 M. Mesic (interprétation). - Je pense que c'est là son
15 sentiment.
16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé d'un rôle positif
17 de la République de Croatie à Bihac ,pouvez-vous nous expliquer en
18 quelques phrases de quoi il s'agissait en quel sens leur rôle a été
19 positif ?
20 M. Mesic (interprétation). – La Croatie a aidé à la libération,
21 a aidé à briser le blocus de Bihac. Le Cinquième corps était mis en
22 danger.
23 M. Nobilo (interprétation). – Pour le Tribunal qui ne connaît
24 pas la région, le Cinquième corps, s'agit-il de l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine ?
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1 M. Mesic (interprétation). – Oui, c'est exact.
2 M. Nobilo (interprétation). – Et la Croatie a aidé pour qu'il se
3 maintienne et qu'il combatte les forces serbes ?
4 M. Mesic (interprétation). - Oui ? Sisre Tadic a attaqué le
5 Cinquième corps avec les forces serbes.
6 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi Monsieur le Président,
7 les questions-réponses vont rapidement. Je remarque que M. Nobilo pose une
8 question qui était interprétée. Monsieur Mesic a répondu avant que
9 l'interprétation ne soit achevée. Monsieur Nobilo a posé une autre
10 question. Je pense que, pour tout le monde, il serait préférable que
11 l'interprétation soit achevée avant que les questions ne soient posées et
12 que les réponses ne soient fournies. Merci.
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15 M. le Président. – Maître Nobilo est d’accord.
16 M. Nobilo (interprétation). – Oui, nous allons essayer
17 d'introduire des pauses entre les questions et les réponses.
18 Lorsqu’on a mal compris que vous aviez demandé de tuer Kordic,
19 comment avez-vous compris le fait que l'on ne pouvait donner des ordres à
20 Kordic ? Kordic était-il autonome ?
21 M. Mesic (interprétation). – Je pense qu'il est tout à fait
22 clair qu'il s'agissait là d'une démarche plus libre. C'est-à-dire que je
23 ne pouvais pas donner l'ordre de tuer Kordic et je n'ai jamais donné cet
24 ordre à qui que ce soit. Cela aurait été une interprétation trop libre. Ce
25 que j'ai demandé à Mate Boban, c'est de laisser faire et il m'a affirmé
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1 qu'il ne pouvait pas car, s'il pouvait tout ordonner à Kordic,
2 probablement qu'il aurait pu également lui ordonner cela.
3 M. Nobilo (interprétation). – On peut en conclure que cela
4 n'était pas réel, qu’il vous a menti d'une certaine manière ?
5 M. Mesic (interprétation). - C'était réel qu'il pouvait donner
6 des ordres à Kordic.
7 M. Nobilo (interprétation). – Vous avez parlé de déplacements
8 humains de population. Lorsque vous avez mentionné cette expression, vous
9 avez dit qu'on avait commencé à l'utiliser. Pourriez-vous nous dire où
10 vous avez entendu cette expression, qui l’a prononcée, dans quel
11 contexte ? S'agissait-il d'une réunion officielle, d'une conversation lors
12 d'un dîner, d’un déjeuner ?
13 M. Mesic (interprétation). - J'ai entendu parlé de déplacements
14 humains de population pour la première fois, au cours des pourparlers avec
15 la direction bosniaque. Tudjman a utilisé cette expression plusieurs fois
16 pour que l'on diminue le nombre de victimes auprès de la population, pour
17 que l'on diminue les conflits. Il fallait donc permettre les déplacements
18 humains de population. Il a réitéré cela à plusieurs reprises au cours de
19 ses déclarations officielles et la personne qui vous a donné toutes ces
20 coupures de presse pourra également vous trouver des coupures de presse
21 qui parlent de déplacements humains de populations. La date ne m'intéresse
22
23
24 pas.
25 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer ce
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1 que l'on entend par “déplacements humains de populations” ? S'agit-il pour
2 le gouvernement de permettre à la population qui souhaite échanger sa
3 maison ou son appartement avec quelqu'un d'autre de le faire ? Pouvez-vous
4 nous donner des détails ?
5 M. Mesic (interprétation). - Cela signifie que, si tu mets le
6 feu à cinq villages, le sixième disparaît de lui-même.
7 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce Tudjman qui l’a dit ?
8 M. Mesic (interprétation). - Non, c'est ce que j'en conclus. Il
9 s'agit de quelqu'un qui quitte son village, sa ville, sa propriété. Mais
10 moi, je n'ai encore jamais vu quelqu'un d'assez idiot pour le faire.
11 M. Nobilo (interprétation). - Mon collègue me dit que cela
12 allait trop vite. Les interprètes ont-elles réussi à interpréter ou pas ?
13 Je vous ai donc demandé si Tudjman a dit que les déplacements
14 humains de populations sous-entendaient que l'on mettait le feu à cinq
15 villages et que le sixième disparaissait de lui-même ?
16 M. Mesic (interprétation). - Je crois que vous m'avez
17 parfaitement compris. Il s'agit du fait que les déplacements humains de
18 populations sont justifiés parce que l’on venait en aide à la population.
19 Mais, étant donné que je suis un être raisonnable, je comprends
20 parfaitement de quoi il s'agit.
21 De quels déplacements humains de populations parle-t-on ? De
22 quelqu'un qui doit abandonner son village, sa propriété, sa famille, ses
23 amis et dire qu'il part humainement ? Il part parce que sa vie est mise en
24 danger, c'est-à-dire qu'il y a des circonstances préalables qui font qu'il
25 doit partir. Pour moi, le déplacement humain de population ne vise qu'à
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1 remplacer le terme "génocide".
2 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit donc de votre point de
3 vue. Vous avez dit que vous avez donné comme exemple des volontés croates
4 le fait que la monnaie croate avait été introduite dans des parties de
5 Bosnie-Herzégovine contrôlées par les Croates. Je vous pose la question
6 suivante : quelle monnaie était en vigueur à l'époque en
7 Bosnie-Herzégovine ? Ne s'agissait-il pas du dinar yougoslave qui a eu un
8 impact sur la Croatie tout d'abord, puis sur la Bosnie-Herzégovine ?
9 M. Mesic (interprétation). - Oui, la première attaque monétaire
10 a été effectuée sur la Croatie puis sur la Bosnie-Herzégovine, mais, je ne
11 pensais pas critiquer cela. J'ai constaté l'effet simplement. La monnaie
12 croate existait et c'est le cas aujourd'hui. Il y avait également la
13 monnaie allemande. Je n'ai aucune objection. C'est la situation telle
14 qu'elle était à l'époque.
15 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous entendu, de la bouche du
16 Président Tudjman ou de la part de la direction du gouvernement croate,
17 que lui-même ou ses collaborateurs... Au cours de réunions auxquelles vous
18 avez participé avec les dirigeants des Croates de Bosnie, avez-vous
19 entendu parler de "territoires ethniquement purs", en d'autres termes que
20 des représentants d'autres religions, d'autres ethnies devraient
21 abandonner les territoires contrôlés par les Croates ?
22 M. Mesic (interprétation). - J'ai le souvenir seulement que
23 Tudjman a affirmé que, après cette guerre, il resterait environ 5 % de
24 Serbes en Croatie. Maintenant se pose la question -ce sont des
25 spéculations- : pensait-il de cette manière, parce qu'une partie des
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1 Serbes partirait de son plein gré, ou pensait-il que la politique allait
2 le faire de la sorte ? Il ne l'a pas dit, mais il estimait qu'il en
3 resterait 5 %. Donc, sur 10 % à 12 % au départ, il en resterait 5 % par la
4 suite.
5 Mais nous pouvons également interpréter cela différemment. J'ai
6 participé à un entretien avec Bela Tonkovic qui venait comme chef des
7 Croates de Voïvodine de Serbie. Tudjman lui a proposé de faire en sorte
8 que les Croates de Voïvodine échangent leur maison et qu'ils viennent en
9 Croatie, qu'ils quittent Voïvodine.
10
11
12 Bela Tonkovic n'était pas d'accord avec cela. Il a dit que,
13 depuis des siècles, ils avaient habité là-bas, que leurs ancêtres avaient
14 habité en Voïvodine et qu'ils comptaient y rester. Cet entretien a été
15 relativement dur et je pense que Bela Tonkovic n'est plus revenu en
16 Croatie pendant un moment après cela.
17 M. Nobilo (interprétation). - Mais ma question portait sur la
18 Bosnie-Herzégovine. Au cours de ces réunions ou au cours d'autres réunions
19 officielles, ou de réunions privées, Tudjman vous a-t-il dit que, en
20 Bosnie-Herzégovine, dans les parties contrôlées par la Croatie, il fallait
21 chasser la population non croate ?
22 M. Mesic (interprétation). - Non, il n'a jamais dit ouvertement
23 qu'il fallait chasser la population non croate.
24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de la double
25 nationalité au cours de l'interrogatoire, alors j'aimerais vous poser une
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1 question. Cette double nationalité n'était-elle prévue que pour les
2 Croates de Bosnie-Herzégovine ou pour tous les Croates du monde entier ?
3 Les Croates ethniques qu’ils aient vécus en Amérique ou en Australie
4 peuvent-ils obtenir cette double nationalité ?
5 M. Mesic (interprétation). - Selon notre législation, tous les
6 Croates ethniques, toutes les personnes nées croates peuvent obtenir la
7 nationalité croate.
8 M. Nobilo (interprétation). - La question suivante est liée à
9 cette double nationalité et à la législation que vous avez mentionnée. Le
10 droit d’être électeur et représentant au parlement croate ne revient-il
11 qu'aux Croates de Bosnie-Herzégovine ou à tous les Croates ethniques ? Des
12 Croates en Australie ou aux Etats-Unis votent-ils pour le Parlement
13 croate ?
14 M. Mesic (interprétation). - Ici, il fallait que le HDZ dispose
15 de 12 représentants et de 10 % au parlement croate. Ce qui se passe aux
16 échecs avec la tour, c’est un peu ce qui se passe aux élections croates.
17 Le HDZ contrôlait tous les Croates de la diaspora, en tout cas
18 une majorité, ce
19
20
21 contrôle est manifeste. Je vais vous en citer un élément : tous les
22 Croates qui vivent en Australie et qui ont régularisé leur nationalité
23 avec la République de Croatie (et à Sydney, et à Melbourne, etc., donc
24 tous les Croates qui vivent là-bas et il y en a énormément), tous ont voté
25 au cours des dernières élections. Personne n'était en voyage d'affaire ou
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1 à l'hôpital, tout le monde a voté, absolument tous ont voté, soit 100 %.
2 S'agit-il d'élections vraiment sérieuses ? Je vous laisse le soin d'en
3 juger.
4 S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, dès que cette décision a
5 été prise, j'ai pris contact avec M. Trnka, l’ambassadeur de la Bosnie-
6 Herzégovine. Je lui ai dit que cela allait déstabiliser la Bosnie-
7 Herzégovine, mais que ce type d’élections allaient également porter
8 attente à la Croatie.
9 Donc je lui ai demandé d’exprimer son désaccord à la direction
10 de la Bosnie et de se prononcer contre la possibilité pour tous les
11 Croates en Bosnie-Herzégovine de voter pour les élections au parlement
12 croate. En effet, d'autres pays et d’autres systèmes sérieux, car le nôtre
13 ne l'est pas selon moi, permettent aux citoyens qui se trouvent à
14 l'étranger de voter pour leur parlement ; car c'est dans ces pays-là
15 qu’ils paient leurs impôts et qu'ils ont des obligations.
16 Nous avons eu des citoyens qui ne font pas partie de la diaspora
17 croate et qui sont des citoyens de Bosnie-Herzégovine, qui y sont nés,
18 leurs ancêtres y sont nés depuis des générations ; ils ne paient
19 certainement pas d'impôts en Croatie et ils prennent des décisions qui
20 nous concernent tous, nous qui avons des responsabilités et qui payons des
21 impôts dans ce pays. C'est la raison pour laquelle j'y étais opposé.
22 J'estime que cette loi, tôt où tard, ne sera plus en vigueur car
23 il s'agit d'une tricherie.
24 Aujourd’hui, dans la fédération de Bosnie-Herzégovine, et dans
25 l’Etat de Bosnie-Herzégovine, vous avez des personnes haut placées qui
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1 sont membres du Parlement croate. Selon moi, un tel exemple est sans
2 précédent dans le monde.
3 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais résumer brièvement la
4 situation. Etes-vous
5
6
7 d'accord avec moi pour dire que l'ensemble de la diaspora croate peut
8 voter lors d'élections du parlement croate et non seulement les Croates de
9 Bosnie-Herzégovine ?
10 M. Mesic (interprétation). - Absolument, car toute la diaspora
11 est contrôlée par l'Union démocratique croate et cela dans l'intérêt du
12 HDZ et de Tudjman.
13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez occupé des fonctions de
14 haut niveau...
15 M. le Président. - Je vous demanderai, Maître Nobilo, je crois
16 que les Juges ne vous interrompent pratiquement jamais, mais quand même,
17 quand vous posez une question vous avez une réponse. Si vous devez encore
18 dire : « Je crois donc que cela veut dire ceci, cela veut dire cela »,
19 cela rallonge beaucoup. Vous posez une question, vous avez une réponse. Si
20 au bout de quatre, cinq, six questions, vous dites : « Alors, si j'ai bien
21 compris... », j'allais dire un peu cruellement : « C'est votre problème de
22 savoir si vous avez bien compris ou pas, Maître Nobilo ». Après tout,
23 les Juges ont peut-être bien compris. C'est un peu compliqué. Vous posez
24 trois, quatre, cinq questions sur le problème du statut de la nationalité.
25 Le témoin vous répond : vous comprenez ou vous ne comprenez pas. Vous en
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1 tirez les conclusions. Si, chaque fois, il faut dire : « Si j'ai bien
2 compris », j’allais dire : « C'est votre problème de savoir si vous avez
3 bien compris ». Vous voyez ce que je veux dire ?
4 M. Nobilo (interprétation). - Oui, je comprends bien, Monsieur
5 le Président, mais ce que j’essaye de faire, je pose une question
6 directe : « Les Croates hors de Bosnie-Herzégovine peuvent-ils élire des
7 membres du Parlement croate ? » On aurait pu répondre oui. Mais M. Mesic
8 fait de la propagande contre le HDZ. Je n'ai rien contre cela, mais
9 j'essaie de résumer.
10 M. le Président. - Votre résumé, j’ai envie de dire, il n'est
11 peut-être pas plus objectif que d'autres résumés. C'est votre résumé à
12 vous. Vous posez les questions et vous en tirerez les conclusions le
13 moment venu. Je veux dire que nous ralentissons beaucoup.
14 Vous dites : « Si j'ai bien compris... », je maintiens que c'est
15 votre problème de
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17
18 savoir si vous avez compris ou pas. C'est comme si vous disiez : « Si
19 les Juges ont bien compris ». C'est leur problème. Nous n'en sortirons pas
20 si c'est chaque fois cela. Vous posez des questions très précises qui sont
21 dans le cadre de l’interrogatoire, le témoin vous répond et vous reposez
22 éventuellement d'autres questions plus précises, je ne vous l'interdis
23 pas, en ce qui me concerne.
24 Mais si, vraiment, à la fin de tout ce développement, on doit
25 encore reprendre des questions pour savoir si Me Nobilo a bien compris,
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1 là, je ne suis pas du tout, excusez-moi de vous le dire très gentiment et
2 avec beaucoup de courtoisie, je ne suis pas du tout d'accord.
3 M. Nobilo (interprétation). - Je tiendrai compte de ce que vous
4 avez dit.
5 M. le Président. - Question de propagande, si j'ai bien compris
6 hier, vous êtes quand même bien au fait de ces questions, d’après ce qu’a
7 dit le témoin, donc vous devriez arriver à comprendre. Je suis persuadé
8 que vous êtes très intelligent pour comprendre.
9 M. Nobilo (interprétation). - Je suis entièrement d'accord. J’ai
10 bien compris de quoi il s'agit, simplement j'essaie de faire la part entre
11 la propagande politique et la procédure, mais j'ai parfaitement compris
12 que je ne devais pas faire de la sorte et je tiendrai compte de vos
13 recommandations. Nous passons à la suite.
14 Monsieur Mesic, je vous serais reconnaissant, en raison des
15 contraintes de temps et du fait que nous avons un programme chargé
16 aujourd'hui, de répondre de manière brève et directe et de ne pas répéter
17 ce que vous avez déjà dit. En effet, nous devons penser aux contraintes de
18 temps.
19 J'ai commencé par dire que vous avez occupé des fonctions de
20 tout premier ordre et que vous connaissez peut-être un certain nombre de
21 nuances, mieux que l'homme de la rue, que nous-mêmes et que le Tribunal
22 qui ne connaît pas bien la région.
23 Pouvez-vous nous dire s'il existe une différence au sein du
24 peuple en Bosnie-Herzégovine ? Y aurait-il une partie que l'on pourrait
25 appeler plutôt Herzegovine et une partie
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1
2
3 plutôt bosniaque ? Y a-t-il des différences ?
4 M. Mesic (interprétation). - Ils n'ont pas connu le même sort.
5 La majorité des Croates de Herzégovine sont restés et la majorité des
6 Croates en dehors de la Bosnie et en dehors de l’Herzégovine ont dû, pour
7 toute une série de raisons, quitter leurs maisons.
8 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire... La
9 traduction n'est pas exacte et dit que la majorité des Croates de
10 Herzégovine est restée dans son foyer. C'est la majorité des Croates en
11 dehors de l’Herzégovine qui est partie.
12 M. Mesic (interprétation). - Pour telle ou telle raison.
13 M. Nobilo (interprétation). - Aux fins du compte rendu, êtes-
14 vous d'accord que la traduction était erronée ?
15 M. Mesic (interprétation). - Oui.
16 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'interrogatoire principal,
17 vous avez dit que le résultat de la politique catastrophique du
18 président Tudjman a chassé 500.000 Croates de Bosnie-Herzégovine.
19 M. Mesic (interprétation). - En partie, pas uniquement à cause
20 de cela. Bien entendu, la raison essentielle est l'agression serbe. La
21 deuxième raison est la politique de Franjo Tudjman.
22 M. Nobilo (interprétation). - Sur ces 500.000, y avait-il une
23 majorité de Croates de Bosnie centrale qui sont partis ?
24 M. Mesic (interprétation). - Je n'ai pas les données précises
25 mais, si vous me posez des questions sur cette politique erronée, je pense
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1 qu'un élément suffit. Les Croates à Sarajevo, après avoir été encerclés,
2 ont obtenu l'ordre, la tâche de Mate Boban -Miljenko Brkic peut vous le
3 confirmer- selon lequel tous les Croates devaient abandonner toutes les
4 fonctions en Bosnie-Herzégovine, même les professeurs qui, en nombre, en
5 pourcentage, étaient peu nombreux. Il y avait peu de Croates mais ils
6 avaient des regroupements importants. Il y avait plus de
7
8
9 200 professeurs d'université, enseignants et assistants.
10 Miljenko Brkic a demandé à Mate Boban : « Mais où devons-nous
11 aller de Sarajevo ? Ceux qui restent à Sarajevo sont considérés comme des
12 traîtres », avant la prise des voies d'accès à Sarajevo par les Serbes.
13 Mate Boban lui a dit : « Venez chez nous, nous vous traiterons comme nous-
14 mêmes ». Il y avait donc une politique selon laquelle les Croates
15 quittaient un endroit.
16 Les gens de Vares m'ont dit la même chose, des membres du
17 conseil populaire croate de Vares. Josip Jozelic, notamment, m'a dit que
18 le HVO avait vidé des zones de population croate en raison d'un certain
19 nombre d'arrangements dont il n'a pas pu me donner plus de détails car il
20 ne savait pas de quoi il s'agissait.
21 J'affirme donc que cette politique a également amené à des
22 déplacements de populations, et pas seulement l'agression serbe.
23 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire,
24 alors, que la partie de l'Herzégovine est responsable ? Ces regroupements
25 de personnes sont nés et ils ont essayé de les vider car il s'agissait
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1 d'un obstacle ; ils ont donc essayé d'évacuer ces enclaves ?
2 M. Mesic (interprétation). - Oui, sans doute y a-t-il eu des
3 personnes qui partageaient l'opinion que vous venez de formuler. Je ne
4 peux pas rentrer dans les détails. Qui a donné les ordres ? Comment une
5 telle politique a été mise en oeuvre ? Je n'en sais rien. Il y a souvent
6 des subtilités qui ne sont pas détectables au premier regard dans ce genre
7 de situations. Certainement, personne n'aurait émis des ordres qui, par la
8 suite, pourraient faire l'objet de critiques. On procède de façon
9 différente.
10 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous prendre l'exemple de
11 Vares et de ce qui s'est passé à Stupni Do ?
12 M. Mesic (interprétation). - Les personnes qui ont commis les
13 massacres ou les crimes à Stupni Do voulaient manifestement créer un
14 sentiment de peur au sein de la population
15
16
17 croate et essayer de leur faire croire que les Bosniaques allaient essayer
18 de se venger. Cela allait dans l'intérêt de tous. Je ne vois rien qui
19 puisse justifier un crime d'une telle proportion.
20 M. Nobilo (interprétation). - D'après vous, vis-à-vis de
21 l'enclave entourée par les territoires musulmans, qui n'avait aucun lien
22 avec l'Herzégovine ni avec la Croatie, que souhaitait faire
23 l'Herzégovine ?
24 M. Mesic (interprétation). - Je ne souhaite pas rentrer dans ce
25 type de détails. C'est la Croatie, c'est notre faute. C'est la faute de la
Page 7329
1 Croatie.
2 Nous sommes entrés dans un conflit contre la plus grande victime
3 de l'agression Serbe. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas de savoir si la
4 Croatie va rester là ou s’il elle va se déplacer, c'est tout le concept
5 qui est faussé. Mate Boban m’a dit, quelques mois avant sa mort, qu'il
6 pensait que l’Herzégovine allait rejoindre la Croatie, que la population
7 le souhaite ou non. Je peux même vous raconter une anecdote.
8 Deux ou trois mois avant sa mort, nous nous sommes rencontrés à
9 l’Intercontinental de Zagreb. Il m’a invité, nous avons pris un café
10 ensemble. J’ai bien sûr accepté son invitation de partager un verre avec
11 lui car après tout, nous étions tous les deux d'anciens chefs d'Etat, moi
12 un ancien chef d'Etat de Yougoslavie et lui de l’Herceg-Bosna, deux
13 entités qui toutes deux ont disparu. Il m’a dit : « oui, ces deux entités
14 ont disparu, mais la mienne, à ce jour, reste la plus forte ».
15 Je lui ai demandé où il comptait aller. Il m’a répondu qu’il
16 irait en Croatie. J’ignore s’il s’agissait d’une déclaration politique ou
17 simplement d’un rêve qu’il formulait. C’est un peu difficile à dire.
18 M. Nobilo (interprétation). - Vous citez un exemple très
19 intéressant. Vous dites que les Croates ont commis un crime à ce Stupni Do
20 et qu'ils souhaitaient que l'armée musulmane se venge de ces crimes ?
21 M. Mesic (interprétation). - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que
22 ces crimes avaient été
23
24
25 commis car l'objectif était d’insuffler un sentiment de peur auprès de la
Page 7330
1 population pour essayer de leur faire croire que les Musulmans allaient
2 essayer de se venger. Vous avez très bien compris ce que j’ai dit.
3 M. Nobilo (interprétation). - Bien sûr, j’ai compris, mais je
4 veux essayer d’établir une comparaison. Vous avez parlé des crimes
5 d’Ahmici, or la vallée de la Lasva était entourée par les forces de
6 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les Croates de la vallée de la Lasva
7 n'avaient aucun contact avec l’Herzégovine.
8 M. Mesic (interprétation). - Mais un crime a été commis dans
9 cette région.
10 M. Nobilo (interprétation). - Mais ce n'est pas le même modèle
11 qui a utilisé pour essayer d’intimider les Croates et pour essayer de les
12 faire quitter la vallée de la Lasva ?
13 M. Mesic (interprétation). - J’ai déclaré que tout le monde
14 était capable de commettre des crimes. Aucun peuple d'une nation
15 quelconque peut se sentir à l'abri d'une telle possibilité. Chacun peut, à
16 un moment donné, commettre certains crimes. Seul Milan Vukovic, le juge de
17 la Cour suprême de Croatie, a déclaré qu’un Croate ne peut jamais
18 commettre de crime. Cette déclaration révèle bien ce que pense la Cour
19 suprême et son dirigeant, cela révèle bien l’état de psychose qui régnait
20 en Croatie.
21 Pour ma part, je pense qu’il faut établir les culpabilités au
22 niveau individuel, qu’il s’agisse d’un Serbe, d’un Musulman ou d’un
23 Croate. Personne ne peut se sentir à l'abri de la commission de certains
24 actes. Je crois qu’il faut toujours établir la culpabilité au niveau
25 individuel.
Page 7331
1 M. Nobilo (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que
2 ce qui s'est passé à Stupni Do Vares aurait pu être un modèle qui a été
3 reproduit à Ahmici et dans d'autres secteurs de la vallée de Lasva.
4 M. Mesic (interprétation). - On peut le supposer, mais il est
5 important d’établir la vérité. Je préfère que vous ne me posiez pas une
6 question relative à mon opinion sur ce point
7
8
9 précis.
10 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous la moindre idée de la
11 façon dont la guerre a commencé dans la région de la vallée de la Lasva ?
12 Avez-vous une idée de l'équilibre des forces dans le secteur. Avez-vous
13 une idée quelconque de la question ?
14 M. Mesic (interprétation). - Je n'ai aucune information précise
15 sur ce point. Je recevais, de temps en temps, des rapports en provenance
16 de ce secteur géographique. Bien sûr, j’ai ma propre opinion sur la
17 question, mais cela importe peu. Je ne crois pas que cela intéresse la
18 Chambre de première instance.
19 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez nommé un certain nombre
20 de hauts représentants, de hauts officiers qui se trouvaient au sein de
21 l’armée croate, puis plus tard au sein du HVO. Je vous rappelle ces noms :
22 Petkovic, Roso, Praljak et Tolj. Ces personnes sont-elles nées en Bosnie-
23 Herzégovine ?
24 M. Mesic (interprétation). - Je sais simplement que Praljak est
25 né en Bosnie-Herzégovine. J’ignore d’où vient Petkovic, d’où il est
Page 7332
1 originaire. De temps en temps, il se trouvait au sein d'une armée, puis,
2 de temps en temps, au sein de l’autre armée. Qu'est-ce qui décidait de
3 leur départ ou de la durée de leur séjour au sein de telle ou tell armée ?
4 Je n'en sais rien.
5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit avoir entendu des
6 rumeurs selon lesquelles des soldats croates avaient participé à la guerre
7 en Bosnie-Herzégovine. Avez-vous parlé à un soldat croate quelconque qui
8 vous aurait dit qu'il a été obligé de se rendre en Bosnie-Herzégovine,
9 qu’il ne s’y était pas rendu de son propre gré ?
10 M. Mesic (interprétation). - Nombre de soldats sont venus me
11 voir, des soldats qui avaient combattu en Bosnie-Herzégovine. C'étaient
12 des soldats croates. Certains étaient des volontaires de Bosnie-
13 Herzégovine qui, eux aussi, sont venus me voir. Sinon, il s'agissait de
14 soldats croates. Je voyais leurs parents qui venaient me voir et qui me
15 disaient que leurs enfants n'étaient pas des volontaires, au contraire,
16 mais qu'ils avaient effectivement été combattre en Bosnie-Herzégovine.
17 Je dois reconnaître que j'ai demandé à obtenir une explication
18 officielle de la part du ministère de la Défense,
19 celui-ci m'a soutenu qu'il n’y avait eu aucune unité croate en
20 Bosnie-Herzégovine. Y en a-t-il eu ou pas, je ne sais pas. Je n'étais pas
21 inspecteur à l'époque. Il ne m’appartenait pas d'établir la vérité sur ce
22 point. Mes neveux, notamment Zlatko Nesic était un soldat et allait en
23 Bosnie. Il en est revenu et ce n'était pas un volontaire. Il est né en
24 Slavonie et n'a rien à voir avec la. Bosnie-Herzegovine ; pourtant, il y
25 est allé.
Page 7333
1 M. Nobilo (interprétation). - Vous m'avez demandé un nom je
2 vous en ai donné un...
3 Monsieur le Président. - L'interprète de la cabine française ne
4 l'a pas entendu. Le témoin a dit :"je vous ai donné un nom, vous m'avez
5 demandé un nom, je vous ai donné un nom"
6 M. Nobilo (interprétation). - Merci, excusez-moi.
7 Donc, vous avez bien obtenu un certain nombre d'informations.
8 Vous aviez des doutes quant à la situation. Avez-vous pris personnellement
9 des mesures pour qu'une enquête soit menée sur le sujet, car il revient à
10 l'assemblée de s'assurer de ce que fait l'armée à l'extérieur des
11 frontières ? Avez-vous essayé de former une commission ? Cette question
12 est-elle apparue sur l'ordre du jour d'une réunion quelconque, car cela
13 vous incombait -n'est-ce pas ?- au vu des règles de procédure de
14 l'assemblée ?
15 M. Mesic (interprétation). - Je n'avais aucune possibilité, rien
16 ne me permettait d'établir une telle commission d'enquête. Seule
17 l'assemblée pouvait décider la création d'une telle commission. J'étais un
18 primus interpares. J'ai essayé de faire ce que je pouvais faire. J'ai
19 demandé à Gosko Susac s'il y avait en Bosnie-Herzegovine l'une quelconque
20 de nos unités
21
22
23 armées. Il m'a dit "non". J'ai demandé ensuite à Franjo Tudjman ce qu'il
24 en était, parce qu'après tout beaucoup de gens essayaient de rentrer en
25 contact avec moi, non seulement dans mon bureau, mais également quand je
Page 7334
1 parlais à la radio ou à la télévision. Subitement, un auditeur m'appelait,
2 se présentait, des femmes souvent, et me disait : "Mon fils est dans
3 l'armée croate, il est en Bosnie" ; je ne pouvais pas savoir si c'était
4 vrai ou pas, je voulais m'assurer de la question. Nombre de personnes
5 disaient que l'armée croate n'était pas présente en Bosnie-Herzegovine. Il
6 fallait que je me décide. Est-ce que j'acceptais cette déclaration ou
7 pas ? Mais je n'avais aucune autre compétence qui m'aurait permis de faire
8 plus de recherches sur la question.
9 Personne n'avait demandé à la Croatie de faire en sorte que
10 l'armée croate sorte de ses frontières et entre sur un territoire autre
11 que le sien.
12 M. Nobilo (interprétation). - Mais en tant que porte-parole du
13 Parlement, avez-vous proposé qu'une commission d'enquête soit mise sur
14 pied ? Avez-vous demandé à ce que cette question figure à l'ordre du jour
15 de l'assemblée ? Avez-vous fait ce type de proposition ?
16 M. Mesic (interprétation). - Si le chef de l'Etat me dit qu'il
17 n'y a pas de soldats croates en Bosnie-Herzegovine, que voulez-vous que je
18 fasse ? Pourquoi voulez-vous que j'aille proposer la création d'une
19 quelconque commission, proposition qui serait peut-être acceptée par
20 l'assemblée où le HDZ est majoritaire ?
21 M. Nobilo (interprétation). - Mais voyons, cette proposition
22 serait très importante. Excusez-moi, je vais demander l'aide de l'huissier
23 pour qu'il vous fasse parvenir un autre document. Il s'agit du Journal
24 officiel de la République de Croatie. C'est là qu'apparaissent toutes les
25 lois, toutes les conclusions, toutes les règles qui sont votées. C'est là
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1 qu'elles sont publiées. Il s'agit du document n° 14. Je le précise pour
2 les interprètes.
3 Nous parlons de « Narodne Novine », Journal officiel de la
4 République de Croatie n° 27, daté du 6 avril 1993.
5 La Chambre des représentants de l'assemblée de la République de
6 Croatie, le
7
8
9 26 mars 1993, a adopté un certain nombre de conclusions et j'attire votre
10 attention sur la conclusion n° 3 qui stipule : "La Chambre des
11 représentants soutient la proposition du Président de la République de
12 Croatie et du Gouvernement de la République de Croatie et approuve la
13 politique qui est proposée. La Chambre des représentants est d'avis que la
14 cessation des hostilités va dans le sens des intérêts de la Croatie et
15 qu'il faut absolument trouver une solution politique à la crise qui règne
16 dans l'Etat souverain de Bosnie-Herzegovine». Ce document est signé par
17 Stjepan Mesic, Président de la Chambre des Représentants.
18 Vous rappelez-vous de ces conclusions ? Avez-vous bien apposé
19 votre signature au bas de ces conclusions ?
20 M. Mesic (interprétation). - Il n'y a aucun doute sur ce point.
21 M. Nobilo (interprétation). - Vous confirmez cette conclusion.
22 Au vu de ce que vous venez de dire, je me permets de vous faire
23 remarquer que vous avez signé des conclusions qui vont tout à fait dans le
24 sens inverse des informations qui ont été portées à votre connaissance.
25 M. Mesic (interprétation). - Mais que voulez vous dire ?
Page 7336
1 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien, je le répète, il va dans
2 l'intérêt de la Croatie d'arriver à une cessation des hostilités. Il faut
3 arriver à une solution politique des problèmes qui se sont posés dans
4 l’Etat souverain de Bosnie-Herzégovine.
5 M. Mesic (interprétation). - Mais la Bosnie-Herzégovine, en tant
6 qu’Etat souverain, m'a toujours beaucoup intéressée.
7 M. Nobilo (interprétation). - Donc, d'après vous, ceci est tout
8 à fait cohérent avec ce que vous faisiez et vos aspirations de l'époque ?
9 M. Mesic (interprétation). - Oui.
10 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous soumettre un autre
11 document, Monsieur
12
13
14 Mesic, si vous le voulez bien. Je demande à l'huissier de vous le
15 communiquer.
16 (L’huissier s’exécute.)
17 Ce document traite d'une autre question. Il s'agit là aussi du
18 Journal Officiel du 10 mai 1993. Je précise à l'intention des cabines
19 d'interprétation qu'il s'agit du document numéro 15 et de la publication
20 numéro 43 du « Narodne Novine » du 10 mai 1993.
21 Le texte de la conclusion indique ce qui suit :
22 «Conformément à l'article 1/1.3 du Règlement de procédure de la
23 Chambre des représentants de l'Assemblée croate, la Chambre des
24 représentants de la République de Croatie a adopté les conclusions
25 suivantes lors de sa session du 30 avril 1993.
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1 1- Les Musulmans et les Croates, les parties belligérantes, dans
2 la République de la Bosnie-Herzégovine sont appelés dans l'intérêt de la
3 protection de la vie humaine à défendre leur communauté historique, et
4 pour préserver la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine sont donc appelés
5 à mettre immédiatement un terme à tout conflit en cours à l'heure actuelle
6 en Bosnie-Herzégovine conformément à l'accord signé par les représentants
7 de ces deux populations.
8 2- Les parties belligérantes, qui ne respectent toujours pas
9 l'accord qui a été signé, sont appelées à traiter tous les problèmes
10 encore non résolus par le biais de leurs représentants civils et
11 militaires.
12 3- La Chambre des représentants remarque que la communauté
13 d’identité historique des Musulmans et des Croates est une pré-condition à
14 la survie de ces deux peuples sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,
15 et pour la fondation et la préservation de l'Etat souverain et intègre de
16 Bosnie-Herzégovine. Cela nous permettra également d'assurer son avenir.
17 4- Les deux populations sont appelées à joindre leurs forces et
18 a résisté à l’invasion serbe qui vise à annexer la Bosnie-Herzégovine pour
19 créer (je cite) la Grande
20
21
22 Serbie.
23 5- Pour arriver à une résolution pacifique des conflits actuels
24 et à la préservation de la souveraineté territoriale de la Bosnie-
25 Herzégovine, la Chambre des représentants se verra doter d’une
Page 7338
1 représentation multipartite qui offrira ses bons offices.
2 Daté du 30 avril 1993, Chambre des représentants, République de
3 Croatie, le Président de la Chambre des représentants Stjepan Mesic».
4 Authentifiez-vous ce document, Monsieur Mesic ?
5 M. Mesic (interprétation). - Oui.
6 M. Nobilo (interprétation). - Je passe au texte suivant.
7 Monsieur l'huissier, s’il vous plaît.
8 (L’huissier s’exécute.)
9 Il s'agit d'une déclaration portant sur la politique étrangère
10 de la République de Croatie. Je ne vais lire qu'une partie de ce texte,
11 celle qui traite de la Bosnie-Herzégovine. C’est le document numéro 16, je
12 le dis à l'intention des interprètes.
13 S’agissant du point 68 du «Narodne Novine », (Journal Officiel
14 de Croatie, daté du 14 juillet 1993, le titre est : «Déclaration sur la
15 politique étrangère de la République de Croatie».
16 Je ne vais m'attacher qu'au 4ème paragraphe. Je lis :
17 «L'intégrité de l'Etat indépendant et souverain de Bosnie-Herzégovine,
18 Etat reconnu au plan international, est soutenu par la Croatie.
19 Nous soutenons également la définition légale et
20 constitutionnelle de la structure de l'Etat, conformément à l'accord passé
21 par les trois peuples constituants de cet Etat.
22 Signé par le Président de la Chambre des représentants,
23 Stjepan Mesic »
24 Cette déclaration a été adoptée le 30 juin 1993. Identifiez-vous
25 cette déclaration, Monsieur Mesic ?
Page 7339
1
2
3 M. Mesic (interprétation). - Oui.
4 M. Nobilo (interprétation). – Nous avons passé en revue tout un
5 ensemble de documents, Monsieur Mesic, parmi lesquels une liste
6 d'événements qui se sont produits et qui impliquaient la République de
7 Bosnie-Herzégovine et de la Croatie.
8 Vous avez confirmé qu'il s'agissait bien de la politique
9 officielle de la République de Croatie. Il s'agissait d'une politique
10 positive qui allait dans le sens de la préservation de l’intégrité de la
11 Bosnie-Herzégovine. Vous avez ajouté qu'il y avait une politique cachée.
12 Je ne vous demande pas votre opinion ni la conclusion que vous
13 avez tirée de tout cela, mais la chose suivante : sur quelle base vous
14 appuyez-vous pour dire que la Croatie avait une politique cachée qui
15 visait à diviser la Bosnie-Herzégovine, sur quel fait vous appuyez-vous
16 pour affirmer une telle chose ?
17 M. Mesic (interprétation). - Il y a beaucoup de faits que je
18 pourrais citer, mais je vais simplement m’appuyer sur un certain nombre
19 d’entre eux. Si des représentants du parlement croate se rendent en
20 Bosnie-Herzégovine, se rendent en Herceg-Bosna, ils ont été photographiés
21 sur place portant des uniformes du HVO, alors que simultanément ils
22 étaient membres du Parlement croate. Ces mêmes personnes, qui se sont
23 rendues sur place et qui faisaient partie du Parlement croate, ont
24 démonisé jusqu'à la plus extrême limite les Musulmans et leurs droits à
25 défendre le territoire de la. Bosnie-Herzégovine. Regardez simplement ce
Page 7340
1 qu’a dit Vice Vukojevic au sein de l'assemblée croate. Regardez simplement
2 ce qu’a dit Ivan Tolj au sein de l'assemblée. C’était un général des deux
3 armées. Regardez ce qu'il a dit à propos des Musulmans, regardez ce qu’il
4 a dit à propos de la Bosnie-Herzégovine.
5 Il vous suffit de jeter un coup d'oeil sur la déclaration de mon
6 successeur, M. Milan Vukovic, dans laquelle il fait référence aux
7 Musulmans. Il dit ce qu'il en pense. Lui aussi, il démolit les Musulmans.
8 Il remet en question la possibilité même de la survie de la Bosnie-
9 Herzégovine. Regardez ce qui a été dit à propos des Musulmans dans le
10 parlement croate par
11
12
13 Anto Verdoliac, qui était député et directeur de la télévision croate.
14 En fait, cet homme a montré au peuple croate ce qu'était la
15 politique officielle et je ne vais pas citer d'autres noms. Il me semble
16 que j'en ai dit suffisamment. J'en arrive d'ailleurs à une conclusion, à
17 ma conclusion : si je dis à Franjo Tudjman que ce comportement au sein du
18 Gouvernement croate est insupportable et inacceptable, cette attitude
19 vulgaire, ce déchaînement à l'égard des Musulmans, d'ailleurs certaines
20 personnes n'ont même pas traité les Musulmans de Musulmans mais de Balija,
21 je lui dis que tout cela était dommageable pour le travail du Parlement et
22 minait la base même de la politique croate. Mais que pouvais-je faire
23 d'autre ?
24 Cette personne était président d'une commission du Parlement
25 Croate. Lorsque qu'il a été en Herzégovine, on l'a pris en photo alors
Page 7341
1 qu'il était en uniforme. Quand j’ai dit tout cela , Tudjman m'a dit :
2 "Fais quelque chose. Fais en sorte qu'il soit limogé".
3 J'ai appelé M. Milac, responsable du club de députés du HDZ. Je
4 lui ai demandé de faire en sorte qu'il soit limogé. Il m'a dit : "Mais
5 Tudjman n'a rien à dire". Quant à ce qui est en train d'être dit, quand je
6 lui en parle il semble soutenir ce que dit Vukojevic.
7 Comme je l’ai dit, M Vukojevic a été élu au Parlement croate
8 lors des dernières élection s et il figurait sur la liste du HDZ.
9 Je crois que je n'ai pas besoin d'ajouter quoi que ce soit. Je
10 n’ai pas besoin de préciser d'autres éléments qui me permettraient
11 d'affirmer qu'il y avait bien une double politique, une politique
12 officielle et une politique cachée qui a eu des conséquences désastreuses
13 pour les Croates de Bosnie-Herzégovine et une conséquence désastreuse pour
14 le prestige de la Croatie qui ne peut plus se présenter comme un Etat
15 sérieux aux yeux du monde.
16 M. Nobilo (interprétation). – Encore une ou deux questions,
17 Monsieur Mesic, si vous le voulez bien. Vous avez reçu un certain nombre
18 d'informations grâce au poste que vous occupiez. Avez-vous été à même de
19 vous faire une opinion quant à notre client, M Blaskic ?
20 Voyez-vous en lui, un homme extrémiste ou plutôt un homme
21 modéré ?
22
23
24 M. Mesic (interprétation). - J'ai rencontré le Général Blaskic.
25 Toutes les informations que j'ai reçues le concernant étaient des
Page 7342
1 informations positives. Ce que je peux dire, ce que je peux souligner,
2 c'est qu'une fois que j'ai quitté mon poste de représentant du parlement,
3 une fois que j'ai quitté le HDZ, j'ai rencontré le Général Blaskic. Il est
4 venu me voir, m’a serré la main et je trouve que c'est une attitude très
5 courageuse car, à l'époque, je n'étais plus membre de l'équipe au pouvoir.
6 M. Nobilo (interprétation). – Nombre de personnes, des personnes
7 qui vous saluaient précédemment, ont cessé de le faire à partir de ce
8 moment-là ?
9 M. Mesic (interprétation). - Précisément.
10 M. Nobilo (interprétation). - Pour conclure, je vais vous poser
11 la question suivante. Vous n'êtes plus membre de l'équipe dirigeante au
12 pouvoir en Croatie. Vous êtes au sein de l'opposition et, pour autant que
13 je puisse le deviner, j'ai l'impression que vous êtes plutôt au centre de
14 la scène politique, enfin plutôt au centre du spectre politique. Est-ce
15 que l’un des objectifs de votre parti est de faire descendre le HDZ du
16 pouvoir et d'essayer de faire partir le Président Tudjman ?
17 M. Mesic (interprétation). - Si vous me demandez mon avis
18 personnel, je dirai que j'estime que nous avons remplacé une équipe qui
19 était une équipe monolithique tout entière orientée favorablement vers le
20 communisme et qui ne permettait aucun processus démocratique. Même si,
21 d'ailleurs, il y avait des processus démocratiques à l'époque, ces
22 derniers n'ont constitué que de tout petits pas et il a fallu très
23 longtemps pour arriver à un tournant réel dans le sens de la démocratie.
24 Maintenant, si nous parlons du HDZ en tant que mouvement, je
25 dirai que, bien qu'appartenant à ce mouvement, il ne me convenait pas tout
Page 7343
1 à fait. Il rétablissait un contrôle juridique, un contrôle des médias, un
2 contrôle sur le pouvoir exécutif, sur le pouvoir législatif et, ce, par la
3 voie du caractère monopoliste d'un parti qui, dans ce cas précis, était un
4 mouvement.
5 Pour être plus précis, je trouvais regrettable qu'un nouveau
6 parti soit recréé de façon à retrouver les problèmes anciens. Cela nous
7 paraissait rétrograde. Nous estimions qu'il fallait donc une multiplicité
8 de partis, qu'il fallait des coalitions au moment des élections et qu'il
9 fallait des victoires dans le cadre de ce genre d'union.
10 Récemment, nous avons eu de nouvelles élections dans la
11 Jupanjia, c'est-à-dire sur le littoral où nous avons participé à des
12 alliances multipartites, et nous avons gagné. Nous avons également mené
13 une élection à Orahovica, mon lieu de naissance, des élections
14 municipales, donc. Il y avait deux listes : l'une dirigée par moi, l'autre
15 par Franjo Tudjman. La mienne avait des positions avancées. La liste de
16 Franjo Tudjman était alliée à celle de M. Djapic qui a des positions pro-
17 fascistes.
18 Chacun sait bien qu'il y a un mois, ou un peu moins de temps
19 encore, celui-ci s'est rendu en visite à Vukovar dans des voitures noires,
20 en portant des uniformes noirs, des drapeaux noirs. Ils chantaient des
21 hymnes de la Deuxième Guerre mondiale et leur objectif, ce que sous-
22 tendait leur présence, était également noir. Ces hommes se sont rendus là-
23 bas avec des idées fascistes, avec dans la tête un avenir fasciste
24 également très noir. Dans ce cas précis, c'est nous, l'opposition unique,
25 qui l'avons emporté. Je crois qu'il y aura d'autres élections du même
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1 genre, à l'avenir. C'est l'exemple que je voulais vous donner, si c'est ce
2 qui vous intéressait.
3 M. Nobilo (interprétation). - C'est ce qui m'intéressait, mais
4 j'aurais voulu aujourd'hui un autre exemple au sujet de Franjo Tudjman.
5 M. Mesic (interprétation). - Ne vous arrêtez pas à l'apparence
6 actuelle du parlement croate parce que la catastrophe à laquelle le HDZ a
7 fait parvenir la Croatie se démontrera explicitement aux prochaines
8 élections. Je crois qu'il n'est pas nécessaire de s'appesantir sur ce
9 sujet aujourd'hui. Nous y reviendrons, nous nous retrouverons, nous en
10 reparlerons ensemble et vous serez fier un jour d'avoir été membre de mon
11 parti.
12 M. le Président. - Cet aparté intéressant ne concerne pas
13 forcément le Tribunal. En
14
15
16 avez-vous terminé, Maître Nobilo ?
17 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai
18 terminé mais je pense qu'il y a un rapport très direct avec le procès.
19 M. le Président. - Monsieur Mesic faisait du recrutement, c'est
20 tout.
21 M. Mesic (interprétation). - Non, je n'en ai pas besoin. J'ai
22 déjà des membres.
23 M. Nobilo (interprétation). - J'en ai terminé avec mon
24 contre-interrogatoire. Je pensais que, étant donné que M. Mesic était un
25 responsable politique qui a défendu des objectifs politiques déterminés et
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1 qui en défendait également en 1992, cela pouvait être intéressant.
2 Je voudrais demander le versement au dossier des documents que
3 je lui ai soumis ainsi que de la vidéo avec les transcriptions française
4 et anglaise de cette vidéo et, bien entendu, le versement au dossier des
5 journaux officiels, c'est-à-dire des trois derniers documents que j'ai
6 lus. Monsieur le greffier peut-il m'aider pour les cotes de ces
7 documents ? Il s'agit du Journal Officiel du 6 avril 1993, du
8 14 juillet 1993 et du 10 mai 1993.
9 M. le Président. - Il me semblait qu'il y avait tout de même un
10 journal où il n'y avait pas d'identification formelle sur une question du
11 Juge Riad. Pas d'objection ?
12 M. Harmon (interprétation). - Pas d'objection.
13 M. le Président. - Très bien. Le greffier me précise bien ce qui
14 est demandé et ce qui ne l'est pas. Il n'y a donc pas d'objection.
15 A présent, Monsieur Mesic, peut-être le Procureur désire-t-il
16 compléter certaines questions dans le cadre du contre-interrogatoire de
17 son droit de réplique. Après quoi les Juges vous poseront des questions.
18 Monsieur le Procureur...
19 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
20 Monsieur Mesic, on vous a interrogé au sujet d'un certain nombre
21 de conversations que vous avez eues avec M. Boban. Pourriez-vous dire aux
22 Juges de la Chambre de première instance quel était le terme que vous
23 utilisiez pour parler des Musulmans dans ces conversations ?
24 M. Mesic (interprétation). - Je connais M. Boban depuis
25 environ 1967/1968. Nous étions assez proches, d'ailleurs. C'est la raison
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1 pour laquelle j'ai évoqué les conversations que j'ai eues avec lui. Mais,
2 depuis le début des conflits avec les Musulmans -et c'est une chose que,
3 chez lui, je n'avais jamais remarqué par le passé-, il n'a plus employé le
4 terme de "Musulmans" mais a constamment parlé des Musulmans en termes très
5 péjoratifs, en utilisant le mot "Balija". Il ne cessait de dire qu'il
6 était impossible de vivre avec les Balija et que cette coexistence n'était
7 donc plus possible, que la seule solution, à son avis, était la
8 séparation.
9 M. Harmon (interprétation). - Très brièvement, Monsieur Mesic,
10 pourriez-vous décrire aux Juges la signification du terme "Balija" ? Est-
11 ce un mot péjoratif ?
12 M. Mesic (interprétation). - Pour autant que j'en sois informé,
13 c'est un terme qui remonte à l'époque ottomane et qui était appliqué aux
14 couches les plus basses de la société. C'est ce que l'on appellerait
15 aujourd'hui "le lumpen prolétariat", je suppose.
16 M. le Président. - Excusez-moi, vous avez dit : "Les couches les
17 plus basses de la société"...
18 L'Interprète. - Le "lumpen prolétariat", Monsieur le Président.
19 M. le Président. - Ne me laissez pas en rade ! Comment
20 traduiriez-vous cela ?
21 L'Interprète. - Le sous-prolétariat.
22 M. le Président. - Merci.
23 M. Mesic (interprétation). - Oui, c'est à peu près cela.
24 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mesic, comment le
25 président Tudjman caractérisait-il ces positions politiques, les positions
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1 politiques de Alija Izetbegovic ?
2 M. Mesic (interprétation). - Je prendrai la liberté de dire que
3 je connaissais mieux Alija Izetbegovic que le président Tudjman, à savoir
4 que, dans l'ancien régime, c'est le même
5
6
7 avocat qui m'a défendu et qui a défendu Alija Izetbegovic. Quand il est
8 sorti de prison, quand je suis sorti de prison, nous nous sommes
9 rencontrés. Je peux dire que nous avions des rapports amicaux. Je pense
10 que le président Tudjman a fait une erreur lorsqu'il a inscrit
11 Alija Izetbegovic dans ce que l'on appelait à l'époque "les intégristes
12 islamistes". Je pense qu'Alija Izetbegovic est authentiquement un croyant.
13 C'est un croyant sincère, c'est un homme éthique. Je pense que c'est un
14 homme très mûr.
15 Il est entré en politique alors que, jusque là, il n'avait pas
16 une très grande expérience politique. Il est tout à fait certain qu'il
17 n'avait pas connaissance de tout ce qui peut se faire dans le monde
18 politique, de ce que les hommes politiques peuvent se faire les uns aux
19 autres. Peut-être est-ce la raison pour laquelle au début, dans ce genre
20 de milieu, il avait quelques difficultés à prendre des décisions.
21 C'est un homme honnête, un homme intelligent, mûr. Je crois que
22 je ne peux pas en dire plus et que c'est une bonne description de l'homme.
23 M. Harmon (interprétation). - A votre avis, était-il un homme
24 modéré ?
25 M. Mesic (interprétation). - Oui, je pense qu'il était modéré.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, vous avez
2 sans doute vu que j'ai voulu me lever il y a quelques instants. Je me suis
3 repris ensuite, mais mon collègue continue, je suis donc dans l'obligation
4 de me lever.
5 Je n'ai posé aucune question au sujet d'Alija Izetbegovic dans
6 mon contre-interrogatoire. J'avais prévu de le faire mais, finalement,
7 j'ai décidé que ce n'était pas utile. Je n'ai posé qu'une seule question à
8 ce sujet. C'est la raison pour laquelle je pense que les questions posées
9 par mon collègue sont inacceptables.
10 M. le Président. - Je n'avais pas pensé à cette objection.
11 J'avais pensé, Maître Harmon, que vous aviez posé une question sur les
12 opinions politiques de Alija Izetbegovic et que la réponse portait surtout
13 sur des considérations personnelles.
14
15
16 Veuillez passer à une autre question, s'il vous plaît.
17 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Merci,
18 Monsieur le Président.
19 Monsieur Nobilo vous a posé une question. Il vous a demandé si
20 les réfugiés musulmans de Bosnie étaient logés et nourris en Croatie. Ma
21 question est la suivante : l'Etat de Croatie a-t-il reçu une aide
22 étrangère pour assurer le logement et la nourriture de ces réfugiés ?
23 Pouvez-vous décrire de quelle nature était cette aide reçue par la Croatie
24 éventuellement ?
25 M. Mesic (interprétation). - Il est exact qu'un grand nombre de
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1 réfugiés a effectivement constitué un fardeau lourd pour la Croatie du
2 point de vue du logement, de l'alimentation et, de façon plus générale, de
3 l'organisation de la vie de ces réfugiés, des personnes déplacées par la
4 force également. Donc, la Croatie a, bien entendu, dû demander de l'aide
5 extérieure. Maintenant quel a été le montant de cette aide, je ne le sais
6 pas. Ce que je sais, c'est qu'il n'a jamais été dit que ce qui était
7 fourni à ces réfugiés et à ces exilés en termes de nourriture, d’argent ou
8 de logement était insuffisant. Ce qui semblerait signifier que l'aide
9 reçue, aussi bien financière que matérielle, a été suffisante.
10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mesic, vous avez dit hier
11 qu'un autre responsable de haut rang de l'Etat avait déclaré, je vous
12 cite : « Nous devons leur rendre la vie si impossible qu’ils voudront
13 partir ». Fin de citation.
14 Ma première question est la suivante : qui a fait cette
15 déclaration, quel est le responsable officiel de haut rang qui s'est
16 exprimé de la sorte ?
17 M. Mesic (interprétation). - Puisque je le dois, je vais d'abord
18 vous décrire le contexte avant de rentrer dans le détail.
19 Lorsque la guerre a éclaté entre la Bosnie et les Croates,
20 lorsque les hommes ont commencé à tomber, lorsque les morts ont commencé à
21 se multiplier, de très fortes pressions se sont développées en Croatie.
22 Des critiques intenses ont été proférées à l'encontre des autorités
23 croates, quant au fait que ces autorités gardaient des réfugiés bosniaques
24 dans des camps de
25
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1
2 Croatie.
3 Le ministre des affaires sociales de l'époque, qui est
4 aujourd'hui ministre des affaires étrangères, a déclaré que cette
5 situation impossible pourrait se résoudre si ces réfugiés étaient
6 accueillis par d'autres pays, à l'étranger, et ne constituaient plus un
7 fardeau pour la Croatie.
8 M. Harmon (interprétation). - Me Nobilo vous a posé un certain
9 nombre de questions destinées à déterminer si la Croatie était un pays de
10 transit qui permettait à des aides étrangères et à des armes de pénétrer
11 en Bosnie. Vous avez répondu que c'était effectivement le cas, mais que la
12 Croatie, en fait, conservait une partie de cette aide humanitaire et de
13 ces armes à titre de compensation pour le droit de passage. Est-ce un
14 résumé à peu près exact de ce que vous avez dit hier ?
15 M. Mesic (interprétation). - Compte tenu du fait que nous sommes
16 à huis clos, nous pouvons ici dire des choses que nous n'aimerions pas
17 voir écrites dans les médias. Autrement dit, je ne pourrais jamais dire
18 publiquement que la Croatie recevait des armes de qui que ce soit ou
19 qu’elle laissait passer des armes sur son territoire en direction de la
20 Bosnie puisque nous subissions un embargo.
21 Mais puisque nous sommes en audience à huis clos, je dirai que
22 oui, c’était bien le cas. Il était tout à fait manifeste que nous devions
23 nous mêmes, ainsi que les Bosniaques, nous armer car nous étions dans une
24 situation absurde. Nous étions les victimes d'une agression et, par
25 ailleurs, nous avions l’interdiction de nous de fournir en armes alors
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1 que, les uns et les autres, les Bosniaques et les Croates, nous subissions
2 l'agression serbe.
3 Il ne fait aucun doute que des armes pénétraient sur le
4 territoire et que des accords étaient conclus quant au fait de savoir
5 combien de ces armes devraient rester en Croatie, étant donné le risque
6 assumé par la Croatie pour ce genre de choses en pleine époque d'embargo.
7 Simplement, lors d'une conversation, dans plusieurs
8 conversations que j'ai eues avec Alija Izetbegovic, je lui ai demandé si
9 ce genre d'arrangements le satisfaisait et il m'a dit : « Cela me
10 conviendrait si une partie de ces armes ne restait pas, en outre, en
11 Herceg-Bosna ». Combien de ces armes finissait par aboutir en Bosnie, je
12 n'en sais rien.
13 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous une idée, souhaitez-vous
14 dire aux Juges quel est le pourcentage des armes qui transitait par la
15 Croatie et qui était conservé, saisi, par la Croatie ?
16 M. Mesic (interprétation). - Il m'est difficile de le dire car
17 les dispositions, les accords conclus étaient un peu différents et
18 l'origine de ces équipements variait également. Mais je dirai que le
19 pourcentage variait entre 10 et 20%.
20 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous ce qu'il advenait de
21 ces armes et de cette aide humanitaire après son transit par la Croatie et
22 son arrivée en Herceg-Bosna ? Les autorités d'Herceg-Bosna confisquaient-
23 elles également une partie de ce qui arrivait et de ce qui était destiné
24 au gouvernement de Bosnie ?
25 M. Mesic (interprétation). - Oui, oui. Oui, c'est arrivé.
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1 M. Harmon (interprétation). - Je crois que vous avez dit dans
2 votre déposition qu'il convenait de placer dans son contexte la
3 déclaration que vous a faite M. Izetbegovic quant aux quantités d'armes
4 reçues par lui. Vous avez dit, je crois hier, que vous saviez qu'il
5 arrivait que des armes destinées à aider à la sortie du siège de Sarajevo
6 n'arrivaient pas à Sarajevo parce qu’elles étaient arrêtées à Busovaca ?
7 M. le Président. - Ne recommençons pas l’interrogatoire.
8 M. Harmon (interprétation). - D'accord. Ma dernière question
9 M. Mesic : au cours de l’interrogatoire principal, le conseil de la
10 défense a laissé entendre que, parce que vous étiez un homme politique en
11 Croatie, parce que vous êtes opposé politiquement au Président Tudjman, il
12 y avait une motivation politique à votre déposition à huis clos à
13 La Haye ? Pourriez-vous vous prononcer sur ce point ?
14 M. Mesic (interprétation). - Si l'on parle objectivement, on se
15 rend compte que la
16
17
18 présente déposition ne peut m'apporter politiquement que des problèmes,
19 des difficultés. Je ne peux en tirer aucun avantage. Je ne profite en rien
20 du fait que ma déposition ici se passe à huis clos, car je dirais la même
21 chose en public.
22 Je respecte donc ici, au cours de ma déposition, un certain
23 nombre de règles auxquelles je me tiendrai et que je respecterai également
24 à ma sortie de ce Tribunal. Par conséquent, je ne me prononcerai pas sur
25 ce qu'a pu dire un tiers ou un autre tiers.
Page 7353
1 Maintenant si quelqu'un a pu utiliser politiquement ma
2 déposition, c'est sans aucun doute le Président Tudjman. En effet, lorsque
3 j'ai fait mes premières déclarations aux enquêteurs du Tribunal, je devais
4 le faire parce que la Croatie a voté des lois qui font obligation à l'Etat
5 de Croatie et à ses responsables de coopérer avec le Tribunal de La Haye.
6 Donc, puisque je suis légaliste, je respecte ces décisions.
7 Le Président Tudjman a donc eu accès au compte rendu des propos
8 que j’ai tenus devant les enquêteurs du Tribunal de La Haye. Il a convoqué
9 les journalistes qui travaillent dans les médias, la télévision notamment,
10 contrôlés par lui. Tout cela a été rendu public et diffusé devant
11 l'opinion publique croate ; ce qui n'avait pas uniquement pour but de
12 m'effrayer mais bien d’effrayer tous les témoins potentiels prêts à
13 témoigner ici. J'ai été traîné dans la boue et traité de traître.
14 Le Président du HDZ, le chef du gouvernement, lors du dernier
15 congrès de son parti, il y a un mois, a tenu des propos qui ne pouvaient
16 concerner que moi (même s’il n'a pas cité mon nom) au cours de la
17 protestation syndicale organisée par quatre centrales syndicales
18 regroupées. La manifestation s’est déroulée sur la plus grande place de
19 Zagreb. 12000 policiers s’y sont opposés et je participais à cette
20 protestation.
21 Le Président Tudjman a dit : «Dans la commission d'organisation
22 de ce mouvement de protestation syndicale se trouvent y compris des hommes
23 qui témoignent et mettent la Croatie à genoux à La Haye».
24
25
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1 Je le remercie d'avoir parlé de moi au pluriel, ce qui montre la
2 haute opinion qu’il a de moi.
3 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur Mesic. Merci,
4 Monsieur le Président.
5 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad, s'il vous plaît.
6 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Monsieur Mesic. J'aimerais
7 vous poser une question très précise.
8 Avez-vous la moindre connaissance de la position du poste
9 qu'occupait concrètement le Général Blaskic, à l’époque Colonel Blaskic,
10 dans la vallée de la Lasva ? Etait-il le commandant militaire incontesté
11 de la région ou bien la région était-elle divisée et soumise à un pouvoir
12 anarchique ?
13 M. Mesic (interprétation). - Je ne puis pas vous dire de façon
14 tout à fait certaine dans quelle région le Général Blaskic opérait et
15 quelles étaient les subdivisions qui existaient dans cette région. Tout ce
16 que je sais, c’est qu'il était un militaire de carrière et qu'il
17 appartenait au HVO. Les personnes, que j’ai rencontrées, qui m'ont parlé
18 de lui, m’ont dit un certain nombre de choses positives. Mais la chaîne
19 hiérarchique, la filière hiérarchique, je ne la connais pas.
20 M. Riad (interprétation). - Vous avez mentionné le HVO. Le HVO
21 était une division disciplinée sur le plan militaire ou bien y avait-il de
22 l'insubordination, une certaine absence d'autorité aux différents niveaux
23 de commandement au sein du HVO ?
24 M. Mesic (interprétation). - C'est une armée qui s'est créée
25 dans une situation chaotique. Il ne fait aucun doute que tous ses maillons
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1 n'ont pas fonctionné de façon parfaite.
2 Mais, à mon avis, eu égard à la Croatie, à son ministère de la
3 Défense, ses unités étaient en situation de subordination. Je suppose que
4 c'est de là que partaient les ordres concernant un certain nombre
5 d'actions. Il arrivait souvent que des actions de l'armée de Croatie
6
7
8 soient coordonnées avec des actions du HVO.
9 M. Riad (interprétation). - Vous pensez que la coordination
10 politique se faisait, au plus haut niveau du pouvoir, à Zagreb et était
11 mise en oeuvre dans la vallée de la Lasva ?
12 M. Mesic (interprétation). - Tout ce que je peux dire c'est ce
13 que je sais et, ce que je sais, c’est que Mate Boban, en tant que
14 Président du HDZ et de la communauté croate d’Herceg-Bosna, a toujours
15 affirmé qu'il ne faisait que mettre en oeuvre la politique de Zagreb et
16 qu'il n'avait pas de politique personnelle. Or le terme Zagreb signifiait
17 le plus au niveau de l'Etat de Croatie.
18 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit dans votre déposition
19 que, lors d'une conversation que vous avez eue avec Markovic, celui-ci
20 avait dit qu'aucune décision n'avait été prise officiellement de nettoyer
21 les Musulmans. Mais il vous a dit : «Dans la pratique, je m'arrange pour
22 veiller à ce qu'il ne reste pas un seul Musulman».
23 D'après vous, d'après ce que vous avez compris, les événements
24 qui se sont produits ont-ils été réalisés par la voie de la terreur, par
25 la voie de l'intimidation qui a contraint la population à quitter la
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1 région ou bien par la voie du génocide, c'est-à-dire par la voie du
2 meurtre et de l'extermination ? Avez-vous une idée de ce que Markovic
3 avait en tête lorsqu’il vous a parlé ?
4 M. Mesic (interprétation). - Pero Markovic ? Est-ce lui dont
5 vous parlez ?
6 M. Riad (interprétation). - Oui.
7 M. Mesic (interprétation). - C'est un exemple parmi d'autres.
8 Mais il était bien connu qu'après le conflit entre les Musulmans et les
9 Croates de Bosnie, de nombreux Bosniens, membres du HVO, ont été désarmés
10 et ont fini dans des camps. Il est bien connu que des pressions ont été
11 exercées dans les milieux urbains qui ont forcé les gens à s'exiler.
12 L'exemple de Mostar reste pour moi le plus parlant. J'ai envoyé
13 une délégation à Mostar, délégation chargée de vérifier ce qui s'y
14 passait. A leur retour, les membres de cette délégation m'ont dit qu'un
15 grand nombre de Musulmans des villages avoisinant, qui gravitaient vers
16 Mostar, ont quitté leur village pour aller habiter à Mostar.
17 La structure démographique s'est donc vue modifiée, non pas
18 parce qu'ils l'ont voulu, mais parce qu'ils n'avaient nulle part où aller.
19 Ils se sont retrouvés à Mostar faute de mieux.
20 L'équilibre ethnique a été modifié. Après la guerre, il devrait
21 se modifier à nouveau puisque certaines personnes devraient rentrer chez
22 elles. Mais en tout cas, des pressions importantes se sont ajoutées à
23 cette modification due à la guerre sous forme de pressions. On voyait très
24 bien à la télévision ce qui se passait. Quand on voit des colonnes
25 entières de populations de civils qui quittent une ville, ils ne quittent
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1 pas la ville parce qu'ils le veulent, mais parce qu’ils subissent des
2 pressions.
3 C’est alors que j'ai demandé à Pero Markovic, le maire de la
4 ville, quel était, chez lui, le rapport entre les Croates et les Bosniens,
5 à Capljina. J’ignore quel était le pourcentage exact. Mais s’agissant des
6 Bosniens, le pourcentage était alors de 5 ou 6 %, donc très faible.
7 Il m’a répondu : « nous n'avons plus de problèmes ici, nous
8 avons tout nettoyé ». Comment avaient-ils nettoyé ? Tout simplement parce
9 que sous la pression, les gens étaient partis. Quelle est la situation
10 actuelle ? Je l’ignore.
11 M. Riad (interprétation). - Merci. Une question plus générale.
12 Vous avez dit que M. Tudjman était ouvertement favorable aux frontières
13 établies en 1948, c'est-à-dire les frontières correspondant aux Banovina
14 établies en 1938. Ceci a été répété lors de la rencontre de Karadjordjevo
15 entre Tudjman et Milosevic. Cette conception des Banovina incluait la
16 vallée de la Lasva ? Quelle était l'idée générale au sujet des frontières
17 dans cette région ?
18 M. Mesic (interprétation). - Le Président Tudjman estimait que
19 les frontières de la Banovina étaient la situation la plus favorable dont
20 avaient bénéficié les Croates, que ceux-ci étaient allés le plus loin
21 possible dans le cadre de ce système des Banovina.
22 L'idée était d'obtenir les frontières correspondant aux Banovina
23 plus Bihac, Kladusa et Cazin. Aussi, je pense que les Banovina ainsi que
24 la vallée de la Lasva entraient dans le cadre de ce système.
25 M. Riad (interprétation). - La vallée de la Lasva était sensée
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1 appartenir à la Croatie ?
2 M. Mesic (interprétation). - Oui, pour autant que je regarde la
3 carte de cette façon.
4 M. Riad (interprétation). - Vous avez mentionné également la
5 notion de transferts humains, de transferts de populations ?
6 M. Mesic (interprétation). - Oui, c'est le terme qui a été
7 utilisé « transferts humains de populations ».
8 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.
9 M. le Président. - Je me tourne vers le juge Shahabuddeen.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Mesic, aurais-je
11 raison de supposer qu'en Croatie, il y avait d'autres Croates qui, tout
12 comme vous, étaient opposés à l'utilisation de la force de la part des
13 Croates à l'encontre des Musulmans en Herceg-Bosna ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui, là se situe la différence
15 essentielle entre l'opposition en Serbie et l'opposition en Croatie. Dans
16 l’opposition serbe, il y a certes des personnes, des groupes qui, il faut
17 le reconnaître, sont contre la constitution de la grande Serbie, contre la
18 guerre contre la politique de Milosevic. Dans la partie significative de
19 l'opposition, les radicaux -comment s'appellent-ils-, le Parti de
20 Draskovic, ces personnes ne sont pas d'accord avec Milosevic car il n'a
21 pas réalisé ses objectifs de guerre. Il n’y a pas énormément de différence
22 entre eux. Ils attaquent Milosevic parce qu’il n'a pas abouti à la grande
23 Serbie.
24 Alors qu'en Croatie, l'opposition critique le pouvoir parce
25 qu'on a permis d'aboutir au développement d'un conflit entre les Croates
Page 7359
1 et les Bosniens. On disait qu'il ne fallait pas essayer de voir qui était
2 coupable, mais qu’il fallait en finir le plus rapidement possible avec le
3
4
5 conflit et aller de l'avant.
6 Je crois que les personnes qui, comme moi, étaient contre ce
7 conflit sont nombreuses.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Bien. Passons à la question
9 de savoir si, personnellement, vous avez assisté à la prise d'une décision
10 officielle pour l'utilisation de la force de la part des Croates contre
11 les Musulmans en Herceg-Bosna. Ai-je bien compris que votre position est
12 que personnellement vous n'avez pas été témoin de la prise d'une telle
13 décision, mais que vous avez occupé des fonctions importantes, que vous
14 avez été en contact avec des responsables de haut niveau au sein du
15 Gouvernement et vous avez cru comprendre que collectivement, ils ont
16 compris que la politique de la Croatie avait été de sanctionner
17 l'utilisation de la force par les Croates contre les Musulmans en Herceg-
18 Bosna ?
19 M. Mesic (interprétation). - Je vous donnerai une réponse
20 claire.
21 Je n'ai jamais été présent lorsqu'une décision a été prise,
22 concernant une utilisation de la force par les Croates contre les
23 Bosniens. Mais je dois ajouter quelque chose : lorsque des crimes ont été
24 commis à Ahmici, étant donné que j'étais en contact avec Mate Boban, je
25 lui ai demandé, vu la gravité de ces crimes, si une enquête avait été
Page 7360
1 faite visant à rechercher qui était responsable.
2 Il m'a répondu que oui, et qu'il avait été établi que les
3 personnes responsables portaient des uniformes noirs. Je lui ai demandé :
4 « mais écoute je ne t'ai pas demandé de me dire quelle était la couleur
5 des uniformes, mais qui portait ces uniformes ». Il m'a répondu que cela
6 aurait très bien pu être des Serbes.
7 Selon les connaissances que j'ai de cette région, j'ai pensé
8 que, soit il n'était pas au courant, soit il n'avait pas mené d'enquête,
9 soit il était en train de me mentir.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si vous me le permettez, je
11 reviendrais sur un aspect de ma question L'impression que vous avez
12 retirée d'autres personnes du gouvernement
13
14
15 était-elle que la politique de la Croatie consistait à utiliser la force
16 contre les Musulmans en Herceg-Bosna ?
17 M. Mesic (interprétation). - Il était possible de le conclure,
18 en tout cas. J'ai pu tirer cette conclusion de plusieurs événements, dont
19 un événement particulièrement marquant. Il existait une formation
20 militaire en Bosnie-Herzegovine qui s'appelait Hoz, où se battaient des
21 Bosniens et des Croates contre l'agresseur. A un moment donné, un attentat
22 a été perpétré contre le général Blaz Kraljevic qui était le commandant de
23 ces formations. Il était suivi par environ une moitié de Croates, une
24 moitié de Musulmans. On les attendait au détour d'une route, ils ont été
25 tués, et je n'ai jamais su qui était responsable de ce crime.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si vous me le permettez, je
2 passerai à un autre aspect. Le conseil de la défense, et je suis sûr que
3 vous avez bien compris que c'était son devoir, vous a posé des questions
4 quant au lien entre les déclarations prononcées ici devant le Tribunal et
5 les déclarations que vous avez prononcées alors que le conflit faisait
6 rage Aurais-je raison de dire, que dans votre expérience politique, vous
7 n'avez pas souhaité suivre le mouvement ?
8 En d'autres termes, un haut responsable politique devrait
9 établir un équilibre très délicat entre le respect de la politique
10 officielle, et ses convictions personnelles Avez-vous-rencontré ce type
11 de sentiment au cours de votre vie politique ?
12 M. Mesic (interprétation). - Une chose est sûre, c'est que j'ai
13 toujours dit que la défense de la Bosnie était essentielle parce que
14 c'était une condition de la survie de la Croatie. J'étais persuadé que si
15 Milosevic pouvait désintégrer la Bosnie, cela aurait des conséquences
16 tragiques pour la Croatie, car à ce moment-là, se poserait la question de
17 savoir si la Croatie pouvait être maintenue, ou si une grande Serbie
18 pouvait être créée au dépens de nos territoires.
19 Lorsque j'occupais les hautes fonctions au sein du HDZ et du
20 Gouvernement, j'ai toujours accepté la politique officielle, la politique
21 qui était pour le maintien de la.
22
23
24 Bosnie-Herzegovine, mais j'ai toujours fait savoir également qu'il devait
25 y avoir une coopération, qu'il fallait arrêter les hostilités, qu'il
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1 fallait chercher un commandement unique entre le HVO et l'armée de.
2 Bosnie-Herzegovine. Je pense que ce commandement unique n'est pas encore
3 en vigueur, car un commandement unifié peut à lui seul permettre d'éviter
4 le nombre de victimes. S'il y a plusieurs commandements sur un même
5 territoire cela a toujours des conséquences tragiques.
6 Et enfin, pour vous donner quelque précisions encore, j'étais
7 donc partisan d'une résistance à l'agresseur, j'étais pour une Bosnie-
8 Herzegovine unifiée, mais en tant que haut représentant officiel, je ne
9 pouvais entrer directement en conflit. Alors le Président Tudjman m'a
10 suggéré en décembre 1993, de déposer ma démission en tant que Président du
11 Parlement, il m'a proposé d'aller à Grenoble ou en Belgique à Spa pour
12 apprendre le français, et il m'a demandé de choisir quel poste
13 d'ambassadeur je souhaitais occuper.
14 En effet, il m'a dit qu'il ne pouvait rien décider avec
15 Milosevic tant que je serais à la tête du Parlement, car j'avais dit
16 qu'il fallait pendre Milosevic. J'ai dit cela directement à Milosevic. Je
17 lui ai dit que les serbes allaient le pendre à Terzije et sur la place
18 principale de Belgrade, s'il ne réalisait pas ses objectifs de guerre dont
19 il était responsable, car c'était lui qui avait planifié la guerre.
20 D'ailleurs je lui ai demandé, une fois que l'on serait sur le
21 point de le pendre, de penser à moi et j'ai dit que j'allais penser à lui.
22 Je lui ai dit cela publiquement. Mais apparemment, c'était gênant pour
23 lui, et il a fait des pressions sur Tudjman pour que je quitte ce haut
24 poste officiel
25 Après, à un moment donné, j'ai quitté mes fonctions.
Page 7363
1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais tenter de formuler
2 ma question le plus simplement possible. Dans cette audience à huis clos,
3 devant ce Tribunal, vous sentez-vous plus libre de nous exposer votre
4 point de vue que cela n'a été le cas pendant les années de conflit
5
6
7 entre les Croates et les Musulmans en Herceg-Bosna ?
8 M. Mesic (interprétation). - Assurément. Je me sens plus libre
9 ici. Mais la vie en Croatie, à l'époque, n'avait pas énormément de prix.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous poserais la question
11 suivante, qui peut-être vous semblera une répétition, mais elle est
12 importante pour le Tribunal. Affirmez-vous devant le Tribunal que votre
13 déposition aujourd'hui constitue la vérité ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui, c'est la vérité.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous poserai maintenant
16 une question sur ce que j'appellerai la double politique de la Croatie que
17 vous nous avez décrite : d'une part des déclarations officielles de la
18 part des autorités croates qui respectent l'intégrité territoriale de la
19 Bosnie-Herzégovine et, d'autre part, il y aurait une politique qui
20 tenterait de diviser ce pays. Selon les autorités croates -j'ai bien
21 compris ce que vous avez dit-, la mise en oeuvre réussie de la politique
22 de partage dépendait-elle d'une affirmation répétée de la politique qui
23 respectait l'intégrité territoriale du pays ?
24 M. Mesic (interprétation). - C'est exact. De cette manière, la
25 politique officielle croate devait tenir bon face aux pressions de la
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1 communauté internationale. Cela a été le cas car elle affirmait qu'elle
2 était pour le maintien d'un Etat souverain. Or, il est clair que l'autre
3 politique allait dans un sens opposé.
4 Prenez un exemple : Fikret Abdic, qui a également porté atteinte
5 à la Bosnie-Herzégovine car il a proclamé l'autonomie de la Bosnie
6 occidentale sans aucun appui dans la constitution de la Bosnie-
7 Herzégovine, passait l'essentiel de son temps à Zagreb et a pris contact
8 avec Milosevic et son régime. Il a acheté énormément d'essence, de
9 combustible des sociétés de Zagreb -peut-être pour son utilisation
10 personnelle-, mais il est clair qu'il vendait cela à notre agresseur
11 commun. Vous voyez que ces différentes parties du puzzle nous donnent un
12 tableau bien différent de ce qui a été officiellement proclamé.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si vous me le permettez, je
14 vous poserai une autre question qui porte sur le transit des armes par la
15 Croatie, l'Herceg-Bosna, en direction de Sarajevo. Ai-je bien compris ce
16 que vous nous avez dit ? Selon les autorités gouvernementales croates,
17 était-il dans l'intérêt de la Croatie que la Bosnie-Herzégovine poursuive
18 sa résistance militaire face aux Serbes ?
19 M. Mesic (interprétation). - Il s'agit là d'une question qui
20 comporte différents aspects. La Croatie ne pouvait arrêter l'aide vis-à-
21 vis de la Bosnie-Herzégovine car, sinon, elle aurait été accusée par tous
22 ceux qui ont soutenu l'indépendance de la Croatie. On l'aurait accusée de
23 ne pas offrir son soutien à un autre Etat souverain et, ainsi, sa
24 politique aurait été compromise. Mais, étant donné que cette aide était
25 déjà fournie, il fallait essayer de la réduire et de faire en sorte
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1 qu'elle ne porte pas atteinte à l'accomplissement des objectifs politiques
2 croates. Il y avait donc un équilibre qui a été établi. L'aide venait de
3 différents endroits.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourrais-je donc dire que
5 vous affirmez que, dans la mesure où la Croatie a autorisé le transit des
6 armes vers la Bosnie-Herzégovine, ce transit s'effectuait conformément à
7 l'intérêt du gouvernement croate ?
8 M. Mesic (interprétation). - Oui. Je ne dirai pas le
9 gouvernement, mais cette partie de la vie politique qui a adopté cette
10 double position. En effet, il était possible de voir quel était le niveau
11 de l'aide qui n'était pas préjudiciable à la Croatie et, en même temps,
12 d'entretenir des contacts avec des éléments internationaux qui se
13 prononçaient pour le maintien de la Bosnie-Herzégovine. et essayaient
14 d'évaluer les problèmes principaux posés sur ce territoire.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie. Vous avez
16 entièrement raison de nuancer ma question et de la limiter à la deuxième
17 partie.
18 Ma question suivante porte sur votre position comme président du
19 Parlement : le conseil de la défense vous a demandé si, en tant que
20 président du Parlement, vous ne deviez pas inscrire à l'ordre du jour de
21 la Chambre des représentants un point qui porterait sur les services
22
23
24 rendus par les soldats croates au sein de la communauté croate, de l'autre
25 côté de la frontière. J'ai du mal à comprendre et je pense que vous
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1 comprendrez pourquoi... Je ne comprends pas quel était le règlement de la
2 Chambre des représentants. Aurais-je raison de supposer -je me trompe
3 peut-être- que, lorsqu'un point touchant au fond était concerné, ce point-
4 là ne pourrait être examiné que suite à une motion en séance et non pas
5 sur l'initiative du président du Parlement ? Mais, une fois de plus, je
6 peux me tromper.
7 M. Mesic (interprétation). - L'inscription d'un point à l'ordre
8 du jour était tout d'abord à l'initiative du gouvernement puis elle
9 passait par les commissions parlementaires et allait jusqu'au président du
10 Parlement. A ce moment-là, c'est lui qui l'inscrivait à l'ordre du jour.
11 Une autre possibilité pour inscrire un point à l'ordre du jour était que
12 les organes du Parlement, les commissions, pouvaient décider d'inscrire un
13 point à l'ordre du jour et, à ce moment-là, après un certain temps, cela
14 pouvait être accepté et inscrit à l'ordre du jour.
15 Le président lui-même pouvait également proposer que quelque
16 chose soit inscrit à l'ordre du jour..., pardon, un député pouvait
17 également le proposer mais, à ce moment-là, cela passait par les
18 commissions. Mais, étant donné que dans les commissions parlementaires et
19 dans le gouvernement on trouve une majorité de représentants du parti au
20 pouvoir, ils auraient stoppé le processus s'ils n'avaient pas été en
21 accord total avec la politique officielle.
22 Même si nous avions essayé de faire en sorte que l'on inscrive à
23 l'ordre du jour la politique étrangère, les événements en Bosnie-
24 Herzégovine, ce filtre arrêtait ces initiatives et il n'était tout
25 simplement pas possible d'inscrire ces points à l'ordre du jour, de cette
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1 manière-là. Car ce philtre du monopole du pouvoir mettait un terme à toute
2 possibilité d'un débat public.
3 Vous voyez que, jusqu'à aujourd'hui, on n'a pas inscrit à
4 l'ordre du jour un point qui porte sur la révision des dépenses d'un
5 certain nombre de ministères. Il n'est pas possible de le faire, donc il
6 n'y a aucun mécanisme de contrôle pour ces ministères-là et pour leurs
7 ressources budgétaires.
8
9
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie,
11 Monsieur Mesic.
12 M. le Président. - Monsieur Mesic, je vais vous retenir encore
13 quelques instants, en essayant bien entendu de ne pas reposer des
14 questions qui vous ont été posées mais en essayant de faire en sorte que
15 vous soyez libéré avant l'heure du déjeuner. Si vous voulez bien me faire
16 des réponses relativement rapides, encore que vous faites les réponses que
17 vous voulez, bien entendu.
18 Le plan Vance-Owen n'a pas été entériné par l'Assemblée. Quelle
19 était votre opinion, votre influence sur Tudjman, comment le voyiez-vous,
20 rapidement ?
21 M. Mesic (interprétation). - Le plan Vance-Owen n'a pas été
22 entériné par la partie serbe. Ils ont signé le plan, mais l'assemblée
23 serbe ne l'a pas approuvé. Il y avait un délai de signature et la
24 signature n'est pas intervenue dans ce délai.
25 Pour ce qui est de la partie croate et de la partie bosnienne,
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1 elles l'ont accepté. Mais je pense que c'est une chance pour la Bosnie-
2 Herzégovine que ce plan n'ait pas été accepté car ce plan a abouti à des
3 regroupements territoriaux qui ont fait qu'il y a eu déplacement de
4 populations d'une partie vers une autre.
5 M. le Président. - Et vous, quelle était votre opinion, c'était
6 une bonne chose, ce plan ?
7 M. Mesic (interprétation). - Je dois dire que, personnellement,
8 j'étais contre ce plan parce que je voyais bien comment cela allait finir.
9 Même si j'avais l'espoir que ce plan serait mis en oeuvre et permettrait
10 aux trois peuples d'être des éléments constituant dans tous les cantons.
11 Il s'agissait là du mécanisme de contrôle, comme on l’a appelé. Si tout le
12 monde, sur chaque territoire, était un élément constitutif alors, cela
13 aurait été le salut pour la Bosnie-Herzégovine.
14 M. le Président. - Dans un autre ordre de domaine, vous avez dit
15 qu'il n'y avait pas d'enveloppe budgétaire évidemment officielle pour
16 l’aide que l’on pouvait apporter à l’Herceg-Bosna. Avez-vous une idée des
17 circuits budgétaires et financiers, parallèles je suppose ?
18 M. Mesic (interprétation). - Etant donné que, personnellement,
19 j'ai toujours été intéressé par ce qui se passait sur le plan budgétaire,
20 par la manière dont le budget était voté -car c'est là l'aspect le plus
21 intéressant d'un pays-, il n'y a aucune partie du budget croate, en tout
22 cas je l'ignore...
23 M. le Président. - J'avais compris cela. Je vous demandais autre
24 chose.
25 M. Mesic (interprétation). - Aucune ressource n'était envoyée
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1 vers la Bosnie-Herzégovine. La seule possibilité était, pour le ministère
2 de la Défense, de prendre une partie de son budget. Or, celui-là échappait
3 à notre contrôle. Donc; le ministère de l'Intérieur pouvait le dépenser
4 pour la police, le ministère de la Santé pouvait le dépenser pour la santé
5 dans un autre pays, etc.
6 M. le Président. - Permettez-moi de dire quand même que je pense
7 que, au poste que vous occupiez, on doit bien s'en douter tout de même. Le
8 budget du ministère de la Défense devait être voté également par votre
9 Assemblée, comme tous les budgets des ministères dans tous les Parlements
10 du monde. Mais peu importe.
11 Les fameux dirigeants des Croates de Bosnie qui venaient, les
12 dirigeants dont faisaient peut-être partie le Général Blaskic, que
13 venaient-ils faire ? S'ils venaient chercher des ordres, l’idée d'un
14 commandement conjoint a-t-il pu être évoqué au moment de la guerre ?
15 M. Mesic (interprétation). - Ils venaient pour prendre leurs
16 instructions. Cela ne pouvait être justifié que de cette manière.
17 M. le Président. - S’est-il posé la question d'un commandement
18 plus officiel ?
19 M. Mesic (interprétation). - Le commandement ne pouvait exister
20 qu'à Zagreb. Nous voyons que lorsque des actions conjointes ont eu lieu
21 tout cela a été mené sous l'autorité du commandement croate.
22 M. le Président. - Autrement dit, êtes-vous en train de dire que
23 le Général Blaskic prenait, par exemple, ses ordres du commandement
24 militaire croate ?
25 M. Mesic (interprétation). - J'ignore de qui le Général Blaskic
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1 prenait ses ordres, mais en tout cas Mate Boban recevait ses ordres de
2 Zagreb.
3 M. le Président. - Vous avez également dit à propos d'un article
4 dans Globus : «A aucun moment, nous n'avons planifié la guerre avec les
5 Musulmans». Quand vous avez dit : «nous», c’était au moment où vous
6 faisiez partie des structures les plus officielles. Vous avez dit : «Nous
7 n’avons planifié la guerre», en tout cas officiellement. L’a-t-on
8 planifiée de façon plus officieuse et qu’en savez-vous ?
9 M. Mesic (interprétation). - Je voulais dire par là que la
10 direction de l'Etat (le législatif, l'exécutif) et également les autorités
11 politiques n'avaient jamais soumis une telle question, question sur
12 laquelle il y aurait eu des éclaircissements publics. Il ne pouvait y
13 avoir que des discussions, des pourparlers, des ententes auxquels je n'ai
14 pas participés, car les personnes qui venaient à Zagreb n’allaient pas
15 toujours là où logiquement on les attendait.
16 Concrètement, en 1992, j'étais Président du Comité exécutif de
17 l'Union démocratique croate, une délégation du HDZ...
18 M. le Président. - Quel mois de 1992 ?
19 M. Mesic (interprétation). - L'ensemble de l'année et jusqu'à la
20 fin 1992. Quand une délégation venait à Zagreb, elle ne venait jamais me
21 voir au parti. Dès janvier 1992, j’étais physiquement présent dans les
22 locaux du HDZ. Or ils ne sont jamais venus me voir, ils sont toujours
23 allés voir le Président Tudjman.
24 Je connaissais une objection semblable à Belgrade lorsque j'y
25 étais et que Jovic rencontrait des représentants des Serbes, notamment
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1 Milan Babic qui était le représentant de la soi-disant Krajina. Ils ne
2 venaient jamais me voir, ils allaient toujours voir Bore Jovic.
3 M. le Président. - A quel moment exactement situez-vous votre
4 changement de position politique ? Je ne parle pas de M. Tudjman qui en
5 décembre 1993 vous dit que vous seriez un magnifique ambassadeur dans un
6 pays hors de la Croatie. Vous dites tout d’un coup : «Ma position n'est
7 plus tenable, je suis à la fois dans les sphères officielles, je suis
8 contre telle position...». A quel moment situez-vous votre changement
9 intérieur profond ?
10 M. Mesic (interprétation). - Il s'agit d'un moment que je ne
11 peux pas définir précisément dans le temps, d’un moment où une décision a
12 mûri.
13 Une majorité de personnes des autres parties étaient mes amis,
14 même avant les changements démocratiques en Croatie. J'ai été en prison
15 avec certaines de ces personnes. Je les connaissais dans le cadre de ces
16 cercles d'opposition, y compris pendant le régime précédent. Mais nous
17 faisions partie de partis différents. Même si nous faisions partie de
18 partis différents, je les considérais toutefois comme mes amis.
19 On a commencé à structurer le HDZ en pensant que les autres
20 n'étaient pas des Croates dignes de ce nom, les autres n'étaient pas
21 suffisamment patriotiques, que le HDZ était le seul parti valable. Tous
22 les autres devenaient des adversaires du HDZ, pas seulement du HDZ mais
23 aussi des adversaires de l’Etat croate. Je n’ai pas pu accepter cela.
24 Une centralisation trop importante me gênait, une centralisation
25 où le ministre de la Police décidait d'un représentant dans une
Page 7372
1 municipalité, où le ministre de la Santé décidait du directeur de tel ou
2 tel hôpital, où le ministère de l’Education décidait du directeur d’une
3 école. Or il y a des milliers d’écoles, il ne pouvait pas connaître la
4 situation. Cela me dérangeait.
5 Mais la goutte d'eau, qui a fait déborder le vase, a été la
6 politique menée à l'encontre de la Bosnie-Herzégovine ; j'ai estimé qu'il
7 s'agissait d'une catastrophe pour la Croatie. C'est là selon moi ce qui a
8 marqué le tournant et m'a fait quitter cette politique officielle.
9 M. le Président. - On sent que vous avez toujours été partagé
10 entre la position officielle, Me Nobilo l'a montré dans tous les articles
11 qu'il a cités, et cette position souterraine dont vous dites vous-même
12 qu’elle est le fruit d’une évolution lente.
13 Quelle est votre contribution réelle dans cette position
14 souterraine, l’influence que vous avez (semble-t-il) sur les structures,
15 influence de plus en plus déclinante ? Avez-vous
16
17
18 vraiment des faits concrets, des choses concrètes qui puissent indiquer
19 que, tout en disant à Globus que vous êtes pour la position officielle, en
20 fin de compte vous ne l’êtes pas ? Avez-vous des faits concrets ?
21 C'est important pour le Tribunal de savoir quelle est la
22 crédibilité profonde d’un témoignage qui est tellement difficile à
23 percevoir. N’y voyez pas de critique de ma part. Je me doute bien que,
24 dans cette situation tragique, c'est plus facile à analyser après que sur
25 le moment.
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1 Le Tribunal aimerait bien, en tout cas moi, savoir ce que vous
2 avez fait au fond concrètement ? Qu’avez-vous fait, même pour les
3 Musulmans ? A un moment donné, en tête-à-tête avec M. Franjo Tudjman,
4 avez-vous dit : c’est inadmissible, cela peut pas aller, je démissionne
5 publiquement, etc ? Avez-vous des faits ou est-ce plutôt une magistrature
6 d’influence ?
7 Si vous ne voulez pas répondre, vous ne répondez pas.
8 M. Mesic (interprétation). - Il y a eu des influences subtiles,
9 mais il y a également eu bien des discussions avec le Président Tudjman.
10 Disons plutôt que j'étais très populaire et, je dois l'avouer, cela me
11 dérangeait personnellement et Tudjman essayait de m'avoir de son côté.
12 Pour ce faire, il a essayé de me persuader tout le long de rester en
13 politique, de me persuader de mon utilité dans cette politique.
14 Or, en ce qui me concerne, j'ai pris mes distances vis-à-vis de
15 cette politique et j'ai eu quelques entretiens avec lui au cours desquels
16 il ne cessait de me dire : « mais enfin, tu ne sembles pas comprendre la
17 situation en Bosnie ». Il me disait que je ne comprenais pas ce qu'il
18 souhaitait obtenir en Bosnie-Herzégovine.
19 Au cours de ces entretiens, il va sans dire que nous avons tous
20 les deux dit jusqu’où nous étions prêts à aller.
21 Je peux également citer comme preuve le fait que vingt-trois
22 députés m’ont promis
23
24
25 de quitter le HDZ. Or, lorsque je l’ai quitté, seuls onze d’entre eux ont
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1 quitté le HDZ. J'essayais donc auprès d'eux de bénéficier de cette masse
2 critique pour que l'on change l'attitude vis-à-vis de la Bosnie-
3 Herzégovine.
4 Ces arguments, apparemment, ont été compris par les
5 représentants de la Bosnie-Herzégovine. Ils m’ont rencontré. Terazije,
6 Alja Izetbegovic, et bien d'autres représentants de la Bosnie-Herzégovine
7 lors de leur venue à Zagreb, venaient toujours me voir. En effet, ils
8 avaient compris que je me battais pour une autre politique, pour d'autres
9 rapports vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine.
10 Concrètement, avant la visite au Pape, Alja Izetbegovic m’ai dit
11 par téléphone qu'il souhaitait me rencontrer, qu'il souhaitait que je lui
12 organise une rencontre avec le Président Tudjman.
13 Je lui ai dit que je le ferais bien volontiers, mais que le
14 Président Tudjman était en Chine et qu’il ne rentrait que le lendemain. Il
15 m’a dit : « Très bien, je viendrai donc avec Terazije, le Premier
16 ministre, demain à Zagreb et quand tu verras le Président Tudjman à
17 l’aéroport, tu lui diras que je souhaite le voir. »
18 Nous avons terminé cette conversation téléphonique. Ils sont
19 tous les deux venus à Zagreb et avec mes députés, nous avons parlé et il
20 m'a dit : « si j'ai trois propositions à faire à Franjo Tudjman, je dirai,
21 premièrement, que les Bosniaques doivent remplacer tous les commandants
22 dans l'armée que souhaite la Croatie, à une condition : que la Croatie
23 remplace également les commandants qui se sont compromis pendant ce
24 conflit, comme cela est demandé par la partie bosniaque. »
25 La deuxième proposition était que la Croatie fasse tout ce qui
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1 et en son pouvoir pour que l'on crée une confédération entre la Bosnie-
2 Herzégovine et la Croatie.
3 La troisième proposition de sa part était que le général croate,
4 Martin Spegelj, assume le commandement de l'armée bosniaque pour montrer
5 qu'il ne s'agissait pas d'intégrisme,
6
7
8 mais qu'il se battait pour le maintien de la Bosnie-Herzégovine. Or, en
9 tant que professionnel, il pensait qu'il en était capable.
10 Voilà, pour vous donner une idée, les questions avec lesquelles
11 il venait me voir, car il connaissait ces deux politiques.
12 M. le Président. - J’ai une observation sur les conditions de
13 votre témoignage, mais celle-ci ayant été faite par mon collègue
14 Shahabuddeen, donc je ne reposerai pas la même question. Mais, sous un
15 autre angle, si vous donniez une interview après la présente déposition,
16 quand vous serez revenu chez vous, est-ce que vous considériez que vous
17 avez manqué aux obligations vis-à-vis du Tribunal ?
18 Autrement dit, vous interdisez-vous de donner la moindre
19 interview à votre retour, s’agissant de cette déposition bien entendu ?
20 M. Mesic (interprétation). - J’estime, tout d'abord, qu’on
21 n'aurait pas dû politiser le fait que je coopère avec le Tribunal de
22 La Haye. D'autres personnes l'ont fait et cela a été préjudiciable pour
23 moi-même, mais également pour la crédibilité de la Croatie.
24 Etant donné que nous avons accepté que c'était une séance à huis
25 clos, j'ai le devoir de ne pas faire de commentaire sur ce qui s'est passé
Page 7376
1 lors d'une audience à huis clos, sur cette séance-ci. Pour ce qui est des
2 séances publiques, je peux toujours faire des commentaires dessus.
3 M. le Président. - En ce qui me concerne, j’ai terminé. Je crois
4 que M. Riad voulait poser encore une question.
5 M. Riad. - Vous avez posé ma question.
6 M. le Président. - Je vous remercie beaucoup, monsieur le Juge.
7 Nous devions, je m’en excuse auprès des interprètes, reprendre plus tôt,
8 mais à la suggestion de mes collègues, nous ne reprendrons qu'à
9 14 heures 45.
10 Je voudrais terminer en vous remerciant, Monsieur Mesic. C’est
11 un témoignage
12
13
14 historique important. Vous avez occupé des positions très importantes. Ce
15 Tribunal doit avoir une vision la plus complète possible de ce qui s'est
16 passé, s'agissant de responsabilités du général Blaskic, ce sont des
17 responsabilités de commandement. Vous l’avez fait et le Tribunal vous sait
18 gré de cette coopération, en espérant qu'elle ne se retournera pas contre
19 vous, mais en espérant aussi que de votre côté, vous ne provoquerez pas
20 des possibilités que cela puisse se retourner contre vous.
21 Il faut que chacun y mette du sien. Le Tribunal vous a assuré la
22 protection la plus complète. A vous aussi d'assurer la vôtre.
23 Cela étant, les Juges vous remercie de cette contribution.
24 Nous allons lever la séance et nous la reprendrons à
25 14 heures 45.
Page 7377
1
2 L’audience est suspendue à 13 heures 30
3
4 (Audience publique)
5 L’audience est reprise à 14 heures 50.
6
7 M. le Président. – L'audience est reprise. Monsieur le Greffier,
8 veuillez introduire l'accusé.
9 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)
10 M. le Président. – Monsieur le Procureur, quel est le témoin
11 suivant, s'il vous plaît ?
12 M. Harmon (interprétation). – Merci, Monsieur le Président,
13 bonjour, Monsieur le Président. Le prochain témoin est M. Pady Ashdown.
14 M. le Président. – Conformément à ce que nous faisons toujours,
15 pouvez-vous donner à la Chambre les lignes essentielles de ce témoignage
16 et nous dire en quoi il peut se raccorder, s’adapter avec les chefs
17 principaux de l’acte d’accusation contre le Général Blaskic, s'il vous
18 plaît.
19 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
20 Monsieur Ashdown commencera par nous expliquer et nous donner les grandes
21 lignes de sa carrière politique. C'est un membre du Parlement du Royaume-
22 Uni. Il dirige le parti libéral démocrate du Royaume-Uni. Il va tout
23 d'abord nous faire part de ses expériences en ex-Yougoslavie, puis il nous
24 relatera un entretien qu'il a eu avec M. Tudjman, le 6 mai 1995.
25 L'accusation fournira à la Chambre une copie d'une carte qui a
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1 été dressée par M. Tudjman et qui est accompagnée d'une série de notes de
2 M. Pady Ashdown.
3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce témoignage traite
4 des paragraphes 5/0 et 5/1 de l'acte d'accusation, à savoir l'existence
5 d'un conflit armé international. Il concerne tous les chefs d'accusation
6 d'infractions graves, à savoir les chefs 5, 8, 11, 15, 17 et 19 de l'acte
7 d'accusation.
8 M. le Président. – Si je comprends bien, Monsieur le Procureur,
9 ce témoignage va
10
11
12 porter sur les entretiens que le témoin a eus avec M. Franjo Tudjman ;
13 nous sommes d'accord ?
14 M. Harmon (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.
15 M. le Président. – Il s'agit de focaliser sur l'existence ou non
16 d'un conflit armé international ?
17 M. Harmon (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.
18 M. le Président. – S'il n'y a pas de questions complémentaires
19 de la part de mes collègues, merci. Nous pouvons donc,
20 Monsieur le Greffier, demander à l'huissier d'introduire
21 Monsieur Pady Ashdown qui, si j'ai bien compris, n'a pas requis de mesures
22 de protection particulière, n'est-ce pas ?
23 M. Harmon (interprétation). - En effet, Monsieur le Président.
24 M. le Président. – M'entendez vous, Monsieur Ashdown ?
25 M. Ashdown (interprétation). - Je vous entends fort bien,
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1 Monsieur le Président.
2 M. le Président. – Pouvez-vous donner au Tribunal votre prénom
3 et votre nom ?
4 M. Ashdown (interprétation). - Je m'appelle Jeremy, Gerald,
5 Haam Ashdown. On m'appelle Pady Ashdown, c'est un surnom.
6 M. le Président. – Je ne me permettrais pas de vous appeler tout
7 de suite par votre surnom, Monsieur Ashdown. Vous allez rester debout pour
8 lire votre déclaration et votre serment que va vous tendre sur ce
9 document, Monsieur l'huissier.
10 (L’huissier s’exécute.)
11 M. Ashdown (interprétation). - Je déclare solennellement que je
12 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 M. le Président. – Merci. Vous pouvez vous asseoir.
14 Monsieur Ashdown, vous avez accepté de témoigner à la demande de
15 l'accusation, dans le cadre du procès intenté devant le présent Tribunal
16 Pénal International pour l'ex-Yougoslavie contre le Général Blaskic,
17 l'accusé ici présent.
18 Le Procureur nous a sommairement donné les lignes essentielles
19 de votre témoignage. Vous connaissez particulièrement bien le type de
20 procédure qui est utilisé devant ce Tribunal largement emprunté à des
21 procédures que vous connaissez. Vous ne serez donc pas étonné de devoir
22 répondre aux questions du Procureur.
23 Néanmoins le Tribunal tient beaucoup à ce que la déposition soit
24 le plus possible spontané et d'un contenu suivi, étant entendu que le
25 Procureur à tout moment peut faire préciser telle ou telle question.
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1 Le contexte étant bien clarifié, Monsieur le Procureur, c'est à
2 vous pour quelques questions préalables. Vous avez la parole.
3 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
4 Monsieur Ashdown, bonjour.
5 M. Ashdown (interprétation). - Bonjour, Monsieur.
6 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Ashdown, pourriez-vous
7 tout d'abord expliquer aux Juges quelle est votre carrière politique ?
8 M. Ashdown (interprétation). - Je suis Irlandais de naissance.
9 J'ai suivi toute mon éducation au Royaume-Uni dans une école privée, école
10 publique en anglais, mais école privée. J'ai terminé mes études à 18 ans.
11 Je me suis engagé dans la Marine royale en tant qu'officier.
12 J'ai servi dans des unités de commandement et dans une unité spéciale, en
13 fait une unité ressemblant à la Force de l'air spéciale. J'ai fait partie
14 de cette unité pendant 13 ans et j'ai terminé ma carrière dans cette unité
15 en tant que capitaine.
16 J'ai fait une partie de mon service en Extrême-Orient, notamment
17 dans la campagne de Bornéo dans les années 1960. J'ai également travaillé
18 au Moyen Orient. Enfin, je suis retourné dans ma ville natale, Belfast, en
19 Irlande du Nord. Puis, j'ai étudié le chinois et j'ai passé un diplôme
20 dans ce domaine.
21
22
23 Ensuite, j'ai rejoint le ministère des Affaires étrangères
24 de 1965 à 1972. Je suis devenu premier secrétaire du Royaume-Uni dans le
25 cadre de la mission permanente des Nations Unies à Genève, en 1974. J'ai
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1 donné ma démission auprès du service des Affaires étrangères et je suis
2 entré dans le monde de la politique.
3 Après une période de huit ans, j'ai essayé de me faire élire au
4 sein d'une communauté locale. J'ai été élu au Parlement britannique
5 en 1983. Je représentais une circonscription électorale du sud-ouest de
6 l'Angleterre. J'ai été élu président de mon parti en 1988 et désigné comme
7 conseiller privé de sa Majesté la Reine en 1989. J'ai servi à la fois en
8 tant que membre du Parlement et en tant que dirigeant du Parti libéral
9 démocrate au cours des dix dernières années.
10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Ashdown, pouvez-vous dire
11 aux Juges si, en tant que membre du Parlement, vous avez commencé à vous
12 intéresser aux affaires de l'ex-Yougoslavie ? Et, si c'est le cas, vous
13 êtes-vous rendu en ex-Yougoslavie ?
14 M. Ashdown (interprétation). - J'ai commencé à m'y intéresser en
15 juillet/août 1992. La crise a commencé à apparaître par le biais de
16 certains articles diffusés dans les médias britanniques. Vers 1992 et
17 jusqu'à la fin du conflit, je me suis rendu à dix reprises...
18 M. le Président - Voulez-vous parler plus lentement pour nos
19 interprètes, s’il vous plaît.
20 M. Ashdown (interprétation). - Je m'excuse,
21 Monsieur le Président. Entre 1992 et la fin du conflit en Bosnie, je me
22 suis rendu à dix reprises en Bosnie, notamment à Sarajevo au cours du
23 siège de la ville. Ma première visite a eu lieu au mois août 1992, ma
24 deuxième visite très peu de temps après.
25 En fait j'ai été invité à me rendre en Bosnie par les Serbes et
Page 7382
1 par le Pr. Karadzic. A ce moment-là, j'ai traversé la Republika Srpska. Je
2 suis allé de Sarajevo jusqu'au corridor de Posavina en passant par Banja
3 Luka, j'étais la première personne à entrer dans le camp de
4
5
6 Manjaca, en dépit de certaines menaces dont nous avons fait l'objet. Les
7 Serbes nous ont menacés de nous abattre si nous le faisions. Nous nous y
8 sommes rendus. Et le lendemain, nous sommes allés à Prijedor et à
9 Ternopolje.
10 J'ai ensuite fait huit visites et cette huitième visite
11 correspondait avec la fin du conflit, alors qu'il y a eu cette grande
12 bataille. Je l'ai dit, j'ai en tout fait dix voyages en ex-Yougoslavie.
13 Généralement, j'en faisais un en été et un en l'hiver. En décembre 1992,
14 je me suis rendu dans le secteur de Vitez. J'ai vu beaucoup de choses là-
15 bas, notamment ce qui se passait à Kiseljak et en d'autres endroits.
16 Ensuite je suis retourné sur place en quelques occasions.
17 M. Harmon (interprétation). - Le 6 mai 1995, avez-vous eu un
18 entretien avec Tudjman ?
19 M. Ashdown (interprétation). - En effet, Maître Harmon. J'ai été
20 invité au banquet de célébration du jour de la victoire au Guild Hall de
21 Londres, le 6 mai 1995. C'était une réunion de toute première importance.
22 Il y avait beaucoup de participants. Nous devions être 300 ou
23 400 personnes. Il y avait nombre de chefs d'Etats. J'ai été placé, sans
24 doute par un membre du ministère des Affaires étrangères puisqu'on devait
25 supposer que je connaissais quelque chose à l'ex-Yougoslavie, à côté même
Page 7383
1 du Président Tudjman. J'ai donc eu un entretien conséquent avec le
2 Président.
3 M. Harmon (interprétation). - Veuillez nous faire part de cet
4 entretien.
5 M. Ashdown (interprétation). - A l'époque j'ai pris un certain
6 nombre de notes dans mon journal. Ce soir-là, le soir même du banquet,
7 j'ai écrit un certain nombre de choses dans mon journal. Je voudrais
8 m'appuyer sur ces notes. J'étais juste à côté de M. Tudjman. Je peux dire
9 que nous avons été régalés d'excellents vins au cours de ce banquet. Je
10 dois dire également que le Président Tudjman a abondamment dégusté
11 l'excellent vin qui nous était proposé. Donc nous avons engagé la
12 conversation très rapidement.
13 Dès les premières phrases, je lui ai demandé de me dire ce à
14 quoi, d'après lui,
15
16
17 ressemblerait l'ex-Yougoslavie dans 10 ans. Au dos du menu, j'ai tracé
18 quelques lignes, un petit croquis en fait. Je lui ai demandé d'apporter
19 quelques précisions à la carte très succincte que j'avais dressée et je
20 lui ai répété ma question.
21 M. Harmon (interprétation). - Je vous interromps. Je vais vous
22 faire passer un exemplaire de la carte à laquelle vous venez de faire
23 référence.
24 Avec l'aide de l'huissier, j'aimerais que l'on me donne la pièce
25 de l'accusation numéro 275/A. Je souhaite que ces pièces soient
Page 7384
1 communiquées au témoin et placées sur le rétroprojecteur. Commençons par
2 la pièce 275/A de l'accusation.
3 M. le Président. - La défense en dispose-t-elle, Maître Harmon ?
4 M. Harmon (interprétation). - J'allais expliquer à l’instant,
5 Monsieur le Président, qu'il s’agit en fait de l’exemplaire original.
6 C'est M. Ashdown qui a l'original de ce document sous les yeux. Avant que
7 nous n'entrions dans la salle d'audience, le conseil de la défense a eu
8 l'occasion de se pencher sur les documents originaux.
9 Monsieur le Président, je demanderai que M. Ashdown soit
10 autorisé à garder les originaux. L'exemplaire qui sera authentifié par
11 M. Ashdown sera versé au dossier, si vous le voulez bien.
12 Les originaux seront à la disposition de la défense dès lors
13 qu'elle manifestera le désir de les examiner de plus près.
14 Je peux expliquer ce qu'est la pièce 275/A de l'accusation. Je
15 vais me permettre de parler au nom du témoin afin de préciser un certain
16 nombre de choses. Il s'agit d'un diagramme, d'un petit croquis dressé au
17 dos du menu du banquet. On y voit une carte dressée en partie par
18 M. Ashdown et par le Président Tudjman.
19 La pièce 275/B est une copie de la pièce 275/A. M. Ashdown a
20 porté des notes sur ce deuxième exemplaire, le lendemain du banquet. La
21 pièce 275/A apparaît sur le rétroprojecteur, Monsieur le Président. Je
22 vais poursuivre.
23 Monsieur Ashdown, en continuant à vous exprimer librement et
24 spontanément, et à nous expliquer la nature de votre entretien avec
25 M. Tudjman, veuillez commencer par identifier ce document. Qu'est-ce que
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1 ce document et quelles sont les lignes que vous y avez apposées ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Ce document, Monsieur Harmon,
3 vous le voyez bien, est le menu du banquet qui s'est tenu ce soir-là. Au
4 dos du menu, on trouve des lignes qui ont été apposées par moi-même et
5 M. Tudjman. J'ai tracé cette ligne ici qui montre la ligne côtière. J'ai
6 indiqué Sarajevo ici même, Belgrade là-haut, Banja Luka à l'endroit où je
7 pose le pointeur et là j'ai placé un point... Pardon, Zagreb là-bas et
8 Belgrade ici. Zagreb là où il y a la croix et Belgrade là où il y a le
9 point. J'ai fait ces indications et j'ai demandé au Président Tudjman de
10 me dessiner l'ex-Yougoslavie.
11 Les autres lignes qui apparaissent sur cette carte, notamment
12 les deux flèches, ont été apposées par le Président Tudjman. Nous voyons
13 d’abord un espèce de rond qui nous montre la Bosnie. Puis, il a tracé
14 cette ligne, la ligne de front à l'époque, qui se trouvait à l'est de
15 Banja Luka. Ensuite il a tracé cette ligne qui est une ligne clé puisque,
16 d'après lui, c'était la ligne de division qui allait être établie par la
17 suite en ex-Yougoslavie. On voit bien que Sarajevo est à l'ouest de cette
18 ligne et que Banja Luka se trouve dans la région appartenant aux Serbes.
19 Il m'a indiqué -parce que je lui ai posé la question précisément- que
20 Tuzla se trouverait dans le territoire serbe. C'est ainsi qu'il voyait les
21 choses.
22 Je lui ai alors demandé : "Qu'est ce côté là ?". Il a tracé la
23 flèche et a dit : "C'est la Serbie et cette partie-là, avec l'autre
24 flèche, c'est la Croatie". J’ai ajouté : "Et qu'en est-il des
25 Musulmans ?". Il a répondu : "Il n'y aura pas de région musulmane. Ce ne
Page 7386
1 sera qu'un élément mineur constituant l'Etat croate". Je lui ai posé la
2 question de savoir s'il était convaincu que les Serbes allaient accepter
3 d'échanger Banja Luka contre Tuzla. Il a dit : "Absolument". Il pensait
4 que c'était ainsi que la situation allait évoluer.
5 Il a poursuivi et déclaré qu'il avait l'intention, vers la fin
6 du mandat des
7
8
9 Nations Unies, de reprendre Knin et la région de la Krajina qui se trouve
10 autour ; nous avons commencé à parler de ce point-là. Je lui ai dit que du
11 point de vue militaire (j'ai une certaine capacité d'analyse de ce genre
12 de question) ce serait extrêmement difficile parce qu'il s'agit d'un
13 territoire facile à défendre. Je lui ai demandé s'il avait l'impression
14 que ce serait une opération très difficile. Il pensait la mener à bien en
15 huit jours avec moins de 1000 pertes humaines de son côté.
16 A ce moment-là, on a ouvert une bouteille de vin blanc. Il a
17 fait un parallèle avec une bouteille de vin en disant qu’il serait plus
18 rapide de se saisir de ce territoire que d'ouvrir une bonne bouteille de
19 vin blanc croate. Ensuite, nous avons commencé à parler de ses rapports
20 avec les deux autres dirigeants, M. Izetbegovic et M. Milosevic. Il a
21 déclaré qu’Izetbegovic était un intégriste, un Algérien, ce sont les mots
22 qu'il a employés. J'ai indiqué dans mon journal qu'il a bien dit ces mots.
23 Et je me rappelle aussi avoir consigné qu'il avait dit que M. Izetbegovic,
24 je cite "allait partir".
25 Ensuite, il a dit que le président Milosevic était, je
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1 cite "l'un des nôtres", ce qui n'était pas le cas de M. Izetbegovic. Il a
2 également dit que les Musulmans étaient simplement des Serbes et des
3 Croates qui n'avaient pas réussi à faire face aux Turcs lors de l'invasion
4 de l'empire ottoman.
5 J'ai vraiment pensé à ce moment-là que j'étais en train de tenir
6 une conversation absolument extraordinaire, sans comparaison possible avec
7 aucune autre que j'ai tenue jusqu'à ce jour.
8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Ashdown, veuillez vous
9 tourner vers la pièce 275/B et nous raconter ce qui s'est passé ensuite.
10 M. Ashdown (interprétation) - Je suis retourné dans ma chambre
11 ce soir-là, chez moi. J’ai pris des notes dans mon journal, ce que je fais
12 toujours, et j'ai parlé à ma femme de cette discussion absolument
13 extraordinaire.
14
15
16 Afin de pouvoir bien analyser la carte, je l'ai fait photocopier
17 le lendemain matin. J'y ai apposé un certain nombre d'annotations qui me
18 permettaient d'éclaircir bien la situation. Là, j'ai marqué qu'il
19 s'agissait de la ligne côtière, là, il y a Belgrade, il y a la Serbie.
20 Tout apparaît et toutes ces annotations, je les ai faites de ma propre
21 main parce que tout cela me permet de bien comprendre ce qui a été dit
22 lors de cette conversation.
23 J'ai également dressé cet axe ici. J'ai repassé sur la ligne
24 tracée par le président Tudjman. J'ai essayé d'épaissir cette forme en
25 "S", parce que, bien évidemment, c'était une démarcation clé. Je l'ai
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1 épaissie jusque-là et puis, je n'ai pas continué, parce que le petit bout
2 de ligne qu'on voit en fin de "S" n'est pas du tout important.
3 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Ashdown, merci beaucoup.
4 Je n'ai pas de question supplémentaire et, avec votre autorisation,
5 Monsieur le Président, je demanderai le versement au dossier des pièces de
6 l'accusation 275/A et /B.
7 M. Hayman (interprétation). - Pas d'objection,
8 Monsieur le Président pour la pièce 275/A. Pour la pièce 275/B, je demande
9 que l'on attende la fin du contre-interrogatoire de la défense.
10 M. le Président. - Je ne vois pas très bien, excusez-moi,
11 Maître Hayman, je ne vois pas très bien pourquoi vous voulez que l'on
12 attende. Ce sont vos questions qui vont déterminer la pertinence ? Pour
13 l'instant, c'est identifié. Je ne vois pas pourquoi on ne déposerait pas
14 cette pièce comme pièce à conviction. Le témoin, non seulement la
15 reconnaît, mais il en est l'auteur.
16 M. Hayman (interprétation). - La question est de savoir si
17 certaines parties de ce document ne sont pas précises. Par exemple, il est
18 marqué en haut du document : « lignes tracées par FT ». Le témoin a
19 déclaré que certaines des lignes qui apparaissent sur le document ont été
20 tracées par lui. Il nous faut bien établir quelles sont les lignes qui ont
21 été tracées de sa propre main et celles qui ne l’ont pas été.
22 Mais nous n'avons pas d'objection quant au document lui-même. Il
23 me faut d'abord
24
25
Page 7389
1 avoir la possibilité d'interroger le témoin pour me prononcer de façon
2 définitive sur ce document.
3 M. le Président. - Je consulte mes collègues.
4 (Les Juges se consultent.)
5 Les Juges sont d'avis que le document doit être déposé comme
6 pièce à conviction. Maintenant, il vous appartient de le contester de la
7 façon dont vous voudrez le contester. Allez-y, commencez votre contre-
8 interrogatoire, Maître Hayman.
9 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
10 Bonjour, Monsieur Ashdown.
11 M. Ashdown (interprétation) - Bonjour, Monsieur Hayman.
12 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous assis en face de
13 M. Tudjman ou à côté de lui ?
14 M. Ashdown (interprétation) - A côté du président.
15 M. Hayman (interprétation). - Qui se trouvait à vos côtés, à
16 votre côté à vous ou à côté du président Tudjman ?
17 M. Ashdown (interprétation) - Je crois que c'était l'ambassadeur
18 croate qui se trouvait là, peut-être pas immédiatement à côté de nous,
19 mais tout près de nous.
20 M. Hayman (interprétation). - Qui se trouvait en face de vous ?
21 Ou bien était-ce une table extrêmement large ?
22 M. Ashdown (interprétation) - Ce n'était pas une table très
23 large, une table tout à fait classique. Ceci s'est passé il y a quatre
24 ans, vous le savez. Je ne voudrais pas déformer les faits. Je préfère
25 m'appuyer sur mon journal et sur les notes que j'y ai consignées.
Page 7390
1 Si je me rappelle bien, il y avait d'autres Croates de l'autre
2 côté de la table, je n'en suis pas absolument certain, ceci dit.
3 M. Hayman (interprétation). - Hormis vous-même et M. Tudjman,
4 une personne
5
6
7 quelconque a-t-elle pris part à cet entretien ?
8 M. Ashdown (interprétation) - Pas à cet entretien précis, pas à
9 cet échange-là. Mais, là encore, je répugne à essayer de faire appel à ma
10 mémoire de façon trop poussée. Je préfère m'appuyer sur des certitudes et
11 sur ce qui est dit dans mon journal. D'après ce qui est dans mes notes, je
12 ne crois pas que qui que ce soit d’autre ait participé à cet échange.
13 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous dire à la Chambre de
14 première instance combien de temps cet entretien a duré, cet entretien qui
15 traitait de l'élaboration de cette carte qui apparaît sur le menu ?
16 M. Ashdown (interprétation). - C’est très difficile à dire,
17 Monsieur Hayman. C'était un banquet extrêmement long. Il y a eu des
18 discours. Bien évidemment, nous avons abordé d'autres sujets, des points
19 sans importance. J'ai dû également adresser la parole à la personne qui se
20 trouvait assise de l'autre côté. Cette partie de la conversation qui est
21 la plus intéressante a duré vingt minutes, une demi-heure au plus.
22 M. Hayman (interprétation). - Quelle langue avez-vous utilisée
23 pour vous parler l'un à l'autre ?
24 M. Ashdown (interprétation). - L'anglais.
25 M. Hayman (interprétation). - Vous parlez serbo-croate,
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1 Monsieur ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Non.
3 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous demandé au
4 président Tudjman de dresser une carte de la Bosnie ou bien de l'ex-
5 Yougoslavie de façon générale ?
6 M. Ashdown (interprétation). - Je lui ai demandé de me dire à
7 quoi, d'après lui, ressemblerait l'ex-Yougoslavie dans dix ans, et
8 notamment la Bosnie-Herzégovine parce que c'est ce qui m'intéressait le
9 plus ; mais je lui ai parlé de l'ex-Yougoslavie.
10 M. Hayman (interprétation). - Peut-on placer la pièce 275/A sur
11 le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?
12
13
14 (L’huissier s’exécute.)
15 M. Ashdown (interprétation). - Je crois que c'est l'autre carte
16 qu'il nous faut.
17 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez précisé que vous
18 aviez apporté un certain nombre de précisions sur ce document ou plutôt
19 que c'est vous qui aviez commencé à tracer ces lignes ?
20 M. Ashdown (interprétation). - En effet.
21 M. Hayman (interprétation). - Voyez-vous le quart supérieur du
22 cercle de ce que vous avez appelé la Bosnie-Herzégovine ?
23 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
24 M. Hayman (interprétation). - On dirait qu'il y a un "X", une
25 espèce de "B" et un petit carré. Voyez-vous ce à quoi je fais référence ?
Page 7392
1 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
2 M. Hayman (interprétation). - Est-ce vous qui avez fait ces
3 annotations ?
4 M. Ashdown (interprétation). - Comme je le dis d’ailleurs dans
5 mon journal, j'ai dessiné Zagreb en traçant une croix. J’ai tracé la ligne
6 côtière. Il y a une croix pour Zagreb, une croix pour Banja Luka, une
7 croix pour Sarajevo et, si je me souviens bien, un point ou un petit rond
8 pour Belgrade.
9 M. Hayman (interprétation). - Où se trouve ce point, ce cercle ?
10 M. Ashdown (interprétation). - Il doit être sous la croix, donc
11 par ici.
12 M. Hayman (interprétation). - Mais voit-on ce point sur la
13 pièce 275/A, Monsieur ?
14 M. Ashdown (interprétation). - Permettez-moi de regarder de plus
15 près. Je n'ai pas l'impression qu'on puisse le voir. Je crois que c'est ce
16 petit point-là, mais je n'en suis pas certain.
17 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi, mais vous êtes en
18 train de faire des indications sur l'original. Alors, s’il vous plaît,
19 placez-le sur le rétroprojecteur,
20
21
22 Monsieur Ashdown, cela nous permettra à tous de mieux suivre ce que vous
23 dites.
24 Sur le menu original, pouvez-vous apercevoir le point que vous
25 avez indiqué comme étant l'emplacement de Belgrade ?
Page 7393
1 M. Ashdown (interprétation). - Monsieur Hayman, ce n'est pas une
2 carte en bonne et due forme. Mais, sur le pli du menu, on voit bien qu'il
3 y a au bout de la flèche un petit point. Si vous regardez le document
4 original, on le voit. Je l'indique avec le pointeur. Je crois que c'est le
5 point que j'ai tracé. J'ai juste placé mon stylo. Et là, c’est Belgrade.
6 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous, s’il vous plaît,
7 placer la pièce 275/B juste à côté du menu original. Je ne sais pas si
8 cela tient sur le rétroprojecteur, mais j'aimerais essayer de voir ces
9 deux documents ensemble, dans la mesure du possible ; je remercie la
10 cabine technique de ses efforts.
11 Pourriez-vous nous indiquer où se trouve Belgrade sur la
12 pièce 275/B ?
13 M. Ashdown (interprétation). - Elle se trouve ici.
14 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire
15 qu'elle se trouve bien loin de ce qui apparaît sur le pli du menu
16 original ?
17 M. Ashdown (interprétation). - Tout à fait, Monsieur Hayman,
18 tout à fait.
19 Mais, rappelez-vous, j’ai retracé une carte qui avait été
20 préalablement tracée le jour précédent. Regardez la photocopie de
21 l'original qui a été faite le lendemain sur cette photocopie, on voit bien
22 que la Belgrade que j'ai indiquée par une croix ne ressemble pas à cette
23 Belgrade qui a été faite le jour précédent, qui est en encre noire par
24 opposition à mon encre bleue.
25 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Belgrade n'a pas
Page 7394
1 cependant été marquée par un cercle au cours du banquet ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Belgrade n'a pas été indiquée par
3 un cercle. Si je m'en souviens bien, mais je répète que tout cela s’est
4 passé il y a quatre ans, je crois bien avoir tracé les croix qui se
5 trouvent à main gauche de la carte. Je pense que Belgrade est ici, là où
6 je
7
8
9 pose le pointeur.
10 Je ne pensais pas que la position de Belgrade, qui est une ville
11 bien connue, était d’une telle importance. Ce qui est important c'est
12 Sarajevo et Banja Luka.
13 M. Hayman (interprétation). - Mais est-il exact de dire que, le
14 lendemain matin, vous avez essayé d'améliorer la carte en notant
15 l'emplacement de Belgrade ?
16 M. Ashdown (interprétation). - Non, je n'ai pas amélioré la
17 carte, je n'ai pas apporté de précisions à la carte. J'ai annoté la carte
18 afin de pouvoir me rappeler correctement de tout ce qui était dit.
19 M. Hayman (interprétation). - Vous dites donc avoir ou ne pas
20 avoir indiqué de façon visible, avec un crayon, au cours du banquet
21 l'emplacement de Belgrade ?
22 M. Ashdown (interprétation). - Je l'ai simplement indiqué en
23 faisant un petit signe avec mon crayon sur le menu. Ensuite, je...
24 M. le Président. - Maître Hayman, pouvez-vous avancer ? Je crois
25 que le témoin a répondu.
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1 M. Hayman (interprétation). - En effet, Monsieur le Président.
2 Je n'ai pas d'autres questions quant à l'emplacement de Belgrade sur la
3 pièce 275/B de l'accusation.
4 Monsieur Ashdown, pouvez-vous, s’il vous plaît, vous tourner
5 vers le document 275/A. Pouvons-nous obtenir un agrandissement de ce
6 document et retirer le document 275/B ? Je voudrais que nous apercevions
7 très précisément le document 275/A.
8 (L’huissier s’exécute.)
9 A côté de la croix, dont vous dites qu'elle indique
10 l'emplacement de Banja Luka, voyez-vous un petit "B" ?
11 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous de la personne
13 qui a fait cette annotation ?
14
15
16 M. Ashdown (interprétation). - Oui, c’est moi.
17 M. Hayman (interprétation). - Et que souhaitiez-vous indiquer ?
18 M. Ashdown (interprétation). - Je souhaitais indiquer qu’il
19 s’agissait de Banja Luka.
20 M. Hayman (interprétation). - Et cette petite boîte qui apparaît
21 à côté du "B", c’est vous-même qui l’avez tracée ?
22 M. Ashdown (interprétation). - Sincèrement, Monsieur Hayman, je
23 ne sais pas qui a fait cette petite case. Franchement, je ne crois pas que
24 cette petite case ait une importance quelconque. Nous parlions au cours
25 d'un dîner. On nous passait des assiettes, on nous remplissait nos verres,
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1 les plats circulaient. Peut-être ai-je fait une petite annotation tout à
2 fait par hasard avec mon crayon. Peut-être n'aurais je pas dû la faire.
3 Mais, franchement, je ne sais pas.
4 M. Hayman (interprétation). - C'était une atmosphère très
5 détendue qui régnait lors de ce banquet ?
6 M. Ashdown (interprétation). - Non, c'était un banquet officiel.
7 M. Hayman (interprétation). - Le président Tudjman était-il en
8 train de profiter de l'hospitalité dont on faisait preuve à son égard ?
9 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
10 M. Hayman (interprétation). - Il profitait du vin, il le
11 dégustait ?
12 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
13 M. Hayman (interprétation). - Et vous-même, appréciiez-vous le
14 vin qu’on vous servait ?
15 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
16 M. Hayman (interprétation). - D'après vous, il a peut-être été
17 saisi d'une légère ébriété au cours de ce banquet ?
18 M. Ashdown (interprétation). - Pour être tout à fait franc, je
19 me rappelle que cette conversation était particulièrement fascinante, mais
20 que son verre de vin était sans cesse rempli au cours de la conversation
21 et du banquet.
22 M. Hayman (interprétation). - Pourriez- vous être d’accord avec
23 moi pour dire qu'il était légèrement troublé par les vapeurs du vin.
24 M. Ashdown (interprétation). - Monsieur Hayman, c'est un chef
25 d'Etat. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'utiliser ce type de langage, eu
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1 égard à M. Hayman. Il suffit de dire qu’il était tout à fait heureux de
2 l'atmosphère qui régnait au cours du banquet.
3 M. le Président. - Il serait bien d’avoir un peu de sérénité
4 dans ces débats. Je n'aurais pas pensé que l’on puisse, un jour, faire des
5 suggestions sur l'atmosphère d'ébriété d'un chef d'Etat. Il s'agit d'un
6 banquet officiel dans lequel il y avait certainement d'excellents vins.
7 Voulez-vous passer à la question suivante ?
8 M. Hayman (interprétation). - Veuillez examiner la pièce 275/B,
9 s'il vous plaît, Monsieur Ashdown. En haut de ce document, quelqu'un a
10 écrit les mots « lignes tracées par Franjo Tudjman ?
11 M. Ashdown (interprétation). - Oui, c'est moi qui ait indiqué
12 ces éléments en haut de la carte.
13 M. Hayman (interprétation). - Fort bien. Je suppose que vous ne
14 voulez pas dire que c’est Franjo Tudjman qui a tracé les cartes qui se
15 trouvent à l'extrême gauche, tout en bas du document ?
16 M. Ashdown (interprétation). - D'après ce que dit mon journal,
17 et d'après mes notes de l'époque, il apparaît que c'est moi qui ait apposé
18 ces lignes. Mais les lignes intéressantes qui apparaissent sur la carte
19 ont été tracées par Tudjman et non pas par moi-même.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous voyez ces lignes épaisses,
21 l’une qui provient de Banja Luka dans le coin supérieur gauche de la
22 carte. Si vous suivez cette ligne vers le coin supérieur gauche, on trouve
23 Banja Luka en Croatie. Il y a ensuite cette ligne qui descend de cet
24 emplacement.
25 M. Ashdown (interprétation). - C’est une flèche.
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1 M. Hayman (interprétation). - Ce n’est pas une ligne ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Non, c’est une flèche.
3 M. Hayman (interprétation). - Toutes les flèches ne sont pas des
4 lignes et elles n'ont pas forcément été tracées par M. Tudjman ? C'est
5 vous-même qui les avez tracées, n'est-ce pas ?
6 M. Ashdown (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Pour ce qui est du « S » et de
8 cette ligne de division, le professeur Tudjman, au cours de cet entretien,
9 a-t-il déclaré qu'une fédération croate serait mise sur pied ?
10 M. Ashdown (interprétation). - Non.
11 Vous voyez qu'il a très nettement tracé ces deux flèches. Je lui
12 ai demandé quelle était cette partie-là ? Il a dit « c'est la Serbie ».
13 Je lui ai demandé ensuite « et ce côté-là » ? Il a tracé la flèche et a
14 dit « c'est la Croatie ». Il a dit que l'Etat bosniaque n'existerait pas,
15 ne serait qu'un élément mineur qui constituait une partie de la fédération
16 croate.
17 M. Hayman (interprétation). - De la fédération croate ? D'après
18 vous, qu'est-ce que cela signifiait ?
19 M. Ashdown (interprétation). - J'ai pensé que cela serait en
20 fait le nom donné à la Croatie, que la Croatie aurait tout le contrôle.
21 M. Hayman (interprétation). - Donc pas une partie de la
22 République de la Croatie, mais plutôt un élément du territoire qui ferait
23 partie d'une fédération avec la Croatie, n'est-ce pas ?
24 M. Ashdown (interprétation). - Ce que j'écris dans mon journal
25 indique que ce
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1
2
3 serait en fait un élément tout à fait insignifiant de la confédération
4 croate.
5 M. Hayman (interprétation). - Je parle de la Fédération croate.
6 Vous a-t-il dit que la fédération Croate serait avec la Croatie ou avec
7 d’autres composantes de la Bosnie-Herzégovine ?
8 M. Ashdown (interprétation). - J'ai eu l'impression très claire
9 que c'était une fédération avec la Croatie. J'ai, pour ma part,
10 l'impression que ce qu'il désirait, c'était une plus grande Croatie.
11 M. Hayman (interprétation). - C'est l'impression que vous avez
12 eue ou vous l’a-t-il dit ?
13 M. Ashdown (interprétation). - Non, il n'a pas dit cela,
14 Monsieur Hayman. Il me semble que les indications, la flèche indique
15 parfaitement qu'il voyait deux éléments en présence, un élément serbe et
16 un élément croate et que ce dernier serait une entité unique appelée la
17 Croatie.
18 M. Hayman (interprétation). - A-t-il fait référence à ces
19 éléments comme étant de nature culturelle ou des éléments constituant un
20 Etat de chaque côté du S ?
21 M. Ashdown (interprétation). - Vous dites « culturelle »,
22 Monsieur Hayman. Je vous rappelle que tout cela s'est passé au cours d'un
23 banquet. La seule chose qui aurait pu me laisser penser qu'il pensait de
24 ces éléments qu’ils pouvaient être de nature culturelle, c'est qu'il y
25 avait un ton très raciste lorsqu'il parlait des Musulmans.
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1 J'ai l’impression qu'il considérait l'élément musulman comme un
2 élément inférieur, un élément qu'il ne fallait pas prendre en compte.
3 Le seul élément culturel qui me vient à l'esprit, c'est ce ton
4 très insultant, ce ton presque raciste qu'il avait lorsqu'il parlait des
5 Musulmans.
6 M. Hayman (interprétation). - Mais il n'a pas précisé plus avant
7 s'il parlait du territoire croate comme étant un territoire culturellement
8 croate ou comme étant un territoire habité par des Croates ethniques et ce
9 par opposition à un Etat Croate, à savoir la République de Croatie ?
10 M. Ashdown (interprétation). - Non. Le point le plus important
11 est qu'il a dit que les Musulmans n'étaient qu'un élément infime qui
12 n'avait aucune importance, que c'était plutôt une question qui le
13 concernait lui et Milosevic. Il a dit que cette question allait être
14 résolue entre la Croatie et la Serbie. J'avais l'impression vraiment que
15 c'était déjà un accord conclu, quelque chose de déjà tranché en fait.
16 Nous savons bien qu'il est parfois difficile de savoir si ces
17 accords existent ou pas. Nous avons maints exemples historiques qui nous
18 le prouvent. On ne sait pas si cet accord a réellement eu lieu, mais
19 j'avais vraiment l'impression qu'une offensive serait lancée vers le mois
20 d’août ou de septembre de cette année-là, laquelle aurait pour objectif
21 d'arriver à une solution du problème musulman de Bosnie ou bosnien. Cela
22 permettrait de régler la question, c'est-à-dire de diviser l'élément entre
23 la Croatie et la Serbie de l'autre côté.
24 M. Hayman (interprétation). - Mais il vous a bien dit qu'il
25 allait lancer une opération militaire pour reprendre la Krajina dans la
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1 dernière partie de 1995 ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Pour ce dont je me souviens, il a
3 relié ce sujet à la fin du mandat des Nations Unies. D'après ce que je me
4 rappelle qu'il a dit, il a rappelé que le mandat des Nations Unies était
5 sensé s'achever à la fin de cette année.
6 Le lendemain matin, lorsque j'ai relu mon journal intime -je
7 demande toujours à ma secrétaire de le taper- qu'il avait alors parlé de
8 reprise de la région de la Krajina, probablement après le mois d’août.
9 Etant donné les événements qui ont eu lieu, je pense que cette
10 conversation et cette carte sont connues du public aujourd'hui. Je ne
11 pouvais que souhaiter que la communauté internationale sache quelles
12 étaient mes intentions.
13 M. Hayman (interprétation). - Mais il vous a dit que lors de la
14 fin du mandat des Nations Unies en Krajina, il avait l'intention de
15 reprendre la Krajina par la force, avec l'armée
16
17
18 croate ?
19 M. Ashdown (interprétation). - Oui, c'était bien son intention.
20 M. Hayman (interprétation). - En fait, cela a fait l'objet d'un
21 pari entre vous deux ?
22 M. Ashdown (interprétation). - Effectivement.
23 M. Hayman (interprétation). - Avant la fin du dîner, vous a-t-il
24 dit qu'il planifiait une opération militaire en vue de reprendre quelques
25 parties que ce soit de la Bosnie-Herzégovine ?
Page 7402
1 M. Ashdown (interprétation). - Non, il n'a pas dit cela. Mais
2 d'après la carte qu'il a tracée, cela apparaît très clairement. Sur cette
3 carte, on voit très clairement que l'opération de Krajina est une première
4 opération destinée à aboutir à l'objectif final qu'il trace sur la carte.
5 M. Hayman (interprétation). - C'est ce que vous avez déduit de
6 la conversation ?
7 M. Ashdown (interprétation). - C’est ce que j'ai déduit de la
8 conversation, mais cela repose sur mon expérience militaire et le rôle
9 particulier qu'il jouait à ce moment-là.
10 M. Hayman (interprétation). - Dites-vous dans votre déposition
11 qu'à la fin de ce dîner, vous avez pensé qu'un accord d'une certaine
12 nature existait entre Tudjman et Milosevic ?
13 M. Ashdown (interprétation). - Cela n'a jamais fait l'objet du
14 débat. J'ai cru, j'ai estimé qu'il s'agissait bien de l'exécution, de la
15 réalisation d'un accord entre le Président Tudjman et le Président
16 Milosevic. Ma conclusion a été que s'il parlait sérieusement de reprendre
17 la Krajina, il lui serait impossible d'agir de la sorte sur le plan
18 militaire sans une campagne militaire d'une très grande intensité, à moins
19 qu'il y ait eu accord préalable au sujet du sort à réserver à la région de
20 la Krajina.
21 M. Hayman (interprétation). - Déclarez-vous, dans ces
22 conditions, que vous pensez qu'il y a eu un accord au sujet de la Krajina
23 ou impliquant la Bosnie-Herzégovine ?
24 M. Ashdown (interprétation). - L'accord, c'est le « S » sur la
25 carte. C'est cela l'accord.
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1 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que cet accord
2 existait au moment où vous avez quitté la table de ce banquet ?
3 M. Ashdown (interprétation). - Je pensais qu'il était probable
4 que cet accord existe. Je n'avais pas de preuve à cet égard. J’ai quitté
5 ce dîner en pensant que c'était une forte probabilité.
6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez reçu vos notes en retour
7 peu de temps après ?
8 M. Ashdown (interprétation). - Excusez-moi je ne sais pas
9 exactement combien de temps après j'ai reçu mes notes en retour.
10 Normalement, je m'occupais de mon journal intime le soir même, très
11 rarement le lendemain soir. En général, je dicte le soir même. Je
12 transmets les notes à ma secrétaire qui les tape au propre et je les
13 reçois, normalement, dans les six jours. C'est la procédure normale.
14 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez reçu vos notes
15 concernant la carte, et la carte également bien sûr, avez-vous estimé être
16 en possession d'une information d'une grande importance diplomatique ou
17 sur le plan du renseignement ou potentiellement d’une grande importance
18 sur ces deux plans ?
19 M. Hayman (interprétation). - Non, je ne pouvais pas penser
20 qu'il était probable que le Président Tudjman ait dit ce qu'il allait
21 faire réellement. J'ai pensé que j'étais en possession d'un document qui
22 pouvait être considéré comme comportant une information historique. Je ne
23 suis pas allé plus loin.
24 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire
25 qu'à l'époque, en juin 95, il était souvent stipulé dans les médias que le
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1 Président Tudjman et la République de Croatie estimaient qu'à moins d'un
2 accord politique à l'automne, la Croatie allait lancer une opération
3 militaire pour récupérer les zones occupées de Croatie, ou des rebelles
4 avaient proclamé une République Serbe de Krajina qui était une scission de
5 la Croatie ?
6 M. Ashdown (interprétation). - Monsieur Hayman, excusez-moi,
7 mais je ne peux pas me rappeler exactement si cela faisait partie du
8 domaine public ou pas à l'époque. Je ne peux me rappeler que ce que me
9 disent mes notes. Je ne peux pas faire de commentaires au-delà de ce que
10 mes notes me permettent de me remémorer.
11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pensé que les
12 informations que vous aviez reçues au sujet d'une intention militaire de
13 lancer une action en Krajina étaient un élément confidentiel ou que un
14 élément qui n'appartenait pas au domaine public au moment où vous l'avez
15 reçu, en juin 1995 ?
16 M. Ashdown (interprétation). - Je les ai reçues en mai.
17 M. Hayman (interprétation). - Oui, excusez moi.
18 M. Ashdown (interprétation). - Je n'ai pas pensé que
19 l'information qu'il m'avait donnée appartenait au domaine public, non
20 certainement pas.
21 M. Hayman (interprétation). - En mai, je suppose que vous n'avez
22 pas publié cette carte, que vous n'avez accordé aucune interview à ce
23 sujet ?
24 M. Ashdown (interprétation). - Non.
25 M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a incité à
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1 changer d’avis et à remettre ces informations aux médias ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, c’est la
3 réalisation de ce que le Président Tudjman m'avait dit, les suites de
4 l'attaque serbe sur la Krajina le 6 ou le 7 août. J'ai vu ces événements
5 se produire. J'ai vu les troupes croates reprendre Knin. Je pensais
6 qu'elles ne pouvaient pas le faire sans subir de grosses pertes.
7 J'ai donc assisté à ces événements. J'ai vu que c'était une
8 forme de scission, de partition entre les Croates et les Serbes. J'ai
9 pensé qu'à ce moment-là, il était nécessaire pour moi de transmettre ces
10 informations pour qu'elles appartiennent au domaine public. Il fallait
11 alerter, me semble-t-il, la communauté internationale quant à ce que le
12 Président Tudjman
13
14
15 m'avait dit de ses intentions.
16 J'ai également pensé qu'étant donné la réaction qui s'en était
17 suivie, il se pouvait que certains membres de la Communauté internationale
18 se trouvent alertées par ses ambitions et que celles-ci ne puissent pas
19 être complètement exécutées.
20 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre que l'armée
21 croate n'a pas pénétré en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de l'opération
22 tempête, n'est-ce pas ?
23 M. Ashdown (interprétation). - Maître Hayman, je suis désolé
24 mais je ne peux vraiment pas faire le moindre commentaire à ce sujet. Je
25 ne sais pas si l’armée croate est entrée en Bosnie-Herzégovine à ce
Page 7406
1 moment-là ou pas ?
2 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations
3 laissant entendre que l'armée croate n'y a pas pénétré ?
4 M. Ashdown (interprétation). - Non, mais je n'en ai pas non plus
5 laissant penser le contraire. Je ne peux pas faire de commentaires sur
6 cette information.
7 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez accordé ces
8 interview en août 1995, combien en avez-vous accordés ?
9 M. Ashdown (interprétation). - Dans mon souvenir, j’ai examiné
10 quelle était la meilleure façon pour moi de rendre cette information
11 publique. J’ai donc pensé que c'était sans doute préférable de commencer
12 par une interview exclusive accordée au Times de Londres. Je suppose qu'il
13 y a eu quelques fuites, suite à quoi des interviews m’ont été demandées.
14 J’ai accordé quelques interviews. Je ne rappelle pas vraiment combien il y
15 en a eu, peut-être huit ou dix par jours. C'est ce que l'on dit, mais je
16 ne suis pas sûr qu'il y en ait eu autant.
17 M. Hayman (interprétation). - Dans l’une de ces interviews, on
18 vous a demandé si vous, vous estimiez qu’il existait un accord secret
19 entre la Croatie et la Serbie destiné, en dernière analyse, à diviser la
20 Bosnie. Vous avez répondu : « Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est
21 ce que le Président Tudjman m'a dit lors de ce dîner et ce que je sais,
22 c’est que ce qu’il
23
24
25 dit s’est avéré exact jusqu'à présent ».
Page 7407
1 M. Ashdown (interprétation). - Maître Hayman, je ne peux
2 vraiment pas me rappeler chacune des réponses que j’ai apportées aux
3 questions de cet interview. Je pense que si j’accordais une interview
4 publique au sujet d'une suspicion privée, personnelle, il arrive que l'on
5 vous demande de justifier vos soupçons personnels de façon détaillée et en
6 termes très précis. C'est une chose d'avoir un soupçon personnel, c’en est
7 une autre de le faire savoir publiquement à haute et intelligible voix.
8 L'avoir dit ne réduirait en rien la force de mon soupçon
9 personnel à ce sujet.
10 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec la
11 déclaration suivante : « Je ne pense pas qu'il faut considérer la carte
12 comme un plan ou comme une intention, ce n’est peut-être qu'une
13 prévision ». Etes-vous d'accord avec cette déclaration qui porte sur la
14 carte tracée au moment de ce dîner ?
15 M. Ashdown (interprétation). - Lorsque cette carte a été tracée,
16 je l’ai considéré comme une prévision, en effet.
17 M. Hayman (interprétation). - Et même au mois d'août 1995 ? Même
18 après le lancement de l'opération Tempête ? Vous seriez toujours d'accord
19 avec la déclaration selon laquelle cette carte ne devrait pas être
20 considérée comme un plan ou comme une intention ?
21 M. Ashdown (interprétation). - Il est fort possible qu'elle ait
22 été une prévision portant sur une opération devant précéder l'opération
23 Tempête. Je ne vois pas de problème à ce sujet. L'opération Tempête
24 pouvait fort bien avoir été conçue comme une opération limitée à la
25 Krajina. Il était fort possible que si, cette opération réussissait, elle
Page 7408
1 pouvait être considérée comme un premier élément de quelque chose qui
2 devait se poursuivre.
3 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai à M. l'huissier de
4 remettre ce texte au témoin pour le procès-verbal. Il s'agit d'un article
5 de l'Association Limited du lundi 7 août 1995 intitulé "J'ai vu la carte
6 de la Bosnie dépecée, déclare Ashdown". C'est très court,
7 Monsieur Ashdown, nous pouvons vous laisser lire rapidement cet article.
8 Je mettrai l'accent la seconde moitié de cet article.
9 M. Ashdown (interprétation). - Très bien.
10 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir prononcé
11 une déclaration qui, sur le fond, est conforme aux interviews que vous
12 avez accordées en août 1995 ?
13 M. Ashdown (interprétation). - Pour être honnête, Maître Hayman,
14 je ne me rappelle pas, mais je n'ai aucune raison de penser que c'est
15 inexact.
16 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec les
17 déclarations qui vous sont attribuées dans cet article ?
18 M. Ashdown (interprétation). - Je n'ai aucune raison de penser
19 que cette déclaration est inexacte.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous le dites aujourd'hui, assis
21 sur cette chaise ?
22 M. Ashdown (interprétation). - Il n'y a aucune contradiction
23 entre ce que je pensais qu'il se passait et ce qui est dit ici. Je
24 souhaitais que les gens le sachent. L'un des objectifs que j'ai stipulé
25 clairement était de garantir que l'opération de Krajina -si elle devait se
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1 poursuivre- aille plus loin. Il n'y avait aucune raison...
2 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre.
3 Le fait de fournir la carte et celui d'accorder des interviews ne sont
4 aucunement reliés.
5 M. Ashdown (interprétation). - Maître Hayman, mon objectif était
6 d'alerter la communauté internationale quant à ce que j'estimais être les
7 intentions du président Tudjman, sur la base des informations qu'il
8 m'avait fournies lors du dîner, au moment où cette carte a été tracée.
9 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais demander une nouvelle
10 fois que la pièce à conviction 275/B soit placée sur le rétroprojecteur.
11 Elle y est peut-être encore d'ailleurs. Peut-on allumer le rétroprojecteur
12 dans ces conditions ? Le document B et la carte sur laquelle
13
14
15 figurent des annotations : je crois comprendre que vous avez compris que
16 tout ce qui était à droite du "S" sur cette carte serait concédé à la
17 Serbie dans le cadre d'un accord conclu entre la Croatie et la Serbie ?
18 M. Ashdown (interprétation). - Maître Hayman, je ne peux que
19 répéter les mots que j'ai déjà dits, que le président Tudjman a tracé le
20 "S" ainsi que les autres éléments qu'il a tracés et dont j'ai parlé. J'en
21 ai conclu qu'il considérait tout ce qui se trouvait à gauche du "S" comme
22 devant faire partie de la grande Serbie. Mon soupçon personnel, très fort
23 à l'époque, consistait à penser que cette conversation et cette carte
24 indiquaient qu'il y avait une possibilité d'accord entre eux.
25 M. Hayman (interprétation). - J'attirerai votre attention sur la
Page 7410
1 pièce à conviction 275/B. Y a-t-il une portion au nord ou dans la partie
2 supérieure de la carte à partir de la frontière de la Bosnie-Herzégovine,
3 c'est-à-dire une partie du territoire de la République de Croatie, qui se
4 trouve dans la partie droite du "S" ?
5 M. Ashdown (interprétation). - Maître Hayman, excusez-moi, je
6 n'ai pas tout à fait compris votre question.
7 M. Hayman (interprétation). - Au-dessus de ce que l'on peut
8 définir comme la ligne en barbelés, mais à droite du sommet du "S", il y a
9 une partie de territoire, n'est-ce pas ?
10 M. Ashdown (interprétation). - Dans cette région, ici n'est-ce
11 pas ?
12 M. Hayman (interprétation). - Oui. Vous avez compris, sur la
13 base de la conversation que vous avez eue avec lui, que ce territoire
14 ferait partie de la grande Serbie ?
15 M. Ashdown (interprétation). - Oui, en tout cas, c'est ce que
16 j'ai cru et je vous invite une nouvelle fois à tenir compte du fait que
17 cette carte n'est pas une carte d'état-major mais qu'elle a été tracée
18 rapidement au cours d'un dîner. Selon ce dont je me souviens, je
19 considérerais ceci comme la rivière Save et, dans la région en dessous de
20 la Save, vous avez le corridor de Posadina. Vous savez bien que la Save
21 est la frontière avec la Bosnie et que la ligne
22
23
24 en barbelés est également la frontière bosniaque.
25 Là, il y a une légère inexactitude qui, je pense, montre que la
Page 7411
1 carte et la ligne en "S" étaient davantage en rapport avec la grande
2 Serbie et la grande Croatie.
3 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous demandé à M. Tudjman
4 quel était ce territoire ?
5 M. Ashdown (interprétation). - Non, le point important n'était
6 pas de savoir si cette carte était correcte ou pas. Elle consistait à
7 placer les Musulmans dans ce que je considérais être la grande Croatie.
8 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec le fait
9 que, si la ligne en barbelés est la frontière de la Bosnie-Herzégovine,
10 alors le territoire...
11 M. Ashdown (interprétation). - Au nord.
12 M. Hayman (interprétation). - Oui, le territoire au nord
13 constitue une partie au moins de la région de Slavonie Orientale qui fait
14 partie de la République de Croatie.
15 M. Ashdown (interprétation). - Exact, je suis d'accord avec
16 cela, je ne pense pas que la carte était précise à ce point. J'ai insisté
17 sur le S ici que j'ai considéré comme la rivière en question. Elle a été
18 tracée par un homme qui avait déjà bu quelque verres de vin et qui
19 profitait d'un bon dîner.
20 Je ne pensais pas que la position précise de chacun des éléments
21 sur cette carte ait eu une importance absolue. Ce n'était pas l'objet du
22 débat. Le point important de cette carte était la façon dont la Bosnie
23 était divisée et ce qu'il fallait faire de la communauté musulmane.
24 M. Hayman (interprétation). - Est-il permis de dire que cette
25 carte a été tracée rapidement ?
Page 7412
1 M. Ashdown (interprétation). - Il est tout à fait permis de le
2 dire. Vous n'avez pas le cerveau d'un chirurgien quand vous regardez une
3 carte tracée aussi rapidement.
4 M. Hayman (interprétation). - Il est indiscutable, n'est-ce pas,
5 que les flèches que
6
7
8 vous avez indiquées apparaissent à l'ouest et à l'est de la Slavonie sur
9 cette carte ?
10 M. Ashdown (interprétation) - Selon les notes de mon journal
11 intime à l'époque, je lis : "Il a pris son stylo et a tracé une ligne en
12 "s" générale qui, je suppose, est la ligne de la Krajina, avec passage à
13 l'ouest de Sarajevo et retour vers la mer".
14 J'ai écrit : "Belgrade, Zagreb, Sarajevo. Je lui ai laissé le
15 reste. Il a inscrit une ligne en "s" d'une façon générale en commençant
16 par la Slavonie, suivant la Save qui est la frontière qui inclut Tuzla".
17 Tuzla se trouvait ici, puis passant à l'est de Sarajevo, puis
18 vers le bas, vers la mer. Je crois que c'est assez clair.
19 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'à l'époque les Serbes
20 tenaient la Slavonie ? Contrôlaient-ils cette partie de la Croatie ?
21 M. Ashdown (interprétation). - A l'époque, si je me rappelle
22 bien, les Serbes contrôlaient la Slavonie Occidentale.
23 M. Hayman (interprétation). - Vukovar ?
24 M. Ashdown (interprétation). - Vukovar, excusez-moi, je ne me
25 rappelle pas exactement ce que les Serbes contrôlaient à l'époque et ce
Page 7413
1 qu'ils ne contrôlaient pas.
2 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne le haut du "S",
3 la carte montre de façon assez exacte ceux qui étaient alors aux mains des
4 Serbes en ce qui concerne les territoires qui se trouvaient à l'intérieur
5 de la République de Croatie ?
6 M. Ashdown (interprétation). - Excusez-moi, mais je ne comprends
7 pas votre question, Maître Hayman.
8 M. Hayman (interprétation). - J'en poserai une autre.
9 M. Ashdown (interprétation). - Je voudrais m'exprimer tout à
10 fait clairement. J'ai considéré que ceci représentait la Save. Je
11 considérais que cette ligne en barbelés comme vous l'avez appelée et le
12 territoire situé entre cette ligne en barbelés et la Save était le
13 corridor de
14
15
16 Posavniva. Je crois que c'était la position défendue à l'époque.
17 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne le nord, la
18 partie septentrionale de la frontière, qui figure en tant que frontière
19 actuelle de la Bosnie-Herzégovine ?
20 M. Ashdown (interprétation). - Si vous me demandez si quoi que
21 ce soit d'autre a été dit dans notre conversation quant à un accord entre
22 la Slavonie orientale d'un côté et la Krajina de l'autre, je ne crois pas
23 qu'il y ait eu un tel élément dans notre conversation.
24 M. Hayman (interprétation). - Vous seriez d'accord pour dire
25 qu'il serait exagéré de penser que la Croatie allait abandonner la
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1 Slavonie orientale ?
2 M. Ashdown (interprétation). - Non, excusez-moi, ce n'est pas
3 du tout ce que j'ai dit. Vous savez bien que c'est ce qui fait
4 prétendument l'objet de l'échange de Karadjordjevo. Tout ce que nous
5 disons, c'est que l'accord dont nous parlions à l'époque était
6 parfaitement conforme avec l'élément bosniaque de ce qui était appelé
7 "l'accord du rendez-vous de chasse". Si, à l’époque, la Serbie à l'époque,
8 je parle bien d'une intention, à abandonner Knin et la Krajina, et si l'on
9 considère la réalité des opérations militaires, on doit en conclure qu'ils
10 ne se sont pas battus très fermement pour cet objectif. Il était donc tout
11 à fait possible qu'il y ait eu un échange ou une intention d'échange selon
12 les lignes que vous venez d'indiquer.
13 M. Hayman (interprétation). - Une telle carte indiquerait les
14 intentions d'un tel échange ?
15 M. Ashdown (interprétation). - Non, je n'irai pas plus loin que
16 dire ce qu'il m'a dit à l'époque au sujet de cette carte, à savoir qu'elle
17 portait sur la Bosnie et la division de la Bosnie. Nous n'avons pas parlé
18 de la Slavonie orientale à l'époque, pour autant que je m'en souvienne.
19 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes d'accord pour dire que
20 vous et moi, ici, aujourd'hui, savons que la Slavonie orientale n'a pas
21 été cédée à la Serbie dans un quelconque accord ?
22 M. Ashdown (interprétation). - Vous le savez ou pas, c'est votre
23 affaire. Certains
24
25
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1 pensent que cela faisait partie d'un plan. Tout ce que je peux vous dire,
2 c'est ce que cette carte indique ce qui s'est passé cette nuit-là. Et
3 cette carte est exclusivement concentrée sur le territoire de la Bosnie,,
4 notamment sur la situation des Musulmans.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes d'accord avec moi pour
6 dire que la Slavonie orientale fait partie de la Croatie aujourd'hui.
7 M. Harmon (interprétation). - Je fais objection à d'autres
8 questions sur la Slavonie orientale. Le témoin n'a pas cessé de répéter ce
9 que représentait cette carte et ce qu'il en pense.
10 M. le Président (interprétation). - Je pense que l'objection est
11 valable, Maître Hayman. Vous insistez beaucoup sur cet aspect alors que le
12 témoin vous rapporte ce qu'il a constaté, ce qu'il a fait, de quoi il a
13 discuté concernant la carte, et puis je crois ce qu'il la dit.
14 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous inscrit sur vos notes
15 que le soir du dîner vous aviez une idée très claire du but que
16 poursuivait ce plan ? Vous avez écrit : "Il (en vous référant probablement
17 au Pr. Tudjman) essaye de parvenir à une espèce d'accord avec les Serbes
18 le plus rapidement possible, dès que militairement ils se seront pris ce
19 qu'ils peuvent se prendre l'un à l'autre".
20 M. Ashdown (interprétation) - Je ne sais pas ce que vous citez
21 là.
22 M. Hayman (interprétation). - C'est la deuxième ligne du
23 paragraphe entier.
24 M. Ashdown (interprétation) - C'est parfaitement clair. Oui,
25 tout à fait, c’est mon souvenir de l'époque.
Page 7416
1 M. Hayman (interprétation). - En d'autres termes, il n'y avait
2 pas d'accord mais vous estimiez qu'il pouvait y avoir une intention de
3 conclure un accord après que les Croates et les Serbes se soient battus et
4 en soient arrivés au point mort, est-ce exact ?
5 M. Ashdown (interprétation) - Je pense que la ligne qu'il a
6 tracée était une ligne qui, avec ou sans accord, représentait une position
7 acceptable pour les deux parties, c'est-à-dire pour la grande Croatie d’un
8 côté et pour la grande Serbie de l’autre, qui a permis de satisfaire
9
10
11 les deux parties quant à la division du territoire de la Bosnie.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes sorti de ce dîner
13 Monsieur Ashdown en estimant qu'un tel accord n’existait pas à l'époque,
14 n’est-ce pas ?
15 M. Ashdown (interprétation) - Je suis sorti du dîner, comme je
16 l’ai déjà dit assez fréquemment, avec une forte suspicion quant à l'accord
17 qui pouvait bien exister.
18 M. Hayman (interprétation). - Rien, dans les notes que vous avez
19 écrites, rien dans les notes que vous avez dictées ce soir-là ne le
20 montre, n’est-ce pas ?
21 M. Ashdown (interprétation) - Non, il n’y a rien dans ce que
22 j'ai dicté qui l’indique. C'est ce que je croyais à l'époque.
23 M. Hayman (interprétation). - Depuis ce dîner, après avoir
24 ajouté vos annotations en avez-vous envoyé un exemplaire au
25 professeur Tudjman pour qu'il voit ces annotations ?
Page 7417
1 M. Ashdown (interprétation) - Non.
2 M. Hayman (interprétation). - Lui avez-vous reparlé depuis ?
3 M. Ashdown (interprétation) - Non.
4 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez commencé à
5 estimer que M. Tudjman était fortement antipathique au cours du dîner ?
6 M. Ashdown (interprétation) - Je ne pourrais pas dire que je
7 l’ai trouvé très agréable, non.
8 M. Hayman (interprétation). - C'est votre sentiment à l'époque ?
9 M. Ashdown (interprétation) - Oui, c'est ainsi que je ressentais
10 les choses à l'époque, oui, oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je
12 demanderai l'aide de l'huissier...
13 Ceci est un article en langue anglaise qui se compose de deux
14 pages et je demanderai que cet article soit remis au témoin. Il est daté
15 du 10 juin 1995. Il est tiré du
16
17
18 Financial Times de Londres et intitulé : « Menaces croates d'une nouvelle
19 guerre contre les Serbes ». Il y a deux pages, il devrait y avoir une
20 deuxième page. Vous avez les deux pages recto verso sur vos exemplaires.
21 J'aimerais attirer votre attention, Monsieur Ashdown, sur les
22 troisième et quatrième paragraphes à partir du bas de la première page. Le
23 paragraphe commence par « En Croatie, un avion des rebelles serbes ». Je
24 vais le lire de façon que nous puissions avoir une interprétation, les
25 interprètes n’ont pas le texte, je les prie de m’excuser.
Page 7418
1 M. le Président. - Pouvez-vous indiquer quand même le contexte
2 de cet article, s’il vous plaît ?
3 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. C'est
4 un article qui est paru cinq semaines à peu près après le dîner, avant la
5 décision prise par le témoin au mois d'août de partager ses expériences
6 avec les médias. Donc c’est dans l'intervalle qui sépare les deux moments.
7 Je lis donc les troisième et quatrième paragraphes à partir du
8 bas. Je cite : « En Croatie, un avion des rebelles serbes a bombardé des
9 positions croates. Le président Franjo Tudjman a menacé de reprendre le
10 contrôle de toutes les zones sous contrôle serbe dans sa République, par
11 la force. Il a déclaré qu'à moins d'un accord politique d’ici l'automne,
12 il lancerait une campagne militaire destinée à reprendre les zones
13 occupées en Croatie où les rebelles ont proclamé une République
14 scissionniste de la Krajina serbe ». Fin de citation.
15 Ma question, Monsieur Ashdown, porte sur les commentaires de
16 M. Tudjman, commentaires quant au fait qu'une offensive militaire serait
17 lancée en Krajina. Est-ce que ces commentaires sont identiques à ceux que
18 l'on trouve dans cet article ?
19 M. Ashdown (interprétation) - Monsieur Hayman, vous me demandez
20 un commentaire, une opinion. Vraiment, je ne suis pas en mesure de tirer
21 des conclusions à ce sujet. Je ne suis pas en mesure de donner un avis au
22 sujet d'un article du Financial Times publié
23
24
25 un mois plus tard, que je n'ai pas vu jusqu'au jour d'aujourd'hui. Savoir
Page 7419
1 si ce qui est dit ici est un rapport exact ou inexact de la réalité, je ne
2 peux vraiment faire aucun commentaire à ce sujet aujourd'hui.
3 M. Hayman (interprétation). - Votre décision de publier la
4 carte, vos annotations etc., est motivée par les événements qui ont eu
5 lieu au cours de l'opération Tempête.
6 Vous souvenez-vous si, dans l’intervalle, vous avez reçu des
7 informations quant au fait qu'une accumulation d'armement avait lieu en
8 rapport avec la Slavonie orientale ? Avez-vous entendu parler de la
9 présence du regroupement de 150 chars serbes et d'éléments
10 militaires croates ?
11 M. Ashdown (interprétation) - Excusez-moi, Monsieur Hayman, mais
12 je ne peux pas me rappeler cette information. Des articles ont été
13 publiés, des contre-articles également, beaucoup de choses ont été dites à
14 l'époque. Il est possible que j'ai noté ces informations mais je ne m'en
15 souviens pas vraiment.
16 Ce que j'ai vu, et ce qui m'a semblé être une prévision émanant
17 du président Tudjman m'apparaît tout à fait vrai et avéré aujourd'hui.
18 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, objection.
19 Les questions posées par le Procureur au cours de l'interrogatoire
20 principal étaient des questions très précises qui portaient précisément
21 sur la conversation qui a eu lieu au cours du dîner. Nous sommes en ce
22 moment embarqués dans une histoire militaire qui porte sur diverses
23 campagnes militaires en ex-Yougoslavie.
24 M. le Président. - Objection accordée. Il faut bien voir que le
25 témoin a été convoqué par l'accusation pour narrer ce qui s'est passé lors
Page 7420
1 d'un dîner de gala au Guilde Hall, le 6 mai 1995. Il nous a dit tout ce
2 qu'il savait sur ce dîner.
3 Que vous posiez des questions pour essayer de voir jusqu'à quel
4 point les informations qu'il nous apporte de cet entretien peuvent
5 apporter au débat par rapport à la
6
7
8 défense du Général Blaskic, et notamment à la position de la Croatie,
9 les Juges le comprennent.
10 Mais nous n'allons quand même pas rentrer dans une conférence
11 d'état-major où nous faisons de la politique-fiction pour savoir si
12 l'honorable membre du parlement pouvait savoir ceci ou cela. Il est
13 quelqu'un qui a assisté à un dîner de gala avec le président Tudjman.
14 Peut-être pourriez-vous passer à une autre question. Cela étant, vous avez
15 quand même fait montré une pièce, et je suis bien d'accord pour qu'on
16 termine sur cette pièce, mais très rapidement s'il vous plaît.
17 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je vais
18 retirer ce document. Mais j’aimerais vous poser une question : si je ne
19 puis pas aller au-delà des éléments factuels et du fond alors les opinions
20 d'experts, les opinions militaires, les autres opinions exprimées par le
21 témoin devraient être retirées du dossier. Car il ne s’est pas limité au
22 récit des faits dont il a personnellement fait l'expérience. Il n'est pas
23 un expert interrogé sur les éléments factuels. C'est la raison pour
24 laquelle, par exemple, nous lui demandons de nous expliquer la logique ou
25 l'absence de logique qui préside à la conclusion d'un accord impliquant la
Page 7421
1 Slavonie orientale.
2 M. le Président. - Avec tout le respect que je dois à votre
3 position de la défense, Maître Hayman, je ne peux pas être tout à fait
4 d'accord avec vous. Dans ce procès, comme dans tous les procès, un témoin
5 est convoqué par une partie. Il est convoqué sur un point très précis.
6 Maître Harmon a fait, c'est bien pour cela que nous faisons faire un
7 sommaire avant que le témoin ne rentre. Ce sommaire a été très clair.
8 D'autre part, vous savez très bien que le contre-interrogatoire
9 est limité aux éléments essentiels de l’interrogatoire. Bien entendu, il
10 est tout à fait normal que vous essayez de montrer jusqu'à quel point la
11 crédibilité des opinions du témoin peut être prouvé. Reconnaissez que
12 les Juges vous laisse beaucoup de latitude, Maître Hayman.
13 Si vous voulez bien terminer sur ce point-là. Il n'est pas du
14 tout question de vous empêcher de l'aborder. Reconnaissez aussi qu'il y a
15 très longtemps que nous sommes sur cet
16
17
18 aspect de politique, sinon fiction, tout au moins réellement concrétisé,
19 mais dont on ne peut pas dire que le témoin soit un personnage historique
20 actif de la partie qui est en relation avec son témoignage. Terminez ce
21 point-là rapidement. Si vous voulez passer à d'autres questions. Merci.
22 M. Hayman (interprétation). - Un instant, je vous prie.
23 Monsieur le Président, il y a un certain nombre de points qui devraient
24 être couverts en session à huis clos, étant donné qu'il s'agit de points
25 sensibles. Je pense que nous devrions demander à verser au dossier des
Page 7422
1 articles que j'ai mentionnés. Je n'ai pas d'autres questions en audience
2 publique.
3 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai une
4 question. Monsieur Ashdown, vous avez fait référence à votre journal.
5 Maître Hayman a posé une question. Il a lu l'extrait d'une phrase qui
6 commençait au deuxième paragraphe, deuxième ligne en partant du bas.
7 Maître Hayman vous a lu l'extrait suivant : "il va essayer d'arriver à un
8 accord avec les Serbes dès qu'ils auront pris par la force militaire
9 autant qu'ils le pourront". Pourriez-vous nous lire la suite ?
10 M. Ashdown (interprétation). - "Et, à ce moment-là, ils vont
11 tous les deux s'attaquer aux Musulmans et en terminer avec eux."
12 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions.
13 Merci.
14 Monsieur le Président. - Je voulais avoir votre opinion,
15 Monsieur le Procureur, sur les questions concernant la session à huis clos
16 partiel. En ce qui me concerne, je pensais tout de même que le témoignage
17 était terminé.
18 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, il m'est
19 difficile de faire des commentaires sur des points que le conseil de la
20 défense souhaite soulever avec le Tribunal. Je pense que le conseil de la
21 défense, s'il a des points qu'il souhaite examiner avec la Chambre,
22 devrait les soulever. S'il s'agit de points sensibles, il faudrait passer
23 à un huis clos partiel.
24 M. Hayman (interprétation). - Je peux le faire en huis clos
25 partiel. Je pense qu'il n'est pas besoin de baisser les stores et je pense
Page 7423
1 que cela sera bref.
2 Monsieur le Président. - La Chambre a décidé de procéder au huis
3 clos partiel pour les quelques questions qui doivent compléter le contre-
4 interrogatoire. Monsieur le Greffier, vous procédez au huis clos partiel,
5 s'il-vous-plaît. (Audience à huis clos partiel)
6 (expurgée)
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Page 7425
1 (Audience publique)
2 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Monsieur Ashdown.
3 M. Ashdown (interprétation). – Bonjour.
4 M. Riad (interprétation). - Vous avez eu la possibilité d'avoir
5 un dialogue franc et ouvert avec le Président Tudjman. Peut-être, le vin
6 aidant, vous avez trouvé in vino veritas. Peut-être pourrez-vous m'aider à
7 mieux comprendre les incidences pratiques d'un certain nombre des
8 déclarations et les conséquences de la carte.
9 Pouvez-vous être d'accord avec moi et dire que cette carte
10 montre que la Bosnie ne devrait plus exister, devrait cesser d’exister ?
11 M. Ashdown (interprétation). – Oui, je pense que c'est cela. Je
12 suis sûr que le
13
14
15 Président Tudjman a l'habitude des banquets et l'alcool n'est pas en
16 cause.
17 Je pense qu'il a fait part, de manière très précise, de ses
18 intentions et de la réponse qui, selon lui, était la plus précise à la
19 question que je lui ai posée, à savoir comment il voyait la
20 Bosnie-Herzégovine dans dix ans. Sa réponse a été qu'elle n'existerait
21 plus.
22 M. Riad (interprétation). - Qu'on allait la couper en deux ? Que
23 la Serbie et la Croatie annexeraient ceux qu'ils auront conquis ?
24 M. Ashdown (interprétation). – Oui, c’était l’application
25 pratique de la carte et c’est la conclusion que j’en ai retirée.
Page 7426
1 M. Riad (interprétation). - Vous a-t-il dit ce qui allait
2 arriver aux citoyens, aux Bosniaques, où il allait les envoyer, ce qui
3 allait se passer avec eux ?
4 M. Ashdown (interprétation). – Non. Il m'a dit que les Musulmans
5 allaient représenter une très petite partie, insignifiante, de l'Etat
6 croate. Mais il n'y a pas eu d'indication, dans ce qu'il a dit, qu'un
7 génocide allait être perpétré ou que les actions de ses subordonnés
8 allaient aller dans ce sens. En tout état de cause, il m'a fait part d'une
9 attitude vis-à-vis de la communauté musulmane. C'est un mot très fort,
10 mais qui m’a paru raciste.
11 M. Riad (interprétation). - Pouvez-vous répéter ?
12 M. Ashdown (interprétation). – Qu'il était raciste. C'est un mot
13 très fort mais je pense que c'est le terme exact.
14 M. Riad (interprétation). - Mais il vous a dit clairement que
15 Milosevic ne fait pas partie de …
16 M. Ashdown (interprétation). – Oui. Mais cela s'appliquait-il à
17 Izetbegovic en tant que personne ?
18 M. Ashdown (interprétation). – Je ne pense pas qu'il aimait
19 particulièrement Izetbegovic, en tant que personne. Ses remarques
20 générales montraient que la manière dont il voyait les choses se fondait
21 plutôt sur la race que sur les individus.
22 M. Riad (interprétation). - Et vous pensez que cette race ne
23 faisait pas partie de la nation ?
24 M. Ashdown (interprétation). – Je pense que sa remarque la plus
25 intéressante a été que les Musulmans ne sont que des Serbes ou des Croates
Page 7427
1 qui n'ont pas été suffisamment forts pour résister aux Turcs dans l'empire
2 ottoman.
3 Cela montrait que, pour lui, la Bosnie était une création
4 étrange qui n'aurait pas dû exister et qu'on parlait, ici, de grande
5 Serbie et de grande Croatie.
6 M. Riad (interprétation). - Il n'a pas dit ce qui allait se
7 passer de cet élément étranger ?
8 M. Ashdown (interprétation). – Il s'agissait d'une partie
9 insignifiante de la Fédération de Croatie et, par là, de la grande
10 Croatie.
11 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur Ashdown.
12 M. le Président. – Monsieur le Juge Shahabuddeen.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). – Monsieur Ashdown, comme vous
14 l'avez dit, au cours de votre carrière, vous avez assisté à bien des
15 dîners et vous avez l'expérience de personnes qui s'expriment dans des
16 situations où le vin coule à flot. Est-ce que je comprends bien ce que
17 vous avez dit ? Est-il possible de dire que, au cours de cette expérience,
18 vous-même avez conservé votre capacité de discernement quant aux faits qui
19 se sont produits, quant aux paroles qui ont été prononcées ? Est-ce fidèle
20 ou cela a-t-il été influencé par l'alcool ?
21 M. Ashdown (interprétation). – Je pense que vous êtes d’accord.
22 A la fois, la vie d'un homme politique et la vie d'un diplomate reposent
23 sur des entretiens privés qui sont très révélateurs. Professionnellement,
24 en tant que diplomate et homme politique, je connais cela depuis vingt-
25 cinq ans maintenant.
Page 7428
1 Généralement, ces entretiens ont lieu au cours d'un dîner, d'un
2 déjeuner. Or, généralement, on sert de l'alcool. Il peut également se
3 faire que votre capacité professionnelle
4
5
6 dépende de votre capacité de discernement, de savoir si ce que l’on vous
7 dit est la vérité ou non.
8 Précédemment, en tant que diplomate, je me trouvais à côté de
9 chefs d'Etat, d'autres diplomates au cours de longs dîners où on
10 consommait pas mal d'alcool. Je devais rédiger des télégrammes le
11 lendemain. Sur la base de cela, mon gouvernement déterminait les lignes de
12 sa politique étrangère sur certains points.
13 Cela, en termes de nature de l'événement, de consommation
14 d'alcool, n'était pas nouveau pour moi et, en termes de conversations
15 privées, je pense que j'y étais bien habitué. Pour ce qui est des
16 entretiens privés que j'ai eu dans de telles circonstances, il s'agit
17 certainement d'un entretien très intéressant, mais pas d'une expérience
18 inhabituelle pour moi au cours de ces vingt-cinq dernières années.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le Tribunal peut-il estimer
20 alors que dans le jugement que vous avez porté à l’époque, les lignes
21 tracées par le Président Tudjman et les paroles qu'il a prononcées sur la
22 forme probable de la géographie politique de cette région, dix ans plus
23 tard, pouvez-vous estimer que cela a représenté son opinion ?
24 M. Ashdown (interprétation). - Je pense que cela représentait
25 son point de vue et ses espoirs.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.
2 M. le Président. - Je voudrais poser au témoin deux questions.
3 La première concerne la carte que vous avez dessinée. La question, me
4 sembe-t-il, vous a été posée. Excusez-moi de la répéter pour une plus
5 grande précision à mon intention. Avez-vous eu l'impression que la part
6 faite aux Musulmans serait une part dans une fédération croato-musulmane
7 s’est réalisée, ou avez-vous l’impression que c’était un véritable
8 dépeçage de la Bosnie, la Bosnie n'existant plus et devenant une grande
9 Croatie ?
10 Vous avez répondu, je crois, à la question. Mais j'aimerais,
11 pour moi-même, me faire une opinion de ce que vous avez pensé.
12 M. Ashdown (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je
13 suis fermement convaincu que ce dont on parlait ici, c'était d'une grande
14 Croatie et d'une grande Serbie. Il ne s'agissait pas d'une fédération
15 bosniaque entre la Bosnie-Herzégovine, les Musulmans et les Croates. Il
16 s'agissait d'une grande Croatie et d'une grande Serbie. Je pense que cela
17 ressort clairement de la carte. Je ne sais pas si je peux utiliser le
18 pointeur. Les deux flèches, ici, correspondent à des flèches qui vont bien
19 au-delà des frontières de la Krajina et de la Croatie et qui, de l'autre
20 côté, vont bien au-delà des frontières de la Bosnie symbolisées par ce que
21 M. Hayman a appelé le barbelé.
22 M. le Président. - Ont-elles été tracées par vous, Monsieur ?
23 M. Ashdown (interprétation). - Non, ces deux flèches ont été
24 tracées par le Président Tudjman. Il ressort très clairement de cela qu'en
25 fait, il voyait par là une grande Croatie et une grande Serbie.
Page 7430
1 M. le Président. - Je vous remercie, vous avez été très clair.
2 Ma seconde question concerne la façon dont vous avez géré ce
3 secret, ou en tout cas cette confidence diplomatique. Rassurez-vous, je ne
4 vous parlerai ni de la quantité ni de la qualité des vins qui ont été
5 servis à ce dîner. Je voudrais vous poser la question de savoir pourquoi
6 vous n'en avez pas parlé, en fin de compte, aux autorités officielles de
7 votre pays ?
8 Vous sentez que c'est très important. Monsieur John Major était
9 alors le Premier ministre. Vous n'allez pas voir le ministre des Affaires
10 étrangères. Vous êtes un homme politique. Vous fréquentez beaucoup de
11 monde. Vous connaissez bien ce territoire. En fin de compte, vous
12 choisissez les médias pour parler de ce à quoi vous avez assisté, alors
13 que vous-même dites que c'était d'une importance qui vous est apparue
14 historique. Vous ne vous précipitez pas chez M. Major, chez le ministre
15 des Affaires étrangères en disant avoir -je n'ose pas dire un scoop- une
16 information très importante.
17 Peut-être est-ce une question indiscrète ? Auquel cas, n’y
18 répondez pas.
19
20
21 M. Ashdown (interprétation). - Non. Monsieur le Président, je
22 vous prie de m'excuser, mais je dois vous donner une réponse équivoque
23 ici. J’essayerai d’être clair. Je crois me souvenir que je croyais que
24 cette conversation était suffisamment importante pour en faire état au
25 ministère des Affaires étrangères à l'époque. J'ai fait part au ministre
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1 des Affaires étrangères de ce que j'avais vu lors de mes visites en
2 Bosnie-Herzégovine. J'avais l'habitude de soumettre des rapports
3 confidentiels au gouvernement à mon retour.
4 Je crois me souvenir, mais je peux vous le confirmer
5 ultérieurement si vous le souhaitez, que j'ai transmis cela. A l'époque,
6 cela m'est apparu comme étant une conversation hors du commun. J'ai trouvé
7 qu'il était difficile de croire qu'un chef d'Etat pouvait être aussi
8 indiscret honnêtement.
9 La raison pour laquelle, par la suite, j'en ai informé ou pas
10 mon gouvernement -je suis désolé de ne pas pouvoir y répondre
11 directement-, la raison pour laquelle j'ai rendu cela public, était pour
12 alerter la communauté internationale vis-à-vis des intentions à long
13 terme, comme je les avais perçues, du Président Tudjman compte tenu de
14 cette conversation. Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à votre
15 première question aussi clairement que je le souhaiterais.
16 Si le Tribunal le souhaite, je peux voir si je l'ai fait ou non.
17 M. le Président. - Puis-j'en conclure, sans extrapoler votre
18 pensée, que vous n'en avez informé ni le Premier ministre ni le ministre
19 des Affaires étrangères du Royaume Uni ?
20 M. Ashdown (interprétation). - Non. Monsieur le Président, je
21 suis désolé de vous donner une réponse ambiguë ici. Je crois me souvenir
22 que je l'ai fait. Mais maintenant, je ne m'en souviens pas. J'ai transmis
23 énormément d'éléments d'information au gouvernement. Quand je revenais de
24 Bosnie, je faisais un rapport confidentiel. Je crois me souvenir avoir
25 transmis ces renseignements au ministre des Affaires étrangères de
Page 7432
1 l'époque. Je ne peut être absolument sûr de cela.
2
3
4 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Y a-t-il
5 encore des questions ? Monsieur le Juge Riad voulait encore poser une
6 question, me semble-t-il.
7 M. Riad (interprétation). - Vous venez de parler d'un élément
8 intéressant maintenant. Vous avez dit que vous étiez surpris de voir que
9 M. Tudjman avait fait preuve d'une telle indiscrétion. Il est un homme
10 public. Il est habitué, tout comme vous, à parler lors d'un dîner, même
11 accompagné de vin. Pensez-vous que cette indiscrétion était sensée
12 contenir un message à votre intention ?
13 M. Ashdown (interprétation). - Non, je ne le pense pas.
14 M. Riad (interprétation). - Etait-ce simplement une
15 conversation ?
16 M. Ashdown (interprétation). - Comme je l’ai dit depuis, sans
17 pour étant être impoli vis-à-vis d’un chef d’Etat, j'ai entendu dire
18 depuis lors que le Président Tudjman peut être relativement franc lors de
19 telles conversations. Etant donné que je ne l'avais pas rencontré
20 auparavant ni eu de conversation de ce type avec lui, je suis sûr qu'à
21 l'époque il m'avait dit ce qu'il pensait qui se produirait à l'époque. Je
22 ne pense pas qu'il avait une intention et qu'il pensait que cela devrait
23 représenter un avertissement.
24 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.
25 M. le Président. - Avez-vous eu des signaux du Président Tudjman
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1 depuis déplorant que vous ayez diffusé une telle information ? Vous a-t-il
2 fait téléphoner en disant qu’il s’agissait de propos de fin de repas ?
3 M. Ashdown (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Mais
4 il est certain que l'ambassadeur croate m'a fait savoir que la Croatie
5 n'avait pas été très satisfaite lorsque cette carte a été rendue public.
6 Je n'ai pas l'habitude de rendre public de telles conversations. J'assume
7 l'entière responsabilité de cette décision personnelle que j'ai prise à
8 l'époque. D’autres me critiqueront peut-être. J'estime qu'à l'époque,
9 c'était la meilleure façon de faire car j'étais extrêmement préoccupé
10 d'une situation très délicate en Bosnie-Herzégovine. La paix pouvait
11
12
13 être entrevue. Cette situation pouvait être détruite.
14 Je n'ai pas pris cette décision sans réfléchir longuement. Si le
15 Président Tudjman estime que j'ai trahi sa confiance, je le comprendrais.
16 Je pense toutefois que la décision que j'ai prise de rendre la chose
17 publique, a été la bonne. Je pense que cela est renforcé par le fait que
18 la Communauté internationale a agi pour faire en sorte que l'opération
19 Krajina n'aille pas plus loin et ne porte pas atteinte aux perspectives de
20 paix en Bosnie.
21 M. le Président (interprétation). - Vous avez eu l'occasion de
22 revenir à Zagreb ? Vous avez demandé un visa ?
23 M. Ashdown (interprétation). - Non, Monsieur le Président.
24 Non, Monsieur, je ne l'ai pas fait. J'ai traversé Split peu de
25 temps après la paix. J'ai essayé de venir en aide à mes collègues, les
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1 libéraux bosniaques, pour lesquels j'ai énormément d'admiration. Ils sont
2 très courageux. Ce sont eux qui m'ont fait traverser le Mont Igman, qui
3 m'ont fait traverser le tunnel qui relie Sarajevo dans une Renault 5. J'y
4 suis revenu pour leur exprimer ma reconnaissance et les aider dans leur
5 campagne électorale. A ce moment-là, j'ai brièvement traversé la Croatie,
6 mais je ne me suis pas rendu à Zagreb depuis lors.
7 M. le Président (interprétation). - Je voudrais terminer cet
8 entretien et vous dire au nom de mes collègues, combien nous sommes
9 sensibles de votre venue. Vous êtes un homme politique occupé, comme nous
10 tous. Vous avez apporté un témoignage que vous avez estimé être d'une
11 grande importance. Je voudrais, à travers votre venue,
12 Monsieur l'honorable membre du Parlement d'une grande nation, vous dire
13 que le Tribunal y est particulièrement sensible. Le Tribunal a besoin de
14 la coopération de tous les Etats. Et il est également particulièrement
15 sensible au fait que vous ayez accepté de témoigner sans mesure de
16 protection et dans un témoignage qui était particulièrement transparent à
17 l'égard du public et de cette juridiction qui se veut internationale et
18 transparente.
19 A présent, Monsieur le Greffier va donc vous raccompagner. Nous
20 allons procéder à
21
22
23 une suspension d'audience de 20 minutes. Nous reprendrons ensuite le cours
24 des travaux.
25 Je voudrais que M. Harmon nous explique, à la reprise, la suite
Page 7435
1 du programme.
2
3 L’audience, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 55.
4
5 M. le Président - L'audience est reprise.
6 Le témoin suivant est un témoin protégé.
7 M. Cayley (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
8 Messieurs les Juges, conseil de la défense, bonjour. Le prochain témoin
9 est un témoin protégé. J'ai consulté Me Nobilo. Il n'a pas d'objection.
10 M. le Président - Allez-y. Pouvez-vous nous expliquer le
11 témoignage, s'il vous plaît ? Maître Nobilo, avez-vous une objection à
12 faire ?
13 M. Nobilo (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je
14 n'en ai pas
15 M. le Président - Maître Cayley, pouvez-vous nous résumer le
16 témoignage ?
17 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président,
18 Messieurs les Juges, le témoin suivant sera désigné par les lettres "JJ".
19 C'est un homme musulman qui vient de la municipalité de Kiseljak. Son
20 témoignage se divisera en cinq parties distinctes, mais reliées les unes
21 aux autres.
22 Dans la première partie de sa déposition, il vous parlera
23 brièvement de l'endroit où se trouve son village dans la municipalité de
24 Kiseljak, du nombre d'habitants qui peuplaient ce village pendant la
25 guerre, de la composition ethnique du village. Il vous dira quelques mots
Page 7436
1 de son appartenance à une organisation appelée la Ligue patriotique, et
2 vous expliquera la désorganisation de cet organisme particulier. Il vous
3 dira quelques mots de son appartenance à la police de Bosnie pendant un
4 temps limité, sa décision de quitter la police. Tous ces éléments seront
5 mis en rapport avec la situation qui prévalait à Kiseljak au début
6 de 1993.
7 Il expliquera, c'était un fait connu de chacun, qu'il existait à
8 l'époque deux courants au sein du HVO de Kiseljak. Dans la dernière partie
9 de sa déposition, il parlera de la montée des tensions dans la région et
10 de la coopération qui a fini par se nouer entre les Musulmans et les
11 Croates de Bosnie dans son village qui a été saisi.
12 Dans la toute dernière partie de sa déposition, il parlera des
13 multiples attaques qui ont eu lieu le 18 avril 1993 dans la municipalité
14 de Kiseljak. Il vous dira qu'il a vu les villages de Visnijca et Gomionica
15 en flammes. Il vous parlera des tentatives pour défendre ces villages et
16 de la façon dont, avec l'accord du HVO, les maisons de son village n'ont
17 pas été incendiées, les hommes et les enfants n'ont pas été tués et tous
18 les hommes du village se sont rendus.
19 Il vous expliquera comment le HVO a décidé d'utiliser les hommes
20 du village en qualité de bouclier humain pour protéger les autres
21 habitants du village, que des autobus sont arrivés en convois organisés
22 pour emmener à leur bord tous les hommes du village. Il vous parlera de la
23 conclusion d'un accord entre le HVO et les habitants qui ont coopéré avec
24 le HVO dans le village pour sauver les autres habitants.
25 Il vous dira ensuite que, finalement, les habitants du village
Page 7437
1 ont été réduits à l'état de prisonniers dans leur propre maison. Il vous
2 expliquera comment lui-même et d'autres habitants du village ont été
3 forcés de creuser des tranchées et comment les soldats du HVO venaient
4 pratiquement toutes les nuits en portant des masques noirs sur le visage,
5 pour voler la population. Il vous expliquera que le bétail, qui était le
6 bien le plus précieux du village, a été en particulier volé.
7 Dans la troisième partie de sa déposition, il vous parlera
8 d'événements qui ont eu lieu quelques mois plus tard, au moment où un
9 grand nombre de villageois ont été emmenés au village de (expurgé). Il vous
10 parlera de ce village de (expurgé). Il décrira le regroupement de la
11 population des villages avoisinants. Il dira comment les habitants ont été
12 amenés à croire à un certain nombre de choses que le HVO leur a dites et
13 comment ils ont remis les clefs de leur
14
15
16 propriété, de leur maison et de leur voiture aux membres du HVO.
17 Il décrira la façon dont les habitants ont été trompés pour être
18 finalement emmenés au village de (expurgé). Il décrira les conditions qui
19 régnaient dans ce camp, dans ce ghetto créé par le HVO, un camp dépourvu
20 de mur. Il décrira la surpopulation dans ce ghetto, vous parlera de la
21 pénurie chronique de nourriture et de la façon dont les Musulmans étaient
22 régulièrement pillé de leurs biens lorsqu'ils essayaient d'apporter de la
23 nourriture aux Musulmans à (expurgé), à partir de Kiseljak.
24 Il décrira la façon dont les soldats -arrivés en plein milieu de
25 la nuit, pour surveiller ce qui se passait dans ce camp, ce village, qui
Page 7438
1 servait de camp sans mur dont les gens pouvaient avoir envie de s'évader-
2 étaient là pour les en empêcher. Il parlera des tranchées creusées tous
3 les jours de 7 heures 15 à 16 heures environ.
4 Enfin, dans une autre partie de sa déposition, il parlera de la
5 mosquée du village et vous dira que cette mosquée a finalement été
6 détruite, elle aussi.
7 Il parlera de la principale mosquée de Kiseljak qui, elle aussi,
8 a été détruite. Dans une autre partie de la déposition, il abordera la
9 situation d'un grand nombre d’hommes qui se trouvaient dans la ville de
10 Kiseljak. Il parlera de l'emprisonnement de ces hommes dans la caserne de
11 Kiseljak et du traitement absolument atroce qui a été réservé à ces hommes
12 musulmans dans la caserne, de la régularité des tortures qu'ils ont
13 subies, des passages à tabac, du creusement des tranchées et des
14 conditions dans lesquelles ces tranchées devaient être creusées. Il vous
15 parlera des soldats qui venaient dans la caserne chercher des hommes pour
16 les emmener creuser des tranchées tous les jours.
17 Il décrira la façon dont, avant l'arrivée des représentants du
18 HCR à la prison, les prisonniers ont été bien alimentés pendant quelques
19 jours pour pouvoir être montrés officiellement. Il vous parlera du fait
20 qu'ils ont été changés de cellule, de façon à laisser entendre à la
21 communauté internationale que la situation était moins grave et moins
22 inhumaine qu'elle ne
23
24
25 l'était en réalité. Mais il vous dira que ce n'était qu'une illusion créée
Page 7439
1 par le HVO à l'intention des observateurs internationaux.
2 Il vous parlera de la mission qui lui a été donnée
3 personnellement d'aller chercher des cadavres de soldats bosniaques, dont
4 deux avaient été décapités, et il vous dira qu'il a dû jouer au football
5 avec ces têtes dans la ville de Kiseljak. Enfin, ces têtes ont été mises
6 au bout de pic et promenées dans la ville.
7 Il parlera de la prison de Kiseljak, du vol régulier des biens
8 des prisonniers dans cette prison et du fait que des prisonniers étaient
9 emmenés par des soldats du HVO en dehors de la prison pour leur montrer où
10 se trouvaient leurs objets de valeur.
11 Il parlera de l'échange qui a eu lieu en novembre 1993 et de son
12 retour -en fait de sa visite car il n'a jamais été autorisé à y rester- de
13 sa visite dans sa maison où lui-même et sa famille résidaient depuis de
14 nombreuses années.
15 Il parlera également de son avis au sujet de l'organisation des
16 campagnes orchestrées contre la population musulmane dans les villes de la
17 municipalité de Kiseljak. Son témoignage porte sur le chef numéro 1, le
18 chef de persécution, paragraphes 6 et 7, sur les chefs 8, 9 et 10,
19 blessures graves, mentales et physiques, infligées à des civils. C'est le
20 paragraphe 9 de l'acte d'accusation.
21 Ces allégations porteront sur les chefs 11 à 13, destruction et
22 pillage de biens, de propriétés, paragraphe 10 de l'acte d'accusation, sur
23 le chef 14, destruction d'institutions consacrées au culte religieux et à
24 l’éducation, paragraphe 11 et, enfin, sur les chefs 15 à 20, traitements
25 inhumains, prise d'otage et utilisation de prisonniers en qualité de
Page 7440
1 bouclier humain, paragraphe 12 à 16 du deuxième acte d’accusation.
2 M. le Président. - Merci, Maître Cayley, de cette relation très
3 claire et très précise. On peut introduire le témoin JJ.
4
5 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
6 M. le Président. - Témoin JJ, vous m'entendez ?
7 Témoin JJ (interprétation). - Oui, je vous entends.
8 M. le Président. - Vous allez d'abord identifier votre nom, vous
9 ne le prononcerez pas. Vous allez simplement acquiescer.
10 Témoin JJ (interprétation). - Oui.
11 M. le Président. - Vous allez vous asseoir. Vous faites l'objet
12 de mesures de protection. Vous allez faire votre déclaration, votre
13 serment, devant une formule qui vous est tendue par M. le greffier. Vous
14 lisez la formule, s'il vous plaît.
15 Témoin JJ (interprétation). - Je déclare solennellement que je
16 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 M. le Président. - Merci. Vous nous excuserez, mais c'est pour
18 votre bénéfice, nous vous appellerons donc « Témoin JJ ». Vous avez
19 accepté de témoigner dans le procès intenté devant le Tribunal de La Haye
20 contre le général Blaskic, l’accusé, ici présent. Vous parlez sans
21 crainte, vous êtes protégé par la justice internationale.
22 Le Procureur, dont vous êtes le témoin, nous a dit quels étaient
23 les grands traits de votre déposition, ce qui devrait faciliter la clarté
24 des débats. Vous déposerez de façon libre et vous serez aidé, bien sûr,
25 par les questions que vous posera le Procureur, en l'occurrence,
Page 7441
1 Me Cayley. Monsieur le Procureur, c'est à vous.
2 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
3 Témoin JJ, vous êtes de nationalité bosniaque, n'est-ce pas ?
4 Témoin JJ (interprétation). - Oui.
5 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous répéter votre
6 réponse à cette question ? Il conviendrait que vous parliez à haute voix
7 pour être entendu.
8 Témoin JJ (interprétation). - Oui.
9 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous habitiez
10 auparavant dans le village d'Hercezi qui se trouve dans la municipalité de
11 Kiseljak, n'est-ce pas ?
12 Témoin JJ (interprétation). - C’est exact.
13 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on montrer au témoin la
14 pièce à conviction 276 ?
15 Monsieur l'huissier, pourriez-vous placer le document sur le
16 rétroprojecteur ? Peut-on allumer le rétroprojecteur ?
17 Témoin JJ, je vous demanderai de pointer l'endroit où se trouve
18 votre village sur cette carte.
19 Témoin JJ (interprétation). - Mon village se trouve ici.
20 M. Cayley (interprétation). - Je vous prierai de placer le
21 pointeur sur la ville de Kiseljak, maintenant.
22 Témoin JJ (interprétation). - Kiseljak se trouve ici.
23 M. Cayley (interprétation). - Les deux flèches indiquant les
24 routes qui vont vers Busovaka et vers Sarajevo.
25 (Le témoin les montre.)
Page 7442
1 Témoin JJ, avant la guerre, combien y avait-il environ
2 d'habitants dans le village d’Hercezi ?
3 Témoin JJ (interprétation). - Environ 100 à 120 habitants.
4 M. Cayley (interprétation). - Quelle était la composition
5 ethnique de cette population ?
6 Témoin JJ (interprétation). - La composition ethnique était
7 mixte, il y avait des Croates et des Musulmans. Il n'y avait pas de Serbes
8 dans ce village.
9 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous dire maintenant aux
10 Juges, en quelques mots, ce qui s'est passé à l'époque où vous avez adhéré
11 à la Ligue patriotique et ce, jusqu'à
12
13
14 l'attaque de votre village, le 18 avril. Je vous demanderai de vous
15 arrêter à cette date, mais de décrire la Ligue patriotique, votre entrée
16 dans la police militaire de la Bosnie et, de façon générale, quelle était
17 la situation qui prévalait à Kiseljak dans cette région, selon votre
18 perception.
19 Témoin JJ (interprétation). - Je suis entré dans la ligue
20 patriotique parce que nous avions été convoqués par la JNA pour entrer
21 dans l'armée, en rapport avec l'attaque contre la Croatie.
22 Mais, comme nous n'avons pas accepté de rejoindre la JNA, je
23 suis entré dans les rangs de la Ligue patriotique.
24 Seulement, la guerre s'étendait en Bosnie, à commencer par
25 Sarajevo qui n'est pas très loin. Je suis entré dans la police militaire
Page 7443
1 dans la section de Koscan, Lepenica, de façon à assurer la défense du
2 peuple Musulman. Nous l'avons fait avec les Croates parce qu'à l'époque
3 nous étions assez souvent ensemble.
4 J'ai quitté la police militaire parce que la situation devenait
5 de plus en plus tendue entre le peuple Musulman et le peuple Croate. Le
6 HVO croate de Kiseljak n'autorisait pas le passage dans Kiseljak. Il y
7 avait des prises d'armes et de biens appartenant au peuple musulman. Pour
8 des raisons de sécurité, j'ai quitté la police militaire et je suis entré
9 dans mon village. Dans ce village, nous avons assuré des tours de garde
10 nocturnes, en prévision d'une éventuelle entrée des Serbes dans le
11 village, et pour empêcher des meurtres la nuit.
12 Mais, pour revenir à la ligue patriotique, en ce qui concerne
13 les armes, je dirai que nous avions quelques armes de chasse. Je possédais
14 un revolver qui avait appartenu à mon père, et nous avions quelques
15 dispositifs que nous fabriquions nous-mêmes, du type explosif, ce genre-
16 là. Par la suite, nous avons reçu des armes du HVO, parce qu'ils sont
17 entrés dans la caserne de l'armée populaire yougoslave. Ils ont saisi
18 toutes les armes qui s'y trouvaient et nous ont donné trois ou quatre
19 fusils que nous avons utilisés.
20
21
22 M. Cayley (interprétation). - Témoin JJ, comment décririez-vous
23 le niveau d'organisation de la ligue patriotique ?
24 Témoin JJ (interprétation). - Il n'y avait pas d'organisation
25 particulière. En fait, dans le village, nous inscrivions sur une liste les
Page 7444
1 noms de ceux qui participaient au tour de garde, et le lendemain nous nous
2 mettions d'accord sur ceux qui allaient assurer la garde plus tard. C'est
3 tout ce qu'il y avait.
4 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit que la situation
5 entre les Musulmans et les Croates à Kiseljak s'est régulièrement
6 aggravée. Existait-il à votre avis deux courants du HVO à Kiseljak ?
7 Si vous pensez qu'il existait deux courants, pouvez-vous en
8 expliquer la nature aux juges ?
9 Témoin JJ (interprétation). - Il y avait deux courants, l'un
10 dirigé par Raic, et l'autre par Lujo. Mais un conflit a fini par éclater
11 entre ces deux courants, parce que le courant de Lujo aidait assez
12 considérablement le peuple Musulman. Il protégeait le peuple musulman, si
13 bien que je sais quand est mort Lujo et quand est mort Pecirep Marko, un
14 voisin à moi qui travaillait avec Lujo. Je sais que ce sont des soldats
15 d'une unité spéciale de Raic qui les ont tués.
16 M. Cayley (interprétation). - Quelle a été l'attitude de la
17 faction Ivica Raic par rapport à la municipalité de Kiseljak ?
18 Témoin JJ (interprétation). - La situation était telle qu'en
19 fait, il n'autorisait pas le passage à travers Kiseljak si un nombre assez
20 important de soldats arrivaient dans le secteur de Koscan. A ce moment-là,
21 ils ôtaient leurs armes et leurs uniformes aux soldats qui en avaient,
22 parce que tous les soldats n'arrivaient pas à s'acheter un uniforme.
23 M. Cayley (interprétation). - Vous avez décrit des patrouilles
24 de nuit dans votre village pour vous défendre contre des attaques. Ces
25 patrouilles impliquaient-elles la participation des habitants croates de
Page 7445
1 Hercezi également ?
2 Témoin JJ (interprétation). - Au début, il y a eu des
3 patrouilles conjointes avec les Croates. Au fur et à mesure que la
4 situation s'est aggravée sur le territoire de Kiseljak, ces patrouilles
5 conjointes ont cessé d'exister. Mais nous avons continué à nous rencontrer
6 de temps en temps sur un pont où nous nous racontions ce qui s'était
7 passé, ce qu'il y avait de nouveau.
8 M. Cayley (interprétation). - Je proposerais que nous passions à
9 la deuxième partie de votre déposition. Je vous demanderai de dire aux
10 Juges, quels ont été les événements du 18 avril 1993. Que s'est-il passé
11 dans votre village ? Et puis ensuite, je vous demanderai de parler de
12 toute la période pendant laquelle l'ensemble (expurgé)
13 (expurgé).
14 Témoin JJ (interprétation). - Le 18, j'étais de garde dans la
15 patrouille jusqu'à deux heures, et je suis parti me coucher. Je dormais
16 quand ma mère est entrée dans la maison et m'a dit que la guerre avait
17 éclaté. Mais comme c'était une fête croate, j'ai pensé que les coups de
18 feu qu'on entendait étaient dus à la célébration de cette fête. En
19 sortant, j'ai bien vu que quelques maisons étaient en feu, que des obus et
20 des coups de feu étaient tirés. Nous nous sommes rendu compte que ce
21 n'était pas la célébration d'une fête, mais bien le début de la guerre.
22 Donc, dans le village, nous étions une quinzaine d'hommes en âge
23 de porter les armes. Nous avons décidé de nous organiser. La moitié
24 d'entre nous est allée à un bout du village, l'autre à l'autre bout. Nous
25 savions ce qu'il fallait faire pour défendre le village. Nous avons perdu
Page 7446
1 le contact avec Gomionica et Visnjica. Nous ne savions plus du tout ce qui
2 se passait. Plus nous avancions dans la journée, plus les coups de feu
3 s'intensifiaient, plus le nombre de maisons en feu s'accroissait, si bien
4 que nous avons décidé de cesser de nous défendre et de nous retirer dans
5 la forêt. Les deux premiers jours, personne n'est entré dans le village.
6 Le troisième jour, les soldats du HVO sont arrivés et nous avons reçu
7 l'ordre de remettre toutes nos armes à ces soldats. C'était la condition
8 pour qu'ils ne mettent pas le feu à
9
10
11 toutes les maisons du village et qu'ils ne tuent pas les femmes, les
12 enfants, les vieillards et nous aussi, les hommes en âge de combattre.
13 C'est ce que nous avons fait sans qu'une seule balle ne soit tirée. Nous
14 avons remis l'ensemble de nos armes, de sorte qu'il n'y a pas eu
15 d'incendie ni de meurtre.
16 M. Cayley (interprétation). - Lorsque les soldats du HVO ont
17 pénétré dans votre village, ont-ils nettoyé les maisons du village ? Ont-
18 ils utilisé les hommes du village pour les aider dans cette tâche ?
19 Pouvez-vous expliquer aux Juges ce qui s'est passé ?
20 Témoin JJ (interprétation). - Tous les hommes en âge de
21 combattre ont été enfermés dans la maison de (expurgé). C'est ce
22 qu'on nous a dit. Nous avons vu un autocar qui était censé nous emmener
23 tous dans la caserne de Kiseljak. (expurgé)
24 (expurgé), nous a garanti que, parce que
25 nous avions remis toutes nos armes, il n'y aurait pas de problème et que
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1 nous pouvions rester dans nos maisons. Nous avons passé deux à trois nuits
2 dans la maison de (expurgé), après quoi on nous a permis de
3 retourner chez nous, mais à condition de nous rendre dans la maison de
4 (expurgé), trois fois par jour.
5 Pourquoi devions-nous nous y rendre ? Cela ne nous a pas été
6 dit, mais l'objectif était sans doute de nous empêcher de nous enfuir, de
7 quitter le village. Le reste du temps, nous devions le passer à
8 l'intérieur de nos maisons, à des fins de sécurité, parce que les soldats
9 circulaient dans tous les sens, et Pero ne pouvait donc pas assurer notre
10 sécurité si nous circulions dans la rue. Il fallait que nous restions en
11 détention à domicile.
12 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que les résidents, les
13 habitants musulmans du village étaient en fait prisonniers dans leur
14 propre maison ?
15 Témoin JJ (interprétation). - Oui, c'est exactement cela.
16 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que les soldats du HVO
17 vous ont emmenés, vous, les hommes musulmans du village, de jour,
18 accomplir des travaux forcés ?
19 Témoin JJ (interprétation). - Tous les jours, on nous emmenait
20 accomplir des travaux forcés.
21 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux Juges,
22 où vous avez accompli ces travaux forcés pendant cette période et en quoi
23 consistaient ces travaux forcés, ce que vous avez dû faire pour le HVO ?
24 Témoin JJ (interprétation). - Dans la période où nous étions
25 assignés à résidence, nous allions creuser des tranchées de nuit. Nous
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1 creusions des tranchées, des abris souterrains, tout ce qui pouvait les
2 aider à mieux se défendre contre les attaques musulmanes, ou plutôt tout
3 ce qui pouvait les aider à attaquer les Musulmans.
4 M. Cayley (interprétation). - Alors que vous étiez encore à
5 Hercezi, les soldats du HVO sont-ils arrivés au milieu de la nuit dans
6 votre village ?
7 Témoin JJ (interprétation). - Ils entraient dans le village de
8 jour et de nuit. Il y avait des pillages, il y avait de tout. Simplement,
9 de temps en temps, si c'était un voisin que vous connaissiez qui arrivait
10 chez vous, il se mettait un bas sur le visage et, bien entendu, prenait
11 chez vous tout ce qui l'intéressait.
12 M. Cayley (interprétation). - Il y avait des individus qui
13 portaient des uniformes du HVO ?
14 Témoin JJ (interprétation). - Ils avaient tous des uniformes et
15 des insignes du HVO.
16 M. Cayley (interprétation). - Vous déclarez qu'ils portaient un
17 bas noir sur le visage de façon à ne pas être reconnus par les habitants
18 du village ?
19 Témoin JJ (interprétation). - Sans doute est-ce pour cela qu’ils
20 portaient ces bas, certainement d’ailleurs, pour qu'on ne puisse pas voir
21 leur visage. Peut-être avaient-ils honte. Sinon, je ne vois pas pourquoi,
22 s’ils venaient de nuit, ils auraient eu la moindre raison de porter ces
23 bas ou d'avoir honte.
24
25
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1 M. Cayley (interprétation). - Qu’est-il arrivé au bétail dans
2 votre village ?
3 Témoin JJ (interprétation). - Tout le bétail qui se trouvait
4 dans le village a été emmené à Kiseljak. On nous a dit que c'était un
5 ordre stricte de Raic et que ce bétail était nécessaire pour nourrir les
6 soldats du HVO.
7 M. Cayley (interprétation). - Afin que les choses soient tout à
8 fait claires pour les Juges, pouvez-vous nous dire, à votre avis, qui
9 était Ivica Raic ?
10 Témoin JJ (interprétation). - A cette époque, il avait été placé
11 au poste de commandant en tant que membre du HVO.
12 M. Cayley (interprétation). - Dans la municipalité de Kiseljak ?
13 Témoin JJ (interprétation). - Oui.
14 M. Cayley (interprétation). - Serait-il possible de rallumer le
15 rétroprojecteur. Je vous demanderai de placer le pointeur sur les villages
16 que vous avez pu voir en flamme, le matin du 18 avril depuis votre village
17 de Hercezi.
18 M. Riad (interprétation). - Quel était exactement le grade de
19 M. Raic ? Le témoin est-il en mesure de nous le dire ? Quel était son
20 grade au sein de l’armée ?
21 M. Cayley (interprétation). - Témoin JJ, connaissez-vous le
22 grade de M. Raic ?
23 M. Riad (interprétation). - Etait-ce un officier ? Un soldat ?
24 Un général ?
25 Témoin JJ (interprétation). - Je ne connais pas son grade, mais
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1 il avait un poste de responsabilité important, il commandait. Je ne sais
2 pas très bien quel était son grade.
3 M. Riad (interprétation). - Il commandait toute une division ou
4 bien agissait-il de sa propre initiative ? Agissait-il seul ?
5 Témoin JJ (interprétation). - Je pense qu'il était placé sous
6 les ordres de quelqu'un d'autre, mais moi je sais qu’il commandait toutes
7 les unités qui se trouvaient sur la municipalité de Kiseljak.
8 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur.
9 M. Cayley (interprétation). - Témoin JJ, pouvez-vous simplement
10 indiquer aux Juges l’emplacement des villages dont vous avez dit qu'ils
11 étaient en train de brûler le 18 avril ? Indiquez-les avec le pointeur et
12 vous donnez-nous leur nom, s'il vous plaît.
13 Témoin JJ (interprétation). - Voilà Visnijca et Gomionica, il
14 s'agit de ces deux villages.
15 M. Cayley (interprétation). - Merci. Vous avez dit qu'un message
16 avait été transmis par le HVO selon lequel, si tous les hommes du village
17 se rendaient, le village ne serait pas incendié et les femmes et les
18 enfants ne seraient pas abattus. Avez-vous reçu directement ce message ou
19 avez-vous entendu dire par quelqu'un d'autre que ce message avait été
20 envoyé ?
21 Témoin JJ (interprétation). - Ce message nous a été passé par
22 (expurgé) qui à cette époque-là était... comment dire ?...notre
23 commandant à nous, les quinze hommes en âge de combattre. Il a donc reçu
24 ce message. L'homme qui lui a donné était le commandant qui était venu à
25 la tête d'une unité et qui nous avait dit qu’il fallait que nous rendions
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1 nos armes.
2 M. Cayley (interprétation). - Cette unité qui était venue
3 procéder au nettoyage du village était une unité du HVO, n'est-ce pas ?
4 Témoin JJ (interprétation). - Absolument, c'était une unité du
5 HVO. (expurgé)
6 (expurgé). Nous les connaissions bien.
7 M. Cayley (interprétation). - Venons-en maintenant à la
8 troisième partie de votre témoignage, témoin JJ, s'il vous plaît.
9 Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé, quelques mois après le 18
10 avril, lorsque le HVO est arrivé dans votre village et a rassemblé tous les
11 habitants pour les emmener au village de (expurgé) ? J'aimerais que
12 vous décriviez aux Juges comment tous les habitants ont été rassemblés ?
13 Je voudrais que vous nous disiez quelles ont été les conditions de
14 détention à (expurgé) ? Et j'aimerais également que vous nous expliquiez
15 pourquoi vous n'avez pas essayé de vous échapper de cet endroit ? Enfin
16 pouvez-vous, pour conclure cette partie de votre
17
18
19 témoignage, nous dire comment vous avez été emmenés aux casernes de
20 Kiseljak ?
21 Témoin JJ (interprétation). - Un jour, tous les hommes du
22 village en âge de combattre se trouvaient à l'extérieur du village. Ils
23 creusaient des tranchées. J'étais resté dans le village parce que j'étais
24 malade.
25 Ce matin-là, un bus est arrivé accompagné d'un certain nombre de
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1 voitures dans lesquels se trouvaient des membres de la police du HVO et
2 des membres militaires du HVO. Ils nous ont dit que nous avions 5 minutes
3 pour nous préparer, qu'on nous emmenait pour être soumis à un échange
4 privé. On nous emmenait du côté musulman, nous a-t-on dit. Bien sûr, nous
5 étions très heureux de pouvoir sortir de cette assignation à résidence en
6 quelque sorte. Nous étions heureux d'échapper à cette corvée quotidienne
7 des tranchées.
8 Nous ne pouvions pas tous tenir dans un même bus. On nous a dit que nous
9 avions 5 minutes. Un policier se tenait devant chaque maison et il nous
10 disait de nous dépêcher, donc nous n'avons même pas eu 5 minutes. On nous a
11 fait monter dans le bus et on nous a emmenés à Kiseljak. De là, nous sommes
12 partis vers (expurgé). Le bus s'est arrêté et on nous a dit, alors que nous
13 nous trouvions devant la cafétéria Konak, que nous allions à (expurgé) et
14 que nous allions y demeurer. C'était à nous de nous préoccuper de
15 notre logement et de notre installation. Nous avons bien compris qu'il n'y
16 avait pas d'échange, qu'on nous avait trompé sur ce point.
17 A partir de là, avec nos sacs à la main, nous sommes allés à
18 (expurgé). Nous avons trouvé quelques petites maisons qui avaient été
19 abandonnées.
20 Le lendemain nous avons vu que de nouveaux bus étaient arrivés
21 en provenance d'autres villages comme Topole, Brnjaci, enfin de tous
22 endroits où il y avait des Musulmans. Les Musulmans ont été amenés là où
23 nous nous trouvions déjà. Nous nous sommes aperçus qu'il n'y aurait
24 absolument pas d'échange, qu'il allait nous falloir rester en détention.
25 M. Cayley (interprétation). - (expurgé)
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1 (expurgé), que vous ont dit les membres de la police militaire du HVO
2 quant à vos véhicules et vos maisons dans le
3
4
5 village ?
6 Témoin JJ (interprétation). - On nous a dit qu'il fallait que
7 nous donnions les clefs de nos maisons et de nos voitures. Bien sûr, nous
8 avons obéi, nous avons donné nos clefs.
9 M. Cayley (interprétation). - Peut-on allumer le rétroprojecteur
10 une fois de plus, s'il vous plaît.
11 (L’huissier s’exécute.)
12 Pourriez-vous indiquer aux Juges l'emplacement du village de
13 (expurgé), s'il vous plaît ?
14 Témoin JJ (interprétation). - C'est ici.
15 (Le témoin s’exécute.)
16 M. Cayley (interprétation). - Pendant que vous faisiez des
17 annotations sur cette carte (pour moi) précédemment, vous avez tiré des
18 lignes en pointillé auprès du village. Que représentent-elles, Monsieur,
19 s'il vous plaît ?
20 Témoin JJ (interprétation). - Nous avons indiqué une partie de la route qui
21 mène de Kiseljak à (expurgé). Cette partie de la route avait fait
22 l'objet d'un nettoyage ethnique de Musulmans. Tout avait été brûlé,
23 détruit. Il n'y avait plus aucun habitant. Tout avait été détruit et
24 incendié.
25 M. Cayley (interprétation). - Donc les Musulmans ont été
Page 7454
1 concentrés vers l'une des extrémités du village de (expurgé), c’est cela ?
2 Témoin JJ (interprétation). - Oui, à l'une des extrémités du
3 village, dans la vallée.
4 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous expliquez aux Juges
5 quelles étaient les conditions de votre séjour à (expurgé) ?
6 Témoin JJ (interprétation). - C’étaient des conditions de vie
7 très désagréables. Nous n'avions pas eu le temps d'emporter des aliments
8 ou des vêtements. Pour mon enfant en bas âge, un tout-petit bébé qui
9 n'avait que quelques mois, je n'avais pas pu prendre de lait en poudre.
10 Bien évidemment, nous n'avions pas de vrai lait puisqu’il n’y avait pas de
11 têtes de bétail.
12
13
14 Par conséquent, c’était effectivement des conditions de vie pénibles.
15 M. Cayley (interprétation). - Combien de familles se trouvaient
16 dans la maison où vous avez été placé par le HVO ?
17 Témoin JJ (interprétation). - Non, ce n'est pas le HVO qui nous
18 y a placés. C'est nous-mêmes qui nous sommes occupé de notre installation.
19 Nous nous débrouillions avec ce que nous trouvions. Dans la maison où je
20 me trouvais, il y avait trois familles. Il me semble, non, d'ailleurs je
21 suis sûr, il y avait 14 personnes en tout dans cette maison.
22 M. Cayley (interprétation). - D'une façon générale, dans le
23 village de (expurgé), peut-on dire que toutes les maisons étaient combles ?
24 Témoin JJ (interprétation). - Oui. Il y avait du monde partout.
25 Comme les maisons étaient déjà saturées, comme il n'y avait vraiment plus
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1 de place, les autres personnes ne pouvaient plus y entrer ni s'y
2 installer. Elles se sont donc réfugiées dans une petite mosquée. Cette
3 mosquée, très rapidement, a été remplie.
4 M. Cayley (interprétation). - Les Musulmans qui ont été emmenés
5 à (expurgé) ont-ils essayé d'acheter de la nourriture à Kiseljak ?
6 Témoin JJ (interprétation). - Oui, en effet. On nous a dit que
7 nous pouvions aller voir l'organisation Caritas et qu'ils allaient nous
8 donner de la nourriture. Certaines personnes s'y sont rendues
9 effectivement. Ce qui s'est passé, c'est que très souvent nous souffrions
10 beaucoup parce que, de temps en temps, des soldats du HVO frappaient une
11 femme, nous retiraient nos aliments. Nous préférions souffrir de la faim
12 plutôt que d'aller voir l'organisation Caritas et obtenir une aide.
13 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous été obligé de prendre
14 part à des travaux forcés à (expurgé) ?
15 Témoin JJ (interprétation). - Le premier jour, on ne nous a pas
16 emmenés faire des travaux forcés. Tous les jours, par la suite, on nous a
17 emmenés creuser des tranchées depuis
18
19
20 7 heures du matin jusqu'à 16 heures ou 16 heures 30.
21 M. Cayley (interprétation). - Que deviez-vous creuser
22 exactement ? Qu'est-ce que le HVO vous demandait de faire ?
23 Témoin JJ (interprétation). - Eh bien, là encore, il nous a
24 fallu creuser des tranchées, des abris souterrains. D'une façon générale,
25 nous creusions.
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1 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la
2 pièce 68-1, 68-2 et 68-3, plus précisément ?
3 Quelques jours après votre arrivée à (expurgé), je crois que vous
4 avez été emmené à Mrakovi pour y creuser des tranchées. Je crois que vous
5 êtes passé par le village de Hercezi . N'est-ce pas exact ?
6 Témoin JJ (interprétation). - Oui, en effet.
7 M. Cayley (interprétation). - A cette occasion, avez-vous vu la
8 mosquée ?
9 Témoin JJ (interprétation). - Oui. Nous sommes passés juste à
10 côté de la mosquée. Nous nous trouvions à 50 mètres de la mosquée, parce
11 qu'elle est à une distance de 50 mètres de la route à peu près.
12 M. Cayley (interprétation). - Cette photographie nous
13 montre-t-elle précisément ce que vous avez vu à cette époque ?
14 Témoin JJ (interprétation). - Oui. Exactement. Il s'agit de la
15 mosquée du village de Hercezi.
16 M. Cayley (interprétation). - Elle avait été détruite, ainsi
17 qu'on peut le constater sur cette photographie.
18 Témoin JJ (interprétation). - Oui. La mosquée et la maison qui
19 se trouvaient à côté de la mosquée, là où vivaient les OTJA, tout avait
20 été détruit.
21 M. Cayley (interprétation). - Monsieur. le Greffier, pourriez-
22 vous retirer cette photographie, parce qu'il me semble que le témoin vient
23 de faire un commentaire relatif à une maison que l'on peut voir sur la
24 photographie. Pouvez-vous nous indiquer la maison de ce prêtre musulman
25 dont vous venez de parler ?
Page 7457
1 Témoin JJ (interprétation). - Oui, voici la maison du prêtre
2 musulman. Elle se trouve juste à côté de la mosquée.
3 M. Cayley (interprétation). - Peut-on maintenant soumettre au
4 témoin l'autre photographie, s'il vous plaît ?
5 Il s'agit bien de l'intérieur de la mosquée, n'est-ce pas ? Même
6 si vous n'étiez pas à même de le voir depuis la route, vous reconnaissez
7 bien la photographie comme étant celle vous montrant l'intérieur de la
8 mosquée de votre village ?
9 Témoin JJ (interprétation). - Oui, bien sûr, je reconnais cela.
10 Je voudrais dire que, il y a 2 ans, je suis entré dans la mosquée. J'y ai
11 enterré mon père. De fait, j'ai bien vu toutes ces ruines.
12 M. Cayley (interprétation). - Peut-on à présent montrer au
13 témoin la pièce 277, s'il vous plaît ?
14 Vous reconnaissez ce que nous montre cette photographie,
15 Monsieur ?
16 Témoin JJ (interprétation). - Oui. C'est la mosquée de la
17 municipalité de Kiseljak.
18 M. Cayley (interprétation). - Et avez-vous vu ce monument peu de
19 temps après, alors que le HVO vous emmenait pour creuser des tranchées ?
20 Témoin JJ (interprétation). - Nous sommes passés à côté de cette
21 mosquée tous les jours, à chaque fois qu'on nous emmenait creuser des
22 tranchées. La première fois que je l'ai vue dans cet état-là, c'est
23 lorsqu'on nous a emmenés à (expurgé) pour ce qui était supposé être un
24 échange, comme je l'ai dit. En fait, ils ont juste changé le village dans
25 lequel nous étions détenus. Rien n'a changé quant à nos conditions de vie.
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1 M. Cayley (interprétation). - Il serait donc juste de dire que,
2 quelques mois après, le 18 avril 1993, la mosquée de Kiseljak s'est
3 retrouvée dans cet état que nous constatons ici,
4
5
6 parce que vous l'avez vue à ce moment-là dans cet état ?
7 Témoin JJ (interprétation). - A cette époque, elle était dans
8 cet état-là. Aujourd'hui, elle est dans un état encore plus déplorable.
9 M. Cayley (interprétation). - Tandis que vous vous trouviez dans
10 le village de (expurgé), là encore les Musulmans recevaient-ils des visites
11 nocturnes des soldats du HVO ?
12 Témoin JJ (interprétation). - C’est difficile à dire. Ce n'était
13 peut-être pas toutes les nuits, mais disons que dans 90 % des cas nous
14 étions maltraités et tous nos biens, tout ce que nous avions nous était
15 retiré.
16 M. Cayley (interprétation). - Monsieur, expliquez-moi pourquoi
17 vous n'avez pas essayé de vous enfuir du village de (expurgé) ?
18 Témoin JJ (interprétation). - Un homme dans une telle situation pense
19 toujours à ce type de possibilités, pense même au suicide. On nous avait
20 dit que si on essayait de s'échapper alors que nous étions en train de
21 creuser des tranchées, alors sa femme et ses enfants seraient abattus. De
22 toute façon, il était impossible de s'échapper de (expurgé), parce que le
23 village est placé de telle façon qu'il est entouré de collines. Ces
24 collines étaient, elles, entourées par les lignes du front du HVO. Nous ne
25 pouvions pas nous échapper. De toute façon, on nous avait bien dit que, si
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1 qui que ce soit essayait de s'échapper au moment du creusement des
2 tranchées, sa famille, c'est-à-dire sa femme, ses enfants, sa mère, tous
3 ses proches seraient abattus.
4 M. Cayley (interprétation). - Si nous pouvons passer à la
5 quatrième partie de votre témoignage, Témoin JJ. Pouvez-vous expliquer aux
6 juges ce qui s'est passé lorsque vous avez été emmené, alors que vous
7 creusiez des tranchées, aux casernes de Kiseljak et pourriez-vous nous
8 décrire dans quelles conditions vous avez été détenu dans ces baraques ? A
9 quel traitement avez-vous été soumis, que vous a-t-on demandé de faire ?
10 Qu'est-ce que le HVO vous a demandé de faire pendant que vous vous
11 trouviez dans ces casernes ?
12 Témoin JJ (interprétation). - Comme d'habitude, je me trouvais
13 en train de creuser
14
15
16 des tranchées, un jour, à Mrakovi. C’est alors que trois policiers du HVO
17 sont arrivés. Je connaissais l'un d'entre eux. Il s'appelait Zeljo
18 Pravdic. Il m'a appelé et m’a dit qu'il fallait que nous allions aux
19 casernes. Il cherchait un de mes proches, un de mes membres de ma famille
20 qu’il voulait emmener également. Lui, il ne creusait pas des tranchées.
21 Nous l'avons retrouvé à (expurgé). Il était malade et tous les deux avons été
22 emmenés aux casernes.
23 On nous a emmenés dans une pièce où un homme gisait sur le sol,
24 immobile. Plus tard, lorsque nous lui avons demandé ce qui n'allait pas,
25 il nous a dit qu'il avait été battu. Je voyais bien qu'il était sincère,
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1 qu'il disait la vérité parce que très peu de temps après, on m'a emmené
2 dans un bureau où nous attendait Miro Biletic, le directeur de la prison.
3 Il y avait deux autres soldats du HVO et Zeljo Pravdic m’a posé des
4 questions. Il m'a demandé où étaient nos armes. Mais nous n'en avions pas.
5 En fait, c'était une excuse. Cela leur permettait de me frapper.
6 J'ai subi la même chose que ce qu’avait subi l'homme qui se trouvait dans
7 notre chambre. On m'a frappé. Ils m'ont frappé avec leurs poings, avec des
8 bâtons et je me suis évanoui dans cette pièce.
9 Lorsque j'ai repris connaissance, j'ai vu que (expurgé) n'était plus
10 là. J'ai compris qu'on l'avait emmené pour qu'il subisse le même
11 traitement que celui qui m'avait été réservé. De fait, c'est ce qui s'est
12 passé.
13 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous expliquez aux juges
14 ce que l'on vous a demandé de faire, ce que le HVO vous a demandé de faire
15 à la caserne de Kiseljak ?
16 Témoin JJ (interprétation). - Nous accomplissions toutes sortes
17 de travaux. En fait, principalement, nous creusions. Il nous fallait aussi
18 nettoyer les locaux, là où s'étaient installés les membres de la police.
19 Il fallait également nettoyer les toilettes. Nous travaillons tous les
20 jours.
21 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la
22 pièce 278, s'il vous plaît ?
23
24
25 Peut-on placer cette pièce sur le rétroprojecteur, s'il vous
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1 plaît ?
2 Témoin JJ (interprétation). - Reconnaissez-vous ce que nous
3 montre cette photographie ?
4 Témoin JJ (interprétation). - Oui, absolument.
5 M. Cayley (interprétation). - Vous avez fait un certain nombre
6 d'annotations sur cette photographie, à ma demande. Veuillez expliquer aux
7 juges, s'il vous plaît, ce qu'indiquent les cercles que vous avez tracés
8 sur cette photographie. Veuillez, à chaque fois, préciser le chiffre du
9 cercle auquel vous faites référence.
10 Témoin JJ (interprétation). - Voici le cercle n° 1. Il s'agit du
11 bâtiment dans lequel se trouvaient les cellules. C'est dans ces cellules
12 que nous étions détenus. C'est là également que se trouvaient les membres
13 de la police du HVO.
14 Le cercle n° 2 correspond au quartier général d’Ivica Raic.
15 Quant au cercle n° 3, il indique l'emplacement de l'endroit où
16 on nous a fait monter dans des bus, à partir desquels nous partions pour
17 travailler. Cette ligne en pointillé indique la route que nous avons
18 empruntée pour entrer dans l'enceinte de la prison et que nous empruntions
19 également pour sortir.
20 Au numéro 3, on nous faisait monter dans des camions et on nous
21 emmenait accomplir des travaux forcés.
22 M. Cayley (interprétation). - Qu'elle était la fréquence de ces
23 transports lorsqu'on vous emmenait exécuter des travaux forcés ?
24 Témoin JJ (interprétation). - On m'a emmené tous les jours.
25 Peut-être que cela m'a été épargné cinq ou six jours, parce que j'avais
Page 7462
1 été frappé si violemment que, même eux, savaient bien que je ne pouvais
2 pas aller travailler.
3 M. Cayley (interprétation). - Si vous vous en souvenez, pouvez-
4 vous nous dire combien d’hommes étaient rassemblés en ce point précis
5 avant d'être emmenés pour creuser des
6
7
8 tranchées ?
9 Témoin JJ (interprétation). - Dans la cellule où je me trouvais,
10 il y avait entre 60 et 80 personnes.
11 M. Cayley (interprétation). - Si vous vous en souvenez, pouvez-
12 vous nous donner les dimensions de cette cellule ?
13 Témoin JJ (interprétation). - Elle n'était vraiment pas très
14 grande. Je crois que, dans une situation normale, elle aurait permis
15 d'accueillir 20 soldats ou 20 prisonniers ; je ne sais pas quel terme
16 choisir.
17 M. Cayley (interprétation). - Cela convient parfaitement,
18 Monsieur.
19 Pourriez vous d'écrire aux Juges quelles étaient les conditions
20 sanitaires dans cette prison ?
21 Témoin JJ (interprétation). - Les conditions d'hygiène étaient
22 telles que nous n'avions ni eau, ni toilettes. Nous avions des bidons
23 d’une contenance de 3 litres pour uriner. Lorsque nous avions besoin
24 d'aller aux toilettes, alors que nous creusions des tranchées, certains
25 faisaient leurs besoins dans un petit morceau de papier. Le lendemain,
Page 7463
1 alors qu'ils étaient sur le lieu où l'on creusait des tranchées, ils
2 jetaient ces petits paquets.
3 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous reçu de la nourriture
4 alors que vous vous trouviez dans la caserne de Kiseljak et, le cas
5 échéant, en quelle quantité ?
6 Témoin JJ (interprétation). - Nous avions une miche de pain de
7 moins d'un kilo. Il fallait que nous nous la répartitions entre nous tous,
8 soit 20 personnes.
9 M. Cayley (interprétation). - Au début de cette partie de votre
10 témoignage, vous avez indiqué aux Juges que vous aviez été frappé. Avez-
11 vous était battu plus violemment encore par le HVO une seconde fois ? Si
12 c'est le cas, pouvez-vous décrire exactement ce qui s'est passé ?
13 Témoin JJ (interprétation). - Après la première fois où j'ai été
14 battu, j'ai
15
16
17 effectivement été frappé très violemment à une seconde occasion. Il devait
18 être 2 heures du matin. A ce moment-là, un garde ou un policier m'a
19 appelé. Il m'a fait sortir de la cellule et m'a dit qu'il fallait que
20 j'aille laver des tasses.
21 Mais lorsque je suis sorti et que je suis passé dans le couloir,
22 on m'a donné l'ordre de mettre mes mains dans le dos, de baisser la tête
23 et ce même policier a fermé la porte. J'étais le premier. Il m'a sauté
24 dessus par derrière et m'a frappé dans le dos. Bien évidemment, j'ai
25 trébuché. J'ai vu qu'il y avait cinq ou six autres types dans le couloir.
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1 Ils ont commencé à me donner des coups de pied, à me frapper avec des
2 bâtons.
3 Puis, ils m'ont emmené dans une pièce très sombre. Lorsque je
4 suis tombé par terre, Ivo Medic, un policier du HVO, a touché ma colonne
5 vertébrale sur toute sa longueur. Il me frappait en me disant qu'après
6 cela j'aurai besoin d'une chaise roulante pour me déplacer. Ils ont
7 continué à me frapper. Je ne sais pas combien de temps tout cela a duré.
8 Pas un seul des prisonniers ne m'a approché. Je le comprends fort bien
9 parce que, si un prisonnier venait en aide à un autre prisonnier qui avait
10 été frappé, il était sûr d'être la prochaine victime. Personne n'osait
11 aider qui que ce soit.
12 M. Cayley (interprétation). - Les 60 ou 80 personnes qui se
13 trouvaient dans votre cellule ont-elles chacune été battues alors que vous
14 vous trouviez dans la caserne de Kiseljak ?
15 Témoin JJ (interprétation). - Il n'y a pas une seule personne
16 détenue, qu'elle soit jeune, âgée, femme, homme, pas une soeur qui ait
17 échappée à ces passages à tabac. Ils n'ont pas été passés à tabac une
18 fois, mais plusieurs fois.
19 M. Cayley (interprétation). - Peut-on placer devant le témoin la
20 pièce 279, s'il vous plaît ?
21 (L’huissier s’exécute.)
22 Monsieur le Président, les interprètes sont-ils prêts à
23 travailler encore 5 à 10 minutes ? Si c'est le cas, je pense pouvoir
24 terminer mon interrogatoire principal ce soir.
25
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1
2 M. le Président. - Nous allons leur demander. Je sais qu'ils
3 sont très fatigués, ils ont commencé à 11 heures. Je suis très ennuyé
4 parce qu’effectivement je connais leur problème. Je partage leurs
5 préoccupations, comme mes deux collègues. Je ne comprends pas très bien
6 pourquoi l’équipe d'interprètes qui cette semaine devait travailler de
7 14 heures 15 à 19 heures, a commencé à 11 heures. Les interprètes n'y
8 peuvent rien, mais il est certain que c'est un peu ennuyeux pour nos
9 travaux.
10 Il faudra que nous reprenions demain. Je me suis entretenu par
11 correspondance, écrite, interposée avec le conseiller juridique de la
12 Chambre. Demain, toute la matinée est prise soit par une plénière,
13 (expurgé).
14 En accord avec le Président de l'autre Chambre, nous avons
15 décidé de reprendre à 14 heures 30. Nous rendrons la Chambre à 16 heures.
16 Entre temps, il faut que nous achevions l'audition du témoin JJ
17 et que nous entendions la défense dans ses explications qui, je pense, ne
18 seront pas trop longues puisque nous avons les requêtes écrites pour les
19 audiences ex parte. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Nous sommes là
20 pour vous entendre mais il s'agira d'observations. Normalement, nous
21 reprenons demain à 14 heures 30 jusqu'à 16 heures. Tout cela représente
22 beaucoup de contraintes pour tout le monde, pour les Juges et les
23 interprètes.
24 Les interprètes sont-ils prêts à travailler 5 à 10 minutes
25 supplémentaires pour terminer l'interrogatoire principal ?
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1 L'interprète. - Cela ne pose pas de problème,
2 Monsieur le Président.
3 M. le Président. - Je ne manquerai pas de souligner au Chef de
4 la division d'interprétariat qu’il faut se tenir aux équipes une fois
5 celles-ci constituées. Maître Cayley, essayez de respecter ces 5 ou
6 10 minutes. Nous reprendrons demain à 14 heures 30. Merci.
7 M. Cayley (interprétation). - Je m'engage auprès des interprètes
8 à ce que cela ne dure que 5 minutes.
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10
11 Témoin JJ, reconnaissez-vous la photographie qui se trouve sous
12 vos yeux ?
13 Témoin JJ (interprétation). - Oui, je reconnais très bien ce
14 bâtiment. C'est le bâtiment de la police militaire dans lequel moi-même et
15 d'autres personnes avons été détenus.
16 M. Cayley (interprétation). - Une enseigne figure à côté du
17 bâtiment où l'on peut lire : "Police militaire - Kiseljak", "HVO -
18 Kiseljak", c'est bien cela ? Pouvez-vous dire oui ou non, Monsieur ?
19 Témoin JJ (interprétation). - Oui, c'est exact.
20 M. Cayley (interprétation). - Quel poids avez-vous perdu pendant
21 votre détention dans la caserne de Kiseljak ?
22 Témoin JJ (interprétation). - 10 à 12 kilos.
23 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux Juges ce
24 qui s'est passé lorsque des représentants du Haut-commissariat aux
25 réfugiés des Nations unies ont visité la prison ?
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1 Témoin JJ (interprétation). - Ce qui s'est passé, c'est que nous
2 avons vécu dans un monde différent. La nourriture s'est améliorée, mais
3 cela n'a duré que ce jour-là. Par la suite, tout a repris comme par le
4 passé.
5 M. Cayley (interprétation). - Les prisonniers ont-ils été
6 transférés d'une cellule à l'autre de façon à donner l'impression que le
7 confort était plus important (le confort n'est peut-être pas le meilleur
8 mot) de façon à créer l'impression que les cellules, en tout cas,
9 n'étaient pas surpeuplées ?
10 Témoin JJ (interprétation). - Combien étions-nous à ce moment-
11 là ? 70 je pense, je ne sais pas exactement. La moitié d'entre nous ont
12 été transférés dans une pièce voisine. Bien entendu, ce transfert n'avait
13 pour but que d'éviter de donner l'impression que nous étions entassés
14 comme des sardines. Mais avant la soirée, avant la nuit, nous avons tous
15 été regroupés de nouveau dans une seule pièce.
16 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la pièce
17 à conviction numéro 280 ?
18 Reconnaissez-vous les hommes qui figurent sur cette
19 photographie ?
20 Témoin JJ (interprétation) (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux juges
25 pourquoi ils portent des pantalons si sales, si troués, si élimés ?
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1 Témoin JJ (interprétation). - Je crois que c'est la meilleure
2 preuve des conditions d'hygiène dans lesquelles nous vivions et combien
3 nous devions travailler. Je n'ai pas d'autres commentaires à apporter.
4 M. Cayley (interprétation). - Les prisonniers qui sont restés
5 dans la caserne de Kiseljak, se sont-ils vus dérober leurs biens et objets
6 personnels ?
7 Témoin JJ (interprétation). - Ils nous prenaient tout, les
8 vestes, les montres, l'argent. N'importe qui, qui avait par exemple une
9 bonne paire de chaussures ou une veste de bonne qualité, se la voyait
10 enlever. Ils forçaient les hommes à les enlever et ils vous auraient même
11 forcés à enlever les chaussures d'un combattant musulman tué pour les
12 porter.
13 M. Cayley (interprétation). - Mais les prisonniers qui étaient
14 particulièrement aisés sur le plan matériel, et qui étaient détenus dans
15 la caserne, que leur est-il arrivé ?
16 Témoin JJ (interprétation). - Pouvez-vous répéter votre
17 question ?
18 M. Cayley (interprétation). - Si un prisonnier était connu par
19 les soldats du HVO comme une personne riche, que lui arrivait-il ?
20 Témoin JJ (interprétation). - Dans ce cas, on le faisait sortir
21 de la prison pendant quelques heures. On l'emmenait jusqu'à son domicile
22 où il subissait des pressions pour dire où il avait caché les objets de
23 valeur, l'or, les biens de valeur, ce genre de choses. Bien entendu, après
24
25
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1 cela, il était ramené à la prison.
2 M. Cayley (interprétation). - Ce sont les membres de la police
3 militaire du HVO qui agissaient ainsi ?
4 Témoin JJ (interprétation). - Il y avait des membres de la
5 police militaire. Un jour, je me suis trouvé moi-même dans une situation
6 où j'ai vu un homme d'un certain âge qui a été emmené par un soldat
7 régulier qui l’a fait monter à bord de son véhicule, l’a emmené chez lui,
8 lui a demandé son or et l’a passé à tabac.
9 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges, en
10 quelques mots, pourquoi on a exigé de vous que vous alliez chercher
11 plusieurs cadavres de soldats musulmans pour les transférer de Kiseljak à
12 Kresevo ?
13 Témoin JJ (interprétation). - Cela s'est passé sur la montagne
14 Kresevo breg. Le HVO avait pris le contrôle d'une grande partie de ce
15 territoire. Là-haut, sur la montagne de Kresevo, les détenus qui s'y
16 trouvaient n’ont pas réussi à assurer la relève des lignes de sorte que
17 nous tous qui étions à Kiseljak avons été transférés à Kresevo pour
18 creuser de nouvelles tranchées.
19 Moi, j'y suis resté 15 jours, mais d'autres personnes, d'autres
20 détenus y sont restés un mois. Le premier matin, nous avons creusé, puis
21 tout l'après-midi, toute la journée et le soir, nous sommes tombés sur six
22 cadavres de Kresevo dont deux n'avaient plus de têtes. Nous les avons vu
23 jouer là-haut au football avec ces têtes.
24 M. Cayley (interprétation). - C'était des soldats bosniens ?
25 Témoin JJ (interprétation). - Oui, des soldats de l'armée de
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1 Bosnie-Herzégovine.
2 M. Cayley (interprétation). - J'aimerais que l'on montre au
3 témoin les deux dernières pièces à conviction (281 et 281/A). Peut-on
4 placer cette pièce à conviction sous les yeux du témoin et pas sur le
5 rétroprojecteur ?
6 Témoin JJ, ceci est une carte que vous avez annotée pour moi,
7 n'est-ce pas ?
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10 Pourriez-vous expliquer aux juges quel est chacun des endroits qui a été
11 annoté et quels sont les différents signes que vous avez apposés sur la
12 carte ?
13 Témoin JJ (interprétation). - Les signes apposés sur la carte
14 correspondent à l'emplacement des endroits où j'ai été emmenés accomplir
15 des travaux forcés. Au n° 1, nous voyons le village de Mrakovi. Le n° 2,
16 c’est le Mont Palasko. Le n° 3, Cimburov Brijeg. Le n° 4, Dubrave. Le
17 n° 5, Duke. Le n° 6, Kunjace. Le n° 7, le Mont Palasko. En fait, le n° 2
18 correspond à la sortie de Kiseljak vers Visoko et Crvene Stijne.
19 M. Cayley (interprétation). - L'ensemble de ces annotations
20 représentent des endroits où on a exigé de vous que vous creusiez des
21 tranchées jusqu'à votre libération en novembre 1993 ?
22 Témoin JJ (interprétation). - Oui, ce sont tous les endroits où
23 j'ai été obligé de creuser pendant la durée de ma détention.
24 M. Cayley (interprétation). - Je crois pouvoir dire que votre
25 échange s'est produit en novembre 1993.
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1 Témoin JJ (interprétation). - Oui, cela a eu lieu le 6 novembre
2 1993. J'ai été remis en liberté dans la mesure où je creusais sur les
3 lignes de front avec le peu de nourriture que nous recevions et je n'avais
4 plus de force. Je suis tombé au sol. Je ne pouvais plus creuser, ce jour-
5 là. J'ai été transféré à l'hôpital de Kiseljak où ils ont estimé que je
6 n'avais aucune chance de survivre. Ils m'ont emmené à Visoko pour subir
7 une intervention et un traitement médical. Il a été décidé que je n'avais
8 pas besoin d'intervention chirurgicale. Depuis ce jour, je suis resté du
9 côté bosniaque.
10 M. Cayley (interprétation). - En fait, vous êtes retourné à
11 Hercezi, n’est-ce pas ?
12 Témoin JJ (interprétation). - Non, il était impossible d'y
13 retourner. Au jour d'aujourd'hui, je n'y suis pas retourné. Je vis à
14 Vojnica.
15 M. Cayley (interprétation). - Aimeriez-vous retournez à
16 Hercezi ?
17 Témoin JJ (interprétation). - L’envie est bien là et elle est
18 grande. Mais se réalisera-t-elle ou pas ? Je n'en sais rien.
19 M. Cayley (interprétation). - C'est la fin de mon
20 interrogatoire principal, Monsieur le Président. Je demanderai le
21 versement au dossier de l'ensemble des pièces à conviction, à savoir 276,
22 277, 278, 279, 280 et 281 et 281/A.
23 M. le Président. - Merci, maître Cayley. Je dis au témoin JJ
24 qu’il reviendra demain. Qu'il se repose ce soir, qu'il se détende.
25 Demain, vous aurez certainement des questions que vous poseront
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1 rapidement la défense et puis, peut-être les juges. Ce sera demain à
2 14 heures 30. L'audience est levée.
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4 L’audience est levée à 18 heures 10.
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