Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 4 septembre 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour, Messieurs les

  9   Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   La présentation des parties, s'il vous plaît, l'Accusation en premier.

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Lisa Biersay,

 14   pour le bureau du Procureur, avec le premier substitut du Procureur,

 15   Douglas Stringer; notre commis à l'affaire, Thomas Laugel; et notre

 16   stagiaire, Marina Marcikic.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 18   Maître Zivanovic, du côté de la Défense.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Du côté de la

 20   Défense Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Merci.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Faites entrer le témoin, s'il vous

 22   plaît.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame Celar.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Puis-je vous rappeler que vous êtes

 27   toujours sous serment.

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, c'est à vous.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   LE TÉMOIN : AMANDA CELAR [Reprise]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   Contre-interrogatoire par Mme Biersay : [Suite]

  6   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Madame Celar.

  7   R.  Bonjour.

  8   Q.  Je souhaite commencer aujourd'hui par vous demander si vous

  9   reconnaissez certains noms, et l'Accusation pense qu'il existe des éléments

 10   de preuve permettant de dire que ces personnes étaient actives à Beli

 11   Manastir.

 12   Vous dites connaître Borivoje Zivanovic ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et c'était le président du conseil exécutif de Beli Manastir --

 15   R.  Non, moi, je le connaissais en qualité de maire, pas en cette qualité-

 16   là.

 17   Q.  Il était donc maire ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Savez-vous quelqu'un qui répond au nom de Lazar Bronovic ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Et les informations dont nous disposons précisent qu'il était à la tête

 22   de la TO à Beli Manastir en 1991 --

 23   R.  Je ne sais pas ce qu'est la défense --

 24   Q.  Ah, la Défense territoriale ? Vous n'avez jamais entendu parler de cela

 25   ?

 26   R.  Ah oui, d'accord. Mais je n'ai jamais entendu prononcer ce nom.

 27   Q.  Et qu'en est-il de Borivoje Dobrokes ?

 28   R.  Ce nom-là, je l'ai entendu. Je ne le connaissais pas. Dobrokes ou


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  1   quelque chose comme ça.

  2   Q.  C'est un nom que vous connaissez ?

  3   R.  Oui, c'était quelque chose de semblable. C'était proche. Il y avait un

  4   "ch". Je pourrais dire que c'est un nom qui ressemble beaucoup à un nom que

  5   je connaissais.

  6   Q.  Savez-vous qui était à la tête de la TO de la Baranja ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Et Svetislav Branic ?

  9   R.  Oui, ce nom-là, je l'ai entendu également, Branic.

 10   Q.  Saviez-vous qu'il était commandant de la police locale ?

 11   R.  Je ne les connaissais pas. J'ai simplement entendu parler de leurs

 12   noms. Je n'ai jamais rencontré ces gens-là.

 13   Q.  Et Jaric, Milan Jaric ?

 14   R.  Oui, lui, je le connais.

 15   Q.  En quelle qualité ?

 16   R.  Il faisait partie du même groupe que mon mari. Ils se battaient sur le

 17   front. Et par la suite, j'ai appris que son fils avait été tué au cours

 18   d'un accident de moto. C'est les deux raisons pour lesquelles j'ai entendu

 19   parler de lui.

 20   Q.  Et Milos Mamula ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Dans -- il s'agit d'un toponyme et non pas d'une personne. Dans votre

 23   déclaration, je crois que c'est au paragraphe 48, vous parlez d'un endroit

 24   qui s'appelle le pont du diable, "Devil's Bridge" ?

 25   R.  Pardonnez-moi, mais je n'ai pas ma déclaration sous les yeux.

 26   Q.  Je crois que ceci a été versé au dossier sous la cote D173, donc vous

 27   pouvez le regarder.

 28   R.  Oui, je connais le pont du diable.


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  1   Q.  Où cela se trouve-t-il ?

  2   R.  Alors, cela se situe quelque part entre Osijek et -- je ne connais pas

  3   l'endroit exact. Sur le front, entre Osijek et… je dirais, Beli Manastir.

  4   Mais j'étais dans cette partie de la Baranja qui était contrôlée par les

  5   Serbes. C'est ça que je veux dire.

  6   Q.  D'accord.

  7   R.  Mais je n'y suis jamais allée.

  8   Q.  Mais vous en avez entendu parler ?

  9   R.  Oui, mon mari m'en a parlé, ainsi que certaines femmes de ces hommes

 10   m'en ont parlé.

 11   Q.  Ilija Celar ou quelqu'un d'autre vous a-t-il dit qu'avant le conflit,

 12   les Serbes ne représentaient que 25,5 % de la population de Beli Manastir,

 13   de cette municipalité ?

 14   R.  Alors, je ne me souviens pas de ce chiffre-là. Je me souviens aussi -

 15   je crois que c'est Ilija, c'est possible - qu'il m'a montré une répartition

 16   de la population, c'était le recensement. Mais il y avait beaucoup de

 17   discussions au niveau du recensement, parce que les personnes que l'on

 18   qualifiait de Yougoslaves avaient été placées dans la catégorie de Croates,

 19   et c'est pour ça qu'il y avait des revendications à ce niveau-là. Mais je

 20   ne connais pas les détails.

 21   Q.  Alors, pour être tout à fait claire, Ilija Celar vous a montré le

 22   recensement de 1991 ?

 23   R.  Non, je ne sais pas si c'est lui qui me l'a montré. Je l'ai vu -- cela

 24   se peut, mais ce n'est pas quelque chose dont je me souviens, mais je me

 25   souviens d'avoir vu le recensement.

 26   Q.  Quand l'avez-vous vu ?

 27   R.  Alors, je peux pas vous le dire. Je ne sais pas. Je ne savais même pas

 28   que c'était aux environs de cette date.


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  1   Q.  Etait-ce avant 1992 ou après ?

  2   R.  Je ne peux pas vous le dire.

  3   Q.  Et saviez-vous également que la population hongroise représentait 16,5

  4   % avant --

  5   R.  Ce chiffre-là, je ne m'en souviens pas.

  6   Q.  Je vous pose la question, parce qu'au paragraphe 81 de votre

  7   déclaration, au niveau de la dernière phrase, vous dites : "Il y avait de

  8   nombreux Hongrois qui vivaient dans la Baranja à l'époque, et à mon sens,

  9   il n'y en a aucun qui est parti."

 10   R.  C'est exact, parce que nous avions l'habitude de nous rendre dans les

 11   villages, où certains villages vendaient un très bon vin. Je me suis rendue

 12   dans certains de ces villages et je suis allée -- alors, je ne me souviens

 13   plus du nom, c'était un village hongrois où la famille d'une de mes amies

 14   femmes habitait. Ils avaient une petite chèvre qui n'avait plus de parents

 15   et ils m'ont demandé si je pouvais la prendre, cette chèvre, parce qu'ils

 16   savaient que j'aimais les animaux. Et je me suis rendue dans ce village

 17   pour aller chercher la chèvre avec elle.

 18   Q.  Et vous vous fondez là-dessus pour nous dire que vous n'étiez pas au

 19   courant du départ des Hongrois ?

 20   R.  Non, parce que je n'en ai pas entendu parler.

 21   Q.  Ilija Celar ne vous en a pas parlé de cela ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Donc, vous dites que c'est un fait que ce 16,5 % de la population

 24   hongroise n'est pas parti. Vous savez que c'est un fait ?

 25   R.  Non, pour moi, ça n'est pas un fait. Il y avait des gens qui allaient

 26   et venaient sans cesse. Je dois dire que les noms, si quelqu'un partait,

 27   cela n'était pas présenté comme quelqu'un appartenant à un groupe ethnique

 28   qui partait. On donnait simplement son nom. Et donc, telles et telles


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  1   personnes partaient dans la direction dans laquelle elles partaient.

  2   Q.  Donc, vous auriez pu entendre les noms des personnes qui partaient,

  3   mais vous ne faisiez pas l'association entre le groupe ethnique de la

  4   personne. C'est ça que vous dites ?

  5   R.  Oui. Alors, ça, ce n'était pas une question importante. Je suppose. Je

  6   ne connaissais pas la différence entre les noms serbes et les noms croates.

  7   Q.  D'accord.

  8   R.  En général, je peux reconnaître un nom hongrois.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] Je souhaite regarder maintenant la pièce

 10   P3039, qui correspond à l'intercalaire 68.

 11   Q.  Alors, vous pouvez voir qu'il s'agit d'une lettre qui est datée du 18

 12   octobre 1991, lettre du ministère des Affaires étrangères de la République

 13   de Hongrie.

 14   R.  Oui, cela, je le vois.

 15   Q.  Et vous pouvez lire que : "Selon certaines sources fiables, les

 16   informations suivantes nous sont parvenues sur l'évolution de la situation

 17   dans la région…"

 18   Et à la page suivante, on parle ici des changements dans la composition

 19   ethnique de la population dans ces territoires-là et ce, de façon

 20   contrainte et forcée… essentiellement dans la région de la Baranja. Le

 21   remplacement de 6 300 Hongrois qui ont été chassés et encore davantage de

 22   Croates par 13 000 Serbes est en cours."

 23   Etiez-vous au courant de ce chiffre de 6 300 Hongrois que l'on avait

 24   chassés ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Alors, ceci s'est passé à un moment avant le 18 octobre 1991, donc, en

 27   réalité, vous n'étiez pas --

 28   R.  Je n'étais pas là.


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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Et ce n'est pas quelque chose dont vous a parlé Ilija Celar ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Il existe d'autres documents sur le sujet, mais je souhaite les mettre

  6   de côté pour l'instant et j'y reviendrai peut-être.

  7   Ce que je souhaite vous demander maintenant c'est une question au sujet du

  8   paragraphe 80 de votre déclaration, où vous avez dit : "Je crois que la

  9   première fois que j'ai vu les Bérets rouges c'était en 1994."

 10   R.  Oui, c'est vrai.

 11   Q.  Pourquoi pensiez-vous que les personnes que vous avez vues étaient,

 12   effectivement, les Bérets rouges ?

 13   R.  Eh bien, ils portaient des bérets rouges. Je n'avais jamais vu

 14   quelqu'un porter des bérets rouges à Beli Manastir avant.

 15   Q.  Et ça, c'était en 1994 ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  La raison pour laquelle je vous poser la question, c'est que je

 18   souhaite vous montrer - je vais m'assurer d'avoir la bonne cote - ça sera

 19   la pièce 2852, intercalaire 60.

 20   Je souhaite que nous regardions la page 3 de ce document. Il s'agit d'un

 21   document qui est daté du 2 juin 1992. Il s'agit d'un rapport de la

 22   FORPRONU.

 23   R.  Je ne l'ai pas.

 24   Q.  Ceci va s'afficher sur votre écran dans quelques instants, j'espère.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] Donc, c'est le P2852, intercalaire numéro

 26   60. Et je souhaite regarder le point 8 sur cette page, qui commence par :

 27   "Depuis BelBat…"

 28   Je vais vérifier -- est-ce qu'il y a un problème au niveau du numéro ? Est-


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  1   ce que je peux vous aider ? Page 3. Est-ce que nous pourrions agrandir le

  2   point 8, donc : "Du Bataillon belge…" Je vais le lire pour le compte rendu

  3   d'audience : "Les Bérets rouges, la police spéciale antiterroriste n'a pas

  4   quitté la Baranja. Ils portent actuellement un uniforme bleu, la milice.

  5   Plusieurs personnes ont été identifiées de façon affirmative par le

  6   personnel des Nations Unies."

  7   Q.  Donc, d'après ce document, les Bérets rouges étaient maintenant

  8   habillés différemment --

  9   R.  Veuillez me dire, s'il vous plaît, de quelle année vous parlez ? Ça

 10   n'est pas tout à fait clair dans mon esprit.

 11   Q.  Alors, ce document est daté de 1992.

 12   R.  D'accord. 1992.

 13   Q.  En 1992 déjà, les uniformes des Bérets rouges avaient changé ?

 14   R.  Moi, je n'ai jamais vu de Bérets rouges avant 1994 [comme interprété].

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] Je souhaite que nous regardions maintenant

 16   la pièce P2863, qui correspond à l'intercalaire 63 - je vais vérifier, oui.

 17   La page 4 maintenant, s'il vous plaît.

 18   Q.  Tout en haut où on peut lire "secteur est", le voyez-vous ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  On peut lire : "Dans la Baranja, les Bérets rouges ont disparu.

 21   Certains d'entre eux ont été reconnus portant des habits de la police

 22   régulière ou habits civils, et ils ont une carte d'identité de la milice."

 23   La question que je vous soumets c'est qu'avec l'arrivée de la FORPRONU, les

 24   Bérets rouges ont commencé à changer d'uniformes pour pouvoir mieux

 25   s'intégrer avec la police, et c'est la raison pour laquelle ils ne

 26   portaient pas de bérets rouges.

 27   R.  Alors, je ne sais pas exactement quand ils ont fait cela, ils ont

 28   enlevé tous leurs uniformes. Mon mari a certainement enlevé son uniforme le


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  1   jour du déploiement, je ne me souviens pas de la date exacte. Mais dans un

  2   très court laps de temps, je croyais que c'était très proche de la date du

  3   déploiement, tous les hommes ont cessé de porter des uniformes. Et lorsque

  4   j'ai vu les Bérets rouges en 1994, c'étaient les seuls qui portaient un

  5   uniforme. Tous les autres portaient des vêtements civils. Si je souviens de

  6   l'année où mon mari a commencé à travailler pour BelBat -- non, CIVPOL, ça

  7   serait plus facile pour moi.

  8   Q.  Lorsque vous parlez de déploiement, vous voulez parler du déploiement

  9   de la FORPRONU ?

 10   R.  Non, de CIVPOL, de la police civile. A ce moment-là, il n'y avait plus

 11   aucun uniforme, et ces Bérets rouges sont revenus et -- et franchement, ils

 12   terrorisaient tout le monde, quoi que vous fassiez, quelle que soit la

 13   nationalité.

 14   Q.  Et vous voyez ici que la FORPRONU parle des Bérets rouges dans la

 15   Baranja en 1992 --

 16   R.  Alors, moi, je ne les ai pas vus.

 17   Q.  Vous ne les avez pas vus. Bien. Pourquoi votre mari a-t-il cessé de

 18   porter un uniforme ?

 19   R.  Parce que tout le monde leur a dit qu'il fallait rendre leurs armes et

 20   rendre leurs uniformes, ce qu'ils ont fait. Mais je ne sais pas à quelle

 21   date cela s'est passé. Tous leurs fusils et tout ce qu'ils avaient ont été

 22   rendus. Ainsi que leurs uniformes.

 23   Q.  Vous savez que la position de la FORPRONU était la suivante, en

 24   réalité, ces hommes-là n'ont pas rendu leurs armes même s'ils ont changé

 25   d'uniformes ?

 26   R.  Alors, vous voulez parler des Bérets rouges ? Moi, je ne parle pas des

 27   Bérets rouges, je parle de mon mari.

 28   Q.  Je parle des autres forces qui étaient dans la Baranja à ce moment-là.


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  1   R.  Je ne peux parler que de mon mari et de personnes que je connaissais

  2   qui étaient ses amis, car il a, à ce moment-là, commencé à travailler pour

  3   CIVPOL [comme interprété].

  4   Q.  Quel âge avait Ilija Celar en 1991 ?

  5   R.  Eh bien, il est né en 1956.

  6   Q.  Donc, il pouvait être mobilisé compte tenu de son âge ?

  7   R.  Tout à fait.

  8   Q.  Il a, effectivement, été mobilisé ?

  9   R.  Je ne sais pas s'il a été mobilisé. Non, ils n'ont jamais été mobilisés

 10   officiellement, d'après ce que je sais. Il y avait ce groupe de défense, il

 11   y avait 19 citoyens qui étaient des particuliers qui se sont réunis. C'est

 12   comme ça que cela a commencé.

 13   Q.  Son unité avait-elle un nom -- enfin, le groupe dont il faisait partie

 14   ?

 15    R.  Non. Non, après les combats -- alors, moi, je peux vous dire ce que je

 16   pensais de la situation. Il y en avait 46 qui ont participé aux combats du

 17   19 août au 23 environ.

 18   Q.  Et ce sont des informations qui vous ont été communiquées par Ilija

 19   Celar, parce que vous n'étiez pas là ?

 20   R.  Oui. Il m'a dit que l'armée yougoslave était là mais qu'elle observait

 21   ce qui se passait. Lorsque mon mari a gravi le réservoir d'eau, là où était

 22   entreposée la farine à Beli Manastir, ils ont hissé le drapeau, le drapeau

 23   serbe. Et ensuite, ils sont redescendus, ils ont été arrêtés par l'armée,

 24   qui lui a demandé ce qu'ils étaient en train de faire. Donc, il n'avait pas

 25   été mobilisé. Je crois que je peux le dire comme ça.

 26   Q.  Mais il portait un uniforme ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et quel uniforme portait-il ?


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  1   R.  Au début, il était bleu, comme un uniforme de la police. Et ensuite,

  2   lorsqu'ils ont commencé à aller sur le front, ils ont changé et porté à ce

  3   moment-là des uniformes de camouflage.

  4   Q.  Dans votre déclaration, vous dites qu'il est rentré du front. Je crois

  5   que cela se trouve au paragraphe 32 : "Et le 23 ou le 24 août 1991, on l'a

  6   fait revenir du front, et c'est Boro Zivanovic qui lui a demandé de

  7   revenir."

  8   R.  Moi, je n'ai pas de connaissances directes de cela. C'est lui qui m'en

  9   a parlé. On a parlé de journalistes, combien de journalistes il y avait

 10   dans la Baranja.

 11   Q.  Et donc, Ilija Celar avait anticipé sur la prise de contrôle de Beli

 12   Manastir ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et c'est lui qui vous en a parlé et c'est lui qui vous a donné toutes

 15   les informations qui correspondent aux paragraphes 26, 31, 32 --

 16   R.  Non. 26, eh bien, certaines informations contenues dans ce paragraphe

 17   venaient de mon voisin, sur les événements. Et ensuite, des informations me

 18   parvenaient d'amis. Mais les informations sur les personnes qui avaient été

 19   tuées venaient d'Ilija.

 20   Q.  Et les informations au sujet de la JNA, sur ce qu'ils faisaient ?

 21   R.  Oui, ces informations-là étaient données par Ilija.

 22   Q.  Bien. Ilija Celar vous a-t-il parlé de non-Serbes qui étaient tués,

 23   frappés, torturés, lorsque vous n'étiez pas sur place ?

 24   R.  Non, parce que pour l'essentiel, il était sur le front, mais par la

 25   suite il m'en a parlé lorsque je suis revenue, parce que c'est lui qui

 26   était intervenu - j'étais très fière de lui - et il avait permis la

 27   libération de personnes qui avaient été faites prisonnières sans véritable

 28   motif.


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  1   Q.  Donc --

  2   R.  Et j'ai rencontré certaines de ces personnes par la suite.

  3   Q.  Donc, il y a des Croates que l'on arrêtait sans raison, et les Serbes

  4   aussi ?

  5   R.  Alors, c'est ce qu'il m'a dit. Il m'a dit que les personnes qui avaient

  6   été emmenées sans juste motif, eh bien, lui intervenait dans ce cas-là.

  7   Q.  Et quel était le groupe ethnique de ces personnes ?

  8   R.  Alors, la personne que j'ai rencontrée, je ne sais pas si cette

  9   personne était Hongroise ou Croate.

 10   Q.  Connaissez-vous le nom de cette personne ?

 11   R.  Alors, non, je ne m'en souviens pas. Je connais le nom, mais -- je l'ai

 12   au niveau de mes notes. Je l'ai rencontré chez lui, parce qu'il n'a pas

 13   quitté la Baranja, il est resté. Il y avait une autre personne qui était un

 14   prêtre de Djakova. Il connaissait la famille. Il était Croate. Et on disait

 15   qu'il était sympathisant.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   R.  Donc, Ilija l'a fait sortir du poste de police. C'était chaotique.

 18   Q.  Effectivement, c'est ce qu'il a fait, il l'a amené jusqu'à la frontière

 19   ?

 20   R.  Oui, il l'a amené jusqu'à la frontière hongroise et il lui a donné

 21   assez de dinars pour qu'il puisse rentrer chez lui.

 22   Q.  Où ça ?

 23   R.  Djakova. Il était séminariste et il souhaitait poursuivre ses études en

 24   tant que séminariste à Djakova.

 25   Q.  Est-ce que qu'Ilija Celar a parlé de non-Serbes que l'on tuait, que

 26   l'on frappait, que l'on torturait, pas seulement des personnes qu'il a

 27   sauvées, mais de ce qui se passait ou de ce qui arrivait aux non-Serbes ?

 28   R.  Non, il n'a pas parlé de meurtres. Il a dit que ces personnes étaient


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  1   passées à tabac au poste de police, et il était fou de rage.

  2   Q.  Et qui passait les gens à tabac ?

  3   R.  Je ne sais pas parce que -- nous étions au début de l'année 1991, ils

  4   étaient essentiellement sur le front, et lorsqu'ils rentraient du front

  5   c'était chaotique. Des gens mettaient des uniformes. Ça n'étaient pas de

  6   véritables policiers qui étaient là. Ceux qui ne souhaitaient pas se battre

  7   et aller sur le front devenaient policiers.

  8   Q.  Donc --

  9   R.  Alors, je suis en train de me livrer à des conjectures maintenant parce

 10   que je ne sais pas.

 11   Q.  Parce que vous n'étiez pas sur place ?

 12   R.  Je n'étais pas là.

 13   L'INTERPRÈTE : Veuillez marquer des pauses entre les questions et les

 14   réponses, s'il vous plaît.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Ilija Celar a-t-il jamais formulé l'idée selon laquelle les combattants

 17   serbes défendaient leur propre vérité ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  L'avez-vous jamais entendu dire que la Baranja était terre sainte pour

 20   les Serbes ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  A la fin du mois d'août, vous dites qu'Ilija Celar a été rappelé du

 23   front pour rencontrer des journalistes étrangers.

 24   R.  Oui. Pas pour les rencontrer, pour servir d'interprète.

 25   Q.  Pour servir d'interprète. Merci.

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais que l'on examine le document 65

 27   ter numéro 6572, qui, si je ne m'abuse, se trouve à l'onglet 91.

 28   Je souhaite informer la Chambre du fait que c'est un document que nous


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  1   avons trouvé après l'achèvement de notre liste 65 ter, et que ce document

  2   ne figure pas à l'heure actuelle sur la liste en question. Nous en

  3   demandons donc l'ajout. Et j'aimerais parler quelques instants de ce

  4   document avec le témoin.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Je ne pense pas que ce document doive être

  7   ajouté à la liste 65 ter pour que l'Accusation puisse en débattre avec le

  8   témoin. Je propose tout simplement que le document soit utilisé, que nous

  9   débattions de la recevabilité dudit document par la suite, tout en laissant

 10   la liste 65 ter telle quelle, puisque son ajout n'est pas indispensable.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] Je m'en remettrais à la Chambre de première

 12   instance. J'aimerais montrer au témoin le document plutôt que de lui en

 13   donner lecture, et je crois que pour que l'on montre quelque chose à un

 14   témoin, il faut que le document en question figure sur la liste 65 ter. Il

 15   me semble que ce sont là les consignes données par la Chambre de première

 16   instance.

 17   Puisque nous en sommes à la phase de la présentation des éléments à

 18   décharge et que nous procédons au contre-interrogatoire des témoins de la

 19   Défense, nous pensions qu'il était utile d'achever la liste 65 ter pour

 20   pouvoir utiliser d'éventuels documents complémentaires. Cela fait partie de

 21   ces documents.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Pour que tout soit clair, Monsieur le

 24   Président, nous n'objectons pas au fait que l'Accusation utilise ce

 25   document, même s'il ne figure pas sur la liste 65 ter. Il nous semble clair

 26   qu'il est possible d'utiliser un document sans que celui-ci figure sur

 27   cette liste.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A terme, Madame Biersay, vous


Page 10968

  1   demanderiez le versement au dossier de ce document ?

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Vous m'avez très bien comprise, oui.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A ce moment-là, nous pourrons

  4   l'ajouter à la liste 65 ter et le verser au dossier.

  5   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous invite donc à montrer ce

  7   document au témoin sans plus attendre.

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci de cette précision, Monsieur le

  9   Président.

 10   Q.  Examinons donc le document 6572 de la liste 65 ter. C'est un article

 11   qui porte la date du 3 septembre 1991, soit l'époque à laquelle vous dites

 12   que M. Celar a apporté son aide à M. Zivanovic, son aide de traducteur,

 13   Zivanovic étant le maire, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, en effet, je crois.

 15   Q.  Vous le croyez. Très bien. Dans votre déclaration, vous dites --

 16   R.  Si c'est le bon document, j'entends. Parce que je ne le vois pas encore

 17   à l'écran.

 18   Q.  Voyons si l'on peut vous aider. Nous voyons la date d'abord. Et ce

 19   document est intitulé : La région céréalière croate devient monnaie

 20   d'échange. Vous voyez la date de l'article, le 3 septembre 1991 ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et vous dites qu'Ilija Celar a été rappelé du front aux environs du 23

 23   ou du 24 août 1991 pour aider ces journalistes étrangers.

 24   R.  C'est ce qu'il m'a dit.

 25   Q.  C'est ce qu'il vous a dit. J'aimerais maintenant que l'on fasse défiler

 26   le texte vers le bas. Une phrase commence ainsi : "Des journalistes tentant

 27   de se déplacer dans la région…"

 28   Vous le voyez ?


Page 10969

  1   R.  Oui.

  2   Q.  "Des journalistes tentant de se déplacer dans la région ont été

  3   interceptés et interrogés. Un journaliste croate est porté disparu. Un

  4   groupe de photographes a essuyé des tirs et abandonné leur véhicule dans le

  5   secteur dimanche. 'C'est notre terre sainte. Vous ne le comprenez pas.

  6   L'opinion de l'Occident ne nous intéresse pas ni ce que le monde pense de

  7   nous,' a dit Ilija Celar à un petit groupe des premiers journalistes venus

  8   de l'ouest à avoir atteint la capitale depuis son siège. Et il continue en

  9   disant, 'Nous avons notre vérité.'"

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Et puis, plus loin dans l'article, M. Celar est décrit comme l'un des

 12   membres des forces irrégulières serbes contrôlant la région, et apparemment

 13   il est dit qu'il : "… a décliné de décrire la situation dans la région."

 14   Alors, M. Celar était membre des forces serbes qui ont facilité la prise…

 15   R.  Oui. Oui, j'ai dit qu'ils étaient 19 au départ.

 16   Q.  Et Ilija Celar vous a-t-il dit que la Baranja était terre sainte…

 17   R.  Non. Je dois préciser que ceci a été écrit par un journaliste croate,

 18   j'ai lu d'autres choses rédigées par des journalistes croates, et c'est

 19   ainsi que je prends ce qui est écrit ici.

 20   Q.  Dites-vous que parce que c'était un journaliste croate il y avait un

 21   parti pris de sa part ?

 22   R.  Oui.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, éviter de

 24   parler en même temps.

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   Mme BIERSAY : [interprétation]

 27   Q.  Dites-vous donc que tous les articles rédigés par des journalistes

 28   croates exprimaient un parti pris ?


Page 10970

  1   R.  Non.

  2   Q.  Certains --

  3   R.  Oui, certains d'entre eux.

  4   Q.  Et vous jugez que c'est le cas ici ?

  5   R.  A dire vrai, oui, je le pense.

  6   Q.  Et pourquoi ?

  7   R.  En raison de la manière dont cet article est écrit. Il dit qu'Ilija n'a

  8   pas souhaité s'exprimer sur ce qui se passait dans la région. Je ne sais

  9   pas s'il se trouvait dans le secteur. De quel secteur parlent-ils

 10   exactement ? Il se trouvait à Beli Manastir, et ensuite ils se sont

 11   déplacés vers Osijek. Et à un moment donné, la police croate a emprunté ce

 12   passage sûr vers Osijek. Mais je ne sais pas de quoi il est question ici,

 13   il décline de décrire ce qui se passait dans le secteur. Je ne sais pas. On

 14   donne l'impression qu'il cache quelque chose, et je ne le crois pas. Je

 15   pense donc qu'il s'agit là d'un article partial.

 16   Q.  Vous pensez pas qu'Ilija Celar tentait de dissimuler quoi que ce soit ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Dans votre déclaration, Madame Celar, vous dites que pendant votre

 19   absence, pendant que vous vous trouviez au Royaume-Uni, Ilija Celar vous

 20   appelait fréquemment du poste de police de Beli Manastir afin de vous

 21   donner des nouvelles.

 22   R.  Oui. En tout cas je le pense puisqu'il n'y avait pas d'autres

 23   téléphones de disponibles à ce moment-là.

 24   Q.  Et à quelle fréquence Ilija Celar se rendait-il au poste de police de

 25   Beli Manastir ?

 26   R.  Ce n'était pas -- enfin, à fréquence suffisante pour que je ne

 27   m'inquiète pas de sa sécurité. Je ne m'en souviens plus. Mais c'était peut-

 28   être à quelques jours d'intervalle. En tout cas, pas à quelques semaines


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  1   d'intervalle. Mais à quelques jours, sans doute. Je ne peux pas être plus

  2   précise que cela. Je m'en excuse.

  3   Q.  Bien. Peut-on dire, en d'autres termes, que vous ne savez pas à quelle

  4   fréquence il se rendait au poste de police de manière générale, et pas

  5   seulement pour vous appeler, mais de manière générale ?

  6   R.  Non, en général, je ne sais pas.

  7   Q.  Parce que vous n'étiez pas là ?

  8   R.  En effet.

  9   Q.  Ilija Celar vous a-t-il dit qu'en 1991 les Bérets rouges fréquentaient

 10   ce poste de police ?

 11   R.  Peut-être, mais je m'en souviens plus.

 12   Q.  A quelle distance se trouve Bilje --

 13   R.  Bilje.

 14   Q.  Bilje, d'Osijek ?

 15   R.  Je pense que c'est le premier endroit auquel vous arrivez après avoir

 16   passé le pont, c'est-à-dire le premier village en Baranja avant Darda.

 17   Q.  Et Ilija Celar a également pris part à la prise de Bilje, n'est-ce pas

 18   ?

 19   R.  Eh bien, c'était sur la route d'Osijek, du pont. C'était le seul pont

 20   qui permettait de sortir de Baranja vers Osijek.

 21   Q.  Mais il y a participé ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et d'après les informations dont je dispose, il s'agit d'un événement

 24   qui s'est produit en septembre 1991 ?

 25   R.  Je ne sais plus. Je sais pas pendant combien de temps la chose a duré.

 26   Q.  Avez-vous entendu dire que les forces serbes avaient pris le contrôle

 27   de l'émetteur de radiotélévision de Baranja ?

 28   R.  Non. Ou plutôt, c'est peut-être quelque chose dont j'ai entendu parler,


Page 10972

  1   mais je n'en ai plus le souvenir aujourd'hui.

  2   Q.  Je comprends. Je ne vais pas vous montrer cette vidéo, P2155.

  3   J'aimerais vous donner lecture d'une partie de la retranscription, qui doit

  4   se trouver dans le prétoire électronique. Je pense que c'est un document

  5   qui se trouve à l'onglet 28. Retranscription dans laquelle on trouve des

  6   propos prononcés par Goran Hadzic. Une question lui a été posée sur

  7   l'émetteur de Bilje. Et sur la restitution de cet émetteur.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] De quelle page s'agit-il ?

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] Page 5.

 10   Q.  Il dit ceci : "Il est absurde qu'ils vous demandent de le restituer. La

 11   Baranja a été libérée. Les Oustachi ont été expulsés du territoire de tous

 12   les gens qui y restaient. Je parle des Serbes, des Hongrois et des

 13   Slavoniens qui n'ont rien fait de mal. S'agissant de l'émetteur, ils ont

 14   libéré le territoire, et il est tout à fait normal que nous décidions des

 15   émissions à diffuser."

 16   Vous-même, Madame, vous n'avez pas ouï dire que cet émetteur avait été pris

 17   ?

 18   R.  Bon, ça ne m'aurait pas particulièrement intéressée. Je n'aurais pas

 19   jugé que l'information me concernait. Et je n'y aurais pas réfléchi plus

 20   que cela.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Celar. Madame Celar.

 22   M. GOSNELL : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, un instant. Maître

 24   Gosnell, un instant.

 25   Me Gosnell a essayé d'intervenir entre la question et la réponse, mais il

 26   n'a pas eu le temps car vous étiez, encore une fois, en train de parler en

 27   même temps.

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, garder

  2   ceci à l'esprit. Et il y a un moyen très simple d'y parvenir : examinez

  3   l'écran. Je suppose que vous avez l'écran avec le compte rendu d'audience

  4   qui défile devant vous. Vous voyez que tout ce qui est dit est consigné au

  5   compte rendu. Lorsque le curseur s'arrête, la sténotypiste a terminé, les

  6   interprètes ont terminé, et vous pouvez alors donner votre réponse. Et à ce

  7   moment-là, il n'y aura plus de chevauchement. Je vous remercie.

  8   Maître Gosnell, souhaitez-vous encore intervenir ?

  9   M. GOSNELL : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Madame Biersay, veuillez poursuivre.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation]

 13   Q.  Saviez-vous qu'Ilija Celar avait reçu pour ordre de retrouver ce

 14   matériel radio ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Vous aviez un ami qui travaillait au journal "Politika", n'est-ce pas ?

 17   R.  Ça n'était pas un ami. C'était un journaliste.

 18   Q.  Le connaissiez-vous personnellement ?

 19   R.  Pas avant qu'il ne me contacte par téléphone en Grande-Bretagne.

 20   Q.  J'aimerais maintenant attirer votre attention sur la pièce 3221.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] S'agit-il de la pièce P3221 ?

 22   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, en effet, P3221. A l'intercalaire 75.

 23   Je demanderais à ce qu'on agrandisse le deuxième paragraphe.

 24   Q.  Deux choses. Vous voyez la citation qui commence ainsi : "Le

 25   gouvernement exerce un contrôle total sur le territoire de la Slavonie, de

 26   la Baranja et du Srem occidental…"

 27   Vous le voyez ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Et cet article porte la date du 29 août 1991.

  2   Voyez-vous également au milieu du paragraphe en question des propos

  3   attribués à Goran Hadzic, qui dit ceci : "Nous inviterons tous les Serbes

  4   se trouvant hors des territoires serbes, les Serbes de Zagreb, Rijeka et

  5   d'autres parties de la Croatie actuelle qui ne souhaitent pas demeurer dans

  6   l'Etat oustachi, à venir en Baranja puisque la Baranja est serbe. Il y a

  7   des maisons vides ici dans lesquelles les Oustachi se sont installés après

  8   1941, et ils ne reviendrons pas."

  9   Voyez-vous ces propos attribués à Goran Hadzic ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et il est vrai qu'il y avait des maisons vides à l'époque en Baranja ?

 12   R.  Oh oui.

 13   Q.  Des maisons qu'avaient quittées des non-Serbes ?

 14   R.  Des Serbes et des non-Serbes.

 15   Q.  Des Serbes et des non-Serbes. Bien. J'aimerais que nous passions

 16   maintenant à la deuxième page de cette pièce où il est dit : "Matériel

 17   radio restitué à Beli Manastir." Date, 28 août.

 18   J'aimerais que nous examinions le passage où l'on dit : "Nous avons reçu…"

 19   Le paragraphe est incomplet.

 20   R.  [aucune interprétation]

 21   Q.  "Nous avons reçu un ordre consistant à retrouver et restituer le

 22   matériel radio." C'est un participant à l'opération qui nous l'a dit, Ilija

 23   Celar. "Nous avons mené 50 recherches environ de retrouver le matériel."

 24   R.  Excusez-moi. Pas 50, mais dix.

 25   Q.  Dix fouilles. "Nous avons mené environ dix fouilles avant de retrouver

 26   le matériel," et ces propos sont attribués à Ilija Celar.

 27   R.  Bien.

 28   Q.  Avez-vous des raisons de douter du fait qu'il avait reçu l'ordre de


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  1   retrouver le matériel radio et qu'il avait effectué des fouilles à cette

  2   fin ?

  3   R.  Non, je ne le remets pas en doute.

  4   Q.  Et c'est parce que cela vient de "Politika" ?

  5   R.  Eh bien, c'est parce qu'il y avait seulement environ 40 combattants à

  6   l'époque et qu'il était probable que ce soit lui ou quelqu'un d'autre que

  7   je connaissais qui ait reçu cet ordre.

  8   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur le paragraphe 46 de votre

  9   déclaration. Vous y décrivez l'arrestation d'Ilija Celar. Vous dites donc

 10   dans votre déclaration que cette arrestation a été effectuée sur ordre Rade

 11   Kostic.

 12   R.  Eh bien --

 13   Q.  Ce n'est pas une question. Enfin, ce que j'aimerais savoir de votre

 14   part, c'est si c'est bien exact ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Qui vous en a informée ? J'aimerais simplement un nom de votre part,

 17   s'il vous plaît.

 18   R.  Il se peut que ce soit le juge que je suis allée voir, et c'était --

 19   comment s'appelait-il ?

 20   Q.  Permettez-moi de vous poser la question de manière différente : est-ce

 21   Ilija Celar qui vous a dit qu'il avait été arrêté à cause de Rade Kostic ?

 22   R.  Ils ne m'ont pas laissée le voir car nous n'étions pas mariés à

 23   l'époque.

 24   Q.  Mais par la suite, vous a-t-il dit pourquoi il avait été arrêté et

 25   emprisonné ?

 26   R.  Tous. Ils étaient 16. Il n'était pas le seul. L'ensemble du groupe

 27   avait été arrêté.

 28   Q.  Ma question est celle-ci : Ilija Celar vous a-t-il jamais dit ou


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  1   confirmé que c'était Rade Kostic ?

  2   R.  Oui, il m'a dit que cela faisait partie d'un complot.

  3   Q.  D'un complot ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et quelles étaient les allégations portées contre lui exactement ?

  6   R.  Que lui et d'autres avaient assassiné un Serbe dans l'un des villages.

  7   Q.  Et quand cela s'est-il produit ?

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes excuses. La

  9   question est vague.

 10   Mme BIERSAY : [interprétation] Si le témoin --

 11   M. GOSNELL : [interprétation] A quoi fait-on référence ici ? Il faut le

 12   préciser pour le témoin.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le

 15   Président, je préciserais que le témoin a dit que l'allégation était que

 16   lui et d'autres avaient assassiné un homme serbe dans un des villages. Et

 17   ma question est de savoir quand cela s'est-il produit. Elle nous parle d'un

 18   événement particulier, je lui demande à quelle période ou à quelle date

 19   l'événement s'est produit. Et je trouve cela très intéressant de constater

 20   que Me Gosnell se lève à ce stade de l'interrogatoire.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Je n'aime pas trop ce qui est suggéré ici par

 22   Mme Biersay. C'était une simple intervention qui avait pour simple objet de

 23   demander une précision de façon à ce que le témoin comprenne très

 24   précisément ce que la question couvrait, si la question de Mme Biersay, en

 25   d'autres termes, portait bien sur l'événement faisant l'objet de

 26   l'allégation.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si c'était une objection de votre

 28   part, Maître Gosnell, elle est rejetée.


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  1   Veuillez poursuivre, Madame Biersay.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation]

  3   Q.  Quand ce meurtre supposé d'un homme serbe était-il censé s'être produit

  4   ?

  5   R.  Je ne le sais pas parce que je n'étais pas sur place.

  6   Q.  Votre déclaration y consacre plusieurs paragraphes.

  7   R.  Lorsque je suis rentrée -- en réponse à un message que j'ai reçu

  8   d'Ilija de la prison, quelqu'un a permis que ce message me parvienne de la

  9   prison.

 10   Q.  Merci. Ma question est celle-ci : au moment où vous receviez des

 11   informations d'Ilija Celar, période couverte aux paragraphes 46, 47, et 48

 12   de votre déclaration, vous a-t-il jamais dit quand ce supposé meurtre

 13   aurait eu lieu ?

 14   R.  J'ai dû le savoir, mais je m'en souviens plus aujourd'hui.

 15   Q.  Je vais vous aider. La raison de ma question, Madame Celar, est celle-

 16   ci : vous savez que votre mari a été accusé de meurtre ?

 17   R.  A l'époque, oui.

 18   Q.  Et vous avez utilisé vos liens, vos contacts au sein du lobby serbe

 19   pour le faire libérer.

 20   R.  Ça n'a pas été tout de suite. Cela a été le résultat d'éléments de

 21   preuve qui ont été apportés par tous ceux qui se trouvaient dans le secteur

 22   à l'époque et à la suite d'une étude des résidus de poudre sur les mains de

 23   ceux qui se trouvaient là.

 24   Q.  Bien, vous avez dit : "J'ai appelé mes contacts au sein du lobby serbe

 25   à Londres et je me suis plainte --"

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Bien, "… des pressions ont donc été exercées de façon à ce groupe

 28   d'hommes soit libéré de prison."


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous avez donc fait usage de vos contacts au sein du lobby serbe.

  3   R.  Pour une raison tout à fait légitime.

  4   Q.  Pour une raison tout à fait légitime. Très bien.

  5   R.  Puis-je répondre ?

  6   Q.  J'y viendrai, Madame Celar.

  7   Les informations dont nous disposons sont que le meurtre en question s'est

  8   produit le 31 décembre 1991. Ceci coïnciderait avec la période au cours de

  9   laquelle vous avez obtenu des informations sur son arrestation et son

 10   emprisonnement en janvier 1992; c'est bien exact ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et l'information dont nous disposons indique que ce meurtre se serait

 13   déroulé à Ceminac, un endroit où vous avez passé du temps, vous-même et

 14   votre époux.

 15   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas où cela se trouve.

 16   Q.  J'aimerais maintenant passer à l'onglet 97, je pense. Et, Madame Celar,

 17   je dois vous informer du fait que nous avons demandé certains documents en

 18   rapport avec votre époux auprès de la République de Croatie, et l'on nous a

 19   remis avant-hier soir 200 pages le concernant.

 20   Alors, nous avons réussi à faire traduire très rapidement une partie de ces

 21   documents, et j'aimerais vous poser quelques questions sur les informations

 22   qui s'y trouvent, informations donc se trouvant dans les documents que nous

 23   venons de recevoir et que nous n'avions pas obtenus auparavant à propos de

 24   votre mari.

 25   J'aimerais à ce titre que nous passions à la pièce 65 ter 6603. D'après ce

 26   document, et je précise qu'il s'agit d'un jugement rendu, en page 2, tout à

 27   fait au haut de la page, on voit le nom d'Ilija Celar.

 28   R.  Oui, c'est cela.


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  1   Q.  Ce document le déclare coupable au côté de Dario Igovic [phon], Savo

  2   Jokovic et Drago Kovacevic, tous ont été déclarés coupables du meurtre d'un

  3   homme répondant au nom de Stevo Pulic. En page 3, il est dit qu'en son

  4   absence, Ilija Celar a été condamné à une peine de prison de dix ans.

  5   Vous le voyez-vous ?

  6   R.  En 2006, le tribunal croate d'Osijek a exonéré mon époux, a acquitté

  7   mon époux de toutes les accusations à son encontre. C'est ce que j'ai su à

  8   ce sujet. Et je précise qu'il s'agit de 2006. Tous les chefs d'accusation

  9   ont été déclarés être injustifiés, et j'ai contacté Interpol et ils ont

 10   indiqué qu'il n'y avait pas d'autres chefs d'accusation à son égard.

 11   Q.  Vous dites que ça s'est passé quand ?

 12   R.  En 2006.

 13   Q.  2006, dites-vous.

 14   R.  Oui, en 2006.

 15   Q.  Et qui avez-vous contacté à ce sujet ?

 16   R.  Nous avons eu recours aux services d'un avocat à Osijek, qui est allé

 17   dans Osijek. Le jugement rendu par le tribunal avait été accroché au

 18   tableau d'Osijek, et nous n'avions pas eu vent du jugement jusqu'en 2011.

 19   Nous avions alors engagé un avocat pour qu'il détermine ce qui s'était

 20   passé. C'est lui qui nous a procuré le jugement rendu, et tous les chefs

 21   d'accusation à l'égard d'Ilija Celar sont tombés à l'eau --

 22   Q.  Est-ce que vous avez une copie ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Est-ce que vous avez fourni une copie de ceci à la Défense ?

 25   R.  Non. On ne me l'a pas demandé. J'ai écrit à Interpol en France et j'ai

 26   demandé à ce que son nom soit enlevé de la liste rouge des personnes

 27   recherchées. Ils avaient dit qu'ils allaient le faire puisqu'il n'y avait

 28   plus aucun autre avis de recherche.


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  1   Q.  Avez-vous cette documentation ?

  2   R.  Oui, je l'ai à la maison.

  3   Q.  Eh bien, dans ce document, il est indiqué qu'il y a eu un jugement ou

  4   un arrêt de rendu en appel qui s'est vu confirmé plus tard en 2002. Or,

  5   vous dites qu'en 2006 --

  6   R.  Oui.

  7   Q.  -- les chefs d'accusation étaient rejetés ?

  8   R.  Ils ont dit qu'il n'y avait plus de chefs d'accusation à l'égard

  9   d'Ilija parce qu'il avait été aussi mis en accusation pour rébellion à

 10   l'égard de l'ordre politique établi -- il s'agissait d'une rébellion contre

 11   l'Etat de Croatie.

 12   Q.  Vous voulez dire qu'on a rejeté les chefs d'accusation relatifs au

 13   meurtre ?

 14   R.  Non. Ils ont dit qu'il n'y avait plus de chefs d'accusation à son

 15   égard. C'est le tribunal d'Osijek qui nous l'a communiqué.

 16   Q.  Je me propose de vous montrer un autre document. D'abord, laissez-moi

 17   vous poser cette question-ci : saviez-vous qu'au mois de mars 2001, la

 18   Croatie a lancé un avis de recherche international à l'égard d'Ilija Cela

 19   pour meurtre qu'il avait prétendument commis à l'égard de certains détenus

 20   à Beli Manastir --

 21   R.  On a vu cela sur Internet.

 22   Q.  Quand avez-vous vu cela sur Internet ?

 23   R.  2009. Je ne peux pas être plus précise. Je n'ai rien cherché de ce

 24   genre. Mais je sais qu'il y avait quelque 50 personnes de mises en

 25   accusation.

 26   Q.  Mais pourquoi avez-vous procédé à ce type de recherche ?

 27   R.  Parce que quelqu'un me l'a raconté, et on m'a dit qu'il y a eu une

 28   cinquantaine de personnes -- ah non, attendez, je sais pourquoi. Quelqu'un


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  1   a contacté Ilija pour lui dire qu'il était l'un de ceux qui étaient mis en

  2   accusation pour des crimes, je ne sais trop lesquels, et ce, par les soins

  3   de la Croatie. Et c'était l'une des personnes qui s'étaient entretenues

  4   avec Ilija.

  5   Puis, je suis allée sur Internet et je l'ai retrouvé, et puis on a

  6   parlé d'engager un avocat. Et Ilija a fait déterminer en 2006 qu'il n'a été

  7   déclaré coupable de rien du tout et qu'il n'y avait plus de chefs

  8   d'accusation de la part de la Croatie à son égard et qu'ils ont été, donc,

  9   acquittés de toutes accusations. Ils ont été 16 sur 50 à avoir été listés.

 10   Q.  Et c'était pour le meurtre de Stevo Pulic, ce --

 11   R.  Ils ont dit que tous les chefs d'accusation ont été retirés et qu'il

 12   n'y avait plus de chefs d'accusation à l'égard d'Ilija Celar.

 13   Q.  Je vais vous demander ceci -- intercalaire 98, pièce 65 ter 6604. La

 14   page qu'il nous faut, c'est la page 3, s'il vous plaît. Et il s'agit d'un

 15   avis de recherche international relatif à des auteurs de délits au pénal.

 16   R.  C'est cela. Mais je ne l'avais pas vu. J'ai vu un avis de recherche de

 17   la liste rouge de l'Interpol. Ça, je ne l'avais pas vu jusqu'à présent.

 18   Q.  En page 2 -- non, plutôt, la page d'après, celle qui suit à celle-ci,

 19   il est fait état d'allégations relatives à de mauvais traitements infligés

 20   à des détenus par Ilija Celar. Le voyez-vous ?

 21   R.  Je vois ce qui y est dit, mais je ne pense pas que ce soit vrai.

 22   Q.  Vous pensez que ce n'est pas vrai ?

 23   R.  Non. Absolument pas.

 24   Q.  Si nous passons à la page 2 de ce document, on pourra voir qu'Ilija

 25   Celar y est décrit comme étant un membre d'une unité spéciale de la police

 26   et qu'il a procédé à des arrestations de la population non serbe dans la

 27   Baranja pour les acheminer vers la prison et les passer à tabac.

 28   Le voyez-vous ?


Page 10983

  1   R.  Oui, je peux le voir, ça. Je peux voir ce qui est écrit.

  2   Q.  Et vous dites que tous ces chefs d'accusation ont été retirés en 2006.

  3   R.  Oui. Et en 2011, Interpol nous a écrit pour nous indiquer qu'il était

  4   retiré de la liste rouge parce qu'il n'y avait pas de chefs d'accusation à

  5   son encontre.

  6   Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais qu'on se penche sur la dernière

  7   page de ce document. Je pense bien que la page en B/C/S devrait être la

  8   page 105, pour ce qui est de la numérotation au prétoire électronique.

  9   Q.  Je souhaite que l'on zoome quelque peu cette partie-là. Vous pouvez

 10   voir que l'on mentionne ici le nom d'Ilija Celar et on voit sa signature au

 11   bas.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Le voyez-vous ?

 14   R.  En effet.

 15   Q.  Est-ce que c'est bien sa signature ?

 16   R.  Je pense bien que oui, à gauche.

 17   Q.  Eh bien, il y est dit ici que : "L'avocat Branko Nenadic, originaire de

 18   Darda, est habilité à me représenter dans l'affaire au pénal auprès de la

 19   cour d'Osijek sur la base d'une décision datant du 3 août 2009 supprimant

 20   les chefs d'accusation dressés contre moi…"

 21   Le voyez-vous ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  "Et il est question de proposer la prise de mesures en application du

 24   code pénal pour retirer le mandat d'arrêt international à l'égard d'Ilija

 25   Celar."

 26   Le voyez-vous ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et quelle est la date que vous voyez au bas ?


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  1   R.  2011.

  2   Q.  En effet.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Alors, vous semez le trouble parce que vous avez dit que tout a été

  5   retiré en 2006, et Ilija Celar est en train de demander le retrait du

  6   mandat d'arrêt international en 2011.

  7   R.  C'est exact. Ça a été fait parce que pour lever l'avis international de

  8   recherche auprès de l'Interpol, on devait prouver que ce n'était plus en

  9   vigueur, donc il a dû engager un avocat qui s'est déplacé pour déterminer

 10   ce qui se passait auprès du tribunal d'Osijek. Et c'est, d'après ce que

 11   j'ai cru comprendre, la façon dont les choses se sont passées. Et c'est là

 12   qu'on a vu qu'il y en avait eu 16 -- en fait, ça avait été publié au

 13   tableau d'annonces publiques au tribunal. Ça n'a pas été publié par les

 14   journaux. Ça n'a été qu'affiché au panneau d'affichage du tribunal

 15   d'Osijek, et c'est là que la décision de la cour a été placée.

 16   Q.  Et partant de là, vous dites qu'une lettre a été rédigée par Ilija

 17   Celar ?

 18   R.  Oui. C'est vers 2011 que nous avons écrit -- lorsque nous avons eu vent

 19   d'une décision adoptée en 2006, on a commencé à écrire à Interpol pour

 20   demander pourquoi l'avis de recherche international de la liste rouge était

 21   encore en vigueur. Et ça a pris encore un peu de temps pour que la décision

 22   nous parvienne, et il l'a obtenue.

 23   Q.  Nous souhaiterions obtenir une copie de celle-ci.

 24   R.  Absolument.

 25   Q.  Je vous en remercie. Mais je me dois de vous dire, Madame Celar, que

 26   l'Accusation croit bien qu'en fait, partant des informations qui nous ont

 27   été fournies, Ilija Celar a bel et bien participé à des mauvais traitements

 28   infligés à des détenus au poste de police de Beli Manastir.


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  1   R.  C'est tout à fait contraire à la réalité. Je sais que certains ont

  2   participé à des mauvais traitements, mais pas lui.

  3   Q.  D'autres, oui, et lui, non ?

  4   R.  Je sais qu'il y en a eu, mais lui n'a pas été de ceux-là. Il a fallu du

  5   courage pour protéger certaines personnes, et ce n'était pas

  6   particulièrement bien vu…

  7   Q.  Pourquoi cela n'était-il pas bien vu ?

  8   R.  Parce qu'il y avait des criminels là-bas qui volaient des objets, et

  9   lui, il a essayé d'intervenir. Je ne suis pas en train de parler de mauvais

 10   traitements infligés dans la prison même, mais je vous parle d'éléments

 11   criminels qui dépossédaient les gens de leurs voitures, de leurs maisons,

 12   et cetera. Il a essayé de faire mettre un terme à cela.

 13   Q.  Moi, je parle de meurtres, de passages à tabac --

 14   R.  Je ne pense pas que mon mari ait pu être impliqué dans des meurtres,

 15   dans des passages à tabac et torture. Et je le nie de façon catégorique.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay.

 18   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Avant que de passer à autre chose, le

 20   document que nous avons sur nos écrans maintenant fait référence -- et

 21   c'est le fondement de la présentation du document, il fait référence à "une

 22   décision du 3 août 2009 relative à la suspension d'une procédure au pénal à

 23   mon égard…," et cetera.

 24   Avez-vous cette décision du 3 août 2009, et savez-vous à quoi il est fait

 25   référence lorsqu'on dit que "la procédure au pénal est suspendue" ?

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est un document assez

 27   volumineux et je crois que ce document doit être englobé. Mais il n'a pas

 28   été traduit encore, si tant qu'il s'y trouve. Alors, je voudrais d'abord


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  1   vérifier, m'assurer de mes convictions, avant que de vous répondre de façon

  2   catégorique.

  3   Mais si j'ai bien compris les choses, il y a eu une "suspension" vu que

  4   l'accusé n'était pas disponible, n'était pas accessible à la justice en

  5   Croatie, et c'est la raison que la procédure a été suspendue à un moment

  6   donné. C'est ce que j'ai cru comprendre à l'examen rapide des documents qui

  7   nous ont été communiqués. A cet effet, pour être tout à fait sincère, je me

  8   propose de reprendre mon contre-interrogatoire de Mme Celar, mais cela, une

  9   fois que nous aurons tout examiné. Je crois que nous allons avoir besoin

 10   d'un peu plus de temps, et nous aurons d'autres questions pour Mme Celar à

 11   une phase ultérieure, si les Juges de la Chambre veulent bien avoir de la

 12   compréhension à cet égard.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Nous vous comprenons.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation]

 15   Q.  Madame Celar, vous nous avez précédemment dit que les Serbes avaient

 16   été licenciés de leurs postes de travail.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et vous avez parlé d'Osijek.

 19   R.  En effet.

 20   Q.  Et vous avez décrit comment certains noms de rues ont été changés.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous parlez toujours d'Osijek, je crois.

 23   R.  En effet.

 24   Q.  Et vous savez où ?

 25   R.  Non. Tout ne se trouvait pas à Osijek. Certaines rues se trouvaient à

 26   Zagreb.

 27   Q.  Vous ai-je bien comprise : ces licenciements et ces changements de noms

 28   de rues vous ont donné l'impression que l'ambiance devenait de plus en plus


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  1   hostile à l'égard des Serbes ?

  2   R.  En effet.

  3   Q.  Avez-vous connaissance des mesures prises par les autorités de la

  4   Baranja du point de vue de l'emploi, du droit au retour et des changements

  5   de noms ?

  6   R.  Non.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Je souhaiterais que nous nous penchions sur

  8   le document 2157. Excusez-moi, il faut mettre un P devant. C'est une pièce

  9   P qui se trouve à l'intercalaire numéro 29. En premier lieu, penchons-nous

 10   donc sur la dernière page.

 11   Q.  Voyez-vous bien que ceci se trouve être signé par Borivoje Zivanovic ?

 12   Est-ce que vous pouvez voir ce nom en bas --

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ceci se passe juste après la prise de Beli Manastir, et c'est dans le

 15   secteur de la Baranja en général. Est-ce que vous voyez que : "Il y a

 16   cessation de relation de travail et interdiction de retour dans la Baranja

 17   à toutes les personnes qui se sont retrouvées dans les effectifs des forces

 18   ennemies et les gens qui avaient aidé leurs familles les plus proches."

 19   Le voyez-vous ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  En article premier --

 22   R.  Mais c'est en serbe ici.

 23   Q.  Oui. A l'article 1, on dit que : "Cette décision réglemente la

 24   cessation de la relation de travail et l'interdiction de retour dans la

 25   Baranja et le séjour… à toute personne qui a participé aux activités des

 26   effectifs ennemis sur le territoire de la Baranja, les personnes qui les

 27   ont aidés et les membres de leurs familles au sens restreint du terme." Le

 28   voyez-vous ?


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  1   R.  Oui, je le vois.

  2   Q.  Serez-vous d'accord pour dire que ceci semble se rapporter aussi à des

  3   cessations de la relation d'emploi pour les membres des familles des

  4   personnes suspectées d'avoir fait partie des rangs des effectifs de

  5   l'ennemi ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Avez-vous eu à connaître ce type de restrictions imposées même aux

  8   membres de la famille ?

  9   R.  Non. J'ai connu personnellement toutes les personnes d'Osijek qui sont

 10   mentionnées. C'est des gens qui nous rendaient visite. Ça, je n'en ai

 11   jamais eu connaissance, et je ne l'ai pas vu.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais que nous passions à

 13   l'intercalaire d'après, il s'agit de l'intercalaire 30, pièce P2158.

 14   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Juge, avant que de poursuivre,

 16   je voudrais que vous me fournissiez une idée du temps que j'ai déjà utilisé

 17   jusqu'à présent.

 18   Q.  Il s'agit d'une question technique, Madame Celar, pour ce qui est du

 19   temps qui me reste. Je vous prie d'avoir un peu de patience.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Deux heures et demie, Madame Biersay.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.

 22   Q.  Alors, nous sommes au 24 septembre 1991. Il est question d'une nouvelle

 23   décision relative à la cessation de l'emploi de toutes les personnes qui

 24   ont, de façon ouverte, apporté leur soutien au régime déchu de la

 25   République de Croatie.

 26   Est-ce que vous voyez le bas, M. Borivoje Zivanovic et son nom ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Saviez-vous qu'il y avait eu prise d'une décision de ce genre ?


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  1   R.  Non.

  2   Q.  Et je voudrais attirer votre attention sur l'article numéro 1, qui se

  3   lit comme suit : "La présente décision définit la cessation de l'emploi

  4   pour toutes personnes qui ont ouvertement apporté leur soutien au régime

  5   déchu de la République de Croatie et dont la conversation de l'emploi

  6   perturberait le processus de travail et irriterait les autres employés,

  7   chose qui conduirait à de graves problèmes politiques, religieux et

  8   ethniques, indépendamment de l'appartenance ethnique des uns ou des

  9   autres."

 10   Alors, est-ce que vous saviez que certaines personnes ont été ciblées par

 11   la prise de mesures de ce genre partant de l'impression qu'on s'était faite

 12   du soutien apporté par elles à un régime déchu ?

 13   R.  Ecoutez, je n'étais pas là-bas, moi. A l'époque où je me trouvais là-

 14   bas, il n'était pas président du tout, il était maire.

 15   Q.  Et vous n'avez pas eu à connaître de ce type de réglementation ?

 16   R.  Non. J'ai été présente à une réunion en présence de Borivoje Zivanovic

 17   où il a été question d'attaques à l'égard de Croates, et je lui ai demandé

 18   d'aller à la radio pour demander aux gens de ne pas le faire parce qu'ils

 19   ne souhaitaient certainement pas se comporter comme les Croates s'étaient

 20   comportés dans Osijek, et certainement pas présenter les Serbes de cette

 21   façon-là au reste du monde.

 22   Q.  Est-ce qu'il venait souvent à Radio Beli Manastir ?

 23   R.  Je n'en sais rien.

 24   Q.  Est-ce que vous êtes allée à la station radio…

 25   R.  Je n'ai pas été à une réunion à la station radio. J'étais dans son

 26   bureau, je lui ai demandé de le faire, et il m'a dit que ça n'était pas

 27   possible.

 28   Q.  Lui avez-vous demandé d'aller à la radio -- et quand vous l'avez


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  1   demandé, vous avez parlé de la radio locale, j'imagine ?

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Beli Manastir.

  4   R.  Je n'ai pas été tout à fait concrète. Je lui ai demandé de lancer un

  5   appel à l'intention de la population. Les combats avaient pris fin à ce

  6   moment-là. Enfin, je ne suis pas trop sûre que les combats aient tout à

  7   fait pris fin, mais je lui ai demandé de s'adresser à la population, d'en

  8   faire appel à leur décence et de demander à ne pas attaquer les autres. Il

  9   s'agissait à l'époque d'une famille, Ratkajec, et ça m'avait profondément

 10   troublée d'apprendre ce qui leur était arrivé. Et je suis allée avec Ilija

 11   auprès de lui pour lui demander de lancer un appel public de ce type.

 12   Q.  De quelle station radio parliez-vous lorsque vous aviez à l'esprit cet

 13   appel ?

 14   R.  Bien, écoutez, je n'y ai pas pensé. J'avais pensé à la radio de

 15   Baranja, la radio de Beli Manastir.

 16   Q.  Est-ce que vous l'aviez entendu parler à la radio auparavant ?

 17   R.  Non. Je n'écoute pas la radio.

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Messieurs les Juges, je sais que c'est un

 19   peu tôt, mais je crois que le moment serait venu de faire une pause avant

 20   que de passer au document suivant.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Biersay.

 22   Nous allons faire notre première pause d'une demi-heure. L'audience est

 23   levée.

 24   [Le témoin quitte la barre]

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 26   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est à vous, Madame Biersay.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je sais que


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  1   l'on fait venir le témoin --

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oh, pardon, pardon.

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Non, non, c'est très bien, parce qu'en

  4   réalité, je voulais donner les numéros de pages électroniques pour la

  5   version en B/C/S du document à propos duquel vous avez posé une question

  6   s'agissant des documents liés à Ilija Celar. Il s'agit plus

  7   particulièrement des pages 109 à 113 du prétoire électronique. Mais d'après

  8   ce que j'ai compris, je crois que la Défense va de toute façon aborder le

  9   sujet un peu plus tard aujourd'hui.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, c'est à vous.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer une pièce à conviction, P2159, à

 14   l'intercalaire 31.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela semble être sous pli scellé,

 16   Madame Biersay. C'est exact ?

 17   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 18   Merci.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, il ne faut pas diffuser ce

 20   document à l'extérieur.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la

 22   troisième page, s'il vous plaît. Merci.

 23   Q.  Avez-vous entendu parler de personnes que l'on avertissait par le biais

 24   des médias qu'elles devaient partir, quitter la région ? Je souhaite

 25   attirer votre attention sur ce document qui est un document qui est une

 26   pièce jointe à une décision aux fins de mettre un terme à l'emploi. La

 27   décision précise : "Par la présente, nous vous avertissons que vous devez

 28   quitter la région de la Baranja en l'espace de 24 heures parce que vous


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  1   avez, d'une manière ou d'une autre, été impliqué avec le HDZ, Union

  2   démocratique croate, et vous avez aidé les autorités oustachi. Toutes les

  3   personnes impliquées de la manière que ce soit ont été informées par les

  4   médias qu'elles doivent partir.

  5   "Pour que chacun sache que ceci concerne vous ou votre famille, montrez-

  6   vous de façon à ce que vous ne soyez pas mort, car tel serait votre sort."

  7   Madame Celar, je me demande, à la lecture de ce document, si cette décision

  8   encourage d'aucuns à rester ?

  9   R.  Non, c'est épouvantable.

 10   Mme BIERSAY : [interprétation] Maintenant, est-ce que nous pouvons regarder

 11   la pièce P2160. C'est la pièce -- pardonnez-moi, c'est l'intercalaire

 12   numéro 32. Je souhaite que nous affichions la troisième page, s'il vous

 13   plaît.

 14   Q.  En attendant l'affichage de ce document, Madame Celar, vous avez parlé

 15   de la manière dont vous, avec les documents adéquats, vous pouvez vous

 16   rendre en Baranja et quitter la Baranja ?

 17   R.  Non, je ne pouvais pas faire des allées et venues. Je devais demander à

 18   pouvoir sortir, et lorsque je rentrais, je devais pouvoir demander une

 19   permission pour entrer à nouveau.

 20   Q.  Vous a-t-on jamais refusé de rentrer ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Je souhaite attirer votre attention à cette décision. En bas de la

 23   page, on voit que c'est signé par le président Borivoje Zivanovic.

 24   R.  Oui, je le vois.

 25   Q.  En haut du document, son nom est cité en qualité de président. Tout en

 26   haut, on peut lire : "Lors de la quatrième séance qui s'est tenue le 18

 27   octobre 1991, le conseil exécutif de la municipalité de Manastir," et

 28   ensuite on parle du fait que cette décision a été adoptée.


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  1   Cette décision consiste à interdire le retour de toutes personnes qui ne

  2   sont pas revenues dans la municipalité de Beli Manastir à la date du 25

  3   septembre 1991.

  4   L'article 1 se lit comme suit : "Toutes les personnes, indépendamment de

  5   leur appartenance ethnique ou religion, qui ne reviennent pas dans la

  6   région de la municipalité de Beli Manastir à la date du 25 septembre 1991…"

  7   Et à la fin : "… seront interdites de retour."

  8   Donc, saviez-vous que les personnes qui n'étaient pas revenues dans la

  9   municipalité à cette date-là ne pouvaient pas revenir --

 10   R.  Non, parce qu'il y a de nombreuses personnes qui sont revenues après et

 11   des Serbes qui sont partis se battre. Et je connais le cas d'un certain

 12   nombre de personnes qui ne sont pas revenues à cette date-là, qui sont

 13   revenues plus tard, voire même une année plus tard.

 14   Q.  Vous voulez parler des combattants serbes ?

 15   R.  Non, je veux parler de Serbes qui n'étaient pas des combattants. Il y a

 16   un de nos amis qui était un avocat serbe, il n'est pas revenu avant le mois

 17   de décembre, voire plus tard. Il y avait de nombreuses familles qui se sont

 18   rendues à Prigrevica. Je ne pense pas que ces personnes-là soient revenues

 19   avant cette date. Il y en avait d'autres aussi.

 20   Q.  Mais l'Accusation fait valoir que cette décision prenait pour cible

 21   plus particulièrement les non-Serbes.

 22   R.  Alors, moi, je connais des personnes qui sont revenues. Mon beau-frère

 23   est revenu, et lui était Croate.

 24   Q.  Et quand est-il revenu ?

 25   R.  Non pas cette année-là, parce qu'il était là tout le temps. Et ensuite,

 26   il est parti pour aller rendre visite à sa mère à Zagreb parce qu'ils

 27   étaient malades. Ensuite, il a été arrêté en Croatie, et ensuite il est

 28   revenu en Serbie, mais je ne connais pas la date. J'en ai parlé et j'ai


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  1   envoyé cela à un journal, mais je me souviens pas de la date, pardonnez-

  2   moi. C'est ce que je savais, celui-là n'était pas Serbe. Il venait de

  3   Hongrie. C'est celui dont j'ai connaissance. Il ne venait pas de Batina.

  4   Q.  Si vous comparez les Serbes aux non-Serbes, est-ce que des Serbes sont

  5   revenus ?

  6   R.  Non, je ne peux pas dire cela.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   R.  Je connaissais de nombreux Serbes, mais je ne savais même pas qu'un

  9   grand nombre étaient partis. Et lorsque je les ai rencontrés en ville, je

 10   ne savais même pas que ces personnes étaient parties à moins qu'elles me le

 11   disent. Et donc, je ne peux pas vous donner vraiment d'avis sur la question

 12   avec une quelconque certitude.

 13   Q.  Alors, je souhaite que vous regardiez maintenant le document P2161, il

 14   s'agit de l'intercalaire numéro 33.

 15   Et en attendant l'affichage de ce document, je dois vous dire qu'il s'agit

 16   d'une décision prise par le conseil exécutif de Beli Manastir. L'objet de

 17   la décision est de modifier les noms des rues dans la ville de Beli

 18   Manastir.

 19   Saviez-vous que les noms des rues avaient changé en vertu d'une

 20   décision prise par le conseil exécutif ?

 21   R.  Non, je ne l'ai pas remarqué. J'ai vu cette liste depuis, et certains

 22   noms sont des noms communistes ou des noms qui fêtent des victoires de

 23   Tito. Il ne s'agit pas toujours de noms de personnes. Mais je ne le savais

 24   pas à l'époque.

 25   Q.  Je vais vous demander de bien vouloir regarder la première page, par

 26   exemple, 14, 15 et 16, les noms de voïvode. Vladimir Lenin ?

 27   R.  Oui, ça, c'est au numéro 15. C'est Lenin. Je pense qu'ils veulent

 28   parler de Vladimir Ilich Lenin, le Russe.


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  1   Q.  Alors, si vous regardez le nom de la colonne, la colonne de l'autre

  2   côté qui correspond au nom de rue.

  3   R.  Pardonnez-moi, oui. Je ne regardais pas la bonne colonne.

  4   Q.  Oui.

  5   R.  Oui. Mais effectivement, on voit que cela a été remplacé par voïvodes,

  6   ducs.

  7   Q.  Alors, ce titre-là est associé à quelle époque de l'histoire serbe ?

  8   R.  Alors, voïvode ne correspond pas exactement à duc. Je crois que c'était

  9   quelque chose qui était un titre qui a été conféré pour bravoure sur le

 10   champ de bataille. Et je crois que ça remonte à la période où il y avait

 11   des combats au Kosovo, je suppose. Je n'en suis pas tout à fait sûre. On

 12   traduit ça comme "ducs", mais c'est un titre honorifique.

 13   Q.  Et à l'époque, vous avez dit que vous n'aviez pas vu cette liste.

 14   Etiez-vous au courant de ce changement de noms de rues ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 53 - je crois qu'on vous a

 17   également posé une question sur ce paragraphe lors de l'interrogatoire

 18   principal - vous avez dit que des réfugiés serbes souhaitaient se rendre

 19   dans la Baranja, et vous avez cité une référence à cet égard, vous avez dit

 20   que "leur souhait était peut-être dû au fait qu'ils avaient des contacts

 21   familiaux ou qu'ils souhaitaient rester le plus proche possible des

 22   endroits dont ils étaient partis ou qu'ils avaient fuis."

 23   Voyez-vous cela ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Savez-vous que différentes personnes étaient associées aux autorités

 26   serbes dans la Baranja et ont invité les réfugiés serbes à venir en Baranja

 27   ?

 28   R.  Non, je ne l'ai pas remarqué. Je ne savais pas qu'on avait lancé des


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  1   invitations. Je pensais simplement que ces personnes étaient venues parce

  2   qu'elles avaient nulle part autre où aller.

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Alors, je souhaite maintenant passer à la

  4   pièce P165, intercalaire numéro 5. Je pense que ce document est daté aux

  5   environs du mois de novembre de l'année 1991, au moment de la chute de

  6   Vukovar.

  7   Q.  Alors, je vais vous poser cette question en attendant l'affichage du

  8   document. Avez-vous entendu parler de Rade Leskovac ?

  9   R.  Est-ce que je peux voir ce nom écrit ?

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  Rade. Non.

 12   Q.  Est-ce que nous pouvons afficher l'avant-dernier paragraphe. Voyez-vous

 13   cela : "Nous n'acceptons pas…"

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Alors, ce qui m'intéresse, c'est la dernière phrase de ce paragraphe :

 16   "Nous informons tous les Serbes dont les maisons ont été incendiées et

 17   détruites qu'ils peuvent revenir sur le territoire libéré. Dans la Baranja,

 18   il y a 17 villages qui doivent être peuplés."

 19   Donc, vous n'étiez pas au courant de ce genre de chose ?

 20   R.  Non. C'était -- quelle est la date de ceci ?

 21   Q.  Ceci est publié après la chute de Vukovar, en novembre 1991.

 22   R.  Alors, je n'ai séjourné là que pendant trois semaines à la fin du mois

 23   d'octobre et au début du mois de novembre. Il faisait nuit, il y a eu

 24   beaucoup de bombardements. Je crois même que je ne me suis pas rendue en

 25   ville. C'était épouvantable.

 26   Q.  Ce qui est intéressant, Madame Celar, c'est que, d'un côté, nous avons

 27   constaté qu'il y avait ces politiques discriminatoires que je viens de vous

 28   montrer, c'est-à-dire qu'il fallait chasser les gens, qu'ils étaient


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  1   renvoyés de leurs emplois dans le secteur de la Baranja, et, en même temps,

  2   cette invitation pour que les réfugiés serbes reviennent.

  3   R.  Ecoutez, ce n'est pas une situation à propos de laquelle j'étais au

  4   courant à l'époque, parce que sinon j'en aurais parlé.

  5   Q.  Je souhaite brièvement parler de la famille Ratkajec, dont vous parlez

  6   dans votre déclaration. Y avait-il plus d'une famille Ratkajec dans la

  7   région ?

  8   R.  C'est possible. Alors, la famille que je connaissais plus

  9   particulièrement habitait dans la région -- il y avait deux familles -- il

 10   y avait deux maisons, en réalité, dans leur jardin à Beli Manastir.

 11   Q.  Connaissez-vous leurs prénoms ?

 12   R.  Je ne m'en souviens pas aujourd'hui. Il y avait une grand-mère, un

 13   grand-père, une femme, un mari qui était parti à Osijek, et les deux

 14   garçons.

 15   Q.  Qui habitaient dans une maison ?

 16   R.  Non. Il y avait la nouvelle maison qui appartenait à la mère avec ses

 17   deux fils, et dans l'autre maison il y avait la grand-mère et le grand-père

 18   qui habitaient là. Mais je crois qu'ils se sont déplacés ensemble pour

 19   finir par habiter ensemble.

 20   Q.  Ils se sont installés dans une seule et même maison ?

 21   R.  Oui. Dans la plus grande maison. En fait, dans la grande maison, ils

 22   avaient également un appartement à l'étage. Donc, je suppose qu'à un moment

 23   donné -- bon, je pense que la famille avait habité en bas et qu'en haut il

 24   y avait un appartement séparé, et ensuite ils ont construit la maison dans

 25   le jardin.

 26   Q.  La rue Liszta, est-ce que cela vous dit quelque chose ? Est-ce que

 27   c'est là qu'ils habitaient ?

 28   R.  Tout ce que je sais, c'était à proximité de la rue du 20 novembre, mais


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  1   je ne peux pas vous dire si c'est exactement cette rue-là.

  2   Q.  Donc, vous ne savez pas -- vous ne vous souvenez pas précisément du nom

  3   de la rue.

  4   R.  Non. Nous avions des amis dans la rue du 20 novembre, et eux habitaient

  5   un peu plus loin le long de la route principale. C'était une rue

  6   transversale, une rue de côté, et eux habitaient un peu plus loin à l'angle

  7   de deux rues.

  8   Q.  Et vous dites que vous les avez aidés au mois d'avril 1992 --

  9   R.  Oui.

 10   Q.  -- à solutionner un problème qu'ils avaient --

 11   R.  Oui, je crois que je l'ai précisé ici.

 12   Q.  Et vous avez dit qu'il y avait des gens de la JNA qui avaient été

 13   placés en haut des toits pour essayer de retrouver les auteurs --

 14   R.  Non, c'étaient des gens qui avaient été menacés de mort. C'était à

 15   Pâques. Et nous nous sommes rendus à la police, qui n'a rien fait, et donc

 16   nous sommes allés voir le général Adzic -- pardon, Krstic, et j'avais donc

 17   assisté à des réunions en sa présence, et lui a dit que s'agissant de cela,

 18   c'était un ou deux jours. Bon, moi, je me suis portée volontaire pour aller

 19   dormir là-bas. Ilija a dit qu'il allait patrouiller les rues et il allait

 20   faire savoir que j'allais dormir là-bas, et l'armée avait promis de placer

 21   ces soldats pour qu'ils couvrent le secteur. C'est au moment où il y avait

 22   eu ces menaces, et ça, c'était à Pâques.

 23   Q.  Alors, moi, je vous pose la question, parce que d'après les

 24   informations dont nous disposons, les Ratkajec habitaient à deux endroits

 25   qui étaient liés entre eux et que les deux familles ont habité dans les

 26   deux maisons jusqu'au mois d'août 1992 ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et d'après nos informations, au mois d'août 1992, une des familles a


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  1   été contrainte à partir en raison d'explosions et de menaces et ne

  2   souhaitait pas quitter leur maison --

  3   R.  Non, ces personnes ne sont pas parties, parce que M. Ratkajec -- avant

  4   que le grand-père ne m'en parle --

  5   Q.  Je n'ai pas terminé.

  6   R.  Pardon.

  7   Q.  Alors, dans une maison, la famille qui avait deux enfants, eh bien,

  8   cette famille a dû partir au mois d'août 1992. Donc, jusqu'au mois d'août

  9   1992, les deux maisons étaient habitées par les membres de la famille

 10   Ratkajec.

 11   R.  D'accord.

 12   Q.  Et c'est après août 1992 que la deuxième maison a été habitée par des

 13   réfugiés serbes.

 14   R.  Non, les choses ne se sont pas passées comme ça. Moi, j'ai dormi dans

 15   cette deuxième maison à Pâques.

 16   Q.  Et cette maison était vide, d'après vous ?

 17   R.  Eh bien, ils utilisaient en quelque sorte les deux maisons, mais le

 18   grand-père et la grand-mère se trouvaient -- en tout cas ils étaient très

 19   nerveux, et je pense qu'ils sont partis ensemble parce qu'ils avaient peur.

 20   Et moi, lorsque j'allais leur rendre visite, ils étaient dans la grande

 21   maison.

 22   Q.  J'entends bien. Nous allons y revenir davantage.

 23   R.  Oui. Pardonnez-moi, je crois que vous avez dit qu'ils avaient

 24   complètement quitté la région et qu'ils n'habitaient ni dans l'une ni dans

 25   l'autre maison.

 26   Q.  Qu'une des familles habitant dans la maison a été contrainte à quitter

 27   la maison au mois d'août 1992 parce que des grenades avaient été lancées

 28   dans leur cour et qu'on avait proféré des menaces à leur encontre.


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  1   R.  Non, ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé. Parce que les grenades à

  2   main que nous avons vues ont été lancées dans la cuisine. Il n'y avait pas

  3   beaucoup de dégâts, c'était surtout au niveau de la fenêtre, et cela a été

  4   réparé. Mais ces personnes vivaient dans les deux maisons, habitant

  5   davantage chez les grands-parents parce qu'ils se sentaient ainsi davantage

  6   en sécurité.

  7   Q.  Merci. Dans votre déclaration, vous parlez beaucoup de ce qui se passe

  8   dans la Baranja.

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et dans votre déclaration, vous parlez également de ces menaces et de

 11   ces explosions au mois d'avril 1992 à Beli Manastir.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et c'est autour de cette date que la FORPRONU était censée assumer la

 14   responsabilité de ce secteur.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Saviez-vous qu'il y avait, en réalité, une recrudescence des crimes

 17   environ à la veille de l'arrivée de la FORPRONU qui devait être responsable

 18   de la région ?

 19   R.  Alors, je sais qu'avant leur mandat, il y a eu cette grande bataille,

 20   et au cours de cette grande bataille, eh bien, tout le monde aurait pu.

 21   Oui, tout le monde avait peur, oui, parce que -- bon, cela coïncidait

 22   également avec le fait que les hommes de toutes les familles ont été

 23   envoyés au front, et les personnes âgées devaient aller surveiller les

 24   points d'eau. Et nous, les femmes, nous étions seules dans les maisons. Et

 25   je crois que j'ai déposé à ce sujet déjà, c'est à ce moment-là qu'on m'a

 26   volé tout mon bétail pendant la nuit et qu'on a cambriolé un magasin et

 27   qu'on a volé notre appareil photo. Parce qu'il n'y avait personne en ville

 28   à ce moment-là.


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  1   Q.  Alors, soyons plus précises. Savez-vous que les crimes brutaux contre

  2   les non-Serbes ont augmenté autour de la période où la FORPRONU était

  3   censée assumer la responsabilité de ce secteur ?

  4   R.  Oui, les gens cambriolaient et volaient des voitures.

  5   Q.  Savez-vous que la recrudescence de crimes valait également pour

  6   d'autres régions à l'extérieur de la Baranja ?

  7   R.  Je ne le savais pas.

  8   Q.  Donc, vous n'auriez pas su qu'à Noël et à Pâques de l'année 1992, les

  9   Croates de Dalj ont été chassés de leurs maisons et emmenés jusqu'à Osijek

 10   en autocar. Le saviez-vous ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Et savez-vous qu'à Pâques en 1992, des Croates et des Hongrois ont été

 13   contraints de monter à bord d'autocars et chassés d'Erdut par des hommes en

 14   uniforme militaire de camouflage ?

 15   R.  Non, moi, je ne le sais pas. Je ne me suis jamais rendue à Dalj parce

 16   que c'était trop près du front, mais je connaissais les problèmes de

 17   Ratkajecp51.

 18   Q.  Et étiez-vous au courant des expulsions de non-Serbes environ aux mêmes

 19   dates dans des endroits comme Cakovski [phon], Caric, Tovarnik ?

 20   R.  Je ne sais pas. Il me semblait que ces villages étaient en Bosnie. Je

 21   ne sais pas. Où cela se trouve-t-il ?

 22   Q.  Donc, vous n'avez --

 23   R.  Je crois que c'est en Bosnie. Non, je ne pense pas que ce soit un

 24   village. Je ne sais pas. Je ne pensais pas que c'était dans la Baranja.

 25   Q.  Donc, je vous soumets --

 26   R.  Je ne le reconnais pas.

 27   Q.  Donc, vous ne le reconnaissez pas. Donc, la question que je vous

 28   soumets, Madame Celar, c'est que vous n'étiez pas en mesure de savoir si

 


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  1   des Serbes étaient maltraités sur l'ensemble du territoire du SBSO, ce qui

  2   aurait indiqué qu'il y avait une série de crimes contre eux ?

  3   R.  Je ne comprends pas votre question.

  4   Q.  Vous ne saviez pas que des crimes étaient commis contre les non-Serbes

  5   dans d'autres régions et ce, de la même manière ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Et vous ne savez pas s'il y a, en fait, un scénario de crimes identique

  8   contre des non-Serbes à d'autres endroits et environ aux mêmes dates où

  9   cela était en train d'arriver dans la Baranja ?

 10   R.  Non.

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

 12   stade.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Biersay.

 14   Maître Gosnell, questions supplémentaires.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Nouvel interrogatoire par M. Gosnell :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Celar.

 18   R.  Bonjour à vous.

 19   Q.  J'ai quelques questions à vous poser, questions de suivi par rapport

 20   aux questions qui vous ont été posées par le Procureur.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Je souhaite que nous affichions, s'il vous

 22   plaît, le numéro 65 ter 6604 à l'écran, s'il vous plaît. Je souhaite que

 23   nous commencions par la première page pendant quelques instants, et ensuite

 24   nous passerons à la page 5 de la version anglaise.

 25   Q.  Vous souvenez-vous, Madame Celar, avoir vu ce document aujourd'hui déjà

 26   ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Maintenant, pouvons-nous afficher la page 5 de la version anglaise,


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  1   s'il vous plaît.

  2   On fait référence ici dans la lettre qui semble avoir été envoyée par Ilija

  3   Celar, envoyée à un avocat, portant sur "une décision du 3 août 2009 au

  4   sujet de poursuites pénales qui ont été contre moi en vertu de l'article

  5   120 du Code de procédure pénale de la République de Croatie."

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et ensuite, page 31, lorsque vous répondez à la question :

  8   "Question : Donc, il y a un petit peu de confusion dans mon esprit,

  9   puisque vous dites qu'un côté que toutes les accusations ont été rejetées

 10   en 2006, et ici, nous voyons Ilija Celar qui demande à ce que soit levé le

 11   mandat d'arrêt international."

 12   Et vous avez répondu : "C'est exact. C'est la raison pour laquelle nous

 13   avons cela, parce que nous avons dû -- pour obtenir la levée par Interpol,

 14   nous devions prouver que le mandat n'était plus en souffrance, et c'est la

 15   raison pour laquelle il avait embauché un avocat pour essayer de comprendre

 16   qui se passait au niveau du tribunal d'Osijek. Je pensais que c'était en

 17   2006 parce que nous étions un peu fâchés par le fait que personne ne nous

 18   ai dit quoi que ce soit, que personne ne soit allé à Osijek et que ça

 19   n'était pas dans les journaux."

 20   Alors, voici ma question : est-il possible qu'il se soit agi de 2009 plutôt

 21   que de 2006. Est-ce plutôt en 2009 que vous avez été informée de tout cela

 22   ?

 23   R.  C'est tout à fait possible car l'une des dates est erronée, parce

 24   qu'Ilija est allé voir cet avocat pour essayer de comprendre ce qu'il en

 25   était des accusations qui avaient été portées contre lui. Donc, soit c'est

 26   moi qui me trompe dans la date, soit la date qui figure ici est erronée.

 27   Q.  Passons à la page 111 en B/C/S. Malheureusement, il n'existe pas de

 28   traduction de cette page en anglais. Je demanderais donc à Me Zivanovic de


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  1   bien vouloir donner lecture des parties pertinentes, qui correspondent à

  2   nos yeux à ce qui se trouve en page 5, version traduite cette fois. Et les

  3   interprètes pourraient se charger de nous dire ce que cette page 111

  4   contient.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le

  7   Président, je ne mentionnerai pas les quelque 50 [comme interprété] noms

  8   qui ne nous intéressent pas dans la présente affaire. J'entame la lecture :

  9   "Au nom de la République de Croatie, décision, le tribunal de

 10   district d'Osijek, juge Zvonko Vekic, président dans la procédure pénale

 11   contre l'accusé Svetislav Branic et consorts, eu égard aux délits

 12   mentionnés à l'article 120, paragraphe 1, de la Loi pénale fondamentale" --

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît,

 14   dans votre lecture.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] "-- Loi pénale fondamentale de la

 16   République de Croatie (NN numéro 31/93, 108/95 et 28/96."

 17   En outre : "… OKZ RH) s'agissant de l'acte d'accusation délivré par le

 18   parquet de district d'Osijek, numéro KT-136/94, en date du 3 avril 2001, le

 19   3 août 2009, statut comme suit : Conformément à l'article 291, paragraphe

 20   1, sous-paragraphe 2 de la Loi relative à la procédure pénale (NN numéro

 21   110/97, 27/98, 58/99, 112/99, 58/02, 148/02 et 115/06, dénommé ci-après

 22   ZKP), met un terme aux procédures pénales contre… 52, l'accusé Ilija Celar…

 23   pour les raisons suivantes : Au cours de la période située entre août 1991

 24   et mars 1993, à Beli Manastir et en d'autres lieux du territoire de la

 25   Baranja, au cours de la révolte armée de la population serbe locale contre

 26   l'ordre constitutionnel de la République de Croatie et des attaques menées

 27   par la JNA et des unités paramilitaires de Serbie contre la République de

 28   Croatie, ayant pour objectif de mettre en place un système de gouvernement


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  1   reposant sur l'occupation du secteur de la Baranja, de prévenir le

  2   rétablissement de l'ordre constitutionnel croate et d'annexer l'ensemble de

  3   la Baranja à l'entité dite de Grande-Serbie, ils ont uni leurs forces et se

  4   sont armés de matériel militaire aux côtés d'autres rebelles pendant la

  5   période correspondant au mois d'août 1991, dans le premier temps, ont

  6   participé à la constitution d'un organe de direction parapolicier,

  7   également appelé secrétariat des affaires intérieures de Beli Manastir, et

  8   au démantèlement et à la persécution de représentants d'organes locaux de

  9   direction considérés comme légaux. En outre, en qualité de membres du

 10   secrétariat susmentionné, les accusés --"

 11   Et on trouve le nom d'Ilija Celar.

 12   "… les accusés," donc, "en tant que membres de cet organe dit de police,

 13   conformément à des ordres émis à leur attention par leurs supérieurs, ont

 14   procédé à des fouilles injustifiées de maisons et d'appartements, des

 15   fouilles jugées donc illégales, ainsi qu'à l'arrestation de membres de la

 16   population civile de Baranja non serbe. Des prisonniers ont également été

 17   amenés dans les locaux du secrétariat susmentionné pour y être interrogés.

 18   Au cours de ces interrogatoires, les prisonniers ont été insultés et

 19   victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques. Ils ont

 20   intimidé la population non serbe de Baranja et ont confisqué des objets de

 21   valeur. Ils ont ainsi participé au mouvement de révolte armé qui visait à

 22   saper l'ordre constitutionnel et la sécurité de la République de Croatie.

 23   Ce faisant, ils ont commis un crime contre la République de Croatie - à

 24   savoir, celui de la révolte armée - tel que décrit et passible de sanctions

 25   en application de l'article 235, paragraphe 1 du Code pénal de la

 26   République de Croatie.

 27   "Enoncé des motifs : En vertu de l'acte d'accusation délivré par le bureau

 28   du procureur du district d'Osijek, KT 136/94, Svetislav Branic et consorts


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  1   (58 accusés au total) ont été accusés de crimes contre l'humanité et de

  2   violations du droit international, crime de guerre contre des membres de la

  3   population civile en application de l'article 120, paragraphe 1 du Code

  4   pénal de la République de Croatie.

  5   "Le 16 juillet 2009, le bureau du procureur du district d'Osijek a produit

  6   un document et modifié la description factuelle et la qualification

  7   juridique des faits reprochés aux accusés énumérés dans le préambule de

  8   cette décision, leur reprochant d'avoir commis un crime contre la

  9   République de Croatie - révolte armée - en application de l'article 235,

 10   paragraphe 1 du Code pénal de la République de Croatie.

 11   "Dans le même temps et par le même document, le bureau du procureur du

 12   district d'Osijek fait valoir qu'en appliquant les articles 1 et 2.2 de la

 13   Loi relative aux grâces, les procédures engagées contre les accusés

 14   susmentionnés devraient être abandonnées.

 15   "Puisque dans le préambule de la présente décision les accusés

 16   susmentionnés ont été accusés d'un acte de révolte armée, en application de

 17   l'article 235, paragraphe 1 du Code pénal de la République de Croatie (NN

 18   numéro 80/96), le présent tribunal a établi que la proposition du bureau du

 19   procureur du district d'Osijek est fondée et que des obstacles s'opposent à

 20   la poursuite de la procédure en application de l'article 353, paragraphe 6

 21   de la Loi relative aux procédures pénales."

 22   Voilà qui conclut la lecture de la partie pertinente de ce document,

 23   Monsieur le Président.

 24   M. GOSNELL : [interprétation]

 25   Q.  Madame Celar, il s'agissait là d'une lecture d'un document assez long,

 26   mais je souhaitais simplement le porter à votre attention pour voir si ce

 27   document allait vous rafraîchir la mémoire et si l'un quelconque de ces

 28   aspects a été mentionné par Ilija Celar à votre attention. Première chose,


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  1   vous souvenez-vous s'il vous a dit qu'à un moment donné ou à un autre le

  2   procureur d'Osijek avait recommandé l'abandon des poursuites pour crimes de

  3   guerre et crimes contre l'humanité ?

  4   R.  Je ne comprends pas très bien la question, pour tout vous dire.

  5   Q.  Permettez-moi de replacer les choses --

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant. Maître Zivanovic,

  7   veuillez éteindre votre micro, s'il vous plaît. Ça va, c'est bon. Voilà.

  8   Merci.

  9   M. GOSNELL : [interprétation]

 10   Q.  Peut-être puis-je replacer les choses dans le contexte de la réponse

 11   que vous avez apportée à une question de l'Accusation. Elle se trouve en

 12   page 29, ligne 21. Ce n'est pas dans le document que vous avez sous les

 13   yeux. C'est ce que vous avez dit dans le cadre de votre déposition

 14   aujourd'hui.

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  En laissant de côté la date un instant, vous avez dit qu'en fait, vous

 17   vous souveniez qu'Ilija Celar avait été déclaré non coupable ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Ce que j'essaie de faire avec vous, c'est de creuser davantage la

 20   question, et je vous demande donc si vous avez également entendu de la

 21   bouche d'Ilija Celar si, avant que le tribunal se prononce sur son

 22   innocence ou sa culpabilité, vous avez entendu donc de sa part une

 23   indication selon laquelle les charges qui avaient été portées contre lui

 24   étaient censées être abandonnées par les autorités croates sur

 25   recommandation du procureur ? Vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais

 26   c'est justement là que je veux en venir avec ma question.

 27   R.  Je ne me souviens pas de grand-chose à ce sujet.

 28   Q.  Vous souvenez-vous si Ilija Celar avait un document en main ou s'il a


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  1   reçu un document concernant --

  2   R.  Quand ? Récemment ?

  3   Q.  Non. Je parle de la période au cours de laquelle il vous a informée du

  4   fait que les charges avaient été soit abandonnées, soit qu'il avait été

  5   prononcé non coupable.

  6   R.  Les informations sont venues de l'avocat et des autres gens qui se

  7   trouvaient sur cette liste. Ils lui ont téléphoné d'abord et je crois

  8   ensuite qu'il l'a confirmé avec son avocat. Excusez-moi, je ne crois pas

  9   qu'il ait eu un avocat alors. Je crois qu'ils lui ont téléphoné et lui ont

 10   dit que la décision avait été rendue, et Ilija a cherché ensuite à préciser

 11   ce qu'il en était.

 12   Q.  Vous avez dit qu'il l'avait entendu d'autres gens qui se trouvaient sur

 13   cette liste --

 14   R.  Oui.

 15   Q.  C'est-à-dire que d'autres l'ont appelé après avoir entendu la nouvelle

 16   ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et avez-vous jamais su si le mandat d'arrêt émis par Interpol avait été

 19   levé ou s'il a été retiré d'une quelconque --

 20   R.  Je l'ai lu. J'ai lu leur notice. Et je l'ai d'ailleurs aidé à rédiger

 21   la lettre qui disait, Voici tous les documents me concernant -- non,

 22   pardon, c'est un autre document. C'est par le biais de l'avocat qu'il a

 23   reçu quelque chose qui confirmait l'abandon de toutes les charges contre

 24   lui, et nous avons envoyé à ce moment-là tous les documents en France. Et

 25   la France a répondu et dit qu'ils allaient examiner le dossier. Et je crois

 26   que c'est six mois plus tard qu'il a reçu un courrier lui disant que son

 27   nom avait été retiré de la liste rouge, car ils n'avaient plus rien à --

 28   enfin, ils avaient vérifié et ils n'avaient plus rien à lui reprocher -- ou


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  1   qu'il ne restait plus de demande de mise aux arrêts. Ou quelque chose de

  2   cet acabit.

  3   Q.  Et vous avez dit qu'il avait reçu ce document par le biais de son

  4   avocat. C'était quelque chose qui arrivait de Croatie ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Dans le compte rendu d'audience d'aujourd'hui, en page 38, vous disiez

  7   avoir parlé à M. Zivanovic.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et vous avez dit avoir parlé à M. Zivanovic des problèmes que

 10   connaissait la famille Ratkajec.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et vous dites qu'il vous aurait dit qu'il n'était pas possible de

 13   passer à la radio comme vous l'aviez suggéré.

 14   R.  Oui -- bon, je ne sais pas s'il parlait de la radio seulement ou s'il

 15   voulait me dire plutôt qu'il était impossible de modifier la situation.

 16   Q.  Pourriez-vous m'expliquer un peu plus --

 17   R.  Il n'était pas --

 18   Q.  Attendez, Madame Celar, la fin de ma question avant de répondre, sinon

 19   des éléments manqueront au compte rendu.

 20   Vous a-t-il dit quoi que ce soit ou vous a-t-il fourni des explications

 21   complémentaires ce jour-là quant à ce qu'il entendait par ce qu'il vous

 22   disait ?

 23   R.  Eh bien, je n'ai pas mâché mes mots ce jour-là, et Ilija a traduit,

 24   donc il n'y a pas eu d'erreur d'interprétation de ce que je disais ce jour-

 25   là. Et j'ai eu le sentiment qu'il était impuissant à faire quoi que ce

 26   soit. Je ne sais pas si cela l'intéressait ou non, mais il s'est contenté

 27   de hausser les épaules et de dire, Je ne peux rien faire.

 28   J'ai eu le sentiment qu'il ne pouvait rien faire et qu'à ce moment-là, il


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  1   n'était pas en mesure de me fournir la moindre garantie que quelque chose

  2   allait être fait.

  3   Q.  Et à votre avis, pourquoi ?

  4   R.  Parce que je ne crois pas qu'il maîtrisait la situation -- à mon avis,

  5   et sans avoir vu tous ces ordres, tous ces actes menés contre des Croates

  6   étaient le fait de criminels, car seuls les gens qui avaient des grandes

  7   maisons ou des grosses voitures étaient ciblés, et j'étais d'avis que les

  8   auteurs de ces crimes étaient des criminels, des délinquants.

  9   Q.  Je demanderais à ce que le --

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, avant de passer à

 11   autre chose.

 12   Madame Celar, lorsque votre époux traduisait ou interprétait ce que vous

 13   disiez en anglais en serbe à M. Zivanovic, compreniez-vous ce qu'il disait

 14   ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ma grammaire est catastrophique en serbe, mais

 16   de manière générale, je comprends 95 % du vocabulaire. Simplement, je ne

 17   sais pas, par exemple, différencier le masculin du féminin.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Gosnell.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on affiche le

 22   document 06568 à l'écran, qui se trouve à l'onglet 90 de la liste du

 23   Procureur.

 24   Q.  Madame Celar, vous allez voir s'afficher à l'écran devant vous la

 25   retranscription de votre interview télévisée qui vous a été montrée hier.

 26   Vous souvenez-vous l'avoir vue ?

 27   R.  Je me souviens de l'interview.

 28   Q.  Examinons la page 2. Dans une partie de cette retranscription, vos


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  1   propos sont repris de la manière suivante : "Je pense que Tudjman est

  2   capable de sacrifier ses propres réfugiés et de s'en servir comme prétexte

  3   à une attaque contre nous. Je sais qu'il est difficile de quitter son

  4   domicile, mais nombre de Croates locaux vivent dans des maisons possédées

  5   par des Allemands parce que ce sont de bons Communistes."

  6   Et ensuite, vous répondez à une question de l'Accusation, qui commence à la

  7   page 10 948, ligne 9 du compte rendu, où un certain nombre de questions

  8   vous avaient été posées, que je ne vais pas répéter puisqu'elles figurent

  9   déjà au compte rendu. Mais en réponse à ces questions, vous dites que

 10   c'était "une période d'anxiété considérable, une période très stressante".

 11   Et l'Accusation vous rappelle ensuite que vous parlez de la période de

 12   septembre 1992.

 13   Ce qui m'intéresse, c'est cette première phrase parmi les deux qui figurent

 14   au compte rendu. Vous dites : "Je pense que Tudjman est capable de

 15   sacrifier ses propres réfugiés et de s'en servir comme prétexte à une

 16   attaque contre nous." Pourquoi avez-vous dit cela à l'époque, vous en

 17   souvenez-vous ? Quel est le lien entre les deux ?

 18   R.  Je ne comprends plus pourquoi je l'ai dit. Pris dans l'ensemble de mes

 19   propos, il faut rappeler - et d'ailleurs c'est ce que j'essaie de dire -

 20   dans l'ensemble des lettres que j'adresse aux différents journaux à

 21   l'époque, que la plupart des gens ignorent l'histoire de la région et que

 22   les Serbes avaient un fort sentiment -- et je le répète une fois encore.

 23   L'idée, ce n'était pas d'appartenir à un groupe ethnique plutôt qu'à un

 24   autre. Ils pensaient vraiment que cette région faisait partie de la Serbie.

 25   Et il semblerait qu'à l'époque il y avait un très fort parti pris contre la

 26   Serbie.

 27   Peut-être qu'il s'agissait d'une certaine paranoïa, mais tout le monde

 28   pensait vraiment que des pays tels que l'Allemagne étaient contre la Serbie


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  1   et que le plan croate avait été échafaudé il y a bien longtemps déjà. Et

  2   tout le monde en Baranja pensait que les Serbes étaient du mauvais côté, je

  3   parle des gens à qui j'ai parlé, de mon mari, qui étaient tous sur la

  4   défensive. Ce n'étaient pas les agresseurs. Et il semblait alors qu'une

  5   terrible injustice a été commise dans la manière dont les événements

  6   étaient rapportés à l'extérieur. Mais pourquoi je l'ai dit, pourquoi j'ai

  7   répondu de cette manière, je n'en sais rien. Je ne sais pas ce que cela

  8   veut dire.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Et je demanderais à ce que l'on affiche à

 11   l'écran un autre document 65 ter portant le numéro 05259.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi, et l'intercalaire, c'est quel

 13   numéro ?

 14   M. GOSNELL : [interprétation] Il n'y en a pas.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi encore, je ne pense pas avoir

 16   reçu notification de l'utilisation de cette pièce à l'occasion des

 17   questions complémentaires par les soins de la Défense, donc je demanderais

 18   à avoir l'opportunité de me pencher dessus.

 19   M. GOSNELL : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

 20   Monsieur le Président, je tiens à dire que la notification de l'utilisation

 21   des documents aux questions complémentaires, cela a été déjà un sujet

 22   débattu avant la présentation des éléments de preuve de l'Accusation, et en

 23   particulier pour ce qui est du Témoin GH1 à 8 [comme interprété], page du

 24   compte rendu 8 519. Il y a eu présentation de pièces non notifiées à la

 25   Défense à l'occasion du contre-interrogatoire, et l'objection a été rejetée

 26   à cette occasion-là. Donc, je crois qu'il n'y a pas -- il y a une décision

 27   déjà de prise.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais je ne pense pas que Mme Biersay


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  1   fasse objection, Monsieur Gosnell.

  2   M. GOSNELL : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. J'étais

  3   en train d'expliquer les raisons pour lesquelles il a été procédé de cette

  4   façon.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Alors, cela pourrait peut-être

  6   fournir l'opportunité à Mme Biersay de se pencher sur le document.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Mais est-ce que je peux continuer ou devrais-

  8   je attendre ?

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, est-ce qu'on peut y

 10   aller ?

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai besoin d'une minute et demie, de 90

 12   secondes, et je vous en serais reconnaissante.

 13   Je vous en remercie.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Gosnell.

 15   M. GOSNELL : [interprétation]

 16   Q.  Le document est daté du 26 septembre 1992. Première page, ça n'a rien à

 17   voir avec vous, Madame Celar. Mais j'aimerais, maintenant qu'on a vu la

 18   première page, que l'on nous affiche la page 2. Et je me propose de donner

 19   lecture de ce qui est dit dans ce mémo, et cela semble être une

 20   conversation entre des représentants de la FORPRONU et des représentants de

 21   la Croatie.

 22   "Il semblerait qu'il y ait deux brigades de la police spéciale dans le

 23   secteur est qui n'ont pas été désarmées; par conséquent, ce secteur est ne

 24   peut pas être considéré comme ayant été démilitarisé."

 25   Puis, on parle de déminage.

 26   Et on dit que :

 27   "Le plan Vance ne permet pas la prise en considération d'un retour de

 28   réfugiés tant qu'on ne pourra pas garantir leur sécurité." Puis, on fait


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  1   référence à un homme qui est le commandant du secteur tenu par la FORPRONU

  2   qui dit :

  3   "Il y a deux documents qui montrent que la situation du secteur est

  4   ne permet pas le retour des réfugiés à présent. Ces documents se rapportent

  5   à une réunion entre le secrétaire général de Tudjman et le commandant des

  6   forces sur place.

  7   "Il souligne le retour des réfugiés qui tombe sous la responsabilité

  8   du Haut-commissaire des Nations Unies aux réfugiés qui demande à ce que

  9   cela se fasse de façon ordonnée, et la FORPRONU est censée aider l'UNHCR en

 10   matière d'arrangements relatifs aux questions sécuritaires."

 11   On peut passer maintenant à la page 3, s'il vous plaît.

 12   M. Glavas, alors, vous savez nous dire qui c'est ?

 13   R.  Je sais de qui il s'agit.

 14   Q.  Qui était-ce ?

 15   R.  Eh bien, on s'est rencontré à titre officieux, parce qu'il allait au

 16   même restaurant que nous. Il y jouait aux cartes. Lorsque nous sommes

 17   partis, j'ai ouï dire qu'il était une sorte de maire. Quand j'ai fait sa

 18   connaissance au départ, il n'avait occupé aucune fonction à Osijek.

 19   Q.  Il était le maire de quoi ?

 20   R.  Je pense que c'était le maire d'Osijek.

 21   Q.  Ce M. Glavas a dit que les civils croates -- enfin, je ne vais pas

 22   donner lecture du texte entier, mais je crois qu'il fait référence à un

 23   retour de certains réfugiés non serbes, voire croates, dans la Baranja. On

 24   indique que :

 25   "M. Glavas a répondu en disant que les civils croates seraient accompagnés

 26   par la police et que les autorités civiles les prendraient en charge. Il

 27   n'a pas demandé à ce que l'on regagne les villages qui avaient été peuplés

 28   à 50 % des uns et 50 % des autres, mais il a parlé des villages qui avaient


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  1   jusqu'à été à 100 % croates. Par exemple, sur l'exemple de Vukovar, il

  2   insiste sur le retour vers quatre villages à Beli Manastir et Bilje pour le

  3   moment."

  4   Alors, on passe à la page 4 du document. On y parle concrètement de Bilje.

  5   "Point 3 (retour vers des villages choisis par les réfugiés), ça peut

  6   sembler attrayant, mais ça peut aussi s'avérer dangereux. Par exemple, si

  7   on leur remet Bilje, cela signifie un déplacement de la frontière plus en

  8   profondeur dans la Baranja, parce que la police croate risque d'être

  9   habilitée à se charger de la mise en œuvre de l'ordre public et de la loi

 10   dans ce territoire. Et par analogie, si quatre villages voisins leur sont

 11   confiés, cela signifiera qu'une grande partie de la région se trouvera

 12   substantiellement séparée du reste. Ce qui fait que la Croatie reprendrait

 13   petit à petit certaines parties du territoire."

 14   Et ma question maintenant est celle-ci, et elle se rapporte à ce que vous

 15   avez dit lors de votre interview. Je crois que vous aviez affirmé que

 16   "Tudjman était capable de sacrifier ses propres réfugiés pour avoir un

 17   prétexte d'attaquer" --

 18   R.  Ça pourrait avoir un lien avec cet aspect-là, en effet. S'il ramenait

 19   les gens, c'était par la force.

 20   Q.  Saviez-vous qu'il y avait eu une proposition de faite visant à faire en

 21   sorte que la police croate en arme accompagne les réfugiés lors de leur

 22   retour dans la Baranja ? En aviez-vous eu connaissance ?

 23   R.  Oui, cela avait été abordé comme sujet, parce qu'on avait commencé à

 24   parler de l'éventualité d'un départ.

 25   Q.  Est-ce que cela vous a troublée ?

 26   R.  Absolument.

 27   Q.  Pourquoi ?

 28   R.  Eh bien, j'avais redouté le retour des forces croates parce que je n'ai


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  1   pas pensé que cela se ferait de façon ordonnée. Je n'ai jamais pensé --

  2   enfin, une voisine croate à moi, qui s'appelait Ella, qui habitait en face,

  3   elle m'a dit ceci -- et je ne l'oublierai jamais, ça s'est passé le 3 avril

  4   lorsque l'attaque s'est produite. Et d'une façon étrange, les téléphones

  5   entre Osijek et Beli Manastir avaient fonctionné assez bien pendant

  6   longtemps. Elle a dit qu'elle avait reçu un message disant qu'il fallait

  7   aller dans les champs de maïs. Le maïs avait déjà été récolté cette année-

  8   là, à ce moment-là de l'année je veux dire. Et elle a dit, Il faut que vous

  9   vous cachiez là-bas avec votre homme. Je lui ai demandé pourquoi. Elle a

 10   dit, Quand ils viendront, ils vous abattront tous. Je lui faisais

 11   confiance, parce qu'elle était Croate.

 12   Et j'ai forgé un plan qui visait à abriter le plus possible de personnes

 13   dans notre maison et hisser un drapeau anglais. Et ça peut paraître

 14   étrange, mais bon, j'avais eu l'intention de sortir avec et de dire que

 15   c'étaient des Anglais qui étaient des membres de ma famille. J'avais

 16   l'impression que jamais nous n'allions pouvoir être placés sous l'autorité

 17   des forces croates sans qu'il y ait un contrôle des Nations Unies, faute de

 18   quoi il y aurait eu des personnes de tuées.

 19   M. GOSNELL : [interprétation] Je demande un versement au dossier de ce

 20   document 05259, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé au dossier et annoté.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D180, Messieurs

 23   les Juges.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 25   Président. Merci.

 26   Q.  Madame Celar, je vous remercie.

 27   R.  C'est moi qui vous remercie.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Gosnell.

 


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  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   Questions de la Cour :

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Celar, dites-nous où vous

  4   résidez à présent. Je parle de vous et de votre époux.

  5   R.  En Serbie, à Valjevo.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous nous avez dit hier - en

  7   page 72 du compte rendu d'audience, me semble-t-il, pour la journée d'hier

  8   - que votre époux avait été membre des forces spéciales et qu'ils étaient

  9   entre 17 et 46 --

 10   R.  Oui.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, le chiffre exact n'est guère

 12   important. Vous avez dit qu'il y avait un groupe d'hommes qui s'étaient

 13   rassemblés pour voir comment ils pourraient bien se défendre.

 14   R.  Oui, Monsieur.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce groupe de personnes, ces

 16   personnes-là sont-elles restées en groupe à part, ou, plus tard, ont-ils

 17   été incorporés dans une structure autre ?

 18   R.  Je peux vous l'expliquer. Au début, d'après ce que j'ai cru comprendre,

 19   il s'agissait de personnes venues de villages différents qui s'étaient

 20   rassemblées à Beli Manastir, comme nous, nous étions venus d'Osijek. Et

 21   lorsqu'on s'est déplacé, on a parlé de ce qui se passait et de la façon

 22   dont on pouvait se protéger. Ils étaient, au début, 19. La première nuit,

 23   ils ont été encerclés et attaqués par la police croate, et une personne a

 24   été tuée. Cela signifie qu'il en est resté 18.

 25   Du fait de bien des tirs qu'on pouvait entendre, d'autres Serbes s'étaient

 26   joints à nous, et Ilija a mentionné le chiffre de 46 hommes qui s'étaient

 27   rassemblés. Et je crois qu'il devait y avoir quelque 1 500 policiers

 28   croates. La police croate pensait qu'ils étaient bien plus nombreux que


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  1   cela. Il s'agissait d'un tout premier groupe qui n'avait rejoint personne.

  2   C'étaient les autres qui les avaient rejoints, eux. Et ça se passe, disons,

  3   entre la première et la troisième semaines d'avril -- le 19 avril 1991, et

  4   ça s'est fait jusqu'au début septembre.

  5   Puis, ils ont été incorporés dans une autre structure. Ils avaient

  6   changé d'uniformes, puis ils ont patrouillé le long de la ligne de front.

  7   Mais on avait pu voir d'autres personnes qui s'étaient jointes à eux. Il y

  8   avait des hommes de la Baranja en âge de combattre qui ont creusé des

  9   tranchées, et ils ne voulaient pas se battre, en fait.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, si j'ai bien compris, ils ont

 11   été incorporés dans une autre structure du style Défense territoriale --

 12   R.  Je ne le sais pas.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous ne savez pas ou ça n'a pas été

 14   le cas ?

 15   R.  Je ne sais pas vous le dire. Et je n'en suis pas sûre pour être

 16   catégorique.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais d'où avaient-ils obtenu leurs

 18   uniformes et leurs armes ?

 19   R.  Au départ, ils avaient des uniformes bleus qui ressemblaient à des

 20   uniformes de la police. Mais je n'étais pas là-bas pour voir ce qu'ils

 21   portaient. Je ne les ai vus qu'au mois d'octobre, et là ils portaient des

 22   uniformes bleus. Et je ne sais pas vous dire d'où leurs armes sont venues.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. J'aurais encore une question à

 24   poser, mais je vois l'heure. Nous allons faire une deuxième pause de 30

 25   minutes, et après cela je vous poserai d'autres questions encore.

 26   Nous allons lever l'audience maintenant.

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.


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  1   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

  2   [Le témoin vient à la barre]

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ma question suivante, et ce sera la

  5   dernière, j'aurais demandé que l'on nous affiche sur nos écrans la pièce

  6   P3039, s'il vous plaît.

  7   Madame Celar, il s'agit ici d'un document qu'on vous a montré par les

  8   soins de l'Accusation.

  9   Mme Biersay, est-ce que vous pouvez nous situer le contexte ? Une

 10   lettre écrite par qui à l'attention de qui ?

 11   Mme BIERSAY : [interprétation] Donnez-moi un instant, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je peux prendre lecture de la chose à

 13   partir de la première page du document. Il s'agit du ministre hongrois des

 14   Affaires étrangères qui s'adresse à M. Hans Van den Broek, président du

 15   Conseil des ministres de la Communauté européenne, n'est-ce pas ? Oui. Et

 16   c'est daté 18 octobre 1991.

 17   Et je souhaiterais, Madame Celar, que vous preniez lecture de la page 2

 18   dans son intégralité.

 19   J'aimerais qu'on nous l'affiche d'abord.

 20   Et vous allez me dire quand vous aurez fini la lecture.

 21   R.  Je l'ai lue.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je voudrais que l'on nous affiche

 23   maintenant votre déclaration, paragraphe 81, et j'aimerais aussi que ce

 24   soit placé dans un contexte lié à l'information fournie par le ministre

 25   hongrois des Affaires étrangères. Votre déclaration a été celle d'affirmer

 26   que vous aviez connaissance du fait qu'il y avait beaucoup de Hongrois à

 27   résider dans la Baranja et vous ne saviez rien au sujet de l'un quelconque

 28   d'entre eux à avoir quitté les lieux ou à avoir été contraint de s'en


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  1   aller.

  2   C'est bien ce que vous avez déclaré ?

  3   R.  Oui, Monsieur.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Comment placez-vous ceci dans

  5   un contexte ?

  6   R.  Certains des villages ici se trouvaient dans la région où je me

  7   trouvais moi-même. C'était essentiellement à Beli Manastir. Les villages

  8   que j'ai visités, qui étaient essentiellement hongrois, se trouvaient à

  9   Batina, à côté du pont, puis ensuite à Knezevi Vinogradi et d'autres

 10   encore. Et je dirais que je me souviens pas de villages hongrois qui

 11   auraient été peuplés en majorité par des Hongrois dans ce secteur. Je sais

 12   qu'il y a en eu et je sais que, par exemple, quand je suis allé à Fetcevat

 13   [phon].

 14   La plupart de ces Hongrois parlaient le hongrois et pas le serbo-

 15   croate, donc je ne pouvais pas communiquer avec eux. Et j'aurais eu besoin

 16   d'un interprète, parce que mon mari ne parlait pas le hongrois.

 17   Je ne le savais pas, donc. Je savais que certains Croates étaient en

 18   train de s'en aller. Je savais qu'il y avait une criminalité de présente.

 19   Et je ne me souviens plus qui est-ce qui me l'avait dit, mais une personne

 20   de mes connaissances m'avait indiqué que les Hongrois résidaient dans leurs

 21   villages et ils s'en fichaient de se savoir qui c'est qui était au pouvoir

 22   pourvu qu'on les laisse tranquilles. Ils ne s'intéressaient pas du tout à

 23   une Croatie ou à une Serbie, pourvu qu'ils aient leurs villages.

 24   Enfin, je ne peux pas vous en dire plus. Je n'ai pas eu à enquêter à

 25   ce sujet pour savoir qui a été renvoyé de la région. Je n'ai pas entrepris

 26   ce type de mission. Je me suis efforcée de vivre au jour le jour à

 27   l'époque.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais à la lumière de toutes ces


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  1   informations, cela signifierait que vos connaissances sont plutôt limitées

  2   ?

  3   R.  C'était limité quand je me trouvais à Beli Manastir. Mes opinions

  4   étaient plus fermes lorsque je me trouvais à Osijek, parce que là-bas j'ai

  5   rencontré beaucoup de personnes qui étaient personnellement affectées par

  6   ce qui se passait. Mais une fois que je suis partie dans la Baranja, très

  7   souvent, je ne sortais pas des limites de la localité parce que c'était

  8   vraiment dangereux. Parfois, je me rendais à Jagodnjak pour visiter ma

  9   belle-mère, mais ça s'arrêterait là. Donc, je serais d'accord avec vous.

 10   Mes connaissances ont été limitées du point de vue de l'ignorance des

 11   ordres donnés de la mise en œuvre d'expulsions ou pas. Je pouvais parler de

 12   ceux qui étaient venus chez nous, c'est-à-dire des réfugiés qui étaient

 13   venus dans notre région, et j'ai appris d'où est-ce qu'ils étaient venus.

 14   Mais je ne savais pas qui étaient les personnes qui allaient dans

 15   différents villages, je ne les ai pas rencontrées. Je sais que j'ai

 16   organisé l'acheminement de 280 paquets d'aide humanitaire en provenance de

 17   Grande-Bretagne. Nous en avons informé Zeljko Cengi, le représentant de la

 18   Croix-Rouge locale, et j'ai été d'accord pour que tous les paquets ne

 19   soient pas seulement distribués à Beli Manastir mais que chaque village en

 20   obtienne, à l'exception des livres d'école et des cahiers ou crayons pour

 21   les écoles.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Celar. Ceci met un

 23   terme à votre témoignage. Je vous remercie d'être venue à La Haye pour

 24   aider le Tribunal en témoignant. Vous n'êtes plus témoin, et l'huissier

 25   vous escortera hors du prétoire.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je crois que maintenant l'huissier

 28   peut vous escorter. Nous vous souhaitons un bon retour chez vous.

 


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   [Le témoin se retire]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Madame Biersay.

  4   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

  5   Je voulais aborder un certain nombre de questions administratives au

  6   sujet de certains des documents qui sont liés au témoin qui vient de s'en

  7   aller, si vous le permettez.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] D'abord, il y a la vidéo que la Défense a

 10   utilisée lors de ses questions supplémentaires et que j'ai utilisée au

 11   contre-interrogatoire, à savoir la pièce 65 ter 6568. Il s'agit de

 12   l'interview qu'elle a accordée pour la télévision serbe. Nous demanderions

 13   un versement au dossier de la pièce, et je vous reprécise qu'il s'agit du

 14   65 ter 6568.1. Donc, il s'agit juste d'un clip qui nous a été montré.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera versé au dossier et annoté.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection, mais je ne suis

 17   pas sûr d'avoir compris si on demande le versement au dossier de la

 18   transcription, parce qu'à mon avis ça devrait également être le cas.

 19   Mme BIERSAY : [interprétation] Le protocole veut que quand on télécharge

 20   une vidéo, on a également la transcription qui vient avec.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le 65 ter 06568.1

 23   deviendra la pièce 3245.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 25   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai cru comprendre également que nous

 27   devons avoir un accès d'autorisé pour ce qui est de la modification d'une

 28   référence 65 ter. Mais on peut consulter le greffier à cet effet.


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  1   La deuxième question à aborder, c'est le fait d'avoir consulté M. Gosnell

  2   et d'avoir réitéré notre requête concernant l'obtention du document au

  3   sujet duquel Mme Celar a témoigné, et c'est d'ailleurs le document de 2006

  4   qui a été envoyé à son époux. Et nous sommes tombés d'accord pour ce qui

  5   est de le lui demander --

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est ce que M. Zivanovic a lu au

  7   prétoire.

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Non, non, c'est celui qu'on n'a pas. Elle a

  9   parlé du document que son époux a obtenu en 2006, et nous ne savons pas de

 10   quel type de document il s'agit.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais on ne sait pas si c'est un

 12   document de 2006.

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Exactement. Nous avons demandé à ce que le

 14   document dont elle a parlé nous soit véhiculé. Et c'est lié à un troisième

 15   point que je voulais évoquer, à savoir que nous souhaiterions demander un

 16   versement au dossier des jugements rendus au titre de condamnation et ce, a

 17   posteriori, lorsque nous aurons obtenu plus d'information. Je me suis

 18   entretenue avec M. Gosnell, qui m'a assurée qu'il ne sera pas d'accord par

 19   avance à un versement quelconque d'un document mais qu'il n'aura pas

 20   d'objection à ce que l'on établisse une chronologie pour ce qui est du

 21   versement du document au dossier, et nous le ferons a posteriori.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. Je comprends bien.

 23   Monsieur Gosnell.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

 25   je voudrais dire de façon claire qu'il y a des réserves de formulées pour

 26   ce qui est du versement d'autres parties du 65 ter 06604, et nous aimerions

 27   avoir l'opportunité de le faire parce que nous estimons que ce sont là des

 28   documents qui sont pertinents du fait des documents que l'Accusation voudra


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  1   présenter pour versement.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le 65 ter que vous êtes en train de

  3   citer, ça fait partie d'un grand volet de documents --

  4   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui --

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- et ça vient du bureau du

  6   Procureur.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui. Nous les avons répartis en deux

  8   parties, 6603 et 6604 --

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais peut-être que vous pourriez

 10   demander une copie qui pourrait vous être demandée [comme interprété]. Je

 11   suis d'accord avec M. Gosnell, et je suis sûr que le greffier se chargera

 12   de faire passer le message au Département chargé des Témoins et des

 13   Victimes, et ce sera véhiculé par eux.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous en suis reconnaissante. Merci.

 15   Avec votre autorisation, je vous demanderais la permission de quitter le

 16   prétoire.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. Allez-y. Je vous souhaite une

 18   bonne journée.

 19   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A moins que vous n'ayez besoin que

 21   Mme Biersay reste ici ? Ce n'est pas le cas apparemment. Bien.

 22   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que Mme Biersay peut quitter

 24   le prétoire en ce qui vous concerne ?

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, bien sûr.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vois que M. Stringer n'est plus

 27   ici, mais cela n'est pas un problème.

 28   Lundi -- pardonnez-moi, car j'avais une petite note sur mon bureau avec le


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  1   numéro des pièces, mais je l'ai oubliée, donc je dois le faire de mémoire

  2   sans les numéros.

  3   Lundi, il y a un document qui a reçu une cote provisoire, une cote MFI, en

  4   attendant une réserve émise par Me Zivanovic, qui a demandé à la Serbie si

  5   le document était complet.

  6   Le 3 septembre - hier, donc, je crois - le même document a été versé au

  7   dossier.

  8   Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

  9   Alors, le document MFI a la cote MFI P3231. Et le document qui a été versé,

 10   donc on parle du même document, c'est le P3242.

 11   Alors, ce que je vais faire maintenant, je vais demander au greffier

 12   d'annuler le numéro MFI, de l'abandonner, et de garder le numéro qui a été

 13   versé au dossier en tant que pièce versée, P3242. Et dans le cas où

 14   l'information qui vous parviendra - je crois que c'était de la Serbie,

 15   Maître Zivanovic --

 16   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Dans le cas où l'information que vous

 18   recevrez pose problème, dans ce cas il vous faudra déposer une requête aux

 19   fins de pouvoir ajouter certaines parties de documents. Vous êtes d'accord

 20   ?

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] D'accord.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 23   C'est à vous maintenant, Maître Zivanovic.

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

 25   Monsieur le Président, nous avons reçu un élément d'information concernant

 26   le Témoin GH-044 ce matin. Ce témoin est prévu pour lundi, et il a reçu une

 27   injonction à comparaître délivrée par cette Chambre. Il a appelé mon

 28   enquêteur et il lui a dit que sa mère avait un problème de santé, qu'elle


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  1   avait eu une crise cardiaque cette nuit, et qu'il ne pouvait pas faire le

  2   voyage comme cela avait été prévu. Il était censé arriver à La Haye demain

  3   matin, et il a demandé s'il pouvait témoigner par vidéoconférence, mais

  4   nous n'avons pas eu de réponse à une telle demande.

  5   Voilà simplement les informations dont nous disposons que je

  6   souhaitais vous transmettre --

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et je crois que --

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] -- et dans le cas où nous trouverions des

  9   documents qui étayent sa déclaration, à ce moment-là nous les

 10   communiquerons le plus tôt possible.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je crois que vous devriez commencer

 12   par déposer une requête pour résoudre ce problème.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Effectivement, nous allons le faire

 14   aujourd'hui.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 16   Rien d'autre ? Dans ce cas, nous pouvons citer à la barre le témoin

 17   suivant.

 18   M. ZIVANOVIC : [hors micro]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Microphone, s'il vous plaît.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il est opportun, concernant le témoin à

 21   venir, que je vais utiliser quatre documents que le témoin a fournis lors

 22   de la séance de récolement. J'en ai informé le Procureur, et ces documents

 23   ne figurent pas encore sur la liste 65 ter. Cependant, je vais déposer une

 24   requête aux fins d'amender la liste de documents 65 ter -- va être déposée

 25   concernant ces quatre documents.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le bureau du Procureur a-t-il un avis

 27   sur la question ?

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.


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  1   Je souhaite simplement demander à Me Zivanovic ceci. Votre liste 65

  2   ter a été mise à jour ce matin et comporte cinq documents. S'agit-il de

  3   quatre ou de cinq documents ?

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je voulais parler des cinq documents

  5   séparément. Mais je vais donner les numéros de ces documents.

  6   Alors, il s'agit du 1D3744, 1D3745, 1D3746 et 1D3747.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, à ce stade, nous ne

  8   nous opposons pas à ce que ces documents soient ajoutés à la liste 65 ter

  9   de la Défense, et nous conservons néanmoins le droit de soulever des

 10   objections sur le versement au dossier desdits documents à un stade

 11   ultérieur.

 12   Je crois qu'il y a un cinquième document, n'est-ce pas ? C'est

 13   quelque chose que vous allez aborder également pendant --

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui. Nous avons trouvé ce document. C'est

 15   le 1D3749. C'est un document qui a été fourni plus tôt, en tout cas, par le

 16   truchement d'un des témoins à charge. Je crois que c'était le Témoin GH-

 17   102. C'est un document d'une page. Donc, nous n'allons utiliser que des

 18   passages de ce document. S'il n'y pas d'objection, nous allons l'utiliser

 19   également.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Ecoutez, je souhaite regarder ce document

 21   et le consulter avant, parce que sur votre liste il s'agit du 1D3727. Je

 22   n'ai pas eu l'occasion de regarder le 3749, mais avant la fin de cette

 23   audience je vais le regarder et je vous donnerai mon point de vue sur la

 24   question.

 25   Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Président, pas d'objection s'agissant

 26   des quatre documents qui ont été cités pour qu'ils soient ajoutés à la

 27   liste 65 ter.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, pour ce qui est des quatre


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  1   documents, et je crois que les numéros sont au compte rendu d'audience,

  2   vous pouvez les ajouter à votre liste 65 ter, Maître Zivanovic. S'agissant

  3   du cinquième, nous allons entendre le point de vue du bureau du Procureur à

  4   la fin de ce volet d'audience.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, pouvons-nous citer à la barre

  7   le témoin suivant, s'il vous plaît.

  8   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

  9   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 10   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je vous

 12   remercie d'être venu à La Haye pour assister les Juges de la Chambre.

 13   En premier lieu, m'entendez-vous dans une langue que vous comprenez ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Veuillez nous donner votre nom

 16   ainsi que votre date de naissance, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Docteur Vojislav Vukcevic. Je suis né

 18   le 4 juillet 1938.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   Vous êtes sur le point de prononcer la déclaration solennelle en vertu de

 21   laquelle les témoins s'engagent à dire la vérité. Je dois vous signaler que

 22   la déclaration solennelle peut vous exposer aux sanctions de faux

 23   témoignage dans le cas où vous donneriez une déposition qui induit en

 24   erreur ou qui serait contraire à la vérité devant ce Tribunal.

 25   Puis-je vous demander de prononcer la déclaration solennelle. L'huissier va

 26   vous remettre le texte de ladite déclaration.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 


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  1   LE TÉMOIN : VOJISLAV VUKCEVIC [Assermenté]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

  4   asseoir.

  5   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

  6   Interrogatoire principal par M. Zivanovic : 

  7   Q.  [interprétation] Monsieur Vukcevic, bonjour.

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   Q.  Même si nous nous connaissons déjà, aux fins du compte rendu

 10   d'audience, je vais me présenter. Je m'appelle Zoran Zivanovic. Je

 11   représente les intérêts de Goran Hadzic dans ce procès.

 12   Monsieur Vukcevic, vous avez remis une déclaration écrite à l'équipe de

 13   Défense de M. Hadzic il y a quelque temps.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous appeler le 1D2401.

 15   Q.  La déclaration va apparaître sur votre écran pour que vous puissiez la

 16   lire.

 17   Je crois que nous disposons d'une version signée de votre déclaration --

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, le greffier me dit

 19   que c'est la version non signée, et la version signée comporte le .1 en

 20   plus.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est exact. Il y a une erreur --

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez besoin --

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Alors, de la version signée également. Je

 24   ne peux pas vous donner le numéro exact.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, c'est le même document avec en

 26   plus un .1 après. Peut-être que nous pourrions l'afficher à l'écran.

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est le même document, et je dispose

 28   également d'une copie papier de cette versions signée.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Alors, la version signée à

  2   l'écran, s'il vous plaît, si cela vous convient.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais remettre au témoin la version

  4   signée de sa déclaration, donc, la copie papier.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien.

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Vukcevic --

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Ça y est, nous l'avons à l'écran également.

  9   Q.  Veuillez regarder l'écran. Est-ce que vous reconnaissez votre signature

 10   au bas de ce document ?

 11   R.  Oui, c'est bien ma signature.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Alors, nous allons passer à la page

 13   suivante.

 14   Q.  Pouvez-vous me dire si c'est, à la deuxième page --

 15   R.  Oui, c'est ma signature à la deuxième page également.

 16   Q.  Et alors, qu'en est-il des trois pages restantes ? Tout d'abord, la

 17   troisième page.

 18   R.  Oui, c'est ma signature aussi à la troisième page.

 19   Q.  Et à la quatrième page, s'il vous plaît.

 20   R.  Oui, c'est ma signature.

 21   Q.  Et la dernière page, s'il vous plaît.

 22   R.  Je vois ma signature à la dernière page aussi.

 23   Q.  Monsieur Vukcevic, vous vous souviendrez peut-être que nous avons eu un

 24   entretien à La Haye après votre arrivée. Vous souhaitiez que nous

 25   apportions des corrections à la déclaration. La première correction est au

 26   paragraphe 8, page 4 dans l'original. Et dans la version anglaise, c'est

 27   l'avant-dernier paragraphe de la page 4.

 28   Et dans cette partie-là de votre déclaration, on peut lire que vous avez


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  1   vécu dans la Baranja jusqu'au 4 septembre 1991.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous souhaitiez changer la date et nous donner la date exacte, date

  4   jusqu'à laquelle vous avez vécu dans la Baranja.

  5   R.  J'ai vécu dans la Baranja jusqu'au 6 septembre. Il s'agit d'une erreur

  6   typographique.

  7   Q.  De quelle année ?

  8   R.  1991.

  9   Q.  Dans le même paragraphe de la déclaration, vous avez également parlé

 10   d'une attaque contre la caserne d'Osijek.

 11   R.  Oui, à Osijek.

 12   Q.  Veuillez nous dire quand cela est arrivé.

 13   R.  J'étais professeur à temps plein à la faculté de droit d'Osijek. Le 2

 14   septembre 1991 -- c'était au moment des examens. J'ai décidé de passer la

 15   nuit à Osijek parce que j'avais un appartement à cet endroit-là,

 16   appartement où je pouvais dormir. Et c'est ce que j'ai fait.

 17   Plus tôt, je ne sais plus très bien quand, j'ai été réveillé par

 18   l'explosion d'obus que l'on entendait dans toute la ville. Je me suis levé

 19   et j'ai allumé la radio pour écouter la chaîne locale d'Osijek. Je voulais

 20   savoir ce qui se passait. Et j'ai entendu des choses inouïes. La radio

 21   informait ses auditeurs que l'armada chetnik-serbe avait attaqué la ville

 22   d'Osijek et que les citoyens étaient encouragés à rester chez eux jusqu'à

 23   nouvel ordre.

 24   Il a également été précisé qu'il s'agissait de membres de la Garde

 25   nationale, soit le 1er Corps du nouvel Etat croate créé, que l'on

 26   connaissait également sous le surnom de Zenga, et que ces hommes étaient en

 27   conflit avec les membres de l'armada chetnik.

 28   Il m'a fallu quelques minute supérieur comprendre où je me trouvais tout


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  1   d'un coup et ce qui se passait autour de moi. Je n'avais jamais entendu

  2   dire qu'il existait quelque chose répondant au nom d'armada chetnik-serbe.

  3   Ces mots étaient terribles à entendre. Le commentateur a continué à

  4   annoncer le reste de l'actualité comme si c'était un événement sportif. Je

  5   l'ai entendu dire que des membres de l'armée croate s'étaient opposés

  6   contre l'armada en ouvrant le feu contre la caserne qui se trouvait dans la

  7   partie basse de la ville d'Osijek, qui se trouvait juste de l'autre côté de

  8   la rue face à l'hôpital.

  9   Il a également déclaré que des combats violents opposaient des membres de

 10   la garde croate et des membres de l'armée populaire yougoslave

 11   d'occupation. Un obus est tombé, et je ne sais pas d'où il venait. Je ne

 12   sais pas non plus de quel calibre il était, parce que je n'y connais rien.

 13   Et c'est cet obus qui a causé la première victime ce jour-là, le 3

 14   septembre 1991.

 15   Q.  Merci beaucoup. Au dernier paragraphe de votre déclaration, à la

 16   dernière page, vous avez apporté plusieurs corrections.

 17   R.  En effet.

 18   Q.  Dans ce paragraphe, on trouve une référence à un certain Kresojevic,

 19   qui venait de Bobota, et vous en parliez en rapport avec Goran Hadzic ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous le voyez. Pouvez-vous nous parler de ce Kresojevic de Bobota ? A

 22   quel parti appartenait-il ?

 23   R.  Kresojevic était membre du SPS, le Parti socialiste de Serbie.

 24   Q.  Donc, pas membre du SDS, comme vous le dites dans la déclaration ?

 25   R.  Non, pas du tout. Du SPS, le Parti socialiste serbe. Donc, SPS.

 26   Q.  Il apparaît dans ce paragraphe que vous avez parlé avec lui d'un

 27   discours. A cette occasion, était-il ou n'était-il pas dans la voiture ?

 28   R.  Non, il n'était pas dans la voiture. Goran Hadzic et moi-même avons


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  1   parlé en route vers Knin. Nous nous y rendions fréquemment parce que Knin

  2   était le siège du Parti démocratique serbe en Croatie.

  3   A cette occasion, Goran Hadzic a dit que le discours fait par Kresojevic à

  4   Belgrade et au cours duquel il disait que les Serbes de la Slavonie

  5   orientale appuyaient pleinement Milosevic, que ce discours était plein de

  6   fausses informations et que Kresojevic l'avait rédigé sans consulter qui

  7   que ce soit.

  8   Je dois vous dire qu'il fallait être très courageux à l'époque pour dire

  9   quelque chose qui aille à l'encontre de Slobodan Milosevic. Il fallait être

 10   certain de son fait et il fallait aussi être certain de ne pas subir les

 11   conséquences de tels propos. C'est à ce moment-là et dans ce contexte que

 12   Goran Hadzic s'est exprimé et qu'il a fait part de son insatisfaction à

 13   l'égard de Milosevic.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, un instant.

 15   Monsieur le Témoin, vous vous exprimez dans la même langue que Me

 16   Zivanovic, et il est extrêmement difficile pour vous de converser, mais

 17   vous êtes interprété. Vous ne les voyez pas, mais les interprètes sont là

 18   autour de nous et ils doivent retranscrire tout ce que vous dites à Me

 19   Zivanovic. Et ça ne se fait pas de manière tout à fait simultanée. Il leur

 20   faut un peu de temps.

 21   Il serait donc très utile, dans un premier temps, que vous vous exprimiez

 22   plus lentement et, surtout, que vous ménagiez une brève pause entre la

 23   question que vous pose Me Zivanovic et la réponse que vous apportez à cette

 24   question. Me Zivanovic, bien entendu, doit faire de même, mais il en est

 25   conscient depuis longtemps.

 26   Vous me comprenez ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends, et je m'excuse. Je vous

 28   promets de ne pas recommencer.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Vukcevic, si je devais vous reposer les mêmes questions

  4   aujourd'hui, les mêmes questions que celles que je vous ai posées lorsque

  5   cette déclaration a été préparée, y compris les corrections que vous avez

  6   apportées aujourd'hui, vos réponses seraient-elles les mêmes -- permettez-

  7   moi de terminer. Vos réponses seraient-elles les mêmes que celles que vous

  8   avez données et qui sont reprises dans cette déclaration ?

  9   R.  Absolument.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je demande le versement

 11   au dossier de 1D2401.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.

 13   Qu'on lui attribue une cote.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le numéro 65 ter 1D02401.1 devient la

 15   pièce D181, Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Vukcevic, dans les quatre premiers paragraphes de votre

 19   déclaration, vous décrivez dans le détail votre carrière professionnelle.

 20   Au quatrième paragraphe, vous dites, entre autres, avoir été membre de la

 21   Ligue des Communistes de Yougoslavie jusqu'en 1990. J'aimerais que vous

 22   nous disiez très brièvement ce qui était la Ligue des Communistes de

 23   Yougoslavie et quel était son rôle à l'époque, au début des années 1990, ou

 24   plutôt, à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

 25   R.  C'était le seul parti politique, qui comptait en son sein des Serbes et

 26   d'autres gens également dans cet Etat complexe que l'on appelait à l'époque

 27   la Yougoslavie, parce qu'il n'y avait pas d'autre organisation politique

 28   que celle ligue.


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  1   Q.  Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez cessé d'être membre de la

  2   Ligue des Communistes de Yougoslavie ?

  3   R.  La Ligue des Communistes avançait à tâtons, évoluait dans le noir,

  4   d'une certaine manière, comme une personne aveugle du fait de la situation

  5   qui existait alors. Et cette valse-hésitation avait un effet sur ceux qui

  6   cherchaient autre chose. Dès la création d'autres partis, ces personnes se

  7   sont tournées, donc, vers ces nouvelles organisations. Les Croates ont été

  8   de plus en plus nombreux à --

  9   Q.  Je suis désolé de vous interrompre, mais je crois que nous avons

 10   quelques difficultés dans la retranscription de vos propos. Je vous

 11   demanderais de bien vouloir parler plus lentement.

 12   R.  Je fais de mon mieux, mais j'ai la pensée rapide. D'où le problème.

 13   Je répète : de nombreuses personnes de tous bords au sein de cette entité

 14   complexe qu'était la Yougoslavie attendaient avec impatience la création de

 15   partis avec lesquels elles auraient des affinités. En d'autres termes, les

 16   Croates étaient de plus en plus nombreux à rejoindre le Parti démocratique

 17   croate, le HDZ, et les Serbes, spontanément, ont commencé à rejoindre le

 18   SDS de plus en plus, le SDS étant le Parti démocratique serbe.

 19   Et j'aimerais ajouter une autre chose encore. Le HDZ a été créé un an avant

 20   le SDS. Et je me souviens très bien du 9 juin 1990. J'habitais à Beli

 21   Manastir, c'est de là que je suis originaire. Et ce jour-là, des cars sont

 22   arrivés. A Beli Manastir, donc. Deux ou trois, je crois. Remplis de jeunes,

 23   des Croates. Très bruyamment et ouvertement, ils faisaient état de leur

 24   appartenance ethnique. Ceci a suscité certaines préoccupations et certaines

 25   craintes au sein de la communauté serbe qui se trouvait là. Je ne sais pas

 26   combien ils étaient exactement, mais au moins la moitié de la population

 27   s'est sentie touchée, inquiétée. Déjà à l'époque, ils étaient prêts à en

 28   découdre avec les Croates qui arrivaient là. Ils étaient venus créer le HDZ


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  1   de Beli Manastir.

  2   Afin de l'éviter dans toute la mesure du possible, j'ai envoyé deux ou

  3   trois de mes proches à se rendre à proximité des autocars et à éviter que

  4   les Serbes, qui étaient très insatisfaits par la situation, ne provoquent

  5   des incidents. Dans le même temps, je me suis rendu à Vukovar en voiture à

  6   partir de Beli Manastir, la distance séparant les deux étant d'environ 70

  7   kilomètres.

  8   Ce jour-là, le professeur décédé depuis, Jovan Raskovic, était présent, et

  9   c'est là que l'assemblée constituante du SDS devait se tenir. Je dois vous

 10   dire que j'ai également rencontré Goran Hadzic. Il était en compagnie du Dr

 11   Raskovic.

 12   Goran Hadzic et moi-même nous connaissions de loin, car son épouse d'alors

 13   était l'une de mes étudiantes. Elle avait passé un examen dans une matière

 14   que j'enseignais. Il est venu vers moi très poliment, il m'a présenté à

 15   Jovan Raskovic, et je lui ai pourquoi j'étais venu, à savoir que je

 16   souhaitais créer le SDS en Baranja. J'ai demandé son accord. Il me l'a

 17   donné. Et il m'a dit, Allez-y. Il pensait que la chose se ferait de manière

 18   responsable et appropriée, et c'est très précisément ainsi que les choses

 19   se sont faites.

 20   Voilà.

 21   Q.  Monsieur Vukcevic, pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à créer

 22   ce Parti démocratique serbe ? Quelles étaient vos raisons à l'époque ?

 23   R.  Un sentiment et une conscience nationale qui s'étaient constitués en

 24   moi, qui avaient été bâtis en moi par mes parents et les parents de ma

 25   mère. C'est ce qui m'a mené, moi et d'autres, vers ce parti politique. De

 26   même que des Croates ont voulu rejoindre le HDZ.

 27   Permettez-moi d'ajouter une chose. Nous pensions que l'amour de sa nation

 28   ne s'accompagnait pas nécessairement de la haine d'une autre. Pour moi,


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  1   c'était une chose normale, humaine, justifiée, mais que l'amour de quelque

  2   chose ne signifie pas pour autant la haine de quelque chose d'autre.

  3   Q.  Dans votre déclaration - au paragraphe 6 - vous avez défini le HDZ non

  4   seulement comme étant un parti national, mais aussi comme étant un parti

  5   nationaliste. Est-ce que vous pouvez nous expliquer la distinction que vous

  6   avez établie entre parti national et parti nationaliste ? Pourquoi ?

  7   R.  Comme je viens de vous le dire, certaines personnes qui se sont

  8   précipitées pour faire partie des rangs du HDZ, quand ces personnes en sont

  9   devenues membres, ont parlé avec une très grande intolérance, et je dirais

 10   même avec de la haine, à l'égard des autres, et en particulier à l'égard

 11   des Serbes. Ça fait peur. Et ça semait le trouble parmi les Serbes, parce

 12   que bon nombre d'entre nous ne pouvions pas y croire. A savoir que les gens

 13   avec qui on avait vécu pendant tant d'années, on a grandi ensemble, on a

 14   fait nos écoles ensemble, de les voir si emplis d'intolérance et de haine,

 15   comme nous l'ont témoigné ces gens-là.

 16   Et ce que je voudrais dire encore, c'est qu'il ne s'agissait pas de

 17   la totalité des Croates. Il faut le souligner, cela. Il n'y avait que ceux

 18   qui cherchaient leur place dans ce nouveau parti qui s'appelait la

 19   Communauté démocratique croate, le HDZ en abréviation.

 20   Q.  Dans la même déclaration, vous indiquez que le SDS avait été un parti

 21   national, mais non pas nationaliste. Est-ce que vous pouvez étoffer votre

 22   propos, je vous prie ?

 23   R.  Tout comme les membres du HDZ avaient manifesté une grande intolérance

 24   vis-à-vis de tout ce qui était serbe et yougoslave, eh bien, les membres du

 25   parti SDS, Parti démocratique serbe, n'ont pas fait la même chose à l'égard

 26   de ceux qui n'étaient pas Serbes, voire qui étaient Croates. On a pu voir,

 27   de ce fait, que les membres du SDS aimaient bien les leurs mais ne

 28   haïssaient pas les autres.


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  1   Q.  Monsieur Vukcevic, vous avez rejoint les rangs du SDS en juin 1990 et

  2   vous avez -- enfin, ce qui m'intéresse, c'est de voir si vous vous souvenez

  3   si, en août 1990, il y a déjà eu des négociations entre le SDS d'un côté et

  4   le HDZ, qui était représenté à l'époque par Ivan Vekic ?

  5   R.  Oui. C'est négociations-là, je les ai conduites en personne. Elles se

  6   sont déroulées parce qu'un dénommé Krivic, qui avait été mon étudiant et

  7   qui a passé chez moi ses épreuves en droit civil, est venu me voir.

  8   Professeur, j'ai été envoyé par le HDZ vers vous pour m'entretenir avec

  9   vous et convenir avec vous d'organiser par vos soins une rencontre au

 10   sommet entre les représentants des partis pour empêcher ce qui se passait.

 11   Qu'est-ce qui se passait ? Ai-je le temps de vous le raconter ?

 12   Q.  Allez-y, allez-y.

 13   R.  Ecoutez, on était au 30 août 1990. Je me souviens très bien de la date.

 14   Et j'ai même des copies d'articles de journaux afférents à cet événement.

 15   Le 19 août, une date qui est très importante pour les Orthodoxes,

 16   c'est la fête religieuse de la transfiguration de la vierge Marie, il s'est

 17   tenu un plébiscite. Non pas un référendum, mais un plébiscite.

 18   Feu Milan Babic avait été la personnalité la plus en vue parmi les Serbes

 19   en Croatie, et quelqu'un lui a mis la puce à l'oreille pour lui dire qu'il

 20   fallait absolument organiser un référendum. En ma qualité de juriste et de

 21   professeur de droit, je lui ai dit, Ne raconte pas de bêtises. Ça ne peut

 22   pas être organisé. Parce qu'un référendum, c'est accepté ou rejeté par le

 23   parlement, qui est l'instance suprême du pouvoir. En l'occurrence, c'est

 24   l'assemblée de la République de Croatie.

 25   Si tu qualifies cette manifestation comme étant une manifestation

 26   voulant exprimer la volonté du peuple serbe, si tu la qualifies de

 27   référendum, ceux qui en décident vont te considérer comme étant analphabète

 28   et peu qualifié. Il vaut mieux qualifier cela de plébiscite. On n'a pas,


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  1   alors, besoin de demander l'opinion du parlement.

  2   C'est une façon d'exprimer une opinion sociale de façon spontanée. Et

  3   c'est à grand-peine que ce feu Milan Babic, qui était têtu comme une mule,

  4   a accepté de faire ainsi.

  5   A la date du 19 août, il s'est tenu, donc, ce plébiscite, où les Serbes qui

  6   résidaient en Croatie se sont prononcés, y compris les Serbes nés en

  7   Croatie mais résidant à l'extérieur de celle-ci, et ont dit si oui ou non

  8   ils voulaient vivre en Yougoslavie, et ils se sont prononcés aussi sur le

  9   fait de savoir s'ils voulaient avoir une autonomie politique et culturelle.

 10   Dès le lendemain, il y a eu des camions de transport militaire avec un

 11   certain nombre de personnes à bord, ayant des mines patibulaires et

 12   menaçantes qui avaient pour l'objectif de terroriser les gens. Il

 13   s'agissait selon eux de dompter les Serbes. Alors, étant dans

 14   l'impossibilité de prendre des camions de transport analogues pour

 15   s'opposer à cela, les Serbes se sont opposés avec ce qu'ils avaient, les

 16   arbres de la forêt.

 17   Comment ? Eh bien, ils ont pris les arbres qui se trouvaient à côté de la

 18   route, les ont coupés, ces arbres. Ces troncs sont tombés sur la route et

 19   les camions de transport, qui avaient des pneumatiques et non pas des

 20   chenilles, ne pouvaient pas passer par-dessus. Donc, ils les ont ainsi

 21   empêchés d'arriver à destination. Alors, les autorités croates et certains

 22   journalistes imaginatifs souhaitant parler de sensationnel, ils ont

 23   qualifié cela de révolution des troncs d'arbres, "Balvan revolucija

 24   [phon]". "Balvan", c'est un tronc d'arbre qui est assez gros et qu'on ne

 25   peut pas enlever de la route les mains nues. Il faut du matériel mécanique.

 26   Alors, il y a eu ce plébiscite. Et le lendemain, nous avons eu cette

 27   révolution des troncs d'arbres, c'est-à-dire cette façon autoassistée de la

 28   part des Serbes pour se venir eux-mêmes en aide. Ce genre de comportement a


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  1   semé le trouble dans l'Etat croate, et notamment aussi dans l'économie

  2   croate.

  3   Pourquoi et comment ? Parce qu'on n'a plus pu voir se dérouler le trafic.

  4   Ni avec les transports ferroviaires, ni pour ce qui est des transports

  5   routiers. Alors, l'économie croate et les autorités croates, par le biais

  6   de leur parti du HDZ, ont commencé à chercher des solutions. Comment ? Eh

  7   bien, il s'agissait de rencontrer des représentants du Parti démocratique

  8   serbe pour leur demander aimablement de mettre un terme à ce genre de

  9   comportement.

 10   Alors, ce dénommé Krivic, cet ex-étudiant à moi qui avait déjà été diplômé

 11   à ce moment-là, vient me voir dans mon cabinet à la faculté pour me dire,

 12   Professeur, j'ai été envoyé par le HDZ vers vous de convenir avec vous et

 13   avec Raskovic d'une rencontre au niveau le plus élevé possible. Bon, j'ai

 14   dit que j'allais essayer de faire ce qu'on me demandait de faire. J'ai dit

 15   que je ne savais pas comment ça allait se passer mais qu'on ferait pour le

 16   mieux.

 17   Et j'ai contacté le Pr Raskovic, qui lui résidait à Sibenik, c'est sur le

 18   littoral adriatique. Et comme on ne pouvait pas d'entretenir au téléphone,

 19   parce qu'on savait bien qu'on était mis sur écoute, on a dû chaque fois

 20   monter à bord d'une voiture et faire 650 kilomètres d'Osijek à Sibenik. Et

 21   je lui ai dit, Il y a un sujet sérieux dont je voudrais m'entretenir avec

 22   toi. Et je suis allé à Sibenik. Je l'ai retrouvé dans sa résidence

 23   secondaire, comme il m'a dit qu'il se trouverait là-bas, et je lui ai

 24   expliqué ce qu'on nous demandait. Et je lui ai dit qu'à mon avis, c'était

 25   une bonne chose.

 26   Jovan Raskovic était un homme intelligent. Il a dit, Je pense aussi que

 27   c'est une bonne chose. Accepte de bon gré et dis-leur que tu prendras part

 28   aux négociations. Mais écoute-moi bien : n'y va pas à la va-vite. Nous


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  1   allons d'abord passer par Knin, y rassembler les gens qui constituent le

  2   comité exécutif du parti pour qu'eux décident de ta participation à toi.

  3   Es-tu d'accord ? J'ai dit oui.

  4   Et puis, il a enchaîné. Il m'a dit -- j'ai dit, Quoi ? N'y va pas seul. N'y

  5   va pas seul en aucun cas. Prends quelqu'un avec toi. Parce qu'ils peuvent

  6   te causer des désagréments, dire que tu as dit ce que tu n'as pas dit ou te

  7   faire dire ce que tu n'aimerais pas dire. Prends donc quelqu'un avec toi

  8   afin que cette personne-là puisse témoigner du fait que tu as dit ou pas

  9   dit telle chose.

 10   Et c'est ainsi que mon choix est tombé sur Boro Savic, qui était originaire

 11   de Vukovar. Ça a été son seul et unique rôle et sa seule activité au sujet

 12   des négociations. C'était donc un ministrant [phon], comme le dirait

 13   l'Eglise catholique, pour ce qui est du service rendu. C'est ce que je

 14   pourrais vous dire à cet effet.

 15   Q.  [hors micro]

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, micro, s'il vous

 17   plaît. Et avant que vous ne poursuiviez, je dirais que je ne sais pas si

 18   vous vous souvenez encore de la question que vous avez posée à M. Vukcevic

 19   avant cette très longue réponse, mais je vous conseillerais d'exercer un

 20   contrôle à l'égard de votre témoin.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 22   Q.  La question était celle de savoir, en fait, si vous avez négocié au nom

 23   du SDS avec Ivan Vekic, membre du HDZ.

 24   R.  La réponse est : Oui, j'ai négocié avec.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous afficher maintenant

 26   la pièce 1D3251.

 27   Q.  Monsieur Vukcevic, est-ce que vous pouvez bien voir ce document qui est

 28   à gauche de l'écran ?


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  1   R.  Je le connais depuis son adoption. C'est un document que j'ai maintes

  2   fois eu l'occasion de voir et revoir.

  3   Q.  Puisque vous nous avez dit que vous avez demandé une décision et que le

  4   Pr Raskovic vous avait conseillé la possession d'une décision de la part

  5   des instances du parti, pouvez-vous vous pencher dessus et nous dire si

  6   c'est bien la décision qui vous autorisait à négocier avec le HDZ ?

  7   R.  Oui, c'est la décision qui m'a autorisé à devenir ou me présenter en

  8   tant que négociateur au nom du Parti démocratique serbe.

  9   Q.  Et cette décision, d'après ce que je vois, est adoptée --

 10   R.  Le 23 août. Oui, excusez-moi. Oui, c'est bien le 23 août 1990.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je me propose de

 12   m'en arrêter là pour aujourd'hui, parce que je me proposerais de montrer au

 13   témoin des documents autres.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.

 15   Monsieur Demirdjian, c'est le document qui est le cinquième en position.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. Nous n'avons pas

 17   fait d'objection pour ce qui est des quatre premiers documents apportés par

 18   le Dr Vukcevic, mais pour ce qui est du cinquième, ce n'est pas lui qui l'a

 19   apporté, donc je ne pense pas que ce soit pertinent et je ne pense pas

 20   qu'il y ait une valeur probante. Ce sont des commentaires faits pas un

 21   autre témoin qui a déjà témoigné devant les Juges de cette Chambre. Ça ne

 22   fait partie de la déclaration de ce témoin-ci. Et, de notre avis, cela n'a

 23   pas de valeur probante.

 24   Peut-être Me Zivanovic souhaiterait-il nous expliquer de quelle façon cela

 25   pourrait nous être utile, mais en cette phase-ci, nous ferions objection

 26   pour ce qui est de son admission sur la liste en application du 65 ter.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi. Maître Zivanovic, est-ce

 28   que vous préférez qu'on résolve la question maintenant ou est-ce qu'on


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  1   attendra le moment de son utilisation éventuelle pour voir ce qu'il en

  2   advient ?

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Juge. Je voudrais

  4   d'abord demander le versement au dossier du document que nous avons sur nos

  5   écrans.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien. Alors, celui-ci sera versé

  7   au dossier et annoté.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D182.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien. Nous vous autorisons à

 10   placer sur votre liste 65 ter les quatre documents que vous avez abordés au

 11   départ, et on verra ce qu'il adviendra du cinquième.

 12   L'audience est levée.

 13   Non, attendez, attendez. Excusez-moi. Monsieur Vukcevic, nous allons en

 14   terminer pour la journée. Nous vous attendons ici demain matin -- non,

 15   excusez-moi. Lundi. Lundi, nous vous attendons dans ce même prétoire à 9

 16   heures du matin. Entre-temps, vous êtes considéré comme étant un témoin

 17   sous déclaration solennelle. Vous restez tenu par votre serment. Cela

 18   signifie que vous n'êtes censé vous entretenir de votre témoignage avec

 19   personne. Et à part ce fait-là, vous ne devez avoir quelque échange et

 20   communication avec l'une quelconque des parties en présence ici.

 21   M'avez-vous bien compris ?

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 23   L'audience est levée.

 24   [Le témoin quitte la barre]

 25   --- L'audience est levée à 13 heures 59 et reprendra le lundi 8 septembre

 26   2014, à 9 heures 00.

 27  

 28