Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Lundi 26 mars 2001.) (Affaire IT 98-30/1)

  2   (Audience publique.)

  3   L'audience est ouverte à 9 heures 25.

  4   (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

  5   M. le Président: Veuillez vous asseoir.

  6   Bonjour, Mesdames et Messieurs. Bonjour, cabine technique. Bonjour aux

  7   interprètes. Bonjour le Greffe. Bonjour, conseils de l'accusation et de la

  8   défense. Bonjour les accusés.

  9   Nous allons aujourd'hui commencer la défense de l'accusé, M. Zigic, donc

 10   je donne la parole à Me Stojzanovic pour, je crois, une déclaration

 11   préliminaire, le terme de l'Article 84.

 12   Maître Stojzanovic, c'est cela?

 13   M. Stojzanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous

 14   remercie.

 15   Si vous me le permettez, je me réserve une possibilité pour soulever

 16   d'autres questions encore qui sont demeurées plus ou moins obscures

 17   concernant les décisions qui nous ont été communiquées mais, comme vous

 18   l'avez dit, c'est ma déclaration préliminaire qui est à l'ordre du jour

 19   pour maintenant.

 20   (Déclaration liminaire de Me Stojanovic.)

 21   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il n'est pas tout à

 22   fait aisé de confectionner ou de faire un choix véritable de tout ce que

 23   la défense de M. Zoran Zigic devrait énoncer et dire dans ce moment

 24   précis. Il s'agit d'englober bien des choses mais la procédure est une

 25   chose qui sous-entend par soi-même une dynamique, ce qui fait que chaque


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  1   chose viendra en son temps, chose dont nous tenons compte en ce moment

  2   précis.

  3   Dans l'essentiel, d'une façon sommaire, nous souhaiterions indiquer quels

  4   sont nos points de vue concernant ce qui figure à l'Acte d'accusation

  5   concernant ce qui a été fait à ce jour ainsi qu'à l'égard des intentions

  6   et objectifs que nous souhaitons réaliser au travers de ce que l'on

  7   appelle dans la terminologie de cette procédure du "common law" notre

  8   affaire.

  9   La défense de Zoran Zigic a déjà présenté une partie de ces points de vue

 10   de principe au travers de sa requête pour ce qui concerne un jugement

 11   d'acquittement qui, mutatis mutandis, persistera à être d'actualité dans

 12   la défense que nous présenterons.

 13   Il est deux fondements sur lesquels se base ou sur lesquels repose la

 14   défense, que nous nous proposons de présenter. D'abord une recherche

 15   active de la vérité et des événements relatifs, puis une analyse juridique

 16   attentive des faits établis et leur corrélation logique. Nous nous

 17   proposons de dire tout de suite ouvertement: la vérité sera parfois

 18   douloureuse pour notre client, mais nous sommes profondément convaincus

 19   que cela sera ou fera partie dans une mesure disproportionnellement petite

 20   de ce qui lui est porté à charge. Mais il est vrai qu'il est des faits

 21   dont M. Zigic ne cherche pas à se disculper ou à fuir. C'est là que réside

 22   sa motivation, suite à la lecture des deux Actes d'accusation mis à sa

 23   charge, à demander à être transféré à La Haye pour être jugé devant ce

 24   Tribunal.

 25   Comme nous l'indiquent les expertises psychologiques établies par deux


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  1   experts nommés par le Greffe, M. Zigic s'avère être une personne

  2   extrêmement intelligente. Aussi savait-il certainement que les chefs

  3   d'accusation figurant dans deux Actes d'accusation suffisent pour une

  4   sentence des plus lourdes. Pourquoi a-t-il alors demandé à être transféré

  5   vers La Haye et à être jugé concernant ces Actes d'accusation?

  6   Eh bien la réponse est simple: il savait que, de tout ce qui est énoncé,

  7   il en a fait fort peu et, compte tenu du volume et du sérieux de la

  8   procédure qui est conduite devant ce Tribunal, il s'est dit que la vérité

  9   finirait bien par se faire connaître. Nous ne pouvons pas dire qu'il a été

 10   induit dans une erreur concernant sa responsabilité, comme cela est

 11   présenté parfois par ceux qui ne sont pas des auteurs directs de certains

 12   actes qui auront un rang plus élevé. Tout simplement, il sait fort bien

 13   s'il a passé à tabac quelqu'un, s'il a torturé ou tué quelqu'un; c'est

 14   conscient de ce fait qu'il a demandé à être transféré vers La Haye.

 15   Et à l'occasion de tout ce qui s'est passé, il a eu l'honneur de voir le

 16   Président de cette Chambre précisément faire réaliser le transfert en

 17   question par la décision qu'il a prononcée.

 18   L'analyse juridique et l'application des principes logiques sont le

 19   terrain où la défense est amenée à combattre les positions adoptées par

 20   l'accusation. Il est aisé de trouver des réponses dans un conflit du droit

 21   avec le non-droit, quoique, là aussi, les évaluations quantitatives font

 22   souvent l'objet de divergences importantes, mais il est bien plus

 23   difficile de résoudre un conflit entre plusieurs principes juridiques

 24   acceptables.

 25   Dans les décisions prises par ce Tribunal, la logique qui peut être tant


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  1   juridique qu'afférente à des faits seuls aboutit sans doute aucun à un

  2   niveau fort élevé. La plupart des gens diront: "il est aisé de résoudre un

  3   conflit entre le logique et l'illogique". Toutefois, c'est précisément là

  4   que se terrent les dangers les plus grands. Heureusement, cela est quand

  5   même plus rare, d'une certaine façon, et l'absence de logique fait preuve

  6   d'une certaine logique aussi en arrière-fond.

  7   A notre avis, cela nous indique que, comme on a souvent conçu la norme de

  8   "au-delà du doute raisonnable" peut devenir ou se faire assez ou plutôt

  9   relatif. Cela ne doit pas forcément garantir la vérité seule mais

 10   constituer une règle du jeu, notamment en raison du fait que cette norme

 11   ici a souvent été acceptée de façon injustifiée en corrélation très forte

 12   avec la règle de l'équilibre des probabilités, le tout en l'absence de

 13   traces fermement confirmées de certains actes. Nous estimons, pour ce qui

 14   nous concerne, que cela ne suffit souvent pas pour pouvoir décider de la

 15   destinée de quelqu'un.

 16   Mais le problème fondamental, c'est le conflit entre le logique et

 17   l'illogique. On peut en effet expliquer bien des éléments de façon

 18   multiple et acceptable. Je crois que le Juge de la Cour suprême des Etats-

 19   Unis, M. Holmes, l'a remarqué il y a fort longtemps. Bien entendu, nous

 20   sommes d'accord, mais il faut aller au-delà et, dans ce cas-là, il s'agit

 21   de placer fermement des critères qui nous indiqueront quelles sont les

 22   priorités à suivre.

 23   En tout état de cause, la logique doit être reliée tant avec les sciences

 24   naturelles qu'avec les sciences sociales / humaines, partant du facteur

 25   anthropologique qui donne la mesure à tout cela. Cependant, la logique par


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  1   soi-même n'est souvent pas suffisante. Le droit peut être aussi illogique

  2   du point de vue des principes fondamentaux de la loi.

  3   La position de la défense consiste à dire que l'Acte d'accusation se fonde

  4   dans une grande mesure sur une logique simplifiée et sur une logique qui

  5   conduit, dans le meilleur des cas, au possible et au probable; mais il

  6   convient, pour une condamnation, de se fonder sur des éléments plus sûrs

  7   et plus réfléchis.

  8   A cet endroit précis, à titre d'exemple, nous souhaitons indiquer

  9   l'existence avancée de ce que l'on appelle la théorie de l'objectif

 10   commun. La défense ici aussi a certainement pour objectif conjoint ou

 11   commun avec le Bureau du Procureur de faire rejaillir la vérité et la

 12   justice. C'est certainement l'objectif vers lequel aspire la Chambre elle-

 13   même, mais cela n'a rien de commun avec la théorie du Bureau du Procureur

 14   relative à l'objectif commun.

 15   "Essen lynching" (le lynchage d'Essen) est loin de ce que le Bureau du

 16   Procureur cherche à placer sous forme de théorie appliquée dans l'affaire

 17   en question. Malheureusement, la théorie va dans un sens bien plus

 18   négatif, à savoir dans un sens rétrograde; il s'agirait d'un pas

 19   considérable en arrière par rapport même à ce qui a été fait en 1945. A

 20   l'époque, l'objectif commun avait été pris en considération par rapport à

 21   un évènement concret et on a cherché un objectif direct et très concret

 22   pour en faire un objectif commun et non pas un objectif imaginaire, voire

 23   idéologique. Par conséquent, je vais peut-être être cru dans ma

 24   comparaison: les Nazis eux aussi s'étaient trouvés en position plus

 25   avantageuse par rapport à notre client lorsqu'il s'agit de la position


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  1   adoptée par le Bureau du Procureur s'agissant de la théorie de l'objectif

  2   commun. Car tous les Nazis, tous les Nazis quoi que le statut de Nuremberg

  3   y a ménagé une place, donc tous ces Nazis et loin de la plupart des

  4   Allemands, n'ont fait l'objet de cette théorie en dépit de l'objectif

  5   commun qu'ils avaient eu ensemble, à savoir de conquérir le monde et

  6   d'exterminer bien des peuples et cela sous-entendait bien entendu beaucoup

  7   de persécutions sous forme plus ou moins bénigne.

  8   En tout état de cause, cette façon de concevoir la théorie de l'objectif

  9   commun et la responsabilité criminelle n'a rien n'a point de fondement

 10   dans les Statuts de ce Tribunal et en sus des objectifs communs dans des

 11   actes humains qui sont nombreux, en sus de "vérité et justice". On peut

 12   par exemple dire de façon tout à fait certaine que l'objectif commun des

 13   représentants du Bureau du Procureur et de la défense peut être celui

 14   d'encaisser des fonds des Nations Unies. Ce n'est pas une contrevérité,

 15   cela est par contre dans bien des cas l'objectif primaire de bien des gens

 16   qui assurent ainsi l'existence de leur famille… Si par exemple la défense

 17   se dirigeant vers un objectif commun avec le Bureau du Procureur en

 18   direction de la vérité de la justice, si cette défense abuse ou commet des

 19   actes par excès, cela doit signifier aussi que le Bureau du Procureur doit

 20   assumer ses responsabilités.

 21   Nous cherchons donc à illustrer que, de façons innombrables, du bon et du

 22   mauvais côté, il s'agit de présenter un grand nombre d'objectifs communs.

 23   Par conséquent, ces objectifs communs ont plusieurs significations et une

 24   relativité concernant la façon dont cette théorie de l'objectif commun n'a

 25   été acceptée dans un droit pénal contemporain nulle part. En sus, la


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  1   participation de plusieurs personnes dans une transaction commune est

  2   résolue presque partout par l'application de la théorie de complicité.

  3   La théorie de l'objectif commun, notamment dans le sens où cela est

  4   présenté par l'autre partie, constitue de façon évidente une façon

  5   dissimulée d'induire une responsabilité collective dans le sens d'une

  6   responsabilité sans culpabilité et une responsabilité collective qui, de

  7   cette façon-là, pourrait être attribuée à tout un peuple. Ce serait là un

  8   pas en arrière par rapport à l'individualisation de la culpabilité et un

  9   pas en avant vers une responsabilité collective, vers un retour au Moyen

 10   Âge. D'autre part, cela ne peut qu'influer négativement sur les objectifs

 11   de la condamnation et de la sanction. Cette théorie où l'on ne fait pas la

 12   différence souvent entre le coupable et le non coupable engendre des

 13   tragédies dans le droit pénal. En tout état de cause, cela exerce une

 14   influence de-stimulative sur ceux qui se retiennent de commettre des crimes

 15   concrets alors que cela se passe dans leur environnement et chez ceux où

 16   il n'y a pas de mens rea approprié.

 17   En termes généraux, indépendamment de la théorie de l'objectif commun, la

 18   défense estime que, de nos jours, nous ne saurions prendre appui sur la

 19   pratique des cours militaires qui avaient été mise en place dès la fin de

 20   la Deuxième Guerre. Nous vivons en 1995, non en 1946, et les évènements

 21   eux-mêmes ne sont guère comparables. Aussi sommes-nous portés à être

 22   d'accord s'agissant de la comparaison imagée de l'un de nos collègues qui

 23   avait dit que la contribution des cours militaires à l'essor du droit

 24   était égale à la contribution de la musique militaire à l'essor de la

 25   musique en général.


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  1   Ce Tribunal-ci et les temps où nous vivons doivent constituer un degré

  2   supérieur dans l'essor de la société et dans le développement du droit.

  3   Madame et Messieurs les Juges, la défense se doit de dire que l'Acte

  4   d'accusation n'est pas en pleine mesure claire, notamment du point de vue

  5   de ce qui figure dans les avenants confidentiels qui sont devenus entre-

  6   temps publics et qui accompagnent l'Acte d'accusation, et de la

  7   corrélation entre ces différents documents. D'autre part, exception faite

  8   d'un cas exceptionnel, compte tenu de l'intervalle de temps assez grand

  9   par rapport à la perpétration des actes, la défense s'est vue rendre

 10   impossible une défense par alibi. Il n'y a pas de traces matérielles de

 11   l'acte perpétré ou de documents qui parlent de façon notable des actes qui

 12   sont imputés à Zigic. Et cela brille également par son absence.

 13   Aussi la défense doit-elle se défendre par voie de ce que l'on appelle des

 14   "témoins hostiles", qui sont en fait des témoins de l'accusation ou alors

 15   par voie de témoignages de gardiens serbes qui sont, eux aussi, accusés ou

 16   pourraient l'être.

 17   Mais nul de ces personnes ou presque ne souhaite témoigner et ne souhaite

 18   notamment énoncer des témoignages en faveur de Zigic, ou des témoignages

 19   qui pourraient les amener à être mis en accusation eux-mêmes.

 20   Tout cela indique que la défense ne bénéficie nullement de conditions

 21   favorables ou équitables dans une situation qui est objectivement telle.

 22   Et nous ne saurions blâmer qui que ce soit pour cela.

 23   Mais cela ouvre à la défense le droit de demander que le Bureau du

 24   Procureur soit placé dans des conditions analogues, avec un recours à des

 25   mécanismes quelque peu différents et qui sont généralement acceptés.


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  1   L'un de ces mécanismes est certainement une position qui est très répandue

  2   dans la pratique du monde entier, à savoir celle où l'on ne saurait

  3   condamner quelqu'un pour des actes des plus graves partant du seul récit

  4   d'un ou deux témoins hostiles.

  5   Comment la défense évalue-t-elle la situation, la position du cas conduit

  6   par le Bureau du Procureur, par l'affaire conduite par le Bureau du

  7   Procureur, par rapport à l'accusé Zigic en ce moment-ci?

  8   Eh bien, la présentation des éléments de preuve du Bureau du Procureur a

  9   pris fin pour ce qui est du premier, du deuxième et du troisième accusé.

 10   On a présenté ici plusieurs centaines de documents en qualité d'éléments

 11   de preuve dont nul ne parle de la culpabilité de l'accusé Zigic.

 12   On a versé au dossier plusieurs dizaines d'affidavits ou de déclarations

 13   de dépositions sous serment, dont aucune ne parle de quelque culpabilité

 14   que ce soit de l'accusé Zigic.

 15   Nous avons entendu, je pense, 96 témoins, dont au plus deux ou trois

 16   avaient parlé de certains points de l'Acte d'accusation contre Zigic, mais

 17   de façon contradictoire et inacceptable.

 18   Aussi la défense estime-t-elle qu’en ce moment-ci, s'agissant de l'un

 19   quelconque des points de l'Acte d'accusation dressés contre Zoran Zigic,

 20   il n'a abouti à aucun moment à la norme du "au-delà du doute raisonnable".

 21   Comment la défense de l'accusé Zigic se propose-t-elle de répondre à cela?

 22   Eh bien, la défense fera son travail de défense concernant la plupart de

 23   ces allégations, car des accusations sérieuses, portant sur des actes

 24   sérieux, requièrent de la part d'une défense sérieuse une prudence

 25   remarquable.


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  1   La défense ne peut s'appuyer sur la supposition au terme de laquelle la

  2   Chambre partagera son opinion concernant le non aboutissement à la norme

  3   du "au-delà du doute raisonnable", mais se proposera, concernant la

  4   plupart des chefs d'accusation, de présenter des preuves qui vont écarter

  5   toute suspicion et tout dilemme concernant les actes mis à charge de

  6   l'accusé Zigic. S'agissant d'une partie moindre de l'Acte d'accusation, la

  7   défense ne visera pas à présenter une défense.

  8   Je tiens à dire aussi qu'à ce sujet-là deux raisons diamétralement

  9   opposées existent.

 10   Une petite partie des allégations à l'Acte d'accusation ne sera pas

 11   contestée par la défense, quoi qu'elle considère qu'il n'y ait guère

 12   suffisamment de preuves de culpabilité, et ce précisément parce qu'elle

 13   estime que ces allégations sont véridiques. Et cela sera confirmé tout

 14   autant par des témoins de la défense.

 15   Une autre petite partie des chefs d'accusation ne sera pas réfutée par la

 16   défense parce que dans ces allégations il n'y a guère de traces de vérité,

 17   et en même temps guère de traces de preuve dans tous les éléments de

 18   preuve présentés à ce jour.

 19   Nous nous proposons donc d'illustrer, moyennant un exemple, la façon dont

 20   les choses sont établies suite à la présentation de l’affaire par le

 21   Procureur et après la fin de la présentation de la défense des trois

 22   accusés.

 23   Nous avons des centaines de fois entendu parler "des trois doigts" en

 24   guise d'une sorte de salut proprement serbe. Mais savons-nous ce que cela

 25   signifie? De quoi dispose la Chambre dans le dossier à ce sujet-là? Qu'en


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  1   dit-on à l'intention de la Chambre dans presque 10.000 pages de compte

  2   rendu d'audience et dans bien plus de pages de documents variés?

  3   Il y a juste une seule explication, à savoir une déclaration faite par le

  4   témoin de l'accusation Okic Jasmir en date du 5 juin 2000 -il s'agit de la

  5   page 2549 du compte rendu d'audience- à savoir que cela signifiait "un

  6   Président, un Etat, un Peuple", comme on pourrait le dire en allemand:

  7   "ein Führer, ein Reich, ein Volk" (en traduction allemande, la même

  8   chose).

  9   Bien entendu, cela ne signifiait une telle chose que dans l'Allemagne de

 10   Hitler, où cela était le leitmotiv fondamental du nazisme. Cependant ces

 11   trois doigts représentent le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C'est la

 12   raison précisément pour laquelle les Orthodoxes font signe de croix avec

 13   trois doigts.

 14   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je ne suis pas très

 15   religieux, notamment pas dans un sens classique. Le grand réformateur de

 16   l'Eglise Martin Luther avait dit qu'un bon juriste était un mauvais

 17   chrétien, probablement car bon nombre de juristes demandent des preuves de

 18   l'existence de Dieu, ainsi que des documents et des scellés à ce sujet. Ce

 19   qui m'a fait mal vraiment, c'est qu'un salut chrétien soit mué en salut

 20   nazi et que la chrétienté soit muée en nazisme. Ce qui m'a fait mal, en ma

 21   qualité de juriste aussi, c'est que ce fondement factuel était censé

 22   constituer un fondement pour cette Chambre pour le prononcer de sentence.

 23   Madame et Messieurs les Juges, dans tout ce que vous avez reçu par écrit à

 24   ce jour, on ne vous a rien dit d'autre à ce sujet. Que n'a-t-on pas encore

 25   servi à cette Chambre de la part des témoins de l'accusation? Eh bien la


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  1   défense en parlera plus en détails dans ses écritures de clôture. Elle

  2   tenait juste ici à fournir un exemple, une illustration, pour indiquer

  3   que, s'agissant de l'affaire du Procureur, il existe des raisons tout à

  4   fait exceptionnelles d'être au maximum prudent et incrédule.

  5   Sans trop de volonté ou de passion, nous nous proposons aussi de souligner

  6   certains aspects du contexte politique et historique des événements. Les

  7   raisons d'une position qui est la nôtre sont multiples. Certaines résident

  8   dans le fait que la défense précédente avait fourni des explications

  9   importantes et, d'autre part, certains éléments ont été établis de façon

 10   incontestée par la présentation de faits.

 11   Toutefois, la raison fondamentale de notre position est que le temps est

 12   venu de cesser de juger la politique des vaincus pour prouver que leur

 13   option politique se trouvait être erronée. Une telle approche dans les

 14   procès des crimes de guerre constitue une relique très souvent des temps

 15   passés.

 16   Une option politique bonne ou mauvaise ne doit jamais et ne peut jamais

 17   constituer une justification pour des tortures ou des meurtres et il est

 18   grand temps de commencer à juger les crimes de guerre perpétrés par les

 19   vainqueurs, tant politiques que militaires.

 20   Il y a quand même dans cette affaire un acte qui comporte dans une mesure

 21   considérable des éléments politiques et historiques. Il s'agit d'un acte

 22   affairant à l'Article 5 H) de notre Statut. Il s'agit de persécutions se

 23   fondant sur des raisons politiques, raciales ou religieuses.

 24   Enfin, l'une des raisons fort importantes pour moi d'en parler sans joie,

 25   c'est la sensibilité du sujet. En effet, ce Tribunal connaît les mesures


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  1   qui permettent à celui ou à ceux qui s'adressent devant le Tribunal d'être

  2   protégés, mais il n'y a cependant pas de mesure prévue pour protéger ceux

  3   qui ont parlé ou qui se sont vu accorder la parole ici.

  4   Ce que je voulais dire, c'est que ma brève présentation relative au

  5   contexte politico-historique ne doit pas être prise comme un défi aux

  6   passions nationalistes ou chauvines. Mon souhait le plus ardent, en ma

  7   qualité de citoyen de Bosnie-Herzégovine, est que ces trois peuples de

  8   Bosnie-Herzégovine et ces citoyens de trois ethnies finissent par vivre en

  9   paix et heureux. C'est pourquoi mon exposé, qui présente le côté obscur de

 10   ces rapports, constitue une factographie pure et simple, dont l'objectif

 11   consiste à fournir à la Chambre le plus de renseignements possible, afin

 12   que ses possibilités d'évaluation des faits et d'évaluation juridique

 13   soient des plus généralisées.

 14   A ce sujet-là, le Bureau du Procureur a fourni une présentation ou une

 15   toile de fond partielle, conformément à sa position procédurale dans cette

 16   affaire, dans le procès. Je crois que la défense doit se placer dans une

 17   situation tout à fait analogue.

 18   Au bout de plusieurs décennies du règne paisible de ce qu'il convient

 19   d'appeler le "régime social socialiste" et après la défaite de cette

 20   option dans le pacte de Varsovie, des partis politiques d'orientation

 21   nationaliste se sont organisés et ont remporté les victoires électorales.

 22   Il est nécessaire de noter qu'en ex-RSFY vivait environ 45 % de Serbes,

 23   alors que, dans la République de Bosnie-Herzégovine, avant que la guerre

 24   n'éclate en 1992, environ un tiers de la population était serbe.

 25   Cependant, dans le cadre de ces pouvoirs, les Serbes jouaient pratiquement


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  1   un rôle négligeable. Pendant plus de 45 ans de l'existence de l'ancienne

  2   RSFY, exception faite d'une période d'un an, aucun Serbe n'était le

  3   président de l'Etat, le premier ministre, ni le numéro un du Parti

  4   communiste.

  5   Une situation semblable n’existait peut-être vraiment dès le début de

  6   l'existence de la RSFY, mais depuis la mort de Duro Pucar, c'est-à-dire au

  7   moins 30 ans avant le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine.

  8   En Bosnie-Herzégovine, mais aussi dans la Yougoslavie de l'époque, ce sont

  9   de nombreux Musulmans, des Croates et des Slovènes encore plus nombreux

 10   qui étaient au pouvoir. Bien sûr, Josip Broz était un Croate, Edvard

 11   Kardejl un Slovène. S'agissant des Musulmans, je vais simplement

 12   mentionner les frères Dizdarevic, les frères Pozderac, la famille Bijedic.

 13   Et s'agissant des Croates de Bosnie, M. Mikulic. Ces personnes étaient

 14   toutes des présidents et des premiers ministres au sein des autorités à la

 15   fois fédérale et de la République.

 16   S'agissant de personnalités serbes de premier plan, nous ne pouvons

 17   mentionner que Aleksandar Rankovic, et ce jusqu'aux années 60, et

 18   cependant cette personne n’était ni le président de l'Etat ni le premier

 19   ministre.

 20   Cependant les Serbes aimaient un tel Etat et se considéraient comme des

 21   Yougoslaves. La citoyenneté serbe n'existait même pas. Et aucun Serbe n'en

 22   avait besoin.

 23   Je dois souligner que j'ai l'impression, une impression personnelle, que

 24   les Musulmans, eux aussi, avaient une attitude identique par rapport à cet

 25   état-là.


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  1   Malheureusement, comme nous l'avons déjà souligné, c'est à ce moment-là

  2   que les partis politiques d'orientation nationaliste entrent en scène. Il

  3   est notoirement connu qu'un nationalisme provoque un autre nationalisme

  4   auprès de l'autre peuple, ce qui est d'ailleurs tout à fait logique.

  5   En ce qui concerne ce point, le Procureur n'a de cesse d'éviter de

  6   présenter devant cette Chambre de première instance l'ordre dans lequel

  7   ces partis nationalistes se sont créés. Il s'agissait clairement des

  8   partis politiques qui contrôlaient pratiquement entièrement leur propre

  9   peuple. Or, il s'agit là d'un des faits les plus importants à tous les

 10   points de vue.

 11   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, est-il nécessaire de

 12   le dire, pour une fois, de manière explicite ici.

 13   S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, le premier parti politique

 14   nationaliste qui a été créé est le Parti politique des Croates, le HDZ,

 15   ensuite le Parti politique nationaliste des Musulmans, le SDA, et c'est

 16   seulement en dernier lieu qu'a été créé le Parti nationaliste des Serbes,

 17   le SDS. Je dirai que ce dernier a été créé en réponse aux tensions

 18   nationalistes précédentes créées par la fondation des deux autres partis

 19   politiques.

 20   Le Procureur nous a présenté un grand nombre de faits concernant la

 21   propagande de guerre, bien sûr encore une fois portant exclusivement sur

 22   la propagande serbe.

 23   Cependant le Procureur n'a rien dit concernant la période avant la guerre

 24   en Bosnie-Herzégovine avant 1992 et la situation qui a résulté de cette

 25   guerre. Il s'agit de la période pendant laquelle l'on "gonflait" les


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  1   tensions nationalistes; ce qui provoquera sous peu une véritable

  2   explosion. Il s'agit de la période de l'année 1991.

  3   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je souhaite

  4   maintenant, avec l'aide de l'huissier, vous montrer un exemple de cette

  5   propagande.

  6   (L'huissier s'exécute.)

  7   Ici, nous voyons la première page d'un magazine pro- musulman ayant une

  8   forte distribution, appelé Liovi Vox, issu de la capitale de la Bosnie-

  9   Herzégovine, c’est-à-dire Sarajevo, en date du mois d'octobre 1991. Je

 10   crois que l'on peut voir la date en haut à droite. Soi-disant, il s'agit

 11   d'une plaisanterie. Le journal, dont le siège de la rédaction se trouve

 12   dans la rue Dobrovoljlacka, rue dans laquelle l'on a procédé au massacre

 13   des unités de la JNA, ce qui a constitué une introduction dans la guerre,

 14   or ces unités de la JNA, conformément à l'accord conclu avec M. Alija

 15   Izetbegovic, se retiraient des casernes et se sont vus attaquées par les

 16   formations paramilitaires musulmanes.

 17   Sur cette première page, nous pouvons voir un soldat musulman portant un

 18   fez sur la tête, qui marche sur les têtes coupées des leaders serbes:

 19   Karadzic, Koljevic et les autres. Donc répétons, il s'agissait du mois

 20   d'octobre 1991. Ce journal paraissait de manière régulière avec l'accord

 21   des autorités de Sarajevo. A gauche, par rapport au soldat, nous pouvons

 22   lire le texte: «La Division Handzar est prête. «Spremena». «Spremena»,

 23   prête, prête avec la main levée, pour constituer un salut tel que «Heil

 24   Hitler», constitue le salut oustachi des unités d'assaut de la création

 25   nazie, à savoir l'Etat indépendant croate pendant la Deuxième Guerre


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  1   mondiale.

  2   Handzar est une sorte de couteau, de long couteau oriental. Et cette unité

  3   notoire employait ce genre de couteau, alors que la Division Handzar était

  4   une Division oustachie notoirement connue, qui était constituée

  5   exclusivement de Musulmans.

  6   Il ne faut pas oublier que leur fameux camp oustachi Jasenovac, dans

  7   lequel au moins 500.000 Serbes ont été tués, pour la plupart égorgés

  8   pendant la Deuxième Guerre mondiale, se trouve à une distance de seulement

  9   une trentaine de kilomètres par rapport à Prijedor. Un tel contexte a dû

 10   susciter une grande peur et réveiller l'instinct de l'auto préservation

 11   auprès des Serbes de Prijedor. A droite par rapport aux soldats musulmans,

 12   il est écrit: «Le IV Reich arrive. Willkomen», «Bienvenu».

 13   M. le Président: Oui, Madame Somers?

 14   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 15   Excusez-moi de vous interrompre. Cependant un commentaire m'inquiète. Je

 16   souhaite voir la description de l'activité de cette personne qui est

 17   montrée à la première page de ce journal et mon collègue dit dans la ligne

 18   22 de cette page qu'il s'agit ici de la Division Handzar et que la main

 19   est levée d'une manière semblable à celle dont la main était levée lorsque

 20   l'on procédait aux salutations nazies. Moi, personnellement, je ne vois

 21   pas ceci, cette main levée et si quelqu'un d'autre peu m'aider je vous

 22   serait reconnaissante.

 23   M. le Président: Merci, Madame Somers.

 24   C'est vrai, Monsieur Stojanovic, que l'on ne voit pas quelque chose dans

 25   l'image.


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  1   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas suivi

  2   le transcript. Je regarde l'image, je n'ai pas remarqué de quelle manière

  3   les interprètes avaient interprété. Je n'ai pas dit que la main était

  4   levée, mais j'ai dit que la salutation oustachie était la même que celle

  5   employée par des Nazis, sauf en ce qui concerne les Nazis on disait "Heil

  6   Hitler", et en ce qui concerne les Oustachis on disait "Spremena" avec la

  7   main levée. Ici, la main n'est pas levée, mais nous pouvons lire

  8   "Spremena".

  9   Et d'habitude, quand on prononce "Spremena", on lève la main, mais

 10   personnellement je n'ai pas dit que la main du soldat était levée.

 11   M. le Président: Madame Somers?

 12   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 13   Dans ce cas-là, je suppose que Me Stojanovic se reprend s'agissant de son

 14   commentaire ligne 22 lorsqu'il a dit d'après le compte rendu que le soldat

 15   a le bras tendu.

 16   M. Stojanovic (interprétation): Vraiment, Monsieur le Président, je ne

 17   l'ai pas dit, son bras n'est pas tendu mais à côté de son corps. Mon

 18   commentaire portait simplement sur le fait que ces mots s'accompagnent par

 19   un bras tendu tout comme dans l'Allemagne nazie à l'époque, mais parfois

 20   on peut le faire aussi sans tendre le bras, mais j'accepte qu'il faut

 21   corriger le transcript.

 22   M. le Président: Il faudrait sur ce point aller plus directement aux

 23   lignes de défense de votre client, M. Zigic, s'il vous plaît.

 24   M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 25   Un seul commentaire supplémentaire en ce qui concerne cette


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  1   représentation.

  2   «Je suis un Oustachi, je suis un Oustachi» crie aussi Slavko Ecimovic, le

  3   leader de l'attaque contre Prijedor le 30 mai 1992, même à Omarska, c'est

  4   d'ailleurs ce que nous a dit le témoin de l'accusation Azedin Oklopcic qui

  5   a déposé le 15 mai 2000.

  6   Nous pouvons maintenant retirer cette image du rétroprojecteur.

  7   (l'huissier s'exécute.)

  8   M. Stojanovic (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, nous

  9   sommes en train de vérifier le compte rendu d'audience.

 10   M. Riad (interprétation): Excusez-moi, pour que je comprenne bien, est-ce

 11   que les Oustachis correspondaient aux Croates ou bien aux Musulmans, ou

 12   bien les deux?

 13   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Juge, les membres du mouvement

 14   oustachi étaient surtout des Croates. Mais une partie des Musulmans ont

 15   rejoint les rangs de ce mouvement. D'autres musulmans ont rejoint les

 16   rangs des partisans organisés par les Communistes. Les Musulmans étaient

 17   de tous les côtés. Mais en ce qui concerne la partie des Musulmans qui ont

 18   rejoint les rangs des Oustachis, justement par le biais de cette Division

 19   Handzar, ont bénéficié de la pire réputation possible, mais il s'agissait

 20   là d'une toute petite partie du peuple musulman.

 21   M. Riad (interprétation): Merci.

 22   M. Stojanovic (interprétation): Conformément à une telle propagande, des

 23   décisions politiques ont été prises également.

 24   La Bosnie-Herzégovine est constituée de trois peuples constitutifs: les

 25   Musulmans bosniaques, les Serbes et les Croates, conformément à la


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  1   constitution de cette République.

  2   Pour prendre les décisions les plus importantes, il est nécessaire de

  3   procéder par le biais du consensus de tous les peuples constitutifs.

  4   Cependant la coalition croato-musulmane, sous l'égide des partis

  5   nationalistes, interprète cette constitution comme s'il s'agissait d'un

  6   jeu de carte appelé préférence où deux personnes jouent toujours ensemble

  7   dans le but de faire tomber le troisième. Conformément à une telle

  8   interprétation de la constitution, ils disent au troisième peuple:

  9   «Conformément à notre ordre et contrairement à votre volonté, vous n'allez

 10   plus être ce que vous êtes, et ce que vous souhaitez être, à savoir les

 11   Yougoslaves, même si vous l'êtes de naissance».

 12   Ils disent ensuite: «Peuple serbe, contrairement à volonté, votre

 13   président sera une personne qui a publié, dans une œuvre appelée «La

 14   déclaration islamiste» dès l'année 1975, que, je cite: il ne peut pas y

 15   avoir de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les

 16   sociétés, les institutions politiques non islamiques". Fin de citation.

 17   Raison pour laquelle, en tant que fondamentaliste musulman, il a passé dix

 18   ans en prison. Bien sûr, nous sommes en train de parler de M. Alija

 19   Izetbegovic.

 20   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, mettez-vous à la

 21   place de ces malheureux. Et réfléchissez! Quelle est l'option qu'a pu

 22   choisir une masse énorme de ce peuple, dans un tel contexte politique et

 23   historique.

 24   D’une certaine manière, les accords de Dayton, eux aussi, ont accepté de

 25   telle décision du peuple serbe en tant que légitimes. La guerre qui a


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  1   précédé Dayton a été menée par deux camps. D'un côté, celui qui en temps

  2   de guerre s'opposait de toutes ses forces aux solutions adoptées par les

  3   accords de Dayton, c'est-à-dire qui optait pour la Bosnie-Herzégovine

  4   unitaire, et ce camp était représenté par la coalition croato-musulmane.

  5   Et d’autre part, ceux qui cherchaient la solution dans les lignes des

  6   accords de Dayton, c’est-à-dire les Serbes.

  7   Donc les Serbes se sont vus contester par la force les droits et les buts

  8   qui ont été reconnus par l’accord de Dayton.

  9   Il est nécessaire de comprendre que cette partie de ma présentation ne

 10   doit absolument pas se refléter sur le plan des passions nationalistes

 11   exacerbées. Mais je présente ces éléments politiques et historiques à

 12   cause de leur influence sur l'existence éventuelle de l'acte criminel des

 13   persécutions. C'est pourquoi il est nécessaire de dire quelques mots de

 14   plus concernant les persécutions sur le territoire de la Bosnie-

 15   Herzégovine, dont le Procureur a parlé en termes unilatéraux et

 16   simplifiés.

 17   L'excellent expert en la matière, qui faisait partie de l'administration

 18   du Président des Etats-Unis, George Bush Senior, M. George Kenney, dans

 19   son article intitulé: “Enlever les stores donnant sur la Bosnie”, publié

 20   dans le Los Angeles Times en date du 5 juin 1997, en dit long. Sur la base

 21   de cet article, il est clair que, si l'on se fonde sur le nombre des

 22   réfugiés, nous pouvons conclure que le peuple le plus persécuté en Bosnie-

 23   Herzégovine était le peuple serbe.

 24   Nous souhaitons verser au dossier cet article en tant que pièce à

 25   conviction de la défense D6/4. Je dispose du nombre d'exemplaires


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  1   suffisant de cet article.

  2   (L'huissier s'exécute.)

  3   La Bosnie-Herzégovine, si vous me le permettez, est un Etat constitué de

  4   la Bosnie et de l’Herzégovine.

  5   La capitale de cet Etat est Sarajevo, qui est d'ailleurs la capitale de la

  6   partie de cet Etat qui s'appelle la Bosnie. Dans cette ville, avant la

  7   guerre, vivaient plus de 150.000 Serbes. Aujourd'hui, il n'y en a pas.

  8   Après la guerre, seulement quelques milliers sont restés.

  9   La capitale de l’Herzégovine est Mostar. Avant la guerre, chaque peuple y

 10   était représenté en un tiers. C'était le centre de la culture et du

 11   commerce serbe. Avant la guerre, presque 35.000 Serbes y vivaient. Après

 12   la guerre, environ 400.

 13   Où sont donc les Serbes en Bosnie-Herzégovine?

 14   La capitale de l’Herzégovine a été nettoyée plus tôt et plus profondément

 15   par rapport aux autres villes. Cependant, le Procureur ne donnera aucune

 16   information à ce sujet-là au Tribunal. Le Tribunal ne recevra non plus

 17   aucune information concernant les camps pour les Serbes dans cette partie

 18   de la Bosnie-Herzégovine, comme Dre Telj, qui a été créé dès le 4 avril

 19   1992 et dont très peu de personnes ont survécu.

 20   Nous pouvons apprendre quelque chose sur la base de l'affaire du camp de

 21   Celebici qui a été créé dans la municipalité de Konjic, où avant la guerre

 22   vivaient 7.700 membres du groupe ethnique serbe, alors qu'après la guerre

 23   seulement 280 Serbes y sont restés.

 24   Il est intéressant de noter également que le camp de Celebici a été fondé

 25   un peu plus tôt par rapport à tous les camps qui ont existé sur le


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  1   territoire de la municipalité de Prijedor et que ce camp existait jusqu'à

  2   la fin 1992.

  3   De telles migrations ont dû provoquer le transfert des Serbes dans

  4   d'autres parties du pays et l'arrivée des membres d’autres groupes

  5   ethniques à la place où, eux, avaient vécu. Ces nouveaux venus avaient dû

  6   quitter leur foyer qui se trouvait dans d'autres parties de ce même Etat.

  7   Dans de telles situations, les persécutions ont pour conséquence

  8   nécessaire la pression exercée sur les membres du peuple qui effectuent

  9   les persécutions par les personnes qui ont été persécutées dans la région

 10   où ces deuxièmes sont les plus fortes. D'habitude, il ne s'agit pas d'une

 11   vengeance, mais tout simplement d'une recherche de refuge et du fait de

 12   sauvegarder sa propre vie, de trouver un toit au-dessus de sa tête.

 13   La ville la plus proche de Prijedor est Sanski Most qui se trouve à une

 14   distance d’environ 30 kilomètres. Avant la guerre, la majorité de la

 15   population était serbe. Après la guerre, il n'y a même pas quelques pour

 16   cent de Serbes, tous les autres sont musulmans. Pourquoi les Musulmans s’y

 17   trouvent aujourd'hui et pourquoi n'y a-t-il plus de Serbes là-bas? Il est

 18   certain que là-dedans il est possible également de trouver une partie de

 19   la réponse à la question de savoir: qu'est-ce qui est arrivé à la

 20   population vivant dans cette région?

 21   Cependant, du point de vue juridique, nous souhaitons surtout souligner

 22   que tout conflit de ce genre, notamment un conflit armé, contient par

 23   définition les persécutions. Il n'existe pas de conflit de ce genre qui ne

 24   contienne pas de manière intrinsèque les persécutions. Ceci devient de

 25   plus en plus clair si l'on proclame que des cibles civiles sont les cibles


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  1   militaires légitimes.

  2   C'est pourquoi la défense va certainement insister sur une définition

  3   juridique de la persécution en tant que notion, qui sera différente par

  4   rapport aux éléments et inhérente à tout conflit armé.

  5   Nous allons également prendre en considération la cause de la création des

  6   centres d'instruction ou, comme l'autre partie les appelle, des camps dans

  7   ce contexte et de ce point de vue-là.

  8   D'après la défense, il est possible de trouver beaucoup plus d'arguments

  9   prouvant que les centres d'instruction, ou bien les camps, ont été créés

 10   en raison de ce qui s’est passé le 30 mai et non pas le 30 avril 1992.

 11   Nous pensons qu'il est surtout possible de conclure que la raison

 12   principale de leur création a été l'attaque contre la ville de Prijedor et

 13   non pas la prise de contrôle effectuée par les Serbes.

 14   En ce qui concerne la prise de pouvoir serbe à Prijedor, nous ne pouvons

 15   certainement pas dire qu'elle était légale, mais s'agissant de sa

 16   légitimité, nous pouvons même nous référer aux accords de Dayton. Ce qui

 17   est le plus important, c'est de noter que ceci a été effectué par le biais

 18   de l'organisation des plus hauts représentants des pouvoirs serbes à

 19   Prijedor et sans la moindre effusion de sang.

 20   Mis à part cela, les autorités de Sarajevo, qui ne contenaient plus de

 21   représentants serbes, se sont vues dépourvues de leur propre légitimité.

 22   D'autre part, l'attaque contre la ville de Prijedor, en date du 30 mai

 23   1992, n'était ni légale ni légitime. Slavko Ecimovic se trouvait à la tête

 24   de cette attaque. Or cette personne s'était proclamée elle-même en tant

 25   qu'Oustachi et a été aidée en grande mesure par Ismet Mesic, surnommé


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  1   "Hadzija", qui était le patron du milieu criminel local. Cette attaque a

  2   eu pour conséquence de nombreuses victimes, des dizaines de morts,

  3   beaucoup de blessés et beaucoup de destructions.

  4   Derrière cette attaque contre la ville de Prijedor ne se trouvent même pas

  5   les autorités de Sarajevo, d'après les dires du témoin Azedin Oklopcic qui

  6   a déposé devant ce Tribunal le 15 mai 2000. Finalement, comme nous pouvons

  7   le voir sur la base de la pièce à conviction de l'Accusation, par le biais

  8   de la décision prise par le chef du centre de sécurité de Prijedor Simo

  9   Drljaca, le centre d'instruction Omarska a été créé pratiquement en tant

 10   que réponse à cette attaque justement le 31 mai 1992; c'est à partir de ce

 11   moment-là que l'on commence à remplir en masse les capacités d'Omarska et

 12   de Keraterm.

 13   Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, c'est dans un tel

 14   tourbillon de guerre et dans un tel entourage que s'est trouvé Zigic

 15   Zoran, l'accusé ici présent, l'homme qui avant la guerre n'avait aucun

 16   casier judiciaire mais qui a cependant vécu une vie mouvementée, ce qui a

 17   été lié en grande partie à son métier ou à ses métiers différents. Dans le

 18   temps, c'était un musicien, mais aussi un chauffeur, chauffeur de taxi

 19   notamment. Il s'agissait en réalité d'une sorte de vie bohème. D'autre

 20   part, il a provoqué de nombreuses rumeurs, ragots et histoires racontés à

 21   son sujet dans un milieu provincial tel que Prijedor.

 22   Surtout, étant donné que M. Zigic partageait les points de vue modernes

 23   d'un jeune homme moderne, il se différenciait par rapport aux autres qui

 24   faisaient partie de ce milieu provincial. Malheureusement, une telle vie a

 25   provoqué en lui une passion, nous dirions même une "maladie", qui a créé


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  1   en lui une personnalité double. Il s'agissait de la consommation excessive

  2   d'alcool, mais aussi de l'emploi de drogues douces. La guerre a intensifié

  3   tout cela, ce qui est d'ailleurs tout à fait logique et attendu,

  4   s'agissant de personnes ayant déjà une telle prédisposition. L'expertise

  5   effectuée par deux psychiatres allemands en témoigne d'ailleurs. Cette

  6   expertise -nous allons certainement par la suite demander qu'elle soit

  7   versée au dossier-, de nombreux témoins de l'accusation en témoignent eux

  8   aussi. C'est là qu'il faut trouver les causes de ces excès. Il ne s'agit

  9   ni de la politique, ni de l'idéologie, ni de l'intolérance par rapport aux

 10   autres peuples.

 11   Zoran Zigic ne s'intéressait pas du tout à la politique. Il n'a jamais été

 12   membre d'un quelconque parti politique. Or il faut savoir qu'il n'existe

 13   presque pas de personnes en ex-Yougoslavie qui n'ont jamais été membres

 14   d'aucun parti politique. Surtout il n'a jamais été membre du SDS.

 15   Nous souhaitons soumettre en tant que pièce à conviction qui le prouve le

 16   certificat en date du 01/99 en date du 12 janvier 99 et nous souhaitons

 17   que ceci soit versé au dossier en tant que pièce à conviction de la

 18   défense D 7/4.

 19   Mme Somers (interprétation): Nous souhaitons avoir en un peu de temps pour

 20   exprimer notre objection.

 21   M. le Président: D'accord, allez-y. J'attendais la traduction.

 22   Mme Somers (interprétation): Merci.

 23   Conformément à l'Article 84, avant la présentation des moyens de preuve

 24   par le Procureur, chaque partie peut procéder à la déclaration liminaire.

 25   La défense peut décider de le faire après la fin de la présentation des


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  1   moyens de preuve du Procureur et avant de présenter elle-même ses propres

  2   moyens de défense. Il s'agit d'un moment qui n'est pas approprié au

  3   versement au dossier des moyens de preuve. Si par la suite la défense

  4   souhaite le faire, elle peut faire venir un témoin et peut-être le

  5   Procureur changera d'avis, mais au cours de la déclaration liminaire,

  6   conformément à l'Article 84, nous nous opposons au versement au dossier

  7   des pièces à conviction de la défense. Ceci se réfère également à

  8   l'article de M. Kenney. Nous allons objecter par rapport à cela aussi,

  9   mais nous souhaitions éventuellement exprimer cette objection à la fin de

 10   la déclaration liminaire.

 11   Merci.

 12   M. le Président: Maître Stojanovic?

 13   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai l'impression

 14   que nous lisons les Articles du Règlement d'un autre point de vue. Nous

 15   considérons que nous pouvons proposer le versement au dossier et qu'il

 16   revient à la Chambre de décider. Je ne vois pas de raison pour laquelle il

 17   n'est pas possible de verser au dossier cela en ce moment. Est-ce que le

 18   Procureur souhaite que l'on fasse venir M. George Kenney pour qu'on verse

 19   son article au dossier ou faut-il faire cela par le biais de la déposition

 20   d'un témoin de Prijedor. Compte tenu du fait que Zigic ne déposera pas,

 21   nous ne pourrons pas verser au dossier le certificat du SDS par le biais

 22   de sa déposition à lui, à mon avis chaque pièce à conviction si l'on

 23   respecte l'autre partie et si l'on donne la possibilité à l'autre partie

 24   de s'exprimer à ce sujet là, à mon avis nous pouvons à tout moment

 25   proposer cela. Il revient aux Juges de décider.


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  1   M. le Président: L'opportunité à l'autre partie, de donner l'opportunité à

  2   l'autre partie de se prononcer maintenant. Vous êtes à faire une

  3   déclaration liminaire, c'est-à-dire que c'est une déclaration, c'est une

  4   déclaration qui n'est pas contestable à ce moment.

  5   Voyez, Maître Stojanovic, c'est une déclaration liminaire, ce n'est pas

  6   pour faire des échanges avec l'autre partie, donc je crois que vous

  7   devriez vous réserver l’opportunité de verser après.

  8   Mais, de toute façon, continuez, s'il vous plaît, on verra à la fin.

  9   Mme Wald (interprétation): J'aimerais apporter un éclaircissement. Je

 10   suppose qu’il n’y a aucun problème à ce que Maître Stojanovic fasse

 11   référence à cela, car M. Niemann a fait référence à des centaines de

 12   documents dans sa déclaration liminaire, en tout cas à des dizaines et des

 13   dizaines. Il est peut-être exact cependant que ces documents doivent être

 14   versés au dossier plus tard.

 15   Mais il y a un précédent, donc je pense qu'il est tout à fait acceptable

 16   que l'on annonce qu’un document va être versé au dossier.

 17   Mme Somers (interprétation): Oui, absolument, Madame la Juge.

 18   M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald, d’avoir rappelé

 19   cela. Moi-même, je l’avais à l’esprit.

 20   Allez-y, Maître Stojanovic. Nous sommes quand même pressés d'atteindre vos

 21   moyens de preuve. La déclaration liminaire, c'est pour encadrer du point

 22   de vue pratique. A mon avis, c’est la façon dont je la comprends, pour

 23   encadrer la présentation des moyens à charge.

 24   Donc si vous pouvez aller un peu plus vite... Maintenant, de combien de

 25   temps avez-vous besoin, plus ou moins, pour terminer?


Page 9437

  1   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je crois que

  2   j'aurais encore besoin de trente minutes, au maximum.

  3   M. le Président: Nous devons faire une pause maintenant, car nous avons

  4   déjà fait une heure et demie.

  5   J'attendais que vous finissiez avant la pause, mais il faut quand même

  6   optimiser le temps, Maître Stojanovic. J'espère qu'après vous ne

  7   demanderez pas du temps parce que vous n’en aurez pas eu suffisamment.

  8   Donc il faut bien en profiter.

  9   Nous allons faire une pause de trente minutes maintenant.

 10   (L’audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 25.)

 11   (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

 12   M. le Président: A l'attention des accusés, veuillez vous asseoir.

 13   Maître Stojanovic, pouvez-vous continuer votre déclaration préliminaire,

 14   s'il vous plaît?

 15   M. Stojanovic (interprétation): Je vous remercie encore une fois, Monsieur

 16   le Président.

 17   Je vais essayer d'accélérer les choses, mais je tiens compte du fait qu'il

 18   s'agit d'un texte quelque peu complexe, ce qui constitue un effort

 19   supplémentaire pour nos interprètes. C'est pour cela que j'ai présenté la

 20   première partie de manière un peu plus lente. Il nous reste encore quinze

 21   à vingt minutes de travail de ce genre.

 22   Nous avons parlé de la personnalité de M. Zigic et je souhaite poursuivre.

 23   Pendant qu'il était sous l'emprise de l'alcool, il a commis des excès en

 24   se faisant des ennemis. Cependant, s'agissant de ses excès, il les a

 25   commis complètement indépendamment de l'appartenance ethnique des


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  1   personnes avec lesquelles il entrait en conflit et même indépendamment de

  2   la question de savoir s'il s'agissait du temps de paix ou du temps de

  3   guerre. Le tout dépendait de l'alcool, l'alcool en tant que la cause de

  4   ses excès primait sur tout autre cause. Le fait que ceci est vrai est

  5   évident également sur la base de l'excès qui a fait en sorte que Zigic

  6   aboutisse en prison à Banja Luka en 1993. En effet, même avant qu'un

  7   jugement ayant la force de la loi ne soit rendu par les tribunaux de Banja

  8   Luka, il a demandé à être transféré à La Haye et est jugé au terme de

  9   l'Acte d'accusation dressé par ce Tribunal. Il a commis un acte criminel à

 10   l'encontre des membres du groupe ethnique serbe sans aucune motivation,

 11   sans aucune raison, sans même se souvenir de ce qu'il a fait et de ce qui

 12   s'était passé en réalité.

 13   Comme nous l'avons déjà constaté, le hasard a voulu que les Serbes soient

 14   peut-être les plus grandes victimes de ses excès. Cependant, ses excès

 15   commis à l'encontre des membres du groupe ethnique serbe n'ont pas été

 16   présentés ou bien, pis encore, parfois ils ont été présentés de manière

 17   erronée même devant ce Tribunal. C'est ainsi qu'il s'est produit de

 18   nombreuses fois la situation lors de laquelle M. Zigic s'est mis à se

 19   disputer, à crier, à jurer et même à battre des personnes d'appartenance

 20   ethnique serbe, mais aussi d'autres appartenances ethniques, qui se sont

 21   retrouvées à Keraterm à cause de quelque chose qu'elles avaient à faire

 22   là-bas et non pas en tant que détenues.

 23   Nous pouvons parler dans ce contexte de son conflit avec Zivko Knezevic,

 24   l'un des dirigeants de Keraterm, qui avait interdit que l'on apporte des

 25   colis de nourriture aux détenus, ce qui a provoqué une réaction


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  1   extrêmement véhémente de Zigic.

  2   Cependant, même dans de telles situations, le commentaire fait par les

  3   témoins de l'accusation était toujours: "Zigic insulte et bat les

  4   détenus", encore une fois. Même s'agissant de ses rapports de famille

  5   privés, ils ont été interprétés en tant que crimes de guerre. C'est de

  6   cette manière-là qu'on a interprété -en exagérant les choses énormément-

  7   son rapport de famille vis-à-vis de son "kum", son témoin de mariage,

  8   Hasan Karabasic, à Trnopolje, même si même les témoins de l'Accusation

  9   indiquent que Zigic prenait soin de son "kum" pendant que celui-ci était

 10   détenu à Keraterm et qu'il lui apportait des colis.

 11   Parmi les traits de personnalité de Zigic de l'époque, traits de

 12   personnalité importants, on peut parler du fait qu'avoir un supérieur ne

 13   signifiait rien pour lui et lui non plus n'aimait pas être supérieur par

 14   rapport à qui que ce que soit, donc il n'aimait pas être subordonné à

 15   l'autorité de quelqu'un, mais il n'aimait pas être en position de force,

 16   d'autorité, par rapport aux autres non plus. Or un tel trait de

 17   personnalité n'est absolument pas typique, s'agissant des criminels de

 18   guerre.

 19   La défense a montré plusieurs fois que Zigic, le 29 mai 1992, a été

 20   grièvement blessé. Notre témoin et expert, le docteur Mirko Barudzija, en

 21   dira beaucoup plus. Cette blessure qui a eu pour résultat l'amputation

 22   d'une partie de l'index de sa main gauche a une certaine importance sur

 23   plusieurs aspects de cette affaire.

 24   Premièrement, pendant longtemps, Zigic ne pouvait pas tabasser qui que ce

 25   soit en utilisant cette main alors que, lorsque d'autres parties de son


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  1   corps subissaient un effort important, cette blessure lui provoquait des

  2   douleurs également.

  3   Deuxièmement, si l'on parle des caractéristiques psychiques de Zigic, il

  4   faut savoir que le fait d'avoir perdu l'index de sa main gauche a provoqué

  5   des troubles en lui pendant longtemps, surtout compte tenu du fait que,

  6   pendant un certain temps, il gagnait sa vie en tant que guitariste.

  7   Finalement, cette blessure permettait aussi d'identifier facilement Zigic;

  8   il est possible de constater que de nombreux témoins de l'accusation ont

  9   commis une grande erreur en parlant de ceci, à savoir qu'ils n'ont pas

 10   identifié Zigic au cours de l'acte criminel prétendu.

 11   Le docteur Barudzija fera une présentation des faits accompagnée par les

 12   dossiers médicaux correspondants; il montrera également que Zigic porte sa

 13   cicatrice sur le menton depuis le 19 août 1992, donc le Procureur devra

 14   expliquer de quelle manière plusieurs témoins qui ont été cités à la barre

 15   et qui ont déposé ici pouvaient maintenir la déclaration selon laquelle,

 16   au moment de la commission des actes criminels en juin et juillet 1992,

 17   ils ont pu reconnaître Zigic sur la base de sa cicatrice caractéristique

 18   sur le menton.

 19   Comme nous l'avons déjà constaté, la consommation des stupéfiants a créé

 20   une double personnalité en M. Zigic. Nous avons déjà parlé de la première

 21   de ces personnalités. Cependant, en étant sobre, il donnait, partageait ce

 22   qu'il avait sans réserve à tout le monde, sans aucune contrepartie, sans

 23   tenir compte de l'appartenance ethnique des personnes, et ce tant en temps

 24   de guerre qu'en temps de paix. La nourriture, les cigarettes et tout le

 25   reste dont il disposait, il les donnait sans tenir compte de leur valeur


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  1   et de ses propres besoins.

  2   S'agissant de cet autre aspect de la personnalité de Zigic, de temps en

  3   temps, un certain nombre des témoins de l'accusation ont quelque chose

  4   mais ce sont surtout les témoins de la défense qui en diront beaucoup

  5   plus.

  6   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, depuis 1993, donc

  7   depuis l'incarcération de Zoran Zigic, il ne boit pas et il ne consomme

  8   pas de drogue.

  9   Les témoins de l'accusation ont eu l'occasion de vous parler d'une

 10   certaine personnalité et c'est sur la base de ces déclarations-là que

 11   l'Acte d'accusation a été dressé. Cependant, en ce moment, vous avez

 12   devant vous une deuxième personnalité en la même personne que vous devez

 13   juger. Vous avez une personne qui est prête à coopérer et qui est capable

 14   de se réinsérer dans la société, comme le confirment d'excellents experts

 15   psychiatres d'Allemagne, que le Greffe de ce Tribunal a nommés.

 16   Cependant, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, l'histoire

 17   concernant la personnalité de M. Zigic ne constitue pas une demande de

 18   pitié mais une demande de justice et de vérité. Or nous sommes convaincus

 19   qu'il sera prouvé qu'il est vrai que M. Zigic ne persécutait pas la

 20   population non serbe, qu'il ne commettait pas de meurtre et qu'il n'a pas

 21   commis de nombreux autres actes criminels qui lui sont reprochés dans le

 22   cadre de l'Acte d'accusation. Cependant, il ne faut pas prier qu'un

 23   Tribunal rende la justice et atteigne la vérité, l'on s'y attend.

 24   Cependant, l'affaire Zigic est tellement complexe que nous considérons

 25   qu'il est vraiment nécessaire de lui prêter une attention toute


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  1   particulière, de même qu'un effort et une compréhension supplémentaire.

  2   J'espère profondément que la défense, par le biais de la présentation de

  3   ses moyens de preuve, aidera la Chambre de Première instance à en

  4   apprendre plus concernant le contexte des faits et à obtenir plusieurs

  5   alternatives juridiques, et que la défense donnera à la Chambre de

  6   Première Instance ce à quoi la Chambre s'attend. Les obligations de la

  7   défense vis-à-vis de la Chambre de Première Instance doivent servir à ce

  8   qu'une bonne décision, bonne et appropriée, soit prise.

  9   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je souhaite me

 10   réserver la possibilité de présenter d'autres arguments au moment de la

 11   plaidoirie et je souhaite ainsi terminer cette déclaration liminaire. Je

 12   vous remercie.

 13   M. le Président: Je vous remercie, Maître Stojanovic.

 14   Maintenant, la suite?

 15   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, nous appelons à la

 16   barre notre premier témoin qui est Mme Soka Sikic.

 17   Avec votre autorisation, je demanderais que mon confrère Me Deretic

 18   m'apporte son aide dans le travail qui est le nôtre.

 19   M. le Président: Oui, Maître Stojanovic.

 20   J'avais une question... De toute façon, je vois Madame Somers, je vais lui

 21   donner la priorité.

 22   Vous avez la parole, Madame Somers.

 23   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 24   Je voudrais demander un éclaircissement au sujet de la prononciation du

 25   nom de famille de ce témoin. Son nom de famille est-il Sikic ou Zigic?


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  1   Pouvez-vous confirmer cela? C'est important.

  2   Je demanderais à ce que vous-même, Monsieur le Président, vous vouliez

  3   demander au conseil de la défense de confirmer quel est le nom de famille

  4   exact.

  5   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, le nom est Sikic,

  6   mais j'ai utilisé l'ordinateur de la salle de la défense et je n'avais pas

  7   toutes les lettres de notre alphabet à ma disposition. Le nom est Sikic.

  8   Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup.

  9   M. Riad (interprétation): Maître Stojanovic, j'aimerais vous demander de

 10   commenter votre façon d'illustrer le dessein commun. Vous avez dit que

 11   peut-être le dessein commun de toutes les personnes travaillant ici, à

 12   savoir la défense, le Procureur et autres, consistait à dépenser l'argent

 13   des Nations Unies. Peut-être pourriez-vous vous corriger et ajouter que la

 14   volonté commune est d'obtenir que la justice soit rendue? C'est cela qui

 15   constitue le dessein commun.

 16   Mais même si ce que vous avez dit au sujet de ce dessein commun était

 17   exact, ce n'est pas un dessein criminel, n'est-ce pas? Merci.

 18   M. le Président: Maître Stojanovic, sur votre liste des témoins, je vois

 19   bien le nom "Sikic Soka".

 20   J'avais l'idée que vous alliez donner l'opportunité ou que M. Zigic,

 21   l'accusé, voudrait faire une déclaration. Est-ce que je me trompe?

 22   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, vous avez tout à

 23   fait raison. Cela fait partie des questions auxquelles j'ai réfléchi avant

 24   ma déclaration liminaire et j'ai donc omis d'en parler.

 25   Nous aimerions demander une décision à la Chambre. En effet, nous avons


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  1   reçu une objection de l'accusation qui s'oppose à cela. Si vous m'accordez

  2   votre patience encore quelques instants, j'aimerais pouvoir m'exprimer en

  3   quelques mots pour dire en quoi je considère qu'une telle intervention de

  4   l'accusé pourrait être utile.

  5   Le Procureur estime, si j'ai bien interprété son objection, qu'une telle

  6   intervention de l'accusé pourrait entraver la décision de la Chambre. Nous

  7   pensons que c'est le contraire qui est exact.

  8   En effet en août 2000, Zigic a fait une déclaration devant des

  9   psychiatres, des experts nommés par le Greffe, qui l'ont informé qu'il

 10   n'était pas obligé de préserver la confidentialité de ce qu'il leur

 11   disait. M. Zigic a avoué certains actes mineurs qui lui sont reprochés.

 12   Après cela, la défense de M. Zigic a demandé que ce rapport d'expert, dans

 13   lequel se trouvent ces aveux mineurs, soit versé au dossier, ce qui montre

 14   bien que Zigic est tout à fait juste dans ses décisions. Par ailleurs,

 15   cela fait déjà plus d'un an que dans ce prétoire nous regardons M. Zigic.

 16   Je demande donc pour quelle raison nous ne devrions pas entendre également

 17   sa voix et l'entendre exprimer ses pensées.

 18   Je pense que cela permettrait à la Chambre de se faire une idée plus

 19   exacte de la personnalité de cet homme que les Juges ne font que regarder

 20   depuis un an, une idée positive ou une idée négative.

 21   Pour ce qui nous concerne, ce que nous désirons c'est que les Juges

 22   puissent voir et entendre cet homme parler de ce qui va déterminer son

 23   destin.

 24   Quant à la crédibilité de ses déclarations, c'est une question tout à fait

 25   différente, mais nous estimons qu'il n'y a pas de différence pratique


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  1   importante entre cette façon pour l'accusé de s'exprimer et la façon de

  2   s'exprimer qu'il pourrait choisir s'il était témoin, compte tenu du fait

  3   qu'il plaide non coupable.

  4   Est-ce que l'accusé témoin va s'accuser lui-même? Et dans quelle mesure le

  5   jugement des Juges s'appuiera sur la déclaration d'un accusé témoin qui

  6   plaide non coupable? C'est la question qu'il est permis de se poser.

  7   Monsieur Zigic se rend bien compte que s'il opte pour une déclaration il

  8   n'y aura pas contre-interrogatoire.

  9   Mais il est également au courant du fait que la Chambre de première

 10   instance a toute latitude pour circonscrire l'objet de sa déclaration à

 11   son gré.

 12   Et M. Zigic est tout à fait d'accord pour respecter les limites qui lui

 13   seront imposées par la Chambre.

 14   Notre façon d'interpréter l'Article 84 bis se distingue quelque peu de

 15   l'interprétation qui est donnée à cet article par le Procureur. Nous

 16   estimons qu'il n'est pas exclu pour l'accusé de faire une déclaration sous

 17   serment, mais simplement que rien ne force l'accusé à faire une telle

 18   déclaration.

 19   Donc nous estimons qu'il serait très utile pour la Chambre de première

 20   instance d'entendre l'accusé s'exprimer de cette façon aujourd'hui.

 21   Mais cela pose toutefois un petit problème technique. Je pense que

 22   l'esprit du Règlement indique qu'une telle déclaration devrait être faite

 23   au début de la présentation des éléments de preuve de la défense, et cela

 24   je le crains risque de perturber un petit peu l'ordre d'audition des

 25   témoins.


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  1   Donc nous aimerions demander à la Chambre que l'accusé puisse s’exprimer

  2   au moment qui aurait été prévu pour l'entendre en tant que témoin ou à

  3   quelque autre moment que ce que soit qui pourrait devenir utilisable,

  4   compte tenu par exemple de l'indisponibilité d'un témoin.

  5   M. le Président: Madame Somers, il y a ici deux questions, la possibilité

  6   de faire une déclaration et l'opportunité de l'affaire.

  7   S'il vous plaît, vous avez la parole.

  8   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, la semaine dernière le

  9   Procureur a fait connaître sa position quant au moment où la déclaration

 10   prévue à l’Article 84 bis peut se situer, ce qu'on appelle souvent la

 11   déclaration ad hoc.

 12   Le Procureur estime que la requête qui est présentée maintenant par

 13   l'accusé Zigic, et hors contexte, n'a ah été présentée au bon moment, et

 14   donc qu'il est impossible d'y satisfaire.

 15   L'objet de l'Article 84 bis consiste à permettre une déclaration qui

 16   circonscrive un certain nombre d'éléments factuels. Et donc elle est

 17   censée se situer immédiatement après la déclaration liminaire du

 18   Procureur, c'est-à-dire en février 2000, à moins que la défense ne renonce

 19   à certains de ses droits de présenter sa propre déclaration liminaire.

 20   Autoriser l'accusé Zigic à bénéficier d'une possibilité de manipulation,

 21   compte tenu qu'il s'exprimerait un an après le début de l'audition des

 22   témoins, et l'autoriser à s'exprimer, en outre, à la fin de la

 23   présentation des éléments de preuve de la défense, ce qui permettrait des

 24   manipulations supplémentaires, ne correspond pas à l'objet poursuivi par

 25   le Règlement, qui pour notre part fait partie, s'intègre bien à la


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  1   jurisprudence qui constitue la pratique courante devant les tribunaux

  2   européens ou continentaux de façon générale.

  3   Zigic n'a pas pour intention de parler sans contre-interrogatoire. Son

  4   objectif, qui est clair compte tenu du moment où il demande à s’exprimer,

  5   et de ce qu’a dit le témoin 21, consiste à montrer que le contre-

  6   interrogatoire ne lui convient pas. Et le fait que cela ne lui convienne

  7   pas, n'a rien à voir avec le Règlement. C'est donc pour lui une façon de

  8   contourner la signification exacte de l'Article 84 du Règlement et cela

  9   constitue purement et simplement une manoeuvre.

 10   Il est exact que l'indication d'une intention de témoigner en application

 11   de l'Article 85 B), qui correspond à la position défendue par le

 12   Procureur, est la seule possibilité pour Zigic puisqu'il n'est plus dans

 13   les délais prévus par l'Article 84 bis.

 14   Et l'accusé a toute liberté de comparaître en tant que témoin, mais cela

 15   signifie qu'il renonce à l’application de l'Article 84 bis, puisqu'il

 16   n'est plus dans les délais prévus.

 17   Donc les experts sont là, ils vont s’exprimer. Et il n'y a pas eu jusqu'à

 18   présent de précédent consistant à satisfaire à une demande comme seule qui

 19   est faite à cette Chambre de première instance, donc demande de

 20   déclaration sous serment, qui risquerait de voir le Tribunal s’écarter

 21   très largement de la signification exacte de l’Article 84 du Règlement.

 22   M. le Président: Maître Stojanovic, avez-vous une réponse très rapide?

 23   M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je peux

 24   répliquer effectivement.

 25   Je suis ici, je m'exprime au nom de l'accusé Zigic et le Procureur n'a pas


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  1   le droit de me contre-interroger, donc je ne vois pas ce qu'il y a de

  2   répréhensible à cela, je ne vois pas pourquoi Zigic ne pourrait pas parler

  3   en son propre nom. C'est mon premier argument.

  4   Deuxième argument, si Zigic pouvait dire quelque chose en rapport avec les

  5   faits à une date tardive, je pense que les Juges ont toute latitude pour

  6   déterminer le poids d’une telle déclaration qu'ils pourraient même

  7   considérer comme une déclaration accusatoire.

  8   Et je répète qu'entendre l'accusé Zigic parler d'un certain nombre

  9   d'éléments qui ont une influence importante sur son avenir, sur son

 10   destin, nous pourrions même parler d’un certain nombre de faits qui ne

 11   seraient pas tout à fait pertinents, mais je crois que nous nous

 12   concentrerions sur les faits qui sont reprochés à l'accusé, enfin je pense

 13   qu'une telle déclaration de la part de Zigic ne risque en aucun cas

 14   d’entraver un droit quelconque de l'accusation, et risque encore moins de

 15   déboucher sur une situation qui modifierait de façon très importante le

 16   cours des événements.

 17   La question qui se pose ici c’est la question de la crédibilité, à savoir

 18   est-ce qu'une crédibilité quelconque peut être accordée à M. Zigic.

 19   Pour ma part, je pense que ce qui importe c’est qu’une déclaration de M.

 20   Zigic permettrait à la Chambre de se faire une idée tout à fait complète

 21   de sa personnalité. C’est la raison pour laquelle nous demandons son

 22   audition.

 23   M. le Président: Un moment, s'il vous plaît.

 24   (Les juges se concertent sur le siège.)

 25   M. le Président: Maître Stojanovic, est-ce que M. Zigic est prêt à faire


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  1   sa déclaration tout de suite? De combien de temps a-t-il besoin?

  2   Vous pouvez parler avec lui, si nécessaire.

  3   M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous

  4   demande un instant. Merci.

  5   (Les conseils de la défense consultent leur client.)

  6   Je vous prie de m'excuser pour ces quelques minutes d'attente, Monsieur le

  7   Président, et je vous remercie de me les avoir accordées.

  8   S'agissant de la déclaration de M. Zigic, je crois pouvoir dire qu'il

  9   faudrait au moins un jour pour l'entendre. Je crains fort de ne pas avoir

 10   compris la disposition du Règlement moi-même, compte tenu de la

 11   possibilité qui est donnée à la Chambre de Première Instance de déterminer

 12   le cadre de cette déclaration.

 13   Nous aimerions demander à la Chambre d'entendre M. Zigic à un autre

 14   moment, mais si la condition pour l'entendre consiste à l'entendre

 15   maintenant, il serait sans doute préférable de le faire.

 16   Cela étant, un certain nombre de témoins attendent, il faut le savoir, des

 17   témoins qu'il était prévu d'entendre cette semaine. Le temps risque de

 18   manquer pour l'interrogatoire de ces témoins.

 19   M. le Président: Madame Somers?

 20   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, nous allons reprendre

 21   l'intégralité de nos objections en indiquant par ailleurs que si en dépit

 22   de cette objection la Chambre autorisait l'application de l'Article 84

 23   bis, nous serions d'avis que cela constituerait un abus des droits de M.

 24   Zigic et nous estimerions que l'autoriser à s'exprimer à la fin de la

 25   présentation des éléments de preuve de la défense constituerait un abus de


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  1   ses droits.

  2   Nous demandons au moins à la Chambre de décider que cette audition, si

  3   elle doit se faire, se produise immédiatement. Nous répétons que nous

  4   estimons que l'ensemble de ce processus est impropre, mais nous demandons,

  5   si cette autorisation doit être donnée à l'accusé, qu'il soit décidé de

  6   l'entendre immédiatement.

  7   (Les juges se consultent sur le siège.)

  8   M. le Président: Sur cette question, la Chambre prend la décision

  9   suivante.

 10   La Chambre constate que l'accusé, M. Zigic, s'est proposé au moins à un

 11   moment donné, de se présenter comme témoin. A un moment donné, la défense

 12   a dit qu'il voudrait faire la déclaration de l'accusé prévue à l'Article

 13   84 bis.

 14   La Chambre estime que l'Article 84 bis prévoit cette possibilité pour

 15   l'accusé après la déclaration liminaire du Procureur, mais la Chambre, en

 16   tenant compte des spécificités de ce cas, notamment le fait d'avoir cinq

 17   accusés, dit qu'il n'y a pas de sens à entendre des déclarations de

 18   l'accusé distantes dans le temps. Cependant, nous avons permis dans cette

 19   affaire que chaque conseil de la défense fasse sa déclaration liminaire

 20   avant la présentation de chaque moyen à décharge. Il était donc sensé que

 21   la déclaration de l'accusé devait être faite à la suite de la déclaration

 22   liminaire.

 23   Dans ce sens, la Chambre accepte que l'accusé, M. Zigic, fasse une

 24   déclaration dans le sens de l'Article 84 bis. Comme le dit l'Article,

 25   l'accusé n'est pas tenu de faire une déclaration solennelle et n'est pas


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  1   interrogé quant à la teneur de sa déposition.

  2   L'accusé, de son point de vue, a deux opportunités de se prononcer:

  3   l'opportunité de la déclaration de l'Article 84 bis et l'opportunité de se

  4   présenter comme témoin aux termes de l'Article 85 C). Cela veut dire que,

  5   si l'accusé fait sa déclaration aux termes de l'Article 84 bis, il a

  6   encore la possibilité de se présenter comme témoin. Il faut seulement le

  7   savoir, de façon à discipliner et organiser nos débats.

  8   Cependant, il ne fait pas du sens, aux termes de l'article 84 bis, de

  9   faire cette déclaration après avoir commencé la présentation des moyens à

 10   décharge. Soit M. Zigic fait sa déclaration maintenant, soit il perd le

 11   droit de la faire.

 12   La Chambre, en tenant compte des circonstances, donne cette opportunité à

 13   l'accusé, M. Zigic, de faire sa déclaration dans ces termes.

 14   Nous pensons faire une pause déjeuner et M. Zigic aura la possibilité de

 15   préparer une déclaration d'une durée maximum de 45 minutes.

 16   La Chambre estime qu'une fois que l'accusé, M. Zigic, aura été préparé

 17   pour témoigner, il aura au moins quelques idées à présenter; cette

 18   déclaration est couverte par l'alinéa b de l'Article 84 bis qui dit: "la

 19   Chambre de Première Instance statue sur l'éventuelle valeur probante de la

 20   déposition".

 21   La Chambre, en conclusion, décide de donner cette opportunité à l'accusé,

 22   M. Zigic, de faire cette déclaration aux termes de l'article 84 bis

 23   aujourd'hui et lui donne le temps de la pause pour s'organiser. Cette

 24   déclaration ne peut pas excéder 45 minutes.

 25   Voilà la décision de la Chambre.


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  1   Nous allons faire une pause déjeuner de 50 minutes.

  2   (L'audience, suspendue à 12 heures 10 minutes, est reprise à 13 heures.)

  3   M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

  4   (Les accusés s'assoient.)

  5   Maître Stojanovic, nous allons procéder à la déclaration de l'accusé. Nous

  6   pensons, comme dit clairement le texte, que l'accusé n'est pas tenu de

  7   faire une déclaration solennelle; l'accusé doit faire cette déclaration de

  8   sa place et ne pas prendre la place du témoin.

  9   D'autre part, il n'est presque pas nécessaire de dire que la déclaration a

 10   pour objet l'Acte d'accusation et donc il ne fait pas de sens de sortir de

 11   ce thème en général. Je vais peut-être demander à Monsieur l'huissier de

 12   vérifier le micro de l'accusé, M. Zigic, pour que ce dernier puisse faire

 13   sa déclaration.

 14   (L'huissier s'exécute.)

 15   Oui, Maître Stojanovic?

 16   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie

 17   beaucoup de cette décision. Je crois que c'est une bonne option de prise.

 18   Je ne sais pas si maintenant l'ordre à suivre est le bon: M. Zigic est

 19   disposé à faire une déclaration solennelle si nécessaire pour ce qu'il a

 20   l'intention de dire en ce moment.

 21   M. le Président: Non, pas du tout. On ne peut pas mélanger les choses,

 22   Maître Stojanovic. La Chambre a été bien claire: ou il fait cette

 23   déclaration aux termes de l'Article 84 bis et là l'Article est clair,

 24   l'accusé n'est pas tenu de faire une déclaration solennelle et n'est pas

 25   interrogé quant à la teneur de sa disposition, c'est une vraie


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  1   déclaration. Ici, on pourrait dire que ce n'est pas quelque chose que

  2   j'aime dire. Même pour le système "civil law", l'accusé a toujours le

  3   droit de mentir. On doit interpréter cela dans les bons termes. Mais,

  4   d'une certaine façon, c'est à M. Zigic de faire cette déclaration. Il peut

  5   faire cette déclaration dans les termes qu'il veut mais sur objet, sur

  6   l'Acte d'accusation. S'il veut prêter serment, il doit se présenter comme

  7   témoin là-bas. C'est pour cela que nous avons fait cette distinction: s'il

  8   fait une déclaration comme accusé, il la fait de sa place; s'il fait une

  9   déclaration comme témoin, il prête serment et prend l'autre place.

 10   Nous avons fait cette distinction des endroits. Comme vous le savez, la

 11   communication non verbale est plus puissante que la verbale. Il est clair

 12   que M. Zigic ne va pas faire une déclaration sous serment, c'est une

 13   déclaration.

 14   M. Stojanovic (interprétation): Nous acceptons, Monsieur le Président. En

 15   tout état de cause, il reste seulement le dilemme de savoir si nous

 16   restons ici et si nous allons lui poser des questions à partir de cet

 17   endroit-là ou si M. Zigic va parler de lui-même. Si nous sommes appelés à

 18   lui poser des questions, il vaudrait mieux que nous rejoignions nos places

 19   initiales.

 20   M. le Président: Maître Stojanovic, nous devons être clairs encore une

 21   fois. L'accusé n'est pas tenu de faire une déclaration solennelle et n'est

 22   pas interrogé quant à la teneur de sa déposition, soit par le conseil de

 23   l'accusation, soit par le conseil de la défense, soit par les Juges, ni

 24   pour demander des éclaircissements. C'est une déclaration pour son compte.

 25   Il n'y a pas de problème: si vous voulez vous déplacer à votre endroit,


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  1   c'est bien, sinon M. Zigic va faire sa déclaration de sa place. C'est

  2   comme vous voulez.

  3   M. Stojanovic (interprétation): Dans ce cas, Monsieur le Président, nous

  4   nous proposons de regagner nos places et avec votre permission je voudrais

  5   lui restituer ses notes.

  6   M. le Président: Très bien.

  7   M. Stojanovic (interprétation): Merci.

  8   Nous préférons rester ici, Monsieur le Président. Mon opinion et celle de

  9   mon collègue divergeaient.

 10   M. le Président: Très bien.

 11   Le Règlement ne dit pas si vous devez rester là où là-bas, donc vous

 12   pouvez choisir.

 13   Pour la déclaration aux termes de l'Article 84 bis, je donne la parole à

 14   l'accusé, M. Zigic.

 15   Monsieur Zigic, vous avez la parole, s'il vous plaît.

 16   Si vous préférez parler assis, vous pouvez le faire.

 17   (L'accusé Zigic se lève.)

 18   (Déclaration de l'accusé, M. Zoran Zigic)

 19   M. Zigic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie, je

 20   préfère rester debout par respect à l'égard de cette Chambre et je me

 21   servirais de certaines notes que j'ai prises moi-même et je me

 22   conformerais à vos instructions pour me concentrer sur les parties

 23   afférentes à l'Acte d'accusation, aussi vais-je sauter toute une grande

 24   partie relative à ma vie, mon travail, ma famille, car je ne pourrais pas

 25   m'adapter aux 45 minutes qui me sont imparties.


Page 9455

  1   La plupart de ma vie, je l'ai passée à l'extérieur de ma ville natale,

  2   Prijedor. J'ai travaillé en URSS et une partie de mon travail s'était

  3   déroulée en Allemagne. En tout et pour tout, cela fait quatre ou cinq ans.

  4   J'ai travaillé en Croatie, à Zagreb et Pola. Pendant un certain temps,

  5   j'ai vécu et travaillé dans ma ville, j'ai travaillé comme chauffeur de

  6   taxi et j'ai exercé une profession musicale à titre professionnel. C'est

  7   ce qui m'a fait vivre. C'est ainsi que j'ai gagné ma vie.

  8   Avant le début de la guerre, j'ai fui Pola et je ne voudrais pas fatiguer

  9   cette Chambre avec les détails affairant à cette période-là. Je suis

 10   revenu vers ma ville de Prijedor le 31 décembre 1991 et jusqu'en avril

 11   1992 je n'ai rien fait du tout. Je n'avais pas de profession du tout pour

 12   ainsi dire et je vivais dans la maison de mes parents avec ma femme et mes

 13   deux enfants.

 14   Le 29 avril 1992, j'ai été mobilisé. Entre-temps, on pouvait constater

 15   dans la ville que je connaissais d'ailleurs fort bien, étant donné que je

 16   vivais sur la périphérie de la ville, mais je me déplaçait souvent vers le

 17   centre-ville, j'avais beaucoup d'amis et je ne faisais pas le choix entre

 18   Musulmans, Croates ou Serbes, cela m'importait peu. J'avais d'ailleurs

 19   beaucoup plus d'amis musulmans que serbes. Mais cela n'a pas beaucoup

 20   d'importance en ce moment. On sentait une certaine tension et comme toute

 21   ma vie je suis allé d'un café à l'autre, c'était ma profession de musicien

 22   et de chauffeur de taxi qui me poussait à faire ainsi, mais on sentait ces

 23   tensions, les injures, les choses en étaient encore au stade verbal et non

 24   pas physique. Le 29 avril, comme je le disais, j'ai eu une convocation aux

 25   termes de laquelle je devais me rendre au poste de police de Prijedor 1


Page 9456

  1   Centre.

  2   D'après mon affectation militaire, j'étais conscrit militaire. Je n'ai

  3   jamais fait partie de la police mais j'ai été surpris et j'ai répondu à

  4   l'appel et on m'a chargé de sécuriser l'immeuble du SUP. J'y ai passé

  5   toute la période du mois de mai, avec pour tâche habituelle de sécuriser

  6   rien que cet immeuble-là, cet immeuble du SUP. Nous n'avions pas d'autre

  7   mission.

  8   Pendant les conflits armés dans la région de Kozarac qui sont survenus le

  9   24 mai, je me trouvais donc à ce poste de sécurité du poste de police de

 10   Prijedor. Ces conflits armés ayant éclaté, chose dont j'étais au courant

 11   étant donné qu'on se le disait entre nous, mon village natal de Balte se

 12   trouvait juste à côté de Kozarac et j'avais été, à juste titre, préoccupé

 13   de même que mon père et ma mère, de ce qui se passait là-bas aussi et j'ai

 14   été sollicité pour aller voir dans ce village si notre famille avait

 15   besoin de quoi que ce soit, s'ils avaient des problèmes.

 16   Je me suis rendu là-bas avec mon véhicule privé. Un kilomètre avant la

 17   maison de mon oncle, j'ai été attaqué par un groupe de personnes armées.

 18   Je ne savais pas de qui il s'agissait, mais j'étais prudent et j'ai

 19   résisté. Je puis librement dire que j'ai eu peur et, du fait de cette

 20   peur, du fait de la rapidité avec laquelle les événements se sont

 21   déroulés, j'avais un lance-roquettes dans ma voiture, comme je n'avais que

 22   peu de munitions, j'ai utilisé ce lance-roquettes. Malheureusement, ce

 23   manque de prudence, la vitesse des événements et mon manque d'expérience

 24   m'ont fait perdre la moitié de mon index sur la main gauche.

 25   Entre-temps, des villageois sont arrivés pour m'aider et nous avons réussi


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  1   à repousser cette attaque lancée par un groupe de personnes pour

  2   lesquelles j'ai appris par la suite qu'il s'agissait de Musulmans

  3   originaires de Kozarac. Par la suite, je suis revenu à Prijedor avec mon

  4   cousin germain qui m'a emmené à l'hôpital, on m'a opéré.

  5   J'étais censé rester à l'hôpital mais j'ai refusé car il y avait beaucoup

  6   de blessés graves. L'hôpital en était plein. J'estimais que j'étais quand

  7   même légèrement blessé et j'ai dit au médecin que je serais discipliné,

  8   que je resterais chez moi et que je viendrais régulièrement pour me faire

  9   panser, suivre la thérapie qui m'avait été indiquée. Il s'agissait là

 10   d'une période où je n'ai point consommé d'alcool du tout, car les

 11   médicaments que je prenais ne le permettaient pas. Malgré tout, il m'est

 12   arrivé de boire ça et là et des conséquences se sont manifestées, j'ai eu

 13   une inflammation à la main. Le 26, j'ai dû me rendre à nouveau à l'hôpital

 14   car le bras était… Le 21 juin, j'y ai passé cinq à six jours, j'y suis

 15   resté jusqu'au 26 juin, on a assaini la situation, on a nettoyé le doigt

 16   en question et j'ai été relâché. J'ai porté un pansement à la main gauche

 17   jusqu'à la fin du mois de juillet. Je ne saurais être trop précis mais je

 18   crois que c'était en effet jusqu'à la fin juillet.

 19   Pour ce qui est de mon séjour à Keraterm, je dirais que j'y ai été et que

 20   j'y étais gardien là-bas. Le 2 juin 1992, mon commandant -décédé entre-

 21   temps-, Mirko Parac avait rassemblé une section pour sécuriser l'immeuble

 22   du SUP et vous avez dit que nous n'avions plus besoin de sécuriser cet

 23   immeuble-là et qu'il fallait qu'une partie des effectifs aillent sécuriser

 24   le centre de rassemblement et d'enquête de Keraterm.

 25   Je dois être sincère devant cette Chambre: je ne savais pas du tout qu'il


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  1   existait une chose de ce genre et, pour être tout à fait sincère, je

  2   dirais qu'en passant par la route menant vers Banja Luka, le 29 mai, j'ai

  3   pu voir Keraterm. Je l'ai vu, j'ai vu un groupe de personnes au portique

  4   d'entrée de Keraterm, mais je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait.

  5   Le 2 juin, quand nous sommes arrivés à Keraterm, j'ai trouvé une situation

  6   terrible et je puis m'exprimer librement ainsi. Le malheur a peut-être

  7   voulu que dans cette première pièce à Keraterm, que les détenus appelaient

  8   la pièce n° 1, il se peut que ce soit là un hasard mais il s'y trouvait

  9   là-bas des gens que je connaissais fort bien. C'était pour la plupart des

 10   amis, ce n'étaient pas des connaissances mais des amis à moi. J'ai très

 11   mal pris la chose, je ne voudrais pas donner les noms des personnes qui

 12   s'y trouvaient, mais c'étaient des personnes qui m'étaient chères et qui

 13   couchaient sur des palettes en bois, comme on a pu l'entendre à maintes

 14   reprises. J'ai pris la chose très difficilement, je suis un homme de

 15   tempérament. J'ai, comme on dit chez nous, "la langue longue", j'injurie

 16   souvent. Je criais, j'engueulais, je ne faisais pas le choix entre

 17   Musulmans, Serbes ou Croates. C'étaient des gens et il fallait que je me

 18   défoule. Je me défoulais en injuriant à gauche et à droite, en gueulant.

 19   Malheureusement, il m'arrivait aussi de frapper quelqu'un, mais ce n'était

 20   pas en prêtant attention au fait de savoir s'il s'agissait d'un Serbe,

 21   d'un Musulman ou d'un autre. Cela arrivait tout simplement.

 22   Je m'efforçais de passer le moins possible de temps à Keraterm. Ces images

 23   de là-bas étaient terribles, je ne peux pas parler de crimes qui se

 24   passaient là-bas comme je l'ai entendu ici, j'étais hors de tout cela,

 25   mais l'image même de la façon dont ces journées là-bas… Ce laisser-aller,


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  1   cette odeur caractéristique dont on a entendu parler ici, cette odeur,

  2   personne ne saurait vous la décrire sans l'avoir vécue véritablement,

  3   cette odeur de saleté, je ne puis vous le décrire, je ne pouvais supporter

  4   ces images-là. J'ai passé fort peu de temps là-bas. Comme je suis une

  5   personne émotive, il m'était difficile de voir des amis là-bas sans pour

  6   autant pouvoir les aider, exception faite des vivres ou des cigarettes que

  7   je leur apportais. Je leur apportais même de l'alcool, étant donné que

  8   nous étions amis de la bouteille, si je puis m'exprimer ainsi de façon

  9   imagée.

 10   J'ai donc passé à Keraterm une dizaine de jours, pas plus. Pendant cette

 11   dizaine de jours, je pourrais affirmer que je n'ai pas passé plus de huit

 12   heures à Keraterm, j'y ai passé donc très peu de temps. Je passais peut-

 13   être là-bas dix à quinze minutes ou une heure au plus et m'en allais dans

 14   une cafétéria. Heureusement, à côté de Keraterm, il y avait plusieurs

 15   cafétérias et je passais la plupart de ma vie dans ces guinguettes.

 16   Quand j'en suis à parler de Keraterm, je voudrais me référer concrètement

 17   au chef d'accusation de l'Acte d'accusation. Je parlerais par la suite de

 18   ma position à l'égard de cet Acte d'accusation au moment où je l'ai reçu

 19   en 1996. Je ne connais pas le point par cœur qui traite de passages à

 20   tabac, du meurtre d'une personne appelée Sead Jusupovic, surnommée "Car",

 21   et Emsud Bahonjic.

 22   Je voudrais dire à cette Chambre, et ce du fond de mon âme, ce qui s'est

 23   passé à ce moment-là ou à l'époque. J'ai été horrifié lorsque j'ai entendu

 24   les déclarations de certains témoins et quand j'ai pris connaissance de

 25   l'Acte d'accusation.


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  1   Je suis au courant de cet événement, je sais ce qui est arrivé à cette

  2   personne surnommée Car et à ce Bahonjic. J'étais présent. L'attaque de la

  3   ville de Prijedor a eu lieu le 30 mai 1992. Ces deux personnes ont été

  4   attrapées à l'occasion de l'attaque de la ville avec des armes à la main

  5   et des témoins de l'accusation en ont parlé également.

  6   Pour ce qui est de Bahonjic Emsud, c'est une personne que je n'avais

  7   jamais vue de ma vie et que je ne connaissais pas. Pour ce qui est de Sead

  8   Jusupovic, surnommé Car, je le connaissais très bien. Il venait de la

  9   ville de Prijedor, c'était un petit criminel qui a passé pratiquement

 10   toute sa vie dans des prisons. Physiquement, il n'était pas du tout

 11   costaud, il faisait peut-être 40 kilos. D'après les informations obtenues

 12   de la part des inspecteurs qui l'ont traité sur le plan criminologique, on

 13   nous avait dit à l'occasion d'un entretien formel que cette personne-là,

 14   Jusupovic Sead, possédait une mitrailleuse M53 avec laquelle il avait

 15   participé à l'attaque contre la ville. Pour moi, cela était assez ridicule

 16   car ce type d'arme datant de la Deuxième Guerre mondiale était légèrement

 17   moins lourde que lui-même de par sa constitution physique. J'étais plein

 18   d'amertume car là où il était intervenu, là où il a combattu, c'est là où

 19   il y a eu le plus de victimes, policiers et soldats serbes.

 20   En voyant les choses avec le recul de nos jours, je ne le ferais

 21   certainement pas. Mais à l'époque, vu sur le moment, étant donné que

 22   j'étais participant à tout ce qui se passait dans la ville, je connaissais

 23   pratiquement toutes les personnes qui avaient à ce moment-là perdu la vie,

 24   même les Musulmans qui avaient péri lors de cette attaque, même eux, la

 25   plupart d'entre eux, je les connaissais aussi. Je ne voulais pas me venger


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  1   à l'égard de Car, je voulais l'humilier. Je l'ai obligé, j'ai vidé la

  2   mitrailleuse et je l'ai obligé à le mettre sur son épaule et à courir et

  3   faire le tour de l'enceinte.

  4   Je répète une fois de plus que si cela était arrivé de nos jours, au bout

  5   de tant d'années, je n'en ferais pas ainsi, mais à l'époque je l'ai fait

  6   et j'exprime beaucoup de regret pour cela.

  7   Toutefois, qu'est-il arrivé par la suite? Qu'est-il advenu pour ce qui est

  8   de Car? Eh bien, on le verra et les témoignages nous le diront,

  9   témoignages de personnes qui ont été présentes aussi: pendant que Car

 10   courait dans l'enceinte, en cercle, à un moment donné, je ne sais même pas

 11   pourquoi moi-même je crois que j'étais sous influence de l'alcool, je l'ai

 12   frappé de mon pied une fois. C'était le seul contact que j'aie établi avec

 13   Car. J'ai quitté Keraterm tout de suite après avec ma moto et je ne sais

 14   plus où je suis allé, vers un bar quelconque. De là à savoir ce qui est

 15   arrivé par la suite à Car, je vous le dis sincèrement, je ne le savais pas

 16   jusqu'au moment où j'ai reçu l'Acte d'accusation. J'ignorais complètement

 17   que cette personne-là avait été tuée.

 18   Maintenant, pour ce qui est de feu Emsud Bahonjic, j'ai indiqué que c'est

 19   une personne que je ne connaissais guère, mais je suis au courant de

 20   l'incident en rapport avec lui. Cet incident est survenu un jour avant ou

 21   un jour après l'incident avec Car. Une connaissance à moi, Duzko Knezevic,

 22   qui fait l'objet d'un Acte d'accusation, avait perdu son frère qui était

 23   mineur et avait été tué par des voisins musulmans lors des conflits armés

 24   dans la région de Kozarac. Ce jeune homme avait 17 ans à 17 ans et demi,

 25   il n'avait pas d'armes. Il avait été attrapé par des collègues de l'école,


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  1   il a été massacré à coups de couteau. Cet homme-là est venu à Keraterm

  2   avec l'objectif d'interroger des Musulmans qu'il connaissait concernant

  3   les circonstances du meurtre de son frère.

  4   Je dois être sincère aussi et dire que Duzko Knezevic, appelé "Duca",

  5   était très arrogant, personne n'osait s'opposer à lui. Je serais plus

  6   sincère encore et dirais que je n'ai pas essayé de m'opposer à lui non

  7   plus, car à ce moment-là je savais qu'il venait de perdre son frère et que

  8   son objectif était d'apprendre qui étaient les coupables, les meurtriers

  9   de son frère. Personne ne s'était opposé à lui. Il y avait là beaucoup de

 10   personnes, beaucoup de gardiens, des gens qui étaient venus avec Duca.

 11   Il a interpellé quelques personnes, des noms qu'il connaissait; quant à

 12   ces personnes, je n'en connaissais aucune personnellement. Par la suite,

 13   j'ai pu voir au travers de leurs déclarations qu'effectivement je ne les

 14   connaissais pas. Il y a eu des passages à tabac, il y a eu des injures,

 15   des menaces, de la contrainte, des engueulades. A un moment donné, Duca

 16   est passé avec une matraque dans cette pièce n° 1 et il a frappé un bon

 17   ami à moi qui était d'origine albanaise, Lipovac Ismet. Je me suis opposé,

 18   je lui ai dit: "Duca, pourquoi tapes-tu cet homme-là? Laisse-le en paix".

 19   A ce moment-là, il m'a frappé à la poitrine avec cette matraque. Je suis

 20   resté bouche bée, je n'ai plus continué à m'opposer à lui. Les témoins de

 21   l'accusation ont parlé de cet incident auquel je n'ai pas pris part, mais

 22   j'étais présent.

 23   S'agissant du chef d'accusation où on me met à charge le meurtre de M.

 24   Tokmadzic Drago, je ne savais même pas que cet homme avait été tué. Je

 25   n'ai aucune preuve du fait qu'il ait été tué.


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  1   M. Drago Tokmadzic, je le connaissais très bien en sa qualité de policier.

  2   Très souvent, nous allions boire un verre ensemble en bons camarades. Je

  3   dois dire tout à fait sincèrement que je croyais qu'il était serbe. Je

  4   n'ai jamais pu conclure qu'il appartenait à un autre groupe ethnique. De

  5   nos jours encore, je suis convaincu qu'il est serbe. Mais au travers des

  6   documents présentés par le Bureau du Procureur, j'ai appris qu'il était

  7   croate. Ce M. Tokmadzic, je ne l'ai jamais vu à Keraterm.

  8   En outre, nous avons entendu ici le témoignage de M. Huse Ganic, un homme

  9   que je connais très bien. J'ai eu l'occasion de lire ici sa déclaration,

 10   chose que je n'ai pas pu faire en 1996 ou 1997 à Banja Luka. Ce n'est

 11   qu'ici que j'ai pu lire sa déclaration et j'ai été horrifié par ses

 12   mensonges, qu'il a réitérés ici en salle d'audience.

 13   Je tiens à rappeler à cette Chambre qu'à un moment donné, M. Ganic Huse a

 14   dit qu'il voulait me serrer la main. Après tant de mensonges, j'étais même

 15   disposé à lui serrer la main mais il y a eu un malentendu dans le geste

 16   que j'ai essayé de faire pour demander à mon avocat si j'avais le droit de

 17   le faire. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges ont peut-

 18   être compris que je ne voulais pas lui serrer la main, mais cela a peu

 19   d'importance maintenant. J'étais disposé à serrer la main à Huso Ganic, en

 20   dépit du fait qu'il ait présenté tant de mensonges contre moi.

 21   A Keraterm, comme je l'ai dit, j'y suis resté au maximum en tout et pour

 22   tout une dizaine de jours. Pendant tout mon séjour à Keraterm, j'ai eu de

 23   terribles problèmes avec ma main. J'ai eu de terribles douleurs. Je

 24   prenais des sédatifs assez forts. Les circonstances étaient telles que je

 25   ne pouvais pas me contrôler et qu'en même temps je prenais souvent de


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  1   l'alcool, ce qui n'a fait qu'engendrer davantage de complications encore.

  2   Pendant cette période, vers le 10 juin, je crois qu'il s'agissait du 10,

  3   je pense bien qu'il s'agissait de mon dernier jour à Keraterm, parce que

  4   c'est la date à laquelle je suis parti de là-bas, nous nous retrouvions au

  5   restaurant "Oskar" à Prijedor avec un grand groupe d'une dizaine ou d'une

  6   quinzaine de personnes, des connaissances ou des amis à moi. Quelqu'un

  7   avait exprimé spontanément le souhait de partir à Omarska au restaurant

  8   "Europa". Nous sommes tombés d'accord et nous sommes partis là-bas en

  9   minibus, qui avait été utilisé aux fins des enquêtes conduites à Keraterm.

 10   Prodan Tomo était au volant de ce véhicule. Nous étions, comme je vous

 11   l'ai dit, une dizaine ou une quinzaine. Je ne saurais vous dire combien

 12   exactement, ni même vous prononcer tous les noms. Certains noms, je ne

 13   pense pas qu'il soit nécessaire de les mentionner, mais ceux qui figurent

 14   sur les Actes d'accusation ne sont pas inconnus à la Chambre, ils étaient

 15   avec moi.

 16   Dans ce groupe, quelqu'un spontanément a dit qu'il y avait un centre

 17   d'instruction à Omarska, dont je n'étais pas au courant, ou plutôt ce

 18   complexe de mines d'Omarska, je ne le connaissais pas du tout, je ne

 19   l'avais jamais visité avant la guerre, c'était donc la première fois que

 20   j'y allais. J'ai été surpris de voir exister une chose pareille,

 21   j'imaginais autrement les mines d'Omarska.

 22   Pour être bref, je vous dirais que nous sommes arrivés à Omarska. L'un de

 23   mes collègues m'avait emmené vers cette fameuse maison blanche. Dans la

 24   deuxième pièce de cette maison blanche, j'ai trouvé un cher ami à moi,

 25   Brkic Abdulah, qui pendant un certain temps avait séjourné à Keraterm. Il


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  1   a témoigné lui-même ici. Il avait estimé que nous étions amis. Je dirais

  2   moi-même que j'estime que c'était mon ami. Il avait souhaité témoigner à

  3   décharge, puis le lendemain il a changé d'avis. Il a d'ailleurs prononcé

  4   beaucoup de mensonges. Je ne comprends pas, je ne blâmerais personne, mais

  5   je le blâmerais lui, parce que c'est lui qui a dit tant de mensonges. Ce

  6   que je voulais, ce que je souhaitais, c'est qu'il dise rien que la vérité.

  7   Je me suis entretenu avec lui.

  8   A un moment donné, on avait amené (expurgé), que je respectais

  9   beaucoup avant la guerre. Je dois vous dire que, même pendant la guerre,

 10   je le respectais et je le respecte de nos jours davantage encore, car pour

 11   ce que (expurgé) avait dit, je ne puis m'y référer, parce que

 12   cela divulguerait certaines identités.

 13   Si la Chambre le souhaite, je vous demanderais de m'accorder une minute ou

 14   deux de séance à huis clos partiel pour prononcer cela.

 15   M. le Président: Oui, une minute ou deux de huis clos partiel. Nous allons

 16   passer à huis clos partiel.

 17   (Audience à huis clos partiel)

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 20   (Audience publique.)

 21   M. le Président: Vous pouvez continuer, Monsieur Zigic.

 22   M. Zigic (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 23   Je suis accusé ici pour le meurtre de M. Becir Medunjanin et d'une

 24   personne répondant au surnom de "Hankin Ramic". Je ne connais aucune de

 25   ces personnes. J'ai pour la première fois entendu parler d'eux au travers


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  1   des documents qui nous ont été communiqués par le Bureau du Procureur. Je

  2   ne connais pas non plus Anes, le fils de M. Becir Medunjanin. Pour ce qui

  3   le concerne, je ne sais rien dire sans autant pour que cela ne divulgue

  4   certaines identités qui nous demanderaient à repasser en huis clos

  5   partiel.

  6   Pour ce qui est de Trnopolje, M. Stojanovic a parlé de tout le mal qui a

  7   été fait au témoin Hasan Karabasic, le "kum" de mon oncle, avec qui

  8   j'étais en très bons termes pendant qu'il était à Keraterm. J'ai fait

  9   attention à lui, je lui ai apporté à manger, à fumer. Lors l'un de mes

 10   déplacements, mon seul déplacement vers Trnopolje, j'ai rencontré M.

 11   Karabasic. Il m'est difficile de décrire à cette Chambre ce comportement

 12   de rue qui a consisté, qui a traduit notre rencontre. C'était une espèce

 13   de bousculade, il est tombé, je lui ai tendu le bras pour le relever,

 14   certains témoins ont vu cela et ont présenté la chose comme si j'avais

 15   passé cet homme à tabac.

 16   Je regrette beaucoup qu'il en ait été ainsi, j'ai essayé que mes avocats

 17   retrouvent M. Karabasic comme témoin, mais il n'a pas été accessible,

 18   malheureusement je ne sais pas du tout où il se trouve.

 19   Je me propose maintenant de parler brièvement de ce que j'ai appris

 20   concernant l'Acte d'accusation et les autres documents liés à l'Acte

 21   d'accusation. J'ai appris l'existence de cet Acte d'accusation au

 22   printemps 1995, mais j'en ignorais le contenu. C'est dans les médias que

 23   j'ai appris que j'étais accusé de crimes de guerre devant le Tribunal de

 24   La Haye. Par un concours de circonstances, j'ai connu M. Milan Vujin,

 25   avocat dans l'affaire Tadic, qui est venu me voir à l'unité de détention


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  1   militaire de Banja Luka et exprimait le souhait que je vienne témoigner en

  2   faveur de M. Tadic. J'ai accepté de le faire et j'ai eu un entretien

  3   informatif avec lui et il m'a communiqué l'Acte d'accusation, ainsi que

  4   les documents qui accompagnaient les déclarations de certains témoins.

  5   J'avais tout cela à Banja Luka.

  6   Lorsque j'ai lu l'Acte d'accusation et les chefs d'accusation, lorsque

  7   j'ai lu les déclarations faites par certaines personnes que je

  8   connaissais, j'ai été horrifié. Il y en avait fort peu qui étaient des

  9   amis parmi ceux qui avaient fait des déclarations, mais je tiens à dire

 10   que je n'ai jamais ouï dire que de tels évènements avaient eu lieu et

 11   encore moins que j'en étais l'auteur. Je m'étais posé des questions, je me

 12   demandais s'il n'était pas préférable de venir ici me défendre contre ces

 13   Actes d'accusation. L'Acte d'accusation est terrible. On allègue contre

 14   moi des crimes terribles. Je n'ai pas peur. De nos jours encore, je n'ai

 15   point d'appréhension. Je regrette beaucoup ces limitation de temps, car je

 16   pourrais vous en dire très long, mais je voulais éviter les provocations

 17   du Bureau du Procureur, parce que cela fait trois ans que je les écoute et

 18   je ne suis psychiquement pas en mesure de supporter cela.

 19   J'ai sauté une partie afférente à l'Acte d'accusation qui concerne la

 20   période qui a suivi mon départ vers Keraterm. L'Acte d'accusation dit que

 21   j'étais présent le 24 juillet lors du "massacre de Keraterm", comme on l'a

 22   désigné. Cela est tout à fait exclu: le 24 juillet, je me trouvais dans la

 23   cour de ma maison familiale avec mes parents, des amis qui me sont chers.

 24   Je ne peux pas vous dire si nous étions rassemblés à l'occasion d'une

 25   célébration quelconque, mais nous nous étions rassemblés à l'occasion de


Page 9469

  1   souvenirs qui nous sont chers.

  2   Quant à la mort de Boro Zujic, un grand ami qui était mort ce jour-là, qui

  3   a perdu la vie ce jour-là et nous avions pas mal bu, je me souviens bien

  4   que je suis allé me coucher très tôt, que je me suis endormi et je n'ai

  5   ouï dire ce qui s'était passé à Keraterm lendemain qu'en ville où on ne

  6   parlait que de ce qui était arrivé là-bas.

  7   Je peux dire beaucoup de choses encore concernant l'Acte d'accusation

  8   dressé contre moi, malheureusement je n'ai pas suffisamment de temps. Je

  9   peux parler de certains détails, je ne suis pas un juriste, je me suis

 10   appuyé sur mon avocat, Me Stojanovic, mais j'ai compris l'Acte

 11   d'accusation et cet article différemment, parce que j'étais prêt à

 12   répondre aux questions posées par les Juges pour permettre de clarifier

 13   beaucoup d'éléments liés à l'Acte d'accusation dressé contre moi, mais si

 14   je ne me trompe je vois que c'est maintenant impossible. Je pense que j'ai

 15   certainement omis de dire un certain nombre de points, compte tenu du

 16   temps limité dont je dispose, mais je souhaite dire également que j'ai

 17   pleine confiance en ce Tribunal et cette Chambre de Première Instance. Je

 18   n'essaie pas de fuir ma responsabilité, je dis tout ce qui s'est passé. Je

 19   n'essaie pas de dire que j'étais quelqu'un de très gentil en 1992, je ne

 20   l'étais pas, ni par rapport à moi-même, ni par rapport aux autres

 21   personnes. Malheureusement, c'est l'alcool qui est coupable d'une bonne

 22   partie de cela, mais c'est moi qui suis coupable de m'être mis dans cet

 23   état-là.

 24   Vous savez, parfois, l'homme échappe à tout contrôle. Toutes ces images,

 25   tout ce que j'ai vu, ces personnes que j'aimais jusqu'à récemment, tout


Page 9470

  1   ceci m'a beaucoup affecté. Pour moi, c'était impossible, par exemple moi

  2   et Brkic concrètement parlant, je ne pouvais pas imaginer que l'on puisse

  3   se trouver dans deux opposés. Ceci était complètement inimaginable pour

  4   moi et pour la plupart des gens de Prijedor, à mon avis.

  5   Je suis sûr que ceux qui m'écoutent aujourd'hui de Prijedor partagent mon

  6   avis. Malheureusement, un conflit tragique a éclaté dans ma ville à cause

  7   des extrémistes des trois camps. La vérité surgit devant ce Tribunal.

  8   C'est pour cela que je suis venu devant cette Chambre de Première instance

  9   pour dire la vérité. Je n'ai aucune raison de dire des mensonges mais je

 10   dois dire malheureusement que j'ai entendu énormément de mensonges

 11   abominables de la part des témoins de l'accusation et la seule chose que

 12   je regrette c'est de ne pas pouvoir répondre aux questions des Juges.

 13   Concernant tout ce qui est énoncé dans les chefs d'accusation de l'Acte

 14   d'accusation, j'ai décidé de comparaître ici devant ce Tribunal et j'ai eu

 15   des contacts avec l'adjoint du ministre de la Justice en 1996. A l'époque,

 16   le chef de la police de Prijedor était feu M. Drljaca qui s'est opposé à

 17   cela, je le sais, sur la base de mes entretiens avec Me Vujin. Me Vujin

 18   m'a dit qu'il rencontrait de grandes difficultés puisque M. Drljaca ne

 19   permettait à personne de Prijedor de comparaître dans l'affaire Tadic en

 20   tant que témoin. Je ne sais pas de quelle manière le feu Drlajaca a appris

 21   que je souhaitais me rendre mais j'ai subi d'énormes pressions. Les

 22   inspecteurs de Prijedor venaient me dire que je pouvais venir à La Haye

 23   seulement mort. Heureusement pour moi, j'étais en détention auprès du

 24   tribunal militaire, donc j'étais quelque part protégé par les militaires

 25   et ma vie n'a pas été en danger.


Page 9471

  1   Par un concours de circonstances, M. Drljaca a perdu la vie dans le cadre

  2   de l'incident que nous connaissons tous. En 1997, je menais des entretiens

  3   très sérieux concernant ma reddition, laquelle s'est réalisée seulement au

  4   mois d'avril 1998. Je suis sûr que le Président de cette Chambre est tout

  5   à fait au courant de cela, puisque le document portant sur mon transfert

  6   de Banja Luka à La Haye a été signé par vous, Monsieur le Président.

  7   Concernant ma détention provisoire au quartier pénitentiaire des Nations

  8   Unies, je ne peux dire que des éloges à l'égard de l'ensemble du personnel

  9   au quartier pénitentiaire à Scheveningen. Il nous accepte tous en tant

 10   qu'êtres humains, il ne voit pas en nous des criminels de guerre parce que

 11   ceci n'a pas été prouvé, pour le moment au moins.

 12   Je souhaite remercier aussi ce Tribunal et le Greffe qui m'a permis de me

 13   marier dans des circonstances extraordinaires. J'ai pu le faire et c'est

 14   seulement grâce à cette attitude du Tribunal et du Greffe que j'ai pu

 15   également avoir un fils le 15 septembre. De ce point de vue-là, je puis

 16   dire que je suis un homme extrêmement heureux. Mon séjour et mon isolement

 17   par rapport au reste du monde civilisé m'ont beaucoup influencé. J'ai

 18   beaucoup de temps pour réfléchir et j'ai réfléchi énormément à l'année

 19   1992 et aux événements qui se sont produits au cours de cette année-là. Si

 20   tout était à refaire et si je retournai dans ma ville en 1992, je ne peux

 21   pas dire que j'aurais fui, je ne suis pas ce genre de personne, mais je

 22   n'aurais certainement pas fait ce que j'ai fait, j'aurais essayé de me

 23   débrouiller comme les autres, travailler dans une cuisine, être chauffeur

 24   d'un véhicule, essayer d'être en dehors des événements les plus graves.

 25   J'ai eu beaucoup de temps me permettant de réfléchir et c'est ce qui m'a


Page 9472

  1   fait tirer cette conclusion-là.

  2   En ce qui concerne tout ce qui s'est passé en 1992, nous avons entendu

  3   beaucoup de témoins parler sur les évènements. Je ne souhaite dire ni

  4   "témoins de l'accusation", ni "témoins de la défense", mais des témoins

  5   qui témoignent sur les événements. Nous avons entendu une grande partie de

  6   la vérité et cette vérité est douloureuse par rapport à de nombreuses

  7   personnes, y compris moi-même.

  8   Je souhaite maintenant, compte tenu du fait qu'il s'agit là d'un procès

  9   public, faire appel à tous les citoyens de Prijedor, tous les Musulmans:

 10   s'ils considèrent que je leur ai fait du tort, il n'est pas trop tard, ils

 11   n'ont qu'à venir témoigner contre Zoran Zigic devant ce Tribunal. Je suis

 12   calme en disant cela, car je sais que je n'ai pas commis de crimes graves.

 13   Si cette Chambre de Première instance considère que j'ai commis des

 14   crimes, je vais accepter, je vais accepter toute décision de cette Chambre

 15   quelle qu'elle soit, puisque moi-même je considère que je l'ai fait. Pour

 16   moi, le fait de gifler quelqu'un dans de telles circonstances constitue

 17   également un crime. Si j'ai blessé une personne en lui donnant [expurgée]

 18   [expurgée]bien sûr cette personne a exagéré ceci devant ce Tribunal un

 19   peu-, il s'agit là de [expurgée], je souhaite ici publiquement

 20   m'excuser et j'espère qu'un jour je pourrai le faire personnellement

 21   devant [expurgée], que je pourrais lui dire que je le regrette

 22   profondément. Je pense que [expurgée]n'a pas ressenti de [expurgée]

 23   [expurgée] à cause de ce que je lui ai fait, mais qu'il a ressenti surtout

 24   de l'humiliation. Je m'excuse profondément auprès de lui.

 25   J'exprime mes sincères remords par rapport à tous ceux qui considèrent que


Page 9473

  1   je les ai blessés au cours de la guerre. Je considérais que je ne pouvais

  2   pas faire autrement, mais malheureusement j'aurais pu le faire, ce dont

  3   j'ai déjà parlé.

  4   Je souhaite remercier cette Chambre de Première instance et je souhaite

  5   vous remercier, Monsieur le Président, de m'avoir donné l'opportunité,

  6   même brièvement, de m'exprimer.

  7   Si la Chambre souhaite me poser des questions, je suis prêt sincèrement à

  8   répondre à toutes vos questions. Je vous remercie encore une fois.

  9   M. le Président: Monsieur Zigic, vous pouvez vous asseoir. Nous n'avons

 10   pas à poser de questions, comme vous savez, c'est un peu la règle que nous

 11   avons adoptée. Je n'ai pas voulu interrompre la déclaration, mais je vois

 12   que Madame Somers est debout.

 13   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je ne vais pas rentrer

 14   dans les détails car nous sommes en public, mais je demanderais que les

 15   expurgations nécessaires soient portées au texte du compte rendu

 16   d'audience après relecture de certains des propos tenus par M. Zigic à

 17   l'instant.

 18   Si la Chambre accepte que nous passions à huis clos partiel pendant

 19   quelques instants, je dirai exactement où ces expurgations doivent être

 20   portées mais je tiens à ce que le texte soit expurgé là où il le faut.

 21   M. le Président: D'accord. Nous allons passer en session à huis clos

 22   partiel pour quelques instants.

 23   (Audience à huis clos partiel.)

 24   [expurgée]

 25   [expurgée]


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  1  [expurgée]

  2  [expurgée]

  3  [expurgée]

  4  [expurgée]

  5  [expurgée]

  6  [expurgée]

  7  [expurgée]

  8  [expurgée]

  9  [expurgée]

 10  [expurgée]

 11  [expurgée]

 12   (Audience publique)

 13   (Le témoin, Mme Soka Sikic, est introduit dans le prétoire.)

 14   M. Stojanovic (interprétation): Bonjour, Madame Sikic. Vous m'entendez?

 15   Mme Sikic (interprétation): Bonjour, je vous entends.

 16   M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que Monsieur

 17   l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît?

 18   Mme Sikic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 19   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 20   M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

 21   Mme Sikic (interprétation): Merci.

 22   M. le Président: Essayez de vous rapprocher un peu du micro et de vous

 23   installer confortablement.

 24   Merci beaucoup d'être venue.

 25   Vous allez répondre aux questions que Me Deretic va vous poser.


Page 9475

  1   Vous avez la parole, Maître Deretic.

  2   M. Deretic (interprétation): Je vous remercie.

  3   (Interrogatoire principal du témoin, Mme Soka Sikic, par Me Deretic)

  4   M. Deretic (interprétation): Bonjour, Madame Sikic. Vous m'entendez?

  5   Mme Sikic (interprétation): Oui, je vous entends.

  6   M. Deretic (interprétation): Veuillez décliner votre identité, s'il vous

  7   plaît? Votre nom, votre prénom et le nom de votre père.

  8   Mme Sikic (interprétation): Je suis Soka Sikic et mon père s'appelle Miro

  9   Rajlic.

 10   Question: Où êtes-vous née et quand?

 11   Réponse: Le 2 février 1956 dans le village de Podvidaca, municipalité de

 12   Sanski Most.

 13   Question: Quel est votre métier?

 14   Réponse: Bouchère commerçante.

 15   Question: Est-ce que vous travaillez?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Où résidez-vous aujourd'hui?

 18   Réponse: Aujourd'hui, je vis à Prijedor.

 19   Question: Etes-vous mariée?

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: Avez-vous des enfants?

 22   Réponse: Oui, j'ai deux enfants, un fils de 23 ans et une fille de 18 ans.

 23   Question: Quelle est votre appartenance ethnique et confession?

 24   Réponse: Je suis serbe de confession orthodoxe.

 25   Question: Et votre époux, quelle est son appartenance ethnique?


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  1   Réponse: Mon époux est croate de confession catholique.

  2   Question: Connaissez-vous Zoran Zigic?

  3   Réponse: Je connais Zoran Zigic depuis 1980, c'est-à-dire l'année où nous

  4   avons déménagé dans l'agglomération dans laquelle Zoran Zigic vivait déjà.

  5   Question: Pouvez-vous l'identifier dans ce prétoire?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Pouvez-vous nous dire où il est assis?

  8   Réponse: Il est sur ma gauche.

  9   Question: Excusez-moi, je pose des questions trop rapidement.

 10   Réponse: Ceci ne me gêne pas.

 11   Question: Depuis quand connaissez-vous Zigic Zoran?

 12   Réponse: Je le connais depuis l'année 1980. C'est à ce moment-là que nous

 13   avons déménagé. C'était notre premier voisin, donc on se connaît bien.

 14   Question: Est-ce que vous connaissez sa situation de famille, sa situation

 15   maritale?

 16   Réponse: Eh bien justement, cette année-là, lorsque nous avons déménagé,

 17   il a épousé Milka Zigic, ils ont eu deux enfants et maintenant je sais

 18   qu'il a une épouse, Sanja, et un fils, Nikola. Les enfants de son premier

 19   mariage sont Natasa et Sanja.

 20   Question: Est-ce que vous connaissez ses parents?

 21   Réponse: Oui, je les connais très bien, il s'agit de personnes âgées.

 22   Question: Madame Sikic, à quelle distance se trouve votre maison par

 23   rapport à la maison de Zigic?

 24   Réponse: Environ 50 mètres, il n'y a qu'une cour qui nous sépare.

 25   Question: Pourriez-vous nous dire si, avant la guerre, pendant la guerre


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  1   et après la guerre, vous avez eu des contacts avec les parents de Zoran

  2   Zigic?

  3   Réponse: Comme avant, depuis notre déménagement, nous avons eu des

  4   contacts avant eux, avant la guerre, pendant la guerre et maintenant

  5   encore.

  6   Question: Est-ce que vous savez que M. Zigic était membre des forces

  7   armées de l'armée de la Republika Srpska?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Après le début de la guerre à Prijedor et dans l'ex-Bosnie-

 10   Herzégovine, avez-vous vu Zoran Zigic?

 11   Réponse: Oui, je le voyais.

 12   Question: Est-ce qu'à ce moment-là, Zoran portait un uniforme?

 13   Réponse: Oui, il portait un uniforme de camouflage.

 14   Question: Est-ce qu'il portait un couvre-chef?

 15   Réponse: Oui, un béret rouge.

 16   Question: Dites-nous, s'il vous plaît, en ce qui concerne cette période-

 17   là, avez-vous jamais vu Zoran se teindre les cheveux?

 18   Réponse: Non.

 19   Question: … ou bien porter une boucle d'oreille dans une oreille ou dans

 20   les deux oreilles?

 21   Réponse: Non, jamais.

 22   Question: Dites-nous, s'il vous plaît, avez-vous jamais vu Zoran porter

 23   des mitaines noires?

 24   Réponse: Je n'ai pas remarqué cela.

 25   Question: Quelle était la couleur des cheveux de Zoran Zigic?


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  1   Réponse: Noirs, bruns.

  2   Question: Madame Sikic, savez-vous à quel moment les Serbes ont pris le

  3   contrôle de Prijedor?

  4   Réponse: Le 30 avril 1992, vers la fin donc du mois d'avril.

  5   Question: Concernant cette prise de contrôle de la ville, savez-vous de

  6   quelle manière ceci s'est effectué? Est-ce que ceci s'est effectué de

  7   manière paisible ou par le biais de la violence?

  8   Réponse: Pour la plupart, il s'agissait d'une opération paisible, il n'y

  9   avait pas de coups de feu.

 10   Question: Savez-vous à quel moment une attaque a été lancée contre

 11   Prijedor par des extrémistes musulmans?

 12   Réponse: Au bout d'un mois, le 30 mai 1992, donc un mois après la prise de

 13   contrôle de la ville.

 14   Question: S'il vous plaît, dites-nous, dans quelle partie de la ville de

 15   Prijedor vivez-vous? Dans quelle partie de la ville de Prijedor se

 16   trouvent votre maison et la maison Zigic? Comment est-ce que cela

 17   s'appelle?

 18   Réponse: Cirkin Polje. C'est vers Kozarac sur un petit mont au-dessus de

 19   Prijedor.

 20   Question: Quelle est la composition ethnique de la population dans cette

 21   partie de la ville?

 22   Réponse: Mixte. Il y avait à la fois des Croates et des Musulmans et la

 23   majorité étaient des Serbes.

 24   Question: Madame Sikic, savez-vous que Zoran a été blessé pendant la

 25   guerre?


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  1   Réponse: Oui, à deux reprises.

  2   Question: Avez-vous jamais vu Zoran en train de porter un pansement sur sa

  3   main gauche?

  4   Réponse: Ceci s'est produit après l'attaque lancée contre Prijedor, il a

  5   été blessé à la main gauche, je pense qu'il a perdu un doigt. La deuxième

  6   fois, cela s'est passé le 19 août 1992.

  7   Question: Dites-nous, s'il vous plaît, pendant combien de temps vous avez

  8   vu Zoran se déplacer avec ce pansement sur sa main. Est-ce que vous pouvez

  9   nous dire en ce qui concerne le temps, combien de temps cela a duré?

 10   Réponse: Je pense que cela a duré plutôt longtemps, au mois de juin-

 11   juillet, peut-être août aussi.

 12   Question: Vous avez dit qu'après le début de la guerre dans la

 13   municipalité de Prijedor vous avez vu Zoran, que vous avez eu des contacts

 14   avec lui.

 15   Est-ce que vous pouvez répondre à la question suivante. Au cours de cet

 16   intervalle avez-vous jamais ressenti chez Zoran Zigic qu'il aurait

 17   commencé à se comporter d'une manière différente par rapport à vous ou

 18   votre époux en tant que voisin?

 19   Réponse: Non, bien au contraire nous pouvions toujours nous appuyer sur

 20   lui pour y trouver de la protection si nous en avions besoin, à la fois

 21   lui et ses parents.

 22   Question: En ce qui concerne les autres voisins, aviez-vous l'impression

 23   que l'un quelconque des autres voisins auraient subi un mauvais traitement

 24   infligé par lui ou bien qu'il aurait parlé en termes dénigrants de qui que

 25   ce soit?


Page 9480

  1   Réponse: Non.

  2   Question: Madame Sikic, avez-vous entendu parler des centres d'instruction

  3   à Prijedor?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Quels étaient ces centres d'instruction?

  6   Réponse: Keraterm, Trnopolje et Omarska.

  7   Question: Savez-vous à quel moment ces centres d'instruction ont été

  8   créés?

  9   Réponse: Je pense que ceci s'est produit suite à l'attaque contre la ville

 10   de Prijedor. Pendant ces jours-là, deux, trois, cinq jours plus tard.

 11   Question: Est-ce que vous savez quelles étaient les personnes détenues

 12   dans ces centres d'instruction?

 13   Réponse: Je pense que c'était des personnes qui ne respectaient pas les

 14   autorités serbes et qui avaient participé d'une manière ou d'une autre à

 15   l'attaque contre la ville de Prijedor.

 16   Question: Madame Sikic, après l'attaque contre Prijedor qui a eu lieu le

 17   30 mai 1992, est ce que vous savez si l'un quelconque de vos voisins a

 18   fini par être détenu dans l'un de ces centres d'instruction?

 19   Réponse: Non.

 20   Question: Pourriez me répondre à cette question?

 21   Réponse: Je ne sais pas, personne ne nous a touché, ni nous, ni les autres

 22   voisins qui étaient d'appartenance ethnique différente, mais je suppose

 23   qu'ils n'avaient pas participé à ces attaques et qu'ils n'avaient pas eu

 24   de mauvaises intentions.

 25   Question: Madame Sikic, dites-nous s'il vous plaît, est-ce que vous


Page 9481

  1   disposez des informations concernant le fait que dans ce centre

  2   d'instruction, à savoir Keraterm, plusieurs personnes ont été tuées en une

  3   seule nuit?

  4   Réponse: J'en ai entendu parler.

  5   Question: Quand cet événement a-t-il eu lieu?

  6   Réponse: Cet événement a eu lieu vers la fin du mois de juillet, je pense

  7   que ceci a eu lieu pendant le week-end, entre vendredi et samedi, la nuit

  8   du 24 au 25 juillet.

  9   Question: Où vous trouviez-vous ce jour-là et cette fois soirée-là?

 10   Réponse: Oui, je peux, puisque même avant nous fréquentions Zoran Zigic et

 11   sa famille. Et cette nuit-là nous étions avec eux devant leur maison, on

 12   était ensemble. Mon mari et moi nous sommes venus, mon mari était chez

 13   nous lui aussi et on est venu ensemble vers 20 heures. Il y avait déjà

 14   quelques amis de Zoran, sa femme, ses enfants, sa mère et son père, Savka

 15   et Nikola. Nous étions assis pendant un certain temps. Nous avons fait un

 16   barbecue, nous avons bu quelque verres.

 17   Question: Connaissiez-vous toutes les personnes qui étaient présentes ce

 18   soir-là?

 19   Réponse: Non pas vraiment tous les amis.

 20   Question: Est-ce que vous vous souvenez si quelqu'un a joué de la musique

 21   pour ce groupe d'amis de Zigic?

 22   Réponse: Oui, deux jeunes hommes ont joué de la musique, de même que Zoran

 23   de temps en temps.

 24   M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le

 25   permettez, je souhaite que l'on passe à huis clos partiel pour poser deux


Page 9482

  1   ou trois questions à ce témoin.

  2   M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel.

  3   Nous y sommes, vous pouvez continuer.

  4   (Audience à huis clos partiel.)

  5   [expurgée]

  6   [expurgée]

  7   [expurgée]

  8   [expurgée]

  9   [expurgée]

 10   [expurgée]

 11   [expurgée]

 12   [expurgée]

 13   [expurgée]

 14   [expurgée]

 15   [expurgée]

 16   [expurgée]

 17   [expurgée]

 18   [expurgée]

 19   [expurgée]

 20   [expurgée]

 21   [expurgée]

 22   (Audience publique.)

 23   M. le Président: Vous pouvez continuer, s'il vous plaît, Maître Deretic.

 24   M. Deretic (interprétation): Merci beaucoup.

 25   Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, ce soir-là, le 24, vous avez dit


Page 9483

  1   que c'était un vendredi?

  2   Mme Sikic (interprétation): Oui.

  3   Question: Concernant ce groupe d'amis, comment se regroupaient-ils dans la

  4   cour? Est-ce qu'ils sont venus tous ensemble ou un à un?

  5   Réponse: Eh bien, ils ne sont pas venus tous ensemble, non.

  6   Question: A quel moment est-ce que les gens se sont rassemblés, est-ce que

  7   vous vous en souvenez?

  8   Réponse: Peut-être vers 22 heures, il faisait déjà nuit.

  9   Question: Vous avez dit que vous êtes venue vers 20 heures avec votre

 10   époux. Avez-vous trouvé Zoran Zigic dans la cour?

 11   Réponse: Oui. Je l'ai trouvé là-bas.

 12   Question: Dans quel état se trouvait Zoran Zigic, est-ce que vous vous

 13   souvenez de ce détail-là?

 14   Réponse: Eh bien, il était déjà un peu ivre, il était de bonne humeur, il

 15   jouait de la musique, il parlait à haute voix.

 16   Question: Est-ce que vous vous souvenez à quel moment tout le monde était

 17   arrivé?

 18   Réponse: Je l'ai déjà dit, vers 22 heures.

 19   Question: Et après cela, qu'est-ce qui est arrivé? Est-ce que vous étiez

 20   tous assis ensemble dans la cour?

 21   Réponse: On était assis, on buvait quelques verres, comme d'habitude. On a

 22   grillé de la viande, on jouait.

 23   Question: Et au cours de cette période entre 20 heures et 22 heures, est-

 24   ce que Zoran était dans la cour avec vous sans arrêt?

 25   Réponse: Non, et nous non plus!, parce que de temps en temps on rentrait à


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  1   la maison soit pour apporter quelque chose soit pour voir les enfants, et

  2   Zoran faisait la même chose. Il partait pour chercher du pain ou de l'eau

  3   ou des boissons. Plus les gens arrivaient, plus on avait besoin de quelque

  4   chose.

  5   Question: Et après 22 heures, est-ce que Zoran est resté avec vous pendant

  6   tout le temps dans la cour?

  7   Réponse: Il y était, il y est resté jusqu'à peu avant minuit.

  8   Question: Que s'est-il produit ensuite?

  9   Mme Sikic (interprétation): Eh bien, il était complètement ivre à ce

 10   moment-là, et il s'est retiré pour dormir. C'est mon mari qui l'a escorté.

 11   M. Saxon (interprétation): Objection, Monsieur le Président.

 12   M. le Président: Oui?

 13   M. Saxon (interprétation): Apparemment, sur la base de l'endroit où je

 14   suis assis, je peux voir que le témoin a une feuille de papier devant elle

 15   avec les notes qu'elle lit en donnant des réponses à ces questions. Le

 16   Procureur souhaite au moins voir le contenu de ces notes. Nous souhaitons

 17   savoir d'où elles viennent et sur quoi elles portent.

 18   M. le Président: Oui, Maître Deretic?

 19   M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, pour autant que je le

 20   sache, je suppose que si le témoin a des notes, il s'agit des notes du

 21   témoin. Moi-même, je ne suis pas au courant. Peut-être le témoin peut-il

 22   nous expliquer de quoi il s'agit? Depuis l'endroit où je me trouve, je ne

 23   vois pas que le témoin ait quoi que ce soit devant elle.

 24   Mme Sikic (interprétation): Je vais vous expliquer si vous voulez... Je

 25   n'ai qu'un certain nombre de dates que je souhaite mentionner et puisque


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  1   beaucoup de temps s’est écoulé, on oublie certains détails.

  2   M. Deretic (interprétation): Voulez-vous montrer cela à la fois aux Juges

  3   de la Chambre et aux collègues de l'accusation, parce que depuis cet

  4   endroit je ne vois vraiment pas de quoi il s'agit. S'il vous plaît?

  5   M. Saxon (interprétation): Peut-être que ce qui est plus simple, ce serait

  6   que le conseil de la défense, Me Deretic, se dise d'accord pour remettre

  7   des copies de ces notes à la Chambre et au Procureur.

  8   M. Deretic (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le

  9   Président, j'aimerais aussi voir ce que contient cette feuille de papier.

 10   Je voudrais demander à Monsieur l'huissier de me la montrer aussi.

 11   M. le Président: Oui.

 12   M. Saxon (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 13   Ces notes sont rédigées en serbo-croate, en BCS, donc il serait sans doute

 14   plus simple pour l'accusation de recevoir une traduction. Je vous

 15   remercie.

 16   M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, je vois effectivement

 17   que ce sont quelques dates consignées sur le papier. Je sais que Mme Sikic

 18   est arrivée ici vers 10 heures ce matin. Je sais aussi que jusqu'à présent

 19   d'autres témoins se sont aidés de notes personnelles.

 20   Pour répondre à la proposition de l'accusation, je laisse en tout état de

 21   cause la décision aux Juges. Je vous remercie.

 22   M. le Président: Monsieur Saxon, vous allez dire quelque chose de plus?

 23   M. Saxon (interprétation): Très rapidement, Monsieur le Président.

 24   Il nous apparaît que cette feuille de papier comporte des informations

 25   beaucoup plus nombreuses que simplement quelques dates.


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  1   M. le Président: Un moment, s'il vous plaît.

  2   (Les Juges se consultent sur le siège.)

  3   Maître Deretic, pour que les choses soient claires, une fois que vous avez

  4   eu la possibilité de disposer de ces notes, il est bien d'avoir une copie

  5   avec la traduction pour ne pas avoir de doutes. Je crois qu'il est clair

  6   que ce sont des notes pour que le témoin puisse s'aider. S'il s'agit

  7   seulement de cela, il n'y a pas de problème. Peut-être pourrait-on verser

  8   au dossier une copie et faire une traduction pour les parties? Etes-vous

  9   d'accord, Maître Deretic?

 10   M. Deretic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 11   crois que cela ne pose effectivement aucun problème.

 12   Premier point, je me vois contraint de faire remarquer ici que les témoins

 13   entendus jusqu'à présent ont eux aussi utilisé des notes similaires.

 14   Deuxième point, il est question ici d'un très grand nombre de faits qui se

 15   sont produits sur une période relativement longue, donc je suppose que le

 16   témoin a écrit ces notes.

 17   M. le Président: Nous sommes d'accord, Maître Deretic. C'était d'une

 18   certaine façon une suggestion de la Chambre. Le problème qui se pose est

 19   que ces notes sont écrites dans une langue que l'autre partie ne peut pas

 20   comprendre. S'il s'agissait de la même langue, on pourrait examiner ce

 21   point et on continuerait. S'il y a cette difficulté, c'est seulement pour

 22   cette raison. Il n'était pas nécessaire de faire une copie et de traduire

 23   si on comprenait immédiatement ce qui était écrit, c'est seulement pour

 24   cette raison.

 25   M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, il n'y a aucun


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  1   problème. La défense de M. Zigic ne pose pas de problème, ne crée pas de

  2   problème autour de ça.

  3   M. le Président: D'accord.

  4   M. Deretic (interprétation): Me permettez-vous de poursuivre mes

  5   questions?

  6   M. le Président: Oui.

  7   M. Deretic (interprétation): Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

  8   Président.

  9   Madame Sikic, pouvez-vous répéter la réponse que vous avez faite à ma

 10   dernière question, à savoir quand, où et pourquoi Zoran Zigic a quitté le

 11   jardin ou la cour?

 12   Mme Sikic (interprétation): Parce que Zoran Zigic était assez ivre, il

 13   avait tendance à s'endormir et donc lui comme nous avons souhaité qu'il

 14   aille se coucher. Il est donc rentré dans la maison un peu avant minuit.

 15   Question: Savez-vous où Zoran s'est couché pour dormir?

 16   Réponse: Dans la cuisine sur un canapé, il s'est allongé et …

 17   Question: Comment le savez-vous?

 18   Réponse: C'est mon mari qui l'a accompagné. Quand mon mari est rentré, il

 19   a dit qu'il s'était couché et il a ajouté "en mettant son revolver sous sa

 20   tête, sous son oreiller".

 21   Question: Madame, quand vous êtes arrivée dans la cour, le jardin de

 22   Zigic, avez-vous entendu des coups de feu?

 23   Réponse: Eh bien c'était la guerre, donc les coups de feu étaient assez

 24   fréquents, mais ils étaient espacés par un certain laps de temps.

 25   Question: Après que Zoran est allé dormir, que s'est-il passé?


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  1   Réponse: Eh bien, nous sommes restés là, nous avons continué la soirée

  2   comme si Zoran était encore avec nous, je ne sais pas.

  3   Question: Dites-nous, je vous prie, avez-vous entendu des coups de feu à

  4   partir de ce moment-là? Des coups de feu provenant de la ville?

  5   Réponse: Oui, après minuit, les coups de feu ont commencé. Disons qu'on a

  6   entendu une fusillade plus intense, qui sortait un peu de l'ordinaire.

  7   Question: Parmi les gens qui étaient là, des commentaires ont-ils été

  8   faits au sujet de ces coups de feu?

  9   Réponse: Eh bien je ne sais pas, nous étions tous un peu surpris, je ne me

 10   rappelle pas maintenant s'il s'est passé quelque chose de particulier. Ce

 11   qui s'est passé, c'est que des coups de feu ont commencé et cela ne nous a

 12   pas fait vraiment plaisir.

 13   Question: Quelle était l'intensité de cette fusillade, combien de temps a-

 14   t-elle durée, s'agissait-il de coups de feu tirés par une personne ou de

 15   plusieurs coups de feu en série, et combien de temps tout cela a-t-il

 16   duré? Réponse: Les coups de feu ont duré pas mal de temps, deux ou trois

 17   heures mais, là encore, on entendait disons une rafale, et puis il y avait

 18   une interruption, et cela reprenait assez fort; cela a duré pas mal de

 19   temps.

 20   Question: Je vous ai déjà posé une question assez semblable mais je vous

 21   redemande si, au sein du groupe que vous formiez, des commentaires ont été

 22   formulés quant au fait que ces coups de feu étaient très différents de

 23   ceux que vous aviez pu entendre avant au cours de la soirée?

 24   Réponse: Eh bien, nous avons tous commenté les événements. Personne ne

 25   savait ce qui passait, il me semble que quelqu'un a dit: «Eh bien, voilà


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  1   encore cet idiot de Ziga qui tire», mais je ne sais pas qui a dit cela.

  2   Question: Quand avez-vous quitté la cour ou le jardin de Zoran Zigic?

  3   Réponse: Après 3 heures du matin.

  4   Question: Donc le matin?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Et votre mari a quitté le jardin de Zigic en même temps que

  7   vous?

  8   Réponse: Oui, nous sommes rentrés ensemble.

  9   Question: Est-ce que vous êtes, tous les deux, immédiatement retournés

 10   chez vous à la maison?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Compte tenu de l'intensité de la fusillade qui s'était produite,

 13   saviez-vous où les coups de feu étaient tirés et ce qui passait?

 14   Réponse: Nous ne le savions pas, nous avions simplement remarqué qu'ils

 15   provenaient de la ville, mais nous ne savions pas ce qui passait.

 16   Question: Le lendemain matin, avez-vous appris quelque chose de

 17   particulier en rapport avec cette fusillade?

 18   Réponse: Oui, moi je travaillais, je travaillais tout près de chez moi,

 19   donc je travaillais en continu, c'était la guerre donc je ne faisais pas

 20   de pause. Mon mari s'est levé, il est parti en ville et il a entendu un

 21   certain nombre de choses en ville parce que nous avions un commerce, nous

 22   avions entendu dire que pas mal de gens s'étaient faits tuer.

 23   Question: Où ça?

 24   Réponse: A Keraterm, c'était le centre d'instruction le plus proche de

 25   l'endroit où nous habitions.


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  1   Question: Le jardin de Zigic était à quelle distance, si vous pouvez nous

  2   le dire, du centre-ville et de Keraterm en tant que tel?

  3   Réponse: Eh bien, il se trouvait assez loin de la ville, dans la direction

  4   de Kozarac. Il y a une petite colline et, en face de nous, il y avait

  5   l'aéroport. Donc, nous sommes en haut. Nous, nous sommes en hauteur. La

  6   ville est en contrebas et Keraterm est à gauche de la ville.

  7   Question: Pourriez-vous nous dire ici quelle pouvait être la distance à

  8   vol d'oiseau entre Keraterm et le jardin de Zigic?

  9   Réponse: Eh bien, sans doute 700 à 800 mètres, je crois en tout cas qu'il

 10   n'y a pas un kilomètre à vol d'oiseau entre les deux.

 11   Question: Après cet événement qui s'est produit à Keraterm, savez-vous ce

 12   que les gens disaient à ce sujet en ville? D'ailleurs, dites-nous d'abord

 13   si vous avez appris que les gens en parlaient et, si oui, ce qu'ils

 14   disaient? Réponse: Eh bien, je ne sais pas exactement mais on racontait

 15   que beaucoup de monde s'était fait tuer. Je n'ai rien entendu d'autre.

 16   Question: Au début de votre déposition, vous avez déclaré que Zigic avait

 17   été blessé deux fois.

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Pourriez-vous avoir l'amabilité de nous dire à quel moment Zoran

 20   a été blessé pour la deuxième fois et ce que vous savez de cela?

 21   Réponse: Il a été blessé pour la deuxième fois le 19 août et je m'en

 22   souviens très bien parce que ce jour-là, mon fils, qui n'était pas encore

 23   majeur, était avec lui, -et c'est une date que je considère comme celle de

 24   maslava, de ma fête de famille, donc un jour où j'invite des gens à la

 25   maison-, parce que quand Zoran a été blessé au menton, c'est une balle qui


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  1   a traversé la carrosserie de sa voiture et qui l'a blessé, il en porte

  2   encore la marque aujourd'hui; mon fils a pensé qu'il s'était fait tuer et

  3   il a pleuré.

  4   Moi, j'étais au travail quand Zoran a pris la voiture. Mon fils était

  5   devant le garage, il aimait beaucoup Zoran. Il aimait aller pêcher avec

  6   lui, il aimait beaucoup sa compagnie et, en fait, c'est Zoran qui lui a

  7   appris à pêcher quand il était tout petit. Donc il est entré dans la

  8   voiture sans se poser de questions et il a accompagné Zoran.

  9   D'ailleurs nos relations avec Zoran étaient telles qu'il pouvait toujours

 10   utiliser notre voiture sans même poser la question. Mais c'était la

 11   guerre! Comment les choses se sont passées exactement, je ne sais pas. En

 12   tout cas, il était avec lui.

 13   Question: Madame Sikic, certains témoins ont déclaré ici que ce jour-là

 14   votre fils a été enlevé, kidnappé par Zoran. Que pouvez-vous dire à ce

 15   sujet?

 16   Réponse: Non, non, non. J'affirme que ce n'était pas le cas et qu'à tout

 17   moment notre fils pouvait aller avec lui. Et de même, j'affirme que lui

 18   pouvait se servir de notre voiture quand il a en avait envie, il pouvait

 19   la prendre et nous la rendre ensuite.

 20   Question: J'ai encore quelques questions à vous poser.

 21   Jusqu'à cette deuxième blessure de Zoran Zigic, celui-ci a-t-il eu une

 22   cicatrice sur le menton?

 23   Réponse: Non.

 24   Question: Et j'ai une dernière question à vous poser. Je vous demande

 25   comment vous pourriez décrire votre premier voisin, que pourriez-vous dire


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  1   de sa personnalité en quelques phrases?

  2   Réponse: Eh bien, avant la guerre, très souvent, nous allions en excursion

  3   ensemble, nous nous fréquentions assidûment. Et qu'est-ce que je pourrais

  4   dire? Nous pouvions toujours lui demander une quelconque protection si

  5   nous en avions besoin. Cela dit, la situation était un petit peu

  6   désagréable du point de vue de l'alcool, mais c'est lui qui en a pâti le

  7   plus.

  8   Question: Madame, je vous prie, quelles étaient ses relations avec votre

  9   mari Ivica et quelles étaient ses relations avec les représentants

 10   d'autres groupes ethniques?

 11   Réponse: Excellentes.

 12   Question: Tout à fait bonnes?

 13   Réponse: Oui, il n'a jamais eu le moindre problème sur ce plan avec qui

 14   que ce soit.

 15   M. Deretic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, j'en ai

 16   terminé. Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

 17   M. le Président: Merci beaucoup, Maître Deretic.

 18   Je vais consulter mes collègues à propos d'une petite question.

 19   (Les Juges se consultent sur le siège.)

 20   M. le Président: Monsieur Saxon, combien de temps allez-vous utiliser pour

 21   le contre-interrogatoire, tout le temps de l'interrogatoire principal ou

 22   moins, une fois que l'hypothèse plus est tout à fait exclue?

 23   M. Saxon (interprétation): Oui, je comprends bien, Monsieur le Président.

 24   Je demanderai 35 minutes à peu près, ce qui nous amènerait à 15 heures 05,

 25   si c'est possible.


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  1   M. le Président: La meilleure façon, pour terminer ce témoin, est que nous

  2   allons prolonger peut-être un peu, d'une demi-heure après les trois

  3   heures, c'est-à-dire on va faire une pause maintenant et on va revenir

  4   pour terminer ce témoin aujourd'hui.

  5   Madame Lauer, voyez-vous un quelconque inconvénient apparent? Inapparent,

  6   il y en a toujours!

  7   Mme Lauer: Apparemment, Monsieur le Président, je pense qu'il n'y a aucun

  8   inconvénient dans la mesure où nous procéderions à une petite pause pour

  9   permettre aux interprètes de prendre aussi un peu de repos.

 10   M. le Président: Oui, nous allons faire une pause de 25 minutes, puis nous

 11   reviendrons pour le contre-interrogatoire et en essayant de finir ce

 12   témoin. Oui, Monsieur Saxon?

 13   M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, pourrait-on voir les

 14   notes, que le témoin a sous les yeux, pendant la pause?

 15   M. le Président: Je crois que oui.

 16   Maître Deretic?

 17   M. Deretic (interprétation): J'ai déjà dit ce que j'avais à dire pour

 18   répondre à la question du Procureur sur ce point.

 19   M. le Président: Nous allons sortir maintenant et vous pouvez parler sur

 20   ce point. Donc 25 minutes de pause.

 21   (L'audience, suspendue à 14 heures 30, est reprise à 15 heures.)

 22   M. le Président: Veuillez vous asseoir, s’il vous plaît.

 23   (Les accusés s'assoient.)

 24   Monsieur Saxon, vous avez la parole pour le contre-interrogatoire, s'il

 25   vous plaît.


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  1   (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Soka Sikic, par M. Saxon.)

  2   M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  3   L'accusation est parvenue à obtenir un premier projet de traduction des

  4   notes que le témoin a utilisées au cours de l'interrogatoire principal, et

  5   nous en avons fait des photocopies, mais bien sûr c'est une traduction

  6   tout à fait préliminaire.

  7   Si les Juges le souhaitent, nous pouvons fournir des exemplaires de cette

  8   première traduction en attendant la traduction définitive. Si cela

  9   intéresse les Juges, nous en avons à leur disposition.

 10   (Les Juges se consultent sur le siège.)

 11   M. le Président: Oui, les Juges acceptent.

 12   (M. Saxon remet les exemplaires au Greffe qui les distribue à la défense

 13   et aux Juges.)

 14   M. Saxon (interprétation): Madame Sikic, quand avez-vous rédigé ces notes?

 15   Mme Sikic (interprétation): Ici, à l'hôtel.

 16   Question: C'était à peu près à quel moment?

 17   Réponse: Hier à midi, après le déjeuner.

 18   Question: Etiez-vous seule quand vous avez rédigé ces notes ou étiez-vous

 19   avec quelqu'un a ce moment-là?

 20   Réponse: J'étais dans ma chambre, j'étais assise à la table et mon mari

 21   était allongé sur le lit.

 22   Question: Quelqu'un vous a-t-il dit à quelque moment que ce soit ce que

 23   vous deviez écrire dans ces notes?

 24   Réponse: Non! Je savais qu'il fallait que je sache à quel moment c'était

 25   produit l'attaque contre Prijedor et à quel moment c'était produit le


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  1   renversement du pouvoir. Cela fait pas mal de temps que ces événements ont

  2   eu lieu, pour ne pas me tromper j'ai écrit cela sur un papier.

  3   Question: Zoran Zigic, avait-il un surnom?

  4   Réponse: Non. A part Ziga, Zoran "Ziga".

  5   Question: Ziga.

  6   Pour bien comprendre ce vous avez dit dans votre déposition, dans la nuit

  7   du 24 au 25 juillet ou encore aux premières heures de la matinée quand les

  8   coups de feu ont commencé, quelqu'un parmi les invités a dit: «Voilà, Ziga

  9   qui tire encore!». Parlait-il de Zigic à ce moment-là?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Zoran Zigic, avait il la réputation d'utiliser beaucoup son

 12   revolver pour tirer?

 13   Réponse: Cela, je ne sais pas.

 14   Question: A quoi imputez-vous donc ce commentaire d'un voisin qui a dit:

 15   «Voilà cet idiot de Ziga qui tire encore»?

 16   Réponse: C'est ce que l'on racontait. D'une certaine façon chaque fois

 17   qu'il se passait quelque chose, lui quand il avait un peu bu, il lui

 18   arrivait de tirer, de crier, de gesticuler, ce genre de choses.

 19   Question: En réponse aux questions de l'interrogatoire principal, vous

 20   avez dit que lorsque M. Zigic avait bu, il devenait un peu de difficile.

 21   En 1992 auriez-vous dit que M. Zigic était alcoolique?

 22   Réponse: Il n'était pas tout le temps ivre, mais il aimait bien boire un

 23   peu. C'était la guerre, et à ce moment-là quand quelque chose vous tombait

 24   sous la main vous l'utilisiez.

 25   Question: En juin, juillet, août 1992 avez-vous souvent vu Zoran Zigic en


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  1   possession d'une arme à feu?

  2   Réponse: En général, il portait un revolver.

  3   Question: En fait comme vous l'avez déjà dit, il était habitué à aller se

  4   coucher en mettant son revolver sous son oreiller, n'est-ce pas?

  5   Réponse: C'est ce qui s'est passé quand il est allé se coucher ce jour-là.

  6   Je ne sais pas s'il dormait toujours avec le revolver sous son oreiller.

  7   Question: Vous avez déclaré pouvoir vous adresser à M. Zigic pour lui

  8   demander une protection. Parliez-vous d'une protection armée, c'est-à-dire

  9   une protection impliquant l'utilisation éventuelle d'une arme à feu?

 10   Réponse: Non, je parlais d'un appui moral, d'un soutien matériel. Et s'il

 11   avait fallu qu'il nous défende à l'aide d'une arme à feu, il l'aurait sans

 12   doute fait pour nous protéger.

 13   Question: Quand M. Zigic était ivre, lui auriez-vous fait confiance pour

 14   vous protéger, en 1992?

 15   Réponse: A notre égard, il n'a jamais fait preuve de la moindre brutalité,

 16   qu'il ait été sobre ou en état d'ébriété.

 17   Question: La soirée dont vous avez parlé, cette soirée de la fin du mois

 18   de juillet a été organisée pour fêter quoi?

 19   Réponse: Cela, ce n'était jamais un problème pour nous, si nous avions un

 20   peu de temps libre, nous réunir, boire ensemble et manger ensemble.

 21   Question: Ce n'était pas une occasion particulière, c'était simplement une

 22   réunion entre amis, entre voisins?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Vous avez dit que M. Zigic était dans le jardin et qu'il jouait

 25   d'un instrument pendant cette soirée. De quel instrument jouait-il?


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  1   Réponse: De la guitare. Et pour autant que je le sache, il aimait jouer de

  2   la guitare depuis pas mal de temps, de sorte que cela n'a posé aucun

  3   problème pour lui de prendre sa guitare et de faire un peu l'idiot devant

  4   tout le monde, si je peux dire ainsi.

  5   Question: Le bandage qu'il avait à la main gauche, au doigt de la main

  6   gauche, ne l'a pas empêché de jouer ce soir-là?

  7   Réponse: Il se débrouillait.

  8   Question: Est-ce que c'est Zoran Zigic qui a fait la cuisine au cours de

  9   cette soirée?

 10   Réponse: Nous l'avons tous fait un petit peu, nous avons fait griller de

 11   la viande, nous avons mangé, il n'y avait personne en particulier qui a

 12   fait la cuisine.

 13   Question: M. Zigic a t-il participé lui aussi à la confection des

 14   grillades?

 15   Réponse: Il était peut-être un peu plus ivre que les autres, alors...

 16   Question: Cela signifie t-il que vous répondez par l'affirmative ou par la

 17   négative?

 18   Réponse: Je n'ai pas fait particulièrement attention.

 19   Question: Combien de personnes à peu près se sont réunies au cours de

 20   cette soirée?

 21   Réponse: Une dizaine.

 22   Question: Vous rappelez-vous les noms des gens qui étaient là, s'il vous

 23   plaît?

 24   Réponse: Il y avait moi, mon mari, Ivica, son épouse Milka, deux jeunes

 25   gens qui ont joué de la musique -je n'en suis pas sûre, mais je crois


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  1   qu'ils étaient tous les deux musulmans et je ne connais pas leur nom-, les

  2   filles de Zoran, Natasa et Sanja, et Nikola a circulé parmi nous. Il y

  3   avait aussi Savka.

  4   Question: Et le "kum" de Zoran Zigic, Hasan Karavasic, était-il présent

  5   également?

  6   Réponse: Je ne sais pas, j'ai dit qu'il y avait deux musulmans, mais je ne

  7   sais pas comment ils s'appellent. Peut-être qu'on m'a dit leur nom ce

  8   soir-là, mais j'ai oublié, je ne sais plus.

  9   Question: Avez-vous parlé à M. Zigic au cours de cette soirée?

 10   Réponse: Rien de spécial. Nous étions tous ensemble, nous nous sommes

 11   amusés ensemble.

 12   Question: Avez-vous parlé du camp de Keraterm pendant que vous étiez tous

 13   réunis?

 14   Réponse: Non. Cela n'était jamais un sujet de conversation entre nous.

 15   Question: Avez-vous parlé du camp d'Omarska pendant que vous étiez tous

 16   réunis?

 17   Réponse: Encore moins.

 18   Question: Et le camp de Trnopolje? Est-ce que les gens ont parlé du centre

 19   de regroupement de Trnopolje?

 20   Réponse: Non.

 21   Question: Quand M. Zigic est parti se coucher aux environs de minuit,

 22   selon ce que vous avez dit dans votre déposition, l'avez-vous vu en

 23   personne couché dans son lit?

 24   Réponse: Avant minuit, je ne l'ai pas vu en train de dormir.

 25   Question: Donc vous n'avez pas vu M. Zigic en train de dormir dans son lit


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  1   après qu'il a quitté la soirée?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Oui, vous l'avez vu en train de dormir dans son lit, ou non vous

  4   ne l'avez pas vu?

  5   Réponse: Je ne l'ai pas vu en train de dormir, je l'ai vu quand il est

  6   parti vers la maison.

  7   Question: Savez-vous si M. Zigic a dormi toute la nuit et ce sur la base

  8   de votre connaissance personnelle?

  9   Réponse: Je crois que oui.

 10   Question: Vous pensez qu'il l'a fait, mais savez-vous avec certitude et

 11   sur la base de ce que vous avez pu constater vous-même qu'il l'a fait?

 12   Réponse: Nous, nous sommes restés jusqu'à trois ou quatre heures. Jusqu'à

 13   ce moment-là, il n'a pas quitté la maison, il n'aurait pas pu sortir de la

 14   maison sans que nous le voyions puisque nous étions devant l'entrée de sa

 15   maison.

 16   Question: Avez-vous vous-même bu un peu ce soir-là?

 17   Réponse: Des jus de fruits.

 18   Question: Y a-t-il eu une dispute ce soir-là? Est-ce que les gens en sont

 19   venus aux mains?

 20   Réponse: Non.

 21   Question: Vous avez dit que si M. Zigic avait quitté la maison, on

 22   l'aurait vu. Y avait-il une seule entrée dans cette maison ou y en avait-

 23   il plusieurs?

 24   Réponse: Une seule entrée.

 25   Question: Y avait-il des fenêtres à cette maison?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Y avait-il des fenêtres sur la façade avant et sur la façade

  3   arrière de la maison?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Y avait-il des fenêtres sur les façades latérales?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Sur les trois côtés.

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Vous avez dit que la maison de M. Zigic et de ses parents se

 10   trouvait à 700 ou 800 mètres du camp de Keraterm. Combien de temps aurait-

 11   il fallu en voiture pour aller de cette maison jusqu'au camp de Keraterm?

 12   Réponse: Une dizaine de minutes.

 13   Question: Combien de temps aurait-il fallu pour aller à pied de cette

 14   maison jusqu'au camp de Keraterm?

 15   Réponse: Une demi-heure, à peu près, peut-être un peu moins.

 16   Question: Je demande un instant à la Chambre.

 17   (Le Banc du Procureur se consulte.)

 18   Vous avez dit que votre fils avait 15 ans en 1992, c'est bien ça?

 19   Réponse: 14 ans, 15 ans, je ne sais plus exactement. Mon fils est né en

 20   1978.

 21   Question: Selon votre déposition, votre fils était avec M. Zigic dans une

 22   voiture le 19 août, jour où M. Zigic a reçu une balle dans le menton.

 23   J'ai bien compris ce que vous avez dit?

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Vous saviez que M. Zigic avait tendance à boire en 1992, n'est-


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  1   ce pas?

  2   Réponse: Oui, de façon générale.

  3   Question: Et c'était la guerre à Prijedor, n'est-ce pas?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: M. Zigic portait souvent un revolver, n'est-ce pas?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Pourquoi autorisiez-vous votre fils à rester seul avec un homme

  8   armé qui buvait beaucoup et qui devenait difficile quand il avait bu et ce

  9   en temps de guerre, si votre fils n'avait que 14 ou 15 ans?

 10   Réponse: Moi, j'étais au travail quand Zoran est arrivé, qu'il a pris la

 11   voiture, mon fils était devant le garage, il était en train de fabriquer

 12   quelque chose, une maisonnette pour les lapins si je ne me trompe pas.

 13   Zoran lui a demandé s'il voulait venir avec lui et il a accepté

 14   immédiatement parce qu'il acceptait toujours ce que Zoran lui demandait.

 15   Zoran n'a jamais posé aucun problème. Je n'ai jamais réfléchi au fait

 16   qu'il pouvait y avoir des problèmes même s'il était ivre et qu'il portait

 17   un revolver. Ce jour-là en particulier, je n'étais pas là, j'étais au

 18   travail. Après le travail, je devais aller à l'enterrement du père d'un

 19   voisin qui était décédé. Quand je suis revenue à la maison vers 4 heures

 20   ou 5 heures de l'après midi, mon fils n'était pas là, il est rentré vers 6

 21   heures de l'après-midi. Je n'ai même pas réfléchi à la question. Zoran

 22   n'aurait jamais fait le moindre mal à mon fils, il est simplement parti

 23   avec lui et je savais qu'il allait revenir.

 24   Question: Vous avez dit que le père d'un voisin était mort et vous êtes

 25   allée à l'enterrement?


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  1   Réponse: Oui, c'est exact.

  2   Question: Quand un voisin meurt ou que quelqu'un de proche meurt à

  3   Prijedor, est-ce que l'enterrement aurait été un événement grave ou est-ce

  4   que cela aurait été une soirée, une réception?

  5   Réponse: C'était un événement grave. Nous sommes allés rendre un dernier

  6   hommage à notre voisin. En face de la maison de Zoran se trouve la maison

  7   dans laquelle ce voisin était mort et nous sommes donc par respect allés

  8   chez ce voisin pour participer à l'enterrement.

  9   M. Saxon (interprétation): Un instant, Monsieur le Président, je vous

 10   prie. Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

 11   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   M. le Président: Je vous remercie, Monsieur Saxon.

 13   Maître Deretic, avez-vous des questions supplémentaires? Si vous en avez,

 14   allez-y.

 15   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Soka Sikic, par Me

 16   Deretic.)

 17   M. Deretic (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le

 18   Président, j'aurais encore deux ou trois questions à poser simplement.

 19   Quand Zoran est parti pour aller dormir, dans quel état était-il? Je parle

 20   de son état d'ébriété. Pouvait-il se déplacer seul ou avait-il besoin de

 21   l'aide de quelqu'un pour se déplacer? A-t-il été transporté par quelqu'un

 22   jusqu'à la maison?

 23   Mme Sikic (interprétation): Il était complètement ivre et mon mari l'a

 24   aidé comme il l'aurait toujours fait.

 25   Question: Dans cet état, Zoran Zigic était-il capable de sauter par la


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  1   fenêtre?

  2   Réponse: Il n'en est pas question.

  3   Question: Zoran Zigic aurait-il pu sortir de la maison en passant par la

  4   porte et passer à côté de vous sans que vous le voyiez?

  5   Réponse: C'était impossible car la maison est une petite maison à la

  6   campagne, il y a un petit jardin, la porte est de taille normale. Il n'y

  7   avait aucune possibilité pour lui de sortir sans que nous le voyions.

  8   Question: Vous avez dit que lui aussi, ce soir-là, avait joué de la

  9   guitare?

 10   Réponse: Oui, il appréciait beaucoup de jouer de la musique.

 11   Question: Comment a-t-il joué de la guitare, bien ou mal? Pourriez-vous le

 12   décrire plus en détail?

 13   Réponse: Je viens de dire à l'instant qu'il a pris la guitare pour jouer

 14   et, excusez-moi d'utiliser cette expression, mais enfin pour faire un peu

 15   l'imbécile avec sa guitare.

 16   Question: S'il vous plaît, jusqu'à ce que vous rentriez chez vous, vous

 17   avez dit que vous étiez rentrés à trois ou quatre heures du matin?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Jusqu'à ce moment-là, est-il sorti de la maison?

 20   Réponse: Non.

 21   Question: Dans ce laps de temps, c'est-à-dire entre le moment où il est

 22   retourné dormir et votre retour chez vous, est-ce qu'il a pénétré dans la

 23   maison?

 24   Réponse: Je ne sais pas.

 25   Question: Est-ce que vous savez si des parents de Zoran sont entrés dans


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  1   la maison, ou peut-être sa femme?

  2   Réponse: Il rentrait et sortait régulièrement assez souvent dans la

  3   soirée.

  4   Question: Dans ce laps de temps, est-ce que quelqu'un a dit quelque chose

  5   au sujet de Zoran et du fait qu'il dormait?

  6   Réponse: Non.

  7   M. Deretic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus de

  8   questions.

  9   M. le Président: Merci, Maître Deretic.

 10   Monsieur Riad, avez-vous des questions?

 11   (Questions du Juge Riad au témoin, Mme Soka Sikic.)

 12   M. Riad (interprétation): Bonjour, Madame Sikic.

 13   Mme Sikic (interprétation): Bonjour.

 14   Question: J'aurais simplement une question à vous poser au sujet de cette

 15   feuille de papier qui nous a été remise. Apparemment, elle a été traduite

 16   mais on dirait que ce sont des réponses à des questions. Vous dites: "je

 17   ne sais pas", "je sais".

 18   Est-ce que vous aviez prévu d'entendre certaines questions et est-ce que

 19   vous avez déjà mis par écrit vos réponses ou qu'est-ce que c'est

 20   exactement?

 21   Réponse: Il est normal, puisque je viens ici de penser qu'il fallait que

 22   je sache quand a eu lieu la guerre, quand a eu lieu la blessure de Zoran

 23   accompagné de mon fils. Toute cette période est assez longue et il est

 24   difficile de se rappeler de toutes ces dates sans un aide-mémoire.

 25   Question: Vous vous êtes construit un scénario et vous répondiez à des


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  1   questions supposées?

  2   Réponse: Non, ce sont des sujets, des thèmes.

  3   Question: Mais je vois que vous avez écrit: "je ne sais pas", "je ne sais

  4   pas". C'est une réponse, "je ne sais pas"?

  5   Question: Eh bien, je ne connais pas exactement la question, donc il est

  6   mieux de ne pas essayer de répondre si je ne sais pas ce que sera la

  7   question et ce que sera peut-être la réponse.

  8   Question: Merci, c'est une bonne préparation.

  9   Mme Sikic (interprétation): Merci.

 10   M. le Président: Merci, Monsieur Riad.

 11   Madame le Juge Wald, s'il vous plaît?

 12   (Questions du Juge Wald au témoin, Mme Soka Sikic.)

 13   Mme Wald (interprétation): Madame Sikic, vous avez dit que M. Zigic avait

 14   votre accord pour conduire votre voiture car vous aviez confiance en lui.

 15   Est-ce qu'à ce moment-là il avait sa propre voiture?

 16   Mme Sikic (interprétation): Non, j'ai l'impression que non.

 17   Question: Et une moto? Est-ce qu'il avait une moto qui lui appartenait à

 18   l'époque, pour autant que vous le sachiez?

 19   Réponse: Moi j'ai vu une petite moto, une mobylette, mais je ne me

 20   souviens pas de la période, si c'était à ce moment-là ou plus tard. Les

 21   enfants s'en servaient aussi mais je ne sais pas avec exactitude quand.

 22   Question: Très bien.

 23   Au cours de cette nuit-là, la nuit dont nous avons parlé, la nuit pendant

 24   laquelle vous étiez tous regroupés, est-ce que vous pouvez nous dire quel

 25   était le dernier moment approximativement où vous, personnellement, vous


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  1   avez vu M. Zigic? A quel moment est-ce que ceci s'est produit?

  2   Réponse: Moi, personnellement, certainement vers 11 heures et demie,

  3   minuit, c'est-à-dire au moment où il s'est retiré pour se coucher.

  4   Question: Merci.

  5   Voici ma dernière question: vous avez dit que, par la suite, lorsque les

  6   tirs se sont intensifiés, il était déjà rentré dans la maison mais qu'une

  7   partie d'entre vous êtes restés devant, dans la cour, et que les gens ont

  8   dit: "c'est certainement l'imbécile de Ziga qui est en train de tirer de

  9   nouveau".

 10   Pourquoi est-ce que les gens disaient cela si toutes ces personnes dans la

 11   cour l'avaient vu entrer à l'intérieur de la maison en état d'ébriété

 12   juste quelques heures plus tôt et que vous l'avez vu s'allonger sur le

 13   lit? Pourquoi est-ce qu'ils ont dit que c'était certainement Ziga qui

 14   tirait, à votre avis?

 15   Réponse: Eh bien ça, c'était typiquement la réaction des autres personnes

 16   par rapport à cela, c'est ce que les autres auraient dit.

 17   Question: Mais à votre avis, ce n'est pas ce qu'ils ont pensé eux-mêmes

 18   mais tout simplement ils pensaient que les autres allaient dire ceci

 19   éventuellement? Est-ce que c'est cela que vous vouliez dire.

 20   Réponse: Oui.

 21   Mme Wald (interprétation): Merci beaucoup.

 22   M. le Président: Madame Sikic, moi-même, j'ai d'autres questions.

 23   Oui, Maître Stojanovic?

 24   M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, avec votre

 25   permission, le Juge Riad s'est penché de nouveau sur cette feuille de


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  1   papier. Nous souhaitons réserver le droit à poser des questions

  2   supplémentaires. Nous avons reçu la traduction mais nous ne disposons pas

  3   de l'original, donc nous ne pouvons pas confirmer si c'est vraiment ce qui

  4   est écrit en langue BCS. Nous avons donc besoin de simplement une ou deux

  5   minutes pour vérifier cela, nous ne savons pas le contenu en langue

  6   originale. Quand le Juge Riad a posé cette question, c'est pour cela que

  7   j'ai réagi. Nous n'avons que la traduction, nous n'avons pas l'original.

  8   M. le Président: Qui a l'original, Maître Stojanovic? Je crois que c'était

  9   vous. Vous avez l'original? Ou alors le témoin?

 10   M. Stojanovic (interprétation): Je pense que seul le Procureur dispose de

 11   l'original.

 12   Mme Sikic (interprétation): Non, non. Ils me l'ont rendu. Je l'ai.

 13   M. le Président: Vous pouvez demander l'original au témoin et vérifier si

 14   oui ou non la traduction est une bonne tentative déjà?

 15   M. Stojanovic (interprétation): Pendant la pause, c'est le Procureur qui

 16   avait l'original. C'est donc pour cela que nous n'avons pas eu l'occasion

 17   de comparer cela. Merci.

 18   M. Saxon (interprétation): Afin de clarifier ce point, je souhaite

 19   indiquer que nous avons pris l'original pendant deux à trois minutes afin

 20   de faire des photocopies et nous avons remis cela à l'huissier pour qu'il

 21   remette l'original au témoin. Nous avons, je me corrige, remis cela à

 22   Madame la greffière.

 23   M. le Président: Avez-vous fini?

 24   M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous

 25   considérons qu'il n'y a que quelques nuances de différences, justement en


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  1   ce qui concerne la question posée par le Juge Riad, où il est écrit en

  2   anglais, "I am not aware", «Je ne suis pas conscient, ou au courant»,

  3   alors que dans l'original il est écrit: «Je ne sais pas». Donc il s'agit

  4   là d'une petite nuance, il y en a d'autres, mais rien d'important.

  5   M. le Président: Monsieur l'huissier, est-ce que vous pouvez faire

  6   retourner l'original au témoin, s'il vous plaît?

  7   (L'huissier s'exécute.)

  8   (Questions de M. le Président Rodrigues au témoin, Mme Soka Sikic.)

  9   M. le Président: Madame Sikic, les deux premières notes que vous avez dans

 10   vos notes de mémoire, doivent être lues ainsi: "camouflage" et

 11   "uniforme", c'est cela?

 12   Mme Sikic (interprétation): Oui.

 13   Question: Quel est le contexte qui vous a fait prendre ces notes ?

 14   Pourquoi vous avez écrit «camouflage, uniforme et béret rouge», quel est

 15   le contexte?

 16   Réponse: Moi, je voulais toujours dire «uniforme multicolore», et puis je

 17   me suis dit qu'il faut que je me souvienne qu'on dit «uniforme de

 18   camouflage», c'est la seule raison. Et le «béret rouge» c'est parce qu'il

 19   portait un béret rouge.

 20   Question: Et dans le temps, vous alliez placer où ce camouflage et ce

 21   béret rouge? Vous avez compris? Dans l'espace et dans le temps, c'était

 22   lié à quoi?

 23   Réponse: C'est l'uniforme qu'il portait dès le début de la guerre, et

 24   comme je l'ai dit, le béret rouge que tout le monde ne portait pas. Peu de

 25   monde portait un béret rouge.


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  1   Question: Quand vous avez dit "portait dès le début de la guerre", quelle

  2   est la date du début de la guerre pour vous?

  3   Réponse: Eh bien, la prise de contrôle a eu lieu le 30 avril. Ensuite,

  4   nous avons eu un mois que nous avons passé dans l'anxiété et la peur. Et

  5   ensuite avec l'attaque, on a su que la guerre avait commencé. En ce qui me

  6   concerne, je n'ai plus retenu de date par la suite.

  7   Question: Vous avez une autre note. Je vais lire en anglais car je l'ai

  8   en anglais: "Les gens qui ont participé à l'attaque contre Prijedor et qui

  9   n'ont pas respecté les Serbes". Ne regardez pas le papier maintenant, s'il

 10   vous plaît. Quel était le contexte pour cette note?

 11   Réponse: C'était pour me permettre d'exprimer quelles sont les personnes

 12   que l'on a amenées au camp, c'étaient les personnes qui ne respectaient

 13   pas les autorités, et les personnes qui avaient participé à l'attaque

 14   contre Prijedor.

 15   Question: Est-ce que vous savez quelle était l'ethnicité de ces personnes

 16   par exemple?

 17   Réponse: Les Croates et les Musulmans. S'il était nécessaire de respecter

 18   les autorités Serbes, il est logique de dire que c'étaient les Croates et

 19   les Musulmans.

 20   Question: Une autre note que vous avez prise, c'est: "a duré deux ou

 21   trois heures". Quel est le contexte qui vous a fait prendre cette note

 22   «duré deux ou trois heures», quoi ?

 23   Réponse: Si les coups de feu ont commencé après minuit, puis on tirait,

 24   puis on s'est arrêtés, puis on tirait de nouveau pendant une demi-heure

 25   par exemple, je ne sais pas avec exactitude, et puis cela s'est


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  1   intensifié, et le tout a duré comme cela deux ou trois heures, je ne sais

  2   pas exactement combien de temps, je ne veux pas être aussi précise que

  3   cela.

  4   M. le Président: Très bien.

  5   Madame Sikic. Nous n'avons pas d'autres questions à vous poser. Nous vous

  6   remercions d'être venue. Nous vous souhaitons un bon retour à votre

  7   endroit de résidence et bon travail. Je vais demander à Monsieur

  8   l'huissier de vous raccompagner. Merci beaucoup.

  9   Réponse: Je souhaite vous remercier de votre gentillesse et je serai

 10   heureuse de savoir que ma participation a été utile. Merci.

 11   (Le témoin, Mme Soka Sikic, est reconduit hors du prétoire.)

 12   M. le Président: Monsieur Saxon ?

 13   M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, en ce moment le

 14   Procureur souhaite qu'une copie des notes de ce témoin reçoive la cote

 15   3/2.4.2., avec le projet de traduction. Dès que nous aurons la traduction

 16   définitive, nous allons proposer le versement au dossier de cette

 17   traduction et nous considérons que ceci porte sur la crédibilité de ce

 18   témoin.

 19   M. le Président: C'est Maître Stojanovic qui va se prononcer ?

 20   M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 21   Nous sommes contre cela. Nous considérons que même le fait de proposer

 22   cela n'est pas correct compte tenu de la manière dont nous nous sommes

 23   comportés.

 24   De nombreux témoins de l'accusation bénéficiaient de leurs notes. De

 25   nombreuses fois, nous avons exprimé le souhait de voir les notes, nous les


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  1   avons photocopiées et il n'y avait jamais de problème. Il s'agit

  2   d'événements qui ont eu lieu il y a longtemps et qui portent sur un grand

  3   nombre de circonstances. Je considère de toute façon qu'il s'agit là de

  4   documents qui ne devraient pas faire l'objet du versement au dossier.

  5   Sinon, des situations absurdes se créeront où nous demanderons que tout le

  6   monde soumette toutes sortes de notes.

  7   Nous ne considérons pas du tout qu'il s'agisse là d'un véritable document,

  8   il s'agit de quelque chose qui a été écrit à la main, sur une feuille de

  9   papier. Nous considérons que, d'après le Règlement, il n'est pas

 10   nécessaire de verser cela au dossier en tant que document. Merci.

 11   M. le Président: Vous voulez répliquer, Monsieur Saxon ?

 12   M. Saxon (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 13   Avec tout le respect que je dois à Me Stojanovic, ces notes ne sont pas

 14   simplement quelque chose que le témoin a écrit sur une feuille de papier.

 15   Le Procureur a comparé cela au compte rendu d'audience et ce que nous

 16   pouvons voir à la page 64 du compte rendu d'audience et ce qui se poursuit

 17   à la page 76 nous indique que les notes que le témoin avaient devant elle

 18   correspondent totalement à sa déposition.

 19   Donc nous considérons qu'il s'agit là des notes qui sont pertinentes pour

 20   évaluer la crédibilité de ce témoin et c'est pour cela que nous proposons

 21   leur versement au dossier.

 22   M. le Président: Un moment, s'il vous plaît. On doit terminer.

 23   Maître Stojanovic, excusez-moi.

 24   (Les Juges se consultent sur le siège.)

 25   La Chambre se réserve la décision pour le moment d'avoir la traduction


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  1   définitive. Le document est déjà marqué. Après, dès qu'on aura la

  2   traduction définitive, la Chambre se prononcera. Nous avons besoin de

  3   réfléchir un peu.

  4   Pour aujourd'hui, nous avons terminé. Nous allons revenir demain, mais il

  5   faut avant dire que M. le Juge Riad demain ne sera pas avec nous la

  6   première partie de la matinée, car il a des engagements relatifs à sa

  7   santé.

  8   Nous allons travailler de 9 heures 20 jusqu'à 11 heures avec les deux

  9   Juges et après en présence de M. le Juge Riad.

 10   (Les accusés sont reconduits hors du prétoire.)

 11   (L'audience est levée à 15 heures 45.)

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