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1 (Lundi 26 mars 2001.) (Affaire IT 98-30/1)
2 (Audience publique.)
3 L'audience est ouverte à 9 heures 25.
4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
5 M. le Président: Veuillez vous asseoir.
6 Bonjour, Mesdames et Messieurs. Bonjour, cabine technique. Bonjour aux
7 interprètes. Bonjour le Greffe. Bonjour, conseils de l'accusation et de la
8 défense. Bonjour les accusés.
9 Nous allons aujourd'hui commencer la défense de l'accusé, M. Zigic, donc
10 je donne la parole à Me Stojzanovic pour, je crois, une déclaration
11 préliminaire, le terme de l'Article 84.
12 Maître Stojzanovic, c'est cela?
13 M. Stojzanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous
14 remercie.
15 Si vous me le permettez, je me réserve une possibilité pour soulever
16 d'autres questions encore qui sont demeurées plus ou moins obscures
17 concernant les décisions qui nous ont été communiquées mais, comme vous
18 l'avez dit, c'est ma déclaration préliminaire qui est à l'ordre du jour
19 pour maintenant.
20 (Déclaration liminaire de Me Stojanovic.)
21 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il n'est pas tout à
22 fait aisé de confectionner ou de faire un choix véritable de tout ce que
23 la défense de M. Zoran Zigic devrait énoncer et dire dans ce moment
24 précis. Il s'agit d'englober bien des choses mais la procédure est une
25 chose qui sous-entend par soi-même une dynamique, ce qui fait que chaque
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1 chose viendra en son temps, chose dont nous tenons compte en ce moment
2 précis.
3 Dans l'essentiel, d'une façon sommaire, nous souhaiterions indiquer quels
4 sont nos points de vue concernant ce qui figure à l'Acte d'accusation
5 concernant ce qui a été fait à ce jour ainsi qu'à l'égard des intentions
6 et objectifs que nous souhaitons réaliser au travers de ce que l'on
7 appelle dans la terminologie de cette procédure du "common law" notre
8 affaire.
9 La défense de Zoran Zigic a déjà présenté une partie de ces points de vue
10 de principe au travers de sa requête pour ce qui concerne un jugement
11 d'acquittement qui, mutatis mutandis, persistera à être d'actualité dans
12 la défense que nous présenterons.
13 Il est deux fondements sur lesquels se base ou sur lesquels repose la
14 défense, que nous nous proposons de présenter. D'abord une recherche
15 active de la vérité et des événements relatifs, puis une analyse juridique
16 attentive des faits établis et leur corrélation logique. Nous nous
17 proposons de dire tout de suite ouvertement: la vérité sera parfois
18 douloureuse pour notre client, mais nous sommes profondément convaincus
19 que cela sera ou fera partie dans une mesure disproportionnellement petite
20 de ce qui lui est porté à charge. Mais il est vrai qu'il est des faits
21 dont M. Zigic ne cherche pas à se disculper ou à fuir. C'est là que réside
22 sa motivation, suite à la lecture des deux Actes d'accusation mis à sa
23 charge, à demander à être transféré à La Haye pour être jugé devant ce
24 Tribunal.
25 Comme nous l'indiquent les expertises psychologiques établies par deux
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1 experts nommés par le Greffe, M. Zigic s'avère être une personne
2 extrêmement intelligente. Aussi savait-il certainement que les chefs
3 d'accusation figurant dans deux Actes d'accusation suffisent pour une
4 sentence des plus lourdes. Pourquoi a-t-il alors demandé à être transféré
5 vers La Haye et à être jugé concernant ces Actes d'accusation?
6 Eh bien la réponse est simple: il savait que, de tout ce qui est énoncé,
7 il en a fait fort peu et, compte tenu du volume et du sérieux de la
8 procédure qui est conduite devant ce Tribunal, il s'est dit que la vérité
9 finirait bien par se faire connaître. Nous ne pouvons pas dire qu'il a été
10 induit dans une erreur concernant sa responsabilité, comme cela est
11 présenté parfois par ceux qui ne sont pas des auteurs directs de certains
12 actes qui auront un rang plus élevé. Tout simplement, il sait fort bien
13 s'il a passé à tabac quelqu'un, s'il a torturé ou tué quelqu'un; c'est
14 conscient de ce fait qu'il a demandé à être transféré vers La Haye.
15 Et à l'occasion de tout ce qui s'est passé, il a eu l'honneur de voir le
16 Président de cette Chambre précisément faire réaliser le transfert en
17 question par la décision qu'il a prononcée.
18 L'analyse juridique et l'application des principes logiques sont le
19 terrain où la défense est amenée à combattre les positions adoptées par
20 l'accusation. Il est aisé de trouver des réponses dans un conflit du droit
21 avec le non-droit, quoique, là aussi, les évaluations quantitatives font
22 souvent l'objet de divergences importantes, mais il est bien plus
23 difficile de résoudre un conflit entre plusieurs principes juridiques
24 acceptables.
25 Dans les décisions prises par ce Tribunal, la logique qui peut être tant
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1 juridique qu'afférente à des faits seuls aboutit sans doute aucun à un
2 niveau fort élevé. La plupart des gens diront: "il est aisé de résoudre un
3 conflit entre le logique et l'illogique". Toutefois, c'est précisément là
4 que se terrent les dangers les plus grands. Heureusement, cela est quand
5 même plus rare, d'une certaine façon, et l'absence de logique fait preuve
6 d'une certaine logique aussi en arrière-fond.
7 A notre avis, cela nous indique que, comme on a souvent conçu la norme de
8 "au-delà du doute raisonnable" peut devenir ou se faire assez ou plutôt
9 relatif. Cela ne doit pas forcément garantir la vérité seule mais
10 constituer une règle du jeu, notamment en raison du fait que cette norme
11 ici a souvent été acceptée de façon injustifiée en corrélation très forte
12 avec la règle de l'équilibre des probabilités, le tout en l'absence de
13 traces fermement confirmées de certains actes. Nous estimons, pour ce qui
14 nous concerne, que cela ne suffit souvent pas pour pouvoir décider de la
15 destinée de quelqu'un.
16 Mais le problème fondamental, c'est le conflit entre le logique et
17 l'illogique. On peut en effet expliquer bien des éléments de façon
18 multiple et acceptable. Je crois que le Juge de la Cour suprême des Etats-
19 Unis, M. Holmes, l'a remarqué il y a fort longtemps. Bien entendu, nous
20 sommes d'accord, mais il faut aller au-delà et, dans ce cas-là, il s'agit
21 de placer fermement des critères qui nous indiqueront quelles sont les
22 priorités à suivre.
23 En tout état de cause, la logique doit être reliée tant avec les sciences
24 naturelles qu'avec les sciences sociales / humaines, partant du facteur
25 anthropologique qui donne la mesure à tout cela. Cependant, la logique par
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1 soi-même n'est souvent pas suffisante. Le droit peut être aussi illogique
2 du point de vue des principes fondamentaux de la loi.
3 La position de la défense consiste à dire que l'Acte d'accusation se fonde
4 dans une grande mesure sur une logique simplifiée et sur une logique qui
5 conduit, dans le meilleur des cas, au possible et au probable; mais il
6 convient, pour une condamnation, de se fonder sur des éléments plus sûrs
7 et plus réfléchis.
8 A cet endroit précis, à titre d'exemple, nous souhaitons indiquer
9 l'existence avancée de ce que l'on appelle la théorie de l'objectif
10 commun. La défense ici aussi a certainement pour objectif conjoint ou
11 commun avec le Bureau du Procureur de faire rejaillir la vérité et la
12 justice. C'est certainement l'objectif vers lequel aspire la Chambre elle-
13 même, mais cela n'a rien de commun avec la théorie du Bureau du Procureur
14 relative à l'objectif commun.
15 "Essen lynching" (le lynchage d'Essen) est loin de ce que le Bureau du
16 Procureur cherche à placer sous forme de théorie appliquée dans l'affaire
17 en question. Malheureusement, la théorie va dans un sens bien plus
18 négatif, à savoir dans un sens rétrograde; il s'agirait d'un pas
19 considérable en arrière par rapport même à ce qui a été fait en 1945. A
20 l'époque, l'objectif commun avait été pris en considération par rapport à
21 un évènement concret et on a cherché un objectif direct et très concret
22 pour en faire un objectif commun et non pas un objectif imaginaire, voire
23 idéologique. Par conséquent, je vais peut-être être cru dans ma
24 comparaison: les Nazis eux aussi s'étaient trouvés en position plus
25 avantageuse par rapport à notre client lorsqu'il s'agit de la position
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1 adoptée par le Bureau du Procureur s'agissant de la théorie de l'objectif
2 commun. Car tous les Nazis, tous les Nazis quoi que le statut de Nuremberg
3 y a ménagé une place, donc tous ces Nazis et loin de la plupart des
4 Allemands, n'ont fait l'objet de cette théorie en dépit de l'objectif
5 commun qu'ils avaient eu ensemble, à savoir de conquérir le monde et
6 d'exterminer bien des peuples et cela sous-entendait bien entendu beaucoup
7 de persécutions sous forme plus ou moins bénigne.
8 En tout état de cause, cette façon de concevoir la théorie de l'objectif
9 commun et la responsabilité criminelle n'a rien n'a point de fondement
10 dans les Statuts de ce Tribunal et en sus des objectifs communs dans des
11 actes humains qui sont nombreux, en sus de "vérité et justice". On peut
12 par exemple dire de façon tout à fait certaine que l'objectif commun des
13 représentants du Bureau du Procureur et de la défense peut être celui
14 d'encaisser des fonds des Nations Unies. Ce n'est pas une contrevérité,
15 cela est par contre dans bien des cas l'objectif primaire de bien des gens
16 qui assurent ainsi l'existence de leur famille… Si par exemple la défense
17 se dirigeant vers un objectif commun avec le Bureau du Procureur en
18 direction de la vérité de la justice, si cette défense abuse ou commet des
19 actes par excès, cela doit signifier aussi que le Bureau du Procureur doit
20 assumer ses responsabilités.
21 Nous cherchons donc à illustrer que, de façons innombrables, du bon et du
22 mauvais côté, il s'agit de présenter un grand nombre d'objectifs communs.
23 Par conséquent, ces objectifs communs ont plusieurs significations et une
24 relativité concernant la façon dont cette théorie de l'objectif commun n'a
25 été acceptée dans un droit pénal contemporain nulle part. En sus, la
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1 participation de plusieurs personnes dans une transaction commune est
2 résolue presque partout par l'application de la théorie de complicité.
3 La théorie de l'objectif commun, notamment dans le sens où cela est
4 présenté par l'autre partie, constitue de façon évidente une façon
5 dissimulée d'induire une responsabilité collective dans le sens d'une
6 responsabilité sans culpabilité et une responsabilité collective qui, de
7 cette façon-là, pourrait être attribuée à tout un peuple. Ce serait là un
8 pas en arrière par rapport à l'individualisation de la culpabilité et un
9 pas en avant vers une responsabilité collective, vers un retour au Moyen
10 Âge. D'autre part, cela ne peut qu'influer négativement sur les objectifs
11 de la condamnation et de la sanction. Cette théorie où l'on ne fait pas la
12 différence souvent entre le coupable et le non coupable engendre des
13 tragédies dans le droit pénal. En tout état de cause, cela exerce une
14 influence de-stimulative sur ceux qui se retiennent de commettre des crimes
15 concrets alors que cela se passe dans leur environnement et chez ceux où
16 il n'y a pas de mens rea approprié.
17 En termes généraux, indépendamment de la théorie de l'objectif commun, la
18 défense estime que, de nos jours, nous ne saurions prendre appui sur la
19 pratique des cours militaires qui avaient été mise en place dès la fin de
20 la Deuxième Guerre. Nous vivons en 1995, non en 1946, et les évènements
21 eux-mêmes ne sont guère comparables. Aussi sommes-nous portés à être
22 d'accord s'agissant de la comparaison imagée de l'un de nos collègues qui
23 avait dit que la contribution des cours militaires à l'essor du droit
24 était égale à la contribution de la musique militaire à l'essor de la
25 musique en général.
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1 Ce Tribunal-ci et les temps où nous vivons doivent constituer un degré
2 supérieur dans l'essor de la société et dans le développement du droit.
3 Madame et Messieurs les Juges, la défense se doit de dire que l'Acte
4 d'accusation n'est pas en pleine mesure claire, notamment du point de vue
5 de ce qui figure dans les avenants confidentiels qui sont devenus entre-
6 temps publics et qui accompagnent l'Acte d'accusation, et de la
7 corrélation entre ces différents documents. D'autre part, exception faite
8 d'un cas exceptionnel, compte tenu de l'intervalle de temps assez grand
9 par rapport à la perpétration des actes, la défense s'est vue rendre
10 impossible une défense par alibi. Il n'y a pas de traces matérielles de
11 l'acte perpétré ou de documents qui parlent de façon notable des actes qui
12 sont imputés à Zigic. Et cela brille également par son absence.
13 Aussi la défense doit-elle se défendre par voie de ce que l'on appelle des
14 "témoins hostiles", qui sont en fait des témoins de l'accusation ou alors
15 par voie de témoignages de gardiens serbes qui sont, eux aussi, accusés ou
16 pourraient l'être.
17 Mais nul de ces personnes ou presque ne souhaite témoigner et ne souhaite
18 notamment énoncer des témoignages en faveur de Zigic, ou des témoignages
19 qui pourraient les amener à être mis en accusation eux-mêmes.
20 Tout cela indique que la défense ne bénéficie nullement de conditions
21 favorables ou équitables dans une situation qui est objectivement telle.
22 Et nous ne saurions blâmer qui que ce soit pour cela.
23 Mais cela ouvre à la défense le droit de demander que le Bureau du
24 Procureur soit placé dans des conditions analogues, avec un recours à des
25 mécanismes quelque peu différents et qui sont généralement acceptés.
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1 L'un de ces mécanismes est certainement une position qui est très répandue
2 dans la pratique du monde entier, à savoir celle où l'on ne saurait
3 condamner quelqu'un pour des actes des plus graves partant du seul récit
4 d'un ou deux témoins hostiles.
5 Comment la défense évalue-t-elle la situation, la position du cas conduit
6 par le Bureau du Procureur, par l'affaire conduite par le Bureau du
7 Procureur, par rapport à l'accusé Zigic en ce moment-ci?
8 Eh bien, la présentation des éléments de preuve du Bureau du Procureur a
9 pris fin pour ce qui est du premier, du deuxième et du troisième accusé.
10 On a présenté ici plusieurs centaines de documents en qualité d'éléments
11 de preuve dont nul ne parle de la culpabilité de l'accusé Zigic.
12 On a versé au dossier plusieurs dizaines d'affidavits ou de déclarations
13 de dépositions sous serment, dont aucune ne parle de quelque culpabilité
14 que ce soit de l'accusé Zigic.
15 Nous avons entendu, je pense, 96 témoins, dont au plus deux ou trois
16 avaient parlé de certains points de l'Acte d'accusation contre Zigic, mais
17 de façon contradictoire et inacceptable.
18 Aussi la défense estime-t-elle qu’en ce moment-ci, s'agissant de l'un
19 quelconque des points de l'Acte d'accusation dressés contre Zoran Zigic,
20 il n'a abouti à aucun moment à la norme du "au-delà du doute raisonnable".
21 Comment la défense de l'accusé Zigic se propose-t-elle de répondre à cela?
22 Eh bien, la défense fera son travail de défense concernant la plupart de
23 ces allégations, car des accusations sérieuses, portant sur des actes
24 sérieux, requièrent de la part d'une défense sérieuse une prudence
25 remarquable.
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1 La défense ne peut s'appuyer sur la supposition au terme de laquelle la
2 Chambre partagera son opinion concernant le non aboutissement à la norme
3 du "au-delà du doute raisonnable", mais se proposera, concernant la
4 plupart des chefs d'accusation, de présenter des preuves qui vont écarter
5 toute suspicion et tout dilemme concernant les actes mis à charge de
6 l'accusé Zigic. S'agissant d'une partie moindre de l'Acte d'accusation, la
7 défense ne visera pas à présenter une défense.
8 Je tiens à dire aussi qu'à ce sujet-là deux raisons diamétralement
9 opposées existent.
10 Une petite partie des allégations à l'Acte d'accusation ne sera pas
11 contestée par la défense, quoi qu'elle considère qu'il n'y ait guère
12 suffisamment de preuves de culpabilité, et ce précisément parce qu'elle
13 estime que ces allégations sont véridiques. Et cela sera confirmé tout
14 autant par des témoins de la défense.
15 Une autre petite partie des chefs d'accusation ne sera pas réfutée par la
16 défense parce que dans ces allégations il n'y a guère de traces de vérité,
17 et en même temps guère de traces de preuve dans tous les éléments de
18 preuve présentés à ce jour.
19 Nous nous proposons donc d'illustrer, moyennant un exemple, la façon dont
20 les choses sont établies suite à la présentation de l’affaire par le
21 Procureur et après la fin de la présentation de la défense des trois
22 accusés.
23 Nous avons des centaines de fois entendu parler "des trois doigts" en
24 guise d'une sorte de salut proprement serbe. Mais savons-nous ce que cela
25 signifie? De quoi dispose la Chambre dans le dossier à ce sujet-là? Qu'en
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1 dit-on à l'intention de la Chambre dans presque 10.000 pages de compte
2 rendu d'audience et dans bien plus de pages de documents variés?
3 Il y a juste une seule explication, à savoir une déclaration faite par le
4 témoin de l'accusation Okic Jasmir en date du 5 juin 2000 -il s'agit de la
5 page 2549 du compte rendu d'audience- à savoir que cela signifiait "un
6 Président, un Etat, un Peuple", comme on pourrait le dire en allemand:
7 "ein Führer, ein Reich, ein Volk" (en traduction allemande, la même
8 chose).
9 Bien entendu, cela ne signifiait une telle chose que dans l'Allemagne de
10 Hitler, où cela était le leitmotiv fondamental du nazisme. Cependant ces
11 trois doigts représentent le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C'est la
12 raison précisément pour laquelle les Orthodoxes font signe de croix avec
13 trois doigts.
14 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je ne suis pas très
15 religieux, notamment pas dans un sens classique. Le grand réformateur de
16 l'Eglise Martin Luther avait dit qu'un bon juriste était un mauvais
17 chrétien, probablement car bon nombre de juristes demandent des preuves de
18 l'existence de Dieu, ainsi que des documents et des scellés à ce sujet. Ce
19 qui m'a fait mal vraiment, c'est qu'un salut chrétien soit mué en salut
20 nazi et que la chrétienté soit muée en nazisme. Ce qui m'a fait mal, en ma
21 qualité de juriste aussi, c'est que ce fondement factuel était censé
22 constituer un fondement pour cette Chambre pour le prononcer de sentence.
23 Madame et Messieurs les Juges, dans tout ce que vous avez reçu par écrit à
24 ce jour, on ne vous a rien dit d'autre à ce sujet. Que n'a-t-on pas encore
25 servi à cette Chambre de la part des témoins de l'accusation? Eh bien la
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1 défense en parlera plus en détails dans ses écritures de clôture. Elle
2 tenait juste ici à fournir un exemple, une illustration, pour indiquer
3 que, s'agissant de l'affaire du Procureur, il existe des raisons tout à
4 fait exceptionnelles d'être au maximum prudent et incrédule.
5 Sans trop de volonté ou de passion, nous nous proposons aussi de souligner
6 certains aspects du contexte politique et historique des événements. Les
7 raisons d'une position qui est la nôtre sont multiples. Certaines résident
8 dans le fait que la défense précédente avait fourni des explications
9 importantes et, d'autre part, certains éléments ont été établis de façon
10 incontestée par la présentation de faits.
11 Toutefois, la raison fondamentale de notre position est que le temps est
12 venu de cesser de juger la politique des vaincus pour prouver que leur
13 option politique se trouvait être erronée. Une telle approche dans les
14 procès des crimes de guerre constitue une relique très souvent des temps
15 passés.
16 Une option politique bonne ou mauvaise ne doit jamais et ne peut jamais
17 constituer une justification pour des tortures ou des meurtres et il est
18 grand temps de commencer à juger les crimes de guerre perpétrés par les
19 vainqueurs, tant politiques que militaires.
20 Il y a quand même dans cette affaire un acte qui comporte dans une mesure
21 considérable des éléments politiques et historiques. Il s'agit d'un acte
22 affairant à l'Article 5 H) de notre Statut. Il s'agit de persécutions se
23 fondant sur des raisons politiques, raciales ou religieuses.
24 Enfin, l'une des raisons fort importantes pour moi d'en parler sans joie,
25 c'est la sensibilité du sujet. En effet, ce Tribunal connaît les mesures
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1 qui permettent à celui ou à ceux qui s'adressent devant le Tribunal d'être
2 protégés, mais il n'y a cependant pas de mesure prévue pour protéger ceux
3 qui ont parlé ou qui se sont vu accorder la parole ici.
4 Ce que je voulais dire, c'est que ma brève présentation relative au
5 contexte politico-historique ne doit pas être prise comme un défi aux
6 passions nationalistes ou chauvines. Mon souhait le plus ardent, en ma
7 qualité de citoyen de Bosnie-Herzégovine, est que ces trois peuples de
8 Bosnie-Herzégovine et ces citoyens de trois ethnies finissent par vivre en
9 paix et heureux. C'est pourquoi mon exposé, qui présente le côté obscur de
10 ces rapports, constitue une factographie pure et simple, dont l'objectif
11 consiste à fournir à la Chambre le plus de renseignements possible, afin
12 que ses possibilités d'évaluation des faits et d'évaluation juridique
13 soient des plus généralisées.
14 A ce sujet-là, le Bureau du Procureur a fourni une présentation ou une
15 toile de fond partielle, conformément à sa position procédurale dans cette
16 affaire, dans le procès. Je crois que la défense doit se placer dans une
17 situation tout à fait analogue.
18 Au bout de plusieurs décennies du règne paisible de ce qu'il convient
19 d'appeler le "régime social socialiste" et après la défaite de cette
20 option dans le pacte de Varsovie, des partis politiques d'orientation
21 nationaliste se sont organisés et ont remporté les victoires électorales.
22 Il est nécessaire de noter qu'en ex-RSFY vivait environ 45 % de Serbes,
23 alors que, dans la République de Bosnie-Herzégovine, avant que la guerre
24 n'éclate en 1992, environ un tiers de la population était serbe.
25 Cependant, dans le cadre de ces pouvoirs, les Serbes jouaient pratiquement
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1 un rôle négligeable. Pendant plus de 45 ans de l'existence de l'ancienne
2 RSFY, exception faite d'une période d'un an, aucun Serbe n'était le
3 président de l'Etat, le premier ministre, ni le numéro un du Parti
4 communiste.
5 Une situation semblable n’existait peut-être vraiment dès le début de
6 l'existence de la RSFY, mais depuis la mort de Duro Pucar, c'est-à-dire au
7 moins 30 ans avant le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine.
8 En Bosnie-Herzégovine, mais aussi dans la Yougoslavie de l'époque, ce sont
9 de nombreux Musulmans, des Croates et des Slovènes encore plus nombreux
10 qui étaient au pouvoir. Bien sûr, Josip Broz était un Croate, Edvard
11 Kardejl un Slovène. S'agissant des Musulmans, je vais simplement
12 mentionner les frères Dizdarevic, les frères Pozderac, la famille Bijedic.
13 Et s'agissant des Croates de Bosnie, M. Mikulic. Ces personnes étaient
14 toutes des présidents et des premiers ministres au sein des autorités à la
15 fois fédérale et de la République.
16 S'agissant de personnalités serbes de premier plan, nous ne pouvons
17 mentionner que Aleksandar Rankovic, et ce jusqu'aux années 60, et
18 cependant cette personne n’était ni le président de l'Etat ni le premier
19 ministre.
20 Cependant les Serbes aimaient un tel Etat et se considéraient comme des
21 Yougoslaves. La citoyenneté serbe n'existait même pas. Et aucun Serbe n'en
22 avait besoin.
23 Je dois souligner que j'ai l'impression, une impression personnelle, que
24 les Musulmans, eux aussi, avaient une attitude identique par rapport à cet
25 état-là.
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1 Malheureusement, comme nous l'avons déjà souligné, c'est à ce moment-là
2 que les partis politiques d'orientation nationaliste entrent en scène. Il
3 est notoirement connu qu'un nationalisme provoque un autre nationalisme
4 auprès de l'autre peuple, ce qui est d'ailleurs tout à fait logique.
5 En ce qui concerne ce point, le Procureur n'a de cesse d'éviter de
6 présenter devant cette Chambre de première instance l'ordre dans lequel
7 ces partis nationalistes se sont créés. Il s'agissait clairement des
8 partis politiques qui contrôlaient pratiquement entièrement leur propre
9 peuple. Or, il s'agit là d'un des faits les plus importants à tous les
10 points de vue.
11 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, est-il nécessaire de
12 le dire, pour une fois, de manière explicite ici.
13 S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, le premier parti politique
14 nationaliste qui a été créé est le Parti politique des Croates, le HDZ,
15 ensuite le Parti politique nationaliste des Musulmans, le SDA, et c'est
16 seulement en dernier lieu qu'a été créé le Parti nationaliste des Serbes,
17 le SDS. Je dirai que ce dernier a été créé en réponse aux tensions
18 nationalistes précédentes créées par la fondation des deux autres partis
19 politiques.
20 Le Procureur nous a présenté un grand nombre de faits concernant la
21 propagande de guerre, bien sûr encore une fois portant exclusivement sur
22 la propagande serbe.
23 Cependant le Procureur n'a rien dit concernant la période avant la guerre
24 en Bosnie-Herzégovine avant 1992 et la situation qui a résulté de cette
25 guerre. Il s'agit de la période pendant laquelle l'on "gonflait" les
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1 tensions nationalistes; ce qui provoquera sous peu une véritable
2 explosion. Il s'agit de la période de l'année 1991.
3 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je souhaite
4 maintenant, avec l'aide de l'huissier, vous montrer un exemple de cette
5 propagande.
6 (L'huissier s'exécute.)
7 Ici, nous voyons la première page d'un magazine pro- musulman ayant une
8 forte distribution, appelé Liovi Vox, issu de la capitale de la Bosnie-
9 Herzégovine, c’est-à-dire Sarajevo, en date du mois d'octobre 1991. Je
10 crois que l'on peut voir la date en haut à droite. Soi-disant, il s'agit
11 d'une plaisanterie. Le journal, dont le siège de la rédaction se trouve
12 dans la rue Dobrovoljlacka, rue dans laquelle l'on a procédé au massacre
13 des unités de la JNA, ce qui a constitué une introduction dans la guerre,
14 or ces unités de la JNA, conformément à l'accord conclu avec M. Alija
15 Izetbegovic, se retiraient des casernes et se sont vus attaquées par les
16 formations paramilitaires musulmanes.
17 Sur cette première page, nous pouvons voir un soldat musulman portant un
18 fez sur la tête, qui marche sur les têtes coupées des leaders serbes:
19 Karadzic, Koljevic et les autres. Donc répétons, il s'agissait du mois
20 d'octobre 1991. Ce journal paraissait de manière régulière avec l'accord
21 des autorités de Sarajevo. A gauche, par rapport au soldat, nous pouvons
22 lire le texte: «La Division Handzar est prête. «Spremena». «Spremena»,
23 prête, prête avec la main levée, pour constituer un salut tel que «Heil
24 Hitler», constitue le salut oustachi des unités d'assaut de la création
25 nazie, à savoir l'Etat indépendant croate pendant la Deuxième Guerre
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1 mondiale.
2 Handzar est une sorte de couteau, de long couteau oriental. Et cette unité
3 notoire employait ce genre de couteau, alors que la Division Handzar était
4 une Division oustachie notoirement connue, qui était constituée
5 exclusivement de Musulmans.
6 Il ne faut pas oublier que leur fameux camp oustachi Jasenovac, dans
7 lequel au moins 500.000 Serbes ont été tués, pour la plupart égorgés
8 pendant la Deuxième Guerre mondiale, se trouve à une distance de seulement
9 une trentaine de kilomètres par rapport à Prijedor. Un tel contexte a dû
10 susciter une grande peur et réveiller l'instinct de l'auto préservation
11 auprès des Serbes de Prijedor. A droite par rapport aux soldats musulmans,
12 il est écrit: «Le IV Reich arrive. Willkomen», «Bienvenu».
13 M. le Président: Oui, Madame Somers?
14 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
15 Excusez-moi de vous interrompre. Cependant un commentaire m'inquiète. Je
16 souhaite voir la description de l'activité de cette personne qui est
17 montrée à la première page de ce journal et mon collègue dit dans la ligne
18 22 de cette page qu'il s'agit ici de la Division Handzar et que la main
19 est levée d'une manière semblable à celle dont la main était levée lorsque
20 l'on procédait aux salutations nazies. Moi, personnellement, je ne vois
21 pas ceci, cette main levée et si quelqu'un d'autre peu m'aider je vous
22 serait reconnaissante.
23 M. le Président: Merci, Madame Somers.
24 C'est vrai, Monsieur Stojanovic, que l'on ne voit pas quelque chose dans
25 l'image.
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1 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas suivi
2 le transcript. Je regarde l'image, je n'ai pas remarqué de quelle manière
3 les interprètes avaient interprété. Je n'ai pas dit que la main était
4 levée, mais j'ai dit que la salutation oustachie était la même que celle
5 employée par des Nazis, sauf en ce qui concerne les Nazis on disait "Heil
6 Hitler", et en ce qui concerne les Oustachis on disait "Spremena" avec la
7 main levée. Ici, la main n'est pas levée, mais nous pouvons lire
8 "Spremena".
9 Et d'habitude, quand on prononce "Spremena", on lève la main, mais
10 personnellement je n'ai pas dit que la main du soldat était levée.
11 M. le Président: Madame Somers?
12 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
13 Dans ce cas-là, je suppose que Me Stojanovic se reprend s'agissant de son
14 commentaire ligne 22 lorsqu'il a dit d'après le compte rendu que le soldat
15 a le bras tendu.
16 M. Stojanovic (interprétation): Vraiment, Monsieur le Président, je ne
17 l'ai pas dit, son bras n'est pas tendu mais à côté de son corps. Mon
18 commentaire portait simplement sur le fait que ces mots s'accompagnent par
19 un bras tendu tout comme dans l'Allemagne nazie à l'époque, mais parfois
20 on peut le faire aussi sans tendre le bras, mais j'accepte qu'il faut
21 corriger le transcript.
22 M. le Président: Il faudrait sur ce point aller plus directement aux
23 lignes de défense de votre client, M. Zigic, s'il vous plaît.
24 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
25 Un seul commentaire supplémentaire en ce qui concerne cette
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1 représentation.
2 «Je suis un Oustachi, je suis un Oustachi» crie aussi Slavko Ecimovic, le
3 leader de l'attaque contre Prijedor le 30 mai 1992, même à Omarska, c'est
4 d'ailleurs ce que nous a dit le témoin de l'accusation Azedin Oklopcic qui
5 a déposé le 15 mai 2000.
6 Nous pouvons maintenant retirer cette image du rétroprojecteur.
7 (l'huissier s'exécute.)
8 M. Stojanovic (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, nous
9 sommes en train de vérifier le compte rendu d'audience.
10 M. Riad (interprétation): Excusez-moi, pour que je comprenne bien, est-ce
11 que les Oustachis correspondaient aux Croates ou bien aux Musulmans, ou
12 bien les deux?
13 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Juge, les membres du mouvement
14 oustachi étaient surtout des Croates. Mais une partie des Musulmans ont
15 rejoint les rangs de ce mouvement. D'autres musulmans ont rejoint les
16 rangs des partisans organisés par les Communistes. Les Musulmans étaient
17 de tous les côtés. Mais en ce qui concerne la partie des Musulmans qui ont
18 rejoint les rangs des Oustachis, justement par le biais de cette Division
19 Handzar, ont bénéficié de la pire réputation possible, mais il s'agissait
20 là d'une toute petite partie du peuple musulman.
21 M. Riad (interprétation): Merci.
22 M. Stojanovic (interprétation): Conformément à une telle propagande, des
23 décisions politiques ont été prises également.
24 La Bosnie-Herzégovine est constituée de trois peuples constitutifs: les
25 Musulmans bosniaques, les Serbes et les Croates, conformément à la
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1 constitution de cette République.
2 Pour prendre les décisions les plus importantes, il est nécessaire de
3 procéder par le biais du consensus de tous les peuples constitutifs.
4 Cependant la coalition croato-musulmane, sous l'égide des partis
5 nationalistes, interprète cette constitution comme s'il s'agissait d'un
6 jeu de carte appelé préférence où deux personnes jouent toujours ensemble
7 dans le but de faire tomber le troisième. Conformément à une telle
8 interprétation de la constitution, ils disent au troisième peuple:
9 «Conformément à notre ordre et contrairement à votre volonté, vous n'allez
10 plus être ce que vous êtes, et ce que vous souhaitez être, à savoir les
11 Yougoslaves, même si vous l'êtes de naissance».
12 Ils disent ensuite: «Peuple serbe, contrairement à volonté, votre
13 président sera une personne qui a publié, dans une œuvre appelée «La
14 déclaration islamiste» dès l'année 1975, que, je cite: il ne peut pas y
15 avoir de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les
16 sociétés, les institutions politiques non islamiques". Fin de citation.
17 Raison pour laquelle, en tant que fondamentaliste musulman, il a passé dix
18 ans en prison. Bien sûr, nous sommes en train de parler de M. Alija
19 Izetbegovic.
20 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, mettez-vous à la
21 place de ces malheureux. Et réfléchissez! Quelle est l'option qu'a pu
22 choisir une masse énorme de ce peuple, dans un tel contexte politique et
23 historique.
24 D’une certaine manière, les accords de Dayton, eux aussi, ont accepté de
25 telle décision du peuple serbe en tant que légitimes. La guerre qui a
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1 précédé Dayton a été menée par deux camps. D'un côté, celui qui en temps
2 de guerre s'opposait de toutes ses forces aux solutions adoptées par les
3 accords de Dayton, c'est-à-dire qui optait pour la Bosnie-Herzégovine
4 unitaire, et ce camp était représenté par la coalition croato-musulmane.
5 Et d’autre part, ceux qui cherchaient la solution dans les lignes des
6 accords de Dayton, c’est-à-dire les Serbes.
7 Donc les Serbes se sont vus contester par la force les droits et les buts
8 qui ont été reconnus par l’accord de Dayton.
9 Il est nécessaire de comprendre que cette partie de ma présentation ne
10 doit absolument pas se refléter sur le plan des passions nationalistes
11 exacerbées. Mais je présente ces éléments politiques et historiques à
12 cause de leur influence sur l'existence éventuelle de l'acte criminel des
13 persécutions. C'est pourquoi il est nécessaire de dire quelques mots de
14 plus concernant les persécutions sur le territoire de la Bosnie-
15 Herzégovine, dont le Procureur a parlé en termes unilatéraux et
16 simplifiés.
17 L'excellent expert en la matière, qui faisait partie de l'administration
18 du Président des Etats-Unis, George Bush Senior, M. George Kenney, dans
19 son article intitulé: “Enlever les stores donnant sur la Bosnie”, publié
20 dans le Los Angeles Times en date du 5 juin 1997, en dit long. Sur la base
21 de cet article, il est clair que, si l'on se fonde sur le nombre des
22 réfugiés, nous pouvons conclure que le peuple le plus persécuté en Bosnie-
23 Herzégovine était le peuple serbe.
24 Nous souhaitons verser au dossier cet article en tant que pièce à
25 conviction de la défense D6/4. Je dispose du nombre d'exemplaires
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1 suffisant de cet article.
2 (L'huissier s'exécute.)
3 La Bosnie-Herzégovine, si vous me le permettez, est un Etat constitué de
4 la Bosnie et de l’Herzégovine.
5 La capitale de cet Etat est Sarajevo, qui est d'ailleurs la capitale de la
6 partie de cet Etat qui s'appelle la Bosnie. Dans cette ville, avant la
7 guerre, vivaient plus de 150.000 Serbes. Aujourd'hui, il n'y en a pas.
8 Après la guerre, seulement quelques milliers sont restés.
9 La capitale de l’Herzégovine est Mostar. Avant la guerre, chaque peuple y
10 était représenté en un tiers. C'était le centre de la culture et du
11 commerce serbe. Avant la guerre, presque 35.000 Serbes y vivaient. Après
12 la guerre, environ 400.
13 Où sont donc les Serbes en Bosnie-Herzégovine?
14 La capitale de l’Herzégovine a été nettoyée plus tôt et plus profondément
15 par rapport aux autres villes. Cependant, le Procureur ne donnera aucune
16 information à ce sujet-là au Tribunal. Le Tribunal ne recevra non plus
17 aucune information concernant les camps pour les Serbes dans cette partie
18 de la Bosnie-Herzégovine, comme Dre Telj, qui a été créé dès le 4 avril
19 1992 et dont très peu de personnes ont survécu.
20 Nous pouvons apprendre quelque chose sur la base de l'affaire du camp de
21 Celebici qui a été créé dans la municipalité de Konjic, où avant la guerre
22 vivaient 7.700 membres du groupe ethnique serbe, alors qu'après la guerre
23 seulement 280 Serbes y sont restés.
24 Il est intéressant de noter également que le camp de Celebici a été fondé
25 un peu plus tôt par rapport à tous les camps qui ont existé sur le
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1 territoire de la municipalité de Prijedor et que ce camp existait jusqu'à
2 la fin 1992.
3 De telles migrations ont dû provoquer le transfert des Serbes dans
4 d'autres parties du pays et l'arrivée des membres d’autres groupes
5 ethniques à la place où, eux, avaient vécu. Ces nouveaux venus avaient dû
6 quitter leur foyer qui se trouvait dans d'autres parties de ce même Etat.
7 Dans de telles situations, les persécutions ont pour conséquence
8 nécessaire la pression exercée sur les membres du peuple qui effectuent
9 les persécutions par les personnes qui ont été persécutées dans la région
10 où ces deuxièmes sont les plus fortes. D'habitude, il ne s'agit pas d'une
11 vengeance, mais tout simplement d'une recherche de refuge et du fait de
12 sauvegarder sa propre vie, de trouver un toit au-dessus de sa tête.
13 La ville la plus proche de Prijedor est Sanski Most qui se trouve à une
14 distance d’environ 30 kilomètres. Avant la guerre, la majorité de la
15 population était serbe. Après la guerre, il n'y a même pas quelques pour
16 cent de Serbes, tous les autres sont musulmans. Pourquoi les Musulmans s’y
17 trouvent aujourd'hui et pourquoi n'y a-t-il plus de Serbes là-bas? Il est
18 certain que là-dedans il est possible également de trouver une partie de
19 la réponse à la question de savoir: qu'est-ce qui est arrivé à la
20 population vivant dans cette région?
21 Cependant, du point de vue juridique, nous souhaitons surtout souligner
22 que tout conflit de ce genre, notamment un conflit armé, contient par
23 définition les persécutions. Il n'existe pas de conflit de ce genre qui ne
24 contienne pas de manière intrinsèque les persécutions. Ceci devient de
25 plus en plus clair si l'on proclame que des cibles civiles sont les cibles
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1 militaires légitimes.
2 C'est pourquoi la défense va certainement insister sur une définition
3 juridique de la persécution en tant que notion, qui sera différente par
4 rapport aux éléments et inhérente à tout conflit armé.
5 Nous allons également prendre en considération la cause de la création des
6 centres d'instruction ou, comme l'autre partie les appelle, des camps dans
7 ce contexte et de ce point de vue-là.
8 D'après la défense, il est possible de trouver beaucoup plus d'arguments
9 prouvant que les centres d'instruction, ou bien les camps, ont été créés
10 en raison de ce qui s’est passé le 30 mai et non pas le 30 avril 1992.
11 Nous pensons qu'il est surtout possible de conclure que la raison
12 principale de leur création a été l'attaque contre la ville de Prijedor et
13 non pas la prise de contrôle effectuée par les Serbes.
14 En ce qui concerne la prise de pouvoir serbe à Prijedor, nous ne pouvons
15 certainement pas dire qu'elle était légale, mais s'agissant de sa
16 légitimité, nous pouvons même nous référer aux accords de Dayton. Ce qui
17 est le plus important, c'est de noter que ceci a été effectué par le biais
18 de l'organisation des plus hauts représentants des pouvoirs serbes à
19 Prijedor et sans la moindre effusion de sang.
20 Mis à part cela, les autorités de Sarajevo, qui ne contenaient plus de
21 représentants serbes, se sont vues dépourvues de leur propre légitimité.
22 D'autre part, l'attaque contre la ville de Prijedor, en date du 30 mai
23 1992, n'était ni légale ni légitime. Slavko Ecimovic se trouvait à la tête
24 de cette attaque. Or cette personne s'était proclamée elle-même en tant
25 qu'Oustachi et a été aidée en grande mesure par Ismet Mesic, surnommé
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1 "Hadzija", qui était le patron du milieu criminel local. Cette attaque a
2 eu pour conséquence de nombreuses victimes, des dizaines de morts,
3 beaucoup de blessés et beaucoup de destructions.
4 Derrière cette attaque contre la ville de Prijedor ne se trouvent même pas
5 les autorités de Sarajevo, d'après les dires du témoin Azedin Oklopcic qui
6 a déposé devant ce Tribunal le 15 mai 2000. Finalement, comme nous pouvons
7 le voir sur la base de la pièce à conviction de l'Accusation, par le biais
8 de la décision prise par le chef du centre de sécurité de Prijedor Simo
9 Drljaca, le centre d'instruction Omarska a été créé pratiquement en tant
10 que réponse à cette attaque justement le 31 mai 1992; c'est à partir de ce
11 moment-là que l'on commence à remplir en masse les capacités d'Omarska et
12 de Keraterm.
13 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, c'est dans un tel
14 tourbillon de guerre et dans un tel entourage que s'est trouvé Zigic
15 Zoran, l'accusé ici présent, l'homme qui avant la guerre n'avait aucun
16 casier judiciaire mais qui a cependant vécu une vie mouvementée, ce qui a
17 été lié en grande partie à son métier ou à ses métiers différents. Dans le
18 temps, c'était un musicien, mais aussi un chauffeur, chauffeur de taxi
19 notamment. Il s'agissait en réalité d'une sorte de vie bohème. D'autre
20 part, il a provoqué de nombreuses rumeurs, ragots et histoires racontés à
21 son sujet dans un milieu provincial tel que Prijedor.
22 Surtout, étant donné que M. Zigic partageait les points de vue modernes
23 d'un jeune homme moderne, il se différenciait par rapport aux autres qui
24 faisaient partie de ce milieu provincial. Malheureusement, une telle vie a
25 provoqué en lui une passion, nous dirions même une "maladie", qui a créé
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1 en lui une personnalité double. Il s'agissait de la consommation excessive
2 d'alcool, mais aussi de l'emploi de drogues douces. La guerre a intensifié
3 tout cela, ce qui est d'ailleurs tout à fait logique et attendu,
4 s'agissant de personnes ayant déjà une telle prédisposition. L'expertise
5 effectuée par deux psychiatres allemands en témoigne d'ailleurs. Cette
6 expertise -nous allons certainement par la suite demander qu'elle soit
7 versée au dossier-, de nombreux témoins de l'accusation en témoignent eux
8 aussi. C'est là qu'il faut trouver les causes de ces excès. Il ne s'agit
9 ni de la politique, ni de l'idéologie, ni de l'intolérance par rapport aux
10 autres peuples.
11 Zoran Zigic ne s'intéressait pas du tout à la politique. Il n'a jamais été
12 membre d'un quelconque parti politique. Or il faut savoir qu'il n'existe
13 presque pas de personnes en ex-Yougoslavie qui n'ont jamais été membres
14 d'aucun parti politique. Surtout il n'a jamais été membre du SDS.
15 Nous souhaitons soumettre en tant que pièce à conviction qui le prouve le
16 certificat en date du 01/99 en date du 12 janvier 99 et nous souhaitons
17 que ceci soit versé au dossier en tant que pièce à conviction de la
18 défense D 7/4.
19 Mme Somers (interprétation): Nous souhaitons avoir en un peu de temps pour
20 exprimer notre objection.
21 M. le Président: D'accord, allez-y. J'attendais la traduction.
22 Mme Somers (interprétation): Merci.
23 Conformément à l'Article 84, avant la présentation des moyens de preuve
24 par le Procureur, chaque partie peut procéder à la déclaration liminaire.
25 La défense peut décider de le faire après la fin de la présentation des
Page 9435
1 moyens de preuve du Procureur et avant de présenter elle-même ses propres
2 moyens de défense. Il s'agit d'un moment qui n'est pas approprié au
3 versement au dossier des moyens de preuve. Si par la suite la défense
4 souhaite le faire, elle peut faire venir un témoin et peut-être le
5 Procureur changera d'avis, mais au cours de la déclaration liminaire,
6 conformément à l'Article 84, nous nous opposons au versement au dossier
7 des pièces à conviction de la défense. Ceci se réfère également à
8 l'article de M. Kenney. Nous allons objecter par rapport à cela aussi,
9 mais nous souhaitions éventuellement exprimer cette objection à la fin de
10 la déclaration liminaire.
11 Merci.
12 M. le Président: Maître Stojanovic?
13 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai l'impression
14 que nous lisons les Articles du Règlement d'un autre point de vue. Nous
15 considérons que nous pouvons proposer le versement au dossier et qu'il
16 revient à la Chambre de décider. Je ne vois pas de raison pour laquelle il
17 n'est pas possible de verser au dossier cela en ce moment. Est-ce que le
18 Procureur souhaite que l'on fasse venir M. George Kenney pour qu'on verse
19 son article au dossier ou faut-il faire cela par le biais de la déposition
20 d'un témoin de Prijedor. Compte tenu du fait que Zigic ne déposera pas,
21 nous ne pourrons pas verser au dossier le certificat du SDS par le biais
22 de sa déposition à lui, à mon avis chaque pièce à conviction si l'on
23 respecte l'autre partie et si l'on donne la possibilité à l'autre partie
24 de s'exprimer à ce sujet là, à mon avis nous pouvons à tout moment
25 proposer cela. Il revient aux Juges de décider.
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1 M. le Président: L'opportunité à l'autre partie, de donner l'opportunité à
2 l'autre partie de se prononcer maintenant. Vous êtes à faire une
3 déclaration liminaire, c'est-à-dire que c'est une déclaration, c'est une
4 déclaration qui n'est pas contestable à ce moment.
5 Voyez, Maître Stojanovic, c'est une déclaration liminaire, ce n'est pas
6 pour faire des échanges avec l'autre partie, donc je crois que vous
7 devriez vous réserver l’opportunité de verser après.
8 Mais, de toute façon, continuez, s'il vous plaît, on verra à la fin.
9 Mme Wald (interprétation): J'aimerais apporter un éclaircissement. Je
10 suppose qu’il n’y a aucun problème à ce que Maître Stojanovic fasse
11 référence à cela, car M. Niemann a fait référence à des centaines de
12 documents dans sa déclaration liminaire, en tout cas à des dizaines et des
13 dizaines. Il est peut-être exact cependant que ces documents doivent être
14 versés au dossier plus tard.
15 Mais il y a un précédent, donc je pense qu'il est tout à fait acceptable
16 que l'on annonce qu’un document va être versé au dossier.
17 Mme Somers (interprétation): Oui, absolument, Madame la Juge.
18 M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald, d’avoir rappelé
19 cela. Moi-même, je l’avais à l’esprit.
20 Allez-y, Maître Stojanovic. Nous sommes quand même pressés d'atteindre vos
21 moyens de preuve. La déclaration liminaire, c'est pour encadrer du point
22 de vue pratique. A mon avis, c’est la façon dont je la comprends, pour
23 encadrer la présentation des moyens à charge.
24 Donc si vous pouvez aller un peu plus vite... Maintenant, de combien de
25 temps avez-vous besoin, plus ou moins, pour terminer?
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1 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je crois que
2 j'aurais encore besoin de trente minutes, au maximum.
3 M. le Président: Nous devons faire une pause maintenant, car nous avons
4 déjà fait une heure et demie.
5 J'attendais que vous finissiez avant la pause, mais il faut quand même
6 optimiser le temps, Maître Stojanovic. J'espère qu'après vous ne
7 demanderez pas du temps parce que vous n’en aurez pas eu suffisamment.
8 Donc il faut bien en profiter.
9 Nous allons faire une pause de trente minutes maintenant.
10 (L’audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 25.)
11 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
12 M. le Président: A l'attention des accusés, veuillez vous asseoir.
13 Maître Stojanovic, pouvez-vous continuer votre déclaration préliminaire,
14 s'il vous plaît?
15 M. Stojanovic (interprétation): Je vous remercie encore une fois, Monsieur
16 le Président.
17 Je vais essayer d'accélérer les choses, mais je tiens compte du fait qu'il
18 s'agit d'un texte quelque peu complexe, ce qui constitue un effort
19 supplémentaire pour nos interprètes. C'est pour cela que j'ai présenté la
20 première partie de manière un peu plus lente. Il nous reste encore quinze
21 à vingt minutes de travail de ce genre.
22 Nous avons parlé de la personnalité de M. Zigic et je souhaite poursuivre.
23 Pendant qu'il était sous l'emprise de l'alcool, il a commis des excès en
24 se faisant des ennemis. Cependant, s'agissant de ses excès, il les a
25 commis complètement indépendamment de l'appartenance ethnique des
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1 personnes avec lesquelles il entrait en conflit et même indépendamment de
2 la question de savoir s'il s'agissait du temps de paix ou du temps de
3 guerre. Le tout dépendait de l'alcool, l'alcool en tant que la cause de
4 ses excès primait sur tout autre cause. Le fait que ceci est vrai est
5 évident également sur la base de l'excès qui a fait en sorte que Zigic
6 aboutisse en prison à Banja Luka en 1993. En effet, même avant qu'un
7 jugement ayant la force de la loi ne soit rendu par les tribunaux de Banja
8 Luka, il a demandé à être transféré à La Haye et est jugé au terme de
9 l'Acte d'accusation dressé par ce Tribunal. Il a commis un acte criminel à
10 l'encontre des membres du groupe ethnique serbe sans aucune motivation,
11 sans aucune raison, sans même se souvenir de ce qu'il a fait et de ce qui
12 s'était passé en réalité.
13 Comme nous l'avons déjà constaté, le hasard a voulu que les Serbes soient
14 peut-être les plus grandes victimes de ses excès. Cependant, ses excès
15 commis à l'encontre des membres du groupe ethnique serbe n'ont pas été
16 présentés ou bien, pis encore, parfois ils ont été présentés de manière
17 erronée même devant ce Tribunal. C'est ainsi qu'il s'est produit de
18 nombreuses fois la situation lors de laquelle M. Zigic s'est mis à se
19 disputer, à crier, à jurer et même à battre des personnes d'appartenance
20 ethnique serbe, mais aussi d'autres appartenances ethniques, qui se sont
21 retrouvées à Keraterm à cause de quelque chose qu'elles avaient à faire
22 là-bas et non pas en tant que détenues.
23 Nous pouvons parler dans ce contexte de son conflit avec Zivko Knezevic,
24 l'un des dirigeants de Keraterm, qui avait interdit que l'on apporte des
25 colis de nourriture aux détenus, ce qui a provoqué une réaction
Page 9439
1 extrêmement véhémente de Zigic.
2 Cependant, même dans de telles situations, le commentaire fait par les
3 témoins de l'accusation était toujours: "Zigic insulte et bat les
4 détenus", encore une fois. Même s'agissant de ses rapports de famille
5 privés, ils ont été interprétés en tant que crimes de guerre. C'est de
6 cette manière-là qu'on a interprété -en exagérant les choses énormément-
7 son rapport de famille vis-à-vis de son "kum", son témoin de mariage,
8 Hasan Karabasic, à Trnopolje, même si même les témoins de l'Accusation
9 indiquent que Zigic prenait soin de son "kum" pendant que celui-ci était
10 détenu à Keraterm et qu'il lui apportait des colis.
11 Parmi les traits de personnalité de Zigic de l'époque, traits de
12 personnalité importants, on peut parler du fait qu'avoir un supérieur ne
13 signifiait rien pour lui et lui non plus n'aimait pas être supérieur par
14 rapport à qui que ce que soit, donc il n'aimait pas être subordonné à
15 l'autorité de quelqu'un, mais il n'aimait pas être en position de force,
16 d'autorité, par rapport aux autres non plus. Or un tel trait de
17 personnalité n'est absolument pas typique, s'agissant des criminels de
18 guerre.
19 La défense a montré plusieurs fois que Zigic, le 29 mai 1992, a été
20 grièvement blessé. Notre témoin et expert, le docteur Mirko Barudzija, en
21 dira beaucoup plus. Cette blessure qui a eu pour résultat l'amputation
22 d'une partie de l'index de sa main gauche a une certaine importance sur
23 plusieurs aspects de cette affaire.
24 Premièrement, pendant longtemps, Zigic ne pouvait pas tabasser qui que ce
25 soit en utilisant cette main alors que, lorsque d'autres parties de son
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1 corps subissaient un effort important, cette blessure lui provoquait des
2 douleurs également.
3 Deuxièmement, si l'on parle des caractéristiques psychiques de Zigic, il
4 faut savoir que le fait d'avoir perdu l'index de sa main gauche a provoqué
5 des troubles en lui pendant longtemps, surtout compte tenu du fait que,
6 pendant un certain temps, il gagnait sa vie en tant que guitariste.
7 Finalement, cette blessure permettait aussi d'identifier facilement Zigic;
8 il est possible de constater que de nombreux témoins de l'accusation ont
9 commis une grande erreur en parlant de ceci, à savoir qu'ils n'ont pas
10 identifié Zigic au cours de l'acte criminel prétendu.
11 Le docteur Barudzija fera une présentation des faits accompagnée par les
12 dossiers médicaux correspondants; il montrera également que Zigic porte sa
13 cicatrice sur le menton depuis le 19 août 1992, donc le Procureur devra
14 expliquer de quelle manière plusieurs témoins qui ont été cités à la barre
15 et qui ont déposé ici pouvaient maintenir la déclaration selon laquelle,
16 au moment de la commission des actes criminels en juin et juillet 1992,
17 ils ont pu reconnaître Zigic sur la base de sa cicatrice caractéristique
18 sur le menton.
19 Comme nous l'avons déjà constaté, la consommation des stupéfiants a créé
20 une double personnalité en M. Zigic. Nous avons déjà parlé de la première
21 de ces personnalités. Cependant, en étant sobre, il donnait, partageait ce
22 qu'il avait sans réserve à tout le monde, sans aucune contrepartie, sans
23 tenir compte de l'appartenance ethnique des personnes, et ce tant en temps
24 de guerre qu'en temps de paix. La nourriture, les cigarettes et tout le
25 reste dont il disposait, il les donnait sans tenir compte de leur valeur
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1 et de ses propres besoins.
2 S'agissant de cet autre aspect de la personnalité de Zigic, de temps en
3 temps, un certain nombre des témoins de l'accusation ont quelque chose
4 mais ce sont surtout les témoins de la défense qui en diront beaucoup
5 plus.
6 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, depuis 1993, donc
7 depuis l'incarcération de Zoran Zigic, il ne boit pas et il ne consomme
8 pas de drogue.
9 Les témoins de l'accusation ont eu l'occasion de vous parler d'une
10 certaine personnalité et c'est sur la base de ces déclarations-là que
11 l'Acte d'accusation a été dressé. Cependant, en ce moment, vous avez
12 devant vous une deuxième personnalité en la même personne que vous devez
13 juger. Vous avez une personne qui est prête à coopérer et qui est capable
14 de se réinsérer dans la société, comme le confirment d'excellents experts
15 psychiatres d'Allemagne, que le Greffe de ce Tribunal a nommés.
16 Cependant, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, l'histoire
17 concernant la personnalité de M. Zigic ne constitue pas une demande de
18 pitié mais une demande de justice et de vérité. Or nous sommes convaincus
19 qu'il sera prouvé qu'il est vrai que M. Zigic ne persécutait pas la
20 population non serbe, qu'il ne commettait pas de meurtre et qu'il n'a pas
21 commis de nombreux autres actes criminels qui lui sont reprochés dans le
22 cadre de l'Acte d'accusation. Cependant, il ne faut pas prier qu'un
23 Tribunal rende la justice et atteigne la vérité, l'on s'y attend.
24 Cependant, l'affaire Zigic est tellement complexe que nous considérons
25 qu'il est vraiment nécessaire de lui prêter une attention toute
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1 particulière, de même qu'un effort et une compréhension supplémentaire.
2 J'espère profondément que la défense, par le biais de la présentation de
3 ses moyens de preuve, aidera la Chambre de Première instance à en
4 apprendre plus concernant le contexte des faits et à obtenir plusieurs
5 alternatives juridiques, et que la défense donnera à la Chambre de
6 Première Instance ce à quoi la Chambre s'attend. Les obligations de la
7 défense vis-à-vis de la Chambre de Première Instance doivent servir à ce
8 qu'une bonne décision, bonne et appropriée, soit prise.
9 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je souhaite me
10 réserver la possibilité de présenter d'autres arguments au moment de la
11 plaidoirie et je souhaite ainsi terminer cette déclaration liminaire. Je
12 vous remercie.
13 M. le Président: Je vous remercie, Maître Stojanovic.
14 Maintenant, la suite?
15 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, nous appelons à la
16 barre notre premier témoin qui est Mme Soka Sikic.
17 Avec votre autorisation, je demanderais que mon confrère Me Deretic
18 m'apporte son aide dans le travail qui est le nôtre.
19 M. le Président: Oui, Maître Stojanovic.
20 J'avais une question... De toute façon, je vois Madame Somers, je vais lui
21 donner la priorité.
22 Vous avez la parole, Madame Somers.
23 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
24 Je voudrais demander un éclaircissement au sujet de la prononciation du
25 nom de famille de ce témoin. Son nom de famille est-il Sikic ou Zigic?
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1 Pouvez-vous confirmer cela? C'est important.
2 Je demanderais à ce que vous-même, Monsieur le Président, vous vouliez
3 demander au conseil de la défense de confirmer quel est le nom de famille
4 exact.
5 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, le nom est Sikic,
6 mais j'ai utilisé l'ordinateur de la salle de la défense et je n'avais pas
7 toutes les lettres de notre alphabet à ma disposition. Le nom est Sikic.
8 Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup.
9 M. Riad (interprétation): Maître Stojanovic, j'aimerais vous demander de
10 commenter votre façon d'illustrer le dessein commun. Vous avez dit que
11 peut-être le dessein commun de toutes les personnes travaillant ici, à
12 savoir la défense, le Procureur et autres, consistait à dépenser l'argent
13 des Nations Unies. Peut-être pourriez-vous vous corriger et ajouter que la
14 volonté commune est d'obtenir que la justice soit rendue? C'est cela qui
15 constitue le dessein commun.
16 Mais même si ce que vous avez dit au sujet de ce dessein commun était
17 exact, ce n'est pas un dessein criminel, n'est-ce pas? Merci.
18 M. le Président: Maître Stojanovic, sur votre liste des témoins, je vois
19 bien le nom "Sikic Soka".
20 J'avais l'idée que vous alliez donner l'opportunité ou que M. Zigic,
21 l'accusé, voudrait faire une déclaration. Est-ce que je me trompe?
22 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, vous avez tout à
23 fait raison. Cela fait partie des questions auxquelles j'ai réfléchi avant
24 ma déclaration liminaire et j'ai donc omis d'en parler.
25 Nous aimerions demander une décision à la Chambre. En effet, nous avons
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1 reçu une objection de l'accusation qui s'oppose à cela. Si vous m'accordez
2 votre patience encore quelques instants, j'aimerais pouvoir m'exprimer en
3 quelques mots pour dire en quoi je considère qu'une telle intervention de
4 l'accusé pourrait être utile.
5 Le Procureur estime, si j'ai bien interprété son objection, qu'une telle
6 intervention de l'accusé pourrait entraver la décision de la Chambre. Nous
7 pensons que c'est le contraire qui est exact.
8 En effet en août 2000, Zigic a fait une déclaration devant des
9 psychiatres, des experts nommés par le Greffe, qui l'ont informé qu'il
10 n'était pas obligé de préserver la confidentialité de ce qu'il leur
11 disait. M. Zigic a avoué certains actes mineurs qui lui sont reprochés.
12 Après cela, la défense de M. Zigic a demandé que ce rapport d'expert, dans
13 lequel se trouvent ces aveux mineurs, soit versé au dossier, ce qui montre
14 bien que Zigic est tout à fait juste dans ses décisions. Par ailleurs,
15 cela fait déjà plus d'un an que dans ce prétoire nous regardons M. Zigic.
16 Je demande donc pour quelle raison nous ne devrions pas entendre également
17 sa voix et l'entendre exprimer ses pensées.
18 Je pense que cela permettrait à la Chambre de se faire une idée plus
19 exacte de la personnalité de cet homme que les Juges ne font que regarder
20 depuis un an, une idée positive ou une idée négative.
21 Pour ce qui nous concerne, ce que nous désirons c'est que les Juges
22 puissent voir et entendre cet homme parler de ce qui va déterminer son
23 destin.
24 Quant à la crédibilité de ses déclarations, c'est une question tout à fait
25 différente, mais nous estimons qu'il n'y a pas de différence pratique
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1 importante entre cette façon pour l'accusé de s'exprimer et la façon de
2 s'exprimer qu'il pourrait choisir s'il était témoin, compte tenu du fait
3 qu'il plaide non coupable.
4 Est-ce que l'accusé témoin va s'accuser lui-même? Et dans quelle mesure le
5 jugement des Juges s'appuiera sur la déclaration d'un accusé témoin qui
6 plaide non coupable? C'est la question qu'il est permis de se poser.
7 Monsieur Zigic se rend bien compte que s'il opte pour une déclaration il
8 n'y aura pas contre-interrogatoire.
9 Mais il est également au courant du fait que la Chambre de première
10 instance a toute latitude pour circonscrire l'objet de sa déclaration à
11 son gré.
12 Et M. Zigic est tout à fait d'accord pour respecter les limites qui lui
13 seront imposées par la Chambre.
14 Notre façon d'interpréter l'Article 84 bis se distingue quelque peu de
15 l'interprétation qui est donnée à cet article par le Procureur. Nous
16 estimons qu'il n'est pas exclu pour l'accusé de faire une déclaration sous
17 serment, mais simplement que rien ne force l'accusé à faire une telle
18 déclaration.
19 Donc nous estimons qu'il serait très utile pour la Chambre de première
20 instance d'entendre l'accusé s'exprimer de cette façon aujourd'hui.
21 Mais cela pose toutefois un petit problème technique. Je pense que
22 l'esprit du Règlement indique qu'une telle déclaration devrait être faite
23 au début de la présentation des éléments de preuve de la défense, et cela
24 je le crains risque de perturber un petit peu l'ordre d'audition des
25 témoins.
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1 Donc nous aimerions demander à la Chambre que l'accusé puisse s’exprimer
2 au moment qui aurait été prévu pour l'entendre en tant que témoin ou à
3 quelque autre moment que ce que soit qui pourrait devenir utilisable,
4 compte tenu par exemple de l'indisponibilité d'un témoin.
5 M. le Président: Madame Somers, il y a ici deux questions, la possibilité
6 de faire une déclaration et l'opportunité de l'affaire.
7 S'il vous plaît, vous avez la parole.
8 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, la semaine dernière le
9 Procureur a fait connaître sa position quant au moment où la déclaration
10 prévue à l’Article 84 bis peut se situer, ce qu'on appelle souvent la
11 déclaration ad hoc.
12 Le Procureur estime que la requête qui est présentée maintenant par
13 l'accusé Zigic, et hors contexte, n'a ah été présentée au bon moment, et
14 donc qu'il est impossible d'y satisfaire.
15 L'objet de l'Article 84 bis consiste à permettre une déclaration qui
16 circonscrive un certain nombre d'éléments factuels. Et donc elle est
17 censée se situer immédiatement après la déclaration liminaire du
18 Procureur, c'est-à-dire en février 2000, à moins que la défense ne renonce
19 à certains de ses droits de présenter sa propre déclaration liminaire.
20 Autoriser l'accusé Zigic à bénéficier d'une possibilité de manipulation,
21 compte tenu qu'il s'exprimerait un an après le début de l'audition des
22 témoins, et l'autoriser à s'exprimer, en outre, à la fin de la
23 présentation des éléments de preuve de la défense, ce qui permettrait des
24 manipulations supplémentaires, ne correspond pas à l'objet poursuivi par
25 le Règlement, qui pour notre part fait partie, s'intègre bien à la
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1 jurisprudence qui constitue la pratique courante devant les tribunaux
2 européens ou continentaux de façon générale.
3 Zigic n'a pas pour intention de parler sans contre-interrogatoire. Son
4 objectif, qui est clair compte tenu du moment où il demande à s’exprimer,
5 et de ce qu’a dit le témoin 21, consiste à montrer que le contre-
6 interrogatoire ne lui convient pas. Et le fait que cela ne lui convienne
7 pas, n'a rien à voir avec le Règlement. C'est donc pour lui une façon de
8 contourner la signification exacte de l'Article 84 du Règlement et cela
9 constitue purement et simplement une manoeuvre.
10 Il est exact que l'indication d'une intention de témoigner en application
11 de l'Article 85 B), qui correspond à la position défendue par le
12 Procureur, est la seule possibilité pour Zigic puisqu'il n'est plus dans
13 les délais prévus par l'Article 84 bis.
14 Et l'accusé a toute liberté de comparaître en tant que témoin, mais cela
15 signifie qu'il renonce à l’application de l'Article 84 bis, puisqu'il
16 n'est plus dans les délais prévus.
17 Donc les experts sont là, ils vont s’exprimer. Et il n'y a pas eu jusqu'à
18 présent de précédent consistant à satisfaire à une demande comme seule qui
19 est faite à cette Chambre de première instance, donc demande de
20 déclaration sous serment, qui risquerait de voir le Tribunal s’écarter
21 très largement de la signification exacte de l’Article 84 du Règlement.
22 M. le Président: Maître Stojanovic, avez-vous une réponse très rapide?
23 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je peux
24 répliquer effectivement.
25 Je suis ici, je m'exprime au nom de l'accusé Zigic et le Procureur n'a pas
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1 le droit de me contre-interroger, donc je ne vois pas ce qu'il y a de
2 répréhensible à cela, je ne vois pas pourquoi Zigic ne pourrait pas parler
3 en son propre nom. C'est mon premier argument.
4 Deuxième argument, si Zigic pouvait dire quelque chose en rapport avec les
5 faits à une date tardive, je pense que les Juges ont toute latitude pour
6 déterminer le poids d’une telle déclaration qu'ils pourraient même
7 considérer comme une déclaration accusatoire.
8 Et je répète qu'entendre l'accusé Zigic parler d'un certain nombre
9 d'éléments qui ont une influence importante sur son avenir, sur son
10 destin, nous pourrions même parler d’un certain nombre de faits qui ne
11 seraient pas tout à fait pertinents, mais je crois que nous nous
12 concentrerions sur les faits qui sont reprochés à l'accusé, enfin je pense
13 qu'une telle déclaration de la part de Zigic ne risque en aucun cas
14 d’entraver un droit quelconque de l'accusation, et risque encore moins de
15 déboucher sur une situation qui modifierait de façon très importante le
16 cours des événements.
17 La question qui se pose ici c’est la question de la crédibilité, à savoir
18 est-ce qu'une crédibilité quelconque peut être accordée à M. Zigic.
19 Pour ma part, je pense que ce qui importe c’est qu’une déclaration de M.
20 Zigic permettrait à la Chambre de se faire une idée tout à fait complète
21 de sa personnalité. C’est la raison pour laquelle nous demandons son
22 audition.
23 M. le Président: Un moment, s'il vous plaît.
24 (Les juges se concertent sur le siège.)
25 M. le Président: Maître Stojanovic, est-ce que M. Zigic est prêt à faire
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1 sa déclaration tout de suite? De combien de temps a-t-il besoin?
2 Vous pouvez parler avec lui, si nécessaire.
3 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous
4 demande un instant. Merci.
5 (Les conseils de la défense consultent leur client.)
6 Je vous prie de m'excuser pour ces quelques minutes d'attente, Monsieur le
7 Président, et je vous remercie de me les avoir accordées.
8 S'agissant de la déclaration de M. Zigic, je crois pouvoir dire qu'il
9 faudrait au moins un jour pour l'entendre. Je crains fort de ne pas avoir
10 compris la disposition du Règlement moi-même, compte tenu de la
11 possibilité qui est donnée à la Chambre de Première Instance de déterminer
12 le cadre de cette déclaration.
13 Nous aimerions demander à la Chambre d'entendre M. Zigic à un autre
14 moment, mais si la condition pour l'entendre consiste à l'entendre
15 maintenant, il serait sans doute préférable de le faire.
16 Cela étant, un certain nombre de témoins attendent, il faut le savoir, des
17 témoins qu'il était prévu d'entendre cette semaine. Le temps risque de
18 manquer pour l'interrogatoire de ces témoins.
19 M. le Président: Madame Somers?
20 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, nous allons reprendre
21 l'intégralité de nos objections en indiquant par ailleurs que si en dépit
22 de cette objection la Chambre autorisait l'application de l'Article 84
23 bis, nous serions d'avis que cela constituerait un abus des droits de M.
24 Zigic et nous estimerions que l'autoriser à s'exprimer à la fin de la
25 présentation des éléments de preuve de la défense constituerait un abus de
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1 ses droits.
2 Nous demandons au moins à la Chambre de décider que cette audition, si
3 elle doit se faire, se produise immédiatement. Nous répétons que nous
4 estimons que l'ensemble de ce processus est impropre, mais nous demandons,
5 si cette autorisation doit être donnée à l'accusé, qu'il soit décidé de
6 l'entendre immédiatement.
7 (Les juges se consultent sur le siège.)
8 M. le Président: Sur cette question, la Chambre prend la décision
9 suivante.
10 La Chambre constate que l'accusé, M. Zigic, s'est proposé au moins à un
11 moment donné, de se présenter comme témoin. A un moment donné, la défense
12 a dit qu'il voudrait faire la déclaration de l'accusé prévue à l'Article
13 84 bis.
14 La Chambre estime que l'Article 84 bis prévoit cette possibilité pour
15 l'accusé après la déclaration liminaire du Procureur, mais la Chambre, en
16 tenant compte des spécificités de ce cas, notamment le fait d'avoir cinq
17 accusés, dit qu'il n'y a pas de sens à entendre des déclarations de
18 l'accusé distantes dans le temps. Cependant, nous avons permis dans cette
19 affaire que chaque conseil de la défense fasse sa déclaration liminaire
20 avant la présentation de chaque moyen à décharge. Il était donc sensé que
21 la déclaration de l'accusé devait être faite à la suite de la déclaration
22 liminaire.
23 Dans ce sens, la Chambre accepte que l'accusé, M. Zigic, fasse une
24 déclaration dans le sens de l'Article 84 bis. Comme le dit l'Article,
25 l'accusé n'est pas tenu de faire une déclaration solennelle et n'est pas
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1 interrogé quant à la teneur de sa déposition.
2 L'accusé, de son point de vue, a deux opportunités de se prononcer:
3 l'opportunité de la déclaration de l'Article 84 bis et l'opportunité de se
4 présenter comme témoin aux termes de l'Article 85 C). Cela veut dire que,
5 si l'accusé fait sa déclaration aux termes de l'Article 84 bis, il a
6 encore la possibilité de se présenter comme témoin. Il faut seulement le
7 savoir, de façon à discipliner et organiser nos débats.
8 Cependant, il ne fait pas du sens, aux termes de l'article 84 bis, de
9 faire cette déclaration après avoir commencé la présentation des moyens à
10 décharge. Soit M. Zigic fait sa déclaration maintenant, soit il perd le
11 droit de la faire.
12 La Chambre, en tenant compte des circonstances, donne cette opportunité à
13 l'accusé, M. Zigic, de faire sa déclaration dans ces termes.
14 Nous pensons faire une pause déjeuner et M. Zigic aura la possibilité de
15 préparer une déclaration d'une durée maximum de 45 minutes.
16 La Chambre estime qu'une fois que l'accusé, M. Zigic, aura été préparé
17 pour témoigner, il aura au moins quelques idées à présenter; cette
18 déclaration est couverte par l'alinéa b de l'Article 84 bis qui dit: "la
19 Chambre de Première Instance statue sur l'éventuelle valeur probante de la
20 déposition".
21 La Chambre, en conclusion, décide de donner cette opportunité à l'accusé,
22 M. Zigic, de faire cette déclaration aux termes de l'article 84 bis
23 aujourd'hui et lui donne le temps de la pause pour s'organiser. Cette
24 déclaration ne peut pas excéder 45 minutes.
25 Voilà la décision de la Chambre.
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1 Nous allons faire une pause déjeuner de 50 minutes.
2 (L'audience, suspendue à 12 heures 10 minutes, est reprise à 13 heures.)
3 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
4 (Les accusés s'assoient.)
5 Maître Stojanovic, nous allons procéder à la déclaration de l'accusé. Nous
6 pensons, comme dit clairement le texte, que l'accusé n'est pas tenu de
7 faire une déclaration solennelle; l'accusé doit faire cette déclaration de
8 sa place et ne pas prendre la place du témoin.
9 D'autre part, il n'est presque pas nécessaire de dire que la déclaration a
10 pour objet l'Acte d'accusation et donc il ne fait pas de sens de sortir de
11 ce thème en général. Je vais peut-être demander à Monsieur l'huissier de
12 vérifier le micro de l'accusé, M. Zigic, pour que ce dernier puisse faire
13 sa déclaration.
14 (L'huissier s'exécute.)
15 Oui, Maître Stojanovic?
16 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie
17 beaucoup de cette décision. Je crois que c'est une bonne option de prise.
18 Je ne sais pas si maintenant l'ordre à suivre est le bon: M. Zigic est
19 disposé à faire une déclaration solennelle si nécessaire pour ce qu'il a
20 l'intention de dire en ce moment.
21 M. le Président: Non, pas du tout. On ne peut pas mélanger les choses,
22 Maître Stojanovic. La Chambre a été bien claire: ou il fait cette
23 déclaration aux termes de l'Article 84 bis et là l'Article est clair,
24 l'accusé n'est pas tenu de faire une déclaration solennelle et n'est pas
25 interrogé quant à la teneur de sa disposition, c'est une vraie
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1 déclaration. Ici, on pourrait dire que ce n'est pas quelque chose que
2 j'aime dire. Même pour le système "civil law", l'accusé a toujours le
3 droit de mentir. On doit interpréter cela dans les bons termes. Mais,
4 d'une certaine façon, c'est à M. Zigic de faire cette déclaration. Il peut
5 faire cette déclaration dans les termes qu'il veut mais sur objet, sur
6 l'Acte d'accusation. S'il veut prêter serment, il doit se présenter comme
7 témoin là-bas. C'est pour cela que nous avons fait cette distinction: s'il
8 fait une déclaration comme accusé, il la fait de sa place; s'il fait une
9 déclaration comme témoin, il prête serment et prend l'autre place.
10 Nous avons fait cette distinction des endroits. Comme vous le savez, la
11 communication non verbale est plus puissante que la verbale. Il est clair
12 que M. Zigic ne va pas faire une déclaration sous serment, c'est une
13 déclaration.
14 M. Stojanovic (interprétation): Nous acceptons, Monsieur le Président. En
15 tout état de cause, il reste seulement le dilemme de savoir si nous
16 restons ici et si nous allons lui poser des questions à partir de cet
17 endroit-là ou si M. Zigic va parler de lui-même. Si nous sommes appelés à
18 lui poser des questions, il vaudrait mieux que nous rejoignions nos places
19 initiales.
20 M. le Président: Maître Stojanovic, nous devons être clairs encore une
21 fois. L'accusé n'est pas tenu de faire une déclaration solennelle et n'est
22 pas interrogé quant à la teneur de sa déposition, soit par le conseil de
23 l'accusation, soit par le conseil de la défense, soit par les Juges, ni
24 pour demander des éclaircissements. C'est une déclaration pour son compte.
25 Il n'y a pas de problème: si vous voulez vous déplacer à votre endroit,
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1 c'est bien, sinon M. Zigic va faire sa déclaration de sa place. C'est
2 comme vous voulez.
3 M. Stojanovic (interprétation): Dans ce cas, Monsieur le Président, nous
4 nous proposons de regagner nos places et avec votre permission je voudrais
5 lui restituer ses notes.
6 M. le Président: Très bien.
7 M. Stojanovic (interprétation): Merci.
8 Nous préférons rester ici, Monsieur le Président. Mon opinion et celle de
9 mon collègue divergeaient.
10 M. le Président: Très bien.
11 Le Règlement ne dit pas si vous devez rester là où là-bas, donc vous
12 pouvez choisir.
13 Pour la déclaration aux termes de l'Article 84 bis, je donne la parole à
14 l'accusé, M. Zigic.
15 Monsieur Zigic, vous avez la parole, s'il vous plaît.
16 Si vous préférez parler assis, vous pouvez le faire.
17 (L'accusé Zigic se lève.)
18 (Déclaration de l'accusé, M. Zoran Zigic)
19 M. Zigic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie, je
20 préfère rester debout par respect à l'égard de cette Chambre et je me
21 servirais de certaines notes que j'ai prises moi-même et je me
22 conformerais à vos instructions pour me concentrer sur les parties
23 afférentes à l'Acte d'accusation, aussi vais-je sauter toute une grande
24 partie relative à ma vie, mon travail, ma famille, car je ne pourrais pas
25 m'adapter aux 45 minutes qui me sont imparties.
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1 La plupart de ma vie, je l'ai passée à l'extérieur de ma ville natale,
2 Prijedor. J'ai travaillé en URSS et une partie de mon travail s'était
3 déroulée en Allemagne. En tout et pour tout, cela fait quatre ou cinq ans.
4 J'ai travaillé en Croatie, à Zagreb et Pola. Pendant un certain temps,
5 j'ai vécu et travaillé dans ma ville, j'ai travaillé comme chauffeur de
6 taxi et j'ai exercé une profession musicale à titre professionnel. C'est
7 ce qui m'a fait vivre. C'est ainsi que j'ai gagné ma vie.
8 Avant le début de la guerre, j'ai fui Pola et je ne voudrais pas fatiguer
9 cette Chambre avec les détails affairant à cette période-là. Je suis
10 revenu vers ma ville de Prijedor le 31 décembre 1991 et jusqu'en avril
11 1992 je n'ai rien fait du tout. Je n'avais pas de profession du tout pour
12 ainsi dire et je vivais dans la maison de mes parents avec ma femme et mes
13 deux enfants.
14 Le 29 avril 1992, j'ai été mobilisé. Entre-temps, on pouvait constater
15 dans la ville que je connaissais d'ailleurs fort bien, étant donné que je
16 vivais sur la périphérie de la ville, mais je me déplaçait souvent vers le
17 centre-ville, j'avais beaucoup d'amis et je ne faisais pas le choix entre
18 Musulmans, Croates ou Serbes, cela m'importait peu. J'avais d'ailleurs
19 beaucoup plus d'amis musulmans que serbes. Mais cela n'a pas beaucoup
20 d'importance en ce moment. On sentait une certaine tension et comme toute
21 ma vie je suis allé d'un café à l'autre, c'était ma profession de musicien
22 et de chauffeur de taxi qui me poussait à faire ainsi, mais on sentait ces
23 tensions, les injures, les choses en étaient encore au stade verbal et non
24 pas physique. Le 29 avril, comme je le disais, j'ai eu une convocation aux
25 termes de laquelle je devais me rendre au poste de police de Prijedor 1
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1 Centre.
2 D'après mon affectation militaire, j'étais conscrit militaire. Je n'ai
3 jamais fait partie de la police mais j'ai été surpris et j'ai répondu à
4 l'appel et on m'a chargé de sécuriser l'immeuble du SUP. J'y ai passé
5 toute la période du mois de mai, avec pour tâche habituelle de sécuriser
6 rien que cet immeuble-là, cet immeuble du SUP. Nous n'avions pas d'autre
7 mission.
8 Pendant les conflits armés dans la région de Kozarac qui sont survenus le
9 24 mai, je me trouvais donc à ce poste de sécurité du poste de police de
10 Prijedor. Ces conflits armés ayant éclaté, chose dont j'étais au courant
11 étant donné qu'on se le disait entre nous, mon village natal de Balte se
12 trouvait juste à côté de Kozarac et j'avais été, à juste titre, préoccupé
13 de même que mon père et ma mère, de ce qui se passait là-bas aussi et j'ai
14 été sollicité pour aller voir dans ce village si notre famille avait
15 besoin de quoi que ce soit, s'ils avaient des problèmes.
16 Je me suis rendu là-bas avec mon véhicule privé. Un kilomètre avant la
17 maison de mon oncle, j'ai été attaqué par un groupe de personnes armées.
18 Je ne savais pas de qui il s'agissait, mais j'étais prudent et j'ai
19 résisté. Je puis librement dire que j'ai eu peur et, du fait de cette
20 peur, du fait de la rapidité avec laquelle les événements se sont
21 déroulés, j'avais un lance-roquettes dans ma voiture, comme je n'avais que
22 peu de munitions, j'ai utilisé ce lance-roquettes. Malheureusement, ce
23 manque de prudence, la vitesse des événements et mon manque d'expérience
24 m'ont fait perdre la moitié de mon index sur la main gauche.
25 Entre-temps, des villageois sont arrivés pour m'aider et nous avons réussi
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1 à repousser cette attaque lancée par un groupe de personnes pour
2 lesquelles j'ai appris par la suite qu'il s'agissait de Musulmans
3 originaires de Kozarac. Par la suite, je suis revenu à Prijedor avec mon
4 cousin germain qui m'a emmené à l'hôpital, on m'a opéré.
5 J'étais censé rester à l'hôpital mais j'ai refusé car il y avait beaucoup
6 de blessés graves. L'hôpital en était plein. J'estimais que j'étais quand
7 même légèrement blessé et j'ai dit au médecin que je serais discipliné,
8 que je resterais chez moi et que je viendrais régulièrement pour me faire
9 panser, suivre la thérapie qui m'avait été indiquée. Il s'agissait là
10 d'une période où je n'ai point consommé d'alcool du tout, car les
11 médicaments que je prenais ne le permettaient pas. Malgré tout, il m'est
12 arrivé de boire ça et là et des conséquences se sont manifestées, j'ai eu
13 une inflammation à la main. Le 26, j'ai dû me rendre à nouveau à l'hôpital
14 car le bras était… Le 21 juin, j'y ai passé cinq à six jours, j'y suis
15 resté jusqu'au 26 juin, on a assaini la situation, on a nettoyé le doigt
16 en question et j'ai été relâché. J'ai porté un pansement à la main gauche
17 jusqu'à la fin du mois de juillet. Je ne saurais être trop précis mais je
18 crois que c'était en effet jusqu'à la fin juillet.
19 Pour ce qui est de mon séjour à Keraterm, je dirais que j'y ai été et que
20 j'y étais gardien là-bas. Le 2 juin 1992, mon commandant -décédé entre-
21 temps-, Mirko Parac avait rassemblé une section pour sécuriser l'immeuble
22 du SUP et vous avez dit que nous n'avions plus besoin de sécuriser cet
23 immeuble-là et qu'il fallait qu'une partie des effectifs aillent sécuriser
24 le centre de rassemblement et d'enquête de Keraterm.
25 Je dois être sincère devant cette Chambre: je ne savais pas du tout qu'il
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1 existait une chose de ce genre et, pour être tout à fait sincère, je
2 dirais qu'en passant par la route menant vers Banja Luka, le 29 mai, j'ai
3 pu voir Keraterm. Je l'ai vu, j'ai vu un groupe de personnes au portique
4 d'entrée de Keraterm, mais je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait.
5 Le 2 juin, quand nous sommes arrivés à Keraterm, j'ai trouvé une situation
6 terrible et je puis m'exprimer librement ainsi. Le malheur a peut-être
7 voulu que dans cette première pièce à Keraterm, que les détenus appelaient
8 la pièce n° 1, il se peut que ce soit là un hasard mais il s'y trouvait
9 là-bas des gens que je connaissais fort bien. C'était pour la plupart des
10 amis, ce n'étaient pas des connaissances mais des amis à moi. J'ai très
11 mal pris la chose, je ne voudrais pas donner les noms des personnes qui
12 s'y trouvaient, mais c'étaient des personnes qui m'étaient chères et qui
13 couchaient sur des palettes en bois, comme on a pu l'entendre à maintes
14 reprises. J'ai pris la chose très difficilement, je suis un homme de
15 tempérament. J'ai, comme on dit chez nous, "la langue longue", j'injurie
16 souvent. Je criais, j'engueulais, je ne faisais pas le choix entre
17 Musulmans, Serbes ou Croates. C'étaient des gens et il fallait que je me
18 défoule. Je me défoulais en injuriant à gauche et à droite, en gueulant.
19 Malheureusement, il m'arrivait aussi de frapper quelqu'un, mais ce n'était
20 pas en prêtant attention au fait de savoir s'il s'agissait d'un Serbe,
21 d'un Musulman ou d'un autre. Cela arrivait tout simplement.
22 Je m'efforçais de passer le moins possible de temps à Keraterm. Ces images
23 de là-bas étaient terribles, je ne peux pas parler de crimes qui se
24 passaient là-bas comme je l'ai entendu ici, j'étais hors de tout cela,
25 mais l'image même de la façon dont ces journées là-bas… Ce laisser-aller,
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1 cette odeur caractéristique dont on a entendu parler ici, cette odeur,
2 personne ne saurait vous la décrire sans l'avoir vécue véritablement,
3 cette odeur de saleté, je ne puis vous le décrire, je ne pouvais supporter
4 ces images-là. J'ai passé fort peu de temps là-bas. Comme je suis une
5 personne émotive, il m'était difficile de voir des amis là-bas sans pour
6 autant pouvoir les aider, exception faite des vivres ou des cigarettes que
7 je leur apportais. Je leur apportais même de l'alcool, étant donné que
8 nous étions amis de la bouteille, si je puis m'exprimer ainsi de façon
9 imagée.
10 J'ai donc passé à Keraterm une dizaine de jours, pas plus. Pendant cette
11 dizaine de jours, je pourrais affirmer que je n'ai pas passé plus de huit
12 heures à Keraterm, j'y ai passé donc très peu de temps. Je passais peut-
13 être là-bas dix à quinze minutes ou une heure au plus et m'en allais dans
14 une cafétéria. Heureusement, à côté de Keraterm, il y avait plusieurs
15 cafétérias et je passais la plupart de ma vie dans ces guinguettes.
16 Quand j'en suis à parler de Keraterm, je voudrais me référer concrètement
17 au chef d'accusation de l'Acte d'accusation. Je parlerais par la suite de
18 ma position à l'égard de cet Acte d'accusation au moment où je l'ai reçu
19 en 1996. Je ne connais pas le point par cœur qui traite de passages à
20 tabac, du meurtre d'une personne appelée Sead Jusupovic, surnommée "Car",
21 et Emsud Bahonjic.
22 Je voudrais dire à cette Chambre, et ce du fond de mon âme, ce qui s'est
23 passé à ce moment-là ou à l'époque. J'ai été horrifié lorsque j'ai entendu
24 les déclarations de certains témoins et quand j'ai pris connaissance de
25 l'Acte d'accusation.
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1 Je suis au courant de cet événement, je sais ce qui est arrivé à cette
2 personne surnommée Car et à ce Bahonjic. J'étais présent. L'attaque de la
3 ville de Prijedor a eu lieu le 30 mai 1992. Ces deux personnes ont été
4 attrapées à l'occasion de l'attaque de la ville avec des armes à la main
5 et des témoins de l'accusation en ont parlé également.
6 Pour ce qui est de Bahonjic Emsud, c'est une personne que je n'avais
7 jamais vue de ma vie et que je ne connaissais pas. Pour ce qui est de Sead
8 Jusupovic, surnommé Car, je le connaissais très bien. Il venait de la
9 ville de Prijedor, c'était un petit criminel qui a passé pratiquement
10 toute sa vie dans des prisons. Physiquement, il n'était pas du tout
11 costaud, il faisait peut-être 40 kilos. D'après les informations obtenues
12 de la part des inspecteurs qui l'ont traité sur le plan criminologique, on
13 nous avait dit à l'occasion d'un entretien formel que cette personne-là,
14 Jusupovic Sead, possédait une mitrailleuse M53 avec laquelle il avait
15 participé à l'attaque contre la ville. Pour moi, cela était assez ridicule
16 car ce type d'arme datant de la Deuxième Guerre mondiale était légèrement
17 moins lourde que lui-même de par sa constitution physique. J'étais plein
18 d'amertume car là où il était intervenu, là où il a combattu, c'est là où
19 il y a eu le plus de victimes, policiers et soldats serbes.
20 En voyant les choses avec le recul de nos jours, je ne le ferais
21 certainement pas. Mais à l'époque, vu sur le moment, étant donné que
22 j'étais participant à tout ce qui se passait dans la ville, je connaissais
23 pratiquement toutes les personnes qui avaient à ce moment-là perdu la vie,
24 même les Musulmans qui avaient péri lors de cette attaque, même eux, la
25 plupart d'entre eux, je les connaissais aussi. Je ne voulais pas me venger
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1 à l'égard de Car, je voulais l'humilier. Je l'ai obligé, j'ai vidé la
2 mitrailleuse et je l'ai obligé à le mettre sur son épaule et à courir et
3 faire le tour de l'enceinte.
4 Je répète une fois de plus que si cela était arrivé de nos jours, au bout
5 de tant d'années, je n'en ferais pas ainsi, mais à l'époque je l'ai fait
6 et j'exprime beaucoup de regret pour cela.
7 Toutefois, qu'est-il arrivé par la suite? Qu'est-il advenu pour ce qui est
8 de Car? Eh bien, on le verra et les témoignages nous le diront,
9 témoignages de personnes qui ont été présentes aussi: pendant que Car
10 courait dans l'enceinte, en cercle, à un moment donné, je ne sais même pas
11 pourquoi moi-même je crois que j'étais sous influence de l'alcool, je l'ai
12 frappé de mon pied une fois. C'était le seul contact que j'aie établi avec
13 Car. J'ai quitté Keraterm tout de suite après avec ma moto et je ne sais
14 plus où je suis allé, vers un bar quelconque. De là à savoir ce qui est
15 arrivé par la suite à Car, je vous le dis sincèrement, je ne le savais pas
16 jusqu'au moment où j'ai reçu l'Acte d'accusation. J'ignorais complètement
17 que cette personne-là avait été tuée.
18 Maintenant, pour ce qui est de feu Emsud Bahonjic, j'ai indiqué que c'est
19 une personne que je ne connaissais guère, mais je suis au courant de
20 l'incident en rapport avec lui. Cet incident est survenu un jour avant ou
21 un jour après l'incident avec Car. Une connaissance à moi, Duzko Knezevic,
22 qui fait l'objet d'un Acte d'accusation, avait perdu son frère qui était
23 mineur et avait été tué par des voisins musulmans lors des conflits armés
24 dans la région de Kozarac. Ce jeune homme avait 17 ans à 17 ans et demi,
25 il n'avait pas d'armes. Il avait été attrapé par des collègues de l'école,
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1 il a été massacré à coups de couteau. Cet homme-là est venu à Keraterm
2 avec l'objectif d'interroger des Musulmans qu'il connaissait concernant
3 les circonstances du meurtre de son frère.
4 Je dois être sincère aussi et dire que Duzko Knezevic, appelé "Duca",
5 était très arrogant, personne n'osait s'opposer à lui. Je serais plus
6 sincère encore et dirais que je n'ai pas essayé de m'opposer à lui non
7 plus, car à ce moment-là je savais qu'il venait de perdre son frère et que
8 son objectif était d'apprendre qui étaient les coupables, les meurtriers
9 de son frère. Personne ne s'était opposé à lui. Il y avait là beaucoup de
10 personnes, beaucoup de gardiens, des gens qui étaient venus avec Duca.
11 Il a interpellé quelques personnes, des noms qu'il connaissait; quant à
12 ces personnes, je n'en connaissais aucune personnellement. Par la suite,
13 j'ai pu voir au travers de leurs déclarations qu'effectivement je ne les
14 connaissais pas. Il y a eu des passages à tabac, il y a eu des injures,
15 des menaces, de la contrainte, des engueulades. A un moment donné, Duca
16 est passé avec une matraque dans cette pièce n° 1 et il a frappé un bon
17 ami à moi qui était d'origine albanaise, Lipovac Ismet. Je me suis opposé,
18 je lui ai dit: "Duca, pourquoi tapes-tu cet homme-là? Laisse-le en paix".
19 A ce moment-là, il m'a frappé à la poitrine avec cette matraque. Je suis
20 resté bouche bée, je n'ai plus continué à m'opposer à lui. Les témoins de
21 l'accusation ont parlé de cet incident auquel je n'ai pas pris part, mais
22 j'étais présent.
23 S'agissant du chef d'accusation où on me met à charge le meurtre de M.
24 Tokmadzic Drago, je ne savais même pas que cet homme avait été tué. Je
25 n'ai aucune preuve du fait qu'il ait été tué.
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1 M. Drago Tokmadzic, je le connaissais très bien en sa qualité de policier.
2 Très souvent, nous allions boire un verre ensemble en bons camarades. Je
3 dois dire tout à fait sincèrement que je croyais qu'il était serbe. Je
4 n'ai jamais pu conclure qu'il appartenait à un autre groupe ethnique. De
5 nos jours encore, je suis convaincu qu'il est serbe. Mais au travers des
6 documents présentés par le Bureau du Procureur, j'ai appris qu'il était
7 croate. Ce M. Tokmadzic, je ne l'ai jamais vu à Keraterm.
8 En outre, nous avons entendu ici le témoignage de M. Huse Ganic, un homme
9 que je connais très bien. J'ai eu l'occasion de lire ici sa déclaration,
10 chose que je n'ai pas pu faire en 1996 ou 1997 à Banja Luka. Ce n'est
11 qu'ici que j'ai pu lire sa déclaration et j'ai été horrifié par ses
12 mensonges, qu'il a réitérés ici en salle d'audience.
13 Je tiens à rappeler à cette Chambre qu'à un moment donné, M. Ganic Huse a
14 dit qu'il voulait me serrer la main. Après tant de mensonges, j'étais même
15 disposé à lui serrer la main mais il y a eu un malentendu dans le geste
16 que j'ai essayé de faire pour demander à mon avocat si j'avais le droit de
17 le faire. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges ont peut-
18 être compris que je ne voulais pas lui serrer la main, mais cela a peu
19 d'importance maintenant. J'étais disposé à serrer la main à Huso Ganic, en
20 dépit du fait qu'il ait présenté tant de mensonges contre moi.
21 A Keraterm, comme je l'ai dit, j'y suis resté au maximum en tout et pour
22 tout une dizaine de jours. Pendant tout mon séjour à Keraterm, j'ai eu de
23 terribles problèmes avec ma main. J'ai eu de terribles douleurs. Je
24 prenais des sédatifs assez forts. Les circonstances étaient telles que je
25 ne pouvais pas me contrôler et qu'en même temps je prenais souvent de
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1 l'alcool, ce qui n'a fait qu'engendrer davantage de complications encore.
2 Pendant cette période, vers le 10 juin, je crois qu'il s'agissait du 10,
3 je pense bien qu'il s'agissait de mon dernier jour à Keraterm, parce que
4 c'est la date à laquelle je suis parti de là-bas, nous nous retrouvions au
5 restaurant "Oskar" à Prijedor avec un grand groupe d'une dizaine ou d'une
6 quinzaine de personnes, des connaissances ou des amis à moi. Quelqu'un
7 avait exprimé spontanément le souhait de partir à Omarska au restaurant
8 "Europa". Nous sommes tombés d'accord et nous sommes partis là-bas en
9 minibus, qui avait été utilisé aux fins des enquêtes conduites à Keraterm.
10 Prodan Tomo était au volant de ce véhicule. Nous étions, comme je vous
11 l'ai dit, une dizaine ou une quinzaine. Je ne saurais vous dire combien
12 exactement, ni même vous prononcer tous les noms. Certains noms, je ne
13 pense pas qu'il soit nécessaire de les mentionner, mais ceux qui figurent
14 sur les Actes d'accusation ne sont pas inconnus à la Chambre, ils étaient
15 avec moi.
16 Dans ce groupe, quelqu'un spontanément a dit qu'il y avait un centre
17 d'instruction à Omarska, dont je n'étais pas au courant, ou plutôt ce
18 complexe de mines d'Omarska, je ne le connaissais pas du tout, je ne
19 l'avais jamais visité avant la guerre, c'était donc la première fois que
20 j'y allais. J'ai été surpris de voir exister une chose pareille,
21 j'imaginais autrement les mines d'Omarska.
22 Pour être bref, je vous dirais que nous sommes arrivés à Omarska. L'un de
23 mes collègues m'avait emmené vers cette fameuse maison blanche. Dans la
24 deuxième pièce de cette maison blanche, j'ai trouvé un cher ami à moi,
25 Brkic Abdulah, qui pendant un certain temps avait séjourné à Keraterm. Il
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1 a témoigné lui-même ici. Il avait estimé que nous étions amis. Je dirais
2 moi-même que j'estime que c'était mon ami. Il avait souhaité témoigner à
3 décharge, puis le lendemain il a changé d'avis. Il a d'ailleurs prononcé
4 beaucoup de mensonges. Je ne comprends pas, je ne blâmerais personne, mais
5 je le blâmerais lui, parce que c'est lui qui a dit tant de mensonges. Ce
6 que je voulais, ce que je souhaitais, c'est qu'il dise rien que la vérité.
7 Je me suis entretenu avec lui.
8 A un moment donné, on avait amené (expurgé), que je respectais
9 beaucoup avant la guerre. Je dois vous dire que, même pendant la guerre,
10 je le respectais et je le respecte de nos jours davantage encore, car pour
11 ce que (expurgé) avait dit, je ne puis m'y référer, parce que
12 cela divulguerait certaines identités.
13 Si la Chambre le souhaite, je vous demanderais de m'accorder une minute ou
14 deux de séance à huis clos partiel pour prononcer cela.
15 M. le Président: Oui, une minute ou deux de huis clos partiel. Nous allons
16 passer à huis clos partiel.
17 (Audience à huis clos partiel)
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1 [expurgée]
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19 [expurgée]
20 (Audience publique.)
21 M. le Président: Vous pouvez continuer, Monsieur Zigic.
22 M. Zigic (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
23 Je suis accusé ici pour le meurtre de M. Becir Medunjanin et d'une
24 personne répondant au surnom de "Hankin Ramic". Je ne connais aucune de
25 ces personnes. J'ai pour la première fois entendu parler d'eux au travers
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1 des documents qui nous ont été communiqués par le Bureau du Procureur. Je
2 ne connais pas non plus Anes, le fils de M. Becir Medunjanin. Pour ce qui
3 le concerne, je ne sais rien dire sans autant pour que cela ne divulgue
4 certaines identités qui nous demanderaient à repasser en huis clos
5 partiel.
6 Pour ce qui est de Trnopolje, M. Stojanovic a parlé de tout le mal qui a
7 été fait au témoin Hasan Karabasic, le "kum" de mon oncle, avec qui
8 j'étais en très bons termes pendant qu'il était à Keraterm. J'ai fait
9 attention à lui, je lui ai apporté à manger, à fumer. Lors l'un de mes
10 déplacements, mon seul déplacement vers Trnopolje, j'ai rencontré M.
11 Karabasic. Il m'est difficile de décrire à cette Chambre ce comportement
12 de rue qui a consisté, qui a traduit notre rencontre. C'était une espèce
13 de bousculade, il est tombé, je lui ai tendu le bras pour le relever,
14 certains témoins ont vu cela et ont présenté la chose comme si j'avais
15 passé cet homme à tabac.
16 Je regrette beaucoup qu'il en ait été ainsi, j'ai essayé que mes avocats
17 retrouvent M. Karabasic comme témoin, mais il n'a pas été accessible,
18 malheureusement je ne sais pas du tout où il se trouve.
19 Je me propose maintenant de parler brièvement de ce que j'ai appris
20 concernant l'Acte d'accusation et les autres documents liés à l'Acte
21 d'accusation. J'ai appris l'existence de cet Acte d'accusation au
22 printemps 1995, mais j'en ignorais le contenu. C'est dans les médias que
23 j'ai appris que j'étais accusé de crimes de guerre devant le Tribunal de
24 La Haye. Par un concours de circonstances, j'ai connu M. Milan Vujin,
25 avocat dans l'affaire Tadic, qui est venu me voir à l'unité de détention
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1 militaire de Banja Luka et exprimait le souhait que je vienne témoigner en
2 faveur de M. Tadic. J'ai accepté de le faire et j'ai eu un entretien
3 informatif avec lui et il m'a communiqué l'Acte d'accusation, ainsi que
4 les documents qui accompagnaient les déclarations de certains témoins.
5 J'avais tout cela à Banja Luka.
6 Lorsque j'ai lu l'Acte d'accusation et les chefs d'accusation, lorsque
7 j'ai lu les déclarations faites par certaines personnes que je
8 connaissais, j'ai été horrifié. Il y en avait fort peu qui étaient des
9 amis parmi ceux qui avaient fait des déclarations, mais je tiens à dire
10 que je n'ai jamais ouï dire que de tels évènements avaient eu lieu et
11 encore moins que j'en étais l'auteur. Je m'étais posé des questions, je me
12 demandais s'il n'était pas préférable de venir ici me défendre contre ces
13 Actes d'accusation. L'Acte d'accusation est terrible. On allègue contre
14 moi des crimes terribles. Je n'ai pas peur. De nos jours encore, je n'ai
15 point d'appréhension. Je regrette beaucoup ces limitation de temps, car je
16 pourrais vous en dire très long, mais je voulais éviter les provocations
17 du Bureau du Procureur, parce que cela fait trois ans que je les écoute et
18 je ne suis psychiquement pas en mesure de supporter cela.
19 J'ai sauté une partie afférente à l'Acte d'accusation qui concerne la
20 période qui a suivi mon départ vers Keraterm. L'Acte d'accusation dit que
21 j'étais présent le 24 juillet lors du "massacre de Keraterm", comme on l'a
22 désigné. Cela est tout à fait exclu: le 24 juillet, je me trouvais dans la
23 cour de ma maison familiale avec mes parents, des amis qui me sont chers.
24 Je ne peux pas vous dire si nous étions rassemblés à l'occasion d'une
25 célébration quelconque, mais nous nous étions rassemblés à l'occasion de
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1 souvenirs qui nous sont chers.
2 Quant à la mort de Boro Zujic, un grand ami qui était mort ce jour-là, qui
3 a perdu la vie ce jour-là et nous avions pas mal bu, je me souviens bien
4 que je suis allé me coucher très tôt, que je me suis endormi et je n'ai
5 ouï dire ce qui s'était passé à Keraterm lendemain qu'en ville où on ne
6 parlait que de ce qui était arrivé là-bas.
7 Je peux dire beaucoup de choses encore concernant l'Acte d'accusation
8 dressé contre moi, malheureusement je n'ai pas suffisamment de temps. Je
9 peux parler de certains détails, je ne suis pas un juriste, je me suis
10 appuyé sur mon avocat, Me Stojanovic, mais j'ai compris l'Acte
11 d'accusation et cet article différemment, parce que j'étais prêt à
12 répondre aux questions posées par les Juges pour permettre de clarifier
13 beaucoup d'éléments liés à l'Acte d'accusation dressé contre moi, mais si
14 je ne me trompe je vois que c'est maintenant impossible. Je pense que j'ai
15 certainement omis de dire un certain nombre de points, compte tenu du
16 temps limité dont je dispose, mais je souhaite dire également que j'ai
17 pleine confiance en ce Tribunal et cette Chambre de Première Instance. Je
18 n'essaie pas de fuir ma responsabilité, je dis tout ce qui s'est passé. Je
19 n'essaie pas de dire que j'étais quelqu'un de très gentil en 1992, je ne
20 l'étais pas, ni par rapport à moi-même, ni par rapport aux autres
21 personnes. Malheureusement, c'est l'alcool qui est coupable d'une bonne
22 partie de cela, mais c'est moi qui suis coupable de m'être mis dans cet
23 état-là.
24 Vous savez, parfois, l'homme échappe à tout contrôle. Toutes ces images,
25 tout ce que j'ai vu, ces personnes que j'aimais jusqu'à récemment, tout
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1 ceci m'a beaucoup affecté. Pour moi, c'était impossible, par exemple moi
2 et Brkic concrètement parlant, je ne pouvais pas imaginer que l'on puisse
3 se trouver dans deux opposés. Ceci était complètement inimaginable pour
4 moi et pour la plupart des gens de Prijedor, à mon avis.
5 Je suis sûr que ceux qui m'écoutent aujourd'hui de Prijedor partagent mon
6 avis. Malheureusement, un conflit tragique a éclaté dans ma ville à cause
7 des extrémistes des trois camps. La vérité surgit devant ce Tribunal.
8 C'est pour cela que je suis venu devant cette Chambre de Première instance
9 pour dire la vérité. Je n'ai aucune raison de dire des mensonges mais je
10 dois dire malheureusement que j'ai entendu énormément de mensonges
11 abominables de la part des témoins de l'accusation et la seule chose que
12 je regrette c'est de ne pas pouvoir répondre aux questions des Juges.
13 Concernant tout ce qui est énoncé dans les chefs d'accusation de l'Acte
14 d'accusation, j'ai décidé de comparaître ici devant ce Tribunal et j'ai eu
15 des contacts avec l'adjoint du ministre de la Justice en 1996. A l'époque,
16 le chef de la police de Prijedor était feu M. Drljaca qui s'est opposé à
17 cela, je le sais, sur la base de mes entretiens avec Me Vujin. Me Vujin
18 m'a dit qu'il rencontrait de grandes difficultés puisque M. Drljaca ne
19 permettait à personne de Prijedor de comparaître dans l'affaire Tadic en
20 tant que témoin. Je ne sais pas de quelle manière le feu Drlajaca a appris
21 que je souhaitais me rendre mais j'ai subi d'énormes pressions. Les
22 inspecteurs de Prijedor venaient me dire que je pouvais venir à La Haye
23 seulement mort. Heureusement pour moi, j'étais en détention auprès du
24 tribunal militaire, donc j'étais quelque part protégé par les militaires
25 et ma vie n'a pas été en danger.
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1 Par un concours de circonstances, M. Drljaca a perdu la vie dans le cadre
2 de l'incident que nous connaissons tous. En 1997, je menais des entretiens
3 très sérieux concernant ma reddition, laquelle s'est réalisée seulement au
4 mois d'avril 1998. Je suis sûr que le Président de cette Chambre est tout
5 à fait au courant de cela, puisque le document portant sur mon transfert
6 de Banja Luka à La Haye a été signé par vous, Monsieur le Président.
7 Concernant ma détention provisoire au quartier pénitentiaire des Nations
8 Unies, je ne peux dire que des éloges à l'égard de l'ensemble du personnel
9 au quartier pénitentiaire à Scheveningen. Il nous accepte tous en tant
10 qu'êtres humains, il ne voit pas en nous des criminels de guerre parce que
11 ceci n'a pas été prouvé, pour le moment au moins.
12 Je souhaite remercier aussi ce Tribunal et le Greffe qui m'a permis de me
13 marier dans des circonstances extraordinaires. J'ai pu le faire et c'est
14 seulement grâce à cette attitude du Tribunal et du Greffe que j'ai pu
15 également avoir un fils le 15 septembre. De ce point de vue-là, je puis
16 dire que je suis un homme extrêmement heureux. Mon séjour et mon isolement
17 par rapport au reste du monde civilisé m'ont beaucoup influencé. J'ai
18 beaucoup de temps pour réfléchir et j'ai réfléchi énormément à l'année
19 1992 et aux événements qui se sont produits au cours de cette année-là. Si
20 tout était à refaire et si je retournai dans ma ville en 1992, je ne peux
21 pas dire que j'aurais fui, je ne suis pas ce genre de personne, mais je
22 n'aurais certainement pas fait ce que j'ai fait, j'aurais essayé de me
23 débrouiller comme les autres, travailler dans une cuisine, être chauffeur
24 d'un véhicule, essayer d'être en dehors des événements les plus graves.
25 J'ai eu beaucoup de temps me permettant de réfléchir et c'est ce qui m'a
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1 fait tirer cette conclusion-là.
2 En ce qui concerne tout ce qui s'est passé en 1992, nous avons entendu
3 beaucoup de témoins parler sur les évènements. Je ne souhaite dire ni
4 "témoins de l'accusation", ni "témoins de la défense", mais des témoins
5 qui témoignent sur les événements. Nous avons entendu une grande partie de
6 la vérité et cette vérité est douloureuse par rapport à de nombreuses
7 personnes, y compris moi-même.
8 Je souhaite maintenant, compte tenu du fait qu'il s'agit là d'un procès
9 public, faire appel à tous les citoyens de Prijedor, tous les Musulmans:
10 s'ils considèrent que je leur ai fait du tort, il n'est pas trop tard, ils
11 n'ont qu'à venir témoigner contre Zoran Zigic devant ce Tribunal. Je suis
12 calme en disant cela, car je sais que je n'ai pas commis de crimes graves.
13 Si cette Chambre de Première instance considère que j'ai commis des
14 crimes, je vais accepter, je vais accepter toute décision de cette Chambre
15 quelle qu'elle soit, puisque moi-même je considère que je l'ai fait. Pour
16 moi, le fait de gifler quelqu'un dans de telles circonstances constitue
17 également un crime. Si j'ai blessé une personne en lui donnant [expurgée]
18 [expurgée]bien sûr cette personne a exagéré ceci devant ce Tribunal un
19 peu-, il s'agit là de [expurgée], je souhaite ici publiquement
20 m'excuser et j'espère qu'un jour je pourrai le faire personnellement
21 devant [expurgée], que je pourrais lui dire que je le regrette
22 profondément. Je pense que [expurgée]n'a pas ressenti de [expurgée]
23 [expurgée] à cause de ce que je lui ai fait, mais qu'il a ressenti surtout
24 de l'humiliation. Je m'excuse profondément auprès de lui.
25 J'exprime mes sincères remords par rapport à tous ceux qui considèrent que
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1 je les ai blessés au cours de la guerre. Je considérais que je ne pouvais
2 pas faire autrement, mais malheureusement j'aurais pu le faire, ce dont
3 j'ai déjà parlé.
4 Je souhaite remercier cette Chambre de Première instance et je souhaite
5 vous remercier, Monsieur le Président, de m'avoir donné l'opportunité,
6 même brièvement, de m'exprimer.
7 Si la Chambre souhaite me poser des questions, je suis prêt sincèrement à
8 répondre à toutes vos questions. Je vous remercie encore une fois.
9 M. le Président: Monsieur Zigic, vous pouvez vous asseoir. Nous n'avons
10 pas à poser de questions, comme vous savez, c'est un peu la règle que nous
11 avons adoptée. Je n'ai pas voulu interrompre la déclaration, mais je vois
12 que Madame Somers est debout.
13 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je ne vais pas rentrer
14 dans les détails car nous sommes en public, mais je demanderais que les
15 expurgations nécessaires soient portées au texte du compte rendu
16 d'audience après relecture de certains des propos tenus par M. Zigic à
17 l'instant.
18 Si la Chambre accepte que nous passions à huis clos partiel pendant
19 quelques instants, je dirai exactement où ces expurgations doivent être
20 portées mais je tiens à ce que le texte soit expurgé là où il le faut.
21 M. le Président: D'accord. Nous allons passer en session à huis clos
22 partiel pour quelques instants.
23 (Audience à huis clos partiel.)
24 [expurgée]
25 [expurgée]
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1 [expurgée]
2 [expurgée]
3 [expurgée]
4 [expurgée]
5 [expurgée]
6 [expurgée]
7 [expurgée]
8 [expurgée]
9 [expurgée]
10 [expurgée]
11 [expurgée]
12 (Audience publique)
13 (Le témoin, Mme Soka Sikic, est introduit dans le prétoire.)
14 M. Stojanovic (interprétation): Bonjour, Madame Sikic. Vous m'entendez?
15 Mme Sikic (interprétation): Bonjour, je vous entends.
16 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que Monsieur
17 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît?
18 Mme Sikic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.
21 Mme Sikic (interprétation): Merci.
22 M. le Président: Essayez de vous rapprocher un peu du micro et de vous
23 installer confortablement.
24 Merci beaucoup d'être venue.
25 Vous allez répondre aux questions que Me Deretic va vous poser.
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1 Vous avez la parole, Maître Deretic.
2 M. Deretic (interprétation): Je vous remercie.
3 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Soka Sikic, par Me Deretic)
4 M. Deretic (interprétation): Bonjour, Madame Sikic. Vous m'entendez?
5 Mme Sikic (interprétation): Oui, je vous entends.
6 M. Deretic (interprétation): Veuillez décliner votre identité, s'il vous
7 plaît? Votre nom, votre prénom et le nom de votre père.
8 Mme Sikic (interprétation): Je suis Soka Sikic et mon père s'appelle Miro
9 Rajlic.
10 Question: Où êtes-vous née et quand?
11 Réponse: Le 2 février 1956 dans le village de Podvidaca, municipalité de
12 Sanski Most.
13 Question: Quel est votre métier?
14 Réponse: Bouchère commerçante.
15 Question: Est-ce que vous travaillez?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Où résidez-vous aujourd'hui?
18 Réponse: Aujourd'hui, je vis à Prijedor.
19 Question: Etes-vous mariée?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Avez-vous des enfants?
22 Réponse: Oui, j'ai deux enfants, un fils de 23 ans et une fille de 18 ans.
23 Question: Quelle est votre appartenance ethnique et confession?
24 Réponse: Je suis serbe de confession orthodoxe.
25 Question: Et votre époux, quelle est son appartenance ethnique?
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1 Réponse: Mon époux est croate de confession catholique.
2 Question: Connaissez-vous Zoran Zigic?
3 Réponse: Je connais Zoran Zigic depuis 1980, c'est-à-dire l'année où nous
4 avons déménagé dans l'agglomération dans laquelle Zoran Zigic vivait déjà.
5 Question: Pouvez-vous l'identifier dans ce prétoire?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Pouvez-vous nous dire où il est assis?
8 Réponse: Il est sur ma gauche.
9 Question: Excusez-moi, je pose des questions trop rapidement.
10 Réponse: Ceci ne me gêne pas.
11 Question: Depuis quand connaissez-vous Zigic Zoran?
12 Réponse: Je le connais depuis l'année 1980. C'est à ce moment-là que nous
13 avons déménagé. C'était notre premier voisin, donc on se connaît bien.
14 Question: Est-ce que vous connaissez sa situation de famille, sa situation
15 maritale?
16 Réponse: Eh bien justement, cette année-là, lorsque nous avons déménagé,
17 il a épousé Milka Zigic, ils ont eu deux enfants et maintenant je sais
18 qu'il a une épouse, Sanja, et un fils, Nikola. Les enfants de son premier
19 mariage sont Natasa et Sanja.
20 Question: Est-ce que vous connaissez ses parents?
21 Réponse: Oui, je les connais très bien, il s'agit de personnes âgées.
22 Question: Madame Sikic, à quelle distance se trouve votre maison par
23 rapport à la maison de Zigic?
24 Réponse: Environ 50 mètres, il n'y a qu'une cour qui nous sépare.
25 Question: Pourriez-vous nous dire si, avant la guerre, pendant la guerre
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1 et après la guerre, vous avez eu des contacts avec les parents de Zoran
2 Zigic?
3 Réponse: Comme avant, depuis notre déménagement, nous avons eu des
4 contacts avant eux, avant la guerre, pendant la guerre et maintenant
5 encore.
6 Question: Est-ce que vous savez que M. Zigic était membre des forces
7 armées de l'armée de la Republika Srpska?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Après le début de la guerre à Prijedor et dans l'ex-Bosnie-
10 Herzégovine, avez-vous vu Zoran Zigic?
11 Réponse: Oui, je le voyais.
12 Question: Est-ce qu'à ce moment-là, Zoran portait un uniforme?
13 Réponse: Oui, il portait un uniforme de camouflage.
14 Question: Est-ce qu'il portait un couvre-chef?
15 Réponse: Oui, un béret rouge.
16 Question: Dites-nous, s'il vous plaît, en ce qui concerne cette période-
17 là, avez-vous jamais vu Zoran se teindre les cheveux?
18 Réponse: Non.
19 Question: … ou bien porter une boucle d'oreille dans une oreille ou dans
20 les deux oreilles?
21 Réponse: Non, jamais.
22 Question: Dites-nous, s'il vous plaît, avez-vous jamais vu Zoran porter
23 des mitaines noires?
24 Réponse: Je n'ai pas remarqué cela.
25 Question: Quelle était la couleur des cheveux de Zoran Zigic?
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1 Réponse: Noirs, bruns.
2 Question: Madame Sikic, savez-vous à quel moment les Serbes ont pris le
3 contrôle de Prijedor?
4 Réponse: Le 30 avril 1992, vers la fin donc du mois d'avril.
5 Question: Concernant cette prise de contrôle de la ville, savez-vous de
6 quelle manière ceci s'est effectué? Est-ce que ceci s'est effectué de
7 manière paisible ou par le biais de la violence?
8 Réponse: Pour la plupart, il s'agissait d'une opération paisible, il n'y
9 avait pas de coups de feu.
10 Question: Savez-vous à quel moment une attaque a été lancée contre
11 Prijedor par des extrémistes musulmans?
12 Réponse: Au bout d'un mois, le 30 mai 1992, donc un mois après la prise de
13 contrôle de la ville.
14 Question: S'il vous plaît, dites-nous, dans quelle partie de la ville de
15 Prijedor vivez-vous? Dans quelle partie de la ville de Prijedor se
16 trouvent votre maison et la maison Zigic? Comment est-ce que cela
17 s'appelle?
18 Réponse: Cirkin Polje. C'est vers Kozarac sur un petit mont au-dessus de
19 Prijedor.
20 Question: Quelle est la composition ethnique de la population dans cette
21 partie de la ville?
22 Réponse: Mixte. Il y avait à la fois des Croates et des Musulmans et la
23 majorité étaient des Serbes.
24 Question: Madame Sikic, savez-vous que Zoran a été blessé pendant la
25 guerre?
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1 Réponse: Oui, à deux reprises.
2 Question: Avez-vous jamais vu Zoran en train de porter un pansement sur sa
3 main gauche?
4 Réponse: Ceci s'est produit après l'attaque lancée contre Prijedor, il a
5 été blessé à la main gauche, je pense qu'il a perdu un doigt. La deuxième
6 fois, cela s'est passé le 19 août 1992.
7 Question: Dites-nous, s'il vous plaît, pendant combien de temps vous avez
8 vu Zoran se déplacer avec ce pansement sur sa main. Est-ce que vous pouvez
9 nous dire en ce qui concerne le temps, combien de temps cela a duré?
10 Réponse: Je pense que cela a duré plutôt longtemps, au mois de juin-
11 juillet, peut-être août aussi.
12 Question: Vous avez dit qu'après le début de la guerre dans la
13 municipalité de Prijedor vous avez vu Zoran, que vous avez eu des contacts
14 avec lui.
15 Est-ce que vous pouvez répondre à la question suivante. Au cours de cet
16 intervalle avez-vous jamais ressenti chez Zoran Zigic qu'il aurait
17 commencé à se comporter d'une manière différente par rapport à vous ou
18 votre époux en tant que voisin?
19 Réponse: Non, bien au contraire nous pouvions toujours nous appuyer sur
20 lui pour y trouver de la protection si nous en avions besoin, à la fois
21 lui et ses parents.
22 Question: En ce qui concerne les autres voisins, aviez-vous l'impression
23 que l'un quelconque des autres voisins auraient subi un mauvais traitement
24 infligé par lui ou bien qu'il aurait parlé en termes dénigrants de qui que
25 ce soit?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Madame Sikic, avez-vous entendu parler des centres d'instruction
3 à Prijedor?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Quels étaient ces centres d'instruction?
6 Réponse: Keraterm, Trnopolje et Omarska.
7 Question: Savez-vous à quel moment ces centres d'instruction ont été
8 créés?
9 Réponse: Je pense que ceci s'est produit suite à l'attaque contre la ville
10 de Prijedor. Pendant ces jours-là, deux, trois, cinq jours plus tard.
11 Question: Est-ce que vous savez quelles étaient les personnes détenues
12 dans ces centres d'instruction?
13 Réponse: Je pense que c'était des personnes qui ne respectaient pas les
14 autorités serbes et qui avaient participé d'une manière ou d'une autre à
15 l'attaque contre la ville de Prijedor.
16 Question: Madame Sikic, après l'attaque contre Prijedor qui a eu lieu le
17 30 mai 1992, est ce que vous savez si l'un quelconque de vos voisins a
18 fini par être détenu dans l'un de ces centres d'instruction?
19 Réponse: Non.
20 Question: Pourriez me répondre à cette question?
21 Réponse: Je ne sais pas, personne ne nous a touché, ni nous, ni les autres
22 voisins qui étaient d'appartenance ethnique différente, mais je suppose
23 qu'ils n'avaient pas participé à ces attaques et qu'ils n'avaient pas eu
24 de mauvaises intentions.
25 Question: Madame Sikic, dites-nous s'il vous plaît, est-ce que vous
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1 disposez des informations concernant le fait que dans ce centre
2 d'instruction, à savoir Keraterm, plusieurs personnes ont été tuées en une
3 seule nuit?
4 Réponse: J'en ai entendu parler.
5 Question: Quand cet événement a-t-il eu lieu?
6 Réponse: Cet événement a eu lieu vers la fin du mois de juillet, je pense
7 que ceci a eu lieu pendant le week-end, entre vendredi et samedi, la nuit
8 du 24 au 25 juillet.
9 Question: Où vous trouviez-vous ce jour-là et cette fois soirée-là?
10 Réponse: Oui, je peux, puisque même avant nous fréquentions Zoran Zigic et
11 sa famille. Et cette nuit-là nous étions avec eux devant leur maison, on
12 était ensemble. Mon mari et moi nous sommes venus, mon mari était chez
13 nous lui aussi et on est venu ensemble vers 20 heures. Il y avait déjà
14 quelques amis de Zoran, sa femme, ses enfants, sa mère et son père, Savka
15 et Nikola. Nous étions assis pendant un certain temps. Nous avons fait un
16 barbecue, nous avons bu quelque verres.
17 Question: Connaissiez-vous toutes les personnes qui étaient présentes ce
18 soir-là?
19 Réponse: Non pas vraiment tous les amis.
20 Question: Est-ce que vous vous souvenez si quelqu'un a joué de la musique
21 pour ce groupe d'amis de Zigic?
22 Réponse: Oui, deux jeunes hommes ont joué de la musique, de même que Zoran
23 de temps en temps.
24 M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le
25 permettez, je souhaite que l'on passe à huis clos partiel pour poser deux
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1 ou trois questions à ce témoin.
2 M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel.
3 Nous y sommes, vous pouvez continuer.
4 (Audience à huis clos partiel.)
5 [expurgée]
6 [expurgée]
7 [expurgée]
8 [expurgée]
9 [expurgée]
10 [expurgée]
11 [expurgée]
12 [expurgée]
13 [expurgée]
14 [expurgée]
15 [expurgée]
16 [expurgée]
17 [expurgée]
18 [expurgée]
19 [expurgée]
20 [expurgée]
21 [expurgée]
22 (Audience publique.)
23 M. le Président: Vous pouvez continuer, s'il vous plaît, Maître Deretic.
24 M. Deretic (interprétation): Merci beaucoup.
25 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, ce soir-là, le 24, vous avez dit
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1 que c'était un vendredi?
2 Mme Sikic (interprétation): Oui.
3 Question: Concernant ce groupe d'amis, comment se regroupaient-ils dans la
4 cour? Est-ce qu'ils sont venus tous ensemble ou un à un?
5 Réponse: Eh bien, ils ne sont pas venus tous ensemble, non.
6 Question: A quel moment est-ce que les gens se sont rassemblés, est-ce que
7 vous vous en souvenez?
8 Réponse: Peut-être vers 22 heures, il faisait déjà nuit.
9 Question: Vous avez dit que vous êtes venue vers 20 heures avec votre
10 époux. Avez-vous trouvé Zoran Zigic dans la cour?
11 Réponse: Oui. Je l'ai trouvé là-bas.
12 Question: Dans quel état se trouvait Zoran Zigic, est-ce que vous vous
13 souvenez de ce détail-là?
14 Réponse: Eh bien, il était déjà un peu ivre, il était de bonne humeur, il
15 jouait de la musique, il parlait à haute voix.
16 Question: Est-ce que vous vous souvenez à quel moment tout le monde était
17 arrivé?
18 Réponse: Je l'ai déjà dit, vers 22 heures.
19 Question: Et après cela, qu'est-ce qui est arrivé? Est-ce que vous étiez
20 tous assis ensemble dans la cour?
21 Réponse: On était assis, on buvait quelques verres, comme d'habitude. On a
22 grillé de la viande, on jouait.
23 Question: Et au cours de cette période entre 20 heures et 22 heures, est-
24 ce que Zoran était dans la cour avec vous sans arrêt?
25 Réponse: Non, et nous non plus!, parce que de temps en temps on rentrait à
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1 la maison soit pour apporter quelque chose soit pour voir les enfants, et
2 Zoran faisait la même chose. Il partait pour chercher du pain ou de l'eau
3 ou des boissons. Plus les gens arrivaient, plus on avait besoin de quelque
4 chose.
5 Question: Et après 22 heures, est-ce que Zoran est resté avec vous pendant
6 tout le temps dans la cour?
7 Réponse: Il y était, il y est resté jusqu'à peu avant minuit.
8 Question: Que s'est-il produit ensuite?
9 Mme Sikic (interprétation): Eh bien, il était complètement ivre à ce
10 moment-là, et il s'est retiré pour dormir. C'est mon mari qui l'a escorté.
11 M. Saxon (interprétation): Objection, Monsieur le Président.
12 M. le Président: Oui?
13 M. Saxon (interprétation): Apparemment, sur la base de l'endroit où je
14 suis assis, je peux voir que le témoin a une feuille de papier devant elle
15 avec les notes qu'elle lit en donnant des réponses à ces questions. Le
16 Procureur souhaite au moins voir le contenu de ces notes. Nous souhaitons
17 savoir d'où elles viennent et sur quoi elles portent.
18 M. le Président: Oui, Maître Deretic?
19 M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, pour autant que je le
20 sache, je suppose que si le témoin a des notes, il s'agit des notes du
21 témoin. Moi-même, je ne suis pas au courant. Peut-être le témoin peut-il
22 nous expliquer de quoi il s'agit? Depuis l'endroit où je me trouve, je ne
23 vois pas que le témoin ait quoi que ce soit devant elle.
24 Mme Sikic (interprétation): Je vais vous expliquer si vous voulez... Je
25 n'ai qu'un certain nombre de dates que je souhaite mentionner et puisque
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1 beaucoup de temps s’est écoulé, on oublie certains détails.
2 M. Deretic (interprétation): Voulez-vous montrer cela à la fois aux Juges
3 de la Chambre et aux collègues de l'accusation, parce que depuis cet
4 endroit je ne vois vraiment pas de quoi il s'agit. S'il vous plaît?
5 M. Saxon (interprétation): Peut-être que ce qui est plus simple, ce serait
6 que le conseil de la défense, Me Deretic, se dise d'accord pour remettre
7 des copies de ces notes à la Chambre et au Procureur.
8 M. Deretic (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le
9 Président, j'aimerais aussi voir ce que contient cette feuille de papier.
10 Je voudrais demander à Monsieur l'huissier de me la montrer aussi.
11 M. le Président: Oui.
12 M. Saxon (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
13 Ces notes sont rédigées en serbo-croate, en BCS, donc il serait sans doute
14 plus simple pour l'accusation de recevoir une traduction. Je vous
15 remercie.
16 M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, je vois effectivement
17 que ce sont quelques dates consignées sur le papier. Je sais que Mme Sikic
18 est arrivée ici vers 10 heures ce matin. Je sais aussi que jusqu'à présent
19 d'autres témoins se sont aidés de notes personnelles.
20 Pour répondre à la proposition de l'accusation, je laisse en tout état de
21 cause la décision aux Juges. Je vous remercie.
22 M. le Président: Monsieur Saxon, vous allez dire quelque chose de plus?
23 M. Saxon (interprétation): Très rapidement, Monsieur le Président.
24 Il nous apparaît que cette feuille de papier comporte des informations
25 beaucoup plus nombreuses que simplement quelques dates.
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1 M. le Président: Un moment, s'il vous plaît.
2 (Les Juges se consultent sur le siège.)
3 Maître Deretic, pour que les choses soient claires, une fois que vous avez
4 eu la possibilité de disposer de ces notes, il est bien d'avoir une copie
5 avec la traduction pour ne pas avoir de doutes. Je crois qu'il est clair
6 que ce sont des notes pour que le témoin puisse s'aider. S'il s'agit
7 seulement de cela, il n'y a pas de problème. Peut-être pourrait-on verser
8 au dossier une copie et faire une traduction pour les parties? Etes-vous
9 d'accord, Maître Deretic?
10 M. Deretic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
11 crois que cela ne pose effectivement aucun problème.
12 Premier point, je me vois contraint de faire remarquer ici que les témoins
13 entendus jusqu'à présent ont eux aussi utilisé des notes similaires.
14 Deuxième point, il est question ici d'un très grand nombre de faits qui se
15 sont produits sur une période relativement longue, donc je suppose que le
16 témoin a écrit ces notes.
17 M. le Président: Nous sommes d'accord, Maître Deretic. C'était d'une
18 certaine façon une suggestion de la Chambre. Le problème qui se pose est
19 que ces notes sont écrites dans une langue que l'autre partie ne peut pas
20 comprendre. S'il s'agissait de la même langue, on pourrait examiner ce
21 point et on continuerait. S'il y a cette difficulté, c'est seulement pour
22 cette raison. Il n'était pas nécessaire de faire une copie et de traduire
23 si on comprenait immédiatement ce qui était écrit, c'est seulement pour
24 cette raison.
25 M. Deretic (interprétation): Monsieur le Président, il n'y a aucun
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1 problème. La défense de M. Zigic ne pose pas de problème, ne crée pas de
2 problème autour de ça.
3 M. le Président: D'accord.
4 M. Deretic (interprétation): Me permettez-vous de poursuivre mes
5 questions?
6 M. le Président: Oui.
7 M. Deretic (interprétation): Je vous remercie beaucoup, Monsieur le
8 Président.
9 Madame Sikic, pouvez-vous répéter la réponse que vous avez faite à ma
10 dernière question, à savoir quand, où et pourquoi Zoran Zigic a quitté le
11 jardin ou la cour?
12 Mme Sikic (interprétation): Parce que Zoran Zigic était assez ivre, il
13 avait tendance à s'endormir et donc lui comme nous avons souhaité qu'il
14 aille se coucher. Il est donc rentré dans la maison un peu avant minuit.
15 Question: Savez-vous où Zoran s'est couché pour dormir?
16 Réponse: Dans la cuisine sur un canapé, il s'est allongé et …
17 Question: Comment le savez-vous?
18 Réponse: C'est mon mari qui l'a accompagné. Quand mon mari est rentré, il
19 a dit qu'il s'était couché et il a ajouté "en mettant son revolver sous sa
20 tête, sous son oreiller".
21 Question: Madame, quand vous êtes arrivée dans la cour, le jardin de
22 Zigic, avez-vous entendu des coups de feu?
23 Réponse: Eh bien c'était la guerre, donc les coups de feu étaient assez
24 fréquents, mais ils étaient espacés par un certain laps de temps.
25 Question: Après que Zoran est allé dormir, que s'est-il passé?
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1 Réponse: Eh bien, nous sommes restés là, nous avons continué la soirée
2 comme si Zoran était encore avec nous, je ne sais pas.
3 Question: Dites-nous, je vous prie, avez-vous entendu des coups de feu à
4 partir de ce moment-là? Des coups de feu provenant de la ville?
5 Réponse: Oui, après minuit, les coups de feu ont commencé. Disons qu'on a
6 entendu une fusillade plus intense, qui sortait un peu de l'ordinaire.
7 Question: Parmi les gens qui étaient là, des commentaires ont-ils été
8 faits au sujet de ces coups de feu?
9 Réponse: Eh bien je ne sais pas, nous étions tous un peu surpris, je ne me
10 rappelle pas maintenant s'il s'est passé quelque chose de particulier. Ce
11 qui s'est passé, c'est que des coups de feu ont commencé et cela ne nous a
12 pas fait vraiment plaisir.
13 Question: Quelle était l'intensité de cette fusillade, combien de temps a-
14 t-elle durée, s'agissait-il de coups de feu tirés par une personne ou de
15 plusieurs coups de feu en série, et combien de temps tout cela a-t-il
16 duré? Réponse: Les coups de feu ont duré pas mal de temps, deux ou trois
17 heures mais, là encore, on entendait disons une rafale, et puis il y avait
18 une interruption, et cela reprenait assez fort; cela a duré pas mal de
19 temps.
20 Question: Je vous ai déjà posé une question assez semblable mais je vous
21 redemande si, au sein du groupe que vous formiez, des commentaires ont été
22 formulés quant au fait que ces coups de feu étaient très différents de
23 ceux que vous aviez pu entendre avant au cours de la soirée?
24 Réponse: Eh bien, nous avons tous commenté les événements. Personne ne
25 savait ce qui passait, il me semble que quelqu'un a dit: «Eh bien, voilà
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1 encore cet idiot de Ziga qui tire», mais je ne sais pas qui a dit cela.
2 Question: Quand avez-vous quitté la cour ou le jardin de Zoran Zigic?
3 Réponse: Après 3 heures du matin.
4 Question: Donc le matin?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et votre mari a quitté le jardin de Zigic en même temps que
7 vous?
8 Réponse: Oui, nous sommes rentrés ensemble.
9 Question: Est-ce que vous êtes, tous les deux, immédiatement retournés
10 chez vous à la maison?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Compte tenu de l'intensité de la fusillade qui s'était produite,
13 saviez-vous où les coups de feu étaient tirés et ce qui passait?
14 Réponse: Nous ne le savions pas, nous avions simplement remarqué qu'ils
15 provenaient de la ville, mais nous ne savions pas ce qui passait.
16 Question: Le lendemain matin, avez-vous appris quelque chose de
17 particulier en rapport avec cette fusillade?
18 Réponse: Oui, moi je travaillais, je travaillais tout près de chez moi,
19 donc je travaillais en continu, c'était la guerre donc je ne faisais pas
20 de pause. Mon mari s'est levé, il est parti en ville et il a entendu un
21 certain nombre de choses en ville parce que nous avions un commerce, nous
22 avions entendu dire que pas mal de gens s'étaient faits tuer.
23 Question: Où ça?
24 Réponse: A Keraterm, c'était le centre d'instruction le plus proche de
25 l'endroit où nous habitions.
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1 Question: Le jardin de Zigic était à quelle distance, si vous pouvez nous
2 le dire, du centre-ville et de Keraterm en tant que tel?
3 Réponse: Eh bien, il se trouvait assez loin de la ville, dans la direction
4 de Kozarac. Il y a une petite colline et, en face de nous, il y avait
5 l'aéroport. Donc, nous sommes en haut. Nous, nous sommes en hauteur. La
6 ville est en contrebas et Keraterm est à gauche de la ville.
7 Question: Pourriez-vous nous dire ici quelle pouvait être la distance à
8 vol d'oiseau entre Keraterm et le jardin de Zigic?
9 Réponse: Eh bien, sans doute 700 à 800 mètres, je crois en tout cas qu'il
10 n'y a pas un kilomètre à vol d'oiseau entre les deux.
11 Question: Après cet événement qui s'est produit à Keraterm, savez-vous ce
12 que les gens disaient à ce sujet en ville? D'ailleurs, dites-nous d'abord
13 si vous avez appris que les gens en parlaient et, si oui, ce qu'ils
14 disaient? Réponse: Eh bien, je ne sais pas exactement mais on racontait
15 que beaucoup de monde s'était fait tuer. Je n'ai rien entendu d'autre.
16 Question: Au début de votre déposition, vous avez déclaré que Zigic avait
17 été blessé deux fois.
18 Réponse: Oui.
19 Question: Pourriez-vous avoir l'amabilité de nous dire à quel moment Zoran
20 a été blessé pour la deuxième fois et ce que vous savez de cela?
21 Réponse: Il a été blessé pour la deuxième fois le 19 août et je m'en
22 souviens très bien parce que ce jour-là, mon fils, qui n'était pas encore
23 majeur, était avec lui, -et c'est une date que je considère comme celle de
24 maslava, de ma fête de famille, donc un jour où j'invite des gens à la
25 maison-, parce que quand Zoran a été blessé au menton, c'est une balle qui
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1 a traversé la carrosserie de sa voiture et qui l'a blessé, il en porte
2 encore la marque aujourd'hui; mon fils a pensé qu'il s'était fait tuer et
3 il a pleuré.
4 Moi, j'étais au travail quand Zoran a pris la voiture. Mon fils était
5 devant le garage, il aimait beaucoup Zoran. Il aimait aller pêcher avec
6 lui, il aimait beaucoup sa compagnie et, en fait, c'est Zoran qui lui a
7 appris à pêcher quand il était tout petit. Donc il est entré dans la
8 voiture sans se poser de questions et il a accompagné Zoran.
9 D'ailleurs nos relations avec Zoran étaient telles qu'il pouvait toujours
10 utiliser notre voiture sans même poser la question. Mais c'était la
11 guerre! Comment les choses se sont passées exactement, je ne sais pas. En
12 tout cas, il était avec lui.
13 Question: Madame Sikic, certains témoins ont déclaré ici que ce jour-là
14 votre fils a été enlevé, kidnappé par Zoran. Que pouvez-vous dire à ce
15 sujet?
16 Réponse: Non, non, non. J'affirme que ce n'était pas le cas et qu'à tout
17 moment notre fils pouvait aller avec lui. Et de même, j'affirme que lui
18 pouvait se servir de notre voiture quand il a en avait envie, il pouvait
19 la prendre et nous la rendre ensuite.
20 Question: J'ai encore quelques questions à vous poser.
21 Jusqu'à cette deuxième blessure de Zoran Zigic, celui-ci a-t-il eu une
22 cicatrice sur le menton?
23 Réponse: Non.
24 Question: Et j'ai une dernière question à vous poser. Je vous demande
25 comment vous pourriez décrire votre premier voisin, que pourriez-vous dire
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1 de sa personnalité en quelques phrases?
2 Réponse: Eh bien, avant la guerre, très souvent, nous allions en excursion
3 ensemble, nous nous fréquentions assidûment. Et qu'est-ce que je pourrais
4 dire? Nous pouvions toujours lui demander une quelconque protection si
5 nous en avions besoin. Cela dit, la situation était un petit peu
6 désagréable du point de vue de l'alcool, mais c'est lui qui en a pâti le
7 plus.
8 Question: Madame, je vous prie, quelles étaient ses relations avec votre
9 mari Ivica et quelles étaient ses relations avec les représentants
10 d'autres groupes ethniques?
11 Réponse: Excellentes.
12 Question: Tout à fait bonnes?
13 Réponse: Oui, il n'a jamais eu le moindre problème sur ce plan avec qui
14 que ce soit.
15 M. Deretic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, j'en ai
16 terminé. Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.
17 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Deretic.
18 Je vais consulter mes collègues à propos d'une petite question.
19 (Les Juges se consultent sur le siège.)
20 M. le Président: Monsieur Saxon, combien de temps allez-vous utiliser pour
21 le contre-interrogatoire, tout le temps de l'interrogatoire principal ou
22 moins, une fois que l'hypothèse plus est tout à fait exclue?
23 M. Saxon (interprétation): Oui, je comprends bien, Monsieur le Président.
24 Je demanderai 35 minutes à peu près, ce qui nous amènerait à 15 heures 05,
25 si c'est possible.
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1 M. le Président: La meilleure façon, pour terminer ce témoin, est que nous
2 allons prolonger peut-être un peu, d'une demi-heure après les trois
3 heures, c'est-à-dire on va faire une pause maintenant et on va revenir
4 pour terminer ce témoin aujourd'hui.
5 Madame Lauer, voyez-vous un quelconque inconvénient apparent? Inapparent,
6 il y en a toujours!
7 Mme Lauer: Apparemment, Monsieur le Président, je pense qu'il n'y a aucun
8 inconvénient dans la mesure où nous procéderions à une petite pause pour
9 permettre aux interprètes de prendre aussi un peu de repos.
10 M. le Président: Oui, nous allons faire une pause de 25 minutes, puis nous
11 reviendrons pour le contre-interrogatoire et en essayant de finir ce
12 témoin. Oui, Monsieur Saxon?
13 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, pourrait-on voir les
14 notes, que le témoin a sous les yeux, pendant la pause?
15 M. le Président: Je crois que oui.
16 Maître Deretic?
17 M. Deretic (interprétation): J'ai déjà dit ce que j'avais à dire pour
18 répondre à la question du Procureur sur ce point.
19 M. le Président: Nous allons sortir maintenant et vous pouvez parler sur
20 ce point. Donc 25 minutes de pause.
21 (L'audience, suspendue à 14 heures 30, est reprise à 15 heures.)
22 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s’il vous plaît.
23 (Les accusés s'assoient.)
24 Monsieur Saxon, vous avez la parole pour le contre-interrogatoire, s'il
25 vous plaît.
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1 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Soka Sikic, par M. Saxon.)
2 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
3 L'accusation est parvenue à obtenir un premier projet de traduction des
4 notes que le témoin a utilisées au cours de l'interrogatoire principal, et
5 nous en avons fait des photocopies, mais bien sûr c'est une traduction
6 tout à fait préliminaire.
7 Si les Juges le souhaitent, nous pouvons fournir des exemplaires de cette
8 première traduction en attendant la traduction définitive. Si cela
9 intéresse les Juges, nous en avons à leur disposition.
10 (Les Juges se consultent sur le siège.)
11 M. le Président: Oui, les Juges acceptent.
12 (M. Saxon remet les exemplaires au Greffe qui les distribue à la défense
13 et aux Juges.)
14 M. Saxon (interprétation): Madame Sikic, quand avez-vous rédigé ces notes?
15 Mme Sikic (interprétation): Ici, à l'hôtel.
16 Question: C'était à peu près à quel moment?
17 Réponse: Hier à midi, après le déjeuner.
18 Question: Etiez-vous seule quand vous avez rédigé ces notes ou étiez-vous
19 avec quelqu'un a ce moment-là?
20 Réponse: J'étais dans ma chambre, j'étais assise à la table et mon mari
21 était allongé sur le lit.
22 Question: Quelqu'un vous a-t-il dit à quelque moment que ce soit ce que
23 vous deviez écrire dans ces notes?
24 Réponse: Non! Je savais qu'il fallait que je sache à quel moment c'était
25 produit l'attaque contre Prijedor et à quel moment c'était produit le
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1 renversement du pouvoir. Cela fait pas mal de temps que ces événements ont
2 eu lieu, pour ne pas me tromper j'ai écrit cela sur un papier.
3 Question: Zoran Zigic, avait-il un surnom?
4 Réponse: Non. A part Ziga, Zoran "Ziga".
5 Question: Ziga.
6 Pour bien comprendre ce vous avez dit dans votre déposition, dans la nuit
7 du 24 au 25 juillet ou encore aux premières heures de la matinée quand les
8 coups de feu ont commencé, quelqu'un parmi les invités a dit: «Voilà, Ziga
9 qui tire encore!». Parlait-il de Zigic à ce moment-là?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Zoran Zigic, avait il la réputation d'utiliser beaucoup son
12 revolver pour tirer?
13 Réponse: Cela, je ne sais pas.
14 Question: A quoi imputez-vous donc ce commentaire d'un voisin qui a dit:
15 «Voilà cet idiot de Ziga qui tire encore»?
16 Réponse: C'est ce que l'on racontait. D'une certaine façon chaque fois
17 qu'il se passait quelque chose, lui quand il avait un peu bu, il lui
18 arrivait de tirer, de crier, de gesticuler, ce genre de choses.
19 Question: En réponse aux questions de l'interrogatoire principal, vous
20 avez dit que lorsque M. Zigic avait bu, il devenait un peu de difficile.
21 En 1992 auriez-vous dit que M. Zigic était alcoolique?
22 Réponse: Il n'était pas tout le temps ivre, mais il aimait bien boire un
23 peu. C'était la guerre, et à ce moment-là quand quelque chose vous tombait
24 sous la main vous l'utilisiez.
25 Question: En juin, juillet, août 1992 avez-vous souvent vu Zoran Zigic en
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1 possession d'une arme à feu?
2 Réponse: En général, il portait un revolver.
3 Question: En fait comme vous l'avez déjà dit, il était habitué à aller se
4 coucher en mettant son revolver sous son oreiller, n'est-ce pas?
5 Réponse: C'est ce qui s'est passé quand il est allé se coucher ce jour-là.
6 Je ne sais pas s'il dormait toujours avec le revolver sous son oreiller.
7 Question: Vous avez déclaré pouvoir vous adresser à M. Zigic pour lui
8 demander une protection. Parliez-vous d'une protection armée, c'est-à-dire
9 une protection impliquant l'utilisation éventuelle d'une arme à feu?
10 Réponse: Non, je parlais d'un appui moral, d'un soutien matériel. Et s'il
11 avait fallu qu'il nous défende à l'aide d'une arme à feu, il l'aurait sans
12 doute fait pour nous protéger.
13 Question: Quand M. Zigic était ivre, lui auriez-vous fait confiance pour
14 vous protéger, en 1992?
15 Réponse: A notre égard, il n'a jamais fait preuve de la moindre brutalité,
16 qu'il ait été sobre ou en état d'ébriété.
17 Question: La soirée dont vous avez parlé, cette soirée de la fin du mois
18 de juillet a été organisée pour fêter quoi?
19 Réponse: Cela, ce n'était jamais un problème pour nous, si nous avions un
20 peu de temps libre, nous réunir, boire ensemble et manger ensemble.
21 Question: Ce n'était pas une occasion particulière, c'était simplement une
22 réunion entre amis, entre voisins?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Vous avez dit que M. Zigic était dans le jardin et qu'il jouait
25 d'un instrument pendant cette soirée. De quel instrument jouait-il?
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1 Réponse: De la guitare. Et pour autant que je le sache, il aimait jouer de
2 la guitare depuis pas mal de temps, de sorte que cela n'a posé aucun
3 problème pour lui de prendre sa guitare et de faire un peu l'idiot devant
4 tout le monde, si je peux dire ainsi.
5 Question: Le bandage qu'il avait à la main gauche, au doigt de la main
6 gauche, ne l'a pas empêché de jouer ce soir-là?
7 Réponse: Il se débrouillait.
8 Question: Est-ce que c'est Zoran Zigic qui a fait la cuisine au cours de
9 cette soirée?
10 Réponse: Nous l'avons tous fait un petit peu, nous avons fait griller de
11 la viande, nous avons mangé, il n'y avait personne en particulier qui a
12 fait la cuisine.
13 Question: M. Zigic a t-il participé lui aussi à la confection des
14 grillades?
15 Réponse: Il était peut-être un peu plus ivre que les autres, alors...
16 Question: Cela signifie t-il que vous répondez par l'affirmative ou par la
17 négative?
18 Réponse: Je n'ai pas fait particulièrement attention.
19 Question: Combien de personnes à peu près se sont réunies au cours de
20 cette soirée?
21 Réponse: Une dizaine.
22 Question: Vous rappelez-vous les noms des gens qui étaient là, s'il vous
23 plaît?
24 Réponse: Il y avait moi, mon mari, Ivica, son épouse Milka, deux jeunes
25 gens qui ont joué de la musique -je n'en suis pas sûre, mais je crois
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1 qu'ils étaient tous les deux musulmans et je ne connais pas leur nom-, les
2 filles de Zoran, Natasa et Sanja, et Nikola a circulé parmi nous. Il y
3 avait aussi Savka.
4 Question: Et le "kum" de Zoran Zigic, Hasan Karavasic, était-il présent
5 également?
6 Réponse: Je ne sais pas, j'ai dit qu'il y avait deux musulmans, mais je ne
7 sais pas comment ils s'appellent. Peut-être qu'on m'a dit leur nom ce
8 soir-là, mais j'ai oublié, je ne sais plus.
9 Question: Avez-vous parlé à M. Zigic au cours de cette soirée?
10 Réponse: Rien de spécial. Nous étions tous ensemble, nous nous sommes
11 amusés ensemble.
12 Question: Avez-vous parlé du camp de Keraterm pendant que vous étiez tous
13 réunis?
14 Réponse: Non. Cela n'était jamais un sujet de conversation entre nous.
15 Question: Avez-vous parlé du camp d'Omarska pendant que vous étiez tous
16 réunis?
17 Réponse: Encore moins.
18 Question: Et le camp de Trnopolje? Est-ce que les gens ont parlé du centre
19 de regroupement de Trnopolje?
20 Réponse: Non.
21 Question: Quand M. Zigic est parti se coucher aux environs de minuit,
22 selon ce que vous avez dit dans votre déposition, l'avez-vous vu en
23 personne couché dans son lit?
24 Réponse: Avant minuit, je ne l'ai pas vu en train de dormir.
25 Question: Donc vous n'avez pas vu M. Zigic en train de dormir dans son lit
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1 après qu'il a quitté la soirée?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Oui, vous l'avez vu en train de dormir dans son lit, ou non vous
4 ne l'avez pas vu?
5 Réponse: Je ne l'ai pas vu en train de dormir, je l'ai vu quand il est
6 parti vers la maison.
7 Question: Savez-vous si M. Zigic a dormi toute la nuit et ce sur la base
8 de votre connaissance personnelle?
9 Réponse: Je crois que oui.
10 Question: Vous pensez qu'il l'a fait, mais savez-vous avec certitude et
11 sur la base de ce que vous avez pu constater vous-même qu'il l'a fait?
12 Réponse: Nous, nous sommes restés jusqu'à trois ou quatre heures. Jusqu'à
13 ce moment-là, il n'a pas quitté la maison, il n'aurait pas pu sortir de la
14 maison sans que nous le voyions puisque nous étions devant l'entrée de sa
15 maison.
16 Question: Avez-vous vous-même bu un peu ce soir-là?
17 Réponse: Des jus de fruits.
18 Question: Y a-t-il eu une dispute ce soir-là? Est-ce que les gens en sont
19 venus aux mains?
20 Réponse: Non.
21 Question: Vous avez dit que si M. Zigic avait quitté la maison, on
22 l'aurait vu. Y avait-il une seule entrée dans cette maison ou y en avait-
23 il plusieurs?
24 Réponse: Une seule entrée.
25 Question: Y avait-il des fenêtres à cette maison?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Y avait-il des fenêtres sur la façade avant et sur la façade
3 arrière de la maison?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Y avait-il des fenêtres sur les façades latérales?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Sur les trois côtés.
8 Réponse: Oui.
9 Question: Vous avez dit que la maison de M. Zigic et de ses parents se
10 trouvait à 700 ou 800 mètres du camp de Keraterm. Combien de temps aurait-
11 il fallu en voiture pour aller de cette maison jusqu'au camp de Keraterm?
12 Réponse: Une dizaine de minutes.
13 Question: Combien de temps aurait-il fallu pour aller à pied de cette
14 maison jusqu'au camp de Keraterm?
15 Réponse: Une demi-heure, à peu près, peut-être un peu moins.
16 Question: Je demande un instant à la Chambre.
17 (Le Banc du Procureur se consulte.)
18 Vous avez dit que votre fils avait 15 ans en 1992, c'est bien ça?
19 Réponse: 14 ans, 15 ans, je ne sais plus exactement. Mon fils est né en
20 1978.
21 Question: Selon votre déposition, votre fils était avec M. Zigic dans une
22 voiture le 19 août, jour où M. Zigic a reçu une balle dans le menton.
23 J'ai bien compris ce que vous avez dit?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Vous saviez que M. Zigic avait tendance à boire en 1992, n'est-
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1 ce pas?
2 Réponse: Oui, de façon générale.
3 Question: Et c'était la guerre à Prijedor, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui.
5 Question: M. Zigic portait souvent un revolver, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Pourquoi autorisiez-vous votre fils à rester seul avec un homme
8 armé qui buvait beaucoup et qui devenait difficile quand il avait bu et ce
9 en temps de guerre, si votre fils n'avait que 14 ou 15 ans?
10 Réponse: Moi, j'étais au travail quand Zoran est arrivé, qu'il a pris la
11 voiture, mon fils était devant le garage, il était en train de fabriquer
12 quelque chose, une maisonnette pour les lapins si je ne me trompe pas.
13 Zoran lui a demandé s'il voulait venir avec lui et il a accepté
14 immédiatement parce qu'il acceptait toujours ce que Zoran lui demandait.
15 Zoran n'a jamais posé aucun problème. Je n'ai jamais réfléchi au fait
16 qu'il pouvait y avoir des problèmes même s'il était ivre et qu'il portait
17 un revolver. Ce jour-là en particulier, je n'étais pas là, j'étais au
18 travail. Après le travail, je devais aller à l'enterrement du père d'un
19 voisin qui était décédé. Quand je suis revenue à la maison vers 4 heures
20 ou 5 heures de l'après midi, mon fils n'était pas là, il est rentré vers 6
21 heures de l'après-midi. Je n'ai même pas réfléchi à la question. Zoran
22 n'aurait jamais fait le moindre mal à mon fils, il est simplement parti
23 avec lui et je savais qu'il allait revenir.
24 Question: Vous avez dit que le père d'un voisin était mort et vous êtes
25 allée à l'enterrement?
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1 Réponse: Oui, c'est exact.
2 Question: Quand un voisin meurt ou que quelqu'un de proche meurt à
3 Prijedor, est-ce que l'enterrement aurait été un événement grave ou est-ce
4 que cela aurait été une soirée, une réception?
5 Réponse: C'était un événement grave. Nous sommes allés rendre un dernier
6 hommage à notre voisin. En face de la maison de Zoran se trouve la maison
7 dans laquelle ce voisin était mort et nous sommes donc par respect allés
8 chez ce voisin pour participer à l'enterrement.
9 M. Saxon (interprétation): Un instant, Monsieur le Président, je vous
10 prie. Je n'ai plus de questions pour ce témoin.
11 Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 M. le Président: Je vous remercie, Monsieur Saxon.
13 Maître Deretic, avez-vous des questions supplémentaires? Si vous en avez,
14 allez-y.
15 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Soka Sikic, par Me
16 Deretic.)
17 M. Deretic (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le
18 Président, j'aurais encore deux ou trois questions à poser simplement.
19 Quand Zoran est parti pour aller dormir, dans quel état était-il? Je parle
20 de son état d'ébriété. Pouvait-il se déplacer seul ou avait-il besoin de
21 l'aide de quelqu'un pour se déplacer? A-t-il été transporté par quelqu'un
22 jusqu'à la maison?
23 Mme Sikic (interprétation): Il était complètement ivre et mon mari l'a
24 aidé comme il l'aurait toujours fait.
25 Question: Dans cet état, Zoran Zigic était-il capable de sauter par la
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1 fenêtre?
2 Réponse: Il n'en est pas question.
3 Question: Zoran Zigic aurait-il pu sortir de la maison en passant par la
4 porte et passer à côté de vous sans que vous le voyiez?
5 Réponse: C'était impossible car la maison est une petite maison à la
6 campagne, il y a un petit jardin, la porte est de taille normale. Il n'y
7 avait aucune possibilité pour lui de sortir sans que nous le voyions.
8 Question: Vous avez dit que lui aussi, ce soir-là, avait joué de la
9 guitare?
10 Réponse: Oui, il appréciait beaucoup de jouer de la musique.
11 Question: Comment a-t-il joué de la guitare, bien ou mal? Pourriez-vous le
12 décrire plus en détail?
13 Réponse: Je viens de dire à l'instant qu'il a pris la guitare pour jouer
14 et, excusez-moi d'utiliser cette expression, mais enfin pour faire un peu
15 l'imbécile avec sa guitare.
16 Question: S'il vous plaît, jusqu'à ce que vous rentriez chez vous, vous
17 avez dit que vous étiez rentrés à trois ou quatre heures du matin?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Jusqu'à ce moment-là, est-il sorti de la maison?
20 Réponse: Non.
21 Question: Dans ce laps de temps, c'est-à-dire entre le moment où il est
22 retourné dormir et votre retour chez vous, est-ce qu'il a pénétré dans la
23 maison?
24 Réponse: Je ne sais pas.
25 Question: Est-ce que vous savez si des parents de Zoran sont entrés dans
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1 la maison, ou peut-être sa femme?
2 Réponse: Il rentrait et sortait régulièrement assez souvent dans la
3 soirée.
4 Question: Dans ce laps de temps, est-ce que quelqu'un a dit quelque chose
5 au sujet de Zoran et du fait qu'il dormait?
6 Réponse: Non.
7 M. Deretic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus de
8 questions.
9 M. le Président: Merci, Maître Deretic.
10 Monsieur Riad, avez-vous des questions?
11 (Questions du Juge Riad au témoin, Mme Soka Sikic.)
12 M. Riad (interprétation): Bonjour, Madame Sikic.
13 Mme Sikic (interprétation): Bonjour.
14 Question: J'aurais simplement une question à vous poser au sujet de cette
15 feuille de papier qui nous a été remise. Apparemment, elle a été traduite
16 mais on dirait que ce sont des réponses à des questions. Vous dites: "je
17 ne sais pas", "je sais".
18 Est-ce que vous aviez prévu d'entendre certaines questions et est-ce que
19 vous avez déjà mis par écrit vos réponses ou qu'est-ce que c'est
20 exactement?
21 Réponse: Il est normal, puisque je viens ici de penser qu'il fallait que
22 je sache quand a eu lieu la guerre, quand a eu lieu la blessure de Zoran
23 accompagné de mon fils. Toute cette période est assez longue et il est
24 difficile de se rappeler de toutes ces dates sans un aide-mémoire.
25 Question: Vous vous êtes construit un scénario et vous répondiez à des
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1 questions supposées?
2 Réponse: Non, ce sont des sujets, des thèmes.
3 Question: Mais je vois que vous avez écrit: "je ne sais pas", "je ne sais
4 pas". C'est une réponse, "je ne sais pas"?
5 Question: Eh bien, je ne connais pas exactement la question, donc il est
6 mieux de ne pas essayer de répondre si je ne sais pas ce que sera la
7 question et ce que sera peut-être la réponse.
8 Question: Merci, c'est une bonne préparation.
9 Mme Sikic (interprétation): Merci.
10 M. le Président: Merci, Monsieur Riad.
11 Madame le Juge Wald, s'il vous plaît?
12 (Questions du Juge Wald au témoin, Mme Soka Sikic.)
13 Mme Wald (interprétation): Madame Sikic, vous avez dit que M. Zigic avait
14 votre accord pour conduire votre voiture car vous aviez confiance en lui.
15 Est-ce qu'à ce moment-là il avait sa propre voiture?
16 Mme Sikic (interprétation): Non, j'ai l'impression que non.
17 Question: Et une moto? Est-ce qu'il avait une moto qui lui appartenait à
18 l'époque, pour autant que vous le sachiez?
19 Réponse: Moi j'ai vu une petite moto, une mobylette, mais je ne me
20 souviens pas de la période, si c'était à ce moment-là ou plus tard. Les
21 enfants s'en servaient aussi mais je ne sais pas avec exactitude quand.
22 Question: Très bien.
23 Au cours de cette nuit-là, la nuit dont nous avons parlé, la nuit pendant
24 laquelle vous étiez tous regroupés, est-ce que vous pouvez nous dire quel
25 était le dernier moment approximativement où vous, personnellement, vous
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1 avez vu M. Zigic? A quel moment est-ce que ceci s'est produit?
2 Réponse: Moi, personnellement, certainement vers 11 heures et demie,
3 minuit, c'est-à-dire au moment où il s'est retiré pour se coucher.
4 Question: Merci.
5 Voici ma dernière question: vous avez dit que, par la suite, lorsque les
6 tirs se sont intensifiés, il était déjà rentré dans la maison mais qu'une
7 partie d'entre vous êtes restés devant, dans la cour, et que les gens ont
8 dit: "c'est certainement l'imbécile de Ziga qui est en train de tirer de
9 nouveau".
10 Pourquoi est-ce que les gens disaient cela si toutes ces personnes dans la
11 cour l'avaient vu entrer à l'intérieur de la maison en état d'ébriété
12 juste quelques heures plus tôt et que vous l'avez vu s'allonger sur le
13 lit? Pourquoi est-ce qu'ils ont dit que c'était certainement Ziga qui
14 tirait, à votre avis?
15 Réponse: Eh bien ça, c'était typiquement la réaction des autres personnes
16 par rapport à cela, c'est ce que les autres auraient dit.
17 Question: Mais à votre avis, ce n'est pas ce qu'ils ont pensé eux-mêmes
18 mais tout simplement ils pensaient que les autres allaient dire ceci
19 éventuellement? Est-ce que c'est cela que vous vouliez dire.
20 Réponse: Oui.
21 Mme Wald (interprétation): Merci beaucoup.
22 M. le Président: Madame Sikic, moi-même, j'ai d'autres questions.
23 Oui, Maître Stojanovic?
24 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, avec votre
25 permission, le Juge Riad s'est penché de nouveau sur cette feuille de
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1 papier. Nous souhaitons réserver le droit à poser des questions
2 supplémentaires. Nous avons reçu la traduction mais nous ne disposons pas
3 de l'original, donc nous ne pouvons pas confirmer si c'est vraiment ce qui
4 est écrit en langue BCS. Nous avons donc besoin de simplement une ou deux
5 minutes pour vérifier cela, nous ne savons pas le contenu en langue
6 originale. Quand le Juge Riad a posé cette question, c'est pour cela que
7 j'ai réagi. Nous n'avons que la traduction, nous n'avons pas l'original.
8 M. le Président: Qui a l'original, Maître Stojanovic? Je crois que c'était
9 vous. Vous avez l'original? Ou alors le témoin?
10 M. Stojanovic (interprétation): Je pense que seul le Procureur dispose de
11 l'original.
12 Mme Sikic (interprétation): Non, non. Ils me l'ont rendu. Je l'ai.
13 M. le Président: Vous pouvez demander l'original au témoin et vérifier si
14 oui ou non la traduction est une bonne tentative déjà?
15 M. Stojanovic (interprétation): Pendant la pause, c'est le Procureur qui
16 avait l'original. C'est donc pour cela que nous n'avons pas eu l'occasion
17 de comparer cela. Merci.
18 M. Saxon (interprétation): Afin de clarifier ce point, je souhaite
19 indiquer que nous avons pris l'original pendant deux à trois minutes afin
20 de faire des photocopies et nous avons remis cela à l'huissier pour qu'il
21 remette l'original au témoin. Nous avons, je me corrige, remis cela à
22 Madame la greffière.
23 M. le Président: Avez-vous fini?
24 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous
25 considérons qu'il n'y a que quelques nuances de différences, justement en
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1 ce qui concerne la question posée par le Juge Riad, où il est écrit en
2 anglais, "I am not aware", «Je ne suis pas conscient, ou au courant»,
3 alors que dans l'original il est écrit: «Je ne sais pas». Donc il s'agit
4 là d'une petite nuance, il y en a d'autres, mais rien d'important.
5 M. le Président: Monsieur l'huissier, est-ce que vous pouvez faire
6 retourner l'original au témoin, s'il vous plaît?
7 (L'huissier s'exécute.)
8 (Questions de M. le Président Rodrigues au témoin, Mme Soka Sikic.)
9 M. le Président: Madame Sikic, les deux premières notes que vous avez dans
10 vos notes de mémoire, doivent être lues ainsi: "camouflage" et
11 "uniforme", c'est cela?
12 Mme Sikic (interprétation): Oui.
13 Question: Quel est le contexte qui vous a fait prendre ces notes ?
14 Pourquoi vous avez écrit «camouflage, uniforme et béret rouge», quel est
15 le contexte?
16 Réponse: Moi, je voulais toujours dire «uniforme multicolore», et puis je
17 me suis dit qu'il faut que je me souvienne qu'on dit «uniforme de
18 camouflage», c'est la seule raison. Et le «béret rouge» c'est parce qu'il
19 portait un béret rouge.
20 Question: Et dans le temps, vous alliez placer où ce camouflage et ce
21 béret rouge? Vous avez compris? Dans l'espace et dans le temps, c'était
22 lié à quoi?
23 Réponse: C'est l'uniforme qu'il portait dès le début de la guerre, et
24 comme je l'ai dit, le béret rouge que tout le monde ne portait pas. Peu de
25 monde portait un béret rouge.
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1 Question: Quand vous avez dit "portait dès le début de la guerre", quelle
2 est la date du début de la guerre pour vous?
3 Réponse: Eh bien, la prise de contrôle a eu lieu le 30 avril. Ensuite,
4 nous avons eu un mois que nous avons passé dans l'anxiété et la peur. Et
5 ensuite avec l'attaque, on a su que la guerre avait commencé. En ce qui me
6 concerne, je n'ai plus retenu de date par la suite.
7 Question: Vous avez une autre note. Je vais lire en anglais car je l'ai
8 en anglais: "Les gens qui ont participé à l'attaque contre Prijedor et qui
9 n'ont pas respecté les Serbes". Ne regardez pas le papier maintenant, s'il
10 vous plaît. Quel était le contexte pour cette note?
11 Réponse: C'était pour me permettre d'exprimer quelles sont les personnes
12 que l'on a amenées au camp, c'étaient les personnes qui ne respectaient
13 pas les autorités, et les personnes qui avaient participé à l'attaque
14 contre Prijedor.
15 Question: Est-ce que vous savez quelle était l'ethnicité de ces personnes
16 par exemple?
17 Réponse: Les Croates et les Musulmans. S'il était nécessaire de respecter
18 les autorités Serbes, il est logique de dire que c'étaient les Croates et
19 les Musulmans.
20 Question: Une autre note que vous avez prise, c'est: "a duré deux ou
21 trois heures". Quel est le contexte qui vous a fait prendre cette note
22 «duré deux ou trois heures», quoi ?
23 Réponse: Si les coups de feu ont commencé après minuit, puis on tirait,
24 puis on s'est arrêtés, puis on tirait de nouveau pendant une demi-heure
25 par exemple, je ne sais pas avec exactitude, et puis cela s'est
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1 intensifié, et le tout a duré comme cela deux ou trois heures, je ne sais
2 pas exactement combien de temps, je ne veux pas être aussi précise que
3 cela.
4 M. le Président: Très bien.
5 Madame Sikic. Nous n'avons pas d'autres questions à vous poser. Nous vous
6 remercions d'être venue. Nous vous souhaitons un bon retour à votre
7 endroit de résidence et bon travail. Je vais demander à Monsieur
8 l'huissier de vous raccompagner. Merci beaucoup.
9 Réponse: Je souhaite vous remercier de votre gentillesse et je serai
10 heureuse de savoir que ma participation a été utile. Merci.
11 (Le témoin, Mme Soka Sikic, est reconduit hors du prétoire.)
12 M. le Président: Monsieur Saxon ?
13 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, en ce moment le
14 Procureur souhaite qu'une copie des notes de ce témoin reçoive la cote
15 3/2.4.2., avec le projet de traduction. Dès que nous aurons la traduction
16 définitive, nous allons proposer le versement au dossier de cette
17 traduction et nous considérons que ceci porte sur la crédibilité de ce
18 témoin.
19 M. le Président: C'est Maître Stojanovic qui va se prononcer ?
20 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
21 Nous sommes contre cela. Nous considérons que même le fait de proposer
22 cela n'est pas correct compte tenu de la manière dont nous nous sommes
23 comportés.
24 De nombreux témoins de l'accusation bénéficiaient de leurs notes. De
25 nombreuses fois, nous avons exprimé le souhait de voir les notes, nous les
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1 avons photocopiées et il n'y avait jamais de problème. Il s'agit
2 d'événements qui ont eu lieu il y a longtemps et qui portent sur un grand
3 nombre de circonstances. Je considère de toute façon qu'il s'agit là de
4 documents qui ne devraient pas faire l'objet du versement au dossier.
5 Sinon, des situations absurdes se créeront où nous demanderons que tout le
6 monde soumette toutes sortes de notes.
7 Nous ne considérons pas du tout qu'il s'agisse là d'un véritable document,
8 il s'agit de quelque chose qui a été écrit à la main, sur une feuille de
9 papier. Nous considérons que, d'après le Règlement, il n'est pas
10 nécessaire de verser cela au dossier en tant que document. Merci.
11 M. le Président: Vous voulez répliquer, Monsieur Saxon ?
12 M. Saxon (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
13 Avec tout le respect que je dois à Me Stojanovic, ces notes ne sont pas
14 simplement quelque chose que le témoin a écrit sur une feuille de papier.
15 Le Procureur a comparé cela au compte rendu d'audience et ce que nous
16 pouvons voir à la page 64 du compte rendu d'audience et ce qui se poursuit
17 à la page 76 nous indique que les notes que le témoin avaient devant elle
18 correspondent totalement à sa déposition.
19 Donc nous considérons qu'il s'agit là des notes qui sont pertinentes pour
20 évaluer la crédibilité de ce témoin et c'est pour cela que nous proposons
21 leur versement au dossier.
22 M. le Président: Un moment, s'il vous plaît. On doit terminer.
23 Maître Stojanovic, excusez-moi.
24 (Les Juges se consultent sur le siège.)
25 La Chambre se réserve la décision pour le moment d'avoir la traduction
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1 définitive. Le document est déjà marqué. Après, dès qu'on aura la
2 traduction définitive, la Chambre se prononcera. Nous avons besoin de
3 réfléchir un peu.
4 Pour aujourd'hui, nous avons terminé. Nous allons revenir demain, mais il
5 faut avant dire que M. le Juge Riad demain ne sera pas avec nous la
6 première partie de la matinée, car il a des engagements relatifs à sa
7 santé.
8 Nous allons travailler de 9 heures 20 jusqu'à 11 heures avec les deux
9 Juges et après en présence de M. le Juge Riad.
10 (Les accusés sont reconduits hors du prétoire.)
11 (L'audience est levée à 15 heures 45.)
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