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1 (Lundi 16 juillet 2001.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
4 M. le Président: Bonjour, veuillez vous asseoir.
5 Madame Thompson, voulez-vous annoncer l'affaire, s'il vous plaît?
6 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
7 Messieurs les Juges. Affaire IT-98-30/1, le Procureur contre Kvocka et
8 consorts.
9 M. le Président: Merci beaucoup. Est-ce que le Bureau du Procureur peut se
10 présenter?
11 Mme Somers (interprétation): Pour l'accusation, je m'appelle Mme Susan
12 Somers, je suis accompagnée de M. Daniel Saxon ainsi que de M.
13 Waidyaratne ainsi que de deux assistants, M. Lakshmie Walpita et M.
14 Hayashi.
15 M. le Président: Du côté de la défense, s'il vous plaît.
16 M. K. Simic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, comme vous le
17 savez je m'appelle M. Krstan Simic. Je défends les intérêts de M. Kvocka.
18 M. Nikolic (interprétation): Bonjour, M. O'Sullivan et moi-même nous
19 représentons les intérêts de M. Kos.
20 M. Fila (interprétation): Je m'appelle Toma Fila. Avec Zoran Jovanovic,
21 nous représentons Mlado Radic.
22 M. le Président: Merci.
23 M. Stojanovic (interprétation): Bonjour, défense de M. Zigic avec Mme
24 Mitrovic et Miodrag Deretic ainsi que moi-même Slobodan Stojanovic.
25 M. J. Simic (interprétation): Je m'appelle Jovan Simic et avec M. Masic
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1 nous défendons M. Prcac.
2 M. le Président: Très bien. Nous sommes ici aujourd'hui pour le
3 réquisitoire et les plaidoiries donc je vais, aux termes de l'Article 86,
4 donner la parole au Procureur pour qu'il puisse prononcer son
5 réquisitoire.
6 Avant de le faire, j'aimerais vous donner une idée au moins générale sur
7 le calendrier que nous allons suivre cette semaine.
8 Comme vous le savez, la Chambre a délivré une décision qui a établi une
9 journée et demie pour le Procureur et le reste du temps serait divisé en
10 parties égales entre les cinq conseils de défense.
11 Aujourd'hui, nous allons travailler avec le Procureur et demain la
12 première partie de la journée en disant que nous allons suivre notre
13 schéma habituel, mais avec une petite variation. Nous ferons des périodes
14 de travail d'une heure et demie ou d'une heure vingt parce qu'à la fin le
15 temps accordé à chaque conseil de la défense sera plus ou moins de deux
16 heures cinquante. Nous allons donc jouer un peu avec ce temps.
17 Aujourd'hui, nous aurons le Procureur et demain la première partie. Après,
18 nous aurons deux temps de travail pour la défense Kvocka. Mercredi, nous
19 aurons les deux premiers temps pour la défense Kos et le troisième temps
20 pour Radic. Un deuxième temps Radic jeudi, les deuxième et troisième temps
21 de travail jeudi pour la défense Zigic. Vendredi, nous aurons les deux
22 premiers temps de travail pour la défense Prcac et il nous restera une
23 heure vingt, plus ou moins, pour les questions des Juges.
24 C'est la façon que nous avons trouvée d'organiser le temps plus ou moins
25 suivant la façon que nous avions annoncée.
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1 Maintenant, je donne la parole… Pardon, je vois Me Fila.
2 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
3 Juges, je vous prie de m'excuser. Je présente en particulier mes excuses à
4 Mme Somers car j'empiète un peu sur le temps qui lui est imparti. Je
5 souhaiterais demander à la Chambre de nous donner un certain nombre
6 d'explications.
7 Dans l'affaire Krnojelac/Kunarac, la Chambre a statué que les
8 réquisitoires et plaidoiries ne devaient pas reprendre ce qui était inclus
9 dans les mémoires en clôture déjà lus par les Juges de la Chambre, mais
10 que chacune des parties devait répondre aux arguments de la partie
11 adverse.
12 Ma question est donc la suivante. Je voudrais savoir quel point je dois
13 aborder, quel sujet je dois aborder dans ma plaidoirie. Est-ce que je ne
14 dois que répondre aux arguments présentés contre nous par l'accusation? Ce
15 qui signifierait que l'accusation devrait, quant à elle, répondre à nos
16 arguments inclus dans nos mémoires en clôture, plutôt que répéter ce que
17 nous avons déjà écrit. Nous ne sommes pas ici face à un jury qui n'est pas
18 capable de comprendre ce que nous avons écrit. Je souhaiterais donc que
19 les Juges puissent nous donner des informations à ce sujet.
20 M. le Président: Je peux vous poser une question, Maître Fila? Vous parlez
21 au nom des autres conseils ou en votre nom personnel?
22 M. Fila (interprétation): Je parle au nom des quatre conseils de la
23 défense.
24 M. le Président: Vous vous êtes préparés pour faire quelle version?
25 M. Fila (interprétation): Les deux.
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1 M. le Président: Très bien. Madame Somers.
2 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, la réponse de
3 l'accusation c'est que nous allons avoir une démarche mixte. Nous sommes
4 bien conscients de la position de la défense après lecture de leur mémoire
5 en clôture et lorsque cela sera nécessaire nous aborderons un certain
6 nombre de sujets qu'ils abordent eux-mêmes. Mais nous sommes ici pour
7 passer en revue notre théorie sur la base de ce qu'ils avancent. Il ne
8 s'agit pas ici de répondre systématiquement aux arguments de la défense.
9 Nous avons toute confiance dans la capacité du personnel de la Chambre
10 pour passer en revue les points de détail de nos mémoires en clôture. Je
11 ne vais pas dire que je ne vais absolument pas répondre ou reprendre aucun
12 élément de mon mémoire en clôture, mais je souhaiterais ici présenter ma
13 vision de l'affaire sur la base de mon expérience et sur la base de
14 l'expérience que j'ai de réquisitoires dans d'autres affaires.
15 M. le Président: Un moment s'il vous plaît.
16 (Les Juges se concertent sur le siège.)
17 Sur cette question, la Chambre est d'avis qu'il incombe aux parties
18 d'utiliser leur temps de la façon la plus efficace pour convaincre la
19 Chambre de leur point de vue. Il y a une chose que la Chambre estimait
20 déjà claire, c'est qu'on ne venait pas ici pour relire ce qu'on avait
21 écrit avant. Donc je crois que, quand même, Mme Suzanne Somers a, d'une
22 certaine façon, admis cette position quand elle a dit que c'était une
23 façon mixte, c'est-à-dire que la Chambre ouvre un peu plus: il incombe aux
24 parties de profiter de ce temps, de l'utiliser aux fins de convaincre la
25 Chambre de leur position. Voilà l'orientation que donne la Chambre. Vous
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1 n'êtes pas strictement liés à ce qui a été écrit, vous n'allez pas répéter
2 ce qui a été écrit, vous connaissez quand même la position de l'autre
3 partie même durant tous les débats, donc vous pouvez prendre cette
4 position mixte dans l'objectif d'exprimer votre vue, vos vues sur
5 l'affaire. Cela étant dit, je crois que maintenant la position est claire,
6 donc je donne la parole à Mme Suzanne Somers pour qu'elle prononce son
7 réquisitoire.
8 Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
9 Il y a des endroits, il y a des événements à la réputation atroce qui sont
10 apparus pendant notre vie et qui, chez les gens de bonne volonté,
11 entraînent des réactions de révulsion. Ce sont des images indélébiles qui
12 nous rappellent par quoi peut se manifester le mal lorsque les normes de
13 la civilisation et du comportement civilisé laissent la place au
14 nationalisme le plus aveugle et au racisme. Malheureusement pour l'espèce
15 humaine, il y a beaucoup d'endroits de ce genre sur la planète, et il y a
16 des événements qui sont marqués par ce genre d'événements. On pense, par
17 exemple, à Dachau et Jasenovac, aux champs meurtriers du Cambodge et du
18 Rwanda, à Srebrenica et Omarska.
19 Une dernière fois, je vais demander à la régie de nous apporter son aide
20 pour revoir cette vidéo sur le camp d'Omarska, qui ne dure que quelques
21 minutes. Pour ceux qui ne l'ont pas vue depuis longtemps, je pense que
22 cela vaut la peine de revoir cette vidéo pour voir ce que c'était
23 qu'Omarska. Pour les Serbes de Bosnie, Omarska n'est pas un camp de
24 concentration.
25 (Diffusion de la vidéo.)
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1 "Entrez" ont-ils dit à ITN "et voyez par vous-mêmes".
2 "Escortés par un garde armé serbe pour notre propre protection, notre
3 voyage de trois jours a pris fin ici, devant les grilles d'une mine
4 désaffectée dans le nord de la Bosnie. Ici, nous n'avons pu voir que
5 quelques centaines des 2.500 détenus, tous des hommes musulmans qui se
6 trouvaient à Omarska, nous a-t-on dit, pour y être interrogés. Ceux
7 reconnus coupables d'avoir combattu les Serbes étaient alors envoyés dans
8 des camps de prisonniers de guerre, les innocents dans des camps de
9 réfugiés.
10 Voici tout ce que nous avons pu voir des détenus et d'Omarska même.
11 Personne n'a parlé. Les seules voix, celles des gardiens leur ordonnant de
12 se dépêcher de manger et de s'en aller. 'Comment vous traite-t-on, quelles
13 sont les conditions de vie?' lui ai-je demandé. 'Je ne veux pas mentir, je
14 ne peux pas dire la vérité. Merci d'être venue.'
15 On nous a dit que l'armée ne contrôlait pas Omarska et que ces détenus
16 étaient placés sous la responsabilité des autorités civiles et de la
17 milice locale. Nous avons demandé une explication au commandant du camp:
18 'Pour vous, est-ce que ce camp est un camp de détention, un camp de
19 transit ou un camp de réfugiés?' 'Non, ce n'est pas un camp, c'est un
20 centre, un centre de transit. Omarska et Trnopolje sont tous deux des
21 centres, pas des camps.'
22 Et ensuite les hommes sont partis, ils sont retournés d'où ils venaient,
23 loin de nos caméras, de nos questions, cachés aux yeux des Nations Unies
24 et de la Croix-Rouge qui se sont vues refuser l'accès à Omarska dérobé aux
25 regards du monde entier. Nous n'avons pas eu le droit de les suivre dans
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1 le bâtiment où ils logeaient, qui semblait être le plus grand des deux
2 bâtiments, pour voir les 2.000 autres détenus et leurs conditions de vie."
3 (Fin de la vidéo.)
4 L'affaire, en l'espèce, a trait à Omarska mais Keraterm et Trnopolje sont
5 des camps qui sont également évoqués dans l'Acte d'accusation en ce qui
6 concerne Zoran Zigic.
7 Aujourd'hui, l'accusation a pour la dernière fois la possibilité de
8 s'adresser à la Chambre en ce qui concerne la responsabilité individuelle
9 pénale des cinq accusés Miroslav Kvocka, Mlado Radic alias "Krkan",
10 Milojica Kos, alias "Krle", Dragoljub Prcac et Zoran Zigic. Nous allons
11 donc traiter de leur responsabilité en ce qui concerne toutes les
12 atrocités commises.
13 Pendant tout le procès, les accusés se sont présentés toujours de la même
14 manière:
15 Kvocka, un policier, un officier de police professionnel de haut rang;
16 Radic, policier aussi pendant de longues années;
17 Prcac, un officier de police qui avait également travaillé dans le domaine
18 de la police scientifique et qui, après avoir pris sa retraite, s'est
19 tourné vers l'élevage des cochons et des poulets;
20 Kos, ancien garçon de café, puis officier de police de réserve, puis
21 officier de police;
22 Zigic, joueur de guitare, puis conducteur de camion, chauffeur de taxi et
23 officier de police.
24 Ce qu'ils voudraient nous faire croire, ces hommes, c'est qu'ils ont été
25 simplement pris dans la tourmente des événements de Prijedor en 1992. Or
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1 la Chambre doit voir ces hommes pour ce qu'ils sont, pour ce que les
2 éléments de preuve nous ont montré à leur sujet, à savoir que ce sont des
3 hommes qui sont opportunistes, ce sont des participants criminels
4 volontaires dans certaines des atrocités les plus horribles de l'histoire
5 récente de l'humanité.
6 Si l'on se réfère à la déclaration liminaire de l'accusation, nous avions
7 l'intention de montrer qu'aucun des événements qui ont eu lieu à cet
8 endroit ne se sont faits par hasard. C'était le résultat d'une politique
9 délibérée de planification pour expulser les non-Serbes de Prijedor par la
10 force. Et nous avions également l'intention de démontrer la participation
11 des accusés dans cette affaire, en particulier dans les événements
12 d'Omarska et d'autres camps.
13 A Prijedor, pour survivre, un Serbe n'avait pas besoin de devenir membre
14 du SDS mais en revanche, il fallait soutenir, accepter la politique du
15 SDS, le SDS qui était la voix du peuple serbe. A fortiori, il fallait
16 soutenir la politique du SDS afin de pouvoir garder son travail.
17 Miroslav Kvocka est un exemple parfait qui nous montre un officier de
18 police serbe qui, en suivant la ligne du parti et en dépit du fait qu'il
19 affirme avoir soutenu un autre mouvement politique, a réussi dans sa
20 carrière professionnelle dans le nouveau système.
21 L'accusation a présenté des éléments de preuve qui prouvent que, pour les
22 nouvelles autorités serbes à Prijedor, la confrontation était essentielle
23 pour fournir une justification à des actes ensuite entrepris à l'encontre
24 des non-Serbes.
25 La Chambre a vu des preuves relatives aux actions entreprises pour
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1 provoquer de tels actes. Avec l'incident du point de contrôle de Hambarine
2 qui a entraîné la mort d'un officiel serbe et qui a servi de justification
3 pour que les Serbes exigent des Musulmans qu'ils rendent leurs armes et
4 exigent également qu'un soi-disant attaquant Aziz Aliskovic se constitue
5 prisonnier.
6 Le fait que les non-Serbes n'aient pas été en mesure de répondre à cette
7 exigence a entraîné le bombardement sanglant de Hambarine et de Kozarac
8 ainsi que des arrestations massives de la population non-serbe.
9 L'accusation a montré qu'il était clair que les Serbes avaient de toute
10 façon l'intention d'arrêter la population non-serbe, puisque Keraterm et
11 Omarska étaient en état de fonctionnement avant même l'offensive du 30 mai
12 sur Prijedor.
13 La défense a demandé à la Chambre de considérer la mise en place de
14 Keraterm et d'Omarska comme une conséquence de l'attaque du 30 mai. Or
15 c'est faux puisque nous avons entendu des témoins et nous avons eu des
16 éléments de preuve qui nous montrent qu'Omarska et Keraterm étaient déjà
17 prêts pour accueillir la population non-serbe avant l'attaque. Et on peut
18 même aller jusqu'au 26 mai, c'est-à-dire quatre jours avant l'attaque.
19 D'autre part, la Chambre a entendu que, comme on pouvait s'y attendre, une
20 des réactions par la population non-serbe, à la prise de contrôle de
21 Prijedor par les autorités serbes, a été d'essayer de résister par les
22 armes avec une attaque sur Prijedor le 30 mai 1992, attaque qui n'a pas
23 été couronnée de succès. Ceci a entraîné la soi-disant justification de
24 l'arrestation des non-Serbes dont certains n'avaient absolument rien à
25 voir avec cette offensive ratée.
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1 Les camps d'Omarska, Keraterm, Trnopolje et d'autres localités dans la
2 municipalité de Prijedor ont été mis en place en tant que partie
3 intégrante d'un plan d'expulsion forcée de la population non-serbe par
4 l'Etat sécessionniste serbe qui existait alors et qui émergeait alors peu
5 à peu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
6 Le prétexte pour la mise en place de ces camps, c'était de faire face à
7 des soi-disant extrémistes croates et musulmans. Nous avons entendu parler
8 à plusieurs reprises de ces extrémistes croates et musulmans à Prijedor
9 mais la Chambre ne doit pas accepter cela. Elle doit reconnaître sur la
10 base des éléments de preuve que ces personnes, ces soi-disant extrémistes
11 appartenant à la population non-serbe, en fait étaient ceux qui
12 résistaient à la prise de contrôle illégale par les Serbes d'une
13 municipalité multiethnique, qui était la municipalité de Prijedor.
14 Les gens qui résistaient à sa prise de contrôle, des institutions
15 légalement élues qui étaient issues des élections multipartites, il
16 s'agissait de personnes qui résistaient à l'abandon par les nouvelles
17 autorités serbes du nouvel Etat de Bosnie-Herzégovine nouvellement reconnu
18 par la communauté internationale avec sa capitale de Sarajevo.
19 Pourquoi a-t-on mis en place ces centres d'instruction?
20 On nous a affirmé qu'Omarska et Keraterm étaient destinés à mener des
21 interrogatoires, mais il faut regarder la réalité. La réalité, c'est que
22 les Serbes contrôlaient Prijedor, à tel point qu'aucun non-Serbe ne
23 pouvait quitter son lieu de résidence ou le territoire sans que les Serbes
24 soient au fait de ce départ. Les résidences des non-Serbes, suite à
25 l'attaque sur Prijedor, étaient identifiées par des drapeaux blancs.
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1 Donc s'il s'agissait véritablement de mener à bien des enquêtes, comme on
2 nous le dit, on aurait pu faire cela dans les bâtiments du SUP, à la
3 police, et les personnes concernées auraient pu retourner sur leur lieu de
4 résidence qui faisait l'objet d'un contrôle très strict de la part des
5 Serbes.
6 Pourquoi? Eh bien, parce qu'il est apparu, sur la base des éléments de
7 preuve, que ces interrogatoires en fait n'étaient que des prétextes et que
8 l'objectif était de rassembler et d'enfermer la population non serbe à
9 Omarska et Keraterm. Jamais on n'a eu l'intention d'autoriser ces
10 personnes à retrouver leur foyer, bien au contraire puisque l'objectif
11 était de procéder à un nettoyage de ces personnes pour qu'elles ne
12 figurent plus sur ce territoire.
13 Il aurait été tout à fait logique de penser que s'il y avait eu un
14 véritable motif à ces interrogatoires, on aurait pu les faire au SUP, mais
15 il faut se souvenir de ce que nous a dit M. Gostimir Modic qui a travaillé
16 à Omarska et à Keraterm et au SUP en tant que personne chargée des
17 interrogatoires, qui a dit qu'à sa connaissance, personne n'avait ensuite
18 fait l'objet de poursuites pénales suite à ces interrogatoires.
19 Je vais demander l'aide de la cabine technique, et j'aurais besoin que
20 nous passions à huis clos très brièvement, pour présenter une photographie
21 qui a été évoquée lors d'un témoignage à huis clos.
22 M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel.
23 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 55.)
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18 (Audience publique à 10 heures.)
19 Mme Somers (interprétation): Puis-je continuer?
20 M. le Président: Allez-y.
21 Mme Somers (interprétation): Merci.
22 La Chambre doit également savoir que l'objectif était de tourner la
23 population serbe contre les non-Serbes. On a montré au cours du procès que
24 certains Serbes avaient remis des armes à des non-Serbes au cours des
25 événements de 1991 et 1992. Plus tard, on a utilisé cet événement et on a
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1 dit que les personnes qui possédaient ces armes étaient des extrémistes,
2 des Bérets verts, des Mudjahidin. On a utilisé toute sorte de
3 dénominations pour susciter une réaction négative au sein de la
4 population.
5 L'autre chose que je voudrais établir très clairement, c'est quelque chose
6 qui a été évoqué lors du procès, à savoir qu'il y a eu tentative de la
7 part de la défense de suggérer que la prise de contrôle de Prijedor par
8 les Serbes était une réponse apportée aux instructions du gouvernement de
9 Sarajevo de lancer une attaque.
10 Eh bien, ce n'est pas vrai, nous en avons parlé dans le cadre du
11 paragraphe 303, cela apparaît dans la décision même de la Chambre. Ce fait
12 a simplement été laissé de côté lors de la présentation des éléments de
13 preuve s'y rapportant.
14 La Chambre de première instance devrait également se pencher sur les
15 éléments de preuve qu'elle a entre ses mains et qui montrent que la prise
16 de pouvoir de la municipalité, qui a été faite par la force lors de la
17 nuit du 29 au 30 avril, avait été préparée bien longtemps à l'avance. De
18 fait, depuis longtemps des préparations avaient lieu en secret,
19 préparations qui avaient commencé dès 1991. C'est ce qui apparaît dans les
20 éléments de preuve qui sont rassemblés dans les classeurs.
21 La population serbe qui, à terme, a instauré l'ordre nouveau a, tout ce
22 temps, prétendu qu'elle entretenait des relations tout à fait normales
23 avec la population non serbe. L'effet de cette prise de contrôle secrète a
24 été d'autant plus dévastateur, d'autant plus odieux.
25 Certes, il a été dit que cette prise de contrôle s'était faite sans
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1 violence, sans qu'une seule balle soit tirée. Mais nous souhaiterions vous
2 rappeler que quelle que soit la perspective que l'on choisisse, nous
3 parlons d'une prise de pouvoir qui a été faite par la force.
4 Cette prise de contrôle, il est important de le noter, prise de contrôle
5 qui prend la forme d'une usurpation unilatérale mono-ethnique du pouvoir,
6 eh bien cette prise de contrôle a eu lieu vis-à-vis de toutes les entités
7 qu'elles soient économiques, qu'elles soient sociales, qu'elles soient
8 gouvernementales. Toute personne ne faisant pas partie de ce programme,
9 qui visait à instaurer un ordre nouveau, ne faisait pas partie de la
10 société car tout est passé aux mains de ceux qui souhaitaient instaurer
11 cet ordre nouveau.
12 Nous avons passé plus d'un an et demi à étudier les éléments qui
13 constituent cette affaire, eh bien il apparaît que quelles que soient les
14 concessions faites par les non-Serbes vis-à-vis de ceux qui avaient entre
15 les mains cet ordre nouveau, jamais il n'y a eu possibilité de
16 cohabitation avec les membres des autres groupes ethniques au sein de
17 Prijedor, qui était désormais intégralement contrôlée par les Serbes.
18 On a entendu parler de ces serments d'allégeance, eh bien ces personnes
19 qui s'y sont prêtées ont fini, comme les autres, dans le camp aux côtés de
20 leurs camarades détenus. La privation du droit de vote a été immédiate, et
21 une fois qu'elle a été décrétée, eh bien c'était très clair, les gens
22 n'avaient plus d'endroit où se rendre, où s'abriter.
23 Et la rapidité avec laquelle leur vie a été bouleversée est aussi une
24 chose que la Chambre de première instance devrait avoir à l'esprit
25 lorsqu'il s'agira de se souvenir de la valeur à accorder aux personnes qui
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1 sont venues déposer dans ce prétoire.
2 La défense des accusés Kvocka, Radic, Kos, Prcac souhaiterait que la
3 Chambre croie que ces hommes étaient des observateurs sans défense qui ont
4 suivi ces événements, qui ont été les témoins des conditions qui
5 prévalaient dans le camp, et ils ont tous prétendu qu'ils n'avaient aucun
6 contrôle quant à ce qui se passait. Ils voudraient que la Chambre croie
7 que c'était pour eux un véritable combat que d'avoir quotidiennement à se
8 porter présents au camp d'Omarska.
9 Mais l'accusation approuve, au-delà de tout doute raisonnable, que la
10 prise de contrôle serbe de Prijedor a bénéficié de la participation de
11 tout le personnel de la SJB à Prijedor. Ai-je besoin de rappeler que ces
12 accusés faisaient partie de cette force à Prijedor, faisaient partie en
13 tant que policiers d'active ou de réserve. Ils devaient savoir, ils
14 savaient ce que nous montrent les documents, qu'il allait y avoir une
15 prise de pouvoir, ils savaient que l'établissement du camp faisait
16 intégralement partie de ce projet.
17 La mise en place d'améliorations dans le camp aurait amenuisé la
18 souffrance, la terreur que traversaient les détenus. Et l'on peut donc
19 déduire de cela que la politique qui prévalait était de ne jamais apporter
20 d'améliorations aux conditions de détention car il ne s'agissait pas de
21 réduire la force du message que les Serbes voulaient lancer, message
22 d'éradication absolue.
23 Il y a eu des actes ponctuels de compassion, il y a eu des hommes qui
24 ponctuellement ont essayé d'apporter des cigarettes, des aliments,
25 d'autres objets encore aux détenus qui étaient dans le plus total
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1 dénuement. Donner de l'eau, donner une aide médicale, donner des aliments
2 à quelqu'un, cela ne suppose pas un effort bien grand. Cela ne suppose pas
3 un grand effort que d'apporter une aide quelconque à ces milliers de
4 personne.
5 Or cette aide n'a jamais été abordée, jamais ils n'ont choisi d'intervenir
6 car tout cela faisait partie d'un plan bien établi.
7 Kvocka, lui-même, de par le fait qu'il a sorti du camp ses propres beaux-
8 frères, lors de leur arrivée au camp d'Omarska, indique, démontre que non
9 seulement il avait la capacité d'intervenir et de faire quelque chose mais
10 indique qu'il savait exactement quelle était la situation qui prévalait,
11 il savait exactement quel type de conditions de détention était réservé ou
12 serait réservé à ses beaux-frères s'ils demeuraient dans le camp.
13 Il n'y a pas de doute quant au fait que ces individus ont accepté de
14 prendre part à ce système de répression qui a été installé dans le camp
15 d'Omarska. Ai-je besoin d'énumérer les dépositions qui démontrent
16 l'enthousiasme manifesté dans le cadre de ces activités par ces hommes?
17 Ce qu'il faut retenir c'est que les individus pouvaient partir s'ils
18 choisissaient de le faire; s'ils choisissaient de rester dans le camp
19 c'est qu'ils le voulaient bien; et que certains éléments leur permettaient
20 de prendre cette décision en connaissance de cause.
21 Zoran Zigic est également accusé d'un certain nombre de crimes commis à
22 Keraterm et à Trnopolje, deux camps de détention. L'accusation a démontré
23 que Zigic, qui est fort versé en affaires de criminalité, a capitalisé sur
24 sa capacité de se rendre d'un camp à un autre pour commettre un nombre
25 incalculable d'actes de sadisme perpétrés sur des détenus non-serbes
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1 effrayés, affaiblis, sans défense.
2 Et s'il a eu accès à ces camps de cette façon c'est qu'il a bénéficié de
3 l'aide d'un coaccusé, et je parle ici de ce qui s'est passé à Omarska,
4 d'un coaccusé dont le devoir aurait été de protéger les détenus; ce qu'il
5 n'a pas fait.
6 La Chambre de première instance a, à de nombreuses reprises, entendu les
7 arguments de la défense qui a utilisé la théorie de ce que j'appelle
8 "accusons les morts".
9 La Chambre a entendu par la déposition d'un certain nombre d'enquêteurs,
10 d'un certain nombre de témoins dont la crédibilité pourrait être remise en
11 cause, que M. Kvocka et Prcac ont essayé d'attribuer tous les actes
12 haineux commis à Omarska à Simo Drjlaca, l'homme mort, ont choisi
13 d'accuser cet homme décédé.
14 L'accusation estime que les accusés souhaitent que la Chambre pense que
15 leur culpabilité est arrivée à son terme après la mort de Drjlaca, ce qui,
16 tant du point de vue des faits que du point de vue du droit, n'a aucun
17 sens. Tous ces accusés individuellement ont été pénalement responsables
18 des actes commis à Omarska.
19 Les accusés sont des officiers de police, 4 d'entre eux sont des officiers
20 de police. Nous parlons de Zigic qui a fait une déclaration portant sur
21 son statut dans le cadre de sa déposition 84 bis. Et ces officiers de
22 police nous demandent de croire qu'ils ne pouvaient absolument pas
23 intervenir pour essayer de mettre un terme aux crimes qui étaient
24 perpétrés quotidiennement, nuit et jour, au camp d'Omarska, depuis le
25 début de la mise en détention des prisonniers jusqu'à la fermeture de ce
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1 camp.
2 Ils demandent à cette Chambre de croire qu'ils n'avaient aucun devoir
3 légal à l'égard des détenus, ils demandent à cette Chambre de les absoudre
4 de leurs obligations, obligations spécifiées par la Convention de Genève
5 et par les protocoles de Genève, énoncées également par le droit coutumier
6 international.
7 Ils nous disent qu'ils n'avaient pas le choix, pas d'autre choix que
8 d'être à Omarska. Ils nous disent qu'une fois qu'ils s'y trouvaient, ils
9 n'avaient absolument pas la capacité d'intervenir en quelque manière que
10 ce soit, eu égard aux actes commis par les gardes, eu égard aux actes
11 commis par ceux qui entraient dans le camp de nuit comme de jour, du
12 moment où ce camp a été ouvert jusqu'à sa fermeture.
13 Ces officiers de police demandent à cette Chambre de dédaigner les
14 éléments de preuve qui nous indiquent très clairement qu'ils ont bénéficié
15 du système qui prévalait au camp de détention d'Omarska, mais également de
16 Keraterm et de Trnopolje. Ils en ont bénéficié sous la forme de profit
17 personnel, sous la forme d'avancement personnel, sous la forme de leur
18 capacité à exercer un pouvoir illimité sur des individus, pouvoir qui
19 s'est étendu pendant plusieurs mois et qui a été exercé au détriment des
20 milliers de prisonniers qui se trouvaient dans le camp.
21 La Chambre de première instance a entendu de quelle façon les accusés
22 avaient essayé de jouer du destin atroce des détenus pour satisfaire leurs
23 propres intérêts. Ils ont entendu dire comment ils avaient bénéficié des
24 services de femmes qui se trouvaient dans le camp d'Omarska. Vous avez
25 entendu dire de quelle façon Radic a violé ces femmes à Omarska, de quelle
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1 façon Prcac et Kos ont extorqué de l'argent par l'exercice de ce pouvoir
2 arbitraire sans limite, pouvoir exercé sur des détenus dont, pour
3 certains, il a été démontré qu'ils étaient entre les mains de ces
4 officiers de police, qu'ils étaient également parmi les relations de ces
5 officiers de police. Eh bien, nous voyons quelle est l'étendue de la
6 culpabilité de ces accusés.
7 Les victimes qui sont venues devant vous n'ont aucune raison de ne pas
8 dire la vérité. Quel serait l'intérêt pour eux de se rendre jusqu'à La
9 Haye pour débattre devant leurs tortionnaires et devant le monde tout
10 entier de la façon dont ils ont eux-mêmes souffert d'actes odieux?
11 Pourquoi ne pas dire la vérité lorsqu'il s'agit de dire de quelle façon
12 ils ont été affamés, de quelle façon ils ont été passés à tabac, agressés
13 sexuellement, de quelle façon ils ont été confinés dans une prison où
14 régnaient des conditions de détention absolument atroces, où des hommes et
15 des femmes étaient abattus de sang-froid. Il ne peut être que très
16 douloureux pour eux de venir ici pour nous faire le récit de ces horreurs.
17 N'oublions pas que, lorsque ces crimes ont été perpétrés, les témoins ne
18 devaient essayer que de se préserver eux-mêmes.
19 Non, il n'y a pas de motif qui permettrait d'expliquer que des victimes ou
20 des témoins viennent devant ce Tribunal pour ne pas y dire la vérité. Rien
21 ne permet de supposer que ces personnes ont dit autre chose que la plus
22 totale vérité sur les faits sur lesquels on leur a demandé de s'exprimer.
23 Ces témoins sont devant le Tribunal, sont venus devant le Tribunal,
24 certains non pas pour la première fois, parce que c'est ce Tribunal qui
25 permettra que ces accusés soient entendus pour les crimes dont il est
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1 supposé qu'ils soient coupables.
2 Pas un de ces accusés ne s'est rendu. Ils ont dû être chassés, transférés,
3 notamment dans le cas de Zigic. Il vivait dans la plus totale impunité en
4 Republica Srpska. Ils ont continué à travailler en tant qu'officiers de
5 police, même après leur mise en accusation et jusqu'à ce que cela attire
6 un petit peu trop d'attention. Kvocka et Prcac ont confirmé qu'ils ont
7 continué à vivre de façon tout à fait normale, sans préoccupation quant à
8 leur propre sécurité ou quant à la sécurité de leur famille.
9 L'accusation a démontré que Keraterm était le plus souvent une halte sur
10 la route qui menait à Omarska. L'accusation souhaiterait rappeler à la
11 Chambre qu'Omarska a été décrit par Emir Beganovic comme étant le synonyme
12 de l'enfer. Les horreurs inimaginables dont il a été démontré qu'elles
13 avaient été perpétrées et qui ont été infligées à la population de détenus
14 par Zoran Zigic à Keraterm -n'oublions pas qu'il travaillait avec sa bande
15 et avec son comparse doué d'ubiquité, Dusko Knezevic alias "Duca"-, toutes
16 ces horreurs, tous ces crimes n'auraient jamais pu être étalés au grand
17 jour si cela n'avait été devant ce Tribunal. Jamais sans ce Tribunal ces
18 auteurs de crimes n'auraient été traînés devant la justice.
19 La vérité que nous avons entendue était une vérité pénible, mais c'est
20 pour dire cette vérité que des témoins sont venus devant vous neuf, dix
21 ans après les événements, et nous ne pouvons pas douter du fait qu'ils
22 soient venus nous dire la vérité.
23 Bien sûr qu'il faut tenir compte du fait que bien des années se sont
24 écoulées depuis les événements, mais n'oublions pas que ces événements ont
25 marqué un tournant dans leur vie, n'oublions pas qu'il faut absolument
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1 croire que ces témoins sont venus nous dire la vérité et que le critère de
2 fiabilité doit toujours être considéré comme présent.
3 La capacité d'aller et venir dans le camp qui semble avoir été un
4 privilège absolu, nous souhaitons en parler en étudiant la pièce 3/249
5 qui, si possible, devrait être placée sur le rétroprojecteur.
6 Il apparaît donc très clairement que des personnes pouvaient aller et
7 venir dans le camp et pouvaient y venir notamment pour y perpétrer toute
8 sorte d'agressions. Cet élément de preuve, cette pièce qui émane de
9 l'ensemble de documents saisis à Prijedor, saisis dans les archives de
10 Prijedor, cet élément de preuve est signé par Dusko Sikirica.
11 Il a été rédigé vers le 4 juillet, mais ce qui est important c'est que
12 l'on y reconnaît que Sikirica, qui s'exprime en tant que commandant de la
13 sécurité, donc la sécurité dans le camp, est le commandant de la sécurité
14 dans le camp, et fait une observation qui porte sur les arrivées à
15 Keraterm de Zigic, d'autres encore qui allaient et venaient.
16 Ce document indique que des personnes ont été passées à tabac, que des
17 personnes sont décédées, mais ce document ne va pas jusqu'à dire que
18 quelque chose va être fait pour essayer de mettre un terme à tout cela. On
19 admet ici des choses qui sont absolument cruciales lorsqu'il s'agira pour
20 la Chambre de délibérer, de se prononcer sur cette affaire.
21 L'accusation estime que ce document reflète certaines des préoccupations
22 qui se sont manifestées après la mort du détenu Drago Tokmadzic, décès qui
23 est imputé à Zigic, qui a été perpétré à Keraterm.
24 L'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que, dans le
25 contexte du camp d'Omarska, ce qui s'est passé est absolument sans
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1 précédent. Il convient de regarder quelle est la structure de
2 fonctionnement du camp, il convient que la Chambre se porte sur cette
3 structure alors qu'elle essaie de déterminer quelles sont les
4 responsabilités des supérieurs hiérarchiques. Nous nous trouvons dans une
5 situation où toute une force de police, tout un poste de police, tout son
6 personnel a été transféré et a intégré ou reproduit la structure qui
7 existait au sein du poste de police d'Omarska. Cela est démontré par un
8 certain nombre d'éléments de preuve.
9 Je voudrais vous rappeler qu'il y a eu des tentatives pour dissimuler quel
10 était le poste du commandant adjoint: est-ce que ce commandant adjoint
11 était de jure présent ou non sur les lieux? L'ordre donné par Simo
12 Drljaca, qui est la pièce 3/411, est tout à fait intéressant. Il convient
13 que la Chambre voie quels étaient exactement les types de fonctionnement
14 des institutions de police qui se trouvaient au camp d'Omarska. Cet ordre
15 de Simo Drljaca, que je vais placer sur le rétroprojecteur, est une des
16 pièces fondamentales qui se trouvent au coeur de cette affaire, mais ce
17 que je voudrais faire valoir ici, c'est ce qui apparaît au paragraphe 6.
18 Il apparaît que Drljaca lui-même indique que les services de sécurité au
19 centre de rassemblement seront dotés par le poste de police d'Omarska,
20 donc il parle bien du poste de police d'Omarska et un certain nombre de
21 témoins ont entériné cette appellation. Donc il y a effectivement
22 désignation d'un commandant adjoint.
23 Est-ce que cette occupation a été exercée de jure? Peu importe. Ce qui est
24 pertinent, c'est que cette position, ce poste a existé, a été désigné
25 comme tel, a été reconnu, qu'il a été institué dans le cadre d'une
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1 situation de guerre et que le nombre de personnes se trouvant à la garde
2 de ces personnes atteignait le millier, quelle que soit la période de
3 temps que l'on choisisse d'étudier.
4 Donc, il faut bien voir qu'Omarska était doté d'une structure telle qu'il
5 y avait un système hiérarchique qui était mis en place, qu'il soit de jure
6 ou de facto et que cette structure hiérarchique a été maintenue pendant
7 toute la durée de fonctionnement du camp. C'est quelque chose qui est
8 unique en son genre, c'est sans précédent, et il faut le comparer avec
9 d'autres cas dont cette Chambre ou dont ce Tribunal a eu connaissance.
10 Omarska, en ce sens, était unique en son genre.
11 L'accusation a démontré au-delà de tout doute raisonnable que, dans le
12 cadre de ces circonstances très particulières et propres au camp
13 d'Omarska, Miroslav Kvocka a assumé les fonctions de commandant adjoint,
14 ce qui peut être déduit à la lecture et à l'examen des éléments de preuve.
15 Il ne s'agit pas seulement de regarder ce qu'il a dit mais de regarder ce
16 qu'il a fait. Lorsqu'on parle de Kvocka, il est parfois utile de regarder
17 ce qu'il a dit, parce que parfois il a lui-même donné une idée de
18 l'étendue des pouvoirs qui étaient les siens au sein du camp. Nous en
19 parlerons un peu plus tard.
20 Mlado Radic et Milojica Kos, dans le cadre de ce camp et de la structure
21 qui y prévalait, étaient des commandants d'équipe. Parfois, on en parlait
22 comme étant des chefs d'équipe ou comme des commandants d'équipe de
23 gardes. Un certain nombre d'étiquettes ont été données à cette fonction
24 mais cette fonction existait bel et bien, et dans le cadre de toutes ces
25 fonctions, ces individus étaient revêtus de la responsabilité du supérieur
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1 hiérarchique.
2 L'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Dragoljub
3 Prcac, qui avait de loin passé l'âge de la mobilisation en 1992, a repris
4 son emploi en tant qu'officier de police de réserve dans le poste de
5 police d'Omarska et il a pris la fonction de commandant adjoint du camp
6 lorsque Miroslav Kvocka a fait l'objet d'un transfert administratif. Il a
7 lui-même reconnu qu'il s'agissait d'un transfert administratif, il a
8 reconnu cela dans le cadre de l'entretien qu'il a eu avec un journaliste
9 quelque temps avant son arrestation. Il a été donc transféré de façon
10 administrative au poste de police de Tukovi.
11 Par ailleurs, l'accusation a démontré au-delà de tout doute raisonnable
12 que les accusés, dotés d'une autorité issue de supérieurs hiérarchiques
13 dans le contexte très particulier du camp d'Omarska, n'ont pas pris les
14 mesures qui étaient à leur portée, mesures qui leur auraient permis de
15 punir les auteurs de crimes commis contre les détenus. Ces crimes n'ont
16 pas été punis et je voudrais dire ici que, dans un certain nombre de cas,
17 ces accusés, revêtus de l'autorité de supérieurs hiérarchiques, étaient
18 eux-mêmes les auteurs des crimes commis.
19 Je vais maintenant poursuivre, Monsieur le Président, et me pencher sur le
20 cas particulier de Miroslav Kvocka.
21 Miroslav Kvocka est un Serbe de Bosnie, un officier supérieur de police
22 ayant reçu une formation de très haut niveau et dont les capacités ont
23 très tôt été retenues par les organes de police de la SR BIH. Kvocka a été
24 envoyé comme faisant partie des forces de police à l'ambassade de
25 Yougoslavie à Paris, à une époque qui s'est étendue de la fin des années
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1 70 au tout début des années 80, une époque donc où toute l'Europe, et
2 notamment Paris, était dans un état d'alerte du fait des activités de
3 terrorisme qui y étaient perpétrées. Kvocka, tant sur le plan mental que
4 physique, a été spécialement formé à, entre autres, empêcher les entrées
5 non autorisées d'individus sur le territoire de l'ambassade, et a été
6 formé également à la protection du territoire de l'ambassade. La Chambre a
7 entendu Kvocka lui-même dire qu'il avait été désigné commandant de
8 sécurité du polygone de tir de la municipalité de Prijedor. Nous parlons
9 donc d'un homme très qualifié, d'un officier de police qui a reçu toutes
10 sortes de formations de haut niveau.
11 D'après le témoin de la défense Milutin Bujic, qui a été pendant un temps
12 commandant du poste de police d'Omarska -on ne sait pas exactement à
13 quelle phase se trouvait ce poste de police d'Omarska lorsqu'il s'y
14 trouvait-, Kvocka était considéré comme le représentant de la première
15 génération à avoir été diplômé de l'académie de police régulière, il était
16 considéré comme un étudiant excellent, comme un individu très
17 consciencieux, très responsable, un excellent policier. Il menait à bien
18 toutes ses missions dans les délais impartis et il était doué de réels
19 talents de communication.
20 La Chambre de première instance devrait se souvenir que ses talents de
21 communicateur, eh bien, pouvaient disparaître à volonté.
22 Kvocka a dit à l'interrogateur avec lequel il s'est entretenu, il y a
23 plusieurs documents qui attestent de ce fait, 3/201 et 3/202, j'espère
24 que je ne me trompe pas dans les cotes de ces documents-, donc 3/201 et
25 3/202, il apparaît la chose suivante:
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1 "Laissez-moi vous dire la chose suivante: je ne me suis pas plaint à qui
2 que ce soit" -il parle là des conditions de détention qui prévalent à
3 Omarska- "si je me trouvais présent dans une situation où des excès, des
4 abus de ce type pouvaient se produire, eh bien, j'aurais réussi à apaiser
5 les choses, à empêcher ces abus d'être perpétués, et j'aurais permis que
6 la procédure d'enquête se poursuive normalement." (Fin de citation.)
7 Kvocka savait qu'un officier de police avait un certain nombre
8 d'obligations en matière de respect des ordres donnés. Il a lui-même
9 déclaré que lorsqu'un officier de police reçoit un ordre, admet donc que,
10 je le cite: "Vous avez le droit d'y réfléchir à deux fois."
11 Ce qui indique clairement que l'on n'a pas à suivre automatiquement un
12 ordre dont il apparaît clairement qu'il est entaché d'illégalité. Il y a
13 eu des débats qui ont été alimentés par des experts de la défense -et je
14 ne vais pas vous demander dès à présent de vous reporter à ce qui a été
15 dit à ce moment-là- mais je vous demanderais de vous rappeler ce qui a été
16 dit par Lakcevic notamment qui est intervenu à la fin de la présentation
17 de la défense.
18 Les témoignages de ces experts couvrent tous les accusés pour ce qui est
19 de leurs obligations dans le cadre du système de justice pénale qui était
20 alors en place. Vujic a expliqué que lorsqu'un policier a un individu à sa
21 garde, eh bien, que le devoir de l'officier est de préserver cette
22 personne, de faire en sorte qu'elle ne s'échappe pas mais également de
23 s'assurer que cette personne qui est à sa garde est protégée et n'est
24 soumise à aucun type de pression ou de violence.
25 Kvocka a reconnu que les officiers de police de réserve avaient les mêmes
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1 devoirs et obligations que les officiers de police professionnels, il a
2 donc déclaré qu'il était responsable non pas seulement du maintien en
3 détention de ces individus mais également qu'il était responsable de sa
4 sauvegarde et de sa protection.
5 La situation qui prévalait à Omarska en matière des gardes et des détenus
6 était telle qu'il aurait dû démultiplier ce devoir par le nombre de
7 prisonniers qui se comptaient par milliers, mais cela n'a en aucun cas
8 diminué son obligation de faire en sorte également que ces détenus soient
9 maintenus sains et saufs, de faire en sorte que leurs droits humains
10 soient respectés à tout instant.
11 Et même Jasnic qui était un témoin à décharge pour Prcac l'a reconnu. Ceci
12 concerne Kovcka également. Il a reconnu que la structure qui prévalait
13 pour le poste de police d'Omarska avait été transférée dans sa totalité au
14 camp. C'est un point tout à fait capital. La détention, qu'elle se fasse
15 au poste de police d'Omarska ou dans le camp, reste de la détention.
16 Il est impossible de ne pas savoir ce que savaient ces hommes, à savoir
17 que l'on permettait que prévalent des conditions au camp d'Omarska qui
18 étaient telles qu'il était très probable que des crimes soient commis. Il
19 y avait une structure délibérée et systématique par laquelle les
20 obligations, qui prévalent en général pour des officiers, étaient
21 négligées, que ce soient les Conventions de Genève, les protocoles
22 additionnels ou le droit coutumier international. Tout ceci était ignoré
23 délibérément.
24 Et la responsabilité imputée à Kvocka revêt le caractère de l'Article 7.1
25 aussi bien que l'Article 7.3 du Statut.
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1 Si par exemple nous examinons l'un des exemples les plus odieux, relevant
2 du 7.1, c'est là la planification [expurgée],
3 [expurgée]
4 [expurgée].
5 Les éléments de preuve indiquent clairement qu'il y avait une connaissance
6 du fait qu'il y aurait passage à tabac qui impliquait aussi bien Zigic que
7 d'autres gardes mais Zigic, comme les éléments de preuve l'ont prouvé,
8 était l'auteur principal. Or Zigic, il pouvait entrer librement à Omarska.
9 Les éléments de preuve nous montrent que Kvocka était au courant de ce
10 plan et qu'il avait dit au garde, [expurgée]
11 [expurgée] Le
12 garde a obéi aux ordres de Kvocka.
13 Ce dernier a permis qu'il y ait passage à tabac, c'est Zigic qui s'en est
14 chargé, manifestement il était un intrus dans le camp. Malgré tout, les
15 conditions lui étaient facilitées et, à ce moment-là, l'ordre qui a été
16 donné pour ramener le prisonnier montre bien qu'il y avait un contrôle de
17 la part de Kvocka.
18 Deux jours plus tard, a lieu l'incident concernant Beganovic. Kvocka a
19 aussi aidé pour ce qui est de Janjic, puisqu'il a permis à ce garde qui
20 s'appelait Nikica Janjic… Excusez-moi, effectivement, ce n'est pas un
21 garde, lui aussi était un intrus, il lui a été permis de ramener Beganovic
22 une fois de plus à la maison blanche pour qu'il y ait passage à tabac. Là,
23 on lui a donné un petit bout de papier qui disait qu'il était en fait le
24 KOP2.
25 Et Beganovic est venu vous dire qu'il y avait beaucoup de puits de mine
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1 sur le périmètre d'Omarska et que KOP2 c'était un des puits où l'on jetait
2 les cadavres à Omarska. Ceci nous permet de conclure qu'il y avait un plan
3 préexistant qui visait à tuer notamment Beganovic, ce que savait Kvocka,
4 et ce à quoi il a participé et qu'on avait déjà prévu auparavant le lieu
5 où l'on allait se débarrasser de son cadavre.
6 Pour ce qui est des personnes extérieures au camp, il ne faut pas
7 nécessairement qu'il y ait un rapport formel de subordonné à supérieur.
8 Par exemple, par rapport à Kvocka, en sa capacité de commandant adjoint,
9 c'est l'autorité de Kvocka qui a une autorité de contrôle et de pouvoir
10 qui est déterminante ici; Kvocka avait le devoir de l'écarter, de ne pas
11 permettre à cet homme de s'approcher d'un quelconque détenu. Au contraire,
12 il a permis à cet homme de le faire et il a participé à cet état de chose,
13 il n'a jamais pris la moindre mesure pour que ces actes n'aient pas lieu.
14 Le 24 juin 1992, Fata Susic est arrivée à Omarska et Kvocka a ordonné à un
15 autre membre des forces de sécurité, un certain Krle, il a donné à cet
16 homme l'ordre d'escorter cette femme ainsi qu'un autre homme au restaurant
17 où ils devaient être détenus dans des conditions qui étaient vraiment
18 horribles.
19 En donnant ces ordres, ces instructions à ce garde, Kvocka a de façon
20 importante contribué à la détention dans des conditions inhumaines de ces
21 deux Musulmanes. Il est donc responsable de persécution et du fait d'avoir
22 causé des actes inhumains.
23 Kvocka a ordonné que revienne un certain Nusret Sivac. Manifestement, il y
24 avait eu erreur sur son identité, mais Kvocka a donné un ordre à Ranko
25 Mijic qui était apparemment son supérieur. Il a donc relayé cet ordre ce
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1 que j'interprète, de Ranko Mijic, selon lequel Sivac devait ramener à
2 Prijedor, puisque cet ordre avait été relayé par Kvocka, cet homme a été
3 ramené au camp alors qu'il en avait été libéré auparavant.
4 Par la suite, un certain témoin J a été amené à Omarska. Ce témoin a été
5 présenté à Kvocka, Mejakic et Kos dans le bureau du bâtiment
6 administratif. Kvocka avait relayé l'ordre qui avait résulté dans
7 l'arrestation du témoin J et qui avait contribué à sa détention à Omarska.
8 Il a ainsi contribué de façon déterminante à la détention de cette
9 personne dans des conditions inhumaines.
10 Le témoin à décharge Mirko Rajic qui a été le coordinateur du SJB, qui a
11 été mentionné dans un ordre de Drljaca que nous avons montré sur le
12 rétroprojecteur, est venu vous dire que le processus qui consistait à
13 déterminer les lieux où se trouvait un prisonnier à l'intérieur du camp et
14 l'accompagnement de ce prisonnier dans les salles où se faisaient les
15 interrogatoires, ce processus se trouvait sous le contrôle de Zeljko
16 Mejakic.
17 Ce qui signifie que cela se faisait sous le contrôle de Miroslav Kvocka et
18 de ceux qui se trouvaient dans cette chaîne hiérarchique.
19 Quant à savoir s'il y avait des chaînes hiérarchiques multiples ou
20 doubles, c'est une question qui a été souvent posée. Que ceci soit le cas
21 ou pas, cela ne change rien au fait qu'au camp d'Omarska le contrôle que
22 l'on avait sur les détenus, ce contrôle était très fermement entre les
23 mains de ceux qui faisaient la police, à savoir de Mejakic ou de Kvocka,
24 de quiconque qui se trouvait à l'intérieur de cette chaîne hiérarchique-
25 là.
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1 En observant passivement, en acquiesçant de cette façon à la perpétration
2 de mauvais traitements envers les détenus pendant les interrogatoires,
3 Kvocka, Radic, Kos et Prcac sont responsables en vertu de la théorie de la
4 responsabilité pénale, puisqu'ils ont contribué à ces actes infligés aux
5 détenus.
6 C'est d'autant plus odieux que la Chambre verra, lorsqu'elle verra où se
7 trouvaient ces différents lieux, la Chambre verra que ces hommes passaient
8 pas mal de temps dans un bureau, le bureau de permanence, qui se trouvait
9 à proximité de ces salles d'interrogatoire et étaient à portée de voix,
10 c'est-à-dire qu'ils entendaient les gémissements, les souffrances que
11 subissaient ces détenus qui étaient en train d'être maltraités et passés à
12 tabac.
13 Kvocka voudrait que la Chambre fasse une distinction entre les crimes
14 commis en sa présence et ceux qui n'étaient pas commis en sa présence.
15 Kvocka a dit aux enquêteurs du Bureau du Procureur, dans son entretien à
16 la page 35, que: "S'il y avait des sévices perpétrés en ma présence, on
17 attendrait de moi que j'y mette fin par une injonction ou par une
18 intervention décidée pour expliquer qu'en vertu du règlement, ce type de
19 sévices n'était pas autorisé.".
20 C'est un aveu intéressant puisque, manifestement, cela veut dire qu'il y
21 avait un règlement. C'est d'ailleurs ce qu'ont dit plusieurs experts de la
22 défense et c'est ce que disent aussi les éléments de preuve documentaires
23 qui ont été versés au dossier. C'est ce qu'ont dit plusieurs témoins aussi
24 qui sont venus. Ce n'étaient pas nécessairement des experts, mais
25 c'étaient des collègues.
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1 Il y avait des experts aussi en matière de faits, par exemple ce qu'a dit
2 Bujic à un officier de police. Kvocka a affirmé que: "Ce qui se passait
3 hors ma présence, si je ne faisais qu'en entendre parler, j'avais pour
4 devoir d'en parler à Mejakic". (Fin de citation.)
5 Kvocka a dit aux journalistes bien des jours avant son arrestation ceci,
6 je le cite: "Je ne me suis plaint à personne de ce qui se passait. Si
7 j'étais présent lorsqu'il y avait des abus qui étaient commis, j'essayais
8 d'intervenir et je veillais à ce qu'une enquête soit menée en bonne et due
9 forme. Je ne me suis plaint à personne."
10 Nous savons qu'il n'y a pas eu d'enquête, nous savons qu'il n'y a eu
11 aucune punition infligée au regard des actes qui avaient été commis à
12 Omarska. C'est ce que dit la pièce versée par l'accusation et qui porte la
13 cote 3/201 à la page 4.
14 La responsabilité qu'encoure Kvocka pour des persécutions, pour des actes
15 inhumains, pour les atteintes à la dignité personnelle, pour la torture,
16 pour les traitements cruels et le meurtre relèvent de la théorie de la
17 responsabilité pénale individuelle, il encoure cette responsabilité en
18 vertu de la doctrine du dessein commun en tant que co-auteur et, dans les
19 affaires où sont en cause des camps de concentration. L'accusation a dû
20 prouver qu'il y avait existence d'un dessein commun pour montrer qu'il y
21 avait un système imposé pour infliger des mauvais traitements aux détenus.
22 C'est ce que nous avons fait.
23 Il y a responsabilité, pas seulement à cause du processus physique, qu'il
24 ait participé activement en tant qu'instigateur principal ou secondaire,
25 en tant que complice, ici il fait partie du projet de l'entreprise
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1 commune. Et le degré de participation importe peu pour déterminer la
2 responsabilité. Elle intervient cependant au niveau de la peine qui sera
3 infligée. L'intention de mettre en place un dessein ou de réaliser un
4 dessein commun peut être déduite, il ne faut pas nécessairement avoir des
5 preuves directes, peut être déduite des omissions ou des conditions qui
6 prévalaient au camp d'Omarska. Il faut voir l'intention délictueuse, la
7 mensrea, qui est particulière à cette catégorie du dessein commun; elle
8 doit être prouvée et l'accusation affirme qu'elle l'a fait en l'espèce.
9 Les allégations retenues par l'accusation, en vertu de cette
10 responsabilité du dessein commun pour des actes de persécutions qui se
11 font dans un contexte de persécution et de répression, comme c'est le cas
12 à Omarska et pour Zigic à Keraterm, dans ce cas, l'accusation doit
13 simplement prouver qu'il y avait connaissance personnelle de l'accusé
14 quant à la nature du système de répression en place et qu'il y avait
15 l'intention de poursuivre davantage l'existence de ce système. Il y a des
16 preuves écrasantes amenées par l'accusation qui convaincront la Chambre
17 dans ce sens.
18 Puisque, une fois que l'on a montré qu'il y avait participation à ce
19 système de répression, de ce fait Prcac, Kvocka, Zigic et Prcac sont
20 responsables et tous les actes de persécution commis dans le camp
21 d'Omarska au cours de la période durant laquelle ils ont travaillé dans ce
22 camp et pour Zigic pendant les périodes auxquelles il se serait trouvé au
23 camp.
24 Lorsque je discute de cet aspect, je m'intéresse surtout aux quatre
25 officiers de police: Kvocka, Radic, Prcac ainsi que Kos. Et ceci se fonde
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1 sur la catégorie camp de concentration qui a été retenue dans la décision
2 Tadic pour déterminer le dessein ou le but commun.
3 L'accusation sait qu'il y a un autre critère ou plutôt une définition plus
4 avancée de la catégorie de la responsabilité qui a été déterminée dans
5 l'affaire Brdjanin Talic, à savoir que par les actes de participation,
6 s'est ainsi manifestée l'intention de promouvoir le plan commun et que, si
7 des questions se posent à ce propos, par la suite, sur ce point,
8 l'accusation pourra revenir sur les faits précis concernant la présente
9 affaire pour établir ce type de catégorie.
10 La mens rea, l'intention délictueuse qui est à la base de l'établissement
11 de la responsabilité, peut se déduire du poste de pouvoir, d'autorité des
12 fonctions précise qu'exerçaient les accusés dans le camp. Examinons
13 d'abord Zigic et la responsabilité qu'il encourt au regard du 7.1 en tant
14 que coauteur des événements et des actes commis à Keraterm pendant qu'il y
15 faisait fonction de garde. Il faut que la Chambre se penche sur son cas.
16 C'est lui-même qui a apporté la preuve de son statut de garde et ceci doit
17 être pris en compte dans le cadre des délibérations.
18 Il n'y a pas eu de contrainte, cette thèse n'a pas été corroborée ni par
19 Kvocka ni par les témoins qu'il a appelés à la barre, et même s'il y avait
20 un certain degré de contrainte, ceci ne l'exonère pas de ses
21 responsabilités pénales, ceci pourrait tout au plus être pris en compte au
22 niveau de la diminution de la peine, mais il n'y avait pas de contrainte
23 en ce qui concerne Kvocka. Au contraire, Kvocka a montré qu'il était libre
24 de se déplacer, d'entrer et de sortir d'Omarska comme il le voulait. Il a
25 pu faire sortir du camp des détenus qui étaient ses beaux-frères pendant
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1 près d'un mois en toute impunité. Il était en mesure d'être muté à Tukovi.
2 Il aurait voulu faire croire à cette Chambre que c'était là une punition
3 qui lui était infligée, or rien n'est venu prouver cela. Au contraire,
4 Tukovi, et nous l'avons prouvé au moment des faits, c'était le poste de
5 police qui était le plus proche de la zone de Brdo, qu'il fallait nettoyer
6 ethniquement, c'est ce que prévoyait ce plan, cela devait se faire vers le
7 24 juillet.
8 Kvocka y a été muté parce que c'était un officier de haut rang qui était
9 censé donner un coup de main à ce poste provisoire de Tukovi pour régir,
10 pour organiser tout le processus qui allait découler de cette opération de
11 nettoyage ethnique et jamais il n'a été puni pour tous ces actes, le fait
12 qu'il ait sorti ses beaux-frères ou pour autre chose. Sa mutation à Tukovi
13 c'était un vote de confiance, c'était très important qu'il y soit envoyé
14 pendant le nettoyage ethnique. Il est impossible d'interpréter ces
15 événements et, d'ailleurs ceci n'est pas appuyé par la moindre preuve,
16 rien ne montre que sa mutation ait été une punition.
17 C'était un officier de police dont les capacités avaient été reconnues et
18 appréciées, donc il a été muté dans ce sens pour répondre au besoin de la
19 police, comme il l'a dit lui-même dans son interview. Et puis, voyez le
20 degré de liberté dont il jouissait.
21 La famille de sa femme il a pu l'aider, il y a eu de tels actes
22 d'assistance sans impunité, donc ce n'est pas un homme qui aurait été
23 susceptible d'être puni de la moindre façon que ce soit pour les actes
24 commis à Omarska.
25 Kvocka, et ceci montre qu'il n'y a pas eu contrainte, dit: "Personne ne
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1 m'a donné l'ordre de maltraiter qui que ce soit, de tuer qui que ce soit,
2 de voler qui que ce soit, donc si de telles situations se reproduisaient
3 et si on me donnait une fonction d'enquêteur dans le cadre de la structure
4 du camp, je m'en acquitterai, sans aucun doute". Ceci, il le dit dans
5 l'entretien qu'il accorde quelques jours avant son arrestation, c'est la
6 pièce de l'accusation 3/201, à la page 5. Il dit au monde entier qu'il est
7 prêt à refaire ce qu'il a déjà fait, il n'y a aucun degré de contrainte
8 là-dedans.
9 On me rappelle que Kvocka, lorsqu'il est allé à Tukovi, était nommé au
10 poste de commandant adjoint, ceci n'est pas une punition, quelle que soit
11 l'interprétation que l'on donne à ce fait. Par la suite, en 1994, sa
12 carrière a connu un nouvel essor lorsqu'il a été promu au poste de chef
13 d'équipe au poste de police de Prijedor, c'est un poste important d'après
14 ce qu'a dit Brane Boda. Jamais il n'a été puni pour avoir aidé l'ennemi
15 alors qu'il a essayé de dire à cette Chambre qu'on le considérait comme
16 étant trop partisan des Musulmans, comme étant quelqu'un qui pouvait
17 changer de camp. Même Radic a indiqué qu'il y avait un garde qui
18 s'appelait Dusan Jokic qui pouvait quitter son poste de garde et pouvait
19 aller chez le boucher. Ce qui veut dire que personne ne devait rester à
20 son poste, que les gens qui faisaient ce qu'ils faisaient étaient libres
21 de le faire.
22 Est-ce que le moment se prête bien à une pause?
23 M. le Président: Oui, c'est le moment pour faire la pause. Nous allons
24 faire une pause d'une demi-heure.
25 (L'audience, suspendue à 10 h 50, est reprise à 11 heures 25.)
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1 (Les accusés regagnent le prétoire.)
2 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
3 Madame Suzanne Somers, nous allons continuer jusque vers une 1 heure moins
4 10.
5 Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
6 Je vais passer à la responsabilité de Miroslav Kvocka en ce qui concerne
7 l'Article 7.3 du Statut.
8 Le contrôle effectif qu'il avait sur des personnes commettant les crimes à
9 la base de l'Acte d'accusation, en ce qui concerne la capacité matérielle
10 qu'avait la personne dans ces ordres d'empêcher et de punir ces actes, est
11 en fait le contrôle de jure ou de facto. Ce qui est déterminant, c'est le
12 fait de savoir si on a un pouvoir de contrôle effectif ou pas sur les
13 actions entreprises par des subordonnés.
14 Une désignation formelle en tant que commandant ne doit pas être
15 considérée comme étant une condition préalable nécessaire pour entraîner
16 la responsabilité du supérieur hiérarchique. Cette dernière peut être
17 impliquée en vertu de la position de facto ou de jure qu'un homme peut
18 avoir en tant que commandant.
19 Kvocka aimerait vous faire croire que sa position est la suivante: seuls
20 ceux qui sont en mesure de donner des ordres obligatoires devraient
21 encourir leur responsabilité pénale pour les actes commis par des
22 subordonnés, et ceci ne peut concerner qu'un commandant militaire,
23 impliquant, par-là, que ceux qui ne font que relayer les ordres ne sont
24 pas responsables. Il faut également, dit-il, que le commandant militaire
25 reçoive l'aide du chef du quartier général et que, si ce dernier n'a pas
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1 donné de commandement, la personne concernée ne peut pas être considérée
2 responsable. Voilà ce qu'il nous dit. Or, c'est sans fondement aucun.
3 Ce que dit l'accusation, c'est ceci: Kvocka ainsi que Prcac, ceci après
4 que Kvocka eût quitté le camp d'Omarska, ont de plein gré participé au
5 fonctionnement du camp et avaient des entreprises communes criminelles.
6 Ce qui s'est passé à Omarska, les crimes qui ont eu lieu à Omarska, pour
7 lesquels Kvocka encourt la responsabilité du supérieur hiérarchique, ont
8 été montrés à plusieurs reprises. Mais aujourd'hui, nous avons parlé du
9 passage à tabac de [expurgée]
10 [expurgée]
11 [expurgée].
12 [expurgée]
13 [expurgée]
14 [expurgée]
15 [expurgée]
16 [expurgée], la présence de
17 Kvocka était bien plus importante que celle de Mejakic. Il se peut que
18 ceci, à juste titre, ait donné l'impression à certains témoins qu'il était
19 commandant, commandant qui aurait été remplacé par Mejakic qui a commencé
20 à se présenter plus souvent au camp d'Omarska.
21 Je rappelle à la Chambre de première instance que Kvocka lui-même s'est vu
22 poser des questions. On lui a demandé s'il n'avait pas pris les devants
23 pour ce qui est des responsabilités en ce qui concerne Omarska, le 29 mai
24 ou peut-être le 28, au moment où Jankovic, qui est le supérieur cité par
25 Drljaca, était celui qui avait la fonction de supervision et de
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1 responsabilité sur Omarska, lorsque Jankovic a appelé le poste où Kvocka
2 travaillait la nuit et Kvocka lui-même a admis que c'est lui qui a pris
3 une décision unilatérale. Il a décidé de ne pas réveiller Mejakic, mais de
4 se présenter en personne au camp d'Omarska. C'est un point très important
5 parce qu'on lui dit de faire quelque chose d'autre; or, lui décide lui-
6 même de se rendre à Omarska et de représenter ce camp d'Omarska pendant
7 plusieurs heures, jusqu'au moment où Mejakic se présente.
8 Il ne se contente pas d'aller lui-même, il amène avec lui la vingtaine de
9 réservistes qu'il avait reçu l'ordre d'emmener. Donc il prend le contrôle.
10 C'est un acte de commandement. Il prend la responsabilité de se présenter
11 à Omarska. C'est lui qui prend la responsabilité de se charger de choses
12 qui étaient normalement le fait du commandant.
13 A un moment donné, bien sûr, Mejakic se présente au camp, même si les
14 éléments de preuve que nous avons apportés montrent qu'il ne connaissait
15 pas bien le fonctionnement d'Omarska le jour où il est arrivé au camp et
16 si nous avons prouvé que Kvocka l'a aidé à trouver ses marques.
17 Il est significatif de voir que Kvocka reconnaît qu'il aurait pu
18 téléphoner à Mejakic, mais a décidé de ne pas le faire. Il a décidé de
19 faire le contraire. Dans l'entretien qui a été enregistré, il insiste sur
20 le fait que lui, Kvocka, avait contacté les 25 réservistes sans réveiller
21 Mejakic qui était le commandant du poste de police d'Omarska.
22 Une dizaine de jours après que Mejakic ait été nommé chef du poste de
23 police, nous voyons à la page 6 de l'entretien de Kvocka ceci: "Mejakic
24 m'a demandé à moi, Kvocka, et à un autre collègue de l'aider en notre
25 qualité d'officiers de haut rang". Donc il demande, Zeljko leur a demandé
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1 de l'aider dans les affaires de police. C'est une désignation de facto en
2 tant que commandant adjoint. C'est ce que dit l'accusation. Ceci se trouve
3 à la page 6 de l'entretien enregistré.
4 Kvocka a rencontré les recrues au camp d'Omarska le 28 ou le 29 mai et les
5 place sous les ordres d'un policier qu'il ne connaissait pas, lequel
6 emmène cette vingtaine de personnes et les emmène à la guérite du poste de
7 sécurité en respectant un système qui a déjà été mis en place. C'est ce
8 que dit Kvocka dans son entretien aux pages 13 et 14.
9 Et même après l'arrivée de Mejakic à Omarska, même après son arrivée,
10 Kvocka dit que Zeljko Mejakic, je le cite: "M'a demandé de rester pour
11 continuer de m'occuper de certaines choses". Sa position apparaît
12 immédiatement. Le poste qu'il occupait est renforcé. Exemple après
13 exemple. Mettons, comme le dit Kvocka, un collègue plus chevronné. Il
14 était là pour aider les autres puisqu'il était censé leur expliquer à eux,
15 aux nouvelles recrues, comment ils devaient remplir leur fonction, compte
16 rendu de l'interrogatoire page 16. L'accusation avance quant à elle qu'il
17 s'agit de ce que fait justement des actes d'un supérieur hiérarchique. Et
18 je souhaiterais que la pièce 316, ou plutôt 3186 soit placée sur le
19 rétroprojecteur. 3/186.
20 Cette pièce qui a été versée au dossier, il s'agit d'un programme, d'un
21 calendrier de travail de 1991 qui émane de Fikret Kadiric qui à l'époque
22 était le commandant du poste de police, et Kvocka a confirmé d'ailleurs
23 que précédemment ce Fikret Kadiric avait été son supérieur hiérarchique et
24 jusqu'en 1991, c'était lui le commandant du poste de police de Prijedor.
25 Ce qui est intéressant, c'est qu'ici ce tableau des affectations de
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1 chacun, cela relève des fonctions d'un commandant, d'un supérieur
2 hiérarchique et je souhaiterais que la Chambre se souvienne que pendant le
3 contre-interrogatoire de Kvocka, dans son interrogatoire, pièce 3/201, on
4 a donc lu des extraits de cet interrogatoire, et dans cet interrogatoire
5 Kvocka lui-même, quelques jours avant son arrestation, se voit demander
6 par M. Benett ce qu'il faisait à Omarska.
7 Et il répond: "Eh bien, je ne peux pas dire que j'avais une autorité en
8 tant que commandant, moi j'étais chargé de contrôler le travail, de voir
9 que les gens étaient bien à leur poste". Il s'agit là d'affectation des
10 postes, et cela relève des fonctions d'un supérieur hiérarchique, d'un
11 commandant. Il le reconnaît lui-même et il n'y a rien de plus important
12 que d'affecter les personnes les plus compétentes aux postes qui leur
13 conviennent le mieux.
14 Dans cet entretien, Kvocka précise qu'on lui avait demandé d'établir un
15 tableau, un tableau de permanence, un tableau des équipes au centre
16 d'instruction. Cela est absolument essentiel puisque cela fait le lien, et
17 c'est lui-même qui le dit, entre les fonctions qu'il avait et des
18 fonctions qui indéniablement étaient celles de quelqu'un qui détenait un
19 poste de commandement, qui était un supérieur hiérarchique.
20 A la page 38 du compte rendu de son interrogatoire, Kvocka reconnaît que
21 lui, il était très souvent présent au camp, contrairement à Mejakic. C'est
22 un camp où vous avez environ 3000 détenus, avec des variations bien
23 entendu suivant la période, et il est inconcevable qu'il n'y ait pas à
24 tout moment, vu la taille de la population, qu'il n'y ait pas un
25 commandant. C'est tout à fait inconcevable dans le monde civil, et c'est
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1 encore plus inconcevable dans un contexte tel que celui du camp d'Omarska.
2 Kvocka a parlé de ses fonctions à Omarska et il a dit qu'il fallait qu'il
3 surveille la façon dont les policiers travaillent, comment cela se
4 passait, et aussi, je cite: "me servir de mon expérience pour les guider,
5 pour qu'ils fassent leur travail mieux", page 39 du compte rendu
6 d'interrogatoire.
7 Nous avançons qu'il s'agit là de toutes les fonctions de contrôle, de
8 supervisions qui sont celles d'un supérieur hiérarchique, d'un commandant.
9 Or Kvocka n'a pris absolument aucune mesure suite à des crimes, à des
10 événements qui ont eu lieu dans l'enceinte du camp d'Omarska.
11 Examinons un instant le meurtre de Mermedalija Nasic, un Musulman âgé, qui
12 était furieux suite aux conditions de vie déplorables qui régnaient à
13 Omarska. Il s'est exprimé verbalement à ce sujet et il a été abattu par un
14 garde dénommé Popovic, que l'on a souvent désigné également sous le nom de
15 Pavlic.
16 Je souhaiterais, quelques instants seulement, vous montrer sur le
17 rétroprojecteur la pièce à conviction de l'accusation 3/236, je souhaite
18 vous présenter cette pièce pour vous montrer à quoi ressemblait la zone du
19 réfectoire, du restaurant. Il y avait un plafond, vous avez des vitres.
20 Voici le restaurant. Pavlic ou Popovic est venu dans ce prétoire et nous a
21 raconté une histoire complètement abracadabrante au sujet de ce meurtre,
22 de ce meurtre qui n'a été sanctionné en aucune manière.
23 Kvocka a fait venir ce témoin pour dire à la Chambre que lui se trouvait à
24 l'extérieur des vitres et que, se trouvant à cet endroit, il a tiré avec
25 son arme, tiré de telle manière qu'il y a eu ricochet sur le plafond,
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1 probabilité d'un sur un million, et ce coup a tué Nasic et a blessé deux
2 autres personnes.
3 Il ne s'agit pas là d'un acte imprudent, en tout cas à ce moment s'il
4 s'agit effectivement d'un acte imprudent, cela revient à un homicide
5 involontaire parce que tirer son arme ce n'est pas un acte innocent. Mais
6 nous, nous avançons que, bien au-delà de cela, il s'agit d'un meurtre
7 délibéré. Dans les quelques jours qui ont suivi cet incident, Popovic
8 était déjà de retour au camp.
9 Du point de vue de la balistique -et nous avons tous suffisamment
10 d'expérience dans ce domaine pour savoir que tout ceci est complètement
11 inconcevable- or ce type d'incident est présenté d'une façon tellement
12 cynique que cela nous montre que tous ceux qui se trouvaient à Omarska,
13 tous les détenus ne représentaient rien pour ceux qui contrôlaient ce
14 camp, et l'utilisation de ce type de force ne peut se justifier d'aucune
15 façon puisqu'il s'agissait de civils qui n'étaient pas armés, qu'il y
16 avait un grand nombre de gardes sur tout le périmètre du camp et qu'il
17 était absolument inutile d'avoir recours aux armes pour faire taire un
18 homme qui était énervé, furieux, suite aux conditions de vie qui régnaient
19 au camp. Et cet homme a donc été assassiné. Il s'agit d'un meurtre.
20 J'ai présenté certains des points les plus importants relatifs à l'accusé
21 Kvocka, mais je pense qu'il convient également de mentionner que six ou
22 sept mois après la fermeture du camp, après le moment où il a quitté le
23 camp -bien qu'on ne sache pas exactement à quel moment-, donc au début
24 1993, Kvocka, une nouvelle fois, profitant de son poste, de ses
25 responsabilités, accompagné de Gruban alias Ckalja, un autre chef
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1 d'équipe, a volé les biens de la famille du témoin, de la sœur du témoin W
2 qui est venu témoigner ici même.
3 Et on voudrait nous faire croire, Kvocka voudrait nous faire croire que
4 profitant de son poste, de ses responsabilités, il a ordonné à W -qu'il
5 connaissait depuis longtemps- de déterrer les biens que sa sœur avait
6 enterrés, sa sœur dont l'époux avait été tué sous ses propres yeux dans le
7 cadre d'une campagne de nettoyage ethnique effectuée par les autorités
8 serbes, Kvocka voudrais nous faire croire qu'il a fait cela pour que la
9 sœur puisse en bénéficier et que lui bénéficie également de cet acte, or
10 cela défie toute crédibilité.
11 Qu'est-ce qui s'est passé en l'espèce? Eh bien, il a profité, il a essayé
12 d'abuser des malheurs qu'avaient connus ces détenus. Ce n'est qu'un
13 exemple parmi d'autres du genre d'actes dont il s'est rendu coupable. Et
14 ce type d'actes nous amène à douter de tous les actes de gentillesse dont
15 il aurait fait preuve pendant qu'il était au camp, donnant des cigarettes,
16 donnant de la nourriture aux détenus. Sa motivation, ce n'était pas la
17 gentillesse, ce n'était pas l'amour de l'autre, c'était le profit.
18 Peut-être devrais-je également mentionner un autre point, c'est le fait
19 que Kvocka, quand il nous parle de son rôle à Omarska, dans un entretien
20 qu'il a donné à ce sujet, Kvocka nous parle des conditions de vie qui
21 règnent au camp, et il parle de ses préoccupations, de ce qui est pour lui
22 la priorité, à savoir nourrir ses hommes, s'occuper des siens à Omarska.
23 Jamais, jamais au grand jamais il n'exprime aucune préoccupation au sujet
24 des conditions de vie déplorables, catastrophiques dans lesquelles vivent
25 les détenus. Lui, tout ce qui lui importait, c'était que ses hommes à lui
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1 aillent bien.
2 Ce type de cynisme nous fait dresser un parallèle tragique dans l'histoire
3 qui montre la dureté dont certains peuvent faire preuve. Pendant le régime
4 nazi, les officiers n'avaient pas le courage de regarder leurs victimes
5 dans les yeux et ils s'éloignaient des victimes eux-mêmes en créant un
6 environnement plus stérile qui créait une distance entre la victime et
7 l'auteur du crime, avec les chambres à gaz ou les camions où les gens
8 étaient gazés. En d'autres termes, ici tout ce qui comptait c'était le
9 bien-être de ces criminels. Jamais on n'a pensé aux détenus.
10 Et Kvocka, dans son entretien (pièce 3/201 et pièce 3/202), dit que sa
11 mission à lui, c'était d'assurer le bien-être de ses hommes. Cela nous
12 donne une idée de son comportement qu'aucun témoin ne peut confirmer, cela
13 nous donne une idée très précise du rôle que cet homme se voyait à Omarska
14 et de la valeur qu'il accordait à la vie des milliers de détenus à
15 Omarska.
16 Maintenant, je vais passer à l'accusé Milojica Kos.
17 Milojica Kos, c'était un garçon de café de profession et il a été mobilisé
18 au sein de la police de réserve. Au compte rendu d'audience de
19 l'interrogatoire de Kvocka, page 59, Kvocka nous a dit qu'il pensait que
20 Kos avait été désigné par Mejakic pour occuper le poste de chef d'équipe,
21 une des trois équipes qui existaient.
22 Kos, c'était quelqu'un à qui on faisait confiance, et Kvocka lui faisait
23 suffisamment confiance pour que, lorsque Kvocka est parti pour sa nouvelle
24 affectation à Tukovi, quand il a quitté Omarska, il demande à Kos et
25 Gruban -Gruban qui était un autre chef d'équipe-, il leur a donc demandé
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1 de s'occuper de ses beaux-frères qui allaient rester à Omarska alors que
2 Kvocka, lui, était muté ailleurs. Kvocka a indiqué qu'il pensait que Kos
3 et Gruban étaient plus murs.
4 Kos, Gruban et Radic se sont servis de la pièce B5, pièce qui est
5 également utilisée par Kvocka et Mejakic comme bureau.
6 Je souhaiterais quelques instants placer sur le rétroprojecteur la pièce à
7 conviction 3/223B qui nous montre le couloir le long duquel on trouve la
8 pièce B5.
9 Donc ces hommes partageaient cette pièce et cela indique clairement le
10 niveau de responsabilité qui était le leur. On essaie de vous faire croire
11 qu'on pouvait entrer comme on le souhaitait dans ce bureau. D'après la
12 défense, peu importait qui on était pour pouvoir entrer dans cette pièce.
13 Mais cela n'est pas vrai. Cela n'est pas possible. Ce bureau, on y
14 trouvait également des dactylos qui savaient tout ce qui s'y passait et
15 c'était un bureau où il n'était pas possible d'entrer pour n'importe qui.
16 Le fait qu'on ait pu y entrer et en sortir comme dans un moulin ne
17 correspond pas à la situation qui existait à Omarska.
18 Kvocka nous a parlé des équipes et nous a expliqué que, dans chaque
19 équipe, vous aviez des gardes permanents. Bien entendu, il pouvait
20 toujours y avoir des changements. Or, ceci est important parce que la
21 Chambre a entendu des témoins qui lui ont expliqué que, des détenus qui
22 parlaient de l'équipe de "Krkan", l'équipe de "Krle", donc, chaque équipe
23 de garde était identifiée clairement et mise en rapport direct avec son
24 chef.
25 Kos était à Omarska, il était chef d'une équipe de garde, et ceci de la
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1 fin du mois de mai 1992 jusqu'à la fin du mois d'août 1992. En d'autres
2 termes, il est resté là pendant toute la durée du fonctionnement du camp
3 d'Omarska.
4 Son intention de participer au système de répression qui existait au camp
5 d'Omarska, on peut le déduire de la position qu'il occupait en tant que
6 chef d'équipe, une position d'autorité, et on peut la déduire également de
7 son comportement et du fait qu'il soit resté à Omarska pendant toute la
8 durée d'existence de ce camp.
9 En tant que chef d'équipe commandant d'une équipe de garde, il a joué un
10 rôle crucial dans le fonctionnement d'Omarska et dans la catégorie du
11 dessein commun pour les camps de concentration, je me réfère à la
12 catégorie 2 de Tadic, il est responsable des crimes qui ont eu lieu
13 pendant le fonctionnement du camp en sa présence.
14 Aux termes de la catégorie n°1 de la doctrine du dessein commun, on peut
15 considérer que Kos peut être reconnu responsable pour sa participation à
16 une entreprise d'extorsion d'argent au détenu Emir Beganovic. Il s'agit
17 d'une forme de violence psychologique, de pression exercée sur cet homme à
18 qui on a dit que, s'il donnait de l'argent, il aurait plus de chances de
19 s'en tirer. On peut voir clairement l'intention volontaire de Kos
20 puisqu'il est revenu à la charge une deuxième fois auprès de ce détenu
21 dans le même objectif.
22 Kos était tout à fait au courant des conditions atroces qui régnaient à
23 Omarska. D'ailleurs, il lui est arrivé de refuser d'entrer dans la maison
24 blanche où se trouvait le témoin AV à cause de la puanteur qui régnait
25 dans cette pièce.
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1 Kos a forcé le témoin AV à donner une gifle à un autre prisonnier. Les
2 gardes qui appartenaient à l'équipe de Kos ont menacé un certain Muhamed
3 Cehajic qui précédemment avait été maire de Prijedor, et ils l'ont menacé
4 de mort s'il ne leur remettait pas 400 marks. Cehajic, qui est porté
5 disparu, a été vu pour la dernière fois à Omarska.
6 Cehajic donc, avant cette exigence, avant cette tentative d'extorsion,
7 avait été passé à tabac. L'accusation avance que Cehajic a été plusieurs
8 fois pris à partie par les gardes, des gardes qui appartenaient à
9 différentes équipes. Cependant l'acte, la tentative d'extorsion, a eu lieu
10 pendant que les gardes de Kos étaient en service. Il avait été roué de
11 coups. On lui a dit que s'il n'arrivait pas à donner cet argent, on allait
12 le tuer. Il a réussi à se procurer l'argent, il est rentré dans la pièce
13 où il était détenu et il a ainsi pu éviter cette fois-là d'être de nouveau
14 passé à tabac par les gardes.
15 Je souhaiterais attirer votre attention sur le témoignage de Safet Cehajic
16 dans ce contexte. Les gardes se riaient de M. Cehajic, l'ancien maire, et
17 il est arrivé qu'ils refusent que le seau qui servait de toilette soit
18 vidé par une autre personne que M. Cehajic, le maire. Et Zuti, un garde
19 qui appartenait à l'équipe de Kos, a dit au témoin F, qui avait été frappé
20 à coups de crosses de fusil et de matraques par les gardes de l'équipe de
21 Kos, il lui a dit qu'il pensait qu'elle aurait dû être tuée déjà
22 puisqu'elle avait été qualifiée d'extrémiste, ce qui montre l'intention
23 discriminatoire qui était patente chez ces gardes.
24 Kos aurait dû savoir ou aurait dû avoir des raisons de savoir que, du fait
25 que ces hommes traitaient ce témoin F d'extrémiste, il était probable
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1 qu'elle serait ciblée et qu'on allait s'en prendre à elle puisqu'elle
2 avait été caractérisée, qualifiée de la sorte.
3 Kos était chef d'équipe lorsque Mermedalija Nasic a été tué au restaurant.
4 C'est ce vieil homme qui est devenu fou de rage et qui a donc été tué par
5 Pavlic, alias Popovic. Et comme les vitres avaient été brisées quand
6 Popovic a tiré depuis l'extérieur à l'intérieur du restaurant, donc les
7 vitres avaient été brisées, suite à cela Kos est venu voir les détenus qui
8 étaient sur place au moment où cela s'était produit au restaurant, et il
9 leur a dit, il a dit aux détenus de rassembler de l'argent, de collecter
10 de l'argent pour pouvoir payer, pour remplacer cette vitre qui avait été
11 brisée lors du meurtre de ce détenu.
12 Les prisonniers ont effectivement collecté cet argent, mais un garde
13 dénommé Jokic…
14 Et d'ailleurs la collecte de cet argent ne s'est pas forcément passé tout
15 de suite, cela c'est très important de le noter; cela s'est passé un petit
16 peu après cet événement, mais pas immédiatement après.
17 Donc, une fois que l'argent a été rassemblé par les détenus, un garde
18 dénommé Jokic, dans ce que l'on peut qualifier de manifestation de
19 conscience humaine assez rare dans les circonstances, a restitué cet
20 argent aux détenus. Il ne voulait avoir aucune part à cette manœuvre.
21 Mais le lendemain, Kos a appris ce que Jokic avait dit. Il l'a tancé
22 d'importance en lui disant: "Tu veux les aider alors qu'eux, ils veulent
23 t'égorger". Et puis Kos a ajouté à l'intention de Jokic: "Tu n'appartiens
24 plus à mon équipe". De nouveau, les détenus ont été pris à partie par les
25 gardes, à partir de ce moment-là.
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1 Celui qui nous a relaté cela, c'est M. Mesan, et M. Mesan n'a jamais dit
2 non plus que l'argent destiné à remplacer les vitres a été rassemblé la
3 même nuit. C'était un petit peu de temps après. Mais l'argent en tout cas
4 a été restitué à peu près une demi-heure après qu'il ait été remis aux
5 gardes.
6 L'intention discriminatoire, on peut la déduire de la formulation utilisée
7 par Kos: "Ils", "ils voudraient bien t'égorger, "eux", "ils"! Et on peut
8 le déduire également des mauvais traitements qui ont ensuite été infligés
9 aux détenus. Tout ceci vient à l'appui de la responsabilité pour fait de
10 persécution aux termes de l'Article 7.1. Ce comportement s'inscrit
11 également dans la catégorie 1 qui fait partie de la doctrine du dessein
12 commun.
13 Kos est responsable individuellement du meurtre d'un détenu musulman
14 dénommé Crnalic, qu'il a abattu, qu'il a tué au moment où M. Crnalic, qui
15 n'était pas armé, n'a pas obéi à l'ordre que lui donnait Kos de s'arrêter
16 de marcher. Cet homme allait de la maison blanche vers la Pista.
17 D'après le témoin J, Silvije Saric, un Croate et président du HDZ de
18 Prijedor, le parti national croate à Prijedor, ainsi qu'Abdulah Puskar,
19 professeur de mathématiques, ont été amenés au premier étage du bâtiment
20 administratif et là, le témoin J, elle a entendu ces deux hommes implorer
21 Kos et d'autres hommes de ne pas les passer à tabac. Elle a entendu Kos
22 hurler.
23 Le témoin B, qui avait été élève de M. Abdulah Puskar a également entendu
24 les bruits de ce passage à tabac et a entendu les jurons proférés par ceux
25 qui passaient à tabac M. Saric et M. Puskar.
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1 D'autres détenus ont dit au témoin B que ces deux hommes étaient décédés
2 suite à ces passages à tabac. Le témoin B a attesté du fait qu'après ces
3 passages à tabac, elle n'a plus revu ni M. Puskar ni M. Saric à Omarska.
4 Donc Kos est responsable pour actes de meurtre aux termes de l'Article 7.1
5 pour avoir commis ou aidé et encouragé cet acte. Il est également
6 responsable au titre de la catégorie n°1 du dessein commun.
7 Kos est responsable du meurtre de Miroslav Solaja, un Croate, aux termes
8 de la doctrine du dessein commun.
9 L'intention discriminatoire associée à ce meurtre en particulier, on peut
10 la déduire d'un certain nombre de faits, plusieurs faits. Je souhaiterais
11 rappeler à la Chambre que M. Solaja était un homme qui avait une
12 soixantaine d'années. On avait qualifié au camp cet homme de "Béret vert",
13 on a prétendu qu'il était trafiquant d'armes. Or qualifier quelqu'un de la
14 sorte, c'était automatiquement entraîner des actes de persécution à son
15 encontre. Cela avait pour conséquence immédiate un traitement
16 discriminatoire.
17 Il y a eu une déclaration d'un garde à qui on a demandé une aide médicale
18 parce que M. Solaja avait été très gravement passé à tabac, donc ce garde
19 a dit que Solaja avait fait tellement de mal aux Serbes qu'il ne méritait
20 pas qu'on lui apporte quelque soin que ce soit. Ceci démontre une fois de
21 plus l'intention discriminatoire. On a pu voir le corps sans vie de M.
22 Solaja devant la maison blanche. C'est M. Ermin Strikovic qui l'a vu.
23 On est sûrs à 99,8, voir à 99,9% qu'il s'agit là de la dépouille mortelle
24 de Miroslav Solaja qui a été exhumée d'un charnier à Kevljani, puisqu'on a
25 trouvé sa carte d'identité et une dernière lettre envoyée à Mira, une
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1 personne qui était l'élue de son cœur. Donc ces deux éléments ont été
2 trouvés avec sa dépouille mortelle.
3 Je souhaiterais maintenant que l'on présente un film ou une vidéo. Cette
4 vidéo tout d'abord nous montre la lettre, la dernière lettre qu'il ait
5 écrite. Je vais également la placer ici. Donc cette lettre a été trouvée
6 sur la dépouille de Miroslav Solaja à Kevljani. Il a été difficile de
7 procéder à la traduction de cette lettre, vu le peu de clarté, mais je
8 vais vous la donner: "Sois fière, ma chère Mira, ne me pleure pas. Je
9 crois que ce moment est notre dernier moment ensemble. La vie a été
10 merveilleuse avec toi. Nous n'avons pas réussi à faire tout ce que nous
11 voulions faire. Ma chère et tendre, essaie de continuer à vivre. Tous ces
12 mensonges, c'est incroyable. Il s'agissait de mensonges. Ils ont fait tout
13 ce qu'ils voulaient faire. Ils ont menti.".
14 Ensuite, il est difficile de lire. Je reprends: "Mira, emmène tout de
15 suite l'argent et les bijoux dans un endroit sûr. Fais cela tout de suite.
16 Demande à Lazo de prendre sa voiture dans son garage, parce qu'ils savent
17 que je ne suis plus là, pour les terres, les terrains et la maison…".
18 Ensuite c'est difficile à lire: "Donc laisse-leur le terrain et la maison.
19 Donne le bonjour à tout le monde, à ta famille, à Zagreb, à Jelicka.
20 Mon plus grand regret, c'est que je meurs et que je suis innocent. Donne
21 le bonjour à ma famille et donne l'argent à Una. Je meurs comme mon père,
22 personne ne saura où reposera mon corps. Ma chérie, essaie de te procurer
23 le document relatif au garage de Ronik si tu arrives à vendre.".
24 (Fin de citation.)
25 Je voudrais demander à la cabine technique de nous présenter la vidéo qui
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1 montre la dépouille mortelle de Miroslav Sojala qui a été trouvée dans un
2 charnier à Kevljani. Voici à quoi ressemble ce site.
3 Merci.
4 Le témoin AQ a déclaré qu'à deux reprises, lorsque des détenus avaient été
5 passés à tabac en présence de Kos, pardon il a déclaré qu'à deux reprises
6 des détenus avaient été passés à tabac en présence de Kos alors qu'ils
7 entraient dans la salle du restaurant. En une occasion, Kos lui-même a
8 pris part à ces faits en frappant les détenus avec un bâton.
9 Lorsque le témoin AQ a quitté la salle du restaurant, il a été frappé avec
10 un fléau d'arme et en dépit du fait que Kos était présent, il n'est en
11 aucune façon intervenu.
12 Il y a eu un deuxième incident auquel a pris part AQ. Cet incident s'est
13 produit vers le 27 juillet. Alors qu'il se préparait à entrer dans la
14 salle du restaurant, AQ et le groupe de détenus dont il faisait partie a
15 été injurié par les gardes en présence de Kos. Les gardes ont ciblé un
16 détenu en particulier qui portait des bottes de caoutchouc, l'accusant de
17 les porter pour se préparer à la bataille contre les Serbes et ils ont
18 commencé à le maltraiter et à l'injurier. Kos n'a rien fait, ce qui
19 constitue une contribution importante au crime qui a été perpétré. Il est
20 responsable donc d'avoir aidé et encouragé la perpétration de ce crime. Il
21 n'a pas puni les gardes qui s'étaient livrés à cet acte, il est donc
22 responsable, au titre de l'Article 7.3, de traitement cruel.
23 Par ailleurs, il est responsable au titre de la catégorie 1 du dessein
24 commun pour tortures et traitements cruels.
25 Le témoin AQ, qui avait pris l'habitude de consigner plusieurs choses dans
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1 son livre de recettes comme il l'a appelé, avait consigné un certain
2 nombre d'événements qui lui étaient importants, qui sortaient de
3 l'ordinaire à ses yeux. Eh bien le témoin AQ, il faut le remarquer, n'a
4 pas fait état de cet incident dans cette espèce de journal. Pourquoi? Eh
5 bien, parce que le fait que des prisonniers soient frappés à tabac à
6 l'heure du repas n'était pas extraordinaire, c'était quelque chose qui se
7 passait de façon habituelle et quotidienne.
8 Kos a extorqué de l'argent de Safet Ramadanovic, un détenu. Cela s'est
9 passé vers le 10 juin, alors que Safet Ramadanovic et d'autres détenus
10 sont arrivés à Omarska. Il les a appelés Cifut, ce qui désigne une
11 personne qui aime l'argent. C'est une façon discriminatoire de s'adresser
12 à une personne qui est intéressée par l'argent. Nusret Sivac a déclaré que
13 les détenus avaient ensuite été obligés de s'appuyer contre le mur pendant
14 qu'ils étaient battus. Aucune sanction n'a été prise.
15 Kos, dénommé Kobac, ce qui signifie faucon puisqu'il semble que l'on
16 pourrait tirer une certaine comparaison entre un faucon et Kos, c'est le
17 témoin Y qui l'a dénommé ainsi, a manifesté une grande sécheresse d'âme
18 vis-à-vis des signes manifestent donnés par le témoin de douleurs suite à
19 après avoir été battu. Le témoin a déclaré qu'il s'était cogné contre un
20 chambranle de porte et Kos a répondu en déclarant: "oui, ce sont les cents
21 chambranles de porte ici qui te tuent", ce qui ne peut en aucune façon
22 être interprété comme une manifestation de commisération ou de
23 préoccupation pour la santé de ce détenu. De ces différents éléments, il
24 apparaît clairement que Kos était au courant de la nature très étendue des
25 mauvais traitements qui étaient infligés.
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1 Parmi les témoins qui sont venus témoigner au nom de Kos se trouvait
2 Zelimir Skrbic qui, très tôt et à un très jeune âge, a occupé des postes
3 de toute première importance au sein de la police. Il a été poussé à ces
4 postes par une de ses relations, bien placée, et c'est par ce biais qu'il
5 a commencé à travailler avec les militaires, c'est par ce biais qu'il a
6 commencé à prendre part à la prise de contrôle serbe de Jajce.
7 Voici le type de personne qui vient témoigner pour Kos et pour aider à la
8 défense de Kos. Kos a continué à assumer ses fonctions d'officier de
9 police après Omarska et les crimes qu'il a perpétrés à Omarska n'ont en
10 aucun cas constitué un obstacle à l'évolution de sa carrière.
11 Je vais maintenant me tourner vers Mlado Radic et c'est de lui que je
12 voudrais vous parler maintenant.
13 Je voudrais avertir la Chambre de première instance du fait que pour
14 certaines des parties de mon argumentation, elles seront présentées dans
15 le cadre d'un huis clos partiel. Ce sera très bref mais je préfère vous
16 avertir par avance et je serais heureuse que vous m'apportiez votre aide
17 dans cette demande de huis clos partiel.
18 Radic alias Krkan était un officier de police professionnel et au sein du
19 camp s'était vu assigner les fonctions de commandant d'équipe. Les
20 éléments de preuve rassemblés nous montrent qu'il s'agit là d'un individu
21 qui semblait se délecter des conditions qui prévalaient dans le camp,
22 conditions qui lui donnaient un pouvoir qui lui était dénié en tant que
23 simple policier.
24 Je vais demander à ce qu'une pièce soit placée sur le rétroprojecteur, la
25 pièce 3/69A, il s'agit d'un instantané, d'une photographie de Radic. Voici
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1 Radic au camp d'Omarska. Vous voyez qu'il porte un béret, qu'il est armé
2 d'un fusil automatique. Tous les éléments symbolisant le pouvoir. Un
3 pouvoir dont il ne bénéficiait pas en tant que simple policier.
4 Les éléments de preuve nous montrent notamment… -pardon, je parle de Kos-,
5 mais je parle en fait de Radic, donc ces éléments de preuve nous montrent
6 qu'il pouvait utiliser ce nouveau pouvoir et qu'il pouvait s'en servir au
7 plus grand préjudice des détenus qui se trouvaient à Omarska, notamment
8 des femmes qui étaient particulièrement vulnérables.
9 Radic, en tant que chef d'équipe, et par l'équipe de laquelle Riza
10 Hadzalic a été battu à mort, tandis que d'autres gardes de l'équipe
11 injuriaient ce détenu en traitant sa mère de turque et en utilisant
12 d'autres termes insultants, n'a rien fait pour punir les gardes qui
13 frappaient M. Hadzalic. M. Hadzalic a été emporté, son corps a été emporté
14 à bord d'un camion TAM. C'est ce qu'a déclaré Abdulah Brkic, témoin
15 oculaire de ce fait.
16 Radic est responsable puisqu'il n'est pas intervenu pour sanctionner les
17 gardes responsables du meurtre de Riza Hadzalic. Il est pénalement
18 responsable de ce meurtre.
19 Il est également responsable des meurtres de Sefik Sivac, conformément à
20 la catégorie de la doctrine du dessein commun, la catégorie se rattachant
21 au camp de concentration. Il est responsable du meurtre de Safet
22 Ramadanovic au titre du 7.3, il n'a pris aucune mesure visant à
23 sanctionner ces actes. Il est responsable du meurtre d'Asur Jakupovic,
24 conformément à la catégorie du camp de concentration de la doctrine du
25 dessein commun.
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1 Radic, pendant tout le procès, a déclaré qu'il n'avait aucune connaissance
2 des faits qui avaient entouré la mort d'un officier de police dénommé
3 Ibrahim Denic à Omarska. C'est un témoin de la défense, Gostimir Modic qui
4 permet de démontrer que l'accusé a menti à cet égard. Et ses mensonges
5 sont insupportables notamment à la lumière du fait que l'une des lignes de
6 défense adoptées par Radic et par sa famille était le lien de Kum qui
7 existait entre les Radic et les Denic.
8 M. Radic…, pardon, M. Denic également connu sous le nom de "Radso", avait
9 été le Kum de Radic et sa famille avait essayé de trouver des indices qui
10 lui permettraient de comprendre ce qui était arrivé au mari, au père qui
11 avait disparu après son arrestation.
12 En dépit de ces liens très étroits ou qu'on veut nous faire croire très
13 étroits, Radic a persisté dans sa stratégie. Il a nié toute connaissance
14 des circonstances dans lesquelles M. Denic était mort. Il a simplement dit
15 à la famille que le corps avait été trouvé à Kozarac à bord d'un tracteur.
16 Nous déclarons ici qu'il s'agit là d'un mensonge caractérisé. Si Modic a
17 appris la nouvelle de la mort de Ibrahim Denic à Omarska -Ibrahim Denic
18 était un policier comme d'autres collègues de Radic-, eh bien il a déclaré
19 qu'il l'avait entendu dire par d'autres policiers, il a déclaré également
20 qu'il avait entendu cette nouvelle à Prijedor, eh bien, si Modic a appris
21 les circonstances de la mort d'Ibrahim Denic, ces circonstances, je dis
22 moi que Radic ne pouvait pas ne pas être au courant des même faits.
23 Il était au courant, mais il a choisi de ne pas les communiquer à la
24 Chambre. Il a torturé la famille de la personne décédée, famille qui était
25 bien obligée d'en arriver à la seule conclusion possible, à savoir que cet
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1 homme n'était jamais mort à Omarska. Modic a indiqué qu'il était mort à
2 Omarska très tôt. La nature discriminatoire du crime découle du fait que
3 M. Denic était un officier de police musulman et qu'il était ciblé par les
4 nouvelles autorités serbes.
5 Je vais demander, Monsieur le Président, à ce que nous passions à huis
6 clos partiel car je vais maintenant soulever des points qui ont été
7 abordés dans le cadre du huis clos partiel pendant le procès.
8 M. le Président: Donc nous allons passer à huis clos partiel.
9 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 15.)
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1 [expurgée]
2 (Audience publique à 12 heures 25.)
3 Mme Somers (interprétation): La Chambre de première instance devrait se
4 souvenir que le 8 novembre 1993, Radic a reçu un prix, il y a trace de
5 cela dans la pièce 3/231, un prix reçu des mains de Bogdan Delic, chef du
6 SJB. "Il était recommandé que Radic reçoive une somme d'argent parce qu'il
7 avait sans relâche essayé de faire toute la lumière sur les actes
8 perpétrés par des extrémistes musulmans au centre de réception d'Omarska
9 où il avait travaillé jour et nuit".
10 Radic a trouvé à Omarska et dans le poste qu'il occupait au sein de ce
11 camp le moyen de mettre en œuvre son autorité d'une façon telle que jamais
12 il n'avait pu le faire avant le conflit. Dans la déclaration qu'il a faite
13 à un représentant du bureau du Procureur -il s'agit de la pièce de
14 l'accusation 3/215, page 41-, Radic déclare: "Je ne pouvais jamais me
15 taire, donc je disais toujours à chacun ce qui me traversait l'esprit, par
16 conséquent je n'ai pas été promu, pendant toutes mes années de service je
17 n'ai jamais eu d'avancement".
18 La Chambre a pu voir la vidéo où l'on aperçoit Radic armé, avec un
19 comportement très machiste. Le pouvoir qui lui faisait défaut en tant que
20 simple officier de police, il l'a trouvé, ô combien, dans le pouvoir qui
21 lui a été confié lorsqu'il se trouvait à Omarska. Il se délectait de ce
22 pouvoir et il se délectait du sadisme dont il pouvait faire preuve à
23 l'égard des détenus. Il semblait se délecter de l'état de chose mis en
24 place par les autorités d'Omarska, par le renversement total de situation.
25 Il se retrouvait du jour au lendemain responsable du camp avec pouvoir de
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1 vie ou de mort sur des détenus non serbes. Les témoins de l'accusation ont
2 prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Radic s'est régulièrement
3 donné le plaisir sadique d'exercer un pouvoir sans limite et sans avoir à
4 en rendre compte à quiconque.
5 Je vais maintenant passer à Zoran Zigic.
6 Dans la déclaration solennelle qu'il a faite en vertu du 84 bis, Zigic a
7 affirmé qu'il avait été mobilisé dans les forces de réserve de la police.
8 Cette Chambre a entendu des témoignages pendant dix-huit mois qui ont
9 confirmé le fait que Zigic avait régulièrement accès aux camps d'Omarska
10 et de Keraterm. A Omarska, il lui était loisible d'entrer quand il le
11 voulait pour se livrer à des actes indescriptibles de sadisme et de
12 brutalité à l'encontre des détenus qui s'y trouvaient.
13 Cette Chambre a même entendu des preuves qui montrent qui Zigic était
14 considéré par son propre ami, Miroslav Zebric, qui disait de lui que
15 c'était un homme violent. Nous avons apporté la preuve qu'il a commis des
16 crimes dans les trois camps: les camps d'Omarska, de Keraterm et de
17 Trnopolje.
18 Examinons d'abord le camp de Trnopolje. Vous pourrez examiner les
19 dépositions des témoins V, N, Safet Taci et de DD9, un témoin à décharge,
20 qui vous ont dit que Zigic s'est livré à des actes de torture cruels
21 envers son "Kum", Asan Karabasic.
22 Vous pourrez également, Madame et Messieurs les Juges, examiner la
23 déposition des témoins V et AD qui vous ont dit qu'à Keraterm, Zigic avait
24 tiré à bout portant sur un détenu musulman qui s'appelait Krivdic Zijad et
25 qu'il avait abattu en tirant à bout portant à la tête ce témoin, qu'il
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1 avait littéralement fait exploser une partie de son cerveau.
2 Le témoin V vous a dit que Zigic avait dit à Krivdic, qui était blessé,
3 que s'il n'arrêtait pas de gémir, il allait le finir, l'abattre.
4 Dans ce même incident, Zigic a donné ordre au témoin V d'enlever les
5 cheveux de Krivdic qui collaient au pistolet qu'il tenait à la main. Le
6 témoin V s'est exécuté, puis Zigic a ordonné au témoin V de lui baiser les
7 souliers. Une fois de plus, le témoin V s'est exécuté. Là-dessus, Zigic
8 l'a frappé à la tête, lui a donné un coup de pied à la tête. Le témoin V a
9 été blessé et a eu des hémorragies du fait de l'agression subie.
10 Et tous ces crimes sont restés impunis. Zigic est responsable des meurtres
11 de détenus dans le massacre de la pièce 3 à Keraterm.
12 En faisant défiler toute une série de témoins qui ne sont pas dignes de
13 foi, Zigic a essayé de dire qu'il se trouvait à un barbecue qui se tenait
14 du côté de Cirkin Polje, à Prijedor.
15 Le témoin Soka Sikic ainsi que son mari, rappelez-vous le 19 août, ces
16 témoins ont donné à Zigic un véhicule, une arme et leur fils pour que
17 celui-ci se livre au vol de la famille de Edin Ganic. Et ils sont venus
18 vous parler du barbecue qui s'était fait le 24 ou le 25 juillet, à la
19 veille du massacre. Elle vous a dit, je la cite: "Ce n'était pas un
20 problème pour nous de faire la fête, de boire et de manger. Il n'y avait
21 pas eu d'occasion particulière qui aurait expliqué pourquoi il y avait un
22 barbecue". Ceci est tout à fait en contradiction avec ce qu'a dit Zigic
23 dans sa déclaration en vertu du 84 bis, dans laquelle il a dit que cette
24 fête servait à se souvenir de la mort d'un ami.
25 Je demanderai aux Juges de cette Chambre d'examiner ensuite la pièce
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1 3/144, pièce qui va être placée sur le rétroprojecteur. Il s'agit d'un
2 document signé de la main, apparemment signé de la main du colonel Arsic
3 et qui porte la date du 28 juillet 1992.
4 C'est un rapport d'enquête dans lequel Zoran Zigic -et je demande à la
5 Chambre ici d'examiner le paragraphe du milieu-, dit avoir vers 21 heures,
6 le 24 juillet 1992, donc à la veille du massacre de la pièce 3 à Keraterm,
7 dans le couloir de l'hôpital, docteur Mladen Stojanovic de Prijedor, après
8 qu'il eût appris la mort de son collègue Boro Jujic, qu'il se serait
9 approché d'une civière sur laquelle se trouvait Omer Kadic, qui était
10 blessé. Et apparemment il l'aurait poignardé au cœur, causant la mort
11 subite.
12 Remarquez l'heure: 21 heures. Nous sommes le 24 juillet 1992.
13 Je demande un instant de réflexion à la Chambre.
14 Rappelez-vous quelles sont les distances à parcourir! A cette fin, je vais
15 demander à ma collègue de vous présenter ce plan dans le bon sens. Voici
16 où se trouve la zone de Cirkin Polje. C'est là que Zigic habitait et
17 qu'apparemment il participait à un barbecue.
18 Voyez où se trouve l'hôpital de Prijedor. Il est indiqué à l'aide du
19 pointeur. C'est une très faible distance qui les sépare ces deux endroits.
20 Et voici le camp de Keraterm. Merci.
21 Le témoin de l'accusation V, Safet Tadic, le témoin AD, ont parlé de la
22 présence de Zigic et ont fait des commentaires à propos de la pièce n°3.
23 Le témoin V a vu Zigic à Keraterm dans l'après-midi du 24 juillet, alors
24 qu'il se déplaçait entre les pièces 2 et 3, Tadic a vu Zigic aussi devant
25 cette pièce n°3 le 24 juillet, et le témoin a dit avoir vu Zoran Zigic, il
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1 a précisé ceci: "A un moment donné, il s'est approché de la table, il a
2 commencé à nous injurier, à nous menacer de nous tuer tous.".
3 Puis on a donné des explications quant à la table, c'est la table qui se
4 trouvait devant la pièce n°3 et sur laquelle avait été placée une
5 mitrailleuse.
6 Le lendemain, le témoin N ainsi que le témoin AD ont vu Zoran Zigic à
7 Keraterm, cette fois le matin. L'accusation a prouvé au-delà de tout doute
8 raisonnable que Zoran Zigic est coupable du meurtre de Amsed Bahonic, un
9 Musulman, au camp de Keraterm. Cet homme a été battu de façon systématique
10 et progressive jusqu'à ce que mort s'ensuive. C'est un meurtre qui est
11 resté impuni.
12 L'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Zoran Zigic
13 est coupable du meurtre de Sead Jusufagic ou Jusufovic, connu aussi sous
14 le ton de "Car" à Keraterm. Ce crime lui aussi est resté impuni.
15 Zoran Zigic et responsable du meurtre de Drago Tokmadzic, un officier de
16 police, qui était peut-être de double origine, peut-être serbo-croate. Ce
17 meurtre a eu lieu à Keraterm.
18 Relevons que Tokmadzic est un de ceux qui pensaient qu'en prêtant
19 allégeance ou en continuant à travailler dans le nouveau régime serbe, il
20 s'en sortirait. Islam Hasanovic, un autre officier de police, ils ont
21 livré à eux d'eux des détenus au camp de Keraterm, mais ils s'y sont
22 retrouvés, à Keraterm, eux-mêmes et n'y ont pas survécu. Ces crimes-là
23 aussi sont restés impunis.
24 Nous aimerions rappeler à la Chambre de première instance qu'il y a la
25 pièce 3/249 dont apparemment, qui portait la signature de Sikirica,
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1 renvoyait à une date qui correspondrait bien au moment où Tokmadzic a été
2 tué. Nous demanderons à la Chambre de tirer les conclusions qui
3 s'imposent.
4 Zigic est responsable du meurtre de Becer Medunjanin à Omarska. Medunjanin
5 était un des Musulmans les plus en vue à Prijedor.
6 La Chambre a entendu dire que lui et son fils avaient subi un passage à
7 tabac brutal à Omarska, et ceci au moins deux fois, à deux reprises, et
8 que c'est Zigic et d'autres qui leur avaient fait subir à la maison
9 blanche. Cet homme, Medunjanin, occupait un poste de responsabilité
10 publique en tant que secrétaire de la défense à Prijedor.
11 Ce fait a entraîné cet acte discriminatoire de persécution qui a été
12 commis à son encontre et à l'encontre des membres de sa famille.
13 Zoran Zigic est responsable d'avoir torturé Emir Beganovic, Rezak
14 Hukanovic, Sefik Terzic et Asef Kapetanovic.
15 Ce sont des incidents si ignobles que même un témoin à décharge, DD 10, en
16 a parlé. Elle vous a dit qu'elle avait entendu dire que c'était Zigic qui
17 avait passé à tabac Rezak Hukanovic. Dans sa déclaration faite en vertu du
18 84 bis devant cette Chambre, Zigic a admis qu'il avait frappé ce détenu.
19 Mais il vous a assorti ceci d'un commentaire, il a dit: "Ce faisant, j'ai
20 ressenti dans mon corps toute une douleur indescriptible, pas seulement
21 dans ma main gauche parce que ce mouvement m'avait fait mal, mais il
22 m'avait donné des élancements de douleur dans tout mon corps". C'est ce
23 que Zigic vous a dit.
24 Après ce passage à tabac, Beganovic -et il vous l'a dit dans sa
25 déposition- avait reçu l'ordre de Zigic de se baisser, de se mettre à
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1 quatre pattes et de prendre de l'eau comme le font les chiens.
2 Est-ce que nous pouvons passer rapidement à huis clos partiel? J'aimerais
3 en effet vous montrer une pièce à conviction qui avait été soumise à huis
4 clos.
5 M. le Président: Oui, nous passons à huis clos partiel donc.
6 (L'interprète signale qu'elle s'est trompée.)
7 Mme Somers (interprétation): Je m'inquiète que cette pièce pourrait être
8 communiquer à la galerie du public. Il faudrait passer à huis clos
9 complet.
10 M. le Président: Donc OK, huis clos total.
11 (Audience à huis clos total à 12 heures 42.)
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5 [expurgée]
6 (Audience publique à 12 heures 45.)
7 M. le Président: Vous pouvez continuer peut-être, Madame Suzanne Somers,
8 s'il vous plaît.
9 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président, bien sûr.
10 Zoran Zigic est également coupable d'avoir torturé et tué Hankin Ramic à
11 Omarska, crime qui, lui aussi, est resté impuni.
12 Zigic aimerait que la Chambre croie que la blessure qu'il a subie au doigt
13 l'a empêché de commettre en tout ou en partie les actes dont il est tenu
14 coupable. C'est parfaitement improbable. Ce n'est pas plausible, c'est
15 faux. La Chambre a reçu des moyens de preuve qui la convaincront de ce que
16 Zigic peut utiliser un appareil manuel, conduire sa motocyclette, être en
17 mesure d'utiliser une arme, de poignarder une femme qui s'appelait Mara
18 pendant un vol chez les Ganic, le 19 août, et d'exécuter d'autres actes
19 qui demanderaient l'utilisation de sa main. L'affirmation selon laquelle
20 il était incapable du fait de la blessure subie à la main est donc sans
21 fondement.
22 Le Témoin AD a parlé d'un incident qui s'est produit à Keraterm et qui
23 concernait un certain Suad, S-U-A-D, qu'on a appelé quelquefois l'homme à
24 la mitrailleuse. La Chambre devrait se rappeler qu'à aucun moment cet
25 homme, Suad, aurait été le même homme qu'un certain Sead, qu'on appelait
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1 aussi Icar, parce que ce dernier portait le nom de Sead, S-E-A-D. Il
2 s'agit d'incidents séparés et rien ne permet de mettre en doute le
3 témoignage du Témoin AD sur ce fait.
4 J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur le témoignage des Témoins
5 J et U qui vous ont dit que Zigic était allé à Trnopolje vers le 3 août.
6 Il cherchait Edin Ganic et il avait posé une question à propos des femmes
7 d'Omarska. Des femmes d'Omarska! Il a demandé où les putains étaient.
8 Est-ce que le moment se prête bien à la pause? Je pourrais reprendre après
9 la pause, Monsieur le Président.
10 M. le Président: Oui, c'est tout à fait possible, Madame Suzanne Somers.
11 Donc nous allons faire la pause maintenant et nous allons avoir une pause
12 de 5 à 10 minutes.
13 (L'audience, suspendue à 12 heures 48, est reprise à 13 heures 45.)
14 M. le Président: Nous allons continuer jusque vers 3 heures 10.
15 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Avant de
16 reprendre mon réquisitoire au sujet de Zoran Zigic, je souhaiterais
17 préciser une citation au sujet de l'accusé Kvocka, pièce à conviction
18 3/201, où Kvocka raconte tout le bien qu'il fait pour ses employés. Or,
19 ceci apparaît à la page 2 de la traduction en anglais de ce document.
20 Les crimes que j'ai évoqués dans le cadre de mon réquisitoire au sujet de
21 M. Zoran Zigic ont été impunis, ce qui indique la valeur accordée par les
22 responsables aux victimes, les responsables du gouvernement de Prijedor.
23 Pour se faire une idée de la valeur qu'ils accordent à la vie des
24 victimes, on se référera à Ivica Zigic, un voisin de M. Zigic, qui nous
25 dit que M. Zigic avait été arrêté et reconnu coupable du meurtre d'une
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1 dénommée Petkovic, Danka Petkovic, dont la Chambre a plus tard appris
2 qu'elle avait un rapport avec Dosen.
3 Il est important de constater qu'avant d'arriver à La Haye, Zigic purgeait
4 une peine pour le meurtre d'une femme civile qui travaillait dans une
5 agence de voyage à Prijedor, mais à aucun moment sur cet Acte d'accusation
6 ne figurent les atrocités pour lesquelles il est poursuivi ici. Ceci
7 indique sans doute la valeur qui est accordée à la vie de ceux qui ne sont
8 pas serbes dans cette municipalité.
9 Je vais maintenant parler d'un autre incident qui nécessitera que nous
10 passions rapidement à huis clos partiel pour ne pas révéler un nom. Je
11 demande quelques secondes à huis clos partiel.
12 M. le Président: Nous y sommes déjà, vous pouvez continuer.
13 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 50.)
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22 (Audience publique à 13 heures 51.)
23 Mme Somers (interprétation): Maintenant, je vais en venir à Dragoljub
24 Prcac.
25 La question de l'arrestation de Zigic figure à la pièce à conviction
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1 3/244. La Chambre pourra ainsi avoir plus de renseignements au sujet de
2 l'affaire qui impliquait la victime Danka Petkovic.
3 Au moment des événements qui ont eu lieu et qui sont couverts par l'Acte
4 d'accusation, Dragoljub Prcac était bien au-delà de l'âge de la
5 mobilisation. D'après tous les témoins, c'était quelqu'un qui était très
6 qualifié, un spécialiste des scènes de crime, qui plus tard avait suivi
7 une nouvelle formation pour occuper un poste lui assurant plus de sécurité
8 et plus de stabilité. Loin de s'opposer à son affectation à Omarska,
9 Dragoljub Prcac y est allé volontairement, de son plein gré, et dans quel
10 objectif? Pour s'enrichir en extorquant de l'argent à des détenus dont on
11 savait qu'ils étaient connus et dont l'un d'entre eux s'appelle notamment
12 Mirsad Kugic, qui est venu témoigner ici même.
13 M. Prcac est allé à Omarska à la fin juin, avant même de s'y présenter
14 officiellement et à temps plein pour y remplir ses fonctions. Mirsad Kugic
15 a témoigné que Prcac a passé près d'une nuit, enfin une très longue
16 période à parler avec Kugic au camp. Kugic, de réputation et en fait,
17 était l'un des hommes les plus riches de Prijedor et Prcac était
18 parfaitement au courant de cela. Kugic a attesté du fait que Prcac avait
19 exigé que Kugic lui remette de l'argent et nous considérons que ce type
20 d'activité est un acte de pression, de violence psychologique, le pire que
21 l'on puisse imaginer: procéder à une mesure d'extorsion auprès d'un détenu
22 dont la vie ne tient qu'à un fil chaque jour, extorquer de l'argent à un
23 détenu dans ces conditions, c'est exploiter la vulnérabilité de ce détenu,
24 une vulnérabilité qui est extrême dans ces conditions.
25 M. Kugic nous a déclaré lors de sa déposition qu'il s'agissait soit de
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1 payer... On payait et on mourait ou on ne payait pas et on mourait quand
2 même. C'était à ce type de situation que M. Kugic était confronté, et
3 l'acte de Prcac doit être considéré dans ce contexte. C'est un acte
4 opportuniste et la victime est quelqu'un qui n'a aucune idée, qui ne peut
5 savoir s'il va vivre une journée supplémentaire ou non.
6 La réponse de Prcac, d'après M. Kugic, a été: "Eh bien, va-t-en! Si tu
7 n'as pas d'argent, va-t-en et de toute façon ce qui doit t'arriver
8 t'arrivera".
9 Je souhaiterais attirer l'attention de la Chambre sur ce que nous a dit le
10 fils de M. Prcac au sujet de son père. Il nous a dit qu'il venait d'un
11 milieu modeste, qu'il avait des problèmes financiers. Tout ceci vient à
12 l'appui de la motivation qui peut avoir été celle de M. Prcac et des actes
13 d'extorsion qu'il a commis à l'encontre de M. Kugic.
14 Prcac a remplacé Kvocka en tant qu'adjoint au commandant. Dans le compte
15 rendu de son interrogatoire, il a dit lui-même qu'il devait remplacer
16 Kvocka et les éléments de preuve que nous avons montrés montrent que dès
17 le 11 juillet, il avait pris ce poste d'adjoint au commandant. Cependant,
18 il faut signaler que Prcac était rattaché et travaillait pour le poste de
19 police d'Omarska qui était l'organisation qui chapeautait ceux qui
20 travaillaient à Omarska. En fait, il s'agissait d'une seule et même
21 organisation, mais avec plusieurs lieux d'activité. Il faut considérer
22 qu'il est responsable de tous les crimes qui ont eu lieu à Omarska le 11
23 juillet et pendant la période qui a suivi. Ceci inclut le meurtre de Riza
24 Hadzalic, les meurtres de Petrovdan, le meurtre d'un grand nombre de
25 détenus de la zone de Brdo à la fin juillet, le meurtre du Dr Eso
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1 Sadikovic et d'environ 124 autres détenus, ainsi d'ailleurs de ce qui peut
2 être considéré comme un acte inhumain aux termes de l'Article 5 et qui
3 figure au chef d'accusation n°2.
4 Il y a également la disparition d'environ 50 détenus dont deux femmes,
5 Sadeta Medunjanin et Edna Dautovic, dont les dépouilles ont été retrouvées
6 au fond d'une fosse commune dans une grotte qui s'appelle Jama Lisac.
7 Je me tourne maintenant vers la régie pour que l'on montre à la Chambre
8 les images de ces charniers.
9 Ici, vous avez l'entrée de cette grotte: la grotte Jama Lisac. Nous
10 pouvons nous faire une idée de la profondeur de cette grotte. Vous avez vu
11 également des restes humains et vous voyez comment les spécialistes des
12 exhumations devaient s'y prendre pour entrer dans la grotte.
13 Les restes humains ont été identifiés: il s'agit ici des restes de Sadeta
14 Medunjanin. Le témoin J avait décrit un collier qu'elle portait, qui a été
15 trouvé sur ces restes humains. C'était, je vous le rappelle, la femme de
16 Becir Medunjanin. Donc nous avons vu son collier ainsi que le pull rouge
17 qui avait été identifié et dont on savait qu'elle le portait lorsqu'on l'a
18 vue pour la dernière fois.
19 Nous voyons ici les restes de Sadeta Medunjanin. Tariq Malik a parlé de
20 cette exhumations lors de son témoignage devant cette Chambre. Mme
21 Medunjanin porte le n°25. Nous avons ici les restes humains de Mme Sadeta
22 Medunjanin ainsi que ses vêtements. La dernière fois qu'on l'a vue,
23 c'était à Omarska dont elle a été renvoyée par Dragoljub Prcac.
24 Je voudrais demander à la cabine technique de préparer le film suivant au
25 sujet d'une autre femme qui a disparu: Edna Dautovic.
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1 La dépouille de cette personne a également été retrouvée dans la grotte.
2 Nous avons entendu des éléments de preuve nous indiquant que des tests ADN
3 ont confirmé l'identité de Mmes Medunjanin et Dautovic.
4 Je souhaiterais que l'on nous présente la vidéo suivante. Vous avez ici
5 une photographie de Edna Dautovic, une jeune femme pleine de vie. Vous
6 voyez ici la dépouille de Edna Dautovic telle qu'elle a été retrouvée dans
7 la grotte Jama Lisac. Ce n'est plus qu'un numéro: le n°42.
8 La dernière fois qu'on l'a vue vivante, c'était à Omarska et Dragoljub
9 Prcac l'a envoyée depuis Omarska.
10 Je souhaite maintenant demander un instant à la Chambre pour lui permettre
11 d'examiner notre pièce à conviction 3/204, je crois. Il s'agit d'une
12 liste, une liste de personnes en date du 28 juillet 1992. Il s'agit d'une
13 liste de personnes qui entrent dans la catégorie n°1. Et à la page 2, au
14 n°46 figure le nom de Sadeta Medunjanin, et à la page 1, au n°6 de la
15 liste, figure le nom de Edna Dautovic. J'essaie de prononcer correctement.
16 Donc la catégorie 1, la catégorie des personnes qui représentent un
17 danger.
18 C'est vers le 3 août ou le 3 août 1992 que Dragoljub Prcac a fait l'appel
19 d'une liste de femmes détenues qui devaient être transférées à Trnopolje.
20 Il y a cinq femmes qui sont restées à Omarska. Trois de ces cinq femmes
21 n'ont jamais été revues depuis lors. Il s'agit de Hajra Hodjic, de Mugbila
22 Becirovic et de Velida Mahmuljin. Ces trois femmes ont toutes été envoyées
23 à l'extérieur par Prcac.
24 Prcac était l'adjoint au commandant au moment où un grand nombre de
25 membres des professions libérales et d'intellectuels ont été appelés pour
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1 sortir de la salle où ils étaient détenus et des gens qui n'ont jamais été
2 revus. Il s'agit du Dr Begic, de Jusuf Pasic, du Dr Osman Mahmuljin, Zijad
3 Mahmuljin, Ago Sadikovic, Mirsad Alisic, entre autres.
4 Dragoljub Prcac est responsable du meurtre de ces personnes.
5 Prcac a reconnu qu'il avait vu son ancien collègue et ami l'officier de
6 police Reuf Travancic, il l'a vu se faire passer à tabac devant la maison
7 blanche. Prcac n'est pas intervenu. Je souhaite vous rappeler ce qu'il
8 nous a dit au compte rendu de son interrogatoire page 156.
9 Prcac a dit qu'il était navré et qu'il n'avait pas osé apporter son aide.
10 Il a dit, je cite: "C'est celui que j'aurais le plus voulu aider parce
11 qu'on avait passé tellement de temps ensemble au même bureau. S'il y avait
12 vraiment quelqu'un que j'aurais voulu aidé, cela aurait été lui mais je
13 n'ai pas osé.". (Fin de citation.)
14 Donc, logiquement, s'il n'était pas intervenu pour celui qui était son ami
15 et son collègue depuis longtemps, la Chambre ne peut pas croire et doit
16 rejeter les affirmations selon lesquelles Prcac est intervenu avec panache
17 et courage, en brandissant son arme, intervenu donc dans une action qui
18 impliquait le fils d'un ami. Le nom de ce fils, c'est Edin Karagic. Ceci
19 est complètement faux. Cet incident est complètement faux. Karagic nie que
20 Prcac soit intervenu pendant que lui-même et d'autres se faisaient passer
21 à tabac. Karagic est venu témoigner ici, il a dit exactement le contraire,
22 il a dit que le passage à tabac s'est poursuivi assez longtemps alors que
23 Prcac lui-même consignait les coordonnées, les noms et prénoms, etc., de
24 ceux qui étaient en train de se faire passer à tabac. Ce n'est qu'au bout
25 d'un certain temps que Prcac a dit aux gardes de s'arrêter et qu'il
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1 resterait suffisamment de temps pour ça -on pense qu'il parlait des
2 passages à tabac-, et donc les gardes se sont arrêtés, ils ont obéi à
3 Prcac.
4 Il faut remarquer que, pendant la nuit, des gardes sont venus dans la
5 salle de détention et ont demandé où se trouvaient les nouveaux détenus.
6 Karagic a dit qu'il n'était pas vrai que pendant cet incident Prcac soit
7 intervenu à quelque moment que ce soit pour lui au moyen de son arme.
8 Karagic a affirmé que lui-même, Karagic, était parfaitement au courant de
9 ce qui se passait autour de lui et qu'à aucun moment Prcac n'avait brandi
10 une arme à feu.
11 La Chambre doit conclure que, même avant que Prcac ne soit affecté au camp
12 d'Omarska, il faisait du travail qui avait trait au camp d'Omarska, et on
13 peut le déduire sur la base des éléments de preuve présentés. Prcac nous a
14 dit qu'il avait amené des vivres et des paquets à Omarska à la demande de
15 Mejakic, et ceci à de nombreuses reprises. Il remettait ces colis à un
16 garde dont Prcac... A un garde. Je m'interromps. Donc Prcac nous dit qu'il
17 avait interrogé le témoin B qui était déjà détenu mais qui avait été amené
18 au poste de police d'Omarska après un bref séjour dans le camp. Bien
19 qu'elle ait été détenue au camp, elle a passé une nuit dans une cellule du
20 poste de police d'Omarska et ensuite on l'a ramenée, le lendemain, au camp
21 d'Omarska.
22 Prcac et le témoin DD 10 étaient perturbés par les conditions de travail,
23 le bruit qui régnait au camp d'Omarska. Au camp, Prcac montrait une
24 indifférence totale, un manque total d'intérêt aux souffrances constantes
25 et continuelles des détenus dans ce camp. Ce qui l'ennuyait, lui, c'était
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1 parce que ça affectait son travail. Le témoin DD 10 a témoigné qu'elle
2 était si dégoûtée par cet état de fait qu'elle a décidé de partir. Prcac,
3 lui, a décidé de rester.
4 Prcac, en parlant d'Omarska, dit: "Je vais devenir fou ici. Il faisait
5 très chaud, c'était très oppressant, il y faisait très humide, il y avait
6 une puanteur atroce, l'air puait, on ne pouvait pas supporter cela à aucun
7 endroit" (compte rendu d'audience de son interrogatoire, page 9).
8 Zlata Cikota a conclu que toute aide qui ait été rendue l'a été soit pour
9 un gain financier, soit pour se racheter. Pour elle, la notion de
10 compassion, de bonté n'est jamais entrée, n'a jamais joué aucun rôle dans
11 ces actions et la Chambre devra conclure, sur la base des éléments qui ont
12 été présentés, que Prcac était quelqu'un d'éminemment cynique, quelqu'un
13 qui cherchait uniquement à défendre ses propres intérêts. Et Nusret Sivac
14 a témoigné du fait que Prcac faisait partie des membres du personnel du
15 camp qui regardaient en rigolant les témoins se faire passer à tabac au
16 moment où ils entraient ou ils sortaient du restaurant.
17 Le témoin DD 10 a dit que sur l'ordre de Mejakic, Prcac allait lui-même
18 chercher des détenus pour qu'ils soient interrogés.
19 Je vais demander une minute de huis clos partiel, s'il vous plaît.
20 M. le Président: Nous allons passer à huis clos partiel.
21 (Audience à huis clos partiel à 14 heures 08.)
22 [expurgée]
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1 [expurgée]
2 [expurgée]
3 (Audience publique à 14 heures 09.)
4 M. le Président: Vous pouvez continuer, Madame Suzanne Somers.
5 Mme Somers (interprétation): Nusret Sivac a déclaré qu'un détenu dénommé
6 Mujo Crnalic avait obtenu de la part de Prcac la permission de ramener un
7 prisonnier dénommé Smail Duratovic, dans la grande salle située dans le
8 bâtiment administratif, après un séjour dans la maison blanche où
9 Duratovic avait été torturé. D'ailleurs, son corps portait des traces de
10 brûlure.
11 Prcac, à l'époque, contrôlait le camp d'Omarska. Il est donc responsable
12 des tortures infligées à Duratovic.
13 Slavko Djukanovic, un journaliste qui travaillait soi-disant pour la
14 presse militaire, a dit à la Chambre qu'on lui avait permis d'entrer à
15 Omarska et qu'il avait pris des photographies. C'était au moment où Prcac
16 était aux commandes. Le fait de pouvoir contrôler l'entrée d'un
17 journaliste au camp et ses actions relève des fonctions de supérieur
18 hiérarchique et de commandant.
19 On se souviendra de l'ordre donné par Drljaca le 31 mai. On fait référence
20 au fait qu'il faut empêcher que toute information sorte du camp. Donc tout
21 ce qui relevait des contacts avec les journalistes, de leur permettre
22 d'entrer au camp, tout cela dépendait de quelqu'un qui avait des positions
23 de commandement.
24 Prcac nous dit qu'il savait que Sefik Terzic, un détenu, avait été, à de
25 nombreuses reprises, passé à tabac. Prcac était au courant des atrocités
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1 qui se déroulaient autour de lui et il n'a rien fait.
2 Prcac a vu des cadavres qui pourrissaient à l'extérieur, le premier jour
3 où il est arrivé au camp, et il n'a rien fait. Il n'a rien fait!
4 Prcac a entendu des gardes lui dire que des femmes à Omarska s'étaient
5 plaintes parce qu'elles avaient fait l'objet de violences sexuelles. Il
6 savait de par des conversations avec les gardes (compte rendu de son
7 interrogatoire, pages 147 et 148), donc il savait que les femmes à Omarska
8 rencontraient de graves difficultés. Eh bien, il n'a rien fait!
9 Prcac nous dit qu'il n'avait pas la compétence pour répondre à ces
10 problèmes, et ce n'est pas étonnant. On peut s'attendre, dans la situation
11 où il est, qu'il adopte ce genre de stratégie. Mais en fait, tout ce qu'il
12 a fait, c'est refuser d'agir. Il avait l'autorité requise et il a refusé
13 de l'utiliser pour prendre des mesures, et ce doit être la conclusion de
14 la Chambre à son sujet.
15 J'en ai terminé de mes observations au sujet des accusés. Je suis allée
16 plus vite que je ne le prévoyais. Je peux, si vous le souhaitez,
17 maintenant passer aux questions relatives à la peine. Je pensais en avoir
18 pour plus longtemps dans mes remarques concernant les accusés et je
19 pensais aborder la peine demain. Je me conformerai à vos instructions.
20 M. le Président: Si vous êtes prête pour le faire, on pourrait continuer,
21 Madame Somers.
22 Mme Somers (interprétation): Un instant, je vous prie.
23 La jurisprudence du Tribunal montre très clairement que la dissuasion et
24 le châtiment sont à la base des principes d'application des peines aux
25 personnes reconnues coupables par ce Tribunal. Le Tribunal reconnaît
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1 depuis longtemps l'importance de la dissuasion dans le cadre de sa
2 mission.
3 Il ne s'agit pas ici de parler de vengeance, il s'agit de dissuasion, il
4 s'agit d'exprimer la condamnation, la révulsion de la communauté
5 internationale, son indignation face à ces crimes et le fait que la
6 communauté internationale refuse de tolérer ces violations graves du droit
7 humanitaire international et des droits de l'Homme.
8 Il ne s'agit pas de dire ici que quelqu'un dans l'ex-Yougoslavie aurait pu
9 dire qu'il ne pourrait jamais s'attendre à être soumis à ce type de
10 crimes. Ces crimes ne se rattachent pas à un territoire précis, ce sont
11 des crimes contre l'humanité, qui blessent l'humanité dans son ensemble,
12 et ces accords, les accords qui ont été violés, ces normes qui ont été
13 violées, elles ont été édictées par la communauté internationale dans son
14 ensemble dans le cadre de conventions, et nous avons inclus tout cela dans
15 notre jurisprudence.
16 Les facteurs tels que la contrainte ne doivent pas être considérés en
17 l'espèce puisqu'il n'y a aucun élément de preuve qui viennent attester de
18 contrainte sur les accusés dans cette affaire.
19 Il faut prendre en compte également la législation de l'ex-Yougoslavie et
20 c'est à la Chambre de première instance d'estimer dans quelle mesure elle
21 doit le faire.
22 Or nous nous avançons qu'il ne convient pas d'y accorder une importance
23 extrême, il convient de se rappeler de ce qu'a dit le Dr Lakcevic, un
24 expert qui a été cité à la barre par Prcac, en réponse à une question de
25 Mme la Juge Wald pour savoir si les crimes qui tombent sous le coup d'une
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1 opération planifiée, d'une opération qui dénote un dessein commun,
2 existaient en ex-Yougoslavie, et il avait répondu que c'était le cas.
3 Sinon je ne pense pas qu'il faille prendre en compte ce que nous ont dit
4 ces experts au sujet des pratiques en matière de peine. Rien par exemple
5 de ce que nous a dit l'expert Beatovic ne devrait être pris en compte.
6 L'ancienne législation yougoslave sanctionne avec la plus grande sévérité
7 les crimes contre l'humanité. Et c'est un domaine dans lequel on peut
8 effectivement s'inspirer de la législation yougoslave.
9 Mais la chose qu'il faut avoir le plus présent à l'esprit, c'est bien la
10 gravité des crimes perpétrés. La Chambre de première instance, au cours
11 des 18 mois qui viennent de s'écouler, a entendu les dépositions de nombre
12 de témoins, dépositions, qui j'en suis sûre, Madame et Messieurs les
13 Juges, vous ont fait passer des nuits blanches. Nous avons entendu parler
14 des atrocités perpétrées contre des personnes qui étaient détenues à
15 Keraterm, à Omarska et à Trnopolje, et souvent l'esprit d'individu rejette
16 ces actes qui vont bien au-delà de ce que l'imagination humaine peut
17 envisager.
18 Pourtant ces témoins ont traversé ces expériences, ces épreuves et y ont
19 survécu, et ils ont même eu le courage de venir devant ce Tribunal pour
20 témoigner des traumatismes subis.
21 L'échelle du crime perpétré doit également être prise en compte. Le nombre
22 de personnes concernées pendant une période de longue durée nous donne une
23 idée de l'importance de ce crime planifié et organisé. Ce n'est que grâce
24 à des enquêtes tout à fait fortuites de journalistes que cette machine de
25 l'horreur a vu son fonctionnement ralenti et interrompu.
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1 Les efforts déployés pour maquiller les crimes, les efforts déployés pour
2 cacher les cadavres dans les grottes, pour déplacer ces cadavres d'un
3 point à un autre, les efforts déployés pour ne pas dire aux proches où se
4 trouvaient leurs parents, où se trouvaient les restes de leurs parents,
5 tous ces éléments doivent être pris en compte et doivent être considérés
6 comme des facteurs qui ont été établis dans le cadre de la présentation
7 des éléments à charge dans cette affaire.
8 L'approche systématique retenue pour perpétrer des meurtres doit également
9 être prise en compte.
10 Le cas qui nous intéresse ici, contrairement à d'autres, nous montre
11 comment chacun de ces cinq individus sans exception s'est dévoué corps et
12 âme au fonctionnement d'Omarska et de Keraterm. Il n'y a aucune
13 circonstance atténuante qui puisse être invoquée pour l'un quelconque de
14 ces cinq accusés.
15 On ne peut parler de l'âge de Prcac qui, en dépit de son âge au moment des
16 événements, a pleinement encouragé, voire pleinement participé à ce
17 projet.
18 On ne peut invoquer la blessure au doigt de Zigic.
19 On ne peut invoquer le fait que Kvocka est l'époux d'une femme musulmane,
20 la loi ne reconnaît pas cela comme une circonstance atténuante. Peu
21 importe que votre ami soit l'époux de, ou que vous soyez vous-même l'époux
22 de, la loi ne prend pas cela en compte.
23 La Chambre de première instance a entendu à quel degré les différents
24 accusés avaient pris part à ces actes, la Chambre de première instance a
25 pu voir qu'il y avait manifestation d'une grande sécheresse, qu'il y avait
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1 calcul au moment où l'on choisissait de ne pas intervenir; et c'est cela
2 qu'il faut retenir et sur quoi il faut se prononcer.
3 Il n'y a pas eu d'expression de remords. Aucune des cinq personnes qui
4 sont assises à l'autre bout de la table n'a manifesté le moindre remords,
5 que ce soit dans le cadre d'entretiens ou que ce soit dans le cadre
6 d'interrogatoires.
7 Le remords exprimé était le remords manifesté quant au fait qu'il y avait
8 un certain nombre de bruits qui gênaient par exemple M. Radic, qu'il y
9 avait un certain nombre d'éléments qui ont perturbé M. Radic. Les odeurs
10 pouvaient perturber M. Radic, mais aucune de ces cinq personnes n'a
11 manifesté la moindre compassion à l'égard des victimes.
12 Si nous regardons maintenant les circonstances aggravantes, dont nous
13 pouvons dire qu'il y en a un certain nombre, eh bien, nous commencerons
14 par dire que la captivité continue dans le cadre de laquelle ces crimes
15 ont été perpétrés constitue une circonstance aggravante.
16 Nous parlons ici de meurtres, de tortures, de traitements cruels, de
17 viols, d'outrage à la dignité humaine. Ces actes n'ont pas été commis à
18 l'encontre de simples citoyens, nous ne parlons pas ici de crimes commis à
19 l'intérieur d'un Etat, nous parlons ici de crimes perpétrés à l'encontre
20 de détenus totalement démunis qui étaient à la merci de leurs
21 tortionnaires par le fait de leur captivité.
22 Et je demande à la Chambre de première instance de se repencher sur la
23 décision Kunarac qui traite de la vulnérabilité toute particulière des
24 détenus, des femmes, d'autres personnes encore. Cela a été abordé dans le
25 cadre du contre-interrogatoire du Pr Beatovic qui a fort consciemment omis
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1 de les inclure dans son rapport d'expert alors même que la Chambre de
2 première instance dans Kunarac déclarait qu'il s'agissait là d'éléments
3 d'intérêt.
4 Il ne faut pas non plus omettre la durée pendant laquelle ces camps ont
5 fonctionné. Nous parlons du mois de mai jusqu'au mois d'août 1992, et si
6 ces camps n'avaient pas été découverts, eh bien, ils auraient continué à
7 fonctionner jusqu'à ce que chacune des personnes se trouvant détenues soit
8 éradiquée, comme le prévoyait le plan.
9 Et la Chambre de première instance dispose de nombre d'éléments de preuve
10 qui indiquent quels étaient les projets qui avaient été faits concernant
11 le sort réservé aux personnes qui étaient détenues.
12 La participation de plein gré de ces individus doit être tenue pour une
13 circonstance aggravante. Le plaisir pervers ressenti et pris par Zoran
14 Zigic au moment de décrire l'humiliation de Car, vous vous rappelerez que
15 le docteur Nedopil a parlé dans son rapport psychiatrique du plaisir qu'il
16 avait été pris par Zoran Zigic il a humilié Car et il en était heureux. Il
17 l'a attaqué et humilié car il avait osé nous attaquer. Il y a
18 manifestation de l'intention discriminatoire. Nous attaquer. Dans le cadre
19 de son interrogatoire, de son entretien quelques jours avant son
20 arrestation, Kvocka dit que si cela s'avérait nécessaire il
21 recommencerait. Aucune expression de remords, aucune expression de regret,
22 aucune prise en compte de la destruction de la vie de milliers de
23 personnes qui ont été placées en détention au camp d'Omarska. Pour
24 certaines de ces personnes jamais, jamais il n'y aura de vie normale
25 désormais.
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1 La discrimination, le racisme dont il a été fait état dans cette affaire
2 sont également des facteurs aggravants. Nous parlons de ce jeune Croate
3 Slavko Ekimovic qui était un combattant de la résistance et qui a essayé
4 de contrer l'établissement de l'ordre nouveau à Prijedor. On lui a dit, à
5 ce jeune homme: "Regarde ce combattant de Tudjman, regarde-le car tu vas
6 finir comme lui. C'est Kvocka qui a prononcé ces paroles, Kos a réprimandé
7 Jokic parce qu'il tentait d'aider les prisonniers, il lui a dit: "ils vont
8 t'égorger, ils vont t'égorger.". Zigic a souvent, nous a-t-on dit, utilisé
9 des termes péjoratifs tels que Balija à l'égard de personnes musulmanes.
10 Tous ces éléments doivent être considérés comme des facteurs aggravants
11 lorsqu'il vous reviendra Madame, Messieurs les juges de vous prononcer sur
12 la sentence.
13 Le caractère répétitif des crimes perpétrés, l'extorsion d'argent auquel
14 s'est livré certains des accusés vis-à-vis de Kugic. C'est Prcac qui a
15 essayé d'extorquer de l'argent à deux reprises de Kugic.
16 Le comportement sexuel de Radic qui est inqualifiable, je parle de
17 comportement inqualifiable, mais il faut bien parler du fait que l'auteur
18 d'agressions sexuelles. Le fait qu'il y ait eu extorsion de la part de
19 Zigic, extorsion d'argent provenant de différentes victimes, à différents
20 moments, le passage à tabac des victimes, il s'agit là de facteurs
21 aggravants. N'oublions pas la préméditation qui aggrave le degré de
22 culpabilité. Zigic a déclaré, à Ervin Ramic à Keraterm, qu'il allait se
23 rendre à Omarska pour y tuer des Musulmans bien connus.
24 N'oublions pas le sentiment de vengeance qui animait les auteurs de ces
25 crimes. Il faut également en prendre en tenir compte. Pas un de ces
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1 accusés n'a essayé de coopérer avec les représentants du Bureau du
2 Procureur. On ne peut pas vraiment parler d'un quelconque type de
3 coopération. Il a fallu poursuivre ces individus sur le territoire de
4 l'ex-Yougoslavie, il serait bon que la Chambre de première instance ce
5 repenche sur l'entretien qui a été organisé avec Kvocka. Regardez ce qu'il
6 dit à propos de la possibilité de se remettre volontairement entre les
7 mains du Tribunal. Le plus cynique de ses commentaires est celui dans
8 lequel il déclare qu'une arrestation ne doit pas avoir lieu avant qu'il y
9 ait eût démonstration de la véracité des charges retenues contre un
10 individu.
11 Or, que s'est-il passé à Omarska? Eh bien, tous les individus ont été
12 internés sans autre forme de procès. C'est ce que dit l'un des enquêteurs
13 si je ne m'abuse. Pardon je m'interromps un instant Monsieur le Président.
14 Pour récapituler ce que je disais, la gravité des crimes, les
15 circonstances aggravantes qui ont été énoncées, exigent que les sentences
16 les plus lourdes soient prononcées à l'égard de ces individus.
17 L'accusation demande que 35 ans de prison soient demandés pour Miroslav
18 Kvocka. L'accusation recommande une sentence de 35 ans d'emprisonnement
19 contre Dragoljub Prcac. L'accusation demande et recommande qu'une sentence
20 de 25 ans d'emprisonnement soit retenue à l'égard de Milojica Kos. Enfin,
21 l'accusation demande et recommande qu'une sentence d'emprisonnement à vie
22 soit prononcée à l'égard de Mlado Radic. L'accusation demande et
23 recommande qu'une sentence d'emprisonnement à vie soit prononcée à l'égard
24 de Zoran Zigic.
25 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les juges j'en ai terminé de mon
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1 réquisitoire et je demande maintenant à la Chambre qu'elle me donne la
2 possibilité de répondre à ses questions demain. Je vous serais très
3 reconnaissante d'accéder à ma demande. Je ne sais pas si la Chambre a des
4 questions à me poser d'ores et déjà mais j'aimerais, si c'est possible,
5 pouvoir répondre à ces questions demain.
6 M. le Président: Nous allons poser nos questions après toutes les
7 interventions du procureur et de la défense.
8 Mme Somers (interprétation): Merci.
9 M. le Président: Je crois que pour aujourd'hui, ce n'est pas la peine de
10 commencer la défense de Kvocka. Etes-vous d'accord maître Krstan Simic.
11 M. K. Simic (interprétation): Absolument, Monsieur le Président. Il nous
12 faut un peu de temps pour analyser tout ce qui vient d'être dit.
13 M. le Président: De cette façon, je crois que nous allons avancer un peu
14 plus rapidement. C'est-à-dire, vous connaissez l'ordre dans lequel nous
15 allons procéder. Nous avons déjà dit que le temps c'est 2 heures 50
16 minutes pour chaque partie. Il est certain que si une partie ne prend pas
17 tout le temps, on passe immédiatement à l'autre partie. Donc, demain à 9
18 heures 20, nous allons commencer la plaidoirie de la défense de l'accusé
19 M. Kvocka. Donc à demain.
20 (L'audience est levée à 14 heures 30.)
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