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1 Le mardi 22 octobre 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 34.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour.
8 Il s'agit de l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.
10 La Chambre de première instance n'est pas au courant de remarques
11 liminaires de la part des parties. Par conséquent, nous allons commencer
12 toute suite avec la déposition du témoin suivant, qui va déposer avec des
13 mesures de protection telles que l'utilisation d'un pseudonyme et
14 déformation des traits de visage et de la voix. Cela signifie que nous
15 allons devoir, pendant un bref instant, passer à huis clos pour permettre
16 au témoin de rentrer dans le prétoire.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
18 [Audience à huis clos]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.
12 [en français] Bonjour, Monsieur -- je vous appelle "Monsieur le Témoin 401"
13 parce que votre témoignage est avec certaines mesures protectrices. Je
14 continue maintenant en anglais, mais je vous invite de faire votre -- de
15 faire une déclaration solennelle que vous dites la vérité, toute la vérité
16 et que la vérité.
17 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la
18 vérité et rien que la vérité.
19 LE TÉMOIN : RM401 [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur
22 le Témoin.
23 Monsieur le Témoin, vous allez déposer avec des mesures de protection;
24 c'est-à-dire que nous n'utiliserons pas votre nom, votre visage n'est pas
25 visible et votre voix ne sera pas utilisée hors de ce prétoire. Mis à part
26 cela, il s'agit d'une audience publique. Mais si vous pensez que certaines
27 de vos réponses pourraient révéler votre identité, veuillez nous le
28 signaler de façon à ce que nous puissions passer à huis clos partiel afin
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1 d'éviter que votre identité soit révélée.
2 Je voudrais également souhaiter la bienvenue à la représentante du
3 gouvernement français, Mme Bass, qui vous accompagne. Et comme Mme Bass le
4 sait, son rôle se borne à envisager ou identifier des préjudices qui
5 pourraient être causés au gouvernement français dans le cadre de cette
6 déposition.
7 Donc, Monsieur le Témoin, c'est Mme Lee qui va commencer par vous poser des
8 questions, qui représente le bureau du Procureur, et qui se trouve à votre
9 droite.
10 Madame Lee, vous pouvez commencer.
11 Mme LEE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
12 Juges. Merci.
13 Pour commencer, je voudrais préciser que j'avais prévu une demi-heure pour
14 ce témoin, mais j'aurais peut-être besoin de cinq ou dix minutes
15 supplémentaires en plus de cette demi-heure prévue, et je voudrais donc
16 vous demander l'autorisation de procéder de cette manière.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons comment vos questions
18 évoluent et nous déciderons si vous pouvez bénéficier de cinq ou dix
19 minutes supplémentaires.
20 Veuillez continuer, Madame Lee.
21 Mme LEE : [interprétation] Très bien. Merci.
22 J'aimerais que l'on affiche le numéro 65 ter 30422, qui est sous pli
23 scellé, dans le système de prétoire électronique.
24 Interrogatoire principal par Mme Lee :
25 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, comme on vous l'a expliqué, ce
26 Tribunal a ordonné des mesures de protection, et ceci inclut l'usage d'un
27 pseudonyme. Donc je ne vais pas utiliser votre nom, ni votre prénom, mais
28 je vous appellerai Témoin RM401.
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1 Je vous demande de consulter le document qui est sur l'écran et de
2 confirmer qu'il s'agit bien de votre nom, de votre prénom et de votre date
3 de naissance.
4 R. C'est tout à fait exact.
5 Mme LEE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
6 j'aimerais verser ce document de la liste 65 ter 30422 sous pli scellé.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, peut-on
8 avoir une cote ?
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30422 recevra la cote
10 P2536.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document P2536 est versé comme pièce
12 sous pli scellé.
13 Mme LEE : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez fourni une déclaration signée
15 au bureau du Procureur devant le Tribunal de grande instance le 3 mars 1998
16 ?
17 R. [hors micro]
18 Q. Et en préparation de votre déposition, est-ce que vous avez eu la
19 possibilité de reparcourir cette déclaration ?
20 R. Est-ce que vous pourriez reformuler la question.
21 Q. En préparation à cette déposition aujourd'hui, est-ce que vous avez eu
22 la possibilité de relire la déclaration que vous aviez faite au Tribunal de
23 grande instance ?
24 R. [hors micro]
25 Q. Monsieur le Témoin, ma question était de savoir si vous aviez eu déjà
26 la possibilité de consulter ce document avant de comparaître aujourd'hui ?
27 R. [hors micro]
28 Mme LEE : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage du
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1 document de la liste 65 ter 30392, sous pli scellé.
2 Il s'agit donc d'une déclaration signée sous la forme de procès-verbal qui
3 a été réalisée devant un tribunal. Nous avons eu des déclarations
4 similaires d'autres témoins. Par exemple, le Témoin RM076, qui porte les
5 cotes sous pli scellé P640 et P641. Je voudrais préciser que cette
6 déclaration est faite sous la forme de réponse à des questions précises qui
7 ont été posées au témoin. Donc les pages 1 à 12 de la déclaration, tant en
8 version anglaise qu'en version B/C/S, représentent les réponses qui ont été
9 données au témoin suite à des questions précises qui apparaissent aux pages
10 13 à 19 du même document.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, continuez.
12 Mme LEE : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question, cependant, à moins
14 que vous souhaitiez continuer. Je vois qu'un document a été joint à la
15 déclaration, mais je ne le trouve pas.
16 Mme LEE : [interprétation] J'ai du mal à vous entendre…
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez du mal à entendre ma voix --
18 Mme LEE : [hors micro]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Utilisez peut-être une autre fiche, ceci
20 vous aidera peut-être. Parce qu'il y a une déformation de la voix et, par
21 conséquent, ça a peut-être des conséquences sur les différents canaux.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez maintenant ?
24 Mme LEE : [interprétation] Oui, je vous entends. Merci.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai remarqué qu'à la fin de la
26 déclaration, il est mentionné qu'il y a une pièce jointe, c'est un croquis
27 qui a été réalisé par le témoin, et je ne le trouve pas.
28 Mme LEE : [interprétation] Oui, ce serait en fait une pièce associée à sa
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1 déclaration que je vais utiliser durant sa déposition, et je vais verser ce
2 document au dossier.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Mais, en général, si c'est une
4 pièce jointe, ça devrait faire partie de la déclaration. Mais si vous en
5 parlez par la suite, ce n'est pas un problème.
6 Veuillez continuer.
7 Mme LEE : [interprétation] Merci.
8 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous reconnaissez ce document comme
9 étant le PV de l'audition devant le Tribunal de grande instance ?
10 R. [hors micro]
11 Q. Je crois que vous souhaitez apporter une précision ou une modification.
12 C'est en réponse à la question numéro 34, qui est à la page 8 sur le
13 système de prétoire électronique tant en anglais qu'en B/C/S.
14 Et la question est la suivante :
15 "Est-il correct d'assumer que plus tard dans l'après-midi, vous-même et
16 trois de vos hommes avez été contraints de remettre vos uniformes du
17 Bataillon français de la FORPRONU et d'endosser des uniformes serbes,
18 bosniaques ? Selon vous, pour quelle raison avez-vous du faire cela ?"
19 R. [inaudible] c'est que j'ai dû remettre de force un uniforme serbe. Je
20 ne sais pas pour quelle raison j'ai été obligé de faire ça. Dans une -- et
21 ensuite, je ne sais -- je pense qu'il y avait d'autres personnels avec moi
22 qui ont été contraints de revêtir ces uniformes serbes, mais c'est beaucoup
23 plus flou dans mon esprit aujourd'hui. Mais ce qui est sûr, ce qui est
24 certain, c'est que j'ai dû revêtir moi-même cet uniforme.
25 Q. Monsieur le Témoin, avec cette précision, si l'on vous posait les mêmes
26 questions aujourd'hui, est-ce que vous y apporteriez les mêmes réponses par
27 rapport à celles que vous avez fournies dans cette déclaration, et je parle
28 au niveau du fond, bien sûr ?
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1 R. Oui, tout à fait.
2 Q. Et après avoir prononcé la déclaration solennelle, est-ce que vous
3 confirmez que cette série de réponses est exacte et conforme à la vérité ?
4 R. [hors micro]
5 Mme LEE : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation souhaite
6 verser ce document de la liste 65 ter 30392, sous pli scellé.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
8 M. IVETIC : [interprétation] Pas d'objection supplémentaire par rapport à
9 ce que nous avons mentionné dans notre réponse au titre de l'article 92
10 ter.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 30392 reçoit la cote P2537,
13 sous pli scellé.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 Mme LEE : [interprétation] Puis-je continuer ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
17 Vous souhaiteriez sans doute demander le versement de ce document sous pli
18 scellé ?
19 Mme LEE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. P2537 est versé au dossier
21 sous pli scellé. Ah, je vois que vous l'aviez demandé.
22 Vous pouvez continuer.
23 Mme LEE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Comme j'ai déjà
24 mentionné, il y a une pièce connexe, il s'agit du document 65 ter 11493,
25 que je vais montrer au témoin un peu plus tard. Si vous le permettez,
26 j'aimerais lire un résumé très bref et public de la déposition du témoin,
27 comme expliqué un peu plus tôt.
28 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
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1 Mme LEE : [interprétation] Le Témoin RM401 a servi avec la FORPRONU à
2 Sarajevo en 1995. Il a déposé en disant que lui et des membres du personnel
3 onusien ont été pris pour otage par les forces serbes de Bosnie le 27 mai
4 1995. Le témoin et d'autres hommes de son unité ont été désarmés et ils ont
5 été emmenés à divers endroits sur le territoire tenu par les Serbes, y
6 compris la caserne de Lukavica. Lorsqu'il est arrivé à la caserne de
7 Lukavica, le témoin a aperçu plusieurs membres du personnel onusien détenus
8 par la VRS.
9 Pendant au moins deux jours, le témoin et d'autres membres du personnel
10 onusien ont été battus par leurs assaillants, ils ont été attachés ensemble
11 et ils ont été menacés de mort. Le témoin a entendu un témoin [comme
12 interprété] de la VRS lancé à la FORPRONU disant que si la FORPRONU
13 n'acceptait pas leur demande, que le témoin et d'autres personnels onusiens
14 seraient exécutés.
15 Le témoin et d'autres personnels onusiens ont été relâchés le 13 juin 1995.
16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cela met fin à la lecture du
17 résumé de la déposition de ce témoin.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Si vous avez d'autres
19 questions supplémentaires, vous pourrez les poser au témoin, je vous prie.
20 Mme LEE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demanderais
21 pour ce faire que l'on passe à huis clos partiel, s'il vous plaît.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
24 Monsieur le Président.
25 [Audience à huis clos partiel]
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25 [Audience publique]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Madame Lee. Vous
27 aviez demandé 30 minutes, vous en avez pris déjà sept de plus. Allez-y,
28 poursuivez.
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1 Mme LEE : [interprétation] Je serai très brève.
2 Il ne me reste plus que deux sujets, et je pense que j'aurais besoin
3 de tout au plus dix minutes.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez d'être aussi concise que
5 possible et évitez toute répétition dans toute la mesure du possible.
6 Mme LEE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Monsieur le Témoin, on ne vous a pas exécutés à ce moment-là, et vous
8 nous dites qu'on vous a ramenés à la caserne de Lukavica. J'aimerais savoir
9 à quel moment vous-même et vos hommes avez-vous reçu de la nourriture pour
10 la première fois depuis le moment où vous avez été placés en détention par
11 la VRS ?
12 R. On a reçu un tout petit déjeuner sommaire le lendemain matin, donc le
13 28 au matin.
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15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.
17 Maître Ivetic, si vous êtes prêt à poser vos questions dans le cadre du
18 contre-interrogatoire.
19 Monsieur le Témoin 401, vous allez répondre aux questions de Me Ivetic, qui
20 représente l'équipe de la Défense de M. Mladic, et qui va vous poser des
21 questions dans le cadre du contre-interrogatoire.
22 M. IVETIC : [aucune interprétation]
23 Contre-interrogatoire par M. Ivetic :
24 Q. [interprétation] Je voudrais maintenant vous poser des questions
25 concernant ce procès-verbal.
26 M. IVETIC : [interprétation] Qui est la pièce P2537, sous pli scellé, qui
27 ne devrait pas être diffusée hors de ce prétoire.
28 Q. Tout d'abord, j'aimerais savoir si on vous a posé ces questions sous
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1 forme écrite ou sous forme verbale, ou orale, durant cette audition ?
2 R. Alors, à cette audition de mars 1998, c'était sous forme orale.
3 Q. Est-ce que quelqu'un vous a rencontré avant la prise du procès-verbal
4 de façon à obtenir des informations préparatoires qui seraient utilisées
5 pour préparer les questions qui vous ont ensuite été posées ?
6 R. Est-ce que vous pouvez préciser votre question ?
7 Q. Oui. Certaines des questions semblent être assez détaillées. J'aimerais
8 savoir si quelqu'un vous a rencontré avant cette audition afin d'obtenir
9 des informations préalables, informations qui auraient ensuite été
10 utilisées pour préparer les questions qui vous ont ensuite été posées ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous semez peut-être la
12 confusion, parce que quand vous parlez de procès-verbal, c'est une version
13 écrite de l'audition du témoin. Donc, Monsieur le Témoin, est-ce que vous
14 avez rencontré qui que ce soit avant d'avoir répondu aux questions qui,
15 ensuite, se sont soldées par ce procès-verbal qui a été rédigé par la suite
16 ?
17 LE TÉMOIN : Alors, il y a d'abord eu une audition informelle puis une
18 audition formelle. Le procès-verbal qui était dressé, que vous avez devant
19 vous, c'est l'audition formelle. Voilà. Donc on a le juge qui m'a reçu à la
20 cour d'appel de Paris, m'a posé des questions oralement, j'ai répondu à ces
21 questions, et c'est donc -- mes réponses, donc, apparaissent dans ce
22 procès-verbal.
23 M. IVETIC : [interprétation]
24 Q. Mis à part le juge et vous-même, qui était présent lors de l'audition
25 informelle, avant que les questions vous étaient posées ?
26 R. Je ne me souviens plus.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le juge était présent
28 durant l'audition informelle ?
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1 LE TÉMOIN : [hors micro]
2 M. IVETIC : [interprétation]
3 Q. Est-ce que vous savez s'il y a eu une traduction ou un enregistrement
4 de cette audition informelle qui a eu lieu avant l'audition formelle ?
5 R. Oui. Il y a eu un document suite à cette audition informelle, et --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il y a un malentendu. Est-
7 ce qu'il y a eu un enregistrement verbatim de l'audition informelle, tel
8 que cela se produit, par exemple, dans ce Tribunal, c'est-à-dire un compte
9 rendu verbatim ? Ou est-ce qu'il y a eu un enregistrement audio de cette
10 audition informelle ?
11 LE TÉMOIN : Moi, j'ai conservé une trace écrite de cette audition
12 informelle. Où d'abord des questions avaient été -- avaient été, en fait,
13 posées à la France, la France avait accepté un certain nombre de questions,
14 et j'ai répondu à ces questions. C'était lors de cette audition informelle.
15 Et puis ensuite, j'ai été reçu de façon, donc, formelle, et c'était --
16 c'était pratiquement les mêmes questions.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous poser une question par
18 rapport à l'une de vos réponses précédentes. Vous avez dit que vous ne vous
19 souveniez pas si d'autres personnes étaient présentes durant l'audition
20 informelle. Nous savons que durant l'audition formelle, puisque ceci est
21 consigné, une personne travaillant pour le bureau du Procureur du TPIY
22 était présente. Est-ce que vous vous souvenez si cette même personne
23 étaient également présente durant l'audition informelle et s'il s'agissait
24 de la même personne, ou est-ce qu'il y avait d'autres personnes, ou il ne
25 s'agissait que d'une seule personne ?
26 LE TÉMOIN : Je ne me souviens plus. Je préfère ne pas répondre à cette
27 question parce que je risquerais de dire des erreurs. Je me souviens très
28 bien d'une personne parce qu'elle m'avait, donc, donné sa carte de visite.
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1 En revanche, était-elle là à la première audition, je me souviens plus.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Ivetic.
3 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
4 Q. En ce qui concerne les réponses écrites que nous avons ici et qui ont
5 été versées au dossier sous la cote P2537, sous pli scellé, est-ce que ces
6 réponses ont découlé de la réunion informelle ou est-ce qu'elles ont
7 découlée de la réunion formelle ?
8 R. Toutes les auditions, donc, à laquelle [sic] j'ai participé contiennent
9 le même contenu. Donc l'audition formelle a bien débouché sur -- donc,
10 l'audition informelle a bien débouché sur l'audition formelle, et ici j'ai
11 bien réaffirmé les mêmes positions.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, ce ne changera pas les
13 réponses du témoin, mais lorsque j'avais dit qu'une personne avait été
14 consignée comme étant présente durant l'audition formelle, j'ai consulté la
15 version en français et, en fait, il est mentionné qu'une deuxième personne
16 était également présente.
17 M. IVETIC : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné que le témoin ne se souvient
19 pas, je voulais juste consigner ceci au compte rendu d'audience, compte
20 tenu des informations que nous avons.
21 Veuillez continuer.
22 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
23 Q. Monsieur le Témoin, je comprends bien que durant toutes les auditions,
24 le même contenu a été abordé. Mais ma question était de savoir si les
25 réponses que vous avez apportées, et vous avez signé à chaque bas de page,
26 est-ce que ces réponses découlent de l'audition informelle ou est-ce
27 qu'elles découlent de l'audition formelle ?
28 R. Alors, je vais répéter ce que j'ai dit pour mieux préciser.
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1 Des questions préalables à cette audition informelle avaient été envoyées à
2 Paris. Paris a accepté un certain nombre de questions, et ce sont ces
3 questions-là qui m'ont été posées lors de l'audition informelle. Puis, ce
4 sont ces mêmes questions qui ont été posées lors de l'audition formelle.
5 Q. Durant l'audition formelle, est-ce que vous aviez déjà les réponses
6 dactylographiées à ces questions, réponses que vous avez signées également
7 ?
8 R. Etant donné que les réponses étaient les mêmes, que je les aie ou pas,
9 ça ne changeait absolument rien.
10 Q. Mais pourriez-vous nous dire si vous disposiez déjà de ces réponses
11 écrites ?
12 R. [hors micro] -- c'étaient mes réponses.
13 Q. Et je vous ai bien compris, vous aviez une version dactylographiée de
14 réponses aux questions avant l'audition formelle ?
15 R. Oui.
16 Q. Quand avez-vous signé ces réponses ? Etait-ce avant ou après l'audition
17 formelle ?
18 R. Je ne sais plus.
19 Q. Pour les besoins de l'audition formelle, est-ce que vous avez
20 simplement lu les réponses qui avaient été préparées au préalable ?
21 R. Evidemment que j'ai relu le document; mais comme j'avais dit quand je
22 suis arrivé ici, je n'ai pas changé mes réponses. Le déroulement des
23 événements et ce qui nous est arrivé était bien conforme à mes réponses
24 initiales.
25 Q. Donc, pour les besoins de l'audition formelle, des questions n'ont pas
26 été posées et des réponses n'ont pas été apportées. Vous vous en êtes tenu
27 aux réponses qui avaient été préparées avant l'audition formelle ?
28 R. J'ai pas très, très bien compris votre question.
Page 18230
1 Q. Durant l'audition formelle, est-ce exact de dire que vous aviez
2 simplement à dire que vous vous en teniez aux réponses écrites qui avaient
3 été préparées avant l'audition formelle ?
4 R. [hors micro] -- formelle, on a bien repris, effectivement, la trame de
5 l'audition informelle, mais en apportant davantage de détails et
6 d'éléments.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, peut-être que ceci va
8 permettre d'apporter des précisions.
9 Durant l'audition formelle, est-ce que l'on vous a à nouveau posé les
10 questions ? Est-ce que le juge a lu à haute voix les questions et vous avez
11 donc répondu à ces questions et ceci a été consigné sur papier ? Est-ce que
12 ceci s'est passé, donc, durant l'audition formelle ? Ou est-ce que le juge
13 a dit : Passons maintenant à la question, mettons, 24, est-ce que vous
14 voulez rajouter quelque chose à ce qui est préparé ? Ce qui nous intéresse,
15 c'est de savoir exactement comment les choses se sont déroulées. N'est-ce
16 pas, Maître Ivetic ? Nous aimerions savoir comment l'audition formelle
17 s'est déroulée exactement.
18 LE TÉMOIN : [hors micro] -- s'est déroulée de la façon suivante.
19 Le juge m'a posé des questions sur ce qui m'était arrivé. Dans l'ordre
20 chronologique, en racontant avec force détails les différentes étapes et
21 les différentes phases de notre prise d'otage, de notre détention. Il ne
22 passait pas -- c'était -- il ne passait pas première question, voici;
23 deuxième question, voici. Donc il m'a posé des questions, il a même
24 reformulé, en fait, certaines questions. Donc, je veux dire, ça s'est fait
25 -- ça s'est fait sans préparation particulière préalable.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Concernant les questions. Est-ce que
27 vous vous êtes référé à des réponses que vous aviez déjà consignées sur
28 papier, ou est-ce que vous avez répété verbalement ou vous avez apporté des
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1 réponses en parlant, donc, de manière orale ?
2 LE TÉMOIN : [hors micro] -- je crois, plus d'une journée entière. J'ai par
3 oral redit tout ce qui m'est arrivé.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Ivetic.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et j'aimerais savoir comment ceci a
6 été consigné ? Vous avez dit que cela a pris longtemps. Comment est-ce que
7 ceci a été consigné, cette audition formelle ?
8 LE TÉMOIN : Un greffier était là avec nous pour prendre toutes les
9 réponses. Voilà. Et ça a pris énormément de temps.
10 M. IVETIC : [interprétation] D'accord.
11 Q. Vous avez donc signé ce document avec les réponses. Est-ce que ça a été
12 le résultat de ce qu'avait consigné le greffier ou est-ce qu'il s'agissait
13 de réponses que vous aviez déjà en votre possession avant l'audition
14 formelle ?
15 R. Alors, ce que j'ai répondu à l'audition formelle, comme les réponses --
16 enfin, je veux dire les questions étaient sensiblement les mêmes, et comme
17 à l'audition formelle et à l'audition informelle nous avions pris les
18 choses dans leur chronologie, j'ai tout simplement à chaque fois répondu
19 les mêmes choses tout simplement.
20 Q. Vous dites que vous avez apporté des additions à certaines réponses.
21 Est-ce que les réponses que nous avons dans ce document que vous avez
22 signé, est-ce que cela incorpore également les compléments que vous avez
23 apportés durant l'audition formelle ?
24 R. Oui, tout à fait.
25 Q. Vous dites que le tout a duré plus d'une journée. Pourriez-vous nous
26 dire combien de temps est-ce que cela a pris ? Etait-ce une deuxième
27 journée complète ?
28 R. L'audition formelle a commencé vers 9 heures et elle s'est terminée
Page 18232
1 vers 17 heures.
2 Q. Je remarque que certaines réponses, comme par exemple page 4 en
3 anglais, page 7 en français et page 5 en B/C/S, il s'agit de la réponse
4 numéro 15, et que cette réponse se lit comme suit :
5 "Nous constatons que cette question a déjà fait l'objet d'une réponse de la
6 part du témoin."
7 Pourriez-vous nous dire qui était-ce dont les propos sont consignés comme
8 étant la personne qui ait prononcé ces propos ?
9 R. La personne qui a consigné ces propos faisait partie de l'assistance,
10 je veux dire des quelques-uns que nous étions dans le bureau du juge. Je ne
11 peux pas vous en dire d'autre. Le juge a dû poser cette question-là, et une
12 des personnes présentes a dit : Non, mais on a déjà répondu à ça.
13 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant passer à un autre sujet. Et, de
14 nouveau, ma question porte sur le PV. Alors, je vous renvoie à la réponse
15 numéro 6, page 3 en anglais, page 5 en français et page 4 en B/C/S.
16 Alors, réponse numéro 6, vous parlez de la phase d'information avant
17 d'arriver en Yougoslavie. Combien de temps est-ce que cette phase
18 d'information a-t-elle duré ?
19 R. Alors, cette phase d'information avant d'arriver sur un théâtre des
20 opérations dure plus ou moins longtemps, selon la nature de l'opération
21 elle-même. C'est ce qu'on appelle une mise en condition opérationnelle. Où,
22 généralement, on peut dire ça va ou ça court sur deux mois, où là on nous
23 présente le théâtre, on nous présente notre mission de façon théorique, et
24 puis ensuite nous avons un certain nombre d'exercices pratiques pour nous
25 familiariser avec les missions que nous avons à conduire sur ce théâtre.
26 Q. Je souhaiterais maintenant me pencher très précisément à cette phase
27 d'information qui a eu lieu avant que vous ne soyez déployé en Yougoslavie
28 en 1995. Combien de temps a-t-elle duré, cette phase d'information-là ?
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1 R. Si mes souvenirs sont encore exacts - parce que ça fait quand même plus
2 de 18 ans - elle a dû durer entre un et deux mois.
3 Q. Au cours de cette phase d'information, cette mise en condition qui a
4 duré de deux à trois mois, est-ce que les forces serbes de Bosnie étaient
5 décrites comme étant une force hostile ou un ennemi potentiel, ou autre ?
6 De quelle manière ont-ils été décrits ?
7 R. Lors de la présentation d'un théâtre, nous présentons toutes les
8 factions. Et notre mission était une mission des Nations Unies comme
9 Casques bleus, une mission d'interposition. Donc nous, notre rôle, c'était
10 de séparer deux belligérants. Et nous nous sommes entraînés pour cela, et
11 sans aucun parti pris, bien sûr.
12 Q. Passons maintenant à la réponse numéro 9 du PV. Vous dites ici que la
13 mission qui vous a été confiée par la FORPRONU était d'empêcher les Serbes
14 d'avoir accès au bâtiment de la présidence serbe.
15 Quels sont les moyens que vous aviez l'autorisation d'utiliser afin
16 de mener à bien votre mission consistant à empêcher les Serbes d'avoir
17 accès au bâtiment de la présidence bosniaque ?
18 R. Alors, notre déploiement -- notre déploiement sur ce poste-là était
19 vraiment un point-clé de Sarajevo, comme vous le dites. Et nous avions pour
20 mission, eh bien, tout d'abord de nous interposer entre les Bosniaques et
21 puis les Serbes et d'empêcher les Serbes de s'emparer, donc, des symboles
22 de l'autorité, le parlement et la présidence, donc, en traversant la
23 Miljacka et en traversant le pont de Vrbanja. Les moyens dont nous
24 disposions, c'était tout simplement la présence du poste, qui empêchait
25 toute offensive, donc, en véhicule dans ces quartiers -- ce quartier du
26 parlement, bien sûr. Et si toutefois les Serbes avaient franchi notre
27 poste, nous aurions pour légitime défense, du fait de notre mission, ouvert
28 le feu.
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1 Q. Je souhaiterais vous poser une question pour précision. Dans la
2 déclaration écrite, vous parlez en fait du "bâtiment de la présidence
3 bosniaque", alors que maintenant vous parlez du "bâtiment du parlement".
4 Alors, quelle est la bonne réponse ?
5 R. j'ai toujours -- on a toujours parlé de la présidence bosniaque, mais
6 peut-être que c'était le parlement bosniaque. Mais ce sont, je pense, les
7 habitants de Sarajevo ou ceux qui en avaient une meilleure connaissance qui
8 pourraient le définir. De toute façon, c'est plus le symbole qu'il faut
9 retenir dans ce bâtiment.
10 Q. La FORPRONU vous a-t-elle également donné pour mission d'empêcher le
11 côté musulman de la BiH d'avoir accès au territoire serbe ?
12 R. Alors, comme je l'ai dit, là je me cantonnerai à la mission que nous
13 avions reçue, moi j'étais en fait en poste sur la ligne du cimetière juif,
14 que vous connaissez peut-être, entre le pont, donc, de Vrbanja et la
15 position de Debelo Brdo. Et nous, notre mission, c'était bien de faire de
16 l'interposition sur cette ligne-là entre les deux factions. Je ne peux que
17 répondre sur ma mission et sur le terrain sur lequel j'accomplissais ma
18 mission. Donc une mission d'interposition, ça se joue dans les deux sens,
19 bien évidemment.
20 Q. Est-ce que votre mission d'interposition consistait à également
21 empêcher le côté musulman de la BiH de mener des attaques depuis le
22 territoire contre le côté serbe ?
23 R. Entre le pont Vrbanja et la position de Debelo Brdo, sur les postes que
24 nous tenions en interposition, il aurait été, effectivement, inadmissible
25 que quelque faction que se soit puisse avancer des offensives de part et
26 d'autre.
27 Q. Avant le 27 mai 1995, suis-je en droit de dire que votre poste a fait
28 l'objet de tirs croisés entre l'ABiH et l'armée serbe ? Je parle, donc, de
Page 18235
1 quelques jours avant cette date.
2 R. Oui, tout à fait. Lorsque nous sommes arrivés le 12 mai à Sarajevo,
3 c'était le calme qui régnait sur cette ville. C'est relatif, mais c'était
4 quand même une situation de calme. Et à partir du 16 et 17 mai, c'est
5 vraiment un déferlement -- enfin, c'est que des combats ont repris. Les
6 combats -- des combats très, très violents ont repris entre les deux
7 factions sur cette ligne de ce qu'on appelle le cimetière juif, c'est-à-
8 dire entre Debelo Brdo et le pont de Vrbanja. Tout à fait. Et pour être
9 très, très précis, mon poste, effectivement, a subi des tirs, des tirs de
10 RPG, des tirs de mortier, des tirs de canons de 30 millimètres. Tout à
11 fait.
12 Q. Ces combats qui ont commencé le 17 mai, qui se sont poursuivis, ces
13 combats ont-ils été initiés par l'ABiH ?
14 R. Je ne sais pas.
15 Q. Fort bien. Je souhaiterais maintenant passer à la date du 27 mai 1995.
16 Au point 16 de votre réponse du procès-verbal - page 4 en anglais, page 7
17 en français et page 5 en B/C/S - vous dites que votre poste a fait l'objet
18 d'une attaque et qu'il a été attaqué par des Serbes à 4 heures 10 en cette
19 date. Pourriez-vous nous dire quelle était la forme de ces tirs; quel type
20 d'armes était utilisé ?
21 R. Ils n'ont pas utilisé d'armes. C'était une opération commando, rapide,
22 brutale, de nuit, où des gens se sont infiltrés dans notre poste. Habillés
23 avec des uniformes des Nations Unies, donc, pour certains. Et donc, ils ont
24 tout de suite capturé les deux -- donc les deux soldats qui étaient au
25 poste d'observation face à leur position. Et puis ensuite, les uns après
26 les autres, donc, nous avons été -- nous avons été, donc, capturés, tout à
27 fait.
28 Q. Suis-je en droit de dire qu'il n'y a pas eu de pertes de votre côté à
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1 la suite de cette capture ?
2 R. [hors micro]
3 Q. Lorsque ces unités ont été capturées, est-ce que vous avez eu des
4 communications avec des personnes qui étaient en mesure de communiquer en
5 serbo-croate avec des Serbes ?
6 R. Alors, au moment de la capture, d'abord j'ai volontairement -- j'ai
7 volontairement voulu éviter un bain de sang à l'intérieur du poste, et
8 c'est moi qui n'ai pas voulu, effectivement, qu'on tire.
9 Parce que, comme je l'ai souligné, le poste était dans l'obscurité la
10 plus totale, justement pour ne pas qu'on décèle les mouvements à
11 l'intérieur du poste. Ça, c'est une première chose. Et puis, je pense que
12 si on avait commencé à ouvrir le feu, il y aurait eu un carnage de part et
13 d'autre. On était bien des Casques bleus des Nations Unies en mission
14 d'interposition, sous le chapitre 6 des Nations Unies. Donc, pour moi, il
15 était hors de question de céder -- de céder à ce genre de chose.
16 J'ai essayé de contacter -- de contacter uniquement mes chefs, mes
17 supérieurs, pour leur dire ce qui se passait sur le poste, mais les Serbes
18 qui nous avaient pris, les miliciens serbes donc, ont tout de suite arraché
19 tous les fils de communications qui étaient dans le poste de transmission.
20 Q. Je vous remercie de nous avoir apporté ce complément d'information.
21 Mais pour répondre à ma question, est-il exact de dire qu'aucun des soldats
22 serbes [comme interprété] ne pouvait communiquer avec les Serbes en serbo-
23 croate à ce moment-là ?
24 R. [hors micro] -- échangés étaient en anglais.
25 Q. Lorsque vous dites que vous avez essayé d'entrer en contact avec vos
26 supérieurs par le truchement d'une radio, est-ce que c'était une tentative
27 de votre part d'essayer de résoudre la situation de manière pacifique ?
28 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que la FORPRONU vous avait donné des instructions sur la manière
2 de procéder dans le cas d'un tel événement, c'est-à-dire de la capture de
3 vous ou d'autres soldats ou du poste d'observation ?
4 R. Alors, les instructions étaient très claires, effectivement, de la part
5 des Nations Unies. Parce que depuis la veille un certain nombre d'OCP
6 étaient tombés, comme je l'ai souligné tout à l'heure, donc nous avions
7 renforcé, bien sûr, la protection de nos postes. Donc nos instructions
8 étaient très claires -- très claires en la matière.
9 Q. Est-il exact de dire que la FORPRONU avait demandé les frappes
10 aériennes de l'OTAN avant le 27 mai 1995 ?
11 R. Non, sur ces questions-là, je ne suis pas capable de répondre.
12 Q. Vous parlez d'instructions reçues par la FORPRONU. Est-ce que dans ces
13 instructions on disait que les frappes aériennes allaient avoir lieu sous
14 peu ?
15 R. Le chef que j'étais opérait au niveau tactique. Le niveau tactique,
16 c'est on est sur le terrain et on remplit sa mission. Au-dessus, il y a un
17 niveau opératif, et là c'est la projection de la manœuvre, alors, en y
18 appliquant tous les appuis, et cetera. Et au-dessus, il y a le niveau
19 stratégique, où là c'est tous les paramètres politico-militaires qui
20 rentrent en ligne de compte.
21 Donc, moi, au niveau tactique, je peux vous parler de la situation tactique
22 sur la ligne au cimetière juif. En revanche, je ne peux pas vous répondre
23 sur ces questions de niveau opératif ou de niveau stratégique.
24 Q. Monsieur, j'aimerais savoir quelles étaient les instructions, vous
25 dites qu'elles étaient très claires. Est-ce que ces instructions très
26 claires comprenaient des informations selon lesquelles des frappes
27 aériennes appelées par la FORPRONU étaient attendues ?
28 R. Alors, concernant ces frappes aériennes, je n'étais pas au courant de
Page 18238
1 ces frappes aériennes qui étaient attendues. Ce que nous savions, nous,
2 c'est que deux OCP, donc, avaient été pris par les Serbes pour récupérer
3 leur armement. Nous avions des camarades qui étaient pris en otage sur ces
4 OCP, et que nous, sur les postes que nous tenions, eh bien, nous devions
5 absolument renforcer notre protection.
6 Voilà les instructions que nous avons reçues.
7 Q. Je voudrais que l'on examine le point 17 de vos réponses dans le
8 procès-verbal - page 6 [comme interprété] dans la version française et 6 en
9 B/C/S.
10 Ici, vous dites que dans un premier temps, vous étiez convaincu que ce
11 n'était que des membres des milices, mais maintenant vous dites : Je suis
12 beaucoup plus nuancé, je pense seulement qu'une majorité d'entre eux
13 étaient des miliciens.
14 Alors, qu'entendez-vous par miliciens ? Est-ce que vous parlez des membres
15 de la police, à savoir qui s'appelle "milicija" en serbo-croate ?
16 R. Alors, pour nous, donc, le terme miliciens, ce sont ces gens qui
17 prennent les armes et qui revêtent un uniforme, alors pas forcément de --
18 enfin, les uniformes qu'ils trouvent, hein, comme ça sur le terrain, avec
19 ou sans uniforme plus exactement, et puis qui participent aux -- et qui
20 participent aux combats et aux conflits aux côtés de l'armée régulière.
21 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, ceux qui ont attaqué et qui ont
22 capturé le poste, est-ce que vous nous dites dans votre déposition qu'ils
23 comprenaient d'un côté des miliciens et d'autre part des membres de l'armée
24 régulière, ou des miliciens et d'autres personnes ?
25 R. Alors, ils comprenaient des miliciens et des militaires de l'armée
26 régulière.
27 Q. D'accord.
28 M. IVETIC : [interprétation] Prenons un autre document, mais je demande
Page 18239
1 qu'il ne soit pas affiché à l'extérieur de la salle d'audience, document 65
2 ter 17449, s'il vous plaît.
3 Q. Il porte la date du 8 juillet 1995, et c'est un questionnaire qui a été
4 rédigé par le nom d'un soldat de la FORPRONU dont nous ne devrions pas
5 mentionner le nom. Alors, si on voit le nom et le poste occupé par cet
6 individu, mais sans nous préciser son nom ou sa relation avec vous, est-ce
7 que vous pouvez nous dire si vous connaissez ou reconnaissez cet individu ?
8 R. Alors, dans la présentation en haut ? Parce qu'il y a plusieurs noms
9 qui sont indiqués et je les connais, donc…
10 Q. Le nom de la personne qui apparaît dans la quatrième ligne à partir du
11 haut de la page.
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 Q. Est-ce que vous avez des raisons de penser que cet individu avait accès
15 à des éléments d'information véridiques et exacts portant sur l'incident
16 qui vous concerne, vous et d'autres qui ont été capturés le 27 mai 1995 ?
17 R. Oui. Oui, tout à fait.
18 M. IVETIC : [interprétation] Page 3, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut
19 l'afficher. Plutôt, excusez-moi, page 2.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lee.
21 Mme LEE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos
22 partiel, s'il vous plaît.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
24 plaît.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
26 [Audience à huis clos partiel]
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
12 M. IVETIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur, nous ne sommes pas en train de diffuser cela à l'extérieur.
14 Je voudrais que l'on examine le dernier paragraphe du point 2, en bas de la
15 page, en bas de l'écran. Je ne vais pas mentionner votre nom, mais il est
16 dit que votre groupe a été capturé par des fanatiques menés par Slavko
17 Aleksic, surnommé Duke. Et il n'y a pas de mention d'autres forces qui
18 auraient pris part à cette attaque et à cette capture.
19 Est-ce que cela vous rafraîchit votre mémoire et est-ce que cela correspond
20 à vos souvenirs ?
21 R. Oui, tout à fait. Tout à fait.
22 Q. O.K.
23 R. Alors, je rappelle que dans la pénombre -- bon, ça s'est passé à 4
24 heures 10 du matin, et qu'on a été submergés par ce groupe de -- un groupe
25 commando, qui était bien -- qui était bien composé de miliciens, de Serbes
26 irréguliers, mais il était bien aussi -- il y avait bien des gens de
27 l'armée régulière, parce que lorsque nous avons été conduits de Prisunic à
28 Lukavica, un ou deux Serbes qui ne nous ont pas quittés, et c'est eux qui
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1 nous ont escortés à Lukavica et ils étaient en uniforme serbe. Donc, là, je
2 suis formel.
3 Alors, ce sont des points de détail que, effectivement, le commandant du
4 bataillon n'a peut-être pas sus, tout simplement.
5 La majorité -- la majorité du commando était bien, donc, des miliciens de
6 Duke Aleksic, mais parmi eux il y avait bien des gens de l'armée régulière.
7 M. IVETIC : [interprétation] Examinons un autre document, qui ne devrait
8 pas lui non plus être diffusé à l'extérieur, 65 ter 17724, s'il vous plaît.
9 Nous n'avons que les versions B/C/S et française. Je m'appuie sur la
10 version B/C/S.
11 Q. Le point 4, en première page des deux versions, nous permet de voir que
12 pendant la capture, vous avez été traités correctement par ceux qui vous
13 ont capturés.
14 Est-ce que cela correspond à votre souvenir ?
15 R. Tout à fait. Alors, lorsque j'ai fait cette déposition-là, il faut
16 remettre en perspective un petit peu au moment où l'on rédige les choses,
17 cette plainte a été rédigée lorsque je suis arrivé à Split, une fois la
18 libération --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne vous exprimez pas à haute voix.
20 LE TÉMOIN : Elle a bien été rédigée, donc, après ma libération. Et vous ne
21 pouvez pas -- vous ne pouvez pas dissocier, on va dire, les choses. Dans ce
22 sens où, vu ce qu'on avait vécu à partir de la fin de la matinée du 27 mai
23 jusqu'au lendemain matin, ce qui s'est passé avant, c'est-à-dire pour la
24 prise, et puis ce qui s'est passé ensuite pour la détention, oui, nous
25 avons été correctement traités. Même si -- même si, en fait, bon, on avait
26 été capturés sur notre poste, ce qui correspond quand même à une violation,
27 et même si nous avons été faits prisonniers aussi -- des Casques bleus, on
28 a été faits prisonniers. Oui, il n'y a pas eu de violence physique poussée
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1 ou importante, contrairement à ce qui s'est passé après dans la journée du
2 27.
3 M. IVETIC : [interprétation]
4 Q. Là encore, je demande que l'on se penche sur le point 4 dans les deux
5 versions, en B/C/S en en français. D'après ce que l'on lit dans le texte,
6 vos ravisseurs vous ont empêchés d'entrer en contact avec les Nations
7 Unies.
8 Est-ce que cela se réfère au même incident qui s'est produit au poste
9 d'observation lorsqu'on a arraché les fils de la radio, l'incident que vous
10 avez mentionné, ou est-ce que c'est un autre incident ?
11 R. [hors micro] --- même incident.
12 Q. Alors, à ce moment-là, revenons au PV.
13 M. IVETIC : [interprétation] Sous pli scellé. Il s'agit de la pièce P2537.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais une précision sur la
15 dernière réponse.
16 Vous nous avez dit qu'ils sont entrés, que vous avez essayé de contacter
17 vos supérieurs et qu'ils vous ont empêchés de faire cela. Est-ce qu'à un
18 moment quelconque plus tard - donc, à Lukavica, par exemple - est-ce que
19 vous avez jamais demandé d'avoir la possibilité de contacter vos supérieurs
20 ?
21 LE TÉMOIN : Non. Je n'ai pas demandé à Lukavica à contacter mon supérieur.
22 Enfin, je n'ai pas pu -- je n'ai pas pu, à Lukavica, entrer en contact avec
23 mes supérieurs. Parce qu'eux-mêmes, les gens de Lukavica, avaient été
24 complètement coupés -- coupés, en fait, de l'état-major.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et en sachant cela, vous n'avez pas
26 demandé d'avoir la possibilité de contacter vos supérieurs. Est-ce que
27 c'est comme cela que je dois interpréter votre réponse ?
28 LE TÉMOIN : Je n'avais pas eu -- je n'avais pas la possibilité de rentrer
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1 en contact avec mes supérieurs, voilà, pour leur dire que le pont -- le
2 pont avait été -- enfin, que le poste avait été pris par les Serbes.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et aucune autre instance d'autorité des
4 Nations Unies.
5 LE TÉMOIN : Non.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.
7 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie. Je demande donc d'examiner
8 la page 6 en anglais, page 10 en français et page 7 en B/C/S de la pièce
9 2537. Votre réponse à la question 26.
10 Q. Ici, vous parlez d'un officier qui est venu au bâtiment Prisunic et
11 plus tard à Lukavica. Et je vous cite :
12 "L'un des deux m'a demandé ma fréquence radio pour entrer en contact avec
13 mes chefs et j'ai refusé. J'ai compris… qu'i était fort mécontent de ma
14 réponse."
15 Alors, pour commencer, Monsieur, cette personne qui vous a demandé votre
16 fréquence radio, est-ce qu'elle faisait partie des forces régulières serbes
17 ?
18 R. Oui.
19 Q. Cette demande de la fréquence radio, est-ce que cela a eu lieu au
20 bâtiment Prisunic ou à la caserne Lukavica ?
21 R. A la caserne Lukavica.
22 Q. Nous avons déjà parlé de ce fait que vous avez souhaité contacter vos
23 supérieurs par radio pour remédier à la situation, et maintenant vous avez
24 un officier de l'armée serbe qui vous demande la fréquence pour pouvoir
25 procéder à l'établissement de ce contact et vous refusez.
26 Alors, pourquoi ? Expliquez-moi pourquoi vous avez refusé de réagir pour
27 calmer la situation ?
28 R. C'est très simple. Je n'avais pas à diffuser les fréquences radio que
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1 nous utilisions, tout simplement pour des questions de protection de la
2 force. L'utilisation des fréquences pourrait se retourner par des actes de
3 malveillance, des actes d'intrusion, et nuire gravement à l'exécution de la
4 mission. C'est moi qui voulais contrôler, donc, la situation. Alors, je
5 voulais appeler mes supérieurs, mais je ne voulais pas, en fait, que les
6 autres utilisent nos fréquences pour appeler. C'était bien moi qui rendais
7 compte de cette affaire-là.
8 J'étais en situation -- j'étais en situation de prisonnier. Non, pas
9 prisonnier, d'otage. Mais je me suis référé au droit des conflits armés,
10 qui stipule qu'on donne son nom, son prénom, son grade, sa date de
11 naissance et son unité d'appartenance, c'est tout.
12 Q. Les instructions consistant à vous demander de donner votre nom, votre
13 prénom, votre date de naissance, votre grade et votre unité, est-ce que
14 cela n'est pas en relation aux prisonniers de guerre ?
15 R. Oui, tout à fait. Et c'est là le paradoxe complet de la situation.
16 C'est que je suis Casque bleu des Nations Unies et je me retrouve
17 prisonnier.
18 M. IVETIC : [interprétation] Le moment est venu de faire une suspension
19 d'audience.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Ivetic. Alors, nous allons
21 passer à huis clos tout d'abord pour que le témoin puisse quitter le
22 prétoire.
23 Monsieur Mladic, ne parlez pas à haute voix, s'il vous plaît.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
25 [Audience à huis clos]
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5 [Audience publique]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.
7 Maître Ivetic, une fois que les bruits auront cessé, vous pourrez
8 continuer.
9 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
10 Q. Je voudrais passer à la question 30 du procès-verbal - c'est à la page
11 11 en français, 7 en anglais, 7 en B/C/S.
12 Monsieur le Témoin, ici, vous mentionnez que vos gardiens avaient un
13 comportement curieux à votre égard et que tantôt ils étaient corrects avec
14 vous, et tantôt ils manifestaient de l'agressivité.
15 Est-ce qu'il vous semblait que les gardes ne savaient pas vraiment quoi
16 faire de vous ?
17 R. Je pense qu'ils savaient quoi faire de nous dans la mesure où ils
18 devaient nous garder. En revanche, je ne suis pas sûr qu'ils savaient
19 quelle attitude adopter envers nous. Donc, c'est vrai que cette attitude
20 était particulièrement curieuse, comme je l'ai signalé. Tantôt -- tantôt
21 ils étaient violents, et tantôt ils étaient calmes pour nous rassurer. Je
22 n'ai pas d'explication sur cette attitude absolument contradictoire.
23 Q. Nous sommes toujours le 27 mai. Est-ce qu'il serait juste de dire que
24 ce jour, les civils serbes et les serbes en uniforme semblaient désemparés,
25 pas uniquement en raison des frappes aériennes de l'OTAN mais également en
26 raison des morts de Serbes dans la reprise par les Nations Unies du poste
27 d'observation ?
28 R. C'est difficile de répondre à cette question. C'est difficile parce que
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1 est-ce qu'ils étaient mécontents parce qu'il y avait eu deux morts et
2 quatre blessés lorsque le poste a été repris par notre unité qui a eu deux
3 morts et 17 blessés ? Ou est-ce aussi par le fait qu'ils n'arrivaient pas,
4 à cause des négociations qui ne débouchaient pas, ils n'arrivaient pas à
5 récupérer les morts, les blessés et les capturés ?
6 Q. Est-ce que vous saviez que des contrôleurs aériens avancés en mesure de
7 guider les frappes aériennes de l'OTAN pour que celles-ci atteignent leurs
8 cibles étaient, en fait, incorporés dans les différentes unités des Nations
9 Unies et de la FORPRONU sur le terrain ?
10 R. Je ne le savais pas. Et je ne sais pas si c'est vrai.
11 Q. Est-ce que les hommes dans votre unité bénéficiaient de suffisamment
12 d'entraînement, de formation et de suffisamment de compétences dans le
13 cadre de l'OTAN pour faire office de contrôleurs aériens avancés ?
14 R. [hors micro] -- question au sujet des contrôleurs aériens; ils ne sont
15 pas des gens de notre unité. Donc je ne peux pas répondre à cette question.
16 Q. Mais ma question portait sur les hommes dans votre unité, et c'était de
17 savoir s'ils avaient une formation et également les compétences au niveau
18 de l'OTAN pour officier en tant que contrôleurs aériens avancés de l'OTAN.
19 R. Absolument pas. Nous n'avions pas cette compétence. En revanche, nous
20 étions particulièrement bien entraînés pour remplir les missions qui nous
21 étaient confiées. Missions d'interposition et missions d'interdiction.
22 Q. Est-ce qu'à un moment donné durant votre captivité ou par la suite,
23 est-ce que vous avez eu vent du fait que la Croix-Rouge internationale
24 avait décrété ou déclaré que vous et les hommes de la FORPRONU devaient
25 être considérés comme des prisonniers de guerre en raison des actes menés
26 par la FORPRONU et les frappes aériennes de l'OTAN contre les Serbes ?
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lee.
28 Mme LEE : [interprétation] J'aimerais savoir d'où vient cette information,
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1 quelle est la source.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Ivetic.
3 M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, Messieurs les
4 Juges, la plupart des articles spécialisés en matière juridique mentionnent
5 ceci. Je ne pense pas que c'était, en fait, un fait contesté que le CICR
6 avait déclaré ceci. Mais je peux également utiliser d'autres témoins, mais
7 c'était la base de ma question.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais est-ce que vous pourriez être
9 plus précis. Vous dites : la plupart des revues spécialisées juridiques en
10 la matière. Je suppose que si la position du CICR a été mentionnée, il doit
11 y avoir une source qui montre comment et de quelle manière le CICR s'est
12 exprimé.
13 M. IVETIC : [interprétation] Si vous me donnez un moment --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais de toute façon, si le témoin n'en a
15 jamais entendu parler, ça n'a aucun lieu d'être. Par conséquent, Monsieur
16 le Témoin, avant d'explorer la base de cette question, est-ce que vous avez
17 eu vent de cette position du CICR selon laquelle vous auriez dû être
18 considérés comme des prisonniers de guerre ?
19 LE TÉMOIN : [hors micro]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je pense qu'il serait juste,
21 Maître Ivetic, d'informer Mme Lee de la base de votre question de façon à
22 ce que si vous reposez cette question à l'avenir, elle sache sur quelle
23 base vous vous fiez. Et nous pouvons continuer.
24 M. IVETIC : [interprétation] Je peux citer un article par le lieutenant-
25 colonel H. Wayne Elliott --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit que ce n'était pas utile pour
27 l'instant. Mais vous pouvez, bien sûr, transmettre ces informations à Mme
28 Lee par la suite. Pour l'instant, cela nous suffit.
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1 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
2 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que, d'après vous, les soldats serbes à la
3 caserne de Lukavica essayaient de vous protéger, et notamment de vous
4 protéger contre tant les civils serbes que des hommes de la milice, comme
5 on les appelait ?
6 R. Je ne sais pas. Leur mission c'était de nous garder simplement dans
7 cette caserne. Tout simplement.
8 Q. Et quand vous étiez dans la caserne, est-ce qu'ils empêchaient les
9 civils d'entrer en contact avec vous ?
10 R. Oui, tout à fait. Lorsque nous prenions notre repas quotidien dans --
11 on va dire, dans l'ordinaire de cette caserne, il y avait quelques -- il y
12 avait des civils serbes qui venaient aussi manger -- ils mangeaient à cet
13 endroit-là, mais jamais nous n'avons été mis en contact avec eux.
14 Q. Vous avez mentionné les repas quotidiens. Est-ce exact de dire que
15 durant tout votre séjour à la caserne de Lukavica, vous avez mangé la même
16 nourriture que les soldats serbes qui étaient cantonnés dans cette caserne
17 ?
18 R. [hors micro]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je souhaiterais obtenir
20 une précision concernant la réponse précédente.
21 On vous a demandé s'ils vous avaient empêchés d'entrer en contact avec des
22 civils. Votre réponse a été qu'il n'y a pas eu de contact, et vous avez
23 parlé des repas quotidiens. Est-ce que vous avez eu l'impression que ces
24 civils qui se trouvaient là-bas auraient été hostiles, ou est-ce que vous
25 pensiez qu'on les aurait empêchés d'entrer en contact avec vous ?
26 En d'autres termes, est-ce que le fait qu'il n'y ait pas eu de contacts
27 entre vous ou que pas de contact n'était pris, est-ce que vous pensiez que
28 ceci était une manière de vous protéger contre ces civils ?
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1 LE TÉMOIN : [hors micro]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Ivetic.
3 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Pourrait-on revenir au procès-verbal, réponse 31. Je crois qu'elle est
5 affichée déjà à l'écran. Il s'agira de la page 7 en anglais, page 11 en
6 français et page 8 en B/C/S.
7 Q. Ici, vous décrivez que certains soldats haut gradés serbes étaient
8 venus vous rendre visite, même s'ils ne portaient pas d'uniforme de combat
9 qui vous permettrait d'identifier leur grade.
10 Alors, de quelle manière étiez-vous en mesure de conclure qu'il
11 s'agissait d'officiers qui étaient haut gradés plutôt que d'officiers
12 réguliers ou d'autres personnes, si vous ne pouviez pas voir leur grade ?
13 R. Alors, lorsque je parle de vêtements de combat, c'est-à-dire que je ne
14 parle pas de "battle dress". Et là, ils étaient en uniforme, mais pas en
15 uniforme de combat. Ils étaient en chemisettes et en pantalons, mais tout à
16 fait -- tout à fait corrects. L'uniforme, on va dire, de charpie, qui
17 permet tout à fait d'identifier les gens. Ces gens avaient une certaine
18 prestance, un certain âge et une autorité certaine. Puisque, en fait, je
19 les ai vus à un moment donné, ils étaient en réunion, et ça discutait fort.
20 Donc je peux -- je peux informer qu'il s'agissait de hautes autorités qui
21 étaient là.
22 Q. Est-ce que vous faites cette affirmation seulement sur la base de leur
23 âge et en raison du fait que vous, vous estimiez qu'il s'agissait
24 d'officiers mais de grade inconnu ?
25 R. J'affirme que c'étaient des hauts gradés du fait qu'ils portaient un
26 uniforme non pas de combat, hein, comme on pourrait -- enfin, comme on
27 rencontre dans les théâtres, mais c'étaient des officiers d'état-major qui
28 portaient la tenue de charpie. Et c'est bien pour cela qu'on peut dire et
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1 que j'affirme et que je maintiens que c'étaient des hauts gradés qui
2 étaient présents.
3 Q. Prenons maintenant la réponse 42 du procès-verbal - page 9 en anglais,
4 page 14 en français, page 9 en B/C/S - vous parlez d'un incident, de
5 l'incident, en fait, dont vous nous avez déjà parlé, incident où on vous a
6 forcés à vous agenouiller au milieu de la route.
7 Eh bien, tout d'abord, ceci est arrivé avant que vous ne soyez emmenés à la
8 caserne de Lukavica et avant que l'armée régulière ne vous prenne en
9 charge, n'est-ce pas ?
10 R. Alors, on a été forcés de s'agenouiller à ce moment-là, mais je dis
11 bien que sur cet emplacement qui était en bordure, donc, d'une place, il y
12 avait des miliciens qui étaient présents, il y avait des soldats de l'armée
13 régulière qui étaient présents, et il y avait une foule de civils qui était
14 présente.
15 Q. Oui, bien sûr, je comprends, et je crois que c'est ce qui figure dans
16 votre déclaration écrite.
17 Mais j'aimerais savoir si ceci est arrivé avant que vous ne soyez
18 pris en charge par l'armée régulière à la caserne de Lukavica ?
19 R. C'est bien arrivé avant qu'on soit transférés à la caserne de Lukavica.
20 Ce que je veux faire comprendre, c'est l'indication des uns et des autres à
21 partir du moment où on était dans cette phase de négociations et dans cette
22 phase, en fait, d'échec de négociations. Je répète, dans le bâtiment où
23 nous étions détenus, il y avait ces miliciens qui nous gardaient. Il y
24 avait ces officiers d'état-major de l'armée régulière qui étaient bien
25 présents. Il y avait un va-et-vient continu dans ce bâtiment. Et lorsque
26 nous sommes descendus et que nous avons été forcés à nous agenouiller,
27 donc, en face de notre poste ONU et en face du secteur bosniaque, il y
28 avait cette imbrication de population civile, des miliciens et des soldats
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1 de l'armée régulière.
2 Q. Au paragraphe 43 du procès-verbal - même page en anglais, même page en
3 français, et je crois que c'est la même page en B/C/S également - vous
4 dites que la foule était hostile à votre endroit. Est-ce que vous parlez-là
5 de civils, le groupe mixte de miliciens de l'armée régulière qui se
6 trouvaient dans ce square, ou bien est-ce que vous parlez simplement
7 d'éléments spécifiques de ces derniers ?
8 R. De tout le monde. Il y avait une tension extrême. Il y avait des cris,
9 il y avait des hurlements. La tentative d'échange qui a eu lieu a échoué.
10 On était juste au moment de -- juste après cette affaire où le véhicule --
11 le véhicule français a ramené donc les deux morts serbes qui avaient été
12 faits, donc, lors de la reprise du pont. Lorsqu'ils sont arrivés, vous
13 imaginez bien que quand les militaires, les civils, les familles qui
14 étaient là ont récupéré -- ont récupéré les deux morts, vous comprenez bien
15 que tout le monde était dans un état, on va dire, de transe et de -- et de
16 profond -- de profonde -- bon, un sentiment très, très furieux envers nous.
17 Hein, bien sûr, vous imaginez bien ?
18 Q. Oui, bien évidemment, et nous allons l'aborder sous peu. Mais avant
19 cela, passons à la réponse numéro 46 du procès-verbal - page 10 en anglais,
20 page 15 en français, page 10 en B/C/S - tout d'abord, Monsieur, la femme
21 qui parlait français et que vous décrivez ici, parlait-elle couramment la
22 langue française ou était-ce une langue française élémentaire ?
23 R. [hors micro] -- parlait très, très, très bien le français. Ça m'avait -
24 - enfin, ça m'avait vraiment marqué.
25 Q. Fort bien. Dans cette réponse numéro 46 du procès-verbal, vous dites :
26 "Vous vous souvenez maintenant." Qu'est-ce qui a fait en sorte que vous
27 vous souveniez de ces propos, à savoir que vous alliez maintenant mourir ?
28 Pourquoi ne l'avez-vous pas dit plus tôt ?
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1 R. Est-ce que vous pouvez reformuler votre question plus précisément, s'il
2 vous plaît ?
3 Q. Oui, certainement. Le dernier paragraphe de la réponse 46 du procès-
4 verbal se lit comme suit -- je ne vais pas, bien sûr, mentionner les noms.
5 Vous dites :
6 "En fait, je me souviens maintenant qu'elle m'avait indiqué que le," et
7 elle mentionne un nom, "et moi-même devions mourir et que je devais en
8 désigner deux autres."
9 Qu'est-ce qui a fait en sorte que vous vous souveniez maintenant de ce fait
10 aussi important ?
11 R. J'essaie de me remettre dans le contexte de cette audition formelle,
12 par rapport à l'audition informelle.
13 Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai apporté à cette audition
14 formelle plus d'éléments de compréhension, plus de réponses, plus de
15 précision. Sans doute que ça a été -- ça a été le fait d'une demande
16 extrêmement précise à ce moment-là et qui m'a fait -- qui a fait en sorte -
17 - que je me rappelle maintenant, donc, cette affaire-là. Mais j'ai toujours
18 exprimé, et vous pouvez le regarder dans l'audition informelle, j'ai
19 toujours dit que j'ai pas -- ou j'avais été désigné pour mourir et que
20 j'avais rédigé une liste macabre des personnes à -- des personnes qui
21 devaient mourir.
22 Q. Monsieur, dans le rapport d'information découlant de votre récolement
23 qui a eu lieu avec le bureau du Procureur hier, le bureau du Procureur
24 mentionne ceci -- je vais citer leurs propos, mais je ne vais pas
25 mentionner votre nom ni la position. Donc je cite :
26 "Le 27 mai 1995, au cours du recueil des corps serbes à," et l'on mentionne
27 le nom du poste, "l'on a dit au témoin que si quelque chose se produisait
28 dans le cadre de ce processus, il serait relâché sur les lignes de front
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1 bosniennes alors qu'il portait un uniforme serbe."
2 Est-ce que cette version de la session de récolement qui a eu lieu il y a
3 quelques jours avec les membres du bureau du Procureur décrit de manière
4 plus précise ce qui s'est réellement passé cette fois-là ?
5 R. Concernant cet événement précis, les Serbes m'avaient dit : De toute
6 façon, si ça se passe mal, on te lâchera dans les lignes bosniaques.
7 C'était clair.
8 Q. Donc, Monsieur, vous a-t-on dit qu'on allait vous tirer dessus ou bien
9 qu'on allait vous relâcher en direction de la ligne bosnienne ?
10 R. Je ne sais pas.
11 Q. Et pendant que tout ceci a lieu, n'est-il pas exact de dire qu'avant
12 cet événement précis, c'est-à-dire lorsque les Serbes ont essuyé des pertes
13 et les Français ont essuyé des pertes en reprenant le poste, est-il exact
14 de dire que les forces de la FORPRONU ont participé dans une opération
15 conjointe de combat avec l'armée de la BiH pour prendre le poste de
16 contrôle, en causant ainsi les pertes chez les Français et chez les Serbes
17 ?
18 R. C'est totalement faux. Alors, c'est un point, effectivement, sur lequel
19 je me suis énormément interrogé. Les Casques bleus français ont simplement
20 repris le poste qu'ils avaient perdu, suivant un ordre de notre président
21 de la république. L'humiliation avait suffisamment duré. Il fallait un
22 événement marquant, et le pont de Vrbanja a été le prétexte pour donner
23 justement -- redonner aux Casques bleus toute leur légitimité dans leur
24 action. Ce qu'ont fait les Bosniaques au moment de la reprise du poste est
25 une action qui est uniquement, et je dis bien uniquement, de leur fait et
26 de leur décision propres.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais intervenir pour
28 seulement quelques instants. Maître Ivetic, vous tenez le document de sorte
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1 à ce que les caméras puissent le voir, c'est-à-dire -- je suis absolument
2 certain que vous n'étiez pas au courant de cela, mais veuillez, je vous
3 prie, laisser le document sur le pupitre.
4 Excusez-moi, je vous ai interrompu. Vous avez dit que :
5 "… ceci a été pris par eux. La décision était la leur."
6 Et je demanderais à M. Mladic de bien vouloir rester assis et de
7 parler à voix basse.
8 M. IVETIC : [interprétation] Si je puis, Monsieur le Président. Est-ce que
9 je pourrais avoir l'autorisation de consulter mon client.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais soyons polis et demandons au témoin
11 de compléter sa réponse, et par la suite vous aurez l'occasion de consulter
12 votre client, Maître Ivetic.
13 Vous avez dit, Monsieur, que c'était une action qui était la leur et qui
14 leur appartenait. Alors, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose
15 avant que je ne vous interrompe ?
16 LE TÉMOIN : Oui. A aucun moment -- à aucun moment - et c'est chose très
17 claire - les Bosniaques n'ont été informés de la reprise du pont. Ils s'en
18 sont aperçus lorsque les éléments français ont commencé à s'infiltrer en
19 direction du pont, et là ils se sont dit : il y a un truc qui se prépare.
20 Il y a une action qui se prépare, on ne sait pas laquelle, mais il y a
21 quelque chose qui est pas normal. Parce que l'autre côté du pont -- de
22 l'autre côté de la Miljacka, de la rivière, nous avions mis en place un
23 appui, un appui blindé, pour appuyer la reprise de ce pont. Donc nous
24 n'avions pas besoin de l'appui des Bosniaques pour reprendre ce pont.
25 Voilà. Donc les Bosniaques ont bien profité de cette action --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, j'aimerais vous demander de
27 ralentir quelque peu votre débit, Monsieur.
28 LE TÉMOIN : Les Bosniaques ont profité de cette action pour entrer aussi en
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1 action face aux Serbes. Voilà. Mais je redis bien, les Bosniaques n'ont
2 jamais, jamais été mis au courant de la volonté -- de notre volonté de
3 reprendre le poste, et à aucun moment nous leur avons demandé leur appui et
4 leur concours. C'est de leur fait et de leur initiative propres.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, vous pouvez maintenant
6 consulter votre client, si vous le souhaitez.
7 [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Le témoin peut-il s'éloigner
10 légèrement du micro quand il s'exprime. Merci.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Exprimez-vous à voix basse, s'il vous
12 plaît. S'il vous plaît.
13 Veuillez poursuivre, Maître Ivetic.
14 M. IVETIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur, encore une fois, d'après le rapport d'information qui nous a
16 été remis par le bureau du Procureur suite à la dernière séance que vous
17 avez eue avec eux, le texte se lit comme suit, et je ne donne pas citation
18 de noms :
19 "Deux soldats français ont été tués pendant la reprise du pont de Vrbanja,"
20 et puis leurs noms suivent. "Dix-sept autres soldats français ont été
21 blessés. L'ABiH a apporté son assistance à la FORPRONU dans le cadre de la
22 reprise ou recapture de," et le nom du poste suit. "A ce moment-là, le
23 FORPRONU et l'ABiH n'étaient pas au courant du fait que deux soldats
24 français," et leurs noms suivent, "étaient présents sur le poste."
25 Puis, le texte dit dans la suite que :
26 "L'un des français a été blessé au genou par un tir d'appui par l'ABiH."
27 Et j'aimerais savoir, Monsieur, si tout ce que je viens de lire à
28 l'instant constitue la vérité ?
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1 R. Alors, l'armée bosniaque ou les Bosniaques ont appliqué des feux lors
2 de la reprise du pont de Vrbanja - c'était pas nié, c'est un fait - ça a
3 ajouté à la densité des feux, bien sûr, mais je réfute le fait que ce soit
4 une opération conjointe. On peut pas nier -- on peut pas nier qu'ils ont
5 tiré sur le poste pendant qu'on le reprenait, c'est un fait. La preuve,
6 c'est qu'on a une balle perdue et qui blesse (expurgé)
7 (expurgé) mentionne -- mentionne,
8 effectivement, que cette blessure pourrait être imputée aux Bosniaques.
9 Maintenant, personne sur le poste n'était au courant qu'il y avait encore
10 deux soldats français qui étaient restés à l'intérieur du poste comme otage
11 avec les Serbes qui avaient pris le poste. Personne n'était au courant.
12 Puisque, comme je vous l'ai dit précédemment, je n'ai pas pu rentrer en
13 contact avec me supérieurs pour leur décrire la situation sur le poste de
14 Vrbanja.
15 Q. Avant que l'on ne profère des menaces à votre égard, avant que l'on ne
16 vous force à vous agenouiller, cette foule qui a été composée de civils, de
17 soldats serbes, de miliciens serbes, comme vous les appelez, avait vu les
18 forces françaises s'emparer du poste avec les forces de l'ABiH qui ont
19 appuyé leur action, et ceci a causé des pertes parmi les Serbes. Tout cela
20 s'est produit avant que ces menaces ne soient proférées, les menaces que
21 vous avez mentionnées ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lee.
23 Mme LEE : [interprétation] Je pense qu'il serait correct de demander au
24 témoin s'il le sait ou non, que cette foule de civils, de militaires et de
25 miliciens serbes a vu les forces françaises s'emparer du poste, puisque
26 c'est une affirmation qui lui a été soumise. Donc je pense qu'il serait
27 correct de lui demander s'il est au courant de cela.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc on vous demande, en fait, de
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1 scinder votre question en deux, donc cette partie qui porte sur la foule de
2 civils, à savoir si elle savait que le poste a été repris.
3 Est-ce que vous pouvez poursuivre.
4 M. IVETIC : [interprétation] Oui.
5 Q. Est-ce que vous affirmez dans le cadre de votre déposition que cette
6 foule mixte composée de civils, de militaires et de miliciens avait vu la
7 reprise du poste et le feu d'appui par l'ABiH ?
8 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas s'ils avaient vu la reprise du poste.
9 Moi-même, je n'étais pas au courant que le poste avait été repris. Je l'ai
10 su dans l'après-midi, d'abord par déduction, et puis ensuite lorsqu'on a
11 abordé la phase des négociations pour un échange éventuel. En revanche, ce
12 qui s'est passé, on va dire, dans Grbavica, je ne sais pas ce que les gens
13 savaient et je ne sais pas quel était -- quel était, en fait, leur degré de
14 connaissance.
15 Q. La reprise du poste, les tirs d'appui par l'ABiH et les pertes qui en
16 ont été la conséquence, tout cela s'est produit avant que l'on ne profère
17 ne serait-ce qu'une seule menace contre vous, vous menaçant de vous
18 exécuter ou de vous relâcher sur les positions bosniaques ?
19 R. Oui, ça a bien eu lieu avant. Mais les morts côté français, les blessés
20 côté français, les morts côté serbe et les blessés côté serbe sont bien le
21 fait d'une reprise d'un pont de l'ONU qui avait été pris initialement par
22 les Serbes.
23 Q. J'aimerais que l'on se concentre sur votre procès-verbal au point 48 -
24 page 10 en anglais, page 16 en français et page 11 en B/C/S - ici, vous
25 dites qu'à Lukavica on vous a donné lecture de la convention de Genève par
26 le commandant serbe.
27 Et nous notons que c'est la première fois dans votre procès-verbal où
28 vous dites que vous aviez le sentiment que vous étiez pris ou que vous
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1 étiez entre les mains de l'armée serbe régulière de Bosnie ?
2 R. Alors, lorsqu'on a -- lorsqu'on nous a lu les conventions de Genève,
3 j'ai été d'abord surpris -- j'ai été d'abord surpris, surpris dans ma tête,
4 parce que je me suis dit : Tiens, je suis Casque bleu et je me retrouve
5 prisonnier. Il y a quelque chose qui ne -- qui n'est pas normal. Et
6 ensuite, un sentiment de se dire, On n'est plus dans cet enfer que nous
7 avons connu sur le spot de Vrbanja et qu'on retrouvait un endroit qu'on
8 avait connu le matin même et qui était beaucoup plus calme et beaucoup plus
9 apaisé.
10 Donc vous pouvez imaginer un petit peu le sentiment qui nous a animés à ce
11 moment-là, un sentiment, oui, où on était plutôt rassurés -- plutôt
12 rassurés d'avoir échappé à cet enfer qu'on a connu pendant près de 24
13 heures sur l'endroit de Vrbanja.
14 Q. A Lukavica, au moment où on vous a donné lecture des conventions de
15 Genève, est-il exact de dire également que les officiers serbes ont dit
16 explicitement et expressément qu'ils vous considéraient comme étant des
17 prisonniers de guerre ?
18 R. Je me souviens très bien de cet officier qui nous a dit : Conformément
19 aux conventions de Genève, je dois vous dire qu'on va vous traiter
20 conformément aux conventions de Genève, et qu'on sera -- on sera traités
21 comme des prisonniers de guerre, oui. Ça venait peut-être un peu tard.
22 Q. Je voudrais que l'on passe au point 50 du procès-verbal - page 11 en
23 anglais, page 17 en français, page 11 en B/C/S.
24 Alors, pour commencer, parlons du premier incident du 29 mai 1995, vous
25 avez appris que d'autres militaires avaient été emmenés et qu'ils avaient
26 été filmés, menottés ou attachés à l'équipement militaire.
27 Alors, est-ce que vous avez jamais appris de quel équipement militaire il
28 s'agissait ?
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1 R. Alors, le 29 mai, deux de mes soldats, effectivement, ont été emmenés
2 pour être filmés près de matériel. Je ne sais pas de quel matériel il
3 s'agit exactement. Ils ne m'ont pas rapporté -- ils ne m'ont pas rapporté,
4 donc, le type de matériel auprès duquel ils avaient été enchaînés.
5 Q. Vous ont-ils dit pendant à peu près combien de temps ils ont été
6 menottés et attachés à ce matériel ? C'étaient des minutes, des dizaines de
7 minutes, des heures, ou autre ?
8 R. C'était très, très court. Et ensuite, ce sont des photos qui ont fait
9 le tour du monde, comme vous le savez, soit dans la presse écrite, soit
10 dans la presse télévisuelle, uniquement pour forcer l'opinion, bien sûr.
11 Là, on est plus dans le -- dans l'opinion internationale sur cette affaire-
12 là plus que sur autre chose.
13 Q. Pendant ce bref moment où ils ont été menottés, est-il exact de dire
14 qu'il n'y a pas eu de frappes aériennes à proximité immédiate de l'endroit
15 où ils se trouvaient ?
16 R. Oui, tout à fait exact.
17 Q. Ils n'ont pas été blessés, rien ne leur est arrivé lorsqu'ils sont
18 retournés pour vous rejoindre à Lukavica; est-ce exact ?
19 R. C'est tout à fait exact.
20 Q. Je voudrais que l'on parle du deuxième incident à présent. Dans la
21 réponse 50, il s'agit de la date du 30 mai 1995, où deux autres hommes ont
22 été emmenés dans le même but, et là vous êtes intervenu en tant
23 qu'interprète en anglais.
24 Alors, d'abord, vous-même, vous n'avez été attaché à aucun matériel ? Ce
25 sont ces deux hommes à qui cela est arrivé ?
26 R. C'est tout à fait exact.
27 Q. Le 30 mai 1995, ces deux hommes, est-ce qu'ils ont subi un mauvais
28 traitement, est-ce qu'on leur a asséné des coups, est-ce qu'ils ont été
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1 maltraités d'une autre manière ?
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28 [Audience publique]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
2 Maître Ivetic, comme d'habitude, nous attendons qu'il n'y ait plus de
3 bruit.
4 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais encore une fois revenir au 30 mai 1995,
6 le deuxième incident dans la réponse numéro 50 de votre procès-verbal.
7 Ces deux hommes ont donc été enchaînés à un matériel militaire. Pendant
8 combien de temps cela a-t-il duré ?
9 R. Quelques minutes.
10 Q. De quel type de matériel s'agissait-il ?
11 R. Je ne me souviens plus avec exactitude.
12 Q. Durant les quelques minutes durant lesquelles ces hommes ont été
13 enchaînés à ce matériel, est-ce exact de dire qu'il n'y a pas eu de frappes
14 aériennes dans cette zone et dans la proximité directe de cette zone durant
15 cette période ?
16 R. [hors micro]
17 Q. Je passe à la réponse numéro 51 du procès-verbal - toujours à la même
18 page tant en version française et anglaise et à la page 11 en version B/C/S
19 - peut-on conclure que mis à part ces deux incidents que nous avons
20 maintenant décrits, il n'y a pas eu d'autres incidents durant lesquels vous
21 avez été témoin du fait que des hommes étaient emmenés de Lukavica et
22 seraient menottés à du matériel ou des structures et qu'ils auraient été
23 filmés ?
24 R. Non. Ce sont les deux seules fois où on a demandé à mes hommes de -- de
25 suivre les Serbes pour être filmés. Les deux seuls moments.
26 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à la réponse numéro 54 du
27 procès-verbal - c'est à la page 12 en version anglaise et en version B/C/S,
28 page 18 en version française - il s'agit de la visite d'un pope serbe que
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1 vous avez mentionnée. Est-ce qu'il utilisait un interprète ou est-ce que
2 vous avez été en mesure, ensemble, de parler dans une langue que vous
3 compreniez tous les deux ?
4 R. Ça s'est fait en anglais. Il n'avait pas d'interprète. Et c'est un de
5 mes soldats qui maîtrisait bien la langue qui a pu aussi servir
6 d'interprète.
7 Q. Lorsque vous dites que c'était un soldat qui parlait couramment la
8 langue, est-ce que vous parlez de la langue anglaise ou de la langue serbo-
9 croate ?
10 R. [interprétation] Langue anglaise.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais obtenir une précision. Je
12 crois que précédemment vous avez dit que vous aviez officié en tant
13 qu'interprète --
14 M. IVETIC : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit, donc, que vous aviez
16 officié en tant qu'interprète et que vous avez apporté des réponses. Donc,
17 quelle langue avez-vous utilisée lorsque vous avez officié en tant
18 qu'interprète ? Est-ce que c'était de l'anglais et du français ?
19 LE TÉMOIN : [hors micro] -- anglais, tout à fait. Alors, comme je l'ai
20 précisé modestement, mon anglais est tout à fait approximatif, donc la
21 conversation était très, très simple avec les gens pour qui je faisais la
22 traduction. Voilà. Mais une fois que le pope est venu nous rendre visite,
23 comme ça a été une conversation beaucoup plus soutenue et beaucoup plus
24 longue, là j'ai été aidé par un de mes hommes qui maîtrisait beaucoup mieux
25 l'anglais.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous parlez anglais -- vous parliez
27 anglais, mais vous préfériez avoir l'aide de quelqu'un qui parlait anglais.
28 Parce que j'ai été un peu surpris. Parce qu'à un moment vous étiez
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1 interprète, et à un autre moment vous aviez besoin d'interprète. Mais
2 laissons ça de côté.
3 Je redonne la parole à Me Ivetic.
4 M. IVETIC : [interprétation] Merci.
5 Q. Durant votre séjour à la caserne de Lukavica, est-ce que vous avez eu
6 l'impression que l'armée régulière serbe n'était pas en faveur du
7 traitement que vous aviez subi durant la première journée, traitement qui
8 avait été infligé par les hommes du Duke Aleksic qui vous avaient capturés
9 et qui vous avaient, donc, détenus pendant cette période ?
10 R. Lorsqu'on a été en détention dans la caserne de Lukavica, on a eu des
11 rapports, on va dire, corrects entre les gens qui nous gardaient et puis
12 nous. A aucun moment nous n'avons évoqué ce qui s'est passé, et à aucun
13 moment ces gardes nous ont dit quels étaient leurs sentiments par rapport
14 aux hommes de Duke Aleksic.
15 Q. Est-ce que, par hasard, en ce qui concerne le pope orthodoxe, est-ce
16 que vous savez si c'était simplement un prêtre ou est-ce que c'était
17 quelqu'un plus haut dans la hiérarchie ecclésiastique ? Est-ce que vous
18 aviez des informations sur l'endroit ou la structure d'où il venait ?
19 R. [hors micro] -- absolument aucune. Il s'est présenté comme pope. Il
20 avait un insigne de la Croix-Rouge. Il nous a dit qu'il appartenait donc à
21 la Croix-Rouge et que c'était à ce titre qu'il venait nous rendre visite. A
22 aucun moment il ne -- il ne s'est présenté et a dit quelles étaient
23 réellement sa fonction et sa position dans son église.
24 Q. Est-ce exact de dire que ce prêtre qui s'est présenté comme étant un
25 représentant de la Croix-Rouge, lorsque vous dites que vous aviez reçu des
26 correspondances, est-ce que ce serait exact de dire qu'il y avait donc des
27 correspondances qui avaient été écrites, et dont vous étiez le
28 destinataire, des personnes qui étaient de l'extérieur, enfin, de la
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1 FORPRONU ?
2 R. Alors, ce pope nous apportait du courrier. Dans ce courrier, il y avait
3 -- il y avait une lettre de mon chef direct. En revanche, je crois, mais là
4 je n'en suis pas sûr, mais je crois qu'on avait aussi du courrier de nos
5 familles. Mais je n'en suis plus sûr.
6 Q. Vous dites que vous avez été libéré et que vous êtes allé à Belgrade
7 par Pale. Durant ce voyage, est-ce exact de dire que vous n'avez pas du
8 tout été maltraité ?
9 R. [hors micro]
10 Q. Merci, Monsieur le Témoin, pour votre patience et pour avoir répondu à
11 mes questions.
12 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
13 j'en ai terminé de mon contre-interrogatoire.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Ivetic.
15 Madame Lee, des questions découlant du contre-interrogatoire ? D'après ce
16 que vous nous avez dit, vous avez certaines questions supplémentaires,
17 n'est-ce pas ?
18 Mme LEE : [interprétation] Oui. Et j'aurais besoin de dix minutes.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Lee.
20 Mme LEE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Nouvel interrogatoire par Mme Lee :
22 Q. [interprétation] Monsieur, en répondant à une question posée dans le
23 cadre du contre-interrogatoire concernant des mauvais traitements que vous
24 et vos hommes aviez pu subir le 30 mai 1995, et je vous renvoie au compte
25 rendu d'audience 64, ligne 17, jusqu'à page 64 [comme interprété], ligne 4.
26 Par rapport à vos hommes qui avaient été menottés à un matériel, à une
27 structure. Et nous avons entendu d'autres éléments de preuve sur cet
28 incident, pages 67 et 68.
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1 J'aimerais simplement vous donner lecture de la question qui vous a été
2 posée. Tout d'abord, ligne 64 -- page 64, ligne 17, il est dit :
3 "Ma question portait très spécifiquement sur la date du 30 mai 1995,
4 lorsque deux hommes ont été emmenés avec vous agissant en tant
5 qu'interprète anglais à un site se trouvant près d'une usine près de
6 Lukavica, et ils avaient été menottés à quelque chose à cet endroit-là."
7 La question qui vous a été posée était la suivante :
8 "Ce jour-là, est-il exact de dire que ni vous ni les deux autres
9 hommes n'avaient reçu de coups, en fait, n'avaient fait l'objet de mauvais
10 traitements ?"
11 Et par la suite, on peut y lire :
12 "Je ne parle pas de la période précédente."
13 Et vous avez répondu en disant:
14 "Oui, nous n'avons pas été battus à ce moment-là."
15 J'aimerais donc vous poser la question suivante, Monsieur : le fait d'avoir
16 été menotté à un équipement militaire, vous estimez que cela n'est pas un
17 mauvais traitement, ou bien est-ce que cela fait partie d'un mauvais
18 traitement ?
19 R. Oui, ça fait partie des mauvais traitements. Oui, c'est clair. Dans
20 cette affaire-là, vous avez bien compris que c'est un même -- c'est un même
21 événement, cette prise du pont Vrbanja. Et je mets toujours en perspective
22 ce qui s'est passé après avec ce qui s'est passé pendant cette journée du
23 27 mai.
24 Et donc, si vous voulez, le fait d'être enchaîné à du matériel militaire,
25 d'être menotté, oui, c'est tout à fait inadmissible. Mais c'était, par
26 rapport à la journée du 27 mai, ce que je peux appeler un meilleur
27 traitement.
28 Mme LEE : [hors micro]
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1 [interprétation] Pourrait-on afficher le document 65 ter 30424, s'il vous
2 plaît, à l'écran. Je demanderais que ce document ne soit pas diffusé au
3 public car il s'agit d'une déclaration que le témoin a faite, et nous avons
4 entendu des éléments concernant cette déclaration. Il s'agit de la
5 déclaration informelle du témoin. Et si je puis demander l'affichage de la
6 page 5, je souhaiterais attirer l'attention au bas de la page.
7 Q. Mais avant de nous pencher sur ce document, Monsieur, aujourd'hui, à la
8 ligne 40 [sic], l'on vous a demandé si vos ravisseurs vous ont bien
9 traités. Et j'aimerais savoir si à quelque moment que ce soit, vous et vos
10 hommes aviez obtenu des raisons pour lesquelles vous avez été détenus à la
11 caserne de Lukavica ?
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic.
13 M. IVETIC : [interprétation] Où se trouve ce document sur la liste de
14 pièces ? Ce document ne figure pas sur ma liste.
15 Mme LEE : [interprétation] Oui, effectivement, mais ce document découle du
16 contre-interrogatoire de Me Ivetic. Je n'ai toujours pas l'intention de
17 demander le versement au dossier de ce document. Toutefois, j'aimerais
18 néanmoins y faire référence.
19 M. IVETIC : [interprétation] J'aimerais savoir à quel moment nous avons été
20 notifiés de cela --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si c'est quelque chose qui découle
22 du contre-interrogatoire, à ce moment-là la situation est différente.
23 Madame Lee, posez la question et demandez-vous si vous avez réellement
24 besoin de cela. Ou, tout d'abord, commencez par poser la question au
25 témoin.
26 Alors, veuillez poursuivre, je vous prie.
27 Mme LEE : [interprétation] Certainement. Merci. Je vais arriver directement
28 à la question, alors.
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1 Q. Monsieur, aujourd'hui, dans le cadre du contre-interrogatoire, l'on
2 vous a posé un certain nombre de questions sur les frappes aériennes de
3 l'OTAN. J'aimerais vous demander tout d'abord si les frappes aériennes de
4 l'OTAN se sont poursuivies pendant que vous étiez détenu à la caserne de
5 Lukavica ?
6 R. Je ne sais pas.
7 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
8 Mme LEE : [interprétation]
9 Q. Pourriez-vous, je vous prie, lire le paragraphe 5, page 5. On peut y
10 lire :
11 "Pendant le reste de notre captivité, nous avons été bien traités. La seule
12 menace était lorsque le commandant nous a dit que si l'OTAN continuait les
13 frappes aériennes, les choses allaient mal tourner pour nous."
14 J'aimerais savoir si vous savez si votre détention à la caserne de Lukavica
15 était en rapport avec les frappes aériennes de l'OTAN ?
16 R. Je ne sais pas. Pendant ma détention à la caserne de Lukavica, je n'ai
17 entendu aucune frappe aérienne.
18 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
19 Mme LEE : [interprétation] Pourrait-on afficher la page 2 de ce même
20 document.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Simplement aux fins de précision.
22 Monsieur le Témoin, s'agissant des frappes aériennes de l'OTAN, vous avez
23 mentionné dans votre présentation cela, que les choses allaient mal tourner
24 si les frappes aériennes se poursuivaient. C'est ce que vous avez dit ?
25 LE TÉMOIN : Oui, tout à fait.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
27 Veuillez poursuivre, je vous prie.
28 Mme LEE : [interprétation]
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1 Q. Je vois que la page 2 est affichée à l'écran. J'aimerais vous renvoyer
2 au deuxième paragraphe.
3 Monsieur le Témoin, au cours du contre-interrogatoire d'aujourd'hui, page
4 35, lignes 12 à 23, la question vous a été posée -- une question vous a été
5 posée par rapport à votre captivité le 27 mai 1995, lorsque vous avez été
6 pris en otage à cette date-là. Et la question qui vous a été posée était la
7 suivante :
8 "Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelle était la forme de ces
9 tirs; c'est-à-dire, quel type d'armes avait été utilisé ?"
10 Et vous avez répondu en disant :
11 "Ils n'ont pas utilisé d'armes. Il s'agissait d'une opération de type
12 commando, d'une opération brutale et rapide pendant la nuit, et un très
13 grand nombre de personnes s'étaient infiltrées au poste."
14 J'aimerais maintenant vous renvoyer au paragraphe 2 de votre déclaration
15 informelle qui a fait l'objet d'un examen un peu plus tôt, et vous avez dit
16 :
17 "Celui qui était le chef avait une kalachnikov contre ma tempe afin que
18 j'aille réveiller les autres. J'avais déjà reçu un coup de crosse de fusil,
19 mais je voulais informer mes supérieurs, et il a arraché tous les fils de
20 radio, qui était ensuite devenue plus fonctionnelle, ne fonctionnait plus."
21 Donc cette partie-là de votre déclaration informelle que je viens de vous
22 lire, ce passage donc, est-ce qu'il illustre l'incident tel qu'il s'est
23 déroulé tôt dans la matinée du 27 mai 1995 ?
24 R. Le commando qui a pris le poste, qui a commencé à investir le poste,
25 n'a pas fait usage de son armement. C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu un coup
26 de feu tiré. Mais tous étaient bien porteurs d'armement. Tous avaient bien
27 des kalachnikovs, ils avaient des pistolets de poing et des poignards. Et
28 c'est bien pour ça qu'après une rapide évaluation de la situation, j'ai
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1 renoncé à ce qu'il y ait un combat au corps à corps au sein du poste pour
2 éviter un carnage et éviter une effusion de sang.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais vous poser une question.
4 Dans cette déclaration que nous avons à l'écran, je lis comme suit :
5 "J'avais déjà été frappé d'une crosse de fusil…"
6 Est-ce que cela veut dire que cette arme avait été utilisée ? Non pas en
7 tirant depuis cette arme, mais d'une autre façon ?
8 LE TÉMOIN : Uniquement avec, donc, la crosse du fusil pour me frapper.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
10 Madame Lee, c'est à vous.
11 Mme LEE : [interprétation]
12 Q. J'ai une dernière question à votre endroit, Monsieur : aujourd'hui,
13 est-ce que vous savez quelle est la raison pour laquelle vous avez été
14 détenu ?
15 R. [hors micro]
16 Mme LEE : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plus d'autres questions.
18 M. IVETIC : [interprétation] En fait, une ou deux questions sur ce
19 document.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.
21 M. IVETIC : [interprétation] Si nous prenons la première page du document,
22 et de nouveau, il ne faudrait pas diffuser le document.
23 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ivetic :
24 Q. [interprétation] Monsieur, j'aimerais tout d'abord savoir : le document
25 qui se trouve devant nous, s'agit-il de l'entretien informel que vous avez
26 mentionné et qui s'est déroulé avant l'entretien formel, ou bien s'agit-il
27 d'autre chose ?
28 R. [hors micro] -- informel.
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1 Q. Si l'on prend le premier paragraphe, il me semblerait qu'en dehors de
2 la mention du personnel de l'armée française et du personnel du bureau du
3 Procureur, il n'y avait pas d'autre personnel de la cour de la cour de
4 Paris. Est-ce que c'est exact ?
5 R. Je ne sais plus. Je ne m'en souviens plus.
6 Q. Je vous remercie.
7 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
8 n'ai plus d'autres questions par rapport à ces documents.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Ivetic.
10 Il semblerait que M. Mladic souhaite s'entretenir avec vous.
11 M. IVETIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
12 [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]
13 M. IVETIC : [interprétation] Une question, Monsieur le Président, avec
14 votre permission, concernant le prêtre qui s'était présenté comme être
15 représentant de la Croix-Rouge internationale.
16 Q. Mon client aimerait savoir si ce prêtre portait des vêtements civils,
17 militaires, ou des vêtements ecclésiastiques ?
18 R. Je ne sais pas répondre à cette question.
19 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Ivetic.
21 [en français] Je veux vous remercier pour être venu à La Haye et pour avoir
22 répondu à toutes les questions posées par les parties et par la Chambre. Et
23 je vous souhaite un bon retour chez vous.
24 [interprétation] Pour que le témoin puisse quitter la salle d'audience, il
25 nous faudra passer à huis clos. Mais avant cela, serait-il utile de citer
26 le témoin suivant aujourd'hui ou de reporter cela à demain ?
27 Mme MARCUS : [interprétation] On pourrait le reporter à demain, Monsieur le
28 Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que les parties seront
2 d'accord sur le fait que ce serait la démarche la plus raisonnable.
3 Revenons donc à huis clos pour que le témoin puisse quitter le prétoire.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
6 Président, Messieurs les Juges.
7 [Audience à huis clos]
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19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
21 Je souhaite vous informer de l'évolution de la situation concernant
22 quelques points en suspens relatifs à la déposition d'Emir Turkusic.
23 S'agissant des manuels concernant les mortiers de 82 et de 120 millimètres,
24 la Chambre souhaite faire consigner au compte rendu d'audience qu'elle
25 accepte la marche à suivre qui a été proposée par l'Accusation dans son
26 courriel du 21 octobre 2013, à savoir de demander le versement des extraits
27 des deux manuels qui ont été utilisés pendant la déposition de Richard
28 Higgs. L'Accusation [comme interprété] est invitée à produire ces extraits,
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1 à les soumettre d'ici au 28 octobre 2013.
2 S'agissant maintenant de la ligne qui concerne la pièce D351, la Chambre
3 confirme par la présente que cela a été utilisé uniquement à des fins de
4 démonstration.
5 Nous allons lever l'audience, et nous reprendrons demain, mercredi, le 23
6 octobre, dans ce même prétoire, à 9 heures 30 du matin.
7 --- L'audience est levée à 14 heures 10 et reprendra le mercredi 23 octobre
8 2013, à 9 heures 30.
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