Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 18 mars 2014

  2   [Audience de Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 32.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans ce

  7   prétoire et dans les pièces adjacentes.

  8   Madame la Greffière, je vais vous inviter à citer l'affaire, s'il vous

  9   plaît.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-09-92-T, le

 11   Procureur contre Ratko Mladic.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 13   Un instant, s'il vous plaît.

 14   Les Juges de la Chambre de première instance ont été informés du fait

 15   que les parties, ou du moins vous, Maître Ivetic, souhaitaient s'exprimer

 16   brièvement au sujet de la citation qui a été utilisée hier, qui a été

 17   présentée de la manière suivante : La citation des propos du général

 18   Mladic, page 39 de la traduction anglaise, sous la forme sous laquelle le

 19   document a été téléchargé dans le prétoire électronique, et d'après ce que

 20   j'ai compris, c'est la page dans la pagination électronique et non pas le

 21   numéro de la page telle qu'elle figure dans sa version papier. Oui, Maître

 22   Ivetic.

 23   M. IVETIC : [interprétation] En effet. Je voulais simplement préciser pour

 24   le compte rendu d'audience que nous parlons bien de la pièce P431 et qu'il

 25   s'agit de la page 39 dans la version papier, à savoir la 35e page dans la

 26   version électronique du document.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 28   M. IVETIC : [interprétation] Donc, nous nous appuyons sur la page 35 dans


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  1   la version électronique, et s'agissant du front qui aurait touché le sol,

  2   c'est un euphémisme pour la naissance, c'est une image utilisée en Bosnie.

  3   Donc, notre position est que cette citation porte sur quiconque aurait été

  4   né dans ce pays et que tous doivent vivre ensemble dans ce pays.

  5   Et je vous remercie de m'avoir permis de corriger.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pour qu'il n'y ait pas de

  7   malentendu, c'est également l'attitude adoptée par l'Accusation, à savoir

  8   que cela n'a rien à voir avec un rituel religieux, qu'il s'agit en fait du

  9   fait d'être né sur un certain territoire.

 10   M. GROOME : [interprétation] Je ne suis pas en mesure d'en parler.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois.

 12   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais consulter certains de nos experts

 13   pour pouvoir m'exprimer.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, vous allez nous en

 15   parler plus tard si votre interprétation varie.

 16   Donc, nous en avons terminé avec les arguments de la Défense.

 17   Vous avez la parole, Monsieur Groome.

 18   M. GROOME : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation répondra

 20   aujourd'hui à la requête du général Mladic demandant que cette Chambre de

 21   première instance rende un jugement d'acquittement de tous les chefs

 22   d'accusation visés à l'acte d'accusation en faisant valoir qu'il n'existe

 23   pas d'éléments de preuve justifiant une déclaration de culpabilité en

 24   l'espèce.

 25   La requête du général Mladic doit être rejetée dans sa totalité.

 26   L'Accusation a versé au dossier et la Chambre a admis les éléments de

 27   preuve et les témoignages de plus de 360 témoins et environ 5 200 pièces à

 28   conviction. Ce corpus d'éléments de preuve établit de manière claire et


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  1   sans équivoque chacun des crimes qui sont énumérés à l'acte d'accusation,

  2   le rôle joué par le général Mladic dans la commission de ces crimes et sa

  3   responsabilité pénale.

  4   Avant de passer en revue nos éléments de preuve, il serait utile de

  5   préciser de quelle manière nous entendons les arguments avancés par Me

  6   Ivetic hier.

  7   Premièrement, Me Ivetic a demandé à la Chambre de s'écarter d'un critère

  8   d'examen bien établi juridique appliqué à la requête 98 bis. Et j'en

  9   parlerai dans quelques instants.

 10   Deuxièmement, la Défense conteste les éléments de preuve avancés par

 11   l'Accusation par rapport à l'entreprise criminelle commune principale visée

 12   à l'acte d'accusation. J'en parlerai.

 13   De la manière dont nous entendons la requête de la Défense, ils

 14   abordent de manière très limitée les chefs d'accusation 9 et 10 et les

 15   contestent de manière très limitée, donc les chefs qui concernent Sarajevo.

 16   Mme Bibles se penchera sur cette contestation de l'annexe G1.

 17   La Défense conteste les allégations spécifiques qui sont visées à

 18   l'annexe D de l'acte d'accusation. M. Traldi répondra à ces arguments. La

 19   Défense a également abordé la question des municipalités, y compris

 20   l'annexe D ainsi que certaines allégations spécifiques qui sont énumérées à

 21   l'annexe A et à l'annexe B.

 22   M. McCloskey parlera de plusieurs contestations concernant le volet

 23   Srebrenica de l'affaire.

 24   La Défense conteste les éléments de preuve présentés par l'Accusation

 25   par rapport aux crimes auxquels ont pris part des membres autres que les

 26   membres de la VRS ou y ont joué un rôle principal. A la fois M. Traldi et

 27   M. McCloskey parleront de ces aspects-là.

 28   Mme Bibles parlera à la Chambre des contestations qui portent sur les


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  1   chefs d'accusation 1 et 2, à savoir le crime de génocide. Et moi-même,

  2   j'aborderai nos conclusions en réagissant à la contestation générale

  3   avancée par Me Ivetic quant à nos éléments de preuve établissant la

  4   culpabilité en application des articles 7(1) et 7(3).

  5   La Défense a fait valoir un argument auquel l'Accusation ne répondra

  6   pas. A savoir, la Défense a soulevé toute une série de questions qui

  7   portent sur la manière dont nous avons présenté notre thèse. L'article 72

  8   porte sur cet aspect-là, et en l'espèce la Chambre a déjà reçu et a déjà

  9   rendu ses décisions sur ces motions en application de l'article 72.

 10   Donc, permettez-moi de parler tout d'abord de la jurisprudence.

 11   Me Ivetic s'est penché de manière très importante sur un certain

 12   nombre d'arguments par lesquels il a encouragé la Chambre à abandonner une

 13   jurisprudence bien établie qui porte sur le critère d'examen à être

 14   appliqué dans le cadre de la requête 98 bis en l'espèce. Il suggère que

 15   cette Chambre devrait s'écarter de la jurisprudence et devrait examiner les

 16   éléments de preuve qui portent sur des allégations factuelles spécifiques

 17   et des événements spécifiques.

 18   L'analyse et le critère de la Chambre, en revanche, à notre sens,

 19   doivent être appliqués de la manière dont cela a été réitéré récemment par

 20   la Chambre d'appel dans son arrêt 98 bis dans l'affaire Karadzic. A savoir,

 21   il a été résumé quel est le critère à être appliqué au paragraphe 21 de cet

 22   arrêt, que je me propose de lire :

 23   "La Chambre d'appel rappelle qu'un jugement d'acquittement ne peut

 24   être rendu en application de l'article 98 bis du Règlement que 'à partir du

 25   moment où il n'y a pas d'éléments de preuve susceptible de justifier une

 26   déclaration de culpabilité.' Ce test à être appliqué par la Chambre est le

 27   suivant, à savoir 'est-ce qu'il y a des éléments de preuve sur la base

 28   desquels un Juge du fait raisonnable pourrait être convaincu au-delà du


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  1   doute raisonnable que l'accusé est coupable du chef d'accusation précis en

  2   cause.' En application de l'article 98 bis --"

  3   Dans le contexte de la requête du général Mladic, la jurisprudence

  4   est tout à fait claire, à savoir qu'à partir du moment où la Chambre de

  5   première instance estimerait qu'il existe des éléments de preuve suffisants

  6   qui, si on a estimé qu'ils étaient crédibles, pourraient établir la

  7   responsabilité du général Mladic au-delà de tout doute raisonnable pour

  8   chacun des chefs spécifiques de l'acte d'accusation, sa requête doit être

  9   rejetée par rapport à ces chefs d'accusation.

 10   Ce critère a été appliqué de manière cohérente et constante depuis la

 11   Plénière des Juges lors de laquelle la version actuelle de l'article 98 bis

 12   a été adoptée en 2004. Ce test a été appliqué lorsqu'il a été rendu des

 13   décisions au titre des requêtes 98 bis par Mrksic, Milutinovic et consorts,

 14   Prlic et consorts, Lukic et Lukic, et le plus récemment dans l'affaire

 15   Hadzic. Si la présente Chambre a décidé de s'écarter de cette dernière

 16   application de l'article 98 bis devant ce Tribunal, eh bien, notre réponse

 17   est non. La Chambre ne devrait pas procéder à cet écart.

 18   Me Ivetic n'a pas fait valoir de raison pour laquelle la Chambre devrait

 19   appliquer un test ou un critère d'examen différent. L'Accusation a préparé

 20   ses arguments aujourd'hui en s'attendant à ce que la Chambre applique le

 21   test qui est bien établi, et si la Chambre décide d'adopter un autre

 22   critère, j'avance que l'équité exigerait que nous en soyons informés pour

 23   pouvoir préparer des arguments en conséquence de cela.

 24   Et enfin, je voudrais terminer mes propos liminaires en disant que les

 25   arguments de la Défense, pour la plupart, se sont polarisés sur des aspects

 26   très étroits des chefs d'accusation individuels à l'exception de l'attaque

 27   généralisée sur les éléments de preuve établissant la responsabilité au

 28   titre du génocide, responsabilité du général Mladic au titre des articles


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  1   7(1) et 7(3). Leurs arguments ne contestent pas une partie très importante

  2   de la thèse de l'Accusation.

  3   La Défense a conçu ses arguments par rapport à un critère juridique qui

  4   n'existe pas, et ce faisant, à de nombreux égards, elle n'a pas démontré

  5   qu'il existe un fondement permettant d'accueillir le remède que la Défense

  6   demande au titre de l'article 98 bis.

  7   Hier, à la page 20 768 du compte rendu d'audience, la Défense a fait valoir

  8   que l'Accusation a présenté des éléments de preuve insuffisants par rapport

  9   au chef d'accusation d'après lequel le général Mladic a partagé ou avait

 10   l'intention de réaliser l'objectif commun de l'entreprise criminelle

 11   commune principale. En fait, les éléments de preuve prouvent de manière

 12   claire qu'entre le 12 mai 1992 et le 30 novembre 1995, le général Mladic a

 13   joué un rôle-clé dans l'exécution d'un plan criminel principal.

 14   L'objectif de ce plan, qui a vu le jour en octobre 1991, était de déplacer

 15   par la force et de manière permanente les Musulmans de Bosnie et les

 16   Croates de Bosnie du territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie.

 17   Simplement, il s'agissait de procéder au nettoyage ethnique.

 18   Ce plan devait être réalisé par le truchement de la commission de

 19   crimes, y compris expulsion, actes inhumains, meurtre, extermination,

 20   persécutions, tels que visés aux chefs d'accusation 3 à 8. La campagne de

 21   persécution dans certaines municipalités allait connaître une escalade pour

 22   comprendre le crime de génocide.

 23   Hier, la Défense a fait valoir que l'Accusation a omis d'établir la

 24   responsabilité du général Mladic au titre du génocide dans le cadre d'une

 25   entreprise criminelle commune de troisième catégorie. En faisant un

 26   amalgame des concepts d'intention et de responsabilité pénale, Me Ivetic,

 27   encore une fois, invite la Chambre à ne pas tenir compte de ce que lui-même

 28   a appelé, "crimes au titre de l'intention spécifique".


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  1   Très récemment, en janvier dernier, dans le cadre de l'appel dans

  2   l'affaire Djordjevic, la Chambre d'appel a affirmé qu'un accusé pourrait

  3   être déclaré responsable pénalement au titre de la troisième catégorie de

  4   l'entreprise criminelle commune à condition que ces crimes commis étaient

  5   raisonnablement prévisibles pour l'accusé.

  6   Lorsque Mladic a rejoint l'entreprise criminelle commune principale

  7   afin de chasser les non-Serbes des territoires serbes de Bosnie, il lui a

  8   été prévisible que ce génocide était une conséquence possible de la mise en

  9   œuvre du plan commun. Ce plan commun de l'entreprise criminelle commune a

 10   été conçu et mis en œuvre par les Serbes de Bosnie en position d'autorité,

 11   et les principales figures militaires et de la police serbe. Ce plan était

 12   un plan général par rapport aux trois entreprises criminelles communes

 13   reliées et supplémentaires.

 14   Ces crimes qui ont été commis en réalisation de ces autres

 15   entreprises criminelles communes ont permis de réaliser le plan principal.

 16   La terreur qui a été générée par le biais de cette campagne de bombardement

 17   et de tirs embusqués à Sarajevo, chefs de l'acte d'accusation 9 et 10, a

 18   été utilisé pour exercer une pression sur la communauté internationale et

 19   le gouvernement bosnien afin d'atteindre leurs objectifs démographique. La

 20   prise d'otages parmi le personnel des Nations Unies, chef d'accusation 11,

 21   avait pour objectif d'exercer des pressions sur les Nations Unies et l'OTAN

 22   en agissant dans le même objectif. Les exemples les plus flagrants de leurs

 23   agissements s'y trouvent.

 24   Même si Me Ivetic a affirmé que "les simples fonctions occupées par

 25   le général Mladic au sein de la VRS ne peuvent pas être utilisées comme

 26   principal élément de preuve démontrant sa responsabilité criminelle et

 27   permettant d'en déduire sa responsabilité criminelle", l'Accusation ne

 28   s'est jamais appuyée sur son rôle formel en tant qu'élément le plus fort de


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  1   sa culpabilité.

  2   A la place de cela, l'Accusation a affirmé que Mladic a contribué à

  3   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune principale

  4   principalement par le biais de son autorité, sa capacité de diriger les

  5   forces armées placées sous son commandement, les diriger dans le cadre de

  6   la commission des crimes.

  7   Mladic a également supervisé la coopération de la VRS avec d'autres

  8   institutions liées à d'autres membres de l'entreprise criminelle commune,

  9   qui ont été de manière comparable participants à la réalisation du plan

 10   principal. Cela comprend les cellules de Crise, les présidences de Guerre,

 11   la police serbe de Bosnie sous le contrôle du président Karadzic. A titre

 12   d'exemple, je vous renvoie aux éléments de preuve tels que témoignage de

 13   RM097, et faits jugés 363, 365, ainsi que 373 et 405.

 14   Par le biais de la responsabilité au titre de l'entreprise criminelle

 15   commune de troisième catégorie, Mladic est responsable de ces crimes commis

 16   par ces entités, indépendamment de savoir si cela a été commis par les

 17   forces directement subordonnées à la VRS ou d'autres institutions liées aux

 18   membres de l'entreprise criminelle commune.

 19   Cette coopération entre les structures de l'entreprise criminelle

 20   commune est montrée par ces cas très systématiques des crimes commis et à

 21   travers différentes discussions qui ont eu lieu entre les membres de

 22   l'entreprise criminelle commune, y compris les réunions de la présidence de

 23   la RS, le commandement Suprême, l'assemblée de la RS. Reynaud Theunens,

 24   dans son rapport expert en parle, ainsi que le document P3029.

 25   L'existence de ce plan commun et la participation du général Mladic à

 26   ce plan est démontrée par le modèle de ces crimes qui ont été commis

 27   pendant les opérations de prise de contrôle qui ont commencé au mois

 28   d'avril 1992, les opérations qui ont suivi après la nomination du président


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  1   Mladic au poste du commandant de la VRS.

  2   D'autres indices de ce plan comprennent les six objectifs

  3   stratégiques quand on les place dans leur contexte, ainsi que les

  4   directives militaires, les ordres et les instructions qui ont été données

  5   conformément à ces objectifs.

  6   Les circonstances dans lesquelles ces objectifs stratégiques ont été

  7   formulés et dans lesquels le général Mladic a été nommé peuvent être

  8   comprises à partir des différents éléments d'information qui figurent dans

  9   ce cahier militaire, le document P352. Ceci reflète les discussions qui ont

 10   précédé la nomination de Mladic, qui ont eu lieu entre les membres-clé de

 11   l'entreprise criminelle commune, à savoir Karadzic et Krajisnik. Quand on

 12   les met ensemble, ils nous montrent l'histoire d'une campagne de

 13   persécution qui était au cœur des objectifs militaires de la VRS.

 14   Le 5 mai 1992, Mladic a enregistré une discussion concernant les objectifs

 15   de la VRS, et "les rapports avec les habitants non-Serbes dans le

 16   territoire"; c'est quelque chose qui se trouve dans la pièce à conviction

 17   P352, page 256 [comme interprété] du compte rendu d'audience.

 18   A ce moment-là, les rapports avec les habitants non-serbes étaient

 19   caractérisés par les dires des membres-clés de l'entreprise criminelle

 20   commune et qui étaient favorables à la séparation ethnique. Par exemple, au

 21   cours du mois de mars 1992, Karadzic et Krajisnik ont prononcé les discours

 22   aux sessions d'assemblée des Serbes de Bosnie dans lesquels ils prônaient

 23   la division ethnique et ils réfléchissaient aux prises de contrôle du

 24   territoire demandé par les Serbes, particulièrement Zvornik. C'est quelque

 25   chose qui se trouve dans le rapport d'expert de Robert Donja, P2001.

 26   Quelques semaines plus tard, le journaliste de la BBC, Martin Bell, a

 27   été le témoin de 20 000 réfugiés musulmans qui se trouvaient à l'extérieur

 28   de la ville de Zvornik suite à l'attaque par les membres de l'entreprise


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  1   criminelle commune, Zeljko Raznjatovic, aussi connu sous le nom d'Arkan;

  2   c'est quelque chose qui figure au document P832. Pour la journée du 6 mai,

  3   voici ce que Mladic écrit : "à Bratunac, deux représentants du SDS sont en

  4   train de tuer tous les Musulmans en les égorgeant;" il s'agit de la pièce

  5   P352, page 253. Il a aussi écrit que Karadzic a dit : "Ce serait un

  6   désastre si on ne se séparait pas d'eux;" P352 page 257.

  7   Dans le contexte de ces prises de contrôle violentes le 7 mai 1992, les

  8   objectifs stratégiques ont été définis par Krajisnik et montés par Mladic

  9   dans son cahier. Karadzic a également été présent à la réunion. Le premier

 10   de ces objectifs stratégiques était noté par Mladic, et voici ce qu'il dit

 11   : "1. Séparer pour toujours les Croates et les Musulmans"; page 262.

 12   Karadzic et Krajisnik cherchaient un commandant militaire chevronné,

 13   capable de mettre en œuvre la campagne de persécution qui était déjà en

 14   cours.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, vous parlez très vite,

 16   et très vite le compte rendu d'audience ne va plus suivre vos propos.

 17   M. GROOME : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous reprendre vos propos en

 19   partant de la citation du premier objectif stratégique, à savoir "séparer

 20   pour toujours des Croates et des Musulmans," et ensuite il y a des morceaux

 21   qui manquent.

 22   M. GROOME : [interprétation] Donc, c'était une citation que l'on trouve à

 23   la page 262 de la pièce à conviction P352.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous regardez le compte rendu

 25   d'audience, page 10, vous voyez qu'il y a un morceau de page qui manque.

 26   Pourriez-vous reprendre.

 27   M. GROOME : [interprétation] Le premier objectif stratégique qui a été noté

 28   par Mladic dit : "Se séparer des Croates et des Musulmans pour toujours."


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  1   Karadzic et Krajisnik cherchaient un commandant militaire chevronné,

  2   capable de mettre en œuvre cette campagne de persécution qui avait déjà

  3   commencé, quelqu'un qui est chevronné, prouvé, confirmé, quelqu'un qui

  4   serait en mesure de consolider les acquis depuis le mois d'avril 1992 et

  5   continue le processus de la prise de contrôle du territoire demandé par les

  6   Serbes.

  7   Mladic avait démontré ses capacités alors qu'il a été le commandant du 9e

  8   Corps d'armée de la JNA en Croatie en automne 1991. Là-bas, les soldats

  9   placés sous son commandement ont commis des crimes contre la population

 10   non-serbe dans les territoires demandés par les Serbes.

 11   Ce modèle de comportement, quand il s'agit de s'emparer du territoire et de

 12   déplacer par la force la population civile en Croatie, allait être répété

 13   en Bosnie. Milan Babic dans sa déposition dans l'affaire Krajisnik l'a

 14   remarqué, aujourd'hui c'est une pièce à conviction en l'espèce. Ceci se

 15   trouve aussi dans le rapport d'expert de M. Theunens.

 16   Le 12 mai 1992, Mladic a participé à la 16e Session de travail de

 17   l'assemblée. A la fin de cette session, la VRS a été créée de façon

 18   formelle et le général Mladic a été installé formellement au poste du

 19   commandant de l'état-major principal de la VRS.

 20   Lors de cette session, le président Karadzic a exposé les six objectifs

 21   stratégiques lors de la session plénière, en disant :

 22   "Le premier objectif est de se séparer des deux autres communautés

 23   nationales, il s'agit d'avoir des états séparés."

 24   Le restant des cinq objectifs définis par les dirigeants des Serbes de

 25   Bosnie ont identifié leurs aspirations géographiques, les territoires

 26   qu'ils avaient déjà été pris ou bien qu'ils allaient être pris, qui

 27   allaient être dominés, et qu'on allait nettoyer du point de vue ethnique.

 28   Ces objectifs étaient articulés dans le contexte d'une campagne en cours


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  1   consistant en nettoyage ethnique. Suite à la nomination de Mladic et son

  2   avancement, la nomination au poste du commandant de la VRS, cette campagne

  3   s'est accrue, s'est intensifiée, et elle a élargi son envergure. Et dans ce

  4   contexte, ce modèle systématique et à grande échelle de comportement par

  5   rapport aux opérations criminelles ont justement donné le caractère

  6   criminel aux objectifs stratégiques.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons apparemment un problème avec

  8   le compte rendu d'audience.

  9   M. GROOME : [interprétation] Apparemment, c'est le système informatique qui

 10   ne marche plus.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, je vais voir si nous pouvons

 12   vérifier cela. De toute façon, on nous a déjà dit ce matin, je dois dire,

 13   qu'il y a eu des problèmes avec le système informatique et que tout s'était

 14   ralenti.

 15   Monsieur Groome, si j'ai bien compris il faudrait redémarrer l'ordinateur,

 16   et évidemment nous sommes obligés d'avoir tout ce qui se passe coucher sur

 17   le compte rendu d'audience. Donc, je propose que l'on attende quelques

 18   minutes, on espère que cela ne va pas dépasser quelques minutes.

 19   Donc nous allons tout simplement faire une pause de quelques minutes en

 20   attendant que le problème informatique soit résolu.

 21   --- La pause est prise à 10 heures 02.

 22   --- La pause est terminée à 10 heures 15.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, si vous être prêt à

 24   poursuivre, vous pouvez le faire.

 25   M. GROOME : [interprétation] Merci.

 26   J'ai parlé de ce qui s'est passé immédiatement après l'annonce des

 27   six objectifs stratégiques, et dans ce contexte c'est cette nature à grande

 28   échelle et la nature systématique des activités criminelles qui sont


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  1   devenues évidentes.

  2   Quelques jours après sa nomination au sein de la VRS, la VRS, placée sous

  3   la direction de M. Mladic, a commencé à contribuer à la mise en œuvre de

  4   l'entreprise principale. Le premier crime, qui se trouve dans le tableau

  5   A6.2, s'est déroulé à Hambarine le 23 mai 1992. Et à la mi-juin, des

  6   massacres ont été perpétrés par ses soldats dans six municipalités

  7   différentes.

  8   Une façon dont Karadzic et Mladic ont utilisé les forces placées sous leur

  9   commandement consistait à traduire les objectifs stratégiques dans des

 10   directives opérationnelles. La pièce à conviction P338, à la page 159, le

 11   montre. Il s'agit du rapport d'aptitude au combat de la VRS de 1993, qui

 12   démontre que les objectifs stratégiques servaient comme des "instructions

 13   générales" pour la VRS.

 14   Cette déposition est directement contraire aux arguments présentés

 15   par M. Ivetic hier, autrement dit, que Mladic n'était pas, pour ainsi dire,

 16   d'accord avec les objectifs stratégiques. Les membres de l'entreprise

 17   criminelle commune se sont rencontrés pour mettre en œuvre les objectifs

 18   stratégiques. Suite à de telles réunions, les directives opérationnelles

 19   étaient émises. On a émis des ordres que l'on a envoyés le long de la

 20   chaîne du commandement et des opérations militaires se déroulaient.

 21   Certaines de ces opérations comprenaient la commission de crimes graves.

 22   Les réunions se déroulaient avant, ensuite vous aviez des événements,

 23   et tout cela a suivi les directives 4 et 7. Et là, vous avez vraiment des

 24   exemples frappants de la façon dont un objectif politique qui visait à

 25   obtenir une séparation des groupes ethniques permanente a été traduit dans

 26   les ordres émis par l'armée et qui ont donc mené à la commission de crimes.

 27   Hier, la Défense a affirmé que les moyens de preuve montrent que

 28   Mladic ne partageait pas d'intentions liées à un quelconque objectif commun


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  1   identifié par le Procureur. Compte rendu d'audience 20 772. Les crimes

  2   commis à la poursuite de l'entreprise criminelle commune et dans le cadre

  3   de celle-ci partageaient clairement l'intention de Mladic et montraient que

  4   Mladic avait les mêmes intentions que les autres membres de l'entreprise

  5   criminelle commune. Et mes collègues vont en parler par la suite.

  6   Les éléments de preuve montrent clairement que le général Mladic a

  7   créé, conçu, et dirigé la VRS pour commettre les crimes envisagés par

  8   l'entreprise criminelle commune principale. Les arguments présentés hier

  9   par la Défense selon lesquels un lien ténu existait entre le général Mladic

 10   et les actes pour lesquels il est jugé aujourd'hui sont tout simplement non

 11   crédibles. Il existe un lien très clair entre le général et les crimes

 12   commis pour atteindre l'objectif poursuivi par l'entreprise criminelle

 13   commune.

 14   Grâce à l'utilisation efficace et maligne du commandement et du

 15   contrôle de ces principes, tels que le commandement unique, la

 16   subordination, l'inspection, il a créé un système par lequel ses ordres

 17   coulaient facilement le long de la filière hiérarchique et les informations

 18   dont il avait besoin étaient à disposition rapidement. Cela lui a procuré

 19   ce que le général Dannatt a appelé "un contrôle du bout des doigts",

 20   contrôle sur les soldats qui étaient sous son commandement. Son engagement

 21   plein et entier et actif auprès de ses troupes sur le terrain garantissait

 22   qu'il était souvent présent lors des événements les plus critiques pendant

 23   la guerre. Son dévouement était tel que parfois sa précision allait jusqu'à

 24   une microgestion de campagnes bien précises.

 25   Le contrôle du bout des doigts de Mladic veut dire sa capacité à

 26   avoir engagé ses forces de façon précise pour commettre les crimes, et ce

 27   contrôle du bout des doigts est tout aussi important que toute appréciation

 28   de sa responsabilité pénale au titre de l'article 7(1) du Statut ainsi


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  1   qu'au titre de l'article 7(3) du Statut. Je voulais qu'il n'y ait pas

  2   d'équivoque à ce sujet. Sa capacité à commander effectivement les soldats

  3   de la VRS et à les faire commettre des crimes était sa contribution

  4   significative principale à l'entreprise criminelle commune, comme il est

  5   dit dans le paragraphe 13 de l'acte d'accusation. J'aimerais que vous

  6   gardiez cela à l'esprit car nous allons passer en revue les éléments de

  7   preuve des crimes et la façon dont ces crimes ont été commis.

  8   Mes confrères vont vous l'expliquer, le général Mladic a utilisé ce

  9   contrôle dans un objectif dévastateur afin de conquérir et nettoyer le

 10   territoire proclamé par les Serbes.

 11   Je vais demander à M. Traldi, à présent, de répondre aux arguments de

 12   la Défense présentés sur Sarajevo.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Traldi.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et bonjour.

 15   Le général Mladic et la VRS, de concert avec les forces qui étaient sous le

 16   contrôle d'autres membres de l'entreprise criminelle commune, ont mis en

 17   œuvre l'objectif criminel commun, que M. Groome a décrit, lors d'une

 18   campagne brutale, efficace, génocidaire et persécutoire dans les

 19   municipalités bosniaques. Cette campagne est expliquée dans les chefs 3 à 8

 20   de l'acte d'accusation.

 21   Pour répondre aux arguments de la Défense sur ces chefs d'accusation,

 22   j'aimerais commencer par les objectifs de cette campagne, je passerai

 23   ensuite au rôle du général Mladic dans sa mise en œuvre, et enfin,

 24   j'aborderai la campagne en tant que telle. Il convient de comprendre qu'il

 25   s'agissait d'une campagne unique pendant laquelle chaque crime remet en

 26   contexte et explique tout autre crime. Je vais donc parler de la nature

 27   criminelle de la campagne et je ne veux pas séparer artificiellement des

 28   événements.


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  1   Le général Mladic lui-même a décrit les objectifs territoriaux des Serbes

  2   de Bosnie et a prouvé qu'il avait partagé fondamentalement cet objectif

  3   criminel commun poursuivi dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.

  4   Sur le transparent suivant, le transparent C2, vous allez voir que ces

  5   régions ciblées couvraient la longueur et la largeur de la Bosnie. Dans un

  6   entretien, pièce à conviction P1975, le général Mladic a déclaré : "Il faut

  7   reprendre le territoire des Musulmans, on nous avait pris ce territoire

  8   pendant la Deuxième Guerre mondiale et pour les punir, nous devons même

  9   prendre plus," et il a ajouté "l'unification des terres serbes de Knin à

 10   Banja Luka et Sarajevo, jusqu'à Belgrade."

 11   Si vous regardez les parties en bleu sur la carte, vous verrez ce que

 12   voulait dire le général Mladic par ces mots. Knin se trouve à l'ouest en

 13   Croatie, et s'étend dans le corridor de Posavina, couvre toutes les régions

 14   à la frontière est, ainsi que les régions de Sarajevo proclamées par les

 15   dirigeants serbes de Bosnie.

 16   Ces régions sont parallèles au territoire qui a été identifié par les

 17   objectifs stratégiques 2 à 6. Il s'agit des territoires que les dirigeants

 18   serbes de Bosnie ont déclaré au Témoin Herbert Okun qu'ils voulaient "en

 19   faire des territoires purement serbes d'un point de vue ethnique et le plus

 20   serbe possible." Je cite là la pièce P3103, page 23. J'aimerais également

 21   vous renvoyer à la pièce P431, page 49.

 22   Il s'agit là d'une entreprise énorme et le général Mladic le savait. Le

 23   transparent C3 vous montre ce qu'il a déclaré à l'assemblée de la Republika

 24   Srpska : "Les peuples et les populations ne sont pas des pions, ce ne sont

 25   pas non plus des clés que l'on a dans sa poche et que l'on peut déplacer

 26   d'un endroit à l'autre. C'est quelque chose qui est facile de dire mais

 27   difficile à obtenir."

 28   La façon dont les membres de l'entreprise criminelle commune ont réussi ce


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  1   que le général Mladic avait appelé "faire passer des personnes et des

  2   populations d'un endroit à un autre" était en fait une campagne organisée

  3   d'un nettoyage ethnique via les opérations militaires coordonnées

  4   municipalité après municipalité.

  5   D'autres crimes, notamment la destruction de sites de patrimoine culturel

  6   et la détention à grande échelle de civils non-serbes ont été commis pour

  7   faciliter ce nettoyage ethnique.

  8   Le transparent C4 montre que le général Mladic avait exprimé de façon

  9   convaincante l'objectif des membres de l'entreprise criminelle commune à

 10   l'assemblée de la Republika Srpska en 1994, il a décrit la chance unique

 11   dans l'histoire qu'ils avaient de créer "un Etat complètement serbe";

 12   "complètement serbe" cela voulait dire que les personnes qui vivaient à

 13   Ahatovici, Brdo, ou Zepa n'avaient plus beaucoup de place. Et vous voyez

 14   sur le transparent C5 la façon, dans la même veine, d'autres autorités

 15   serbes de Bosnie ont décrit leur objectif commun.

 16   La première citation est particulièrement instructive car elle montre

 17   comment la nature permanente de l'expulsion forcée des non-Serbes découlait

 18   directement des politiques des dirigeants des Serbes de Bosnie. Après la

 19   présentation par Radovan Karadzic des objectifs stratégiques des Serbes de

 20   Bosnie, un délégué, Miroslav Vjestica, s'est levé et a fait remarquer

 21   fièrement qu'il n'y avait plus de Musulmans à Bosanska Krupa. Ensuite, il a

 22   demandé : "Est-ce qu'ils auront un endroit où aller ?" Et il a répondu :

 23   "Je crois que cela est improbable car notre président nous a donné la bonne

 24   nouvelle, la rive droite de l'Una est la frontière." Et à titre de

 25   référence, Messieurs les Juges, il s'agit là de la pièce P3853, page 9, on

 26   y voit qu'en 1995 Krupa était serbe à 100 %.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Traldi, vous aviez donné une

 28   référence avant celle-ci. Vous aviez parlé de la page 49. C'était la pièce


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  1   P431, mais au compte rendu nous avons la pièce P449 --

  2   M. TRALDI : [interprétation] Peut-être que ma langue a fourché.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-il clair que vous vouliez faire

  4   référence à la page 49.

  5   M. TRALDI : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, continuez. Désolé de vous

  7   avoir interrompu.

  8   M. TRALDI : [interprétation] L'accent mis sur la séparation permanente, que

  9   Mladic a consigné dans son carnet le 5 mai 1992, faisait partie intégrante

 10   de la campagne qu'on lui avait demandé de mettre en œuvre. Et vous voyez,

 11   que cet accent a perduré pendant toute la guerre.

 12   J'aimerais, d'un point de vue général, faire référence aux pièces P3072 et

 13   P2798, qui nous montrent comment Mladic et d'autres membres de l'entreprise

 14   criminelle commune ont redessiné cette carte de la Bosnie.

 15   Le général Mladic a joué un rôle prépondérant lorsque cette carte a été

 16   redessinée. Il a immédiatement établi le commandement et a unifié les

 17   forces des Serbes de Bosnie, et en qualité de commandant de l'état-major

 18   principal ses ordres -- ses ordres faisaient avancer l'entreprise

 19   criminelle commune.

 20   Le général Mladic recevait continuellement des informations sur la façon

 21   dont ces ordres étaient mis en œuvre. Ces informations se retrouvent dans

 22   le compte rendu du procès et dans le dossier en l'espèce sous quatre formes

 23   différentes : tout d'abord, ses propres carnets où il a consigné ses

 24   réunions quotidiennes; deuxièmement, les rapports de combat quotidiens

 25   qu'il recevait régulièrement de corps subordonnés de la VRS; troisièmement,

 26   sa participation à des réunions avec des observateurs internationaux; et

 27   quatrièmement, les PV d'autres réunions auxquelles il a participé,

 28   notamment des réunions du gouvernement de Republika Srpska et des réunions


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  1   avec les autorités civiles locales et officiers subalternes de la VRS. Ce

  2   document nous montre que les rapports qu'il recevait coïncidaient avec la

  3   déposition de plusieurs témoins survivants.

  4   Ces rapports décrivent différentes brigades de la VRS qui utilisaient la

  5   même tactique, qui commettaient les mêmes crimes, et qui poursuivaient le

  6   même objectif criminel. Ce caractère systématique n'est pas une

  7   coïncidence. C'est le résultat inévitable des décisions qui avaient été

  8   prises au niveau stratégique, à savoir de séparer la population en

  9   commettant des crimes.

 10   Le transparent C6 montre une sélection des rapports que le général Mladic

 11   recevait sur la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune. La

 12   Défense a fait valoir hier que le général Mladic ne savait pas ou n'avait

 13   pas de raison de savoir que des crimes étaient en train d'être commis

 14   pendant cette campagne. En fait, il était très bien informé de la nature

 15   criminelle de cette campagne.

 16   Ses corps subordonnés faisaient souvent rapport sur le retrait de

 17   non-Serbes de territoires non proclamés par les Serbes. Plusieurs rapports

 18   repris dans la première partie de ce transparent correspondent à des

 19   opérations à grande échelle de nettoyage ethnique à la fin du mois de mai

 20   et à la fin du mois de juillet.

 21   En effet, des officiers de la VRS se sont plaints quelquefois disant

 22   que les autorités civiles n'étaient pas suffisamment efficaces lorsqu'elles

 23   chassaient les non-Serbes de leurs municipalités. Ces officiers disaient,

 24   par exemple, que les autorités civiles n'étaient pas "suffisamment

 25   organisées dans la mise en œuvre de ce modèle de retrait de l'ennemi," ou

 26   suggéraient qu'il fallait "travailler beaucoup plus à cet effet." Je cite

 27   là les pièces P3815 et P3714.

 28   D'autres rapports dans les carnets du général Mladic décrivent la fuite des


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  1   non-Serbes de Bratunac, Foca, Kalinovik, Kljuc, Zvornik, et de territoires

  2   proclamés par les Serbes autour de Sarajevo.

  3   Les rapports envoyés au général Mladic décrivaient également la

  4   détention de grands nombres de non-Serbes.

  5   Et les rapports envoyés au général Mladic décrivaient des meurtres

  6   qui ont eu lieu à plusieurs reprises pendant toute la durée de la campagne

  7   de la VRS dans les municipalités.

  8   D'une municipalité à l'autre, les témoins ont relaté le même récit

  9   s'agissant des destructions systématiques opérées par les forces serbes :

 10   les prises de contrôle serbes; des attaques contre des personnes sans

 11   défense, des actes de violence qui se sont poursuivis longtemps après la

 12   fin des combats; la destruction de villes musulmanes et croates, ainsi que

 13   de leurs lieux de culte; la détention de civils ainsi que de combattants

 14   dans des camps dans des conditions inhumaines; des expulsions organisées de

 15   quelques enclaves qui avaient résisté; et des massacres importants allant

 16   de Prijedor à l'ouest, à Vlasenica à l'est, Foca dans le sud, et tous les

 17   endroits et lieux qui se trouvaient entre les localités qui viennent d'être

 18   mentionnées.

 19   Ces crimes systématiques commis par les forces sous le contrôle des

 20   membres de l'entreprise criminelle commune sont très pertinents et

 21   permettent d'apprécier l'objectif commun. Pour l'instant, je vais me

 22   concentrer sur deux éléments en particulier.

 23   Tout d'abord, les meurtres qui ont été commis dans ces municipalités

 24   et qui ont été commis à grande échelle. P2796 et P2797 ont identifié

 25   nommément quasiment 2 000 victimes des massacres reprochés dans les annexes

 26   A et B de l'acte d'accusation. Ces massacres, bien entendu, ont conduit au

 27   meurtre de milliers d'hommes musulmans et de garçons musulmans lorsque

 28   Srebrenica est tombée au mois de juillet 1995.


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  1   Deuxièmement, la Défense a cité hier la destruction de sites

  2   culturels non-serbes. La seule déduction raisonnable que l'on puisse  tirer

  3   au vu de la destruction uniforme de ces sites consiste à dire qu'il

  4   s'agissait de l'objectif des membres de l'entreprise criminelle commune et

  5   que cela faisait partie de la campagne de persécution et de la campagne

  6   génocidaire. M. Riedlmayer, dans sa déposition à la page du compte rendu

  7   d'audience 17 933, a précisé que : Aucune mosquée citée dans les

  8   municipalités de l'acte d'accusation n'a survécu à la guerre sans être

  9   endommagée. Ceci a retiré un emblème essentiel dans les communautés non-

 10   serbes et constitue une preuve visuelle de leur existence.

 11   Ces destructions systématiques montrent quel était le caractère

 12   généralisé et systématique des attaques contre les communautés non- serbes.

 13   La Défense a affirmé hier, à la page du compte rendu d'audience 20 743, que

 14   la Chambre ne peut pas examiner des éléments de preuve qui portent sur des

 15   sites qui ne font pas l'objet d'accusations. Ceci n'est pas exact, car ces

 16   sites permettent également, puisque c'est pertinent, de prouver le

 17   caractère systématique et généralisé de cette destruction. Messieurs les

 18   Juges, je vous renvoie aux paragraphes 746 et 766 du jugement en première

 19   instance dans l'affaire Tolimir concernant la pertinence de ces

 20   destructions et relatifs à la mens rea, l'élément moral, des auteurs.

 21   P4333, pages 89 et 90, illustre la destruction des sites non-serbes

 22   et indique que ceci faisait partie de la politique des membres de

 23   l'entreprise criminelle commune. Il s'agit des preuves du représentant

 24   officiel bosno-serbe, Predrag Radic. Et il est clair au vu des éléments de

 25   preuve d'un soldat de la VRS que la destruction uniforme des mosquées

 26   faisait partie de leur politique. Lorsqu'on lui a posé la question de

 27   savoir s'il y avait 19 mosquées dans sa municipalité, il a dit qu'il

 28   n'aurait pas pu y avoir un tel nombre, parce que si cela avait été le cas,


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  1   lui ainsi que les autres soldats auraient détruit les 19 mosquées. Confer

  2   page du compte rendu d'audience 17 298. Je vous renvoie également à la

  3   déposition du Témoin Taci, en particulier à la page du compte rendu

  4   d'audience 2 098.

  5   Plusieurs témoins bosno-serbes ont indiqué dans leur déposition que

  6   des mosquées ont été détruites et ont précisé comment ceci a été effectué.

  7   Ceci cadre avec le plan et indique qu'il s'agissait là de déplacer de façon

  8   permanente et par la force les non-Serbes. Messieurs les Juges, vous avez

  9   reçu des éléments de preuve de Milan Tupajic, RM15, RM16 et RM513, à savoir

 10   que les Serbes pensaient que si les mosquées étaient détruites, dans ce cas

 11   les Musulmans ne reviendraient pas. Pièces à conviction P3170, P2362,

 12   P1054, et page du compte rendu d'audience 17 388.

 13   Le fait de modifier de façon permanente le paysage de Bosnie, qui

 14   était le résultat de ces destructions, était justement le but visé.

 15   S'agissant d'arguments précis de la Défense sur des sites individuels, il

 16   existe des éléments au dossier qui permettent d'étayer chaque site reproché

 17   dans l'acte d'accusation. Ceci se trouve essentiellement dans la déposition

 18   de M. Reidlmayer, en particulier P2503, P2510, P2511 et P2514.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Traldi, puis-je vous

 20   demander, s'il vous plaît, de bien vouloir regarder la nouvelle page du

 21   compte rendu d'audience que nous avons repris après la pause, à la page 9,

 22   s'il vous plaît, lignes 19 et 20. Le nom du témoin n'est pas consigné et le

 23   numéro de la page n'est pas clair. Veuillez le préciser, s'il vous plaît,

 24   de façon à ce que nous puissions le retrouver.

 25   M. TRALDI : [interprétation] Il s'agit du témoin Taci, Monsieur le Juge,

 26   page du compte rendu d'audience 2 098.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 28   M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.


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  1   Alors que la Défense tente de contester certaines sources de M. Reidlmayer,

  2   ses conclusions sont corroborées par les photographies qui ont été prises

  3   avant et après les destructions, ainsi que les témoins dans ce procès, et

  4   elles sont généralement corroborées par les faits jugés présentés par la

  5   Chambre ainsi que d'autres sources.

  6   Regardez les municipalités qui ont été sélectionnées par la Défense,

  7   chaque site de Bijeljina est abordé par M. Riedlmayer dans sa déposition.

  8   P1054, paragraphes 77 et 78, parle de la destruction à grande échelle des

  9   mosquées de Bijeljina par les forces de la VRS et le message qui est ainsi

 10   envoyé, à savoir que les non-Serbes doivent quitter la région.

 11   P4163 montre que la destruction des mosquées de Bijeljina s'est

 12   poursuivie en 1993. Et la Chambre de première instance a reconnu la

 13   destruction des mosquées de Bijeljina dans le fait jugé numéro 517.

 14   Chaque site de Pale est également abordé dans la déposition écrite de M.

 15   Riedlmayer, ainsi que la déposition du Témoin Crnaljo, à la page du compte

 16   rendu d'audience 3 238, indiquant que toutes les mosquées de Pale ont été

 17   détruites alors que cette ville était sous le contrôle du SDS.

 18   Il s'agit du Témoin Crncalo, page du compte rendu 3 238. C'était

 19   peut-être la vitesse de mon débit qui en est la cause.

 20   Et pour finir, M. Riedlmayer n'a pas pu parvenir à une conclusion

 21   d'expert, à savoir que deux des quatre mosquées reprochées dans l'acte

 22   d'accusation à Kalinovac [comme interprété] ont été détruites pendant la

 23   période couverte par l'acte d'accusation, comme l'a signalé la Défense.

 24   Cependant, la Chambre de première instance a reçu des preuves émanant de

 25   témoins et constaté au niveau des faits jugés quel en était le cas au

 26   niveau de ce sujet. Effectivement, l'Accusation a expurgé P2800 sur la base

 27   de ces faits jugés.

 28   Ces éléments de preuve répondent aux critères de l'article 98 bis


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  1   quand bien même la Chambre devait considérer chaque mosquée séparément.

  2   M. Ivetic a proposé des contestations plutôt standard aux événements qui se

  3   trouvent dans les annexes A et B, et ce, en quelques phrases. Je crois

  4   qu'il faut être équitable envers les autres éléments, et plutôt que

  5   d'aborder chaque événement dans le détail, je vais simplement parler de la

  6   campagne génocidaire et expliquer comment ces événements cadrent avec la

  7   mise en œuvre de l'objectif criminel commun des membres de l'entreprise

  8   criminelle commune.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Traldi, permettez-moi,

 10   s'il vous plaît. Puis-je vous poser une question, s'il vous plaît. Vous

 11   avez parlé d'un témoin qui a témoigné aux paragraphes 77 et 78. Je crois

 12   que c'était à la page 45.

 13   M. TRALDI : [interprétation] Il s'agit du P1054, effectivement, sous pli

 14   scellé.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé du paragraphe 77 et 78.

 16   Alors, si j'ai bien compris Me Ivetic, et ce n'est pas qu'il ignore ces

 17   éléments de preuve, mais la question qu'il a soulevée, lui, porte sur la

 18   qualité de ces preuves. Je crois qu'il a dit que lorsque le témoin a

 19   expliqué comment ces mosquées ont été détruites, il dit que ces

 20   informations ont fait l'objet de discussions à Bijeljina ou, au paragraphe

 21   78, ceci a envoyé un signal très clair aux non-Serbes. Il ne conteste pas

 22   l'existence de cet élément de preuve; en revanche, ce qu'il dit, c'est que

 23   le témoin n'explique pas pourquoi tel était son avis que cela envoyait un

 24   signal très clair ou qu'il s'agit d'un exposé des faits. Il n'a pas parlé

 25   de la source de ses informations.

 26   Alors, si vous dites simplement, voilà les éléments de preuve, je

 27   crois que cela ne répond pas à la question que Me Ivetic a porté à notre

 28   attention hier, si je vous ai bien compris, Maître Ivetic.


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  1   M. TRALDI : [interprétation] Alors, je souhaite vous fournir deux réponses

  2   brièvement.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, allez-y.

  4   M. TRALDI : [interprétation] Alors, si je regarde la qualité de ces

  5   éléments de preuve, eh bien, c'est justement cet exercice qui consiste à

  6   soupeser les éléments de preuve, et je crois que ceci s'applique en fait au

  7   moment où le jugement sera rédigé plutôt qu'à ce stade 98 bis du procès. Et

  8   vous avez parlé de la qualité de la déposition d'un témoin, vous avez dit

  9   que ceci envoyait un signal clair aux non-Serbes à savoir qu'ils devaient

 10   partir. Et comme je l'ai dit il y a quelques instants, il s'agit là

 11   d'éléments de preuve que la Chambre a également reçus d'autres témoins

 12   bosno-serbes, et, si je puis le suggérer, ceci permet de corroborer les

 13   éléments déjà cités ou permet de les expliquer.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'il ne s'agit pas

 15   seulement de la citation de ce témoin mais qu'il faut avoir une image

 16   d'ensemble, et c'est ce qui permet de placer cet élément dans son contexte.

 17   Est-ce ainsi qu'il faut le comprendre ?

 18   M. TRALDI : [interprétation] Je crois que vous avez mieux résumé cela que

 19   moi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, écoutez, je crois qu'il est

 21   inutile d'en faire un exercice compétitif.

 22   Alors, je regarde l'heure. Nous avons dépassé de beaucoup l'heure à

 23   laquelle nous avons une pause habituellement. J'ai peut-être été un petit

 24   peu perturbé par l'interruption que nous avons eue au milieu de ce volet

 25   d'audience, et alors nous avons dépassé notre temps habituel de 15 minutes.

 26   Etant donné que je vous ai interrompu de toute façon, Monsieur

 27   Traldi, est-ce que cela vous poserait un quelconque problème si nous avons

 28   une pause maintenant ou est-ce que vous voulez terminer quelques phrases


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  1   avant d'avoir la pause ?

  2   M. TRALDI : [interprétation] Ecoutez, j'étais sur le point d'aborder un

  3   autre sujet, donc je crois que le moment est opportun.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, nous allons faire une

  5   pause. Et compte tenu du fait que nous avons un petit peu dépassé notre

  6   temps, il faudrait avoir une pause un peu plus longue. Et nous allons

  7   reprendre à 11 heures 15.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 50.

  9   --- L'audience est reprise à 11 heures 19.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que nous ne poursuivions, Monsieur

 11   Traldi, je souhaite brièvement aborder quelque chose qui ne s'avèrera peut-

 12   être pas comme étant une question importante.

 13   Mais, Monsieur Groome, vous avez commencé ce matin vos arguments en disant

 14   que l'Accusation va répondre à la requête du général Mladic demandant à ce

 15   que cette Chambre prononce un acquittement sur tous les chefs d'accusation

 16   de l'acte d'accusation au motif qu'il n'y a pas d'éléments de preuve

 17   capables de justifier une condamnation.

 18   Les Juges de la Chambre ne sont au courant d'aucune requête. La

 19   Chambre, en revanche, sait que la Défense a annoncé et demandé avoir

 20   l'occasion de présenter des arguments qui pourraient être utiles aux Juges

 21   de la Chambre en vertu de ses obligations et en vertu de l'article 98 bis.

 22   Et, un peu plus tard, vous avez dit que de nombreux chefs d'accusation

 23   n'étaient pas contestés. Encore une fois, je m'adresse à vous, Me Ivetic,

 24   la Chambre de la première instance comprend la situation de la façon

 25   suivante, à savoir que la Défense souhaitait présenter des arguments de

 26   façon à ce que la Chambre puisse remplir ses obligations en vertu de

 27   l'article 98 bis et, dans ce contexte-là, vous souhaitez présenter des

 28   arguments précis sur certains chefs d'accusation que vous avez énumérés, et


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  1   indiqué qu'il y en avait quatre. Evidemment, les obligations en vertu de

  2   l'article 98 bis s'appliquent toujours en dehors de cette question-là.

  3   Est-ce ainsi qu'il faut comprendre ce que vous venez de dire ?

  4   M. IVETIC : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Messieurs les

  5   Juges.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, est-ce clair maintenant

  7   ou -- l'article 98 bis n'évoque pas de requête, et il n'y a pas de requête

  8   qui a été présentée à la Chambre.

  9   M. GROOME : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après avoir clarifié ce point, j'invite

 13   M. Traldi à poursuivre la présentation de ses arguments.

 14   M. TRALDI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   J'étais sur le point d'aborder la campagne des membres de l'entreprise

 16   criminelle commune.

 17   Le général Mladic et son rôle intégral est le plus visible au niveau de

 18   l'escalade rapide de cette campagne après avoir officiellement occupé le

 19   poste de commandement de l'état-major de la VRS.

 20   Regardez la diapositive C7, un document du 1er Corps de Krajina daté du 21

 21   mai 1992 qui prend acte de la nomination de Mladic ainsi que de la création

 22   du commandement unifié et la nécessité "de se battre pour qu'il y ait une

 23   séparation complète des peuples musulman et croate."

 24   En l'espace de quelques jours, la VRS menait des opérations à grande

 25   échelle sur l'ensemble du territoire de Bosnie. Un officier haut gradé de

 26   la VRS a dit dans sa déposition que le nettoyage du territoire pour des

 27   raisons ethniques constituait une caractéristique normale de ces

 28   opérations; pages du compte rendu d'audience 5 012 à 5 013.


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  1   Le caractère criminel de ces opérations est manifeste si on regarde les

  2   documents émanant des Serbes de Bosnie. Les rapports du MUP de la RS sur

  3   les meurtres et personnes tuées et blessées et des centaines d'habitants

  4   dans les villages non-serbes de Prijedor, diapositive C8. Ces attaques sont

  5   reprochées dans l'acte d'accusation sous les événements A6.1 à 6.3. La

  6   Défense a suggéré hier que l'Accusation n'avait pas véritablement identifié

  7   les auteurs. En lieu et place de cela, il s'agit plutôt d'un exemple qui

  8   précise que des crimes ont été commis dans le cadre d'une opération à

  9   grande échelle, et ce, sous le commandement de la VRS et des forces serbes

 10   subordonnées au commandant local et à leur commandant de corps, et ensuite,

 11   évidemment, au général Mladic.

 12   S'agissant d'opérations à Prijedor à cette époque, je vous renvoie au

 13   P2243 et au P2875.

 14   D'autres municipalités ont connu des opérations de nettoyage

 15   analogues. P2889 et P3294, par exemple, décrivent des opérations qui se

 16   sont déroulées à Sanski Most. Et alors que la Défense conteste l'identité

 17   des auteurs de deux autres événements qui se trouvent dans les annexes, à

 18   Drum et Kenjari, vers ces dates, dans chaque cas la Chambre a reçu des

 19   éléments de preuve indiquant que les auteurs comprenaient les soldats qui

 20   portaient un uniforme. Messieurs les Juges, je vous renvoie aux pièces

 21   P2489 et P3391.

 22   La diapositive C9 montre comment ces opérations ont été menées de

 23   l'autre côté de la Bosnie. Le commandant Andric a ordonné des expulsions de

 24   femmes et d'enfants du secteur de Birac, ceci a été organisé de façon

 25   concertée et coordonnée, et que les hommes devaient être conservés dans des

 26   camps pour être échangés. Si vous regardez, par exemple, le P3737, le P524,

 27   le P4004 et le T2490 [comme interprété], page 46. Dans la RAK, le P3872

 28   montre une politique analogue. Et P3590 et P600 montrent des milliers de


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  1   personnes expulsées de Croatie lors de la mise en œuvre de cette campagne.

  2   Quelques éléments-clés sur cette campagne à la fin du mois de mai et

  3   début du mois de juin à la diapositive numéro C10. Les autorités bosno-

  4   serbes ont terminé les opérations en chassant des femmes et des enfants et

  5   les obligeant à rester, à les détenir, qu'il s'agissait ou non de

  6   combattants ou d'hommes armés, dans des centres de détention et dans des

  7   conditions terribles. Et les rapports de Mladic autour de ces dates

  8   illustrent qu'il y avait un nombre important de prisonniers, y compris des

  9   femmes et des enfants qui étaient retenus sur l'ensemble du pays : la RAK,

 10   Rajlovac, Ilidza, Susica. Et toutes ces zones --

 11   La création de centres de détention s'est accélérée après les

 12   dernières opérations à la fin du mois de mai parce que la VRS avait fait

 13   prisonniers des non-Serbes. Et ce camp, par exemple, C11, avait été créé

 14   sur ordre du général Mladic. Je vous renvoie donc à la pièce P189 et P777

 15   [comme interprété]. Des crimes graves ont été commis à Batkovic, plusieurs

 16   prisonniers ont été tués. A T9355, un témoin bosno-serbe a déclaré qu'il

 17   s'agissait d'une honte.

 18   Hier, la Défense a affirmé que les éléments de preuve n'étaient pas

 19   suffisamment précis comme s'agissant des auteurs des crimes commis à

 20   Batkovic. Parce que, encore une fois, le commandant est resté dans la

 21   chaîne de commandement et était subordonné au Corps de Bosnie orientale et

 22   à Mladic, et les gardes ont été subordonnées. Effectivement, tous les camps

 23   qui sont reprochés dans l'acte d'accusation relevaient de la chaîne de

 24   commandement, soit de l'armée, soit de la police, qui était directement

 25   subordonnée aux membres de l'entreprise criminelle commune.

 26   Un exemple qui se situe à peu près à ce moment-là nous illustre

 27   quelle a été la coopération entre les militaires et la police dans le cadre

 28   de la commission des crimes dans ces centres. Au début du mois de juin, peu


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  1   après les opérations de la RAK, une délégation de fonctionnaires de haut

  2   rang, ou plutôt, d'officiers du 1er Corps de la Krajina, y compris le

  3   général Talic, s'est rendue dans ce nouveau camp à Manjaca. Ils ont pu voir

  4   que les prisonniers avaient des visages ensanglantés et qu'ils avaient du

  5   sang sur leurs vêtements.

  6   Le 1er Corps de la Krajina s'est coordonné à ce moment-là avec la

  7   cellule de Crise de Sanski Most pour les transférer de Sanski Most. Et je

  8   cite ici la pièce 3001 et P2409, ainsi que 3255. Et P2362, où nous voyons à

  9   quel point les non-Serbes étaient des personnes dont on n'a pas souhaité la

 10   présence dans la municipalité.

 11   Dans le cadre de ce transfert, au moins six personnes ont été tuées.

 12   Cet événement, B1.1, est un autre événement pour lequel la Défense a fait

 13   valoir hier qu'aucune responsabilité pour cela n'a été engagée par la VRS.

 14   En revanche, c'est tout à fait à l'opposé, cet événement illustre à quel

 15   point il y a eu coopération entre les forces de l'entreprise criminelle

 16   commune dans le cadre de la commission des crimes liés aux camps de

 17   détention.

 18   La diapositive suivante, C12, nous montre une sélection de

 19   témoignages fournis par des témoins sur la détention, comment cette

 20   détention a été utilisée en tant qu'instrument pour chasser par la force

 21   les non-Serbes. Les autorités bosno-serbes ont décrit leur politique de

 22   manière comparable.

 23   La diapositive C13 montre le ministre Stanisic qui rend compte au

 24   président Karadzic et il lui dit que la VRS arrêtera autant de civils

 25   musulmans que possible, de nombreux ont été placés dans des camps dans des

 26   conditions très mauvaises, des camps gérés par le MUP.

 27   Et je vous renvoie à la pièce P3874. La Défense a affirmé hier que

 28   certains camps engagent l'activité des membres du MUP de la RS. Bien sûr,


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  1   cela est vrai comme cela a toujours été avancé dans le cadre de notre

  2   thèse. Le système de camp illustre bien à quel point ces différents membres

  3   de l'entreprise criminelle commune et leurs forces ont coopéré dans la mise

  4   en œuvre de l'objectif criminel commun.

  5   Pendant que le ministre Stanisic se réfère dans ce document aux camps

  6   qui sont entre les mains du MUP, les détenus des camps entre les mains de

  7   la VRS étaient avant tout des civils également. La pièce P221 nous montre

  8   un rapport du camp de Manjaca de juillet 1992, juste quelques jours après

  9   ce document, et affirme clairement ce qu'était Manjaca et quel était son

 10   caractère, un camp pour la ségrégation des Musulmans et des Croates, et

 11   l'histoire nous ne le pardonnera pas.

 12   Au début du mois de juin 1992, le Témoin Wilson interpelle Mladic et

 13   Mme Plavsic, membre de la présidence, sur la détention massive des civils

 14   non-serbes. Je vous renvoie à la page 3 997 du compte rendu d'audience.

 15   Mais cela s'est poursuivi tout au long de la guerre. Je vous renvoie aux

 16   pièces P355, page 63; P2886; P3808; et P4008.

 17   Et la diapositive suivante nous montre l'interdépendance au sein de

 18   ce système de camp. Par exemple, le général Mladic pouvait donner des

 19   affectations aux différents camps en passant par sa chaîne de commandement

 20   comme il l'a fait, pièce P201 et pièce P7879 [comme interprété]. Et nous

 21   avons ici les événements qui correspondent à la détention référée aux

 22   annexes B et C. Vous pouvez voir les lignes qui représentent les transferts

 23   qui ont eu lieu entre les différents camps.

 24   Et le grand nombre de lignes qui montrent les centres; Manjaca, par

 25   exemple, au nord-ouest et Kula près de Sarajevo.

 26   Bien sûr, des dizaines d'autres camps se trouvent éparpillés sur le

 27   territoire de la Bosnie. Sur la gauche de cette carte, vous voyez -- donc,

 28   la pièce P2225, à gauche vous voyez, par exemple, la détention qu'a subie


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  1   ce témoin qui a été placé dans sept centres de détention différents dans le

  2   secteur de Sarajevo en été 1992, y compris la prison de Kula. Et cela n'a

  3   été possible que parce que ces camps faisaient partie d'un système unique

  4   coordonné.

  5   Alors, pourquoi est-ce qu'on irait placer en détention des dizaines de

  6   milliers de civils, les placer dans les camps ? Parce que cela faisait

  7   partie de la mise en œuvre de ce plan de chasser de manière permanente et

  8   par la force les non-Serbes. Vous pouvez voir cela sur la diapositive C15,

  9   les lignes vertes qui montrent comment il leur a été permis de partir sur

 10   le territoire entre les mains des Croates et des Musulmans.

 11   Par exemple, lorsque Manjaca a été fermé sur ordre de l'état-major

 12   principal, la VRS a déporté certains détenus en Croatie. Vous voyez la

 13   ligne verte sur la gauche de la carte. Et d'autres détenus ont été envoyés

 14   dans d'autres camps du système bosno-serbe et ont été cachés aux yeux de la

 15   communauté internationale.

 16   Alors, beaucoup de non-Serbes étaient détenus dans les camps, et les

 17   opérations visant à nettoyer ethniquement le reste des villages se sont

 18   poursuivies pendant ce temps-là, tout au long de l'été et de l'automne. Et

 19   je vous renvoie à la pièce P520 sur Kljuc et P2440 sur Prijedor.

 20   Hier, la Défense a affirmé que l'Accusation n'avait pas identifié de

 21   manière précise les auteurs des crimes qui ont été commis pendant ces

 22   opérations. Cela porte sur les événements 6.5 et 6.9. Et, là encore, il

 23   s'agit d'opérations coordonnées placées sous le commandement de la VRS de

 24   manière tout à fait claire. Pour ce qui est de Prijedor, je vous renvoie

 25   également à la pièce P2365, 2432, et les pages du compte rendu d'audience

 26   17 805 à 17 807, entre autres.

 27   Les opérations de Prijedor sont particulièrement frappantes. Un officier de

 28   la 6e Brigade a dit à RM095 que les zones musulmanes de Brdo et de Biscani


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  1   seraient nettoyées même si la population avait rendu leurs armes. Les non-

  2   Serbes de ces zones ont été massacrés par la suite, et ce, dans différents

  3   villages. D'autres ont été apportés à Keraterm et à Omarska, et c'est là

  4   que des centaines d'entre eux ont été tués. Et un groupe qui a été chargé

  5   de collecter les corps des non-Serbes qui avaient été tués dans une de ces

  6   zones, à Biscani, a dû s'arrêter 19 fois pour pouvoir ramasser les corps

  7   des victimes.

  8   Cette campagne s'est poursuivie, on a dévasté les communautés bosno-

  9   croates. Des massacres ont eu lieu tout au long de l'été et de l'automne.

 10   Et je vais vous renvoyer brièvement à l'un de ces massacres qui vous est

 11   bien connu, à savoir celui de l'école de Grabovica. Le général Mladic avait

 12   pris part personnellement aux négociations portant sur la reddition de

 13   Vecici, et la présidence de Guerre a suivi ses consignes. Je vous renvoie à

 14   la pièce P2884. Et par la suite, ses forces, les forces de la VRS, ont

 15   capturé les Musulmans en fuite, les ont rassemblés dans l'école et ont

 16   massacré à ce moment-là au moins 150 prisonniers.

 17   Voyons la diapositive suivante, C16, qui nous montre le massacre dont

 18   on a rendu compte vers les échelons supérieurs de la chaîne de commandement

 19   et jusqu'à l'état-major principal. Le lendemain, le 1er Corps de la Krajina

 20   a fait rapport également. Aucun soldat de la VRS n'a jamais été puni et

 21   quasiment tous les corps des victimes sont encore portés disparus à ce

 22   jour.

 23   Après avoir nettoyé la plus grande partie de cette zone qui était

 24   revendiquée par eux, les membres de l'entreprise criminelle commune, alors,

 25   se sont concentrés sur les enclaves qui restaient dans la vallée de la

 26   Drina. Alors, je vous renvoie aux pièces P320 et 2813 pour voir l'état

 27   d'avancement de la campagne à ce stade.

 28   Le général Mladic a donné l'ordre de créer le Corps de la Drina, à


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  1   savoir la pièce P3659. Des parties très importantes de cette zone avaient

  2   déjà été ethniquement nettoyées, et maintenant les membres de l'entreprise

  3   criminelle commune avaient un nouveau corps d'armée à leur disposition,

  4   corps de la VRS, pour terminer ce travail. Il comprendrait les brigades

  5   placées sous Rajko Kusic et Svetozar Andric. La 2e Brigade motorisée de

  6   Romanija de Krstic est devenue partie de ce corps par la suite. Et chacune

  7   de ces unités était déjà responsable de crimes graves.

  8   Le 8 novembre, après le massacre de Grabovica, Mladic a réuni ses

  9   commandants de corps et les membres de l'entreprise criminelle commune

 10   Karadzic et Krajisnik. La diapositive C17 reflète certaines des notes

 11   issues de cette réunion. Mladic note ici que Krajisnik avait relevé : "Nous

 12   avons atteint le corridor et la séparation avec les Musulmans. C'est ce que

 13   nous avons réalisé." Et il a résumé par la suite : "L'objectif le plus

 14   important est la tâche qui a été confiée à Zivanovic. La tâche la plus

 15   importante, la séparation avec les Musulmans."

 16   Et puis, quelques jours plus tard, Mladic a signé la directive 4, à

 17   savoir la pièce P1968, qui exige que l'ennemi soit chassé de la vallée de

 18   la Drina avec la population musulmane. Et le Corps de la Drina a émis un

 19   ordre de mise en œuvre qui est tout à fait clair lui aussi et qui, dans la

 20   partie pertinente, demande que la population musulmane locale soit forcée à

 21   abandonner les zones de Cerska, Zepa, Srebrenica et Gorazde. J'ai cité la

 22   pièce P2095.

 23   De nombreuses personnes habitant dans ces enclaves avaient déjà été

 24   chassées de leurs foyers, et pendant cette campagne de nombreux ont été

 25   expulsés de nouveau à Srebrenica. Le Témoin Osmanovic résume cela, et je

 26   vous renvoie à la diapositive C18 à présent. Sa famille n'en est qu'une

 27   parmi d'autres qui ont été chassées, et qui ont été chassées de hameau en

 28   hameau, de camp en camp, dans le cadre de la mise en œuvre de cette


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  1   entreprise criminelle commune. L'état-major principal et ses représentants

  2   ont directement participé au nettoyage de cette zone. Et le 15 février

  3   1993, l'état-major principal a donné l'ordre d'attaque, la pièce P2218, qui

  4   note que les enclaves devaient "supporter un fardeau d'un grand nombre de

  5   réfugiés civils," et utilise l'insulte "poturice" pour parler de

  6   l'adversaire. Les villages dans cette zone ciblée ont été détruits et

  7   incendiés.

  8   Et je voudrais maintenant parler d'un dernier massacre qui a été

  9   mentionné par la Défense de manière détaillée hier, il s'agit du massacre

 10   qui est reproché à A7.5 de l'acte d'accusation, il s'agit de Skrljevita. La

 11   Défense vous a dit hier que la police militaire a arrêté ces auteurs, mais

 12   a omis de vous dire que des fonctionnaires de la VRS et du SDS sont

 13   intervenus pour que ces auteurs soient libérés. Pièces P2362, 2371 et 2375.

 14   Et il est clair sur la base de la pièce P2395 [comme interprété] que l'un

 15   d'entre eux était un ex-paramilitaire qui a été incorporé par la suite au

 16   sein de la VRS.

 17   Alors, contrairement à certains arguments avancés par la Défense, non

 18   seulement il ne s'agissait pas d'arrêter ce paramilitaire de commettre

 19   d'autres crimes, mais les responsables de la VRS et du SDS sont intervenus

 20   pour le protéger pour qu'il ne soit pas puni à partir du moment où il a

 21   participé au meurtre de ce groupe de civils croates de Bosnie qui n'étaient

 22   pas armés. Cet événement est tout à fait pertinent dans le cadre de

 23   l'appréciation de la Chambre de l'incorporation des paramilitaires.

 24   La VRS a consolidé son contrôle sur les zones ciblées et a expulsé

 25   les populations non-serbes. Dans ce cadre-là, de nombreux commandants de

 26   ces unités ont commis les pires crimes dans les municipalités et ils ont

 27   été promus suite à cela dans le cadre de leur hiérarchie. La dernière

 28   diapositive, C19, nous montre quelques exemples de cela. Plusieurs de ces


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  1   auteurs ont commis d'autres crimes sous le commandement du général Mladic

  2   plus tard dans la guerre, tout comme Krstic et Kusic.

  3   Alors, si on prend dans son ensemble cette campagne, les éléments de

  4   preuve des crimes dans la municipalité sont clairs, fiables, et je ne peux

  5   pas me permettre de m'engager dans un examen plus détaillé de chacun des

  6   événements. Toutefois, tous ces éléments sont amplement suffisants pour que

  7   la Chambre rejette les contestations qui ont été avancées par la Défense au

  8   titre des chefs 1 et 3 jusqu'à 8.

  9   Je vais donner la parole à M. McCloskey à présent.

 10   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 11   les Juges. Bonjour à tout le monde.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons un peu trop vite, parce que

 13   nous sommes encore le matin, Monsieur McCloskey.

 14   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je ne vois pas l'heure, l'horloge d'ici.

 15   Ce n'est pas mon but aujourd'hui de vous faire un récit détaillé de la

 16   participation de Mladic dans le génocide de Srebrenica. Vous avez entendu

 17   de nombreux moyens de preuve, vous avez posé des questions pertinentes. Et

 18   je vais vous demander de vous référer à mon propos liminaire, où j'ai

 19   exposé notre théorie de ce qui s'est passé, et aussi je voudrais vous

 20   demander de vous reporter à des pièces à conviction pertinentes.

 21   J'ai à peu près 40 minutes pour vous parler aujourd'hui, et je voudrais

 22   répondre à certaines contestations de M. Ivetic. Et, la plupart, il

 23   s'agissait du poids à accorder. Il s'agit de la crédibilité, et ce n'est

 24   pas de cela qu'il faudrait parler aujourd'hui, mais je voudrais répondre

 25   tout de même pour placer tout cela dans le contexte.

 26   Donc, je vais tout d'abord commencer par la directive numéro 7. Quand

 27   il a contesté, il a suggéré que Mladic était en quelque sorte à part par

 28   rapport à la directive 7, et M. Ivetic a dit que :


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  1   "Les commandants de corps n'auraient pas dû réagir à la directive de

  2   Karadzic avant de recevoir l'ordre de Mladic, qui résultait de la

  3   directive."

  4   C'est complètement faux. Le général Mladic et son état-major

  5   principal n'ont pas de temps, n'ont pas d'énergie, n'ont pas de capacité,

  6   comme vous l'avez appris dans le document et de la description fournie par

  7   les experts, de faire un plan de combat en détail. C'est son corps d'armée

  8   qui fait cela, et ceci découle des documents si on les examine, par

  9   exemple, Krivaja 95. Là, vous avez une opération menée à bien par les corps

 10   de la Drina qui a été approuvée par l'état-major principal. Ce n'est pas

 11   l'inverse.

 12   Donc, le Corps de Drina n'attend pas pour développer un plan de

 13   combat, qui va être basé sur la directive 7. Bien sûr, nous comprenons les

 14   raisons pour lesquelles M. Ivetic souhaite séparer Mladic de la directive

 15   7, car maintenant cette directive est bien trop notoire pour ses aspects

 16   criminels. Et, je ne vais pas parler de cela. Vous avez entendu cela des

 17   centaines de fois. L'objectif était de créer une situation complètement

 18   insupportable et une situation d'insécurité totale pour les habitants de

 19   Srebrenica; créer un système de permis, qui va être complètement obscur, et

 20   où la population va dépendre de leur bonne volonté, et de rien d'autre.

 21   Il est important de voir à quel point M. Mladic était impliqué dans

 22   tout cela. Je ne vais pas vous montrer trop de documents, je voudrais vous

 23   montrer un certain nombre de documents, tout de même, par exemple, le

 24   document P1469, la directive 7. Normalement, il y a une page de garde, nous

 25   devrons voir une page de garde, et vous allez vous rappeler que c'était

 26   envoyé donc par le chef de l'état-major, le général Milovanovic.

 27   Le général Milovanovic est la personne apte à donner des ordres mis à

 28   part M. Mladic, le général Mladic, et dans ce document, il envoie la


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  1   directive 7 et il demande que les corps confirment la réception de la

  2   directive par retour d'une photocopie de ce document.

  3   Donc là, vous comprenez très bien que le général Milovanovic envoie

  4   un document de l'état-major principal au corps d'armée, et ils comprennent

  5   que là, il s'agissait d'un ordre très, très important. Et ceux qui ont

  6   vraiment signé l'ordre, ce sont les généraux Mladic et le président

  7   Karadzic, en réalité.

  8   Et puis, on va aussi se référer au témoignage des chefs des

  9   opérations, par exemple, Obradovic, et les autres qui nous ont expliqué

 10   comment on a élaboré ces directives. Elles étaient élaborées au niveau de

 11   l'état-major principal, sont intervenus de nombreuses personnalités, de

 12   nombreux officiers importants chargés des opérations de sécurité, questions

 13   religieuses, et cetera, pour créer ce document, et nous avons donc la

 14   directive 7. C'est le général Miletic qui a écrit cette directive.

 15   Donc, c'est un document de l'état-major principal qui a été créé par

 16   l'état-major, envoyé par le président Karadzic, qui le revoit, qui le

 17   signe, et ensuite c'est renvoyé à l'état-major principal, et c'est l'état-

 18   major principal qui l'envoie au corps d'armée. Et vous allez vous rappeler

 19   de ce qui est écrit dans cette directive numéro 7 : "Agir par des

 20   opérations de combat bien planifiées, bien organisées, pour créer une

 21   situation complètement insupportable…"

 22   Et, donc Mladic est complètement impliqué dans cette directive, qui

 23   est l'œuvre de Karadzic et Miletic.

 24   Alors, la question de terminologie, qui a vraiment écrit cela. Est-ce

 25   que c'est Karadzic, est-ce que c'est Mladic ? En tout cas, ceci ressemble

 26   fortement au rapport écrit par le chef de la Brigade de Bratunac et qui a

 27   été envoyé à l'état-major principal en 1994, donc P1505, où on parle aussi

 28   de l'importance de créer cette situation insupportable.


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  1   Mais, Monsieur le Président, il est important de savoir qu'il n'est

  2   pas important de savoir qui a vraiment écrit ce document, parce qu'il n'y

  3   avait pas vraiment de chaîne de commandement à deux vitesses ou double. Car

  4   Karadzic était le commandant suprême, comme on le sait; Mladic est le

  5   commandant de l'état-major principal, qui est le corps, et des corps de

  6   l'armée. Ils sont tous les deux les auteurs de ce document. Ils sont tous

  7   les deux responsables de ce document.

  8   M. Ivetic -- enfin, je vais citer M. Butler, enfin je vais vous

  9   référer à ce que Butler a dit à ce sujet. Ceci se trouve au niveau du

 10   compte rendu d'audience 16 158 et 16 160. M. Ivetic, pour revenir à M.

 11   Ivetic, a aussi dit que Mladic, dans la directive 7(1), sa directive donc

 12   qui est publiée le 31 mars, donc très peu de temps après la directive 7,

 13   remplace un peu ce terme très fort, voire punissable, criminel, et que l'on

 14   trouve dans la directive 7. Non, ce n'est pas exact. Il est clair quand

 15   vous examinez le document, quand vous le comparez cote à cote, il est clair

 16   que la directive 7.1 finalement reflète la directive 7, cite la directive

 17   7. Et, la directive 7(1) est très précise, il s'agit là des opérations de

 18   combat et ne dit rien en particulier par rapport aux enclaves. Ce qui est

 19   écrit dans la directive 7 est toujours de vigueur, et c'est toujours

 20   important.

 21   Nous le savons, car le général Zivanovic, dans la pièce P1468,

 22   envoyée le 20 mars, avant la directive 7(1), il cite la directive 7 en

 23   utilisant donc ce même langage, cette même terminologie inacceptable. Ce

 24   qui est aussi important, c'est que le 2 juillet, le Corps de Drina

 25   développe la pièce à conviction P1465, il s'agit du plan d'attaque Krivaja

 26   95. Et là, vous avez un plan d'attaque qui va retracer la directive 7 et

 27   7(1).

 28   Si vous vous souvenez du plan d'attaque de Krivaja 95, vous allez


Page 20837

  1   vous rappeler que Mladic a donné son approbation par rapport à cela. Vous

  2   allez vous rappeler de la carte qui accompagnait cette pièce à conviction,

  3   la pièce P1084. Mladic l'a signée, il a même fait un commentaire. Il a

  4   donné son approbation pour ce plan, et il a ajouté : Réduire l'enclave aux

  5   zones urbaines des enclaves de 2 ou 1 kilomètre, c'est-à-dire qu'il faut

  6   placer 335 000 personnes dans ce petit territoire. Et puis, à nouveau, il

  7   dit : Créer des conditions propres à l'élimination des enclaves. Et là,

  8   nous avons encore une fois la réflexion de ce qui est dit dans la directive

  9   7, approuvé par Mladic, développé par le Corps de la Drina.

 10   M. Ivetic a dit que les forces du MUP de Srebrenica agissaient de

 11   leur propre chef, qu'elles n'étaient pas placées sous le commandement de

 12   l'armée, de l'armée ou Mladic. Butler, dans le compte rendu aux pages 162

 13   006 [comme interprété] à 162 009 [comme interprété], en parle. La première

 14   pièce à conviction que Butler va évoquer, eh bien, ça va être l'ordre du 10

 15   juillet par Tomo Kovac, qui était le ministre en exercice. Il s'agit de

 16   l'ordre de Borovcanin qui demande de faire le rapport du trou de Trnovo où

 17   il se trouve avec d'autres unités de la police spéciale et d'autres unités,

 18   donc il faut qu'il se rendre dans la zone de Srebrenica et qu'il fasse un

 19   rapport au général Krstic. Et donc, M. Butler a dit ce que cela voulait

 20   dire : cela voulait dire que qu'elles étaient placées clairement sous le

 21   commandement de l'armée, ces unités.

 22   M. Butler, aussi, dans sa déposition fait référence à la pièce P2104, il

 23   s'agit de l'article 14 de la loi où on parle de "l'utilisation des unités

 24   de police dans les opérations de combat." C'est un document qui est en date

 25   du 29 novembre 1994. Et il décrit la situation où le MUP et l'armée

 26   travaillent côte à côte, et là c'est l'armée qui commande alors que le MUP

 27   va garder le commandant de l'unité, par exemple Borovcanin, alors que le

 28   commandement global est assuré par l'armée. Et la lettre de Kovac


Page 20838

  1   correspond parfaitement à ce texte de loi.

  2   Et Butler en parle aussi à la page du compte rendu d'audience 16 210.

  3   Et pour terminer mon exposé sur ce sujet, nous allons examiner la pièce

  4   P724. Là, nous avons Borovcanin, le commandant de forces de police

  5   spéciales. Et là, nous avons un rapport qui est fait après l'action et nous

  6   avons une description détaillée des activités entreprises par son unité et

  7   des mouvements entre le 11 juillet et le 20 juillet. Et une des premières

  8   choses qu'il va noter dans son rapport, eh bien, il va les envoyer au poste

  9   de commandant avancé, et c'est là qu'il retrouve Mladic. Il va faire un

 10   rapport à Mladic et il va recevoir des ordres de Mladic. Mladic lui ordonne

 11   d'aller attaquer Potocari. Et là, cela nous montre que Borovcanin était

 12   placé sous le commandement de Mladic.

 13   Donc, vous allez peut-être vous rappeler de ce rapport, Butler en a parlé -

 14   - donc, ses forces n'étaient pas encore arrivées. Il n'est pas en mesure

 15   d'attaquer Potocari cette nuit-là, mais il arrive à attaquer Potocari le

 16   lendemain matin, le 12 juillet. Il prend position autour de l'enclave,

 17   autour de Potocari, et ensuite il reçoit d'autres ordres du général Mladic

 18   le 12 juillet. Personnellement, M. Mladic lui donne l'ordre de se rendre

 19   sur la route, le long de la route de Bratunac-Konjevic Polje, et qu'il faut

 20   ériger des barrages pour empêcher les Musulmans de fuir. Et donc, le 13 et

 21   le 14, ils sont toujours sous le commandement du général Mladic. C'est

 22   Mladic qui leur ordonne des ordres. Ils lui font des rapports. C'est

 23   parfaitement clair. La police spéciale et les unités travaillent côte à

 24   côte le long de la route à Potocari pour séparer les gens et pour capturer

 25   les gens qui essayent de fuir.

 26   M. Ivetic a aussi suggéré que le général Mladic n'avait rien à voir avec

 27   Skorpions et qu'il n'était absolument pas au courant de leurs activités à

 28   Trnovo quand ils ont massacré les six hommes dans la vidéo. Eh bien, il ne


Page 20839

  1   faut pas oublier tout d'abord qui étaient ces hommes-là, ces jeunes hommes.

  2   C'étaient les gens que l'on a vus pour la dernière fois dans la zone de

  3   Srebrenica. Il ne s'agissait pas là des gens de Sarajevo. Ce sont des gens

  4   portés disparus par leurs familles, par leurs amis dans l'enclave même, au

  5   moment où l'enclave est tombée. Nous avons eu deux témoins qui ont déposé à

  6   ce sujet : 92 bis RM311, elle a identifié son frère dans cet

  7   enregistrement; RM347, son beau-frère s'est échappé avec lui en direction

  8   des bois et depuis il ne l'a pas revu. Erin Gallagher nous a donné les noms

  9   de ces six personnes que l'on a vues dans cet enregistrement et qui ont été

 10   identifiées au cours de l'enquête.

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, on vous a

 22   interrompu. Si j'ai bien compris les propos de M. Ivetic, il essaie de

 23   mettre l'accent sur le fait qu'on n'a pas établi les liens entre l'accusé

 24   et les auteurs de ce crime.

 25   Vous dites que M. Ivetic a suggéré que le général Mladic n'avait rien

 26   à voir avec les Skorpions et ne savait rien au sujet des Skorpions et de

 27   leurs activités à Trnovo là où ils ont massacré les six hommes, et on parle

 28   de la vidéo, et là vous dites :


Page 20840

  1   "Il ne faut pas oublier qui étaient ces gens-là."

  2   J'ai l'impression que vous vous concentrez sur les victimes, alors

  3   que Me Ivetic a mis l'accent sur les auteurs de ce crime enregistré dans la

  4   vidéo.

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] Eh bien, justement, je vais en parler à

  6   présent.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que moi, je n'ai entendu à

  8   aucun moment Me Ivetic dire que ces victimes venaient de Sarajevo et pas de

  9   Srebrenica. Donc, essayez de vous concentrer vraiment, de répondre vraiment

 10   aux points soulevés par M. Ivetic.

 11   M. McCLOSKEY : [interprétation] Ce qui est important de noter, Monsieur le

 12   Président, c'est que Me Ivetic essaie de séparer le général Mladic et la

 13   VRS de cet incident de meurtre. Et moi, ce que j'essaie de faire valoir,

 14   c'est que là, ce meurtre, ce massacre, fait partie d'une opération de

 15   meurtre organisée qui a été développée par Mladic, et on l'a vu au cours de

 16   la présentation des moyens de preuve. Donc, M. Mladic ne peut pas fuir sa

 17   responsabilité par rapport aux exécutions organisées des habitants de

 18   Srebrenica pendant cette période-là. Donc, c'en est d'un.

 19   Ensuite, le point deux, M. Ivetic a suggéré que les Skorpions

 20   fonctionnaient uniquement en coordination avec la VRS. Il a dit, page 49, 8

 21   à 10 :

 22   "L'unité des Skorpions, en soi, opérait de façon coordonnée comme

 23   cela a été décrit par M. Theunens, plutôt que d'avoir été rattachée à la

 24   VRS. C'est quelque chose qui figure au niveau du compte rendu d'audience 18

 25   715 à 18 717."

 26   Le compte rendu cité par Me Ivetic vient non pas de la déposition de

 27   M. Theunens, mais du Témoin protégé RM280, qui a bien dit que les Skorpions

 28   travaillaient en coordination avec la VRS. Donc, une personne d'un niveau


Page 20841

  1   assez bas. Mais Theunens aussi a déposé et il a dit que les Skorpions

  2   étaient subordonnés au Corps de Sarajevo-Romanija. C'est quelque chose qui

  3   figure au compte rendu d'audience 20 671.

  4   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] En citant la pièce P3096, vous allez vous

  6   rappeler, c'est le rapport de combat quotidien du 23 juillet où le

  7   commandant, Dragomir Milosevic, fait référence à deux reprises aux

  8   Skorpions sous l'intitulé "nos forces". Donc, ce rapport dit clairement, il

  9   a été cité par Theunens, et vous pouvez lire, d'ailleurs, que Dragomir

 10   Milosevic avait subordonné à ses forces les Skorpions comme d'autres

 11   unités.

 12   Et puis, on peut aussi revenir sur la date du 1er juillet où nous

 13   avons un rapport qui vient de Borovcanin, avant qu'il ne soit à Srebrenica

 14   vers ces unités, donc il s'agit de la pièce P2102. Borovcanin fait un

 15   rapport au sujet de sa coopération avec les Skorpions. Donc, nous avons les

 16   combats autour de Trnovo, Sarajevo, et là ils combattent avec Borovcanin.

 17   Là, ils combattent côte à côte avec l'armée, et la même loi que celle que

 18   je viens de citer s'applique. Ça veut dire qu'ils sont placés sous le

 19   commandement de l'armée. Et donc, là, dans le rapport de Milosevic, on fait

 20   une référence directe à cela. Donc, c'est clair, pas seulement que ces

 21   victimes de Srebrenica ont été tuées peu de temps après la chute de

 22   Srebrenica, mais les unités des Skorpions qui ont été créées par le MUP de

 23   Serbie travaillent côte à côte avec la VRS et la police spéciale. Et

 24   Mladic, en tant que général, prend la responsabilité de toutes les

 25   activités de ses unités et ceux qui sont subordonnés.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, je dois vous

 27   rappeler, vous avez peut-être des connaissances par rapport aux autres

 28   procès que vous avez suivis, que vous avez couverts auparavant, mais je


Page 20842

  1   dois vous rappeler que cette Chambre n'a connaissance que des éléments qui

  2   lui ont été présentés au cours du procès.

  3   Peut-être que je n'ai pas très bien compris, mais j'ai peut-être compris la

  4   référence que vous venez de faire comme une référence faite par rapport aux

  5   autres procès, et mis à part le constat judiciaire que nous avons dressé

  6   des faits admis dans d'autres procès, vous ne pouvez pas faire référence à

  7   cela.

  8   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, je comprends. Je comprends. Mais je

  9   suis sûr qu'il est parfaitement clair qui a créé ces unités. Je ne sais pas

 10   où cela se trouve, mais cela se trouve quelque part ici.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, vous faites référence à

 12   cette affaire et rien d'autre.

 13   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bon, peut-être que j'ai aussi fait

 14   référence à d'autres affaires.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela ne nous intéresse pas.

 16   M. McCLOSKEY : [interprétation] Très bien.

 17   M. Ivetic, hier, a parlé assez longuement des exécutions au fleuve Jadar.

 18   Dans le temps qui m'est imparti aujourd'hui, je ne pourrai pas couvrir

 19   totalement les événements, mais j'aimerais vous rappeler quelle était la

 20   situation. Il a tout d'abord suggéré que le mémoire préalable au procès de

 21   l'Accusation n'avait recueilli que six dépositions pour le fleuve Jadar. Au

 22   fait, nous n'avons convoqué qu'un seul témoin. Mais si vous regardez le

 23   mémoire préalable au procès, nous avons une référence en note de bas de

 24   page assez longue qui va au-delà du fleuve Jadar. Les autres personnes

 25   mentionnées ont vécu d'autres événements, tels que ceux de Kravica. Donc,

 26   nous citons le survivant de cet événement, le Témoin RM314, mais vous avez

 27   également entendu un autre témoin, l'infirmier qui avait traité le Témoin

 28   RM314 et qui s'appelait M. Subasic.


Page 20843

  1   Alors, Me Ivetic a montré un document médical, et il y avait une

  2   référence au service CLSS -- une référence latine dans cette traduction

  3   était citée. Nous avons examiné le document. Nous continuons, en fait, à

  4   faire des recherches à cet égard, mais nous pensons qu'il s'agit là d'une

  5   référence à une blessure par explosion. J'en ai informé Me Ivetic, et nous

  6   allons collaborer avec le service CLSS pour vous donner la meilleure

  7   traduction du latin, mais il semble que le dossier médical fasse référence

  8   deux fois à cette expression latine qui voudrait dire une blessure par

  9   explosion. Et nous voyons dans d'autres documents que d'autres références

 10   médicales sont faites à une blessure par explosion, par opposition à une

 11   blessure par balle. Même si nous ne sommes pas encore sûrs que ce terme,

 12   blessure par explosion, peut dans ce cas-ci faire référence à une blessure

 13   par balle. Nous n'en sommes pas encore sûrs, mais nous reviendrons vers

 14   vous.

 15   Alors, dans son contre-interrogatoire, le Témoin RM314, aux pages du compte

 16   rendu 10 897 à 10 899, Me Ivetic avait posé des questions au témoin et lui

 17   avait montré le dossier médical, et je cite -- il a posé la question

 18   suivante :

 19   "Est-ce qu'ils ont expliqué que leur diagnostic, tel que vous le

 20   voyez ici, implique une blessure par explosion qui n'est pas liée à une

 21   balle ?"

 22   La réponse :

 23   "Eh bien, on peut voir que la blessure avait été provoquée par une

 24   arme à feu et pas une explosion."

 25   Me Ivetic a montré le document au témoin et le témoin a nié qu'il

 26   s'agissait d'une blessure par balle.

 27   Ensuite, la pièce 1440. Nous avons déjà vu cette pièce il y a quelques

 28   instants, mais c'est une image de la blessure. Et je demanderais de ne pas


Page 20844

  1   diffuser l'image.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la pièce est sous pli scellé. Elle

  3   doit rester non diffusée au public.

  4   M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous vous souvenez peut-être que la

  5   personne qui a déposé pour le fleuve Jadar a dit qu'il se trouvait à

  6   Konjevic Polje le matin du 13, qu'on l'a emmené dans un bus avec 15 autres

  7   personnes, accompagnés de soldats, vers les rives du fleuve Jadar, qu'on

  8   les a alignés là-bas le long du fleuve, qu'on leur a tiré dessus, qu'il est

  9   tombé dans le rivière, qu'il avait été blessé à la hanche, mais qu'il a pu

 10   survivre à ses blessures et suivre le cours de la rivière et en sortir plus

 11   bas.

 12   Il a également décrit qu'on lui avait tiré dessus, qu'il était tombé dans

 13   la rivière et qu'il était tombé sur sa hanche, ce qui lui a provoqué une

 14   blessure supplémentaire. Et dans sa déclaration, il dit que la blessure

 15   était relativement grande. Dans sa déposition, il a continué à expliquer

 16   que le lendemain il a rencontré un groupe de Musulmans qui se trouvaient

 17   dans les bois près de là et qu'un infirmier l'avait soigné. Il connaissait

 18   son nom, et il nous a donné le nom de Mujo Subasic. Et d'après lui, il lui

 19   a raconté son histoire et il l'a soigné.

 20   Et vous avez entendu Mujo Subasic, je pense que c'était un témoin relevant

 21   de l'article 92 bis, et ce témoin Mujo Subasic nous a dit qu'il ne

 22   connaissait pas le nom de la personne mais qu'il se souvient qu'aux

 23   environs du 14, il avait traité une personne qui avait dit avoir été

 24   victime d'une exécution en masse. Donc, cet infirmier pensait qu'il

 25   s'agissait d'une blessure à la jambe, mais il a continué sa déposition en

 26   disant qu'il avait soigné tellement de blessures qu'il ne s'en souvenait

 27   plus exactement. Donc, vous avez cette confirmation. Je ne sais pas ce qui

 28   s'est passé avec la photographie, mais je vais continuer mes arguments.


Page 20845

  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] On nous dit que le système présente

  2   quelques problèmes pour le téléchargement. Nous devons attendre.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous faites référence à une photographie

  4   et à une annotation, et je pense que cela correspond à la partie arrière

  5   gauche du corps ?

  6   M. McCLOSKEY : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'arrive à le voir de loin sur l'écran

  8   de la greffière d'audience.

  9   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La photographie est visible de loin, et

 11   on voit le tronc d'une personne nue. Il semble y avoir un numéro 1 qui

 12   représente une blessure sur le flanc gauche, et un numéro 2 semble indiquer

 13   une blessure également mais plus sur l'avant-gauche du corps. Vous faites

 14   référence à cela, et nous l'avons vu même si c'était de loin.

 15   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et, vous vous

 16   souviendrez que le témoin dans sa déposition avait dit que la balle était

 17   entrée par l'arrière, qu'il avait apporté une annotation, et que le point

 18   de sortie de la balle était à l'avant. Je ne me souviens pas de quel

 19   chiffre représentait quoi, mais le point d'entrée est très petit, et le

 20   point de sortie est très gros.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Vous pouvez continuer.

 22   M. McCLOSKEY : [interprétation] Et, je demanderais que lorsque les Juges de

 23   la Chambre examineront la conclusion médicale sur la blessure par

 24   explosion, qu'ils tiennent compte de ce qu'ils voient sur cette

 25   photographie. Il s'agit là d'une représentation de la blessure, le 16,

 26   lorsque les médecins ont regardé la blessure après la chute sur la hanche

 27   et les hématomes qui en ont découlé.

 28   De plus, pour davantage étayer la déposition de ce témoin et sa


Page 20846

  1   crédibilité, vous vous souviendrez de Jean-René Ruez qui a déposé sur ce

  2   témoin, sur ce que ce témoin lui avait dit et ce qu'il avait vécu. Tout

  3   d'abord, Ruez a déclaré que ce témoin lui avait dit qu'il avait été détenu

  4   dans une petite maison de gardien, en dehors de l'école de Konjevic Polje,

  5   et Ruez a retrouvé un garde -- une petite maison là-bas qui ressemblait à

  6   ce que le témoin lui avait dit, en dehors de l'école, et l'a consigné dans

  7   son carnet. Il s'agit de la pièce 1132, page 49.

  8   Il a également déclaré à M. Ruez qu'il avait vu un Musulman qui

  9   s'appelait Resid Sinanovic à Konjevic Polje, ce jour-là, le 13, et Momir

 10   Nikolic avait également déposé en disant que Resid Sinanovic était là et,

 11   qu'en fait, il avait ramassé Resid Sinanovic, il l'avait emmené au poste de

 12   la police militaire de Bratunac à Celanovic avec quelques d'autres

 13   personnes. Vous vous souviendrez peut-être que Celanovic vous a dit qu'il

 14   avait interrogé Resid Sinanovic.

 15   Il a également dit à M. Ruez qu'il avait été emmené dans un hangar au

 16   croisement de Konjevic Polje, vous verrez une photographie de ce hangar;

 17   pièce P1132, page 50. Le témoin a déclaré à M. Ruez qu'il avait monté le

 18   chemin et qu'il était ensuite redescendu vers le fleuve. M. Ruez lui a dit

 19   à ce moment-là qu'il avait besoin que le témoin l'accompagne pour qu'il lui

 20   indique ce point le long de la route. Il s'agit de la pièce P1132, vous

 21   voyez un point annoté. Page 88.

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   Alors les choses deviennent plus confuses ensuite, et je vais essayer


Page 20847

  1   d'éclaircir les faits. Aux alentours du 27 juillet --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est peut-être temps de faire la

  3   pause.

  4   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, bonne idée.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il faudra prendre du temps pour

  6   parler de cela.

  7   Nous allons faire une pause, et nous allons reprendre à 13 heures 35.

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

  9   --- L'audience est reprise à 12 heures 42.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de continuer, Monsieur McCloskey,

 11   je voudrais vous demander de vous concentrer au maximum. Etant donné que

 12   vous n'avez pas de texte préparé, vous avez tendance à digresser et cela

 13   prolonge quelque peu les débats. Ça, c'est une chose.

 14   Deuxième chose. Nous avons perdu 15 minutes ce matin. Nous allons essayer

 15   de prolonger l'audience un petit peu plus tard, peut-être de dix minutes

 16   pour compenser cela, et Monsieur Mladic, nous avons également une pause

 17   plus longue pour vous. J'aimerais donc vous demander, Monsieur McCloskey,

 18   si vous pensez que vous pourrez tout boucler d'ici 14 heures 25 si nous

 19   prenons une pause de 15 minutes entre les deux ?

 20   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je ne sais pas combien de temps cela veut

 21   dire.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous perdrez cinq minutes environ sur le

 23   tout.

 24   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vais essayer.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde également Mme Bibles, qui

 26   était censée prendre la parole.

 27   Monsieur Groome, vous vous levez. C'est vous le chef d'équipe.

 28   M. GROOME : [interprétation] Nous avons prévu environ trois heures, trois


Page 20848

  1   heures et demie. Nous sommes dans les temps. Nous essayons de réduire les

  2   arguments au fur et à mesure, mais je ne peux pas vous assurer à 100 % que

  3   cela sera le cas.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà pourquoi ce que je vous propose

  5   est la chose suivante : la Défense, si nous vous accordons 15 minutes,

  6   perdrait ces 15 minutes. Bon, continuons et nous verrons en temps voulu.

  7   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Nous sommes toujours en train d'aborder les contestations concernant la

  9   crédibilité du Témoin RM314. Dans sa déclaration et dans sa déposition, il

 10   a déclaré avoir été à l'infirmerie au mois de juillet, aux alentours du 27.

 11   Il nous dit qu'un homme inconnu est venu le voir et lui dit qu'il y a des

 12   journalistes qui étaient présents ou quelque chose du genre et qu'ils

 13   devraient leur raconter qu'on lui avait tiré dessus à Karakaj. Et le témoin

 14   a déclaré aux Juges de la Chambre qu'il avait répondu à cette personne

 15   qu'il ne voulait pas le faire. Et ensuite, il a parlé à un journaliste, il

 16   a fait une déclaration orale au journaliste. Et puis, il a produit une

 17   déclaration écrite faisant rapport de ce contact avec cet inconnu à

 18   l'hôpital. Cette déclaration écrite a été envoyée aux autorités sanitaires

 19   et puis au service de sécurité de Bosnie-Herzégovine parce que le service

 20   de sécurité s'inquiétait du fait que des inconnus parlaient aux patients.

 21   Alors, Me Ivetic, je pense, a un petit peu confondu les choses sur ce

 22   sujet-là. Il a dit qu'à la page 10 880 jusqu'à la page 10 882 du compte

 23   rendu, après une question du Juge Fluegge, que la déclaration écrite donnée

 24   aux journalistes, signée, était un faux témoignage, tel que concédé par le

 25   Témoin RM314. La déclaration écrite n'a pas été donnée à un journaliste et

 26   rien dans cette déclaration ne montre qu'il s'agissait d'un faux

 27   témoignage.

 28   Mais pendant le procès, vous vous souvenez peut-être qu'à ce sujet le


Page 20849

  1   Juge Fluegge a pris la parole, a posé une question au témoin à cet égard,

  2   et le témoin a répondu qu'il avait déclaré à cet inconnu qu'il avait été

  3   blessé par balle à Karakaj, et puis qu'il s'est un petit peu perdu dans les

  4   événements, et a dit : Je suis perdu. Et sa déposition s'est arrêtée.

  5   Donc, pour bien comprendre la situation, il faut se pencher sur la

  6   pièce à laquelle a fait référence Me Ivetic, la pièce D281, c'est-à-dire la

  7   déclaration écrite, mais aussi sur la pièce 1441, qui est la première page

  8   qui montre que le personnel de l'hôpital envoie la déclaration au service

  9   de sécurité. Et regardez, bien entendu, la retranscription. Ce témoin a été

 10   traumatisé, mais ses déclarations sont corroborées par tous les éléments de

 11   preuve que je viens d'aborder.

 12   Et Me Ivetic a brièvement fait allusion au fait que le général Mladic

 13   était à Belgrade le 14 jusqu'au 16, et a suggéré qu'il n'avait pas

 14   participé au commandement des opérations. Je ne vais pas m'appesantir sur

 15   les détails, étant donné en outre les délais impartis que vous venez de

 16   nous donner, mais vous vous souvenez que M. Butler en a parlé et qu'il a

 17   évoqué les carnets de Mladic, où le général Mladic lui-même décrit les

 18   activités qu'il mène pour la VRS le 14 et le 15. M. Butler parle également

 19   des ordres que Mladic a délivrés ces jours-là. Et il s'agit des pages du

 20   compte rendu 16 328 à 16 331, 16 339 à 16 340 et la pièce 00363, pages 2 à

 21   6. C'est le carnet. Butler parle également des ordres que Mladic a donnés

 22   dans les pièces P2123, P2124, P2125.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, est-ce que vous avez

 24   dit page 226 ou 216 [comme interprété] ?

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation] Pages 2 à 6.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous avons consigné cela.

 27   Veuillez continuer.

 28   M. McCLOSKEY : [interprétation] M. Butler parle également de la


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  1   retranscription de la séquence vidéo, la pièce P1147, pages du compte rendu

  2   94 à 95, où l'on voit Mladic prendre la parole et expliquer ce qu'il se

  3   passe dans la région. Il parle de Vinko, il parle de plusieurs choses. Mais

  4   d'après M. Butler, le bombardement auquel il fait référence, c'est celui de

  5   Zepa. Vous voyez un rapport qui porte sur ce bombardement dans la pièce

  6   P2128. Et la conclusion générale de M. Butler est de dire que le général

  7   Mladic est en uniforme, qu'il parle des opérations et des activités qui ont

  8   eu lieu dans son unité au moment où il est à Belgrade.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur McCloskey, vous avez fait

 10   référence à la pièce P1147; c'est bien cela ?

 11   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair.

 13   Veuillez continuer.

 14   M. McCLOSKEY : [interprétation] Me Ivetic a également mentionné le fait

 15   qu'il n'y a pas eu de génocide à Srebrenica et il a affirmé que le

 16   principal témoin à cet effet était le Témoin Kingori. En fait, son

 17   témoignage s'est effondré. Je ne sais pas pourquoi, Me Ivetic a estimé que

 18   c'était notre principal témoin s'agissant du génocide. Ceci n'est pas

 19   exact. M. Kingori est un excellent témoin. Comme vous le savez, c'était un

 20   observateur des Nations Unies. Il a noté des différents bombardements qui

 21   ont eu lieu autour et dans la ville de Srebrenica. Il était à Potocari et a

 22   parlé de la situation épouvantable qui prévalait pour la population et les

 23   Musulmans. Vous vous souviendrez que dans la vidéo, c'est la seule personne

 24   qui se lève et qui s'oppose à Mladic et indique qu'il y avait des hommes

 25   entassés dans la maison blanche. Et on voit qu'il dit cela à un officier du

 26   MUP, et on voit ça sur les images. Donc, il est très important pour que

 27   nous comprenions la misère et la souffrance et le désastre militaire créé

 28   par les Serbes, les Serbes de Bosnie dans cette situation dans la mesure où


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  1   ceci cadre avec le génocide, oui, c'est le cas; mais en tant que témoin

  2   essentiel pour démontrer le génocide, non.

  3   C'est également le 14 juillet, mention dans le carnet de Mladic, où Mladic

  4   dit qu'il permet au CICR d'accéder à Srebrenica et les hommes de

  5   Srebrenica, ce qui montre que Mladic a un plan très important qui vise à

  6   échanger les hommes et les personnes de Srebrenica. Eh bien, vous vous

  7   souviendrez qu'à la date du 14 juillet, quelque 800 ou 1 000 hommes avaient

  8   été exécutés de façon sommaire à l'entrepôt de Kravica, la veille; et les

  9   exécutions d'Orahovac ont quasiment terminé à minuit à la date du 14

 10   juillet, encore 800 à 1 000 personnes; les exécutions à Petkovci, à ce

 11   barrage, qui ont commencé dans la nuit du 15, encore 800 personnes qui ont

 12   été exécutés de façon sommaire; et ensuite, à la date du 16, encore 800 à 1

 13   000 personnes exécutées sommairement au site d'exécution de Kozluk; et

 14   ensuite, à la date du 16 juillet, quelque 1 000 à 1 500 personnes exécutées

 15   sommairement à la ferme militaire de Branjevo. Et rien ne laisse indiquer

 16   en l'espèce que le général Mladic souhaitait échanger qui que ce soit. Et

 17   son intention était de tuer, comme il l'a fait, effectivement, ainsi que

 18   ses troupes.

 19   Il a également noté que Mladic, dans la prairie de Sandici -- Alors, je

 20   veux maintenant afficher -- Mme Stewart peut l'afficher. Il s'agit du

 21   P0187, page 10 du prétoire électronique.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit "P0187", pas "P1087" ?

 23   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, P1087.

 24   Et M. Ivetic note qu'un témoin se trouvant dans la prairie de Sandici nous

 25   parle de Mladic et il nous dit qu'il dit à ces prisonniers qu'ils vont être

 26   échangés. En réalité, RM256. Et Me Ivetic s'est trompé lorsqu'il a dit que

 27   RM253 était à Nova Kasaba, RM253. Et ceci nous permet de nous rappeler à

 28   quel endroit se trouve la prairie de Sandici. Le général Mladic y était


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  1   dans l'après-midi du 13, comme vous en souviendrez, et après son départ et

  2   lorsqu'il s'est dirigé vers Konjevic Polje à --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, veuillez dire à votre

  4   client de ne pas parler à voix haute.

  5   M. IVETIC : [interprétation] On me dit qu'il n'y a pas de traduction, le

  6   B/C/S.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de traduction vers le B/C/S. Bien.

  8   Est-ce que nous pouvons vérifier qu'il n'y a toujours pas d'interprétation

  9   vers le B/C/S ?

 10   Monsieur Mladic, est-ce que le problème a été résolu maintenant ou non, ou

 11   est-ce qu'il s'agit simplement de choisir le bon canal la cause du problème

 12   ? Voyons s'il y a maintenant une interprétation vers le B/C/S. Sur le canal

 13   6, j'entends que c'est effectivement le cas.

 14   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 15   M. IVETIC : [interprétation] On me dit que nous recevons l'interprétation

 16   maintenant.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, moi, j'ai pu l'entendre sur le

 18   canal numéro 6. Poursuivons.

 19   M. McCLOSKEY : [interprétation] Messieurs les Juges, après le départ de

 20   Mladic lorsqu'il quitte les prisonniers qui sont dans la prairie de Sandici

 21   et qu'il va à la rencontre des prisonniers qui se trouvent à Konjevic Polje

 22   vers 17 heures, d'après les éléments de preuve, nous savons que plusieurs

 23   centaines de prisonniers de Sandici, des personnes auxquelles il venait de

 24   parler, ont été emmenées à l'entrepôt de Kravica où ils ont été exécutés

 25   sommairement en deux vagues; une fois du côté de l'entrepôt et une fois de

 26   l'autre côté. Je n'ai pas le temps d'aborder cet événement-là et cela ne

 27   convient pas dans le cadre de notre audience d'aujourd'hui, mais le meurtre

 28   faisait partie des exécutions en masse qui ont été commises dans ce cas. Et


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  1   même si un Musulman est sorti et s'est emparé d'un fusil et a tué un Serbe

  2   et que le Serbe s'est emparé du fusil et lui a brûlé la main, il n'est pas

  3   raisonnable de penser que ceci s'est passé avant les exécutions compte tenu

  4   des témoignages de témoins, de ceux qui se trouvaient le long de la route

  5   et que nous allons aborder en temps utile.

  6   Et Mladic se rend donc à Konjevic Polje. Vous vous souviendrez la

  7   déposition de Momir Nikolic au moment où il dit que Mladic indique ce qu'il

  8   va advenir des prisonniers à Konjevic Polje. Il fait un signe de la main

  9   sur sa poitrine, et ensuite il se dirige vers le stade de football de Nova

 10   Kasaba. Vous vous souviendrez qu'il y a un survivant qui en est ressorti.

 11   Il y a un millier de personnes qui se trouvent là. Un homme qui a été tué

 12   devant Mladic. Et vous vous souviendrez de la déposition du colonel

 13   Keserovic, où l'officier de la sécurité chargé de la police militaire de

 14   l'état-major a dit que lorsqu'il était dans le secteur, le 17, le général

 15   Molinic [phon] [comme interprété], le commandant du 64e Régiment de

 16   Protection de la Police militaire lui a dit qu'il établissait la liste de

 17   prisonniers, et ensuite Mladic est venu le 13 et lui a dit d'arrêter

 18   d'établir ces listes.

 19   Vous avez également entendu dire par Molinic [comme interprété] qui a

 20   été confronté à cette situation, il a dit qu'il ne se souvenait pas très

 21   bien, cela remontait à un certain nombre d'années, mais il n'y a pas nié

 22   quel était en l'état les souvenirs par rapport à cet événement. Et

 23   Keserovic a été pris de côté et on a dit que ces hommes devaient être tués

 24   et ces hommes ont fait partie de ce groupe de personnes qui ont été

 25   assassinées. Il s'agit des hommes dont je viens de parler au niveau des

 26   exécutions.

 27   Je souhaite -- alors, j'en ai quasiment terminé. Me Ivetic a également

 28   parlé du fait que le général Mladic a parlé à la foule à Potocari. Il a dit


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  1   que les femmes, les enfants, et les hommes âgés seraient autorisés à

  2   partir.

  3   Je souhaite que nous regardions une courte séquence vidéo, qui est

  4   très important ici.

  5   Vous vous souviendrez peut-être l'image où on voit des hommes en fait

  6   d'un côté de l'autocar, ils marchent en rang avec leurs effets personnels,

  7   ils portent un béret. Il s'agit d'hommes --

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. McCLOSKEY : [interprétation] Bien -- est-ce que nous pouvons visionner

 10   cela, s'il vous plaît.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   M. McCLOSKEY : [interprétation] Il s'agit des hommes dont je parle.

 13   Regardez-les bien.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. McCLOSKEY : [interprétation] C'est le P1518. Vous pouvez arrêter ces

 16   images. Un certain nombre de ces hommes ont été identifiés dans notre

 17   recueil d'identité des victimes qui ont été tuées lors d'exécution en

 18   masse. Ces hommes ont été séparés. Nous ne savons pas combien ont été

 19   séparés parmi ces personnes séparées, combien ont survécu.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne devez pas parler à voix haute.

 21   Vous ne pouvez pas interrompre l'Accusation au moment où elle présente ses

 22   arguments.

 23   M. McCLOSKEY : [interprétation] Le 12 juillet, le général Mladic a dit

 24   qu'il allait filtrer les hommes entre l'âge de 16 ans et 60 ans pour

 25   déterminer qui étaient les criminels de guerre. Des éléments de preuve très

 26   importants en l'espèce. Il n'y a pas eu de filtrage. Les hommes amenés

 27   entre l'âge de 16 et 60 ans ont été emmenés, voire même des enfants plus

 28   jeunes âgés de 8 ans. Il n'y a pas eu de liste.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vais vérifier pour voir s'il y

  2   a une interprétation vers le B/C/S.

  3   Maître Ivetic, j'entends une interprétation sur le canal numéro 6, donc je

  4   souhaite que quelqu'un comprenne ce qui se passe, car sinon M. Mladic devra

  5   simplement mettre ses écouteurs comme nous le faisons tous.

  6   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, on va vous remettre des

  8   écouteurs, si vous souhaitez utiliser vos propres écouteurs, soit. Mais

  9   avant de vous plaindre du fait qu'il n'y a pas d'interprétation, vous

 10   devriez tout d'abord utiliser vos propres écouteurs. Et on m'a indiqué

 11   qu'il n'y a pas eu d'interruption au niveau de l'interprétation en B/C/S.

 12   Donc, je vais vous demander d'utiliser les autres écouteurs si vous le

 13   souhaitez, si vous avez du mal à entendre l'interprétation en B/C/S. Je

 14   n'accepterai pas d'autre interruption.

 15   Monsieur McCloskey, c'est à vous. Vous pouvez continuer.

 16   M. McCLOSKEY : [interprétation] Donc, le général Mladic à l'hôtel Fontana

 17   lors de cette réunion qui s'est déroulée le 12 juillet a dit qu'il y aurait

 18   un filtrage des hommes âgés entre l'âge de 16 ans et 60 ans. Vous vous

 19   souviendrez du fait que ceux-ci ne se trouvaient pas sur la bande mais que

 20   le commandant Boering en a parlé dans sa déposition. Ce qui est encore plus

 21   important, c'est lorsque cette séparation a commencé cet après-midi-là, il

 22   n'y a pas eu de filtrage, il n'y a pas eu de liste d'établie. Les biens ont

 23   été emmenés, les cartes d'identité ont été détruites, comme nous avons pu

 24   le voir sur les images du 14 juillet. On ne leur a donné aucun médicament,

 25   aucune nourriture, simplement un petit peu d'eau pour leur permettre de

 26   survivre. Ils vivaient comme cela dans les écoles à Bratunac, certains

 27   d'entre eux pendant deux nuits et, manifestement, dans l'après-midi du 12

 28   juillet, une opération de meurtre menée par Mladic et commandée par Mladic

 


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  1   suivait son cours.

  2   Et je souhaite terminer avec l'extrait d'une déposition. Je souhaite

  3   conclure en évoquant l'extrait d'une déposition.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je souhaite -- alors la dernière

  6   déposition, je crois, que je souhaite passer à huis clos partiel pour cela,

  7   car il s'agit d'un témoin protégé.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 10   Messieurs les Juges.

 11   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   La page 39 du compte rendu d'audience parle d'"opération", je crois

 16   qu'il faut parler de "secteur". C'est la deuxième fois que le terme

 17   d'"opération" est utilisé dans le "secteur de Cerska".

 18   M. McCLOSKEY : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demande de

 19   bien vouloir vous pencher attentivement sur les éléments que j'ai

 20   mentionnés aujourd'hui, et je pense que nous relèverons la charge de la

 21   preuve dans le cadre de l'article 98 bis. Merci beaucoup.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur

 23   McCloskey.

 24   Madame Bibles, c'est à vous. Est-ce que vous pourriez nous dire, s'il vous

 25   plaît, du temps dont vous avez besoin environ.

 26   Et, Monsieur Groome, également, veuillez nous dire si oui ou non

 27   c'est vous qui allez conclure les présentations d'aujourd'hui ou si ce sera

 28   Mme Bibles.

 


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  1   M. GROOME : [interprétation] C'est moi qui vais conclure les présentations

  2   d'aujourd'hui. Et, à ce stade, je pense que nous aurons besoin d'une heure

  3   et de 15 minutes.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une heure et 15 minutes. Dans ce cas,

  5   nous n'allons sans doute pas pouvoir terminer aujourd'hui. Mais nous allons

  6   voir comment cela va se dérouler.

  7   Alors, la question est de savoir s'il est préférable d'avoir une pause

  8   maintenant ou non. Madame Bibles, de façon à ne pas devoir interrompre

  9   l'audience pour vous -- mes collègues m'informe du fait qu'il est

 10   préférable de poursuivre.

 11   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 12   Juges, Conseil de la Défense.

 13   J'aborderai la question des chefs d'accusation 1 et 2, génocide; des

 14   chefs d'accusation 9 et 10, terreur et actes illicites contre les civils.

 15   Premièrement, je réponds aux arguments qui ont été avancés hier sur la

 16   question de Sirokaca. Il s'agit du 28 mai 1992, cela a fait partie d'un

 17   bombardement très important, qui fait partie de l'événement de l'annexe G1.

 18   Vous avez entendu que toute la ville de Sarajevo a été bombardée à cette

 19   date-là et que cet événement qui figure au G1 ne se limite pas à ce

 20   quartier en particulier.

 21   Cette attaque s'est produite dans le cadre d'une campagne menée

 22   contre Sarajevo, comme cela figure aux chefs d'accusation 9 et 10.

 23   Entre mai 1992 et novembre 1995, le général Mladic et les autres membres de

 24   la même entreprise criminelle commune ont mis en œuvre une campagne de tirs

 25   embusqués et de bombardements de Sarajevo, dont l'objectif principal était

 26   de répandre la terreur dans la population civile de Sarajevo. Cette

 27   campagne de terreur de Sarajevo a constitué un instrument permettant aux

 28   membres de la hiérarchie militaire bosno-serbe et de ses dirigeants


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  1   politiques à achever leurs objectifs territoriaux. L'incidence de cette

  2   campagne a été terrible pour la population de Sarajevo, où la population a

  3   vécu dans un état de peur constante. La "terreur" est le terme qui est

  4   utilisé par de nombreux témoins pour décrire l'incidence psychologique de

  5   cette campagne menée par la VRS de manière prolongée sur la ville.

  6   Le général Mladic, quant à lui, a joué un rôle-clé dans la mise en œuvre de

  7   cette campagne parce qu'il a commandé le Corps de Sarajevo-Romanija dans le

  8   cadre de sa tactique de bombarder et de se livrer à une campagne de tirs

  9   embusqués.

 10   Cela est évident, on le retrouve au G1, dans la conversation

 11   interceptée P327, qui porte la date du 25 mai 1992. Nous avons entendu le

 12   général Mladic mettre en garde un subordonné, lui dire que "Sarajevo va

 13   trembler, que davantage de bombes allait tomber par seconde que cela n'a

 14   été le cas pendant toute la guerre jusqu'à ce moment-là."

 15   Trois jours plus tard, dans la soirée du 28 mai 1992, le général Mladic a

 16   donné des ordres demandant que l'on amorce un bombardement indiscriminé de

 17   Sarajevo. Vous avez entendu l'enregistrement qui a été versé au dossier

 18   sous la cote P105. Et dans cet enregistrement, on entend le général Mladic

 19   donner pour consigne à un subordonné de tirer sur les quartiers de la

 20   vieille ville et sur Pofalici parce qu'il n'y a pas là beaucoup d'habitants

 21   serbes. Et pendant cette même conversation, je cite les propos du général

 22   Mladic, il a dit : "Nous allons bombarder la ville au point qu'ils perdent

 23   la raison." Et, en fait, toute la ville de Sarajevo a été bombardée le 28

 24   mai 1992, sous les ordres du général Mladic.

 25   Plusieurs témoins oculaires ont témoigné à cet effet, y compris RM115,

 26   RM147, John Wilson. RM115 a entendu le général Mladic à la radio donner

 27   l'ordre de bombarder Sarajevo dans la nuit du 28 mai 1995 et, plusieurs

 28   heures plus tard, l'hôpital d'Etat au centre de Sarajevo a été touché. Et


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  1   je vous réfère à la pièce P549, pages 71 et 72, il s'agit d'un registre de

  2   la vieille ville où l'on trouve la confirmation qu'ils ont été victimes du

  3   bombardement, qu'il y a eu des blessés et des morts dans différentes

  4   parties de Sarajevo.

  5   Et là encore, la Défense ne se réfère qu'à la provenance d'une bombe

  6   ou d'un obus qui est tombée sur un quartier. Par rapport au témoignage de

  7   Fadila Tarcin, l'Accusation affirme que l'information qui porte sur

  8   l'origine du tir ne se fonde que sur un ouï-dire provenant des voisins. Et

  9   je vous renvoie à sa déposition, lignes 11 à 15 de la page 3 424.

 10   Permettez-moi de citer le général John Wilson qui a été l'observateur

 11   principal militaire de la FORPRONU. Il affirme :

 12   "Il a semblé que toute la ville a été ciblée, pas seulement certains

 13   quartiers, mais que l'on a surtout concentré les tirs sur la vieille

 14   ville."

 15   Et le général Wilson a expliqué que ça été véritablement une

 16   expérience atroce pour les habitants de Sarajevo pendant cette nuit-là en

 17   particulier. Et le général Wilson a décrit précisément ce qui a été ordonné

 18   par le général Mladic. Les bombardements comme celui-là ont donné le ton

 19   pour les années qui allaient suivre. Et les éléments de preuve montrent que

 20   pendant les trois années qui ont suivi, le général Mladic et le RSK ont

 21   délibérément cherché à terroriser les habitants de la ville.

 22   Permettez-moi maintenant d'aborder les chefs 1 et 2, à savoir les

 23   chefs de génocide.

 24   En 1992, les communautés musulmanes et croates de Bosnie dans les

 25   municipalités de Kljuc, de Sanski Most, de Prijedor, de Kotor Varos, de

 26   Vlasenica et de Foca ont été ciblées pour être détruites. Des milliers de

 27   personnes de ces communautés ont été tuées, ont subi une atteinte grave à

 28   leur intégrité physique et mentale et ont été placées en détention dans des


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  1   conditions qui étaient prévues pour les anéantir. Les survivants ont été

  2   déplacés par la force.

  3   En 1995, à Srebrenica, plus de 7 000 hommes et garçons musulmans ont

  4   été exécutés et des milliers d'autres personnes ont été forcées à sortir de

  5   l'enclave. Dans les municipalités et à Srebrenica, il y a eu une

  6   combinaison d'actions destructrices sur le plan physique et d'autres

  7   actions qui ont ciblé le fondement même du groupe; à savoir il y a eu des

  8   expulsions, la destruction des biens et des lieux de culte, ce qui a

  9   entraîné la destruction de communautés musulmanes et croates de Bosnie et

 10   les a rendues incapables de se reconstituer.

 11   En dépit de ces faits bien établis, Me Ivetic fait valoir que le

 12   génocide n'a pas eu lieu, qu'on n'a pas commis un génocide, et que son

 13   client n'était pas animé par une intention génocidaire. Cette approche ne

 14   tient pas compte des faits ni de la jurisprudence la plus récente de la

 15   Chambre d'appel de l'affaire Karadzic dans le cadre de la décision rendue

 16   au titre de l'article 98 bis.

 17   Pour commencer, abordons plusieurs arguments auxquels on peut

 18   répondre rapidement. Premièrement, le jugement de la Cour internationale de

 19   justice. Comme vous l'avez constaté, page du compte rendu 15 615 [comme

 20   interprété] :

 21   "Je pense qu'il est clair aux yeux de tous que la Cour internationale

 22   de justice ne se prononce pas sur la responsabilité pénale individuelle des

 23   personnes, mais sur celle des Etats."

 24   La Cour internationale de justice est arrivée à cette conclusion en

 25   se fondant sur des éléments de preuve différents en appliquant un critère

 26   juridique différent qui, tout simplement, n'est pas pertinent ici. Par

 27   analogie, le point qui porte sur les affaires précédemment traitées au TPIY

 28   ne tient pas compte du fait que le chef de génocide a été confirmé au stade


Page 20863

  1   de 98 bis dans toutes les affaires précédentes, que ça ait été fait par une

  2   Chambre de première instance ou par une Chambre d'appel.

  3   Jelesic a été acquitté en première instance, mais hier la Défense n'a

  4   pas accepté le fait que la Chambre d'appel ait estimé que la Chambre de

  5   première instance s'était trompée en faisant cela et que les éléments de

  6   preuve justifiaient une déclaration d'existence d'intention génocidaire.

  7   Pour ce qui est d'une invitation à examiner le contexte sociétal, eh bien,

  8   c'est une mauvaise interprétation des critères juridiques. Il s'agit là de

  9   l'idée qu'afin de démontrer qu'il y a eu génocide, nous devons être en

 10   mesure de nous pencher objectivement sur un scénario particulier qui s'est

 11   déroulé sur le terrain et parler de "génocide" de manière séparée de

 12   l'accusé. Mais c'est contraire aux éléments juridiques constitutifs du

 13   crime de génocide.

 14   Quant à l'intention des auteurs matériels, il n'est pas nécessaire,

 15   pour que la responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune soit

 16   démontrée, de démontrer que les auteurs matériels ont agi dans l'intention

 17   génocidaire. Plutôt, il s'agit de démontrer que les actions peuvent être

 18   imputées à Mladic par le biais de l'entreprise criminelle commune et que

 19   Mladic et d'autres membres de l'entreprise criminelle commune ont agi,

 20   animés par l'intention génocidaire. Je vous renvoie à l'affaire Brdjanin en

 21   appel, et également à l'affaire Krajisnik en appel, au paragraphe 426.

 22   Enfin, en plus de mal interpréter les éléments de preuve, l'argument

 23   de la Défense qui cite le seuil numérique ne tient pas compte des critères

 24   juridiques. Il n'est pas nécessaire de démontrer que les actes sous-jacents

 25   du génocide ont un impact sur l'existence du groupe et il est inutile de

 26   fixer un seuil numérique quant au nombre de victimes pour établir qu'il y a

 27   eu génocide. Et cela ne tient pas compte non plus des éléments de preuve

 28   relatifs aux municipalités, qu'il y a deux autres catégories majeures


Page 20864

  1   d'actes en plus des meurtres dans le cadre du génocide.

  2   Il ne s'agit pas véritablement d'arguments ici, il s'agit plutôt de

  3   tentatives de détourner des voix et des images de génocide qui ont été

  4   démontrées en votre présence. L'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire

  5   Karadzic au titre du génocide au stade de 98 bis confirme qu'à ce stade,

  6   donc au stade de 98 bis, cette analyse est plutôt simple : premièrement, il

  7   y a des éléments de preuve démontrant que les actes de génocide ont été

  8   commis et qui peuvent être imputés à Mladic; et deuxièmement, des éléments

  9   de preuve ont été présentés selon lesquels Mladic était animé de

 10   l'intention génocidaire par rapport à ses actes.

 11   Pour mieux expliquer, je me propose de parler des actes de génocide

 12   qui caractérisent à la fois le génocide dans les municipalités et à

 13   Srebrenica, et ensuite je me pencherai sur l'élément moral des membres de

 14   l'entreprise criminelle commune, en particulier Mladic et Karadzic.

 15   J'aborde tout d'abord le génocide de 1992. Penchez-vous sur les

 16   éléments de preuve détaillés qui ont été présentés précédemment par M.

 17   Traldi, que ce soit la toile de fond pour examiner les actes de génocide.

 18   Très spécifiquement, en parlant de génocide :

 19   Premièrement, des milliers de personnes ciblées ont été tuées dans

 20   six municipalités. Des personnes en vue dans les communautés ont souvent

 21   isolées pour être soumises à des actes de violence particulièrement

 22   sadiques, ont été souvent battues à mort ou tuées sur-le-champ. Comme l'a

 23   dit dans son témoignage, Adil Medic, les Serbes ont chassé ou éliminé les

 24   personnes qui représentaient la sécurité dans ces communautés. Il s'agit de

 25   la page 2 050, ligne 21, et puis cela déborde sur la page 2 051, ligne 14.

 26   Deuxièmement, des traces d'une atteinte grave qui a porté atteinte à

 27   l'intégrité physique et mentale restent encore aujourd'hui. Il s'agit de

 28   traces indélébiles que portent ceux qui ont survécu aux actes de brutalité.


Page 20865

  1   Prenez Ivo Atlija. Il a survécu au massacre de Brisevo, il a parlé du

  2   meurtre de son père et de ses voisins. Mais il n'a pas voulu donner les

  3   noms des femmes de son village qui ont sévi des sévices sexuelles parce

  4   qu'elles ont été traumatisées au point qu'il a été difficile de les

  5   empêcher de se suicider. Page 2 315 du compte rendu d'audience.

  6   Et à la lumière de cela, penchez-vous sur le témoignage de RM70, il

  7   s'agit de la page 17 652 du compte rendu d'audience, lignes 12 à 15 :

  8   "Mon opinion est qu'ils voulaient détruire, ils voulaient tuer,

  9   détruire notre mental dans toute la mesure du possible, parce qu'une femme

 10   violée -- eh bien, elle ne saurait être guérie. Une femme qui a été violée,

 11   elle ne se remettra pas."

 12   Les membres de la VRS et d'autres forces bosno-serbes ont créé des

 13   conditions de vie qui avaient pour objectif de détruire des milliers de

 14   personnes ciblées dans des camps de détention. Vous avez entendu à

 15   répétition que les camps qui étaient prévus pour les civils n'étaient pas

 16   propres à ce qu'il y séjourne des êtres humains. Tournez-vous sur RM8 qui a

 17   décrit plus de 500 détenus entassés dans la pièce numéro 3 à Keraterm, et

 18   RM88 qui a signalé le hangar, P526, où 600 détenus ont été entassés. Témoin

 19   après témoin, camp après camp, on a entendu des descriptions de passages à

 20   tabac, torture, d'actes de violence sexuelle, de manque de conditions

 21   sanitaires de base, de privation de nourriture, d'eau et de soins médicaux,

 22   et ce qui cadre avec le témoignage de Medic. Vous avez entendu que des

 23   prisonniers spécifiques ont été ciblés pour subir des actes de violence.

 24   Par exemple, un garde du corps d'Omarska a dit à Kerim Mesanovic qu'on

 25   l'avait placé sur une "liste de ceux qu'on allait refroidir", à savoir

 26   d'être tué, parce qu'il faisait partie de la première catégorie de

 27   prisonniers. Mesanovic a expliqué que c'était l'objectif qu'ils avaient

 28   pour les leaders, pour les intellectuels et pour les personnes aisées. Et


Page 20866

  1   je vous renvoie à la pièce P3415, paragraphes 40 à 41 [comme interprété].

  2   Vers la fin de l'année 1992, les civils ciblés ont effectivement été

  3   chassés des territoires serbes ou ont été entassés dans les enclaves. En

  4   résultat, les enclaves regorgeaient de Musulmans de Bosnie. En 1995, plus

  5   de 30 000 Musulmans se sont retrouvés à l'intérieur de l'enclave de

  6   Srebrenica. L'existence des enclaves sur le territoire bosno-serbe était

  7   quelque chose qui gênait Mladic, qui le frustrait.

  8   Après les premiers plans de mars 1995, l'attaque sur Srebrenica a

  9   commencé le 6 juillet 1995, et au moment où cette attaque s'est terminée,

 10   plus de 7 000 Musulmans de Bosnie étaient morts et plus de 30 000 femmes et

 11   enfants avaient été chassés de l'enclave.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais besoin d'une précision.

 13   Vous avez dit qu'il y avait énormément de détenus musulmans là-bas.

 14   Est-ce que vous vouliez dire que le fait de se trouver dans les enclaves,

 15   en fait, revenait à une situation de détention ?

 16   Mme BIBLES : [interprétation] En fait, ça a été un lapsus. Ce que je

 17   voulais dire, c'était que les enclaves regorgeaient de Musulmans de Bosnie.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Allez-y, continuez.

 19   Mme BIBLES : [interprétation] Des actes de violence systématiques se sont

 20   produits, donc, partout sur le territoire de Bosnie en 1992 et ils se sont

 21   appliqués à Srebrenica en 1995. Ces actes de violence faisaient en sorte

 22   que l'objectif de l'entreprise criminelle commune principal - la

 23   destruction des Musulmans et des Croates dans les territoires revendiqués

 24   par les Serbes en Serbie - était atteint à Srebrenica comme cela avait été

 25   le cas dans d'autres régions prises pour cible dans toute la Bosnie.

 26   La Défense affirme que l'Accusation n'a pas présenté suffisamment

 27   d'éléments de preuve de l'intention génocidaire de notre client pour

 28   franchir le seuil de 98 bis. Ils ont une attitude révisionniste quant au


Page 20867

  1   dossier de l'instance. Tant au niveau de témoignages directs qu'indirects,

  2   nous avons une base suffisante pour une Chambre raisonnable pour qu'elle

  3   arrive à la conclusion que l'accusé et d'autres membres de l'entreprise

  4   criminelle commune avaient l'intention de détruire physiquement ces

  5   groupes.

  6   Les éléments de preuve directs des déclarations de l'accusé prises à

  7   leur valeur maximale suffisent pour démontrer que l'accusé nourrissait une

  8   attention génocidaire. Son intention apparaît clairement dans nombre de

  9   documents, entretiens et interceptions. En 1994, lors de la 37e session de

 10   l'assemblée, Ratko Mladic a fixé cet objectif par rapport aux Musulmans de

 11   Bosnie. Il a parlé de son intention par rapport aux Musulmans de Bosnie, et

 12   il a dit :

 13   "Ma préoccupation est non pas qu'ils vont créer un Etat. Ma

 14   préoccupation est de les faire disparaître entièrement."

 15   P3076, page 49. Mladic a répété à de nombreuses fois des commentaires

 16   comparables au sujet des communautés croates et musulmanes de Bosnie et au

 17   sujet des enclaves rebelles.

 18   Au niveau le plus élémentaire, Mladic a utilisé des termes péjoratifs

 19   et une rhétorique éliminationiste contre les populations ciblées de Bosnie.

 20   Je vous renvoie à la pièce P1973 [comme interprété]. Il a utilisé des

 21   termes "Oustachi" et "Turcs" contre les forces ennemies, mais également à

 22   l'adresse des civils. Vous retrouvez ces formulations dans les directives

 23   de la VRS. Il est bien établi que les insultes verbales vis-à-vis du groupe

 24   ethnique ciblé constituent un facteur pertinent pour constater l'existence

 25   de l'intention génocidaire.

 26   Ratko Mladic a utilisé ces termes pendant toute la durée du carnage

 27   qu'ont imposé ses forces aux populations musulmane et croate de Bosnie.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous inviter, Madame Bibles, à


Page 20868

  1   faire une petite pause. Si vous voulez qu'on le fasse dans quelques

  2   instants, que cela vous arrange mieux, nous pouvons le faire. Sinon, nous

  3   le ferons sur-le-champ.

  4   Mme BIBLES : [interprétation] Oui, nous pouvons faire une pause à présent.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons à 14 heures

  6   15. Nous ferons une pause légèrement plus brève que d'habitude, puisque la

  7   dernière pause a duré cinq minutes de plus que d'habitude.

  8   --- L'audience est suspendue à 13 heures 30.

  9   --- L'audience est reprise à 13 heures 46.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes prêts à continuer jusqu'à 2

 11   heures 30, un tout petit peu plus tard que d'habitude, et ceci au vu des

 12   circonstances et pour éviter que la Défense se retrouve dans

 13   l'impossibilité de répondre à un grand nombre de répliques et par rapport à

 14   un nombre important d'arguments de l'Accusation, car la Défense va devoir

 15   répliquer demain.

 16   Donc, ceci serait possible, si j'ai bien compris, Madame la

 17   Greffière. Et si ce n'est pas le cas, je vois vous demander de nous le

 18   dire.

 19   Vous pouvez poursuivre, Madame Bibles.

 20   Mme BIBLES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Ces manifestations directes d'intention à elles seules seraient

 22   suffisantes pour déterminer qu'il y a eu l'intention. Mais dans le

 23   comportement de Mladic, on trouve bien davantage de preuves. Mes collègues

 24   vous ont illustré avec des détails convaincants de quelle façon les forces

 25   placées sous le contrôle de Mladic et Karadzic ont traduit leur intention

 26   génocidaire en réalité pour faire disparaître ces populations.

 27   Dans les moyens de preuve, nous avons aussi vu que les autres membres

 28   de l'entreprise criminelle commune participaient à cette intention


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  1   génocidaire, tout particulièrement celui qui l'a choisi, qui l'a nommé à sa

  2   place, Radovan Karadzic. Radovan Karadzic a exprimé son intention

  3   génocidaire par rapport aux Musulmans de Bosnie déjà au mois d'octobre 1991

  4   quand il a investi les Musulmans de Bosnie que l'indépendance bosniaque

  5   allait les entraîner sur "la même route pavée d'horreurs et de souffrances"

  6   sur laquelle se sont lancées la Croatie et la Slovénie, et que le résultat

  7   sera "l'asphyxie possible" du peuple musulman. C'est quelque chose qui se

  8   trouve dans la pièce à conviction P2004, la fin de la page 3 en anglais, ou

  9   bien dans le compte rendu d'audience T15521, lignes 16 à 21.

 10   Les attaques étaient en cours dans les municipalités et, pendant ce

 11   temps, Radovan Karadzic a décrit le statut de la population musulmane de

 12   Bosnie lors de la 17e Session de l'assemblée du 24 juillet 1992. Je cite :

 13   "Ils pensent qu'ils vont créer une nation, mais en réalité, ils sont en

 14   train de disparaître." Fin de citation de la pièce P4581, pages 86 en

 15   traduction anglaise.

 16   Karadzic a aussi reconnu à ses subordonnés, aux gens qui le suivent

 17   que le groupe était détruit physiquement et il était d'accord avec

 18   l'affirmation que le conflit avait été "créé pour éliminer les Musulmans".

 19   Pièce P04581, page 86.

 20   Mis à part les moyens de preuve qui témoignent de l'intention,

 21   d'autres moyens de preuve, quand on les regarde dans leur totalité,

 22   appuient la conclusion que Ratko Mladic et autres membres des l'ECC avaient

 23   cette intention génocidaire. L'intention génocidaire peut être déduit de

 24   l'échelle du caractère répétitif des actes coupables et génocidaires dans

 25   toutes les municipalités, les niveaux de violence, méthodes employées, et

 26   puis l'élan avec lequel ils se sont livrés à ces actes, et le fait qu'ils

 27   étaient dirigés tous contre les membres d'un groupe. Donc les actes

 28   génocidaires et autres actes coupables étaient dirigés contre tous les


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  1   membres de groupes dans les municipalités.

  2   Le premier témoin dans ce procès vous a parlé en tant qu'un homme

  3   adulte, mais il a dépeint le vécu d'un jeune garçon de 13 ans qui a vécu la

  4   persécution dans le pire des cas. Dans ces termes enfantins, il a décrit

  5   son enfance idyllique. Il a été élevé dans une région multiethnique. Il

  6   jouait avec les autres, quelle que soit leur appartenance religieuse ou

  7   ethnique. Et lui et sa famille, ils ont été forcés à quitter leur maison.

  8   Elvedin a décrit ce jeune garçon qui a été content de rentrer chez lui et à

  9   quel point son corps a été brisé quand il a trouvé sa maison détruite, la

 10   mosquée détruite, les personnes âgées étaient laissées derrière, et son

 11   chien a été tué. Elvedin et sa famille ont quitté le village, ont fui le

 12   village et, finalement, ils sont passés dans une enclave. Et puis, il a été

 13   obligé de partir de cette enclave, dans une colonne.

 14   Mais ce n'était pas suffisant que de se rendre. Il était couché dans

 15   la terre, par terre, dans la boue, et il a entendu son père et ces autres

 16   hommes en train de se faire battre.

 17   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 18   Mme BIBLES : [interprétation] Il a été profondément secoué quand il a

 19   entendu qu'on était en train de passer à tabac jusqu'à ce que la mort

 20   s'ensuive, le hodza, un homme tant estimé dans le village. Même s'il a

 21   réussi à fuir sa destinée, plus que 150 hommes qui se sont rendus ont été

 22   exécutés. Et tout cela parce que ils étaient Musulmans.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 24   Mme BIBLES : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 26   Mme BIBLES : [interprétation] Donc, Elvedin nous a décrit dans des mots

 27   très péniblement prononcés ce qui s'est passé sans arrêt depuis 1992, le

 28   premier départ jusqu'à ce que Mirsada Malagic, en 1995, perde toute sa


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  1   famille et ne retrouve que dix années plus tard le reste. Tout cela s'est

  2   passé à Srebrenica, dans ces actes génocidaires qui ont démontré que Ratko

  3   Mladic avait non seulement l'intention génocidaire, ainsi que les autres

  4   membres de l'entreprise criminelle commune, mais qu'ils étaient déterminés

  5   pas seulement à détruire la culture et les coutumes des Musulmans de Bosnie

  6   et des Croates et de leurs communautés, mais de détruire aussi ces

  7   communautés tout simplement.

  8   Merci, Monsieur le Président. Nous pensons avoir prouvé les chefs 1

  9   et 2 du génocide.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, vous pouvez poursuivre.

 11   M. GROOME : [interprétation] Le général Mladic exerçait un contrôle

 12   efficace et un commandement de la VRS, pour revenir sur le concept du

 13   général Dannatt quand il parlait du contrôle du "bout des doigts", je vais

 14   vous expliquer ces termes. Il s'agit là du contrôle d'un commandant auquel

 15   il aboutit quand il a développé un sentiment instinctif de comment les

 16   choses se passent, comment les choses devraient se passer et comment il

 17   veut que les choses se développent, ce qui lui donne la possibilité de

 18   diriger les activités de ses subordonnés avec une grande précision.

 19   Ce terme, le terme de "contrôle du bout des doigts", est un terme qui

 20   est utilisé justement pour dépeindre cette image - l'image qui vous vient à

 21   l'esprit, par exemple, le pianiste qui va contrôler le clavier du bout des

 22   doigts - donc, cette capacité de contrôler une grande organisation complexe

 23   comme s'il s'agissait de rien d'autre que d'une extension de sa propre

 24   main, de ses propres doigts. Ce niveau de contrôle voulait signifier qu'à

 25   partir du moment où la VRS participait à des opérations, la VRS le faisait

 26   parce que Mladic voulait qu'ils le fassent. C'est grâce à cela qu'il a pu

 27   déployer la VRS ainsi que les unités subordonnées dans la commission de

 28   crimes. C'était sa plus grande contribution aux différentes entreprises


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  1   criminelles communes décrites ce matin.

  2   Par rapport à l'évaluation des arguments du général Mladic, nous pouvons

  3   soulever l'arrêt Djordjevic. Au niveau du paragraphe 169, la Chambre

  4   d'appel discute le rôle d'une structure hiérarchique dans une entreprise

  5   criminelle commune. Les moyens de preuve ont démontré que la VRS sous le

  6   commandement du général Mladic était une structure hiérarchique très

  7   efficace. Mladic était expérimenté pour réunir des formations extrêmement

  8   disperses pour qu'elles œuvrent dans un même but. Lors de la 16e Session du

  9   travail de l'assemblée, il a décrit son incorporation des hommes de Martic

 10   dans une force unique de frappe pendant l'opération de campagne en Croatie.

 11   Le général Mladic savait, avant qu'il ne soit nommé formellement, que

 12   la clé de son succès était justement de mettre ensemble toutes ces

 13   formations qui combattaient de façon séparée en Bosnie dans une même force

 14   unique de commandement. Il a dit : "Je sais comment commander l'armée,

 15   parce que nous ne pouvons pas avoir sans mettre dans une même maison.

 16   L'armée doit avoir un commandement uni." A partir du moment où il a été

 17   nommé, il a très vite compris que c'était un principe extrêmement

 18   important. Donc, complètement préparé pour la situation en Bosnie, le

 19   général Mladic s'est attelé à la tâche et de façon très vigoureuse.

 20   A partir du moment où il a été nommé au poste de commandement, il

 21   était en mesure d'exercer le commandement et le contrôle de la VRS. Il

 22   était en mesure de le faire parce qu'il avait hérité de cette

 23   infrastructure de la JNA qui fonctionnait très bien. Et vous avez déjà

 24   entendu le général Milovanovic, il vous l'a expliqué, la VRS a hérité le

 25   commandement de corps, les bases logistiques, la doctrine commune, tout

 26   cela existait déjà. Donc, ils ont relié différents réseaux de communication

 27   qui existaient déjà et, grâce à tout cela, grâce à tout cet héritage de la

 28   JNA, la VRS a commencé à fonctionner en l'espace de 24 heures. Et les


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  1   rapports de combat ont commencé à affluer de façon régulière.

  2   Le général Mladic, bien sûr, faisait partie de cette infrastructure.

  3   Il avait été nommé commandant du 2e District militaire le 9 mai 1992, et il

  4   a immédiatement commencé à donner des ordres. P3032 et P2866 en parlent.

  5   Les autres membres de l'état-major principal faisaient partie de cette

  6   infrastructure. Là, vous aviez un nouveau groupe, un groupe nouvellement

  7   constitué, mais qui consistait des camarades qui avaient travaillé ensemble

  8   dans la même armée pendant toute leur carrière.

  9   Donc, le fait que tous ces gens se connaissaient au sein de cette

 10   infrastructure était un élément-clé de la capacité de Mladic de rapidement

 11   faire asseoir sa responsabilité et son autorité pour poursuivre les

 12   instructions de Karadzic. Donc, depuis le début de la période couverte par

 13   l'acte d'accusation, la VRS était tout à fait en mesure de mettre en œuvre

 14   les ordres du général Mladic de façon fiable et prévisible, et ceci déjà le

 15   13 mai 1992. Ceci se voit dans la pièce P3057.

 16   Je voudrais passer quelques minutes pour vous parler de différents

 17   principes précis de commandement qui relevaient de ce contrôle du bout des

 18   doigts. Tout d'abord, le principe du commandement unique, le principe de

 19   subordination et le principe d'inspection.

 20   Tout d'abord, le principe du commandement unique. Eh bien, il n'y

 21   avait qu'une ligne de commandement, la ligne qui commence par Karadzic, qui

 22   va directement jusqu'à Mladic, et ensuite passe à ses subordonnés directs,

 23   ensuite leurs subordonnés, et cetera, et cetera, de sorte que les ordres

 24   suivent un réseau construit de façon très particulière. Il a mis la Défense

 25   territoriale, intégrée dans sa structure. Rappelez-vous Rajko Kusic -

 26   Traldi en a parlé - il était le commandant de la TO de Rogatica le 12 mai,

 27   mais déjà à la date du 25 mai, il était à la tête du nettoyage de la ville

 28   de Rogatica en tant que commandant de la Brigade de Rogatica de la VRS.


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  1   Le deuxième principe de commandement dont je vais parler, c'est le

  2   principe de subordination. Autrement dit, les supérieurs donnent les ordres

  3   à leurs subordonnés qui les exécutent. Ce principe fait en sorte que les

  4   désirs du commandant suprême, à savoir M. Karadzic, sont communiqués à

  5   Mladic, qui ensuite les communique à ses subordonnés, et ainsi de suite.

  6   L'essence de l'ordre donné reste toujours le même, ce ne sont que les

  7   détails qui vont changer en fonction des responsabilités et particularités

  8   des différentes unités subordonnées. Donc, vous avez l'intention du

  9   commandant qui va cascader le long de la chaîne de commandement et

 10   jusqu'aux subordonnés dont la seule tâche est de suivre les ordres.

 11   Nous avons un ordre, l'ordre P5027, et par rapport à cela, un

 12   officier de haut rang de la VRS a dit qu'un subordonné dans la chaîne de

 13   commandement de la VRS n'avait aucune possibilité de ne pas obéir, de ne

 14   pas respecter un ordre. Donc, ceci montre que là il s'agissait d'une ligne

 15   de commandement extrêmement stricte où il y avait très peu de latitude et

 16   très peu de liberté quand il s'agit d'interpréter ces ordres. Ils ne

 17   pouvaient que les suivre.

 18   Ce qui aussi fait partie du principe de subordination, c'est le fait

 19   que les subordonnés doivent faire des rapports aux supérieurs pour les

 20   informer de la mise en œuvre des ordres donnés. Le fait de faire un rapport

 21   sur la mise en œuvre de l'ordre était partie intégrante et importante de la

 22   subordination. Donc, le rapport était renvoyé le long de la chaîne de

 23   commandement depuis le soldat de base jusqu'au commandant de l'état-major

 24   principal, le général Mladic, qui ensuite le communiquait à Karadzic.

 25   Le général Milovanovic a dit lui-même que le commandant subordonné

 26   n'avait pas la possibilité de ne pas faire de rapports, même s'il y avait

 27   rien de nouveau à dire. La procédure concernant les rapports de combat

 28   quotidien relevait de la haute précision. Comme l'a déjà expliqué le


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  1   général Obradovic, le processus se répétait au jour le jour avec les

  2   bataillons qui faisaient des rapports devant les brigades, les commandants

  3   de brigade, qui ensuite faisaient des rapports aux commandants de corps

  4   d'armée, et qui ensuite en informaient l'état-major principal. Ces rapports

  5   qui étaient quotidiens et envoyés à temps ont permis que Mladic était à

  6   tout moment parfaitement au courant de ce qui se passe. Cette chaîne de

  7   commandement et de "reporting" faisait en sorte que la direction et les

  8   commandements de haut rang étaient toujours au courant de tout ce qui se

  9   passe.

 10   Le général Dannatt et le général Milovanovic ont tous les deux

 11   expliqué de quelle façon Mladic était justement en mesure d'exercer ce

 12   contrôle du bout des doigts. Mladic était en mesure de donner des

 13   directives, de donner des ordres, confiant qu'ils allaient être mis en

 14   œuvre et qu'il allait recevoir des rapports qui allaient l'informer de

 15   cela.

 16   En ce qui concerne le général Mladic, il était aussi sûr que ses

 17   commandants n'allaient pas dépasser ses ordres, et ceci a été illustré au

 18   cours de la guerre, assez tôt dans la guerre, le 24 mai, déjà, 1992,

 19   pendant la crise des casernes à Sarajevo, quand le colonel Tolimir a causé

 20   la fureur de Mladic après l'avoir informé qu'il s'était mis d'accord avec

 21   la VRS, qu'il allait laisser des munitions dans la caserne.

 22   Momcilo Mladic, le 25 mai, dans une autre conversation interceptée,

 23   on l'entend dire à Tolimir que : Personne ne peut arriver aux casernes sans

 24   avoir reçu l'autorisation claire du général Mladic. Et cette fois-ci,

 25   Tolimir dit tout simplement : "Bien, ceci est clair." Le général Obradovic

 26   a déposé et a dit que le commandant adjoint de l'état-major principal "ne

 27   peut délivrer des ordres dans l'esprit uniquement de la décision de base

 28   adoptée par les commandants." En l'absence du général Mladic, a-t-il


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  1   expliqué, un commandant adjoint peut ordonner "d'aller jusqu'à la limite du

  2   cadre qui a été fixé par le commandant en sa présence."

  3   Le général Obradovic l'a expliqué en termes simples, il n'avait

  4   jamais entendu parler d'un état-major principal et d'un commandant adjoint

  5   de cet état-major ignorant ou n'ayant pas suivi les ordres du général

  6   Mladic.

  7   Le dernier principe de commandement qui assurait ce contrôle du bout

  8   des doigts du général Mladic était le principe d'inspection. Ce principe,

  9   outre les rapports que Mladic recevait, assurait la vérification des

 10   informations que Mladic recevait via les mécanismes de rapport mis en place

 11   à la VRS. Ce principe exigeait des supérieurs de superviser de façon

 12   proactive leurs subordonnées pour garantir que le commandant de l'état-

 13   major principal -- dont ses ordres seraient suivis fidèlement sur le

 14   terrain.

 15   Mladic s'attendait non seulement à ce que ses commandants subordonnés

 16   supervisent et procèdent à des inspections de leurs subordonnés, mais il

 17   était toujours constamment sur le terrain à cet effet. Des éléments de

 18   preuve montrent cela, et ce, pendant toute la guerre, dès le début de la

 19   guerre à Sarajevo jusqu'à l'opération de Srebrenica. Il était au poste de

 20   commandement avancé, il vérifiait que ses ordres étaient suivis. Il se

 21   trouvait au QG de la brigade. Il était également à des emplacements bien

 22   particuliers de l'artillerie. Lorsqu'il l'estimait nécessaire, il gérait au

 23   niveau micro les opérations, en ordonnant le mouvement des soldats et des

 24   pièces d'artillerie. Dannatt disait que Mladic participait "au point

 25   principal d'effort", même s'il ne pouvait pas toujours se trouver sur le

 26   terrain.

 27   Le général Mladic utilisait tous les moyens à sa disposition pour

 28   s'assurer que les subordonnés menaient à bien ses ordres et qu'il avait les


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  1   informations dont il avait besoin pour prendre les mesures nécessaires.

  2   Comme le général Dannatt l'a expliqué clairement, l'emplacement physique

  3   n'était pas important dans l'exercice du commandement tant qu'il y avait

  4   une communication effective.

  5   Messieurs les Juges, vous vous souviendrez que les réseaux de

  6   communication de la VRS avaient fonctionné pendant toute la durée de la

  7   guerre, à l'exception d'une interruption unique de deux heures. Le général

  8   Mladic passait souvent des appels téléphoniques à ses unités subordonnées.

  9   Le commandant du Corps de Bosnie orientale s'attendait à un appel quotidien

 10   du général Mladic ou de l'état-major principal pour discuter du rapport de

 11   combat régulier de la journée. Messieurs les Juges, vous vous souviendrez

 12   de la séquence vidéo du procès sur Srebrenica, la pièce P1147, où l'on voit

 13   le général Mladic qui appelle de Belgrade pour, entre autres, s'enquérir

 14   des événements à Vinko, et vous avez entendu tout à l'heure qu'il

 15   s'agissait là d'une référence à la Brigade de Zvornik.

 16   Outre ces trois principes de commandement, le général Mladic

 17   s'investissait dans chaque aspect de commandement pour améliorer sa

 18   capacité opérationnelle sur ses troupes. Il supervisait le moindre détail :

 19   le personnel, la logistique, les communications, et d'autres aspects du

 20   commandement qui n'étaient pas visibles immédiatement sur le terrain mais

 21   qui étaient essentiels pour comprendre l'aptitude au combat de ses troupes

 22   et pour mener à bien les objectifs de l'entreprise criminelle commune.

 23   M. Traldi a déjà expliqué aux Juges de la Chambre la façon dont le

 24   général Mladic triait sur le volet ses officiers subordonnés. Il s'assurait

 25   qu'il était entouré de personnes de confiance pour suivre ses ordres.

 26   Vous avez vu les éléments de preuve concernant les crimes de l'armée

 27   du général Mladic pendant la période couverte par l'acte d'accusation en

 28   Bosnie : le transfert forcé de non-Serbes, des meurtres de non-Serbes,


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  1   détention en masse de non-Serbes, la logistique énorme pour pouvoir

  2   expulser les civils, pour pouvoir se débarrasser des corps. La VRS a

  3   participé à toutes ces opérations. Les principes de commandement et de

  4   contrôle, le texte sur papier n'est que de la théorie, mais vous avez vu

  5   des dépositions que plusieurs officiers de la VRS à différents niveaux, à

  6   différents échelons de l'armée, avaient utilisé les principes de

  7   commandement et de contrôle de Mladic et qu'il s'agissait là d'une force

  8   très puissante pour obliger le personnel de la VRS à faire tout ce qu'il

  9   voulait.

 10   Vous avez également vu énormément d'éléments de preuve montrant la

 11   capacité du général Mladic à diriger cette organisation complexe avec

 12   précision. Vous avez donc vu des éléments de preuve sur son contrôle du

 13   bout des doigts. Le général Dannatt a déclaré : "Le commandement et la

 14   responsabilité ne peuvent pas être séparés." Le général Mladic exerçait un

 15   commandement et est responsable du comportement de ceux à qui il a donné

 16   ses ordres.

 17   Messieurs les Juges, pendant ces dernières heures, nous avons abordé

 18   les arguments qui ont été présentés par la Défense du général Mladic dans

 19   le cadre de leur requête afin d'obtenir un acquittement pour tous les chefs

 20   de l'acte d'accusation contre le général Mladic. Nous n'avons abordé qu'une

 21   petite partie des éléments de preuve qui viennent à l'appui de chacun des

 22   chefs d'accusation repris dans l'acte d'accusation. Pendant la présentation

 23   des moyens à charge, nous avons apporté suffisamment de preuve de chaque

 24   crime repris dans les 11 chefs d'accusation de l'acte d'accusation, des

 25   preuves crédibles et fiables.

 26   Une catégorie de preuve importante et qui mérite d'être mentionnée

 27   avant de conclure nos arguments d'aujourd'hui, c'est celle des pièces qui

 28   découlent du général Mladic lui-même. La Chambre dispose à présent d'une


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  1   collection presque complète de ses carnets militaires pour la période

  2   couverte par l'acte d'accusation ainsi que des enregistrements vidéo et

  3   audio qui reprennent les conversations qu'il a tenues avec d'autres sur les

  4   événements lors du conflit. Cet ensemble de pièces a été retrouvé par des

  5   officiers de police de Serbie en 2008 et en 2010.

  6   Le transparent numéro I1 reprend toutes les pièces qui ont été trouvées

  7   dans la maison de Mladic. Il s'agit d'éléments de preuve importants de la

  8   main du général Mladic, et ces éléments de preuve corroborent les autres

  9   éléments de preuve que la Chambre a étudiés. A la lumière de ce que nous

 10   avons retrouvé chez le général Mladic, les Juges de la Chambre pourront

 11   également mieux comprendre l'importance de ces éléments de preuve; par

 12   exemple, la pièce P1959, une cassette audio retrouvée chez Mladic, et sur

 13   la cassette, une étiquette nous dit : "7 octobre 1991, opération autour de

 14   Skradin, Sibe et Zadar." Un extrait des propos de Mladic se trouve à

 15   l'écran à présent sur le transparent I2. Cette cassette reprend les

 16   commentaires à un moment où il a participé aux événements en Croatie avant

 17   les crimes reprochés dans l'acte d'accusation. C'est un extrait d'une

 18   conversation qu'il a tenue avec un subordonné, le lieutenant-colonel

 19   Milosav, pendant des opérations dans la région de Zadar. Il dit clairement

 20   qu'il est prêt à entrer en conflit, et quitte à ce que des civils soient

 21   victimes :

 22   "Tout ce qui a plus de 10 ans et moins de 75 ans sera blessé à

 23   Sibenik si on continue comme cela."

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, désolé de vous

 25   interrompre. Je ne sais pas s'il manque quelque chose ici, mais dans la

 26   cote qui est donné, on a 04518, mais le zéro apparaît deux fois.

 27   M. GROOME : [interprétation] C'est possible, Monsieur le Juge.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si le 14518 [comme interprété]


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  1   est repris dans une autre pièce, je pense que nous ne pourrons pas suivre

  2   ensuite vos références.

  3   M. GROOME : [interprétation] Je vais vérifier, Monsieur le Président.

  4   Passons aux transparents suivants, le transparent I3 qui nous montre un

  5   extrait d'une autre cassette qui a été retrouvée chez le général Mladic.

  6   Cette cassette est une cassette de dictaphone.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne parlez pas à voix haute, pas de

  8   conversation avec l'accusé.

  9   Maître Stojanovic, vous connaissez les règles. Faites en sorte que

 10   votre client les respecte, s'il vous plaît.

 11   Veuillez continuer.

 12   M. GROOME : [interprétation] Dans la pièce P1969, le général Mladic a

 13   enregistré une conversation qu'il a eue avec une personne qui s'appelle

 14   Marinko en 1993.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne parlez pas à voix haute. C'est la

 16   deuxième fois que je vous le dis et ce sera la dernière, sinon M. Mladic en

 17   subira les conséquences.

 18   Veuillez continuer, Monsieur Groome.

 19   M. GROOME : [interprétation] Donc, il parle à quelqu'un qui s'appelle

 20   Marinko en 1993, et lorsqu'il parle de Musulmans et des Croates, il a

 21   déclaré :

 22   "Qu'ils disparaissent, eux et les autres."

 23   Des éléments de preuve tels que celui-ci aideront les Juges de la

 24   Chambre à apprécier l'état d'esprit du général Mladic pendant les crimes

 25   reprochés dans l'acte d'accusation. Les mots du général Mladic n'ont pas

 26   seulement été enregistrés par lui-même mais aussi par des confidents, tels

 27   que Milan Mesic [comme interprété], un partisan et un bienfaiteur de la VRS

 28   qui vivait au Canada. La pièce 1974 est un extrait d'une séquence vidéo que


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  1   Lesic a tourné pendant l'une de ses réunions avec Mladic. La séquence vidéo

  2   a été enregistrée alors que Mladic était au courant, et vous retrouvez un

  3   extrait de cette séquence vidéo sur le transparent I4.

  4   Ici, lorsqu'il fait référence à la population musulmane de

  5   Srebrenica, il dit que si cela n'avait été à cause de la communauté

  6   internationale, la population musulmane de Srebrenica aurait déjà disparu

  7   depuis longtemps. Les éléments de preuve dont disposent les Juges de la

  8   Chambre sont complets et évidents. Ces éléments de preuve montrent que

  9   l'armée de Republika Srpska disposait d'un système effectif de commandement

 10   et de contrôle pendant la période où les crimes ont été commis. Il s'agit

 11   d'éléments de preuve qui démontrent que Ratko Mladic, en qualité de

 12   commandant de l'armée, a utilisé sa capacité de commander et de contrôler

 13   ceux qui étaient sous son autorité pour commettre les crimes énumérés aux

 14   chefs 1 à 11 afin de chasser à jamais les Musulmans de Bosnie et les

 15   Croates de Bosnie des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie.

 16   J'aimerais, à présent, passer à deux documents retrouvés chez le

 17   général Mladic. Ils contiennent les propos du général Mladic après les

 18   accords de paix de Dayton, après leur signature, donc après la période

 19   couverte par l'acte d'accusation. Le premier document est un discours qui a

 20   été prononcé le 14 janvier 1996 lors d'un rassemblement pour célébrer la

 21   nouvelle année serbe. C'est la pièce 1981, et nous l'avons retrouvée chez

 22   le général Mladic en 2010.

 23   Dans ses commentaires, il établit clairement que les décisions

 24   militaires les plus importantes ont été prises dans un cercle restreint de

 25   membres de l'état-major principal, alors que les décisions les plus

 26   difficiles ont été "souvent prises par moi-même uniquement".

 27   Le dernier document sur lequel j'aimerais attirer votre attention

 28   aujourd'hui est le document que le général Mladic a signé en qualité de


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  1   commandant de l'état-major principal le jour où l'autorité dont il

  2   jouissait précédemment ne lui appartenait plus, et qui a été transféré au

  3   général Milovanovic.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous n'avons pas la version

  5   anglaise à l'écran.

  6   M. GROOME : [interprétation] Oui, je vais vous la montrer dans un instant.

  7   J'aimerais que vous regardiez la pièce P5028 au transparent à

  8   l'écran. Vous voyez une image du document. Et comme vous le voyez, nous

  9   avons là la signature du général Mladic et le tampon de l'état-major

 10   général. C'est le dernier document que le général Mladic a signé. Outre

 11   avoir transféré sa responsabilité de commandant de l'état-major principal à

 12   Milovanovic, il a fait également plusieurs demandes au président de

 13   Republika Srpska. A cette époque, c'était Biljana Plavsic; Karadzic avait

 14   démissionné au mois de juillet précédent.

 15   Ses demandes portaient sur le bien-être de ses soldats et de leurs

 16   familles. Et il dit qu'avec le transfert d'autorité, "autant comme lambda

 17   qui doit assumer une tâche lourde et dans une période inhabituelle, je

 18   m'inquiète du sort de l'armée et du peuple qui a créé cette armée."

 19   J'attire votre attention sur le paragraphe 3 où il demande quelque chose

 20   d'assez fort :

 21   "Que le président de la Republika Srpska offre des garanties écrites

 22   disant qu'aucun membre de l'armée de la Republika Srpska ne sera tenu

 23   responsable du point de vue disciplinaire ou pénal et qu'il n'y aura aucune

 24   conséquence à l'encontre des membres de l'armée pour avoir exécuté des

 25   ordres conformément aux décisions et aux ordres du général Mladic jusqu'à

 26   l'adoption de cette décision."

 27   Me Ivetic a commencé ses arguments en affirmant : "Le général Mladic n'a

 28   jamais eu l'intention de commettre des crimes et ne les a jamais ordonnés."


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  1   Un général qui n'a jamais donné d'ordre contraignant ne cherche pas à

  2   immuniser ceux qui ont suivi ses ordres. Le général Mladic a demandé cette

  3   immunité exceptionnelle pour ses subordonnés, parce qu'il savait qu'il

  4   avait pris des décisions et qu'il avait donné des ordres à ses subordonnés

  5   dans le sens où des crimes devaient être commis, ces crimes qui sont repris

  6   dans l'acte d'accusation et qui sont clairement démontrés dans les éléments

  7   de preuve que vous avez devant vous.

  8   La prochaine fois que je m'adresserai aux Juges de la Chambre sur le

  9   fond de ces éléments de preuve, je ferai valoir que ces éléments de preuve

 10   prouvent que Ratko Mladic est coupable au-delà de tout doute raisonnable.

 11   Mais aujourd'hui, je vais simplement me contenter de dire que ces éléments

 12   de preuve répondent aux critères applicables fixés par la Chambre d'appel.

 13   Il existe suffisamment d'éléments de preuve sur lesquels un Juge du fait

 14   pourrait raisonnablement conclure au-delà de tout doute raisonnable de la

 15   culpabilité de Ratko Mladic pour tous les crimes qui sont repris dans

 16   l'acte d'accusation. Et je demande que la requête de la Défense

 17   conformément à l'article 98 bis du Règlement soit rejetée dans son

 18   intégralité.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Groome.

 20   Nous concluons les arguments pour aujourd'hui.

 21   Demain, Maître Ivetic, nous vous avons réservé une heure. Nous avons

 22   également réservé une heure à l'Accusation pour répondre.

 23   Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui et nous reprendrons demain,

 24   mercredi 19 mars, à 9 heures 30 dans ce même prétoire, à la salle

 25   d'audience numéro I.

 26   --- L'audience est levée à 14 heures 24 et reprendra le mercredi, 19 mars

 27   2014, à 9 heures 30.

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