Page 44906
1 Le mercredi, 22 novembre 2017
2 [Jugement]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 10 heures.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes celles et à tous ceux
7 qui sont ici dans la salle d'audience et alentour.
8 Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner le numéro
9 de l'affaire inscrite au rôle.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
11 les Juges. Ceci est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Greffier.
13 Maître Ivetic, on m'a fait savoir que vous souhaitiez vous adresser aux
14 Juges de la Chambre.
15 M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
16 Avec votre permission, Me Lukic et moi-même souhaitons donner des lectures
17 d'un texte pour le compte rendu d'audience.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre document a été enregistré hier, il
19 a été distribué à tout le monde. C'est un document que vous avez soumis à
20 titre public donc tout le monde peut consulter ce que vous avez souhaité
21 signaler aux Juges de la Chambre. Nous avons déjà étudié la teneur de votre
22 document et les Juges de la Chambre estiment qu'il est superflu de le lire
23 en ce moment.
24 M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, pourvu qu'on puisse inscrire dans le
25 compte rendu d'audience que les Juges de la Chambre ont bien lu le
26 document.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons lu le document, nous
28 l'avons bien reçu et c'est un document public.
Page 44907
1 M. IVETIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,
2 Messieurs les Juges.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci à vous, Maître Ivetic.
4 Avant de continuer, puisque cela ne figure pas dans le compte rendu
5 d'audience, Maître Ivetic, je note que vous êtes bien présent dans la salle
6 d'audience aux fins du compte rendu d'audience.
7 Je tiens à signaler aussi qui représente les parties au procès aujourd'hui.
8 Je vois que l'Accusation est représentée par M. McCloskey, M. Tieger, M.
9 Weber, M. Hasan, M. Traldi et, bien sûr, ils sont accompagnés de tout le
10 personnel qui les assiste dans leurs travaux.
11 Je vois que la Défense est représentée par Me Lukic, par Me Ivetic, par Me
12 Stojanovic, et je vois que, bien sûr, eux aussi sont accompagnés par le
13 personnel qui les assiste dans leurs travaux.
14 La Chambre siège aujourd'hui pour rendre son jugement dans cette affaire.
15 Elle souligne que pendant cette audience, elle ne présentera qu'un résumé
16 de ses conclusions. Ce résumé ne fait d'aucune manière partie intégrante du
17 jugement. Seul fait foi l'exposé des conclusions de la Chambre dans la
18 version écrite du jugement qui sera mise à disposition à l'issue de
19 l'audience.
20 L'accusé, Ratko Mladic, a fait l'objet d'actes d'accusation dressés le 24
21 juillet et le 16 novembre 1995. Il a été arrêté en Serbie le 26 mai 2011,
22 presque 16 ans après l'établissement des actes d'accusation initiaux. Son
23 procès s'est ouvert le 16 mai 2012 et la présentation des moyens de preuve
24 a duré plus de quatre ans. Le réquisitoire et la plaidoirie ont été
25 prononcés le 5 et le 15 décembre 2016.
26 La Chambre a siégé 530 jours, pendant lesquels ont été produits 592
27 témoignages et quelque 10 000 pièces à conviction. Elle a par ailleurs
28 dressé le constat judiciaire d'environ 2 000 faits jugés.
Page 44908
1 L'accusé devait répondre de 11 chefs d'accusation pour des crimes qui lui
2 étaient reprochés d'avoir commis en qualité de commandant de l'état-major
3 principal de l'armée de la République serbe de Bosnie, appelé aussi VRS,
4 entre le 12 mai 1992 et le 30 novembre 1995. L'acte d'accusation comprenait
5 deux chefs de génocide et cinq chefs de crimes contre l'humanité, à savoir
6 les persécutions, l'assassinat, l'extermination, l'expulsion et les actes
7 inhumains ayant pris la forme de transferts forcés. Il comprenait, en
8 outre, quatre chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre,
9 notamment le meurtre, les actes de violence dont le but principal était de
10 répandre la terreur parmi la population civile, les attaques illégales
11 dirigées contre des civils et la prise d'otages. Le champ géographique des
12 crimes retenus dans l'acte d'accusation couvrait notamment Sarajevo,
13 Srebrenica et 15 municipalités de Bosnie-Herzégovine.
14 L'Accusation reprochait à l'accusé d'avoir participé à quatre entreprises
15 criminelles communes, que je vais résumer maintenant.
16 Premièrement, une entreprise criminelle commune principale qui avait pour
17 objectif de chasser à jamais les Musulmans et les Croates de Bosnie du
18 territoire revendiqué par les Serbes en Bosnie-Herzégovine par la
19 perpétration des crimes énoncés dans l'acte d'accusation, à savoir le
20 génocide, les persécutions, l'extermination, le meurtre et l'assassinat,
21 les actes inhumains ayant pris la forme du transfert forcé et l'expulsion.
22 Deuxièmement, une entreprise criminelle commune relative à Sarajevo qui
23 avait pour objectif de répandre la terreur parmi la population civile par
24 une campagne de tirs isolés et de bombardements qui, comme il est exposé
25 dans l'acte d'accusation, s'était traduite par des meurtres et assassinats,
26 des actes de violence dont le but principal était de répandre la terreur
27 parmi la population civile et des attaques illégales dirigées contre des
28 civils.
Page 44909
1 Troisièmement, une entreprise criminelle commune relative à Srebrenica qui
2 avait pour objectif d'éliminer les Musulmans de Bosnie de Srebrenica par la
3 perpétration des crimes énoncés dans l'acte d'accusation, à savoir le
4 génocide, les persécutions, l'extermination, le meurtre et l'assassinat,
5 les actes inhumains ayant pris la forme du transfert forcé et l'expulsion.
6 Quatrièmement, une entreprise criminelle commune relative à la prise
7 d'otages qui avait pour objectif de prendre en otage des soldats de l'ONU
8 afin d'empêcher l'OTAN de mener des frappes aériennes contre des cibles
9 militaires serbes en Bosnie en perpétrant le crime de guerre qui est la
10 prise d'otages.
11 De plus, l'Accusation reprochait à l'accusé d'avoir planifié, incité à
12 commettre, ordonné, commis ou aidé et encouragé les crimes exposés dans
13 l'acte d'accusation. Enfin, elle soutenait qu'il en était aussi
14 individuellement pénalement responsable en tant que supérieur hiérarchique
15 en application de l'article 7(3) du Statut.
16 La Chambre va maintenant brièvement résumer ses conclusions.
17 La Chambre va présenter d'abord ses constatations et conclusions juridiques
18 relatives aux faits incriminés sous-tendant chaque volet de l'affaire, et
19 ensuite ses conclusions concernant la responsabilité de l'accusé.
20 La Chambre a conclu que pendant toute la période couverte par l'acte
21 d'accusation, le territoire de la Bosnie-Herzégovine avait été le théâtre
22 d'un conflit armé, ce qui est une condition d'application de l'article 3 du
23 Statut.
24 La Chambre va maintenant se pencher sur le volet de l'affaire relatif aux
25 municipalités. Elle a conclu que dans plusieurs des municipalités avaient
26 été commis des assassinats constitutifs de crimes contre l'humanité et des
27 meurtres constitutifs de violations des lois ou coutumes de la guerre.
28 La Chambre a conclu que de nombreuses personnes avaient été tuées avant,
Page 44910
1 pendant et après l'attaque de villages non-serbes par les forces serbes de
2 Bosnie. Les circonstances de ces meurtres étaient brutales; ceux qui
3 essayaient de défendre leurs foyers étaient traités avec une force
4 impitoyable. Des exécutions en masse ont eu lieu et certaines personnes ont
5 succombé après avoir été battues. De nombreux auteurs des crimes qui
6 avaient capturé des Musulmans de Bosnie ne montraient guère, voire pas du
7 tout de respect pour la vie ou la dignité humaine. Par exemple :
8 Le 31 mai 1992 ou vers cette date, dans la commune de Sanski Most, des
9 membres des forces serbes de Bosnie ont rassemblé un groupe d'hommes
10 musulmans de Bosnie près du pont de Vrhpolje. Pendant qu'ils les y
11 amenaient, ils en ont tué quatre. Arrivés sur le pont, ils les ont obligés
12 à sauter dans la rivière, l'un après l'autre, puis ont ouvert le feu sur
13 eux. Au moins 28 sont morts, tous des hommes, dont un mineur et deux d'un
14 grand âge. Un homme a survécu.
15 En juillet 1992, 24 détenus musulmans de Bosnie sont morts d'asphyxie
16 pendant leur transport entre le centre de détention de Betonirka et le camp
17 de Manjaca. A Betonirka, les gardiens ont confisqué les bouteilles d'eau et
18 obligé certains détenus à manger du sel avant le déplacement de neuf
19 heures. Les camions étaient bâchés et il faisait chaud. Les détenus y
20 étaient à l'étroit et ils n'ont pas reçu d'eau. Voulant survivre, certains
21 ont bu leur urine et fait des trous dans la bâche pour avoir de l'air, mais
22 ont dû arrêter sous la menace des policiers qui les escortaient. Arrivés au
23 camp de Manjaca, ceux jugés en mauvaise santé ont été forcés de remonter
24 dans le camion, Bozidar Popovic, le commandant du camp ayant dit, je cite :
25 "Renvoyez cette merde là d'où elle vient. Je n'ai pas besoin de
26 macchabées."
27 La Chambre a conclu que certains de ces meurtres étaient constitutifs
28 d'extermination, un crime contre l'humanité. Par exemple :
Page 44911
1 Le 25 juillet 1992 ou vers cette date, des policiers et des membres de la
2 VRS ont pointé une mitrailleuse vers l'entrée de la salle 3 du camp de
3 Keraterm où se trouvaient un grand nombre de détenus. Dans la nuit, une
4 sorte de gaz chimique a été introduit dans la salle, provoquant la panique
5 parmi les détenus et poussant certains à essayer de sortir. Des projecteurs
6 ont été dirigés sur la salle et les soldats et gardiens ont tiré à l'arme
7 automatique sur les détenus au fur et à mesure qu'ils sortaient, tuant un
8 grand nombre d'entre eux. Les soldats et gardiens ont ensuite abattu des
9 détenus dans la salle, notamment ceux qui essayaient de se cacher. Ils en
10 ont tué entre 190 et 220 cette nuit-là.
11 La Chambre a conclu que des transferts forcés et expulsions avaient été
12 commis dans de nombreuses municipalités. En ce qui concerne la situation
13 qui prévalait à l'époque pertinente, la Chambre a constaté, par exemple,
14 qu'à partir du 12 mai 1992, les autorités locales de la municipalité de
15 Kotor Varos avaient imposé à la liberté de mouvement des Musulmans et des
16 Croates de Bosnie des restrictions qui avaient été appliquées par la VRS.
17 Des meurtres, des détentions illégales et des actes inhumains ont également
18 été commis dans la municipalité en juin et juillet 1992. La Chambre a
19 constaté qu'une partie de la population musulmane et croate de Bosnie, y
20 compris des femmes et des enfants, avait été chassée de force de la
21 municipalité de Kotor Varos entre juin et novembre 1992. Elle est parvenue
22 à la conclusion que des expulsions et des actes inhumains ayant pris la
23 forme de transferts forcés, un crime contre l'humanité, avaient été commis
24 dans les municipalités de Banja Luka, Bijeljina, Foca, Ilidza, Kljuc, Kotor
25 Varos, Novi Grad, Pale, Prijedor, Rogatica, Sanski Most, Sokolac et
26 Vlasenica.
27 La Chambre va se pencher à présent sur les persécutions. Elle a constaté,
28 entre autres, que de nombreuses victimes avaient été détenues illégalement
Page 44912
1 et soumises à des traitements cruels et inhumains pour des raisons
2 politiques, raciales ou religieuses. Par exemple :
3 Les conditions de détention dans plusieurs camps étaient épouvantables.
4 L'eau et la nourriture étaient rares, au point que certains détenus ont
5 gravement souffert de malnutrition et sont décédés. Les installations
6 sanitaires étaient totalement inadéquates. Souvent, les détenus n'étaient
7 autorisés à les utiliser qu'une fois par jour et aucune importance n'était
8 accordée à l'hygiène ou à la prévention de la propagation des maladies. Les
9 détenus étaient périodiquement battus, parfois avec des coups de poing
10 américains en laiton et des barres de fer. Les soins médicaux étaient
11 également insuffisants.
12 Des détenus ont été forcés à se violer mutuellement et à se livrer à
13 d'autres actes sexuels dégradants. De nombreuses femmes musulmanes de
14 Bosnie détenues illégalement ont été violées. Par exemple :
15 Dans une maison de la municipalité de Foca, appelée la maison de
16 Karaman, plusieurs groupes de femmes et de filles âgées d'une douzaine
17 d'années pour les plus jeunes étaient violées régulièrement et brutalement.
18 Certaines des victimes étaient attribuées à un soldat. D'autres étaient
19 contraintes à des rapports sexuels avec de nombreux hommes. Une victime a
20 déclaré qu'un soldat l'avait amené à une fête où l'accusé était venu les
21 voir et avait demandé d'abord aux soldats si elle était sa, je cite, "femme
22 d'Herzégovine" et ensuite, à elle, pour lui demander si elle n'allait, je
23 cite, "pas bien mieux que chez Alija".
24 La Chambre va maintenant examiner le chef 1, génocide dans six des
25 municipalités. Le génocide englobe la perpétration d'actes prohibés dans
26 l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe protégé comme tel.
27 Ces actes prohibés peuvent comprendre le meurtre ou des atteintes graves à
28 l'intégrité physique ou mentale. En l'espèce, des groupes protégés étaient
Page 44913
1 les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie. La Chambre a conclu qu'un
2 grand nombre de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie dans certaines
3 de ces municipalités ont été victimes de meurtres et/ou d'atteintes graves
4 à l'intégrité physique ou mentale.
5 La Chambre a ensuite examiné l'intention spécifique des auteurs
6 matériels. Elle a conclu à la majorité, moi-même, Juge Orie, étant en
7 désaccord, que les auteurs matériels des crimes commis à Sanski Most,
8 Vlasenica et Foca et que certains auteurs des crimes commis dans les
9 municipalités de Kotor Varos et Prijedor avaient l'intention de détruire
10 les Musulmans de Bosnie de ces municipalités en tant que partie du groupe
11 protégé. Elle a ensuite examiné si la partie visée constituait une partie
12 substantielle du groupe protégé et a conclu que les Musulmans de Bosnie
13 visés dans chaque municipalité formaient une partie relativement petite du
14 groupe protégé et n'en représentaient pas autrement une partie
15 substantielle. En conséquence, la Chambre n'était pas convaincue que la
16 seule déduction raisonnable était que les auteurs matériels étaient animés
17 de l'intention requise pour détruire une partie substantielle du groupe
18 protégé des Musulmans de Bosnie.
19 La Chambre va maintenant examiner le volet de l'affaire relatif à
20 Sarajevo. De la mi-mai 1992 jusqu'en novembre 1995, la VRS, en particulier
21 le Corps de Sarajevo-Romanija, appelé aussi le SRK, a délibérément pris la
22 population civile de Sarajevo pour cible de bombardements et de tirs
23 isolés, souvent dans des lieux qui n'avaient que peu de valeur militaire,
24 voire aucune. Des centaines de civils ont ainsi été tués et des milliers
25 ont été blessés. Un grand nombre de personnes ont été touchées alors
26 qu'elles menaient leurs activités quotidiennes, notamment pendant qu'elles
27 se promenaient avec leurs enfants, qu'elles allaient chercher de l'eau,
28 qu'elles ramassaient du bois ou qu'elles se trouvaient au marché. Voici
Page 44914
1 quelques exemples :
2 Le 18 novembre 1994, un membre du SRK a tiré sur une femme musulmane
3 de Bosnie qui marchait dans la rue avec ses enfants. La balle lui a
4 traversé l'abdomen et a touché son fils de sept ans à la tête, le blessant
5 mortellement.
6 Le 5 février 1994, des membres du Corps de Sarajevo-Romanija ont
7 bombardé le marché de Markale, faisant 68 morts et 140 blessés.
8 Pratiquement toutes les victimes étaient des civils, y compris des femmes,
9 des enfants et des personnes âgées.
10 En 1994 et 1995, le Corps de Sarajevo-Romanija a attaqué Sarajevo
11 avec des bombes aériennes modifiées, qui sont des armes très imprécises
12 ayant un effet dévastateur à l'impact. En conséquence, la Chambre a conclu
13 que l'utilisation de bombes aériennes modifiées constituait des actes
14 indiscriminés dirigés contre des civils et la population civile dans son
15 ensemble.
16 Après avoir examiné la nature, les modalités, le moment, le lieu et
17 la durée de cette campagne de tirs isolés et de bombardements, la Chambre a
18 conclu que les auteurs, tous des membres du Corps de Sarajevo-Romanija,
19 avaient l'intention de prendre pour cible des civils et de bombarder la
20 ville de manière indiscriminée. Les habitants de Sarajevo ont vécu de
21 grandes souffrances, ayant souvent connu la pénurie de produits de première
22 nécessité, tels que la nourriture, l'eau, le gaz et l'électricité. Ils
23 vivaient dans un état de détresse constante. Chaque fois qu'ils ou leurs
24 proches quittaient leur foyer, ils se demandaient s'ils allaient être la
25 cible de tirs isolés ou de tirs d'artillerie. Ayant tenu compte de tous ces
26 éléments, la Chambre a conclu que les membres du SRK avaient l'intention de
27 répandre la terreur parmi la population de Sarajevo et que la terrorisation
28 était le but principal des tirs isolés et des bombardements. Elle a conclu
Page 44915
1 que les membres du SRK avaient commis les crimes qui sont le meurtre, les
2 attaques illégales contre des civils et la terrorisation, des violations
3 des lois ou coutumes de la guerre, ainsi que des assassinats, un crime
4 contre l'humanité.
5 La Chambre va maintenant examiner le volet de l'affaire relatif à
6 Srebrenica. Le 8 mars 1995, Radovan Karadzic a pris la directive numéro 7
7 et ordonné au Corps de la Drina de, je cite, "créer une situation invivable
8 d'insécurité totale, ne laissant aucun espoir de survie ou de vie future
9 aux habitants de Srebrenica". Le 31 mars 1995, Ratko Mladic a signé la
10 directive numéro 7/1, qui traduisait la directive numéro 7 en missions
11 militaires opérationnelles et prévoyait une opération stratégique contre
12 l'enclave. Environ de 15 à 20 jours avant la prise de contrôle de la ville
13 de Srebrenica, la VRS a élaboré un plan, appelé Krivaja-95, visant à
14 attaquer l'enclave et ayant pour objectif de la faire disparaître, de la
15 vider et de faire de cette zone un territoire serbe en chassant par la
16 force la population musulmane de Bosnie.
17 La VRS a lancé l'attaque le 6 juillet, et le 11 juillet, elle était
18 entrée dans la ville de Srebrenica. Pendant l'attaque, la VRS s'est
19 également mise à incendier les maisons et les mosquées des Musulmans de
20 Bosnie. Des milliers de Musulmans de Bosnie, principalement des femmes, des
21 enfants et des personnes âgées se sont réfugiés à Potocari, à la base
22 utilisée par la Force de protection des Nations Unies, la FORPRONU. La
23 grande majorité des hommes musulmans valides ont fui l'enclave à pied pour
24 tenter de gagner Tuzla.
25 Le 12 juillet 1995, de 25 000 à 30 000 civils musulmans de Bosnie
26 s'étaient rassemblés à Potocari, dont 5 % étaient des hommes valides. Les
27 conditions à l'intérieur et aux alentours de la base de la FORPRONU étaient
28 déplorables : la quantité d'eau et de nourriture était insuffisante et les
Page 44916
1 fournitures médicales manquaient. Les gens étaient épuisés et effrayés. Les
2 forces serbes créaient un climat de terreur en bombardant les alentours de
3 la base et en enlevant des personnes, dont certaines ne sont jamais
4 revenues.
5 Les 11 et 12 juillet 1995, trois réunions ont eu lieu à l'hôtel
6 Fontana à Bratunac, auxquelles ont participé des membres de la VRS, des
7 officiers du Bataillon néerlandais de la FORPRONU et des personnes ayant
8 été désignées pour représenter les Musulmans de Bosnie afin de discuter de
9 ce qui avait été décrit comme l'évacuation de la population civile de
10 Potocari. Le contrôle par la VRS des hommes âgés entre 16 et 60 ans pour
11 crimes de guerre a aussi fait l'objet des discussions. Le 17 juillet 1995,
12 un document a été signé dans lequel on peut lire que les civils devaient
13 être, je cite, "évacués" vers la municipalité de Kladanj par la VRS et les
14 forces de police de la République serbe de Bosnie, sous l'escorte et la
15 supervision de la FORPRONU.
16 Du 12 au 14 juillet 1995, la VRS et le ministère de l'Intérieur, appelé
17 aussi le MUP, ont organisé le transport d'environ 25 000 Musulmans de
18 Bosnie, dont la plupart étaient des femmes, des enfants et des personnes
19 âgées, hors de l'enclave de Srebrenica vers un territoire sous le contrôle
20 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans des convois d'autocars et de
21 camions. Les soldats serbes de Bosnie ont systématiquement séparé du groupe
22 les hommes musulmans de Bosnie en âge de porter les armes qui tentaient de
23 monter à bord. Certains des hommes ayant été séparés étaient âgés de 12 ans
24 seulement et d'autres de plus de 60 ans. Les séparations étaient souvent
25 brutales, on disait aux personnes transférées que les hommes les
26 rejoindraient plus tard. Ils ne les ont jamais rejoints.
27 Les hommes musulmans de Bosnie arrêtés à Potocari ont été détenus
28 dans des centres de détention temporaires avant d'être emmenés en autocars,
Page 44917
1 avec d'autres capturés, alors qu'ils se trouvaient dans la colonne d'hommes
2 fuyant à pied, vers divers lieux d'exécution dans les municipalités de
3 Srebrenica, Bratunac et Zvornik. La Chambre a conclu que bon nombre de ces
4 hommes et garçons ont été injuriés, insultés, menacés, forcés à chanter des
5 chants serbes et battus dans l'attente de leur exécution. Les forces serbes
6 de Bosnie, principalement des membres de la VRS, ont systématiquement tué
7 plusieurs milliers d'hommes et de garçons musulmans de Bosnie, dont la
8 grande majorité sur une période de quelques jours seulement, du 12 au 17
9 juillet 1995.
10 La Chambre présentera maintenant quelques exemples précis.
11 Les 13 et 14 juillet 1995, environ 1 000 hommes musulmans de Bosnie
12 non armés, y compris des garçons et des personnes âgées, ont été exécutés
13 dans l'entrepôt de Kravica. Le 16 juillet 1995, de 1 000 à 1 200 civils
14 musulmans de Bosnie ont été sommairement exécutés à la ferme militaire de
15 Branjevo. Avant l'exécution, certains d'entre eux avaient les mains
16 attachées et les yeux bandés et on les avait forcés à prier, je cite, "à la
17 musulmane". Le même jour, environ 500 hommes musulmans de Bosnie et deux
18 femmes ont été exécutés dans le centre culturel de Pilica.
19 Pendant plusieurs semaines au mois de septembre et au début d'octobre
20 1995, de hauts responsables de la VRS et du MUP ont tenté de dissimuler
21 leurs crimes en exhumant les corps de leurs victimes de plusieurs fosses
22 communes, puis en les réensevelissant dans des endroits plus reculés dans
23 les municipalités de Zvornik et Bratunac. Leur tentative de dissimulation
24 des massacres de Srebrenica a finalement échoué.
25 La Chambre a conclu que les forces serbes de Bosnie ont pris part à
26 une opération visant à tuer des milliers de Musulmans de Bosnie et de
27 Srebrenica, agissant avec une intention discriminatoire, ce qui constitue
28 le crime de persécution. Il a été jugé que certains de ces meurtres
Page 44918
1 constituaient une extermination. La Chambre a également conclu que
2 plusieurs faits reprochés constituaient le transfert forcé qualifié d'acte
3 inhumain.
4 La Chambre va à présent examiner l'allégation de génocide à Srebrenica,
5 dont il est fait état au chef 2 de l'acte d'accusation. Elle a conclu que
6 les actes prohibés, comme annoncés dans la définition juridique du
7 génocide, que sont les meurtres et les atteintes graves à l'intégrité
8 physique ou mentale, ont été commis par les auteurs matériels contre les
9 Musulmans de Bosnie de Srebrenica.
10 La Chambre a ensuite examiné l'intention spécifique des auteurs matériels.
11 Comme il est expliqué en détail dans le jugement, la Chambre a conclu que
12 les auteurs matériels étaient animés de l'intention de détruire les
13 Musulmans de Bosnie de Srebrenica, qui formaient une partie substantielle
14 du groupe protégé. Elle a donc conclu que les crimes que sont le génocide,
15 la persécution, l'extermination, le meurtre et le transfert forcé qualifié
16 d'acte inhumain ont été commis contre les Musulmans de Bosnie à Srebrenica
17 et dans les alentours.
18 La Chambre va maintenant examiner le volet de l'affaire relatif aux otages.
19 Entre le 25 mai et le 24 juin 1995, des soldats et des officiers de la VRS,
20 y compris des membres de la police militaire et des policiers serbes de
21 Bosnie, ont arrêté et détenu de 260 à 400 observateurs militaires des
22 Nations Unies, et des membres de la FORPRONU, en Bosnie-Herzégovine. Les
23 observateurs militaires des Nations Unies arrêtés par les policiers ont été
24 placés sous la garde de la VRS. Certains ont été attachés avec des chaînes
25 ou des menottes, parfois sous la menace d'une arme, devant des lieux
26 présentant un intérêt militaire stratégique et d'autres se sont fait dire
27 qu'ils seraient tués si l'OTAN poursuivait ses frappes aériennes. Des
28 membres du personnel de l'ONU ont été filmés. Des menaces ont également été
Page 44919
1 adressées directement à de hauts fonctionnaires de l'ONU. Les membres du
2 personnel de l'ONU ont été détenus, entre autres, pour faire pression sur
3 l'OTAN afin qu'elle renonce aux frappes aériennes. Entre le 2 et le 24 juin
4 1995, la VRS, et en particulier l'accusé, ont ordonné la libération des
5 membres du personnel de l'ONU sur ordre de Radovan Karadzic.
6 Les auteurs de ces actes savaient que les observateurs militaires des
7 Nations Unies et le personnel de la FORPRONU ne participaient pas
8 directement aux hostilités lorsqu'ils les ont capturés et placés en
9 détention et qu'ils avaient droit à la protection de l'article 3 commun aux
10 conventions de Genève. La Chambre a conclu que ces actes constituaient le
11 crime de prise d'otages, une violation des lois ou coutumes de la guerre,
12 sanctionnées par l'article 3 du Statut.
13 La Chambre va à présent examiner la responsabilité de l'accusé au regard de
14 chaque entreprise criminelle commune alléguée.
15 La Chambre a conclu que l'accusé avait occupé divers postes au sein de
16 l'armée populaire yougoslave et que dès le 12 mai 1992, il était le
17 commandant de l'état-major principal de l'armée de la République serbe de
18 Bosnie, la VRS. Il a exercé cette fonction jusqu'au 8 novembre 1996 au
19 moins.
20 S'agissant de l'entreprise criminelle commune principale, la Chambre a
21 conclu à l'existence d'une entreprise criminelle commune entre 1991 et le
22 30 novembre 1995, ayant pour objectif de chasser à jamais les Musulmans et
23 les Croates des territoires revendiqués par les Serbes en Bosnie-
24 Herzégovine aux moyens de persécution, d'extermination, d'assassinat, de
25 meurtre, de transfert forcé en tant qu'acte inhumain et d'expulsion. Après
26 avoir apprécié, entre autres, les déclarations, les discours et le
27 comportement de l'accusé et des dirigeants serbes de Bosnie, ainsi que les
28 actes commis par les auteurs matériels des crimes, la Chambre a conclu que
Page 44920
1 les éléments de preuve ne permettaient pas de conclure que le crime de
2 génocide s'inscrivait dans l'objectif de l'entreprise criminelle commune
3 principale.
4 Les membres de l'entreprise criminelle commune principale incluaient
5 Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik, Biljana Plavsic, Nikola Koljevic,
6 Bogdan Subotic, Momcilo Mandic et Mico Stanisic.
7 Bon nombre des crimes reprochés ont été commis par des unités utilisées
8 comme instruments dans la réalisation de l'entreprise criminelle commune
9 principale. Ces unités comprenaient des membres de la VRS, du MUP et de la
10 Défense territoriale sous la supervision du ministère de la Défense serbe
11 de Bosnie; divers groupes paramilitaires; et des membres des autorités
12 municipales et régionales.
13 La Chambre va maintenant examiner la responsabilité de l'accusé s'agissant
14 des crimes dont il a été conclu qu'ils avaient été commis dans le cadre du
15 volet de l'affaire relatif aux municipalités. Pour déterminer la
16 contribution de l'accusé, la Chambre a tenu compte des actes commis par
17 celui-ci au cours de l'existence de l'entreprise criminelle commune
18 principale, en particulier ses actes vis-à-vis de la VRS, étant donné que
19 bon nombre des auteurs principaux des crimes appartenaient à la VRS. Entre
20 mai 1992 et 1995, l'accusé a donné des ordres permettant d'établir et
21 d'organiser la VRS et ses organes. Il a, en outre, étroitement participé
22 aux opérations de la VRS, comme l'ont montré les séances d'information, les
23 réunions --
24 Oui, Maître Ivetic.
25 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'accusé m'a demandé
26 s'il peut aller aux toilettes.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais d'abord, je vais finir la
28 phrase que j'ai commencé, après quoi nous allons faire une pause de cinq
Page 44921
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 44922
1 minutes.
2 Je pense que j'ai commencé ma phrase où il est dit : Il a, en outre,
3 étroitement participé aux opérations de la VRS, comme l'ont montré les
4 séances d'information, les réunions et les inspections fréquentes; et il a
5 édicté des ordres et des directives opérationnelles à l'intention des
6 unités de la VRS et d'autres groupes.
7 Nous allons faire une brève pause et nous allons reprendre à 10 heures 45.
8 --- La pause est prise à 10 heures 41.
9 --- La pause est terminée à 11 heures 26.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je vois que vous êtes
11 debout. Avant de vous donner l'occasion de dire quoi que ce soit,
12 j'aimerais d'abord expliquer que la pause a duré un peu plus longtemps que
13 prévu puisque le médecin nous a conseillé de procéder ainsi, et je pense
14 que cela va être consigné.
15 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais dire aux
16 fins du compte rendu que l'information que vous avez obtenue est la
17 suivante. M. Mladic s'est vu prendre sa pression artérielle pendant la
18 pause. La première fois, c'était 175 par 96; la deuxième fois, l'infirmière
19 a obtenu le résultat de cette prise de la pression artérielle qui était 180
20 par 80; et après une période de 15 minutes, c'était 180 par 80.
21 Donc, d'après l'Association pour les maladies cardiovasculaires, il s'agit
22 d'une hypertension, et dans de telles circonstances, nous demandons que la
23 lecture du résumé du jugement soit arrêtée puisqu'il y a un risque pour que
24 M. Mladic souffre d'une situation menaçante pour sa vie, pour ce qui est de
25 sa pression artérielle. Vous pouvez regarder sur Internet, il s'agit d'une
26 situation où cette crise liée à la pression artérielle élevée est grave,
27 d'après l'Association des cardiologues de la Grande-Bretagne et des Etats-
28 Unis.
Page 44923
1 Merci, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne s'appuie pas sur Internet,
3 mais plutôt sur le conseil du médecin.
4 Et selon l'information du médecin, cette pression artérielle était 170, et
5 non pas 180.
6 M. IVETIC : [interprétation] C'était dans la pièce où --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'allons pas discuter longtemps là-
8 dessus.
9 M. IVETIC : [interprétation] Très bien.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, la deuxième demande que vous avez
11 présentée était de livrer le jugement sans continuer la lecture du résumé.
12 Je vais discuter là-dessus avec mes collègues pour voir si on va prendre
13 cette décision immédiatement dans le prétoire, ou si nous allons faire une
14 autre pause pour en discuter.
15 M. IVETIC : [interprétation] J'ai compris cela, Monsieur le Président.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre a décidé de
18 continuer la lecture du résumé du jugement comme c'était notre intention
19 depuis le départ. Le conseil du médecin qu'on a reçu disait que la
20 situation ne nécessitait pas l'interruption de cette lecture pour des
21 raisons médicales.
22 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense demande
23 alors que cela soit consigné par écrit et signé.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, j'ai dit quelle était
25 notre décision. Je vais continuer la lecture du résumé du jugement.
26 M. Mladic, s'il veut consulter ses conseils, il peut le faire, mais sans
27 que personne ne puisse entendre sa voix. Asseyez-vous, Monsieur Mladic,
28 s'il vous plaît.
Page 44924
1 L'ACCUSÉ : [hors micro]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, si vous continuez à
3 vous comporter ainsi, nous allons lever l'audience. Donc, nous levons
4 l'audience et M. Mladic va sortir du prétoire. On va le faire sortir du
5 prétoire.
6 Monsieur Mladic, l'audience est levée. Les stores doivent être baissés. M.
7 Mladic doit sortir du prétoire. On va le faire sortir du prétoire.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
10 [L'accusé se retire]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons continuer.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous allons continuer.
13 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il s'agissait d'une interruption
16 brève. On a fait sortir M. Mladic du prétoire, il a été emmené dans une
17 pièce où il y a un canapé où il peut s'asseoir et de cette pièce, il peut
18 suivre l'audience à l'écran.
19 Maître Ivetic, vous avez la parole.
20 M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons que sa
21 tension artérielle soit mesurée encore une fois --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, M. Mladic n'est plus dans
23 le prétoire. Le Greffe va s'occuper de cela et va s'occuper de l'assistance
24 médicale. J'ai compris que le médecin et l'infirmière sont ici pour
25 l'aider.
26 M. IVETIC : [interprétation] Alors, je dois déclarer aux fins du compte
27 rendu que j'ai parlé avec le médecin qui est donc dans cette pièce et il
28 m'a assuré que sa tension artérielle est normale. Et je lui ai demandé de
Page 44925
1 me dire comment il est arrivé à cette conclusion --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, ce n'est pas le moment
3 pour discuter de ce sujet. C'est le Greffe qui s'occupe de tout ce qui est
4 lié à l'état de santé de M. Mladic. La Chambre a reçu les informations
5 concernant cela et nous allons maintenant continuer la lecture du résumé du
6 jugement maintenant.
7 Bon, Maître Lukic, vous êtes conseil principal dans cette affaire. Est-ce
8 que vous voulez prendre la parole ?
9 M. LUKIC : [interprétation] Vous voulez que je dise quoi que ce soit --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je vous rappelle tout simplement
11 votre fonction ici.
12 Je vais continuer la lecture du résumé du jugement. M. Mladic a
13 l'occasion, donc la possibilité de suivre l'audience à l'écran.
14 L'accusé a dirigé et commandé les unités de la VRS et a donné à
15 certaines d'entre elles l'instruction de coopérer avec le MUP. Il a été en
16 contact direct avec des dirigeants en Serbie et des membres de l'état-major
17 général de l'armée de la République fédérale de Yougoslavie afin de
18 garantir que la VRS avait tout ce dont elle avait besoin sur le plan
19 militaire. L'accusé a également pris la parole à l'occasion de plusieurs
20 sessions de l'assemblée des Serbes de Bosnie sur des questions intéressant
21 l'élaboration de stratégies par les dirigeants politiques des Serbes de
22 Bosnie et a souvent suggéré aux hommes politiques serbes de Bosnie la
23 position qu'ils devaient prendre au cours des négociations de paix afin
24 d'atteindre les objectifs stratégiques initialement définis.
25 L'accusé a, en outre, imposé des restrictions drastiques à la
26 livraison de l'aide humanitaire destinée à la population civile à compter
27 du 10 avril 1994, en ordonnant à toutes les unités de la VRS de bloquer
28 sur-le-champ toutes les activités de la FORPRONU et des organisations
Page 44926
1 humanitaires sur le territoire de la République serbe de Bosnie.
2 Entre septembre 1992 et mars 1995 à tout le moins, l'accusé a mis en
3 place et maintenu un système centralisé et contrôlé de propagande liée aux
4 Croates de Bosnie et aux Musulmans de Bosnie. Il a, en outre, délibérément
5 fait des déclarations mensongères aux médias et à la communauté
6 internationale au sujet des crimes commis.
7 Les actes de l'accusé ont joué un rôle si déterminant dans la
8 perpétration des crimes que sans eux, les crimes n'auraient pas été commis
9 comme ils l'ont été. Partant, la Chambre a conclu que par ses actes,
10 l'accusé avait largement contribué à la réalisation de l'objectif visant à
11 chasser à jamais les Musulmans et les Croates du territoire revendiqué par
12 les Serbes en Bosnie-Herzégovine en commentant les crimes de persécution,
13 d'extermination, d'assassinat, de meurtre, d'expulsion et de transfert
14 forcé qualifié d'acte inhumain.
15 La Chambre a tenu compte de l'importante contribution de l'accusé à
16 l'objectif de l'entreprise criminelle commune principale ainsi que de ses
17 déclarations, notamment l'emploi répété de termes péjoratifs envers les
18 Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie et de son engagement manifeste
19 en faveur d'une république des Serbes de Bosnie ethniquement homogène, même
20 dans les territoires qui comprenaient précédemment une large proportion de
21 non-Serbes. Elle a conclu que l'accusé savait que les crimes d'expulsion,
22 de transfert forcé qualifié d'acte inhumain, d'assassinat, de meurtre,
23 d'extermination et de persécution seraient commis contre les Musulmans de
24 Bosnie et les Croates de Bosnie et qu'il était animé de l'intention de
25 commettre ces crimes. La Chambre a conclu que l'accusé partageait
26 l'intention de réaliser l'objectif commun de l'entreprise criminelle
27 commune principale, et ce, dès le 12 mai 1992. Par conséquent, il était
28 membre de l'entreprise criminelle commune principale à partir du 12 mai
Page 44927
1 1992.
2 La Chambre va à présent examiner l'entreprise criminelle commune
3 relative à Sarajevo. La Chambre a conclu à l'existence d'une entreprise
4 criminelle commune entre le 12 mai 1992 et novembre 1995, dont l'objectif
5 principal était de répandre la terreur parmi la population civile au moyen
6 d'une campagne de bombardements et de tirs isolés. La réalisation de cet
7 objectif comprenait la perpétration des crimes de terrorisation, d'attaques
8 illicites contre des civils et de meurtres.
9 Les membres de l'entreprise criminelle commune relative à Sarajevo
10 étaient des dirigeants militaires et politiques serbes de Bosnie et
11 incluaient Radovan Karadzic, Stanislav Galic, Dragomir Milosevic, Momcilo
12 Krajisnik, Biljana Plavsic et Nikola Koljevic.
13 Les crimes reprochés ont tous été commis par les unités du Corps de
14 Sarajevo-Romanija.
15 La Chambre va maintenant examiner la responsabilité de l'accusé
16 s'agissant des crimes dont il a été conclu qu'ils avaient été commis dans
17 le cadre du volet de l'affaire relatif à Sarajevo. Pour déterminer si
18 l'accusé a largement contribué à l'entreprise criminelle commune relative à
19 Sarajevo, la Chambre a tenu compte des actes et des omissions de l'accusé
20 au cours de l'existence de cette entreprise criminelle commune. La Chambre
21 a conclu que l'accusé avait participé à la création du Corps de Sarajevo-
22 Romanija et avait pris des décisions intéressant son personnel, qu'il avait
23 commandé des unités du Corps de Sarajevo-Romanija de 1992 à 1995 dans le
24 cadre de diverses opérations, qu'il avait obtenu l'assistance militaire de
25 l'armée de la République fédérale de Yougoslavie pendant le siège, qu'il
26 avait ordonné la production et l'utilisation de bombes aériennes modifiées
27 sur Sarajevo et qu'il avait pris part à des discussions stratégiques en
28 1992 et 1995 avec des membres des organes politiques des Serbes de Bosnie.
Page 44928
1 En outre, l'accusé a participé à la diffusion de la propagande anti-
2 musulmane et anti-croate et a fourni à des représentants de la communauté
3 internationale des informations mensongères au sujet de crimes. L'accusé a
4 également régulièrement imposé des restrictions à l'aide humanitaire
5 destinée à Sarajevo et n'a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher
6 les crimes ou n'a pas enquêté comme il se doit sur les crimes, ni n'en a
7 puni les auteurs qui étaient tous sous son contrôle effectif. Les actes de
8 l'accusé ont été déterminants dans la perpétration des crimes à Sarajevo.
9 Par ses actes, il a largement contribué à la réalisation de l'objectif de
10 l'entreprise criminelle commune relative à Sarajevo en commentant les
11 crimes de terrorisation, d'attaques illicites contre les civils et de
12 meurtres.
13 Pour déterminer si l'accusé partageait l'intention de réaliser
14 l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune, la Chambre a tenu
15 compte de ses déclarations et de son comportement tout au long de la
16 période visée par l'acte d'accusation. En particulier, la Chambre a
17 considéré que l'accusé avait personnellement ordonné le bombardement de
18 Sarajevo qui a eu lieu le 28 mai 1992, qu'il avait participé au choix des
19 cibles et ordonné de tirer loin des zones peuplées de Serbes, et qu'il
20 avait commandé le Corps de Sarajevo-Romanija et formulé et pris des
21 directives. De plus, au printemps 1995, l'accusé a proposé que Sarajevo
22 soit bombardée au mépris affiché de la sécurité des civils; et le 6
23 septembre 1995, il a ordonné au commandement du Corps de Sarajevo-Romanija
24 de couper l'accès aux services collectifs à Sarajevo, forçant la population
25 à sortir et à être exposée aux tirs isolés et aux bombardements.
26 La Chambre a conclu que l'accusé avait l'intention de concevoir et de
27 mettre en œuvre une campagne de tirs isolés et de bombardements contre la
28 population civile de Sarajevo. En outre, la Chambre a conclu que l'accusé
Page 44929
1 avait l'intention par cette campagne de répandre la terreur parmi la
2 population civile de Sarajevo et de commettre les crimes de terrorisation,
3 d'attaques illicites contre des civils et de meurtres. La Chambre a conclu
4 que l'accusé était animé de cette intention pendant toute la période visée
5 par l'acte d'accusation. De ce fait, il était membre de l'entreprise
6 criminelle commune relative à Sarajevo.
7 S'agissant de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica, la
8 Chambre a conclu à l'existence d'une entreprise criminelle commune dont
9 l'objectif principal était d'éliminer les Musulmans de Srebrenica en tuant
10 les hommes et les garçons et en chassant par la force les femmes, les
11 enfants et quelques hommes âgés. Les jours qui ont immédiatement précédé le
12 11 juillet 1995, l'objectif de l'entreprise criminelle commune a été
13 réalisé au moyen de la perpétration des crimes de persécution et de
14 transferts forcés, qualifiés d'actes inhumains, qui ont eu lieu après que
15 la VRS a attaqué l'enclave dans le but d'en chasser sa population. Au petit
16 matin du 12 juillet 1995, les crimes de génocide, d'extermination et de
17 meurtre sont également devenus un moyen de réaliser l'objectif, avant même
18 que le premier crime soit commis. A cet égard, Momir Nikolic, Svetozar
19 Kosoric et Vujadin Popovic ont discuté des meurtres et des éventuels lieux
20 d'exécution le 12 juillet 1995 au matin et Zdravko Tolimir a d'abord
21 ordonné la préparation du camp de Batkovic pour y accueillir un grand
22 nombre de détenus. Il a ensuite fait savoir que ce plan avait été
23 abandonné. L'entreprise criminelle commune a existé jusqu'à octobre 1995 au
24 moins, lorsque les réensevelissements ont eu lieu dans les municipalités de
25 Zvornik et de Bratunac.
26 Les membres de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica
27 comprenaient Radovan Karadzic, Radislav Krstic, Vujadin Popovic, Zdravko
28 Tolimir, Ljubomir Borovcanin, Svetozar Kosoric, Radivoje Miletic, Radoslav
Page 44930
1 Jankovic, Ljubisa Beara, Milenko Zivanovic, Vinko Pandurevic et Vidoje
2 Blagojevic.
3 Les crimes reprochés, à l'exception des mauvais traitements et du meurtre
4 de six hommes et garçons musulmans de Bosnie à proximité de la ville de
5 Trnovo, ont été commis par les unités de la VRS ou du MUP; toutes étaient
6 sous le commandement opérationnel du Corps de la Drina ou de l'état-major
7 principal à l'époque des faits. Ainsi, les membres de l'entreprise
8 criminelle commune ont utilisé ces unités pour commettre les crimes de
9 Srebrenica en exécution de l'entreprise criminelle commune.
10 La Chambre va maintenant examiner la responsabilité de l'accusé au regard
11 du volet de l'affaire relatif à Srebrenica. Pour déterminer si l'accusé a
12 largement contribué à l'entreprise criminelle commune relative à
13 Srebrenica, la Chambre a tenu compte des actes et omissions de celui-ci au
14 cours de l'existence de cette entreprise criminelle commune.
15 L'accusé a, en particulier, recommandé que Krstic soit promu en
16 remplacement de Zivanovic en qualité de commandant du Corps de la Drina,
17 recommandation adoptée le 13 juillet 1995; au moins entre le 11 juillet et
18 le 11 octobre 1995, l'accusé a donné plusieurs ordres aux forces de la VRS,
19 y compris le Corps de la Drina, concernant l'opération se déroulant à
20 Srebrenica et aux alentours; et les 11 et 12 juillet 1995, il a donné des
21 ordres à Borovcanin, commandant du MUP, et à ses unités. En outre, en
22 juillet et en août 1995, l'accusé a fourni des informations mensongères au
23 sujet des crimes et n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les
24 crimes, mener des enquêtes en bonne et due forme ou punir pour ces crimes
25 les membres de la VRS et d'autres composantes des forces serbes sous son
26 contrôle effectif.
27 Les auteurs principaux des crimes appartenant à l'entreprise criminelle
28 commune relative à Srebrenica étaient des membres de la VRS ou du MUP.
Page 44931
1 L'accusé a dirigé et commandé les unités de la VRS et du MUP pendant et
2 après l'opération de Srebrenica. Les actes de l'accusé ont joué un rôle si
3 déterminant dans la perpétration des crimes que sans eux les crimes
4 n'auraient pas été commis comme ils l'ont été. Partant, la Chambre a conclu
5 que l'accusé avait largement contribué à la réalisation de l'objectif de
6 l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica en commettant les
7 crimes de génocide, de persécution, d'extermination, d'assassinat, de
8 meurtre et de transfert forcé qualifié d'acte inhumain.
9 Pour déterminer si l'accusé a partagé l'intention de réaliser l'objectif
10 commun de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica, la Chambre
11 a tenu compte de ses déclarations et de son comportement pendant la prise
12 de l'enclave. Elle a notamment tenu compte du rôle qu'il a joué aux
13 réunions à l'hôtel Fontana les 11 et 12 juillet 1995 et de sa présence à
14 une réunion au centre de commandement de Bratunac le 13 juillet 1995 avec
15 des officiers de la VRS et du MUP, au cours de laquelle il a été question
16 de tuer ou de liquider des hommes musulmans près de Konjevic Polje. Elle a
17 également pris en considération les ordres qu'il a donnés de séparer les
18 hommes musulmans de Bosnie des femmes, des enfants et des personnes âgées à
19 Potocari à partir du 12 juillet 1995, ainsi que de sa présence lors du
20 rassemblement de Musulmans de Bosnie à Potocari les 12 et 13 juillet 1995
21 et pendant la séparation des hommes musulmans de Bosnie. Enfin, la Chambre
22 a tenu compte du fait que l'accusé a nié l'existence des crimes commis à
23 Srebrenica et elle a examiné les mesures qu'il avait prises visant à ce que
24 soient fournies des informations mensongères et à empêcher que les médias
25 n'apprennent ce qui se déroulait.
26 En outre, la Chambre a pris en considération la présence de l'accusé au
27 stade de football de Nova Kasaba et à la prairie de Sandici le 13 juillet
28 1995, où étaient détenus plusieurs milliers d'hommes musulmans de Bosnie,
Page 44932
1 ainsi que la fausse assurance qu'il a donnée qu'ils seraient emmenés à
2 Bratunac pour y être échangés.
3 La Chambre a conclu qu'au moins à partir de 1994 et pendant tout le mois de
4 juillet 1995, l'accusé avait fait de multiples déclarations dans lesquelles
5 il exprimait son besoin de se venger sur les Musulmans de Srebrenica,
6 ajoutant qu'ils auraient, je cite, "disparu il y a bien longtemps" si la
7 communauté internationale n'était pas intervenue. Il a également déclaré à
8 plusieurs reprises lors de réunions tenues à l'hôtel Fontana, que les
9 Musulmans de Srebrenica pouvaient, je cite, "vivre ou disparaître" et je
10 cite encore, "survivre ou disparaître".
11 Au vu de ce qui précède, la Chambre a conclu que l'accusé avait l'intention
12 d'éliminer les Musulmans de Srebrenica en tuant les hommes et les garçons
13 et en chassant par la force les femmes, les enfants et quelques hommes
14 âgés, en commettant les crimes de persécution, de meurtre, d'assassinat,
15 d'extermination et de transfert forcé qualifié d'acte inhumain. La Chambre
16 a conclu que la seule déduction raisonnable était que l'accusé avait
17 l'intention de détruire les Musulmans de Srebrenica en tant que partie
18 substantielle du groupe de Musulmans protégés en Bosnie-Herzégovine. En
19 conséquence, la Chambre a conclu que l'accusé avait l'intention de mettre
20 en œuvre l'objectif de l'entreprise criminelle commune relative à
21 Srebrenica en commettant le crime de génocide et qu'il était membre de
22 cette entreprise criminelle commune.
23 S'agissant de l'entreprise criminelle commune relative à la prise d'otages,
24 la Chambre a conclu à l'existence d'une entreprise criminelle commune à
25 partir du 25 mai 1995 environ, date à laquelle ont commencé les frappes
26 aériennes de l'OTAN contre les cibles serbes en Bosnie, jusqu'au 24 juin
27 1995 environ, date à laquelle ont été libérés les derniers membres du
28 personnel de l'ONU. Cette entreprise criminelle commune visait à capturer
Page 44933
1 des membres du personnel de l'ONU en divers endroits de Bosnie-Herzégovine
2 et à les détenir dans des sites militaires stratégiques pour empêcher
3 l'OTAN de lancer de nouvelles frappes aériennes contre les cibles
4 militaires serbes en Bosnie.
5 Les membres de l'entreprise criminelle commune relative à la prise d'otages
6 étaient des membres de l'état-major principal de la VRS, ainsi que les
7 commandants des corps d'armée de la VRS, Radovan Karadzic et Nikola
8 Koljevic.
9 Ces membres ont mis en œuvre l'objectif commun eux-mêmes et ont utilisé le
10 personnel de la VRS, dont des membres de la police militaire, pour exécuter
11 l'objectif commun. La Chambre a considéré que les ordres donnés et
12 l'exécution de ceux-ci, les obligations des membres de l'entreprise
13 criminelle commune de présenter des rapports, ainsi que les déclarations
14 qu'ils ont faites, permettaient d'établir que les membres de l'entreprise
15 criminelle commune partageaient l'intention de réaliser l'objectif criminel
16 commun.
17 La Chambre a en outre conclu que l'accusé avait largement contribué à
18 l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune. A partir du 25 mai
19 1995 environ et pendant toutes les phases de la prise d'otages, l'accusé
20 était étroitement associé aux événements. Il a ordonné à des unités de la
21 VRS de détenir des membres du personnel de la FORPRONU dans des sites
22 constituant des cibles potentielles des frappes aériennes de l'OTAN. Il a
23 également ordonné la libération des membres du personnel de la FORPRONU
24 détenus et a informé à un représentant de la FORPRONU que cette libération
25 dépendait de l'arrêt des frappes aériennes. La Chambre a conclu que la
26 contribution de l'accusé à l'entreprise criminelle commune relative à la
27 prise d'otages, était essentielle à la mise en œuvre de l'objectif de
28 l'entreprise criminelle commune.
Page 44934
1 Se fondant sur les déclarations et le comportement de l'accusé pendant la
2 prise d'otages, la Chambre a conclu qu'il était animé de l'intention de
3 réaliser l'objectif de l'entreprise criminelle commune relative à la prise
4 d'otages, de capturer des membres du personnel de l'ONU et de les détenir
5 dans des sites militaires stratégiques pour empêcher l'OTAN de lancer de
6 nouvelles frappes aériennes. La Chambre a conclu que les déclarations de
7 l'accusé, en particulier s'agissant du sort des membres du personnel de la
8 FORPRONU, revenaient à avoir proféré des menaces pour continuer de détenir
9 ou de tuer des membres du personnel de l'ONU et que ces menaces visaient à
10 faire cesser les frappes aériennes. La Chambre a conclu que l'accusé était
11 un membre de l'entreprise criminelle commune relative à la prise d'otages.
12 Après avoir résumé ses conclusions, la Chambre va maintenant rendre son
13 verdict.
14 Pour les motifs résumés à l'audience de ce jour, ayant considéré tous les
15 faits, éléments de preuve et arguments présentés par les parties, ainsi que
16 le Statut et les Règlements, et sur le fondement des constatations et des
17 conclusions juridiques exposées en détail dans le jugement écrit, la
18 Chambre vous déclare, Ratko Mladic :
19 Non coupable du chef 1, génocide; et
20 Coupable, en tant que membre de plusieurs entreprises criminelles communes
21 des chefs suivants :
22 Chef 2, génocide;
23 Chef 3, persécution, un crime contre l'humanité;
24 Chef 4, extermination, un crime contre l'humanité;
25 Chef 5, assassinat, un crime contre l'humanité;
26 Chef 6, meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre;
27 Chef 7, expulsion, un crime contre l'humanité;
28 Chef 8, actes inhumains ayant pris la forme du transfert forcé, un crime
Page 44935
1 contre l'humanité;
2 Chef 9, terrorisation, une violation des lois ou coutumes de la guerre;
3 Chef 10, attaques illégales contre des civils, une violation des lois ou
4 coutumes de la guerre; et
5 Chef 11, prise d'otages, une violation des lois ou coutumes de la guerre.
6 En déterminant la peine qu'il convient d'imposer, la Chambre a tenu compte
7 de la gravité des crimes dont vous avez été reconnu coupable. Les crimes
8 que vous avez commis figurent parmi les crimes les plus odieux qu'ait connu
9 l'humanité et incluent le génocide et l'extermination, constitutifs de
10 crimes contre l'humanité.
11 Pour ce qui est des facteurs atténuants, la Défense a cité plusieurs
12 circonstances atténuantes, notamment votre traitement favorable de
13 certaines victimes et l'aide que vous leur avez apportée; votre bonne
14 moralité; l'altération de vos capacités mentales; votre état de santé
15 fragile; et votre âge avancé.
16 Par ces motifs exposés dans le jugement, la Chambre considère que la
17 plupart des facteurs cités au titre des circonstances atténuantes par le
18 Défense n'ont que peu de poids, voire aucun poids. Pour avoir commis ces
19 crimes, la Chambre vous condamne, Monsieur Mladic à une peine
20 d'emprisonnement à vie.
21 Le prononcé du jugement est terminé.
22 L'audience est levée.
23 --- L'audience est levée à 12 heures 01.
24
25
26
27
28