Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi, 22 novembre 2017

  2   [Jugement]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 10 heures.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes celles et à tous ceux

  7   qui sont ici dans la salle d'audience et alentour.

  8   Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner le numéro

  9   de l'affaire inscrite au rôle.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 11   les Juges. Ceci est l'affaire IT-09-92-T, le Procureur contre Ratko Mladic.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Greffier.

 13   Maître Ivetic, on m'a fait savoir que vous souhaitiez vous adresser aux

 14   Juges de la Chambre.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   Avec votre permission, Me Lukic et moi-même souhaitons donner des lectures

 17   d'un texte pour le compte rendu d'audience.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre document a été enregistré hier, il

 19   a été distribué à tout le monde. C'est un document que vous avez soumis à

 20   titre public donc tout le monde peut consulter ce que vous avez souhaité

 21   signaler aux Juges de la Chambre. Nous avons déjà étudié la teneur de votre

 22   document et les Juges de la Chambre estiment qu'il est superflu de le lire

 23   en ce moment.

 24   M. IVETIC : [interprétation] Eh bien, pourvu qu'on puisse inscrire dans le

 25   compte rendu d'audience que les Juges de la Chambre ont bien lu le

 26   document.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons lu le document, nous

 28   l'avons bien reçu et c'est un document public.


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  1   M. IVETIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci à vous, Maître Ivetic.

  4   Avant de continuer, puisque cela ne figure pas dans le compte rendu

  5   d'audience, Maître Ivetic, je note que vous êtes bien présent dans la salle

  6   d'audience aux fins du compte rendu d'audience.

  7   Je tiens à signaler aussi qui représente les parties au procès aujourd'hui.

  8   Je vois que l'Accusation est représentée par M. McCloskey, M. Tieger, M.

  9   Weber, M. Hasan, M. Traldi et, bien sûr, ils sont accompagnés de tout le

 10   personnel qui les assiste dans leurs travaux.

 11   Je vois que la Défense est représentée par Me Lukic, par Me Ivetic, par Me

 12   Stojanovic, et je vois que, bien sûr, eux aussi sont accompagnés par le

 13   personnel qui les assiste dans leurs travaux.

 14   La Chambre siège aujourd'hui pour rendre son jugement dans cette affaire.

 15   Elle souligne que pendant cette audience, elle ne présentera qu'un résumé

 16   de ses conclusions. Ce résumé ne fait d'aucune manière partie intégrante du

 17   jugement. Seul fait foi l'exposé des conclusions de la Chambre dans la

 18   version écrite du jugement qui sera mise à disposition à l'issue de

 19   l'audience.

 20   L'accusé, Ratko Mladic, a fait l'objet d'actes d'accusation dressés le 24

 21   juillet et le 16 novembre 1995. Il a été arrêté en Serbie le 26 mai 2011,

 22   presque 16 ans après l'établissement des actes d'accusation initiaux. Son

 23   procès s'est ouvert le 16 mai 2012 et la présentation des moyens de preuve

 24   a duré plus de quatre ans. Le réquisitoire et la plaidoirie ont été

 25   prononcés le 5 et le 15 décembre 2016.

 26    La Chambre a siégé 530 jours, pendant lesquels ont été produits 592

 27   témoignages et quelque 10 000 pièces à conviction. Elle a par ailleurs

 28   dressé le constat judiciaire d'environ 2 000 faits jugés.


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  1   L'accusé devait répondre de 11 chefs d'accusation pour des crimes qui lui

  2   étaient reprochés d'avoir commis en qualité de commandant de l'état-major

  3   principal de l'armée de la République serbe de Bosnie, appelé aussi VRS,

  4   entre le 12 mai 1992 et le 30 novembre 1995. L'acte d'accusation comprenait

  5   deux chefs de génocide et cinq chefs de crimes contre l'humanité, à savoir

  6   les persécutions, l'assassinat, l'extermination, l'expulsion et les actes

  7   inhumains ayant pris la forme de transferts forcés. Il comprenait, en

  8   outre, quatre chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre,

  9   notamment le meurtre, les actes de violence dont le but principal était de

 10   répandre la terreur parmi la population civile, les attaques illégales

 11   dirigées contre des civils et la prise d'otages. Le champ géographique des

 12   crimes retenus dans l'acte d'accusation couvrait notamment Sarajevo,

 13   Srebrenica et 15 municipalités de Bosnie-Herzégovine.

 14   L'Accusation reprochait à l'accusé d'avoir participé à quatre entreprises

 15   criminelles communes, que je vais résumer maintenant.

 16   Premièrement, une entreprise criminelle commune principale qui avait pour

 17   objectif de chasser à jamais les Musulmans et les Croates de Bosnie du

 18   territoire revendiqué par les Serbes en Bosnie-Herzégovine par la

 19   perpétration des crimes énoncés dans l'acte d'accusation, à savoir le

 20   génocide, les persécutions, l'extermination, le meurtre et l'assassinat,

 21   les actes inhumains ayant pris la forme du transfert forcé et l'expulsion.

 22   Deuxièmement, une entreprise criminelle commune relative à Sarajevo qui

 23   avait pour objectif de répandre la terreur parmi la population civile par

 24   une campagne de tirs isolés et de bombardements qui, comme il est exposé

 25   dans l'acte d'accusation, s'était traduite par des meurtres et assassinats,

 26   des actes de violence dont le but principal était de répandre la terreur

 27   parmi la population civile et des attaques illégales dirigées contre des

 28   civils.


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  1   Troisièmement, une entreprise criminelle commune relative à Srebrenica qui

  2   avait pour objectif d'éliminer les Musulmans de Bosnie de Srebrenica par la

  3   perpétration des crimes énoncés dans l'acte d'accusation, à savoir le

  4   génocide, les persécutions, l'extermination, le meurtre et l'assassinat,

  5   les actes inhumains ayant pris la forme du transfert forcé et l'expulsion.

  6   Quatrièmement, une entreprise criminelle commune relative à la prise

  7   d'otages qui avait pour objectif de prendre en otage des soldats de l'ONU

  8   afin d'empêcher l'OTAN de mener des frappes aériennes contre des cibles

  9   militaires serbes en Bosnie en perpétrant le crime de guerre qui est la

 10   prise d'otages.

 11   De plus, l'Accusation reprochait à l'accusé d'avoir planifié, incité à

 12   commettre, ordonné, commis ou aidé et encouragé les crimes exposés dans

 13   l'acte d'accusation. Enfin, elle soutenait qu'il en était aussi

 14   individuellement pénalement responsable en tant que supérieur hiérarchique

 15   en application de l'article 7(3) du Statut.

 16   La Chambre va maintenant brièvement résumer ses conclusions.

 17   La Chambre va présenter d'abord ses constatations et conclusions juridiques

 18   relatives aux faits incriminés sous-tendant chaque volet de l'affaire, et

 19   ensuite ses conclusions concernant la responsabilité de l'accusé.

 20   La Chambre a conclu que pendant toute la période couverte par l'acte

 21   d'accusation, le territoire de la Bosnie-Herzégovine avait été le théâtre

 22   d'un conflit armé, ce qui est une condition d'application de l'article 3 du

 23   Statut.

 24   La Chambre va maintenant se pencher sur le volet de l'affaire relatif aux

 25   municipalités. Elle a conclu que dans plusieurs des municipalités avaient

 26   été commis des assassinats constitutifs de crimes contre l'humanité et des

 27   meurtres constitutifs de violations des lois ou coutumes de la guerre.

 28   La Chambre a conclu que de nombreuses personnes avaient été tuées avant,


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  1   pendant et après l'attaque de villages non-serbes par les forces serbes de

  2   Bosnie. Les circonstances de ces meurtres étaient brutales; ceux qui

  3   essayaient de défendre leurs foyers étaient traités avec une force

  4   impitoyable. Des exécutions en masse ont eu lieu et certaines personnes ont

  5   succombé après avoir été battues. De nombreux auteurs des crimes qui

  6   avaient capturé des Musulmans de Bosnie ne montraient guère, voire pas du

  7   tout de respect pour la vie ou la dignité humaine. Par exemple :

  8   Le 31 mai 1992 ou vers cette date, dans la commune de Sanski Most, des

  9   membres des forces serbes de Bosnie ont rassemblé un groupe d'hommes

 10   musulmans de Bosnie près du pont de Vrhpolje. Pendant qu'ils les y

 11   amenaient, ils en ont tué quatre. Arrivés sur le pont, ils les ont obligés

 12   à sauter dans la rivière, l'un après l'autre, puis ont ouvert le feu sur

 13   eux. Au moins 28 sont morts, tous des hommes, dont un mineur et deux d'un

 14   grand âge. Un homme a survécu.

 15   En juillet 1992, 24 détenus musulmans de Bosnie sont morts d'asphyxie

 16   pendant leur transport entre le centre de détention de Betonirka et le camp

 17   de Manjaca. A Betonirka, les gardiens ont confisqué les bouteilles d'eau et

 18   obligé certains détenus à manger du sel avant le déplacement de neuf

 19   heures. Les camions étaient bâchés et il faisait chaud. Les détenus y

 20   étaient à l'étroit et ils n'ont pas reçu d'eau. Voulant survivre, certains

 21   ont bu leur urine et fait des trous dans la bâche pour avoir de l'air, mais

 22   ont dû arrêter sous la menace des policiers qui les escortaient. Arrivés au

 23   camp de Manjaca, ceux jugés en mauvaise santé ont été forcés de remonter

 24   dans le camion, Bozidar Popovic, le commandant du camp ayant dit, je cite :

 25   "Renvoyez cette merde là d'où elle vient. Je n'ai pas besoin de

 26   macchabées."

 27   La Chambre a conclu que certains de ces meurtres étaient constitutifs

 28   d'extermination, un crime contre l'humanité. Par exemple :


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  1   Le 25 juillet 1992 ou vers cette date, des policiers et des membres de la

  2   VRS ont pointé une mitrailleuse vers l'entrée de la salle 3 du camp de

  3   Keraterm où se trouvaient un grand nombre de détenus. Dans la nuit, une

  4   sorte de gaz chimique a été introduit dans la salle, provoquant la panique

  5   parmi les détenus et poussant certains à essayer de sortir. Des projecteurs

  6   ont été dirigés sur la salle et les soldats et gardiens ont tiré à l'arme

  7   automatique sur les détenus au fur et à mesure qu'ils sortaient, tuant un

  8   grand nombre d'entre eux. Les soldats et gardiens ont ensuite abattu des

  9   détenus dans la salle, notamment ceux qui essayaient de se cacher. Ils en

 10   ont tué entre 190 et 220 cette nuit-là.

 11   La Chambre a conclu que des transferts forcés et expulsions avaient été

 12   commis dans de nombreuses municipalités. En ce qui concerne la situation

 13   qui prévalait à l'époque pertinente, la Chambre a constaté, par exemple,

 14   qu'à partir du 12 mai 1992, les autorités locales de la municipalité de

 15   Kotor Varos avaient imposé à la liberté de mouvement des Musulmans et des

 16   Croates de Bosnie des restrictions qui avaient été appliquées par la VRS.

 17   Des meurtres, des détentions illégales et des actes inhumains ont également

 18   été commis dans la municipalité en juin et juillet 1992. La Chambre a

 19   constaté qu'une partie de la population musulmane et croate de Bosnie, y

 20   compris des femmes et des enfants, avait été chassée de force de la

 21   municipalité de Kotor Varos entre juin et novembre 1992. Elle est parvenue

 22   à la conclusion que des expulsions et des actes inhumains ayant pris la

 23   forme de transferts forcés, un crime contre l'humanité, avaient été commis

 24   dans les municipalités de Banja Luka, Bijeljina, Foca, Ilidza, Kljuc, Kotor

 25   Varos, Novi Grad, Pale, Prijedor, Rogatica, Sanski Most, Sokolac et

 26   Vlasenica.

 27   La Chambre va se pencher à présent sur les persécutions. Elle a constaté,

 28   entre autres, que de nombreuses victimes avaient été détenues illégalement


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  1   et soumises à des traitements cruels et inhumains pour des raisons

  2   politiques, raciales ou religieuses. Par exemple :

  3   Les conditions de détention dans plusieurs camps étaient épouvantables.

  4   L'eau et la nourriture étaient rares, au point que certains détenus ont

  5   gravement souffert de malnutrition et sont décédés. Les installations

  6   sanitaires étaient totalement inadéquates. Souvent, les détenus n'étaient

  7   autorisés à les utiliser qu'une fois par jour et aucune importance n'était

  8   accordée à l'hygiène ou à la prévention de la propagation des maladies. Les

  9   détenus étaient périodiquement battus, parfois avec des coups de poing

 10   américains en laiton et des barres de fer. Les soins médicaux étaient

 11   également insuffisants.

 12   Des détenus ont été forcés à se violer mutuellement et à se livrer à

 13   d'autres actes sexuels dégradants. De nombreuses femmes musulmanes de

 14   Bosnie détenues illégalement ont été violées. Par exemple :

 15   Dans une maison de la municipalité de Foca, appelée la maison de

 16   Karaman, plusieurs groupes de femmes et de filles âgées d'une douzaine

 17   d'années pour les plus jeunes étaient violées régulièrement et brutalement.

 18   Certaines des victimes étaient attribuées à un soldat. D'autres étaient

 19   contraintes à des rapports sexuels avec de nombreux hommes. Une victime a

 20   déclaré qu'un soldat l'avait amené à une fête où l'accusé était venu les

 21   voir et avait demandé d'abord aux soldats si elle était sa, je cite, "femme

 22   d'Herzégovine" et ensuite, à elle, pour lui demander si elle n'allait, je

 23   cite, "pas bien mieux que chez Alija".

 24   La Chambre va maintenant examiner le chef 1, génocide dans six des

 25   municipalités. Le génocide englobe la perpétration d'actes prohibés dans

 26   l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe protégé comme tel.

 27   Ces actes prohibés peuvent comprendre le meurtre ou des atteintes graves à

 28   l'intégrité physique ou mentale. En l'espèce, des groupes protégés étaient


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  1   les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie. La Chambre a conclu qu'un

  2   grand nombre de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie dans certaines

  3   de ces municipalités ont été victimes de meurtres et/ou d'atteintes graves

  4   à l'intégrité physique ou mentale.

  5   La Chambre a ensuite examiné l'intention spécifique des auteurs

  6   matériels. Elle a conclu à la majorité, moi-même, Juge Orie, étant en

  7   désaccord, que les auteurs matériels des crimes commis à Sanski Most,

  8   Vlasenica et Foca et que certains auteurs des crimes commis dans les

  9   municipalités de Kotor Varos et Prijedor avaient l'intention de détruire

 10   les Musulmans de Bosnie de ces municipalités en tant que partie du groupe

 11   protégé. Elle a ensuite examiné si la partie visée constituait une partie

 12   substantielle du groupe protégé et a conclu que les Musulmans de Bosnie

 13   visés dans chaque municipalité formaient une partie relativement petite du

 14   groupe protégé et n'en représentaient pas autrement une partie

 15   substantielle. En conséquence, la Chambre n'était pas convaincue que la

 16   seule déduction raisonnable était que les auteurs matériels étaient animés

 17   de l'intention requise pour détruire une partie substantielle du groupe

 18   protégé des Musulmans de Bosnie.

 19   La Chambre va maintenant examiner le volet de l'affaire relatif à

 20   Sarajevo. De la mi-mai 1992 jusqu'en novembre 1995, la VRS, en particulier

 21   le Corps de Sarajevo-Romanija, appelé aussi le SRK, a délibérément pris la

 22   population civile de Sarajevo pour cible de bombardements et de tirs

 23   isolés, souvent dans des lieux qui n'avaient que peu de valeur militaire,

 24   voire aucune. Des centaines de civils ont ainsi été tués et des milliers

 25   ont été blessés. Un grand nombre de personnes ont été touchées alors

 26   qu'elles menaient leurs activités quotidiennes, notamment pendant qu'elles

 27   se promenaient avec leurs enfants, qu'elles allaient chercher de l'eau,

 28   qu'elles ramassaient du bois ou qu'elles se trouvaient au marché. Voici


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  1   quelques exemples :

  2   Le 18 novembre 1994, un membre du SRK a tiré sur une femme musulmane

  3   de Bosnie qui marchait dans la rue avec ses enfants. La balle lui a

  4   traversé l'abdomen et a touché son fils de sept ans à la tête, le blessant

  5   mortellement.

  6   Le 5 février 1994, des membres du Corps de Sarajevo-Romanija ont

  7   bombardé le marché de Markale, faisant 68 morts et 140 blessés.

  8   Pratiquement toutes les victimes étaient des civils, y compris des femmes,

  9   des enfants et des personnes âgées.

 10   En 1994 et 1995, le Corps de Sarajevo-Romanija a attaqué Sarajevo

 11   avec des bombes aériennes modifiées, qui sont des armes très imprécises

 12   ayant un effet dévastateur à l'impact. En conséquence, la Chambre a conclu

 13   que l'utilisation de bombes aériennes modifiées constituait des actes

 14   indiscriminés dirigés contre des civils et la population civile dans son

 15   ensemble.

 16   Après avoir examiné la nature, les modalités, le moment, le lieu et

 17   la durée de cette campagne de tirs isolés et de bombardements, la Chambre a

 18   conclu que les auteurs, tous des membres du Corps de Sarajevo-Romanija,

 19   avaient l'intention de prendre pour cible des civils et de bombarder la

 20   ville de manière indiscriminée. Les habitants de Sarajevo ont vécu de

 21   grandes souffrances, ayant souvent connu la pénurie de produits de première

 22   nécessité, tels que la nourriture, l'eau, le gaz et l'électricité. Ils

 23   vivaient dans un état de détresse constante. Chaque fois qu'ils ou leurs

 24   proches quittaient leur foyer, ils se demandaient s'ils allaient être la

 25   cible de tirs isolés ou de tirs d'artillerie. Ayant tenu compte de tous ces

 26   éléments, la Chambre a conclu que les membres du SRK avaient l'intention de

 27   répandre la terreur parmi la population de Sarajevo et que la terrorisation

 28   était le but principal des tirs isolés et des bombardements. Elle a conclu


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  1   que les membres du SRK avaient commis les crimes qui sont le meurtre, les

  2   attaques illégales contre des civils et la terrorisation, des violations

  3   des lois ou coutumes de la guerre, ainsi que des assassinats, un crime

  4   contre l'humanité.

  5   La Chambre va maintenant examiner le volet de l'affaire relatif à

  6   Srebrenica. Le 8 mars 1995, Radovan Karadzic a pris la directive numéro 7

  7   et ordonné au Corps de la Drina de, je cite, "créer une situation invivable

  8   d'insécurité totale, ne laissant aucun espoir de survie ou de vie future

  9   aux habitants de Srebrenica". Le 31 mars 1995, Ratko Mladic a signé la

 10   directive numéro 7/1, qui traduisait la directive numéro 7 en missions

 11   militaires opérationnelles et prévoyait une opération stratégique contre

 12   l'enclave. Environ de 15 à 20 jours avant la prise de contrôle de la ville

 13   de Srebrenica, la VRS a élaboré un plan, appelé Krivaja-95, visant à

 14   attaquer l'enclave et ayant pour objectif de la faire disparaître, de la

 15   vider et de faire de cette zone un territoire serbe en chassant par la

 16   force la population musulmane de Bosnie.

 17   La VRS a lancé l'attaque le 6 juillet, et le 11 juillet, elle était

 18   entrée dans la ville de Srebrenica. Pendant l'attaque, la VRS s'est

 19   également mise à incendier les maisons et les mosquées des Musulmans de

 20   Bosnie. Des milliers de Musulmans de Bosnie, principalement des femmes, des

 21   enfants et des personnes âgées se sont réfugiés à Potocari, à la base

 22   utilisée par la Force de protection des Nations Unies, la FORPRONU. La

 23   grande majorité des hommes musulmans valides ont fui l'enclave à pied pour

 24   tenter de gagner Tuzla.

 25   Le 12 juillet 1995, de 25 000 à 30 000 civils musulmans de Bosnie

 26   s'étaient rassemblés à Potocari, dont 5 % étaient des hommes valides. Les

 27   conditions à l'intérieur et aux alentours de la base de la FORPRONU étaient

 28   déplorables : la quantité d'eau et de nourriture était insuffisante et les


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  1   fournitures médicales manquaient. Les gens étaient épuisés et effrayés. Les

  2   forces serbes créaient un climat de terreur en bombardant les alentours de

  3   la base et en enlevant des personnes, dont certaines ne sont jamais

  4   revenues.

  5   Les 11 et 12 juillet 1995, trois réunions ont eu lieu à l'hôtel

  6   Fontana à Bratunac, auxquelles ont participé des membres de la VRS, des

  7   officiers du Bataillon néerlandais de la FORPRONU et des personnes ayant

  8   été désignées pour représenter les Musulmans de Bosnie afin de discuter de

  9   ce qui avait été décrit comme l'évacuation de la population civile de

 10   Potocari. Le contrôle par la VRS des hommes âgés entre 16 et 60 ans pour

 11   crimes de guerre a aussi fait l'objet des discussions. Le 17 juillet 1995,

 12   un document a été signé dans lequel on peut lire que les civils devaient

 13   être, je cite, "évacués" vers la municipalité de Kladanj par la VRS et les

 14   forces de police de la République serbe de Bosnie, sous l'escorte et la

 15   supervision de la FORPRONU.

 16   Du 12 au 14 juillet 1995, la VRS et le ministère de l'Intérieur, appelé

 17   aussi le MUP, ont organisé le transport d'environ 25 000 Musulmans de

 18   Bosnie, dont la plupart étaient des femmes, des enfants et des personnes

 19   âgées, hors de l'enclave de Srebrenica vers un territoire sous le contrôle

 20   de l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans des convois d'autocars et de

 21   camions. Les soldats serbes de Bosnie ont systématiquement séparé du groupe

 22   les hommes musulmans de Bosnie en âge de porter les armes qui tentaient de

 23   monter à bord. Certains des hommes ayant été séparés étaient âgés de 12 ans

 24   seulement et d'autres de plus de 60 ans. Les séparations étaient souvent

 25   brutales, on disait aux personnes transférées que les hommes les

 26   rejoindraient plus tard. Ils ne les ont jamais rejoints.

 27   Les hommes musulmans de Bosnie arrêtés à Potocari ont été détenus

 28   dans des centres de détention temporaires avant d'être emmenés en autocars,


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  1   avec d'autres capturés, alors qu'ils se trouvaient dans la colonne d'hommes

  2   fuyant à pied, vers divers lieux d'exécution dans les municipalités de

  3   Srebrenica, Bratunac et Zvornik. La Chambre a conclu que bon nombre de ces

  4   hommes et garçons ont été injuriés, insultés, menacés, forcés à chanter des

  5   chants serbes et battus dans l'attente de leur exécution. Les forces serbes

  6   de Bosnie, principalement des membres de la VRS, ont systématiquement tué

  7   plusieurs milliers d'hommes et de garçons musulmans de Bosnie, dont la

  8   grande majorité sur une période de quelques jours seulement, du 12 au 17

  9   juillet 1995.

 10   La Chambre présentera maintenant quelques exemples précis.

 11   Les 13 et 14 juillet 1995, environ 1 000 hommes musulmans de Bosnie

 12   non armés, y compris des garçons et des personnes âgées, ont été exécutés

 13   dans l'entrepôt de Kravica. Le 16 juillet 1995, de 1 000 à 1 200 civils

 14   musulmans de Bosnie ont été sommairement exécutés à la ferme militaire de

 15   Branjevo. Avant l'exécution, certains d'entre eux avaient les mains

 16   attachées et les yeux bandés et on les avait forcés à prier, je cite, "à la

 17   musulmane". Le même jour, environ 500 hommes musulmans de Bosnie et deux

 18   femmes ont été exécutés dans le centre culturel de Pilica.

 19   Pendant plusieurs semaines au mois de septembre et au début d'octobre

 20   1995, de hauts responsables de la VRS et du MUP ont tenté de dissimuler

 21   leurs crimes en exhumant les corps de leurs victimes de plusieurs fosses

 22   communes, puis en les réensevelissant dans des endroits plus reculés dans

 23   les municipalités de Zvornik et Bratunac. Leur tentative de dissimulation

 24   des massacres de Srebrenica a finalement échoué.

 25   La Chambre a conclu que les forces serbes de Bosnie ont pris part à

 26   une opération visant à tuer des milliers de Musulmans de Bosnie et de

 27   Srebrenica, agissant avec une intention discriminatoire, ce qui constitue

 28   le crime de persécution. Il a été jugé que certains de ces meurtres


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  1   constituaient une extermination. La Chambre a également conclu que

  2   plusieurs faits reprochés constituaient le transfert forcé qualifié d'acte

  3   inhumain.

  4   La Chambre va à présent examiner l'allégation de génocide à Srebrenica,

  5   dont il est fait état au chef 2 de l'acte d'accusation. Elle a conclu que

  6   les actes prohibés, comme annoncés dans la définition juridique du

  7   génocide, que sont les meurtres et les atteintes graves à l'intégrité

  8   physique ou mentale, ont été commis par les auteurs matériels contre les

  9   Musulmans de Bosnie de Srebrenica.

 10   La Chambre a ensuite examiné l'intention spécifique des auteurs matériels.

 11   Comme il est expliqué en détail dans le jugement, la Chambre a conclu que

 12   les auteurs matériels étaient animés de l'intention de détruire les

 13   Musulmans de Bosnie de Srebrenica, qui formaient une partie substantielle

 14   du groupe protégé. Elle a donc conclu que les crimes que sont le génocide,

 15   la persécution, l'extermination, le meurtre et le transfert forcé qualifié

 16   d'acte inhumain ont été commis contre les Musulmans de Bosnie à Srebrenica

 17   et dans les alentours.

 18   La Chambre va maintenant examiner le volet de l'affaire relatif aux otages.

 19   Entre le 25 mai et le 24 juin 1995, des soldats et des officiers de la VRS,

 20   y compris des membres de la police militaire et des policiers serbes de

 21   Bosnie, ont arrêté et détenu de 260 à 400 observateurs militaires des

 22   Nations Unies, et des membres de la FORPRONU, en Bosnie-Herzégovine. Les

 23   observateurs militaires des Nations Unies arrêtés par les policiers ont été

 24   placés sous la garde de la VRS. Certains ont été attachés avec des chaînes

 25   ou des menottes, parfois sous la menace d'une arme, devant des lieux

 26   présentant un intérêt militaire stratégique et d'autres se sont fait dire

 27   qu'ils seraient tués si l'OTAN poursuivait ses frappes aériennes. Des

 28   membres du personnel de l'ONU ont été filmés. Des menaces ont également été


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  1   adressées directement à de hauts fonctionnaires de l'ONU. Les membres du

  2   personnel de l'ONU ont été détenus, entre autres, pour faire pression sur

  3   l'OTAN afin qu'elle renonce aux frappes aériennes. Entre le 2 et le 24 juin

  4   1995, la VRS, et en particulier l'accusé, ont ordonné la libération des

  5   membres du personnel de l'ONU sur ordre de Radovan Karadzic.

  6   Les auteurs de ces actes savaient que les observateurs militaires des

  7   Nations Unies et le personnel de la FORPRONU ne participaient pas

  8   directement aux hostilités lorsqu'ils les ont capturés et placés en

  9   détention et qu'ils avaient droit à la protection de l'article 3 commun aux

 10   conventions de Genève. La Chambre a conclu que ces actes constituaient le

 11   crime de prise d'otages, une violation des lois ou coutumes de la guerre,

 12   sanctionnées par l'article 3 du Statut.

 13   La Chambre va à présent examiner la responsabilité de l'accusé au regard de

 14   chaque entreprise criminelle commune alléguée.

 15   La Chambre a conclu que l'accusé avait occupé divers postes au sein de

 16   l'armée populaire yougoslave et que dès le 12 mai 1992, il était le

 17   commandant de l'état-major principal de l'armée de la République serbe de

 18   Bosnie, la VRS. Il a exercé cette fonction jusqu'au 8 novembre 1996 au

 19   moins.

 20   S'agissant de l'entreprise criminelle commune principale, la Chambre a

 21   conclu à l'existence d'une entreprise criminelle commune entre 1991 et le

 22   30 novembre 1995, ayant pour objectif de chasser à jamais les Musulmans et

 23   les Croates des territoires revendiqués par les Serbes en Bosnie-

 24   Herzégovine aux moyens de persécution, d'extermination, d'assassinat, de

 25   meurtre, de transfert forcé en tant qu'acte inhumain et d'expulsion. Après

 26   avoir apprécié, entre autres, les déclarations, les discours et le

 27   comportement de l'accusé et des dirigeants serbes de Bosnie, ainsi que les

 28   actes commis par les auteurs matériels des crimes, la Chambre a conclu que


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  1   les éléments de preuve ne permettaient pas de conclure que le crime de

  2   génocide s'inscrivait dans l'objectif de l'entreprise criminelle commune

  3   principale.

  4   Les membres de l'entreprise criminelle commune principale incluaient

  5   Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik, Biljana Plavsic, Nikola Koljevic,

  6   Bogdan Subotic, Momcilo Mandic et Mico Stanisic.

  7   Bon nombre des crimes reprochés ont été commis par des unités utilisées

  8   comme instruments dans la réalisation de l'entreprise criminelle commune

  9   principale. Ces unités comprenaient des membres de la VRS, du MUP et de la

 10   Défense territoriale sous la supervision du ministère de la Défense serbe

 11   de Bosnie; divers groupes paramilitaires; et des membres des autorités

 12   municipales et régionales.

 13   La Chambre va maintenant examiner la responsabilité de l'accusé s'agissant

 14   des crimes dont il a été conclu qu'ils avaient été commis dans le cadre du

 15   volet de l'affaire relatif aux municipalités. Pour déterminer la

 16   contribution de l'accusé, la Chambre a tenu compte des actes commis par

 17   celui-ci au cours de l'existence de l'entreprise criminelle commune

 18   principale, en particulier ses actes vis-à-vis de la VRS, étant donné que

 19   bon nombre des auteurs principaux des crimes appartenaient à la VRS. Entre

 20   mai 1992 et 1995, l'accusé a donné des ordres permettant d'établir et

 21   d'organiser la VRS et ses organes. Il a, en outre, étroitement participé

 22   aux opérations de la VRS, comme l'ont montré les séances d'information, les

 23   réunions --

 24   Oui, Maître Ivetic.

 25   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'accusé m'a demandé

 26   s'il peut aller aux toilettes.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais d'abord, je vais finir la

 28   phrase que j'ai commencé, après quoi nous allons faire une pause de cinq


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  1   minutes.

  2   Je pense que j'ai commencé ma phrase où il est dit : Il a, en outre,

  3   étroitement participé aux opérations de la VRS, comme l'ont montré les

  4   séances d'information, les réunions et les inspections fréquentes; et il a

  5   édicté des ordres et des directives opérationnelles à l'intention des

  6   unités de la VRS et d'autres groupes.

  7   Nous allons faire une brève pause et nous allons reprendre à 10 heures 45.

  8   --- La pause est prise à 10 heures 41.

  9   --- La pause est terminée à 11 heures 26.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, je vois que vous êtes

 11   debout. Avant de vous donner l'occasion de dire quoi que ce soit,

 12   j'aimerais d'abord expliquer que la pause a duré un peu plus longtemps que

 13   prévu puisque le médecin nous a conseillé de procéder ainsi, et je pense

 14   que cela va être consigné.

 15   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais dire aux

 16   fins du compte rendu que l'information que vous avez obtenue est la

 17   suivante. M. Mladic s'est vu prendre sa pression artérielle pendant la

 18   pause. La première fois, c'était 175 par 96; la deuxième fois, l'infirmière

 19   a obtenu le résultat de cette prise de la pression artérielle qui était 180

 20   par 80; et après une période de 15 minutes, c'était 180 par 80.

 21   Donc, d'après l'Association pour les maladies cardiovasculaires, il s'agit

 22   d'une hypertension, et dans de telles circonstances, nous demandons que la

 23   lecture du résumé du jugement soit arrêtée puisqu'il y a un risque pour que

 24   M. Mladic souffre d'une situation menaçante pour sa vie, pour ce qui est de

 25   sa pression artérielle. Vous pouvez regarder sur Internet, il s'agit d'une

 26   situation où cette crise liée à la pression artérielle élevée est grave,

 27   d'après l'Association des cardiologues de la Grande-Bretagne et des Etats-

 28   Unis.


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  1   Merci, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne s'appuie pas sur Internet,

  3   mais plutôt sur le conseil du médecin.

  4   Et selon l'information du médecin, cette pression artérielle était 170, et

  5   non pas 180.

  6   M. IVETIC : [interprétation] C'était dans la pièce où --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'allons pas discuter longtemps là-

  8   dessus.

  9   M. IVETIC : [interprétation] Très bien.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, la deuxième demande que vous avez

 11   présentée était de livrer le jugement sans continuer la lecture du résumé.

 12   Je vais discuter là-dessus avec mes collègues pour voir si on va prendre

 13   cette décision immédiatement dans le prétoire, ou si nous allons faire une

 14   autre pause pour en discuter.

 15   M. IVETIC : [interprétation] J'ai compris cela, Monsieur le Président.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, la Chambre a décidé de

 18   continuer la lecture du résumé du jugement comme c'était notre intention

 19   depuis le départ. Le conseil du médecin qu'on a reçu disait que la

 20   situation ne nécessitait pas l'interruption de cette lecture pour des

 21   raisons médicales.

 22   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense demande

 23   alors que cela soit consigné par écrit et signé.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, j'ai dit quelle était

 25   notre décision. Je vais continuer la lecture du résumé du jugement.

 26   M. Mladic, s'il veut consulter ses conseils, il peut le faire, mais sans

 27   que personne ne puisse entendre sa voix. Asseyez-vous, Monsieur Mladic,

 28   s'il vous plaît.


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  1   L'ACCUSÉ : [hors micro]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mladic, si vous continuez à

  3   vous comporter ainsi, nous allons lever l'audience. Donc, nous levons

  4   l'audience et M. Mladic va sortir du prétoire. On va le faire sortir du

  5   prétoire.

  6   Monsieur Mladic, l'audience est levée. Les stores doivent être baissés. M.

  7   Mladic doit sortir du prétoire. On va le faire sortir du prétoire.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 10   [L'accusé se retire]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons continuer.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous allons continuer.

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il s'agissait d'une interruption

 16   brève. On a fait sortir M. Mladic du prétoire, il a été emmené dans une

 17   pièce où il y a un canapé où il peut s'asseoir et de cette pièce, il peut

 18   suivre l'audience à l'écran.

 19   Maître Ivetic, vous avez la parole.

 20   M. IVETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons que sa

 21   tension artérielle soit mesurée encore une fois --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, M. Mladic n'est plus dans

 23   le prétoire. Le Greffe va s'occuper de cela et va s'occuper de l'assistance

 24   médicale. J'ai compris que le médecin et l'infirmière sont ici pour

 25   l'aider.

 26   M. IVETIC : [interprétation] Alors, je dois déclarer aux fins du compte

 27   rendu que j'ai parlé avec le médecin qui est donc dans cette pièce et il

 28   m'a assuré que sa tension artérielle est normale. Et je lui ai demandé de


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  1   me dire comment il est arrivé à cette conclusion --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Ivetic, ce n'est pas le moment

  3   pour discuter de ce sujet. C'est le Greffe qui s'occupe de tout ce qui est

  4   lié à l'état de santé de M. Mladic. La Chambre a reçu les informations

  5   concernant cela et nous allons maintenant continuer la lecture du résumé du

  6   jugement maintenant.

  7   Bon, Maître Lukic, vous êtes conseil principal dans cette affaire. Est-ce

  8   que vous voulez prendre la parole ?

  9   M. LUKIC : [interprétation] Vous voulez que je dise quoi que ce soit --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je vous rappelle tout simplement

 11   votre fonction ici.

 12   Je vais continuer la lecture du résumé du jugement. M. Mladic a

 13   l'occasion, donc la possibilité de suivre l'audience à l'écran.

 14   L'accusé a dirigé et commandé les unités de la VRS et a donné à

 15   certaines d'entre elles l'instruction de coopérer avec le MUP. Il a été en

 16   contact direct avec des dirigeants en Serbie et des membres de l'état-major

 17   général de l'armée de la République fédérale de Yougoslavie afin de

 18   garantir que la VRS avait tout ce dont elle avait besoin sur le plan

 19   militaire. L'accusé a également pris la parole à l'occasion de plusieurs

 20   sessions de l'assemblée des Serbes de Bosnie sur des questions intéressant

 21   l'élaboration de stratégies par les dirigeants politiques des Serbes de

 22   Bosnie et a souvent suggéré aux hommes politiques serbes de Bosnie la

 23   position qu'ils devaient prendre au cours des négociations de paix afin

 24   d'atteindre les objectifs stratégiques initialement définis.

 25   L'accusé a, en outre, imposé des restrictions drastiques à la

 26   livraison de l'aide humanitaire destinée à la population civile à compter

 27   du 10 avril 1994, en ordonnant à toutes les unités de la VRS de bloquer

 28   sur-le-champ toutes les activités de la FORPRONU et des organisations


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  1   humanitaires sur le territoire de la République serbe de Bosnie.

  2   Entre septembre 1992 et mars 1995 à tout le moins, l'accusé a mis en

  3   place et maintenu un système centralisé et contrôlé de propagande liée aux

  4   Croates de Bosnie et aux Musulmans de Bosnie. Il a, en outre, délibérément

  5   fait des déclarations mensongères aux médias et à la communauté

  6   internationale au sujet des crimes commis.

  7   Les actes de l'accusé ont joué un rôle si déterminant dans la

  8   perpétration des crimes que sans eux, les crimes n'auraient pas été commis

  9   comme ils l'ont été. Partant, la Chambre a conclu que par ses actes,

 10   l'accusé avait largement contribué à la réalisation de l'objectif visant à

 11   chasser à jamais les Musulmans et les Croates du territoire revendiqué par

 12   les Serbes en Bosnie-Herzégovine en commentant les crimes de persécution,

 13   d'extermination, d'assassinat, de meurtre, d'expulsion et de transfert

 14   forcé qualifié d'acte inhumain.

 15   La Chambre a tenu compte de l'importante contribution de l'accusé à

 16   l'objectif de l'entreprise criminelle commune principale ainsi que de ses

 17   déclarations, notamment l'emploi répété de termes péjoratifs envers les

 18   Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie et de son engagement manifeste

 19   en faveur d'une république des Serbes de Bosnie ethniquement homogène, même

 20   dans les territoires qui comprenaient précédemment une large proportion de

 21   non-Serbes. Elle a conclu que l'accusé savait que les crimes d'expulsion,

 22   de transfert forcé qualifié d'acte inhumain, d'assassinat, de meurtre,

 23   d'extermination et de persécution seraient commis contre les Musulmans de

 24   Bosnie et les Croates de Bosnie et qu'il était animé de l'intention de

 25   commettre ces crimes. La Chambre a conclu que l'accusé partageait

 26   l'intention de réaliser l'objectif commun de l'entreprise criminelle

 27   commune principale, et ce, dès le 12 mai 1992. Par conséquent, il était

 28   membre de l'entreprise criminelle commune principale à partir du 12 mai


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  1   1992.

  2   La Chambre va à présent examiner l'entreprise criminelle commune

  3   relative à Sarajevo. La Chambre a conclu à l'existence d'une entreprise

  4   criminelle commune entre le 12 mai 1992 et novembre 1995, dont l'objectif

  5   principal était de répandre la terreur parmi la population civile au moyen

  6   d'une campagne de bombardements et de tirs isolés. La réalisation de cet

  7   objectif comprenait la perpétration des crimes de terrorisation, d'attaques

  8   illicites contre des civils et de meurtres.

  9   Les membres de l'entreprise criminelle commune relative à Sarajevo

 10   étaient des dirigeants militaires et politiques serbes de Bosnie et

 11   incluaient Radovan Karadzic, Stanislav Galic, Dragomir Milosevic, Momcilo

 12   Krajisnik, Biljana Plavsic et Nikola Koljevic.

 13   Les crimes reprochés ont tous été commis par les unités du Corps de

 14   Sarajevo-Romanija.

 15   La Chambre va maintenant examiner la responsabilité de l'accusé

 16   s'agissant des crimes dont il a été conclu qu'ils avaient été commis dans

 17   le cadre du volet de l'affaire relatif à Sarajevo. Pour déterminer si

 18   l'accusé a largement contribué à l'entreprise criminelle commune relative à

 19   Sarajevo, la Chambre a tenu compte des actes et des omissions de l'accusé

 20   au cours de l'existence de cette entreprise criminelle commune. La Chambre

 21   a conclu que l'accusé avait participé à la création du Corps de Sarajevo-

 22   Romanija et avait pris des décisions intéressant son personnel, qu'il avait

 23   commandé des unités du Corps de Sarajevo-Romanija de 1992 à 1995 dans le

 24   cadre de diverses opérations, qu'il avait obtenu l'assistance militaire de

 25   l'armée de la République fédérale de Yougoslavie pendant le siège, qu'il

 26   avait ordonné la production et l'utilisation de bombes aériennes modifiées

 27   sur Sarajevo et qu'il avait pris part à des discussions stratégiques en

 28   1992 et 1995 avec des membres des organes politiques des Serbes de Bosnie.


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  1   En outre, l'accusé a participé à la diffusion de la propagande anti-

  2   musulmane et anti-croate et a fourni à des représentants de la communauté

  3   internationale des informations mensongères au sujet de crimes. L'accusé a

  4   également régulièrement imposé des restrictions à l'aide humanitaire

  5   destinée à Sarajevo et n'a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher

  6   les crimes ou n'a pas enquêté comme il se doit sur les crimes, ni n'en a

  7   puni les auteurs qui étaient tous sous son contrôle effectif. Les actes de

  8   l'accusé ont été déterminants dans la perpétration des crimes à Sarajevo.

  9   Par ses actes, il a largement contribué à la réalisation de l'objectif de

 10   l'entreprise criminelle commune relative à Sarajevo en commentant les

 11   crimes de terrorisation, d'attaques illicites contre les civils et de

 12   meurtres.

 13   Pour déterminer si l'accusé partageait l'intention de réaliser

 14   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune, la Chambre a tenu

 15   compte de ses déclarations et de son comportement tout au long de la

 16   période visée par l'acte d'accusation. En particulier, la Chambre a

 17   considéré que l'accusé avait personnellement ordonné le bombardement de

 18   Sarajevo qui a eu lieu le 28 mai 1992, qu'il avait participé au choix des

 19   cibles et ordonné de tirer loin des zones peuplées de Serbes, et qu'il

 20   avait commandé le Corps de Sarajevo-Romanija et formulé et pris des

 21   directives. De plus, au printemps 1995, l'accusé a proposé que Sarajevo

 22   soit bombardée au mépris affiché de la sécurité des civils; et le 6

 23   septembre 1995, il a ordonné au commandement du Corps de Sarajevo-Romanija

 24   de couper l'accès aux services collectifs à Sarajevo, forçant la population

 25   à sortir et à être exposée aux tirs isolés et aux bombardements.

 26   La Chambre a conclu que l'accusé avait l'intention de concevoir et de

 27   mettre en œuvre une campagne de tirs isolés et de bombardements contre la

 28   population civile de Sarajevo. En outre, la Chambre a conclu que l'accusé


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  1   avait l'intention par cette campagne de répandre la terreur parmi la

  2   population civile de Sarajevo et de commettre les crimes de terrorisation,

  3   d'attaques illicites contre des civils et de meurtres. La Chambre a conclu

  4   que l'accusé était animé de cette intention pendant toute la période visée

  5   par l'acte d'accusation. De ce fait, il était membre de l'entreprise

  6   criminelle commune relative à Sarajevo.

  7   S'agissant de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica, la

  8   Chambre a conclu à l'existence d'une entreprise criminelle commune dont

  9   l'objectif principal était d'éliminer les Musulmans de Srebrenica en tuant

 10   les hommes et les garçons et en chassant par la force les femmes, les

 11   enfants et quelques hommes âgés. Les jours qui ont immédiatement précédé le

 12   11 juillet 1995, l'objectif de l'entreprise criminelle commune a été

 13   réalisé au moyen de la perpétration des crimes de persécution et de

 14   transferts forcés, qualifiés d'actes inhumains, qui ont eu lieu après que

 15   la VRS a attaqué l'enclave dans le but d'en chasser sa population. Au petit

 16   matin du 12 juillet 1995, les crimes de génocide, d'extermination et de

 17   meurtre sont également devenus un moyen de réaliser l'objectif, avant même

 18   que le premier crime soit commis. A cet égard, Momir Nikolic, Svetozar

 19   Kosoric et Vujadin Popovic ont discuté des meurtres et des éventuels lieux

 20   d'exécution le 12 juillet 1995 au matin et Zdravko Tolimir a d'abord

 21   ordonné la préparation du camp de Batkovic pour y accueillir un grand

 22   nombre de détenus. Il a ensuite fait savoir que ce plan avait été

 23   abandonné. L'entreprise criminelle commune a existé jusqu'à octobre 1995 au

 24   moins, lorsque les réensevelissements ont eu lieu dans les municipalités de

 25   Zvornik et de Bratunac.

 26   Les membres de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica

 27   comprenaient Radovan Karadzic, Radislav Krstic, Vujadin Popovic, Zdravko

 28   Tolimir, Ljubomir Borovcanin, Svetozar Kosoric, Radivoje Miletic, Radoslav


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  1   Jankovic, Ljubisa Beara, Milenko Zivanovic, Vinko Pandurevic et Vidoje

  2   Blagojevic.

  3   Les crimes reprochés, à l'exception des mauvais traitements et du meurtre

  4   de six hommes et garçons musulmans de Bosnie à proximité de la ville de

  5   Trnovo, ont été commis par les unités de la VRS ou du MUP; toutes étaient

  6   sous le commandement opérationnel du Corps de la Drina ou de l'état-major

  7   principal à l'époque des faits. Ainsi, les membres de l'entreprise

  8   criminelle commune ont utilisé ces unités pour commettre les crimes de

  9   Srebrenica en exécution de l'entreprise criminelle commune.

 10   La Chambre va maintenant examiner la responsabilité de l'accusé au regard

 11   du volet de l'affaire relatif à Srebrenica. Pour déterminer si l'accusé a

 12   largement contribué à l'entreprise criminelle commune relative à

 13   Srebrenica, la Chambre a tenu compte des actes et omissions de celui-ci au

 14   cours de l'existence de cette entreprise criminelle commune.

 15   L'accusé a, en particulier, recommandé que Krstic soit promu en

 16   remplacement de Zivanovic en qualité de commandant du Corps de la Drina,

 17   recommandation adoptée le 13 juillet 1995; au moins entre le 11 juillet et

 18   le 11 octobre 1995, l'accusé a donné plusieurs ordres aux forces de la VRS,

 19   y compris le Corps de la Drina, concernant l'opération se déroulant à

 20   Srebrenica et aux alentours; et les 11 et 12 juillet 1995, il a donné des

 21   ordres à Borovcanin, commandant du MUP, et à ses unités. En outre, en

 22   juillet et en août 1995, l'accusé a fourni des informations mensongères au

 23   sujet des crimes et n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les

 24   crimes, mener des enquêtes en bonne et due forme ou punir pour ces crimes

 25   les membres de la VRS et d'autres composantes des forces serbes sous son

 26   contrôle effectif.

 27   Les auteurs principaux des crimes appartenant à l'entreprise criminelle

 28   commune relative à Srebrenica étaient des membres de la VRS ou du MUP.


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  1   L'accusé a dirigé et commandé les unités de la VRS et du MUP pendant et

  2   après l'opération de Srebrenica. Les actes de l'accusé ont joué un rôle si

  3   déterminant dans la perpétration des crimes que sans eux les crimes

  4   n'auraient pas été commis comme ils l'ont été. Partant, la Chambre a conclu

  5   que l'accusé avait largement contribué à la réalisation de l'objectif de

  6   l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica en commettant les

  7   crimes de génocide, de persécution, d'extermination, d'assassinat, de

  8   meurtre et de transfert forcé qualifié d'acte inhumain.

  9   Pour déterminer si l'accusé a partagé l'intention de réaliser l'objectif

 10   commun de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica, la Chambre

 11   a tenu compte de ses déclarations et de son comportement pendant la prise

 12   de l'enclave. Elle a notamment tenu compte du rôle qu'il a joué aux

 13   réunions à l'hôtel Fontana les 11 et 12 juillet 1995 et de sa présence à

 14   une réunion au centre de commandement de Bratunac le 13 juillet 1995 avec

 15   des officiers de la VRS et du MUP, au cours de laquelle il a été question

 16   de tuer ou de liquider des hommes musulmans près de Konjevic Polje. Elle a

 17   également pris en considération les ordres qu'il a donnés de séparer les

 18   hommes musulmans de Bosnie des femmes, des enfants et des personnes âgées à

 19   Potocari à partir du 12 juillet 1995, ainsi que de sa présence lors du

 20   rassemblement de Musulmans de Bosnie à Potocari les 12 et 13 juillet 1995

 21   et pendant la séparation des hommes musulmans de Bosnie. Enfin, la Chambre

 22   a tenu compte du fait que l'accusé a nié l'existence des crimes commis à

 23   Srebrenica et elle a examiné les mesures qu'il avait prises visant à ce que

 24   soient fournies des informations mensongères et à empêcher que les médias

 25   n'apprennent ce qui se déroulait.

 26   En outre, la Chambre a pris en considération la présence de l'accusé au

 27   stade de football de Nova Kasaba et à la prairie de Sandici le 13 juillet

 28   1995, où étaient détenus plusieurs milliers d'hommes musulmans de Bosnie,


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  1   ainsi que la fausse assurance qu'il a donnée qu'ils seraient emmenés à

  2   Bratunac pour y être échangés.

  3   La Chambre a conclu qu'au moins à partir de 1994 et pendant tout le mois de

  4   juillet 1995, l'accusé avait fait de multiples déclarations dans lesquelles

  5   il exprimait son besoin de se venger sur les Musulmans de Srebrenica,

  6   ajoutant qu'ils auraient, je cite, "disparu il y a bien longtemps" si la

  7   communauté internationale n'était pas intervenue. Il a également déclaré à

  8   plusieurs reprises lors de réunions tenues à l'hôtel Fontana, que les

  9   Musulmans de Srebrenica pouvaient, je cite, "vivre ou disparaître" et je

 10   cite encore, "survivre ou disparaître".

 11   Au vu de ce qui précède, la Chambre a conclu que l'accusé avait l'intention

 12   d'éliminer les Musulmans de Srebrenica en tuant les hommes et les garçons

 13   et en chassant par la force les femmes, les enfants et quelques hommes

 14   âgés, en commettant les crimes de persécution, de meurtre, d'assassinat,

 15   d'extermination et de transfert forcé qualifié d'acte inhumain. La Chambre

 16   a conclu que la seule déduction raisonnable était que l'accusé avait

 17   l'intention de détruire les Musulmans de Srebrenica en tant que partie

 18   substantielle du groupe de Musulmans protégés en Bosnie-Herzégovine. En

 19   conséquence, la Chambre a conclu que l'accusé avait l'intention de mettre

 20   en œuvre l'objectif de l'entreprise criminelle commune relative à

 21   Srebrenica en commettant le crime de génocide et qu'il était membre de

 22   cette entreprise criminelle commune.

 23   S'agissant de l'entreprise criminelle commune relative à la prise d'otages,

 24   la Chambre a conclu à l'existence d'une entreprise criminelle commune à

 25   partir du 25 mai 1995 environ, date à laquelle ont commencé les frappes

 26   aériennes de l'OTAN contre les cibles serbes en Bosnie, jusqu'au 24 juin

 27   1995 environ, date à laquelle ont été libérés les derniers membres du

 28   personnel de l'ONU. Cette entreprise criminelle commune visait à capturer


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  1   des membres du personnel de l'ONU en divers endroits de Bosnie-Herzégovine

  2   et à les détenir dans des sites militaires stratégiques pour empêcher

  3   l'OTAN de lancer de nouvelles frappes aériennes contre les cibles

  4   militaires serbes en Bosnie.

  5   Les membres de l'entreprise criminelle commune relative à la prise d'otages

  6   étaient des membres de l'état-major principal de la VRS, ainsi que les

  7   commandants des corps d'armée de la VRS, Radovan Karadzic et Nikola

  8   Koljevic.

  9   Ces membres ont mis en œuvre l'objectif commun eux-mêmes et ont utilisé le

 10   personnel de la VRS, dont des membres de la police militaire, pour exécuter

 11   l'objectif commun. La Chambre a considéré que les ordres donnés et

 12   l'exécution de ceux-ci, les obligations des membres de l'entreprise

 13   criminelle commune de présenter des rapports, ainsi que les déclarations

 14   qu'ils ont faites, permettaient d'établir que les membres de l'entreprise

 15   criminelle commune partageaient l'intention de réaliser l'objectif criminel

 16   commun.

 17   La Chambre a en outre conclu que l'accusé avait largement contribué à

 18   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune. A partir du 25 mai

 19   1995 environ et pendant toutes les phases de la prise d'otages, l'accusé

 20   était étroitement associé aux événements. Il a ordonné à des unités de la

 21   VRS de détenir des membres du personnel de la FORPRONU dans des sites

 22   constituant des cibles potentielles des frappes aériennes de l'OTAN. Il a

 23   également ordonné la libération des membres du personnel de la FORPRONU

 24   détenus et a informé à un représentant de la FORPRONU que cette libération

 25   dépendait de l'arrêt des frappes aériennes. La Chambre a conclu que la

 26   contribution de l'accusé à l'entreprise criminelle commune relative à la

 27   prise d'otages, était essentielle à la mise en œuvre de l'objectif de

 28   l'entreprise criminelle commune.


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  1   Se fondant sur les déclarations et le comportement de l'accusé pendant la

  2   prise d'otages, la Chambre a conclu qu'il était animé de l'intention de

  3   réaliser l'objectif de l'entreprise criminelle commune relative à la prise

  4   d'otages, de capturer des membres du personnel de l'ONU et de les détenir

  5   dans des sites militaires stratégiques pour empêcher l'OTAN de lancer de

  6   nouvelles frappes aériennes. La Chambre a conclu que les déclarations de

  7   l'accusé, en particulier s'agissant du sort des membres du personnel de la

  8   FORPRONU, revenaient à avoir proféré des menaces pour continuer de détenir

  9   ou de tuer des membres du personnel de l'ONU et que ces menaces visaient à

 10   faire cesser les frappes aériennes. La Chambre a conclu que l'accusé était

 11   un membre de l'entreprise criminelle commune relative à la prise d'otages.

 12   Après avoir résumé ses conclusions, la Chambre va maintenant rendre son

 13   verdict.

 14   Pour les motifs résumés à l'audience de ce jour, ayant considéré tous les

 15   faits, éléments de preuve et arguments présentés par les parties, ainsi que

 16   le Statut et les Règlements, et sur le fondement des constatations et des

 17   conclusions juridiques exposées en détail dans le jugement écrit, la

 18   Chambre vous déclare, Ratko Mladic :

 19   Non coupable du chef 1, génocide; et

 20   Coupable, en tant que membre de plusieurs entreprises criminelles communes

 21   des chefs suivants :

 22   Chef 2, génocide;

 23   Chef 3, persécution, un crime contre l'humanité;

 24   Chef 4, extermination, un crime contre l'humanité;

 25   Chef 5, assassinat, un crime contre l'humanité;

 26   Chef 6, meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre;

 27   Chef 7, expulsion, un crime contre l'humanité;

 28   Chef 8, actes inhumains ayant pris la forme du transfert forcé, un crime


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  1   contre l'humanité;

  2   Chef 9, terrorisation, une violation des lois ou coutumes de la guerre;

  3   Chef 10, attaques illégales contre des civils, une violation des lois ou

  4   coutumes de la guerre; et

  5   Chef 11, prise d'otages, une violation des lois ou coutumes de la guerre.

  6   En déterminant la peine qu'il convient d'imposer, la Chambre a tenu compte

  7   de la gravité des crimes dont vous avez été reconnu coupable. Les crimes

  8   que vous avez commis figurent parmi les crimes les plus odieux qu'ait connu

  9   l'humanité et incluent le génocide et l'extermination, constitutifs de

 10   crimes contre l'humanité.

 11   Pour ce qui est des facteurs atténuants, la Défense a cité plusieurs

 12   circonstances atténuantes, notamment votre traitement favorable de

 13   certaines victimes et l'aide que vous leur avez apportée; votre bonne

 14   moralité; l'altération de vos capacités mentales; votre état de santé

 15   fragile; et votre âge avancé.

 16   Par ces motifs exposés dans le jugement, la Chambre considère que la

 17   plupart des facteurs cités au titre des circonstances atténuantes par le

 18   Défense n'ont que peu de poids, voire aucun poids. Pour avoir commis ces

 19   crimes, la Chambre vous condamne, Monsieur Mladic à une peine

 20   d'emprisonnement à vie.

 21   Le prononcé du jugement est terminé.

 22   L'audience est levée.

 23   --- L'audience est levée à 12 heures 01.

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