LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
Affaire n° IT-04-74-I
LE PROCUREUR DU TRIBUNAL
CONTRE
JADRANKO PRLIC
BRUNO STOJIC
SLOBODAN PRALJAK
MILIVOJ PETKOVIC
VALENTIN CORIC
et BERISLAV PUSIC
ACTE D’ACCUSATION
Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut du Tribunal »), accuse :
JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC,
SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC,
VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC
de crimes contre l’humanité, d’infractions graves aux Conventions de Genève et de violations des lois ou coutumes de la guerre, tels qu’exposés ci-dessous :
LES ACCUSÉS
1. Le 18 novembre 1991, la Communauté croate de Herceg-Bosna a proclamé son existence en tant qu’entité politique et territoriale sur le territoire de ce qui était alors la République socialiste de Bosnie-Herzégovine (la « SRBiH »). En août 1993, la Communauté croate de Herceg-Bosna s’est proclamée République croate de Herceg-Bosna, et cette entité, sous ses deux formes, sera ci-après dénommée « Herceg-Bosna ». Mate Boban a été Président de la Communauté croate de Herceg-Bosna dès sa création, puis Président de la République croate de Herceg-Bosna jusqu’en février 1994 environ. Le 8 avril 1992 et le 15 mai 1992, plusieurs dirigeants de la Herceg-Bosna, dont Mate Boban, ont créé le Conseil de défense croate (« HVO ») en tant qu’armée et gouvernement de la Herceg-Bosna et l’ont défini comme l’organe exécutif, administratif et militaire « suprême ».
2. JADRANKO PRLIC, fils de Mile, est né le 10 juin 1959 à Djakovo, en République socialiste de Croatie. Il est licencié de la faculté des sciences économiques de Mostar (en SRBiH) et a obtenu sa maîtrise et son doctorat à la faculté des sciences économiques de Sarajevo. Pendant un certain temps, il a présidé le conseil exécutif de la municipalité de Mostar. En 1989, il est devenu Vice-Président du Gouvernement de la SRBiH et, fin 1990, il en est devenu le Président par intérim. Le 15 mai 1992, Mate Boban l’a nommé chef du Département des finances du HVO et le 14 août 1992, Président de l’organe exécutif, administratif et militaire suprême de la Herceg-Bosna : le HVO. Après que la Communauté croate de Herceg-Bosna est devenue la République croate de Herceg-Bosna fin août 1993, le titre ou le poste de JADRANKO PRLIC est passé de Président à Premier Ministre (ses fonctions demeurant largement identiques). Il a continué d’occuper ce poste durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation.
3. Durant la majeure partie des années 1992 et 1993, JADRANKO PRLIC était, aprcs Mate Boban, le responsable le plus puissant dans les instances gouvernementales et politiques de la Herceg-Bosna/du HVO, et, fin 1993, il a détrôné Mate Boban de fait. En tant que Président, JADRANKO PRLIC exerçait un pouvoir de jure et/ou de facto, ainsi qu’un contrôle effectif et/ou une influence considérable sur le gouvernement et les forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Il dirigeait les travaux du gouvernement du HVO, dont il répondait, y compris pour ce qui est des questions militaires. Il signait les décisions et les décrets qui formaient la politique officielle du HVO. JADRANKO PRLIC avait le pouvoir de nommer et de destituer de hauts responsables dans les organes civils, militaires et judiciaires de la Herceg-Bosna et du HVO. Il avait également le pouvoir de fermer les prisons et les camps de concentration de la Herceg-Bosna/du HVO.
4. BRUNO STOJIC, fils de Zarko, est né le 8 avril 1955 dans le village de Hamzici, dans la municipalité de Citluk (SRBiH). Il est diplômé en sciences économiques. Aprcs les élections multipartites de 1990, BRUNO STOJIC a été nommé Ministre adjoint de l’intérieur (ou des affaires intérieures) au Gouvernement central de la SRBiH à Sarajevo. Il était membre du parti politique qui, en SRBiH et plus tard en République de Bosnie-Herzégovine, était le principal parti nationaliste croate, connu sous le nom d’Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine (« HDZ-BiH »). Le 18 septembre 1991, il est devenu membre de la cellule de crise du parti nouvellement formée, qui allait devenir l’organe essentiel de la branche militaire du HVO. Le 3 juillet 1992, Mate Boban a nommé BRUNO STOJIC à la tête du Département (plus tard Ministère) de la défense du HVO, position qu’il a occupée jusqu’en novembre 1993. Le 16 décembre 1993, BRUNO STOJIC a été nommé chef du Bureau chargé de la production et de la vente d’armes et d’équipements militaires de la République croate de Herceg-Bosna.
5. En sa qualité de chef du Département (plus tard Ministère) de la défense du HVO, BRUNO STOJIC occupait les plus hautes fonctions politiques et administratives au sein de cet organe et était responsable des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Il exerçait un pouvoir de jure et/ou de facto, un contrôle effectif et une influence considérable sur tous les aspects des opérations menées par les forces armées. Ses pouvoirs et sa responsabilité s’exerçaient notamment dans les domaines suivants : la sécurité, y compris les activités de la police militaire du HVO et d’un service de renseignement du HVO connu sous le nom de Service de sécurité et d’information (le « SIS ») ; l’éducation morale, qui englobait l’information et la propagande ; les services médicaux et sanitaires liés à la défense, qui étaient responsables des conditions de détention et des services dans les prisons et les centres de détention de la Herceg-Bosna/du HVO ; enfin la production et la logistique militaires. Il lui incombait notamment de veiller à ce que toutes les forces de la Herceg-Bosna/du HVO se conforment aux Conventions de Genève et au droit international humanitaire et à ce que tous les prisonniers, détenus et autres personnes aux mains de ces forces soient traités conformément à ces conventions et aux règles de ce droit. BRUNO STOJIC avait le pouvoir de nommer et de destituer les commandants militaires du HVO jusqu’au grade de commandant de brigade. Il pouvait donner des ordres en matière d’organisation, de stratégie et de combat, et l’a fait. Il exerçait un pouvoir et un contrôle effectif sur tout ou partie des prisons et des centres de détention du HVO, par l’intermédiaire de la police militaire du HVO et de son chef, VALENTIN CORIC.
6. SLOBODAN PRALJAK, également connu sous le nom de « Brada », fils de Mirko, est né le 1er ou le 2 janvier 1945 dans la ville de Capljina, municipalité de Capljina (SRBiH). Aprcs des études à Zagreb, il a travaillé comme producteur de théâtre, de cinéma et de télévision et comme chargé de cours en philosophie, psychologie et électrotechnique. Au début de l’été 1991, il a rejoint l’Armée de la République de Croatie, dans laquelle, dès le 3 avril 1992, il avait le grade de major-général. Vers le 14 mars 1992, SLOBODAN PRALJAK est devenu Ministre adjoint de la défense de la République de Croatie, et a travaillé en étroite collaboration avec le Ministre de la défense, Gojko Susak. Le 10 septembre 1992, le Président croate Franjo Tudjman l’a nommé au Conseil de la défense nationale de la République de Croatie, qui comptait quatorze membres ; il a occupé ce poste jusqu’au 15 juin 1993 au moins. Le 13 mai 1993, SLOBODAN PRALJAK a été nommé à la commission d’État de la République de Croatie chargée des relations avec la Force de protection des Nations Unies (la « FORPRONU »).
7. De mars 1992 environ à juillet 1993, SLOBODAN PRALJAK a simultanément assumé les fonctions d’officier supérieur dans l’armée croate, de Ministre adjoint de la défense et de haut représentant du Ministère croate de la défense auprès du gouvernement et des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Il relayait les ordres, les communications et les instructions que le Président Franjo Tudjman, Gojko Susak et d’autres hauts responsables de la République de Croatie destinaient au gouvernement et aux forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO, et rendait compte aux hauts responsables croates, qu’il tenait informés de l’évolution de la situation en Bosnie-Herzégovine. Durant cette période, SLOBODAN PRALJAK a grandement contribué à fournir armes et munitions aux forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Il commandait, directement et indirectement, les forces et les opérations de la Herceg-Bosna/du HVO en Bosnie-Herzégovine. Du 24 juillet 1993 environ au 9 novembre 1993, SLOBODAN PRALJAK était le commandant suprême de toutes les forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO.
8. Par ses positions et fonctions diverses, SLOBODAN PRALJAK a exercé, de jure et/ou de facto, un commandement et un contrôle sur les forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Pendant la période couverte par le présent acte d’accusation, il a exercé un contrôle effectif et une influence considérable sur ces forces (y compris sur les commandants des zones opérationnelles). Il était responsable de la gestion, de l’organisation, de la planification, de la préparation, de l’entraînement, de la discipline, de l’approvisionnement, du déploiement et des opérations des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Il donnait des ordres en matière d’organisation, de stratégie et de combat. Il lui incombait notamment de veiller à ce que toutes les forces de la Herceg-Bosna/du HVO se conforment aux Conventions de Genève et au droit international humanitaire et à ce que tous les prisonniers, détenus et autres personnes en captivité aux mains de ces forces soient traités conformément à ces conventions et aux règles de ce droit. SLOBODAN PRALJAK avait également autorité sur la police civile de la Herceg-Bosna/du HVO, lorsque celle-ci opérait sous le commandement des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO, ou en coordination avec elles, en temps de conflit armé. Il était étroitement impliqué dans tous les aspects de la planification et des opérations militaires de la Herceg-Bosna/du HVO.
9. MILIVOJ PETKOVIC, fils de Jerko, est né le 11 octobre 1949 à Sibenik, en République socialiste de Croatie. MILIVOJ PETKOVIC est diplômé de l’école militaire de l’Armée populaire yougoslave (la « JNA ») et avait le grade de lieutenant-colonel lorsqu’il a quitté la JNA, le 25 juillet 1991 ou vers cette date, pour rejoindre l’armée croate. Le 14 avril 1992 ou vers cette date, le général d’armée croate Janko Bobetko a affecté MILIVOJ PETKOVIC à la tęte du centre de commandement avancé de l’armée croate à Grude, en Bosnie-Herzégovine, qui était, ou est devenu, l’état-major principal des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. D’avril 1992 au 24 juillet 1993 environ, MILIVOJ PETKOVIC a assumé les fonctions de commandant suprême des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO, en tant que « chef de l’état-major général du HVO ». Lorsque le 24 juillet 1993, ou vers cette date, SLOBODAN PRALJAK a été nommé commandant en chef du HVO, MILIVOJ PETKOVIC est resté l’un des principaux commandants de la Herceg-Bosna/du HVO. Le 26 avril 1994 ou vers cette date, MILIVOJ PETKOVIC a de nouveau été nommé commandant suprême du HVO, position qu’il a occupée jusqu’au 5 août 1994 environ.
10. Par ses positions et fonctions diverses, MILIVOJ PETKOVIC a exercé, de jure et/ou de facto, un commandement et un contrôle sur les forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Pendant la période couverte par le présent acte d’accusation, il a exercé un contrôle effectif et une influence considérable sur ces forces (y compris sur les commandants des zones opérationnelles). Il était responsable de la gestion, de l’organisation, de la planification, de la préparation, de l’entraînement, de la discipline, de l’approvisionnement, du déploiement et des opérations des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO. Il donnait des ordres en matière d’organisation, de stratégie et de combat. Il lui incombait notamment de veiller à ce que toutes les forces de la Herceg-Bosna/du HVO se conforment aux Conventions de Genève et au droit international humanitaire et à ce que tous les prisonniers, détenus et autres personnes en captivité aux mains de ces forces soient traités conformément à ces conventions et aux règles de ce droit. MILIVOJ PETKOVIC avait également autorité sur la police civile de la Herceg-Bosna/du HVO, lorsque celle-ci opérait sous le commandement des forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO, ou en coordination avec elles, en temps de conflit armé. Il était étroitement impliqué dans tous les aspects de la planification et des opérations militaires de la Herceg-Bosna/du HVO.
11. VALENTIN CORIC, fils d’Andrija, est né le 23 juin 1956 dans le village de Paoca, municipalité de Citluk (SRBiH). Il a un diplôme d’ingénieur et a occupé le poste de responsable de la maintenance dans les mines de bauxite à Citluk. Après son adhésion au HDZ-BiH, VALENTIN CORIC est devenu membre de l’état-major municipal de Citluk, où il a été amené à s’occuper de questions militaires et de l’acquisition d’armes et d’équipements. VALENTIN CORIC a plus tard été nommé commandant du centre d’entraînement militaire à Krvavice, en République de Croatie, qui accueillait quelque huit cents soldats de Herceg-Bosna. En avril 1992, Mate Boban l’a nommé adjoint à la sécurité et commandant de la police militaire du HVO. Son poste a par la suite reçu le titre de « chef de l’administration de la police militaire » (au sein du Département de la défense du HVO, qui devait plus tard s’appeler Ministère de la défense). Il a occupé ce poste jusqu’au 20 novembre 1993, date à laquelle, ou aux environs de laquelle, il a été nommé Ministre de l’intérieur de la République croate de Herceg-Bosna.
12. D’avril 1992 au moins à fin 1993, VALENTIN CORIC a, par ses positions et fonctions diverses, joué un rôle-clé dans la création, l’administration et le fonctionnement de la police militaire du HVO. Il exerçait un commandement et un contrôle de jure et/ou de facto sur la police militaire du HVO, qui a régulièrement joué un rôle important dans l’administration des prisons et des centres de détention de la Herceg-Bosna/du HVO (y compris pour ce qui est de la libération et du transfert de prisonniers et de détenus) et dans des opérations de combat et de nettoyage ethnique. VALENTIN CORIC exerçait un contrôle effectif et une influence considérable sur la police militaire du HVO et avait le pouvoir et la responsabilité de commander et de sanctionner les membres de celle-ci. Il lui incombait notamment de veiller à ce que toutes les forces de la Herceg-Bosna/du HVO, y compris la police militaire, se conforment aux Conventions de Genève et au droit international humanitaire et à ce que tous les prisonniers, détenus et autres personnes aux mains de ces forces soient traités conformément à ces conventions et aux règles de ce droit. Il incombait également à la police militaire, que VALENTIN CORIC commandait, d’enquêter sur les crimes qui auraient été commis par les forces armées de la Herceg-Bosna/du HVO.
13. BERISLAV PUSIC, également connu sous le nom de « Berto » ou « Berko », fils d’Andrija, est né le 8 juin 1952 à Mostar, dans la municipalité de Mostar (SRBiH). En 1992, BERISLAV PUSIC est devenu officier dans la police militaire du HVO à Mostar et en 1993, il y a occupé un poste de commandement. Par ordre daté du 22 avril 1993, VALENTIN CORIC a chargé BERISLAV PUSIC de procéder, pour le compte de la police militaire du HVO, à l’échange de Musulmans de Bosnie détenus par le HVO. Le 11 mai 1993, BRUNO STOJIC l’a nommé officier chargé de la liaison du HVO avec la FORPRONU. Le 5 juillet 1993, JADRANKO PRLIC a nommé BERISLAV PUSIC à la tęte du service chargé de l’échange de prisonniers et d’autres personnes. Le 6 août 1993, BRUNO STOJIC l’a nommé Président de la commission responsable de toutes les prisons et de tous les centres de détention de la Herceg-Bosna/du HVO où des prisonniers de guerre et des détenus étaient incarcérés. En 1993, BERISLAV PUSIC a également présidé la commission du HVO pour l’échange de prisonniers.
14. Par ses positions et fonctions diverses, BERISLAV PUSIC était un haut responsable qui a joué un rôle décisif dans le système mis en place par la Herceg-Bosna/le HVO aux fins de détenir, utiliser, libérer, échanger, transférer et expulser les Musulmans de Bosnie. De par ses pouvoirs de jure et/ou de facto, il a exercé un contrôle effectif et une influence considérable sur diverses composantes et catégories de personnes à l’intérieur de ce système. Il lui incombait notamment de classer les détenus musulmans et de décider de leur sort conformément aux Conventions de Genève et au droit international humanitaire. BERISLAV PUSIC donnait des ordres, prenait des décisions, signait des autorisations et donnait des instructions concernant le traitement des détenus musulmans de Bosnie et, de ce fait, contrôlait leur maintien en détention et/ou leur transfert ou expulsion vers d’autres régions ou d’autres pays.
L’ENTREPRISE CRIMINELLE COMMUNE
15. Entre le 18 novembre 1991, ou avant, et avril 1994 environ, et après, diverses personnes ont mis sur pied une entreprise criminelle commune et y ont participé dans le but d’asservir politiquement et militairement les Musulmans de Bosnie et autres non-Croates qui vivaient dans des régions du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine revendiquées par la Communauté croate (future République) de Herceg-Bosna, de les en chasser définitivement, de procéder à un nettoyage ethnique de ces régions, et de réunir, à court ou à long terme, ces dernières au sein d’une « Grande Croatie », soit par rattachement à la République de Croatie soit en étroite association avec elle, et ce, par la force, l’intimidation ou la menace du recours à la force, la persécution, l’emprisonnement et la détention, le transfert forcé et l’expulsion, l’appropriation et la destruction de biens, et par d’autres moyens consistant à commettre des crimes sanctionnés par les articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal ou impliquant la commission de tels crimes. L’entreprise criminelle commune s’était fixé pour objectif de créer un territoire croate reprenant les frontières de la Banovina croate, entité territoriale ayant existé de 1939 à 1941. Elle visait notamment à redessiner la carte politique et ethnique de ces régions de façon à ce qu’elles soient dominées par les Croates, tant sur le plan politique que sur le plan démographique.
16. Nombreux sont ceux qui ont pris part à cette entreprise criminelle commune. Chacun des participants a, par ses actes, ses omissions, ses pratiques ou sa conduite, que ce soit individuellement, de concert avec d’autres personnes ou par leur intermédiaire, contribué de manière importante à la réalisation de cette entreprise et de son but. Les personnes suivantes ont notamment participé à l’entreprise criminelle commune : Franjo Tudjman (décédé le 10 décembre 1999), Président de la République de Croatie ; Gojko Susak (décédé le 3 mai 1998), Ministre de la défense de la République de Croatie ; Janko Bobetko (décédé le 29 avril 2003), général de haut rang de l’Armée de la République de Croatie ; Mate Boban (décédé le 8 juillet 1997), Président de la Communauté croate (et de la République) de Herceg-Bosna ; JADRANKO PRLIC ; BRUNO STOJIC ; SLOBODAN PRALJAK ; MILIVOJ PETKOVIC ; VALENTIN CORIC ; BERISLAV PUSIC ; divers autres responsables et membres du gouvernement et des structures politiques de la Herceg-Bosna/du HVO, à tous les échelons (y compris au sein des administrations municipales et des organisations locales) ; divers dirigeants et membres de l’Union démocratique croate (« HDZ ») et de l’Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine (« HDZ-BiH »), à tous les échelons ; divers membres des forces armées, des unités spéciales, de la police militaire et civile, des services de sécurité et de renseignement, d’organisations paramilitaires et de forces de défense locales de la Herceg-Bosna/du HVO, ainsi que d’autres personnes agissant sous le contrôle desdites forces armées, forces de police et éléments divers, ou en coordination ou en association avec eux ; divers membres des forces armées, de la police, des services de sécurité et de renseignement de la République de Croatie ; ainsi que d’autres personnes, connues ou non. Ces personnes ont conduit, dirigé, planifié, préparé, encouragé, promu, incité à commettre, ordonné, commis, mis en œuvre, facilité l’entreprise criminelle commune, y ont participé, contribué, l’ont soutenue et ont de toute autre manière agi en vue de sa réalisation.
17. Chacun des accusés – JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC – agissant individuellement, de par les positions et pouvoirs décrits plus haut, et de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune, a participé à celle-ci en tant que dirigeant, d’une ou plusieurs des façons suivantes :
a. en créant, organisant, dirigeant, finançant, appuyant les structures et rouages gouvernementaux et politiques de la Herceg-Bosna/du HVO (ou leurs diverses composantes), en leur facilitant la tâche, en les maintenant et/ou en en assurant le fonctionnement, y compris en exerçant un pouvoir gouvernemental ou quasi étatique en matière de contrôle des logements et des biens immeubles, de statut des réfugiés et des personnes déplacées, de services publics et d’assistance humanitaire, de restrictions à la liberté de circulation et d’échange de prisonniers, autant d’éléments mis au service de la poursuite et de la mise en œuvre de l’entreprise criminelle commune ;
b. en créant, organisant, commandant, dirigeant, finançant, appuyant l’armée, la police, les services de renseignement et les autres forces de la Herceg-Bosna/du HVO, en leur donnant des ordres, en leur facilitant la tâche, en y participant, en les maintenant et/ou en assurant le fonctionnement de ces forces par l’intermédiaire desquelles les objectifs de l’entreprise criminelle commune ont été poursuivis et mis en œuvre, et par lesquelles ont été commis divers crimes visés par le présent acte d’accusation, tels que des meurtres, des transferts forcés et la destruction de biens ;
c. en lançant, promouvant, planifiant, préparant, appuyant les orientations, les programmes, les plans, les décrets, les décisions, les réglementations, les stratégies ou les tactiques de la Herceg-Bosna/du HVO au niveau politique, gouvernemental et militaire, en y prenant part et/ou en encourageant leur développement, leur formulation, leur diffusion et/ou leur mise en œuvre comme bases ou instruments de diverses actions dirigées contre les Musulmans de Bosnie ou en leur défaveur, telles que le fait de les priver des droits fondamentaux de la personne, de logement, de biens et/ou d’assistance humanitaire, et ce, dans le cadre de l’entreprise criminelle commune ;
d. en appuyant, encourageant, facilitant la diffusion d’informations et de propagande destinées aux Croates de Bosnie, en y incitant et/ou en y participant, dans le but de promouvoir l’entreprise criminelle commune en suscitant chez les Croates de Bosnie la peur, la haine et la méfiance vis-à-vis des Musulmans de Bosnie, ou dans celui d’encourager l’adhésion et la participation à l’entreprise criminelle commune, par exemple en mettant en garde les Croates de Bosnie contre le risque imminent d’oppression et d’extermination par les Musulmans de Bosnie, en leur affirmant que divers territoires habités par des Musulmans de Bosnie étaient croates et que Mostar était la capitale légitime de la Herceg-Bosna ;
e. en planifiant, commandant, dirigeant la mainmise du HVO sur diverses administrations municipales et ses actions en vue de « croatiser » les Musulmans de Bosnie et autres populations non croates dans les régions déclarées parties de la Herceg-Bosna par les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO, en incitant à ces mesures, en y participant, en les facilitant ou en les appuyant ;
f. en encourageant, contrôlant, finançant, facilitant la production, l’acquisition ou la distribution d’équipements militaires, d’armes, de munitions, de fonds, ou de ressources logistiques et d’autres moyens ayant servi à promouvoir l’entreprise criminelle commune, en y aidant et/ou en y participant ;
g. en demandant, obtenant, arrangeant, facilitant et/ou coordonnant la participation et l’assistance d’éléments du Gouvernement, des forces armées, de la police et des services de renseignement de la République de Croatie, y compris par un financement et un appui logistique, en vue de la réalisation de l’entreprise criminelle commune ;
h. en créant, organisant, dirigeant, finançant un système de prisons, de camps de concentration et d’autres centres de détention propres à la Herceg-Bosna/au HVO où étaient emprisonnés et détenus des Musulmans de Bosnie, en facilitant sa mise en œuvre, en l’appuyant, en y participant, en le maintenant et/ou en en assurant le fonctionnement dans le cadre de l’entreprise criminelle commune et en vue de sa réalisation ;
i. en créant, organisant, dirigeant, finançant un système d’expulsion ou de transfert forcé des Musulmans de Bosnie vers d’autres pays ou d’autres régions de Bosnie-Herzégovine qui n’étaient pas revendiquées ou contrôlées par la Herceg-Bosna, en facilitant sa mise en œuvre, en l’appuyant, en y participant, en le maintenant et/ou en en assurant le fonctionnement dans le cadre de l’entreprise criminelle commune et en vue de sa réalisation ;
j. en ordonnant, promouvant, encourageant, facilitant l’utilisation systématique, par les forces de la Herceg-Bosna/du HVO, de détenus musulmans de Bosnie à des travaux forcés illégaux, en y incitant et/ou en la mettant en œuvre ;
k. en promouvant, encourageant, tolérant les crimes contre les Musulmans de Bosnie et en incitant à les commettre, et ce, en omettant de signaler les actes criminels commis ou présumés commis contre ces personnes et/ou d’enquêter à leur sujet, d’assurer le suivi de telles enquêtes et/ou de punir ou sanctionner les subordonnés et autres membres des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO pour les crimes commis contre des Musulmans de Bosnie ou autres non-Croates ; et
l. en déployant, encourageant, facilitant ou appuyant des efforts en vue de nier, cacher et/ou minimiser les crimes commis par les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO contre les Musulmans de Bosnie et d’autres non-Croates, y compris en fournissant à des organisations internationales, des observateurs, des enquêteurs et au public des informations fausses, incomplètes ou trompeuses.
exposé des faits
18. Les événements allégués dans le présent acte d’accusation se sont produits dans le cadre de la dissolution de l’ex-Yougoslavie. Le 25 juin 1991, la République de Croatie a déclaré son indépendance. Dès septembre 1991, elle était en guerre avec les forces nationalistes serbes qui tentaient d’intégrer certaines parties de la Croatie au sein d’une « Grande Serbie ». Un accord de paix conclu sous l’égide des Nations Unies a mis fin à la guerre en Croatie en janvier 1992, alors que les forces serbes avaient pris le contrôle d’environ un quart à un tiers du territoire de la République de Croatie. La Communauté européenne a reconnu la République de Croatie en tant qu’État indépendant le 15 janvier 1992 et l’Organisation des Nations Unies a admis la Croatie au nombre de ses États Membres le 22 mai 1992.
19. La République de Bosnie-Herzégovine (la « Bosnie-Herzégovine ») a été reconnue comme un État indépendant par la Communauté européenne le 6 avril 1992 et admise au nombre des États Membres de l’Organisation des Nations Unies le 22 mai 1992. Au printemps 1992, les forces serbes de Bosnie avaient déjà entamé une campagne armée visant à démanteler le pays naissant et à expulser les Musulmans et les Croates du territoire revendiqué comme faisant partie de la Grande Serbie.
20. Le parti au pouvoir en République de Croatie, l’Union démocratique croate (« HDZ »), a mis en place en Bosnie-Herzégovine une branche de son organisation, le HDZ-BiH, qu’il contrôlait. Dès la fin de 1991, les éléments nationalistes les plus extrémistes du HDZ-BiH, sous la direction de Mate Boban, Dario Kordic et d’autres, soutenus par Franjo Tudjman et Gojko Susak, avaient pris le contrôle effectif de ce parti.
21. Le 18 novembre 1991, les éléments nationalistes les plus extrémistes du HDZ-BiH, emmenés par Mate Boban et Dario Kordic, ont proclamé l’existence de la Communauté croate de Herceg-Bosna, en tant qu’« ensemble politique, culturel, économique et territorial » distinct sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Le 28 août 1993, la Communauté croate de Herceg-Bosna s’est proclamée République croate de Herceg-Bosna (ainsi qu’il est dit précédemment, cette entité, qu’elle se soit appelée « Communauté » ou « République », sera dénommée ci-après la « Herceg-Bosna »). Ni la République de Bosnie-Herzégovine ni la communauté internationale n’ont jamais reconnu la Herceg-Bosna en tant qu’État. La Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine l’a déclarée illégale, d’abord le 14 septembre 1992 ou vers cette date et à nouveau le 20 janvier 1994.
22. Selon l’article 2 de la décision du 18 novembre 1991 portant création de la Communauté croate de Herceg-Bosna, la Herceg-Bosna comprenait les municipalités suivantes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine : Jajce, Kresevo, Busovaca, Vitez, Novi Travnik, Travnik, Kiseljak, Fojnica, Kakanj, Vares, Kotor Varos, Tomislavgrad, Livno, Kupres, Bugojno, Gornji Vakuf, Prozor, Konjic, Jablanica, Posusje, Mostar, Siroki Brijeg, Grude, Ljubuski, Citluk, Capljina, Neum, Stolac et des parties de Skender Vakuf (Dobretici) et Trebinje (Ravno). En vertu de l’article 4 de la męme décision, la municipalité de Zepce a été ajoutée à la Herceg-Bosna vers octobre 1992.
23. Les dirigeants et les autres membres de l’entreprise criminelle commune, dont Franjo Tudjman, Mate Boban et JADRANKO PRLIC, ont, au cours et dans le cadre de celle-ci, mené une politique double à l’égard de la République de Bosnie-Herzégovine et de son territoire. D’un côté, les dirigeants et divers membres de l’entreprise criminelle commune ont souvent proclamé publiquement leur soutien au Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine (parfois dénommé ci-après le « Gouvernement de la BiH ») et à l’existence d’une Bosnie-Herzégovine indépendante et souveraine. D’un autre côté, de manière moins publique mais plus conséquente, les dirigeants et les autres membres de l’entreprise ont poursuivi leur objectif d’une Grande Croatie calquée sur la Banovina croate. De même, alors que Franjo Tudjman et d’autres responsables croates s’efforçaient parfois, du moins publiquement, de se distancier des autorités de la Herceg-Bosna/du HVO, ils collaboraient généralement étroitement avec elles en coulisse et dans le cadre de leurs rapports avec la communauté internationale et les médias.
24. Lors d’une réunion à Zagreb le 27 décembre 1991, Franjo Tudjman a résumé l’objectif de l’entreprise criminelle commune, déclarant : « SICl est temps que nous saisissions l’occasion de réunir le peuple croate dans des frontières aussi vastes que possible. » À une réunion tenue le 17 septembre 1992, Franjo Tudjman a dit à d’autres dirigeants de l’entreprise criminelle commune, dont Gojko Susak, Mate Boban et JADRANKO PRLIC, après avoir d’abord parlé de la Banovina croate, qu’il était d’un « intérêt vital » pour l’État croate « de renforcer SsaC position, au sens national et territorial, en Bosnie-Herzégovine ».
25. Par une décision datée du 8 avril 1992, des dirigeants et des membres de l’entreprise criminelle commune, parmi lesquels Mate Boban, ont créé le Conseil de défense croate (« HVO »), en tant qu’« organe suprême de défense » de la Herceg-Bosna, « afin de défendre la souveraineté des territoires de la Communauté croate de Herceg-Bosna ». Le 15 mai 1992, le HVO a également été proclamé « organe exécutif et administratif suprême » de la Herceg-Bosna, réunissant les pouvoirs politique, gouvernemental et militaire. Alors que l’entité politique autoproclamée et son territoire ont été désignés sous le nom de « Herceg-Bosna », le gouvernement et les forces armées de la Herceg-Bosna ont été appelés « Conseil de défense croate » ou « HVO ». Les dirigeants gouvernementaux et politiques et les autorités administratives de la Herceg-Bosna et du HVO (les « dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO » ou les « autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ») étaient responsables des forces armées, des unités spéciales, de la police militaire et civile, des services de sécurité et de renseignement, des organisations paramilitaires, des forces de défense locales de la Herceg-Bosna/du HVO et d’autres personnes agissant sous le contrôle de ces forces armées, forces de police et éléments divers ou en coordination ou en association avec eux (ensemble, les « forces de la Herceg-Bosna/du HVO »), et travaillaient en étroite collaboration avec elles. Même si tous les membres du HVO ou du HDZ-BiH n’ont pas pris part à l’entreprise criminelle commune, la Herceg-Bosna, le HVO et le HDZ-BiH étaient des structures et des instruments essentiels à celle-ci.
26. À la suite de la création de la Herceg-Bosna en novembre 1991, et en particulier à partir de mai 1992, les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO (y compris les accusés et d’autres dirigeants et membres de l’entreprise criminelle commune) ont œuvré sans relâche et de manière concertée dans le but de dominer et de « croatiser » les municipalités appartenant selon eux à la Herceg-Bosna, dans lesquelles les persécutions et la discrimination à l’égard de la population musulmane de Bosnie se sont intensifiées. Le HVO a pris le contrôle de nombreuses administrations et de nombreux services municipaux, écartant ou marginalisant les dirigeants musulmans locaux. Les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont pris le contrôle des médias et imposé les idées et la propagande croates. Des symboles et une monnaie croate ont été introduits, et les programmes croates et la « langue croate » ont été imposés dans les écoles. Beaucoup de Musulmans de Bosnie ont été démis de leurs fonctions dans l’administration ou dans les entreprises privées, l’aide humanitaire a été gérée et distribuée au détriment des Musulmans et, de façon générale, ceux-ci ont été de plus en plus harcelés.
27. Au printemps et au début de l’été 1992, les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO, tout en affirmant leur contrôle et en menant les actions décrites ci-dessus, ont effectué des opérations militaires avec les forces armées du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, en réponse à des actions militaires de la JNA et des Serbes de Bosnie en Herzégovine et ailleurs. Lors ou à la suite du départ des forces serbes de Mostar, les forces dirigées par la Herceg-Bosna/le HVO ont détruit l’église orthodoxe serbe de la ville et des maisons de Serbes à proximité de celle-ci. De nombreux Serbes ont quitté Mostar durant cette période, tandis que d’autres étaient détenus dans de piètres conditions dans des camps de détention administrés par le HVO.
28. Malgré une certaine coopération au printemps et à l’été 1992, les tensions entre les structures de la Herceg-Bosna/du HVO et les Musulmans de Bosnie ont continué et se sont intensifiées avec le temps. Le 19 octobre 1992, des affrontements violents ont éclaté entre les forces de la Herceg-Bosna/du HVO et les Musulmans de Bosnie à Novi Travnik, site d’une importante fabrique de munitions et, durant les jours qui ont suivi, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé la plupart des Musulmans de la ville de Prozor et de plusieurs villages avoisinants.
29. En janvier 1993, des négociateurs de paix de l’Organisation des Nations Unies et de la Communauté européenne ont rencontré à Genève des représentants croates, serbes et musulmans, et ont discuté d’un projet d’accord de paix connu sous le nom de plan de paix Vance-Owen, lequel prévoyait le maintien d’une Bosnie-Herzégovine unique et unifiée, avec un gouvernement central et dix provinces. Alors que ni les Serbes ni les Musulmans n’avaient accepté les propositions du plan de paix Vance-Owen à la mi-janvier 1993, Franjo Tudjman, Gojko Susak et les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO (y compris les accusés) ont trouvé que ce plan, tel qu’ils l’imaginaient et l’interprétaient, leur était très favorable, essentiellement parce qu’il leur accordait la Banovina croate et même des territoires supplémentaires, couverts par les provinces 3, 8 et 10 prévues dans le plan de paix, et malgré le fait que de nombreux secteurs de ces provinces étaient majoritairement ou au moins pour moitié peuplés de Musulmans et contrôlés ou occupés par l’Armée de Bosnie-Herzégovine.
30. Lors d’une réunion à Zagreb le 15 janvier 1993, Franjo Tudjman, Gojko Susak et Mate Boban ne sont pas parvenus à convaincre le Président de Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, d’accepter leur point de vue et ont immédiatement entrepris de mettre leurs projets à exécution sans l’accord du Gouvernement de la BiH ou des négociateurs de paix internationaux. Le même jour, le Président du HVO, JADRANKO PRLIC, a signé une décision disant : « Toutes les unités de l’Armée de Bosnie-Herzégovine stationnées en ce moment dans les provinces 3, 8 et 10, qui ont été déclarées provinces croates par les accords de Genève, seront subordonnées au commandement de l’état-major général des forces armées du HVO. [...] La date limite d’application de la présente décision est fixée à cinq (5) jours à compter d’aujourd’hui, 15 janvier 1993 ».
31. Malgré le fait que ni le Président de la Bosnie-Herzégovine ni les négociateurs de paix internationaux n’avaient accepté la mise en œuvre unilatérale de leur conception des propositions Vance-Owen, les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont, à l’échéance du délai fixé le 15 janvier 1993 et vers cette date, entrepris des actions militaires et violentes pour faire respecter l’ultimatum, attaquant les Musulmans et faisant pression sur eux en plusieurs endroits, notamment à Novi Travnik, Gornji Vakuf et Busovaca. À la suite de protestations internationales, un cessez-le-feu a été mis en place après quelques jours.
32. Alors que les tensions restaient fortes et que des accrochages se produisaient au niveau local, un conflit majeur a été évité jusqu’à la fin de mars 1993, lorsque le Président Izetbegovic, suite à d’autres négociations, a provisoirement accepté le Plan Vance-Owen (que les Serbes n’ont jamais accepté), certains aspects militaires de celui-ci restant à résoudre. Tout comme en janvier 1993, sachant que le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine n’avait pas donné son accord sur les questions en suspens et que les Serbes de Bosnie n’avaient pas accepté le plan, les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO (dont les accusés) ont à nouveau fixé une échéance, annonçant que le 15 avril 1993 au plus tard, toutes les unités de l’Armée de Bosnie-Herzégovine se trouvant dans les provinces 3, 8 et 10 devaient se soumettre au HVO ou quitter le territoire de ces provinces.
33. L’échéance du 15 avril ayant expiré sans que le Gouvernement de la BiH ne cède, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont entrepris une vaste campagne de persécutions, d’actions militaires, d’arrestations et d’expulsions pour imposer leurs exigences, menant du 16 au 18 avril 1993 plus de 30 attaques contre des villes et villages musulmans, dont les attaques contre Ahmici le 16 avril, contre Sovici et Koljani le 17 avril et contre Parcani, Lizoperci et Toscanica du 17 au 19 avril et les atrocités qui y ont été commises.
34. Les attaques, arrestations et expulsions auxquelles a procédé la Herceg-Bosna/le HVO durant la deuxième quinzaine d’avril 1993 ont déclenché une campagne généralisée d’actions semblables, interrompue par des cessez-le-feu sporadiques, qui s’est poursuivie même après la signature d’un autre plan de paix, l’Accord de Washington, en mars 1994.
35. Les 9 et 10 mai 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué les Musulmans de Bosnie à Mostar, ville située sur la Neretva, dans le sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont arrêté des centaines, voire des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans. Un grand nombre de Musulmans de Bosnie ont été expulsés vers Mostar-Est, tandis que des centaines d’autres ont été placés en détention à la prison de l’Heliodrom. Dès juin 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont commencé le siège de Mostar-Est, qui s’est poursuivi jusqu’en avril 1994, accompagné constamment de bombardements, de tirs isolés, de blocages de l’aide humanitaire et d’effroyables privations visant les Musulmans de ce secteur.
36. Après une attaque de l’Armée de Bosnie-Herzégovine (« ABiH ») contre un camp du HVO dans la partie nord de la ville de Mostar le 30 juin 1993, JADRANKO PRLIC et BRUNO STOJIC ont diffusé un communiqué disant que des civils croates se faisaient exterminer, que l’existence même des Croates de Bosnie-Herzégovine était en danger extrême et imminent et que Mostar était une ville croate et le resterait. Le 2 juillet 1993, Franjo Tudjman, un des dirigeants de l’entreprise criminelle commune, a déclaré à Gojko Susak et à d’autres, lors d’une réunion à Zagreb, qu’il était « important de mettre la pression sur les unités musulmanes sur le front de la Neretva ».
37. Début juillet, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont, avec le soutien (et la participation) du Gouvernement et des forces armées de la République de Croatie, lancé une campagne de grande envergure visant à attaquer, arrêter et chasser les Musulmans de Bosnie des secteurs appartenant selon eux à la Herceg-Bosna (dont les municipalités de Mostar, Prozor, Stolac, Capljina et Ljubuski). De juin à septembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont systématiquement arrêté, maltraité et chassé de leurs foyers des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans de Bosnie et les ont placés en détention et/ou transférés vers d’autres régions ou expulsés vers d’autres pays.
38. Les opérations de la Herceg-Bosna/du HVO se déroulaient selon le schéma suivant : d’abord, les hommes musulmans de Bosnie en âge de porter les armes (dont beaucoup avaient servi dans le HVO) étaient arrêtés et placés en détention dans diverses prisons et divers camps de concentration du HVO. Ensuite, la plupart des hommes musulmans ayant été écartés, le HVO prenait le contrôle des villes et des villages et arrêtait systématiquement les femmes, les enfants et les personnes âgées musulmans de Bosnie, qui étaient alors placés en détention pour des périodes variables et/ou transférés vers des régions contrôlées par l’ABiH ou expulsés vers d’autres pays.
39. Dans le cadre et au cours de ces actions, qui ont donné lieu à un nettoyage ethnique généralisé et systématique, et dans le but de réaliser l’entreprise criminelle commune, JADRANKO PRLIC, bruno stojiC, slobodan praljak, milivoj petkoviC, valentin CoriC et BERISLAV PUSIC se sont livrés aux actes suivants avec d’autres dirigeants et membres des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO :
a) Incitation et encouragement aux troubles, à la division et à la haine politiques, ethniques ou religieux : par des discours, de la propagande et des informations mensongères, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont créé, suscité et entretenu un climat tendu hostile aux Musulmans, favorisé la division ethnique et nourri la méfiance religieuse.
b) Usage de la force, de l’intimidation et de la terreur : les autorités et les unités militaires et de police de la Herceg-Bosna/du HVO ont employé la force et la menace de la force pour dominer, réduire au silence et persécuter les Musulmans de Bosnie. Au cours d’arrestations et d’expulsions massives, des Musulmans de Bosnie ont été tués, grièvement blessés, victimes de violences sexuelles, dépouillés de leurs biens et maltraités d’autre manière. Leurs papiers d’identité et autres documents similaires leur ont souvent été confisqués, ce qui les a exposés à divers risques et a réduit leur liberté de mouvement. Lors des attaques contre les villes, villages et régions peuplés de Musulmans et durant le siège de Mostar-Est, des civils musulmans ont été victimes de manière régulière et généralisée de bombardements et de tirs isolés.
c) Appropriation et destruction de biens : les autorités et les soldats de la Herceg-Bosna/du HVO ont contraint des Musulmans de Bosnie à abandonner leurs foyers ou à en transmettre la propriété au HVO. Leur argent, leurs véhicules et leurs biens personnels ont souvent été confisqués ou pillés. Des habitations de Musulmans et d’autres bâtiments, notamment des bâtiments publics ou abritant des services, ont été usurpés, détruits ou gravement endommagés, ainsi que l’ont été des bâtiments, sites et édifices musulmans consacrés à la religion ou à l’enseignement, y compris des mosquées. Une grande partie de ces destructions visaient à empêcher que les Musulmans réintègrent leurs foyers et leurs communautés ou à les en dissuader. Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO se sont approprié les biens publics de la République de Bosnie-Herzégovine. Les appartements et les maisons pris aux Musulmans ou abandonnés par ceux-ci ont souvent été donnés ou attribués à des membres du HVO ou à des réfugiés croates.
d) Détention et emprisonnement : les accusés et les autres membres de l’entreprise criminelle commune, de concert avec divers membres des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO, ont établi, soutenu et administré un système de mauvais traitements reposant sur un réseau de prisons, de camps de concentration et d’autres centres de détention (comprenant, sans s’y limiter, le camp de l’Heliodrom, les prisons de Ljubuski, de Dretelj et de Gabela et le camp de Vojno), dans le but d’arrêter, de détenir et d’emprisonner des milliers de Musulmans de Bosnie, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées. Beaucoup de ces Musulmans étaient emprisonnés et détenus dans des conditions effroyables et privés des ressources les plus élémentaires, telles que de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux adéquats. Beaucoup ont été victimes de traitements inhumains et de violences physiques et psychologiques, y compris de sévices et de violences sexuelles.
e) Transfert forcé et expulsion : les accusés et les autres membres de l’entreprise criminelle commune, de concert avec divers membres des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO, ont mis en place, soutenu et administré un système de mauvais traitements dans le but d’expulser les Musulmans de Bosnie vers d’autres pays ou de les transférer vers des régions de Bosnie-Herzégovine non revendiquées ou non contrôlées par la Herceg-Bosna. Beaucoup des Musulmans transférés ou expulsés ont d’abord été emprisonnés et détenus dans les conditions décrites ci-dessus, et n’ont été « libérés » que pour être transférés ou expulsés. Beaucoup de personnes ainsi transférées ou expulsées ont été contraintes de transférer la propriété de leurs biens au HVO ou d’abandonner tout simplement leurs biens et possessions.
f) Travail forcé : beaucoup de Musulmans de Bosnie détenus par le HVO ont été contraints d’effectuer des travaux éprouvants, comme ériger des fortifications militaires, creuser des tranchées, transporter des munitions et récupérer des corps, souvent dans des situations de combat et de danger, ce qui a fait que nombre d’entre eux ont été tués ou grièvement blessés. Certains ont été utilisés comme boucliers humains ou pour attirer le feu de l’ennemi afin de localiser ses positions. Les unités et les soldats du HVO ont utilisé les prisonniers musulmans pour piller les maisons et les biens des Musulmans.
40. La campagne d’attaques et de nettoyage ethnique menée par la Herceg-Bosna/le HVO s’est poursuivie jusqu’à la fin de 1993, comme le montre l’attaque du HVO contre le village musulman de Stupni Do le 23 octobre 1993. Après des discussions à Zagreb sur le sort qu’il convenait de réserver à l’officier du HVO qui avait commandé les forces de la Herceg-Bosna/du HVO impliquées dans la tuerie de Stupni Do, les hauts dirigeants politiques et militaires se sont livrés à ce que Franjo Tudjman a décrit comme un « tour de passe-passe » : on a déclaré à la communauté internationale que l’officier du HVO avait été destitué, alors qu’en fait il avait simplement changé de nom et conservé pour l’essentiel le même poste, et n’a jamais été puni.
41. Par suite de la campagne de persécution et de nettoyage ethnique menée par la Herceg-Bosna/le HVO, la population musulmane a été considérablement réduite dans de nombreuses régions de la Herceg-Bosna, et les Musulmans qui restaient étaient clairement sous la coupe des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO, ainsi que l’avaient planifié et voulu les membres de l’entreprise criminelle commune, y compris les accusés.
42. Le 1er mars 1994 ou vers cette date, Franjo Tudjman et les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO ont signé l’Accord de Washington, qui a créé la Fédération croato-musulmane et mis fin à l’affrontement ouvert et à grande échelle entre les deux camps.
municipalité de prozor
43. La municipalité de Prozor se trouve en Bosnie-Herzégovine centrale et comptait quelque 19 760 habitants en 1991. Lors du recensement effectué cette année-là, environ 62 % se sont déclarés Croates et 36,5 % Musulmans. La ville principale, Prozor, comptait à cette époque environ 3 500 personnes, dont quelque 60 % de Musulmans.
44. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Prozor avait été incluse dans le territoire de celle-ci. Le 12 août 1992, une administration municipale HVO y a été officiellement mise en place par une décision de Mate Boban.
45. D’août à octobre 1992, les tensions entre le HVO et l’ABiH se sont intensifiées. Le 19 octobre 1992, le drapeau croate a été hissé au commissariat de police de la ville de Prozor. Le 23 octobre 1992 au matin, le Président du HVO à Prozor a dit entre autres aux Musulmans de Bosnie que les tensions croissantes entre Croates et Musulmans s’apaiseraient si ces derniers acceptaient immédiatement le contrôle politique et militaire de la Herceg-Bosna/du HVO, proposition que les Musulmans n’ont pas acceptée.
46. Le 23 octobre 1992 dans l’après-midi, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué les Musulmans de Bosnie dans la ville de Prozor. Le 23 et le 24 octobre 1992, après avoir pris le contrôle de la ville de Prozor, elles ont pillé, incendié et détruit des maisons et d’autres biens appartenant à des Musulmans de Bosnie.
47. Le 24 octobre 1992, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont rassemblé les Musulmans, promettant qu’il ne leur serait fait aucun mal. En fait, elles ont arrêté les hommes et les ont placés en détention à l’école primaire de Ripci. Certains y ont été gardés plusieurs jours et d’autres, plusieurs semaines. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont sévèrement battu un certain nombre de détenus musulmans.
48. Le 24 octobre 1992 ou vers cette date, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué Paljike, un village majoritairement musulman situé à environ un kilomètre au sud de la ville de Prozor. Elles ont délibérément détruit les maisons et les biens de Musulmans de Bosnie. Les forces du HVO ont détenu quatre Musulmans de Bosnie dans une maison puis ouvert le feu et lancé des grenades à main à l’intérieur de celle-ci, tuant deux des civils (dont les noms sont cités dans l’annexe confidentielle, ci-après l’« Annexe »). Le HVO a détenu tous les hommes musulmans dans une maison du village et les a transférés le lendemain à l’école primaire de Ripci.
49. Le 24 octobre 1992 au soir, un commandant de secteur du HVO a signalé que la ville de Prozor était « ethniquement pure », la population musulmane ayant été placée en détention ou ayant fui. Le 26 octobre 1992, BRUNO STOJIC, MILIVOJ PETKOVIC, Janko Bobetko et d’autres ont été informés que le HVO avait pris le contrôle de Prozor le 25 octobre, et qu’il y avait eu beaucoup de victimes dans le camp musulman.
50. En novembre 1992, après des négociations entre les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO et celles de l’ABiH, des civils musulmans de Bosnie sont retournés dans la municipalité de Prozor. Cependant, le HVO a continué à harceler et à persécuter la population musulmane de Bosnie.
51. Du 17 au 19 avril 1993 environ, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué plusieurs villages, dont Parcani, Lizoperci et Toscanica. Dans ces trois localités, la plupart des habitants se sont réfugiés dans les bois environnants lorsqu’ils ont vu les soldats du HVO s’approcher. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont tué des civils musulmans de Bosnie à Toscanica (leurs noms sont cités dans l’Annexe), sont entrés dans les villages, ont incendié des maisons, abattu du bétail et pillé la région.
52. À partir de l’été 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont soumis à leur approbation tout déplacement à l’intérieur de la municipalité de Prozor, toute sortie de celle-ci et toute entrée dans celle-ci de la part de Musulmans de Bosnie.
53. De juin à mi-août 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué des civils musulmans de Bosnie et détruit et pillé les biens de civils musulmans de Bosnie dans les villages de Duge, Lug, Lizoperci, Skrobucani, Parcani, Munikoze, Podonis (quelquefois mentionné sous le nom de Podanis) et Gracanica ou aux environs de ceux-ci. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont également attaqué des civils musulmans qui se cachaient dans la région de Prajine et Tolavac, tuant six d’entre eux (voir Annexe). Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont réduit en cendres la mosquée de Skrobucani et le sicge de la communauté islamique de la ville de Prozor, et sérieusement endommagé la mosquée de Lizoperci.
54. Du printemps à la fin de l’année 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont arrêté des hommes musulmans de Bosnie et les ont conduits dans plusieurs centres de détention de la municipalité de Prozor, dont l’école secondaire, le bâtiment Unis, le bâtiment de la police militaire jouxtant la caserne des pompiers et le bâtiment du Ministère de l’intérieur (« MUP »). Des soldats du HVO ont brutalisé les détenus musulmans, dont certains ont été emmenés et n’ont jamais été revus. À partir de juillet 1993, le HVO a transféré certains détenus dans d’autres centres de détention à Ljubuski, à l’Heliodrom, à Dretelj et à Gabela.
55. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont utilisé des détenus musulmans de Bosnie pour effectuer du travail forcé, notamment pour ériger des fortifications militaires et creuser des tranchées. Certains détenus musulmans sont morts ou ont été blessés en effectuant ces travaux. Les soldats du HVO ont souvent battu et humilié les prisonniers musulmans pendant qu’ils étaient détenus ou utilisés comme main d’œuvre, et en certaines occasions, les ont contraints à se livrer à des actes sexuels (voir Annexe).
56. Le 31 juillet 1993 ou vers cette date, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont emmené quelque 50 détenus musulmans de l’école secondaire vers la ligne de front à Makljen, Crni Vrh. Les détenus ont été attachés ensemble avec du câble téléphonique enroulé autour de leurs bras et de leur cou et forcés de marcher devant les soldats du HVO en direction de positions de l’ABiH proches de la forêt. Les soldats du HVO ont alors ouvert le feu dans leur direction et au moins vingt d’entre eux sont morts. Les détenus morts ont été détachés et laissés sur place et les soldats du HVO ont alors obligé ceux qui restaient à marcher vers la forêt (voir Annexe).
57. En juillet et août 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont rassemblé et détenu (dans des maisons placées sous le contrôle du HVO) plusieurs milliers de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans dans les villages de Lapsunj et de Duge ou aux alentours de ceux-ci, ainsi que dans un quartier de la ville de Prozor appelé Podgrade. Les personnes détenues y étaient entassées et vivaient dans des conditions déplorables. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont fréquemment dévalisé, brutalisé et humilié ces femmes, ces enfants et ces personnes âgées musulmans et pillé leurs biens. Des membres des forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont souvent violé des Musulmanes de Bosnie (des cas spécifiques de viols et de violences sexuelles sont présentés dans l’Annexe à titre d’exemples).
58. Fin août 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont rassemblé les milliers de civils musulmans de Bosnie détenus dans les trois localités, les ont fait monter dans des camions et les ont conduits au village de Kucani, prcs de la ligne de front, d’où ils ont été contraints de marcher en direction du territoire tenu par l’ABiH. Alors que les civils musulmans marchaient dans cette direction, le HVO a ouvert le feu sur eux, en blessant plusieurs.
59. Fin août 1993 et dans la période qui a suivi, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont continué à persécuter et à maltraiter les civils musulmans qui se trouvaient encore dans la municipalité de Prozor, en les harcelant, les brutalisant, et en leur infligeant des violences sexuelles et des humiliations (voir Annexe). En décembre 1993, il ne restait que 500 à 600 Musulmans environ dans la municipalité de Prozor et, à la fin du mois, la plupart d’entre eux étaient dans des camps de concentration du HVO ou avaient été envoyés en territoire tenu par l’ABiH ou expulsés vers d’autres pays.
60. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; viol (chef 4) ; traitements inhumains (violences sexuelles) (chef 5) ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; travail illégal (chef 18) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21) ; appropriation de biens (chef 22) et pillage (chef 23).
MUNICIPALITÉ DE GORNJI VAKUF
61. Située en Bosnie-Herzégovine centrale, la municipalité de Gornji Vakuf comptait quelque 25 181 habitants en 1991. Lors du recensement effectué cette année-là, environ 56 % (soit 14 063 personnes) se sont déclarés Musulmans, et environ 42,5 % (soit 10 706 personnes) Croates.
62. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Gornji Vakuf avait été incluse dans le territoire de celle-ci. Par une décision de Mate Boban, les forces armées du HVO se sont officiellement établies à Gornji Vakuf le 8 avril 1992. Dans les premiers mois de son existence, le HVO a recruté un grand nombre de Croates de Bosnie et mis en place plusieurs points de contrôle pour maîtriser les mouvements de population dans la municipalité.
63. Les 24 et 25 octobre 1992 ou vers ces dates, peu après l’attaque lancée le 23 octobre 1992 par les forces de la Herceg-Bosna/du HVO contre les Musulmans de Prozor, la municipalité voisine, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO et celles de l’ABiH se sont affrontées dans la ville de Gornji Vakuf, et le HVO s’est emparé de plusieurs usines et du bâtiment du MUP.
64. Le 6 janvier 1993, deux jours après que Mate Boban eut annoncé que les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO avaient accepté le Plan de paix Vance-Owen, le HVO a provoqué la population en majorité musulmane de la ville de Gornji Vakuf en hissant le drapeau croate. Le HVO a tiré sur un soldat de l’ABiH qui tentait d’enlever le drapeau. Les 11 et 12 janvier 1993, des combats ouverts ont éclaté entre le HVO et l’ABiH et se sont poursuivis dans la ville de Gornji Vakuf et dans plusieurs villages voisins, notamment à Dusa, Hrasnica, Uzricje et Zdrimci.
65. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont exigé le 15 janvier 1993 que, dans de vastes parties de la Bosnie-Herzégovine, y compris à Gornji Vakuf, les forces de l’ABiH se soumettent au HVO ou bien se retirent de ces régions. Le 16 janvier 1993, le HVO a lancé un ultimatum précis aux Musulmans de Gornji Vakuf, exigeant notamment que les troupes de l’ABiH se retirent du secteur avant le 17 janvier 1993 à minuit. L’ABiH a rejeté l’ultimatum du HVO.
66. Le 18 janvier 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué à l’artillerie lourde les quartiers résidentiels des Musulmans de Bosnie dans la ville de Gornji Vakuf et dans plusieurs villages voisins, notamment à Dusa, Hrasnica, Uzricje et Zdrimci. Les attaques et les tirs d’artillerie du HVO ont tué un certain nombre de civils musulmans et détruit ou endommagé de nombreux biens leur appartenant (voir Annexe).
67. À la suite de l’attaque qu’il a lancée contre Dusa, Hrasnica, Uzricje et Zdrimci, le HVO a pillé et brűlé des maisons et des biens appartenant à des Musulmans de Bosnie dans ces villages et alentour. Il a dépouillé de leurs objets de valeur des centaines de Musulmans de Bosnie arrêtés ou capturés, et a séparé les hommes musulmans des femmes, des enfants et des personnes âgées. Dans la plupart des cas, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont emmené les hommes musulmans dans des centres de détention du HVO, alors que les femmes, les enfants et les personnes âgées étaient détenus dans une ou deux maisons du village. Au cours de leur détention, ces femmes, ces enfants et ces personnes âgées ont vécu dans des conditions difficiles et ont souvent fait l’objet de mauvais traitements ou de violences. Les agissements du HVO ont poussé des centaines de civils musulmans à quitter le secteur de Gornji Vakuf.
68. Après la prise de pouvoir par le HVO à Zdrimci vers le 18 janvier 1993, les forces du HVO ont séparé les hommes musulmans des femmes et des enfants, et ont détenu ces derniers dans quelques maisons pendant un mois environ. Pendant cette période, les forces du HVO ont brûlé les maisons du village appartenant à des Musulmans. Les femmes et les enfants musulmans ont souvent été intimidés et harcelés par les forces du HVO, qui les obligeaient à réciter des prières chrétiennes et à se signer. Un jour, les femmes et les enfants musulmans ont tous été alignés devant un mekteb du village. Un soldat du HVO leur a demandé de prendre le Coran et de mettre le feu au mekteb. Les femmes et les enfants musulmans ayant refusé de s’exécuter, les soldats du HVO ont brûlé le mekteb.
69. Après avoir pris le pouvoir à Hrasnica vers le 18 janvier 1993, le HVO a transféré la population musulmane en autocar dans une fabrique de meubles de Trnovaca, qu’il utilisait comme centre de détention. Aprcs une journée de détention, le HVO a emmené les femmes, les enfants et les personnes âgées musulmans de Bosnie dans des maisons du voisinage appartenant à des Musulmans, et les y a détenus pendant deux semaines encore. Après les avoir libérés, les soldats du HVO ont ordonné aux Musulmans de se rendre dans le territoire tenu par l’ABiH et de s’y installer.
70. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détenu dans la fabrique de meubles de Trnovaca une soixantaine d’hommes musulmans en âge de porter les armes, originaires de Dusa et Hrasnica, et ce, pendant une quinzaine de jours. Ces hommes ont été fréquemment battus et soumis à des violences physiques et psychologiques, à des intimidations et à des traitements inhumains par les soldats du HVO. Après une quinzaine de jours, les hommes musulmans de Dusa ont été échangés, alors que leurs camarades de Hrasnica étaient transférés dans un centre de détention du HVO à Prozor.
71. Après avoir pris le pouvoir à Uzricje vers le 22 janvier 1993, le HVO a détenu pendant plusieurs semaines et dans des conditions effroyables la totalité de la population musulmane, dans les deux seules maisons de Musulmans qui restaient dans le village. C’était l’hiver et chaque maison n’était équipée que d’un poêle à bois, sans électricité. Les cinquante à soixante Musulmans détenus dans ces maisons n’ont reçu aucune nourriture et ont survécu en consommant ce qu’ils ont pu trouver comme restes. Après avoir libéré les détenus musulmans, les soldats du HVO leur ont ordonné de se rendre dans le territoire tenu par l’ABiH et de s’y installer.
72. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC et VALENTIN CORIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21) ; appropriation de biens (chef 22) et pillage (chef 23).
SOVICI ET DOLJANI
(MUNICIPALITÉ DE JABLANICA)
73. Les villages de Sovici et Doljani se trouvent dans la partie occidentale de la municipalité de Jablanica. D’après le recensement de 1991, approximativement 71 % de la population totale de la municipalité de Jablanica, qui s’élevait à 12 691 habitants environ, se déclaraient Musulmans et 18 % Croates. Le village de Sovici était majoritairement musulman, celui de Doljani majoritairement croate.
74. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Jablanica avait été incluse dans le territoire de celle-ci malgré le fait que la municipalité était musulmane à 71 %.
75. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO ont publié début avril 1993 des communiqués exigeant que dans de vastes parties de la Bosnie-Herzégovine, y compris dans la municipalité de Jablanica, à Sovici et à Doljani, toutes les forces de l’ABiH se soumettent au HVO ou se retirent de ces régions avant le 15 avril 1993 au plus tard.
76. Peu après l’expiration du délai du 15 avril 1993, et à peu près au moment où les forces de la Herceg-Bosna/du HVO lançaient des offensives contre d’autres localités en Bosnie-Herzégovine, le HVO a attaqué Sovici et Doljani, le 17 avril 1993. Un certain nombre d’hommes musulmans de Bosnie ont tenté de défendre les villages, mais le gros de leur résistance a été vaincu dès la fin de l’après-midi du 17 avril 1993, lorsque le commandant musulman de Bosnie s’est rendu.
77. Les 17 et 18 avril 1993, le HVO a rassemblé et placé en détention dans une école à Sovici (l’« école de Sovici ») quelque 70 à 90 hommes musulmans de Bosnie en âge de porter les armes. Au cours de ces deux jours ou vers ces dates, le HVO a exécuté au moins quatre hommes musulmans de Bosnie prčs de l’école de Sovici (voir Annexe). Les hommes du HVO ont aussi violemment battu, maltraité et brutalisé d’autres hommes musulmans.
78. Vers le soir du 18 avril 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont transporté de nombreux hommes musulmans détenus dans l’école de Sovici à la prison de Ljubuski, où ils ont été maintenus en détention. Pendant le transport vers Ljubuski, les soldats du HVO ont continué à battre, brutaliser et humilier les hommes musulmans et les ont forcés à chanter des chants nationalistes croates.
79. À partir du 18 avril 1993 environ, et dans la période qui a suivi, le HVO a expulsé de leurs habitations dans le secteur de Sovici et Doljani des hommes, des femmes, des enfants et des personnes âgées musulmans, et les a regroupés. Le HVO a détenu plusieurs centaines d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans dans l’école de Sovici et dans environ six ou sept maisons du hameau de Junuzovici (les « maisons de Junuzovici »). Les conditions de vie y étaient difficiles et inhumaines : la nourriture et l’eau étaient insuffisantes et les installations sanitaires inadéquates. Les hommes du HVO ont battu, maltraité et brutalisé un grand nombre de détenus musulmans, y compris des femmes.
80. Les jours suivants, entre le 18 avril et le 23 avril 1993 environ, d’autres hommes musulmans de Bosnie ont été capturés par les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ou bien se sont rendus. Certains de ces hommes ont été emmenés au quartier général du HVO installé dans une ferme piscicole près de Doljani, où les forces de la Herceg-Bosna/du HVO les ont maltraités, brutalisés, interrogés et torturés. Les hommes du HVO ont exécuté certains détenus musulmans.
81. Le HVO a employé des hommes musulmans de Bosnie détenus dans le secteur de Sovici et Doljani à des travaux forcés dans divers endroits des alentours, notamment pour construire des fortifications militaires, creuser des tranchées et transporter des munitions.
82. Le 18 avril 1993 et dans la période qui a suivi (jusqu’au 24 avril 1993 environ), alors que la totalité ou le gros des combats avait pris fin, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont délibérément brûlé ou détruit par d’autres moyens la plupart des habitations des Musulmans de Bosnie à Sovici et Doljani.
83. Du 18 avril au 22 avril 1993 environ, le HVO a délibérément détruit deux édifices consacrés à la religion musulmane (dont au moins une mosquée) à Sovici et Doljani.
84. Le 17 avril 1993 et dans les jours qui ont suivi, le HVO a empêché les observateurs internationaux et les forces de maintien de la paix d’entrer dans le secteur de Sovici et Doljani, malgré le fait que les destructions et les maisons incendiées étaient généralement visibles de loin.
85. Du 17 avril 1993 au 4 mai 1993 environ, et dans la période qui a suivi, les biens des Musulmans ont été confisqués, volés, pillés et dévalisés par des membres des forces du HVO/de la Herceg-Bosna. Selon une décision prise par le HVO le 13 mai 1993, tous les biens appartenant à la « population musulmane exilée » revenaient au HVO.
86. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont continué à détenir des femmes, des enfants et des personnes âgées musulmans de Bosnie dans l’école de Sovici et dans les maisons de Junuzovici jusqu’au 4 ou 5 mai 1993 environ, date à laquelle le HVO a transporté 400 à 500 civils musulmans de Bosnie à Gornji Vakuf. Là, les hommes du HVO ont fait descendre les femmes, les enfants et les personnes âgées des véhicules et leur ont ordonné de marcher en direction du territoire contrôlé par l’ABiH.
87. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; travail illégal (chef 18) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21) ; appropriation de biens (chef 22) et pillage (chef 23).
MUNICIPALITÉ DE MOSTAR
88. Située au sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine, la municipalité de Mostar comptait environ 126 628 habitants en 1991. Lors du recensement effectué cette année-là, environ 34,6 % (43 856 personnes) se sont déclarés Musulmans, environ 33,9 % (43 037 personnes) Croates, 18,8 % (23 846 personnes) Serbes et 12,3 % (15 889 personnes) Yougoslaves ou « autres ». La ville de Mostar est la capitale historique et la plus grande agglomération de la région de Bosnie-Herzégovine appelée Herzégovine. En 1991, la ville de Mostar comptait approximativement 34,2 % de Musulmans, 28,7 % de Croates, 18,6 % de Serbes et 18,5 % de Yougoslaves ou « autres ».
89. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Mostar avait été incluse dans le territoire de celle-ci. Malgré le fait que la ville de Mostar ne comptait que 29 % de Croates environ, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO l’ont revendiquée comme capitale de la Herceg-Bosna.
90. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont entrepris en 1992 une campagne visant à contrôler et à « croatiser » la municipalité de Mostar (y compris la ville de Mostar), avec des persécutions et des discriminations de plus en plus prononcées à l’égard de la population musulmane de la municipalité. Du milieu de l’année 1992 à 1993, les Musulmans de Bosnie, à de rares exceptions près, ont été démis de leurs fonctions dans les administrations municipales et locales ; la distribution de l’aide humanitaire s’est faite au détriment des Musulmans qui, de façon générale, étaient de plus en plus harcelés.
91. En octobre 1992, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont ordonné à la police militaire du HVO de renforcer sa mainmise sur la ville de Mostar. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont occupé les bâtiments administratifs et publics, désarmé les soldats musulmans, pris possession des centres de réfugiés et opéré des descentes au siège local du principal parti politique musulman, le Parti de l’action démocratique (« SDA »). Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont interrompu les émissions de la radio musulmane et imposé un couvre-feu.
92. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont exigé le 15 janvier 1993 que les forces de l’ABiH, y compris celles stationnées dans la municipalité de Mostar, se soumettent au HVO ou bien se retirent de ce secteur. À la mi-janvier 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont porté au maximum l’état de préparation au combat des forces du HVO à Mostar et ont imposé un couvre-feu. La saisie de tous les convois d’armes et d’équipements militaires appartenant aux Musulmans a été ordonnée.
93. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont lancé début avril 1993 une sommation similaire, fixant le délai au 15 avril 1993. Ce jour-là, l’administration municipale de Mostar, contrôlée par le HVO, a adopté une « Décision concernant les droits des réfugiés et des personnes expulsées ou déplacées dans la municipalité de Mostar », qui modifiait les critères servant à définir le statut de « réfugié », à une époque où pareil statut était une condition nécessaire pour obtenir une aide humanitaire. Il y avait alors à Mostar environ 19 000 réfugiés, dont près de 18 000 étaient des Musulmans, et cette décision a eu pour effet de priver environ 10 000 personnes de cette aide.
94. Dans la matinée du 9 mai 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO s’en sont prises aux Musulmans de Bosnie à Mostar. Dans le cadre de cette opération, elles ont attaqué l’ensemble immobilier de Vranica, cité résidentielle de Mostar-Ouest où vivaient un grand nombre de civils. Une partie du sous-sol d’un immeuble était utilisée par l’ABiH comme quartier général local et abritait un petit nombre de soldats de l’ABiH. Le 10 mai 1993, les résidents civils et militaires de l’immeuble se sont livrés au HVO. La plupart des hommes musulmans en âge de porter les armes ont été arrêtés et emmenés à l’Institut du tabac, d’autres au bâtiment de la faculté de génie mécanique, d’autres encore au commissariat de police (ou « bâtiment du MUP »). Les autres résidents musulmans de Bosnie ont été emmenés au stade de football de Velez et, de là, à l’Heliodrom. Les résidents croates de Bosnie ont été relâchés. Les hommes musulmans emmenés à l’Institut du tabac – où ils ont comparu devant une assemblée de responsables et d’officiers de haut rang de la Herceg-Bosna/du HVO – ont été battus, maltraités et brutalisés par les forces de la Herceg-Bosna/du HVO.
95. Douze des hommes musulmans en âge de combattre qui se sont livrés le 10 mai 1993 à l’immeuble faisant partie de l’ensemble immobilier de Vranica ont été emmenés à un quartier général de la police militaire du HVO installé dans le bâtiment de la faculté de génie mécanique, où ils ont été interrogés, violemment battus et humiliés (voir Annexe). L’un des détenus a eu une oreille tranchée alors qu’on le battait et a été abattu par la suite. Après ces sévices, deux soldats du HVO ont pénétré dans la pièce où les hommes étaient enfermés et ont de nombreuses fois tiré sur eux de près. Aucun de ces douze hommes musulmans n’a jamais été revu.
96. Toujours le 9 mai 1993, à peu près au moment où le HVO attaquait l’ensemble immobilier de Vranica, et le 10 mai 1993, le HVO a arrêté et placé en détention des centaines d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans de Bosnie qui habitaient la partie de Mostar située à l’ouest de la Neretva. Certains de ces Musulmans de Bosnie ont été expulsés vers Mostar-Est ; beaucoup d’autres ont été emmenés au stade de football de Velez, puis transportés à l’Heliodrom situé juste au sud de Mostar (voir description ci-après) ou forcés de s’y rendre à pied. Environ 1 800 civils musulmans de Bosnie ont été détenus par les forces de la Herceg-Bosna/du HVO à l’Heliodrom, pendant des périodes variables allant jusqu’à une dizaine de jours. Certains détenus musulmans ont été transférés à la prison de Ljubuski, tandis que d’autres ont été maintenus en détention à l’Heliodrom, malgré un accord de cessez-le-feu négocié au niveau international.
97. Le 9 mai 1993 ou vers cette date, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont fait sauter la mosquée Baba Besir (également connue sous le nom de Mosquée de Balinovac) dans le quartier de Balinovac à Mostar-Ouest. Le 11 mai 1993 ou vers cette date, elles ont dynamité la mosquée Hadzi Ali-Beg Lafo (parfois appelée Mosquée Hadji Ali-Bey Lafa) à Pijesak, également à Mostar-Ouest.
98. Les actions menées par le HVO les 9 et 10 mai 1993 et par la suite ont entraîné la division de la ville de Mostar par une ligne de front opposant le HVO à l’ABiH, orientée nord-sud le long du Bulevar et de la rue Santiceva, juste à l’ouest de la Neretva. La plupart des Musulmans se sont retrouvés encerclés dans une zone exiguë à l’est de la rivière, et dans un étroit pâté d’immeubles de la rive occidentale (ensemble, « Mostar-Est »). Les Croates de Bosnie et le HVO occupaient la plus grande partie de la rive occidentale (« Mostar-Ouest ») ainsi que les secteurs situés au nord et au sud de l’enclave musulmane, à l’est de laquelle se trouvaient les forces serbes de Bosnie.
99. Du 9 mai 1993 jusqu’en avril 1994 et par la suite, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont procédé à l’expulsion systématique et au transfert forcé de milliers de civils musulmans de Bosnie de Mostar-Ouest. Au cours de ces expulsions, souvent effectuées sous la menace des armes, les Musulmans ont régulièrement subi des sévices corporels, des violences sexuelles, essuyé des coups de feu, été victimes de vols, de confiscations de biens et d’autres mauvais traitements. Certains de ces Musulmans de Bosnie expulsés ont été emmenés et incarcérés dans des camps de concentration du HVO ; beaucoup d’autres ont été forcés à franchir la ligne de front pour rejoindre Mostar-Est.
100. Tout au long de cette période dont le début se situe en mai 1993, les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont permis à certains Musulmans de Mostar-Ouest de se rendre dans les régions de Bosnie-Herzégovine contrôlées par l’ABiH ou dans d’autres pays, à condition qu’ils quittent la Herceg-Bosna. Des centaines de Musulmans de Bosnie n’ont été autorisés à quitter Mostar qu’après avoir signé une déclaration, exigée par les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO, selon laquelle ils cédaient « volontairement » tous leurs biens au HVO. Les maisons et appartements dont avaient été évincés les Musulmans ont été attribués par les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO à des soldats du HVO et à des civils croates de Bosnie.
101. Si de nombreux Musulmans de Bosnie arrêtés et emprisonnés les 9 et 10 mai 1993 ont été relâchés peu de temps après, les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont continué, pendant la deuxième quinzaine de mai 1993, à expulser de leurs maisons et appartements les Musulmans de Bosnie vivant à Mostar-Ouest.
102. Vers la mi-juin 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé et évincé de force de leurs foyers un grand nombre de Musulmans de Bosnie vivant à Mostar-Ouest.
103. Le 30 juin 1993, l’ABiH a attaqué et occupé la caserne « Tihomir Misic » du HVO (également appelée « caserne nord ») dans le secteur nord de la ville de Mostar. À la suite de cette attaque, le HVO a arrêté à Mostar et alentour plusieurs milliers d’hommes musulmans de Bosnie en âge de porter les armes, et les a placés en détention à l’Heliodrom ou à la prison de Dretelj. À l’occasion ou à la suite de cette arrestation massive d’hommes musulmans, environ 400 familles musulmanes de Bosnie (femmes, enfants et personnes âgées) ont été expulsées de Mostar-Ouest.
104. À partir du 9 mai 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont utilisé le bâtiment de la faculté de génie mécanique à Mostar pour détenir, interroger et maltraiter des hommes musulmans de Bosnie ayant été arrêtés ou capturés. Pendant la première semaine de juillet 1993, cinq hommes musulmans de Bosnie ont été arrêtés près de Dreznica et amenés dans ce bâtiment. Des membres du HVO ont violemment battu les cinq hommes, dont deux ont succombé à ces sévices (voir Annexe).
105. À la mi-juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont procédé à une nouvelle série d’évictions forcées, expulsant des femmes, des enfants et des personnes âgées musulmans de Bosnie de leurs foyers à Mostar-Ouest, en direction de Mostar-Est. À peu près à la même époque, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont proposé de libérer des hommes musulmans détenus à l’Heliodrom, ainsi que leurs familles dans le secteur de Mostar, s’ils acceptaient de quitter la Bosnie-Herzégovine pour se rendre dans un autre pays. Environ 800 Musulmans ont accepté cette proposition et ont été expulsés en République de Croatie pour être dirigés de là vers d’autres pays.
106. Vers le 14 juillet 1993, un garçon musulman et son grand-père ont été arrêtés à leur domicile à Buna (juste en dehors de la ville de Mostar) et emmenés dans un poste de police militaire du HVO, où ils ont été interrogés et torturés par la police militaire du HVO. Le même jour, ils ont été placés dans un fourgon pour être conduits à la prison de Dretelj. Pendant le trajet, les policiers militaires du HVO ont arrêté le fourgon et ordonné au garçon et à son grand-père de se mettre au bord de la route qui dominait la Neretva. Les policiers militaires du HVO ont alors ouvert le feu sur eux, blessant grièvement le garçon (qui est tombé le long de la berge et a survécu) et tuant son grand-père (voir Annexe).
107. À partir de mai 1993, au cours de cette période où les évictions de Mostar-Ouest étaient continuelles, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont régulièrement pillé et volé des biens appartenant à des Musulmans, soit au cours des évictions proprement dites, soit en s’introduisant par ailleurs dans des maisons ou des appartements de Musulmans qui étaient encore occupés ou avaient été abandonnés.
108. Le 24 août 1993 ou vers cette date, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué divers endroits des alentours de la ville de Mostar, dont le village de Rastani, l’usine hydroélectrique de Mostar et la caserne « Tihomir Misic ». Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO sont entrées dans Rastani et ont encerclé des maisons où des soldats de l’ABiH étaient censés loger. Lorsque les soldats du HVO ont encerclé la maison d’un villageois musulman, celui-ci était le seul soldat de l’ABiH qui s’y trouvait. Il y avait avec lui quinze parents et voisins, tous des civils musulmans. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont ordonné à toutes les personnes de sortir de la maison. Le soldat de l’ABiH et trois autres hommes musulmans en âge de combattre ont été abattus dès qu’ils sont sortis de la maison. Aucun d’eux n’était armé (voir Annexe). Les forces du HVO ont aligné les femmes et les enfants musulmans devant un mur, leur ont volé leur argent et leurs bijoux et les ont maltraités d’autres façons. Les survivants musulmans ont ensuite reçu l’ordre de traverser la Neretva pour rejoindre le territoire tenu par l’ABiH.
109. Fin septembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont procédé à une autre série d’évictions de Musulmans de Bosnie de Mostar-Ouest, dans le quartier de Centar II. Environ 600 civils musulmans ont été expulsés de leurs foyers de force, et au moins une femme musulmane a été violée (voir Annexe).
110. De juin 1993 environ à avril 1994, Mostar-Est et certains secteurs qui s’y rattachaient, notamment Blagaj, ont été assiégés. Du fait des expulsions ou de la fuite de Musulmans de Bosnie vers cette enclave, la population musulmane du secteur, qui se chiffrait selon les estimations à quelque 18 400 personnes avant la guerre, a atteint un chiffre estimé à 51 600 personnes. À Mostar-Est même, la population musulmane est passée d’environ 10 400 à 27 700 personnes approximativement.
111. Durant cette période allant de juin 1993 à avril 1994, il y avait des affrontements permanents entre les forces de la Herceg-Bosna/du HVO et celles de l’ABiH dans la ville de Mostar et alentour. Si les forces de la Herceg-Bosna/du HVO étaient généralement mieux équipées en armements lourds, notamment en chars et en artillerie, les forces musulmanes, plus réduites et utilisant surtout des armes d’infanterie légères, ont résisté à l’avance du HVO et se sont maintenues dans la petite bande de terrain à l’ouest de la Neretva.
112. À Mostar-Est, les Musulmans de Bosnie vivaient, ou tentaient de survivre, dans des conditions de plus en plus dangereuses, sordides et effroyables. Tout en poursuivant systématiquement l’expulsion de Musulmans de Bosnie vers le petit secteur densément peuplé de Mostar-Est, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO bombardaient continuellement ce même secteur à l’artillerie et tiraient sur des civils avec des armes de précision et d’autres armes de tir direct (y compris des mitrailleuses lourdes et des armes antiaériennes). Dans le même temps, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont bloqué et supprimé l’aide humanitaire aux Musulmans de Mostar-Est, et ont coupé ou négligé de rétablir l’approvisionnement en eau et en électricité dans cette partie de la ville. Les incessants bombardements et tirs isolés ont forcé la population civile musulmane à mener une vie souterraine. Se risquer à la recherche de nourriture, d’eau et d’autres produits de première nécessité était souvent une épreuve terrifiante et dangereuse.
113. Dans les premiers temps du siège de Mostar-Est, de fin juin 1993 approximativement à fin août 1993, l’accès des organisations internationales et humanitaires à Mostar-Est a été totalement bloqué ou très limité, ce qui a aggravé les difficultés des Musulmans de Bosnie à Mostar-Est, qui étaient coupés de l’aide extérieure.
114. À Mostar-Est, des centaines de civils musulmans des deux sexes et de tous âges ont été tués ou blessés par les bombardements du HVO. Les tirs de la Herceg-Bosna/du HVO ont tué ou blessé au moins 135 civils à Mostar-Est, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées (voir Annexe ; des exemples de tirs isolés contre des civils musulmans sont présentés dans l’Annexe). Des pompiers effectuant des interventions d’urgence, des femmes lavant leur linge, des personnes allant chercher de l’eau pour leurs familles et des enfants s’aventurant dehors ont été tués ou blessés par des tireurs isolés de la Herceg-Bosna/du HVO.
115. Les membres d’organisations internationales étaient eux aussi régulièrement pris pour cible par des tireurs isolés de la Herceg-Bosna/du HVO et, à l’occasion, par des tirs d’artillerie et de mortier du HVO. Plusieurs membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies et d’autres personnes ont ainsi été tués ou blessés.
116. Dans le cadre et au cours du siège de Mostar-Est, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont délibérément détruit ou gravement endommagé les mosquées ou édifices religieux suivants à Mostar-Est : mosquée Sultan Selim Javuz (également connue en tant que mosquée Mesdjid Sultan Selimov Javuza), mosquée Hadzi Mehmed-Beg Karadjoz, mosquée Koski Mehmed-Pasa, mosquée Nesuh Aga Vucjakovic, mosquée Cejvan Cehaja, mosquée Hadzi Ahmed Aga Lakisic, mosquée Roznamedzija Ibrahim Efendija, mosquée Cosa Jahja Hodza (également connue en tant que mosquée Dzamiha Cose Jahja Hodzina), mosquée Hadzi Kurto ou Tabacica, et mosquée Hadzi Memija Cernica. Le 9 novembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit le Stari Most (« Vieux Pont »), un monument de renommée internationale qui enjambait la Neretva, reliant Mostar-Est et Mostar-Ouest.
117. Le siège de Mostar-Est a pris fin vers le 12 avril 1994 à la suite d’un accord de paix signé par les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO et la partie musulmane à Split, en République de Croatie.
118. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; viol (chef 4) ; traitements inhumains (violences sexuelles) (chef 5) ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21) ; appropriation de biens (chef 22) ; pillage (chef 23) ; attaque illégale contre des civils (chef 24) ; fait de répandre illégalement la terreur parmi la population civile (chef 25) et traitements cruels (siège de Mostar) (chef 26).
CAMP DE L’HELIODROM
119. Le camp de l’Heliodrom (appelé également « Prison militaire centrale » ou « Maison d’arrêt militaire centrale », ci-après l’« Heliodrom ») était situé à Rodoc, juste au sud de la ville de Mostar, dans la municipalité du même nom. L’Heliodrom était un ensemble de bâtiments dont certains étaient utilisés par le HVO comme prison ou centre de détention et d’autres comme caserne pour les soldats du HVO et d’autres troupes. La prison/le centre de détention du HVO a été créé en septembre 1992 sur les ordres de BRUNO STOJIC et de VALENTIN CORIC, et des prisonniers musulmans de Bosnie y ont été détenus jusqu’au 21 avril 1994.
120. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les 9 et 10 mai 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont systématiquement arrêté et emprisonné des centaines de Musulmans de Bosnie, hommes, femmes, enfants et personnes âgées vivant à Mostar-Ouest. Les centaines de Musulmans ainsi arrêtés ont été transportés à l’Heliodrom ou forcés de s’y rendre à pied et, pour la plupart, ils y ont été détenus pendant des périodes allant jusqu’à une dizaine de jours.
121. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, le 30 juin 1993, l’ABiH a attaqué la caserne du HVO appelée « Tihomir Misic » ou encore « caserne nord » et l’a occupée. À la suite de cette attaque, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont arręté, en Herzégovine, plusieurs milliers d’hommes musulmans en âge de porter les armes, dont un grand nombre a été détenu à l’Heliodrom pendant de longues périodes.
122. Avant mai 1993, les détenus étaient peu nombreux à l’Heliodrom, mais à la suite de ces arrestations, leur nombre est passé à 1 800 environ autour des 9 et 10 mai 1993 pour retomber à environ 500 vers fin juin 1993. De juillet à décembre 1993, la population de l’Heliodrom était en moyenne de plusieurs milliers de personnes, le maximum jamais atteint étant estimé à 6 000 détenus environ. Si les dernières femmes musulmanes encore détenues à l’Heliodrom ont été libérées le 17 décembre 1993, de nombreux hommes musulmans y sont restés en détention jusqu’en avril 1994.
123. Les hommes musulmans de Bosnie étaient emprisonnés et sont demeurés au camp de concentration de l’Heliodrom sans que les autorités ou les forces de la Herceg-Bosna/du HVO fassent un effort réel ou valable pour opérer une distinction entre les prisonniers militaires et les détenus civils, les classer et les séparer les uns des autres ou pour organiser la libération des détenus civils.
124. Les conditions de détention dans le camp de concentration de l’Heliodrom étaient inhumaines : locaux surpeuplés, soins médicaux et installations sanitaires inadéquats, manque d’eau et de nourriture, ventilation déficiente et chaleur suffocante en été. Les détenus dormaient souvent à même le sol en béton, sans literie ni couvertures. Parfois, lorsque le HVO essuyait des revers militaires, les gardes privaient les détenus de nourriture et d’eau à titre de représailles.
125. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO maltraitaient et brutalisaient régulièrement les détenus musulmans ou permettaient à d’autres de le faire, tant à l’Heliodrom que sur les lieux où ces détenus étaient emmenés pour effectuer des travaux forcés ou à d’autres fins. Les détenus étaient régulièrement soumis à des traitements cruels et se voyaient infliger de grandes souffrances de la part de soldats et de gardes du HVO qui les frappaient souvent jusqu’à ce qu’ils perdent conscience ou soient grièvement blessés. Les détenus musulmans vivaient constamment dans la crainte de violences physiques et psychologiques. Les soldats du HVO qui étaient de passage tiraient souvent au hasard sur des détenus musulmans entassés dans des locaux surpeuplés. Les gardes du HVO lâchaient parfois leurs chiens sur des détenus, dans le seul but de leur infliger des blessures et les terroriser. Les détenus musulmans devaient souvent subir toutes sortes d’humiliations ; on les contraignait notamment à chanter des chants nationalistes croates.
126. De mi-mai environ jusqu’au 17 décembre 1993, au moins 30 femmes musulmanes de Bosnie (dont plusieurs avaient plus de 70 ans, tandis que d’autres étaient accompagnées d’enfants en bas âge) ont été détenues dans le bâtiment principal du camp de concentration de l’Heliodrom ; elles étaient enfermées au grenier ou placées dans des cellules d’isolement au sous-sol. Elles vivaient dans des conditions inhumaines, les installations sanitaires et les soins médicaux étaient insuffisants, la nourriture et l’eau inadéquates, et la ventilation déficiente. Elles dormaient souvent à même le sol en béton, sans literie ni couvertures.
127. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les actions menées par le HVO les 9 et 10 mai 1993 et par la suite ont eu pour conséquence le partage de la ville de Mostar, coupée en deux par une ligne de front entre le HVO et l’ABiH, le long du Bulevar et de la rue Santiceva. De mai 1993 à avril 1994, des hommes musulmans de Bosnie détenus à l’Heliodrom ont été emmenés presque quotidiennement sur cette ligne de front et dans d’autres endroits de la région de Mostar pour y effectuer des travaux forcés. Ces travaux consistaient généralement à construire des fortifications militaires, creuser des tranchées, charger des armes, transporter des munitions et des explosifs et récupérer les corps de soldats du HVO tués. Ils étaient effectués dans des conditions dangereuses, au cœur des combats, et de nombreux détenus musulmans ont ainsi été tués ou blessés.
128. D’août 1993 environ à mars 1994, des hommes musulmans de Bosnie détenus au camp de concentration de l’Heliodrom ont été transportés au camp de Vojno (décrit plus loin), pour y effectuer des travaux forcés dans des conditions dangereuses, souvent par roulements de sept jours. De nombreux détenus musulmans ont été tués ou blessés pendant qu’ils effectuaient ces travaux.
129. À plusieurs reprises, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont utilisé des détenus musulmans comme boucliers humains, en les plaçant entre leurs soldats et ceux de l’ABiH ou en les obligeant à marcher devant les forces du HVO. Les détenus musulmans recevaient parfois des fusils factices en bois ou étaient déguisés en soldats du HVO et contraints de marcher vers les positions de l’ABiH afin d’attirer les tirs ennemis et de permettre au HVO d’identifier les positions de l’ABiH.
130. L’utilisation des détenus musulmans de Bosnie de l’Heliodrom pour effectuer des travaux forcés ou servir de boucliers humains a fait au moins 54 morts et 178 blessés dans leurs rangs (voir Annexe).
131. Certains détenus musulmans ont été libérés ou autorisés à quitter l’Heliodrom à la condition d’abandonner tous leurs biens au HVO et de partir pour un autre pays. Le 17 juillet 1993 ou vers cette date, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont proposé de libérer les hommes musulmans détenus à l’Heliodrom s’ils acceptaient d’être transférés en République de Croatie, d’où le HVO était supposé les aider à se réinstaller dans un autre pays. Environ 800 Musulmans ont accepté cette proposition et ont été transportés sur les îles d’Obonjan et de Gasinci en République de Croatie, avec le concours direct des forces de la Herceg-Bosna/du HVO et de la police de la République de Croatie.
132. De telles pratiques se sont poursuivies de juillet à novembre 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO acceptant de libérer des hommes musulmans, toujours à la condition qu’ils quittent la Herceg-Bosna. Entre le 15 et le 17 décembre 1993, au moins 1 477 Musulmans détenus à l´Heliodrom ont été libérés. Nombre d’entre eux ont été expulsés vers la République de Croatie ou vers d´autres pays, tandis que d’autres ont été envoyés à Mostar-Est ou autorisés à y retourner. On disait également parfois aux détenus musulmans qu’ils seraient libérés s’ils acceptaient de signer un serment de loyauté à l’égard du HVO.
133. En diverses occasions, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont empêché les observateurs internationaux et les organisations humanitaires d’obtenir des informations complètes et exactes sur la présence et la situation des Musulmans détenus à l’Heliodrom, et elles ont parfois refusé que les observateurs internationaux entrent en contact avec les détenus. Le 18 mai 1993, des représentants de diverses organisations humanitaires internationales venus inspecter l’Heliodrom n´ont pas été autorisés à visiter tous les locaux où se trouvaient des détenus, et des informations mensongères leur ont été fournies sur les conditions de détention et de libération des détenus musulmans, y compris au sujet des femmes. Dès août 1993, une organisation humanitaire internationale a dénoncé auprès des autorités de la Herceg-Bosna/du HVO les infractions aux Conventions de Genève commises à l’encontre des Musulmans détenus à l’Heliodrom, notamment leur utilisation pour effectuer des travaux forcés.
134. En janvier 1994, des représentants d´une organisation humanitaire internationale ont été empêchés d’entrer en contact avec des détenus qui étaient encore astreints à des travaux forcés.
135. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu´il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) et travail illégal (chef 18).
CAMP DE VOJNO
136. À partir de juin 1993 environ jusqu’à mars 1994, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont utilisé comme lieu de détention plusieurs bâtiments situés dans le secteur de Vojno, municipalité de Mostar, à une douzaine de kilomètres au nord de la ville de Mostar (le « camp de Vojno »), et en ont assuré le fonctionnement. Des hommes, des femmes et des enfants musulmans de Bosnie qui avaient été arrêtés ou de toute autre manière mis en détention y ont été enfermés. Ce camp était situé près d’une ligne de front qui était le théâtre de combats entre le HVO et l’ABiH.
137. Les détenus du camp de Vojno vivaient dans des conditions insalubres et difficiles : locaux surpeuplés, ventilation déficiente, manque de nourriture, d’eau, de literie, et installations sanitaires inadéquates.
138. Les hommes du HVO soumettaient quotidiennement les hommes musulmans détenus au camp de Vojno à des violences physiques et psychologiques. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont tué au moins 13 de ces détenus et en ont blessé de nombreux autres (voir Annexe). Les forces du HVO frappaient régulièrement les hommes musulmans détenus à coups de pied, de poing, de matraques en caoutchouc ou avec divers objets en bois. Ils leur envoyaient des décharges électriques, les obligeaient souvent à se frapper mutuellement et les brutalisaient et les humiliaient d’autre manière. Les détenus musulmans étaient forcés d’assister à l’exécution sommaire d’autres détenus et lorsque les forces de l’ABiH remportaient des succès militaires, on leur faisait subir en représailles des traitements particulièrement brutaux.
139. À partir du mois d’août 1993 environ jusqu’au mois de mars 1994, les hommes musulmans de Bosnie détenus au camp de Vojno ont été utilisés avec ceux détenus à l’Heliodrom (qui étaient souvent envoyés au camp de Vojno par roulements de sept jours) pour effectuer des travaux forcés dans le secteur de Vojno. Ces travaux consistaient notamment à construire des fortifications militaires, à creuser des tranchées, à porter des munitions aux soldats du HVO et à récupérer ceux-ci lorsqu’ils avaient été tués ou blessés, souvent le long de la ligne de front et pendant les combats. Les hommes musulmans ainsi utilisés étaient régulièrement exposés à des tirs de mortier, aux balles de tireurs embusqués et à d’autres tirs d’armes légères, et au moins 39 d’entre eux ont été tués ou blessés (voir Annexe).
140. Une cinquantaine de femmes et jeunes filles musulmanes de Bosnie (accompagnées de leurs enfants en bas âge), toutes des civiles, ont été détenues par le HVO au camp de Vojno, de juin environ à décembre 1993. Ces femmes et les autres détenus ont été maintenus captifs sans que le HVO fasse un effort réel ou valable pour déterminer leur statut ou opérer une distinction entre les détenus militaires et les civils, et sans qu’il veille à la libération de ces derniers ou à leur transfert vers un lieu où ils seraient en sécurité.
141. Les soldats du HVO ont, de manière répétée, violé des femmes et des jeunes filles musulmanes de Bosnie détenues au camp de Vojno et leur ont fait subir des violences sexuelles (voir Annexe). Ces violences sexuelles étaient souvent précédées ou suivies de sévices ou de menaces, les victimes étant prévenues que leurs enfants seraient tués si elles résistaient.
142. Les enfants musulmans de Bosnie détenus au camp de Vojno étaient régulièrement exposés à des traitements cruels, affamés et séparés de leurs mères, ce qui a provoqué des souffrances physiques et des traumatismes psychologiques chez ces jeunes victimes des persécutions et du nettoyage ethnique pratiqués par la Herceg-Bosna/le HVO.
143. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu´il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles qu’alléguées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; viol (chef 4) ; traitements inhumains (violences sexuelles) (chef 5) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) et travail illégal (chef 18).
MUNICIPALITÉ ET CENTRES DE DÉTENTION
DE LJUBUSKI
144. La municipalité de Ljubuski est située dans le sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine, près de la frontière avec la République de Croatie. En 1991, sur les 28 340 habitants de cette municipalité, environ 92 % se déclaraient Croates et 5,6 % seulement (soit quelque 1 592 personnes) Musulmans.
145. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Ljubuski avait été incluse dans le territoire de celle-ci. En 1992 et jusqu’en 1993, les persécutions de la part des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO contre les habitants musulmans de la ville de Ljubuski et des villages de Gradska et de Vitina n’ont cessé de s’intensifier.
146. À partir d’avril 1993 jusqu’en mars 1994, les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont dirigé la maison d’arrêt militaire de Ljubuski (la « prison de Ljubuski ») dans la ville de Ljubuski, ainsi qu’un autre centre de détention installé dans un hangar en tôle dans les hameaux de Vitina et Otok ou dans leur voisinage (le « hangar de Vitina », parfois appelé le « camp d’Otok »). Le HVO utilisait ces camps, en tout ou en partie, pour y détenir ou emprisonner des Musulmans de Bosnie, y compris des dirigeants, des civiles musulmanes et des intellectuels musulmans, ainsi que les Musulmans qui étaient envoyés à la prison de Ljubuski après avoir été arrêtés ou pris en République de Croatie.
147. Les conditions de détention dans le camp de concentration de la prison de Ljubuski et dans le hangar de Vitina étaient difficiles et insalubres : locaux surpeuplés, ventilation déficiente, absence totale de lits, manque de literie, de nourriture et d’eau, installations sanitaires déplorables.
148. Entre avril 1993 environ et mars 1994, le HVO a régulièrement utilisé les Musulmans de Bosnie détenus à la prison de Ljubuski et dans le hangar de Vitina pour effectuer des travaux forcés. Ces travaux incluaient des tâches dangereuses d’ordre militaire qui consistaient à construire des casemates et à creuser des tranchées pendant le déroulement des combats, et un certain nombre de détenus musulmans ont ainsi été blessés ou tués.
149. De mai à juillet 1993 tout particulièrement, les hommes du HVO ont régulièrement torturé, brutalisé et maltraité les Musulmans détenus à la prison de Ljubuski et dans le hangar de Vitina, tant à l’intérieur des centres de détention que sur les lieux où ils étaient astreints à des travaux forcés.
150. Du 16 au 28 août 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé de Bosnie-Herzégovine la population musulmane de Gradska, de Vitina et de la ville de Ljubuski. Elles ont procédé à ces expulsions massives en autorisant les Musulmans à quitter les camps de concentration et les centres de détention du HVO dans lesquels ils étaient détenus à la condition qu’ils fournissent une lettre de garantie de la part d’un pays tiers prêt à les accueillir avec leurs familles. Des habitants musulmans de la municipalité de Ljubuski ont été arrêtés, dépouillés de leurs biens et finalement expulsés avec leurs familles vers des pays tiers, en transitant par la République de Croatie.
151. De novembre 1993 à mars 1994, de nombreux Musulmans de Bosnie détenus dans le camp de concentration de la prison de Ljubuski et dans le hangar de Vitina ont été transférés à la prison de Gabela ou à l’Heliodrom, envoyés à Mostar-Est ou dans les territoires tenus par l’ABiH, ou encore expulsés vers des pays tiers.
152. En septembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit la mosquée du village de Gradska, dans le cadre des persécutions constantes dirigées contre les Musulmans de Bosnie.
153. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu´il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) et destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21).
MUNICIPALITÉ DE STOLAC
154. La municipalité de Stolac est située dans le sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine et comptait quelque 18 681 habitants en 1991. D’après le recensement effectué cette année-là, 43,4 % de la population (soit 8 101 personnes) se déclaraient Musulmans et 33,1 % (soit 6 188 personnes) Croates. Stolac, ville principale de la municipalité, comptait quelque 5 530 habitants en 1991, dont environ 62 % (soit 3 426 personnes) se déclaraient Musulmans et environ 12 % (soit 653 personnes) Croates.
155. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Stolac avait été incluse dans le territoire de celle-ci en dépit du fait que les Croates de Bosnie y constituaient une minorité. Comme dans d’autres municipalités dont il est question dans le présent acte d’accusation, il y a eu en 1992 et 1993 des tensions croissantes entres les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO et la population musulmane, et les persécutions du HVO contre les Musulmans se sont intensifiées. Après le départ de la ville de Stolac des forces des Serbes de Bosnie et de la majeure partie des habitants serbes, au milieu de 1992, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont pris le contrôle de la ville.
156. En dépit des efforts du HVO pour « croatiser » les institutions et la population dans la municipalité de Stolac, les Musulmans de Bosnie qui vivaient dans cette municipalité ne reconnaissaient pas le pouvoir de la Herceg-Bosna/du HVO. En décembre 1992, les Musulmans de Bosnie qui faisaient partie de la cellule de crise de Stolac ont refusé d’entériner l’incorporation de la municipalité dans la Herceg-Bosna.
157. Au début de 1993, les tensions entre les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO et les Musulmans ont augmenté. Vers le 20 avril 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont arrêté des notables musulmans dans la municipalité de Stolac (y compris les Musulmans qui faisaient partie de la cellule de crise de Stolac) et les ont emprisonnés pendant des périodes variables dans des centres de détention du HVO à Dretelj, Gabela, Ljubuski et à l’Heliodrom.
158. Le 10 mai 1993 ou vers cette date, le HVO a transformé l’hôpital « Kostana » à Stolac en une base de la police militaire du HVO, et les patients, atteints de maladies osseuses, ont été transférés à la caserne de Grabovina, dans la municipalité de Capljina. Le HVO a ensuite utilisé l’hôpital « Kostana » comme centre de détention à court terme pour hommes musulmans de Bosnie.
159. Ainsi qu’il a été exposé plus haut, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont entrepris en juillet 1993 une vaste campagne de nettoyage ethnique soigneusement orchestrée pour expulser et transférer de force des Musulmans habitant diverses parties de l’Herzégovine, notamment la municipalité de Stolac. Après avoir arrêté et emprisonné la plupart des hommes musulmans, le HVO a systématiquement chassé de leurs foyers les femmes, les enfants et les personnes âgées musulmans et les a expulsés vers des secteurs contrôlés par l’ABiH. Au cours de ces expulsions, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO dépouillaient les civils musulmans de leurs biens.
160. Le 6 juillet 1993 ou vers cette date, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé de force des civils musulmans qui habitaient le village de Prenj ou ses environs.
161. Du 12 au 15 juillet 1993 ou vers ces dates, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé des civils musulmans habitant les villages d’Aladinici, de Pjesivac Greda et de Rotimlja ou leurs environs, sur le plateau de Dubrave. Pendant qu’elles procédaient à l’expulsion forcée de civils musulmans de Pjesivac Greda, les 12 et 13 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont abattu une femme musulmane de 18 ans (voir Annexe).
162. Au cours de l’expulsion de civils musulmans du plateau de Dubrave, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit du 13 au 15 juillet 1993 les habitations de Musulmans de Bosnie à Aladinici et Rotimlja, notamment les maisons et les biens de Musulmans dans les quartiers de Huskovici, Medine et Selo à Rotimlja. Le 14 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit les mosquées d’Aladinici et de Rotimlja.
163. Les 13 et 14 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé des femmes, des enfants et des personnes âgées musulmans de la ville de Stolac et détruit la mosquée du Sultan Selim (connue également sous le nom de mosquée de l’Empereur).
164. Fin juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit les maisons et les biens d’habitants musulmans à Borojevici.
165. Les 4 et 5 août 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit les maisons et les biens d’habitants musulmans de Bosnie à Prenj, y compris la mosquée du village.
166. Le 4 août 1993 ou vers cette date, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé de force d’autres civils musulmans de la ville de Stolac. Vers cette date également, le HVO a détruit le complexe Begovina et le vieux centre ville (y compris le marché), ainsi que trois autres mosquées (la mosquée Ali Pasa Rizvanbegovic, la mosquée Hadzi Alija Hadzisalihovic et la mosquée Ismail Kapetan Saric). Par ces expulsions, venant s’ajouter à celles des 13 et 14 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont chassé la très grande majorité des habitants musulmans de la ville de Stolac, soit plus de 3 000 personnes au total.
167. Dans le cadre de la campagne d’expulsions, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont fait monter directement des Musulmans de Bosnie (principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées) dans des camions et des autocars et les ont transportés jusqu’à des enclaves musulmanes ou des territoires tenus par l’ABiH ou à proximité de ceux-ci. Sur place, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO forçaient les détenus à marcher jusqu’aux enclaves ou territoires en question ou leur ordonnaient de le faire. À Buna, en particulier, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont forcé les Musulmans à marcher en direction de Blagaj, souvent sous les tirs.
168. En d’autres occasions, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont détenu ou gardé des civils musulmans de Bosnie en divers endroits, notamment dans l’école de Crnici, dans l’usine TGA et au VPD (Centre de redressement de Stolac), ainsi qu’aux « Silos » de la ville de Capljina. En d’autres endroits, les civils musulmans étaient gardés dans des maisons privées et leur liberté de mouvement était étroitement limitée. Les conditions de vie et les pratiques en vigueur dans ces lieux de détention étaient inhumaines, les locaux étaient surpeuplés, les détenus étaient victimes de traitements cruels, la nourriture et l’eau étaient en quantité insuffisante, les installations sanitaires étaient inadéquates, ainsi que la literie et les soins médicaux. De nombreuses personnes ainsi détenues ont finalement été transférées vers des secteurs contrôlés par l’ABiH.
169. Pendant l’été et l’automne 1993, des membres de la Herceg-Bosna/du HVO ont sévèrement maltraité les hommes musulmans de Bosnie détenus à l’hôpital « Kostana » ; ils les rouaient de coups de pied, les frappaient avec des matraques, des bâtons, des crosses de fusil et des chaises, souvent au cours d’interrogatoires et de manière prolongée. De nombreux détenus musulmans sont décédés à la suite de ces mauvais traitements ou ont été grièvement blessés, et cinq hommes au moins sont morts entre juillet et mi-octobre 1993 (voir Annexe). L’un de ceux-ci est décédé des suites de ses blessures après avoir été transféré à la prison de Dretelj.
170. Dans la deuxième quinzaine de septembre 1993, les dirigeants de la Herceg-Bosna/du HVO ont assuré le président Tudjman à Zagreb qu’il ne restait plus un seul Musulman dans la municipalité de Stolac, et que le HVO l’avait repeuplée avec des Croates de Bosnie centrale qui étaient relogés dans les maisons ayant appartenu à des Musulmans.
171. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu´il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21) ; appropriation de biens (chef 22) et pillage (chef 23).
municipalité de Capljina
172. La municipalité de Capljina se situe dans le sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine et comptait quelque 27 882 habitants en 1991. D’après le recensement effectué cette année-là, 53,7 % de ses habitants (soit environ 14 969 personnes) se déclaraient Croates et 27,5 % (7 672 personnes) Musulmans. La population musulmane était concentrée dans la ville principale de la municipalité, Capljina, et dans les villages du plateau de Dubrave, qui est à cheval sur les municipalités de Stolac et de Capljina. En 1991, environ 41 % des habitants de la ville de Capljina (soit 3 067 personnes) se déclaraient Croates et 29,4 % (soit 2 191 personnes) Musulmans.
173. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Capljina avait été incluse dans le territoire de celle-ci. Comme dans d’autres municipalités dont il est question dans le présent acte d’accusation, il y a eu en 1992 et 1993 des tensions croissantes entre les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO et la population musulmane, et les persécutions du HVO contre les Musulmans se sont intensifiées.
174. Vers le 20 avril 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont arrêté un nombre important d’hommes musulmans de Bosnie dans la municipalité de Capljina, dont des notables musulmans locaux, et les ont emprisonnés dans divers centres de détention du HVO (notamment à la caserne de Grabovina), pendant des périodes variables.
175. Le HVO a adopté à l’égard des Musulmans de la municipalité de Capljina le même comportement et les mêmes pratiques que lors des arrestations et expulsions auxquelles il a procédé de manière systématique et sur une grande échelle dans d’autres parties de l’Herzégovine en juillet 1993. Après avoir arrêté et emprisonné la plupart des hommes musulmans, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont systématiquement chassé de leurs foyers les femmes, les enfants et les personnes âgées musulmans et les ont expulsés vers des secteurs contrôlés par l’ABiH ou vers d’autres pays via la République de Croatie. Au cours de ces expulsions, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont dépouillé les Musulmans de leurs biens.
176. Durant plusieurs jours aux alentours du 13 juillet 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé par la force des civils musulmans de Bosnie du village de Domanovici ou de ses environs. Lors de ces expulsions, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont abattu deux jeunes femmes musulmanes de Bosnie (voir Annexe).
177. Durant plusieurs jours aux alentours du 13 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé des civils musulmans de Bosnie du village de Bivolje Brdo ou de ses environs. Au cours de ces expulsions, des soldats du HVO ont abattu un Musulman de Bosnie âgé de 83 ans à son domicile, dans le hameau de Kevcici, et ont détruit des maisons de Musulmans de Bosnie (voir Annexe). Le 16 juillet 1993, au cours de l’expulsion de Musulmans de Bivolje Brdo, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont pris à part douze hommes musulmans, qui ont disparu et n’ont plus jamais été revus vivants (voir Annexe).
178. Vers le 13 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé des civils musulmans de Bosnie du village de Pocitelj ou de ses environs. Entre le 27 juillet 1993 et le 5 aoűt 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont de nouveau expulsé de Pocitelj des Musulmans de Bosnie, dont beaucoup qui s’y étaient réfugiés venant d’autres villages. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont embarqué beaucoup de ces civils musulmans dans des camions et les ont conduits à Buna, où on les a contraints à marcher jusqu’à Blagaj (qui faisait partie de l’enclave de Mostar-Est).
179. Vers le 13 juillet 1993, et de nouveau du 27 juillet 1993 au 5 août 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé de force des civils musulmans de Bosnie du village d’Oplicici ou de ses environs. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont incendié et dynamité des maisons et des bâtiments de Musulmans de Bosnie à Oplicici le 4 aoűt 1993 et détruit la mosquée d’Oplicici le 7 aoűt 1993.
180. Du 13 juillet au 15 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé des civils musulmans de Bosnie du village de Lokve ou de ses environs. Elles ont détruit la mosquée située à Lokve ou à proximité le 14 juillet 1993 et y ont détruit des maisons de Musulmans de Bosnie le 16 juillet 1993.
181. Le 14 juillet 1993 ou vers cette date, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit la mosquée dans le village de Visici ou dans ses environs. Le 11 aoűt 1993, elles ont expulsé des civils musulmans de Bosnie du village de Visici, les emprisonnant d’abord pendant plusieurs jours aux « Silos », dans la ville de Capljina, puis les chassant du territoire tenu par le HVO.
182. En août et septembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé et transféré de force des femmes, des enfants et des personnes âgées musulmans de Bosnie de la ville de Capljina. La principale expulsion a eu lieu le 23 août 1993 ou vers cette date, lorsque les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont embarqué quelque 3 000 civils musulmans de Bosnie à bord d’un important convoi de camions et les ont conduits hors de la ville. Après une brève halte aux « Silos », où leurs biens personnels leur ont été pris, les civils musulmans ont été emmenés en territoire tenu par l’ABiH. Vers le 29 septembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé les derniers Musulmans de Bosnie de la ville de Capljina, bien que beaucoup de ces civils eussent obtenu des lettres de garantie pour se rendre dans d’autres pays. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont emmené les civils à Buna et les ont contraints à marcher jusqu’à Blagaj.
183. Lors de ces expulsions et dans le cadre de celles-ci, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont embarqué certains Musulmans de Bosnie dans des camions et des autocars et les ont transportés dans des enclaves musulmanes ou en territoire tenu par l’ABiH (ou dans des endroits à proximité, d’où on leur disait de marcher vers l’enclave ou le territoire ou les forçait à le faire). Le HVO a détenu d’autres civils musulmans de Bosnie durant des périodes variables et en divers endroits, notamment aux « Silos » dans la ville de Capljina, à l’école de Crnici dans la municipalité de Stolac et dans diverses maisons et écoles. Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO détenaient souvent ces Musulmans de Bosnie entassés dans des conditions inhumaines et cruelles, sans eau ni nourriture suffisantes et sans sanitaires, literie ni soins médicaux adéquats. Beaucoup des personnes détenues ont finalement été transférées vers des secteurs contrôlés par l’ABiH ou expulsées vers d’autres pays, via la République de Croatie.
184. Lorsque les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont transformé vers le 10 mai 1993 l’hôpital « Kostana », dans la municipalité de Stolac, en base de la police militaire du HVO, le HVO a transféré les patients, atteints de maladies osseuses (dont la plupart ne pouvaient se déplacer seuls), à la caserne de Grabovina, dans la municipalité de Capljina. Le 24 juillet 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont embarqué sans ménagement ces personnes à l’arrière d’un camion, sans leurs fauteuils roulants ou autres accessoires médicaux, déclarant qu’ils n’en auraient pas besoin. Au lieu de suivre les instructions du HVO et de conduire le camion dans un endroit isolé contrôlé par le HVO, le chauffeur, un Musulman de Bosnie, a emmené les malades en territoire contrôlé par l’ABiH.
185. De juillet à septembre 1993, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé ou transféré de force des milliers de civils musulmans de la municipalité de Capljina.
186. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement (chef 21) ; appropriation de biens (chef 22) et pillage (chef 23).
PRISON MILITAIRE DU DISTRICT DE DRETELJ
187. Dretelj est un village qui se trouve dans la municipalité de Capljina, à environ 1,5 km de la ville du même nom. La prison militaire du district de Dretelj (la « prison de Dretelj ») faisait partie de la caserne de Dretelj, ou la jouxtait, et comprenait cinq hangars en tôle et deux tunnels pour le stockage des munitions. Le HVO a utilisé la prison de Dretelj en 1992 et dans la première moitié de 1993 pour y détenir des Serbes arrêtés et capturés.
188. Le HVO a détenu des hommes musulmans de Bosnie au camp de concentration de la prison de Dretelj, principalement d’avril à septembre 1993, mais certains y sont restés jusqu’à avril 1994 environ. Le nombre de détenus à la prison de Dretelj a atteint son niveau maximal le 11 juillet 1993, avec quelque 2 270 hommes musulmans de Bosnie détenus par le HVO, et est ensuite retombé à une moyenne d’environ 1 700 hommes.
189. Ainsi qu’il est dit ailleurs, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont, du 30 juin à mi-juillet 1993, opéré des arrestations massives d’hommes musulmans de Bosnie, y compris de membres musulmans du HVO, et ont détenu nombre d’entre eux à la prison de Dretelj. Les hommes musulmans détenus au camp de concentration de la prison de Dretelj – parmi eux un certain nombre de garçons de moins de 16 ans et d’hommes âgés de plus de 60 ans – ont été emprisonnés et maintenus en détention par les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO sans considération de leur statut, civil ou militaire. Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO n’ont fait aucun effort réel ou valable pour opérer une distinction entre les détenus militaires et les détenus civils, ou pour prendre des mesures générales en vue de libérer ces derniers. En août et septembre 1993, pour être libérés, les Musulmans de Bosnie devaient, entre autres critères fixés par le HVO, être mariés à une Croate ou posséder un visa et une lettre de garantie pour quitter la Bosnie-Herzégovine à destination d’un autre pays. Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé de nombreux Musulmans de Bosnie détenus à la prison de Dretelj vers d’autres pays, via la République de Croatie.
190. Les conditions de détention à la prison de Dretelj étaient difficiles et insalubres en raison du surpeuplement, d’une mauvaise ventilation, de l’absence de lits et de l’insuffisance de la literie et des sanitaires. Le HVO ne donnait pas suffisamment de nourriture et d’eau aux détenus et les faisait souvent manger dans des conditions cruelles et humiliantes. Dans la chaleur de la mi-juillet 1993, il a laissé les détenus enfermés sans nourriture et sans eau pendant un certain nombre de jours, causant ainsi la mort d’au moins un détenu musulman.
191. Pendant toute la durée de leur détention à la prison de Dretelj, les prisonniers musulmans de Bosnie ont été soumis de la part de membres du HVO, y compris du directeur de prison et de membres d’unités du HVO non rattachées à la prison, à des sévices et des traitements cruels, vivant notamment dans la peur constante de subir des violences physiques et psychologiques. Les détenus musulmans de Bosnie étaient parfois contraints ou incités à infliger des sévices et des violences à d’autres détenus musulmans. Ceux qui étaient en cellule d’isolement étaient particulièrement brutalisés. Les détenus musulmans étaient harcelés, insultés pour leur appartenance ethnique et humiliés.
192. Du fait de ces actes et de ces pratiques, de nombreux détenus musulmans de Bosnie ont subi des atteintes graves à leur intégrité physique ou à leur santé et certains en sont morts. Au moins quatre détenus musulmans de Bosnie ont péri au camp de concentration de la prison de Dretelj sous les coups ou les balles de membres du HVO (voir Annexe).
193. Jusqu’en août 1993 environ, le HVO a refusé l’accès à la prison de Dretelj aux observateurs internationaux et aux organisations humanitaires. Fin août 1993, il a transféré les chefs religieux musulmans détenus, les prisonniers dont l’état physique était le pire et ceux qui se trouvaient en cellule d’isolement dans un autre endroit, aux « Silos » de Capljina, afin de les soustraire à la vue des représentants du Comité international de la Croix-Rouge qui ont visité la prison début septembre 1993.
194. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) et traitements cruels (chef 17).
PRISON MILITAIRE DU DISTRICT DE GABELA
195. Gabela est un village situé dans la municipalité de Capljina, à environ 4,1 km au sud de la ville du męme nom. La prison militaire du district de Gabela (la « prison de Gabela ») se trouvait à l’extérieur de Gabela, dans une ancienne base logistique de la JNA. Les détenus y étaient emprisonnés dans quatre hangars de tôle.
196. Bien que les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO y aient détenu quelques hommes musulmans de Bosnie après l’arrestation, en avril 1993, de notables musulmans des municipalités de Stolac et de Capljina, la prison de Gabela a été officiellement ouverte le 8 juin 1993. Même si, le 22 décembre 1993, le HVO l’a officiellement transformée en un centre de transit pour détenus libérés, il a continué d’y emprisonner des hommes musulmans jusqu’en avril 1994. Au plus fort de son activité (de juin à décembre 1993), la prison contenait en moyenne 1 200 hommes musulmans.
197. À l’époque des arrestations massives d’hommes musulmans de Bosnie, du 30 juin à mi-juillet 1993, nombreux sont ceux que les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont emprisonnés au camp de concentration de la prison de Gabela. Les hommes musulmans détenus à la prison de Gabela – parmi eux des garçons de moins de 16 ans et des hommes âgés de plus de 60 ans – ont été emprisonnés et maintenus en détention par les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO sans considération de leur statut, civil ou militaire. Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO n’ont fait aucun effort réel ou valable pour opérer une distinction entre les détenus militaires et les détenus civils, ou pour prendre des mesures générales en vue de libérer ces derniers. Comme à la prison de Dretelj, en août et septembre 1993, pour être libérés, les Musulmans de Bosnie devaient, entre autres critères fixés par le HVO, être mariés à une Croate ou posséder un visa et une lettre de garantie pour quitter la Bosnie-Herzégovine à destination d’un autre pays.
198. Les conditions de détention à la prison de Gabela étaient difficiles et insalubres en raison du surpeuplement, d’une mauvaise ventilation, de l’absence de lits et de l’insuffisance de la literie et des sanitaires. Le HVO ne donnait pas suffisamment de nourriture et d’eau aux détenus et les faisait souvent manger dans des conditions cruelles et humiliantes. Dans la chaleur de la mi-juillet 1993, le HVO a laissé les détenus enfermés sans nourriture et sans eau pendant plusieurs jours.
199. Pendant toute la durée de leur détention au camp de concentration de la prison de Gabela, les prisonniers musulmans de Bosnie ont été soumis de la part de membres du HVO, y compris du directeur de prison et de membres d’unités du HVO non rattachées à la prison, à des sévices et des traitements cruels, vivant notamment dans la peur constante de subir des violences physiques et psychologiques. Les détenus musulmans étaient harcelés, insultés pour leur appartenance ethnique et humiliés. Ils étaient parfois contraints ou incités à infliger des sévices et des violences à d’autres détenus musulmans. Ceux qui étaient en cellule d’isolement étaient particulièrement brutalisés.
200. Du fait de ces actes et de ces pratiques du HVO, de nombreux détenus musulmans de Bosnie sont morts ou ont subi des atteintes graves à leur intégrité physique ou à leur santé. Au moins six d’entre eux ont péri à la prison de Gabela sous les coups ou les balles de membres du HVO (voir Annexe).
201. Le HVO a refusé aux observateurs internationaux et aux organisations humanitaires l’accès à la prison de Gabela durant les premiers mois de l’existence de celle-ci. En octobre 1993, il a soustrait des Musulmans détenus dans la cellule d’isolement de la prison de Gabela à la vue des représentants d’une organisation humanitaire internationale dont les représentants étaient venus inspecter la prison et rendre visite aux détenus.
202. Les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont expulsé de nombreux Musulmans de Bosnie détenus à la prison de Gabela vers d’autres pays, via la République de Croatie. Ils ont continué de le faire après que la prison a fonctionné comme centre de transit.
203. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILOVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; assassinat (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; expulsion (chef 6) ; expulsion illégale d’un civil (chef 7) ; actes inhumains (transfert forcé) (chef 8) ; transfert illégal d’un civil (chef 9) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) et traitements cruels (chef 17).
MUNICIPALITÉ DE VARES
204. Située en Bosnie centrale, au nord de Sarajevo, la municipalité de Vares comptait 22 203 habitants en 1991. D’après le recensement effectué cette année-là, 40,60 % des habitants (9 016 personnes) se déclaraient Croates, 30,23 % (6 714 personnes) Musulmans, 16,41 % Serbes et 12,73 % « autres ». Stupni Do était un village de quelque 250 habitants et 60 maisons, en majorité musulman, situé à environ quatre kilomètres au sud-est de la ville de Vares.
205. Lors de la proclamation de la Herceg-Bosna, le 18 novembre 1991, la municipalité de Vares avait été incluse dans le territoire de celle-ci. Le 1er juillet 1992, le HVO a pris le contrôle de l’administration municipale de Vares, et les membres musulmans de l’administration issue des élections précédentes ont établi une « présidence de guerre » séparée. Malgré cela, les Croates, les Musulmans et les autres habitants de la municipalité de Vares ont continué à vivre en coexistence relativement pacifique jusqu’au milieu de l’année 1993.
206. En juin 1993, à la suite d’une opération militaire de l’ABiH à Kakanj, une municipalité voisine, environ 13 000 Croates de Bosnie (y compris des soldats du HVO) se sont installés dans la ville de Vares. À peu près à la même époque, les autorités du HVO de Vares ont lancé aux Musulmans de Stupni Do un ultimatum les sommant de remettre leurs armes, faute de quoi ils seraient attaqués. Les villageois de Stupni Do ont refusé de se défaire de leurs armes et, à l’expiration de l’ultimatum et dans la crainte d’une attaque, se sont enfuis dans les villages voisins. Le HVO n’ayant pas attaqué Stupni Do, les villageois sont rentrés chez eux quelques jours plus tard.
207. Le 18 octobre 1993, le HVO a arrêté six membres locaux de l’ABiH à un point de contrôle du HVO à Pajtov Han. Ceux-ci ont été interrogés et battus par les forces de la Herceg-Bosna/du HVO, qui voulaient obtenir des renseignements sur les Musulmans armés à Stupni Do.
208. Les 21 et 22 octobre 1993, l’ABiH a attaqué le village de Kopjari, dans la municipalité de Vares, poussant ses habitants croates à rejoindre le village de Pogar. À peu près à la même date, le 21 octobre 1993, des chefs militaires de la Herceg-Bosna/du HVO, notamment MILIVOJ PETKOVIC et Ivica Rajic, ont décidé de renforcer les troupes de la Herceg-Bosna/du HVO à Vares. Le même jour, des forces de la Herceg-Bosna/du HVO, dont les unités « Maturice » et « Apostoli », ont quitté Kiseljak pour Vares. Les forces du HVO ont traversé le territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie et sont arrivées dans la ville de Vares le 22 octobre 1993.
209. Le 23 octobre 1993, SLOBODAN PRALJAK a ordonné aux forces de la Herceg-Bosna/du HVO qui se trouvaient dans le secteur de Vares de « ne pas faire de quartier ». Les forces du HVO ont arrêté plusieurs responsables du HVO de Vares et plus de 250 hommes musulmans de Bosnie, sans considération de leur statut de civils ou de militaires. Lorsqu’ils ont arrêté les hommes musulmans, les soldats du HVO ont pénétré dans leurs maisons, ont infligé des violences physiques et psychologiques aux personnes présentes et les ont dépouillées de leurs objets de valeur.
210. Les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont emprisonné dans deux écoles de Vares, le lycée « Ivan Goran Kovacic » et l’école primaire « Vladimir Nazor », les hommes musulmans qu’elles avaient arrêtés. Les conditions qui régnaient dans ces écoles étaient effroyables, la nourriture insuffisante et les installations sanitaires inexistantes. La journée, les détenus étaient forcés de rester debout, les mains derrière le dos et les yeux rivés au sol. Des soldats du HVO entraient dans les écoles et infligeaient des violences physiques aux détenus. Ils ont forcé les détenus à se battre les uns les autres, les contraignant souvent à frapper des membres de leur propre famille. Certains détenus ont été transférés à la prison de Vares Majdan, où des soldats du HVO les ont violemment battus.
211. Dans la matinée du 23 octobre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué Stupni Do. Après s’être emparés de plusieurs parties du village, les soldats du HVO ont forcé les civils à quitter leurs habitations et leurs cachettes, les ont dépouillés de leurs objets de valeur, ont fait subir des violences sexuelles à des femmes musulmanes et ont tué au moins 31 hommes, femmes et enfants musulmans (une liste des personnes tuées et des femmes ayant subi des violences sexuelles figure à l’Annexe). Au cours de l’attaque et après celle-ci, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont détruit sans motif la quasi-totalité du village. Au total, l’attaque du HVO contre Stupni Do a provoqué la mort d’au moins 37 hommes, femmes et enfants musulmans.
212. Dans les jours qui ont suivi l’attaque du HVO contre Stupni Do, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont dit aux Croates de Bosnie installés à Vares qu’ils devaient quitter cet endroit parce qu’ils risquaient d’être tués si les forces de l’ABiH ripostaient à l’attaque du HVO contre Stupni Do. Des milliers de Croates de Bosnie ont alors quitté Vares pour Kiseljak.
213. Du 23 octobre au 3 novembre 1993, avant de quitter la ville de Vares, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO se sont approprié et ont pillé des biens appartenant à des Musulmans et à d’autres personnes, ont dépouillé des Musulmans de leurs objets de valeur et ont fait subir des violences sexuelles à des femmes musulmanes (voir Annexe). Vers le 3 novembre 1993, les forces du HVO qui surveillaient les deux écoles et la prison de Vares Majdan ont quitté le secteur, les détenus musulmans recouvrant ainsi la liberté.
214. Les informations commençant à parvenir aux organisations internationales opérant dans le secteur, des représentants de la FORPRONU ont tenté d’entrer à Stupni Do et dans les deux écoles de la ville de Vares, mais les forces du HVO les en ont empêchés et ont entravé leurs efforts. La FORPRONU a fini par entrer dans Stupni Do avec des véhicules blindés le 26 octobre 1993.
215. Le 26 octobre 1993, en réponse à des allégations formulées dans les médias sur des atrocités commises par le HVO à Vares et Stupni Do, MILIVOJ PETKOVIC a ordonné l’ouverture d’une enquête. Le 31 octobre 1993, interrogé au sujet des événements survenus à Stupni Do, JADRANKO PRLIC a informé des représentants de la communauté internationale que tout crime qui aurait été commis était inadmissible, qu’une enquête avait été ordonnée et que tous les commandants impliqués avaient été mis à pied. En réalité, au 30 ou au 31 octobre 1993, aucun des commandants du HVO impliqués n’avait été mis à pied ni sanctionné de quelque manière que ce soit.
216. À la suite d’une réunion à Zagreb à laquelle assistaient Franjo Tudjman et d’autres, la communauté internationale a reçu l’assurance qu’Ivica Rajic, officier du HVO qui commandait les forces de la Herceg-Bosna/du HVO à Vares et Stupni Do, avait été relevé de ses fonctions et qu’une instruction était en cours. En réalité, et au su des chefs militaires de haut rang et des dirigeants politiques, Ivica Rajic avait simplement changé de nom et restait pour l’essentiel au męme poste. Aucune sanction disciplinaire ou peine n’a jamais été infligée à Ivica Rajic, ni à quiconque, pour les événements qui ont eu lieu à Stupni Do.
217. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants : persécutions, telles que reprochées au chef 1 ; meurtre (chef 2) ; homicide intentionnel (chef 3) ; viol (chef 4) ; traitements inhumains (violences sexuelles) (chef 5) ; emprisonnement (chef 10) ; détention illégale d’un civil (chef 11) ; actes inhumains (conditions de détention) (chef 12) ; traitements inhumains (conditions de détention) (chef 13) ; traitements cruels (conditions de détention) (chef 14) ; actes inhumains (chef 15) ; traitements inhumains (chef 16) ; traitements cruels (chef 17) ; destruction de biens sur une grande échelle (chef 19) ; destruction sans motif (chef 20) ; appropriation de biens (chef 22) et pillage (chef 23).
responsabilité pénale
218. Les crimes reprochés dans le présent acte d’accusation s’inscrivaient dans le cadre de l’entreprise criminelle commune décrite aux paragraphes 15, 16 et 17, et ont été commis au cours de celle-ci, ou étaient la conséquence raisonnable et prévisible de sa mise en œuvre ou d’une tentative de la mettre en œuvre. L’entreprise criminelle commune existait lorsque les crimes reprochés dans le présent acte d’accusation ont été commis et lorsque chacun des accusés, par son comportement, a pris part à sa réalisation.
219. Chacun des accusés – JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC – a agi avec la connaissance et l’état d’esprit requis pour la perpétration de chacun des crimes reprochés dans le présent acte d’accusation. Dans la mesure requise, d’autres auteurs ou acteurs impliqués dans la perpétration de chacun des crimes reprochés dans le présent acte d’accusation, ou ayant aidé ou encouragé à les commettre, ont agi en étant animés de l’état d’esprit nécessaire.
220. Chacun des accusés – JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC – agissant individuellement et de concert avec d’autres personnes ou par leur intermédiaire, a participé sciemment et de manière importante à l’entreprise criminelle commune, en étant animé de l’état d’esprit nécessaire et/ou en partageant cet état d’esprit avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune et participants à celle-ci ou avec d’autres personnes liées de toute autre manière à cette entreprise, ou en possédant, partageant ou connaissant l’état d’esprit des complices de l’entreprise ou des auteurs des crimes.
221. En vertu de l’article 7 1) du Statut, chacun des accusés est pénalement responsable des crimes reprochés dans le présent acte d’accusation qu’il a planifiés, incité à commettre, ordonnés ou commis, ou qu’il a aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter. Dans le cadre de sa responsabilité, chaque accusé est également mis en cause en tant que coauteur et/ou auteur indirect.
222. En outre, ou à titre subsidiaire, et en vertu de l’article 7 1) du Statut, chaque accusé est pénalement responsable des crimes qui ont été prévus et commis dans le cadre de l’entreprise criminelle commune au sens où il les a commis en tant que membre de l’entreprise ou participant à celle-ci (en employant le terme « commettre » dans le présent contexte, le Procureur n’entend pas suggérer que les accusés ou un accusé particulier ont nécessairement commis en personne le crime reproché ou les crimes reprochés ; dans le présent contexte, le terme « commettre » vise la participation des accusés à une entreprise criminelle commune). Dans le cadre de sa responsabilité, chaque accusé est également mis en cause en tant que coauteur et/ou auteur indirect.
223. En outre, ou à titre subsidiaire, dans la mesure où un accusé n’était pas un membre de l’entreprise criminelle commune, il est pénalement responsable pour s’être rendu complice de celle-ci.
224. Chaque accusé était un membre ou un élément important, agissant en connaissance de cause, d’un système de mauvais traitements, ou a pris une part importante dans la mise en place, le soutien, le fonctionnement et/ou la mise en œuvre dudit système qui s’appuyait sur un réseau de prisons, de camps de concentration et d’autres centres de détention utilisés de manière systématique pour arrêter, détenir et emprisonner des milliers de Musulmans de Bosnie dans des conditions illégales et pénibles, où ils ont été soumis ou exposés à des sévices, à des violences sexuelles et à d’autres privations et exactions, et chaque accusé est pénalement responsable pour avoir participé à ce système, y compris en tant que coauteur et/ou auteur indirect.
225. Chaque accusé était un membre ou un élément important, agissant en connaissance de cause, d’un système de mauvais traitements, ou a pris une part importante dans la mise en place, le soutien, le fonctionnement et/ou la mise en œuvre dudit système conçu et mis à exécution pour expulser les Musulmans de Bosnie vers d’autres pays ou les transférer vers d’autres parties de la Bosnie-Herzégovine non revendiquées ou contrôlées par la Herceg-Bosna ou le HVO, et chaque accusé est pénalement responsable pour avoir participé à ce système, y compris en tant que coauteur et/ou auteur indirect.
226. En outre, ou à titre subsidiaire, dans la mesure où un accusé n’était pas membre de l’un ou l’autre des deux systèmes de mauvais traitements décrits aux paragraphes 224 et 225, ou n’y a pas participé de manière importante, il est pénalement responsable pour avoir aidé et encouragé ces systèmes ou l’un d’eux.
227. En outre, ou à titre subsidiaire, tout crime reproché dans le présent acte d’accusation qui ne faisait pas partie de l’objectif de l’entreprise criminelle commune ou n’était pas une partie voulue de celle-ci, était la conséquence naturelle et prévisible de l’entreprise criminelle commune et de sa mise en oeuvre ou d’une tentative de la mettre en œuvre, et chaque accusé avait conscience des conséquences possibles et, malgré cela, s’est associé à l’entreprise et a continué d’y participer, et est de ce fait responsable du crime reproché.
228. En outre, ou à titre subsidiaire, en vertu de l’article 7 3) du Statut, chacun des accusés est pénalement responsable, en tant que supérieur hiérarchique, des actes ou omissions criminels de subordonnés ou d’autres personnes à l’égard desquels ou sur lesquels il exerçait un contrôle effectif de droit et/ou de fait, s’il savait ou avait des raisons de savoir que ces personnes étaient sur le point de commettre ou avaient commis ces actes ou omissions et n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou omissions ou en punir les auteurs. Chacun des accusés a agi en tant que supérieur hiérarchique, ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou de subordonnés à l’égard desquels il exerçait ou aurait pu exercer un contrôle effectif ou une influence considérable, et qui ont été impliqués dans la perpétration de crimes reprochés dans le présent acte d’accusation, et il savait ou avait des raisons de savoir qu’une ou plusieurs de ces personnes étaient sur le point de commettre ou avaient commis ces actes ou omissions et n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que les actes ne soient commis ou punir, destituer ou sanctionner les auteurs.
CHEFS 1 À 26
229. Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants :
Chef 1 : persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 h), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 21 à 41, 43 à 59, 61 à 71, 73 à 86, 88 à 117, 119 à 134, 136 à 142, 144 à 152, 154 à 170, 172 à 185, 187 à 193, 195 à 202 et 204 à 216) ;
Chef 2 : assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 a), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 37, 39, 48, 51, 53, 56, 66, 77, 80, 95, 104, 106, 108, 114, 127, 128, 130, 138, 139, 161, 169, 176, 177, 190, 191, 192, 199, 200 et 211) ;
Chef 3 : homicide intentionnel, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 a), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 37, 39, 48, 51, 53, 56, 66, 77, 80, 95, 104, 106, 108, 114, 127, 128, 130, 138, 139, 161, 169, 176, 177, 190, 191, 192, 199, 200 et 211) ;
Chef 4 : viol, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 g), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 38, 39, 57, 59, 99, 109, 141, 211 et 213) ;
Chef 5 : traitements inhumains (violences sexuelles), une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 b), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 38, 39, 55, 57, 59, 99, 109, 141, 211 et 213) ;
Chef 6 : expulsion, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 d), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 26, 28 à 30, 33 à 41, 59, 93, 100, 105, 131 à 133, 150, 151, 175, 182, 183, 185, 189, 197 et 202) ;
Chef 7 : expulsion illégale d’un civil, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 g), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 26, 28 à 30, 33 à 41, 59, 93, 100, 105, 131 à 133, 150, 151, 175, 182, 183, 185, 189, 197 et 202) ;
Chef 8 : actes inhumains (transfert forcé), un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 26, 28, 29, 30, 33 à 41, 57 à 59, 67, 69, 71, 86, 93, 96, 99, 100 à 103, 105, 108 à 110, 132, 150, 151, 159 à 163, 166 à 168, 170, 175 à 185 et 197) ;
Chef 9 : transfert illégal d’un civil, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 g), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 26, 28, 29, 30, 33 à 41, 57 à 59, 67, 69, 71, 86, 93, 96, 99, 100 à 103, 105, 108 à 110, 132, 150, 151, 159 à 163, 166 à 168, 170, 175 à 185 et 197) ;
Chef 10 : emprisonnement, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 e), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 28, 33 à 39, 41, 47 à 49, 54, 57, 67 à 71, 77 à 80, 86, 94, 96, 99, 103 à 105, 119 à 134, 136 à 142, 146 à 151, 157 à 159, 168, 169, 174, 175, 181, 183, 184, 187 à 193, 195 à 202, 207, 209 et 210) ;
Chef 11 : détention illégale d’un civil, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 g), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 28, 33 à 39, 41, 47 à 49, 54, 57, 67 à 71, 77 à 80, 86, 94, 96, 99, 103 à 105, 119 à 134, 136 à 142, 146 à 151, 157 à 159, 168, 169, 174, 175, 181, 183, 184, 187 à 193, 195 à 202, 207, 209 et 210) ;
Chef 12 : actes inhumains (conditions de détention), un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 39, 57, 67, 71, 79, 124 à 126, 133, 134, 137, 142, 147, 168, 183, 190, 193, 198, 201 et 210) ;
Chef 13 : traitements inhumains (conditions de détention), une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 b), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 57, 67, 71, 79, 124 à 126, 133, 134, 137, 142, 147, 168, 183, 190, 193, 198, 201 et 210) ;
Chef 14 : traitements cruels (conditions de détention), une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève et sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 57, 67, 71, 79, 124 à 126, 133, 134, 137, 142, 147, 168, 183, 190, 193, 198, 201 et 210) ;
Chef 15 : actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 33 à 40, 46 à 48, 51 à 59, 66 à 70, 77 à 81, 94, 95, 99, 104, 106, 108, 112 à 114, 125, 127 à 130, 133, 134, 138, 139, 141, 142, 148 à 150, 161, 167, 169, 176, 177, 184, 188, 190 à 193, 198 à 201, 207, 209, 210 et 211) ;
Chef 16 : traitements inhumains, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 b), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 33 à 40, 46 à 48, 51 à 59, 66 à 70, 77 à 81, 94, 95, 99, 104, 106, 108, 112 à 114, 125, 127 à 130, 133, 134, 138, 139, 141, 142, 148 à 150, 161, 167, 169, 176, 177, 184, 188, 190 à 193, 198 à 201, 207, 209, 210 et 211) ;
Chef 17 : traitements cruels, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève et sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 33 à 40, 46 à 48, 51 à 59, 66 à 70, 77 à 81, 94, 95, 99, 104, 106, 108, 112 à 114, 125, 127 à 130, 133, 134, 138, 139, 141, 142, 148 à 150, 161, 167, 169, 176, 177, 184, 188, 190 à 193, 198 à 201, 207, 209, 210 et 211) ;
Chef 18 : travail illégal, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par les articles 40, 51 et 95 de la IVe Convention de Genève et par les articles 49, 50 et 52 de la IIIe Convention de Genève, sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 55, 81, 127, 128, 130, 139, 148 et 149) ;
Chef 19 : destruction de biens non justifiée par des nécessités militaires et exécutée sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 d), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 46, 48, 51, 53, 66 à 68, 82 à 84, 162, 164 à 166, 177, 179, 180 et 211) ;
Chef 20 : destruction sans motif de villes et de villages ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 b), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 46, 48, 51, 53, 66 à 68, 82 à 84, 162, 164 à 166, 177, 179, 180 et 211) ;
Chef 21 : destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 d), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 53, 68, 83, 84, 97, 116, 152, 162, 163, 165, 166 et 179 à 181) ;
Chef 22 : appropriation de biens non justifiée par des nécessités militaires et exécutée de façon illicite et arbitraire, une INFRACTION GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 d), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 46, 57, 67, 85, 99, 100, 107, 108, 159, 175, 182, 209, 211 et 213) ;
Chef 23 : pillage de biens publics ou privés, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 e), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 39, 46, 57, 67, 85, 99, 100, 107, 108, 159, 175, 182, 209, 211 et 213) ;
Chef 24 : attaque illégale contre des civils (Mostar), une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par le droit coutumier, l’article 51 du Protocole additionnel I et l’article 13 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 35 à 37, 39, 98 et 110 à 117) ;
Chef 25 : fait de répandre illégalement la terreur parmi la population civile (Mostar), une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par le droit coutumier, l’article 51 du Protocole additionnel I et l’article 13 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les articles 3 d), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 35 à 37, 39, 98 et 110 à 117) ; et
Chef 26 : traitements cruels (siège de Mostar), une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève et sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (telle qu’alléguée aux paragraphes 15 à 17, 35 à 37, 39, 98 et 110 à 117).
230. Nonobstant toute éventuelle indication contraire, aucun des crimes liés aux événements qui ont eu lieu en octobre 1992 dans la municipalité de Prozor ou en janvier 1993 dans la municipalité de Gornji Vakuf n’est reproché à l’accusé BERISLAV PUSIC dans le présent acte d’accusation.
ALLÉGATIONS SUPPLÉMENTAIRES
231. Sauf indication contraire expresse, tous les actes et omissions allégués dans le présent acte d’accusation se sont produits sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
232. Pendant toute la période visée par le présent acte d’accusation, la Bosnie-Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé, d’un conflit armé international et d’une occupation partielle, opposant, en tout ou en partie, l’État de la République de Croatie et son gouvernement, ses forces armées et ses représentants à l’État de la République de Bosnie-Herzégovine et/ou à l’ABiH et/ou aux Musulmans de Bosnie sur le territoire de l’État de la République de Bosnie-Herzégovine.
233. Les actes, omissions ou comportements reprochés en tant que persécutions ont été commis avec une intention discriminatoire, pour des raisons politiques, raciales, ethniques ou religieuses.
234. Tous les actes, omissions, comportements et faits reprochés en tant que crimes contre l’humanité s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée par les autorités et les forces de la Herceg-Bosna/du HVO contre la population civile musulmane de Bosnie.
235. Pendant toute la période visée par le présent acte d’accusation, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC étaient tenus de se conformer aux lois et coutumes régissant la conduite des conflits armés, y compris aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels.
236. Tous les actes et omissions reprochés en tant que crimes contre des personnes ont été commis contre des personnes protégées en vertu des Conventions de Genève de 1949 (et de leurs Protocoles additionnels) et en vertu des lois et coutumes de la guerre, ou visaient de telles personnes.
237. Tous les actes et omissions reprochés en tant que crimes contre des biens ont été commis contre des biens protégés en vertu des Conventions de Genève de 1949 (et de leurs Protocoles additionnels) et en vertu des lois et coutumes de la guerre, ou visaient de tels biens.
238. Aucun des actes ou omissions reprochés en tant que crimes n’était justifié par des exigences militaires. Les actes, omissions ou comportements reprochés en relation avec la destruction de biens ont été commis de façon illicite et arbitraire.
Le Procureur
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Carla Del Ponte
[Sceau du Bureau du Procureur]
Fait le 2 mars 2004
La Haye (Pays-Bas)