Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi, 27 mars 2017

  2   [Audience publique]

  3   [Audience d'appel]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'appelant Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  8   Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, citer le numéro de l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit de

 10   l'affaire IT-04-74-A, le Procureur contre Prlic et consorts.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 12   Présentation pour l'Accusation maintenant, s'il vous plaît.

 13   Mme BASSETT : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Marisa Bassett

 14   pour l'Accusation aux côtés de notre conseil, Barbara Goy, et Douglas

 15   Stringer.

 16    M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 17   Les présentations pour M. Prlic.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous

 19   et à toutes dans le prétoire et autour de celui-ci. Je suis aux côtés de

 20   Suzana Tomanovic, et mon nom est Michael Karnavas pour le Dr Jadranko

 21   Prlic.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maintenant, présentation pour M.

 23   Stojic.

 24   Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur les

 25   Juges. Je suis Senka Nozica et j'ai à mes côtés mes collaborateurs.

 26   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi les noms parce que ça été

 27   prononcé de façon très rapide.

 28   Mme NOZICA : [interprétation] Il m'est difficile de me présenter parce que


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  1   nous n'arrêtons pas de changer de place. J'ai laissé mes collègues prendre

  2   ma place, parce qu'ils ont eu une présentation sur tableau.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  4   Pour M. Praljak.

  5   Mme PINTER : [interprétation] Natacha Fauveau-Ivanovic et Nika Pinter pour

  6   M. Praljak.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous dis bienvenue.

  8   Pour M. Petkovic.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à

 10   tous et à toutes ce matin. La Défense du général Petkovic est toujours la

 11   même équipe, à savoir Vesna Alaburic, Pavko Mateskovic et M. Lazic. 

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 13   Pour M. Coric.

 14   Mme TOMASEGOVIC-TOMIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 15   Diana Tomasegovic-Tomic et Drazen Plavec, pour la Défense de M. Coric.

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 17   Pour M. Pusic.

 18   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour M.

 19   Pusic, Nermin Mulalic et Me Ibrisimovic.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 21   Vous avez deux heures à compter de maintenant pour la Défense de M. Pusic.

 22   M. SAHOTA : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Merci.

 23   Les Juges de la Chambre savent pourquoi mon client ne peut pas être présent

 24   ce matin. Je voudrais vous demander de ne pas considérer son absence comme

 25   un manque de respect pour cette Chambre ou pour les victimes du conflit. M.

 26   Pusic a fait savoir que la chose la plus pénible pour lui avait été

 27   d'écouter et d'entendre les victimes. Il a considéré cela comme une chose

 28   intenable. Il l'a dit il y a quelque dix ans, le 5 octobre. Référence au


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  1   compte rendu 7950. Il a également demandé à ce que son équipe de la Défense

  2   indique de façon claire que rien de ce qui aura été dit en appel ne devrait

  3   être considéré comme visant à minimiser les souffrances et les maux subis

  4   par les victimes au conflit.

  5   Nous allons d'abord commencer par parler de l'entreprise criminelle

  6   commune. Nous allons y consacrer une majeure partie du temps, et nous

  7   allons faire référence directe aux questions que vous avez évoquées à

  8   l'ordonnance portant calendrier, et ce, dans l'ordre énuméré dans ce texte.

  9   Et on va commencer par la question 1, puis 4, puis 9.

 10   J'espère ne pas avoir à utiliser la totalité du temps alloué, mais j'espère

 11   que vous me pardonnerez si je l'utilise quand même. L'un des avantages

 12   c'est que nous avons été les derniers, nous pouvons faire référence à ce

 13   que les autres ont déjà dit. Cela peut être un désavantage aussi, mais je

 14   m'efforcerai de façon à économiser du temps et je vais accepter

 15   l'argumentation présentée pour la Défense dans le contexte de ce qui avait

 16   déjà été dit par les autres Défenses. Et j'espère que cela nous permettra

 17   de nous concentrer sur les questions et les aspects les plus pertinents.

 18   J'espère que je ne regretterai pas le fait de vous avoir convié à poser le

 19   plus possible de questions.

 20   Alors je vais partir du moyen d'appel numéro 3. Nous sommes d'avis qu'il

 21   n'y a pas d'élément de preuve disant qu'il y a une entreprise criminelle

 22   commune, et nous estimons la même chose à présent. Nous pensons que la

 23   Chambre de première instance a erré en concluant de l'existence de cette

 24   entreprise criminelle commune. Et nous avons défini cette entreprise

 25   criminelle commune avec deux dimensions à prendre en considération. Il y a

 26   un objectif final qui aurait été la théorie de la réunification des

 27   territoires de la Banovina qu'on peut trouver au volume 4, paragraphe 24 du

 28   jugement de la Chambre de première instance. Cette Banovina ou cette


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  1   théorie est plutôt une idée politique plutôt qu'une espèce de complot

  2   criminel. Les deux tiers de l'entreprise criminelle commune sont composés

  3   par les moyens utilisés aux fins de sa réalisation. Et nous aimerions à ce

  4   sujet tirer au clair ce que nous estimons être les dispositions juridiques

  5   de cette entreprise criminelle commune. Nous acceptons le fait que la loi

  6   permette le fait que les éléments de preuve portant sur l'entreprise

  7   criminelle commune soient tirés du contexte et ne soient présentés de façon

  8   directe et explicite.

  9   Nous acceptons également que le droit permet à la Chambre de première

 10   instance de se fonder sur des éléments de preuve relatifs aux modalités de

 11   perpétration des délits au pénal, et d'où la chose réitérée constamment par

 12   l'Accusation, à savoir que les meilleurs éléments de preuve démontrant

 13   qu'un accusé fait partie de l'entreprise criminelle commune, c'est ce qu'il

 14   a dit ou fait.

 15   Ce qui nous inquiète toutefois --

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'aimerais que vous ralentissiez,

 17   Monsieur Sahota, pour les interprètes. Merci beaucoup.

 18   M. SAHOTA : [interprétation] Ce qui nous préoccupe, c'est le fait que les

 19   éléments de preuve partant desquels ces conclusions ont été tirées se

 20   trouvent être contradictoires et ambiguës. Ce qui fait qu'ils ne peuvent

 21   pas étayer les conclusions des Juges de la Chambre de première instance,

 22   parce que cela ne peut pas être prouvé au-delà de tout doute raisonnable.

 23   Les raisons que nous évoquons à l'appui de notre argumentation

 24   figurent dans notre mémoire en appel, et je ne vais pas les réitérer ici.

 25   Nous ne voulons pas non plus réitérer les points pertinents que les Juges

 26   de la Chambre d'appel ont déjà pu entendre au sujet de ce qui a été dit sur

 27   ce point-là. Nous voudrions développer, par contre, un aspect qui se

 28   rapporte à la façon dont les Juges de la Chambre ont raisonné. Nous


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  1   estimons que le fondement de l'entreprise criminelle commune, c'est une

  2   idée, une notion au terme de laquelle les structures militaires et

  3   politiques du HVO HZ HB croates avaient été une structure ou un outil

  4   utilisé par leur leader aux fins d'aboutir à un objectif, à savoir création

  5   d'une Grande-Croatie. C'est une première dimension de l'entreprise

  6   criminelle commune à laquelle j'ai déjà fait référence.

  7   J'ai utilisé délibérément le mot de "outil" ou d'instrument" et nous

  8   avons pu lire cela dans la décision et le jugement rendu en première

  9   instance. Ça me fait penser aux sciences politiques où il y a des théories

 10   instrumentalistes et structuralistes qui se sont manifestées au fil de

 11   l'histoire. Dans cette théorie instrumentaliste, il y a ce concept ou cette

 12   idée qui dirait que les gens ne sont que des instruments de la classe

 13   dirigeante, et si on se sert de ceci, on pourrait dire que l'état et

 14   l'appareil de l'état étaient entre les mains de Tudjman et de ses

 15   collaborateurs les plus proches.

 16   Les structuralistes quant à eux estiment que l'état n'est pas un

 17   instrument. Ils estiment que l'état n'existe pas en soi, et ça peut être

 18   étiré dans un sens ou dans l'autre selon la volonté des classes

 19   dirigeantes. C'est une espèce donc d'arène où l'ont fait l'équilibre des

 20   forces.

 21   D'après nous, c'est pertinent parce que nous estimons que les Juges

 22   de la Chambre de première instance se sont trompés lorsqu'ils ont adopté

 23   cette approche instrumentaliste lorsqu'ils ont formulé l'entreprise

 24   criminelle commune, notamment dans sa dimension numéro 1. La Chambre de

 25   première instance a trouvé une solution élégante et simple pour un problème

 26   compliqué, et ceci s'est résumé à la chose suivante, Tudjman a toujours

 27   voulu une Grande-Croatie, et lorsqu'il a eu l'opportunité d'y aboutir, il

 28   avait les moyens mis à sa disposition, à savoir les moyens de l'appareil


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  1   d'Etat ainsi que l'appareil de la HZ HB en sa qualité d'instrument ou

  2   appareil pour la mise en oeuvre de ladite politique. Les autres accusés

  3   dans cette affaire et les autres participants à l'entreprise criminelle

  4   commune étaient d'accord avec le concept ou l'idée formulée par Tudjman.

  5   Nous sommes d'accord pour dire que superficiellement parlant, c'est

  6   une formulation très attrayante lorsque l'on se penche notamment sur les

  7   affirmations premières de l'inculpation en disant qu'il y avait plusieurs

  8   entreprises criminelles communes et non pas seulement une seule. Mais nous

  9   estimons que bien que cette approche paraisse simple de prime abord, cela

 10   est fondamentalement erroné. Parce que ce que la théorie instrumentaliste

 11   de l'entreprise criminelle commune ne saurait expliquer, c'est précisément

 12   la complexité de la situation qui est évidente lorsque l'on voit que des

 13   éléments de preuve importants ne concordent pas avec l'analyse des Juges de

 14   la Chambre de première instance.

 15   Au fil des quelques journées écoulées, vous avez entendu plusieurs exemples

 16   au sujet de ce qui constitue des faits peu convenables qui ne s'incorporent

 17   pas dans cette analyse instrumentaliste. Je ne vais pas réitérer la

 18   totalité des éléments de preuve présentés, mais il y a des éléments de

 19   preuve contradictoires pour ce qui est des motifs animant Tudjman, et cela

 20   a évolué au fil du temps par rapport aux réactions qui ont été les siennes

 21   s'agissant des événements extérieurs dans le temps. Je suis diplômé

 22   d'histoire et j'estime qu'il est intéressant de se servir de la littérature

 23   historique pour voir comment les historiens se subdivisent pour ce qui est

 24   de la théorie. Parce que si vous comparez les opinions de la majorité et de

 25   la minorité des Juges de la Chambre, vous allez voir qu'il en va de même.

 26   Nous affirmons que la chose est importante, vu que l'objectif final de

 27   l'entreprise criminelle commune et la dimension première de celle-ci, c'est

 28   une chose qui doit être prouvée au-delà de tout doute raisonnable. Il y a


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  1   d'autres éléments ou faits inconvenables. Je ne vais pas tous les répéter,

  2   mais cela englobe les arguments que vous avez déjà eus ouï dire, à savoir

  3   que le HVO est intervenu très souvent dans la défensive, et non pas dans

  4   l'offensive, pour occuper des territoires nouveaux. Vous avez pu entendre

  5   que le HVO, pendant la majeure partie de la guerre, n'a pas procédé à une

  6   politique agressive de nettoyage ethnique, et ce qui nous semble évident,

  7   c'est que les éléments de preuve montrent que des faits inconvenables, peu

  8   consistants avec ce qu'on a avancé comme théorie, c'est qu'il y avait eu

  9   des objectifs différents dans cette entreprise criminelle commune, chose

 10   qui laisse entendre que les modalités d'exécution dépendaient aussi de la

 11   dynamique qui animait les autorités en place; et ce sont des éléments qui

 12   ont été laissés de côté par les Juges de la Chambre de première instance.

 13   Je voudrais, à ce titre, tirer au clair le fait que nous n'affirmons pas

 14   que cela soit erroné ou incorrect ou injuste pour ce qui est de cette

 15   théorie instrumentaliste de l'entreprise criminelle commune dans des

 16   affaires où un tribunal international doit vaquer à l'étude de ce qui a

 17   constitué un conflit à grande échelle. Toutefois, ce qui a, par exemple,

 18   provoqué des conflits tels que la Deuxième Guerre mondiale ou le conflit au

 19   Rwanda, peut être expliqué par ce genre d'analyse. A la différence de ce

 20   qu'on vient de dire, les faits que nous sommes en train d'examiner

 21   aujourd'hui montrent de façon claire qu'il est difficile de parler d'un

 22   contrôle centralisé de la part de l'Etat ou dire qu'il y avait une

 23   politique cohérente et consistante conduite par un Etat, et à savoir qu'une

 24   partie au conflit a toujours été agressive. Ça a été le cas dans le courant

 25   de la Deuxième Guerre mondiale ou pendant le conflit au Rwanda, mais ça n'a

 26   pas été le cas dans une situation particulière qui est celle dont nous nous

 27   occupons, à savoir le conflit des Balkans. En termes simples, la théorie de

 28   l'entreprise criminelle commune ne saurait s'incorporer de façon aisée dans


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  1   le contexte tel qu'il se présente à nous. Et c'est la raison pour laquelle

  2   aujourd'hui, Messieurs les Juges, nous faisons référence à l'entreprise

  3   criminelle commune en tant que théorie seulement, parce que c'est ce que

  4   cela est. Ça sonne bien quand on parle de théorie, mais quand on prend les

  5   faits, ça ne tient pas debout. Parce qu'en théorie, du point de vue des

  6   faits, cela caractérise de façon incomplète et peu précise le contexte du

  7   conflit; étant donné qu'il s'agit d'une théorie qui se base sur une lecture

  8   sélective, très sélective des éléments de preuve, et une simplification à

  9   outrance de tous les points qui ont été présentés en tant qu'éléments de

 10   preuve; et l'autre raison, c'est qu'il s'agit d'une théorie qui se reflète

 11   directement sur la réputation du gouvernement de la Croatie, dans une

 12   situation où le pays n'a pas eu l'opportunité de répondre à ce dont on

 13   l'accusait. Donc, nous estimons que l'entreprise criminelle commune doit

 14   faire partie d'une théorie aux côtés d'autres théories que les historiens

 15   ou hommes politiques, ou gens dans l'opinion publique peuvent débattre,

 16   discuter, dans des cercles académiques, au sein des parlements ou des

 17   cafétérias dans les années à venir. Mais ce n'est pas une théorie qui peut

 18   tenir debout comme une constatation factuelle qui peut tenir la route

 19   pendant longtemps, et notamment pas devant une cour internationale de

 20   justice. Ça ne doit pas être le dernier mot sur ce qui s'est passé pendant

 21   un conflit et pour ce qui est de savoir qui assume quelle responsabilité et

 22   pas plus non plus que de dire les raisons pour lesquelles ces événements se

 23   sont produits.

 24   Je vais demander, donc, aux Juges de la Chambre de se pencher sur le fait

 25   de savoir : avait-il été nécessaire véritablement de consacrer autant de

 26   temps à cette question, pour ce qui est des raisons du conflit ? Et je

 27   parle là d'une question qui préoccupe les historiens et qui génère bon

 28   nombre de controverses. Je vous rappellerai une chose qui a été dite dans


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  1   l'affaire Krstic, où on a dit que la finalité de ce Tribunal n'était pas

  2   seulement de créer des archives historiques pour ce qui est des causes du

  3   conflit. C'est ce qui a été dit par les Juges de la Chambre d'appel [sic]

  4   dans l'affaire Krstic, et ils ont dit que :

  5   "…les historiens et les psychologistes en matière de société" devraient "se

  6   pencher sur les origines des conflits aux Balkans pour déterminer le profil

  7   des causes profondément incrustées dans ces Balkans. La mission, c'est,

  8   partant des éléments de preuve présentés au procès, déterminer ce qui s'est

  9   passé au juste…"

 10   C'est ce qui se trouve en note de bas de page 182, paragraphe 104, de notre

 11   mémoire en appel.

 12   Messieurs les Juges, ce que nous voulons dire, c'est que déterminer les

 13   causes profondes est précisément ce que la Chambre de première instance a

 14   été forcée de faire. Nous ne pouvons pas ne pas garder à l'esprit les

 15   propos tenus dans l'affaire Krstic pour ce qui est du jugement aux

 16   paragraphes 6 à 24, volume 4.

 17   Nous parlons au sujet de ces entreprises criminelles communes et nous

 18   voudrions que vous réexaminiez les éléments de preuve avancés pour ce qui

 19   est d'étayer l'entreprise criminelle commune. Je suis sûr que vous allez

 20   constater qu'il n'était non seulement pas nécessaire pour les Juges de la

 21   Chambre de prendre en considération les causes du conflit dans moult

 22   détails, mais aussi constater que les conclusions en matière d'entreprise

 23   criminelle commune sont erronées et infondées.

 24   Alors, il y a quelque quatre années que je me suis adressé aux Juges de la

 25   Chambre de première instance dans un mémoire en clôture, et j'ai dit que

 26   l'Accusation avait exagéré pour ce qui est de ses théories d'entreprise

 27   criminelle commune à plusieurs titres. Et ce que j'affirme aujourd'hui,

 28   c'est que la Chambre de première instance a exagéré plus encore que


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  1   l'Accusation - si tant est que cela est possible - lorsqu'elle a conclu de

  2   l'existence d'une entreprise commune qui constitue une superstructure par-

  3   dessus ce qui se trouve être des entreprises criminelles communes plus

  4   détaillées.

  5   Et ceci va mettre un terme à ce que je voulais dire au sujet de

  6   l'entreprise criminelle commune. Je vais maintenant passer aux questions

  7   autres qui figurent à l'ordonnance portant calendrier. Je vais ensuite

  8   aborder les questions 4 à 9, qui sont les questions que vous nous avez

  9   indiquées, Messieurs les Juges de la Chambre d'appel. Alors, la première

 10   question porte sur l'état d'occupation, et nous allons faire valoir que la

 11   thèse de M. Pusic est différente des autres accusés, car il n'est pas

 12   accusé de crimes qui se sont déroulés à Gornji Vakuf; confirmation de cela

 13   aux paragraphes 773 [comme interprété] et 230 de l'acte d'accusation. Donc,

 14   nous insistons sur cet argument dans notre mémoire en appel pour dire qu'il

 15   ne s'agit ni d'un dirigeant ni d'un haut représentant. Il n'est pas non

 16   plus accusé de crimes qui, comme il est allégué, ont eu lieu à Prozor en

 17   octobre 1992. La Chambre de première instance a considéré qu'il n'a fait

 18   partie de l'entreprise criminelle commune que plus tard, en avril 1993, et

 19   que les événements à Gornji Vakuf s'étant déroulé quelques mois plus tôt au

 20   mois de janvier de cette année.

 21   Donc nous adoptons simplement les conclusions présentées par l'équipe de M.

 22   Stojic et nous ne pensons pas pouvoir améliorer nos arguments à cet égard.

 23   Je vais maintenant passer à la question suivante qui concerne la question

 24   numéro 4. Encore une fois, l'événement du Dusa qui se déroule à Gornji

 25   Vakuf, par rapport à un crime qui n'est pas  reproché à M. Pusic

 26   directement. Mais pour ce qui est de la question 4(a), nous faisons valoir

 27   qu'il y a eu une incidence sur M. Pusic dans le cas où la Chambre d'appel

 28   infirmerait sa conclusion concernant Dusa; si à ce moment-là, ces


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  1   conclusions conduiraient à une redéfinition des paramètres de l'entreprise

  2   criminelle commune, si une infirmation de la conclusion concernant Dusa et

  3   que la Chambre d'appel infirmerait dans ces cas-là tous les crimes

  4   d'homicides intentionnels et de meurtres qui se sont déroulés dans le cadre

  5   de ces attaques en se fondant sur le fait que ces crimes ne faisaient pas

  6   partie du plan criminel commun; et nous faisons valoir que M. Pusic devrait

  7   être acquitté du même crime, à savoir ses condamnations en vertu de

  8   l'entreprise criminelle commune de première catégorie aux chefs 2 et 3, à

  9   savoir les homicides intentionnels et meurtres commis dans le cadre de

 10   l'attaque de Mostar. Donc si ces crimes ne font pas partie du plan commun,

 11   à ce moment-là il devrait également être acquitté de ces crimes.

 12   La question 4(b), M. Pusic n'a pas été accusé des événements qui se

 13   sont déroulés à Dusa, ne devrait avoir donc aucune incidence sur l'élément

 14   moral constitutif de crimes en vertu de l'entreprise criminelle commune

 15   suite à l'infirmation de la Chambre d'appel à moins que celle-ci ne décide

 16   d'apporter une nouvelle définition de l'entreprise criminelle commune,

 17   honnêtement je ne pense pas que cela va se produire.

 18   Au niveau de la question 4(c), une réponse courte, nous estimons qu'une

 19   infirmation n'aurait aucune incidence sur l'acquittement de M. Pusic pour

 20   les crimes de l'entreprise criminelle commune relevant de la catégorie

 21   numéro 3. Cependant, nous faisons valoir que nous n'allons pas attendre les

 22   arguments de l'Accusation à cet égard et réservons notre droit à fournir

 23   notre réponse et avant d'avoir entendu la réponse de l'Accusation avant de

 24   répliquer.

 25   Messieurs les Juges, par rapport à la question numéro 4 [comme interprété],

 26   la Chambre d'appel nous a demandé d'examiner la conclusion de la Chambre

 27   d'appel [comme interprété] en vertu de laquelle M. Pusic avait le pouvoir

 28   de résoudre des problèmes liés aux conditions de détention et aux mauvais


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  1   traitements des détenus dans le réseau des centres de détention du HVO.

  2   Nous allons nous concentrer sur les informations contenues dans le

  3   paragraphe 1056 du tome 4, le paragraphe cité dans la note de bas de page à

  4   la question 9 de l'ordonnance portant calendrier. Nous proposons donc de

  5   traiter de ces questions du paragraphe 1056, et nous allons, tout d'abord,

  6   aborder la question des travaux forcés, ensuite nous aborderons la question

  7   des pouvoirs de M. Pusic sur les conditions de détention et sa capacité à

  8   prendre des mesures pour empêcher les mauvais traitements des détenus.

  9   Première question porte sur les travaux forcés.

 10   Messieurs les Juges, les conclusions pertinentes de la Chambre se trouvent

 11   au paragraphe 1054. M. Pusic serait parmi ceux qui avaient le pouvoir

 12   d'autoriser l'envoi de détenus et de leur assigner des travaux forcés à

 13   l'Heliodrom. Une autre conclusion pertinente se trouve au paragraphe 1203,

 14   où il est dit que M. Pusic a joué un rôle significatif eu égard aux détenus

 15   de l'Heliodrom puisque ceux-ci étaient envoyés sur le front, étant donné

 16   que lui faisait partie des personnes autorisées à les envoyer sur le front.

 17   Ce qui est important c'est le terme de "significatif" ici et d'établir un

 18   contraste avec le terme "pouvoir important" dans le jugement, dans les

 19   passages qui traitent des centres de détention. Nous faisons valoir - c'est

 20   quelque chose que je vais développer plus tard - que cela indique que

 21   l'approche est quelque peu confuse de la part de la Chambre de première

 22   instance.

 23   Au paragraphe 1203, la Chambre de première instance conclut que M. Pusic a

 24   continué à envoyer des détenus sur le front même s'il savait que certains

 25   détenus étaient décédés et que d'autres avaient été blessés. Ces

 26   allégations font partie des allégations les plus importantes contre M.

 27   Pusic, d'après nous, donc nous allons les aborder dans le détail.

 28   Les éléments de preuve principaux sur lesquels s'est reposée la Chambre


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  1   pour faire ces affirmations est la déposition d'un Témoin Josip Praljak. M.

  2   Praljak est un des directeurs de l'Heliodrom. Le premier point sur lequel

  3   nous souhaitons insister eu égard à sa déposition est que la Chambre de

  4   première instance a reconnu que ce témoin avait menti sous serment devant

  5   un tribunal international. Confer le paragraphe 1589, tome 2, du jugement.

  6   La Chambre de première instance a constaté que M. Praljak, Josip Praljak, a

  7   menti sur les questions les plus importantes de sa déposition, lorsqu'il a

  8   affirmé qu'il n'avait aucune connaissance de quelques sévices subis par les

  9   détenus à l'Heliodrom lorsqu'il y travaillait. Il s'agissait d'une

 10   affirmation manifestement absurde; et la Chambre de première instance a eu

 11   raison de rejeter cette allégation. Mais la Chambre de première instance,

 12   d'après nous, n'est pas allée assez loin. Elle aurait dû également rejeter

 13   toute sa déposition dans son intégralité plutôt que d'adopter une approche

 14   par segments et de trier cela sur le volet. Et nous faisons valoir

 15   qu'accepter que Praljak mentait lorsqu'il savait qui était responsable des

 16   événements de l'Heliodrom; et il a dit la même chose à la fin de sa

 17   déposition, il a accusé les autres personnes, ils ont accepté sa version

 18   des faits sans la remettre en cause. Et sans expliquer pourquoi une partie

 19   de sa déposition pouvait être retenue et l'autre partie, non, encore une

 20   fois, pour conclure sa responsabilité au-delà de tout doute raisonnable,

 21   autrement dit l'opinion n'a pas été motivée concernant cette déposition.

 22   Messieurs les Juges, il s'ensuit donc que nous sommes préoccupés parce que

 23   la Chambre n'a pas conclu que M. Josip Praljak était le subordonné de M.

 24   Pusic et que M. Pusic avait le pouvoir de lui donner des ordres. Et je

 25   souhaite rappeler aux Juges de la Chambre ce que nous avons entendu

 26   vendredi dernier, lorsque l'Accusation a affirmé - à la page du compte

 27   rendu d'audience 641 - lorsque l'Accusation a fait valoir sa position eu

 28   égard qui étaient les commandants et les directeurs de l'Heliodrom et à qui


Page 687

  1   il rendait compte et ils n'ont pas cité M. Pusic sur ce point. Ce qui nous

  2   préoccupe encore une fois, c'est que la Chambre de première instance n'a

  3   pas conclu que M. Pusic occupait un quelconque poste officiel au sein du

  4   réseau des prisons, et n'a pas conclu que M. Pusic avait un pouvoir

  5   directement sur ceux qui géraient la prison, les gouverneurs de la prison,

  6   les directeurs et le membre du personnel de la prison au niveau de

  7   l'Heliodrom. Et la Chambre n'a pas conclu qu'il disposait de pouvoirs sur

  8   le personnel militaire ou sur les centres de détention; et à terme

  9   responsable des travaux forcés qui avaient été assignés au détenus. La

 10   Chambre n'a pas conclu qu'il avait un quelconque pouvoir sur ses supérieurs

 11   hiérarchiques ou tout autre représentant officiel des prisons ou sur le

 12   personnel militaire qui était stationné à cet endroit.

 13   Ces points sont développés aux paragraphes 16 et 21 de notre mémoire

 14   en appel. Nous insistons pour dire que le cas de M. Pusic est différent des

 15   autres accusés. Ce n'est pas quelqu'un qui fait partie du cabinet du

 16   gouvernement. Ce n'est pas une personnalité politique importante telle que

 17   l'indique le jugement et on ne considère pas que c'est un haut représentant

 18   officiel. Nous faisons valoir qu'on ne peut pas en déduire des éléments de

 19   preuve qu'il occupait ce poste ou qu'il occupait ce poste et disposait des

 20   pouvoirs nécessaires sur le personnel militaire ou des prisons. Conclusions

 21   que l'Accusation doit prouver au-delà de tout doute raisonnable.

 22   Sur ce point, nous faisons valoir qu'il faut traiter de cela avec

 23   beaucoup de précaution, puisqu'il existe différentes catégories de preuve,

 24   en particulier eu égard aux références faites par la Chambre de première

 25   instance ou l'Accusation qui précisent que M. Pusic disposait de ses

 26   pouvoirs du fait du poste qu'il occupait à partir du 5 juillet, chargé de

 27   la commission des échanges établie en 1993 et des pouvoirs qu'il disposait

 28   à cet égard à partir du 6 août 1993. Et cette organisation-là en


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  1   particulier fait l'objet de plusieurs citations de la part de la Chambre de

  2   première instance, et c'est perplexe pour nous, parce que tellement

  3   d'éléments de preuve sont fondés sur ces éléments-là alors que dans

  4   d'autres parties du jugement, les Juges de la Chambre estiment que cette

  5   commission était inefficace et ne fonctionnait pas et qu'aucun élément de

  6   preuve n'a pu être avancé pour le prouver. Je vous renvoie à notre mémoire

  7   en appel, paragraphes 28 à 31, où nous développons ce point plus en détail.

  8   Messieurs les Juges, nous faisons valoir également que la Chambre

  9   devrait faire attention s'agissant de différentes références faites à son

 10   rôle suite à la date du 10 décembre 1993 lorsque Mate Boban a donné un

 11   ordre portant au mandat du démantèlement des centres de détention du HVO.

 12   C'est la raison pour laquelle M. Pusic n'avait aucun pouvoir de jure du

 13   fait des postes qu'il occupait. Dans le reste de nos arguments, nous allons

 14   donc nous concentrer sur les éléments de preuve qui portent sur ses

 15   pouvoirs de facto. Et nous allons donc aborder ce qu'a dit Praljak très

 16   précisément puisque la question de la crédibilité est un élément important

 17   pour nous. Josip Praljak a parlé dans sa déposition de ce que la Chambre de

 18   première instance décrit comme étant 30 ordres donnés verbalement,

 19   autorisant l'emploi des détenus pour accomplir des travaux forcés, cité au

 20   paragraphe 1147 du tome 2 et paragraphe 1472 du tome 2 du jugement de

 21   première instance. En résumé, Josip Praljak a dit qu'il recevait

 22   régulièrement des ordres de la police militaire, qu'il était le commandant

 23   des forces du HVO à Mostar. Un autre témoin, Pavlovic, en a parlé et,

 24   d'après ces deux individus, M. Pusic ne disposait pas de pouvoirs sur cela.

 25   Et ces ordres étaient tels que les représentants officiels de la police

 26   militaire devaient les détenir et les envoyer sur le front pour accomplir

 27   des travaux. Cet ordre était ensuite transmis au personnel de l'Heliodrom

 28   et ensuite envoyé à M. Praljak. M. Pusic, à ce stade, ne joue aucun rôle


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  1   dans ce processus. Mais pour une raison quelconque, lorsqu'il a déposé,

  2   Josip Praljak a affirmé qu'une fois qu'il a reçu sa notification, M. Pusic

  3   devait également être contacté pour autoriser les travaux forcés des

  4   prisonniers. Josip Praljak a poursuivi et a dit, quelle que soit la

  5   personne qui s'est entretenue avec Pusic, il faudrait obtenir une note

  6   écrite de la conversation, sous la forme d'un mémo ou d'une note dans le

  7   registre de l'Heliodrom.

  8   Messieurs les Juges, nous vous demandons de vous pencher en détail

  9   sur ces ordres, compte tenu de ce devoir de précaution que nous vous

 10   recommandons. Toutes les fois que ce document est présenté ou cité par la

 11   Chambre de première instance, il est dit que ce document prouve que M.

 12   Pusic avait le pouvoir de faire X, Y ou Z, nous vous demandons d'examiner

 13   ceci dans le détail pour savoir si l'étiquette qui est donnée correspond et

 14   si cela est justifié. La Chambre d'appel nous a demandé de répondre à un

 15   certain nombre de questions. M. Pusic est-il véritablement l'auteur de ce

 16   document ? Est-ce que quelqu'un d'autre a écrit ce document, est à

 17   l'origine de ce document, pour étayer les conclusions de la Chambre d'appel

 18   ou de l'Accusation ?

 19   Donc, eu égard à ces 30 ordres donnés oralement, si vous faites une

 20   analyse de cela, vous constatez que ces documents ne sont pas rédigés par

 21   M. Pusic. Il s'agit en fait de notes qui correspondent à une conversation

 22   et, encore une fois, Messieurs les Juges, vous avez entendu nos arguments.

 23   Il n'existe pas de conclusion pour dire que M. Pusic disposait d'un

 24   quelconque pouvoir sur M. Praljak ou les commandants militaires qui

 25   envoyaient ces demandes. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un

 26   manque de coopération manifeste sur le fait de savoir qui disposait de

 27   l'autorité d'ordonner ces travaux forcés à l'Heliodrom. Aucun autre témoin

 28   qui a déposé sur ce point -- pardonnez-moi. Si j'ai commis une erreur,


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  1   pardonnez-moi. Je voulais dire Josip Praljak.

  2   Aucun autre témoin -- Josip. Merci.

  3   Il n'y a aucun autre témoin qui a témoigné sur ce point, Pavlovic, -

  4   pardonnez-moi si je me trompe au niveau de ma prononciation, j'ai essayé,

  5   ça dix ans que je travaille au Tribunal - Pavlovic ni le Témoin NO,

  6   lorsqu'ils ont déposé, n'ont fait référence à Pusic comme étant un

  7   quelconque supérieur hiérarchique qui devait autoriser ces demandes de

  8   travaux forcés. Et ce qui est encore plus important, c'est que lorsque

  9   Marjan Biskic, qui était le ministre adjoint du HVO chargé de la sécurité

 10   parachuté par le gouvernement de la Croatie à la fin de l'année 1993, pour

 11   aider les Croates en Bosnie-Herzégovine, permettez-moi d'utiliser cette

 12   expression un peu familière, pour essayer de faire en sorte qu'ils

 13   peaufinent un peu leur travail. Si nous regardons les travaux forcés qui

 14   ont été autorisés et lorsqu'on lui a posé des questions sur les travaux

 15   forcés, il a déposé et a longuement parlé des procédures adoptées à

 16   l'Heliodrom. Il n'a pas mentionné M. Pusic dans son analyse. Effectivement,

 17   on lui a demandé de faire un commentaire sur les pouvoirs généraux de M.

 18   Pusic. Il a fait un commentaire et c'est quelque chose que nous faisons

 19   valoir dans nos arguments. A aucun moment n'a-t-il parlé de ce que la

 20   Chambre de première instance avait dit. Il a dit que :

 21   "M. Pusic ne pouvait pas me donner des ordres et ne pouvait donner

 22   des ordres à personne d'autre non plus."

 23   Le plan de travail que nous acceptons dans la Chambre d'appel

 24   reconnaît que nous essayons d'être réalistes. Il existe des éléments de

 25   preuve susceptibles de prouver que M. Pusic savait que quelque chose se

 26   passait dans les centres de détentions et que les détenus étaient envoyés

 27   quelques fois sur le front et qu'il y avait des victimes en conséquence de

 28   cela. Les rapports lui ont été envoyés et devaient constituer une


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  1   notification importante, mais notre position demeure inchangée. Les

  2   éléments de preuve cités par la Chambre de première instance, à savoir

  3   qu'il a menti, que l'Accusation ne montre pas que M. Pusic disposait des

  4   pouvoirs nécessaires pour autoriser des travaux forcés, mais lorsque nous

  5   nous penchons sur les conclusions de fait de la Chambre, que M. Pusic

  6   pouvait donner des ordres pour avoir envoyé les détenus sur le front

  7   accomplir des travaux forcés, il s'agit d'une analyse importante des

  8   éléments de preuve. Nous faisons valoir que la Chambre de première instance

  9   a malheureusement omis de mener à bien cette analyse. Nous sommes certains

 10   que vous, vous conclurez qu'au-delà de tout doute raisonnable, vous auriez

 11   pu parvenir à cette conclusion inversement à ce qu'a fait la Chambre de

 12   première instance.

 13   Messieurs les Juges, je vais maintenant passer à la deuxième question,

 14   conditions de détention qui découlent de la question numéro 9. Des

 15   conclusions de la Chambre de première instance sur ce point renvoient à M.

 16   Pusic, qui avait soi-disant des pouvoirs importants. Ces conclusions se

 17   trouvent aux paragraphes 1056, 1203 du tome 4. La Chambre de première

 18   instance développe ce point et ces éléments de preuve sur lesquels elle

 19   fonde ses conclusions aux paragraphes 1037 [comme interprété] à 1045 [comme

 20   interprété] du tome 4. Cela suit un scénario particulier, un modèle qui

 21   s'applique à toutes les conclusions eu égard aux centres de détention

 22   s'agissant de M. Pusic. La Chambre de première instance déclare que M.

 23   Pusic savait et avait le pouvoir de réparer ou de résoudre les problèmes

 24   qui surgissaient dans les centres de détention, mais qu'il a omis de le

 25   faire, qu'il est resté sur place et qu'il n'a pas rempli ses fonctions.

 26   Donc, son omission ou son manquement à réagir correspond à une acceptation,

 27   ce qui équivaut à une contribution importante à l'entreprise criminelle

 28   commune. En réponse, Messieurs les Juges, notre point de départ est le


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  1   suivant - nous espérons que cette Chambre acceptera cette approche

  2   réaliste, d'ailleurs nous faisons valoir qu'il n'y a aucun élément de

  3   preuve à l'appui de la conclusion selon laquelle Berislav Pusic était au

  4   courant et avait connaissance de certains éléments des évolutions dans les

  5   centres de détention à un certain niveau. Par exemple, si vous regardez les

  6   activités qui avaient lieu à l'Heliodrom, tout d'abord, et je vous renvoie

  7   ici aux paragraphes 1137 à -41 du quatrième tome, vous remarquerez qu'il y

  8   a des éléments de preuve sur lesquels s'est appuyée sur la Chambre de

  9   première instance pour prouver que Berislav Pusic devait avoir été au

 10   courant des conditions qui prévalaient. Et, par exemple, il avait participé

 11   à des réunions avec l'ECMM, la Mission de supervision des Communautés

 12   européennes, du 16 juillet 1993, paragraphe 1137, et ces rapports ont été

 13   envoyés, et la Chambre de première instance a conclu que, comme il avait

 14   reçu les rapports, il était au courant du contenu, ce qui n'est pas

 15   automatiquement le cas. Il y a également d'autres éléments de preuve que

 16   l'on ne peut ignorer. Ces éléments peuvent être pris en compte, mais ils

 17   doivent l'être dans leur totalité; ce que nous n'acceptons pas, c'est que

 18   l'on puisse en déduire qu'il avait pouvoir pour remédier aux problèmes.

 19   Nous n'acceptons pas non plus qu'un pouvoir de réparation puisse être

 20   déduit d'autres facteurs cités par la Chambre de première instance;

 21   notamment, tout d'abord, l'autorité de jure qu'il existait en raison de ses

 22   différents postes à partir du 5 juillet et jusqu'au 10 décembre. J'ai déjà

 23   abordé notre point de vue sur cette constatation de la Chambre.

 24   Deuxièmement, nous n'acceptons pas que la Chambre de première instance ait

 25   pu conclure que Berislav Pusic avait le pouvoir pour redresser la situation

 26   qui prévalait dans les centres de détention et que l'on puisse déduire cela

 27   des éléments de preuve. En effet, la Chambre de première instance a

 28   constaté qu'il avait l'autorité pour pouvoir demander le transfert de


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  1   prisonniers de l'un des centres de détention à l'autre. La Chambre de

  2   première instance s'est fortement appuyée là-dessus. Qui plus est, la

  3   Chambre a élargi cela non seulement à l'Heliodrom, mais à tous les centres

  4   de détention. Nous estimons que les éléments de preuve sur lesquels la

  5   Chambre de première instance s'est fondée ne peuvent mener à cette

  6   conclusion. Paragraphe 1144, par exemple, du tome 4 du jugement, on fait

  7   référence à un rapport daté du 5 juillet 1993. On m'a demandé de corriger

  8   le paragraphe. Il s'agit en fait de 1144, et pas 1044; si ma langue a

  9   fourché, je m'en excuse.

 10   Donc, Messieurs les Juges, je faisais référence au rapport daté du 5

 11   juillet 1993. C'est un rapport qui a été envoyé par le supérieur de Josip

 12   Praljak, Stanko Bozic, qui était également directeur à l'Heliodrom; et

 13   souvenez-vous de ce que l'Accusation a dit vendredi dernier sur l'autorité

 14   ultime sur les directeurs et les commandants dans les centres de détention.

 15   M. Bozic s'était plaint du fait que des soldats tiraient sans faire de

 16   distinction sur des détenus, et demandait des renforts pour éviter que cela

 17   ne se produise. Alors, si l'on regarde le document de plus près, on

 18   constate, premièrement, qu'il ne s'agit pas d'un ordre qui a été envoyé par

 19   écrit par Berislav Pusic; c'est un rapport qu'on lui a envoyé. Il n'était

 20   pas le seul destinataire, mais d'autres supérieurs hiérarchiques étaient

 21   également en copie. Souvenez-vous également, Messieurs les Juges, qu'il n'y

 22   a aucun élément de preuve montrant qu'il a répondu. Le bureau du Procureur,

 23   vendredi, vous a expliqué qui était le supérieur de Bozic. Et d'ailleurs,

 24   Berislav Pusic a lui-même envoyé plus tard, le 6 janvier 1994, une lettre

 25   demandant à Marjan Biskic la permission de déplacer les détenus d'un centre

 26   de détention à l'autre. Ce n'est pas un ordre; c'est une demande. Et je

 27   pense que si l'on veut trouver des preuves là, on ne trouvera qu'une seule

 28   preuve, c'est-à-dire qu'il faut conclure autre chose, et l'inverse de ce


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  1   que la Chambre de première instance a conclu, étant donné que tout cela

  2   prouve que M. Pusic n'avait pas le pouvoir, ni l'autorité de transférer.

  3   Et nous allons même plus loin que cela et nous affirmons qu'au vu des

  4   éléments de preuve versés au dossier et notre mémoire en appel, à savoir

  5   que systématiquement lorsque M. Pusic a agi, il le faisait à la suite

  6   d'ordres. Et dans ce cas précis, il l'a fait sur les ordres de M. Biskic -

  7   qui n'a jamais été mis en examen, ni en accusation, qui n'a jamais été

  8   poursuivi.

  9   Je voudrais également vous donner davantage d'informations sur la

 10   période pendant laquelle cette demande a été faite. Souvenez-vous, nous

 11   étions le 6 janvier 1994. Remettons les choses dans leur contexte. Le HVO,

 12   à ce moment-là, voulait démanteler le centre de détention. Et les éléments

 13   de preuve montrent clairement que M. Pusic participe à plusieurs réunions

 14   avec des hauts représentants qui étaient bien plus hauts placés dans la

 15   hiérarchie que lui. Et il présente des rapports à cette réunion, et son

 16   interaction avec les dirigeants ne va que dans un sens. En fait, il

 17   présente des informations et il a un retour d'information. Est-ce que, de

 18   là, on peut raisonnablement conclure que M. Pusic décidait des politiques,

 19   prenait des décisions à ces réunions ? Eh bien, nous, nous affirmons que

 20   son rôle serait plus celui d'un officier subordonné qui était chargé de

 21   réunir des informations, et ensuite de renvoyer les décisions. Notre

 22   mémoire en appel reprend tout cela en détail, et dans le jugement lui-même,

 23   tome 4, paragraphe 1166, la Chambre de première instance y fait allusion.

 24   Nous avons poursuivi cette analyse à des éléments de preuve qui avaient été

 25   appréciés par la Chambre de première instance datant du mois de décembre

 26   1993. Il est dit que Berislav Pusic a délivré des documents aux détenus qui

 27   se trouvaient à la prison de Ljubuski pour qu'ils soient libérés à des pays

 28   tiers ou vers des territoires tenus par l'ABiH, et il a également demandé


Page 695

  1   de transférer ces prisonniers à d'autres centres de détention; paragraphe

  2   2229 du jugement, ici, tome 2. Messieurs les Juges, ces éléments de preuve

  3   ne prouvent pas que la norme idoine a été appliquée s'agissant de mon

  4   client, Berislav Pusic.

  5   Passons à présent à Dretelj. Et ici, je vous renverrai au tome 4,

  6   paragraphes 1167 à 1170 du jugement. La Chambre de première instance a

  7   utilisé la même logique dans son raisonnement pour déduire que Berislav

  8   Pusic avait pouvoir. La Chambre cite, ici, cela au paragraphe 1167. Mais,

  9   elle cite également et s'appuie sur le fait que le 20 juillet 1993, il a

 10   été nommé membre d'un groupe de travail chargé de s'occuper de la

 11   surpopulation dans les centres de détention du HVO. Mais comme nous l'avons

 12   cité dans notre mémoire en appel, Berislav Pusic était du sang neuf dans ce

 13   groupe, et il ne faisait pas partie des membres du groupe qui devaient

 14   faire rapport au cabinet le lendemain. Mémoire en appel, paragraphe 206.

 15   Passons à présent à la conclusion de la Chambre de première instance

 16   s'agissant du centre de détention de Gabela, paragraphe 1174, tome 4. Là

 17   encore, il est dit que M. Pusic en raison de sa participation à la réunion

 18   du 6 août 1993 avec la commission avait autorité. Nous ne reviendrons pas

 19   là-dessus, nous avons déjà exposé nos arguments, mais je voudrais mettre en

 20   lumière le paragraphe 1169 sur Gabela. Là encore, la Chambre de première

 21   instance s'est fondée sur la présence de Berislav Pusic et du fait qu'il

 22   était membre de ce groupe de travail, et la réunion sur laquelle elle s'est

 23   fondée est celle du 20 septembre 1993. A cette réunion, des membres du CICR

 24   se tournent vers lui et lui disent qu'ils ont plusieurs rapports montrant

 25   qu'il y a certains signes de malnutrition chez les détenus. Soyons

 26   réalistes, là encore, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance

 27   en a déduit que Berislav Pusic avait le pouvoir de changer les choses, mais

 28   ce n'était pas le cas. Si vous regardez les éléments de preuve, si vous les


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  1   retournez dans n'importe quel sens, vous verrez qu'il n'y a rien qui permet

  2   d'établir cela.

  3   Même analyse pour le rapport cité aux paragraphes 1174 à 1176 du tome 4, et

  4   paragraphe 1175 toujours concernant Gabela. Rapport d'Ivo Curic [phon]

  5   [comme interprété], du 29 septembre 1993, envoyé à Berislav Pusic, au

  6   moment où il était chef du service d'échange. Mêmes arguments, rien n'est

  7   prouvé là.

  8   Passons à présent aux constatations sur Ljubuski. La Chambre de première

  9   instance nous donne sa constatation au paragraphe 1182 du tome 4. Elle

 10   s'appuie sur des éléments de preuve, notamment qu'il s'est rendu là-bas au

 11   moins deux fois et qu'il avait connaissance de compétence limitée. Ces

 12   points n'établissent que la connaissance de l'accusé, à ce moment-là. Mais

 13   cela ne prouve pas qu'il avait autorité pour ordonner le transfert de ces

 14   détenus qui étaient dans des conditions déplorables. La Chambre de première

 15   instance fait également référence au paragraphe 1182 disant qu'il avait

 16   ordonné des transferts de détenus entre centres de détention, à plusieurs

 17   reprises, entre le mois de mai et le mois de septembre 1993. Si l'on

 18   regarde minutieusement ces éléments de preuve, il est facile de les

 19   démonter. En fait, ces ordres sont des notes, notes que M. Pusic n'a pas

 20   rédigées, mais que le Témoin E a rédigées. Des notes portant sur des ordres

 21   qui auraient été reçus oralement et que Berislav Pusic aurait donnés ainsi

 22   que Valentin Coric.

 23   A la lumière de tous ces arguments, j'espère que vous aurez compris,

 24   Messieurs les Juges, qu'il reste un doute. Un doute subsiste, et la Chambre

 25   de première instance n'a pas pu établir, au-delà de tout doute raisonnable,

 26   que Berislav Pusic avait effectivement le pouvoir de changer tous ces

 27   problèmes, et il n'y a aucune justification raisonnable quant aux

 28   constatations tirées par la Chambre de première instance.


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  1   Donc, Messieurs les Juges, notre argument global pour cette partie-là

  2   consisterait à dire qu'il n'y a rien qui a été prouvé au-delà de tout doute

  3   raisonnable s'agissant de la contribution significative de M. Pusic à l'ECC

  4   en raison du pouvoir et de la façon dont il avait exercé ses pouvoirs en

  5   situation de travaux forcés ou de son manque d'action alors qu'il avait le

  6   pouvoir de changer la situation. Nous faisons valoir que ces constatations

  7   ne sont pas justifiées.

  8   Messieurs les Juges, si vous êtes d'accord avec nos arguments s'agissant de

  9   la question 9, la question des travaux forcés, la question des conditions

 10   de détention et des mauvais traitements infligés aux détenus et du pouvoir

 11   que Pusic exerçait et l'autorité qu'il avait pour changer tout cela, eh

 12   bien, si vous nous suivez dans notre logique, vous arriverez à la

 13   conclusion que la condamnation de M. Pusic n'était pas bien fondée, qu'il y

 14   a d'autres ramifications, même à la lecture de l'acte d'accusation, et

 15   qu'un acquittement devrait être prononcé. Ce que nous avons développé

 16   s'appliquerait également au prétendu pouvoir, moins important et

 17   secondaire, à propos des crimes pour lesquels il a été condamné en première

 18   instance, en particulier le rôle qu'il a joué dans la libération des

 19   prisonniers, son rôle dans les évacuations humanitaires, et le fait qu'il

 20   avait délibérément répandu de fausses informations.

 21   Là, encore, Messieurs les Juges, je ne veux pas vous répéter les

 22   choses, je ne suis pas là pour plaider à nouveau, mais je me contenterais

 23   de dire qu'un examen minutieux des éléments de preuve en espèce montreront

 24   que Berislav Pusic n'avait pas de pouvoir discrétionnaire dans tous les

 25   domaines pour lesquels il a donné des ordres. Nous affirmons que la Chambre

 26   de première instance a commis une erreur dans sa décision. Car, notamment,

 27   elle a voulu séparer ses constatations dans la question des centres de

 28   détention et a conclu, en raison de cette séparation, que M. Pusic avait


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  1   autorité. Nous, nous sommes plutôt d'avis que la Chambre de première

  2   instance aurait dû lier tous ces éléments de preuve s'agissant des centres

  3   de détention, et non liés aux centres de détentions. Tout cela aurait dû

  4   être pris dans son ensemble. Là encore, je me réfère à la question des

  5   évacuations pour raison humanitaire, des échanges de prisonniers; et tout

  6   cela, apprécié dans son ensemble, aurait permis à la Chambre de première

  7   instance de conclure que M. Pusic n'avait pas de pouvoir de décision et

  8   n'avait pas autorité à agir. Je vous rappelle également les propos de M.

  9   Biskic qui avait dit, et vous vous souviendrez que M. Pusic ne pouvait pas

 10   donner d'ordre ni à lui ni à quiconque. Et la seule façon de pouvoir

 11   trouver une logique dans le rôle que Berislav Pusic a joué serait de

 12   prendre les choses dans leur ensemble. Tous les centres de détenions, pas

 13   seulement l'Heliodrom.

 14   Nous savons que des faits horribles ont eu lieu dans ces centres de

 15   détention, Messieurs les Juges. Nous avons entendu certains éléments de

 16   preuve vendredi dernier. Mais aujourd'hui, ce que nous disons c'est que

 17   élément après élément, il ressort clairement que M. Pusic a pu

 18   effectivement être informé de ce qu'il se passait dans ces centres de

 19   détention. Mais cela ne prouve pas qu le critère applicable a été utilisé

 20   pour arriver aux conclusions de la Chambre et qu'il avait le pouvoir de

 21   changer la situation. Partant, M. Pusic n'aurait pas pu contribuer de façon

 22   significative à cet ECC.

 23   Et nous nous en tenons à ce point de vue, Messieurs les Juges.

 24   Pourquoi ? Eh bien, parce que l'Accusation tout au long de la semaine

 25   dernière n'a même pas pu prouver ni vous montrer, vous indiquer que cela

 26   n'était pas le cas. Et j'aimerais terminer par une citation de Robert Caro.

 27   Je viens de terminer la lecture de son livre de plus de 1 000 pages, et je

 28   pense que cela servira d'inspiration, il a analysé et il a repris, il a


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  1   écrit un livre sur la biographie de Lyndon Johnson. Et je voudrais vous

  2   citer deux phrases. La première :

  3   "Pour moi, ce qui est sûr à propos du pouvoir c'est que le pouvoir

  4   révèle toujours des choses."

  5   Deuxièmement, il dit que :

  6   "On peut se tourner sur la vie de quelqu'un pour voir quel était son

  7   pouvoir politique mais qu'il faut choisir la bonne personne pour procéder à

  8   l'analyse."

  9   Et c'est exactement cela, Messieurs les Juges, la Chambre de première

 10   instance n'a pas choisi la bonne personne, l'Accusation lorsqu'elle a

 11   délivré son acte d'accusation n'a pas choisi la bonne personne. Elle a

 12   choisi une personne qui, lorsque Slobodan Praljak a su qu'il était là, a dû

 13   demander à son secrétaire qui il était. Je fais référence là à la page du

 14   compte rendu 41502 et -503 du compte rendu d'audience.

 15   En conséquence, une analyse minutieuse de son rôle en l'espèce vous

 16   montrera sans aucun doute qu'il n'a exercé aucun degré de pouvoir

 17   significatif, au contraire.

 18   Je vous remercie, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Est-ce que c'est tout, vous avez

 20   fini votre présentation des arguments pour la Défense de M. Pusic ? Oui,

 21   merci.

 22   Juste un instant, s'il vous plaît.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, les Juges de la Chambre sont

 25   d'accord pour que vous puissiez commencer, puis nous allons nous arrêter à

 26   11 heures 30. Nous allons faire une pause à 11 heures 30 et nous allons

 27   poursuivre après la pause.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ma collègue, Mme


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  1   Bassett, va présenter les arguments de l'Accusation concernant M. Pusic,

  2   après quoi ça sera Mme Goy.

  3   Mme BASSETT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

  4   Juge. Marina Bassett devant le bureau du Procureur.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.

  6   Mme BASSETT : [interprétation] Mon collègue, Me Sahota, a dit que M. Pusic

  7   n'était pas une personnalité importante, qu'il n'avait pas de pouvoir

  8   significatif, qu'il était quelqu'un qui devait réunir les informations et

  9   s'occuper des documents concernant la libération. C'est une image erronée

 10   de M. Pusic. M. Pusic était l'une des personnes qui a mis en œuvre le plan

 11   criminel commun. Et il était investi de confiance M. Pusic. M. Sahota a dit

 12   que M. Pusic n'était pas un responsable du HVO haut placé, mais au tome 4,

 13   paragraphe 1093, on peut voir que ceux qui étaient ses supérieurs avaient

 14   suffisamment de confiance en lui pour ce qui est de la mise en œuvre de

 15   l'entreprise criminelle commune, et cela veut dire qu'il a joué un rôle

 16   important pour certains aspects de la réalisation de ce plan.

 17   Pusic acceptait de plus en plus de responsabilités et a utilisé ses

 18   pouvoirs pour donc réaliser le plan criminel commun, tome 4, paragraphes

 19   1202 et 1204. Entre le mois d'octobre 1992 et l'été 1993, il est passé du

 20   fait d'être impliqué de temps en temps en libération de prisonniers fin

 21   1992, au fait de donner des ordres pour que les prisonniers exécutent des

 22   travaux forcés en avril, et en 1993 et en été 1993, il est devenu chef du

 23   service des échanges du HVO ainsi que le chef de la commission du HVO

 24   chargée des prisons et des centres de détention.

 25   En tant que chef du service chargé des échanges des prisonniers et d'autres

 26   personnes, Pusic a joué le rôle qui était le rôle le plus important pour ce

 27   qui est de l'entreprise criminelle commune, il s'occupait de la libération

 28   et d'échanges des Musulmans de Bosnie qui étaient détenus par le HVO dans


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  1   le réseau uni de centres de détention pour faciliter la réalisation de

  2   l'objectif du HVO qui était le déplacement de la population musulmane des

  3   provinces présumées les provinces croates.

  4   Pusic a fréquemment été en contact avec d'autres membres de l'entreprise

  5   criminelle commune qui lui assignaient des tâches importantes et le

  6   désignaient aux postes officiels. Donc du mois d'avril 1993 jusqu'au mois

  7   d'avril 1994, il était en contact régulier avec Prlic et Coric par le biais

  8   de sa participation à l'entreprise criminelle commune. Tome 4, paragraphes

  9   1093 et 1221. Les conclusions de la Chambre montrent également qu'il avait

 10   des contacts et des interactions avec d'autres membres de l'entreprise

 11   criminelle commune.

 12   En avril 1993, Coric a nommé Pusic pour participer aux échanges au nom de

 13   la police militaire. Donc à l'époque, Pusic avait les interactions avec

 14   Coric concernant les questions liées au réseau de centres de détention est

 15   devenu tellement constante que les représentants des organisations

 16   internationales venaient pour voir Pusic en tant que main droite de Coric.

 17   Par exemple, les représentants des organisations internationales qui

 18   étaient venues à Sovici après l'attaque et à Doljani après l'attaque en

 19   avril 1993. Le 5 juillet 1992, Prlic a nommé Pusic au poste du chef de

 20   nouveau service chargé des échanges. Après quoi un mois après, Prlic a

 21   nommé Pusic au groupe de travail pour faire l'inspection des sites de

 22   détention à Capljina. En août 1993, Stojic a nommé Pusic au poste du chef

 23   de la commission du HVO chargée des prisons et des centres détention.

 24   Pusic a également joué un rôle-clé au sein du groupe de travail, qui a mis

 25   en œuvre la décision de Mate Boban du 10 décembre 1993 portant sur la

 26   fermeture du réseau de centres de détention du HVO alors que les détenus

 27   étaient systématiquement déplacés de l'Herceg-Bosna pour réaliser le plan

 28   criminel. Donc Pusic a fréquemment envoyé des rapports au gouvernement de


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  1   Prlic concernant cette question.

  2   Monsieur le Juge, Monsieur le Président, tous ces hommes avaient confiance

  3   à Pusic et considéraient qu'il était en mesure de jouer les rôles qui

  4   étaient importants pour la mise en œuvre du plan criminel commun, Pusic a

  5   continué d'accepter ces positions - les positions pour lesquelles il devait

  6   assumer la plus grande responsabilité - démontrant par ce fait qu'il a

  7   partagé le plan commun ainsi que les moyens qui étaient utilisés pour sa

  8   mise en œuvre.

  9   La conclusion de la Chambre selon laquelle Pusic était un membre de

 10   l'entreprise criminelle commune qui a de manière significative contribué à

 11   la réalisation du plan commun et qui a partagé l'intention pour que les

 12   crimes soient commis était une conclusion raisonnable. Ma collègue Mme Goy

 13   va parler de ces questions ainsi que des bases pertinentes pour ce qui est

 14   de l'appel de Pusic des moyens d'appel 145 et montrer comment cela a servi

 15   de base pour que la population musulmane soit déplacée de l'Herceg-Bosna.

 16   Monsieur le Président, vous avez déjà entendu certains arguments présentés

 17   par mes collèges la semaine dernière, mais il faut comprendre l'importance

 18   de ce réseau de prisons pour comprendre quelle était la contribution de

 19   Pusic à la mise en œuvre du plan commun, puisque c'est dans ce cadre de ce

 20   réseau que Pusic a contribué le plus à la réalisation du plan criminel

 21   commun. Il a ordonné donc que les prisonniers exécutent des travaux forcés

 22   dangereux, il a organisé les échanges des prisonniers et la libération des

 23   prisonniers pour que ces gens soient déplacés de l'Herceg-Bosna. Il a joué

 24   un rôle-clé pour ce qui est de la fermeture des centres de détention et de

 25   ce réseau en appliquant une méthode visant à expulser les détenus de ce

 26   territoire. Il a également servi de personne qui était l'intermédiaire

 27   entre ce réseau et d'autres membres les plus importants de l'entreprise

 28   criminelle commune, tome 4, paragraphes 1202, 1204 et 1209.


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  1   La Chambre de première instance fait référence aux centres de détention du

  2   HVO en tant que "réseau unifié", c'est au tome 4, paragraphes 980 et 982.

  3   Ce réseau englobait les centres de détention principaux qui sont les

  4   centres de détention de l'Heliodrom, Ljubuski, Dretelj, Gabela, Vojno et

  5   Vitina Otok, ainsi que d'autres centres de détention plus petits qui se

  6   trouvaient à d'autres localités partout en Herceg-Bosna. Tome 4, paragraphe

  7   890, note de bas de page 1677. Ces centres de détention étaient reliés

  8   entre eux, ce qu'on peut voir en particulier de déplacements coordonnés des

  9   détenus entre ces centres, souvent visant à les déplacer en permanence de

 10   l'Herceg-Bosna.

 11   Alors le résumé concernant le fonctionnement de ce réseau des centres de

 12   détention est exposé au tome 4, paragraphe 999, où la Chambre de première

 13   instance expliquait que cela faisait partie du système visant "l'expulsion

 14   de la population musulmane". Ce réseau de centres de détention était au

 15   cœur même de l'entreprise criminelle commune.

 16   Comment la Chambre a résumé cela :

 17   "Les membres de l'entreprise criminelle commune ont créé un système visant

 18   à expulser la population musulmane qui, plus particulièrement, consistait

 19   en détention des civils, maintenir les mauvaises conditions dans ces

 20   centres de détention, et l'angoisse de ces détenus pour effectuer des

 21   travaux forcés sur les lignes de fronts, ainsi qu'au déplacement de ces

 22   détenus ainsi que de leurs familles du territoire de la HZ(R)HB après,

 23   suite à leur libération."

 24   Pour ce qui est du plan de l'entreprise criminelle commune visant à

 25   déplacer les Musulmans de ces provinces qui ont été considérées comme étant

 26   les provinces croates, les forces du HVO ont procédé à des arrestations sur

 27   une grande échelle des Musulmans, y compris les arrestations des Musulmans

 28   à Mostar ouest.


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  1   Jusqu'au mois de juin 1993, d'après la Chambre de première instance, c'est

  2   devenu "plus efficace" étant donné que dans le système de l'entreprise

  3   criminelle, un autre système organisé a été introduit, le système visant à

  4   expulser les détenus libérés de ce réseau de prisons. Tome 4, paragraphe 64

  5   du jugement.

  6   Pour ce qui est de ce réseau des prisons, dans tous ces centres de

  7   détention, les conditions étaient déplorables et ces conditions devaient

  8   avoir pour but de faire partir les prisonniers du territoire contrôlé par

  9   l'Herceg-Bosna pour passer sur le territoire contrôlé par l'armée de BiH ou

 10   pour partir dans des pays tiers. Tome 4, paragraphe 64. Etant donné qu'il

 11   n'y avait pas beaucoup de nourriture et que c'était surpeuplé, un détenu a

 12   perdu 47 kilos pendant sa détention de quelques mois. A l'Heliodrom, il y

 13   avait beaucoup de détenus et c'était surpeuplé, donc les détenus étaient à

 14   même le sol. A Ljubuski, il n'y avait qu'un seul local sanitaire où il y

 15   avait 266 [comme interprété] hommes. Les prisonniers étaient donc traités

 16   de façon brutale, il y avait des chocs électriques qui leur étaient

 17   infligés et il n'y avait pas suffisamment d'eau. Et il y avait également

 18   des cas où un prisonnier était frappé par un outil, après quoi, il devait

 19   lécher son propre sang répandu au sol. Les prisonniers étaient utilisés

 20   pour effectuer des travaux illégaux et dangereux, travaux forcés. Pour ce

 21   qui est des détenus de l'Heliodrom, de Vojno, de Ljubuski, vous avez déjà

 22   entendu que les prisonniers devaient renforcer des fortifications, aller

 23   sur la ligne de front pour ramasser des cadavres des soldats du HVO et ont

 24   été utilisés en tant que boucliers humains. On leur donnait des faux fusils

 25   et on leur faisait mettre des uniformes pour qu'ils soient exposés aux tirs

 26   de l'autre côté. Donc, tous les jours, ils étaient exposés à ces dangers.

 27   Il y avait beaucoup de témoignages de victimes qui ont témoigné de

 28   cela, Halid Jazvin, par exemple, qui était détenu et tous les jours, il


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  1   était utilisé pour effectuer des travaux forcés pendant quatre mois de la

  2   détention à l'Heliodrom. Un jour, un soldat du HVO a pris Jazvin et 12

  3   autres détenus, y compris un prisonnier qui s'appelait Aziz, sur la ligne

  4   de front à Mostar. Et Jazvin s'est vu ordonner une tâche qui consistait à

  5   donc déplacer des sacs remplis de sable pour ériger une barricade. Et comme

  6   des combats étaient intenses, un soldat a ordonné à Jazvin de ramasser les

  7   cadavres des soldats du HVO. Jazvin a dit :

  8   "Lorsque nous sommes arrivés là-bas, j'ai vu un soldat du HVO qui était

  9   blessé, mais 20 mètres plus loin, j'ai vu trois ou quatre cadavres qui

 10   étaient empilés et j'ai reconnu l'un de ces corps. C'était le corps d'Aziz.

 11   Je me suis approché du corps d'Aziz pour voir s'il était toujours en vie.

 12   Et en s'approchant de lui, j'ai reçu une balle dans la jambe. J'ai rampé et

 13   je suis arrivé jusqu'au corps d'Aziz pour voir s'il était toujours en vie,

 14   mais il était mort. Il y avait deux ou trois autres cadavres; c'étaient

 15   également les cadavres des prisonniers."

 16   Ce soldat du HVO, d'après l'avis de Jazvin, s'occupait uniquement du soldat

 17   du HVO qui était blessé et non pas des prisonniers musulmans et de leur

 18   vie. P10213, paragraphe 20.

 19   Ces conditions et ces mauvais traitements ont eu une finalité coercitive.

 20   Beaucoup de détenus ont "accepté" de quitter leur domicile de façon

 21   permanente pour pouvoir être libéré de la détention. Et de milliers de

 22   détenus, il y en avait beaucoup qui ont été relâchés et libérés mais ils

 23   devaient promettre de partir dans des pays tiers par la Croatie. Donc les

 24   fonctionnaires croates ont aidé ce processus pour s'assurer que ceux qui

 25   ont été expulsés obtiennent des visas de transit qui leur permettait un

 26   séjour bref en Croatie avant de partir à leur destination finale. Tome 4,

 27   paragraphes 1210 et 120 de la pièce citée P9679.

 28   D'autres détenus ont été libérés et transférés sur le territoire


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  1   contrôlé par l'armée de BiH, y compris le territoire de Mostar est qui

  2   était assiégé. Et cela a continué, ils ont continué à être terrorisés. Cela

  3   faisait donc partie de l'entreprise criminelle commune.

  4   Et pour assurer la libération d'un détenu, le détenu devait remplir

  5   un formulaire en indiquant le pays où il y devait partir et ils avaient

  6   quelques heures pour être réunis avec leurs familles, après quoi ils

  7   étaient transférés en Croatie à bord d'autocars où ils pouvaient rester une

  8   brève période de temps avant de partir pour les pays tiers. La Chambre a

  9   formulé ses conclusions concernant ce type de libération des prisonniers au

 10   tome 2, paragraphes 1642 et 1650 pour ce qui est de Heliodrom; paragraphe

 11   1870 jusqu'à 1875 pour Ljubuski; et pour ce qui est de Dretelj, c'est tome

 12   3, paragraphe 143 jusqu'à 145; et Gabela, 272 jusqu'à 274. Et en

 13   particulier, je fais référence à la pièce P9680.

 14   Ce processus d'expulsion faisait partie principale du plan criminel commun,

 15   et Pusic a fait référence à ces expulsions en les nommant "pratique

 16   habituelle" ou "standard" dans une proposition qu'il a envoyée à Prlic en

 17   décembre 1993. C'est la pièce P7102, Monsieur le Président, c'est la

 18   proposition que Pusic a envoyée à Prlic en personne. A la page 5, il écrit

 19   :

 20   "On a une pratique standard ou habituelle selon laquelle les personnes en

 21   possession de cartes d'identité appropriées ou d'autres documents (tels que

 22   lettres de garantie ou de prise en charge, ou des visas de transit, de la

 23   République de Croatie pour les personnes déplacées) et après, ces personnes

 24   sont libérées, après quoi les membres de SIS les conduisent sur les

 25   terrains de la Croatie, et après, vers les pays tiers."

 26   Donc, le SIS, c'était le service d'information et de sécurité.

 27   Tome 4, paragraphe 1121, pièce P7158, au titre d'exemple. Ils ont été

 28   échangés et ils ont été transférés sur le territoire de l'armée BiH pour


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  1   être échangés contre les Croates, et cela visait dans la mise en œuvre du

  2   plan qui consistait à changer la composition ethnique des provinces qui

  3   étaient présumées les provinces croates.

  4   Il dit à Prlic, dans cette proposition, que le service chargé des échanges

  5   ne s'intéresse aux prisonniers "qu'au but de trouver des personnes qui

  6   peuvent être échangées", et également pour pouvoir faire déplacer les

  7   Musulmans avant et après la décision de Mate Boban du 10 décembre 1993,

  8   concernant la fermeture des centres de détention du HVO.

  9   La Chambre a constaté que Pusic avait joué un rôle significatif dans ce

 10   processus. Son autorité n'a fait que croître lorsqu'il a joué un rôle

 11   crucial pour ce qui est de la fermeture de ce réseau de centres de

 12   détention et il s'est assuré de faire en sorte que ceux qui quittaient ces

 13   centres de détention devaient aussi quitter l'Herceg-Bosna. Volume 4,

 14   paragraphes 1050, 1203 et 1209. Et les derniers détenus de ces réseaux de

 15   détention du HVO ont été relâchés pour être échangés en avril 1994.

 16   A moins que vous n'ayez des questions à poser, je vais passer maintenant la

 17   parole à ma collègue, Mme Goy.

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Madame Goy, à vous.

 19   Mme GOY : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 20   Je propose de commencer la présentation de mon argumentation en faisant

 21   brièvement référence au moyen d'appel 3 de M. Pusic, avant que de parler de

 22   sa responsabilité criminelle au terme de l'entreprise criminelle commune.

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le conseil de M. Pusic a

 24   contesté les contestations des Juges de la Chambre de première instance

 25   pour ce qui est de l'objectif final et de la finalité criminelle commune

 26   poursuivie par les participants à l'entreprise criminelle commune, et ce

 27   qu'on a cité, c'est le volume 4, paragraphe 6 et paragraphe 24. On a fait

 28   référence à bon nombre de comptes rendus présidentiels et on a cité


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  1   également les représentants de la communauté internationale, tels que

  2   l'ambassadeur américain Peter Galbraith et Herbert Okun.

  3   Le conseil de M. Pusic a également demandé à savoir s'il était

  4   véritablement nécessaire pour les Juges de la Chambre de première instance

  5   de se pencher en long et en large sur l'objectif criminel poursuivi. La

  6   responsabilité de M. Pusic fait partie de ces membres de l'entreprise

  7   criminelle commune qui avaient visé à assurer une domination ethnique. Et

  8   il s'est avéré qu'il était tout à fait approprié pour les Juges de la

  9   Chambre de première instance d'étudier l'objectif poursuivi au final, parce

 10   que cet objectif poursuivi au final constitue un contexte pertinent pour ce

 11   qui est de l'entreprise criminelle commune. Et cette entreprise criminelle

 12   commune est conduite dans un objectif criminel commun qui avait suivi un

 13   modèle de crimes à perpétrer, en coordination avec les autorités politiques

 14   et militaires de l'Herceg-Bosna et les autorités de la Croatie, avec la

 15   participation d'autres accusés, pour ce qui est des attaques criminelles,

 16   du déni, de la dissimulation et des efforts coordonnés, visant à faire en

 17   sorte que les Croates soient déplacés vers des territoires sur lesquels la

 18   Croatie avait des aspirations. Et en plus de ces éléments-là, je voudrais

 19   que vous vous penchiez sur le volume 4, paragraphes 51, 54, 58, 62 à 66, et

 20   la pièce 1290.

 21   Je voudrais maintenant parler de la responsabilité criminelle individuelle

 22   de M. Pusic en sa qualité de membre de l'entreprise criminelle commune ou

 23   participant à celle-ci.

 24   Je voudrais d'abord parler de la contribution considérable de M. Pusic à la

 25   mise en œuvre de ce plan criminel commun, à savoir moyens d'appel 1 et 6 de

 26   son mémoire en appel, avant que de parler de l'intention criminelle qu'il a

 27   partagée avec les autres.

 28   Avant que de répondre à la question de la contribution individuelle, je


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  1   voudrais parler de deux contestations qui ont été réitérées aujourd'hui et

  2   qui se fondent sur une compréhension erronée du contexte de droit

  3   concernant la responsabilité liée à l'entreprise criminelle commune, et

  4   cela ne peut pas remettre en question les conclusions des Juges de la

  5   Chambre de première instance.

  6   D'abord, le conseil a dit que Pusic n'avait aucune autorité à l'égard

  7   d'autres personnes. Mais sa contribution ne se fonde pas sur les

  8   attributions qui auraient été les siennes à l'égard de qui que ce soit pour

  9   ce qui est d'avoir été supérieur ou subordonné des autres auteurs de

 10   crimes. Comme je le disais, il avait des attributions pour ce qui est du

 11   travail forcé ou de la libération de personnes détenues, donc il n'avait

 12   pas besoin d'être subordonné ou supérieur hiérarchique de ceux qui

 13   ouvraient les portes de la prison ou qui faisaient sortir des détenus pour

 14   des travaux forcés. Ce qui était nécessaire, c'était l'autorité qu'il avait

 15   pour ce qui était de faire exercer du travail forcé à l'intention de

 16   certaines personnes et de les faire libérer à cette fin. Les pièces à

 17   conviction le montrent clairement.

 18   Deuxièmement, on a contesté la possibilité de Pusic de prendre des

 19   décisions autonomes. Pour contribuer à une entreprise criminelle commune,

 20   on n'a pas besoin de décider soi-même. Il suffit d'aider ou de contribuer à

 21   la réalisation d'un planning criminel commun. Et quand bien même il

 22   s'agirait de faire réaliser les décisions d'autrui, cela est également une

 23   participation. Dans l'affaire Kvocka, la Chambre d'appel a constaté qu'il

 24   avait contribué à l'entreprise criminelle commune pour ce qui est de la

 25   gestion administrative du camp d'Omarska. On peut trouver cela dans l'arrêt

 26   de la Chambre Kvocka, paragraphe 622. Et l'argument du manque de

 27   participation aux décisions ou de l'absence de la part de prise de décision

 28   devrait être rejetée.


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  1   Je vais maintenant parler des conclusions factuelles qui ont été celles de

  2   la Chambre de première instance et je vais parler de la contribution de

  3   Pusic à l'objectif criminel commun. Pusic a contribué à la création d'un

  4   réseau d'unités de détention et, comme ma collègue Mme Bassett l'a

  5   expliqué, cela avait été crucial pour ce qui est du plan commun. Pusic y a

  6   contribué parce qu'il a approuvé l'utilisation des détenus musulmans pour

  7   des travaux forcés, y compris sur la ligne de front. Il a contribué à des

  8   conditions de détention atroces et il a contribué au départ de ces

  9   Musulmans de l'Herceg-Bosna une fois qu'ils ont été relâchés. Il a utilisé

 10   ces attributions pour ce qui est des déplacements à l'extérieur de

 11   l'Herceg-Bosna et il a même joué un rôle pour ce qui est de la mise en

 12   œuvre de la décision de Boban s'agissant de la fermeture de ces centres de

 13   détention. Il a donc été une unité de liaison entre les installations de

 14   détention et les membres les plus importants de l'entreprise criminelle

 15   commune. Ils savaient qu'ils ont été gardés là, de façon contraire au

 16   droit. Et je vais parler maintenant des différentes contributions aux

 17   quatre cas pour répondre à la question numéro 9 posée par les Juges de la

 18   Chambre d'appel.

 19   La Défense a contesté les attributions de Pusic et sa contribution, mais on

 20   a dit qu'il n'a pas utilisé ses attributions pour la réalisation d'un plan

 21   criminel commun. Or, les éléments de preuve montrent le contraire. Il s'est

 22   servi de ses attributions pour autoriser les travaux forcés illicites à des

 23   fins militaires et ces travaux ont été très dangereux. Volume 4, pièce 1054

 24   et autres. Et on a visé à expulser les Musulmans de Bosnie d'Herceg-Bosna.

 25   Et les détenus étaient exposés à des risques journaliers d'envoi vers les

 26   lignes de front pour des travaux forcés et ils pourraient fort bien se

 27   faire tuer. Donc, cela était une partie intégrante de ces conditions de

 28   détention terribles, chose qui a encouragé les membres de l'Herceg-Bosna et


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  1   leurs familles à s'en aller.

  2   Pusic avait autorisé ces travaux forcés. Et la conclusion a été tout

  3   à fait raisonnable. Et, bien que la Chambre n'ait pas indiqué la source

  4   exacte de l'attribution de Pusic pour ce qui était d'autoriser ses travaux

  5   forcés, mais les pièces à conviction montrent qu'il a exercé de jure ses

  6   attributions. La Chambre a également fait remarquer que "ordonner" ou

  7   "approuver" étaient des termes qui faisaient leur apparition dans les

  8   documents et ils ont été utilisés à tour de rôle pour ce qui est de parler

  9   des mesures préalables à l'envoi de détenus aux travaux forcés. Je fais

 10   référence au volume 2, paragraphe 1471. Les éléments de preuve montrent que

 11   Pusic avaient approuvé les requêtes de travaux forcés pour l'Heliodrom, la

 12   construction de bunker, la collecte des corps ou de soldats du HVO ou de

 13   soldats blessés à la ligne de front; au volume 4, paragraphe 1149. Et il

 14   n'a pas été seulement été fait référence lors de l'adoption de ces

 15   conclusions au témoignage de Josip Praljak. Ensuite, il y a une demande

 16   formulée par un groupe de prisonniers datée du 5 juillet 1993. On voit en

 17   bas à gauche, surligné en jaune, le fait que cela a été "approuvé par Berko

 18   Pusic". Et on peut se pencher également sur la pièce à conviction P2020,

 19   page 2 où on dit que c'est Berko qui l'a approuvé, à savoir Pusic. Il a été

 20   question :

 21   "D'envoyer un groupe de cinq prisonniers pour la construction de

 22   bunkers." Pièce à conviction P03194.

 23   Si l'on se penche maintenant sur le registre de l'administration de

 24   la police militaire avec les requêtes et approbations de travaux forcés et

 25   pièce à conviction P08043, on peut voir qu'en juillet 1993, Pusic a

 26   approuvé ou donné l'ordre de procéder à 700 envois en travaux forcés. On

 27   voit quelle est la mission à accomplir, la date et le numéro de référence.

 28   Et on voit quelle est l'unité qui a présenté une requête et la personne qui


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  1   a approuvé cette requête. Nous avons pu collecter au niveau de ce document

  2   des renseignements au sujet des lignes de front pour lesquelles Pusic avait

  3   approuvé l'envoi de personnes en travaux forcés. Il y a quelque 700

  4   missions individuelles de cette nature.

  5   Je dirais que nous nous sommes basés sur un original en B/C/S, vu que

  6   malheureusement, la traduction avait comporté un certain nombre d'erreurs,

  7   ce qui fait que les numéros de référence ne coïncident pas avec les numéros

  8   de référence dans la traduction.

  9   Toujours est-il que les détenus ont été envoyés à des travaux forcés

 10   vers les lignes de front conformément aux ordres de Pusic et cela signifie

 11   que Pusic avait des attributions considérables à cet effet. Pièces à

 12   conviction P03583 et P3633.

 13   A la différence de ce qu'a affirmé la Défense, le témoignage de

 14   M. Marjan Biskic ne réfute pas les conclusions prises par les Juges de la

 15   Chambre. Il avait été ministre adjoint de la sécurité et de la police

 16   militaire en Herceg-Bosna à compter de décembre 1993 et il n'est arrivé que

 17   le 8 novembre en Herceg-Bosna, ce qui fait que ce qu'il a su en dire

 18   n'était limité qu'à la fin 1993. Page de compte rendu d'audience 1534 et

 19   15317.

 20   Alors, Biskic a confirmé qu'il y avait une procédure de jure qui

 21   était mise en place. Je fais référence à la page de compte rendu d'audience

 22   15241.

 23   Biskic a également ajouté le fait que le directeur de l'Heliodrom

 24   Bozic n'a jamais refusé son approbation pour ce qui était d'envoyer des

 25   détenus en travaux forcés; page de compte rendu d'audience 15301 à 15302.

 26   Les éléments de preuve montrent que ceci englobe les cas de figure où Pusic

 27   a ordonné ou approuvé du travail forcé. Pièce à conviction P2385 et pièce à

 28   conviction P3596. Donc la conclusion disant que Pusic a contribué à la


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  1   réalisation de l'objectif criminel commun pour ce qui était d'avoir

  2   approuvé le travail forcé illicite se trouvait être raisonnable. Le fait

  3   qu'il n'ait pas été le seul à approuver ces travaux forcés n'a aucune

  4   espèce d'importance.

  5   Pusic a contribué à l'entreprise criminelle commune en faisant

  6   recours à ces attributions à l'égard des détenus musulmans pour ce qui

  7   était de les faire partir de l'Herceg-Bosna, en particulier lorsqu'il a mis

  8   en œuvre la décision de Boban relative à la fermeture des unités de

  9   détention. Volume 4, paragraphes 1203 à 1204.

 10   Comme Mme Bassett l'a expliqué, les détenus musulmans ont souvent été

 11   mis en liberté, mais à condition de quitter l'Herceg-Bosna et s'en aller

 12   notamment de la Bosnie-Herzégovine, en compagnie de leurs familles. Volume

 13   4, paragraphe 1132. L'expulsion de ces détenus musulmans et de leurs

 14   familles se trouve être la substance même de l'entreprise ou de la finalité

 15   criminelle commune. Et les éléments de preuve montrent que Pusic était

 16   impliqué dans ces expulsions, tant à l'Heliodrom qu'à Gabela ou à la prison

 17   de Ljubuski.

 18   Pour constater que Pusic avait bel et bien des attributions s'agissant

 19   d'autoriser les mises en liberté en mai 1993, la Chambre s'est fondée sur

 20   des documents nombreux montrant que Pusic avait soit ordonné soit approuvé

 21   ces libérations. Volume 4, paragraphe 1049. Des éléments de preuve montrent

 22   que Pusic avait approuvé des mises en liberté de l'Heliodrom en été,

 23   automne 1993 conformément à une procédure que Pusic a élaboré partant de la

 24   décision du 12 août 1993 alors qu'il était à la tête de la commission

 25   chargée des prisons et des unités de détention du HVO. Volume 4, paragraphe

 26   1158. Cette procédure avait englobé non seulement son approbation, mais

 27   aussi une approbation de la part du SIS et du service chargé des

 28   informations et des enquêtes criminelles de la police militaire en


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  1   demandant des garanties pour ce qui est du départ de ces détenus du

  2   territoire de l'Herceg-Bosna. Je fais référence, Messieurs les Juges, à la

  3   pièce à conviction P4450, P4686, P4799, P5094 et P5748. Vous pouvez les

  4   trouver en note de bas de page 2172 du volume 4.

  5   La Chambre a également tiré une conclusion raisonnable qui est celle de

  6   dire que les attributions de Pusic pour ce qui est de l'organisation des

  7   mises en liberté avaient été accrues en décembre 1993. Volume 4, paragraphe

  8   1050. Pusic avait également pris part à la mise en œuvre de la décision de

  9   Mate Boban du 10 décembre 1993 pour ce qui est de l'expulsion des Musulmans

 10   de Gabela et de Ljubuski quand il s'agissait de fermer ces unités de

 11   détention. Ce même jour, le 10 décembre 1993, Pusic a proposé une

 12   réorganisation des travaux pour ce qui est des échanges. Pièce 07102. Cette

 13   proposition avait englobé "l'élaboration d'une liste de personnes qui

 14   souhaitaient délibérément quitter ou qui souhaitaient de leur plein gré

 15   quitter les secteurs de la HR HB dans l'objectif de réunification de

 16   familles."

 17   Alors ici, la signification du terme de "plein gré" avait dû être

 18   interprété dans un contexte de coercition qui prévalait.

 19   Donc il s'agissait de mettre en œuvre la décision de Boban. Volume 4,

 20   paragraphe 1092. Et les PV des réunions du Groupe de travail du 11 décembre

 21   montrent bien quelle a été l'attitude de Pusic.

 22   "Pusic avait considéré que les détenus devaient être relâchés, mais

 23   qu'en même temps il fallait prendre des mesures d'organisation de

 24   protection et de sécurité et, en particulier, des préparatifs pour que ces

 25   détenus puissent être envoyés à l'étranger."

 26   Pièce à conviction P7148, page 5. Un peu plus loin :

 27   "M. Pusic a estimé que les gens âgés de plus de 50 ans devaient être

 28   envoyés ou, plutôt, confiés à la partie musulmane du côté gauche de la


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  1   Neretva, à la rive gauche de la Neretva."

  2   Pièce à conviction P7148, page 10.

  3   Et cette rive gauche, les Juges s'en souviendront, se trouvait être

  4   Mostar est, surpeuplé et exposé à des pilonnages graves et à des tirs de

  5   tireurs embusqués.

  6    Deux jours plus tard à l'occasion d'une session du groupe de travail daté

  7   du 13 décembre, M. Ivica Lucic, chef du SIS, service de sécurité et du

  8   renseignement du HVO, a présenté un certain nombre de données. Il y a dans

  9   cinq centres de détentions, y compris l'Heliodrom, Gabela et Ljubuski, il y

 10   avait 2 000 et quelques personnes de détenus, et là-dessus, 1 024 étaient

 11   censés être transportés vers des territoires tenus par les forces armées

 12   croates, alors que 295 personnes étaient censées être transférées vers des

 13   pays étrangers moyennant documentation appropriée. Pièce à conviction 7143,

 14   page 4.

 15   C'était le planning, et c'est ce qui a été réalisé. Pusic a donc été

 16   impliqué dans la réalisation de ce plan d'expulsion de détenus de

 17   l'Heliodrom, Gabela et Ljubuski vers des territoires tenus par l'ABiH,

 18   voire vers des pays tiers, et parfois en faisant partir les gens de

 19   l'Heliodrom et les faisant passer par la prison de Gabela.

 20   Par exemple, le 13 décembre, Pusic a signé un ordre de mise en liberté de

 21   14 personnes depuis l'Heliodrom pour les faire partir vers la rive gauche,

 22   c'est-à-dire le territoire tenu par l'ABiH, à savoir Mostar est. Pièce à

 23   conviction 7141.

 24  Le 1er décembre 1993, Pusic signe également un autre ordre faisant partir 17

 25   personnes vers des pays tiers, en faisant bien remarquer qu'ils ont été

 26   transférés de Ljubuski vers Gabela, le 15 décembre. Pièce P7140. Je vous

 27   renvois maintenant vers le volume 4, paragraphe 1160 pour l'Heliodrom;

 28   paragraphe 1178 pour Gabela; et 1183 pour la prison de Ljubuski.


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  1   Vers la fin de décembre 1993, il a eu plusieurs mises en liberté de

  2   l'Heliodrom, moyennant échanges. Volume 4, paragraphe 1162. Et ici aussi,

  3   Pusic se trouvait être à la tête du service chargé de l'échange des détenus

  4   et autres personnes. Dans ce contexte-ci, Pusic n'a pas hésité de faire en

  5   sorte que certains détenus soient gardés en détention pendant plusieurs

  6   mois de plus lorsque ceci lui permettait de négocier la libération de

  7   soldats du HVO. Volume 4, paragraphe 1166.

  8   Par exemple, à compter de la mi-décembre 1993, Pusic a donné l'ordre

  9   de faire en sorte qu'un certain nombre de Musulmans soient gardé en

 10   détention à l'Heliodrom afin d'être utilisés pour des échanges. Le 1er mars

 11   1994, le HVO, par le biais de Pusic a envoyé 121 détenus de l'Heliodrom

 12   vers Jablanica, qu'il s'agissait d'échanger contre 61 prisonniers de guerre

 13   et 200 civils. Je précise qu'il s'agit là non seulement d'échange de

 14   prisonniers de guerre mais aussi de civils. Volume 4, paragraphe 1163. Et

 15   ceci montre qu'il s'agit d'un rapport daté du 31 mars 1994. Pièce à

 16   conviction P8136.

 17   Même si Boban a pris la décision de fermer les centres de détention

 18   le 10 décembre 1993, les dernières libérations menées par le biais des

 19   échanges ont été organisées par M. Pusic en avril 1994. Tome 4, paragraphe

 20   1164. Pusic a donc manifestement contribué au plan commun par le biais de

 21   ces remises en liberté.

 22   Pusic a également contribué à ce plan commun en étant lui-même le

 23   lien entre les réseaux de centres de détention et les plus importants

 24   membres de l'entreprise criminelle commune. Tome 4, paragraphe 1209. La

 25   Chambre a fondé sa conclusion sur le fait que Pusic informait régulièrement

 26   les dirigeants du HVO sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre des

 27   décisions de Boban datées du 10 décembre.

 28   Cette conclusion constitue une conclusion raisonnable au vu des éléments de


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  1   preuve qui montrent que Pusic a envoyé de nombreux rapports sur la mise en

  2   oeuvre de la décision, entre autres, au gouvernement de l'Herceg-Bosna,

  3   ministre de la Défense, de l'administration de la police militaire et des

  4   représentants croates. Pusic a envoyé des rapports les 15 décembre 1993, 18

  5   décembre, 3 janvier 1994, 24 février 1994, 2 mars 1994, 31 mars 1994, et 29

  6   avril 1994. Tous ces rapports sont énumérés dans les notes de bas de page

  7   319 et 320 du mémoire en réponse de l'Accusation.

  8   Par exemple, le 15 décembre 1993, Pusic a envoyé le rapport suivant, nous

  9   pouvons lire la date en haut à gauche de ce document, et en bas à droite,

 10   nous constatons que Pusic a envoyé le rapport en qualité de chef des

 11   services d'échange. Et vous pouvez constater que ce rapport porte sur

 12   Ljubuski, Heliodrom et Gabela. Et je vais aborder avec vous ces trois

 13   endroits avec vous, Messieurs les Juges. Ce qui a été fait est comme suit :

 14   Par rapport à Ljubuski :

 15   "14 personnes ont été libérées de la prison de Ljubuski, et ces

 16   personnes se rendront sur la rive gauche de leur plein gré."

 17   Ce plein gré doit être lu dans son contexte, Messieurs les Juges.

 18   Mostar est était toujours assiégée, bombardée et faisant l'objet de tirs

 19   isolés intenses et était surpeuplée.

 20   "17 personnes se rendront dans les pays tiers, ces personnes ont été

 21   libérées et disposent des documents nécessaires.

 22   "Troisièmement : huit personnes resteront dans la République d'Herceg-Bosna

 23   en Bosnie-Herzégovine à Citluk, se rendront dans des pays tiers accompagnés

 24   des membres de leurs familles.

 25   "Heliodrom.

 26   "Premièrement : 57 personnes qui font partie de mariages mixtes et qui

 27   disposent d'une épouse croate seront libérées de la prison de l'Heliodrom.

 28   Ces personnes resteront sur le territoire de la République d'Herceg-Bosna


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  1   en Bosnie-Herzégovine; cinq personnes souhaitent se rendre sur la rive

  2   gauche parce que leurs familles s'y trouvent (expulsées auparavant).

  3   "Deuxièmement : 12 femmes musulmanes ont été libérées et sont restées sur

  4   la rive droite.

  5   "Gabela.

  6   "Par l'intermédiaire du CICR, 83 personnes d'appartenance ethnique

  7   musulmane ont été libérées de Gabela. Ces personnes ont été transférées à

  8   Split et se rendront de là dans un pays tiers." Pièce P07187.

  9   Le 3 janvier 1994, Pusic précise dans un rapport que 3 167 personnes au

 10   total ont été libérées, dont 1 935 ont été libérées et se sont rendues sur

 11   la rive gauche - Mostar est assiégée - et les autres personnes dans les

 12   zones contrôlées par l'ABiH; et 743 personnes ont été remises en liberté et

 13   743 se sont rendues dans des pays tiers. Pièce P07468.

 14   Messieurs les Juges, serait-il un moment opportun de faire la pause avant

 15   d'aborder la contribution suivante de M. Pusic ?

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez utilisé 15 [comme interprété]

 17   minutes des deux heures qui vous étaient allouées.

 18   Donc nous allons avoir une pause maintenant et nous reprendrons à midi, à

 19   midi.

 20   Je vous remercie.

 21   --- L'audience est suspendue à 11 heures 26.

 22   --- L'audience est reprise à 12 heures 00. 

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Goy, c'est à vous.

 24   Mme GOY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Je souhaite maintenant poursuivre en abordant la quatrième contribution, à

 26   savoir la contribution de Pusic au plan criminel commun en faisant en sorte

 27   que les personnes soient gardées en détention en sachant que ces personnes

 28   ont été détenues de façon illégale dans des conditions terribles et


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  1   qu'elles étaient maltraitées.

  2   Pusic savait pertinemment que les personnes étaient détenues de façon

  3   illégale, il a néanmoins établi et reçu des listes qui précisaient quel

  4   était l'âge du détenu en question, s'il s'agissait de civils ou non. Il

  5   savait donc que ces personnes n'étaient pas détenues légalement.

  6   En qualité de chef des services des échanges des prisonniers et d'autres

  7   personnes, il avait pour tâche de mettre sur pied une base de données sur

  8   les prisonniers et autres personnes, P03191. Berislav Pusic, en particulier

  9   établit des listes sur lesquelles se trouvaient les noms des détenues au

 10   Heliodrom le 15 septembre 1993, et lui-même a reçu les listes sur les

 11   détenus de Gabela et Ljubuski, tome 4, paragraphes 1135, 1171, 1172, et

 12   1181. Mais Berislav Pusic n'a pas remis en liberté les détenus civils.

 13   Il savait également que les conditions de détention étaient épouvantables,

 14   que les prisons étaient surchargées et que les personnes étaient

 15   maltraitées. Il avait donc le pouvoir de faire quelque chose compte tenu de

 16   son rôle au sein de ce réseau de centres de détention, et à la place de

 17   cela il a contribué aux mauvais traitements en autorisant et en donnant son

 18   accord pour que les travaux forcés, dangereux soient réalisés sur la ligne

 19   de front. Compte tenu des visites qu'il a faites et de ses rapports qu'il a

 20   rédigés, la Chambre a raisonnablement conclu que Pusic savait qu'il y avait

 21   des problèmes au niveau des conditions de détention, que ces prisons

 22   étaient surchargées, en tout cas en ce qui concerne l'Heliodrom et

 23   Ljubuski, pendant tout le temps de leurs fonctionnements, tome 4,

 24   paragraphes 1143, 1182; en tout cas pour ce qui est de Gabela à partir du

 25   mois de juillet 1993, tome 4, paragraphe 1170; tome 3, paragraphe 58 [comme

 26   interprété]; tome 4, paragraphe 1176. A commencer par le mois de juillet

 27   1993, Pusic était également informé des mauvais traitements des détenus à

 28   l'Heliodrom, paragraphe 1145.


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  1   Et donc je vais parler maintenant de la question numéro 9. Dans la question

  2   numéro 9, vous avez posé la question pour savoir sur quel fondement s'était

  3   basée la Chambre de première instance dans sa conclusion au tome 4,

  4   paragraphe 1056, que Pusic détenait le pouvoir nécessaire pour résoudre les

  5   problèmes liés aux conditions de détention, aux mauvais traitements des

  6   détenus dans ce réseau de centres de détention du HVO. Cette réponse est

  7   fournie au paragraphe, à savoir que Pusic avait le pouvoir de transférer

  8   les détenus d'un centre de détention à un autre. Et, en outre, la Chambre

  9   dans ce paragraphe s'est fondée également sur le pouvoir dont il disposait

 10   pour relâcher les détenus.

 11   Le passage pertinent du tome 4, paragraphe 1056, précise comme suit :

 12   "Berislav Pusic disposait des pouvoirs et d'un rôle important dans les

 13   centres de détention, notamment le pouvoir de transférer les détenus d'un

 14   centre de détention à un autre, afin de résoudre les difficultés liées aux

 15   conditions de détention et aux mauvais traitements des détenues."

 16   Ceci dans l'original en français est encore plus manifeste du jugement.

 17   "…Berislav Pusic -- [en français] et notamment celui de transférer

 18   les détenus d'un centre de détention à un autre, pour remédier aux

 19   problèmes liés aux conditions de détention et aux mauvais traitements des

 20   personnes détenues."

 21   L'INTERPRÈTE : En français dans le texte.

 22   Mme GOY : [interprétation] Donc cette lecture est par la suite confirmée au

 23   tome 4, paragraphe 1143, ainsi que les conclusions de la Chambre de

 24   première instance eu égard à la responsabilité de Pusic en vertu de

 25   l'entreprise criminelle commune de première catégorie au tome 4, paragraphe

 26   1203, où la Chambre a noté que Pusic :

 27   "…n'a jamais pris les mesures nécessaires pour améliorer les conditions ou

 28   pour mettre un terme au mauvais traitement telles que le déplacement des


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  1   détenus vers un autre centre de détention ou le fait de notifier les

  2   autorités compétentes."

  3   Ainsi Pusic aurait pu améliorer les conditions en détention et allégé le

  4   mauvais traitement en relâchant ou en transférant les détenus ou en

  5   notifiant les autorités compétentes. Pusic avait le pouvoir de le faire.

  6   J'ai déjà abordé le pouvoir de Pusic eu égard à la remise en liberté des

  7   détenus. En outre, il aurait pu transférer les détenus. Pusic avait le

  8   pouvoir de transférer les détenus d'un centre de détention à un autre.

  9   Outre les deux éléments de preuve sur lesquels s'est fondée la Chambre de

 10   première instance au tome 4, paragraphe 1056, le dossier montre que Pusic à

 11   de nombreuses reprises - que ce soit individuellement ou conjointement avec

 12   d'autres personnes - a ordonné le transfert des détenus entre différents

 13   centres de détention. Nous les avons énumérés dans notre paragraphe 51 du

 14   mémoire en réponse à l'Accusation, paragraphe 51.

 15   La Chambre de première instance a, en particulier, constaté au tome 4,

 16   paragraphe 1182, qu'entre les mois de mai et septembre 1993, Pusic a

 17   ordonné le transfert de plus d'une centaine de détenus de la prison de

 18   Ljubuski vers un autre centre de détention. Les éléments de preuve montrent

 19   qu'il y a eu deux transferts, l'un de 106 et l'autre de 130 prisonniers. A

 20   la pièce P2535 et P0541 [comme interprété]. La Chambre a donc constaté,

 21   comme il est raisonnable, que Pusic aurait pu prendre les mesures

 22   nécessaires pour transférer les détenus.

 23   Pour contester cette conclusion, la Défense a aujourd'hui insisté sur le

 24   fait que Pusic a proposé le transfert des détenus de l'Heliodrom à Gabela

 25   parce que l'Heliodrom était surpeuplé en janvier 1993 [comme interprété].

 26   Cette proposition a été rejetée par Biskic, qui est ministre adjoint de la

 27   Défense chargé des questions de sécurité et de la police militaire

 28   d'Herceg-Bosna.


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  1   Premièrement, dans sa déposition, Biskic explique ou donne des raisons pour

  2   lesquelles il n'a pas autorisé ce transfert. A savoir, parce qu'ils avaient

  3   mis sur pied une société qui était chargée de la sécurité à l'Heliodrom et

  4   que les détenus devaient être échangés. Pages du compte rendu d'audience

  5   15130 et 15326.

  6   En outre, Biskic n'est venu en Herceg-Bosna qu'à la date du 8 novembre 1993

  7   et n'a été en contact avec Pusic qu'après l'ordre donné par Boban le 10

  8   décembre. Biskic a empêché une des tentatives de Pusic de déplacer les

  9   détenus, ceci ne minimise en rien la capacité générale qu'avait Pusic à

 10   prendre les mesures nécessaires pour transférer les détenus. En outre, les

 11   éléments de preuve montrent qu'avant l'arrivée de Biskic en Herceg-Bosna,

 12   Pusic a ordonné le transfert des détenus. Par exemple, le 6 novembre 1993,

 13   deux détenus ont été transférés de l'Heliodrom à la prison de Gabela sur

 14   l'ordre de Berislav Pusic. Pièce P00352, page 31; et tome 1 du jugement,

 15   paragraphe 196.

 16   En outre, Pusic avait le pouvoir de rendre compte aux autorités

 17   responsables des prisons, non seulement lorsqu'il a fait partie des groupes

 18   de travail qui avaient été mis en place pour inspecter les centres de

 19   détention, mais également sa qualité de président de la commission chargée

 20   des prisons du HVO et des centres de détention de celui-ci.

 21   En qualité de président de la commission des centres de détention et

 22   prisons du HVO, il relevait de sa responsabilité de résoudre les problèmes

 23   liés aux centres de détention et aux prisons. Tome 1, paragraphe 622.

 24   Etant donné que les centres de détention du réseau étaient contrôlés par

 25   l'administration de la police militaire le HVO, ou les deux, aurait pu

 26   rendre compte à Coric - qui était à la tête de l'administration de la

 27   police militaire avec lequel il travaillait étroitement - ou Pusic aurait

 28   pu utiliser ses contacts avec d'autres membres de l'entreprise criminelle


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  1   commune, comme Stojic, qu'il avait nommé à la tête de la commission chargée

  2   de gérer les prisons et les centres de détention du HVO, pour faire des

  3   rapports sur la situation dans les centres de détention contrôlés par le

  4   HVO.

  5   Malgré sa capacité à prendre des mesures pour améliorer les conditions de

  6   détention, Pusic n'a pas pris d'action. Ce n'est que dans quelques cas

  7   limités pendant sa participation à l'ECC, que Pusic a essayé d'améliorer

  8   les conditions en suggérant de déplacer les gens comme c'était le cas en

  9   janvier 1994 [comme interprété] dans le mémo envoyé à Biskic où il a

 10   proposé de nouveaux sites pour garder les détenus pour répondre à cette

 11   surpopulation carcérale dans le cadre de la délégation qui avait envoyée à

 12   Dretelj et Gabela en juillet 1993. Et cela est clairement insuffisant.

 13   Voilà pourquoi la Chambre de première instance a conclu raisonnablement que

 14   Pusic n'avait pas pris les mesures nécessaires pour améliorer les

 15   conditions de détention et les mauvais traitements qui avaient lieu dans

 16   ces derniers, Heliodrom. Tome 4, paragraphes 1143, 1145; et puis pour

 17   Gabela, tome 4, paragraphes 1176.

 18   Si Pusic avait soulevé le problème dans les centres de détention, les

 19   mauvais traitements et leur poursuite auraient été plus compliqués. Ceux

 20   qui avaient le pouvoir sur les centres de détention auraient été forcés

 21   soit de répondre aux préoccupations de Pusic ou de démettre Pusic de ses

 22   fonctions au sein des centres de détention et dans les réseaux. Le fait que

 23   Pusic n'a rien fait pour améliorer les conditions de détention et les

 24   mauvais traitements est une preuve de sa poursuite du plan criminel commun.

 25   Pour conclure sur ses contributions, Messieurs les Juges, je dirais qu'à la

 26   lumière de l'ensemble des éléments de preuve, il ne fait aucun doute que

 27   les contributions de Pusic prises séparément et additionnées les unes aux

 28   autres montrent une conclusion significative au plan commun. En


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  1   particulier, Pusic a autorisé et a ordonné des travaux forcés fortement

  2   dangereux, ce qui a forcé la population carcérale musulmane à être d'accord

  3   pour quitter l'Herceg-Bosna. Et les moyens 1 à 6 de l'appel doivent être

  4   donc rejetés.

  5   Cela m'amène à la dernière partie de mes arguments, l'intention partagée de

  6   Pusic. Le comportement de Pusic, y compris sa contribution que je viens de

  7   vous prouver, montre qu'il avait accepté tous les moyens nécessaires pour

  8   nettoyer de façon ethnique les zones où les Croates proclamaient leur

  9   autorité, qu'il a procédé à des conditions de détention cruelles illégales,

 10   des traitements inhumains, notamment des conditions de détention, les

 11   meurtres, assassinats et les attaques et donc qu'il a contribué à cette ECC

 12   et qu'il a contribué à l'expulsion forcée d'Herceg-Bosna de Musulmans vers

 13   des territoires tiers. Déjà au mois d'avril 1993, Pusic était au courant

 14   des arrestations en masse. Tome 4, paragraphe 1203. Pusic avait

 15   connaissance des conditions de détention horribles, des mauvais traitements

 16   dans ces centres de détention, des travaux forcés et de recours à la force

 17   pour que les détenus quittent l'Herceg-Bosna et la Bosnie-Herzégovine en

 18   cas de libération. Ces Musulmans n'avaient pas le choix. Soit ils restaient

 19   dans des conditions de détention horribles ou ils quittaient le territoire.

 20   Et les déplacements n'ont pas eu lieu en raison de sécurité ou pour des

 21   raisons militaires. Il n'y a aucune mesure qui a été mise en place pour

 22   organiser le retour des détenus ni leurs familles. Au contraire, Messieurs

 23   les Juges. Le HVO, par les maisons incendiées, a fait en sorte que les

 24   Musulmans n'avaient aucun autre choix. Tome 3, paragraphe 787.

 25   Avec Petkovic et d'autres membres de la délégation, Pusic a vu les villages

 26   incendiés. Il a vu les hommes en âge de porter les armes et des jeunes

 27   garçons dans des conditions déplorables. Il les a vus mourir de faim,

 28   épuisés. L'un des membres de la commission a parlé de cela lorsque la


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  1   délégation s'était rendue à l'école de Sovici : "Nous sommes entrés dans

  2   l'école et ce que nous avons vu là-bas était horrible. La population était

  3   épuisée et la saleté régnait partout."

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous demande de ralentir, Madame

  5   Goy.

  6   Mme GOY : [interprétation] Toutes mes excuses.

  7   Je continue ma citation :

  8   "Ils ne pouvaient pas dormir sur le côté, tellement ils avaient mal. Ils

  9   étaient tellement confinés dans ces espaces qu'ils devaient se serrez les

 10   uns aux autres. La plupart d'entre eux ont commencé à pleurer. Ils se sont

 11   effondrés en larmes, mais ils nous ont quand même dit qu'ils n'avaient pas

 12   été maltraités. Mais on voyait à l'évidence que cela n'était pas le cas."

 13   Pièce P10358. Et la Chambre de première instance s'est fondée sur cette

 14   constatation à juste titre.

 15   La délégation, en outre, avait entendu dire qu'il y avait des groupes de

 16   femmes et d'enfants qui étaient détenus dans un autre hameau; paragraphe 42

 17   de la pièce P10358. Sur la base de cet élément de preuve et d'autres, la

 18   Chambre de première instance a raisonnablement conclu que Pusic était

 19   totalement informé des arrestations et des conditions de détention de la

 20   population dans les villages. Il était au courant que des civils étaient

 21   détenus et que les conditions de détention étaient déplorables. Il était au

 22   courant du fait que les biens des Musulmans étaient en train d'être

 23   détruits et les mosquées étaient en train d'être détruites. Il était au

 24   courant du fait que de Sovici, il y a eu les expulsions vers Doljani le

 25   lendemain. Mais Pusic a continué à assumer ses fonctions au sein du HVO.

 26   Tome 4, paragraphes 1102 et 1104.

 27   Pusic était non seulement au courant des conditions de détention

 28   déplorables, mais il savait également qu'il avait les moyens nécessaires


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  1   pour remédier à la situation, mais en lieu de cela, il a poursuivi cette

  2   expulsion. Il n'a pas pris les mesures nécessaires pour améliorer les

  3   conditions et n'a pas fait rapport de mauvais traitements. Au lieu de cela,

  4   il a essayé de dissimuler tout cela pour dédouaner le HVO de sa

  5   responsabilité. Tome 4, paragraphe 1201.

  6   Lors d'une réunion organisée par les représentants de l'ECMM, la Mission

  7   des communautés européennes, le 16 juin 1993, Pusic et Coric ont nié en

  8   bloc les informations qui avaient été rapportées à la mission concernant

  9   les expulsions de l'ouest Mostar à l'est de Mostar. En lieu de cela, ils

 10   ont dit à l'ECMM que les expulsions n'avaient jamais eu lieu et que si cela

 11   avait été le cas, c'étaient des criminels qui opéraient et le HVO ne

 12   pouvait les contrôler. Tome 4, paragraphe 1198.

 13   L'intention de Pusic est également patente. Dans un commentaire qu'il a

 14   apporté en septembre 1993 s'agissant de la situation à Mostar, Pusic a

 15   déclaré : "La seule solution possible était d'envoyer tous les Musulmans

 16   d'Herzégovine à l'est de Mostar d'où ils viennent." Tome 4, paragraphe

 17   1115.

 18   J'aimerais demander de passer en audience à huis clos partiel à présent,

 19   Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Faisons-le.

 21   [Audience à huis clos partiel]

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 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique. Je

 22   vous demande de ralentir, Madame Goy, s'il vous plaît.

 23   Mme GOY : [interprétation] En plus de cela, comme je l'ai déjà dit, lors de

 24   la réunion du 11 décembre 1993, afin de mettre en œuvre la décision du 10

 25   décembre de Boban, Pusic a insisté sur le fait que tous les détenus

 26   devaient être envoyés à l'étranger. Lors de la réunion du groupe de

 27   travail, le 13 décembre 1993, Pusic a continué à affirmer que les détenus

 28   musulmans avaient besoin ou devaient être envoyés dans des pays tiers. Tome


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  1   4, paragraphe 1128, citant la pièce P07143, page 9.

  2   A la lumière de ces déclarations, le rôle capital qu'il a joué dans les

  3   questions liées à la détention, combiné à son manquement à améliorer les

  4   conditions de travail et à ses tentatives de dissimuler la responsabilité

  5   du HVO, font que la Chambre de première instance a raisonnablement conclu

  6   que Pusic non seulement partageait l'intention de continuer les conditions

  7   de détentions illégales de ces prisonniers, les mauvais traitements, la

  8   destruction des biens et des mosquées, mais aussi le déplacement en lui-

  9   même.

 10   Pusic n'a pas tenu compte du respect de la vie humaine. Et sa volonté à

 11   accepter n'importe quel moyen pour mettre en œuvre le plan devient encore

 12   plus claire lorsque l'on regarde comme il s'est comporté pendant le siège à

 13   l'est de Mostar. Pusic avait son bureau à l'ouest de Mostar et, en

 14   conséquence, il était au courant de tout ce qui se passait là-bas dès le

 15   début des événements. Tome 4, paragraphe 1120. Avant le siège, Pusic non

 16   seulement était au courant de l'arrestation et des conditions de détention

 17   des Musulmans à l'ouest de Mostar, mais il a pris part à la campagne

 18   d'arrestations en mai 1993 et à l'opération qui a consisté à expulser les

 19   Musulmans de l'ouest de Mostar vers l'est. Tome 4, paragraphes 1110 et

 20   1111. Comme je l'ai déjà dit, il a essayé de dissimuler ces crimes

 21   d'expulsion ou les a niés et a nié la responsabilité du HVO lors d'une

 22   réunion organisée avec les représentants de l'ECMM, le 16 juin 1993. Tome

 23   4, paragraphe 1198.

 24   Ayant son bureau à l'ouest de Mostar, Pusic était au courant de la

 25   souffrance de la population civile piégée à l'est de Mostar, des

 26   bombardements, des tireurs embusqués et de la terreur. Comment quelqu'un

 27   réagirait-il s'il n'avait pas partagé l'intention de ces crimes ? Eh bien,

 28   on s'attendrait raisonnablement à ce que cette personne utiliserait tous


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  1   les moyens à disposition pour protester contre ce genre de comportement

  2   d'essayer d'aider ces Musulmans emprisonnés. Qu'a fait Pusic ? Eh bien, au

  3   lieu de protester, il a bloqué et même paralysé les évacuations

  4   humanitaires. Au lieu d'aider les gens qui étaient piégés à l'est de

  5   Mostar, Pusic a empiré leurs conditions de vie. Tome 4, paragraphe 1122.

  6   Pusic a participé aux négociations avec les représentants des organisations

  7   internationales, mais n'a pas fait montre de coopération ou d'envie de

  8   coopérer. Il a compliqué les négociations. Il a insisté sur des permis

  9   d'évacuation spéciaux. Par exemple, pour qu'un Musulman soit évacué de

 10   l'est de Mostar, un Croate devait être déplacé d'une enclave assiégée. Tome

 11   4, paragraphe 1121. Cela prouve que Pusic était impliqué dans l'objectif

 12   commun, qu'il avait accepté et partageait l'intention de ce type de crimes

 13   qui étaient en train d'être commis à l'est de Mostar pour arriver à la

 14   domination croate : assassinats, meurtres, attaques illégales et terreur.

 15   Ce comportement cadre avec l'approbation constante de Pusic des travaux

 16   forcés, même après sa notification du fait que certains détenus n'étaient

 17   pas rentrés de leur mission sur la ligne de front. Tome 4, paragraphe 1151.

 18   Pusic partageait non seulement cette intention de faire exécuter des

 19   travaux forcés aux détenus, mais aussi celle de tuer ces personnes pendant

 20   ces travaux forcés. L'ensemble du comportement constaté de Pusic montre

 21   qu'il était raisonnable de conclure que Pusic partageait cette intention.

 22   J'aimerais à présent terminer, Messieurs les Juges, si vous me le

 23   permettez, par la question numéro 4 concernant l'impact d'une infirmation

 24   des constatations de la Chambre de première instance s'agissant du meurtre,

 25   assassinat pour les civils à la maison d'Enver Sljivo, à Dusa. Comme ma

 26   consœur vous l'a expliqué, Mme Gustafson, la semaine dernière, en réponse à

 27   l'appel interjeté par M. Prlic, cela ne changerait en rien le champ

 28   d'application de l'objectif commun, ni l'intention partagée de M. Pusic.


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  1   S'agissant de la question 4(c), les Juges de cette Chambre se rappelleront

  2   que Pusic n'est pas condamné au titre de l'ECC de troisième catégorie. Donc

  3   cette question, d'un point de vue technique, porte sur l'appel de

  4   l'Accusation. Et comme le conseil de M. Pusic l'a soulevé, j'aimerais vous

  5   dire la chose suivante.

  6   Dans les conclusions ou les constatations s'agissant de meurtres,

  7   d'assassinats, d'intentions pour l'attaque à la maison d'Enver Sljivo,

  8   l'impact serait nul s'agissant de la condamnation au titre de l'ECC de

  9   troisième catégorie, comme nous l'avons affirmé dans notre mémoire en

 10   appel.

 11   Et pour conclure, Messieurs les Juges, si l'on regarde l'ensemble des

 12   éléments de preuve qui ont été apportés au dossier, la Chambre de première

 13   instance a conclu raisonnablement à ce qu'elle a conclu. Pusic était le

 14   membre d'une ECC qui a contribué de façon significative et a partagé

 15   l'intention de cet objectif criminel commun à partir du mois d'avril 1993.

 16   Si vous n'avez pas de questions, Messieurs les Juges, j'en terminerai là.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'il y a quelque chose,

 18   Monsieur Stringer, à ajouter ?

 19   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Eh bien, très bien.

 21   Nous allons passer à présent à la réplique.

 22   M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, si vous n'y voyez pas

 23   d'inconvénient, j'aimerais que nous passions à la pause. Nous sommes en

 24   avance sur l'horaire qui a été fixé et compte tenu de toutes les références

 25   que l'Accusation vient de soulever et de mettre en lumière, j'aurais besoin

 26   de temps pour me préparer. Je pense que les équipes de la Défense, en toute

 27   équité, nécessiteraient du temps pour ce faire.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Combien de temps voudriez-vous avoir ?


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  1   M. SAHOTA : [interprétation] Pouvons-nous reprendre à 14 heures ?

  2   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non. Je peux vous donner 15 minutes,

  3   mais pas plus. Vous connaissez le système, il faut s'adapter, M. Sahota, en

  4   fonction des circonstances. Je pense que ce n'est pas la première fois que

  5   l'on vous demande de faire votre travail malgré des impondérables.

  6   M. SAHOTA : [interprétation] Oui, mais pas dans une affaire telle que

  7   celle-ci, qui a duré dix ans, Monsieur le Président, avec tout le respect

  8   que je vous dois.

  9   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais je pense que justement,

 10   compte tenu de la longueur de cette affaire, vous êtes bien au courant des

 11   détails.

 12   M. SAHOTA : [interprétation] Je m'en remets à vous, Messieurs les Juges.

 13   Dites-moi de combien de temps je disposerai.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Eh bien, vous aurez 15 minutes, et

 16   faites tourner le moteur.

 17   M. SAHOTA : [interprétation] Je vous remercie.

 18   --- La pause est prise à 12 heures 30.

 19   --- La pause est terminée à 12 heures 45.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Sahota. Vous avez 30

 21   minutes à votre disposition.

 22   M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, d'abord, je vous

 23   remercie de m'avoir octroyé ces 30 minutes. Je n'ai pas l'intention de

 24   répondre à tous les arguments présentés par l'Accusation ce matin,

 25   d'ailleurs, ce n'est pas possible, et en particulier parce que selon mon

 26   avis, leur réponse n'était que la réitération des passages du jugement de

 27   première instance. Ils ont réitéré ces passages, mais nous, nous avons nos

 28   arguments, les arguments qui ont été présentés oralement ainsi qu'à notre


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  1   mémoire d'appel, et je vois que les arguments que nous avons fait exposer

  2   dans notre mémoire d'appel sont des arguments que la Chambre de première

  3   instance n'a pas abordés directement, ou parfois il n'y a que quelques

  4   paragraphes dans plusieurs milliers de pages du jugement concernant les

  5   conclusions par rapport à M. Pusic. Il y a certaines questions, Monsieur le

  6   Président, qui ont été abordées ce matin que je n'ai pas soulevées, mais

  7   cela ne veut pas dire que je les accepte.

  8   Je vais commencer par la question 4 concernant le travail forcé, et je mets

  9   cela en exergue parce qu'il s'agit, selon moi, de l'allégation la plus

 10   sérieuse contre M. Pusic. Il s'agit du crime le plus grave pour lequel il a

 11   été conclu qu'il avait contribué à sa commission.

 12   Ce matin, j'ai déjà dit, concernant le raisonnement de la Chambre de

 13   première instance, qu'il s'agit d'une certaine confusion. Je ne dispose pas

 14   de la référence à présent, mais la Chambre, à un endroit, parle du fait que

 15   M. Pusic avait des pouvoirs importants pour ce qui est de travail forcé et,

 16   à un autre endroit, parle des pouvoirs considérables ou significatifs. Et

 17   c'est pour cela que je me demande si l'Accusation peut nous aider à

 18   déterminer exactement quelle était sa position, à savoir s'il disposait de

 19   pouvoirs significatifs ou de pouvoirs importants, puisque jusqu'ici, cela

 20   n'a pas été clair.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, le Juge Pocar a une question à

 22   poser.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Excusez-moi, mais ce matin, vous avez

 24   mentionné et avant également, la distinction entre les pouvoirs importants

 25   et significatifs. Pouvez-vous nous donner quelques exemples où, dans le

 26   texte du jugement, ont été mentionnés des pouvoirs considérables ou

 27   importants ?

 28   [Le conseil de la Défense se concerte]


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  1   M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'ici je fais

  2   référence à une conclusion générale, et je vais vous donner la référence

  3   exacte dans quelques instants. Donc, d'après l'opinion de la Chambre, M.

  4   Pusic avait les pouvoirs considérables sur le réseau de centres de

  5   détention, et je suppose qu'il s'agit également de ses pouvoirs concernant

  6   le travail forcé. Au paragraphe 1203 du tome 4 du jugement de première

  7   instance, on peut également voir qu'il a été dit qu'il jouait un rôle

  8   significatif pour ce qui est de l'utilisation des prisonniers de

  9   l'Heliodrom, de détenus de l'Heliodrom pour les envoyer à effectuer les

 10   travaux forcés, paragraphe 1203. Et je pense que concernant les ordres et

 11   le contexte général, les conclusions de la Chambre de première instance

 12   concernant ses pouvoirs sur les centres de détention, qu'il y a une

 13   confusion qui règne.

 14   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Hm-hm.

 15   M. SAHOTA : [interprétation] Je pense qu'en fait, la Chambre de première

 16   instance n'a jamais défini ses pouvoirs et quelle était la source de ses

 17   pouvoirs ou de ses autorités. Je pense que cela ne nous est pas clair non

 18   plus, et au paragraphe 1203 du jugement, l'adjectif "significatif", ce

 19   terme "rôle significatif" a été utilisé, si vous regardez le contexte

 20   général, on peut dire que la conclusion de la Chambre est qu'il avait les

 21   pouvoirs considérables sur le réseau de centres de détention du HVO.

 22   Je dis cela puisque je peux comparer les conclusions de la Chambre

 23   portant sur les centres de détention, on peut les mettre à l'écart pour ce

 24   qui est d'autres crimes visés dans l'acte d'accusation concernant la

 25   libération des prisonniers, l'échange, l'évacuation humanitaire, donc la

 26   Chambre a conclu qu'il avait les pouvoirs significatifs, et pour ce qui est

 27   des centres de détention, la Chambre a conclu qu'il s'agissait des pouvoirs

 28   considérables.


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  1   Maintenant, je vois qu'on a trouvé d'autres paragraphes où cela est cité.

  2   C'est au tome 4. Bien sûr, je peux en parler demain également. Le tome 4,

  3   paragraphes 1023, 1202 et 1379.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

  5   M. SAHOTA : [interprétation] Bien, sur la base de ces conclusions qui

  6   portent à confusion…

  7   Juste un instant, s'il vous plaît. Il faut que je voie où exactement

  8   je me suis arrêté.

  9   Monsieur le Président, donc sur la base de cette analyse un peu

 10   embrouillée, la Chambre de première instance a formulé la conclusion selon

 11   laquelle M. Pusic a fait une contribution significative à l'entreprise

 12   criminelle commune pour ce qui est des travaux forcés. Et non seulement sur

 13   la base de ce qu'il avait fait sur la base des ordres que nous contestons,

 14   mais également sur la base de ces omissions, et sur la base du fait qu'il a

 15   accepté cela dans le contexte général. Cela nous préoccupe, puisque les

 16   moyens de preuve ne sont pas clairs ou sont à tel point -- à tel point ne

 17   sont pas clairs que sur la base de ces moyens de preuve, on ne peut pas

 18   formuler une conclusion au-delà de tout doute raisonnable pour ce qui est

 19   de cette question. Nous avons déjà dit quelles sont nos préoccupations

 20   concernant la position que M. Pusic avait dans la hiérarchie du HVO.

 21   Et maintenant, j'aimerais parler des documents que l'Accusation a

 22   cités hier en tant que moyens de preuve supplémentaires corroborant leurs

 23   affirmations qu'il avait la possibilité de donner des ordres. Deux de ces

 24   documents ont été présentés ce matin. La première est P3583, ils ont dit

 25   qu'il s'agit d'un ordre de portée générale émanant de M. Pusic, et

 26   j'aimerais que vous examiniez ce document. Et comme je l'ai déjà dit, il

 27   faut donc l'examiner avec prudence. Il s'agit d'un document qui n'a pas été

 28   signé par M. Pusic. Il y a un paraphe des membres du personnel de


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  1   l'Heliodrom et mention sur "l'ordre général de M. Pusic", il s'agit d'une

  2   demande du 20 juillet 1993 pour ce qui est de 15 prisonniers qui devaient

  3   être envoyés pour effectuer des travaux. Et Pulik [phon] a envoyé la

  4   demande, il était commandant du bataillon du HVO de Mostar. Donc, nous

  5   avons déjà parlé de cela ce matin lorsqu'on a parlé de M. Praljak et de ces

  6   approbations. Il faut que nous disions qu'il est le seul témoin qui ait

  7   parlé de cela, mais d'autres personnes, entre autres, membres du personnel

  8   de l'Heliodrom, ont paraphé ces documents. Mais nous maintenons notre

  9   argument, d'abord qu'il ne s'agit pas d'ordre mais des notes des réunions

 10   émanant de M. Praljak ou d'autres membres du personnel de l'Heliodrom et

 11   que ces notes ne peuvent pas être interprétées comme étant des moyens de

 12   preuve corroborant les pouvoirs qui étaient ceux de M. Pusic.

 13   Par rapport à cela, nous avons également l'argument concernant le

 14   document où il écrit que 700 détenus devaient être emmener de l'Heliodrom

 15   et cela était un extrait du registre de l'Heliodrom où il écrit que c'est

 16   M. Pusic qui a approuvé cela, ces manuscrits et c'est l'écriture de la

 17   personne qui était en service à l'époque, et cela pouvait être quelque

 18   chose qui émane de Josip Praljak. Donc, cette conclusion ne peut pas être

 19   formulée sans aucun doute raisonnable que M. Pusic aurait eu le pouvoir de

 20   donner des ordres pour que les détenus soient amenés pour effectuer des

 21   travaux forcés.

 22   Monsieur le Président, il est intéressant de faire remarquer, là, et

 23   nous avons déjà parlé de cela ce matin, que ces ordres doivent être lus

 24   dans un contexte général, c'est ce qui a été admis par l'Accusation ce

 25   matin également. La Chambre de première instance ne peut pas définir

 26   précisément la source des pouvoirs de M. Pusic concernant la question

 27   relative au travail forcé. Ils ne peuvent pas préciser la source de ces

 28   pouvoirs par rapport à n'importe quelle activité qui, selon la Chambre,


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  1   étaient les siennes.

  2   Mais nous avons déjà dit que cela n'était pas important, il n'était

  3   pas important de savoir s'il avait des pouvoirs de jure. Ce qui nous

  4   intéresse, c'est de savoir s'il avait des pouvoirs de facto. Et

  5   l'Accusation a dit ce matin qu'il n'était pas important s'il était possible

  6   de formuler une conclusion solide, s'il avait des subordonnés, puisqu'il ne

  7   s'agit pas ici de la responsabilité conformément à l'article 7(3), mais de

  8   la responsabilité pour participer à l'entreprise criminelle commune. Et

  9   tout ce qu'il faut prouver est de prouver qu'il aurait contribué de façon

 10   significative à sa mise en œuvre, et ça, sur la base de ses actes et de ses

 11   omissions, si ces omissions constituent le fait d'accepter, d'avoir

 12   accepté. Comme je l'ai déjà dit et j'ai déjà dit donc ce matin que nous

 13   sommes préoccupés du fait de savoir que les conclusions concernant ses

 14   pouvoirs sont les conclusions qu'on ne peut pas formuler au-delà de tout

 15   doute raisonnable.

 16   Je fais référence au paragraphe 25 de notre mémoire d'appel où on

 17   parle du paradoxe lié à Pusic. Voyons ce que nous avons dit dans ce

 18   paragraphe, étant donné que la Chambre de première instance a commis

 19   plusieurs erreurs, à savoir plusieurs omissions, parce que la Chambre n'a

 20   pas défini précisément quelle est la sources des pouvoirs de M. Pusic et

 21   donc il n'est pas clair quels étaient ses pouvoirs et la portée de ses

 22   pouvoirs. Et lorsqu'on formule les conclusions, il faut prouver. Et la

 23   Chambre doit tenir compte de cela. Ce sont nos arguments concernant les

 24   travaux forcés. Nous avançons que ce paradoxe lié à Pusic, comme nous

 25   l'appelons, est quelque chose qu'on peut appliquer de façon plus générale

 26   sur toutes les conclusions contenues dans le jugement de la Chambre de

 27   première instance et par rapport à tous les autres domaines d'activité où

 28   il a pris part, par exemple centre de détention, conditions de détention.


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  1   Dans la première partie des arguments présentés par l'Accusation, il

  2   n'y a pas eu de référence au rôle de M. Pusic qu'il aurait eu concernant la

  3   création du réseau de centres de détention. Et vous savez que dans le

  4   jugement de première instance, il a été conclu qu'il n'avait pas commencé à

  5   participer à l'entreprise criminelle commune avant avril 1993.

  6   Pour ce qui est de son rôle qu'il a joué avant le 10 décembre 1993

  7   concernant les centres de détention, et nous n'allons rien ajouter de plus

  8   par rapport à ce qui a été dit ce matin à notre mémoire d'appel, j'aimerais

  9   parler du rôle de Pusic au niveau des centres de détention et de la

 10   libération des détenus de ces centres après le 10 décembre. Concrètement,

 11   ce qui a été dit ce matin concernant le rôle de Marjan Biskic. Monsieur le

 12   Président, je pense que l'Accusation a fait référence au fait qu'il avait

 13   été envoyé de la Croatie en novembre 1993 sur place et jusqu'en 1994 était

 14   resté sur le terrain, en coopérant avec la Communauté croate et puis la

 15   République croate de l'Herceg-Bosna. Pour ce qui est donc de cette

 16   affirmation, l'analyse selon laquelle M. Pusic ne pouvait donner d'ordre ni

 17   à lui ni à qui que ce soit d'autre, c'est notre argument. Et cela contredit

 18   directement à ce que l'Accusation a dit ce matin concernant les pouvoirs de

 19   M. Pusic qui n'allaient qu'augmenter. Après le 10 décembre 1993, ils ont

 20   dit qu'après cette date-là, ses pouvoirs n'allaient qu'augmenter et ils ont

 21   repris cela du jugement de première instance. L'Accusation a dit que Pusic

 22   a joué un rôle-clé pour ce qui est des échanges et des libérations

 23   concernant cette date-là. Mais comment peut-on mettre cela en corrélation

 24   avec l'affirmation de M. Biskic. Ce n'est pas possible, parce que la

 25   Chambre n'a pas analysé la source de ses pouvoirs du fait qui étaient ses

 26   subordonnés et le même paradoxe s'applique, selon nous, sur les centres de

 27   détention.

 28   Concernant les libérations. Notre thèse est - et cela est présenté


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  1   dans le mémoire d'appel - que M. Pusic n'avait pas de pouvoirs unilatéraux

  2   pour ce qui est de la libération de prisonniers ou de leur échange, ou de

  3   leur transfert. Pour ce qui est de la libération en particulier des

  4   détenus, vous avez entendu ce matin que M. Pusic a décrit une procédure qui

  5   devait être appliquée avant qu'un détenu n'ait pu être libéré. Cela veut

  6   dire qu'il fallait consulter d'autres départements du HVO, par exemple, le

  7   SIS, ensuite le département en charge des enquêtes au pénal, et cetera. Et

  8   c'est pour cela que je dis à présent que ce que vous avez entendu ce matin

  9   de l'Accusation est une version simplifiée, trop simplifiée, concernant la

 10   position et les pouvoirs eu égard aux libérations et aux échanges. Et

 11   concernant le destin des détenus dans le réseau de centres de détention du

 12   HVO, si ces détenus ont été libérés pour pouvoir partir dans d'autres

 13   parties, pour pouvoir rester à Mostar, nous soutenons que les moyens de

 14   preuve ne démontrent pas que M. Pusic avait le pouvoir d'influencer leur

 15   destin. Pour ce qui est des échanges tous-contre-tous ou un-contre-un, ces

 16   moyens de preuve ne démontrent pas que M. Pusic avait le pouvoir de

 17   s'occuper de ces questions. Donc, il ne s'agit pas d'une version en blanc

 18   et noir comme l'Accusation a voulu vous présenter la situation.

 19   Vous avez mentionné, en outre, une décision rendue dans l'affaire Kvocka,

 20   c'est mon éminente consœur de l'Accusation qui l'a mentionnée. Mais je

 21   dirais qu'à la différence de cette affaire concrète, il n'y a pas eu

 22   détermination du fait que M. Pusic n'avait été qu'un employé; ce n'est pas

 23   la conclusion qui est tirée des décisions des Juges de la Chambre de

 24   première instance. La Chambre de première instance ou l'Accusation n'ont

 25   pas dit non plus que M. Pusic était un lien entre la direction et ce qui se

 26   passait sur le terrain, une courroie de transmission, et il n'y aurait pas

 27   eu de jugement en condamnation de M. Pusic quand bien même il n'aurait été

 28   -- enfin, quand il aurait été un administrateur quelconque, un employé


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  1   quelconque, et il n'y aurait pas eu d'éléments de preuve qui auraient

  2   signifié une contribution importante à l'entreprise criminelle commune.

  3   Ce que nous demandons aux Juges, c'est de se pencher sur la totalité des

  4   éléments de preuve relatifs à la conduite de M. Pusic, et de ne pas les

  5   prendre de façon isolée, et de prendre en considération la totalité des

  6   éléments de preuve au sujet des centres de détention, des activités de M.

  7   Pusic des libérations et des transferts. Nous demandons de votre part une

  8   approche globale. Et pour répondre directement à ce qui a été dit ici ce

  9   matin, nous considérons que l'Accusation s'attendait de la part de M. Pusic

 10   sur le terrain à ce qu'il fasse l'impossible. Si jamais on devait le juger

 11   d'après les normes qui sont en vigueur aujourd'hui, on pourrait lui

 12   demander pourquoi n'a-t-il pas protesté ? Pourquoi n'a-t-il pas présenté

 13   des rapports au sujet des atrocités commises, si tant est qu'il avait eu

 14   vent de la chose ? Mais ceci est un procès au pénal. L'Accusation a pour

 15   mission de démontrer ses affirmations au-delà de tout doute raisonnable, et

 16   on veut donc qu'au-delà de tout doute raisonnable l'on démontre la

 17   culpabilité de M. Pusic. Alors, ce qui reste dans le domaine du flou, ce

 18   qui reste dans le domaine de l'opaque, c'est le fait de savoir qui étaient

 19   donc les subordonnés de M. Pusic, quelles avaient été ses attributions

 20   véritables, quelles étaient ses possibilités d'influer sur les événements,

 21   et c'est là les réponses aux questions posées ici que nous avons vues

 22   rester sans réponse.

 23   Merci.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, Monsieur Sahota. Demain, nous

 25   allons avoir une journée plutôt longue, comme vous le savez. On en vient à

 26   la fin de la session d'aujourd'hui. Et chacun des accusés peut faire une

 27   déclaration s'il le souhaite.

 28   Et si l'un quelconque des appelants ne veut pas prendre la parole, nous


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  1   voudrions qu'on nous le fasse savoir afin de pouvoir faire les arrangements

  2   nécessaires.

  3   Merci.

  4   --- L'audience est levée à 13 heures 09 et reprendra le mardi, 28 mars

  5   2017, à 9 heures.

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