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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/1-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 19 octobre 1998
4 L'audience est ouverte à 09 heures 05.
5 M. le Président. - Bonjour, Mesdames et Messieurs. Nous allons
6 reprendre notre séance. Bonjour la cabine technique, bonjour les
7 interprètes. Nous sommes ici pour continuer notre affaire et j'espère,
8 nous croyons que ce sera la dernière semaine de travail dans le domaine
9 des preuves.
10 Nous avons une requête de la défense qui demande le versement au
11 dossier des éléments de preuve de l'affaire Blaskic. La Chambre peut
12 rendre sa décision oralement et après, nous allons rendre une décision
13 écrite.
14 La décision de la Chambre, c'est que la Chambre va ordonner le
15 versement au dossier de l'affaire, le Procureur contre Aleksovski, des
16 éléments publics de la déposition de l'amiral Domazet, de son
17 enregistrement vidéo et des pièces à conviction provenant de l'affaire du
18 Procureur contre Blaskic. Donc, c'est une décision orale. Après, la
19 Chambre, peut-être aujourd'hui même, va rendre cette décision par écrit.
20 De toute façon, je crois qu'il était important pour les parties de savoir
21 quelle a été la position de la Chambre.
22 Maintenant, nous pouvons commencer notre affaire et,
23 Maître Mikulicic, c'est à vous de prendre la parole.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
25 je vous en remercie. Bonjour, Monsieur le Président, bonjour
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1 Messieurs les Juges. Nous sommes à la fin du procès et c'est pourquoi la
2 défense va citer son dernier témoin en ce qui concerne les derniers
3 éléments de preuve.
4 Nous voudrions contester un certain nombre de témoignages de la
5 semaine dernière, donc nous voulons citer M. Blazan Blazevic.
6 M. le Président. - Excusez-moi. Je crois que vous avez demandé
7 des mesures de protection. Je ne sais pas si ce témoin va être protégé ou
8 non.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président, nous
10 n'avons pas demandé des mesures de protection pour le témoin en question,
11 nous avons demandé les mesures de protection pour les témoins que nous
12 allons citer et au sujet du caractère de l'accusé.
13 M. le Président. - Merci. Maître Mikulicic, vous pouvez donc
14 appeler vos témoins.
15 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
16 Bonjour, Monsieur, vous m'entendez ? C'est moi qui vous parle.
17 (Le témoin fait un signe de la tête.)
18 Vous allez lire la déclaration solennelle que M. l'Huissier va
19 vous tendre, s'il vous plaît.
20 M. Blazevic (interprétation). - Je déclare solennellement que je
21 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.
23 Vous vous sentez confortable, Monsieur ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Je suis quelque peu nerveux
25 parce que je n'ai jamais été cité devant un Tribunal, mais ça va, sinon.
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1 M. le Président. - Nous allons bien vous traiter. Pour
2 l'instant, vous allez répondre aux questions que Me Mikulicic, qui est là,
3 va vous poser, s'il vous plaît.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
5 Bonjour, Monsieur Blazevic. Comme M. le Président vient de vous dire, je
6 suis Goran Mikulicic, je suis le conseil de la défense. Je vais vous poser
7 un certain nombre de questions et je vais vous demander de bien vouloir me
8 répondre avec bien évidemment la plus grande sincérité.
9 Je vais vous demander également de tenir compte du fait que nous
10 devons parler lentement et surtout faire des intervalles pour faciliter la
11 tâche aux interprètes.
12 M. Blazevic (interprétation). - Merci, j'ai compris.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, où est-ce
14 que vous êtes né et quand ?
15 M. Blazevic (interprétation). - Le 24 mai 1949 à Busovaca, dans
16 le village de Donje Polje. C'est là où je vis actuellement.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Qu'est-ce que vous êtes de
18 nationalité et quelle est votre confession ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Je suis chrétien, je suis
20 catholique, croyant et pratiquant.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Et de quelle nationalité ?
22 M. Blazevic (interprétation). - Je suis croate.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Qu'est-ce que vous avez comme
24 formation ? Et qu'est-ce que vous faites ?
25 M. Blazevic (interprétation). - J'ai fait l'école élémentaire et
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1 j'ai travaillé dans une aciérie avant la guerre pendant quinze ans. Depuis
2 que la guerre s'est terminée, je ne travaille plus. J'ai du bétail, j'ai
3 un petit peu de terre que je laboure. Voilà.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Vous dites que vous avez
5 travaillé à l'aciérie, vous pensez bien évidemment à l'aciérie de Zenica ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Oui. J'y étais conducteur et
7 j'ai travaillé pendant quinze ans dans cette aciérie de Zenica et là,
8 maintenant, il n'y a plus de travail pour les Croates à Zenica.
9 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur Blazevic, est-ce que
10 vous êtes marié ?
11 M. Blazevic (interprétation). - Oui. J'avais six enfants,
12 maintenant j'en ai cinq. Il y avait un fils de 17 ans qui a été tué
13 pendant la guerre, deux autres ont été blessés, ils travaillent dans les
14 champs avec le bétail. L'un est invalide à 60 %, il a été touché au niveau
15 du ventre. Et l'autre a été blessé également, il est invalide de guerre de
16 30 %. Ensuite j'ai d’autres fils et j’ai les deux filles.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez fait le service
18 militaire au sein de la JNA ?
19 M. Blazevic (interprétation). – Oui, dix-huit mois. Six mois
20 j'ai été à Krizevci en Croatie, et ensuite j'ai été à Ptuj en Slovénie.
21 J'étais standardiste.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous avez eu un
23 grade ou bien une formation pendant votre service militaire ?
24 M. Blazevic (interprétation). – Non. Non, absolument pas. J'ai
25 été un soldat simple.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que, Monsieur Blazevic,
2 une fois, quand vous êtes rentré chez vous, vous étiez parmi les
3 réservistes ?
4 M. Blazevic (interprétation). - Oui. Tous les deux ans j'ai été
5 appelé sous les drapeaux, j'ai été à Kalnik à côté de Sarajevo, j'ai été
6 en Bosnie également, j'y ai passé quinze jours. Oui j'étais parmi les
7 réservistes.
8 M. Mikulicic (interprétation). - Vous voulez parler des
9 exercices militaires ? Vous avez été convoqué en tant que réserviste ?
10 M. Blazevic (interprétation). - Oui. C'est exact.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, vous avez
12 dit que, pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, vous avez perdu un fils
13 et que les deux autres ont été blessés. Est-ce que, vous aussi, vous avez
14 participé dans ces événements qui ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine
15 depuis 91, et puis ultérieurement ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Oui. J'étais volontaire. Depuis
17 que la guerre a commencé en Croatie, d'abord en Slovénie, ensuite en
18 Croatie. A cette époque-là, la JNA avait également déterminé la ligne de
19 front à Vlasici, à Jajce.
20 Il y avait des canons, l'artillerie, et c'est à cette époque-là
21 que j'étais volontaire. J'étais au sein du HVO, et j'étais dans une
22 formation qui était intitulée Nikola Subic-Zrinjski. J'étais à Jajce sur
23 la ligne de front pendant dix jours, ensuite à Podvlasce, dix jours,
24 quinze jours et ensuite nous avons organisé les patrouilles.
25 On était deux à trois pour qu'il n'y ait pas de sabotages, pour
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1 qu'il n'y ait pas, par conséquent, des actions imprévues. C'est ce qu’on
2 avait fait : on organisait les patrouilles pour surveiller.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Si je vous ai bien compris,
4 Monsieur Blazevic, à ce moment-là vous parlez de la guerre de Bosnie-
5 Herzégovine qui a été menée contre la JNA et contre l'armée serbe ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Oui. C'est exact. A ce moment-
7 là, il y avait les Musulmans et les Croates qui étaient ensemble. On
8 allait ensemble sur la ligne de front contre les Serbes, contre les
9 Chenicks.
10 Jusqu'à cette époque-là, il n'y avait pas de différends ou de
11 conflits entre les Croates et les Musulmans.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Vous dites, Monsieur Blazevic,
13 qu'au début, vous étiez ensemble dans des formations avec des personnes
14 qui étaient de confession musulmane, contre la JNA, contre l'armée serbe.
15 Que s'est-il passé par la suite ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Ensuite, l'armée musulmane et
17 l'armée croate se sont séparées. Les villages musulmans étaient dans les
18 montagnes, les Croates étaient plutôt à Kiseljak, à Busovaca, à Vitez et
19 c'est déjà à cette époque-là que les Musulmans ont commencé à creuser les
20 tranchées. Mes enfants également se trouvaient à cette époque-là dans les
21 montagnes. Moi, j'ai une grande propriété, 100 hectares pardon, et c'est à
22 cette époque-là, par conséquent, mes enfants sont partis parce que les
23 Musulmans les ont chassés.
24 Mes enfants, également, ils creusaient les tranchées. A un
25 moment donné, je suis parti pour leur poser la question ; je leur ai
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1 demandé pourquoi ils l'ont fait. ils l'ont dit : "contre les Tchetnicks,
2 contre les Serbes", alors qu'il n'y avait absolument pas de Serbes, même
3 pas à 100 kilomètres par rapport à cet endroit-là.
4 Et c'est là que nous avons compris qu'il y avait probablement
5 une attaque qui se préparait contre nous, contre les Croates, et c'est la
6 raison pour laquelle nous avons organisé les patrouilles pour garder et
7 protéger nos propres foyers.
8 M. Mikulicic (interprétation). - Si je vous ai bien compris,
9 Monsieur Blazevic, vous savez tout ce qui s'était passé parce que c'est
10 justement dans votre propriété que les membres de la communauté musulmane
11 avaient creusé les tranchées ?
12 M. Blazevic (interprétation). – Oui, c'est exact. Ils ont
13 commencé à creuser les tranchées dans les montagnes, dans la propriété qui
14 était la mienne. Et moi, j'ai même informé un certain nombre de mes
15 supérieurs de Busovaca. Ils m'ont dit que ce n'était pas mon affaire et
16 que je n'avais pas à m’en préoccuper, mais ça je l'ai vu de mes propres
17 yeux et c'est pourquoi j'ai gardé le silence par la suite.
18 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, pourriez-
19 vous me dire, si vos souvenirs sont encore vifs, c'était en quelle année ?
20 M. Blazevic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire
21 exactement à quel moment cela s'était passé, j'ai perdu quelque peu la
22 mémoire, mais je pense que c'était en 93. C'était début 93, à ma
23 connaissance.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
25 de ce qui s'était passé fin janvier, début février 93, dans cette zone de
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1 Busovaca ? Y avait-il conflit ?
2 M. Blazevic (interprétation). - Oui. Au printemps, je ne me
3 souviens pas exactement de la date, mais il y avait des jeunes Croates qui
4 devaient se rendre à côté de Busovaca vers Kiseljak. Il y avait un petit
5 camion, il y avait cinq ou six soldats, et ils se sont dirigés vers
6 l'endroit où se trouvaient les Musulmans. Ils ont été embusqués, ils ont
7 tiré sur le camion et à ce moment-là, il y avait un ou deux soldats qui
8 ont été tués.
9 Je me souviens qu'il y avait un certain Petrovic, je ne me
10 souviens pas de son prénom, qui a été tué à ce moment-là. Un autre a été
11 blessé, donc ils ont dépassé cet endroit-là et c'est alors que nous aussi,
12 nous avons commencé à creuser les tranchées autour de nos maisons. Par
13 exemple, moi je me souviens que, juste devant ma maison, nous avons creusé
14 des tranchées. Deux jours plus tard, ils nous ont attaqués et c'est à ce
15 moment-là que cinq jeunes gens ont été tués. Voilà, c'est comme cela que
16 la situation a commencé à se compliquer.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, vous vous
18 souvenez que ces différends et ces conflits entre les Croates et les
19 Musulmans ont commencé avec cet événement à Kacuni, quand les deux soldats
20 du HVO ont commencé ?
21 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c’est exact. C'était le
22 premier incident, auparavant il n'y en avait pas.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Et deux jours plus tard, il y
24 avait l’attaque sur Busovaca et sur votre village ?
25 M. Blazevic (interprétation). - Oui, deux jours plus tard. Je
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1 pense que c'était le 26 janvier, je ne me souviens pas exactement. Ils
2 nous ont attaqués, c'était l'hiver, il y avait beaucoup de neige. Je me
3 souviens, il y avait beaucoup de soldats également qui ont été tués. Il y
4 avait beaucoup de Musulmans à cette époque-là, du côté de l'armée
5 bosniaque. Ils nous ont attaqués et, comme j'ai dit, c'est comme cela que
6 cela s'est développé.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Où est-ce que vous vous êtes
8 trouvé à ce moment-là ? Vous étiez sur quelle ligne de front ?
9 M. Blazevic (interprétation). - Mais j'étais à côté de chez moi,
10 devant ma maison. Nous avons creusé les tranchées et puis nous avons
11 également fait un certain barrage, si je peux dire, avec des sacs de
12 sable. Il y avait du fumier également que nous avons utilisé, derrière
13 lequel nous nous sommes cachés, et ils nous ont attaqués à moment-là,
14 c'est comme cela que nous avons riposté.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Vous parlez de ces événements,
16 vous parlez donc du mois de janvier 1993. Auriez-vous l'amabilité de nous
17 dire combien de temps à peu près ces hostilités duraient ? Est-ce que vous
18 vous souvenez ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Mais c'était le jour même.
20 M. Mikulicic (interprétation). - Non, mais je ne pense pas à ce
21 jour même, je pensais : est-ce que cela a duré plusieurs jours ou combien
22 de temps ?
23 M. Blazevic (interprétation). - Non, mais cela a commencé ce
24 jour-là, mais cela a continué, cela a duré ensuite. Nous nous sommes donc,
25 comme j'ai dit, organisés pour riposter ; ce sont les tranchées que nous
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1 avons creusées. Il y avait d'autres personnes qui sont venues nous aider,
2 c'est la nuit que nous avons creusé les tranchées. Et puis cette ligne est
3 restée à ce niveau-là, auprès de ma maison. Il y avait une autre ligne
4 également qui a été déterminée du côté de la ville de Busovaca.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends mais, Monsieur
6 Blazevic, vous dites que vous avez eu, vous autres, soldats qui avez
7 défendu cette ligne, un certain nombre de personnes qui vous ont aidé pour
8 creuser les tranchées ; vous avez donc parlé des pelotons. Qui étaient ces
9 personnes-là qui vous ont aidés, d’où sont-elles venues ?
10 M. Blazevic (interprétation). - Je me souviens, une nuit, il y
11 avait une vingtaine de personnes qui sont arrivées pour nous aider. Il y
12 avait des Musulmans également, mais il y avait des Croates. On nous a
13 demandé par conséquent de creuser les tranchées, à ce moment-là j'ai
14 reconnu trois Musulmans, trois voisins que j'avais appelé pour rentrer
15 chez moi. Je leur ai demandé s'ils avaient faim, ils ont répondu qu'ils
16 pouvaient manger bien évidemment, nous avons bu un café. On a mangé, je ne
17 me souviens plus exactement ce qu'ils ont mangé. Ils ont pris une douche
18 et ensuite ils sont retournés, ils ont creusé.
19 Ensuite, c'est la police militaire qui est venu les chercher.
20 Ils les ont emmenés quelque part. Ils étaient probablement des prisonniers
21 parce qu'il y avait des Musulmans, il y avait des Serbes et il y avait des
22 Croates, ça je m’en souviens.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, vous avez
24 dit que c'est la police militaire qui les a emmenés. Qui les avait emmenés
25 jusqu'à chez vous pour creuser les tranchées ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - C'était la milice militaire
2 également. C'est elle qui les a déployés. Elle nous a demandé de
3 surveiller, il y avait les gardes qui étaient là, le HVO qui avait
4 surveillé.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, est-ce que
6 vous saviez d’où venaient ces personnes-là ? Je pense notamment à des
7 personnes qui étaient des Musulmans, qui étaient des ressortissants de
8 Bosnie-Herzégovine mais qui était des Musulmans ?
9 M. Blazevic (interprétation). - J'ai appris qu'ils étaient dans
10 un camp de détention. Quelles étaient les raisons pour lesquelles ils
11 étaient dans le camp, ça je ne peux pas vous le dire, mais je sais que la
12 police militaire les a escortés pour creuser les tranchées, ils les ont
13 emmenés pour creuser les tranchées, c’est tout ce que je sais, je ne peux
14 pas vous dire plus.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
16 du nom de ce camp de détention ?
17 M. Blazevic (interprétation). - Il y avait un camp, c'était à
18 Kaonik, il y avait la police militaire également qui était dans l'annexe
19 et ce sont eux qui ont emmené ces gens-là pour creuser les tranchées,
20 comme je l’ai dit.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez dit également que
22 vous avez connu un certain nombre de personnes et que vous les avez fait
23 rentrer dans votre maison. Est-ce que vous vous souvenez d'un certain
24 nombre de noms ?
25 M. Blazevic (interprétation). - Oui. Il y avait Hamdo Ibrilic,
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1 il y avait deux jeunes personnes également, il y avait quelques jeunes
2 personnes qui était avec Hamdo et qui étaient chez moi, qui ont mangé, qui
3 ont pris la douche, comme je l’ai dit, et qui ont pris un café avec nous.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, outre les
5 Musulmans, les Bosniens, y avait-il d'autres personnes, des Croates qui
6 ont été emmenés pour creuser les tranchées ?
7 M. Blazevic (interprétation). - Oui. Il y avait des Croates et
8 des Musulmans. C'était un peloton qui a été donc désigné pour creuser les
9 tranchées, tout le monde travaillait.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez les
11 Croates ? Est-ce que vous les avez reconnus ? Qui étaient ces Croates-là ?
12 M. Blazevic (interprétation). - En gros, c'étaient les gens qui
13 étaient des personnes âgées, qui n'étaient pas capables d’être membres de
14 l'armée et qui par conséquent devaient aider en quelque sorte.
15 M. Mikulicic (interprétation). - D'après vous, Monsieur
16 Blazevic, pourquoi, vous autres, les soldats qui avaient pour tâche de
17 défendre cette ligne de front, vous avez eu besoin de cette aide ? Est-ce
18 que vous étiez nombreux ou pas pour faire cette tâche ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Non, on n'était pas nombreux, on
20 n'était pas véritablement nombreux, et on n'a pas été bien organisés. Par
21 conséquent les tranchées n'ont pas été creusées. C'était au moment où ils
22 nous ont attaqués pour la première fois que nous avons commencé à creuser
23 les tranchées.
24 Par la suite, nous sommes restés à garder cette ligne de front
25 pendant vingt jours. On était très fatigués et c'est la raison pour
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1 laquelle nous avons demandé que l'on nous amène l'aide, pour creuser les
2 tranchées la nuit. Il y avait des gens également qui étaient tout
3 simplement là pour surveiller et qui n'avaient pas à creuser les
4 tranchées.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends parfaitement.
6 Monsieur Blazevic, vous avez parlé également de ce fait-là, que c'est la
7 police militaire qui a emmené ces personnes-là pour creuser les tranchées,
8 qu’il y avait l'armée également qui a été sur place pour surveiller. Est-
9 ce que c'est exact ?
10 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'est exact.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'il y avait un certain
12 nombre d'incidents à cette époque-là qui se sont produits ? Il y avait
13 quelqu'un qui avait été blessé, des personnes qui ont été maltraitées ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Non, ça ne s'est pas passé chez
15 nous, il n'y avait pas de tels incidents. Non, personne n'a été maltraité.
16 Les gens travaillaient, c'est ce qu'on leur a demandé. Nous, on les a
17 surveillés... Non, à ce moment-là, il n'y avait aucun incident qui s'était
18 produit. Je ne m'en souviens pas.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, au moment où
20 les gens ont été emmenés sur cette ligne de front, qui avait été
21 commandant ? Qui avait donc... qui émettait les ordres ? Qui disait
22 quelles étaient les tâches à faire ?
23 M. Blazevic (interprétation). - Mais c'étaient les gens qui
24 étaient sur la ligne de front. Nous avons dit par conséquent que c'était à
25 tel et tel endroit qu'il fallait creuser les tranchées. Il y avait des
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1 Musulmans, comme je l'ai dit, mais il y avait des Croates.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Vous dites "nous". Vous pensez
3 à qui ?
4 M. Blazevic (interprétation). - Nous, les soldats, parce que
5 nous étions sur cette ligne de front. Nous étions à cet endroit-là.
6 M. Mikulicic (interprétation). - Sur cette portion de la ligne,
7 il y avait donc les soldats, vous autres, les soldats du HVO. Il y avait
8 un commandant ?
9 M. Blazevic (interprétation). - Akrap Dragan a été commandant à
10 cette époque-là. Il a été commandant. Ensuite, c'était donc Nikola Subic-
11 Zrinjski, c'était la 1ère Compagnie et le 1er Bataillon.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Mance, le surnom de ce Dragan,
13 il a été votre commandant ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Oui, de toute la formation.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Est-il vrai qu'il a été
16 commandant également de ce peloton, peloton qui a été rajouté ?
17 M. Blazevic (interprétation). - Oui, probablement, le plus
18 probablement. Je pense que c'est lui qui avait commandé, c'est nous qui
19 avons creusé les tranchées, eux avec nous, bien évidemment.
20 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, pourriez-
21 vous nous dire autre chose ? Vous avez précisé que les Musulmans de Kaonik
22 ont été emmenés par les policiers militaires ; est-ce qu'ils ont également
23 emmené les civils, les Croates qui devaient creuser les tranchées, ou bien
24 ils sont arrivés par un autre moyen ?
25 M. Blazevic (interprétation). - Non, c'est la police militaire
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1 qui avait emmené ensemble les Musulmans et les Croates. Donc, ils
2 passaient la nuit et les soldats qui se trouvaient sur la ligne les
3 surveillaient, alors que les autres retournaient dans la caserne. Ils
4 étaient ensemble.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Entendu. Eh bien, nous avons
6 parlé des événements qui se sont produits en 1993, c'était le mois de
7 janvier. Ensuite, au mois de février, nous pouvons parler de cette
8 première attaque entre les Musulmans et les Croates dans la vallée de la
9 Lasva. Est-ce que vous pouvez vous souvenir également de la date de la
10 deuxième attaque car, entre-temps, il y avait une accalmie, il y avait un
11 cessez-le-feu, si je ne m'abuse ?
12 M. Blazevic (interprétation). - Oui, après la première attaque
13 il y avait le cessez-le-feu qui a été signé et ensuite, si mes souvenirs
14 sont bons, c'était le début du mois d'avril, le 15 ou 16 avril 1993 parce
15 que, entre-temps, il y avait le cessez-le-feu et nous étions donc dans nos
16 tranchées, les Musulmans n'étaient pas trop loin.
17 Je me souviens, un matin, on m'avait appelé, c'étaient les
18 Musulmans qui m'avaient appelé. Je connaissais très bien mes voisins, même
19 celui qui était venu prendre le café avec moi, on a travaillé ensemble
20 dans l'aciérie, on prenait le bus pour aller au poste de travail ensemble.
21 Mon surnom est Dugonja, donc il m'avait appelé pour prendre un café.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Je m'excuse, est-ce que vous
23 pouvez m'expliquer qui vous a appelé ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Les Musulmans. C'était une ligne
25 de front à 50, 100 mètres à peu près par rapport à notre ligne de front.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - Vous parlez donc des membres de
2 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
3 M. Blazevic (interprétation). - Oui, effectivement. Ils m'ont
4 appelé "Dugonja !". Ils m'ont demandé de prendre un café avec eux. Moi,
5 j'avais dit que je ne voulais pas m'y rendre, j'ai proposé qu'ils viennent
6 chez moi. Ensuite, ils se sont arrêtés, ils m'ont appelé une deuxième fois
7 pour que j'aille prendre un café avec eux. Moi j'ai répondu "non", au
8 fond, je n'ai pas osé y aller. J'ai par conséquent proposé qu'ils viennent
9 chez moi. Eh bien, eux, ils ont dit qu'ils allaient venir chez moi.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Je m'excuse, je voudrais tout
11 simplement préciser quelque chose. Vous parlez d'une situation qui est la
12 suivante : vous êtes sur la ligne de front et ensuite, ce sont les membres
13 de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui se trouvent de l'autre côté,
14 100 mètres sur leur ligne de front ?
15 M. Blazevic (interprétation). - Exact.
16 M. Mikulicic (interprétation). - C'était 70 mètres à peu près,
17 la distance ?
18 M. Blazevic (interprétation). - Oui, à 70 mètres à peu près.
19 M. Mikulicic (interprétation). - C'est clair maintenant. Donc
20 vous avez dit que vous n'allez pas vouloir aller chez eux mais vous leur
21 avez proposé de venir chez vous. Et qu'est-ce qui s'est passé par la
22 suite ?
23 M. Blazevic (interprétation). - Ils sont arrivés à une
24 vingtaine, une trentaine de mètres à peu près. C'était derrière une
25 remorque, il y avait une remorque et il m'a encore une fois appelé par mon
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1 surnom : "Dugonja, viens !".
2 Moi, je suis sorti de ma tranchée et j'ai donc crié pour que les
3 soldats puissent m'entendre bien : "Surtout ne tirez pas parce que les
4 voisins sont là !". Effectivement, ça s'est passé comme cela. Il y en
5 avait deux qui sont arrivés, je les ai reconnus : "Bonjour, bonjour,
6 asseyez-vous." Quelques minutes se sont écoulées. Il y en avait deux
7 autres qui sont arrivés, qui portaient des uniformes avec des fusils
8 qu'ils portaient et puis nous nous sommes embrassés. Cela, c'est un fait.
9 C'est là où j'ai fait du café et j'avais de l'eau-de-vie
10 Slivovitz. Il y avait quelque peu de charcuterie parce que c'était l'hiver
11 où j'avais égorgé un porc. Enfin, j'ai préparé tout ceci et puis on a
12 commencé à parler.
13 Eh bien, ils ont dit qu'ils allaient vouloir retourner chez eux
14 et j'ai demandé à mes soldats surtout de ne pas tirer sur nos voisins, sur
15 les Musulmans et nous avons donc dit que nous n'allons pas tirer les uns
16 sur les autres.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Je m'excuse, je vais vous
18 interrompre. Vous avez dit que vous avez dit à vos soldats de ne pas
19 tirer. Quelle était votre fonction au sein du HVO ? Vous aviez un grade ou
20 quoi ?
21 M. Blazevic (interprétation). - J'étais commandant du
22 détachement et je couvrais dix tranchées que j'avais à surveiller : si
23 jamais il y avait de la nourriture qu'il fallait donner aux soldats, etc.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Il y avait les dix tranchées
25 que vous avez protégées. C'était à peu près sur combien d'espace ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Deux cents, 300 mètres à peu
2 près, sur cette longueur, oui. Il y en avait dix au total.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Par conséquent, vous avez
4 commandé ce détachement ?
5 M. Blazevic (interprétation). - Oui. Mance a été le commandant
6 qui m'était supérieur.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Cela, j’ai compris. On revient
8 sur l'événement que vous avez commencé à décrire. Par conséquent, les
9 Musulmans ont pris le café, ont mangé de la charcuterie, ont bu de la
10 Slibovitz, ils sont retournés vers la ligne de front, est-ce que c’est
11 vrai ?
12 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'est vrai.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a tiré sur
14 eux ?
15 M. Blazevic (interprétation). - Non, absolument pas parce que
16 moi, j'avais demandé à mes soldats de ne pas tirer sur eux.
17 M. Mikulicic (interprétation). - C’était à peu près à quel
18 moment de la journée ?
19 M. Blazevic (interprétation). - C’était à 10 heures, à peu près,
20 10 heures du matin. Nous sommes restés jusqu'à 2 heures, tous ceux, à
21 discuter, et puis ensuite, ils sont retournés sur leur ligne de front. Il
22 n'y avait pas beaucoup de temps qui s'est passé. Il y avait mon commandant
23 qui est arrivé là-dessus et qui m'avait demandé s'il y avait des Musulmans
24 avec moi. Moi, j'ai dit oui. Ils m'ont demandé pourquoi, moi j'ai dit
25 que : "C’est tout simplement parce que ce sont les gens que je connaissais
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1 et puis on a bu un café et on a passé un moment ensemble". Moi je n'étais
2 pas seul, à ce moment-là, il y avait mon voisin également qui était dans
3 la tranchée parce que c'était un voisin qui était juste à côté de moi,
4 c’était Perkovic Milinko.
5 Donc le commandant lui a demandé : "Milinko, tu y étais
6 également ?" Lui, il avait répondu oui, donc le commandant nous a demandé
7 de venir ensemble avec lui, il nous a interrogés, il a fait un procès-
8 verbal, il nous a demandé d'aller chez nous et puis il a dit : "Après, on
9 verra ce qui se passera".
10 Moi je suis rentré chez moi et effectivement, il y avait déjà la
11 nuit qui commençait à tomber ; moi, je me suis endormi, et à une heure
12 dans la nuit, il y avait quelqu'un qui a frappé à ma porte ; ma femme
13 s'est levée d'abord. C'est la police militaire qui était venue me
14 chercher, et j'étais très fâché.
15 Donc les gens qui sont venus me chercher, ils m'ont encore
16 appelé par mon surnom : "Dugonja, j'ai un ordre et tu vas passer
17 sept jours dans la prison". Moi j'ai dit : "Non, je n'irai pas maintenant,
18 c'est la nuit, c'est le matin que j'irai". Alors ils m'ont imposé d'y
19 aller tout de suite, il y en avait deux que je connaissais bien. C'étaient
20 les gens que je connaissais depuis longtemps.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Excusez-moi de vous
22 interrompre, mais il y a quelques difficultés au niveau de
23 l'interprétation. Vous avez dit que des membres de la police militaire
24 sont venus vous voir et qu'ils portaient un ordre, n'est-ce pas ?
25 M. Blazevic (interprétation). - Oui, oui, ils portaient un
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1 ordre.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Qu'est-ce qui était écrit dans
3 cet ordre ?
4 M. Blazevic (interprétation). - Moi je ne l'ai pas lu, mais j'ai
5 vu qu'il était écrit. On m'a dit qu’il était écrit "Sept jours de prison".
6 Moi j'étais fâché, je ne voulais pas les suivre.
7 J'ai dit : "Ecoutez, calmez-vous, il n'y a pas le feu, on ira
8 demain matin, il n'y a pas de problème", et ils m'ont répondu : "Non, non,
9 tu dois venir tout de suite" alors je me suis préparé ; dans la voiture,
10 il y avait Milinko Perkovic, mon voisin, qui attendait, et tout droit à la
11 prison, on nous a enfermés tous les deux.
12 On s'est demandé ce que l'on avait fait. Moi, j'étais vraiment
13 furieux : "Ecoutez, personne n'a tiré le moindre coup de feu, personne
14 n'est mort", donc je ne voyais vraiment pas ce qu'il y avait de grave.
15 Nous avons passé la journée dans la cellule, déjeuné, dîné
16 normalement...
17 M. Mikulicic (interprétation). - Excusez-moi ; vous avez dit que
18 les membres de la police militaire vous ont emmenés dans une prison. Dans
19 quelle prison ?
20 M. Blazevic (interprétation). - Kaonik. Dans la prison de
21 Kaonik. La prison.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Et ils vous ont remis entre les
23 mains de quelqu'un ; qui est-ce qui vous a accueillis, à la prison ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien, des soldats aussi, la
25 police militaire qui travaillait à la prison.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - Comme gardiens, n’est-ce pas ?
2 M. Blazevic (interprétation). - Oui, comme gardiens, des jeunes
3 gens que je connaissais aussi, mais enfin, chacun faisait son travail.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Et à ce moment-là, vous-même et
5 votre voisin, Perkovic, on vous a installés dans une cellule, n’est-ce
6 pas ?
7 M. Blazevic (interprétation). - Oui, nous étions dans la même
8 cellule. Ce jour-là, nous sommes sortis deux, trois fois par jour. On nous
9 donnait à manger deux ou trois fois par jour.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous interromps et nous
11 reviendrons là-dessus plus tard.
12 Donc ce jour-là, on vous a emmenés à la prison, tôt le matin ou
13 tard la nuit, selon le point de vue où on se place, on vous a placés dans
14 une cellule et vous avez passé la journée entière dans la cellule, n’est-
15 ce pas ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce qu'on vous a donné à
18 manger ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Oui, oui. On est sortis trois,
20 quatre, cinq fois, je ne sais plus exactement. Enfin, il y avait quelqu'un
21 qui cuisinait.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous mangiez en-dehors de
23 la cellule ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Oui, oui, dans le couloir.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Dans le couloir de la prison ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que c’est seulement vous
3 et votre voisin Perkovic qui mangiez ou est-ce qu'il y avait d'autres
4 hommes qui mangaient aussi ?
5 M. Blazevic (interprétation). - Non, non, d'autres hommes aussi.
6 On sortait par cinq ou six, on mangeait et ensuite, quand on avait mangé,
7 on rentrait dans nos cellules et d'autres sortaient pour manger jusqu'à ce
8 que tout le monde ait fini.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Et vos besoins physiologiques,
10 comment est-ce que vous les satisfaisiez ?
11 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien, on frappait à la porte,
12 un policier arrivait et nous accompagnait ; le soir, il revenait, enfin
13 voilà, ça se passait comme ça.
14 M. Mikulicic (interprétation). - Et pendant ce temps-là, est-ce
15 que vous aviez remarqué que des incidents se produisaient dans la prison,
16 que quelqu'un se faisait maltraiter, injurier, frapper ?
17 M. Blazevic (interprétation). - Non, moi je n'ai pas remarqué,
18 on avait tout à fait normalement des choses à lire, on avait des
19 cigarettes... Moi, je n'ai rien remarqué de ce genre.
20 M. Mikulicic (interprétation). - Très bien. Et qu'est-ce qui
21 s'est passé après la première journée que vous avez passée dans cette
22 prison ? Q’est-ce qui s'est passé par la suite ?
23 M. Blazevic (interprétation). - La deuxième journée, la deuxième
24 nuit, n'est-ce pas, un commandant est arrivé dans le couloir et on nous a
25 appelés tous les deux pour nous emmener creuser des tranchées.
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1 On est sortis de nos cellules, on était une vingtaine qui
2 avaient été appelés. On a pris des pelles, des pioches, enfin l'instrument
3 sur lequel on tombait, et on nous a emmenés cette nuit-là à Strane ; c'est
4 près de Kaonik, c'est près de la prison, ce n'est pas loin.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Très bien. Monsieur Blazevic,
6 vous avez dit que quelqu'un appelait des noms dans le couloir ; vous savez
7 qui appelait ces noms ?
8 M. Blazevic (interprétation). - Oui, les gardiens, les membres
9 de la police militaire. Ce sont ces membres de la police militaire qui
10 appelaient les noms et à l'appel de notre nom, nous sortions de la
11 cellule.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Et qu'est-ce qui vous a emmenés
13 de Kaonik jusqu'à Strane où vous avez creusé des tranchées ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Des membres de la police
15 militaire aussi. Ils nous ont emmenés et nous ont laissés sur place.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Excusez-moi. Donc les policiers
17 militaires vous ont amenés de Kaonik jusqu'à Strane, n’est-ce pas ?
18 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Ces policiers militaires
20 étaient-ils les mêmes que ceux qui travaillaient en tant que gardiens dans
21 la prison ou étaient-ce d'autres policiers militaires ?
22 M. Blazevic (interprétation). - C’étaient les policiers
23 militaires qui travaillaient dans la prison.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, alors je
25 vous répète la question, peut-être ne m'avez-vous pas bien compris.
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1 Vous avez dit il y a quelques instants que des policiers
2 militaires travaillaient comme gardiens dans la prison, n’est-ce pas ?
3 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que vous en connaissiez
5 certains ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Oui, j'en connaissais. En fait,
7 ceux qui nous emmenaient étaient les policiers militaires qui étaient à
8 l'intérieur de la prison, qui étaient extérieurs à la prison ; ceux qui
9 étaient intérieurs à la prison n'ont fait qu'appeler nos noms, mais ceux
10 qui nous ont emmenés étaient membres de leur propre police militaire et
11 n'étaient pas intérieurs à la prison.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Excusez-moi. Donc vous me dites
13 que la police militaire était installée, cantonnée, dans les bâtiments de
14 la prison de Kaonik ?
15 M. Blazevic (interprétation). - Oui, à une centaine de mètres, à
16 peu près ; c'étaient ces policiers militaires qui nous emmenaient en
17 voiture si on allait un peu plus loin parce qu'on est allé à Procje, on
18 est allé à Kula aussi, auquel cas on nous emmenait en voiture. Et c'était
19 les policiers militaires extérieurs à la prison, mais tout près de la
20 prison, qui nous emmenaient et nous ramenaient.
21 M. Mikulicic (interprétation). - J'ai compris. Vous avez dit que
22 l'on vous avait emmenés à Strane pour creuser des tranchées, n’est-ce
23 pas ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Oui, à Strane.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Et à quelle distance se trouve
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1 Strane de la prison de Kaonik ?
2 M. Blazevic (interprétation). - C’est tout près, pas loin, dix-
3 quinze minutes à pied, je ne sais pas exactement puisqu’on marchait la
4 nuit, mais ce n’est pas loin, en tout cas.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Et à cet endroit, dans cette
6 localité qui s’appelle Strane, ce sont les policiers militaires qui vous y
7 ont amenés, qui est-ce qui vous y a accueillis ?
8 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien, les soldats qui se
9 trouvaient sur place, qui gardaient les lignes. Ils nous ont accueillis,
10 ils nous ont déployés, nous devions travailler deux par deux pour creuser
11 les tranchées et il fallait éviter de faire du bruit, alors on travaillait
12 avec des pioches, des pelles, parce que les lignes d’en face étaient tout
13 près. Si on nous entendait, l'armée de Bosnie-Herzégovine nous tirait
14 dessus. Il arrivait même parfois que les soldats nous mettent à l'abri
15 pour attendre une accalmie dans les coups de feu. Donc on nous mettait
16 dans un abri à ce moment-là.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Donc les soldats du HVO qui se
18 trouvaient sur la ligne où vous creusiez s'occupaient de votre sécurité,
19 n'est-ce pas ?
20 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, vous avez
22 dit que les gardiens appelaient un certain nombre d’hommes pour aller
23 travailler, pour constituer ce peloton de travail. Combien d’hommes
24 comptait ce peloton de travail ?
25 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien, je ne me rappelle pas
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1 exactement, mais une vingtaine, vingt et quelque, vingt, vingt-cinq, je ne
2 peux pas vous dire exactement.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Qui était cette vingtaine
4 d’hommes ? Vous avez dit qu'il y avait vous, votre voisin. Qui étaient les
5 autres ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Il y avait des Croates et des
7 Musulmans.
8 M. Mikulicic (interprétation). - Il y avait même des Serbes qui
9 étaient restés sur les lieux, sur place ?
10 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'est vrai, après on les a
11 versés dans une unité du HVO, ils y sont restés jusqu'à la fin, donc on y
12 allait tous.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Et à la fin du travail, les
14 policiers militaires vous ramenaient à Kaonik, n'est-ce pas ?
15 M. Blazevic (interprétation). - Oui, les policiers militaires
16 revenaient. Si on était venu à pied, on rentrait à pied. Quand on allait à
17 Strane, on rentrait à pied. Mais de Kula et Prosje, on rentrait en
18 voiture, ou en camionnette, ou en camion bâché.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous dites que
20 personnellement, pendant votre séjour dans la prison de Kaonik, vous avez
21 creusé à trois endroits : Strane, Kula et Prosje ?
22 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que, dans ces trois
24 endroits, se trouvaient également des Musulmans dans les pelotons de
25 travail ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Oui, toujours. Chaque fois, il y
2 avait des Musulmans dans le peloton.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Et pendant cette période, si
4 vous vous le rappelez, y a-t-il eu des incidents, y a-t-il eu des blessés,
5 des hommes maltraités, des hommes qui ont subi des sévices physiques ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Pendant que moi je suis allé
7 creuser les tranchées, personne n'a subi de tels sévices, en tout cas je
8 ne suis pas au courant. Non.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, dites-moi
10 combien de temps avez-vous passé dans la prison de Kaonik ?
11 M. Blazevic (interprétation). - Moi, Mance m’avait condamné à
12 sept jours, mais je n’a pas tenu sept jours, j’y suis resté cinq jours
13 parce que, vraiment, ces cinq jours c'était beaucoup. Un matin, la police
14 militaire est arrivée et les policiers nous ont dit, à tous les deux, que
15 nous rentrions à la maison. Nous avons demandé pourquoi, qu'est-ce qui se
16 passait, et on nous a en fait emmenés de nouveau sur les lignes.
17 A ce moment-là, j'ai demandé à Mance : "Mais, enfin, l’ami,
18 pourquoi tu nous a condamné à sept jours ?", il m'a répondu que c'était
19 parce que nous avions pris cette initiative sans demander l'autorisation à
20 personne. Moi, j'ai dit : "Mais, enfin, pourquoi j'aurais demandé
21 l'autorisation, d'abord tu n'étais pas là et ensuite je ne vois pas en
22 quoi c'était une infraction". Et il m'a expliqué que quand on commandait,
23 on n'agissait pas de cette manière-là, donc j'ai compris et j'ai fini par
24 accepter. De toute façon, ce n'était pas très long.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Donc, Monsieur Blazevic, vous
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1 nous avez dit que le cinquième jour de votre emprisonnement, des policiers
2 militaires sont arrivés vous voir pour vous dire que vous sortiez, c'est
3 bien cela ?
4 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Ils vous ont dit aussi que
6 Mance finalement vous avait libéré de ces deux derniers jours ?
7 M. Blazevic (interprétation). - Je ne sais pas s'il avait
8 pardonné ou quoi, mais, en tout cas, il nous a enlevé les deux jours. Il
9 nous a un petit peu amnistiés et cela nous a fait plaisir.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Donc c’est votre commandant qui
11 vous a mis en prison et c'est lui qui vous a amnistiés, d'une certaine
12 façon ?
13 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c’est lui qui l'a fait. De
14 toute façon, il avait le droit de nous imposer des sanctions de quinze
15 jours, il ne l’a pas fait. Il nous a imposé une sanction de sept jours et
16 sur les sept il nous en a enlevé deux, cela nous a fait vraiment plaisir.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Immédiatement après votre
18 libération de la prison, où êtes-vous allés ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Sur les lignes, sur les lignes
20 de front. Parce qu'il n'y avait pas assez de soldats, donc on nous a
21 remmenés là où on était avant.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, pendant
23 votre séjour dans la prison de Kaonik, avez-vous eu l'occasion de voir ou
24 d'entendre dire qui, dans cette prison, était responsable de la
25 direction ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien évidemment j'ai entendu
2 des prisonniers dire qui était le chef de la prison et on me l’a montré.
3 On m'a dit que c'était Zlatko Visozski, mais enfin je ne me souviens pas
4 très bien de son nom. Et un jour, pendant la promenade, il était là, il
5 était habillé en civil. Un jour, il avait même un anorak. Je ne le voyais
6 pas souvent, je ne le connais pas du tout, cet homme, parce qu'il n'est
7 même pas de Busovaca. Moi normalement je connais tous les voisins mais,
8 lui, je ne le connaissais pas.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous dites que vous ne le
10 connaissiez pas personnellement mais qu'un des prisonniers vous l’a montré
11 en vous disant... ?
12 M. Blazevic (interprétation). - Qu'il était le chef de la
13 prison.
14 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends. Et aujourd'hui,
15 vous le voyez peut-être, cet homme, vous pourriez le reconnaître ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Je pourrais le reconnaître. Si
17 je me m'abuse, c’est le monsieur qui est assis là-bas, parce qu'on se
18 rencontrait tout de même en passant dans... Je le voyais quand il montait
19 dans sa voiture, je ne lui ai jamais serré la main, je n'ai jamais bu un
20 café avec lui, mais je le voyais.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Pour le compte rendu, je
22 demande qu'il soit inscrit au compte rendu que le témoin vient d'indiquer
23 la personne qui lui a été montrée comme étant le chef de la prison,
24 Zlatko.
25 Vous avez déjà dit cela, Monsieur Blazevic, mais je vous repose
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1 la question de façon tout à fait directe. Vous rappelez-vous comment
2 Zlatko était habillé quand vous le rencontriez à Kaonik ?
3 M. Blazevic (interprétation). - Moi, je l’ai vu deux ou
4 trois fois et la plupart du temps il était habillé en civil. Une fois, je
5 me souviens très bien, il portait un anorak, une veste de camouflage, mais
6 c'est la seule fois.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Vous rappelez-vous peut-être ce
8 jour où il portait cet anorak de camouflage ? Est-ce qu'il y avait sur la
9 veste des insignes, des indications de son grade militaire ? Des choses
10 comme ça.
11 M. Blazevic (interprétation). - Moi je n'ai rien vu, je n'ai
12 rien vu.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Pendant votre séjour dans la
14 prison, avez-vous vu ce que faisait cet homme ? Est-ce qu'il donnait des
15 ordres aux gardiens ? Est-ce qu'il communiquait avec eux ? Qu'est-ce qu'il
16 faisait dans la prison si vous l'avez vu ? Est-ce que vous pouvez le
17 décrire ?
18 M. Blazevic (interprétation). – Cela, je ne peux pas le voir
19 parce que je ne l'ai jamais vu à l'intérieur des bâtiments de la prison.
20 Je l’ai toujours vu dehors, à l'extérieur, pendant la promenade. Je l’ai
21 vu deux ou trois fois, mais je ne sais pas, je ne me rappelle pas. En
22 fait, je ne sais pas, je ne sais pas. Je ne savais pas qui donnait les
23 ordres.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Donc vous ne pouvez rien nous
25 dire au sujet de ce qu'il faisait à l'intérieur de la prison ?
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1 M. Blazevic (interprétation). – Non, non, ça je ne peux pas le
2 dire. Il n'y avait que les policiers militaires qui communiquaient avec
3 nous, mais avec M. le chef, je n'avais aucun contact, je l’ai vu deux ou
4 trois fois au total, c'est tout.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, suite à
6 votre sortie de la prison donc, quand votre commandant vous a épargné les
7 deux derniers jours, vous êtes reparti sur les lignes de front et ensuite,
8 vous avez passé tout le temps sur la ligne de front, n'est-ce pas ?
9 M. Blazevic (interprétation). – Oui, oui, c'est exact.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Vous n'êtes plus jamais
11 retourné à Kaonik ?
12 M. Blazevic (interprétation). – Non, c'est la première fois que
13 j'y suis allé et je pense que ce sera la dernière.
14 M. Mikulicic (interprétation). - Mais dans ce bâtiment de
15 Kaonik, est-ce que vous saviez ce qu’il s'y trouvait avant la guerre ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Dans le bâtiment où se trouvait
17 la police militaire ? Là haut, vous voulez dire ? Il y avait l'armée
18 serbe. Je veux dire l'armée yougoslave.
19 M. Mikulicic (interprétation). - La JNA ?
20 M. Blazevic (interprétation). – Oui, oui, c'est exact. C'est la
21 JNA qui était là. C'est la JNA qui était là et puis elle a déménagé, et on
22 y a fait rentrer nos policiers et comme ça, c'est devenu une prison.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Bien, Monsieur Blazevic. Mais
24 pour finir, j'aimerais simplement vous reposer une question au sujet de
25 quelque chose que vous avez déjà évoquée au début.
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1 Vous avez une grande famille et vous avez dit qu'un certain
2 nombre de membres de votre famille étaient morts. Qui est-ce qui est mort
3 au cours de cette guerre parmi les membres les plus proches de votre
4 famille ? Est-ce que vous, vous avez été blessé personnellement ?
5 M. Blazevic (interprétation). - J'ai dit que trois de mes fils
6 avaient été blessés ; l'un est invalide à 60 %, l'autre à 30 %, le
7 troisième, la balle est passée à travers la main donc, il n'a pas eu de
8 pension. Mon frère est mort aussi, qui a laissé six enfants, mon fils est
9 mort : il avait 17 ans quand il est parti dîner. Et le frère de ma femme
10 aussi.
11 Mais moi je n'ai pas été blessés, mais j'ai payé très cher, très
12 cher cette guerre.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie
14 Monsieur Blazevic. La défense n'a plus d'autres questions.
15 M. le Président. – Maître Niemann, je crois que ce sera peut-
16 être l'opportunité de faire une pause. Vous avez des questions sûrement à
17 poser, mais peut-être que l’on pourrait faire la pause et après on
18 pourrait commencer ? Cela va pour vous ?
19 (Maître Niemann acquiese de la tête.)
20 Donc, nous allons faire une pause de vingt minutes pour
21 l’instant.
22 (Suspendue à 10 heures 05, l'audience est reprise à
23 10 heures 30.)
24 M. le Président. - Monsieur Blazevic, vous allez répondre aux
25 questions de Me Niemann. Maître Niemann, vous avez la parole.
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1 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
2 Bonjour, Monsieur Blazevic.
3 M. Blazevic (interprétation). - Bonjour.
4 M. Niemann (interprétation). - Vous parliez... Est-ce qu'on
5 pourrait peut-être veiller à ce que le rétroprojecteur soit abaissé parce
6 que je ne vois pas le témoin de cette façon. Il suffit de l'abaisser.
7 Merci. C'est beaucoup mieux maintenant, nous pouvons nous voir.
8 Au cours de votre déposition, vous avez parlé de l'emplacement
9 où se trouvaient ces tranchées. Vous en souvenez-vous ?
10 M. Blazevic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.
11 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous me dire à quel
12 moment les premières tranchées furent creusées par l'armée de Bosnie-
13 Herzégovine ? Quand les premières tranchées furent-elles creusées ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien, c'était en
15 janvier 1993... Excusez-moi, peut-être également avant : en 1992, la
16 deuxième moitié de 1992.
17 M. Niemann (interprétation). - Je vois. Elles s'y trouvaient...
18 Pourrait-on dire dès octobre 1992 ces tranchées avaient déjà été creusées
19 à ce moment-là ?
20 M. Blazevic (interprétation). - Oui, vous avez parfaitement
21 raison, Maître, c'était à peu près à cette époque-là.
22 M. Niemann (interprétation). - Et est-ce qu'elles étaient
23 occupées par des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine depuis
24 octobre 1992 jusque, disons, janvier 1993 ? Est-ce qu'il y avait des
25 hommes armés qui s'y trouvaient tout ce temps-là ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'étaient les Musulmans,
2 membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ont creusé les tranchées dans
3 les montagnes et du côté de Busovaca.
4 M. Niemann (interprétation). - Et je suppose qu'entre
5 octobre 1992 et jusqu'en janvier 93, il n'y a pas eu de tirs d'artillerie
6 lourde qui étaient dirigés contre vous ? C'est seulement après janvier que
7 cela s'est passé ?
8 M. Blazevic (interprétation). - Vous avez raison, c'est exact.
9 M. Niemann (interprétation). - Vous conviendrez avec moi, à
10 partir des connaissances générales que vous avez que, dès octobre 92
11 -voire plus tôt-, et jusqu'en, au moins, janvier 93, il y avait une guerre
12 entre les Musulmans, les Croates et les Serbes à ce moment-là, n'est-ce
13 pas ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'était en Croatie alors
15 que, chez nous, il n'y avait pas encore de conflits. Il y avait des
16 tensions mais il n'y avait pas de tirs. Nous avons pensé que la Bosnie ne
17 rentrerait pas en guerre et, jusqu'à cette époque-là, il n'y a jamais eu
18 de conflits entre les Croates et les Musulmans.
19 M. Niemann (interprétation). - Tout à fait et je ne parle pas de
20 ce conflit-là. Moi, je parle du conflit opposant, disons la JNA, en Bosnie
21 en 92 et les Croates avec les Musulmans, entre la JNA et les Croates et
22 Musulmans, en 92 ?
23 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'était à peu près ça.
24 M. Niemann (interprétation). - Sarajevo était assiégée, n'est-ce
25 pas, à l'époque ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Exact.
2 M. Niemann (interprétation). - La JNA avait des activités
3 militaires sur Dubrovnik...
4 M. Blazevic (interprétation). - Exact.
5 M. Niemann (interprétation). - Et je dirais même que l'armée de
6 Bosnie-Herzégovine, aidée par le HVO, se défendait des attaques de la JNA.
7 M. Blazevic (interprétation). - C'est exact.
8 M. Niemann (interprétation). - Je parle des attaques en Bosnie.
9 Ce qui veut dire qu'au cours de cette période, au moment où l'on creuse
10 ces premières tranchées, jusqu'en janvier 93, jamais on ne s'est dit que
11 les activités seraient dirigées contre vous puisqu'il y avait une guerre à
12 ce moment-là entre les Musulmans contre la JNA !
13 M. Blazevic (interprétation). - C'est vrai, c'est comme cela
14 qu'ils ont interprété. On m'a dit que de toute façon ce n'était pas dirigé
15 contre les Croates mais contre les Chetniks. Et où se trouvaient les
16 Chetniks ? Cela, c'est une question parce qu'ils étaient à 100 kilomètres
17 plus loin par rapport à nous. Mais c'est ce qu'ils nous ont dit et, si mes
18 souvenirs sont bons, le Président..., ou le maire de Busovaca était
19 Zoran Maric. Il nous a dit : "Essayez d'entreprendre quelque chose parce
20 qu'il y a quelque chose qui se prépare."
21 On m'avait tout simplement dit : "Il ne faut pas que tu y
22 penses, ce n'est pas ton affaire, etc." Mais par la suite, quand j'ai
23 réfléchi, je me suis dit que j'avais quand même raison parce que je
24 sentais qu'il y avait quelque chose qui se préparait.
25 M. Niemann (interprétation). - Au départ, vous n'aviez pas
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1 raison car il ne s'était rien produit pendant six mois après que ces
2 tranchées aient été creusées. Mais, finalement, vous avez fini par avoir
3 raison puisqu'après janvier 93, ces tranchées ont été utilisées pour
4 lancer une attaque contre votre région ?
5 M. Blazevic (interprétation). - C'est exact.
6 M. Niemann (interprétation). - Ces tranchées étaient-elles
7 occupées par des Musulmans pendant la totalité de cette période, disons
8 d'octobre 92 jusqu'en janvier ? Est-ce que, pendant toute cette période,
9 ils étaient là ou est-ce qu'ils ont creusé ces tranchées, ils sont partis
10 et ils sont revenus en janvier ?
11 M. Blazevic (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre
12 exactement. Ce que je sais, c'est que c'est au moment où mes enfants
13 emmenaient le bétail au pâturage que les tranchées ont commencé à être
14 creusées. S'ils étaient restés en permanence, je ne peux pas le dire parce
15 que je ne me suis pas rendu à ces endroits-là parce que, tout simplement,
16 je n'ai pas osé. C'était la forêt.
17 M. Niemann (interprétation). - Jusqu'en 93, au cours de cette
18 période précédant janvier 93, est-ce que votre maison a été la cible de
19 tirs provenant de l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'il y a eu des
20 tirs dirigés contre votre maison au cours de cette période menant à
21 janvier 93 ?
22 M. Blazevic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas, je
23 ne pense pas qu'il y ait eu des tirs. Il y avait des tensions mais on n'a
24 pas tiré.
25 M. Niemann (interprétation). - Bien sûr, je comprends. Mais
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1 jusqu'au début des hostilités, en janvier 93, est-ce que vous vous sentiez
2 suffisamment en sécurité pour parcourir votre propriété ?
3 M. Blazevic (interprétation). - Non, je ne me sentais pas en
4 sécurité, surtout pour me déplacer du côté des montagnes, enfin dans la
5 forêt, parce que j'avais peur. Ce n'était pas difficile d'ailleurs de
6 tirer, je n'ai pas osé.
7 M. Niemann (interprétation). - Au cours de cette période allant
8 d'octobre 92 jusqu'en janvier 93, est-ce que quelqu'un parmi vos proches
9 ou un voisin proche a été blessé, tué par coups de feu provenant de cette
10 région ?
11 M. Blazevic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas, il
12 n'y avait pas de tirs. C'est à Kacuni que les deux soldats, nos deux
13 soldats ont été tués. A partir de cette période-là, effectivement, on a
14 commencé à tirer. Je précise une fois de plus qu'il y avait des tensions,
15 on a senti qu'il y avait quelque chose qui allait se produire.
16 M. Niemann (interprétation). - Lorsque les combats ont
17 effectivement commencé, c'est-à-dire en janvier 93, est-ce que c'est à ce
18 moment-là que vous avez commencé à creuser des tranchées sur votre propre
19 terrain, votre propriété ?
20 M. Blazevic (interprétation). - Il y avait ce soldat qui a été
21 tué : à ce moment-là on n'avait pas une seule tranchée. A ce moment-là on
22 a commencé à tirer et nous nous sommes défendus en tirant à partir de nos
23 maisons. Nous nous sommes cachés derrière les maisons, il n'y avait pas de
24 tranchées à cette époque-là.
25 M. Niemann (interprétation). - Ces soldats, quand furent-ils
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1 tués ? Je sais qu'il y a longtemps que cela s'est passé mais vous
2 souvenez-vous de la date ?
3 M. Blazevic (interprétation). - C'était le dimanche, à 1 heure
4 de l'après-midi, le 25, 26 janvier. Je ne me souviens pas exactement.
5 M. Niemann (interprétation). - 93, donc ?
6 M. Blazevic (interprétation). - C'est vrai.
7 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que l'armée de Bosnie-
8 Herzégovine s'est effectivement installée dans la ville même de Busovaca ?
9 M. Blazevic (interprétation). - Non, l'armée n'est pas rentrée à
10 Busovaca. Avant que les deux soldats soient tués, il y avait le bétail
11 qu'on emmenait et on traversait donc les champs et on passait à côté de ma
12 maison. Les enfants et les femmes emmenaient le bétail au pâturage.
13 Moi, j'ai remarqué à cette époque-là que nous allions être
14 attaqués mais, jusqu'à ce moment-là, il n'y avait pas d'armée de Bosnie-
15 Herzégovine à Busovaca. Ils étaient dans les montagnes. A mon sentiment,
16 ils se déplaçaient et je me disais que dans les deux jours ils allaient
17 attaquer, qu'ils allaient entrer dans Busovaca. Effectivement, c'est le
18 soldat du HVO qui a été tué, ensuite ils ont avancé, ils étaient déployés
19 en trois files.
20 Et je me souviens qu'il y avait les enfants, il y avait le fils
21 de mon oncle qui pleurait, qui est venu me prévenir qu'ils se dirigent
22 vers nous, qu'ils tuent tout ce qu'ils rencontrent et à cette époque-là,
23 il y avait un remorque qui se trouvait sur le chemin de fer, donc ils
24 marchaient tout à fait librement, ils allaient en colonnes et ils
25 disaient : "C'est l'Islam, c'est la guerre du Jihad".
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1 M. Niemann (interprétation). - Ce qui m’intéressait surtout, à
2 vrai dire, c’était la question de savoir quelle était la partie de
3 Busovaca qui avait été envahie, occupée par l’armée de Bosnie-Herzégovine.
4 Pourriez-vous me le dire ? Inutile de me donner d’autres détails, dites-
5 moi seulement cela.
6 M. Blazevic (interprétation). - Mais à côté de Busovaca, on peut
7 dire que c'était en quelque sorte un encerclement parce qu’ils ont réussi
8 à repousser nos soldats ; à un kilomètre, ou 500 mètres à peu près, nous
9 nous sommes arrêtés, nous avons creusé les tranchées et nous avons été
10 encerclés, en effet.
11 Ce qui était une chance pour nous, à Busovaca, c’est qu'on était
12 encerclés, mais il y avait une sortie vers Sebesic, vers Bugojno, vers
13 Kupres, et c’est comme cela que nous avons pu nous en sortir. Il y en
14 avait quelques-uns qui s'en sont sortis.
15 Mais les Musulmans ont coupé par la suite cette route et nous,
16 on ne pouvait plus aller nulle part. On a été pratiquement comme dans un
17 pot, encerclés, et on ne pouvait plus bouger, on ne pouvait plus sortir de
18 cet endroit-là.
19 Je me souviens qu’ils ont pris une partie de Prosje, une partie
20 de Kule, Papre ; ils ont pris un certain nombre de villages.
21 M. Niemann (interprétation). - Les endroits dont ils se sont
22 emparés étaient pour l'essentiel des régions ou des villes musulmanes qui
23 ne sont pas nécessairement dans les collines, mais ce sont surtout des
24 ville musulmanes, n'est-ce pas ?
25 M. Blazevic (interprétation). - Non, ce n'était pas vraiment des
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1 villages ou des villes, c'était la forêt, les collines.
2 M. Niemann (interprétation). - Des régions où il y avait une
3 majorité de Musulmans qui vivaient ?
4 M. Blazevic (interprétation). - Cela, je ne m'en souviens pas,
5 mais je me souviens qu’il y avait un village, Solokovici ; il y avait des
6 Musulmans et des Croates qui habitaient ; les Croates se sont retirés vers
7 la ville car ils savaient qu'ils ne pouvaient pas rester à cet endroit-là.
8 Ils se sont emparés de Putis également ; il y avait d'autres
9 villages qui ont été mixtes mais en majorité, c'était les villages
10 musulmans et ils se sont emparés de ces villages.
11 M. Niemann (interprétation). - Vous avez alors dit que des
12 tranchées avaient été creusées sur votre propriété, ou à proximité de
13 celle-ci avant que vous-même ne soyez emmené à Kaonik. Lorsqu’ils sont
14 arrivés, ces prisonniers, n'avez-vous pas dit que certains de ces
15 prisonniers étaient des Croates, d'autres des prisonniers ? Est-ce bien ce
16 que vous avez dit dans votre déposition ?
17 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c’est tout à fait ça.
18 M. Niemann (interprétation). - S'agissant des Croates, ils
19 auraient pu être de ... (hors micro)... international, n'est-ce pas ? Est-
20 ce que ce n'était pas, peut-être, des personnes qu'on avait chargé de
21 creuser des tranchées ?
22 M. Blazevic (interprétation). - Il y avait des Croates.
23 C’étaient les Croates qui étaient des Viaja, qui n'étaient pas capables de
24 porter des armes, qui pouvaient quand même creuser les tranchées, qui
25 pouvaient couper le bois, apporter de l'eau, etc. Ceux qui étaient
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1 capables de porter l'uniforme, ils allaient sur la ligne de front.
2 M. Niemann (interprétation). - Tout à fait. C'étaient des
3 civils, mais qu'on avait affectés à ces pelotons de travail pour
4 participer à cet effort qui consistait à creuser des tranchées, notamment
5 autour de votre propriété ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Exact.
7 M. Niemann (interprétation). - Ces prisonniers que vous avez
8 vus, c'était des Musulmans qui venaient de Kaonik ?
9 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
10 M. Niemann (interprétation). - Lorsqu'il s’agissait d’amener sur
11 place ces personnes, notamment ces prisonniers venant de Kaonik, est-ce
12 que vous avez pu voir si la police militaire demeurait auprès de ces
13 prisonniers plutôt qu’auprès des bénévoles, des hommes croages en âge de
14 porter les armes, mais qui se trouvaient là à creuser ? Avez-vous pu
15 constater si la police militaire s'est occupée davantage des prisonniers ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Non, la police militaire les
17 avait emmenés, a emmené tous les prisonniers et ensuite, les prisonniers
18 retournaient dans la caserne alors que les soldats qui étaient des
19 gardiens sur la ligne de front, ils contrôlaient, ils surveillaient les
20 prisonniers, alors que la police militaire retournait dans leur caserne.
21 M. Niemann (interprétation). - Je suppose que lorsqu'il s'est
22 agi que des tranchées soient creusées sur votre propriété, les choses
23 étaient assez dangereuses ? Le danger était plus grand, n’est-ce pas ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
25 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit, je pense, qu'il
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1 n’était plus très sûr de se déplacer. Est-ce qu’il n'était plus très sage
2 que vous vous déplaciez pour parcourir les champs autour de votre maison ?
3 M. Blazevic (interprétation). - Ecoutez, je pense que je dois
4 m'expliquer. Je ne suis pas sûr que je me suis bien fait comprendre.
5 Moi, j'ai une propriété, une propriété qui est assez grande et
6 qui se trouve à trois, quatre kilomètres vers les collines, vers la
7 montagne où il y avait des pâturages où on emmenait le bétail et c'est là
8 où les Musulmans creusaient les tranchées alors que, devant chez moi, il y
9 avait les tranchées que nous avons creusées ; là, également, il y avait
10 des Musulmans prisonniers qui venaient creuser les tranchées alors qu’en
11 ce qui concerne les montagnes, en ce qui concerne les collines où se
12 trouvaient les Musulmans, moi je n'ai même pas osé m’y rendre, c'était à
13 trois, quatre kilomètres par rapport à ma maison, où j'avais donc ma
14 propriété.
15 Avant que l'attaque commence, les Musulmans, les prisonniers,
16 venaient vers chez moi, vers ma maison.
17 M. Niemann (interprétation). - Tout à fait, je ne vous ai pas
18 très bien compris la première fois. Vous aviez du terrain où il y avait
19 des pâturages pour votre bétail ; donc là, il y avait des tranchées qui
20 avaient été creusées, non seulement par l’armée de Bosnie-Herzégovine,
21 mais aussi notamment par le HVO et par les prisonniers musulmans. Est-ce
22 que j'ai bien compris maintenant ? Donc pratiquement, elles ont été
23 creusées en même temps ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Non, vous n'avez pas compris, je
25 suis désolé.
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1 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous me dire tout
2 d’abord où les tranchées furent creusées par l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine ? Près de votre maison ou plutôt plus haut, dans les
4 collines ?
5 M. Blazevic (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine
6 était dans les montagnes. J’ai dit que c'est à trois ou quatre kilomètres
7 par rapport à ma maison. J'ai là-bas des pâturages et c'est là-bas où les
8 Musulmans ont creusé les tranchées. C'est là où je suis allé chez le maire
9 pour lui dire : "A mon avis, il y a quelque chose qui se prépare, c'est
10 sur mes champs qu'on commence à creuser les tranchées, on ne me pose même
11 pas la question".
12 M. Niemann (interprétation). - D'accord. Mais dites-moi, nous
13 parlons des tranchées creusées par les prisonniers de Kaonik et par les
14 gardes de la patrie ; où est-ce qu’elles ont été creusées ? A proximité de
15 votre maison ou plutôt plus haut, dans les collines, là où il y avait des
16 tranchées musulmanes ?
17 M. Blazevic (interprétation). - A ce moment-là, ce sont les
18 Musulmans et les Croates qui sont arrivés à côté de chez moi, dans ma
19 maison. J'ai dit qu'ils se sont rendus exactement devant chez moi.
20 C'étaient les prisonniers qui nous ont aidés pour creuser les tranchées.
21 M. Niemann (interprétation). - D'accord. Ce qui veut dire que
22 les tranchées creusées plus tard par les prisonniers musulmans de Kaonik
23 se trouvaient près de votre maison. Est-ce qu'elles étaient face à de
24 nouvelles tranchées qui ont été creusées par les Musulmans à proximité de
25 votre maison ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Monsieur, on ne peut pas voir
2 ces gens-là, qui sont à trois ou quatre kilomètres ; je vous ai dit que
3 c'était la forêt, les pâturages. Je pouvais voir à 100 mètres, pas plus,
4 c'était à proximité, c’était les collines, c’est la forêt, c'est masqué,
5 on ne voit pas les endroits où ils ont creusé les tranchées.
6 M. Niemann (interprétation). - Un instant... Je ne vous pose pas
7 une question à propos de tranchées creusées en octobre 1992 ; nous
8 avançons dans le temps, nous parlons des tranchées creusées en 1993 et
9 vous avez dit qu’il y avait des prisonniers musulmans, des Croates
10 volontaires bénévoles qui creusaient ces tranchées et vous dites
11 maintenant qu'elles se trouvaient, celles-là, près de votre maison.
12 Est-ce que vous dites aussi qu’à ce moment-là, les forces
13 musulmanes étaient descendues et s'étaient rapprochées de votre maison ?
14 M. Blazevic (interprétation). - A cette époque-là, on n'avait
15 pas encore effectivement déplacé cette ligne de front. Mais par rapport à
16 ma maison, par rapport aux maisons musulmanes, on ne pouvait pas voir
17 l'endroit exact où on creusait les tranchées. C’était la nuit qu’on
18 creusait la tranchée. Bien évidemment, pendant la journée on pouvait
19 également entendre les conversations, on pouvait voir également le feu
20 qu'on mettait, etc.
21 Je ne sais pas à quoi vous pensez exactement.
22 M. Niemann (interprétation). – Nous rencontrons quelques
23 difficultés de communication, j'en conviens. Mais dites-moi, ces tranchées
24 creusées à proximité de votre maison devaient normalement faire face à
25 l’armée de Bosnie-Herzégovine ? Sinon, elles étaient simplement creusées
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1 là sans raison militaire. Elles devaient faire face à quelque chose,
2 s'opposer à quelque chose ?
3 M. Blazevic (interprétation). - Oui.
4 M. Niemann (interprétation). – Et dites-moi, où se trouvait
5 l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Où était-elle située par rapport aux
6 tranchées creusées à proximité de votre maison ?
7 M. Blazevic (interprétation). - Mais il y avait d'abord nos
8 tranchées. Et ensuite, à 100 mètres, peut-être 200 mètres, il y avait des
9 tranchées des Musulmans alors que, devant chez moi, il y avait un espace
10 dégagé, et c’est 70 mètres à vol d'oiseau. Par conséquent on pouvait même
11 discuter, si on parlait un peu plus fort.
12 M. Niemann (interprétation). – Lorsqu’ils ont creusé des
13 tranchées à proximité de votre maison, ils le faisaient pratiquement sur
14 la ligne de front ?
15 M. Blazevic (interprétation). - C'est vrai.
16 M. Niemann (interprétation). – Par conséquent les tranchées
17 creusées dans les collines, en octobre 92, n'étaient pas utilisées à ce
18 moment-là, dans le cadre d’une attaque dirigée contre votre propriété ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Une fois de plus, je me dois de
20 vous expliquer un certain nombre de choses. Il y avait des tranchées, et
21 cela dépendait également de la configuration du terrain. Là, il y avait
22 des Musulmans, comme je l’ai dit, vers les collines.
23 Ensuite, il y avait également des lignes des Musulmans du côté
24 des maisons musulmanes, là où ils pouvaient creuser les tranchées. Comme
25 les Musulmans ont creusé les tranchées, notre armée s'est rapprochée le
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1 plus possible, et c'est la raison pour laquelle ils ont creusé, nous on a
2 creusé les tranchées à proximité de leur propre ligne.
3 M. Niemann (interprétation). – Ne pensez pas que ceci ne soit
4 pas logique. Je me contente de poser une question, et j'essaie d'établir
5 le rapport qu’il y a entre les tranchées creusées en octobre 92 et celles
6 qui ont été creusées en 93.
7 Je ne pense pas que ceci ne correspond pas. Je vous demande,
8 effectivement, comment tout ceci s'est établi ?
9 M. Blazevic (interprétation). - Les tranchées qu'ils avaient
10 creusées en 1992, cela a été prouvé par la suite, ont été creusées pour
11 placer là-bas l’artillerie lourde. Ils pouvaient couvrir à ce moment-là
12 toute la vallée, alors que l'infanterie était devant et, selon la
13 configuration du terrain, ils se déployaient. Et c’est là où ils avaient
14 creusé d'autres tranchées, il y avait plusieurs lignes, ils se déplaçaient
15 un petit peu en avant, un petit peu en arrière, et donc ils ont
16 effectivement planifié tout ceci.
17 Par conséquent, les tranchées qui ont été creusées en 92 ont
18 servi pour l'artillerie lourde ; c’était les canons, les PAM, enfin je ne
19 sais pas ce qu'ils avaient en plus.
20 M. Niemann (interprétation). – Et avez-vous eu l'occasion de
21 voir des tirs d'artillerie ou d'autres tirs provenant des tranchées qui
22 avaient été creusées en octobre 92 ? En auriez-vous été le témoin
23 oculaire ?
24 M. Blazevic (interprétation). – Oui. A ce moment-là on tirait,
25 on tirait à plusieurs fois, il y avait l'artillerie. Et en face également,
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1 par rapport à ma propriété, ils avaient des artilleries, ils avaient des
2 chars et ils nous tiraient dessus. Car ma maison a été touchée à plusieurs
3 reprises, et il y avait des traces, des impacts qui sont visibles.
4 M. Niemann (interprétation). - Parlons des chars. Mais je
5 suppose que ces chars ne se trouvaient pas dans des tranchées ? Je suppose
6 qu'ils avaient été amenés sur le terrain ?
7 M. Blazevic (interprétation). - Le char se trouvait à un autre
8 endroit protégé. Moi, je n'y étais pas. Ensuite, il y avait d'autres
9 également ; canons.. je ne peux pas vous dire exactement. Mais ils les ont
10 protégés, je ne sais pas comment, ils les ont masqués. Mais de toute
11 façon, ils ont pu tirer. Je ne peux pas peu pas me souvenir de tous les
12 détails.
13 M. Niemann (interprétation). – Vous savez qu’il y avait des
14 coups de feux qui partaient de quelque chose qui se trouvait à une
15 certaine distance dans l’aile. Vous ne savez pas exactement ce que
16 c'était ?
17 M. Blazevic (interprétation). – Je ne sais pas exactement, mais
18 je suis sûr que c'était l'artillerie lourde. C’était des armes lourdes car
19 on avait pilonné notre village et ma maison également était touchée. Les
20 obus ont traversé la maison carrément donc, c'est une arme lourde.
21 M. Niemann (interprétation). – Vous avez été emmené au milieu de
22 la nuit à la prison de Kaonik. Dans quelle partie de la prison vous a-t-on
23 placé ? Dans un grand hangar ou dans une cellule ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Moi, j'étais dans une cellule.
25 C'est la caserne de la JNA. C'est la première fois que je m'y suis rendu,
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1 d'ailleurs. Il y a une clôture de fils ensuite, il y avait une dépendance
2 où se trouvait la police militaire. Ensuite, moi j'étais dans une cellule
3 qui était un autre bâtiment, et j'étais dans une cellule, effectivement.
4 M. Niemann (interprétation). – Vous souvenez-vous du numéro de
5 la cellule dans laquelle vous vous trouviez ?
6 M. Blazevic (interprétation). - Je ne me rappelle pas, je ne
7 sais pas.
8 M. Niemann (interprétation). – Connaissiez-vous d'autres
9 prisonniers qui se trouvaient dans le HVO, et qui auraient été emprisonnés
10 dans ces cellules à l’époque ?
11 M. Blazevic (interprétation). - Oui, j’en connaissais des
12 voisins. Pourquoi ? A cause de quoi ? J’en sais rien. Quelle erreur ils
13 avaient faites ? Cela, je ne sais pas. Moi, je n'avais jamais la
14 possibilité de les rencontrer, de parler avec eux.
15 Avec moi il y avait mon voisin et, ensemble, on nous emmenait
16 creuser les tranchées, on rentrait ensemble. J'y ai passé cinq jours,
17 après ils m'ont relâché et c’est tout ce que je sais. Le reste je ne sais
18 pas.
19 M. Niemann (interprétation). – Mais c'est le voisin qui a été
20 emmené en prison avec vous. Moi, je parle d'autres personnes de la région
21 qui se seraient trouvées à la prison au moment de votre arrivée ?
22 M. Blazevic (interprétation). - Ils étaient dans d’autres
23 cellules. Moi, j'étais avec mon voisin dans une seule, dans la même
24 cellule. Mais les autres avec eux, je ne me suis jamais retrouvé ensemble
25 dans la même cellule.
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1 M. Niemann (interprétation). – Avez-vous entendu parler d'un
2 prisonnier dénommé Miroslav Bralo, surnommé Cicko ?
3 M. Blazevic (interprétation). – Non, non, j'en ai pas entendu
4 parler. Jamais entendu parler de lui.
5 M. Niemann (interprétation). – Est-ce que vous nous dites que
6 vous n'aviez aucune idée de l'identité des personnes retenues dans les
7 autres cellules ?
8 M. Blazevic (interprétation). - Il y avait des gens... Moi, je
9 ne sais pas exactement combien il y en avait : il y avait des Croates, des
10 Serbes et des Musulmans. Ils y étaient tous. Pourquoi ? En raison de
11 quoi ? Cela, vraiment, je ne sais pas, je ne peux pas dire ce que je ne
12 sais pas.
13 M. Niemann (interprétation). - D'accord. Vous nous dites que,
14 hormis les Musulmans, il y avait des Serbes et des Croates. Combien de
15 Serbes y avait-il et les connaissiez-vous de nom ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Je connaissais quelques Serbes.
17 Il y avait deux frères, pour autant que je me souvienne. Ils sont
18 retournés ensuite dans leur unité du HVO : Miroslav Bilic et Miro Bilic.
19 Ils étaient serbes. L'un des deux était même un commandant du 2e Bataillon
20 et ils ont aujourd'hui un commerce à Busovaca. Ils sont toujours là.
21 M. Niemann (interprétation). - Hormis les frères Bilic, vous
22 avez dit que c'étaient des Serbes, qui se trouvait... Y avait-il d'autres
23 Serbes dans la prison ?
24 M. Blazevic (interprétation). - Je ne me rappelle pas. Il y a
25 toujours des Serbes qui sont restés là-bas mais, combien ils étaient, je
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1 ne me rappelle pas exactement. C'était la nuit, on rentrait la nuit, on
2 partait la journée, je ne voyais pas grand-chose, je ne sais pas.
3 M. Niemann (interprétation). - Je vous parle des prisonniers se
4 trouvant dans les cellules où se trouvait la vôtre. Et dans cette partie
5 de la prison où vous vous trouviez, est-ce qu'il y avait des Serbes, deux
6 Musulmans et des Croates ? C'est bien là-dessus que porte ma question.
7 M. Blazevic (interprétation). - Oui, oui, c'est exact. Là où
8 j'étais, il y avait des cellules les unes à côté des autres et il y avait
9 des Musulmans, des Serbes et des Croates. Ils était tous ensemble et ils
10 allaient creuser les tranchées ensemble.
11 M. Niemann (interprétation). - D'accord. Mais, hormis les
12 frères Bilic qui se trouvaient donc dans la cellule avec vous, qui étaient
13 des Serbes, vous ne vous souvenez pas d'autres Serbes ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Je ne peux pas, je n'arrive
15 vraiment pas. Non, non, vraiment, je ne peux pas me rappeler.
16 M. Niemann (interprétation). - Bon. Il y avait avec vous votre
17 voisin, croate lui aussi, je suppose. Y avait-il d'autres Croates dans ces
18 cellules ? Qui étaient-ils ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Pour vous dire, je ne pourrais
20 pas vous dire leur nom exact mais il y en avait. Combien ils étaient et
21 pourquoi, je ne sais pas. Mais il y en avait. Est-ce qu'ils étaient là
22 pour vol, est-ce qu'ils étaient là pour autre chose, je ne sais pas. Je ne
23 sais pas, mais il y en avait.
24 M. Niemann (interprétation). - Mais comment savez-vous que
25 c'étaient des Croates ?
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1 M. Blazevic (interprétation). - Je sais... Enfin, c'étaient mes
2 voisins.
3 M. Niemann (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas de leur
4 nom ?
5 M. Blazevic (interprétation). - Non, ça, ça ne m'a pas marqué la
6 mémoire.
7 M. Niemann (interprétation). - Mais en fait, la réalité c'est
8 que la plupart des prisonniers étaient des Musulmans. La majorité des
9 prisonniers dans ces cellules, c'étaient des Musulmans.
10 M. Blazevic (interprétation). - Je n'ai pas remarqué. Quand on
11 allait creuser les tranchées, ils étaient deux ou trois mais, moi, je ne
12 sais pas. Je n'ai pas vu.
13 M. Niemann (interprétation). - Parlons d'autres bâtiments dans
14 la prison. A part la partie où vos cellules se trouvaient, est-ce que vous
15 avez vu d'autres prisonniers musulmans détenus dans d'autres bâtiments de
16 la prison de Kaonik ?
17 M. Blazevic (interprétation). - Je n'ai pas vu, je ne sais même
18 pas que ça existe parce que j'étais là pour la première fois, donc je ne
19 sais rien, absolument, je ne sais pas.
20 M. Niemann (interprétation). - On appelait les prisonniers pour
21 qu'ils aillent creuser des tranchées à partir d'une liste. Qui avait
22 constitué cette liste, qui l'avait rédigée ?
23 M. Blazevic (interprétation). - Je n'ai pas la moindre idée.
24 Tout ce que je sais, c'est que la police militaire qui était présente dans
25 le couloir, c'étaient les policiers militaires qui lisaient les noms sur
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1 la liste. Mais qui a élaboré la liste ? Cela, vraiment, je ne peux pas le
2 dire parce que je n'en ai pas la moindre idée, je ne sais pas.
3 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous entendu dire, plutôt
4 que de le voir vous-même, mais est-ce que quelqu'un vous a parlé de
5 prisonniers qui auraient été tabassés, qui auraient subi de mauvais
6 traitements à Kaonik ? Est-ce que vous saviez que de telles choses se
7 produisaient à cet endroit ?
8 M. Blazevic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne sais pas,
9 vraiment je ne sais pas.
10 M. Niemann (interprétation). - Mais vous avez dit dans le cadre
11 de votre déposition que jamais vous n'aviez vu de prisonniers qui auraient
12 subi de mauvais traitements ?
13 M. Blazevic (interprétation). - Non, je n'ai jamais vu ça,
14 vraiment je ne sais pas. Pendant mon séjour en tout cas, personne n'a
15 été... et moi non plus je n'ai pas été touché.
16 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que votre cellule était
17 verrouillée ou est-ce qu'elle était ouverte ? Est-ce qu'il y avait un
18 verrou à votre cellule ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Oui, oui, elle était verrouillée
20 sévèrement. C'était un policier militaire qui fermait à clef. Quand on
21 voulait aller aux toilettes ou quelque chose, on frappait ; il venait, il
22 ouvrait, il m'accompagnait jusqu'aux toilettes, je faisais ce que j'avais
23 à faire et il me ramenait ; il m'enfermait de nouveau dans la cellule,
24 évidemment.
25 M. Niemann (interprétation). - Mais il aurait été possible que
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1 des personnes subissent de mauvais traitements mais que vous, vous ne
2 l'ayez pas entendu ni vu puisque votre porte était fermée à clef ou
3 verrouillée ?
4 M. Blazevic (interprétation). - C'est exact que j'étais derrière
5 une porte fermée à clef. Donc je n'entendais pas et je ne voyais pas. Est-
6 ce que quelqu'un était frappé ? Je ne sais pas. Moi, en tout cas, personne
7 ne m'a touché, ça, y a rien à dire.
8 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire le lit
9 sur lequel vous dormiez ? De quelle sorte de lit s'agissait-il ?
10 M. Blazevic (interprétation). - C'étaient des planches,
11 uniquement des planches un peu surélevées. On avait des journaux et il
12 faisait même assez froid.
13 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous aviez un
14 matelas ?
15 M. Blazevic (interprétation). - Une planche, une planche, il n'y
16 a rien.
17 M. Niemann (interprétation). - Des couvertures ?
18 M. Blazevic (interprétation). - Rien, nous n'avions rien, nous
19 avions quelques feuilles de journaux.
20 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que cette cellule était
21 chauffée ?
22 M. Blazevic (interprétation). - Il n'y a rien, je vous dis. Eh,
23 l'ami, je vous dis, rien ! C'était affreux, pendant la journée il faisait
24 un froid de canard.
25 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'il y avait de l'eau
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1 dans la cellule ?
2 M. Blazevic (interprétation). - Non.
3 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez pu voir une
4 douche chaude ou un bain ?
5 M. Blazevic (interprétation). - Non, rien ! Quatre murs, un lit
6 un peu surélevé, une planche et puis c’est tout, il n’y avait même pas de
7 lumière, on voyait un petit peu la lumière qui venait par la toute petite
8 fenêtre dans le mur, on pouvait un petit peu lire le journal, mais il n'y
9 avait pas de lumière dans la cellule.
10 M. Niemann (interprétation). - Lorsqu’on vous emmenait creuser
11 des tranchées, est-ce que vous étiez sous la surveillance de gardes ?
12 M. Blazevic (interprétation). - Oui, ils nous gardaient. Les
13 soldats qui tenaient la ligne nous surveillaient, ils nous disaient qu'il
14 fallait qu'on creuse, qu'évidemment on n'avait pas le droit de s’enfuir,
15 que si on essayait de s’enfuir, ils allaient nous tirer dessus et c’est
16 eux qui surveillaient, qui nous regardaient, mais il n'y avait rien
17 d'autre, c'était les soldats, les soldats du front qui nous gardaient, qui
18 nous surveillaient.
19 M. Niemann (interprétation). - Et est-ce que c’était vraiment un
20 travail dur ?
21 M. Blazevic (interprétation). - Eh bien, pour vous dire, c'est
22 difficile, c'est difficile... oui ; il y avait de la pierre, il y avait de
23 tout, mais il fallait le faire. Qu’est-ce que vous voulez ? On recevait
24 une petite boîte de conserve et c’est tout, c'était pas facile, il y avait
25 la boue, l’eau, la pluie, mais personne ne te demande ce que tu veux.
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1 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'il faisait froid ?
2 M. Blazevic (interprétation). - Un peu, oui.
3 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous aviez des
4 vêtements chauds ?
5 M. Blazevic (interprétation). - On emportait ce qu’on avait sur
6 soi à l'arrivée, on n'a rien reçu sur place.
7 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'on vous a donné
8 suffisamment de pauses, de moments au cours desquels vous pouviez vous
9 reposer ?
10 M. Blazevic (interprétation). - Il y avait une pause café, cinq
11 minutes, dix minutes... quinze minutes. On parlait un petit peu les uns
12 avec les autres mais, la plupart du temps, on creusait.
13 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que c'était dangereux ?
14 M. Blazevic (interprétation). - Très dangereux, très dangereux.
15 M. Niemann (interprétation). - Pourquoi était-ce dangereux ?
16 M. Blazevic (interprétation). - Parce qu'on n'avait pas le droit
17 de parler les uns avec les autres, il fallait qu'on fasse très attention,
18 en enfonçant les pioches, de ne pas faire du bruit parce que les lignes
19 d'en face étaient tout près et on entendait des rafales. Je sais... je ne
20 l’ai pas vu, mais je sais qu'il arrivait qu'un homme ou l'autre se fasse
21 tuer.
22 Ce n'est pas arrivé pendant mon séjour, moi je suis resté vivant
23 et les autres aussi.
24 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous entendu des hommes qui
25 avaient été emmenés creuser des tranchées vous dire ou raconter qu'ils
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1 avaient été tabassés, qu’ils avaient subi de mauvais traitements ?
2 M. Blazevic (interprétation). - Je n'ai pas entendu dire qu'ils
3 s'étaient fait tabasser, mais j’ai entendu dire que -enfin c’est ce qu’on
4 m’a dit- un Musulman est mort. Il était de la partie adverse. J’ai
5 l’impression qu’il s’appelait Mustafa Ibralic, surnommé "Cakara". C’était
6 un voisin, je le connaissais, j’ai entendu dire qu’il était mort sur la
7 ligne de front. Apparemment, c’est de la partie adverse qu'une balle est
8 arrivée et l’a touché.
9 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que j'ai bien compris ce
10 que vous avez dit dans votre déposition, à savoir que, cinq jours, c'était
11 trop ? Cinq jours à Kaonik, c’était trop pour vous ? Qu’est-ce que vous
12 entendiez par là ? Est-ce que les conditions étaient insupportables
13 puisque vous n’aviez pas vraiment de lit, de possibilité de vous laver,
14 qu’on vous exposait au danger, que c’était un dur labeur de creuser les
15 tranchées, où vous risquiez de perdre la vie ?
16 Est-ce que tout ceci combiné vous a poussé à croire que c'était
17 bien trop pour une petite erreur que vous auriez pu avoir commise ?
18 M. Blazevic (interprétation). - Ecoutez, moi, ce qui m'a fait le
19 plus de mal, c'est de voir que c'était les miens, les miens qui m'ont mis
20 en prison, ceux que j'aime.
21 Parce que si c'étaient les Musulmans, les membres de l'armée de
22 Bosnie-Herzégovine qui m’avaient mis en prison, ça ne m'aurait rien fait
23 du tout. On se bat, on s’enferme, on se met en prison, on n'en a rien à
24 faire, mais que les miens me mettent en prison...
25 Et je creusais comme un cheval, j'avais froid, j'avais
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1 terriblement froid aux genoux. Je n'avais pas de protection, donc j’ai dit
2 tout ça, j’ai dit tout ça à mon commandant, mais il fallait que ça se
3 passe. J'ai supporté, qu’est-ce que je pouvais faire ? C'est comme ça,
4 c'est la vie. C’est incroyable, mais c'est la vérité. J'ai supporté tout
5 ça.
6 Avant la guerre, vous savez, j’avais les cheveux noirs comme mon
7 costume et aujourd'hui, j’ai les cheveux tout blancs ; je ne suis pas très
8 vieux, mais j'ai beaucoup supporté.
9 Dans la guerre, vous savez, on supporte toutes sortes de choses
10 et c'est encore bien que je sois normal parce que ce que j'ai vécu, il n'y
11 a pas un film qui pourrait le dire. Mais l'homme supporte plus que le
12 cheval, c’est ça que j'ai vécu.
13 M. Niemann (interprétation). - Un moment de patience, s'il vous
14 plaît, je suis en train de regarder si j'ai d'autres questions à vous
15 poser...
16 Je vous remercie, Monsieur le Président, je n'ai plus de
17 questions à poser au témoin. Merci, Monsieur.
18 M. Blazevic (interprétation). - Merci.
19 M. le Président. - Maître Mikulicic, avez-vous des questions
20 supplémentaires ?
21 M. Mikulicic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,
22 peut-être deux ou trois questions, pas plus, pour éclaircissements.
23 Monsieur Blazevic, vous avez répondu aux questions du Procureur
24 en disant que vous n'aviez vu personne se faire frapper ou maltraiter
25 physiquement dans la prison de Kaonik et sur la ligne de front. C’est bien
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1 ce que vous avez dit ?
2 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'est exact, je n’ai vu
3 personne.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Et quand vous faisiez partie
5 d'un groupe de travail où se trouvaient d'autres prisonniers, est-ce que
6 vous n’avez jamais vu que l’un ou l’autre de ces prisonniers portait une
7 blessure, qu’il avait une marque, un bleu sur le visage ou une cicatrice ?
8 M. Blazevic (interprétation). - Moi, ça, je ne l'ai pas vu.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur Blazevic, vous avez
10 dit que, dans la cellule où vous étiez, il n’y avait pas de chauffage.
11 Est-ce que, dans ce bâtiment, vous avez remarqué un fourneau, par exemple,
12 dans un couloir ?
13 M. Blazevic (interprétation). - Non, moi je n'ai rien vu de
14 cela. Ce que je sais, c’est que moi j’ai eu froid et que j'étais gelé là-
15 bas.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Je vais vous poser encore une
17 dernière question parce que j'ai l’impression que ce que vous avez dit ne
18 figure pas tout à fait fidèlement dans le compte rendu.
19 Quand vous creusiez sur les lignes de front, est-ce que vous
20 receviez de la nourriture ? Et si oui, quoi ?
21 M. Blazevic (interprétation). - C’était, de temps en temps, une
22 boîte de conserve avec du poisson, un morceau de pain, une tranche très
23 fine. Dans la guerre, il n’y a pas grand-chose. Enfin, c'était comme ça,
24 c’était comme ça, on avait plutôt faim. Ce qui est, est, il faut le dire.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie. Je n'ai pas
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1 d'autres questions, Monsieur le Président.
2 M. Nieto Navia (interprétation). - Une seule question,
3 Monsieur Blazevic.
4 A l’époque, avez-vous jamais eu l'occasion de voir des soldats
5 en uniforme portant l’insigne du HV sur cet uniforme ? Je parle de
6 l'insigne de l’armée de Croatie, du HV.
7 M. Blazevic (interprétation). - Non, non, non, ça je n’ai pas
8 vu. C’était le HVO, moi j’étais avec le HVO, il n’y avait pas d’autre
9 armée. Moi je ne l'ai pas vu.
10 M. le Président. - Monsieur Blazevic, maintenant vous vous
11 sentez plus calme ?
12 M. Blazevic (interprétation). - Maintenant je me sens un peu
13 mieux, mais je vous assure, c'est pas facile.
14 M. le Président. - Oui, c'est vrai. Donc, j’ai quelques
15 questions à vous poser aussi, Monsieur Blazevic.
16 Vous avez dit que, vous-même et un autre collègue, vous avez été
17 dans la même cellule. Y avait-il d’autres personnes dans la cellule, dans
18 cette cellule ? Ou êtiez-vous seul ?
19 M. Blazevic (interprétation). - Il n'y avait que nous deux, moi
20 et mon voisin, dans la cellule. On était seulement deux dans la cellule.
21 M. le Président. – Oui. Avez-vous fait connaissance d'autres
22 personnes qui étaient à Kaonik ?
23 M. Blazevic (interprétation). - Non, je ne pouvais pas parce que
24 je n'en n'avais pas la possibilité. On était dans les cellules le jour, la
25 nuit on allait creuser, on nous ramenait tout de suite dans la cellule,
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1 donc je n'avais pas le temps, je n’avais pas la possibilité.
2 M. le Président. - Vous avez dit que vous aviez entendu dire à
3 d'autres prisonniers que M. Aleksovski était le directeur. J'ai bien
4 compris ?
5 M. Blazevic (interprétation). - C’est ce que m'a dit mon voisin,
6 Miljenko Perkovic. Il m'a dit : "Ca, c’est le chef de la prison". Moi, à
7 l'époque, je ne le connaissais pas. A l’intérieur de la prison, je ne
8 l'avais jamais vu et puis il n’est pas un habitant de Busovaca, mais je
9 l'ai simplement vu un tout-petit peu et c'est tout.
10 M. le Président. - Quand vous avez dit que vous avez entendu
11 dire à d’autres prisonniers, vous l’avez entendu dire à votre collègue ?
12 M. Blazevic (interprétation). - Oui, c'est lui qui l’a dit.
13 Quand on allait creuser des tranchées, celui qui était dehors, qui
14 appelait les noms, nous a dit : "C'est lui le chef de la prison" et puis
15 c’est tout. Nous ne savions rien d'autre.
16 M. le Président. - C’est bien. Donc, je crois que la Chambre n’a
17 pas d'autres questions à vous poser. J’espère que vous allez retourner à
18 votre pays. Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici,
19 Monsieur Blazevic.
20 M. Blazevic (interprétation). - Merci à vous tous encore une
21 fois. Merci.
22 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
23 M. le Président. - Maître Mikulicic, c’est à vous maintenant.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le Président, la
25 défense n'a prévu, dans cette partie de nos débats, uniquement M. Blasevic
Page 3672
1 en qualité de témoin. La défense pensait que nous allions discuter de
2 notre requête de présentation d'éléments de preuve provenant de
3 l'affaire Blaskic, à ce stade de la journée. C’est la raison pour
4 laquelle, pour aujourd’hui, nous n’avons cité que ce témoin.
5 Pour la journée de demain, en revanche, nous avons prévu
6 d’entendre un certain nombre de témoins de moralité qui parleront de la
7 personnalité de l'accusé.
8 Pour autant que la Chambre de première instance en soit
9 d'accord, la défense proposerait que l’on examine et que l’on apporte une
10 réponse à la requête de la défense relative aux éléments de preuve, à la
11 présentation des éléments de preuve.
12 M. le Président. - Donc, il y a une proposition de Me Mikulicic
13 pour discuter les éléments de preuve dans le versement au dossier. J’ai
14 bien compris ?
15 M. Mikulicic (interprétation). - Oui.
16 M. le Président. - De toute façon, je crois que la Chambre a
17 déjà rendu une décision, quoique oralement, mais la question est déjà
18 décidée.
19 Cependant, j’aimerais bien entendre Maître Niemann. Avez-vous
20 quelque chose à dire ? Dans le sens de la décision de la Chambre, vous
21 avez demandé seulement le versement des documents. C'était quelque chose
22 que je n’ai pas fait, mais j’allais demander au Greffier de donner une
23 cote unique à tous ces éléments. Donc, il s'agit de trois éléments je
24 crois. Il s’agit des déclarations de l'amiral Domazet, il s’agit des
25 documents qu'il a utilisés dans son témoignage et il s'agit de la vidéo
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13 page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française
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1 qu'il a aussi présentée. Donc, il s'agit vraiment dans la même cote, dans
2 la cote unique, de trois éléments.
3 Donc la Chambre a décidé oralement et elle était prête à
4 demander au Greffier de donner la cote unique. Après, nous allons rendre
5 une décision écrite où vous pouvez voir tous les fondements que la Chambre
6 a pris.
7 Mais, de toute façon, vous avez fait une proposition concrète,
8 j'aimerais bien, si vous voulez, entendre Me Niemann à propos de cela.
9 Avez-vous quelque chose à dire, Maître Niemann ?
10 M. Niemann (interprétation). - Oui, j'aurais beaucoup de choses
11 à dire, Monsieur le Président mais, puisque vous avez déjà pris une
12 décision...
13 M. le Président. - C'est seulement quant à la proposition de
14 Me Mikulicic, parce que, quant au fond de la question, de la requête, on a
15 déjà décidé vraiment. Si vous voulez dire quelque chose, vous pouvez dire
16 un appel.
17 M. Niemann (interprétation). - Non, rien à dire devant cette
18 décision, vous avez tranché, Messieurs les Juges, et j'en suis satisfait.
19 Nous passons à autre chose.
20 M. le Président. – Maître Mikulicic, vous voulez dire quelque
21 chose ?
22 M. Mikulicic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, si
23 vous me le permettez, j'ai proposé que ce versement de la déposition de
24 l'amiral qui a témoigné dans l'affaire Blaskic, à savoir l’amiral Domazet,
25 et donc le versement de son témoignage au dossier de notre affaire fasse
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1 l’objet d’une décision. Et cette décision a déjà été rendue.
2 Mais je ne sais pas, pour la Chambre de première instance, je ne
3 sais pas quel est son sentiment à cet égard. La défense aimerait dire une
4 chose, à savoir qu’il conviendrait tout de même de regarder la cassette
5 vidéo de cette déposition dans la présente Chambre de première instance,
6 afin que chacun d'entre nous, ici, puisse connaître exactement le détail
7 de cette déposition. C'était en fait le fond de ma requête et j’aimerais
8 connaître, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, votre sentiment et
9 votre avis à ce sujet ?
10 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?
11 M. Niemann (interprétation). - Permettez-moi d'intervenir sur ce
12 point précis, Monsieur le Président. Je ne vois pas l’utilité de cette
13 diffusion. Pourquoi voir ici, prendre connaissance de cette cassette ou en
14 lire la transcription ? J’avais cru comprendre qu'il y avait une demande
15 aux fins de faire recevoir ces pièces. Mais il y a d’autres pièces à
16 conviction dont vous disposez et je crois qu’il n'y a vraiment aucune
17 nécessité de voir la diffusion de ceci. Vous allez bien sûr examiner la
18 totalité de ces pièces au moment du jugement. Nous nous opposons à ce
19 qu'il y ait lecture ou diffusion de cette cassette. Je crois que vous avez
20 déjà pris une décision. Voilà où nous en sommes.
21 M. le Président (interprétation). - Pour aller plus
22 concrètement, je vais demander à M. Marc Dubuisson de nous dire quelle va
23 être la cote unique pour tous ces documents ?
24 M. Dubuisson (interprétation). - Monsieur le Président, la cote
25 unique sera D35.
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1 M. le Président (interprétation). - Pour répondre directement
2 aux questions posées par Me Mikulicic, le sens de notre décision c'est de
3 verser au dossier un document public. Avec cette cote unique, donc le
4 document D35, les parties et la Chambre peuvent, quand elles le veulent,
5 lire les déclarations, revoir la vidéo et examiner tous les documents.
6 Donc le sens de la décision était de ne pas faire une présentation ici
7 parce que les documents sont publics et que le Tribunal, dans son
8 ensemble, connaît ces documents. Pour faciliter cela, on sait déjà qu'il
9 s'agit des documents D35, soit la défense soit le Procureur peuvent
10 demander au Greffier d’avoir une copie de tous ces documents et à voir la
11 vidéo.
12 Donc il n'était pas prévu de vraiment examiner, de lire les
13 déclarations ici, voir la vidéo, examiner les documents. On avait vraiment
14 besoin, au moins, d'un jour. Comme nous travaillons par demi-jour, on
15 aurait besoin au moins de deux jours. C'était le sens de la décision.
16 Comme il s'agit de documents publics, vous avez tout l’accès et toutes les
17 personnes qui ont intérêt aux documents peuvent y accéder.
18 C’était une autre chose, tout à fait différente. Si on devait
19 avoir la présence personnellle de l’amiral Domazet, les choses auraient
20 été tout à fait différentes. Mais la base de la décision et l'objet de la
21 requête ont été versées au dossier Aleksovski, les déclarations, le
22 témoignage dans son ensemble produit par l'amiral Domazet dans l’affaire
23 Blaskic. Donc les documents ont été versés et les documents sont
24 disponibles, on n'a pas besoin de répéter tout ça ici.
25 De toute façon je crois que, peut-être du point de vue des
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1 intérêts de la Chambre, nous avons une autre question à traiter et
2 j'aimerais profiter de cette occasion pour vous inviter à une petite
3 conférence de mise en état à huis clos. Je vais même demander à la cabine
4 technique de passer à huis clos pour discuter dans la conférence de mise
5 en état de cette petite affaire. Peut-on passer à huis clos ?
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