Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14/1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

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5 Mercredi 02 décembre 1998

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7 La séance est ouverte à 10 heures 05.

8 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

9 M. Abtahi. - L'audience du Tribunal Pénal International pour

10 l'ex-Yougoslavie est ouverte.

11 M. le Président. - Bonjour, mesdames, messieurs. Nous sommes ici

12 pour traiter une question qui tient à voir avec l'affaire, Monsieur le

13 Greffier, numéro ?

14 M. Abtahi. - C'est l'affaire IT-95-14/1-T, le Procureur contre

15 Zlatko Aleksovski.

16 M. le Président. - Merci, le bureau du Procureur peut se

17 présenter. Maître Niemann ?

18 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges, je

19 m'appelle Grant Niemann, je comparais avec mes collègues, Me Meddeggoda et

20 Mlle Erasmus qui est notre substitut d'audience pour le bureau du

21 Procureur.

22 M. le Président. - Merci beaucoup. Maître Mikulicic pour la

23 défense.

24 M. Mikulicic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

25 je m'appelle Goran Mikulicic, je représente M. Zlatko Aleksovski en tant

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1 que conseil de la défense.

2 M. le Président. - Nous avons ici aussi un représentant de

3 l'ambassade de Croatie, vous pouvez vous présenter ? Le micro n'est pas

4 branché.

5 M. Miljenic (interprétation). - Bonjour, je m'appelle Orsat

6 Miljenic, je suis premier secrétaire à l'ambassade croate de La Haye et je

7 suis ici comme vous me l'avez demandé, Monsieur le Président.

8 M. le Président. - Merci beaucoup d'être venu.

9 La Chambre a voulu faire cette audience parce qu'elle a été

10 saisie une fois d'une requête pour la liberté provisoire de M. Aleksovski.

11 Elle a été saisie une deuxième fois et la Chambre a estimé qu'il faudrait

12 discuter publiquement cette question.

13 Je crois que la meilleure façon de le faire, c'est de donner la

14 parole à Me Mikulicic, donc à la défense, après à Me Niemann pour le

15 bureau du Procureur. On peut quand même donner la parole au représentant

16 de la Croatie à propos des garanties ou des possibles coopérations pour

17 cette question.

18 On va donc commencer. Maître Mikulicic, c'est à vous d'avoir la

19 parole.

20 M. Mikulicic (interprétation). - Encore un fois, je vous

21 souhaite une bonne journée, ainsi qu'aux membres de l'accusation.

22 Comme vous le savez déjà, le procès à l'encontre de l'accusé

23 M. Zlatko Aleksovski, qui est mon client, a débuté devant ce Tribunal au

24 mois de janvier 98.

25 M. Aleksovski a été transféré au Tribunal à la fin du mois

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1 d'avril 1997. Avant cela, la République de Croatie, c'est-à-dire le

2 ministère des Affaires Intérieures, conformément à une ordonnance du

3 Tribunal, avait arrêté M. Zlatko Aleksovski sur le territoire de la

4 République de Croatie. A ce moment-là, la République de Croatie a entamé

5 cette procédure de transfert de M. Aleksovski au Tribunal.

6 Permettez-moi juste de vous rappeler un petit peu l'historique

7 du procès précédent, de la procédure précédente. Lors de la création du

8 Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, la République de

9 Croatie a adopté une loi, selon laquelle elle a posé les fondements de sa

10 coopération avec le Tribunal.

11 Il s'agit d'une loi constitutionnelle. Cette loi a une place

12 très importante au sein de notre système législatif. Selon cette loi, la

13 République de Croatie doit coopérer avec le Tribunal Pénal International

14 dans tous les domaines et la République de Croatie doit également réagir

15 selon les ordonnances ou les instructions données par le Tribunal.

16 Je ne sais pas si je dois vous rappeler, Messieurs les Juges,

17 que la loi sur la coopération avec le Tribunal Pénal International avait

18 été adoptée dans d'autres pays étrangers, mais dans peu de pays étrangers.

19 Donc les lois qui ont été adoptées représentent plutôt une

20 exception au sein de la communauté internationale. Par ceci, je voulais

21 souligner le fait que la République de Croatie, dès le premier jour de la

22 création de ce Tribunal, a montré sa bonne volonté pour coopérer avec le

23 Tribunal.

24 M. Zlatko Aleksovski, conformément à la loi constitutionnelle

25 sur la coopération avec le Tribunal Pénal International, avait été arrêté

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1 le 8 juin 1996, à partir de ce jour-là, il est en fait en détention.

2 Cette détention, il l'a servie partiellement en République de

3 Croatie, et, depuis le 28 avril 1997, il est en détention ici à La Haye.

4 Pendant sa détention en République de Croatie, il était sous le régime de

5 cet accord qui existe entre la République de Croatie et le Tribunal Pénal

6 International.

7 La procédure à l'encontre de M. Aleksovski a eu lieu devant la

8 cour de Split, étant donné qu'il était arrêté dans la région de Split. A

9 cause de ses problèmes de santé, M. Aleksovski a été transféré dans un

10 hôpital spécial attaché à la prison qui se trouve à Zagreb. En fait, c'est

11 le seul hôpital de ce genre en République de Croatie étant spécialisé pour

12 des soins médicaux qui doivent être accordés aux détenus ou à ceux qui ont

13 déjà été jugés coupables.

14 Cet hôpital n'est pas une clinique et par conséquent beaucoup

15 d'examens médicaux doivent être menés dans d'autres institutions

16 médicales, et ceci est bien sur fait toujours avec l'escorte des gardes de

17 la prison.

18 A cause des problèmes de santé de M. Aleksovski, le ministre de

19 la Justice de la République de Croatie a reporté le transfert de M. Zlatko

20 Aleksovski, étant donné que, selon la loi de la Croatie, si le détenu

21 souffre de certains problèmes de santé, ces problèmes de santé doivent

22 être réglés en premier lieu.

23 En d’autres mots, la République de Croatie ne voulait pas

24 transférer quelqu'un qui avait de graves problèmes de santé. Cependant,

25 dès que sa situation s'est améliorée, M. Aleksovski a été transféré au

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1 Tribunal Pénal International et, comme je l'ai déjà dit, c'était le

2 28 avril 1997.

3 Je vous ai donné ce petit historique parce que je voulais

4 souligner deux faits très importants. Dès le premier moment, la République

5 de Croatie a montré sa bonne volonté de coopérer avec le Tribunal.

6 Deuxièmement, mon client M. Zlatko Aleksovski est quelqu'un qui

7 souffre de certains problèmes de santé chroniques. Moi, je ne suis pas

8 médecin, je ne suis pas un expert, donc je ne peux pas vous dire grand-

9 chose sur ces problèmes, mais je peux vous soumettre toute la

10 documentation médicale de M. Aleksovski qui date donc de son séjour dans

11 l’hôpital à Zagreb. Je peux également vous soumettre toute la

12 documentation médicale qui nous a été fournie par l'unité de détention,

13 ici à La Haye.

14 A cause de ces problèmes de santé, vous, Messieurs les Juges,

15 vous avez décidé que le procès de M. Aleksovski se déroule uniquement

16 pendant la demi-journée. Je voudrais vous rappeler ici un incident lorsque

17 M. Aleksovski s’est évanoui lors d'une des audiences. Ceci à été dû au

18 fait qu'il ne peut pas rester immobile pendant une période très longue. Il

19 ne peut pas rester assis et concentré très longtemps à cause de sa

20 situation médicale.

21 Notre procédure, c'est-à-dire ce procès, est entrée maintenant

22 dans sa phase finale. Nous avons, l'accusation et la défense, déposé nos

23 mémoires et il ne nous restait qu'à faire nos réquisitoires et nos

24 plaidoiries. Cependant, à cause de certaines circonstances dont vous êtes

25 au courant, nous avons eu une pause dans la procédure. Nous sommes en

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1 train, en fait maintenant, d'attendre une décision de la Chambre d'appel.

2 Dans une telle situation bien sûr, nous ne savons pas exactement à quel

3 moment nous pourrions continuer avec notre procédure.

4 Je voudrais simplement vous rappelez la conférence de mise en

5 état du 17 novembre dernier lorsque vous, Monsieur le Président, en

6 parlant de la suite du procès, vous avez dit que, si on entame cette

7 procédure d'appel, ceci pourrait nous amener au mois d'avril ou au mois de

8 mai de l'année prochaine.

9 Par ceci, la défense veut dire que toute la procédure s'est

10 allongée en dehors des dates que nous avons attendues. Dans une telle

11 situation, conformément à l'article 65 sur la mise en liberté provisoire,

12 la défense a déposé une demande, une requête de la mise en liberté

13 provisoire de M. Aleksovski.

14 A notre avis, notre requête peut être fondée sur ce qui est

15 stipulé dans l'article 65. Nous avons également pris en considération

16 d'autres décisions prises par d'autres Chambres du Tribunal. Permettez-

17 moi, Messieurs les Juges, de vous rappeler certaines circonstances que

18 nous considérons être importantes lorsqu'on prend en considération notre

19 requête.

20 Étant donnée l'importance des crimes, des poursuites devant ce

21 Tribunal nous comprenons très bien que la détention des accusés est une

22 règle et que la mise en liberté provisoire est plutôt une exception.

23 Cependant, nous estimons que, dans cette affaire, nous pourrions

24 appliquer l'exception dans l'affaire de M. Aleksovski. Prenons en compte

25 l’existence des circonstances exceptionnelles qui sont requises pour

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1 demander une mise en liberté provisoire. La défense estime que ces

2 circonstances exceptionnelles existent dans le cas de l'accusé. L'accusé

3 est en détention déjà depuis plus de deux ans et demi.

4 La défense estime que la durée de détention de l'accusé démontre

5 qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles. En fait la législation

6 européenne, conformément aux actes de la Commission européenne des Droits

7 de l'Homme, considère que la détention devrait être raccourcie quand c'est

8 possible.

9 Je peux vous dire quelle est la position de la législation

10 croate. Selon la législation croate, la détention est prévue bien sûr et

11 en Croatie, la détention sert en fait comme une garantie de comparution de

12 l'accusé lors du procès. La détention n'est pas une mesure de punition,

13 mais elle est plutôt une des mesures données par le tribunal ou par la

14 cour afin d'assurer la comparution de l'accusé lors de son procès. Le but

15 de la détention est de prévenir la commission d'autres actes criminels.

16 Telle est la situation dans le système législatif de la République de

17 Croatie.

18 Ceci veut dire que les mesures de détention sont accordées à

19 l'encontre des accusés qui n'ont pas de domicile fixe, par exemple, et

20 donc il n'est pas certain qu'ils puissent recevoir les ordonnances des

21 tribunaux. Cette mesure est appliquée également à l'encontre de ceux qui

22 ont déjà montré qu'ils avaient des tendances criminelles. Donc ce sont des

23 mesures prises par la communauté, afin de prévenir la commission des actes

24 criminels. Mais même dans ces circonstances, les mesures de détention dans

25 la phase des enquêtes ne doivent pas durer plus de six mois. Si, à la fin

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1 de ces six premiers mois, l'enquête n'est pas encore terminée, l'accusé

2 doit être libéré quelles que soient les autres circonstances. Ceci serait

3 en bref la position du système législatif Croate envers la détention.

4 Dans ce cas particulier, la détention, si l'on compte également

5 donc la détention en Croatie et ici à la Haye, dure déjà depuis plus de

6 deux ans et demi. Ceci est en dehors des délais qui peuvent être

7 considérés comme pertinents pour la période qu'on compte pendant le

8 procès. La situation médicale, c'est-à-dire l'état de santé de

9 M. Aleksovski, est tel que, pour une vie normale de M. Aleksovski, il est

10 essentiel qu'il ait une liberté de mouvements et qu'il puisse tous les

11 jours, et notamment lorsque son état de santé se détériore, être sous le

12 contrôle d'un médecin ou d'un physiothérapeute

13 Par ceci, je voudrais dire que les circonstances de détention de

14 M. Aleksovski qui durent déjà depuis deux ans et demi, ne donnent pas la

15 possibilité pour améliorer son état de santé. Non seulement on ne peut pas

16 améliorer son état de santé, mais on ne peut même pas le maintenir au même

17 niveau. Les Pays-Bas assurent normalement un haut niveau de protection

18 médicale, mais le fait est que la protection, que les soins médicaux au

19 sein de l'unité de détention, ne peuvent pas être accordés dans la mesure

20 où ce serait nécessaire pour M. Aleksovski.

21 C'est pour cette raison que l'état de santé de M. Aleksovski

22 n'est pas très stable. M. Aleksovski a des vertiges, il a des problèmes de

23 coeur, des troubles cardiaques chroniques qui nécessitent en fait des

24 exercices physiques quotidiens. Il a des problèmes de dos, il a des

25 problèmes de concentration, il n'arrive pas non plus à se reposer pendant

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1 la nuit, donc il a des problèmes d'insomnie à cause de ses problèmes de

2 santé. Par conséquent, il doit prendre des calmants et nous savons tous

3 très bien que ces médicaments ne guérissent pas la cause de la maladie.

4 Les années passent et M. Aleksovski devient de plus en plus âgé et par

5 conséquent ses troubles deviennent également de plus en plus sérieux.

6 Cependant, il est de notre avis que si les circonstances étaient

7 différentes, si M. Aleksovski pouvait recevoir des soins médicaux tous les

8 jours, donc la physiothérapie, s'il avait la possibilité de faire des

9 exercices tous les jours, nous sommes d'avis que sa situation se serait

10 améliorée. A notre avis, il s'agit dans ce cas particulier de

11 circonstances exceptionnelles. Il est également de notre avis qu'il n'y a

12 absolument aucun risque à ce qu'une mise en liberté provisoire puisse

13 mettre en danger le travail normal de ce Tribunal. Nous vous assurons,

14 Messieurs les Juges, qu'il n'existe pas de telles circonstances qui

15 pourraient indiquer que M. Aleksovski ne se rendrait pas ici, au sein du

16 Tribunal, quand il recevrait l'invitation du Tribunal.

17 M. Aleksovski est un homme de famille, malheureusement il est

18 séparé déjà depuis une période assez longue de sa famille. Sa famille a

19 son domicile fixe en République de Croatie. Sa mise en liberté provisoire

20 lui permettrait de résider à l'endroit de son domicile fixe où se trouve

21 sa famille.

22 Il accepte également que ses mouvements soient limités, sa

23 liberté de mouvement soit limitée, ceci avec l'application de la

24 législation croate. Selon la législation croate, il existe la possibilité

25 que le ministère des Affaires Intérieures ou le ministère de la Justice

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1 prive temporairement quelqu'un de son passeport.

2 De cette manière, cette personne ne peut pas sortir de son pays.

3 En outre, il y a une deuxième mesure qui est prévue par la loi croate :

4 c'est une surveillance très étroite effectuée par la police 24 heures sur

5 24. Ainsi, la liberté de mouvement de la personne est limitée en dehors de

6 son domicile.

7 En d'autres termes, je voudrais souligner que la législation de

8 la République de Croatie prévoit ce genre de situation et la législation

9 croate peut donner toutes les garanties, conformément aux demandes de ce

10 Tribunal, donc la République de Croatie peut garantir que l'accusé, à

11 n'importe quel moment, réponde à une convocation de ce Tribunal et se

12 présente ici à La Haye.

13 A mon avis, il ne faut pas mettre en doute la volonté de la

14 République de Croatie d'appliquer les mesures qui sont à sa disposition.

15 La bonne volonté de la Croatie a déjà été exprimée à plusieurs reprises,

16 notamment par le simple fait de l'arrestation de M. Aleksovski et par son

17 transfert à La Haye. Je répète encore un fois, conformément à la

18 législation interne de la République de la Croatie.

19 La défense estime que les mesures de garantir la présence de

20 M. Aleksovski ici pendant le procès ne sont pas absolument nécessaires. Il

21 serait suffisant d'appliquer d'autres mesures qui sont à la disposition et

22 ce sont celles que je viens de mentionner, c'est-à-dire une limitation de

23 la liberté de mouvement au sein du domicile de M. Aleksovski, le passeport

24 de M. Aleksovski serait confisqué en fait par des organes compétents et il

25 y aurait également un surveillance par la police 24 heures sur 24.

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1 Le critère suivant également envisagé et nécessaire à la mise en

2 liberté provisoire d'un accusé est en fait une disposition reprise par la

3 législation nationale de notre pays, à savoir que l'accusé ne représente

4 aucune menace soit pour les victimes, soit pour les témoins ou encore pour

5 toute autre personne avec qui il pourrait rentrer en contact.

6 Comme je l'ai dit il y a un instant, il faut simplement empêcher

7 cette possibilité, la possibilité qu'aurait un accusé en liberté de se

8 rendre coupable d'un nouveau crime ou de constituer un menace. Or cela est

9 tout à fait possible dans cette affaire. M. Aleksovski est accusé de

10 certains crimes commis dans la municipalité de Busovaca, dans la

11 République de Bosnie-Herzégovine.

12 Au cours de nos travaux, vous avez eu la possibilité,

13 Messieurs les Juges, d'entendre et de voir des témoins provenant de la

14 région. Vous avez vu que toutes ces personnes vivent toujours sur le

15 territoire de la Bosnie-Herzégovine.

16 Par conséquent, M. Aleksovski est domicilié dans un état

17 différent, il n'y a donc pas pour lui de possibilité d'entrer en contact

18 avec ces personnes, parce que, comme je viens de le dire, ses mouvements,

19 du fait même que son passeport soit confisqué temporairement et du fait

20 qu'il sera surveillé par la police, ses mouvements seront restreints et

21 limités.

22 Il n'y aura pas pour lui de possibilité physique d'entrer en

23 contact avec les personnes venues témoigner. Il ne pourra pas non plus

24 constituer un menace quelconque vis-à-vis d'un témoin, d'une victime ou

25 d'une tierce personne qui aurait participé d'une façon ou d'une autre à

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1 ces poursuites.

2 Par conséquent, nous pouvons écarter d'office cette possibilité

3 pour la pure et simple raison que les personnes que M. Aleksovski aurait

4 pu en d'autres circonstances influencer ne vivent pas dans le même état

5 que M. Aleksovski. M. Aleksovski ne pourrait donc pas se rendre sur leur

6 territoire, étant donné les mesures dont je viens de parler.

7 Dernier critère : il s'agit de l'opinion du pays hôte. J'ai vu

8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous avez demandé

9 l'opinion des autorités compétentes du gouvernement néerlandais.

10 Cependant, je tiens à vous rappeler que cette opinion a déjà été

11 exprimée par les autorités néerlandaises. En effet, ces autorités ont

12 déclaré qu'elles n'allaient pas aller à l'encontre d'une décision d'une

13 Chambre de ce Tribunal et que, si l'un des détenus devait être libéré d'un

14 façon provisoire, eh bien les autorités néerlandaises agiraient en

15 conséquence et conformément à leur législation nationale, qui stipule que

16 si une personne se trouvant sur le territoire néerlandais n'a pas de

17 permis de résidence sur le territoire du royaume des néerlandais, cette

18 personne serait transférée vers son pays d'origine.

19 Par conséquent, dans le cadre de la libération possible de

20 M. Aleksovski, les autorités néerlandaises agiraient simplement

21 conformément à leur législation et M. Aleksovski serait renvoyé à la

22 République de Croatie, d'où il a été transféré la première fois, ceci

23 étant donné que M. Aleksovski ne dispose pas de permis de résidence sur le

24 territoire de la Hollande.

25 Par conséquent, tous ces éléments indiquent, selon la défense,

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1 qu'il est possible que l'article 65(B) s'applique au cas de M. Aleksovski,

2 article 65 qui traite donc de la mise en liberté provisoire des accusés.

3 J'aimerais également vous demander de tenir compte des

4 circonstances et éventuellement des doutes qui pourraient planer sur la

5 culpabilité de M. Aleksovski quant aux crimes qui lui sont reprochés.

6 Mon confrère de l'accusation, bien sûr, n'a pas la même opinion

7 que moi sur ce point, mais la défense pense que les travaux réalisés

8 jusqu'ici ont montré ce que M. Aleksovski a déclaré lui-même au cours de

9 sa comparution initiale devant ce Tribunal. Il a déclaré à l'époque qu'il

10 ne se considérait pas coupable d'un quelconque des chefs d'accusation qui

11 lui étaient reprochés.

12 La défense pense que la présentation des éléments de preuve de

13 l'accusation n'a pas confirmé les charges reprochées à M. Aleksovski dans

14 l'acte d'accusation, et la défense a également déclaré dans son mémoire

15 écrit que M. Aleksovski devrait être acquitté. La défense considère

16 également que, dans cette affaire, des faits permettraient à cette Chambre

17 de permettre à M. Aleksovski de retrouver la liberté de façon temporaire.

18 Parce que nous pensons que tous les critères ont été remplis pour ce faire

19 et que M. Aleksovski se présentera lorsqu'il sera convoqué devant ce

20 Tribunal.

21 Vous pouvez également être rassurés du fait que la République de

22 Croatie prendra toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la

23 comparution de M. Aleksovski en temps voulu. La République de Croatie se

24 fondera alors sur sa propre législation.

25 Par conséquent, je vous demande Messieurs les Juges de

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1 considérer les circonstances exceptionnelles que je viens de mentionner et

2 de décider de remettre de façon provisoire M. Aleksovski.

3 M. le Président. - Merci, Maître Mikulicic.

4 Maître Niemann, avant de vous donner la parole, je crois que

5 peut-être il serait mieux d'entendre le représentant de l'ambassade de

6 Croatie.

7 M. Niemann (interprétation). - Oui.

8 M. le Président. - Parce qu'on a quand même le point de vue de

9 la défense complet.

10 Monsieur Miljenovic, je ne sais pas si je prononce bien votre

11 nom, mais excusez-moi.

12 Me Mikulicic a développé un ensemble d'arguments, notamment dans

13 le domaine de la coopération de la République de Croatie, en relation avec

14 la certitude que la Chambre pourrait avoir dans le cas de M. Aleksovski

15 soit relâché, il peut certainement comparaître pour des actes relatifs à

16 son procès.

17 Est-ce que vous pouvez nous donner l'avis de la République de

18 Croatie à propos des garanties que la Chambre pourrait avoir de cette

19 éventuelle et future comparution ?

20 M. Miljenic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

21 Avec votre permission, j'aimerais poursuivre en croate, si vous me le

22 permettez.

23 M. le Président. - Nous avons des traducteurs très compétents,

24 donc vous pouvez continuer dans votre langue maternelle.

25 M. Miljenic (interprétation). - En bref, je suis autorisé de

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1 déclarer la chose suivante : la République de Croatie, au cas où

2 M. Aleksovski serait accordé la mise en liberté provisoire et son retour

3 sur le territoire de la République de Croatie dont il est ressortissant,

4 donc la République de Croatie s'engage à prendre toutes les mesures

5 conformément à sa législation, notamment conformément à la loi

6 constitutionnelle sur la coopération avec le Tribunal, afin que

7 M. Aleksovski puisse comparaître devant le Tribunal dès qu'il recevra une

8 sommation à comparaître.

9 En même temps, je voudrais souligner que M. Aleksovski est un

10 des exemples de la coopération de la République de Croatie ; elle l'a fait

11 dans le passé et le fera dans l'avenir. La République de Croatie a arrêté

12 M. Aleksovski et elle l'a également transféré au Tribunal.

13 Ce sera tout, je vous remercie.

14 M. le Président. - Merci beaucoup, M. Miljenic. Pour l'instant,

15 nous n'avons pas de questions. On va poursuivre nos débats, vous pouvez

16 vous asseoir, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

17 Maître Niemann, c'est à vous de donner l'avis du bureau du

18 Procureur et votre réponse.

19 M. Niemann (interprétation). - Messieurs les Juges, la position

20 du bureau du Procureur est la suivante : nous nous opposons à la requête

21 présentée par la défense.

22 Nous vous avons communiqué une réponse écrite d'ailleurs à cette

23 requête. Les arguments que je vais maintenant présenter vont en fait être

24 un peu complémentaires de cette requête et ils vont également aborder

25 certains points qui viennent d'être présentés par mon collègue, mon

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1 confrère Me Mikulicic.

2 Messieurs les Juges, l'étendue de l'article 65(B) est la

3 suivante : la mise en liberté peut être ordonnée par la Chambre de

4 première instance dans des circonstances exceptionnelles seulement. Après

5 avoir entendu le pays hôte et pour autant, quelle est la certitude que

6 l'accusé comparaîtra au procès ? Enfin, s'il est libéré, qu'il ne mettra

7 pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne ?

8 La comparution au procès, Monsieur le Président, est peut-être

9 difficile à comprendre dans le cadre de cette requête, parce que le procès

10 est presque parvenu à son terme. Mais la question est de savoir si

11 l'accusé sera présent pour le reste de la procédure s'il devait être mis

12 en liberté. L'accusé doit établir qu'effectivement il existe des

13 circonstances exceptionnelles et il doit également vous convaincre qu'il

14 comparaîtra au procès, qu'il ne mettra pas en danger une victime ou un

15 témoin et enfin, il faut que le pays hôte soit également entendu sur le

16 sujet. Les critères sont cumulatifs.

17 Par conséquent, si l'accusé ne remplit pas l'un de ces critères,

18 eh bien, par conséquent, sa demande doit être rejetée. Eu égard à la

19 gravité des crimes qui sont reprochés à l'accusé, il est envisagé une

20 détention préalable et cette détention est la règle et non pas

21 l'exception. Il y a déjà eu des cas dans lesquels un mise en liberté a été

22 accordée, mais ils sont rares.

23 Vous avez le pouvoir de délivrer une ordonnance à l'égard d'une

24 force de police, d'un état, afin que la police se charge de la

25 surveillance de cette personne. Or, ceci ne peut pas être fait dans un

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1 contexte national, ceci est très difficile pour le Tribunal. Nous ne

2 sommes pas dans une situation dans laquelle une personne a le même intérêt

3 que l'accusation, comme cela pourrait être le cas également dans un

4 contexte national.

5 Dans un contexte national, l'état a un intérêt à participer aux

6 procédures pénales et à faire en sorte que ces procédures ne soient pas

7 interrompues ou empêchées par l'absence de l'accusé. Par conséquent,

8 l'état, dans un contexte national, a un intérêt ferme à s’assurer que

9 cette personne sera effectivement présente aux procès.

10 Par conséquent, lorsqu’il s'agit de ressources, notamment de

11 forces de police et de la prise de mesures nécessaires pour s'assurer de

12 la comparution de l'accusé, dans un contexte national, l'état non

13 seulement a intérêt à s'assurer qu’effectivement la personne sera présente

14 au procès, mais l’état pourra déployer ses ressources afin que ceci soit

15 possible. Or, ce n'est pas le cas ici. Vous n'avez pas d'autorité de

16 compétence directe pour ordonner qu'il y ait des postes de contrôle aux

17 frontières, par exemple, afin qu’un accusé ne puisse pas passer d'un pays

18 à l'autre.

19 Par conséquent, là encore, nous ne sommes pas dans un contexte

20 national. Vous ne pourrez pas faire en sorte que les aéroports soient

21 contrôlés, afin que la personne ne quitte pas le territoire ou bien que

22 vous puissiez obtenir des informations sur les mouvements des personnes.

23 Vous n'êtes pas à même de faire ceci.

24 Dans un contexte national, plusieurs mesures peuvent être prises

25 afin que le Tribunal soit au courant de la présence continue d’une

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1 personne mise en liberté. On peut par exemple faire en sorte que l'accusé

2 se présente au Tribunal un fois par semaine, si c’est nécessaire, ou à un

3 responsable qui est placé sous le contrôle du Tribunal afin de s'assurer

4 que cette personne est toujours présente sur le territoire. Or, ceci, vous

5 ne pouvez pas le faire.

6 Là encore, nous ne sommes pas dans une position où une caution

7 peut être déposée. Messieurs les Juges, les états de l’ex-Yougoslavie sont

8 nombreux et l'accusé pourrait s’y rendre. Certains ne sont pas intéressés

9 dans la procédure menée actuellement, mais d'autres se sont exprimés à

10 l'encontre du travail réalisé par le Tribunal.

11 Nous n'avons pas de ressources afin de nous assurer qu'il

12 comparaîtra effectivement au procès. Nous n'avons pas de contrôle sur les

13 frontières, sur ses éventuels mouvements entre différents pays et nous ne

14 pouvons pas nous assurer, de façon régulière, qu'il sera présent et qu’il

15 restera présent sur un territoire défini.

16 Cet accusé ne s’est pas rendu volontairement et le temps qu'il a

17 passé à La Haye en attendant son procès n’est pas excessif, au vu de la

18 complexité du travail du Tribunal. M. Mikulicic a présenté ses différents

19 arguments. Il y a certains arguments que je souhaiterais aborder

20 maintenant, le premier étant qu’il n’y a pas de soupçons raisonnables

21 quant à la possibilité que l'accusé ait effectivement commis les crimes

22 reprochés. D'ailleurs M. Mikulicic a abordé ce point dans sa requête

23 déposée devant vous.

24 Les soupçons raisonnables ou les doutes raisonnables sont à

25 considérer lorsque les Juges doivent considérer la possibilité d'une mise

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1 en liberté provisoire. C'est ce qui a été fait dans l'affaire Celebici

2 pour M. Delic, une décision a été prise à ce sujet, M. Delalic plus

3 précisément.

4 La Chambre de première instance a déclaré que le critère était

5 le suivant : pour qu'il y ait doute raisonnable, il faut qu'il y ait des

6 faits ou des informations qui puissent étayer l'argument selon lequel

7 l'accusé aurait pu commettre les crimes. Selon M. Mikulicic, il dit qu'il

8 n'y a pas de doute raisonnable en l'espèce quant aux crimes reprochés à

9 l'accusé.

10 Eh bien à notre avis, on ne peut pas véritablement parler de

11 doute raisonnable à ce stade de la procédure. Généralement, cette notion

12 est utilisée à un stade antérieur, largement antérieur. Par exemple,

13 certaines personnes sont interrogées au départ sur la possibilité

14 d'existence d'un doute raisonnable, des personnes sont fouillées

15 lorsqu'existe un doute raisonnable, sont mises en accusation également.

16 Ils sont arrêtés mais ils ne sont pas condamnés simplement s'il existe un

17 doute raisonnable.

18 Par conséquent, ce doute raisonnable se trouve au départ des

19 procédures généralement. Au fur et mesure que les procédures se tiennent,

20 ce doute raisonnable doit devenir une présomption plus forte. Ce soupçon

21 plus fort et plus important doit être fondé sur des éléments de preuve

22 concrets. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une affirmation selon

23 laquelle la suspicion doit avoir été établie pour que ce soit un argument

24 pertinent dans le cadre de nos procédures. Or, à la fin des éléments de la

25 présentation des éléments de preuve de l'accusation, s'il n'y a pas eu de

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1 présomptions établies, eh bien, l'accusation doit alors demander que

2 certains chefs d'accusation soient abandonnés.

3 En fait, ceci s'est produit dans deux procès de ce Tribunal,

4 dans l'affaire Celebici et dans l'affaire Tadic. Si l'accusation ne le

5 fait pas et si le Tribunal considère qu'il n'y a pas de présomption

6 suffisante, eh bien c'est la Chambre de première instance elle-même qui

7 décide d'abandonner ou de ne pas trancher sur certains chefs d'accusation.

8 Or l'accusation n'a pas tenté de le faire en l'espèce et je pense que

9 d'ailleurs vous n'auriez pas permis que ce procès se poursuive si vous

10 aviez pensé qu'il n'y avait pas de présomption.

11 Par conséquent, nous pensons que nous sommes au-delà du stade

12 qu'a présenté M. Mikulicic et nous en sommes maintenant à savoir si oui ou

13 non, nous avons prouvé nos arguments au-delà de tout doute raisonnable.

14 L'accusation affirme donc que nous en sommes à ce stade et que ceci a été

15 prouvé par les éléments de preuve présentés.

16 Ainsi, nous pensons qu'il est inapproprié à ce stade de parler

17 du doute raisonnable. Ce doute raisonnable a déjà été tranché lorsque

18 l'acte d'accusation a été soumis par le bureau du Procureur, lorsque le

19 Juge a confirmé l'acte d'accusation, lorsque vous avez considéré dès le

20 départ la demande de mise en liberté provisoire présentée par

21 M. Aleksovski en janvier de cette année.

22 C'est une question qui a été étudiée par le bureau du Procureur

23 à la fin de la présentation de ces éléments de preuve et à notre avis,

24 Messieurs les Juges, cette question n'est plus d'actualité puisque nous

25 avons dépassé ce stade. Sur ce point, dès lors nous estimons que les

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1 allégations de la défense, selon lesquelles il n'y aurait pas de doute

2 raisonnable, sont depuis longtemps dépassées.

3 Je me penche maintenant sur la durée de la détention. Si l'on

4 pense autant à la durée de la détention préventive, nous estimons que les

5 dix mois qu'à passés M. Aleksovski en Croatie ne doivent pas être pris en

6 compte. A l'évidence, s'il avait été déféré plus tôt, la question de

7 l'ouverture du procès aurait été évoquée bien plus tôt et nous en aurions

8 sans doute déjà terminé de ce procès. Les dix premiers mois qu'il a servi

9 ne doivent dès lors pas, à notre avis, être pris en compte ici, lorsqu'il

10 s'agit de déterminer ce qui peut constituer une circonstance

11 exceptionnelle.

12 Pensez à la durée de sa détention préventive à La Haye depuis le

13 jour de son arrivée en avril 1997 jusqu'en janvier 1998, début du procès.

14 Il ne faut pas tenir compte de ceci non plus. Pourquoi ? Parce qu'il avait

15 déjà déposé une requête devant vous aux fins d'obtention de la mise en

16 liberté provisoire et vous vous êtes déjà saisis de cette requête dans le

17 cadre préjudiciel.

18 La durée du procès. Eh bien parlons-en. Ce n'est pas une

19 question qu'il faudrait étudier ici, lorsque qu'on pense à la question des

20 circonstances exceptionnelles. Le procès a son décours, il s'est déroulé

21 de façon tout à fait rapide. Aucune partie au procès n'a retardé le

22 déroulement de ce procès ou ne l'a empêché de se dérouler le plus

23 rapidement possible.

24 Il n'est dont pas de propos de dire que ces circonstances étant

25 ce qu'elles étaient, c'étaient des circonstances exceptionnelles qui

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1 prévalaient. Si une partie pouvait être reconnue comme ayant été coupable

2 de retard accusé au procès, à ce moment-là, peut-être que la question

3 pourrait se poser pour vous, mais la durée que prend un procès, le temps

4 qu'il prend est une question qui relève des Juges et vous avez fait preuve

5 de la plus grande diligence, en tant que Chambre de première instance,

6 afin de veiller à ce que le procès se déroule le plus rapidement possible.

7 Il ne peut être dit en aucune façon que ce procès ait été

8 excessivement long, ait été retardé d'une quelconque façon. La

9 présentation des éléments de preuve à charge et à décharge prend un

10 certain temps, mais cela est inévitable, c'est une conséquence inévitable

11 lorsqu'il y a procès. Il n'y a rien d'exceptionnel à tout cela.

12 Si le procès est important, inclut la présentation de nombreux

13 moyens de preuve sur des questions complexes, cela prend un certain temps,

14 mais n'a rien d'exceptionnel, c'est la caractéristique propre et

15 intrinsèque à un procès. Il ne faut pas faire valoir ceci comme étant une

16 raison pour laquelle il faudrait accorder la mise en liberté provisoire

17 pour circonstances exceptionnelles.

18 A notre avis, la seule question qu'il vous faille examiner,

19 Messieurs les Juges, est celle de savoir si, à partir de maintenant, il y

20 aura un certain retard jusqu'à la fin du procès. A notre avis, cette

21 décision ne pourrait être prise que sur des spéculations, des conjectures.

22 Nous ne savons pas s'il y aura un certain retard. Si retard il y a, je

23 dirais que cela est de nouveau une conséquence naturelle du procès, qui

24 découle du déroulement de ce procès.

25 Maître Mikulicic n'ayant pas évoqué ces questions, il ne

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1 m'incombe pas de le faire non plus. Pour le moment, nous nous trouvons

2 dans une situation où l'on vous affirme que le procès va se terminer fin

3 juin de l'année prochaine. Ceci n'est en aucune façon prédéterminé et si

4 le procès se poursuivait, c'est parce qu'il y a des problèmes de

5 calendrier, peut-être, qui se poseraient et entraîneraient une telle

6 durée, mais ce n'est pas pour moi une circonstance exceptionnelle, c'est

7 la conséquence logique de procédures, conséquences qu'on retrouverait dans

8 tout système national où un état n'est pas en mesure de libérer à tout

9 bout de champ et sur le champ une salle d'audience et une Chambre pour

10 assurer la tenue d'un procès aussi rapidement que possible. Cela n'est pas

11 une circonstance exceptionnelle, c'est une conséquence tout à fait logique

12 et naturelle.

13 Ce serait lancer des spéculations que de dire que, de toute

14 façon, ce procès durera tout ce temps-là, il se peut que, dès demain, une

15 décision soit rendue par la Chambre d'appel et cette décision peut tomber

16 dans un sens ou dans l'autre. En tout cas, c'est une décision qui

17 permettra la reprise immédiate du procès et le procès ne durait plus

18 qu'une semaine. Nous ne le savons pas. Impossible de dire si c'est bien ce

19 qui va se présenter. Il n'y a aucune certitude à cet endroit.

20 La défense se fonde sur des présomptions de nature tout à fait

21 spéculative sur ce qui va peut-être se passer à l'avenir et ne se fonde

22 pas sur des questions déjà évoquées par le passé et si ces questions ont

23 été réglées, il n'est pas utile de revenir sur ces question.

24 Ce qu'il faut par contre que vous examiniez, Messieurs les

25 Juges, c'est la question des conséquences éventuelles qu'aurait la mise en

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1 liberté provisoire de l'accusé à ce stade de la procédure.

2 L'accusation n'entretient pas le moindre doute. Si l'occasion se

3 présentait pour cet accusé, il essaierait de se soustraire à la compétence

4 de ce Tribunal. Nous n'avons pas le moindre doute à ce propos. Pourquoi ?

5 Parce que cet accusé a vu toute la portée des éléments retenus contre lui,

6 il a essayé de se défendre, il a présenté des éléments à décharge. Il

7 connaît la solidité ou l'importance de la condamnation qu'il va peut-être

8 devoir purger.

9 Il se peut bien sûr qu'il soit acquitté, mais s'il avait un

10 certain choix, ce choix consistant à savoir s'il doit risquer d'être

11 acquitté en se rendant de nouveau à La Haye ou s'il devait profiter de

12 l'occasion qui lui est donnée de s'échapper, je crois qu'il opterait pour

13 la seconde possibilité. Ce serait une chose logique pour lui.

14 Pourquoi pourrait-il le faire ? Car il ne se trouve pas sous le

15 contrôle immédiat, direct, de ce Tribunal. Une fois qu'il sera parti de

16 La Haye et qu'il retournera en Croatie, nous sommes tout à fait

17 tributaires de ce qui se passerait dans le territoire de la République de

18 Croatie.

19 Me Mikulicic et le représentant de l'ambassade croate nous ont

20 dit que certaines mesures seront mises en oeuvre pour assurer le bon

21 retour de M. Aleksovski devant ce Tribunal en temps voulu, mais ces

22 mesures apparemment se fonderaient sur la loi prévalant en Croatie.

23 Est-ce que qu'il existe en Croatie une disposition spécifique,

24 portant sur des personnes accusées de crimes de guerre ? Je ne sais pas,

25 mais il se peut que Me Mikulicic nous dise ce qu'il en est en matière de

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1 détention préventive, il se peut qu'il y ait un régime de détention

2 préventive prévu pour des personnes accusées de tels crimes.

3 Je suis sûr que si Me Mikulicic est au courant de telles

4 dispositions, il pourra nous donner son avis d'expert sur la question.

5 Quoi qu'il en soit, la Chambre Blaskic a été saisie d'une requête aux fins

6 d'une mise en liberté provisoire. A cet égard, elle a dit ceci :

7 "L'interprétation des principes appliqués par ce Tribunal ne devrait pas

8 être influencée par la législation prévalant dans les états nationaux en

9 matière de mise en liberté provisoire". Et la Chambre Blaskic fondait son

10 opinion sur le fait que ce Tribunal Pénal International ne dispose pas des

11 moyens lui permettant d'assurer une exécution directe et péremptoire de

12 ces ordonnances.

13 Pour ce qui est de ces ordonnances précisément, à notre avis, il

14 faudrait vous assurer que ces ordonnances seront exécutées. On vous a

15 laissé entendre que M. Aleksovski avait été déféré par la Croatie en

16 conséquence directe de la volonté de ce pays de montrer qu'il exécutait le

17 mandat et les exigences posés par ce Tribunal.

18 Est-ce que bien le cas, Messieurs les Juges ? Surtout vu par le

19 bureau du Procureur, ça ne semblait pas nécessaire. Car le bureau s'est

20 trouvé dans une situation, il a dû sans arrêt demander que M. Aleksovski

21 soit déféré à l'autorité de ce Tribunal.

22 Quelles seraient les informations qui seraient mises à votre

23 disposition, Messieurs les Juges, si certains dirigeants de la communauté

24 internationale, qui se sont entretenus avec les autorités croates sur la

25 question, étaient autorisés à venir vous donner des détails, pour vous

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1 parler des efforts qu'ils ont déployés pour assurer non seulement le

2 transfert de M. Aleksovski, mais aussi de M. Blaskic et de M. Kordic.

3 Je ne sais pas si au vu de tels éléments, nous en conclurions

4 également que la Croatie est prête, est toujours prête, à agir directement

5 lorsqu'il s'agit d'assurer l'extradition de tels accusés. Est-ce que cette

6 volonté de collaboration s'applique également à d'éventuelles ordonnances

7 rendues par ce Tribunal ? Dans l'écriture déposée par la République de

8 Croatie, s'agissant de l'injonction à produire, la subpoena duces tecum,

9 le 18 août 97, ces documents publics montrent bien comment la Croatie

10 affirme de façon tout à fait catégorique que :

11 "Le Tribunal n'a pas compétence sur les états ou leur

12 représentants officiels; que le Tribunal ne peut pas émettre d'ordonnance

13 de nature obligatoire à un état ou à ses représentants officiels ; que le

14 Tribunal n'a pas compétence intrinsèque pour émettre de telles ordonnances

15 contraignantes ; que le Tribunal n'a pas le pouvoir expert d'émettre de

16 telles ordonnances contraignantes à des états ou à leur représentants

17 officiels ; que les limites de l'autorité juridique du Tribunal

18 reconnaissent l'immunité des représentants officiels au titre du droit

19 international et que ceci ne peut pas être contourné en émettant une

20 ordonnance contraignante à l'égard d'un état ou de son représentant

21 officiel ; que le Tribunal n'a pas compétence pour déterminer si un état a

22 violé ses obligations et ne peut pas exiger l'application forcée de telles

23 ordonnances à l'encontre d'un état ou de ses officiels si celui-ci manque

24 à l'obligation d'exécuter l'ordonnance ; et que toutes ces questions

25 doivent être renvoyées devant le Conseil de Sécurité."

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1 Qu'est-ce que ceci veut dire, Monsieur le Président,

2 Messieurs les Juges ? Cela veut dire que, d'après ce que dit cet état même

3 et à l'encontre de cette personne dont on demande la mise en liberté

4 provisoire, ce même état a déjà dit auparavant ce qu'il pensait et je ne

5 pense pas que cet état ait changé d'avis, il dit que vous n'avez pas

6 compétence pour émettre une ordonnance contraignante à l'égard de cet

7 état, en tout état de cause.

8 Est-ce que la Croatie va assurer un surveillance policière

9 24 heures sur 24 à l'encontre de l'accusé ? Peut-être que oui, mais peut-

10 être que non. Est-ce qu'elle voudra le faire ?

11 En tout cas la Croatie dit que vous n'êtes pas autorisés à lui

12 dire qu'elle doit veiller à ce que l'accusé ne prenne pas la fuite vers un

13 autre territoire, vers une autre juridiction, en tout cas c'est ce qu'elle

14 a dit précédemment.

15 Est-ce que vous pourriez ordonner qu'il revienne à La Haye ? On

16 vous le dis, puisqu'apparemment ceci fait partie de la loi

17 constitutionnelle de la Croatie, mais il se peut que ceci ne soit pas mis

18 à exécution non plus, si la Croatie ne le désire pas. Mais le risque le

19 plus grave c'est que cet accusé quitte la Croatie et parte pour un autre

20 pays.

21 S'il part en direction de la vallée de la rivière Lasva, c'est

22 là qu'il se trouvait pendant la guerre, que va-t-il advenir ? Personne ne

23 peut se rendre dans cette région et nous n'avons aucun accord avec cette

24 région, en vertu duquel il pourrait être remis à la juridiction du

25 Tribunal. Il pourrait donc se soustraire à notre compétence à un stade

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1 capital de la procédure, et ceci pourrait avoir des conséquences tout à

2 fait délétères puisque des témoins sont venus témoigner dans des

3 circonstances particulièrement pénibles. Ces témoins s'attendent à ce que

4 ce procès se termine et se termine de façon juste pour eux, quelle que

5 soit la décision que vous allez rendre, Messieurs les Juges.

6 Cette procédure serait interrompue, avortée, si l'accusé ne

7 pouvait pas revenir. A notre avis, si tel était le cas, étant donné les

8 ressources très limitées dont dispose le Tribunal, ce Tribunal ne peut

9 juger que ce qui constitue le sommet de l'iceberg et je crois que si ce

10 procès se tenait en Yougoslavie, il n'y aurait plus de procès et vous

11 n'auriez pas pu ainsi contribuer à ce qui constitue le mandat primordial

12 de ce Tribunal, à savoir qu’il faut contribuer au retour, à la

13 restauration de la paix et de la sécurité en ex-Yougoslavie.

14 M. Niemann (interprétation). - Je vous demande un petit instant

15 pour examiner les documents.

16 Quel est l’état de santé de l'accusé, Messieurs les Juges ?

17 Certains document m’ont été remis ce matin, juste avant le début de

18 l'audience. Je n'ai pas eu l’occasion de les passer en revue. Mais jusqu'à

19 ce moment, je pourrais dire que rien ne prouvait quel était l’état de

20 santé de M. Aleksovski. Le bureau du Procureur n'était en tout cas pas en

21 possession d'informations relatives à son état de santé.

22 Si les conditions de détention ne sont pas propices au maintien

23 d'un état de santé positif, favorable pour l'accusé, la question ne se

24 règle pas s’il se voit accordé une mise en liberté provisoire. Le problème

25 y trouverait une solution si on se penchait sur les conditions de

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1 détention et si on les améliorait, pour autant bien sûr qu'il y ait un

2 problème en ce qui concerne les conditions dans lesquelles il est détenu,

3 conditions qui seraient de nature à détériorer son état de santé.

4 Il se peut que des mesures aient déjà été prises, je ne le sais

5 pas. Je ne dispose pas d'informations à ce propos. Est-ce que des mesures

6 spéciales ont été appliquées, sont déjà en place ? Est-ce qu'il y a déjà

7 eu des examens médicaux ? Est-ce qu'ils permettent de penser qu'il ne

8 faudrait pas de circonstances ou de conditions particulières pour assurer

9 son bon état de santé.

10 Mais, s'il se présente effectivement un problème, nous serions

11 les premiers à dire qu'il faut essayer d'y remédier. Mais pour autant

12 qu'il y ait un problème ; moi j'en doute sérieusement. Mais s’il y a un

13 problème, il faut y remédier. Voilà ce que nous disons.

14 La Chambre de première instance dans l’affaire Kovacevic avait

15 déclaré que l'accusé doit montrer qu'il ne peut pas bénéficier d'un

16 traitement efficace aux Pays-Bas. La question n'est pas de savoir s'il

17 peut recevoir un bon traitement au quartier pénitentiaire, mais plutôt aux

18 Pays-Bas. La Chambre poursuit en disant que "le fait qu'un accusé est

19 malade, il serait plus susceptible de bénéficier ou de profiter du

20 traitement dans son propre pays avec l'appui de sa famille" ne représente

21 pas, à notre avis, une circonstance exceptionnelle.

22 Par conséquent, en l'absence de preuve, comme c'est le cas, de

23 preuve nous montrant s’il peut bénéficier de traitements adéquats aux

24 Pays-Bas, rien ne nous a été montré et démontré à cet égard. Je serais des

25 plus surpris si un pays aussi moderne que les Pays-Bas n'était pas en

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1 mesure de lui donner l'infrastructure médicale dont il aurait besoin eu

2 égard à son état de santé et je serais tout aussi surpris si la Croatie

3 était plus apte à le faire que les Pays-Bas, je le dis franchement.

4 A mon humble avis, c’est à l'accusé qu'il incombe de vous

5 montrer qu'il n'est pas en mesure de recevoir le traitement adéquat ici et

6 il ne s'est pas acquitté de cette obligation. Nous avons entendu

7 Me Mikulicic nous affirmer certaines choses, mais ce n'est pas là une

8 preuve, on ne peut pas faire grand-chose avec cela.

9 Mais quoi qu'il en soit… je ne suis pas un expert en médecine et

10 personne ne l’est me semble-t-il, mais rien nous semble nous indiquer que

11 M. Aleksovski ne puisse pas bénéficier d'un traitement adéquat ici, aux

12 Pays-Bas.

13 Lorsque qu'il s'agit d'étudier cette requête, je crois que vous

14 voudrez tenir compte du fait que cette requête est déposée devant vous

15 pour une deuxième fois déjà. Et il serait adéquat également que vous

16 examiniez avec la plus grande attention la question de savoir si les

17 circonstances ont changé et qu'elles mériteraient qu'il y ait aujourd'hui

18 mise en liberté provisoire par rapport aux circonstances qui prévalaient

19 en janvier 1998 lorsque vous avez étudié la première requête à cette fin.

20 Si vous concluez que les circonstances n'ont pas évolué et que

21 les circonstances ne sont pas plus exceptionnelles aujourd'hui qu’elles ne

22 l’étaient alors, nous faisons valoir que cette requête devrait être

23 rejetée.

24 En conclusion, nous avons à faire avec une requête qui est

25 suscitée par quelque chose que, finalement, l'accusé a provoqué. Libre à

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1 la défense de faire ce qu’elle veut, libre à elle de décider si elle veut

2 demander la présentation de moyens de preuve supplémentaires, mais c'est

3 quand même la défense qui a décidé de cette réouverture du procès. Elle

4 devait s’attendre à ce qu’il y ait réaction de la part du bureau du

5 Procureur, ce qui a effectivement eu lieu.

6 De quoi se plaint la défense lorsqu’elle demande ou qu’elle

7 cherche à justifier cette demande de mise en liberté provisoire ? C’est

8 qu’elle ne peut pas partir du principe selon lequel tout le monde va

9 ignorer la participation de la défense. L'accusation s’est trouvée devant

10 une situation où elle devait réagir. Réagir à quelque chose qui avait été

11 occasionné par la défense.

12 Il est donc impossible que la défense s'adresse à vous

13 maintenant pour dire : "Regardez ce qu’il nous arrive, nous sommes

14 retardés par ce que fait l'accusation" et simplement faire fi du fait que

15 c'est la défense elle-même qui a décidé de s'engager dans cette démarche

16 visant à présenter de nouveaux éléments de preuve qui, eux, ont occasionné

17 ce retard.

18 A notre avis, il ne suffit pas de dire que c'est cette

19 accusation qui occasionne ces retards et que, dès lors, il y a droit à

20 avoir une mise en liberté provisoire. La question est bien plus large que

21 celle-là et j'insiste sur la nature tout à fait spéculative et incertaine

22 de cette requête. Qui sait combien de temps cette procédure va encore

23 durer ?

24 Il se peut que je me trompe et que, effectivement, il y a un

25 certain retard pour ce qui est de la réception prise par la Chambre

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1 d’appel. Mais ce que je veux dire, c'est ceci : le retard ne s'est pas

2 situé au niveau du procès puisque le procès s'est déroulé rapidement. La

3 détention préventive n'est pas très longue, si on ne tient pas compte du

4 temps passé en détention préventive en Croatie, ce qui ne devrait pas

5 intervenir ici. Il y a peut-être des questions pour lesquelles je peux

6 vous fournir assistance, mais voilà les arguments que nous voulions vous

7 soumettre.

8 Merci, Messieurs les Juges.

9 M. le Président. – Maître Mikulicic, avez-vous quelque chose à

10 ajouter ou à répondre à ce que Me Niemann a dit ?

11 M. Mikulicic (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le

12 Président. La défense voudrait donner sa réponse très brièvement quand aux

13 arguments qui nous ont été fournis ici par mon collègue M. Niemann. Donc

14 je vais procéder point par point, tout comme M. Niemann a exposé ses

15 points.

16 Il est exact que M. Niemann a dit que le Tribunal n'a pas la

17 compétence sur des législations nationales, quand il s'agit de mesures

18 contraignantes à l’encontre des accusés. Cependant, il n’est pas exact que

19 ces compétences ne découlent pas d'autres instruments qui sont à sa

20 disposition. Le Tribunal n'a pas donc une compétence directe, car il ne

21 peut pas ordonner aux autorités nationales, à la police nationale,

22 certaines choses. Mais le Tribunal a une compétence, c'est-à-dire la

23 Croatie doit se comporter selon les instructions du Tribunal étant donné

24 qu'elle a adopté une loi constitutionnelle sur la coopération avec le

25 Tribunal.

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1 Donc, les compétences du Tribunal, par rapport aux autorités de

2 police en République de Croatie, peuvent être exercées par le biais des

3 organes compétents en Croatie qui sont tenus à coopérer avec le Tribunal.

4 Je ne veux pas rentrer en détail maintenant dans la coopération de la

5 Croatie avec le Tribunal dans le passé, mais nous sommes d'avis que la

6 coopération, dans ce cas particulier, a été très effective. Car n’oublions

7 pas que c'est la République de la Croatie qui, conformément à une

8 ordonnance du Tribunal, a arrêté M. Aleksovski et l’a déféré au Tribunal

9 pour le procès.

10 Donc, la République de Croatie a démontré d’une manière très

11 explicite sa volonté de coopérer avec le Tribunal. A mon avis, il n'est

12 pas juste de la part de M. Niemann d’évoquer comme un exemple la subpoena

13 duces tecum de l'affaire Blaskic. D’abord, il s'agit d'une affaire qui est

14 toujours subpoena, donc nous ne pouvons pas discuter des arguments d'une

15 autre affaire, étant donné que cette affaire est toujours en cours.

16 Deuxièmement, à mon avis, il n'est pas du tout possible de

17 comparer ces deux affaires, étant donné que dans l'affaire Blaskic on

18 parlait de choses tout à fait différentes. Et l'attitude de la Croatie,

19 dans l'affaire Blaskic, se référait aux choses qui étaient plutôt de la

20 compétence de la sécurité intérieure.

21 La comparution de M. Aleksovski devant ce Tribunal, même avec

22 une imagination très grande, ne peut pas présenter une question de

23 sécurité nationale pour la République de Croatie. Donc, on peut s'attendre

24 à ce la République de Croatie continue de coopérer dans l'avenir avec le

25 Tribunal, tout comme elle l’a déjà fait en déférant M. Aleksovski au

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1 Tribunal.

2 Deuxièmement question abordée par M. Niemann, c'est la question

3 d'un doute raisonnable quant aux actes qui aurait été commis par

4 M. Aleksovski.

5 Il s’agit, je dirai, plutôt des finesses dans le travail de nos

6 traducteurs et des interprètes. La défense sait très bien comment… quelle

7 est la gradation du doute dans le cadre d'un procès. La défense ne parlait

8 pas d'un doute raisonnable qui doit exister pour entamer un procès ou pour

9 avoir une présomption. Mais, on parlait d'un doute raisonnable qui nous

10 met tous de se dire à la fin du procès : "Mais a-t-on vraiment prouvé les

11 chefs de l'accusation ?" C'est de ce doute raisonnable que je parlais en

12 présentant mes arguments. Je ne parlais pas d’un doute raisonnable

13 nécessaire à entamer un procès, une procédure pénale.

14 Messieurs les Juges, je ne suis pas d'accord avec l'accusation

15 que les dix mois passés en détention sur le territoire de la Croatie ne

16 doivent pas être pris en considération. D'un point de vue pragmatique, il

17 s'agit quand même de dix mois passés en détention et il n'a pas passé ces

18 dix mois en détention parce que qu'il conduisait une voiture en état

19 d'ivresse et aurait tué quelqu'un, mais il a passé ces dix mois à cause

20 d'une ordonnance du Tribunal qui a été respectée par la Croatie

21 conformément à son acte constitutionnel sur la coopération.

22 Donc, contrairement à ce que dit M. Niemann, il faut prendre en

23 compte ces dix mois de détention passés par M. Aleksovski en détention sur

24 le territoire de la Croatie. M. Niemann a également dit que M. Aleksovski,

25 s’il était mis en liberté provisoire, serait en position d'avoir un

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1 choix : est-ce que je dois comparaître ou pas devant le Tribunal ?

2 Messieurs les Juges, un tel choix n'existe pas tout simplement

3 pour M. Aleksovski. Pourquoi ? Parce que s'il était mis en liberté

4 provisoire, M. Aleksovski serait soumis a des mesures de contrôle qui ne

5 lui permettraient pas d'effectuer ce choix, notamment la confiscation de

6 passeport et à une surveillance étroite par la police.

7 Je me dois de vous rappeler que, sans son passeport,

8 M. Aleksovski ne peut pas quitter le territoire de la Croatie ou se rendre

9 dans la vallée de la Lasva, parce qu’il n'a ni amis, ni famille, ni un

10 travail dans la vallée de la Lasva. Donc, il n'existe pas de doute

11 raisonnable pour qu'il agisse de cette manière là. La logique des

12 arguments de M. Niemann quand il parle de ces possibilités et quand il

13 compare notre procédure avec subpoena duces tecum, cette logique à notre

14 avis ne peut pas être appliquée dans ce cas, parce que M. Niemann estime

15 déjà maintenant que quelque chose d'illégal se produirait. Cependant notre

16 attitude devrait être différente, on s'attend à ce que M. Aleksovski se

17 comporte conformément aux instructions légales. Je peux vous assurer que

18 la République de Croatie fournira toutes les garanties pour prévenir un

19 comportement illégal, notamment une non comparution de M. Aleksovski

20 devant ce Tribunal.

21 Revenons maintenant à l'état de santé de M. Aleksovski. Le fait

22 que M. Aleksovski soit en détention préventive aggrave en fait son état de

23 santé. Je suis d'accord avec M. Niemann quand il parle de la qualité des

24 soins médicaux dont on peut bénéficier sur le territoire des Pays-Bas. Je

25 peux même dire que je suis d'accord avec M. Niemann quand il dit que ces

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1 soins médicaux sont d'une qualité meilleure qu'en Croatie. Peut-être

2 qu'ils ne sont pas au même niveau qu'en Suède, je ne le sais pas, mais il

3 ne s'agit pas ici des standards des soins médicaux.

4 Ici, nous parlons de l'application de ces soins au sein d'une

5 unité de détention où il est impossible en fait que M. Aleksovski

6 bénéficie de ces soins médicaux. D'abord, il ne peut pas bénéficier des

7 soins médicaux fournis par un physiothérapeute. Ces soins ont été

8 interrompus et actuellement, il peut recevoir la visite d'un

9 physiothérapeute une fois par semaine et une fois toutes les deux

10 semaines.

11 Je voudrais revenir à ce j'ai dit tout à l'heure. Je suis sûr

12 que les Pays-Bas pourraient fournir ce genre de soins médicaux, mais pas

13 dans des conditions de détention et nous parlons ici des conditions de

14 détention dans lesquelles se trouve mon client. M. Niemann vous a

15 également rappelé qu'au début de cette année, la défense a déjà déposé un

16 requête aux fins de mise en liberté provisoire. J'ajouterais à ceci que

17 cette requête a été déposée en fait même avant le début du procès.

18 Entre-temps, cette Chambre a pu entendre tous les témoins, nous

19 avons pu présenter tous les moyens de preuve, toutes les cassettes vidéos,

20 nous vous avons présenté également toutes les cartes comme moyens de

21 preuve. Entre-temps, l'état de santé de M. Aleksovski s'est aggravé à

22 cause de sa détention. Donc les conditions d'aujourd'hui sont très

23 différentes de celles que la Chambre devait prendre en considération au

24 début de l'année lorsque nous avons présenté notre première requête.

25 Nous ne pouvons pas mettre sur un niveau d'égalité les deux

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1 requêtes étant donné que les conditions ont entre-temps dramatiquement

2 changé. Nous sommes donc d'avis, comme nous l'avons proposé, qu'il existe

3 des conditions nécessaires à ce que nous présentions cette demande et nous

4 prions la Chambre d'accorder la mise en liberté provisoire de

5 M. Aleksovski et nous vous assurons qu'avec une telle ordonnance, une

6 telle décision, vous aideriez à l'amélioration de l'état de santé de

7 M. Aleksovski et ceci ne porterait aucunement préjudice au procès, car je

8 peux vous assurer que M. Aleksovski comparaîtra à tout moment ici à la

9 Haye devant ce Tribunal et M. Aleksovski est prêt à faire face à la

10 décision que prendra cette Chambre, quelle qu'elle soit. Je vous remercie.

11 M. le Président. - Je vois que nous avons déjà une heure et

12 demie de travail, mais de toute façon, en pensant à la nécessité d'une

13 pause, j'aimerais quand même poser quelques questions à M. Miljenic et

14 savoir si le Procureur ou M. Mikulicic veulent poser quelques questions

15 parce qu'après, on pourrait faire un pause et libérer M. Miljenic. Je

16 pense qu'il a d'autres choses à faire. Mais de toute façon, je profiterai

17 déjà... Est-ce que, Maître Niemann, vous avez quelques questions à poser à

18 M. Miljenic ?

19 M. Niemann (interprétation). - Eh bien, pas directement,

20 Monsieur le Juge. Mais j'ai simplement mentionné certains arguments, je ne

21 suggérerais pas que la Croatie commettait des actes illégaux, je disais

22 simplement que la Croatie a déjà exprimé son opinion par écrit au cours de

23 cette procédure et que cette opinion s'oppose en fait à la procédure que

24 vous considérez actuellement, à savoir que si vous devez libérer l'accusé,

25 je pense que vous essayerez d'obtenir une garantie sous la forme d'une

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1 ordonnance que vous délivrerez vous-mêmes. Or cet état a déclaré qu'en

2 fait il ne vous reconnaissait pas cette autorité, à moins que la position

3 de la Croatie ait changée sur ce point. Il est de notre avis que toute

4 ordonnance que vous pourriez délivrer, eh bien vraisemblablement, sera

5 traitée de la même façon que les précédentes.

6 Donc ma question serait : la Croatie a-t-elle changé d'avis

7 depuis qu'elle s'est exprimée dans le cadre de l'affaire Blaskic ? Si

8 c'est le cas, eh bien, ce serait un point intéressant. Si ce n'est pas le

9 cas, nous maintenons notre position.

10 M. le Président. - Maître Mikulicic, avez-vous des questions ?

11 Nous pourrions les poser ensemble, moi-même, j'ai une question, et après

12 M. Miljenic pourrait répondre. Maître Mikulicic avez-vous des questions ?

13 M. Mikulicic (interprétation). - La défense n'a pas de question

14 en ce moment. Mais si, par la suite, j'avais besoin de vous poser des

15 questions, je demanderais votre autorisation.

16 M. le Président. - Ma question est la suivante.

17 Monsieur Miljenic, nous vous remercions toujours d'être venu et d'être ici

18 avec nous.

19 On sait toujours, je crois que c'est le point de vue, c'est vrai

20 que le Tribunal a été établi pour rendre justice dans des situations de

21 guerre très difficiles, pour quand même donner une contribution pour la

22 paix. Mais je crois que ces objectifs du Tribunal jamais n'arriveront à

23 être accomplis si on entraîne vraiment une perspective de coopération

24 aussi entre les états concernés et le Tribunal, et notamment si les

25 personnes, je dis les personnes et aussi les autorités, ne confient aussi

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1 et ne croient pas aussi dans le Tribunal, dans le travail que nous faisons

2 ici.

3 Mais une autre bonne chose que j'aimerais bien vous dire, la

4 coopération à mon avis doit toujours se baser dans une perspective de

5 confiance mutuelle ; si une part se défend, il n'est pas possible de

6 coopérer.

7 Ma question est celle-ci, Monsieur Miljenic : quelle est la

8 Croatie que vous défendez ici, que vous représentez ici ? La Croatie,

9 excusez-moi d'utiliser cette image, elle n'est pas bonne ni mauvaise, mais

10 la Croatie décrite par M. le Procureur Niemann ou la Croatie décrite par

11 Me Mikulicic ?

12 M. Miljenic (interprétation). - Je vous remercie de m'avoir posé

13 cette question, Monsieur le Président. Tout d'abord, je voudrais dire que

14 la République de Croatie n'est pas une partie à ce procès, donc je ne suis

15 pas ici au même titre que mes collègues de la défense ou de l'accusation,

16 nous sommes ici sur l'invitation en quelque sorte. Nous sommes amicus

17 curiae, afin de vous aider à prendre une décision à ce sujet.

18 Je vous remercie encore une fois de m'avoir posé cette question,

19 parce que je voulais justement faire des commentaires à propos de ce que

20 viennent de dire M. Mikulicic et M. Niemann. A la différence de M. Niemann

21 qui a fait des conjonctures lorsqu'il faisait ses commentaires à propos de

22 la République de Croatie, je vous donnerai quelques faits.

23 M. Mikulicic m'a dit qu'il fallait que je parle un peu plus

24 lentement. Donc la République de Croatie a arrêté les seules deux

25 personnes qui se trouvaient sur son territoire et à l'encontre desquelles

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1 un acte d'accusation a été émis par le Tribunal. Il s'agissait de

2 M. Aleksovski et de M. Skopjak, qui a entre temps été libéré par une

3 décision de ce Tribunal.

4 En ce qui concerne d'autres accusés par le Tribunal Pénal

5 International qui sont ressortissants croates, M. Blaskic comme vous le

6 savez s'est rendu volontairement au Tribunal. Il se trouvait sur le

7 territoire de la Croatie. Quant aux autres accusés, la Croatie a joué son

8 rôle dans leur reddition. Donc ceci serait pour la coopération de la

9 République croate avec le Tribunal.

10 Je voudrais dire aussi quelques mots sur la subpoena duces

11 tecum. A mon avis, cette question a été évoquée et interprétée d'une

12 manière erronée. Pourquoi ? L'accusation a demandé qu'une ordonnance

13 contraignante soit émise à l'encontre d'un haut fonctionnaire croate, dans

14 l'affaire de subpoena duces tecum, et dans le cas de non exécution de

15 cette ordonnance la République de Croatie devrait être punie. La Croatie a

16 été contraire à cette position et la Chambre d'appel a en fait approuvé la

17 position de la Croatie, en disant que le Tribunal n'a pas d'autorité à

18 émettre des ordonnances contraignantes à l'encontre des haut

19 fonctionnaires, ni de punir les haut fonctionnaires ou un état. Dans ce

20 cas-là, la Croatie a insisté pour avoir le même traitement comme les

21 autres états. C'est tout.

22 M. le Président. - Je vous interromps, est-ce que vous pouvez

23 aller plus directement aux circonstances de M. Aleksovski ? Quelles sont

24 les garanties pour l'instant ? Me Mikulicic a dit que cette affaire est

25 encore subjudiciaire, donc il n'est pas lieu ici de discuter de l'affaire,

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1 mais seulement de M. Aleksovski, s'il vous plaît.

2 M. Miljenic (interprétation). - C'est ce que je voulais dire.

3 Cette affaire a été classée, car la Chambre d'appel a rendu sa décision et

4 vous connaissez tous très bien la décision en matière de subpoena duces

5 tecum. Mais revenons maintenant à M. Aleksovski. Je suis autorisé à

6 déclarer ce que j'ai dit au début de l'audience aujourd'hui. Donc je peux

7 répéter encore une fois que la République de Croatie a arrêté

8 M. Aleksovski et la République de Croatie a arrêté M. Skopjak. Elle a

9 déféré les deux personnes au Tribunal et, de cette manière, elle a prouvé

10 qu'elle a exécuté toutes les demandes de ce Tribunal. Les autres personnes

11 accusées par le Tribunal ne se trouvaient pas sur le territoire de la

12 Croatie, par conséquent ne pouvaient pas être arrêtées. Ce serait tout, je

13 ne sais pas si vous avez d'autres questions à me poser.

14 M. le Président. - Pour l'instant, nous sommes satisfaits de

15 votre coopération, votre participation et nous vous remercions beaucoup

16 d'être venu ici nous aider à éclaircir la situation. Nous allons faire une

17 pause. Et vous pouvez faire d'autres choses, nous n'avons pas besoin de

18 votre présence. Vous pouvez vous asseoir.

19 Il est vraiment convenable de faire une pause sinon les

20 interprètes vont tomber un peu. Et je crois que j'aurais quelques

21 questions à poser. On va faire une pause de vingt minutes. On rentrera

22 dans la salle pour poser quelques questions et, après, une autre pause

23 pour prendre une décision sur la question. Donc vingt minutes de pause.

24 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)

25 L'audience, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 12 heures 20.

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1 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président. - Maître Mikulicic, vous avez dit que les

3 conditions après la première décision avaient changé. Est-ce que vous

4 pouvez expliciter quel est le sens de ce changement ou de ces changements,

5 notamment par rapport à la santé de M. Aleksovski ?

6 M. Mikulicic (interprétation). - Messieurs les Juges, lorsque

7 j'ai dit que les conditions ont changé depuis notre première demande, je

8 parlais notamment de deux aspects : tout d'abord, premier aspect, l'état

9 de santé de M. Aleksovski a changé et le deuxième aspect est un aspect

10 procédural.

11 L'état de santé de M. Aleksovski, depuis la première demande qui

12 date du début de l'année, a changé étant donné que son état de santé s'est

13 aggravé. Je le répète encore une fois, vous-mêmes, vous étiez presque des

14 témoins directs d'un incident où il s'est évanoui lors d'une audience.

15 M. Aleksovski a été transféré immédiatement à l'hôpital où il a reçu des

16 soins d'urgence. Entre-temps, M. Aleksovski a eu une autre crise au sein

17 de l'unité de détention, à la suite de laquelle il a été transféré

18 également à l'hôpital. Donc ces circonstances indiquent que son état de

19 santé, étant donné qu'il vit dans un espace clos, ne cesse de se

20 détériorer.

21 Quand il s'agit de cet autre aspect qui est d'ordre procédural,

22 je voulais dire que tous les moyens de preuve ont été présentés. Vous avez

23 pu entendre des témoins, vous avez eu la présentation des moyens de

24 preuve. Tout ceci indique que M. Aleksovski n'a pas commis les actes qui

25 lui sont imputés par les chefs d'accusation.

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1 M. le Président. - Une autre question. J'aimerais bien

2 m'adresser à Me Niemann. Après les explications du représentant de

3 l'ambassade de Croatie, est-ce que vous avez changé d'avis ou est-ce que

4 vous maintenez votre position par rapport à l'objet de la décision. ?

5 M. Niemann (interprétation). - Je suis encore plus convaincu de

6 la justesse de ma position. Ce qu'a dit le représentant de la Croatie,

7 c'est que celle-ci n'a aucune obligation d'exécution s'agissant des

8 ordonnances délivrées par les Juges. Ils estiment que, non seulement ils

9 n'ont pas cette obligation, mais ils estiment que cette position -qu'ils

10 ont adoptée- a été corroborée par la Chambre d'appel. Je suis encore plus

11 convaincu de ce que j'ai avancé précédemment.

12 Mais j'aimerais m'attarder un peu sur cette question, Monsieur

13 le Président. Une affaire a été portée à la connaissance de ce Tribunal

14 s'agissant de l'accusé Simic. Cet accusé est un homme handicapé à la suite

15 de blessures, il est en fauteuil roulant et il a déposé une requête aux

16 fins de mise en liberté provisoire, une fois déféré devant ce Tribunal.

17 Il vous sera peut-être utile que je vous rappelle les

18 circonstances dans lesquelles cette liberté provisoire lui a été accordée.

19 Il était équipé d'une lettre venant du vice premier ministre et du

20 ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska. Non seulement une somme

21 était offerte en guise de caution par le biais de cette lettre, mais la

22 Republika Srpska s'est engagée, par écrit sous scellés, à exécuter toute

23 ordonnance rendue par ce Tribunal. Ils l'ont dit de façon explicite,

24 expresis verbis, qu'ils allaient respecter les ordonnances de ce Tribunal

25 visant notamment, si c'était nécessaire, à l'arrestation de l'accusé et

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1 ceci présente un contraste très vif par rapport à ce qui a été dit à

2 propos de la Croatie.

3 Il y a un aspect intéressant de l'ordonnance rendue en l'espèce

4 qui vous sera peut-être utile. Une lettre a été déposée devant la Chambre

5 de première instance en question par l'IPTF en Bosnie, lettre par laquelle

6 cette force s'engageait à assurer la surveillance de l'accusé au nom du

7 Tribunal, pour veiller à ce que les conditions imposées par le Tribunal

8 soient respectées par l'accusé.

9 De surcroît, l'ordonnance exigeait qu'il se soumette à un garde,

10 garde qu'il devait assurer pour toute la durée du procès. Donc c'était une

11 question purement préjudicielle. Une fois que le procès aurait commencé,

12 toutes ces conditions allaient être caduques et il serait placé sous garde

13 continue.

14 Autre élément : en plus, c'était un homme sérieusement

15 handicapé, en fauteuil roulant, qui avait subi des blessures par balles,

16 dans des circonstances tenant fortement aux conditions proches dans le

17 temps du moment de l'arrestation et du défèrement.

18 Tout ceci étant, le Procureur a donné son accord, ne s'est pas

19 opposé, puisqu'il y avait un certain degré de certitude, alors qu'ici en

20 l'espèce, il y a un risque réel, où par exemple tous les dépens sont

21 consentis pour le procès, ce sont des coûts qu'on ne peut pas reproduire,

22 étant données les ressources limitées dont dispose le Tribunal.

23 Pour ce qui est de Simic, puisqu'il va être en détention pour

24 toute la durée du procès, il n'y a aucun risque de le voir s'échapper à la

25 dernière minute et que le procès ne puisse pas avoir lieu, or c'est ce qui

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1 nous préoccupe ici, précisément, en l'occurrence.

2 La question de l'état de santé de l'accusé a été soulevée une

3 fois de plus il y a un instant par Me Mikulicic. Rien ne nous prouve quel

4 est son état de santé. Nous avons tout au plus pu observer son état au

5 cours de la procédure. Mais comment pourrais-je, moi, établir l'importance

6 d'un rapport médical ?

7 Je ne sais pas si vous êtes mieux à même de le faire que moi,

8 Messieurs les Juges, mais, à notre avis, s'il s'agit d'une demande sincère

9 aux fins de mise en liberté provisoire du fait de son état de santé, c'est

10 qu'il nous faudrait avoir un expert qui vienne nous donner des

11 explications motivant le fait que sa détention poursuivie serait

12 incompatible avec son état de santé. Or personne ne nous dit cela, si ce

13 n'est Me Mikulicic.

14 Je ne sais pas quel est son bagage médical, mais si nous voulons

15 vraiment trouver une solution à cette question, il nous faut des moyens de

16 preuve qui prouveraient le fondement de l'ordonnance aux fins de mise en

17 liberté provisoire.

18 Un dernier point que j'aimerais évoquer : à entendre

19 Me Mikulicic, apparemment M. Aleksovski recevait un traitement médical et

20 il se voyait obligé de faire des exercices de façon régulière et puis,

21 pour une raison ou une autre, ceci s'est terminé. Je ne sais pas pourquoi

22 on a interrompu ce traitement, je ne sais pas si une décision en bonne et

23 due forme a été prise pour mettre fin au traitement.

24 Mais si cette décision interrompant le traitement ou les

25 exercices qui semblaient nécessaires pour lui, si une telle décision a été

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1 prise, nous estimons qu'il faut examiner pourquoi elle a été prise et il

2 faut peut-être rétablir ce traitement, car, si M. Aleksovski a besoin de

3 ce traitement, il faudrait qu'il lui soit assuré. Nous serions vraiment

4 les derniers à vouloir que quelque chose lui arrive pour une question de

5 santé qu'on peut éviter. Nous vous enjoignons à étudier la question,

6 Messieurs les Juges. Mais nous ne pensons pas qu'il soit adéquat

7 d'accorder la mise en liberté provisoire.

8 Pour répondre à votre première question, Monsieur le Président,

9 je ne suis pas du tout sûr que si vous rendiez une ordonnance, elle serait

10 exécutée.

11 M. le Président. - Finalement pour finaliser notre débat, et

12 notre débat est presque à la fin, j'aimerais bien donner la parole à

13 M. Aleksovski, si vous avez quelque chose à dire. En ajoutant à ce que

14 Me Mikulicic a déjà dit, donc pas pour répéter ce que Me Mikulicic a dit,

15 mais si vous avez quelque chose à dire. M. Aleksovski, vous avez la

16 parole.

17 M. Aleksovski (interprétation). - Messieurs les Juges, bonjour.

18 J'écrivais au fur et à mesure des débats qui ont eu lieu ici aujourd'hui

19 et donc permettez-moi de vous faire un petit commentaire là-dessus.

20 Je voudrais également vous demander de m'accorder la possibilité

21 de me défendre en étant en liberté. J'ai toute confiance en ce Tribunal.

22 Il est midi et demie, nous sommes le 2 décembre 1998 et j'ai toujours

23 confiance en ce Tribunal et je crois que je continuerai à avoir confiance.

24 Vous avez dit récemment d'une manière ironique que cela vous

25 plaît de me voir ici dans cette salle d'audience. Je vous comprends tout à

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1 fait, Monsieur le Juge. Mais je peux vous assurer que vous aurez la

2 possibilité de me voir de nouveau dans cette salle d'audience et je suis

3 convaincu que je sortirai d'ici en tant qu'homme innocent et libre.

4 Ce que vient de dire M. Niemann, c'est une des raisons pour

5 lesquelles je comparaîtrai ici, devant ce Tribunal, car je ne m'attends

6 pas à avoir une sentence très dure. De mon point de vue personnel, je

7 voudrais vous dire que je sortirai d'ici en tant qu'un homme innocent,

8 donc c'est la raison principale pour laquelle je peux vous garantir que je

9 me rendrai ici si vous m'accordez la mise en liberté provisoire.

10 Je vivais toujours dans un milieu normal, ordinaire. Mes amis

11 sont des gens ordinaires, donc toute crainte que je puisse commettre un

12 acte illégal n'est pas fondée. Ceci est en fait absurde si l'on me

13 connaît. Moi, je ne commettrai pas un acte de folie, quelque chose de

14 stupide, je peux vous le promettre, Messieurs les Juges.

15 Lorsque vous avez dit lors d'une des audiences précédentes que

16 certains de mes amis, de mes connaissances viendraient ici, vous aviez

17 raison. Mme Vasvija était ma collègue de travail, tout à fait par hasard,

18 et je connais M. Tomic, car il était avocat, conseil de la défense de ceux

19 qui étaient en détention dans la prison où je travaillais. Vous ne le

20 saviez pas, mais vous l'avez deviné.

21 Ensuite, qu'est-ce que j'aurai à ajouter en ce qui concerne ma

22 demande de mise en liberté. Je crois qu'il y a des raisons tout à fait

23 personnelles qui nous ont amenées mon avocat et moi à faire cette demande.

24 La première raison est la raison principale, c'est mon état de santé. Tout

25 à fait par hasard, ma vie a changé et j'ai en fait hérédité certaines

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1 maladies, je ne pourrai pas entrer ici en détails, mais je peux vous dire

2 que j'ai beaucoup de difficultés, beaucoup de problèmes au niveau de la

3 santé.

4 Depuis 1979, j'ai remarqué que j'ai des problèmes de tension.

5 Avant, je n'avais vraiment pas peur des maladies et je menais uns vie

6 normale, je pratiquais le sport entre autres choses. Je faisais partie

7 d'un club de football à Zenica. J'étais également membre d'un club de

8 parachutisme.

9 Cependant, on m'a recommandé d'arrêter ces activités sportives

10 et c’est ce que j’ai fait. J'ai continué mes études universitaires. Comme

11 vous avez pu le voir, je viens d’une famille d’ouvriers qui n'est ni

12 riche, ni pauvre. Je bénéficiais des soins médicaux à Zenica sans

13 interruption. Cependant, au fur et à mesure que le temps passait, on a

14 commencé à voir les conséquences de mes problèmes de santé. Je ne suis pas

15 un expert en médecine, mais en tout cas ma tension était très très élevée.

16 J'ai commencé également à souffrir de problèmes de tachycardie.

17 M. le Président. – Excusez-moi de vous interrompre, mais nous

18 connaissons ces problèmes de santé, donc, il n'est pas nécessaire de les

19 répéter. Nous connaissons déjà ces problèmes. Vous pouvez finir ?

20 M. Aleksovski (interprétation). – Puis-je ajouter encore quelque

21 chose ? Je serai bref, je terminerai pas longtemps.

22 M. le Président. – Oui.

23 M. Aleksovski (interprétation). - Je voudrais juste ajouter

24 ceci : l'accusation a demandé pourquoi j'avais interrompu les soins

25 médicaux qui m’ont été donnés en prison.

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1 La physiothérapie n'a pas été interrompue sur ma demande, mais

2 elle a été interrompue, car il n'y a pas eu de conditions objectives pour

3 recevoir ces soins. Le médecin a dit que ça ne faisait pas de sens de le

4 faire de cette manière-là. On m'a dit qu’il fallait en fait faire une

5 opération sur ma colonne vertébrale, mais en même temps, on m'a dit que

6 cette opération présente des risques très importants pour que je reste

7 paralysé.

8 En ce qui concerne mes troubles cardiaques chroniques, je suis

9 une thérapie qui doit être interrompue tous les quatre ou cinq mois afin

10 de m'accorder un répit et de recommencer ensuite avec cette thérapie. Je

11 vous remercie.

12 M. le Président. – Merci aussi. Donc, nous allons faire une

13 pause plus ou moins d'une demi-heure et nous reviendrons pour une

14 décision.

15 L’audience, suspendue à 12 heures 35, est reprise à 13 heures 05.

16 M. le Président. – Nous allons donc prendre notre décision.

17 Après avoir lu les conclusions des parties, entendu leurs arguments, et

18 recueilli les vues de la République de Croatie, et après avoir donné la

19 parole à l'accusé, M. Aleksovski, la Chambre rend la décision suivante :

20 La mise en liberté provisoire de l’accusé ne peut être ordonnée

21 par une Chambre que dans les conditions prévues dans l'article 65(B) du

22 Règlement de procédure et de preuve.

23 La Chambre considère que les quatre conditions posées par cet

24 article sont cumulatives. Il appartient à la défense d'apporter la preuve

25 que chacune de ces conditions est remplie. La Chambre relève que,

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1 s'agissant de la demande de mise en liberté provisoire de M. Aleksovski,

2 la défense n'a apporté ni dans ses écritures, ni dans sa présentation

3 orale, les éléments qui auraient permis aux Juges de constater que les

4 conditions de l'article 65(B) du règlement étaient satisfaites, et, plus

5 spécialement, qu'il existait des circonstances exceptionnelles tenant à

6 l'état de santé de l'accusé, M. Aleksovski.

7 Les Juges observent enfin qu'aucune autre circonstance

8 exceptionnelle ne résulte de la description faite par la défense de la

9 procédure.

10 En conséquence, la Chambre rejette la demande de mise en liberté

11 provisoire de l'accusé M. Aleksovski.

12 La Chambre demande au greffe de prendre toute mesure utile

13 permettant d'apporter à l'accusé M. Aleksovski les soins que nécessite son

14 état de santé.

15 Donc, c'est la décision de la Chambre. Les Juges doivent

16 toujours être d'accord avec les règles et les règles ne permettent pas à

17 la Chambre une autre décision.

18 La séance va être levée et la décision est rendue.

19 Excusez-moi, mais M. Fourmy attire mon attention pour bien dire

20 que la décision a été prise selon l'article 65(B).

21 Avant de lever la séance, j'aimerais m'adresser à M. Aleksovski

22 pour dire ce que j'ai dit : les règles sont les règles, les Juges doivent

23 appliquer les règles et donc on a appliqué les règles.

24 De toute façon, nous ne nous retrouverons pas ici avant Noël.

25 Donc, je profite de l'opportunité pour vous souhaiter un bon Noël à tous,

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1 à tous ceux qui célèbrent Noël. A une autre fois.

2 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)

3 L'audience est levée à 12 heures 15.

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