Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14/1-AR73

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Mercredi 03 Février 1999

5

6 LE PROCUREUR

7 du Tribunal

8 c./

9 Zlatko Aleksovski

10

11 La séance est ouverte à 11 heures 15.

12 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

13 Mme Ameerali - Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

14 Juges. Il s'agit de l'affaire IT-95-14/1-AR73, le Procureur contre Zlatko

15 Aleksovski.

16 M. le Président (interprétation). - Avant que les parties ne se

17 présentent, j'aimerais au nom de la Chambre remercier l'équipe technique

18 qui a permis de transférer cette affaire dans ce prétoire. Les personnes

19 concernées ont dû faire beaucoup d'efforts pour préparer ce prétoire dans

20 les délais prévus.

21 Les parties peuvent-elles se présenter, s'il vous plaît ?

22 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

23 Messieurs les Juges. Je m'appelle Grant Niemann et je suis accompagné de

24 mon collègue Me Meddegoda. Notre substitut d'audience est Mlle Erasmus.

25 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,

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1 Messieurs les Juges, je m'appelle Goran Mikulicic et je suis le conseil de

2 la défense.

3 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers l'accusé,

4 Monsieur Aleksovski peut-il nous entendre dans une langue qu'il comprend ?

5 M. Aleksovski (interprétation). – Monsieur le Président, je vous

6 entends bien et je vous comprends également bien.

7 M. le Président (interprétation). - Merci.

8 Maître Niemann, c'est l'accusation qui a interjeté appel en

9 l'espèce. Il s'agit, en fait, de deux appels qui, je crois, sont tout à

10 fait liés.

11 Bien entendu, c'est à vous de décider de la façon dont vous

12 allez procéder, mais il nous semble approprier de traiter ces deux

13 questions aujourd'hui.

14 Nous avons pris connaissance de vos écritures. Par conséquent,

15 je pense que vous pouvez garder à l'esprit le fait que nous connaissons le

16 contexte de ces demandes.

17 M. Niemann (interprétation). – Merci. Monsieur le Président,

18 Messieurs les Juges, je ne vais pas représenter nos écritures. Cependant

19 je ne veux pas minimiser l'importance que représentent les documents

20 soumis.

21 Les arguments que je vais présenter aujourd'hui seront liés

22 principalement au premier appel ayant trait à la première décision du

23 22 octobre 1998 ; ce sont surtout sur ceux-là que je me concentrerai.

24 Dans une large mesure, je me fonderai sur les documents que nous

25 avons soumis à l'écrit pour aborder le deuxième point, le deuxième appel,

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1 bien que je sois tout à fait à votre disposition pour vous éclairer, le

2 cas échéant, sur certains points.

3 Nous disons aujourd'hui qu'il s'agit d'un appel important parce

4 qu'il a trait à des questions qui, dans des systèmes juridiques nationaux,

5 sont bien comprises et souvent reconnues. A mon avis cependant, ces

6 principes-là ne sont pas aussi reconnus dans ce système et dans cette

7 institution.

8 Les arguments que je voudrais présenter aujourd'hui sont au

9 nombre de deux.

10 Premièrement, je voudrais déterminer quel est l'objectif, quel

11 est le but d'une procédure pénale, dans cette enceinte ?

12 La deuxième question est la suivante. Un procès équitable, rendu

13 nécessaire par le Règlement et par le Statut, signifie-t-il un procès

14 équitable pour la Communauté internationale, représentée par le Procureur,

15 ainsi que pour l'accusé ?

16 Si je devais suggérer qu'un procès de nature pénale a pour

17 objectif de déterminer la vérité, vous seriez tout à fait d'accord avec

18 moi et vous accepteriez cette proposition. Mais si je devais vous dire que

19 la recherche de la vérité doit être supérieure à tout autre aspect du

20 procès, qui risque d'être ramené à un événement sans rigueur, sans

21 principe, sans début ou sans fin défini, vous diriez que ce n'est pas le

22 cas.

23 Je vous renvoie à l'article 21-3 du Statut du Tribunal. Dans cet

24 article, il est dit qu'il faut s'assurer que l'accusé soit présumé

25 innocent jusqu'à ce que preuve soit faite de sa culpabilité. Il s'agit là

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1 d'une disposition du Statut. Nous voyons là la preuve qu'un procès qui se

2 tient devant ce Tribunal doit permettre de déterminer l'innocence ou la

3 culpabilité d'un accusé.

4 Lorsque nous cherchons à déterminer la vérité, il y a cependant

5 d'autres questions, que nous connaissons tous sans doute, à savoir que

6 nous pouvons essayer de déterminer qu'elle a été la cause de la mort d'un

7 individu ou bien qu'elle a été la cause d'un incendie. Nous pourrons

8 déterminer la vérité sur ces différents points, mais la détermination de

9 cette question et le critère de la preuve, dans ce cadre, risquent, et ce

10 sera sans doute le cas, de ne pas satisfaire aux exigences d'un Tribunal

11 pénal, car il faut que les éléments de preuve établissent la vérité au-

12 delà de tout doute raisonnable quant à l'identité de l'assassin ou de la

13 personne qui a allumé cet incendie.

14 Je n'essaie pas de dire qu'une condamnation ou un acquittement

15 d'un accusé devrait se fonder sur tout élément autre que la vérité. Bien

16 entendu, on demande au témoin de dire la vérité, toute la vérité et rien

17 que la vérité. Par conséquent, la procédure du procès se fonde sur la

18 vérité.

19 Cependant la vérité est un concept assez distinct, à mon avis,

20 de la notion de preuve au-delà de tout doute raisonnable. La vérité est

21 une question qui peut être évaluée en faisant référence à un certain

22 nombre de sources, mais aucune de ces sources, quelle soit prise

23 individuellement ou collectivement, ne constitue une preuve au-delà de

24 tout doute raisonnable.

25 Je pense que c'est un principe bien établi de dire que la

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1 liberté d'un individu est trop précieuse pour dépendre de ce qui, dans

2 certaines circonstances, pourrait être accepté comme étant la vérité.

3 Inversement, la vérité absolue pourrait être quelque chose qui

4 constitue une preuve au-delà de tout doute raisonnable. Pourquoi ? Parce

5 qu'il est humainement impossible de parvenir à cette vérité absolue. Par

6 conséquent, nous risquons de nous retrouver dans une situation dans

7 laquelle on accepte la vérité d'une situation, à savoir qu'hier il faisait

8 10 degrés.

9 Vous acceptez la vérité de ce fait, mais si cette assertion,

10 cette proposition doit servir de base à la déclaration de culpabilité ou

11 d'innocence d'une personne, vous allez dire qu'il n'y a pas suffisamment

12 de preuve, que cette preuve n'est pas suffisamment solide.

13 Inversement, vous risquez de faire face à une situation dans

14 laquelle un crime a été commis à un endroit particulier. Il n'y a pas eu

15 de témoin oculaire qui a pu assister à l'événement et vous devez

16 déterminer la situation en vous fondant sur des éléments de preuve

17 circonstancielle ; par exemple sur un ticket de bus prouvant que la

18 personne s'est trouvée à cet endroit ou bien sur le fait que des fibres de

19 vêtements ont été retrouvées à l'endroit du crime, etc. Ce n'est pas une

20 vérité absolue, mais ce sont peut-être des éléments sur lesquels vous

21 devrez vous fonder. Il s'agira alors d'une preuve au-delà de tout doute

22 raisonnable.

23 D'autre part, lorsqu'on parle de la découverte de la vérité,

24 cette notion peut prendre différentes formes. Les commissions d'enquêtes,

25 par exemple, peuvent passer d'un point à un autre afin de parvenir à tirer

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1 une conclusion leur permettant de dire que c'est bien la vérité qui a été

2 établie sur tel ou tel point. Cependant, à notre avis, cela ne peut être

3 la base unique d'une procédure pénale.

4 Si vous me le permettez, j'aimerais vous renvoyer à la première

5 requête qui a été déposée par la défense lorsque la défense a demandé le

6 versement du témoignage de l'amiral Domazet.

7 J'ai numéroté un exemplaire de cette requête afin de nous

8 faciliter la tâche. Je ne sais pas si vous avez sous les yeux cette

9 requête, je ne sais pas si l'exemplaire numéroté a été distribué à mon

10 collègue.

11 M. le Président (interprétation). – Nous l'avons, oui.

12 M. Niemann (interprétation). – Puis-je vous renvoyer tout

13 d'abord au paragraphe 11, sur notre exemplaire, à la deuxième page de la

14 requête, sous le titre : "Discussion". Il s'agit de ma numérotation, donc

15 au numéro 11.

16 L'affirmation de la défense est la suivante. La défense

17 considère qu'il est de l'obligation de la Chambre de première instance

18 d'établir la vérité. Par conséquent, aucune restriction de nature formelle

19 ne peut être imposée dans le cadre de la présentation ou du versement

20 d'éléments de preuve.

21 De quoi s'agit-il lorsqu'on parle de restriction de nature

22 formelle ? La défense, dans sa requête, ne nous le dit pas. Mais, je

23 crois, que la défense fait clairement référence, notamment, à des règles

24 ou à des articles, tel que l'article 85 (A) du Règlement. Dans ce

25 Règlement, il est dit à l'article 85 (A), entre autre, que "les éléments

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1 de preuve sont présentés dans l'ordre suivant", ensuite on trouve la

2 chronologie à suivre.

3 Ceci pourrait être considéré comme étant une limite, une

4 restriction, notamment quand vous avez terminé la présentation de vos

5 éléments de preuve et que vous souhaitez en présenter de nouveaux. Car

6 l'article 85 nous dit qu'il faut suivre un certain ordre, un ordre

7 déterminé, à moins bien entendu que les intérêts de la justice commande

8 une autre procédure.

9 Revenons, s'il vous plaît, à la requête en elle-même, la requête

10 déposée par la défense, le 29 septembre 1998. Je voudrais vous renvoyer au

11 paragraphe que j'ai numéroté, au paragraphe 12.

12 Vous voyez qu'une référence est faite à l'article 89 du

13 Règlement de Procédure et de Preuve. Et puis, si vous tournez la page,

14 vous voyez qu'il est fait référence au paragraphe 17, juste au-dessus du

15 titre "Conclusions".

16 Nous voyons, dans ce paragraphe, que la défense dit la chose

17 suivante. La défense considère, quelle qu'ait été la procédure complète de

18 présentation des éléments de preuve et même si cette procédure est

19 parvenue à son terme, qu'il n'y a pas d'obstacle formel ou juridique

20 l'empêchant de présenter le témoignage du témoin expert, l'amiral Davor

21 Domazet. Donc, une nouvelle référence est faite à ces restrictions

22 formelles ou juridiques.

23 Nous n'appellerions pas ces différentes restrictions des

24 obstacles, peut-être que nous choisirions un terme plus neutre, par

25 exemple les principes régissant un procès ou les articles du Règlement de

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1 Procédure et de Preuve régissant un procès.

2 Messieurs les Juges, l'article 20 paragraphe 1 du Statut du

3 Tribunal demande que les travaux soient menés en vertu du Règlement.

4 Au minimum, l'article 85 auquel j'ai fait référence, qui

5 présente une certaine chronologie dans la procédure et qui s'applique,

6 sauf si les intérêts de la justice prévoient une autre procédure, cet

7 article donc fait partie de ces principes à suivre.

8 L'élément de preuve dont la défense demande le versement, et qui

9 a d'ailleurs été versé au dossier, je parle du témoignage de l'amiral

10 Domazet, doit permettre de déterminer si, oui ou non, en 1993, en Bosnie

11 centrale régnait un conflit armé international. L'importance dont parle la

12 défense, au travers d'arguments assez vagues, est que la découverte de la

13 vérité, et la recherche de la vérité, sur un point particulier, transcende

14 toutes les autres restrictions et contraintes qui pourraient être imposées

15 par le Règlement de Procédure et de Preuve et a pour objectif de régir la

16 recevabilité des éléments de preuve.

17 Vous penserez peut-être que ceci, ce genre d'argument, va à

18 l'encontre de nos intérêts, l'intérêt de l'accusation, parce que

19 l'accusation tente d'obtenir l'admission d'éléments de preuve qui iraient

20 à l'encontre des éléments de preuve versés par la défense.

21 Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que l'accusation a

22 plus intérêt à préserver l'intégrité des travaux et à s'assurer du respect

23 du Règlement de Procédure et de Preuve.

24 A notre avis, la défense oublie, dans ses assertions extrêmement

25 vagues, qu'un tel principe d'une recherche de la vérité globale risque

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1 d'avoir une influence sur le droit à un procès équitable. En d'autres

2 termes, de telles assertions, très vagues, risqueraient d'entraver un

3 procès équitable ; ce qui est pourtant au coeur des travaux de ce

4 Tribunal.

5 Les auteurs éminents du texte "Procédure pénale", deuxième

6 édition 1992, page 34, dont j'ai des exemplaires de ce texte que je

7 pourrais vous faire parvenir, ainsi qu'à mon collègue Me Mikulicic...

8 M. le Président (interprétation). – Maître Niemann, de quel

9 texte parlez-vous ?

10 M. Niemann (interprétation). - C'est un texte intitulé

11 "Procédure pénale" deuxième édition, par Lafave et Israël.

12 M. le Président (interprétation). – A quel système juridique ce

13 texte fait-il référence ?

14 M. Niemann (interprétation). – Au système des Etats-Unis,

15 Monsieur le Président.

16 Je vous renverrai à un petit passage de ce texte afin de

17 renforcer mon argument. Il est dit, page 34, en haut de la deuxième

18 colonne, dans le chapitre 1, "Vision générale" : "La découverte de la

19 vérité reste un des objectifs principaux de la procédure pénale, mais il

20 existe également d'autres objectifs qui tendent à déformer la vérité. Nous

21 trouvons notamment celui du respect de la valeur de la dignité humaine".

22 Nous trouvons des principes similaires dans notre Règlement de

23 Procédure et de Preuve.

24 M. Hunt (interprétation). -Mais quelle est la pertinence de tout

25 ceci ?

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1 M. Niemann (interprétation). – Eh bien lorsqu'une Chambre

2 parvient à une décision qui accepte la proposition selon laquelle la

3 recherche de la vérité est un principe de nature globale qui permet

4 d'abandonner, si je puis dire, la chronologie qui doit être suivie dans un

5 procès, simplement parce qu'il s'agit de la recherche de la vérité, que

6 par conséquent toute méthode devrait être adoptée et que des éléments de

7 preuve pourraient être versés à n'importe quelle phase du procès, je dis

8 que ce n'est pas ce que prévoit le Règlement de Procédure et de Preuve.

9 Il y a des exemples qui, à mon avis, vont à l'encontre de la

10 recherche de la vérité, qui y mettent des limites.

11 M. Hunt (interprétation). – Oui, mais la chronologie de la

12 présentation des éléments de preuve doit être expressément dépendante des

13 intérêts de la justice. On ne peut pas faire d'une règle de ce type un

14 principe devant régir l'ensemble des débats. Ce sont les intérêts de la

15 justice qui modifient cette procédure.

16 Alors peut-on, s'il vous plaît, passer à la première proposition

17 en vertu de laquelle, si les éléments de preuve doivent être présentés de

18 façon orale par le témoin Domazet, vous auriez pu faire objection au fait

19 que ces éléments de preuve n'étaient pas présentés de façon appropriée

20 d'un point de vue chronologique ?

21 M. Niemann (interprétation). – Oui, effectivement.

22 M. Hunt (interprétation). – Et, ensuite, que se passe-t-il ?

23 M. Niemann (interprétation). - Peut-être que je pourrais vous

24 expliquer quel est mon objectif ? Je pourrais vous donner un exemple dans

25 lequel je dis que la Chambre de première instance a commis une erreur. Je

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1 crois qu'il est important de démontrer dans quelle situation, dans quel

2 contexte, une erreur a été commise.

3 M. le Président (interprétation). - Pour reprendre ce point,

4 nous pourrions supposer qu'effectivement la procédure pénale a un

5 objectif, à savoir celui d'évaluer si, oui ou non, l'accusation a bien

6 prouvé que l'accusé a commis le crime qui lui est reproché au-delà de tout

7 doute raisonnable. Ceci est souvent décrit comme étant l'objectif

8 principal de la procédure.

9 Nous acceptons également que nous devons nous soumettre aux

10 articles auxquels vous avez fait référence, à savoir que la procédure est

11 menée en vertu du Règlement.

12 Supposons que nous acceptions ces propositions.

13 Votre argument est-il le suivant. La Chambre de première

14 instance a commis une erreur lorsqu'elle a admis ces éléments de preuve.

15 Tout d'abord, parce que ces éléments n'étaient pas recevables en tant

16 qu'éléments de preuve. Je ne pense pas que ce soit votre argument, mais

17 j'aimerais cependant entendre votre avis sur la question. Dites-vous

18 également que ces éléments de preuve ont été présentés hors délais ? Je ne

19 pense pas, non plus, qu'il s'agisse là de votre argument. Ou bien dites-

20 vous qu'il était injuste pour l'accusation d'admettre les éléments de

21 preuve à ce stade et, notamment, si vous n'aviez pas la chance, vous-même,

22 de pouvoir contester ce témoignage ?

23 Je sais que j'essaie de vous faire dire certaines choses. Je

24 sais que c'est toujours un peu difficile à aborder, mais si vous pouviez

25 répondre à ces questions je pense que ceci nous aiderait.

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1 Je ne veux pas vous presser, mais, s'il vous plaît, nous

2 souhaiterions traiter de cette question au cours de la matinée. Je sais

3 que nous avons pris du retard et ceci dû à des motifs qui étaient

4 indépendants de votre volonté, mais j'aimerais que nous en terminions ce

5 matin.

6 M. Niemann (interprétation). – Je pense en avoir terminé

7 suffisamment rapidement pour que mon collègue ait la possibilité de

8 répondre et que nous terminions nos débats ce matin.

9 Je ne vais pas rentrer dans les détails sur ce point, mais vous

10 m'avez posé un certain nombre de questions et je vais essayer d'y répondre

11 au cours de la présentation de mes arguments.

12 Je peux aussi vous y répondre de façon plus concise…

13 M. le Président (interprétation). - S'il vous plaît.

14 M. Niemann (interprétation). – Nous dirions que le compte rendu

15 du témoignage de l'amiral Domazet n'est pas recevable en vertu du

16 Règlement, c'est notre première assertion.

17 Si nous avons tort de penser cela, eh bien nous dirions la chose

18 suivante. Le Règlement prévoit que l'accusation représente la Communauté

19 internationale et a les mêmes droits que la défense, et -entre autres

20 dispositions- dans l'article 85 ce principe est établi.

21 Nous avançons qu'en modifiant l'ordre de présentation des

22 éléments de preuve, si nous avons tort et s'il s'agit bien d'éléments de

23 preuve, nous pensons que nous nous sommes vu privés des droits que nous

24 trouvons dans le Règlement, à savoir que nous n'avons pas eu la

25 possibilité de contre-interroger le témoin.

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1 M. Hunt (interprétation). – Mais, au moment où cette question a

2 été abordée au cours de la procédure, le témoin avait-il déjà été contre-

3 interrogé ?

4 M. le Président (interprétation). – Oui.

5 M. Hunt (interprétation). – Oui, mais ceci n'est pas très clair.

6 Il avait donc déjà été contre-interrogé ?

7 M. le Président (interprétation). – Oui, je me souviens

8 qu'effectivement il avait été contre-interrogé ; c'était l'un des points

9 qui avaient été abordés à l'époque.

10 Puisque nous en parlons, vous souhaitiez quant à vous verser le

11 témoignage d'un témoin protégé. Je crois que ce témoin avait été contre-

12 interrogé de façon complète, n'est-ce pas ?

13 M. Niemann (interprétation). – Oui, effectivement.

14 Afin de conclure la présentation de mes arguments sur la

15 question que j'ai abordée, et je suis tout à fait conscient du fait que

16 vous m'avez demandé de passer directement aux questions importantes, je

17 souhaiterais attirer votre attention sur la décision de la Chambre de

18 première instance en date du 22 octobre 1998, et notamment sur la section

19 consacrée à la motivation.

20 J'ai, là aussi, numéroté un certain nombre d'exemplaires qui

21 pourront vous permettre de retrouver les références que je m'apprête à

22 faire.

23 Très rapidement, je souhaiterais revenir sur l'argument que j'ai

24 développé.

25 La défense, à juste titre, a la possibilité de présenter tous

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1 les arguments qu'elle souhaite présenter et nous ne serions pas ici si la

2 défense ne l'avait pas fait. Mais, à la lecture de la décision, il

3 apparaît qu'elle a repris les arguments présentés par la défense. Je vais

4 rapidement vous citer ces paragraphes.

5 Le paragraphe que j'ai numéroté comme étant le paragraphe 9

6 reprend le contenu du paragraphe 89 qui a été évoqué par la défense comme

7 étant la disposition qui permet l'admission de ces éléments.

8 Au paragraphe 11, selon ma numérotation, il est question du fait

9 que l'affirmation de la vérité est un principe fondamental, ce que bien

10 sûr nous ne remettons pas en cause. C'est un principe fondamental sans

11 doute, cela étant nous contestons le fait que ce principe fondamental ait

12 priorité sur tous les autres principes, et nous allons argumenter notre

13 contestation.

14 Compte tenu de ces dispositions et d'autres dispositions de la

15 même décision, nous venons d'exprimer notre position. Nous disions qu'il y

16 a défaut sur les bases que je viens d'exposer.

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le Statut de ce

18 Tribunal vous confère l'autorité nécessaire pour rédiger le Règlement de

19 Procédure et de Preuve. Comme je l'ai rappelé il y a quelques instants,

20 l'article 21 du Statut prévoit que les procès se déroulent conformément

21 aux dispositions du Règlement.

22 Si une Chambre de première instance cherche à modifier l'ordre

23 de présentation des éléments de preuve, il convient, à notre avis, dans

24 l'intérêt de la justice, que cela soit possible. Mais il faut que la

25 justice soit prise en compte et préservée. Où se situe cet élément à

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1 préserver, du point de vue de la justice ? Cet élément est le suivant.

2 Est-ce qu'une telle modification va gêner la partie adverse, est-ce que

3 cette gêne sera liée exclusivement à la procédure ?

4 Si vous me le permettez, j'aimerais maintenant aborder le

5 deuxième point qui nous préoccupe, à savoir le fait qu'une partie ou

6 l'autre partie se voit accorder certains droits.

7 M. le Président (interprétation). – Le Juge Robinson souhaite

8 faire un commentaire.

9 M. Robinson (interprétation). – Je vous prie de m'excuser, mais

10 c'est un éclaircissement que je souhaite obtenir déjà depuis quelque

11 temps.

12 L'élément de preuve qui vient d'un témoin confidentiel et que

13 vous demandez en réfutation, cet élément se présenterait-il sous forme de

14 compte-rendu ou de vidéo ?

15 M. Niemann (interprétation). – Sous forme de vidéo.

16 M. le Président (interprétation). - Je tiens à ne pas perdre de

17 vue l'argument que vous avez développé eu égard à ces éléments de preuve

18 et à leur nature, notamment le fait que l'on parle de compte-rendu et de

19 vidéo.

20 Vous dites que les vidéos ne sont pas admissibles. Alors je vous

21 pose la question de savoir si votre argumentation repose sur le fait que

22 cette vidéo aurait été reçue trop tardivement ? Ou s'agit-il d'un problème

23 de délai eu égard au contre-interrogatoire ? Ou bien dites-vous que cette

24 vidéo n'est pas admissible compte tenu de sa forme ?

25 Car le compte-rendu et la vidéo sont sans aucun doute des

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1 éléments de preuve d'ouï-dire dans ce procès. En effet, il s'agit de

2 documents relatifs à un témoin qui n'a pas déposé à la barre des témoins.

3 A l'évidence, il s'agit d'éléments de preuve relevant de l'ouï-

4 dire et cet ouï-dire n'a pas fait l'objet de l'appel, n'est-ce pas ?

5 M. Niemann (interprétation). – Monsieur le Président, nous ne

6 disons pas que les éléments de preuve relevant de l'ouï-dire sont non

7 admissibles dans ce Tribunal. Ce n'est pas la base de notre argumentation.

8 Ce que nous disons c'est que les raisons fondamentales pour

9 lesquelles le compte-rendu est inadmissible, relèvent notamment des

10 dispositions que l'on trouve à l'article 90 du Règlement.

11 M. Hunt (interprétation). – Oui, mais c'est ce qui vient

12 précisément d'être dit. Il ne s'agit pas du témoignage d'un témoin, il

13 s'agit d'une déclaration qui émane d'une personne qui n'a pas été témoin

14 dans ce Tribunal et qui a été recueillie dans des locaux extérieurs à ce

15 Tribunal.

16 Il est possible que cette personne ait déjà participé à un autre

17 procès et ait déjà été soumise à une forme de contre-interrogatoire, mais

18 en tout cas, en l'espèce, dans le cas qui nous intéresse, il ne s'agit pas

19 d'une déposition de témoin.

20 M. Niemann (interprétation). – Monsieur le Juge, je ne crois pas

21 que ce soit l'interprétation qui s'applique en rapport avec l'article 90.

22 Il serait très aisé de dire : "Eh bien, ce que nous allons faire c'est

23 ignorer l'article 90 et traiter de cette affaire comme s'il s'agissait

24 d'une déclaration documentaire équivalente à un témoignage".

25 Or s'il s'agit d'un témoignage, c'est un témoignage qui est

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1 présenté sous forme écrite certes, mais qui relève bien de ce dont il est

2 question à l'article 90 du Règlement. Car cet article 90 stipule que, si

3 un témoignage doit être fait devant la Chambre, ce témoignage doit être

4 présenté oralement.

5 M. le Président (interprétation). – Oui, effectivement, c'est

6 l'argument qui a été développé devant ce Tribunal.

7 Ce que vous dites, si je comprends bien, c'est que l'article 90

8 doit l'emporter et prévaloir, et que si l'on veut avoir une telle

9 déposition il faut appliquer l'article 90, n'est-ce pas ?

10 Or ce qui s'est passé dans les faits, c'est que l'article 90 n'a

11 pas été appliqué et que c'est l'article selon lequel "des éléments de

12 preuve probants et pertinents…" qui a été appliqué.

13 En revanche l'élément de preuve, dont nous parlons, a été admis

14 sous forme d'éléments d'ouï-dire revêtant la forme d'un document.

15 Si vous examinez de plus près les propos des membres de la

16 Chambre de première instance, nous voyons que ses membres avaient admis le

17 témoignage. C'est le mot témoignage qui est utilisé, alors qu'en réalité

18 il s'agit d'un compte-rendu et d'une vidéo dont les membres de la Chambre

19 disent qu'il s'agit d'éléments de preuve documentaire, n'est-ce pas ?

20 Et puis j'ai pris note du fait que, lorsque vous avez répondu à

21 cette décision oralement, vous-même, vous avez dit, n'est-ce pas, que vous

22 considériez ces documents comme des pièces à conviction ?

23 M. Niemann (interprétation). - Je crois que c'est exact.

24 M. le Président (interprétation). - Oui et je crois que c'est

25 tout à fait juste. Mais ce qui se passe c'est qu'au moment où les Juges

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1 ont admis cet élément de preuve dans la forme dont nous parlons, ils en

2 avaient le pouvoir.

3 Maintenant, est-ce que cette admission de cet élément de preuve

4 s'est faite conformément aux dispositions de l'article 90 (A) ? Il

5 appartient, je pense, à la Chambre de première instance d'en décider,

6 indépendamment des décisions que nous prendront dans le cadre de cet appel

7 : à savoir fallait-il ou pas appliquer l'article 90 (A), et la Chambre de

8 première instance avait-elle ou pas le pouvoir d'exercer son pouvoir

9 discrétionnaire pour recevoir l'élément de preuve en question sous la

10 forme dans laquelle il a été reçu.

11 Mais j'aimerais bien en arriver à la deuxième version de votre

12 appel, parce que vous avez, me semble-t-il, présenté une requête à peu

13 près équivalente par rapport à ce témoin, en demandant que le compte-rendu

14 de son témoignage soit admis. Il me semble qu'il n'y a donc pas grande

15 modification entre votre première intervention et votre deuxième

16 intervention.

17 Pensiez-vous que le compte-rendu ne serait pas admis en tant

18 qu'élément d'ouï-dire présenté sous forme documentaire ?

19 Et puis encore un instant, si vous le voulez bien. Je dirais,

20 Maître Niemann, que vous avez une grande expérience des procès qui se

21 déroulent ici. Est-ce que vous avez jamais rencontré un compte-rendu qui

22 ait été admis comme élément de preuve ?

23 M. Niemann (interprétation). – Non, Monsieur le Président.

24 D'abord, je n'ai pas vu de cas de ce genre.

25 Et, deuxièmement, on pourrait peut-être citer l'article 94 (B)

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1 du Règlement qui évoque une situation qui s'approcherait de celle dont

2 nous discutons, c'est-à-dire une situation dans laquelle un constat

3 judiciaire de faits ou de moyens de preuve documentaire peut être admis.

4 On peut arguer du fait que le contenu de cet article s'approche du sujet

5 dont nous sommes en train de discuter, donc qu'il pourrait s'appliquer.

6 Mais le danger est le suivant. A savoir que, eu égard au premier

7 appel, si l'on applique l'article 90, la raison pour laquelle nous disons

8 qu'il n'y avait pas autorité suffisante pour l'appliquer c'est que, bien

9 sûr il peut y avoir constat judiciaire admis dans le cadre de

10 l'article 94, et dans ce cas le problème est tout de même tranché, il y a

11 certitude, en tout cas plus grande certitude que par admission du compte-

12 rendu d'un autre procès qui lui-même n'est pas encore achevé.

13 Or dans la décision rendue par les Juges, il est affirmé que le

14 témoignage du professeur Domazet est d'une valeur indiscutable. Je n'ai

15 pas le texte exact sous les yeux.

16 M. Hunt (interprétation). - Avez-vous vérifié les termes

17 français exacts ? Car, je crois qu'en français, il n'était question que de

18 pertinence indiscutable mais pas de valeur probante ? Peut-être

19 l'expression n'est-elle d'ailleurs pas la plus heureuse, j'en conviens

20 avec vous. Mais ne pensez-vous pas qu'il était question d'autre chose en

21 français que de pertinence indiscutable ? Sinon, nous devrions en

22 discuter.

23 M. Niemann (interprétation). – Monsieur le Juge, je vous avoue

24 que je n'ai plus en mémoire d'autre version que la version anglaise qui,

25 je vous le rappelle, a été vérifiée par un juge anglophone.

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1 M. Hunt (interprétation). – Mais dans les mots qui ont suivis,

2 il était question de poids, et de cette évaluation du poids il nous

3 appartient, à nous, d'en décider dans une étape ultérieure. Mais, je crois

4 que s'agissant de la première étape il n'était question que de pertinence

5 indiscutable et pas de valeur probante.

6 M. Niemann (interprétation). – Monsieur le Juge, je ne peux pas

7 me prononcer sur le sujet car je n'ai que le texte de la décision en

8 anglais sous les yeux.

9 Mais il me semble que le danger qu'il y aurait à revoir, à

10 admettre cet élément de preuve, à ce stade du procès, et je reviendrai

11 dans quelques instants sur l'importance que cela peut avoir pour le témoin

12 en personne, ce danger réside dans le fait qu'une autre Chambre de

13 première instance peut très facilement aboutir à la conclusion que cet

14 élément n'est pas fiable, ne peut être fiable, et peut donner lieu à une

15 conclusion inverse de celle qui a été rendue.

16 En tout cas, selon la lecture que je fais moi-même du texte, il

17 me semble que cette façon d'agir n'est envisageable que si effectivement

18 la pertinence est indiscutable.

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je dirais que

20 l'application de l'article 90 au problème dont nous parlons, en vu de

21 garantir la fiabilité de l'élément de preuve, doit se faire en veillant à

22 ce que le témoignage se fasse de façon orale, mais il peut y avoir des

23 exceptions et ces exceptions sont un compte-rendu ou une cassette vidéo.

24 Lorsque je dis exceptions, je parle d'exceptions qui portent à

25 la fois sur les circonstances qui peuvent être exceptionnelles et sur

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1 l'aspect exceptionnel de l'intérêt de la justice à tel ou tel stade.

2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si j'essaie de

3 regarder de plus près la portée exacte du Règlement, je me pose la

4 question de savoir pourquoi et jusqu'à quel point il doit être rigide.

5 Dans le cadre de l'article 89, certains pouvoirs sont évoqués et

6 l'article 90 porte plus précisément sur les témoins, pas sur les Juges,

7 sur les témoins, sur les personnes qui viennent ici pour s'exprimer devant

8 le Tribunal.

9 M. le Président (interprétation). – Oui, mais la difficulté

10 vient du fait que nous sommes ici dans une juridiction qui n'est pas une

11 juridiction nationale et qu'il faut faire venir les gens pour témoigner,

12 donc ils ont un certain voyage à faire et cette disposition est peut-être

13 moins souple pour les Juges que celles dont jouissent les juges d'une

14 juridiction nationale lorsque qu'il cite un témoin.

15 M. Niemann (interprétation). – Oui, mais les auteurs du

16 Règlement, notamment s'agissant de l'article 90, ont dû penser à cela

17 quand ils ont rédigé cette disposition ; c'est la raison pour laquelle, il

18 me semble, ils ont prévu une disposition permettant de recueillir des

19 dépositions sur le terrain, devant un représentant du Tribunal ; et c'est,

20 semble-t-il, également la raison pour laquelle les liaisons de visio-

21 conférences existent.

22 Il me semble, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

23 s'agissant de conclure à la véracité ou à la non véracité des propos tenus

24 par un témoin, ce fait ne peut être que favorisé par un contre-

25 interrogatoire et ensuite des questions supplémentaires en réfutation.

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1 Or ce que je dis, c'est qu'il serait impossible de contre-

2 interroger le témoin si nous procédons par voie de présentation d'éléments

3 de preuve documentaire.

4 M. le Président (interprétation). – Le Juge Robinson a un

5 commentaire à faire.

6 M. Robinson (interprétation). - J'aimerais simplement dire, eu

7 égard aux deux exceptions que vous venez d'évoquer, à savoir les cassettes

8 vidéos et les comptes-rendus, qu'il existe une autre exception, un autre

9 élément de preuve exceptionnelle, qui est le dépôt d'un mémoire, d'une

10 déclaration sous serment.

11 Mais êtes-vous en train de nous dire que votre énumération

12 d'éléments de preuve exceptionnelle était exhaustive ?

13 M. Niemann (interprétation). – Oui, c'est exactement ce que je

14 voulais dire, Monsieur le Juge, et je vous remercie d'avoir attiré mon

15 attention sur l'article 94 du Règlement.

16 En effet, l'article 94 bis était applicable au moment où les

17 Juges ont pris leur décision. Car cet article 94 bis a toujours fait

18 partie du Règlement, en tout cas il en faisait partie l'année dernière, au

19 mois de juillet. Or les Juges de la Chambre de première instance ne se

20 sont pas appuyés sur les dispositions de l'article 94 bis.

21 Bien entendu nous ne sommes pas, à l'article 90, dans une

22 situation absolument équivalente à celle qui est décrite à

23 l'article 94 bis où il est question de déclaration.

24 Or je crois que dans l'article 94 bis ce dont il est question

25 c'est de la comparution d'un témoin expert qui viendrait devant la Chambre

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1 de première instance pour créer la possibilité, pour le Tribunal et pour

2 les parties de s'appuyer sur ses dires en l'absence d'un contre-

3 interrogatoire. C'est donc ce qui est stipulé de façon précise dans cet

4 article.

5 Si les Juges avaient voulu faire comparaître le témoin, c'est je

6 crois la procédure qu'il eut convenu d'appliquer. Mais s'agissant du

7 témoin particulier dont nous sommes en train de parler, je crois que c'est

8 ce que les Juges auraient sans doute dû permettre à ce témoin, dans

9 l'intérêt de la justice en tout cas, mais ce n'est pas -n'est-ce pas- la

10 procédure qui a été suivie.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce que nous disons

12 c'est que la raison pour laquelle l'article 90, paragraphe 1, stipule ce

13 qu'il stipule, n'a de rapport qu'avec la réception d'un élément de preuve

14 provenant d'un témoin qui témoigne oralement devant la Chambre, à moins

15 qu'il y ait des circonstances exceptionnelles et que celles-ci aient été

16 acceptées en tant que telles.

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je suis absolument

18 certain que vous avez lu le compte-rendu de la déposition de l'amiral

19 Domazet.

20 Nous disons que ce témoin a été un témoin tout à fait

21 insatisfaisant. Si je me rappelle bien, il a refusé à plusieurs reprises

22 de répondre à des questions qu'on lui posait. Mais, indépendamment de

23 cela, il convient de rappeler que cet homme sert activement au sein des

24 forces armées de la République de Croatie et qu'il a été envoyé au

25 Tribunal par le gouvernement de Croatie.

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1 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce que je vous dis

2 ici aujourd'hui c'est que ce témoin n'est pas exactement -par définition-

3 le témoin objectif que nous considérons comme un témoin fiable. Il n'y a

4 guère de chance qu'il comparaisse devant ce Tribunal pour dire que sa

5 République, son gouvernement, ont participé à un acte d'agression contre

6 la République de Bosnie-Herzégovine en 1993. S'il agissait de la sorte ce

7 serait tout à fait extraordinaire étant donné les circonstances.

8 M. le Président (interprétation). - Je n'ai pas vu le compte-

9 rendu de sa déposition, mais je suppose qu'au moment du contre-

10 interrogatoire le Procureur lui a présenté ces arguments ?

11 M. Niemann (interprétation). – Non, parce que le contre-

12 interrogatoire a été restreint et que de nombreuses objections ont été

13 soulevées. L'amiral Domazet a comparu, devant ce Tribunal, dans des

14 conditions tout à fait étonnantes, c'est-à-dire qu'une injonction à

15 comparaître a dû être envoyée à la République de Croatie pour obtenir sa

16 comparution.

17 Je ne vais pas rentrer dans tous les détails mais il y a pas mal

18 de raisons pour lesquelles l'élément de preuve recherché n'est pas parvenu

19 au Tribunal.

20 En remplacement de ces preuves demandées au gouvernement de

21 Croatie, c'est l'amiral Domazet qui est venu et qui a déposé.

22 Bien entendu, il y a un certain nombre de questions liées à

23 l'intérêt national qui ont permis de restreindre les questions qu'il était

24 possible de lui poser. Et même les questions posées au témoin par les

25 membres de la Chambre de première instance, même ces questions n'ont pas

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1 reçu de réponses. Donc son témoignage a été tout à fait insatisfaisant et

2 cela s'ajoute au fait que les conditions dans lesquelles il a comparu

3 étaient elles-mêmes insatisfaisantes.

4 Il faut tenir compte du fait que la Croatie a un intérêt tout à

5 fait manifeste dans le fait que soit dit qu'il n'y avait pas de conflit

6 international armé à l'époque, c'est dans l'intérêt de la Croatie que

7 cette chose soit dite.

8 Ce témoin est arrivé devant la Chambre de première instance à un

9 moment ou le procès passait par un stade délicat.

10 Ce que nous disons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

11 c'est que le Procureur est en droit de contre-interroger. Ce que nous

12 disons c'est que l'article 85 doit être lu comme il convient. A notre

13 avis, l'article 85 (B) stipule qu'il doit y avoir interrogatoire

14 principal, contre- interrogatoire, questions supplémentaires, dans tous

15 les cas. Et dans tous les cas est important.

16 Bien sûr dans l'affaire Blaskic des situations se sont

17 présentées dans lesquelles il a été impossible d'affirmer que le contre-

18 interrogatoire suffisait à répondre à tout.

19 M. Hunt (interprétation). - Quand vous rappelez les termes "dans

20 tous les cas", vous voulez dire dans tous les procès ?

21 M. Niemann (interprétation). – Oui, Monsieur le Juge.

22 M. Hunt (interprétation). - Ne pensez-vous pas que ces termes

23 pourraient être interprétés exactement à l'inverse, c'est-à-dire comme

24 signifiant dans chaque procès et pas dans tous les procès ?

25 M. Niemann (interprétation). - C'est effectivement une

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1 interprétation. Mais, à mon avis, il est également permis de penser que

2 cet article signifie qu'il est applicable dans tous les cas.

3 M. Hunt (interprétation). - Mais toutes les dispositions du

4 Règlement sont applicables dans tous les cas, dans tous les procès.

5 M. Niemann (interprétation). – Non, pas toujours, Monsieur le

6 Juge.

7 Quoi qu'il en soit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 ce que nous affirmons c'est que, compte tenu du fait que ce témoin aurait

9 manifestement dû être mis à la disposition du Tribunal, de façon à ce

10 qu'il puisse y avoir contre-interrogatoire, ce qui nous dérange, Monsieur

11 le Président, Messieurs les Juges, c'est que nous nous posons la question

12 de savoir comment les Juges vont pouvoir apprécier le poids accordé à

13 cette déposition en l'absence d'un contre-interrogatoire, et en n'ayant

14 pas pu observer la gestuelle du témoin.

15 M. Hunt (interprétation). – Les Juges disposent de la vidéo.

16 M. Niemann (interprétation). – Oui, ils ont la vidéo mais ils

17 n'ont pas les avantages liés au contre-interrogatoire.

18 Ce que je suis en train de dire, Monsieur le Président, ne

19 consiste pas à dire : qu'il y a eu contre-interrogatoire et que cela

20 suffit à apprécier le poids accordé à son témoignage, parce qu'il y a pas

21 mal d'éléments qui peuvent varier d'un témoignage à un autre, et de

22 nombreux facteurs doivent être pris en compte dans l'évaluation de la

23 valeur à accorder à un témoignage.

24 Dans un procès, un témoin peut être entendu et être considéré

25 comme très peu important, alors que dans un autre procès sa déposition

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1 peut acquérir une très grande importance, et dans un troisième procès sa

2 déposition ne sera qu'une référence secondaire.

3 Donc la gestuelle du témoin n'est pas qu'une question de

4 principe. Ce n'est pas la même chose que lorsqu'on regarde la télévision

5 et que l'on se dit : "Ah, je suis désolé, j'ai fait une erreur sur la base

6 de la gestuelle d'untel ou d'untel".

7 Le problème dans ce Tribunal, c'est que la gestuelle permet de

8 juger le poids accordé à des réponses apportées par le témoin à des

9 questions très importantes dans le cadre d'un procès particulier,

10 questions qui elles-mêmes ont le plus grand intérêt pour l'une ou l'autre,

11 ou les deux parties.

12 Or il est très important, à ce moment-là, de pouvoir observer le

13 comportement physique du témoin, au moment où il répond précisément à ces

14 questions très délicates ; ce qui n'est pas nécessairement le cas pour

15 toutes les réponses à toutes les questions posées.

16 Ce que nous affirmons, Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges, c'est que l'article 90 ne peut manifestement pas être tout

18 simplement laissé de côté comme n'ayant aucune validité dans cette

19 affaire.

20 Bien sûr, il est très facile de dire : "Ecoutez, nous avons là

21 un document, pourquoi n'admettrions-nous pas ce document en vertu de

22 l'article 89". Le problème c'est qu'il s'agit bien d'un document, mais pas

23 uniquement d'un document. Si l'on décide d'appeler cet élément de preuve

24 un document, on s'efforce simplement de contourner les dispositions de

25 l'article 90.

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1 M. Hunt (interprétation). – Oui, mais le compte-rendu n'est en

2 fait qu'un compte-rendu de ce qui a été dit, or c'est ce qui a été dit qui

3 est versé au dossier. Normalement, on cite le témoin qui va vous dire :

4 "J'ai vu ceci, j'ai dit cela".

5 Si l'on dispose d'un compte-rendu, chacun s'accorde à admettre

6 qu'il s'agit d'un élément de preuve acceptable et, à des fins

7 d'efficacité, on accepte le versement au dossier du document en question.

8 Mais, en fait, ce n'est pas simplement le document qui est admis, ce sont

9 les propos qui sont évoqués dans ce document.

10 M. Niemann (interprétation). – Ouï-dire !

11 M. Hunt (interprétation). – Vous dites que c'est de l'ouï-dire ?

12 M. Niemann (interprétation). – Oui, bien sûr, parce que, si le

13 témoin était mort et que la seule façon de savoir ce qu'il voulait dire

14 consistait à admettre le document, je serais d'accord avec ce que vous

15 avez dit.

16 Ce que je dis ici, c'est, dans certains cas, pour que la

17 situation soit jugée d'une façon équitable, en raison de circonstances

18 tout à fait exceptionnelles et sur lesquelles on n'a aucun contrôle, qu'il

19 est possible d'admettre tel ou tel document, notamment lorsque le témoin

20 est mort.

21 S'il est possible de citer le témoin à comparaître et que l'on

22 avance comme argument : "Nous n'allons pas lui poser de questions parce

23 qu'il a déjà répondu à ces questions, et que nous avons le compte-rendu de

24 ses réponses", eh bien certains vont dire : "C'est très bien", ne

25 soulèveront pas d'objections et considéreront que tout va bien. Mais,

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1 indépendamment de la partie qui est impliquée, que ce soit le Procureur ou

2 la défense, en tout cas la deuxième partie intervenant dans

3 l'interrogatoire ne manquera pas de dire : "Nous avons droit à contre-

4 interroger, nous avons droit à reposer des questions qui ont déjà été

5 posées pour voir quelles seront les réponses dans le cadre d'un contre-

6 interrogatoire", et là nous avons l'article 90 et, à mon avis, il ne

7 suffit pas de dire que l'article 89 peut s'appliquer.

8 En effet, il y a un certain nombre de dispositions qui ont pour

9 but de contourner une disposition peut-être un peu rigide, mais

10 disposition qui existe néanmoins.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a pas mal de

12 circonstances dans lesquelles vous vous trouverez confronté au témoignage

13 non corroboré d'un témoin, d'un témoin oculaire, qui sera le seul élément

14 de preuve vous permettant de tirer une conclusion.

15 M. Hunt (interprétation). - Ce que vous dites donc, c'est que

16 les Juges ne devraient pas être condamnés, dirais-je, à s'appuyer sur de

17 l'ouï-dire.

18 Si j'ai bien compris ce vous venez de dire, vous n'avez pas été

19 autorisé à contre-interroger correctement, dans un autre procès. Mais pas

20 un mot de cela ne figure dans le texte écrit qui a été remis aux Juges de

21 la Chambre de première instance. Rien n'a été dit à ce sujet, car -si ma

22 mémoire est bonne- vous avez dit à l'époque que vous n'estimiez pas

23 nécessaire de présenter des arguments oraux. Donc rien n'a été dit à ce

24 sujet à l'époque.

25 M. Niemann (interprétation). - Vous parlez de notre texte

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1 écrit ?

2 M. Hunt (interprétation). – Oui.

3 M. Niemann (interprétation). – Je crois qu'il était

4 effectivement stipulé, dans ce texte, que l'article 90…

5 M. Hunt (interprétation). – Oui, vous avez présenté vos

6 arguments relatifs à l'article 90, mais vous n'avez pas parlé de cet

7 argument un petit peu discrétionnaire que vous venez d'utiliser

8 aujourd'hui, à savoir que vous y auriez dû être autorisé à le contre-

9 interroger en la circonstance parce que vous n'aviez pas été autorisé à le

10 contre-interroger dans un autre procès. Or rien n'a été dit à ce sujet.

11 M. Niemann (interprétation). - Le droit au contre-

12 interrogatoire ? ***

13 M. Hunt (interprétation). – Non, il ne s'agit pas du droit au

14 contre-interrogatoire, il s'agit de revenir sur ce que vous venez de dire,

15 à savoir que vous auriez dû être autorisé à contre-interroger parce qu'il

16 y avait absence de contre-interrogatoire dans un autre procès.

17 M. Niemann (interprétation). – Mais, Monsieur le Juge, avec tout

18 le respect que je vous doit, en vertu du paragraphe 7, au bas de la page,

19 nous voyons que le Procureur se soumet aux dispositions de l'article 89 et

20 de l'article 90, et si l'article 90 prévaut le compte-rendu d'une

21 déposition de l'amiral Domazet devrait être versé au dossier, surtout

22 lorsque nous voyons que les circonstances sont telles qu'une partie a

23 procédé à un interrogatoire, donc l'autre doit pouvoir contre-interroger.

24 M. Hunt (interprétation). – Oui, mais vous n'avez pas dit cela

25 lorsque vous avez déposé votre texte écrit, vous n'avez pas abordé cet

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1 argument eu égard au contre-interrogatoire. Vous n'avez pas parlé d'un

2 autre procès.

3 M. Niemann (interprétation). – Ah, je vois !

4 M. Hunt (interprétation). – Or c'est, me semble-t-il,

5 important.

6 M. Niemann (interprétation). – Eh bien, Monsieur le Juge, je

7 pense qu'il est difficile de prévoir à l'avance toutes les questions que

8 l'on souhaite aborder dans un contre-interrogatoire.

9 M. Hunt (interprétation). – Non, non, écoutez, ne venons pas à

10 l'aspect technique ou exagérément technique. Nous ne disons pas qu'il faut

11 une requête pour toute demande. Mais vous avez, me semble-t-il, n'est-ce

12 pas, avancé l'argument selon lequel vous exigiez ou vous demandez un

13 contre-interrogatoire parce que vous n'aviez pas été autorisé à contre

14 interroger dans un autre procès. Or, dans le compte-rendu d'audience, il

15 est dit, de la façon la plus spécifique qui soit, que vous ne souhaitiez

16 pas présenter des arguments oraux.

17 M. Niemann (interprétation). – Oui, mais, Monsieur le Juge,

18 c'est parce que la décision de la Chambre d'instance avait déjà été

19 rendue. Nous ne pouvons pas faire de commentaires sur une décision.

20 M. le Président (interprétation). – Bien. Pouvons-nous avancer,

21 Maître Niemann, car nous avons, n'est-ce pas, une décision qui porte sur

22 sur l'ouï-dire. La question a été tranchée.

23 En tout cas, l'article portant sur l'ouï-dire a été inventé, je

24 vous le rappelle, en raison de la difficulté qu'avaient les Juges à

25 évaluer un élément de preuve s'ils n'avaient pas vu, s'ils n'avaient pas

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1 assisté à l'interrogatoire principal et au contre-interrogatoire.

2 Cela étant, il est aussi souvent souligné que les Juges des

3 Chambres de première instance sont des juges professionnels, donc ce

4 problème est moins grave qu'il ne pourrait l'être en présence d'un jury.

5 En effet, les juges professionnels ont davantage d'expérience eu égard à

6 l'évaluation d'éléments de preuve documentaire ou autres.

7 Mais si l'on essaie d'aller plus loin que cela, je vous rappelle

8 que vous n'avez pas immédiatement tenté de remettre en cause cette

9 décision, n'est-ce pas. Vous avez d'abord demandé le versement au dossier

10 de l'élément de preuve que vous recherchez, en en demandant le versement

11 au dossier devant la Chambre de première instance. Donc c'est du tac au

12 tac, pratiquement.

13 Si l'élément de preuve avait été admis par la Chambre de

14 première instance, je suppose que vous n'auriez pas eu la moindre plainte

15 à formuler, en tout cas aucun appel à interjeter, n'est-ce pas ?

16 M. Niemann (interprétation). – (Signe affirmatif de la tête.)

17 M. le Président (interprétation). – Compte tenu de ces

18 circonstances, si la Chambre de première instance avait accédé à votre

19 requête, elle aurait eu à traiter d'abord de la déposition de ces deux

20 témoins sous forme documentaire, n'est-ce pas, sous forme donc d'un compte

21 rendu et sous forme également, je vous le rappelle, d'une cassette vidéo,

22 ce qui permet aux Juges de voir le témoin.

23 La défense dira, sans aucun doute, que dans ces conditions il y

24 aurait eu contre-interrogatoire, puisque le témoin a été contre-interrogé

25 pendant deux jours à peu près.

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1 Mais est-ce que le problème de principe qui se pose, eu égard au

2 dépôt des éléments de preuve devant les Chambres de première instance, ne

3 vient pas du fait que, si votre requête avait été acceptée, les deux

4 éléments de preuve liés à ce témoin auraient été présentés pratiquement

5 sous la même forme ? Et, est-ce que dans ces conditions, cela vous aurez

6 posé un problème ? Est-ce que vous vous en seriez plaint ?

7 M. Niemann (interprétation). - Notre position, Monsieur le

8 Président, nous a poussé à procéder par étapes, étant donné la

9 configuration du procès.

10 Notre avis, et je crois que nous l'avons exprimé dès le début,

11 est que tout d'abord des éléments de preuve de ce type ne devraient pas

12 être recevables. Et la raison est que nous n'avons pas pu contre-

13 interroger le témoin. C'était notre avis.

14 La Chambre de première instance a décidé de rejeter nos

15 arguments. Par conséquent, nous avons dû nous prononcer sur le droit, sur

16 les points de droit, ce que nous avons tenté de faire du mieux que nous

17 avons pu.

18 Nous pensons que, eu égard au fait que nous sommes parvenus à un

19 stade où la présentation des éléments de preuve était terminée, et que

20 nous allions passer aux plaidoiries et aux réquisitoires, nous pensions

21 que nous pourrions nous contenter d'une situation dans laquelle nous

22 pourrions présenter un certain nombre d'éléments de preuve à la Chambre

23 afin de contester les éléments de preuve présentés par la défense, et

24 essayer ainsi de rétablir l'équilibre.

25 Alors vous pensez peut-être que je suis entrain de présenter des

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1 arguments contraires à ceux que j'avais présentés au départ, ce qui dans

2 une certaine mesure est un peu vrai, mais nous avons essayé simplement

3 d'adopter une méthode rapide afin de parvenir, le plus vite possible, à

4 une conclusion.

5 Cependant le problème s'est aggravé lorsque nous n'avons pas eu

6 l'autorisation de contester les éléments de preuve présentés par la

7 défense en présentant un autre témoin.

8 Mais nous estimons que le témoignage de cette personne n'aurait

9 pas dû être soumis à l'examen de la Chambre de première instance, ainsi le

10 témoin aurait dû être cité à comparaître, et l'accusation aurait dû avoir

11 la possibilité de contre-interroger ce témoin.

12 C'est toujours notre position. Si vous ne retenez pas nos

13 arguments, si vous dites que ces éléments de preuve sont effectivement

14 recevables, que l'article 90 (A) n'a aucune application dans ce type de

15 cas, eh bien nous demandons que le témoignage du témoin protégé et

16 confidentiel soit admis au dossier et dans les mêmes circonstances que le

17 témoin de la défense l'a été. C'est donc la position que nous avons

18 exprimée dès le départ et que nous continuons à tenir.

19 M. le Président (interprétation). – Le Juge Bennouna, s'il vous

20 plaît.

21 M. Bennouna (interprétation). – Monsieur Niemann, je ne voudrais

22 pas prolonger, nous l'avions décidé effectivement, car nous avons tous les

23 arguments par écrit.

24 M. Niemann (interprétation). – Je n'ai pas d'interprétation,

25 excusez-moi…. C'est fait !

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1 M. Bennouna (interprétation). – Je disais que je ne voulais pas

2 trop prolonger ce dialogue avec la Chambre parce que la plupart des

3 arguments ont été donnés par écrit.

4 Mais, au point où nous en sommes, la question qui vient de vous

5 être posée par le Président, par le Juge Richard May, est importante.

6 Vous nous dites, au début, qu'il est impossible en quelque sorte

7 ou qu'il n'est pas légal de présenter un témoignage, fait dans une autre

8 Chambre, présenté dans une autre Chambre, dans l'affaire Blaskic, dans la

9 Chambre concernant Aleksovski, donc pour des raisons fondées sur

10 l'article 90.

11 Puis, quelque temps après, comme cela vient d'être dit, vous

12 venez vous-même demander à la Chambre d'entendre un témoin, qui s'est

13 présenté à titre confidentiel. Et là, vous avez oublié le caractère

14 illégal qui était invoqué au préalable.

15 Il y a, par conséquent, une sorte de contradiction dans votre

16 position, dont vous êtes bien conscient je suppose. Vous ne pouvez pas

17 soutenir, comme on dit en droit, une chose et son contraire. Vous ne

18 pouvez pas soutenir que c'est impossible dans un cas et venir dire, sans

19 avoir pris les précautions nécessaires : "Je serais satisfait, cela

20 devient légal si c'est dans le cadre d'une certaine égalité entre les

21 parties".

22 Si je comprends bien, tout ce qui vient d'être dit n'a plus

23 d'importance à partir du moment où, pour vous, le principe de l'égalité

24 des parties est respecté. Et alors, il serait respecté, selon vous, dans

25 le cadre de l'article 89. Votre propre demande de présenter un témoin

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1 confidentiel, vous la fondez également, je suppose, sur l'article 89.

2 Donc ma question est la suivante. Est-ce que cette demande

3 d'égalité des parties vous satisfait sur la base de l'article 89 ? Votre

4 propre demande est basée sur l'article 89. Ma demande est donc de savoir

5 si cette égalité des parties se situerait dans que le cadre de l'article

6 89, Monsieur Niemann ?

7 Car, à partir du moment où vous vous êtes, vous-même, déplacé

8 sur un autre terrain, vous ne pouvez pas oublié cet autre terrain et faire

9 comme si cela n'existait pas. Merci, Monsieur Niemann, de nous donner

10 cette clarification. Je crois qu'elle nous aiderait à aller de l'avant

11 dans l'examen de cet appel.

12 M. Niemann (interprétation). – Oui. Vous voulez que je réponde à

13 cette question ou bien en avez-vous suffisamment entendu ? Est-ce que vous

14 voulez que je réponde à cette question ou bien la présentation de mes

15 arguments a-t-elle été suffisante d'après les conclusions que vous venez

16 d'énoncer ?

17 M. Bennouna (interprétation). – Non, non, je ne suis pas

18 satisfait du tout. Je souhaiterai que vous nous donniez, assez brièvement,

19 votre position sur la justification que vous apporté maintenant, dans ce

20 hearing, concernant le fait d'avoir vous-même demandé à ce qu'un témoin

21 confidentiel, à ce qu'un témoignage par transcript et par vidéo, soit pris

22 en compte par la Chambre, témoignage qui a été fait dans une autre

23 affaire. Je voudrais bien avoir votre clarification là-dessus, sur quelle

24 base et partant de quel fondement juridique ?

25 M. Niemann (interprétation). – Oui, Monsieur le Juge. Notre

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1 position était la suivante.

2 Lorsque la question s'est posée pour la première fois, par le

3 biais de la requête déposée par la défense aux fins de verser au dossier

4 le témoignage de l'amiral Domazet, la position de l'accusation a été que

5 ce témoignage ne devait pas être recevable sous cette forme.

6 Nous avons donc formulé deux objections. Tout d'abord nous avons

7 abordé l'article 90 qui couvre la question et puis nous avons parlé de

8 l'article 89 qui ne s'appliquait pas. Nous avons dit également que

9 l'accusation demandait le droit de contre-interroger ce témoin. C'était

10 notre position à l'époque et d'ailleurs elle n'a pas été modifiée.

11 Cependant notre position sur les points de droit ne change pas

12 les faits. La position de droit doit être déterminée par la Chambre de

13 première instance. Or qu'a dit l a Chambre, la Chambre a déclaré que les

14 éléments de preuve étaient recevables en vertu de l'article 89, malgré le

15 fait que cette position était contraire à la nôtre.

16 Nous n'avons pas eu d'autre option à ce moment-là, nous ne

17 pouvions que respecter la décision prise. Nous n'étions pas d'accord avec

18 cette décision, mais nous n'avions pas d'option.

19 Par conséquent nous avons pris des mesures à ce moment-là afin

20 de suivre la meilleure procédure qui s'offrait, à notre avis, à nous, à

21 savoir de présenter un témoignage en réfutation. Puis nous n'avons pas eu

22 l'autorisation de le faire.

23 Et aujourd'hui notre position reste inchangée. Nous disons que

24 le témoignage sous forme du compte-rendu, le témoignage de l'amiral

25 Domazet, ne devrait pas être versé, que vous devriez décider que ces

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1 éléments de preuve n'auraient pas dû être reçus par la Chambre, que la

2 Chambre de première instance a commis une erreur en le faisant.

3 Peut-être que vous ne serez pas de mon avis, peut-être que vous

4 estimerez, tout comme la fait la Chambre de première instance, que ce

5 témoignage est recevable en vertu de l'article 89.

6 Cependant, nous, nous considérons que ce témoignage n'est pas

7 recevable. Alors si vous reprenez, si vous confirmez, la décision de la

8 Chambre de première instance, nous devrons nous y conformer. Mais si vous

9 décidez qu'effectivement ces éléments de preuve sont recevables en vertu

10 de l'article 89, nous vous demandons de déclarer recevables également les

11 éléments de preuve en vertu de l'article 89, éléments de preuve que nous

12 entendons présenter en réfutation, parce que nous pensons que les

13 principes devraient s'appliquer de façon équitable et égale à la défense

14 et à l'accusation.

15 J'espère vous avoir aidé sur ce point, Monsieur le Juge.

16 Avant de conclure, je voudrais dire la chose suivante. Nous ne

17 disons pas que le témoignage de l'amiral Domazet ne devrait pas être

18 soumis à la considération de la Chambre. Si la Chambre pense que ce

19 témoignage pourrait lui être d'un quelconque secours, eh bien qu'il en

20 soit ainsi.

21 Cependant nous pensons que le témoin devrait venir témoigner.

22 Lorsque vous avez parlé d'éventuelles difficultés quant à la venue de cet

23 éventuel témoin, eh bien nous n'avons pas très bien compris, justement

24 parce que nous n'avons rien entendu sur ce point.

25 Je ne pense pas que la République de Croatie aurait du mal à

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1 permettre à ce témoin de venir témoigner à nouveau devant ce Tribunal.

2 Par conséquent nous ne vous demandons pas de prendre une

3 décision qui empêcherait la Chambre de première instance d'avoir accès à

4 ces éléments de preuve si elle considère que ces éléments de preuve sont

5 nécessaires.

6 Nous vous demandons simplement de demander à la Chambre de

7 revoir la question à la lumière de nos arguments, à savoir que

8 l'article 90 empêche le versement des éléments de preuve sous cette forme

9 particulière. Et nous demandons que la Chambre fasse comparaître l'amiral

10 Domazet.

11 Nous ne contestons pas le concept selon lequel il est dans

12 l'intérêt de la justice de ré-ouvrir la présentation des éléments de

13 preuve, effectivement ceci peut être d'une quelconque utilité à la Chambre

14 de première instance.

15 M. le Président (interprétation). – Peut-être n'ai-je pas bien

16 compris. Vous nous demandez donc de faire droit à votre requête, ou à

17 votre appel, et de faire appel à nouveau à la Chambre de première

18 instance ? C'est cela ?

19 M. Niemann (interprétation). - Oui. Nous demandons que la

20 Chambre d'appel déclare que la Chambre de première instance a fait une

21 erreur lorsqu'elle a accepté de recevoir le témoignage de l'amiral Domazet

22 dans la forme soumise. Et nous demandons que l'amiral Domazet soit cité.

23 A partir de ce moment-là, tout se déroulera dans les

24 circonstances appropriées.

25 M. Hunt (interprétation). - Mais si un appel de cette Chambre

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1 d'appel donne à la Chambre de première instance le droit de prendre sa

2 propre décision ?

3 M. Niemann (interprétation). – Oui, bien sûr. Je dis cela

4 simplement parce que vous pourriez penser que la Chambre de première

5 instance pensait qu'il s'agissait d'informations qu'elle avait le droit

6 d'obtenir afin de prendre sa propre décision sur la question de la nature

7 du conflit.

8 L'accusation ne chercher, en aucune façon, à priver la Chambre

9 de première instance de cette possibilité, si c'est quelque chose qu'elle

10 considère nécessaire.

11 M. le Président (interprétation). - Si nous ne sommes pas

12 d'accord avec vous sur cette proposition, que penseriez-vous faire pour ce

13 qui est de votre second appel ?

14 M. Niemann (interprétation). – Si vous ne me suivez pas sur la

15 question de la recevabilité et que vous dites que l'article 90 n'empêche

16 pas le versement au dossier de ces éléments de preuve, et que ces éléments

17 de preuve sont admissibles en vertu de l'article 89, nous demandons que

18 les éléments de preuve du témoin protégé et confidentiel soient admis, ou

19 bien que l'accusation ait la possibilité de contester le témoignage

20 présenté par la défense.

21 M. Hunt (interprétation). – Je sais qu'au cours du procès,

22 certaines situations se présentent, certaines situations inattendues. Vous

23 ne pouvez pas être sanctionné pour ne pas avoir, au moment opportun,

24 présenté de tels arguments.

25 Mais ce que vous auriez dû faire au moment ou la défense a

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1 déposer sa requête, était de dire à l'époque, si la Chambre de première

2 instance se prononçait contre vous et contre vos intérêts, qu'une faveur

3 de type similaire vous soit accordée par la Chambre de première instance

4 afin que vous puissiez présenter des éléments de preuve en réfutation.

5 Ceci aurait pu donner à l'accusé la possibilité de dire : "Eh bien, je ne

6 suis pas prêt à payer ce prix-là et je ne veux pas que le témoignage de

7 l'amiral Domazet soit versé au dossier".

8 M. Niemann (interprétation). - La seule chose que je peux dire

9 c'est qu'à une certaine phase nous avons demandé à la Chambre de première

10 instance d'interrompre la procédure en attendant l'arrêt de la Chambre

11 d'appel.

12 Nous avons répondu que si on nous donnait la possibilité de

13 présenter nos éléments de preuve, nous ne demanderions pas cette

14 interruption.

15 M. Hunt (interprétation). - Ce que j'essaie de dire c'est que

16 l'accusé aurait dû avoir la possibilité de se prononcer quant à l'option

17 qui lui était présentée : "Effectivement, je ne tiens pas à payer ce prix

18 et je ne tiens pas à ce que le témoignage de l'amiral Domazet soit versé

19 au dossier", pour ne pas avoir à entendre le témoignage d'un témoin

20 mystère, si je puis dire.

21 M. Niemann (interprétation). – Oui, effectivement, il aurait pu

22 obtenir ce choix, c'est une possibilité que la défense aurait dû prendre

23 en compte. Mais la Chambre de première instance pourrait dire : "Mais,

24 quoi qu'il en soit, nous voulons les éléments de preuve". C'est ce que la

25 Chambre de première instance aurait pu dire à l'époque : "Il y a un autre

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1 article du Règlement qui pourrait s'appliquer à cette configuration".

2 M. Robinson (interprétation). - Pour ce qui est de

3 l'irrecevabilité du compte-rendu, vous vous êtes limité à parler de

4 l'article 89. Je comprends également la pertinence de l'article 90.

5 N'est-il pas important de souligner qu'il n'y a pas d'autre

6 disposition dans le Règlement régissant la recevabilité d'un compte-

7 rendu ? Des dispositions existent pour les déclarations sous serment.

8 Or êtes-vous en train d'élargir vos argument ?

9 M. Niemann (interprétation). – Merci d'avoir mentionné ce point.

10 Je dois dire que, d'après la lecture que j'ai fait du Règlement

11 l'article 90 a trait à la déposition de témoins. Je dis qu'il est

12 artificiel de penser que cet article s'applique à des documents écrits.

13 Je suis tout à fait d'accord avec de vous, effectivement d'après

14 la lecture de ce Règlement il n'y a pas d'autre disposition, outre ce

15 qu'il y a dans les articles 94 bis et 94 ter.

16 Effectivement, des éléments de preuve pourraient être présentés

17 devant une Chambre de première instance en vertu de l'article 94 (B).

18 Si vous pensez que je manque de souplesse dans mon

19 interprétation de l'article 90, eh bien ce n'est pas le cas parce qu'à mon

20 avis il y a beaucoup d'autres moyens permettant à une Chambre d'avoir

21 accès à des éléments de preuve sans finalement avoir recours à la

22 comparution du témoin. Il y a d'autres procédures. Mais je crois qu'il

23 faut tenir compte de différents intérêts des parties.

24 Effectivement, il n'y a pas d'autres dispositions qui font

25 référence aux comptes-rendus. Il y a des dispositions qui font référence à

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1 des déclarations ou bien à des déclarations sous serment, mais pas de

2 dispositions relatives à des comptes-rendus. La seule disposition qui s'en

3 rapproche est, je crois, celle incluse dans l'article 94 (B).

4 Avant de terminer, il y a un aspect que j'ai laissé de côté et

5 qui a été mentionné par la défense dans son mémoire relatif à l'appel, le

6 fait que nous avons déposé cet appel hors délai.

7 M. le Président (interprétation). – Une décision a été prise sur

8 ce point.

9 M. Niemann (interprétation). – Effectivement, je n'allais pas

10 aborder cette question.

11 On me rappelle la question que vous avez posée : y a-t-il eu

12 dans d'autres affaires une situation dans laquelle le compte rendu a été

13 versé au dossier ? Je vois dans l'affaire Kovacevic, qui n'est pas parvenu

14 à son terme d'ailleurs, que le compte rendu du témoin Greta a été versé,

15 un compte rendu d'un témoignage entendu dans l'affaire Tadic.

16 Je crois que j'ai dit que je n'avais pas connaissance d'autre

17 cas de cet type, mais ceci montre qu'effectivement ceci s'est déjà

18 produit. Mais je crois qu'en fait elle est venue témoigner.

19 M. le Président (interprétation). – Oui, effectivement, je

20 siégeais dans cette affaire et je m'en souviens. Elle a été contre-

21 interrogée bien entendu, et c'est ce qui nous intéresse aujourd'hui.

22 Maître Niemann, y a-t-il autre chose ?

23 M. Niemann (interprétation). – Non, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation). – Merci beaucoup.

25 Il est maintenant une heure moins le quart, cela veut dire que

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1 cela fait une heure et demie que nous sommes en audience. Il est l'heure

2 de prendre une pause. Nous avions espéré finir le plus rapidement possible

3 ce matin car les Juges ont d'autres engagements cet après-midi.

4 Maître Mikulicic, pendant combien de temps allez-vous vous

5 exprimer ?

6 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,

7 Messieurs les Juges, la défense considère qu'elle sera très brève, que ce

8 ne fut le cas de Me Niemann. Je ne peux pas vous dire exactement combien

9 de temps je vais pouvoir déposer, mais nous allons pouvoir argumenter

10 toutes nos positions en pratiquement une demi-heure.

11 M. le Président (interprétation). – Bien, merci. Puis-je parler

12 au Juriste, s'il vous plaît.

13 (M. le Président consulte le Juriste.)

14 Le Juriste pourrait-il s'adresser aux interprètes afin que nous

15 puissions résoudre cette question.

16 (Le Juriste s'exécute.)

17 Je crois que les interprètes sont d'accord pour poursuivre, nous

18 les en remercions.

19 Maître Mikulicic, ne pensez pas que vous êtes limité. Si vous

20 pensez avoir besoin de plus d'une demi-heure, dans ce cas-là nous

21 prendrons une pause. Allez-y.

22 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

23 Président, Messieurs les Juges. Je ne pense pas que je sois limité, tout

24 simplement parce que j'ai dit que je ne vais pas dépasser 30 minutes. Je

25 comprends parfaitement que j'ai le droit à davantage de temps.

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1 Tout d'abord, comme conseil de la défense et en ma qualité de

2 magistrat, je me dois de vous dire que j'ai véritablement profité des

3 arguments théoriques qui ont été soulevés par Me Niemann.

4 Toujours est-il qu'à ce niveau-là il n'est même pas

5 indispensable de rechercher une solution concernant la requête qui a été

6 introduite par le Procureur. Nous considérons que résoudre la question qui

7 a été soulevée par le Procureur dans le cadre de son appel, se trouve dans

8 un autre domaine.

9 A mon avis, nous sommes tous d'accord que la Chambre d'instance

10 dans l'affaire Aleksovski avait permis le versement du témoignage de

11 Domazet comme une pièce à conviction documentaire.

12 Qu'est-ce que ceci veut dire ? En effet ceci veut dire que

13 l'argument principal du Procureur selon lequel de cette manière-là on lui

14 avait refusé le droit de contre-interroger le témoin n'est pas pertinent.

15 Et il n'est pas pertinent pour une raison parfaitement claire, évidente.

16 La défense n'a pas interrogé dans le cadre de l'interrogatoire

17 principal également ce témoin. Par conséquent on lui a refusé le droit, si

18 on lui a refusé ce droit, de la même manière que ce droit a été refusé au

19 Procureur. Donc l'équité a été respectée et n'a pas été mise en cause, et

20 certainement pas au détriment du Procureur.

21 La défense avait proposé et la Chambre de première instance

22 avait accepté cette proposition, en adoptant ces décisions, que le

23 témoignage de l'amiral Domazet soit versé sous forme de compte-rendu et

24 comme une pièce à conviction documentaire, et en se référant à la règle de

25 l'article 39 © du Règlement de Procédure et de Preuve.

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1 Je pense par conséquent qu'il s'agit d'une question essentielle

2 et que c'est là-dessus qu'il faut également parler au nom de la défense.

3 M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous avez

4 parlé de l'article 89, car en interprétation nous avons entendu 39.

5 M. Mikulicic (interprétation). – J'ai fait une erreur, excusez-

6 moi. L'article 89.

7 Par conséquent les questions qui ont été soulevés devant la

8 Chambre d'appel par le Procureur, en d'autres termes les questions qui

9 posent la question de véracité du témoignage de l'amiral Domazet, à ce

10 moment-là ne devraient pas être discutées.

11 Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne savons pas, en ce

12 moment, quel serait le poids qui serait porté à la Chambre, celle qui

13 s'occupe de l'affaire Aleksovski. Nous le saurons uniquement au moment où

14 le prononcé sera rendu. En d'autres termes, c'est à ce moment-là que la

15 première Chambre d'instance dira : "Le témoignage de l'amiral Domazet est

16 un témoignage clé". Ce n'est que par la suite, dans une requête, que la

17 partie qui n'était pas satisfaite, pourra par conséquent soulever la

18 question qu'elle voudra soulever. La défense considère quand ce moment

19 nous ne pouvons même pas en débattre.

20 Mon cher collègue Me Niemann disait qu'à partir du moment où la

21 décision de la Chambre de première instance avait été de décider de verser

22 au dossier ce témoignage de l'amiral Domazet, la Chambre de première

23 instance a préjugé en quelque sorte du prononcé de la sanction.

24 Et en mettant l'importance sur ce témoignage en anglais, nous

25 disons "indisputable". Nous ne voulons pas bien évidemment maintenant

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1 essayer de comparer la version française et la version anglaise, qui fait

2 foi, etc, mais la défense considère que ce terme qui a été utilisé dans la

3 version anglaise devrait être compris dans le contexte qui est le suivant,

4 à savoir que la Chambre de première instance en appliquant cet

5 article 89 © avait tout simplement fait savoir que c'est une pièce à

6 conviction qui peut avoir une certaine important.

7 Eh bien c'est ce qui est essentiel pour accepter le versement au

8 dossier, comme le compte rendu d'une autre affaire dans l'affaire concrète

9 d'Aleksovski. C'est dans ce contexte qu'il faut par conséquent examiner

10 une telle décision.

11 Cette pièce à conviction documentaire qui doit être versée au

12 dossier Aleksovski, comme la première Chambre d'instance l'avait décidé,

13 était d'une importance clé ou non, je le répète nous le verrons tout

14 simplement à la fin de l'affaire, quand on sera à la fin de l'affaire.

15 Par conséquent à partir du moment où une requête, un appel, sera

16 introduit, on pourrait une fois de plus éventuellement attaquer cette

17 décision qui a été prise par la Chambre de première instance, si cette

18 décision a été véritablement une décision clé et qu'elle a influencé le

19 prononcé de tel ou tel jugement. D'après la défense, c'est cela le fond de

20 notre réflexion.

21 Donc la défense considère que la première Chambre d'instance a

22 agi de manière tout à fait juste, équitable, parce qu'elle avait permis

23 tout simplement de verser au dossier le témoignage de l'amiral Domazet et

24 en se référant à l'article 89 ©.

25 C'est une autorisation générale qui rend possible à la première

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1 Chambre d'instance de verser comme un élément de preuve n'importe quel

2 autre élément de preuve qui a cette valeur de preuve.

3 Voilà c'est tout ce que je voulais dire à ce sujet-là.

4 En ce qui concerne maintenant la deuxième partie de l'appel du

5 Procureur, ou plutôt l'autre appel concernant la décision par laquelle on

6 avait refusé la requête du Procureur de verser au dossier la pièce à

7 conviction et la déposition du témoin confidentiel, protégé, la défense

8 considère qu'ici encore la Chambre d'instance avait tout simplement arrêté

9 une décision qui est tout à fait dans la légalité et justifiée.

10 En d'autres termes, si nous sommes d'accord avec l'affirmation

11 que le procès est mené par la Chambre d'instance, celle qui a été désignée

12 dans la faire en question, et que par conséquent ce procès doit être dans

13 les mains de cette Chambre de première instance, sous tous ces aspects,

14 que c'est la Chambre d'instance qui s'occupe du calendrier, de

15 l'administration du procès, par conséquent si nous sommes d'accord que

16 c'est dans les compétences de la Chambre de première instance que rentrent

17 toutes ces affaires-là et je pense que c'est notoire, nous pouvons mettre

18 l'accent sur le fait à la fois que quand il s'agit du procès et de

19 l'affaire de général Blaskic la Chambre de première instance compétente

20 avait arrêté la décision selon laquelle il fallait organiser une séance à

21 huis clos, donc on avait entendu le témoignage de ce témoin protégé, par

22 conséquent ceci s'est produit de cette façon-là.

23 Cette déposition du témoin, qui a été protégé, a un caractère

24 confidentiel. Par conséquent on ne peut pas avoir accès à cette

25 déposition, exception faite des parties engagées dans ce procès. On ne

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1 peut même pas accéder à ce dossier, à cette pièce à conviction, même s'il

2 s'agit de l'affaire Aleksovski.

3 Le Procureur propose maintenant que ce compte rendu soit versé

4 comme pièce à conviction dans ce procès, alors qu'il s'agit de quelque

5 chose qui est confidentiel. Là, nous avons deux problèmes.

6 Le premier problème est le suivant, c'est que la Chambre de

7 première instance qui normalement devrait accepter cette pièce à

8 conviction en vertu de l'article 89 © du Règlement de Procédure et de

9 Preuve, doit comme condition sine qua non vérifier tout d'abord si cet

10 élément de preuve a la force de preuve.

11 Comment maintenant la Chambre de première instance peut-elle

12 vérifier si cet élément de preuve a le fondement, la force, de preuve si

13 elle n'a pas la possibilité d'accéder à cette pièce à conviction. Cela,

14 c'est le premier problème, donc la valeur probable. La défense considère

15 que cela aurait dû être la voie empruntée par le Procureur.

16 La Chambre de première instance qui avait arrêté la décision de

17 protéger le témoin, de travailler à huis clos, de demander d'abord à la

18 Chambre que ce témoignage soit exclu des mesures de protection alors que

19 la Chambre de première instance avait pris une telle décision.

20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je pense que vous

21 conviendrez que la Chambre d'instance, une Chambre d'instance, n'importe

22 laquelle, n'a pas d'autorisation de compétence de modifier, de compléter

23 ou d'influencer les décisions d'une autre Chambre d'instance. C'est

24 justement dans cette situation-là que nous nous serions trouvés si on

25 avait obéi à la demande du Procureur dans l'affaire Aleksovski. Je pense

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1 que la Chambre d'instance ne dispose pas d'une telle autorisation et c'est

2 la raison pour laquelle cette Chambre a pris la décision qu'elle a prise

3 de refuser le Procureur et de ne pas lui permettre de verser cette pièce à

4 conviction au dossier.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit pas ici de

6 mettre en question l'équité entre les deux parties dans le procès. Il

7 s'agit ici d'une question, et des questions, à caractère et de nature

8 procédural.

9 La défense considère fermement qu'il est indispensable de

10 respecter la procédure. Si au cours du procès, il y a éventuellement un

11 certain nombre de questions qui sont discutables concernant l'application

12 du Règlement de Procédure et de Preuve, les deux parties ont la

13 possibilité de recourir et de montrer un certain nombre de ces violations,

14 ainsi qu'au cours de l'appel.

15 Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

16 ne vais pas abuser de votre temps et finir en disant que notre

17 proposition, que la proposition de la défense, est la suivante, à savoir

18 que les deux appels du Procureur doivent être rejetés et que nous devons

19 terminer l'affaire Aleksovski étant donné que nous en sommes pratiquement

20 arrivés à la fin.

21 Si vous avez un certain nombre de questions à poser à la

22 défense, je me mets à votre disposition pour vous éclaircir sur toutes ces

23 questions.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître

25 Mikulicic.

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1 Il y a un point sur lequel j'aimerais vous demander votre aide,

2 s'il vous plaît. Ce point porte sur les articles du Règlement relatifs à

3 la confidentialité. Selon votre affirmation, la Chambre de première

4 instance du procès Aleksovski n'aurait pu rendre aucune ordonnance

5 relative à un témoin entendu dans l'affaire Blaskic, raison pour laquelle

6 la requête aurait du être rejetée.

7 Y a-t-il la moindre raison qui nous empêche, nous, Chambre

8 d'appel, de rendre une ordonnance eu égard à ces mesures de protection ?

9 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,

10 Messieurs les Juges, tout en respectant la Chambre d'appel, nous

11 considérons que la Chambre d'appel n'a pas cette autorisation.

12 Pour ce qui concerne les autorisations, je peux dire que la

13 compétence relève uniquement de la Chambre qui mène l'affaire ou le procès

14 en question. C'est la Chambre d'instance qui a la compétence d'apporter

15 les décisions. Bien évidemment, ces décisions peuvent être bonnes,

16 mauvaises, légales, illégales, etc.

17 Toujours est-il que toutes ces décisions peuvent donner lieu à

18 des appels. C'est ensuite que la Chambre d'appel va prendre la décision en

19 conséquence.

20 Mais tant que le procès est en cours et tant que ce procès,

21 l'affaire, est dans les mains de la Chambre d'instance, la défense

22 considère que la compétence relève uniquement de cette Chambre ; elle est

23 dans les mains de cette Chambre.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur

25 le Juge Hunt ?

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1 M. Hunt (interprétation). - Prenons pour hypothèse qu'une autre

2 Chambre de première instance rende une ordonnance qui vous donne accès à

3 la déposition de ce témoin entendu à huis clos. Que diriez-vous si la

4 requête avait été présentée à la Chambre de première chargée du procès

5 Aleksovski, que dans cette requête il soit dit que vous n'avez pas

6 seulement demandé cette déposition en dehors des délais, mais que vous

7 l'avez fait sans demander la citation à comparaître du témoin et que la

8 Chambre vous répondait : "Nous accédons à votre demande à condition que le

9 Procureur ait le même droit en rapport à l'audition de ce témoin à huis

10 clos" ? Que diriez-vous ?

11 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le Président,

12 Messieurs les Juges, théoriquement parlant, je peux dire que jamais je ne

13 demanderai à la Chambre d'appel, dans l'affaire Aleksovski, de lever les

14 mesures de protection pour une autre affaire.

15 Si jamais la partie adverse demandait, par exemple, une telle

16 chose et si jamais la Chambre d'instance en était d'accord, dans ce cas-là

17 je demanderais tout simplement la possibilité d'introduire un appel contre

18 une telle décision.

19 Par conséquent je considère qu'il n'y a pas de fondement

20 juridique pour de telles actions.

21 Je ne sais pas si j'ai été clair, mais j'ai essayé de répondre à

22 la question.

23 M. Hunt (interprétation). - Dans ce cas-là, vous diriez : "Je

24 ne suis pas prêt à payer le prix", à savoir si vous voulez imposer la

25 condition consistant à demander qu'un accord soit donné par rapport au

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1 témoin à huis clos vous auriez donc, dans ces conditions, fait citer à

2 comparaître l'amiral Domazet, n'est-ce pas ?

3 M. Mikulicic (interprétation). – C'est une situation qu'il

4 difficile d'imaginer, car je ne sais même pas de quoi le témoin protégé à

5 parler. Si, moi, j'étais au courant, si je savais de quoi il a parlé, si

6 je savais d'après bien évidemment la perception de la défense ce qui était

7 donc la valeur probante de ce témoignage, dans ce cas-là j'aurais pu

8 éventuellement entreprendre un certain nombre d'actions.

9 Mais je ne peux pas vous dire quel type de mesure j'aurais

10 entrepris, je ne peux pas vous le dire en ce moment, car la défense ne

11 dispose pas d'un élément et nous ne connaissons pas la teneur de l'élément

12 de preuve que l'on demande de verser au dossier.

13 Donc la défense ne peut pas prendre sur elle la responsabilité

14 de se définir par rapport à quelque chose alors qu'elle ne connaît même

15 pas la teneur de cet élément de preuve, et se prononcer à ce sujet-là.

16 M. Bennouna (interprétation). – Monsieur Mikulicic, il y a une

17 question qui vous a été posée par le Président, qui est importante, et je

18 ne suis pas tout au fait sûr d'avoir compris votre réponse.

19 Le Président vous a demandé s'il y avait dans le Règlement ou le

20 Statut de notre Tribunal une disposition qui interdise à la Chambre

21 d'appel de prendre ou de décider de mesures de protection d'un témoin, de

22 mesures de protection d'un témoignage, pour assurer la confidentialité.

23 Si j'ai bien compris, vous avez répondu : "Non, non cela relève

24 de la Chambre concernée et personne d'autre ne peut le faire".

25 Sur quoi vous fondez-vous pour répondre cela ? La question qui

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1 vous a été posée est celle-ci : vous fondez-vous sur une disposition du

2 Statut ou du Règlement pour dire cela ?

3 Car, notre Statut, donne à la Chambre d'appel la possibilité de

4 corriger toute erreur sur un point de droit, toute erreur sur un point de

5 fait. Nous pouvons donc agir assez largement au niveau de l'appel lorsque

6 nous constatons des erreurs de fait.

7 A moins, effectivement, qu'il y ait une disposition dans notre

8 Statut et ou dans notre Règlement qui dispose clairement que ceci

9 n'appartient qu'à la première Chambre saisie et à aucune autre.

10 Est-ce que votre affirmation, qui est impérative, vous la tenez

11 d'une disposition du Statut ou du Règlement ? Je n'ai pas très bien

12 compris votre réponse au Président. Je vous remercie.

13 M. Mikulicic (interprétation). – Merci, Monsieur le Juge. Je

14 pense, effectivement, que votre question est extrêmement intéressante de

15 déléguer refenda, en d'autres termes pour éventuellement compléter au

16 modifier le Statut.

17 Vous me permettez de répondre de la manière suivante à votre

18 question et ainsi de vous donner également la position de la défense.

19 A notre connaissance, à la connaissance de la défense, ni dans

20 le Statut ni dans le Règlement de Procédure et de Preuve, il n'existe une

21 règle qui aurait été expresse et qui aurait interdit expressément à la

22 Chambre d'appel de changer les décisions de la Chambre de première

23 instance.

24 La défense est consciente également du fait que pour ce qui

25 concerne le Statut et le Règlement de Procédure et de Preuve, ils rendent

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1 possible à la Chambre de première d'intervenir dans de nombreux champs,

2 donc quand il s'agit des décisions qui sont de la compétence de cette

3 Chambre.

4 Mais il est un fait qu'on ne peut pas dire que par conséquent la

5 Chambre d'appel n'a pas d'autorisation. Moi, j'ai dit que même la Chambre

6 d'appel n'a pas cette autorisation, je me suis plutôt référé aux principes

7 généraux du droit.

8 Nous savons que quand il s'agit du Règlement de Procédure et de

9 Preuve, à plusieurs endroits on se réfère à des principes généraux qui

10 relèvent du Droit international.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai été formé pour

12 être magistrat dans le cadre d'un régime juridique qui se fonde sur le

13 Droit romain. Donc ma logique et ma réflexion partent de ce fondement, de

14 cette base, de ce droit.

15 Dans une telle situation, et étant formé de cette façon-là, et

16 par conséquent je réfléchis dans ce sens-là, il me paraît inacceptable

17 qu'on modifie la décision de la Chambre de première instance, une décision

18 de nature procédure, et que ceci passe par une autre Chambre.

19 Certes, je ne veux pas dire par là que la décision de la Chambre

20 de première instance ne pourrait pas être modifiée et qu'elle est

21 définitive, et je le répète : elle peut être modifiée, mais au moment où

22 il y a un appel qui a été introduit après le prononcé du jugement.

23 Par conséquent, si cette décision a été tellement contestable

24 que véritablement elle avait influencé à tel point le prononcé du

25 jugement, à ce moment-là bien évidemment on pourrait, éventuellement, agir

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1 différemment et entreprendre les démarques qui ont été entreprises par mon

2 collègue.

3 Voilà, c'est un peu ma position à ce sujet-là.

4 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie, Maître

5 Mikulicic.

6 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie également.

7 M. le Président (interprétation). – Maître Niemann, nous en

8 sommes pratiquement parvenus au terme du temps qui nous était imparti,

9 mais peut-être pourrions nous vous entendre encore quelques instants sur

10 ce problème de la confidentialité qui vient d'être évoqué.

11 La position stipulée consiste à dire que l'ordre d'audition du

12 témoin, dont vous recherchez l'élément de preuve, a été imposé par le

13 déroulement du procès Blaskic.

14 Si tel est le cas, y a-t-il moyen de résoudre la question dont

15 nous parlons devant cette Chambre d'appel sans avoir à retourner devant la

16 Chambre chargée du procès Blaskic ?

17 M. Niemann (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs

18 les Juges, je ne connais aucun article du Règlement ou du Statut qui

19 empêche, y compris une Chambre de première instance, d'imposer une

20 ordonnance de confidentialité.

21 Or, ce dont nous parlons ici, ce n'est pas une ordonnance de

22 confidentialité, c'est l'imposition d'une ordonnance parallèle.

23 Et notre position consiste à dire que la Chambre Aleksovski

24 n'était pas liée par une ordonnance émanant de la Chambre Blaskic.

25 Et puis il y a convient également de regarder les décisions

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1 rendues par la Chambre Celebici qui, elle-même, s'est déclarée non liée

2 par une décision rendue par la Chambre Tadic.

3 Donc peut-être l'ordonnance rendue par la Chambre Blaskic eut-

4 elle pu avoir un tel effet, mais tel n'est pas le cas. Il n'y a pas

5 correspondance automatique.

6 Dans mon esprit, Monsieur le Président, la question est réglée

7 de la façon la plus claire.

8 M. Hunt (interprétation). - Mais je suppose que l'accusé doit

9 être autorisé à avoir l'élément de preuve en question avant d'accepter

10 l'imposition de quelque condition que ce soit, de façon à éviter le

11 quiproquo dont nous discutions. Il conviendrait que l'accusé puisse avoir

12 le choix, qu'il puisse accepter l'indulgence accordée à la déposition de

13 l'amiral Domazet, avec comme contrepartie l'acceptation de l'autre

14 déposition, n'est-ce pas. Il faut donc qu'il puisse voir ces éléments de

15 preuve pour se prononcer et il ne peut pas les voir sans une ordonnance de

16 la Chambre Blaskic.

17 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Juge, il y a deux

18 choses qui sont en cause ici.

19 Il y a d'une part l'ordonnance. Nous pourrions par exemple nous

20 référer à l'ordonnance de la Chambre de première instance, en tout cas la

21 Chambre de première instance aurait pu rendre une ordonnance permettant de

22 voir ces éléments de preuve, mais il y a d'autre part l'élément de

23 confidentialité qui lui émane de la Chambre Blaskic, qui elle se trouvait

24 dans une position plus favorable puisque qu'elle a pu voir l'élément de

25 preuve.

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1 Donc ce qu'on pourrait envisager c'est, avant demande de

2 versement au dossier de l'élément de preuve, qu'il y ait possibilité de

3 parler aux Juges pour expliquer pour quelle raison cet élément de preuve

4 doit demeurer confidentiel, etc.

5 Mais, à mon avis, si votre Chambre par exemple, Chambre d'appel,

6 décidait de modifier l'ordre de comparution et qu'une autre Chambre de

7 première instance décide que la confidentialité s'applique à l'élément

8 admis, cela ne placerait personne dans une situation plus difficile

9 qu'auparavant. En fait, on serait dans une situation qui est un petit peu

10 celle de la poule et de l'oeuf .

11 C'est d'ailleurs souvent la situation dans laquelle se trouve le

12 Procureur, la défense évoquant des éléments de preuve qui sont couverts

13 par la confidentialité tant qu'il n'y a pas ordonnance de la Chambre et,

14 au moment où il y a ordonnance de la Chambre, il est stipulé que

15 normalement l'élément de preuve eut dû être communiqué dans le cadre de la

16 communication des preuves ; ce qui abouti à une argumentation, à une

17 discussion, entre les deux parties.

18 Mais nous disons que, de toute façon, le résultat final demeure

19 largement inchangé.

20 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître

21 Niemann.

22 (Les Juges se consultent sur le siège.)

23 Nous allons nous pencher sur la question et nous rendrons notre

24 décision le plus rapidement possible.

25 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)

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1 L'audience est levée à 13 heures 20.

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