Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 3 septembre 2003

2 [Audience sentencielle]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 30.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer

7 l'affaire.

8 LE GREFFE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, les Juges. Il

9 s'agit de l'Affaire IT-02-65/PT [sic], l'Accusation contre Predrag Banovic.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, et la présentation des

11 parties, s'il vous plaît.

12 LE GREFFE : [interprétation] 65/1-S [sic]

13 Mme CHANA : [interprétation] Je m'appelle Sureta Chana, assistée de Ruth

14 Karper, la commis à cette audience.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup. Et du côté de la

16 Défense, s'il vous plaît.

17 M. BABIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

18 m'appelle Jovan Babic, et je suis avocat de Serbie à Monténégro, venu ici

19 pour représenter les intérêts de l'accusé, Predrag Banovic.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

21 L'accusé Predrag Banovic a présenté un plaidoyer de culpabilité qu'il a

22 signé avec l'Accusation. Il a plaidé coupable au chef

23 numéro 1, de l'acte d'accusation, lors d'une audience qui s'est tenue le 26

24 juin. Lors de cette audience, la Chambre a accepté son plaidoyer de

25 culpabilité et l'a déclaré coupable. Le but de cette audience est, par

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1 conséquent, de fixer une peine.

2 Nous allons commencer par le Procureur, mais je dois vous rappeler que nous

3 avons ici vos mémoires. Par conséquent, vos arguments n'ont pas besoin

4 d'être particulièrement longs.

5 Madame Chana.

6 Mme CHANA : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre,

7 l'Accusation estime qu'il s'agit de porter à l'attention de la Chambre un

8 certain nombre de points qui ont été abordés par la Défense dans son

9 mémoire. Comme vous le savez, l'accusé a plaidé coupable, et la

10 condamnation a été présentée. Néanmoins, certains nombres d'affirmations,

11 contenues dans le mémoire, ont tendance à supposer que le plaidoyer de

12 culpabilité n'était pas si peu équivoque qu'il le semble. Et, par

13 conséquent, nous aimerions porter l'attention de la Chambre aux paragraphes

14 33 et 46. Et les affirmations qui sont contenues dans cette déclaration ne

15 sont pas cohérentes avec un plaidoyer de culpabilité en toute connaissance

16 de cause et non équivoque. Et la question qui se pose, par conséquent, est

17 la suivante. Les commentaires qui seront faits peuvent indiquer que le

18 plaidoyer de culpabilité n'était pas forcément valable au moment où il a

19 été présenté.

20 L'Accusation semble être guidée par la Chambre en la matière si vous me

21 permettez de lire les deux paragraphes.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commençons par le paragraphe 33,

23 s'il vous plaît.

24 Mme CHANA : [interprétation] Entre autres, précise qu'il s'agit de la

25 deuxième moitié du paragraphe. Je vais lire de là :

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1 "Bien qu'il pense qu'il n'a tué personne, lorsqu'il l'a frappée, il a

2 néanmoins admis qu'il avait raison de croire que les blessures qui ont été

3 infligées aux participants, à savoir, les prisonniers ont provoqué la mort.

4 Par conséquent, il a reconnu qu'il était capable de commettre un crime."

5 Je vais maintenant me tourner vers le paragraphe 46. Encore une fois, je

6 lis à partir de la moitié de ce paragraphe, numéro 46 :

7 "L'accusé n'a pas pu résisté au pouvoir de ses supérieurs, ni à la force de

8 ceux qui sont rentrés par la force dans le camp, ont commis des crimes et

9 l'on obligé ainsi qu'à d'autres de commettre des crimes également."

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment interprétez-vous, par

11 conséquent, ces phrases ?

12 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, l'accusé semble

13 présenter, comme motif, l'intimidation. Ceci pourrait constituer un moyen

14 de défense et ne provoquerait forcément la mort. Mais ceci pourrait être un

15 moyen de défense lorsqu'il s'agit de passages à tabac, et si l'accusé,

16 ayant proposé comme moyen de défense l'intimidation, pourrait suggérer

17 qu'une telle défense pourrait compromettre le plaidoyer jusqu'à un certain

18 point.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous connaissez évidemment la

20 décision qui a été prise dans l'affaire Erdemovic.

21 Mme CHANA : [interprétation] Oui, absolument. Il s'agit de la même

22 question.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En fait, l'intimidation ne constitue

24 pas une défense, en tant que telle, mais peut constituer un élément

25 pertinent lorsqu'il s'agit de proposer les circonstances atténuantes.

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1 Mme CHANA : [interprétation] Oui, bien sûr. Je comprends fort bien que

2 cela constitue une circonstance atténuante en ce qui concerne la mort,

3 mais, pour ce qui est des passages à tabac, je considère qu'une position

4 très claire n'a pas été prise à cet égard.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle affaire s'agit-il ?

6 Mme CHANA : [interprétation] Dans l'affaire Erdemovic.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites, en somme, qu'Erdemovic

8 n'était pas clair sur la question des passages à tabac ?

9 Mme CHANA : [interprétation] Oui. Puisque celui-ci, en fait, nous avons

10 parlé dans la décision d'Erdemovic des soldats qui devaient prendre les

11 ordres de son supérieur, et ne pouvaient pas -- imposer la mort, mais que

12 s'il avait agi sous la contrainte. Cela pourrait signifier autre chose lors

13 des passages à tabac.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Personnellement, je ne vois pourquoi

15 le droit serait différent par rapport à un civil. Mais si vous avez

16 d'autres arguments, nous pouvons poursuivre -- parler du paragraphe 33.

17 Mme CHANA : [interprétation] Voici mes arguments et, bien sûr, nous

18 suivons absolument les consignes de cette Chambre. Il s'agit simplement

19 d'attirer l'attention de la Chambre sur ce plaidoyer de culpabilité et nous

20 sommes soucieux. Nous voulons simplement que l'accusé confirme que ce

21 plaidoyer de culpabilité a été présenté en bonne et due forme. Et à ce

22 moment-là, nous pourrons aller de l'avant.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites qu'il s'agit que le

24 plaidoyer de culpabilité est un plaidoyer de culpabilité en bonne et due

25 forme, nonobstant les ambiguïtés que vous avez soulevé au paragraphe 46.

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1 Mme CHANA : [interprétation] Il s'agit effectivement d'une ambiguïté. Je

2 crois que c'est de notre devoir, ici, d'attirer l'attention de la Chambre à

3 cet égard. Le plaidoyer de culpabilité doit être sans équivoque et signé en

4 toute connaissance de cause de l'accusé. Si rien ne pose un obstacle à ces

5 différents éléments, à ce moment-là, la Chambre doit s'assurer que ce

6 plaidoyer de culpabilité a été présenté correctement. C'est simplement de

7 notre devoir d'attirer l'attention de la Chambre à cet égard.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous avez raison de le

9 faire, Mme Chana.

10 Mme CHANA : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvons-nous regarder le paragraphe

12 33 maintenant.

13 Mme CHANA : [interprétation] Oui, tout à fait.

14 Encore une fois, je crois qu'ici nous parlons et nous qualifions ce

15 plaidoyer de culpabilité. Il pense n'avoir tué personne, bien qu'ayant

16 accepté la responsabilité dans son plaidoyer de culpabilité pour avoir

17 assassiné ou participé aux passages à tabac de cinq victimes qui sont

18 décédées à la suite de ces passages à tabac. Ensuite, il précise qu'il

19 aurait été capable de commettre un crime. Monsieur le Président, encore une

20 fois, je souhaite apporter ceci à l'intention de la Chambre. Et si vous

21 estimez qu'il s'agit d'un plaidoyer de culpabilité en bonne et due forme,

22 le plaidoyer a été présenté après qu'un accord ait été signé entre

23 l'Accusation et la Défense. L'exposé des faits est quelque chose sur lequel

24 se sont tombés d'accord, les deux parties. Maître Babic nous a dit qu'il a

25 tenu son client au courant des conséquences d'un tel plaidoyer de

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1 culpabilité.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, avant de me tourner vers Me

3 Babic, je souhaite que vous retourniez au paragraphe 46, qui, je crois, Mme

4 Chana --

5 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit en fait d'une affaire

7 peut-être, il s'agit d'une question de fond.

8 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, au paragraphe 33, je crois que

10 l'intitulé de ce paragraphe, il s'agit de quelqu'un qui avait le grade le

11 moins élevé, était en position subordonnée au sein de la police.

12 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] N'est-il pas le cas que ceci n'a pas

14 été suggéré, qu'en vertu de son grade et le grade de l'accusé, je crois que

15 nous avons parlé de son niveau d'intelligence qui était assez bas.

16 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être que cet homme était

18 susceptible, peut être influencé et c'est certainement quelque chose que

19 l'accusé souhaitait certainement que ceci soit pris en compte lors du

20 prononcé de la sentence.

21 Je vais d'abord demander à Me Babic de faire un commentaire à cet égard.

22 Monsieur, vous étiez conseil dans l'affaire Erdemovic, n'est-ce pas ?

23 M. BABIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, par

24 rejet de circonstances, j'ai été l'avocat de la Défense dans l'affaire

25 Erdemovic. Par conséquent, j'ai une bonne expérience et donc je me souviens

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1 à la lumière de la question qui se pose. D'aucune façon, nous voulons le

2 dire -- le conseil de la Défense ne voulait mettre en cause l'accord auquel

3 l'accusé Banovic était parvenu avec le bureau du Procureur. Le titre même

4 du mémoire de l'écriture déposé par moi suggère, sans ambiguïté, le

5 caractère que je veux conférer à chacun des faits exposés et à chacune des

6 circonstances des événements. Je n'ai jamais voulu dire qu'il s'agissait

7 d'une Défense partielle, mais il ne s'agit que de parler de certaines

8 circonstances que je propose à l'intention de cette honorable Chambre de

9 première instance comme étant atténuant.

10 De même, en est-il pour les paragraphes 46 et 33 de mon mémoire. Pour ce

11 qui est de l'accusé Banovic, j'ai essayé de le situer dans le contexte même

12 de l'ambiance qui prévalait dans le camp de Keraterm. Or, pour ce qui est

13 du contexte qui présidait à son âge, à sa jeunesse, à son immaturité

14 psychologique, cette impossibilité de tout bien discerner pour savoir ce

15 qui était du côté du bon ou du côté du mal, était de nature à présider à

16 tous ses agissements et actes ainsi que ceci a été relevé dans l'acte

17 d'accusation. Pour ce qui est de nos Tribunaux, il n'y aurait aucun

18 dilemme. Le Tribunal dans mon pays aurait considéré cela comme étant des

19 circonstances atténuantes, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Babic.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 La Chambre, ayant entendu les arguments de l'Accusation, ainsi que de M.

23 Babic, pour laquelle la Chambre est reconnaissant, précise que ce plaidoyer

24 de culpabilité est tout à fait présenté en connaissance de cause et n'est

25 d'aucune manière équivoque. Donc, Madame Chana, vous pouvez poursuivre.

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1 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

2 Juges. Avec votre permission, je vais maintenant vous présenter les

3 arguments portant sur la détermination de la peine.

4 M. Banovic a été condamné après avoir présenté un plaidoyer de culpabilité

5 pour le chef d'accusation numéro 1. Nous avons le plaidoyer de culpabilité

6 sous les yeux qui est daté du 25 [sic] juin 2003 et qui contient l'exposé

7 des faits et une déclaration sur l'exposé, des faits pour lesquels Predrag

8 Banovic a été condamné. Je ne propose pas de répéter tous ces éléments

9 aujourd'hui, mais, de manière succincte, Predrag Banovic était gardien du

10 camp de Keraterm. Le camp de Keraterm était un des trois principaux camps

11 qui avait été mis en place dans la municipalité de Prijedor et ce, par la

12 cellule de Crise dans la municipalité de Prijedor. Le camp s'est ouvert le

13 23 mai 1992 et a eu jusqu'à 1 500 détenus. Les personnes, qui ont été

14 détenues dans ce camp de Keraterm, entre la fin du mois de mai et la date à

15 laquelle le camp a été fermé au mois d'août 1992, constituaient

16 principalement des Musulmans de Bosnie, ainsi que des Croates de Bosnie.

17 Des hommes en âge de porter les armes alors que tous les gardes étaient des

18 Serbes.

19 Ces camps ont été gérés de façon à maltraiter et de persécuter les non-

20 Serbes de Prijedor avec pour seul but de débarrasser de ce territoire les

21 non-Serbes ou assujettir ceux qui étaient restés. La détention des non-

22 Serbes dans le camp était un prélude à leur assassinat ou à leur transfert

23 dans des régions où dans des régions où les Serbes n'étaient pas dans la

24 majorité. Les conditions du camp étaient des conditions extrêmement

25 difficiles, inhumaines, dégradantes et ont souvent provoqué des mauvais

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1 traitements au plan physique et au plan moral ainsi que ce qui avait été

2 appelé, à ce moment-là, des visiteurs. Le même traitement a été appliqué

3 aux visiteurs. Ce seul chef d'accusation de persécution, pour lequel

4 Predrag Banovic a été condamné, en contient trois volets. Premièrement, il

5 s'agit de la participation de Banovic à cinq meurtres, les victimes ayant

6 été des détenus dans le camp qui ont succombé à leur passage à tabac, et M.

7 Banovic a participé à cela.

8 Deuxièmement, il s'agit de passage à tabac de 22 autres détenus dans le

9 camp de Keraterm auquel a participé Predrag Banovic. Troisièmement, il

10 s'agit de conditions inhumaines, y compris, des humiliations, des

11 harcèlements, ainsi que de mauvais traitements au plan psychologique,

12 imposés aux non-Serbes dans le camp de Keraterm pendant leur temps

13 d'emprisonnement dans ce même camp.

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce mémoire présenté par

15 l'Accusation le 17 juillet, présente différents arguments ainsi que sa

16 position eu égard au plaidoyer de culpabilité ainsi que l'exposé des faits

17 tels qu'ils ont été, sur lequel un accord a été trouvé entre l'Accusation

18 et la Défense. L'Accusation recommande à la Chambre qu'une peine de huit

19 ans soit imposée. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation

20 et la Défense reconnaisse que la Chambre de première instance n'est pas

21 tenue par une peine recommandée par l'Accusation. Néanmoins, cela peut

22 constituer la base de réflexions pour délibérations. L'Accusation présente

23 cette peine comme étant la plus appropriée étant donné les circonstances.

24 Et avant de parler des facteurs qui ont été pris en compte lors de la

25 fixation de la peine, je souhaite vous présenter un certain nombre

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1 d'arguments d'ordre général.

2 Tout d'abord, il y a toujours une considération prépondérante lorsqu'il

3 s'agit de fixer des peines. Il s'agit, en fait, de promouvoir un certain

4 nombre d'objectifs dans le cadre du droit pénal. Le droit international,

5 comme tout système juridique national, doit protéger les valeurs humaines

6 et l'engagement de tout à chacun. Il s'agit ici de respecter un

7 comportement civilisé et de protéger la communauté internationale. La

8 fixation, la détermination de la peine a ce but, il s'agit de dissuader de

9 tels actes à l'avenir, à savoir, des violations du droit pénal. Dans le

10 jugement d'appel, dans l'affaire Celebici, aux paragraphes 799 et 803, la

11 Chambre d'appel a accepté l'importance généralement attribuée à la

12 dissuasion et a considérer que ceci était important dans la fixation de la

13 peine portant sur les crimes commis dans un conflit international et a même

14 proposé une condition, à savoir que ce facteur doit vraiment être mis en

15 avant.

16 Deuxièmement, la Chambre d'appel a évoqué la notion de châtiments, la

17 notion de châtiments est importante lors de la détermination de la peine.

18 Dans le jugement en appel, au paragraphe 185, la Chambre d'appel a expliqué

19 que ce concept de châtiments est important : "Il n'est pas compris comme

20 étant, il ne s'agit pas ici de répondre à un désir de vengeance mais de

21 répondre au sentiment de scandales qu'exprime la communauté internationale

22 face à ces crimes. Par conséquent, la peine présentée par un Tribunal

23 international doit très clairement condamner ceci et un tel comportement

24 est signalé à la communauté internationale qu'elle n'est pas disposée à

25 tolérer de telles violations et de telles violations du droit humanitaire

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1 international et des droits de l'homme."

2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation présente ces

3 différents arguments dans le but d'envoyer un signal à la communauté

4 internationale lorsqu'il s'agit de condamner quelqu'un et ceci serait, et

5 il ne s'agit pas de diminuer l'importance et le rôle de ces tribunaux en

6 sous-estimant ces peines. Par conséquent, il est très important d'imposer

7 des peines qui correspondent et qui ne soient pas inférieures aux peines

8 imposées par des juridictions nationales. Il s'agit d'envoyer un message,

9 par exemple, que lorsque l'on assassine quelqu'un, si c'est un crime de

10 guerre ou un crime contre l'humanité, il s'agit d'un génocide. Il s'agit de

11 quelque chose de très grave. Il ne s'agit pas d'un simple assassinat qui

12 serait commis dans le cadre d'une juridiction nationale. Et par conséquent,

13 c'est bien le contraire et ceci doit être reflété dans la peine qui est

14 imposée.

15 Mon troisième argument d'ordre général porte sur le fait que Predrag

16 Banovic peut être catégorisé comme un auteur qui peut être qualifié de

17 "menu fretin." On reconnaît, en fait, que c'était un gardien, que Predrag

18 Banovic n'avait pas un grade très important lorsqu'il était en service. Il

19 n'avait aucun contrôle sur les autres gardes et lui-même n'avait pas

20 l'autorité de punir qui que ce soit. Je ne prétends que Predrag Banovic a

21 participé à la formulation de cette politique criminelle mise en place par

22 les dirigeants serbes de Bosnie ou qu'il était responsable pour la mise en

23 place du camp de Keraterm.

24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Défense, dans son mémoire

25 portant sur le prononcé de la peine, demande à la Chambre de première

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1 instance de tenir compte du fait que ce monsieur avait un grade très peu

2 élevé et occupait une position très subordonnée. Il s'agit ici de présenter

3 ceci comme un élément ou une circonstance, un facteur atténuant et repose

4 son argumentation sur, je cite : "La jurisprudence de ce Tribunal." A cet

5 égard, je ne suis pas d'accord. La Chambre de première instance, lors du

6 jugement de Jelisic au paragraphe 133 a précisé : "Bien que les crimes qui

7 aient été commis pendant des conflits armés sont particulièrement liés à

8 une situation politique ou militaire et aux représentants officiels de ces

9 instances à ce moment-là, ils n'auraient pu arriver à leurs fins, sans

10 l'aide enthousiaste, de la contribution directe ou indirecte du "menu

11 fretin." La Chambre d'appel a rejeté l'argument de la Défense, proposé par

12 la Chambre de première instance, en précisant qu'elle s'était trompée sur

13 ce point. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la mise en place du

14 camp de Keraterm a fait partie d'une entreprise criminelle commune de très

15 grande ampleur qui nécessitait la participation de bon nombre de personnes

16 ainsi que d'institutions pour que ces différents objectifs soient accomplis

17 et réalisés du niveau le plus bas également au niveau le plus haut. Le

18 succès de ce plan dépendait pour beaucoup de l'engagement des forces de

19 sécurité, des systèmes judiciaires et militaires à tous les niveaux à cette

20 époque.

21 Je fais allusion à cet égard au paragraphe 3 des points d'accord.

22 L'objectif de cette entreprise criminelle commune était la radiation par la

23 force et par tous les moyens des habitants non-Serbes du territoire afin de

24 mettre en place un état serbe à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine.

25 Predrag Banovic a constitué un des rouages de ce mécanisme, de ce plan à

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1 grande échelle, sans la participation volontaire des auteurs à des niveaux

2 aussi bas que Predrag Banovic qui a participé de façon volontaire à ces

3 crimes épouvantables, aucun plan d'une telle ampleur n'aurait pu être

4 réalisé.

5 L'Accusation précise, par conséquent, que la peine doit refléter le fait

6 que ce n'est pas parce qu'un auteur est à un niveau bas de l'échelon qu'il

7 n'a pas participé à la commission de crimes très importants et ils ne

8 peuvent pas échapper, non plus, à la responsabilité tant juridique que

9 morale en plaidant qu'ils ont été rattrapés par les événements.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez.

11 Mme CHANA : [interprétation] Predrag Banovic connaissait l'existence de ces

12 systèmes et savait que les gens étaient maltraités au camp de Keraterm. Il

13 avait l'intention de poursuivre ceci et il avait l'intention de commettre

14 ces crimes pour lesquels il a maintenant été condamné. La commission de ces

15 crimes, par lui-même, a contribué de façon significative à cette entreprise

16 criminelle commune, à savoir, l'établissement de ce camp. Bien sûr,

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci est illustré dans le

18 paragraphe 6 des points d'accord.

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je crois qu'on ne peut pas

20 suggérer ou proposer un argument valable en précisant qu'il agissait sous

21 la contrainte et qu'il était, par ailleurs, un participant tout à fait

22 volontaire. La peine doit illustrer le fait qu'il faisait cela en

23 connaissance de cause, qu'il a contribué de façon significative à des

24 crimes extrêmement graves. La peine doit également, clairement condamner la

25 communauté internationale, aux yeux de la communauté internationale qu'un

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1 tel comportement d'un menu fretin est important et clairement indiquer que

2 si, un auteur, à l'avenir, n'empêche pas que de tels crimes soient commis,

3 ceci ne peut pas passer inaperçu. Et quand bien même la situation se

4 présente et que nous sommes dans un conflit armé où tout est confus, ceci

5 ne sera pas ignorer par la communauté internationale comme étant simplement

6 une des conséquences de ce plan de description à grande échelle ou de ce

7 conflit armé en tant que tel.

8 Je vais maintenant me tourner vers les facteurs qui permettent de

9 déterminer la peine dans le cadre de cette affaire. L'Accusation les traite

10 dans son mémoire portant sur la détermination de la peine et je vais

11 maintenant me reporter à ceci. Le crime qui a été commis pour la

12 participation à cinq meurtres, le passage à tabac de 27 autres victimes,

13 qui sont de façon également grave. Le meurtre dans tout système juridique

14 est un crime extrêmement grave si une personne le commet. Pour ce qui est

15 des passages à tabac, il ne s'agit pas simplement d'assaillir les

16 personnes. Il s'agit de les rouer de coups, et ceci a contribué à cette

17 ambiance de terreur qui régnait au camp de Keraterm, et qui a provoqué

18 énormément -- ou qui a fait énormément de mal au plan physique et mental

19 aux victimes qui se trouvaient dans ces camps, ou qui ont été les témoins

20 de ces événements.

21 Au camp de Keraterm, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme j'en

22 ai parlé, ces camps ont été appelés des centres de rassemblement. Ceci

23 n'est pas particulièrement pertinent, quelque soit le terme qu'on utilise.

24 Mais il s'agit en fait d'un système brutal et inhumain, et qui en rendait

25 les conditions de vie extrême, de détentions extrêmement difficiles pour

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1 les prisonniers, vulnérables et sans citer un pouvoir à la merci des gardes

2 du corps, et des commandants de ce camp, qui le géraient avec beaucoup de

3 brutalité. Les Musulmans de Bosnie, ainsi que les Croates de Bosnie,

4 prisonniers du camp de Keraterm, ont été tenus dans une -- sujets à la

5 terreur de façon constante, au plan physique et psychologique. Ils étaient

6 sans pouvoir, et à la merci de ces gardes, de ces commandants.

7 Monsieur le Président, Predrag Banovic a reconnu qu'il avait été garde de

8 ce camp, et avait une position d'autorité sur les prisonniers du camp. Il

9 avait par conséquent, la possibilité de leur ôter la vie s'il le

10 souhaitait, selon les circonstances, ou s'il pouvait user de son pouvoir

11 sur les prisonniers également pour rendre leur vie de plus en plus

12 difficile. Predrag Banovic, a choisi de rendre leur vie plus difficile, et

13 il aurait pu alléger leur souffrance. L'article 92 des déclarations

14 présentées par la Défense de Predrag Banovic, il aurait pu par conséquent,

15 venir en aide aux prisonniers, et c'est ce que présente la Défense. Il l'a

16 fourni une aide, quelque peu sélective, à certains prisonniers qui avaient

17 été ses amis auparavant. Ces déclarations illustrent également, le fait

18 qu'il avait suffisamment d'autorité justement, pour venir en aide aux

19 victimes de ces événements qui étaient sujets à l'harcèlement par les

20 autorités.

21 Ces victimes de Predrag Banovic sont listées en fait dans l'exposé des

22 faits -- sont énumérées dans l'exposé des faits. Il est important de lire

23 leurs noms devant la Chambre, comme reconnaissant en fait ces procédures de

24 personnes qui ont souffert à Keraterm.

25 Monsieur le Président, je suis ici parce que l'Accusation a reçu un appel

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1 après que Predrag Banovic ait plaidé coupable. Il s'agit en fait de la

2 femme d'une des victimes qui a péri au camp de Keraterm, et qui était

3 extrêmement dans un état de désarroi après avoir entendu les souffrances et

4 la mort de son mari. Avec la permission de la Chambre, je souhaite lire

5 leurs noms dans la Cour, devant la Chambre, comme étant prendre

6 connaissance publique pour ces victimes.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie.

8 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, pardonnez-moi à

9 l'avance, si je ne prononce pas les noms correctement. J'ai l'exposé des

10 faits ici au paragraphe 15, Monsieur le Président, cinq des victimes qui

11 sont décédées à la suite des passages à tabac qui leur ont été infligés, et

12 dans lesquels Predrag Banovic a participé. En fait il s'agit de : Jovo

13 Radocaj, Drago Tokmadzic, Jasmin Zvjezdas, Dzevad Karabegovic, Dzemal

14 Mesic. Au paragraphe 16, Monsieur le Président, nous avons Meho

15 Kapetanovic, Faruk Hrncic, Enver Modronja, Adib Bajric, Uzeir Causevic, aka

16 Zejro, Saban Elezovic, Edin Ganic. Passage à tabac de trois frères Alisic :

17 Armin, Edo et d'un troisième dont le prénom est inconnu. Ismet Garibovic,

18 Vasif Mujkanovic, Mujo Sivac, Sulejman Sivac, Mirsad Karagic, Esad

19 Islamovic. Un prisonnier du nom de Mesic. Jasmin Ramadanovic, aka Sengin.

20 Suad Halvadzic, et le passage à tabac de Besim Fazlic, Mehmed Avdic,

21 Muharem Sivac, Mirsad Crljenkovic. Un détenu du nom de Smail, et pour finir

22 le passage à tabac de Ismet Bajric.

23 Predrag Banovic, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en plaidant

24 coupable pour ces crimes, et en reconnaissant sa participation, vu la

25 terreur qui régnait au camp de Keraterm, sert de catharsis pour les

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1 victimes et toutes les personnes touchées par la guerre, pour commencer le

2 processus de réparation, et pour stopper ce cercle vicieux de représailles

3 dans la zone de conflit en assurant ainsi la réconciliation entre les

4 différentes parties belligérantes. Si la Chambre d'appel a retenu le fait

5 que les représailles constituent un des facteurs de châtiment, disons que

6 ceci ne devait pas être l'unique façon pour rétablir la justice dans les

7 régions, dans le territoire de l'ex-Yougoslavie, la peine doit être

8 appropriée, et correspondre aux crimes.

9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans les paragraphes 44 et 45,

10 on parle également des regrets exprimés par Predrag Banovic. Il s'agit de

11 seul fragment de texte, paragraphe où il a fait part de ses regrets. Il a

12 été suggéré que l'accusé a fait des regrets sincères, lors de ces

13 conversations menées avec les enquêteurs du bureau du Procureur. Monsieur

14 le Président, Messieurs les Juges, étant donné que les comptes rendus de

15 ces conversations ont été communiqués sous pli scellé, puis-je suggérer de

16 procéder en audience à huis clos.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en effet. Passons à huis clos,

18 s'il vous plaît.

19 Remplacer les représailles par le châtiment.

20 [Audience à huis clos partiel]

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10 [Audience publique]

11 Mme CHANA : [interprétation] En conclusion, Monsieur le Président,

12 Messieurs les Juges, Predrag Banovic, devrait être condamné à plus ou à

13 moins de ce qui a été prévu par la peine qu'il mérite. En tout cas, il

14 mérite plus que de huit ans; laquelle, la peine a été demandée. En fin de

15 compte, ceci devrait être considéré, à l'avenir, également à l'intention

16 d'autres accusés. Mais en tout cas, nous nous en tenons à ce qui a été

17 recommandé, à savoir, peine de huit ans, peine d'emprisonnement de huit

18 ans.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Chana, est-ce que la peine de

20 huit ans a été déjà prévue lors du moment où l'accusé a fait son plaidoyer

21 de culpabilité ?

22 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Permettez-moi de comprendre mieux, tout

24 cela. Comment pourriez-vous aboutir à la même peine d'emprisonnement,

25 empruntant ces différentes positions et points d'approche ?

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1 Mme CHANA : [interprétation] Je ne saurais vous le dire, Monsieur le

2 Président.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez suggéré que la peine de

4 huit ans serait beaucoup trop brève.

5 Mme CHANA : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Monsieur les

6 Juges, je dis exactement que lui, mérite une peine de prison de huit ans,

7 sur quoi nous nous sommes mis d'accord.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Chana, la seule matière que

10 vous n'avez pas traité dans aucun de vos mémoires, porte sur l'essentiel

11 même de la coopération que vous avez pu obtenir. Je ne demande maintenant,

12 à approfondir la lecture de vos écritures. Mais tout simplement, je

13 voudrais le savoir --

14 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce

15 n'est pas qu'il n'y avait pas une coopération, mais celle-ci ne devrait pas

16 être considérée comme vraiment substantielle. Si vous voulez que je m'en

17 étende là-dessus, je serai obligée de redemander de passer à huis clos

18 partiel.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non. Ceci n'est pas

20 nécessaire. Attendons d'abord les arguments de Me Babic. Après quoi, le cas

21 échéant, on pourra peut-être y revenir.

22 Monsieur Babic, c'est à vous.

23 M. BABIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

24 Honorables représentants du bureau du Procureur. Dans mon écriture, j'ai

25 soumis les informations qui pourraient être d'utilité à la Chambre de

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1 première instance lors de la fixation de la peine. J'ai essayé de les

2 argumenter, ces considérations -- ces suggestions faites, et pour le faire,

3 j'ai fait des références à la théorie mais également à une pratique déjà

4 riche que connaît ce Tribunal.

5 Lors de la présente audience, je voulais faire état de points forts de

6 l'écriture déposée par moi, et suis prêt à argumenter certains de mes

7 points de vue et de mes positions. Avant de commencer, permettez-moi de

8 dire également que cela une fois de plus, que l'accusé Banovic considère

9 que l'accord obtenu avec le Procureur, pour lui, est une affaire sacro-

10 sainte, et ne devrait aucunement être mis en question par lui.

11 Secondo, le plaidoyer de culpabilité par l'accusé Banovic, et cela, avant

12 que le procès ne démarre, devrait être considéré sans équivoque, aucun,

13 comme faisant partie d'un acte moral qui est, cette fois-ci, le sien, au

14 sujet de camps de Keraterm et au sujet du rôle qui a été le sien dans -- à

15 la lumière et dans les cadres des crimes commis faits à Keraterm.

16 Troisièmement, l'accusé Banovic, comme cette Chambre de première instance

17 vient de le constater, a fait ce plaidoyer de plein gré en toute conscience

18 des conséquences que ce plaidoyer entraîne.

19 Quatrièmement, ayant en vue que la fixation de la détermination de la peine

20 réclame de l'exclusive prérogative de cette Chambre de première instance,

21 le conseil de la Défense, eux ont des pouvoirs qui sont les siens.

22 Notamment, à la lumière de Règlements de preuve à savoir, l'Article 101(A),

23 fait état des informations pertinentes qui pourraient être d'utilité à la

24 Chambre de première instance, lors de la détermination de la peine. Ces

25 informations ont été corroborées moyennant les dépositions de 15 témoins au

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1 titre de l'Article 92 bis étoffées également par un rapport d'expert, et

2 par neuf pièces à conviction versées au dossier.

3 Avec tout le respect que j'ai pour vous, il s'agit de l'intercalaire 9,

4 d'une pièce à conviction que je voudrais soumettre ici, pour être versée au

5 dossier, moyennant laquelle on doit garantir un travail, un emploi à

6 l'accusé Banovic, une fois qu'il aura purgé sa peine. Et cela dans nos

7 territoires de Republika Srpska.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit d'un élément en

9 supplément, Monsieur Babic, n'est-ce pas ?

10 M. BABIC : [interprétation] Oui. En effet, Monsieur le Président, c'est

11 quelque chose que je viens de recevoir seulement. Hier, notamment.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voulez-vous, s'il vous plaît,

13 communiquer cette pièce à conviction au Procureur également.

14 Cette pièce peut être incluse dans le reste des pièces à conviction du

15 dossier. Mais pour ce qui est de son admission, de l'admission du document,

16 nous allons en statuer, lorsque nous aurons considéré l'ensemble des pièces

17 à conviction.

18 M. BABIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Avec

19 tout le respect que j'ai vu, je suis convaincu que toutes ces pièces à

20 conviction, et le dossier dans son ensemble, seront admises ainsi

21 qu'argumentées et présentées par le conseil de la Défense dans son mémoire.

22 Quels sont les points forts de mon mémoire ? D'abord, le point de départ

23 lors de la détermination de la peine, est de voir quels en sont les

24 objectifs. Encore que, à ce Tribunal, la réglementation n'a pas explicité

25 ce volet-là, pour ce qui est de la détermination de la peine. La pratique

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1 déjà riche, permet de constituer comme suit. Il s'agit de protéger la

2 communauté internationale. Il s'agit de préserver la paix et d'obtenir la

3 réconciliation dans le territoire de l'ex-Yougoslavie comme étant un

4 objectif général. De même que d'empêcher toutes représailles, et d'obtenir

5 la dissuasion et la punition de l'accusé comme étant un but en soi. Dans la

6 porte de 20 à 58 et dans une pièce donnée en annexe sous forme

7 confidentielle, j'ai offert les facteurs que cette Chambre de première

8 instance devrait prendre en considération lors de la détermination de la

9 peine. Je fais appel à vous tous, à ce que le poids que vous allez conférer

10 à chacun de ces facteurs et postulats puisse être conformes aux objectifs

11 relatifs à la peine comme prévu dans mon mémoire.

12 Cela dit, permettez-moi de faire état de quelques autres explications

13 concernant le paragraphe 36 du mémoire où j'ai dit que le poids même de la

14 peine, la gravité du crime, étant donné le rôle joué par l'accusé lors de

15 la perpétration de crimes, devrait être considéré dans le contexte d'une

16 propagande agressive et d'une attitude de formateurs de guerre, non

17 seulement dans Keraterm, mais dans la région de Prijedor en général. Je le

18 dis, parce que, persuadé personnellement, et parlant à la lumière des

19 connaissances qui sont les miennes et de l'expérience qui est la mienne à

20 ce Tribunal, je crois, que lorsqu'il s'agit du rôle joué par la propagande

21 immédiatement avant et pendant la guerre, notamment, l'incidence de cette

22 propagande sur la conscience de chaque individu, ne présente pas

23 suffisamment de poids à prendre en considération. Or, je considère, pour ma

24 part, que la Chambre de première instance, dans cette affaire-là, et dans

25 d'autres, devrait pouvoir contribuer à fournir la réponse suivante à la

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1 question. Comment, en Bosnie-Herzégovine, lorsqu'en 1999 [sic] 80 pour cent

2 du total de ses ressortissants, lors d'un sondage, disent que les relations

3 interethnique ont été bonnes. Comment se fait-il que rien qu'un laps de

4 temps de deux ans, tout cela donne lieu à tant d'intolérances, de conflits

5 et de guerres.

6 Une réponse tout à fait sommaire, aurait dû dire comme suit : le tout est à

7 imputé à la propagande de chacun des partis mis en place et imputé à la

8 propagande généralisée. Je voudrais parler de cela à la lumière de la

9 propagande du Parti serbe, c'est-à-dire, parler de comportements de

10 l'accusé Banovic. Je voudrais scruter le jardin qui est le nôtre.

11 J'aimerais bien que mes honorables collègues qui sont à la défense des

12 Croates et des Musulmans en fassent autant. Tout cela au bénéfice de la

13 vérité.

14 D'abord, le fil rouge à suivre qui traduit et reflète la propagande serbe,

15 a été présenté par l'accusé Plavsic devant cette même Chambre de première

16 instance dans le procès qui était le sien. Lorsqu'elle dit :

17 "Maintenant, je suis convaincue et que j'accepte que plusieurs milliers

18 d'hommes et de femmes innocents ont été victimes d'actions systématiques

19 visant à ce débarrasser des Croates et autres des territoires que les

20 Serbes ont considéré comme étant le leur."

21 Elle a ajouté ensuite :

22 "Je devrais m'en persuader très, très facilement maintenant, si je devais

23 en parler à la lumière d'autodéfense ou de défense légitime."

24 Monsieur le Président, si cela est si aisé, pour parler cette fois-ci de

25 position de Mme Plavsic, je crois qu'il en est beaucoup plus, pour autant,

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1 facile de comprendre que ceci devait être également quelque chose qui

2 reflète le comportement de l'accusé Banovic qui, lui, était jeune, sans

3 expérience, dans sa vie. Peut-être, le journaliste britannique qui lui, en

4 parle dans son livre, histoires serbes, mythes, et cetera, dit comme suit :

5 les Serbes sont entrés dans la guerre parce qu'ils y ont été entraînés par

6 leurs dirigeants politiques. Or, ces dirigeants politiques, se sont servis

7 à dessein, de quelques fils ayant attrait à l'histoire de ce peuple, pour

8 les faire enrôler dans la guerre. Cette question de préservation, question

9 de légitime défense du peuple serbe a été les matières qui ont été

10 ressassées par les médias, y compris les médias de Prijedor.

11 Tant de faits ont été objet d'abus et comme partout et ailleurs dans de

12 telles situations, les rumeurs d'un individu à l'autre sont devenues une

13 forme sous génétiste de propagande. Le camp de Keraterm d'ailleurs, en

14 donne et présente un lieu éclatant de ce fait-là. D'un côté, les Serbes ont

15 fait répandre des rumeurs sur des soi-disant crimes perpétrés par tel ou

16 tel. Et cela à l'encontre de tel ou tel détenu, comme sous forme de

17 représailles. D'autre part, certains détenus ont fait répandre des rumeurs

18 sur les soi-disant crimes des frères Banovic, Nenad et Predrag à la fois.

19 Or, cette Chambre de première instance s'est rendue compte du fait que

20 seul, Predrag, a été accusé pour parler du camp de Keraterm, et pour parler

21 de ses deux frères lorsque l'acte d'accusation contre Nenad a été rejeté,

22 retiré.

23 De même, devrions-nous en parler lorsque nous parlons de la coopération

24 dont a fait preuve l'accusé, lorsqu'il dit qu'il n'a pas pris part à des

25 passages à tabac des frères Kuburas ou de Fikret Abdic et cetera. J'ai pu

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1 me persuader du fait que nous nous sommes mis d'accord pour dire que dans

2 l'ambiance, telle que présentait le camp de Keraterm, il aurait pu y avoir

3 d'erreurs en matière d'identification. Seule la substance des rumeurs, la

4 propagande et la furie de la rumeur se présentent avec maîtrise par

5 l'écrivain, Ivo Andric, prix Nobel, qui lui, excellent connaisseur de

6 circonstances historiques et de mentalité de peuples de Bosnie-Herzégovine,

7 a su présenter dans son livre "La cour maudite", où il dit : "La parole a

8 été prononcée. Une fois que la parole démarre, elle n'arrête plus son

9 cours. Elle évolue pour s'amplifier dans la foulée."

10 L'ambiance dont nous écrit l'écrivain, ces notes avancées, qui présentent

11 une prison. Par conséquent, les personnages ont sont les détenus,

12 l'administration de la prison et les gardes de la prison. Donc, il s'agit

13 d'une ambiance qui, à bien des écarts, nous permet de faire des

14 associations d'idées et de lieux concernant le camp de Keraterm.

15 Je veux croire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que lorsque

16 vous aurez à apprécier les arguments du Procureur, vous saurez tirer profit

17 de la sentence de l'écrivain que je viens de citer pour faire régner cette

18 confiance qui a été obtenue lors de l'accord de coopération portant sur le

19 plaidoyer de culpabilité. Car cela est important, lorsqu'il s'agit de

20 parler du rôle joué par Predrag Banovic dans le cadre de certains crimes

21 qui auront été perpétrés dans Keraterm.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Babic, puis-je voir si j'ai

23 bien compris les arguments que vous venez d'avancer à ce sujet. Vous dites

24 en effet, que l'accusé se trouvait dans un environnement, dans une ambiance

25 de propagande. Environnement tel qu'il n'a pas été sans avoir une incidence

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1 sur lui. Par conséquent, il y a succombé, à l'incidence de cette

2 propagande. Il s'agit d'un facteur pour lequel vous voulez que nous le

3 prenions en considération lors de la détermination de la peine.

4 M. BABIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit

5 précisément de cela.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Poursuivez, s'il vous plaît,

7 Maître.

8 M. BABIC : [interprétation] Maintenant, je vais parler très brièvement de

9 certains facteurs que la Chambre de première instance devrait prendre en

10 considération lors de la détermination de la peine. Pour parler de

11 circonstances aggravantes, j'ai dit que pour ce qui est de l'accusé

12 Banovic, il y en a point. Car, tout a été pris en considération par les

13 normes à prendre en considération lors de la détermination de la peine, et

14 déjà en vigueur le long de la pratique de ce Tribunal. Pour ce qui est des

15 circonstances atténuantes, il s'agit d'abord de parler de plaidoyer de

16 culpabilité. Et par rapport à l'acte d'accusation, l'accusé a également

17 fait état de ses regrets et il l'a dit, je veux croire, avec sincérité.

18 Voyez-vous quel était le problème de l'accusé et pour l'accusé lors de ces

19 interviews ou conversations avec le bureau du Procureur. Le principal

20 problème consiste en le fait que l'accusé Banovic ne se souvient plus de

21 noms de gens. Rares sont, et en si petit nombre, les personnes dont il se

22 souvient. On ne peut pas dire qu'il n'a pas accepté ou qu'il n'ait pas

23 reconnu. Il a tout accepté et reconnu pour signer l'acte.

24 Il a occupé un rang des plus subalternes dans la hiérarchie policière.

25 Ensuite, il s'agit de parler du caractère de l'accusé, de son âge, il était

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1 jeune. Lors de la perpétration des crimes, il n'avait que 22 ans. Pour ce

2 qui est de sa situation de famille, disons qu'il est marié et qu'il est

3 père d'un enfant de trois ans. Avant la guerre, il a communié, pratiquement

4 vécu ensemble avec des représentants de tous groupes ethniques et je veux

5 bien croire, que lui sait, qu'il n'y a aucun acte de discrimination à

6 l'égard de qui que ce soit et que le tout devait être imputé à la

7 propagande et fomentation de guerre dont il a été victime. Lors de la

8 guerre, dans le camp, de maintes manières et différentes manières, il a

9 aidé tant de Croates et Musulmans. Il n'a jamais eu de casier judiciaire,

10 il n'a jamais été membre du Parti démocratique serbe. Au temps de la

11 guerre, il fait preuve d'une personnalité psychologiquement immature, son

12 comportement était tout à fait correct jusqu'à maintenant. Il a toujours

13 fait preuve de respect pour le Procureur et la Chambre de première

14 instance. Et actuellement, il est pleinement conscient du contexte moral,

15 juridique et social de tout ce qui c'était passé au camp et qu'il est prêt

16 maintenant à emprunter un comportement en toute maturité.

17 Par conséquent, nous devons dire, en d'autres termes, que sa coopération

18 avec le Procureur, je l'ai considéré comme étant comme importante. Voilà

19 pourquoi j'en ai parlé avec force et argument dans le cadre d'un mémoire

20 confidentiel.

21 Et, à la fin, le conseil de la Défense considère que le plaidoyer de

22 culpabilité, les regrets exprimés par l'accusé, devraient permettre à ce

23 qu'il trouve un reflet opportun lors de la détermination de la peine pour

24 que ceci puisse être une expression aux bénéfices des victimes, et

25 acceptable pour la communauté internationale. Je suis persuadé qu'une peine

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1 d'emprisonnement de huit ans devrait correspondre à ce que je viens de dire

2 comme pouvant satisfaire à chacune de ces exigences. Je suis à votre

3 disposition pour répondre à toutes les questions.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Babic, peut-être devriez-

5 vous dire aussi quelque chose au sujet de ces points clés relatifs à la

6 coopération. Et si pour le faire, vous avez besoin d'un huis clos partiel

7 ou d'un huis clos, nous pouvons y passer.

8 M. BABIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous pouvons peut-

9 être passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, passons à huis clos partiel.

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21 [Audience publique]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Babic, je crois que vous

23 souhaitiez ajouter quelque chose. Non.

24 Maître Babic.

25 M. BABIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

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1 avec votre permission, si vous n'avez pas d'autres questions, je vous

2 demanderais de bien vouloir donner la parole à Banovic, qu'il puisse

3 s'exprimer. Je vous demande de bien vouloir donner la parole à l'accusé

4 Banovic, si vous le permettez.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Vous avez la parole Monsieur

6 l'accusé, Monsieur Banovic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 pour ce qui est de ma culpabilité, j'en ai fait un plaidoyer devant vous

9 sans ambiguïté. Ce plaidoyer, fait par moi, est l'expression de la vérité

10 que sont mes remords et regrets, dans l'ensemble de ce qui s'était passé

11 notamment, dans le camp de Keraterm. Et pour ce qui est de la contribution,

12 faite part moi, à cela, j'en ai déjà fait une déposition devant le bureau

13 du Procureur. Je voudrais ajouter maintenant comme suit : Mon arrestation,

14 l'arrestation de mon frère et moi, notre déferlement au Tribunal de La

15 Haye, je les ai vécues avec et dans une grande terreur. Parce que la

16 propagande, faite jusqu'à maintenant, a été notamment, pour dire que La

17 Haye servait d'un lieu d'exécution de Serbes, et lieu tout spécial. Par

18 bonheur, j'ai pu me rendre compte du fait qu'il s'agit d'un mensonge tout

19 court.

20 Au cours du procès dont je fais l'objet ici, en détention, j'ai pu me

21 considérer comme étant illuminé. J'ai eu suffisamment de forces pour

22 rencontrer la vérité même, et faire face à ma propre personnalité. Voilà ce

23 qui contribué à ce que je change de plaidoyer de culpabilité. Pendant le

24 temps de la haine et de la guerre, malheureusement, et je le regrette. Je

25 n'ai pas pu avoir la possibilité d'éviter toute mobilisation et ma

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1 participation dans le camp de Keraterm. Je regrette toutes les victimes. Et

2 je veux cette fois-ci, condamner mes propres, et maudire mes propres mains,

3 si mes mains ont apporté un mal quelconque à qui que ce soit. Je voudrais

4 que ces paroles puissent être considérées comme un remède, remède à toutes

5 plaies et une voie vers la réconciliation, réconciliation dans Prijedor

6 comme ce fut d'ailleurs, le cas avant la guerre.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Banovic,

8 vous pouvez vous rasseoir. Puisqu'il n'y a pas d'autres points à voir, nous

9 suspendons la séance.

10 --- L'audience est levée à 15 heures 41.

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