Affaire No : IT-02-60
LE BUREAU DU TRIBUNAL

Composé comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président

M. le Juge Fausto Pocar, Vice-Président M. le Juge Richard May
M. le Juge Daqun Liu
M. le Juge Claude Jorda

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
27 mars 2003

LE PROCUREUR

c/

Vidoje BLAGOJEVIC
Dragan OBRENOVIC
Dragan JOKIC
Momir NIKOLIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE BLAGOJEVIC AUX FINS D’ÉCLAIRCISSEMENT

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Le Conseil de la Défense :

M. Michael Karnavas

Le Bureau du Procureur :

M. Peter McCloskey

 

1. Vidoje Blagojevic a déposé une requête aux fins d’« éclaircissement » de la décision du Bureau portant rejet de sa requête aux fins du dessaisissement des juges Schomburg , Agius et Mumba en l’espèce1. Le Bureau tient à souligner dès l’abord qu’il ne juge pas nécessaire de répondre à la requête aux fins d’éclaircissement, laquelle vise essentiellement à reprendre des griefs que le Bureau a déjà rejetés en écartant la requête de Blagojevic aux fins de dessaisissement . Attendu que l’Accusation s’associe à Blagojevic pour demander l’éclaircissement de certains points, le Bureau exercera en l’espèce son pouvoir discrétionnaire en faisant les observations suivantes. Toutefois, les parties devraient être attentives au fait que, de l’avis du Bureau, les dispositions de l’article 46 C) du Règlement s’appliquent aux procédures engagées devant lui. Si le Bureau a décidé de ne pas sanctionner le conseil de Blagojevic, comme l’y autorise ledit article, pour avoir déposé la requête aux fins d’éclaircissement, il a cependant sérieusement envisagé de le faire.

2. Blagojevic prétend que le Bureau n’a pas suffisamment tenu compte des arguments et « éléments de preuve » présentés dans sa réplique à la réponse de l’Accusation à sa requête initiale aux fins de dessaisissement2. Comme le relève l’Accusation3, l’obligation faite au Bureau de fournir une opinion motivée ne lui impose pas de faire expressément référence à chaque argument ou élément de preuve mentionné par les parties. Ayant examiné à nouveau la réplique antérieure de Blagojevic4, le Bureau estime que, dans sa quasi-intégralité, elle ne fait que répéter les points qui ont été débattus en profondeur dans la requête initiale et la réponse de l’Accusation . Le seul argument notable qui soit mentionné dans la réplique et n’ait pas été débattu dans les écritures antérieures est celui selon lequel le fait que la Chambre de première instance n’ait pas réservé le même accueil à une garantie fournie par la Fédération de Bosnie-Herzégovine dans une autre affaire et à celle fournie par la Republika Srpska en l’espèce met en évidence le parti pris anti-serbe de la Chambre . Si cet élément additionnel tendant à prouver le parti pris avait été pris en considération , prétend Blagojevic, le Bureau aurait conclu que les juges dont la récusation était demandée étaient de parti pris réel ou manifestaient une apparence de partialité inacceptable5. Le Bureau indiquera maintenant en termes exprès les motifs de son rejet du grief de Blagojevic fondé sur cette comparaison. Premièrement, le texte de la décision que Blagojevic retient à des fins de comparaison semble indiquer, à tort ou à raison, que la Chambre a pu croire qu’elle donnait suite à une garantie émanant non pas de la Fédération de Bosnie-Herzégovine mais de l’État de Bosnie-Herzégovine6. Deuxièmement, même si Blagojevic a raison de dire que la Chambre croyait se fonder sur une garantie de la Fédération, le bilan de cette dernière en matière de coopération avec le Tribunal se démarque nettement de celui de la Republika Srpska. Toute différence dans le traitement accordé par la Chambre aux garanties de la Fédération de Bosnie -Herzégovine, d’une part, et à celles de la Republika Srpska, d’autre part, s’explique purement et simplement par ce contraste bien réel et non par un parti pris anti- serbe.

3. Blagojevic souhaite savoir si le Président ou les membres du Bureau ont conféré avec les juges dont la récusation était demandée après que la question a été portée devant le Bureau. Il fait observer que l’article 15 B) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») impose de telles consultations et que leur tenue serait un élément du dossier nécessaire pour un éventuel recours ultérieur7. Le Bureau estime que les termes mêmes de l’article 15 du Règlement indiquent que pareilles consultations ne sont pas requises.

4. Blagojevic souhaite savoir si la décision du Bureau portant rejet de sa requête initiale est susceptible d’appel en application de l’article 73 du Règlement8. Sur cet aspect de la requête, l’Accusation rejoint Blagojevic9. Le Bureau a deux observations à formuler à cet égard. Premièrement, il ne trouve aucune disposition dans le Statut ni dans le Règlement qui permette de former devant la Chambre d’appel un recours contre une décision rendue par le Bureau. Ni l’article 15, en application duquel la requête de Blagojevic a été déposée, ni l’article 73 du Règlement ne saurait fonder un tel recours. Deuxièmement, le Bureau étant d’avis que les dispositions de l’article 73 aux fins d’appel interlocutoire ne s’appliquent pas à ses propres décisions en matière de dessaisissement, si Blagojevic déposait , en application dudit article 73, une demande de certification en ce sens, le Bureau n’y ferait pas droit.

5. L’Accusation, dans sa Réponse, demande également un éclaircissement pour savoir si, même lorsque le Bureau a tranché une requête aux fins de dessaisissement en application de l’article 15 B) du Règlement, la partie ne peut pas déposer la même requête devant la Chambre de première instance en application de l’article 73 du Règlement10. Le Bureau n’est pas habilité à statuer sur cette question. C’est à la Chambre à laquelle pareille requête est adressée qu’il incombe d’apporter une réponse en première instance et, si la réponse est négative et que l’appel interlocutoire est certifié, c’est à la Chambre d’appel de trancher.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président
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Juge Theodor Meron

Le 27 mars 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1 - Expedited Motion for Clarification of the Bureau’s Decision on Blagojevic’s Application to Disqualify the Trial Chamber Pursuant to Rule 15 (B) Motion, IT-02-60-PT, 21 mars 2003 (la « Requête aux fins d’éclaircissement ») ; Décision relative à la demande déposée par Blagojevic en application de l’article 15 B) du Règlement, IT-02-60, 19 mars 2003.
2 - Requête aux fins d’éclaircissement, préambule, par. 8 à 13 et en particulier le par. 12.
3 - Prosecution’s Response to Vidoje Blagojevic’s Expedited Motion for Clarification, IT-02-60, 19 mars 2003 (la « Réponse de l’Accusation »).
4 - Vidoje Blagojevic’s Reply to Prosecution’s Response to Vidoje Blagojevic’s Motion to Disqualify the Trial Chamber, IT-60-02-PT, 17 mars 2003.
5 - Id., par. 11 à 13.
6 - Le Procureur c/ Hadzihasanovic, Alagic et Kubura, IT-01-47-PT, Décision autorisant la mise en liberté provisoire d’Amir Kubura, 19 décembre 2001.
7 - Requête aux fins d’éclaircissement, par. 9 et 10.
8 - Id., par. 11.
9 - Prosecution’s Response, par. 9 ; voir aussi Vidoje Blagojevic’s Reply to Prosecution’s Response to Vidoje Blagojevic’s Expedited Motion for Clarification, IT-02-60-PT, par. 4 et 5.
10 - Id., par. 10.