Affaire n° : IT-95-14-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Fausto Pocar, Président
Mme le Juge Florence Mumba
M. le Juge Mehmet Güney
M. le Juge Wolfgang Schomburg
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Ordonnance rendue le :
12 mai 2004

LE PROCUREUR

c/

TIHOMIR BLASKIC

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ORDONNANCE RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’AUTORISATION DE RÉPONDRE AUX ALLÉGATIONS CONCERNANT L’ARTICLE 68 DU RÈGLEMENT FORMULÉES PAR L’APPELANT LORS DE LA PRÉSENTATION DE SES CONCLUSIONS ORALES

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Le Substitut du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils de l’Appelant :

M. Anto Nobilo

M. Russell Hayman

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

Vu la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation de répondre aux allégations concernant l’article 68 du Règlement formulées par l’Appelant lors de la présentation de ses conclusions orales (Prosecution’s Request for Leave to Respond to Rule 68 Allegations made during oral submissions by Appellant), déposée à titre confidentiel le 25 mars 2004 (la « Requête de l’Accusation »), par laquelle l’Accusation demande l’autorisation de déposer des documents en réponse aux allégations formulées par l’Appelant selon lesquelles elle n’aurait pas communiqué des éléments de preuve à décharge, en méconnaissance des obligations de communication que lui impose l’article 68 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (l’« article 68 ») et des droits de l’Appelant découlant de l’article 21 4) b) et c) du Statut du Tribunal international,

VU le grief formulé par l’Appelant à l’encontre de la Requête de l’Accusation (Appellant’s Objection to Prosecution’s Request for Leave to Respond to Rule 68 Allegations made during oral submissions by Appellant) déposé le 29 mars 2004 et tiré de ce que l’Accusation tente ainsi de compléter les informations à charge présentées dans le cadre de l’appel et de faire à nouveau valoir le bien-fondé de points qui ont déjà été présentés devant la Chambre d’appel, ce qui en outre ne respecte pas les dispositions de la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes (IT/184/Rev.1) du 5 mars 2002,

ATTENDU que, dans l’éventualité où la Chambre d’appel verrait dans le grief de l’Appelant une allégation selon laquelle le conseil de l’Accusation a, lors du procès en première instance Blaskic, délibérément omis de communiquer des éléments de preuve dont on sait qu’ils sont à décharge, l’Accusation soutient qu’elle doit alors avoir la possibilité de répondre1,

VU le mémoire d’appel de l’Appelant (Appellant’s Brief on Appeal) déposé à titre confidentiel le 14 janvier 2002, et sa version révisée expurgée déposée le 4 juillet 2002 (le « Mémoire de l’Appelant »), où l’Appelant affirme qu’en ne respectant pas ses obligations de communication que lui impose l’article 68, l’Accusation l’a mis dans l’impossibilité matérielle de préparer dûment sa défense et l’a ainsi privé de son droit à un procès équitable2,

ATTENDU que la Requête de l’Accusation fait référence à l’audience d’appel qui s’est tenue le 16 décembre 2003, durant laquelle l’Accusation avait précisé que si l’Appelant venait à affirmer que toute non-communication d’éléments de preuve à décharge était délibérée, l’Accusation demanderait l’autorisation de déposer une réponse pour réfuter cette affirmation3,

ATTENDU que les conclusions présentées dans le Mémoire de l’Appelant donnaient déjà à penser que le manquement prétendu de l’Accusation à ses obligations lui incombant en vertu de l’article 68 était délibéré4,

VU le mémoire d’intimé présenté par l’Accusation, déposé à titre confidentiel le 1er mai 2002, et sa version publique expurgée, déposée le 14 juin 2002 (le « Mémoire de l’intimé »), où l’Accusation fait observer que l’Appelant n’a pas indiqué comment ni pourquoi il prétend avoir été lésé par l’attitude de l’Accusation en ce qui concerne la communication de pièces5,

ATTENDU que, dans ces conditions, l’Accusation a eu la possibilité de répondre aux allégations formulées par l’Appelant et qu’elle l’a fait,

ATTENDU que les parties ont eu plus d’une fois l’occasion de défendre leur position sur cette question dans leurs mémoires, ce qu’elles ont effectivement fait,

REJETTE la Requête de l’Accusation.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 12 mai 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
_________
Fausto Pocar

[Sceau du Tribunal]


1. Requête de l’Accusation, par. 4.
2. Mémoire de l’Appelant, version révisée expurgée, p. 120 à 123.
3. Compte rendu d’audience en appel, p. 729 et 730 (huis clos).
4. « La raison pour laquelle le Procureur s’est gardé de produire des pièces relevant de l’article 68 est claire : il veut pouvoir librement présenter au Tribunal dans d’autres affaires des versions des "faits" différentes et exclusives les unes des autres », Mémoire de l’Appelant, version révisée expurgée, p. 121.
5. Mémoire de l’intimé, version publique expurgée, par. 4.82 à 4.102.