Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 21 novembre 2002.)

2 (Procédure d'appel.)

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 27.)

4 (Audience publique.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour à tous.

6 Madame la Greffière d'audience, veuillez identifier l'affaire inscrite au

7 rôle?

8 Mme Atanasio (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

9 les Juges.

10 Affaire IT-95-14-A, le Procureur contre Tihomir Blaskic.

11 M. le Président (interprétation): Merci. Maintenant, je vais demander aux

12 parties de se présenter.

13 Pour l'accusation?

14 M. Farrell (interprétation): Bonjour. L'accusation est représentée par

15 Norman Farrell, M. Mark Harmon, Mme Sonja Boelaert-Suominen, Mme Kelly

16 Howick, et Mme Nikki Bonfield, notre assistante aujourd'hui.

17 M. le Président (interprétation): Merci. Et du côté de l'appelant?

18 M. Hayman (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Russell Hayman. Je suis

19 ici avec mon coconseil Anto Nobilo, ainsi que, plus loin à ma gauche, M.

20 Andrew Paley. Nous représentons les intérêts de l'appelant.

21 M. le Président (interprétation): Merci.

22 Nous allons maintenant pouvoir entamer cette audience. Je vais faire un

23 certain nombre de remarques préliminaires au sujet de l'audience de ce

24 jour qui a été convoquée par la Chambre d'appel, suite à l'ordonnance

25 portant calendrier du 31 octobre 2002.

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1 Dans cette ordonnance portant calendrier, comme vous le savez, la Chambre

2 d'appel s'est penchée sur les trois requêtes présentées au titre de

3 l'Article 115 du Règlement, qui avaient été déposées à cette date ou avant

4 cette date par l'appelant.

5 La Chambre d'appel a constaté qu'un grand nombre de pièces à conviction

6 présentées par la première et la deuxième requête, ainsi que par la

7 troisième étaient clairement admissibles en appel.

8 S'agissant des autres éléments de preuve dont l'appelant demandait

9 l'admission, la Chambre d'appel avait réservé sa décision. Elle a estimé

10 que, vu l'abondance des moyens de preuve clairement admissibles, la

11 probable présentation des moyens de preuve en réputation, l'éventualité du

12 rappel de témoins ayant déposé au procès et la possibilité que les moyens

13 supplémentaires justifient un nouvel examen des faits de l'espèce

14 constituent autant de raisons de laisser pareil examen à une Chambre de

15 première instance.

16 La Chambre a donc décidé d'entendre les arguments des parties oralement.

17 C'est pourquoi l'objet de la présente audience est limitée par

18 l'ordonnance portant calendrier aux éléments de preuve clairement

19 admissibles qui sont identifiés dans l'ordonnance portant calendrier, pour

20 savoir si ceci justifie un nouveau procès par la Chambre de première

21 instance sur certains des chefs d'accusation ou tous les chefs

22 d'accusation.

23 Dans l'ordonnance portant calendrier, les parties se sont vu donner pour

24 instruction de s'abstenir de discuter de l'admissibilité des éléments de

25 preuve supplémentaires soumis jusqu'à ce jour à la Chambre d'appel et pour

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1 lesquels elle a réservé sa position.

2 Il ne s'agit pas ici de s'entretenir sur l'admissibilité des éléments de

3 preuve supplémentaires aux termes de l'Article 115. Cette audience est

4 destinée à fournir aux parties la possibilité de présenter à la Chambre

5 d'appel leurs positions sur le fait de savoir si un nouveau procès est

6 justifié ou non.

7 Pour faciliter la discussion, nous avons demandé aux parties de nous

8 présenter des registres, des sources juridiques sur lesquels elles vont

9 s'appuyer. Et nous avons à notre disposition ces sources juridiques.

10 Conformément au Statut et au Règlement du Tribunal, l'audience de ce jour

11 se tiendra en audience publique. S'il apparaît nécessaire de passer à huis

12 clos partiel, par exemple si l'on traite de documents qui ont été versés

13 sous scellés, eh bien, nous pourrons passer à huis clos. Et je demanderai

14 au conseil concerné de signaler la chose au moment approprié. Ensuite,

15 nous statuerons sur ce type de requête.

16 Une deuxième ordonnance portant calendrier a été rendue le 14 novembre

17 2002. Vous en connaissez la teneur. Je vous rappelle que l'accusation

18 dispose de 75 minutes pour présenter ses arguments.

19 Après la pause, les conseils de l'appelant auront également 75 minutes

20 pour présenter leurs arguments.

21 Ensuite, nous ferons une nouvelle pause. Et nous nous réunirons à nouveau

22 pour entendre la réplique de l'accusation qui aura 30 minutes. A ce

23 moment-là, l'appelant aura lui aussi 30 minutes pour répondre.

24 Comme c'est d'usage, à la fin des arguments, les Juges de la Chambre

25 d'appel pourront, s'ils le souhaitent, poser des questions.

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1 Et je vais demander à tout le monde de s'en tenir à ces limites de temps,

2 de les respecter.

3 Si tout est bien clair, s'il n'y a aucune difficulté, nous allons

4 immédiatement commencer par la première intervention du côté de

5 l'accusation, à qui je donne, d'ores et déjà, la parole.

6 (Arguments de l'accusation, présentés par M. Farrell.)

7 M. Farrell (interprétation): Merci. Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges, aux termes de l'ordonnance portant calendrier du 31 octobre, ce

9 dont il convient de discuter aujourd'hui, c'est de savoir si les documents

10 admis, ces 47 documents admis, ainsi que les deux déclarations de témoins

11 justifient un nouveau procès.

12 Avec tout le respect que je dois à la Chambre, il me semble que l'on part

13 ici du principe que vous avez l'autorité de ce faire à ce stade. Et vous

14 demandez aux parties de répondre, de vous dire si cela est justifié ou

15 pas.

16 Je vais commencer mon intervention en disant que, aux termes de la

17 jurisprudence de ce Tribunal, aussi bien dans Kupreskic que dans les

18 décisions rendues aux termes de l'Article 115 et aux termes de l'Article

19 115 lui-même, le Tribunal n'a pas autorité à ordonner un nouveau procès.

20 Après avoir présenté des arguments à l'appui de ce point, je me pencherai

21 ensuite sur la question de savoir si, oui ou non, il est justifié

22 d'ordonner la tenue d'un nouveau procès et quelles sont les conséquences

23 pratiques de cela, et quels sont nos arguments. Et nous, bien entendu,

24 nous affirmons que ceci n'est pas justifié.

25 Premièrement, la question de savoir si la Chambre d'appel a l'autorité

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1 d'ordonner un nouveau procès.

2 Il y a cinq arguments que je souhaiterais vous présenter pendant toute mon

3 argumentation, mais je vais essayer d'ores et déjà de vous les résumer.

4 En premier lieu, la procédure telle qu'elle est déterminée par la Chambre

5 d'appel et telle qu'elle l'a été dans la dernière affaire où l'on a évoqué

6 cette question, à savoir Kupreskic, la Chambre d'appel a donc estimé que

7 ce n'était pas le stade approprié pour ordonner la tenue d'un nouveau

8 procès.

9 En deuxième lieu, l'Article 115 du Règlement, tel qu'il a été modifié et

10 tel qu'il se présente aujourd'hui, prévoit une procédure avant que la

11 Chambre ne se décide aux termes de l'Article 115. On n'envisage absolument

12 pas la possibilité d'un nouveau procès au stade de la détermination de

13 l'admissibilité des nouveaux éléments de preuve.

14 Troisièmement, la norme qui doit être respectée pour ordonner un nouveau

15 procès aux termes de l'Article 25 du Statut n'est pas celle de

16 l'admissibilité. Si bien, si c'est uniquement de l'admissibilité que l'on

17 décide à ce stade de la procédure, qu'il n'y a aucun fondement qui

18 permette de faire ici le lien logique avec la norme qui veut qu'il y ait

19 une erreur de fait et qui, elle, est importante, est essentielle pour

20 déterminer qu'il doit y avoir un nouveau procès.

21 Quatrièmement, la possibilité d'ordonner un nouveau procès une fois qu'on

22 a déterminé que des éléments de preuve supplémentaires étaient

23 admissibles, n'est pas mise en pratique, n'est pas adoptée par le Tribunal

24 de la Yougoslavie ni par le Tribunal du Rwanda. Il y a deux affaires que

25 je pourrais vous citer à ce sujet.

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1 Et enfin, nous avançons que cette possibilité n'a pas été à la base de

2 l'appel et de la façon dont nous avons procédé. Nous avons estimé que,

3 même si ces éléments de preuve montraient qu'un nouveau procès n'était pas

4 justifié, cela ne devait pas être examiné au moment de déterminer

5 l'admissibilité des éléments de preuve. Ceci, on le retrouvera aux

6 paragraphes 9 à 11 de la réponse du Procureur à la deuxième requête 115,

7 et ces arguments ont été repris dans Kupreskic. L'accusation n'a jamais

8 reçu d'indications contraires à ce qui avait été décidé dans Kupreskic.

9 Nous avons adopté la logique de Kupreskic, à savoir que les éléments de

10 preuve seraient mis à l'épreuve avant qu'une décision définitive ne soit

11 prise. Et enfin, nous sommes partis du principe de la décision de la

12 Chambre d'appel du 24 septembre selon laquelle des éléments

13 supplémentaires, des arguments supplémentaires devaient être déposés avant

14 que les éléments de preuve supplémentaire ne soient admis. Si bien que

15 nous avons adopté la logique qui était celle de la Chambre d'appel, dans

16 Kupreskic notamment, jusqu'à l'ordonnance portant calendrier.

17 Ce qui doit se passer, c'est que la Chambre d'appel doit continuer à être

18 saisie de l'affaire, elle doit continuer à examiner les éléments de preuve

19 nouveaux. Et, si la Chambre l'estime absolument nécessaire, on voit dans

20 Kupreskic que la Chambre peut, à ce moment-là, renvoyer l'affaire devant

21 une Chambre de première instance, non pas pour ouvrir un nouveau procès

22 mais pour examiner les éléments de preuve supplémentaires. A ce moment-là,

23 la Chambre d'appel pourra examiner ces éléments de preuves supplémentaires

24 et toutes les conclusions de la Chambre de première instance et se baser

25 sur l'arrêt Kupreskic pour déterminer s'il convient de renverser le

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1 verdict.

2 Or nous estimons que cette procédure a été adoptée au TPIR dans l'affaire

3 Musema ainsi que dans l'affaire Kambanda. Vous le savez sans doute: dans

4 l'affaire Musema, la Chambre d'appel fait référence à la procédure et aux

5 normes qui ont été déterminées. Dans Kupreskic, la Chambre a entendu des

6 éléments de preuves présentés et ensuite, elle s'est prononcée.

7 Je vais maintenant passer à la question de savoir si vous avez l'autorité

8 ou non d'ordonner un nouveau procès, et en particulier dans les

9 circonstances du cas d'espèce.

10 Une dernière observation, avant que je ne passe au jugement Kupreskic ou à

11 l'arrêt Kupreskic: je ferai deux références à l'arrêt Kupreskic. Je vous

12 dirai à quels passages je fais référence, si vous en disposez.

13 Si on regarde l'affaire Kupreskic, on voit qu'il y a deux procédures à

14 respecter, deux stades à respecter.

15 La Chambre d'appel, aux termes de l'Article 115, a la possibilité

16 d'entendre des éléments de preuve supplémentaires. Nous avançons quant à

17 nous que la Chambre ne peut se voir conférer l'autorité d'être le juge des

18 faits, et ensuite de décliner de mener à bien cette tâche.

19 Le seuil d'admissibilité est extrêmement bas, c'est un des arguments de

20 l'accusation pour savoir si effectivement les conditions sont remplies

21 pour avoir un nouveau procès, alors qu'en fait la seule question à

22 laquelle on va répondre dans ce cas, c'est de savoir si les éléments de

23 preuve sont admissibles ou non.

24 Nous avançons que, d'après l'arrêt Kupreskic, il faut mettre à l'épreuve,

25 il faut tester ces éléments de preuve. C'est pour ça que la Chambre

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1 d'appel est désignée.

2 Au paragraphe 70 de la décision Kupreskic, de l'arrêt Kupreskic,

3 paragraphe 70 de l'arrêt Kupreskic, on traite du fait de mettre à

4 l'épreuve ou de tester les éléments de preuve présentés. Et la Chambre

5 d'appel a déclaré –je cite-: "Lorsque les éléments de preuve acceptés au

6 titre de l'Article 115 le sont, ce qui s'est passé c'est que la Chambre

7 d'appel a estimé que ces éléments étaient suffisamment importants pour

8 dire que, s'ils avaient été présentés à la Chambre de première instance,

9 ceci aurait pu entraîner une nouvelle décision".

10 A ce stade de la procédure, les nouveaux éléments de preuve n'ont pas été

11 soumis à un examen contradictoire. Il est possible qu'il n'y ait pas de

12 contestation entre les parties sur ce point. Cependant, il est probable

13 que la partie contradictoire va contester la véracité des éléments de

14 preuve supplémentaires.

15 La Chambre d'appel est confrontée à un choix: soit elle conteste les

16 éléments de preuve elle-même pour déterminer leur véracité, soit elle

17 demande à une Chambre de première instance de se pencher sur la véracité

18 de ces éléments de preuve. Il n'y a pas de troisième voie qui est ouverte

19 à la Chambre d'appel et qui permette à la Chambre d'appel de décider qu'il

20 y a eu erreur de faits aux termes de l'Article 25 du Statut et qui

21 justifie un nouveau procès de plus. Il n'est pas également dit que les

22 éléments de preuve qui doivent être mis à l'épreuve doivent avoir un

23 volume tel que cela permet de réduire la norme, le seuil qui permet de

24 garantir un nouveau procès.

25 Si on regarde l'Article 115, sa nouvelle formulation permet que les

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1 parties présentent des éléments de preuve par la partie concernée.

2 De plus, dans la dernière modification de l'Article 115, on retrouve ce

3 que je viens de citer dans Kupreskic à l'Article 70. Au B) de l'Article

4 115 on peut lire "La Chambre d'appel autorise la présentation de ces

5 moyens de preuve, peut considérer les éléments de preuve supplémentaire et

6 tout élément en réplique conformément à l'Article 117."

7 (L'interprète de la cabine française invite les Juges à bien vouloir

8 prendre connaissance du Règlement.)

9 La norme de l'Article 115 est différente de celle qui est utilisée pour

10 annuler un verdict. Si la norme était la même à ce moment-là le processus

11 n'est pas le même.

12 Comment la Chambre d'appel peut-elle conclure qu'il y a eu erreur de

13 faits, comme c'est nécessité par Tadic et Kupreskic sur la base d'éléments

14 de preuve qui n'ont pas été mis à l'épreuve, qui n'ont pas été contestés

15 ou il n'y a pas eu d'argumentation présentée. Comment la norme

16 d'admissibilité peut-elle être acceptée? Mais encore plus préoccupant,

17 c'est de savoir comment la Chambre d'appel peut ordonner un nouveau procès

18 sur la base d'éléments de preuve qui semblent être dignes de foi. Or ce

19 n'est pas même le cas des éléments de preuve qui vous ont été présentés!

20 Nous avons, après tout, un procès qui en première instance a pris 25 mois,

21 170 témoins. Et on ne peut pas annuler ce procès sur la base simplement

22 d'éléments de preuve qui a priori paraissent crédibles. La réponse à cette

23 question, c'est tout simplement que la Chambre d'appel, à ce stade, n'a

24 pas l'autorité au titre de Kupreskic ou au titre de l'Article 115

25 d'ordonner un nouveau procès.

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1 Les éléments de référence juridique qui vous sont présentés, ces affaires

2 qui vous sont présentées dans les sources juridiques, je vous demande d'en

3 tenir compte. Vous constaterez que nous sommes là pratiquement toujours

4 dans le même cas de figure.

5 Je peux également vous dire que toutes ces questions ont été débattues de

6 manière approfondie dans Kupreskic.

7 Le conseil de la défense dans Kupreskic a argué du fait que cette norme

8 -qui a été proposée et adoptée- était une norme trop exigeante et que la

9 Chambre d'appel devait adopter une norme conditionnelle si ces éléments de

10 preuve pouvaient.

11 La Chambre d'appel a refusé cet argument. Si la Chambre d'appel adopte une

12 norme conditionnelle, à ce moment-là, il faudrait que les éléments de

13 preuve soient rejetés. Maître Clegg a présenté des arguments dans ce sens

14 et l'on voit que la Chambre d'appel a répondu à ses arguments, et elle n'a

15 pas accepté qu'au stade de la détermination de l'admissibilité on pouvait

16 ordonner un nouveau procès ou contester le verdict.

17 La question de la mise à l'épreuve des éléments de preuve a fait l'objet

18 de longues plaidoiries dans l'affaire Kupreskic. Je peux m'en porter

19 garant et j'en suis le témoin.

20 La Chambre pourrait dire que si ces éléments de preuve sont crédibles

21 d'une manière ou d'une autre, à ce moment-là, on pourrait avoir un nouveau

22 procès. Or c'est une norme qui n'a pas été acceptée pour justifier un

23 nouveau procès, mais uniquement pour savoir si les éléments de preuve

24 étaient admissibles ou pas. Mais même en partant du principe que vous

25 acceptiez la norme selon laquelle l'admissibilité suffit à garantir un

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1 nouveau procès, il faudrait cependant mettre à l'épreuve, tester ces

2 éléments de preuve. On ne peut pas décider qu'ils sont crédibles sans les

3 avoir contestés, sans les avoir mis à l'épreuve, sans les avoir vérifiés.

4 Aucun tribunal ne pourrait le faire. C'est ce que nous avons plaidé dans

5 Kupreskic. Je souhaiterais vous renvoyer au paragraphe 63 de l'arrêt de la

6 Chambre d'appel dans Kupreskic.

7 Je vais vous donner le paragraphe 63, lecture du paragraphe 63. Ce qui

8 s'est passé, c'est que l'accusation a indiqué qu'elle avait des documents

9 qu'elle souhaitait déposer et qui pouvaient se révéler déterminants pour

10 décider s'il fallait ordonner un nouveau procès. Certains avaient trait à

11 la crédibilité, et d'autres sur l'impact de la crédibilité sur le verdict.

12 La Chambre d'appel a statué très clairement en disant que ce n'était pas

13 le moment de le faire. Elle a dit: "Faites-le plus tard et nous

14 l'entendrons. Plus tard, si nous entendons vos arguments et vos éléments

15 de preuve, nous pourrons très bien décider que nous nous sommes trompés,

16 que notre première impression était la fausse."

17 Ce qu'ils disent, au paragraphe 63, c'est que l'élément de crédibilité est

18 lié au danger de voir les procédures d'appel faire l'objet d'abus de la

19 part d'une partie qui présente des éléments de preuve à une Chambre

20 d'appel, des éléments de preuve qui semblent avoir un caractère essentiel,

21 mais n'ont pas été mis à l'épreuve, qui n'ont pas été testés, contestés,

22 vérifiés pendant un véritable procès.

23 En l'espèce, cependant, la Chambre d'appel est également préoccupée par

24 une chose, c'est-à-dire à un stade assez précoce de l'appel où ces

25 requêtes aux fins d'éléments de preuve supplémentaire avaient été

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1 présentés, il ne fallait pas que la procédure principale de l'appel soit

2 prolongée, soit retardée par l'examen de ces éléments de preuve

3 supplémentaires demandés au stade de l'Article 115.

4 Il n'aurait pas été efficace de la part de la Chambre d'appel de demander

5 aux parties de présenter des volumes considérables de nouveaux éléments de

6 preuve pour prouver leur véracité. Tout ceci pour décider, en fin de

7 compte, que ces éléments de preuve supplémentaires ne pouvaient en aucun

8 cas avoir une influence sur le verdict.

9 Il a été estimé, à ce moment-là, que le mieux c'était d'avoir un seuil

10 faible pour la crédibilité et d'admettre ces éléments de preuve

11 supplémentaires. Le test, c'était de savoir: ces éléments de preuve

12 supplémentaires ont-ils l'apparence de crédibilité?

13 La pratique à la Chambre d'appel, c'est que tous les éléments de preuve de

14 l'accusation qui tendent à prouver la véracité des documents, leur impact,

15 etc., tout ceci doit être fait au deuxième stade de la procédure.

16 Nous estimons que, si ceci est fait maintenant, ceci ne va pas aller dans

17 le sens de l'arrêt Kupreskic, ni dans la démarche adoptée par l'accusation

18 suite à l'arrêt Kupreskic.

19 L'arrêt Kupreskic est tout à fait logique et la Chambre d'appel ne

20 souhaiterait pas entendre des éléments de preuves supplémentaires relatifs

21 à l'impact ou la véracité des éléments de preuve à ce stade. C'est trop

22 précoce. Si la Chambre estime que ceci n'est pas admissible plus tard…

23 Dans l'affaire Kupreskic, 25 requêtes aux fins d'éléments de présentation

24 d'éléments de preuve supplémentaires ont été présentées, 113 ou quelque

25 114 éléments ont été présentés, on a entendu 36 témoins; on a entendu

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1 parfois des témoins déposer pendant quatre jours; on a entendu des

2 dépositions venant d'autres procès.

3 L'accusation avait déclaré son intention de contester la véracité de

4 certains de ces éléments de preuve. Mais la Chambre lui a répondu: "Non.

5 Non. Vous aurez la possibilité de le faire plus tard".

6 Il est intéressant également de constater que la nécessité de mettre à

7 l'épreuve les éléments de preuve supplémentaires a été invoquée par

8 l'appelant en l'espèce.

9 Lorsque l'appelant a présenté ces trois nouvelles déclarations de témoins,

10 l'accusation s'y est opposée en disant que ces déclarations étaient

11 inadmissibles, qu'elles ne pouvaient être acceptées par la Chambre d'appel

12 ni par aucune Chambre du Tribunal. Sauf si l'on disait que l'Article 92bis

13 s'appliquait à l'appel, ce qui a été constaté par la Chambre d'appel dans

14 Kupreskic. Mais ces éléments de preuve supplémentaires n'auraient pas été

15 admissibles au niveau de l'instance.

16 Dans sa réponse, la défense a dit: "Nous ne présentons pas ces éléments en

17 tant qu'éléments de preuve, mais pour montrer qu'ils devraient être

18 admissibles". La défense reconnaît qu'il ne s'agit pas d'éléments de

19 preuve en tant que tels, et elle demande à la Chambre d'appel de citer des

20 témoins afin de permettre qu'il y ait un contre-interrogatoire. Compte

21 tenu de la procédure telle qu'elle est appliquée ici, ceci ne sera pas

22 accordé.

23 Avant de passer à la deuxième partie de mes arguments, je souhaiterais

24 simplement noter qu'il y a un grand nombre de systèmes nationaux qui ont

25 été invoqués et explicités, présentés par les parties aux Juges de la

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1 Chambre d'appel. Comme nous l'avons déjà indiqué, ces décisions, ces

2 arrêts ont déjà été examinés, et la Chambre d'appel s'est prononcée sur la

3 question dans Kupreskic, dans son arrêt Kupreskic.

4 Si la norme qui est présentée et qu'on retrouve dans ces affaires

5 auxquelles nous faisons référence et qui permet à une Chambre d'appel

6 d'ordonner la tenue d'un nouveau procès au stade de l'examen de

7 l'admissibilité des éléments de preuve, la plupart de ces affaires

8 stipulent que ces éléments de preuve doivent être mis à l'épreuve.

9 Même si vous acceptez qu'une norme s'appliquant dans une juridiction

10 nationale s'appliquerait ici, cela ne signifie pas pour autant qu'on va

11 tout de suite ordonner un nouveau procès. Il va falloir que ces éléments

12 de preuve soient mis à l'épreuve. Donc si l'on fait cela, on ne suit pas

13 la jurisprudence Kupreskic.

14 Si vous examinez les diverses affaires que nous présentons, Stolar, Clegg,

15 etc., les différentes affaires que nous indiquons dans nos documents,

16 auxquels je vous demande de vous référer, tout montre qu'avant de se

17 prononcer, il faut que les éléments de preuve soient mis à l'épreuve,

18 soient testés.

19 Maintenant, je voudrais passer à la deuxième partie de l'argumentation de

20 l'accusation qui est la suivante. A savoir que si, effectivement, on admet

21 qu'aux termes du droit du Tribunal, vous avez la possibilité d'ordonner un

22 nouveau procès à ce sujet, eh bien, nous avançons quant à nous que, même

23 si l'on part de ce principe, les éléments de preuve présentés ne

24 justifient pas ceci, à ce stade de notre affaire.

25 J'ai cinq arguments à vous présenter à l'appui de cette thèse et je vais

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1 vous les préciser brièvement maintenant. Et ceci, dans l'esprit de

2 l'ordonnance portant calendrier.

3 Première chose: c'est de savoir sur la base des éléments de preuve qui lui

4 ont été présentés à ce stade, la Chambre d'appel est fondée à ordonner un

5 nouveau procès, si cela est justifié? En partant du principe que ces

6 éléments de preuve n'ont pas été mis à l'épreuve, puisque c'est la

7 procédure que nous avons suivie.

8 La deuxième question, c'est de savoir si le volume, ces 47 documents et

9 ces 2 déclarations de témoins, est-ce que cela justifie un nouveau procès?

10 La troisième question à laquelle il est fait référence dans l'arrêt, c'est

11 de savoir si la complexité de l'affaire à ce stade justifie un nouveau

12 procès?

13 Quatrième volet de mon argumentation: c'est de savoir s'il vaut mieux que

14 ce soit une Chambre de première instance et non pas la Chambre d'appel qui

15 entende la présentation de ces éléments de preuve.

16 Et le cinquième argument, qui n'est pas explicite, c'est de savoir s'il

17 est justifié de réentendre la totalité de l'affaire.

18 Je commence par le premier argument: la justification d'ordonner un

19 nouveau procès sur la base des éléments de preuve qui vous ont été

20 présentés.

21 Je souhaiterais, s'il vous plaît, vous passer, vous faire examiner un

22 certain nombre de documents qui vous ont été présentés. Et je vais faire

23 référence aux documents qui ont été fournis par la Chambre et auxquels on

24 a demandé à l'accusation de faire référence pendant l'audience.

25 Je n'ai pas indiqué ici les cotes du Greffe, mais une brève référence des

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1 documents cependant.

2 Rassurez-vous, cela ne sera pas très long. Je veux simplement vous

3 indiquer quel sera notre type d'argumentation.

4 Je commence par la pièce 146, une pièce qui a été admise. Page du Greffe

5 16.796. Vous suivrez: si vous regardez la notation, c'est la page 107,

6 page 107 dans les documents que nous vous avons distribués.

7 La pièce 146 a été déposée par l'appelant afin d'apporter la preuve que

8 l'appelant Blaskic rappelle à ses commandants qu'ils sont tenus de

9 respecter les principes du droit international. Il s'agit d'un ordre qui

10 émane du 24 avril 1993. Et il s'agit de la zone de responsabilité de

11 Kiseljak. Le nom qui apparaît à la fin, à savoir le commandant Bozic, est

12 le subordonné direct de Blaskic dans la zone opérationnelle. Si vous

13 compulsez ce document, vous voyez qu'au premier paragraphe, il est fait

14 mention que cet ordre, cette instruction découle de deux ordres.

15 Et je vous invite à regarder le deuxième ordre: il s'agit de l'ordre qui

16 porte la référence 014546/93; il est daté du 24 avril 1993 et il émane de

17 Blaskic.

18 Il s'agit de documents qui permettent de montrer que Blaskic a informé ses

19 commandants à Kiseljak qu'il était nécessaire pour eux de respecter les

20 principes du droit international humanitaire. Et la signification de ce

21 document tient au fait que l'ordre de Blaskic doit être respecté et a été

22 admis comme document qui n'était pas encore disponible au moment de la

23 phase de première instance.

24 Si vous vous tournez à présent et que vous compulsez les deux pages, à la

25 page 109 vous verrez là un ordre qui émane de Blaskic, qui demande trois

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1 choses. Et si vous regardez au sommet à gauche, l'ordre qui apparaît est

2 le n°0104546/93. Il s'agit d'un ordre qui figure également dans l'ordre

3 adressé au commandant Bozic. Il s'agit donc d'instructions qui sont

4 adressées aux subordonnés du général Blaskic et qui permettent de montrer

5 qu'un ordre a été donné, et que voilà la teneur de cet ordre. Donc il

6 s'agit là d'un élément à décharge qui est encore plus important. Il s'agit

7 là de la pièce à conviction qui a été présentée par la défense sous la

8 cote 362B.

9 L'accusation a quelque difficulté à comprendre comment une pièce qui a été

10 admise afin de démontrer que Blaskic avait donné l'ordre, permet de

11 justifier la tenue d'un nouveau procès, alors que l'ordre a déjà été

12 présenté par la défense.

13 Je vous invite à présent à tourner quelques pages et à vous arrêter sur la

14 page 112. Il s'agit d'un document qui porte la cote (sic) quant à la page

15 16791. Il s'agit de la pièce à conviction de la défense 147. Une fois de

16 plus, il s'agit d'un document qui est présenté par l'appelant en qualité

17 de document qui montre que Blaskic a émis un ordre et qu'il a été

18 respecté.

19 Si vous regardez le premier paragraphe de ce document, il est dit que ce

20 document est une conséquence logique de l'ordre qui porte la référence

21 014560/93 du 24 avril 1993. Une fois de plus, ce document a été présenté

22 afin de montrer que l'ordre de Blaskic visait simplement à respecter les

23 dispositions du droit international humanitaire.

24 Par conséquent, la conclusion est claire, à savoir que si un ordre émane

25 directement du général Blaskic et qui demande le respect du droit

Page 63

1 international humanitaire…

2 Je vous invite à présent à tourner deux pages supplémentaires. Il s'agit

3 de la page 114, dans le côté droit inférieur. Vous verrez qu'il s'agit là

4 d'un ordre et si vous tournez la page, vous pourrez constater que la

5 version française y figure. Il s'agit de l'ordre qui porte le numéro 01-4-

6 560/93. Une fois de plus, cet ordre est un élément à décharge parce que

7 cet ordre émane du général Blaskic. En fait, c'est un ordre qui s'adresse

8 à la zone de Kiseljak, en date du 24 avril; et dans cet ordre, il leur

9 demande de respecter les dispositions du droit international humanitaire.

10 Par conséquent, ce document porte un poids plus important. Il s'agit là de

11 la pièce à conviction qui a été présentée par la défense sous la cote D78.

12 Une fois de plus, l'accusation ne comprend pas comment ces documents

13 doivent être examinés au niveau de la Chambre d'appel sur la base de

14 documents qui avaient déjà été mis à la disposition de la Chambre de

15 première instance.

16 Enfin, j'aimerais à présent parler de deux autres documents et vous faire

17 une observation à ce sujet.

18 La défense de Blaskic, lors de la phase de première instance, a expliqué

19 qu'il avait été retiré de la zone de Kiseljak et que, par conséquent, il

20 ne pouvait plus être en communication ni exercer un contrôle quelconque

21 dans la région de Kiseljak. Et ceci émane plus particulièrement des ordres

22 qu'il a adressés à Bozic pour démontrer, en fait, qu'il avait donné des

23 instructions. Et ceci, ce dont des données dont disposait clairement la

24 Chambre de première instance.

25 Par conséquent, nous sommes à présent en possession de documents qui n'ont

Page 64

1 aucune valeur de décharge s'agissant de la conclusion prise par la Chambre

2 de première instance, qui montre qu'il s'agissait d'ordres qui avaient été

3 reçus par le commandement des opérations de la zone de Kiseljak les deux

4 jours situés au milieu du mois d'avril, lors des combat qui étaient

5 engagés. Ces documents, en fait, sont incriminatoires et ils réfutent

6 l'argument avancé par la défense.

7 Je voudrais à présent vous appeler à regarder la pièce n°14. Il s'agit

8 d'un document qui a été présenté par la défense à la page 51 des documents

9 auxquels il est fait allusion par l'accusation. Il s'agit de la page du

10 Greffe qui porte le numéro 16852.

11 Il s'agit là d'un rapport qui date de mars 1994, à savoir presque une

12 année après les événements qui se sont déroulés à Ahmici. Il s'agit d'un

13 rapport qui émane du service du renseignement, sur lequel ne figure aucune

14 source et qui ne contient aucun élément de preuve concernant les

15 allégations qui y figurent.

16 Il y a de nombreuses références dans ce document et, si vous le souhaitez,

17 je pourrais m'arrêter sur un aspect plus particulier. A la page qui suit,

18 vous pourrez voir un texte intégral qui y figure; et au début du deuxième

19 paragraphe qui figure dans sa totalité, il est fait allusion à Mario

20 Cerkez.

21 La théorie de la défense est que Blaskic ne peut pas être responsable des

22 événements d'Ahmici, pour plusieurs raisons. Parmi ces raisons, figure

23 notamment le fait que la Brigade de Vitez n'était pas présente à Ahmici.

24 La Brigade de Vitez relève du commandement de Mario Cerkez et les rapports

25 étaient directement adressés au général Blaskic. Il s'agit là d'une des

Page 65

1 unités régulières.

2 Ceci n'a jamais été contesté lors de la phase de première instance et

3 Blaskic, lui-même, a indiqué qu'il s'agissait là d'une unité régulière qui

4 relevait de son commandement.

5 L'appelant a été condamné, lors de la phase de première instance, sur le

6 fait que la Brigade de Vitez était présente à Ahmici.

7 Cet élément de preuve supplémentaire est étayé par un journal de guerre;

8 et dans ce journal figure une observation qui émane de Mario Cerkez. Il

9 s'agit d'une observation et il s'agit donc d'une phrase qui précise que

10 Mario Cerkez n'était pas impliqué dans le massacre à Ahmici. Il s'agit là

11 d'un nouvel élément de preuve concernant la Brigade de Vitez en mars 1994.

12 J'aimerais à présent passer à un autre élément de preuve. Je vous invite à

13 présent à tourner quelques pages et à vous arrêter à la page n°55.

14 Vous verrez là un rapport daté du 16 avril, à 10 heures du matin, qui est

15 adressé à Blaskic. Vous verrez qu'il s'agit du commandant de la zone

16 opérationnelle de la Bosnie et du Centre. Il s'agit là en l'occurrence de

17 Blaskic et vous verrez au bas de la page qu'il s'agit là d'un document qui

18 émane du commandant de brigade, à savoir Mario Cerkez.

19 Vers le milieu de la page, on voit: "Nos forces sont en train d'avancer."

20 Et vous pouvez voir là que "Les forces avancent sur Donja Veceriska dont

21 la chute est imminente et sur Ahmici." (Fin de citation.)

22 Il s'agit là d'un événement qui s'est déroulé à 10 heures du matin; il

23 s'agit d'un ordre qui émane de Mario Cerkez de la Brigade de Vitez; et cet

24 ordre était adressé au général Blaskic.

25 Je voudrais à présent vous inviter à tourner deux pages supplémentaires et

Page 66

1 à vous arrêter à la référence n°57. Il s'agit là d'un ordre daté du 16

2 avril à 10 heures 35, c'est-à-dire 35 minutes après l'ordre précédent. Il

3 s'agit d'un ordre de M. Blaskic qui est adressé au commandant de la

4 Brigade de Vitez. Dans cet ordre, il est précisé que les activités

5 suivantes seront prises suite au rapport qui figure avec le nom, le

6 chiffre. Il s'agit là d'une référence claire à l'ordre que je viens de

7 vous montrer.

8 Et, dans ce texte, il est précisé: "Prise des villages de Donja Veceriska,

9 d'Ahmici, Crveno Selo et de Vrhovine dans sa totalité". Donc à 10 heures

10 35 du matin, le général Blaskic -qui a dit qu'il ne savait absolument rien

11 des événements qui s'étaient déroulés à Ahmici, qui a précisé qu'il ne

12 savait rien des crimes qui ont été perpétrés à ce moment-là, qui affirme

13 qu'il était le commandant de la Brigade de Vitez, mais que la Brigade de

14 Vitez n'était pas présente- a donné une instruction, un ordre à la Brigade

15 de Vitez pour complètement s'emparer d'Ahmici à 10 heures 30 le matin.

16 Je vous invite à présent à tourner trois pages supplémentaires et vous

17 arrêter au n°60, chiffre qui apparaît en bas à droite. Il s'agit là, comme

18 vous pouvez le voir dans la partie supérieure gauche, d'un rapport daté du

19 16 avril 1993. L'heure ne figure pas sur ce document. Mais, suite à

20 l'ordre qui précède et suite à l'ordre que je vous montrerai par la suite,

21 ceci est un ordre qui a dû être délivré entre 10 heures du matin et 14

22 heures de l'après-midi. Il s'agit d'un rapport qui émane du commandant de

23 la Brigade de Vitez et est adressé à Blaskic.

24 Sous le point n°1, il est précisé -début de citation au deuxième

25 paragraphe-: "Le village d'Ahmici a été pris à concurrence de 70%." (Fin

Page 67

1 de citation.)

2 Une fois de plus, il s'agit là d'un élément de preuve concluant qui permet

3 de dire que le général Blaskic a procédé à des activités mettant en jeu la

4 Brigade de Vitez dans l'attaque lancée contre Ahmici.

5 Et je vous rappelle également que le général Blaskic a précisé une fois de

6 plus que la Brigade de Vitez n'avait pas participé. C'était du moins là la

7 défense qu'il avait soulevée.

8 Je vous invite à présent à consulter le dernier document. Il s'agit de la

9 page 63. Il s'agit d'un ordre qui émane de Blaskic, qui est adressé au

10 commandant de la Brigade de Vitez et qui fait référence au rapport

11 antérieur. Au paragraphe 2, il est précisé: "Poursuivez les activités

12 décrites au point 1 de votre rapport."

13 Et si vous retournez en arrière et vous consultez le document antérieur,

14 vous verrez qu'il s'agit là de l'attaque lancée contre Ahmici. Il était

15 fait mention du fait que "70% de cet endroit avaient été pris".

16 Je ne vais pas continuer avec ces documents étant donné qu'ils sont déjà

17 présentés dans la pièce à conviction n°14.

18 L'accusation avance que si l'on permet de déposer ces documents à cet

19 égard, compte tenu du fait que ce document permet d'étayer le fait que

20 Mario Cerkez n'était pas impliqué, un rapport qui a été déposé en mars

21 1994, la Chambre disposait déjà de ces données. Voilà pourquoi je pense

22 que la Chambre d'appel pourra conclure qu'il n'y a aucun doute quant au

23 fait que nous ne disposons pas d'éléments de preuve suffisants pour

24 ordonner la tenue d'un nouveau procès.

25 Je voudrais à présent vous inviter à consulter la pièce n°88.

Page 68

1 Il s'agit là -je vous renvoie à la page 74 des documents-, il s'agit ici

2 de l'Unité appelée "Vitezovi".

3 Cette unité était une unité spéciale qui relevait de la structure spéciale

4 sous le commandement du général Blaskic et qui assistait tous les combats

5 dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

6 La position de l'appelant dans sa première requête est la suivante: à

7 savoir que l'Unité des Vitezovi était commandée depuis Mostar. Par

8 conséquent, il s'agissait là d'une chaîne de commandement parallèle qui se

9 situait en dehors de sa propre chaîne de commandement. Et qu'outre le fait

10 que cette unité était commandée depuis Mostar, il s'agissait là d'un

11 argument de jure, une position qui figure et qui précise en fait qu'il

12 exerçait un contrôle de facto sur l'Unité des Vitezovi.

13 Ce document figure parmi un jeu de six documents qui ont été déposés pour

14 montrer que l'Unité des Vitezovi ne relevait pas du commandant Blaskic.

15 Nul besoin pour moi d'énumérer les autres documents qui ont déjà été

16 versés au titre du dossier et qui figurent parmi les 47 autres documents.

17 Je me suis arrêté sur ce document, étant donné la date. Il s'agit d'un

18 document qui fait apparaître la date du 17 avril 1993. La défense a

19 insisté sur ce point parce qu'il s'agit d'une date essentielle.

20 Le 16 et le 18 avril, l'Unité des Vitezovi a participé à l'attaque contre

21 Stari Vitez. Et le 20 avril, l'Unité des Vitezovi a participé à l'attaque

22 contre Gacice.

23 L'appelant ne nie pas le fait que certaines attaques ont eu lieu. Ce qu'il

24 avance, c'est que ces attaques ne relevaient pas de son commandement ni de

25 son contrôle et que Kraljevic, à savoir le chef de l'Unité des Vitezovi,

Page 69

1 n'était pas contrôlable et qu'il rendait directement compte à Mostar. A

2 présent, l'appelant avance ce fait, et ce document a été admis. En fait,

3 comme vous pouvez le voir, il s'agit ici d'un ordre qui est adressé

4 directement à l'état-major principal à Mostar.

5 Comme vous pouvez le voir au début de ce document, c'est un document qui

6 est adressé au chef de l'état-major principal, puis au colonel Primorac.

7 L'argument est le suivant, à savoir que ces éléments de preuve permettent

8 de démontrer que l'Unité des Vitezovi ne relevait pas du général Blaskic.

9 J'aimerais vous faire part d'une observation, avant de poursuivre avec

10 d'autres documents, que le Procureur souhaite vous présenter. Si vous

11 regardez au début de cette page, il est fait mention de la République de

12 Bosnie-Herzégovine, de la communauté croate. Et puis, ensuite, il est fait

13 mention du commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale de

14 Vitez, donc du poste de commandement avancé de Vitez.

15 L'argument de l'appelant est le suivant, à savoir que ceci a été fait à

16 l'insu du général Blaskic et que ceci émanait directement de Mostar. Le

17 commandement avancé est Blaskic. Et le poste de commandement avancé, à

18 cette époque-là, était l'hôtel Vitez, à savoir le QG du général Blaskic.

19 Par conséquent, c'est un ordre qui émane directement du quartier général

20 du général Blaskic.

21 Je vous invite à présent à consulter la page n°76. Il s'agit de la pièce à

22 conviction qui porte la référence P666. En fait, ce document montre que

23 l'Unité des Vitezovi relevait du général Blaskic en janvier 1993. Des

24 témoignages ont été faits devant la Chambre et, en fait, cette unité n'a

25 jamais été retirée du domaine d'action de Blaskic.

Page 70

1 Je vous invite à présent à consulter la pièce qui porte la page 79. Il

2 s'agit là également d'un document qui a été soumis à la Chambre de

3 première instance. Il est question de la date du 15 avril. Il s'agit là

4 d'un ordre de commandement qui émane directement du général Blaskic et qui

5 s'adresse directement à l'Unité des Vitezovi. Et à la fin de la page, au

6 paragraphe 2, il est précisé "tâche qui incombe à nos forces"; et à la

7 page suivante, il est précisé que cette tâche concerne l'Unité des

8 Vitezovi.

9 Je vous invite à présent à tourner et à vous arrêter à la page 83. Une

10 fois de plus, pour resituer le contexte, il s'agit d'une pièce qui a été

11 présentée à la Chambre de première instance en date du 15 avril 1993, au

12 même moment où le général Blaskic a donné un ordre. Le deuxième paragraphe

13 se lit comme suit: "L'Unité des Vitezovi, comme l'indique le nom, est une

14 unité spéciale qui relève du système unifié de commandement et de contrôle

15 de la zone opérationnelle de Bosnie centrale." (Fin de citation.)

16 Il s'agit là de documents qui avaient été présentés à la Chambre de

17 première instance. Il s'agit là du contexte général dans lequel les ordres

18 ont été donnés, donnant l'ordre aux unités Vitezovi; et ces ordres

19 émanaient du général Blaskic.

20 S'agissant du document dont vous êtes saisis, y compris la pièce à

21 conviction 88, il s'agit là de documents très importants qui permettent

22 d'étayer la nature pénale des activités mettant en jeu les unités

23 Vitezovi.

24 Je vous invite à présent à tourner et à vous arrêter à la page 90. Il

25 s'agit là d'un document dont vous devriez disposer et sur lequel vous

Page 71

1 devriez vous pencher avant de statuer. Il s'agit d'un rapport qui émane du

2 chef des unités Vitezovi à Mostar; il s'agit là d'un rapport qui émane de

3 Darko Kraljevic, adressé à l'état-major principal de Mostar et qui est

4 daté du 22 avril 1993.

5 Je vous invite à consulter le paragraphe n°1: "Dans une attaque lancée

6 contre l'armée de Bosnie-Herzégovine, en d'autres termes les forces

7 musulmanes, sur ordre du commandant de la zone opérationnelle de Bosnie

8 centrale, le colonel Tihomir Blaskic, j'ai procédé aux opérations

9 suivantes de combat." (Fin de citation.)

10 Si vous regardez, vous verrez plusieurs dates: celles du 16, du 17, du 18,

11 19, 20, 21, 22 jusqu'au 25 avril. Or, vous vous rappellerez que les

12 attaques qui ont été lancées à Stari Vitez remontent au 16 et au 18 et au

13 20 avril.

14 Ce rapport, bien évidemment, indique un lien avec Mostar puisqu'il

15 présentait ces rapports à Mostar. Et ceci indique qu'en fait, il suivait

16 les instructions de Blaskic dans l'exécution des opérations de combat.

17 Je vous invite à présent à vous arrêter à la page 93 de ce même document.

18 Vous verrez que vers le milieu de la page, au dernier paragraphe, la

19 dernière phrase du paragraphe se lit comme suit: "S'agissant des Vitezovi,

20 il est souhaitable que vous lisiez les félicitations qui émanent du

21 commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, Tihomir Blaskic,

22 que je vous adresse.". (Fin de citation.)

23 Il est quelque peu étrange qu'une personne qui ne soit pas investie d'une

24 autorité et qui n'a aucune idée de ce qui se passait adressait une lettre

25 de félicitations au milieu du mois d'avril, au plus fort du conflit.

Page 72

1 A présent, je vous invite enfin à vous arrêter à la page 98. Il s'agit

2 d'un rapport qui émane du général Blaskic et qui est adressé à l'état-

3 major principal de Mostar. Il s'agit d'un rapport daté du 22 juin 1993 et

4 il est question, là, des activités des Vitezovi.

5 Si vous tournez et vous arrêtez à la deuxième page de ce rapport, il est

6 précisé au milieu, au début du quatrième paragraphe: "Je dois dire que le

7 Bataillon des Vitezovi a, en fait, procédé à toutes les activités de

8 combat qui avaient été confiées à ce Bataillon." (Fin de citation.)

9 Il est quelque peu étrange que le général Blaskic fasse un rapport sur les

10 activités de combat alors qu'il précise qu'il ne pouvait pas donner de

11 telles instructions.

12 Vers le bas de la page, il continue: "Je sais que cette unité est

13 constituée d'hommes jeunes, mais je sais que le commandement de cette

14 unité contrôle la situation et contrôle toute la formation de l'unité. Et

15 je précise que la zone opérationnelle de Bosnie centrale, par le

16 truchement de ses commandants, exerce tous les ordres qu'il a reçus". (Fin

17 de citation.)

18 Par conséquent, j'estime pour ma part que, s'agissant de l'existence de

19 ces documents, on ne peut rien trouver qui justifie la tenue d'un nouveau

20 procès sur la base des documents dont vous êtes saisis et qui figurent

21 dans le jeu de 47 documents.

22 En fait, ce document sur lequel je viens de faire fond émanait de l'état-

23 major principal. Dans ces documents, il est également fait allusion à des

24 fournitures logistiques. Vous verrez qu'il y a plusieurs rapports, qu'il y

25 a plusieurs ordres dans lesquels on leur demande de fournir des moyens

Page 73

1 logistiques.

2 Et si vous regardez la pièce à conviction D250, vous verrez également à ce

3 moment-là qu'il est question de demande de moyens logistiques. Et, sur la

4 base de ces documents, je pense pour ma part que les éléments déposés par

5 l'appelant ne justifient pas la tenue d'un nouveau procès.

6 Si vous me le permettez, dans les 15 minutes qui me restent, j'aimerais à

7 présent passer en revue les autres éléments auxquels j'ai fait allusion au

8 début de mon intervention.

9 Parmi les différentes questions que j'ai abordées et auxquelles il est

10 fait allusion dans l'ordonnance portant calendrier, il est question

11 notamment de l'abondance des documents qui justifieraient la tenue d'un

12 nouveau procès.

13 Je tiens respectueusement à faire remarquer que ces éléments ne sont pas

14 aussi volumineux que ça. Il s'agit de 47 documents et de 2 déclarations de

15 témoins. Bien évidemment, je comprends qu'il puisse y avoir d'autres

16 documents -mais, pour le moment, il s'agit simplement de 47 documents et

17 de 2 déclarations de témoins-, vu la complexité du dossier. Je pense que

18 la Chambre d'appel a déjà été saisie de dossiers dont la complexité est

19 autrement plus difficile: dans l'affaire Celebici notamment, les

20 procédures étaient plus intenses et beaucoup complexes; ceci a été

21 également le cas dans l'affaire Tadic, où il s'agissait de traiter 80

22 déclarations de témoins; dans l'affaire Kupreskic, à laquelle j'ai déjà

23 fait allusion; dans l'affaire Kambanda, où l'on a également dû entendre le

24 témoin lui-même, M. Kambanda, pendant toute une journée.

25 La Chambre de première instance n'est pas dans une position différente de

Page 74

1 vous-même s'agissant des documents. Vous examinez les documents, vous

2 déterminez s'ils correspondent aux documents qui ont déjà été présentés

3 dans le dossier de l'affaire. S'il y a des éléments qui peuvent avoir un

4 impact sur la crédibilité, s'il faut qu'ils soient présentés à des

5 témoins, la Chambre d'appel peut le faire; il y a uniquement deux témoins

6 à ce stade dont on nous dit qu'il faudrait les citer à la barre. Et même

7 si l'accusation devait appeler, mettons, huit témoins en réplique, ça ne

8 fait en tout que dix témoins, dix témoins seulement. Et même si l'on

9 ajoute deux documents de l'accusation pour chaque témoin de la défense, ça

10 nous fait en tout 100 documents. Donc je ne vois pas absolument pourquoi

11 la Chambre d'appel ne pourrait pas se pencher sur une centaine de

12 documents, 10 témoins pendant trois ou quatre semaines au lieu d'ordonner

13 un nouveau procès qui nous prendrait 25 mois.

14 La Chambre d'appel peut également prendre en compte le fait que sa

15 fonction n'est pas d'entendre des éléments de preuve, de statuer sur les

16 faits; ceci a déjà été dit. Cependant, l'Article 115 lui donne ce pouvoir

17 et la Chambre d'appel l'a déjà fait à de nombreuses reprises par le passé.

18 La Chambre d'appel dans Kupreskic permet de renvoyer à une Chambre de

19 première instance la tâche d'examiner les éléments de preuve

20 supplémentaires si la Chambre d'appel ne peut le faire. Mais Kupreskic ne

21 donne nullement la possibilité, l'autorité d'ordonner un nouveau procès

22 sur la base de l'Article 25 du Statut en arguant qu'il y a eu erreur. Et

23 les faits n'ont nullement permis de montrer qu'il y a eu erreur. Et on

24 semble partis du principe qu'il faudrait réentendre la totalité de

25 l'affaire; ceci a été sous-entendu. Or nous estimons que ce n'est

Page 75

1 absolument pas le cas.

2 J'ai remis au juriste hors classe, qui n'a pas besoin de vous le remettre

3 maintenant -et je l'ai remis également au conseil de l'appelant-, j'ai

4 remis donc un tableau de cinq pages des chefs d'accusation et des parties

5 des chefs d'accusation qui ne sont pas affectées par les éléments de

6 preuve supplémentaires.

7 Il faut se souvenir que nous avons ici une affaire qui a trait à une

8 campagne de 14 mois, 20 villages, 3 municipalités, avec toutes sortes de

9 crimes commis pendant dans cette période et dans cette région. Et dans ce

10 tableau dont je viens de vous parler, nous avons uniquement des exemples:

11 des exemples de chefs d'accusation ou de parties de chefs d'accusation qui

12 ne sont nullement affectées par les nouveaux éléments de preuve fournis.

13 Et nous estimons, quant à nous, qu'il faudrait que des arguments soient

14 présentés par l'accusation sur la manière dont les chefs d'accusation sont

15 influencés par les nouveaux éléments de preuve.

16 Enfin, nous estimons qu'il y a des chefs d'accusation qu'il ne faudrait

17 pas rejuger, même si on accepte des éléments de preuve supplémentaires. Et

18 nous estimons que vous devriez, en réplique, entendre les éléments de

19 preuve de l'accusation, qu'il faut examiner ces éléments de preuve avec

20 attention. Il y a un de ces chefs d'accusation qui a trait à la

21 municipalité de Vitez et a trait à Gacice.

22 Nous avons les victimes, les civils de Gacice qui ont été amenés à l'hôtel

23 Vitez, le quartier général de Blaskic. On les a placés autour de l'hôtel

24 Vitez pendant trois heures pour empêcher le pilonnage du quartier général

25 du général Blaskic. Au procès, en première instance, on a entendu que,

Page 76

1 pendant 20 heures, la veille, le 19, l'hôtel Vitez avait été pilonné et

2 Vitez même avait été pilonné. C'est pourquoi ces victimes, ces 247

3 personnes, ont été placées autour du quartier général du général Blaskic

4 pour cette raison. Et ce qu'on nous a dit, au cours du procès, c'est qu'il

5 est parti pendant l'après-midi se rendre à une réunion à Zenica.

6 Les nouveaux éléments de preuve admis par la Chambre, le nouveau journal

7 de guerre, ces nouveaux éléments de preuve donc tendent à montrer qu'il

8 faudrait arriver à une conclusion différente au sujet de cet incident.

9 Or, dans le journal de guerre, on nous dit que Blaskic a quitté Vitez à 5

10 heures moins 10; c'est exactement ce qu'a constaté la Chambre de première

11 instance, elle n'a pas constaté qu'il n'était allé à Zenica, elle a

12 constaté qu'il était là pendant l'après-midi et qu'ils sont partis tard

13 dans l'après-midi.

14 Il est vrai que le nouveau journal de guerre est pertinent pour l'un des

15 chefs de l'accusation, mais nous estimons, quant à nous, que cela ne fait

16 aucune différence et qu'il serait important que la Chambre de première

17 instance entende des arguments à ce sujet avant de passer à un stade

18 ultérieur.

19 Pour finir, nous estimons quant à nous qu'il est prématuré, à ce stade,

20 d'ordonner la tenue d'un nouveau procès.

21 Comme la procédure du Tribunal le requiert, comme le demande le bon sens,

22 ce qu'il faut faire, c'est que la Chambre d'appel examine ces éléments et

23 elle peut tout à fait rendre une décision justifiée.

24 Je me demande si la Chambre de première instance en ferait de même si

25 c'était un acquittement qui était contesté, sur la base d'éléments de

Page 77

1 preuve qui sont présentés après un procès de 25 mois, des éléments de

2 preuve qui n'ont pas été contestés. Est-ce que, s'il y avait eu

3 acquittement, la Chambre demanderait un nouveau procès sur la base de 47

4 éléments de preuve, de 2 témoins? Nous estimons que, dans ces conditions,

5 il serait manifeste que ce ne serait pas la voie à adopter.

6 Si vous estimez que les éléments de preuve doivent être traités comme

7 l'estime l'accusation, en suivant la logique de l'arrêt Kupreskic, vous en

8 conclurez qu'il y a eu un bon nombre de contradictions dans les éléments

9 présentés, dans les déductions présentées à l'appui de la demande d'un

10 nouveau procès, et qu'un nouveau procès, s'il devait avoir lieu,

11 montrerait que tout ceci ne repose sur rien.

12 J'en ai terminé de mes arguments, Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges. Il me reste encore huit minutes; je suis prêt à répondre à vos

14 questions si vous en avez.

15 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Farrell.

16 Je me tourne vers mes collègues, je voudrais savoir s'ils ont des

17 questions?

18 M. Hunt (interprétation): Vous nous dites qu'aux termes de l'Article 115,

19 nous avons l'autorité de renvoyer à une Chambre de première instance les

20 éléments qui découlent de l'application de cet Article. Or cela ne figure

21 pas dans l'Article en question, mais vous vous appuyez sur la décision

22 Celebici. Pouvez-vous être précis?

23 M. Farrell (interprétation): Non, je parlais de l'arrêt Kupreskic,

24 paragraphe 70, où il est dit que "la Chambre d'appel peut elle-même

25 examiner les éléments de preuve ou demander à une Chambre de première

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1 instance d'examiner ces éléments de preuve".

2 M. Hunt (interprétation): Je suis reconnaissant de voir que vous

3 manifestez votre approbation pour l'arrêt Celebici, qui a pourtant été

4 contesté de forte manière.

5 M. Farrell (interprétation): Oui.

6 M. Hunt (interprétation): L'autre question que j'ai à vous poser, c'est de

7 savoir s'il s'agit des mêmes documents qu'au procès en première instance?

8 M. Farrell (interprétation): Non.

9 M. le Président (interprétation): Vous parlez de sources.

10 M. Farrell (interprétation): Cela vient des archives de Zagreb.

11 M. Hunt (interprétation): Donc c'est la même source à laquelle fait

12 référence l'appelant?

13 M. Farrell (interprétation): Je ne sais pas s'il les a obtenues à Zagreb.

14 M. Hunt (interprétation): Donc vous vous basez sur les mêmes sources?

15 M. Farrell (interprétation): Non, nous n'avons pas présenté nos arguments

16 de cette manière, nous ne sommes pas les requérants. Mais, si vous dites

17 qu'il s'agit de la même source, pourquoi n'étaient-ils pas disponibles à

18 ce moment-là? On en arrive à la question de savoir: si les éléments de

19 preuve n'étaient pas disponibles au moment de l'instance et sont ensuite

20 découverts, est-ce que cela justifie un nouveau procès?

21 M. Hunt (interprétation): Mais cela paraît essentiel pour l'affaire qui

22 nous concerne. Ce qui m'intéresse, moi, c'est de savoir si tout cela vient

23 de la même source?

24 M. Farrell (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il y a d'autres

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1 questions. Quant à moi, je n'en ai pas à poser au Procureur.

2 Nous pourrions peut-être faire une pause d'une demi-heure maintenant et,

3 ensuite, nous entendrons les arguments de l'appelant.

4 M. Farrell (interprétation): L'accusation vous remercie, Monsieur le Juge

5 Pocar.

6 M. le Président (interprétation): L'audience est suspendue.

7 (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures 12.)

8 M. le Président (interprétation): Nous reprenons nos débats. Je donne

9 maintenant la parole au conseil de l'appelant, il a 75 minutes.

10 Vous avez la parole.

11 (Arguments de la défense, présentés par Me Hayman.)

12 M. Hayman (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges. Merci de me donner la possibilité d'évoquer ces questions

14 aujourd'hui devant la Chambre d'appel.

15 Le problème fondamental qui se pose en l'espèce, c'est un problème dont

16 l'accusation est responsable. Ils ont, en effet, choisi et décidé de

17 présenter leur Acte d'accusation en l'espèce à un moment où ils n'avaient

18 pas accès aux archives du HVO ou de l'armée de la HV. Ils ont choisi de

19 présenter des charges pour responsabilité de commandement, responsabilité

20 de supérieur hiérarchique contre celui qui, à l'époque, était le colonel

21 Blaskic et qui était responsable de la zone de compétence de l'armée

22 bosno-croate en Bosnie centrale. L'accusation l'a fait sans avoir accès

23 soit à l'intégralité des archives du HVO ou des archives de l'armée de

24 Bosnie-Herzégovine qui a été le successeur de la Défense territoriale en

25 Bosnie-Herzégovine.

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1 Si bien que, si vous voulez, l'accusation est partie en campagne en

2 n'ayant pas accès aux éléments de preuve les plus importants dans cette

3 affaire, car quand il y a accusation au titre de la responsabilité du

4 supérieur hiérarchique, il est très important de voir quels sont les

5 ordres qui viennent du sommet de la voie hiérarchique et les éléments qui

6 remontent cette voie hiérarchique, il est important de voir ce qui se

7 trouve dans les journaux de guerre pour savoir les informations dont

8 disposait le commandant. Or l'affaire a été jugée sans qu'on bénéficie de

9 ces éléments, de ces informations, et ceci du fait de l'accusation.

10 La conséquence, c'est cette procédure d'appel extrêmement complexe,

11 extrêmement longue, extrêmement laborieuse. On a vu peu à peu arriver de

12 nouveaux documents. Nous avons déposé trois requêtes au titre de l'Article

13 115. Nous continuons à recevoir, aux termes de l'Article 68, des éléments

14 supplémentaires de la part de l'accusation. Ils nous ont dit avoir passé

15 en revue plus de 1,4 million de pages de document, ceci figure dans le

16 dossier. Ils vous l'ont fait savoir et ils estiment que 25.000 pages sur

17 ces éléments peuvent avoir une pertinence directe avec le général Blaskic

18 et sa zone de commandement pendant la guerre civile.

19 Donc voilà où nous en sommes. Et pendant ce temps le général Blaskic est

20 en prison. Il est en prison depuis maintenant six ans et demi.

21 L'accusation estime qu'il est prématuré de demander la tenue d'un nouveau

22 procès. Or nous estimons que ce n'est pas prématuré, et nous demandons à

23 la Chambre d'appel de bien vouloir agir avec la célérité requise et

24 d'ordonner l'ouverture d'un nouveau procès en l'espèce.

25 Mon éminent confrère a posé au départ la question de savoir si la Chambre

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1 d'appel avait l'autorité de renvoyer l'affaire devant une nouvelle Chambre

2 de première instance. Je ne suis pas d'accord avec lui. Aussi bien

3 l'Article 25 du Statut que l'Article 117C) du Règlement donne à la Chambre

4 d'appel la possibilité de renvoyer une affaire devant une Chambre de

5 première instance pour un nouveau procès. Cette autorité a été reconnue

6 dans l'arrêt en appel Jelisic, au paragraphe 73, où l'on reconnaît

7 expressément que "les membres de la Chambre d'appel ont le droit de

8 demander un nouveau procès". L'Article 117 ne limite nullement ce pouvoir

9 et j'avance, quant à moi, que l'Article 115 ne limite pas non plus cette

10 capacité.

11 Si vous examinez l'Article 115, les affaires dans lesquelles il a été

12 appliqué, jamais on a dit que la Chambre, en acceptant l'Article 115 aux

13 fins de production d'éléments de preuve supplémentaire, se trouve coincée

14 dans une sorte de procédure qu'elle est contrainte de suivre pendant des

15 mois et des mois sans en arriver à une décision définitive dans une

16 affaire. Surtout ici, nous avons des mémoires en appel qui ont été déposés

17 depuis des mois. Vous avez notre mémoire en appel. Vous avez sous les yeux

18 nos requêtes au titre de l'Article 115. Vous avez statué sur 50 éléments

19 qui figurent dans ces requêtes de l'Article 115. Vous disposez d'un grand

20 volume d'informations. Ceci a fait l'objet d'un travail considérable.

21 Nous estimons donc que l'accusation n'a pas raison et qu'il serait

22 prématuré de demander l'ouverture d'un nouveau procès.

23 Nous estimons que l'arrêt Kupreskic ne s'éloigne pas de cette analyse.

24 L'Article 70 de cette opinion stipule qu'une fois qu'une Chambre d'appel

25 estime que des moyens présentés au titre de l'Article 115 sont pertinents,

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1 il y a deux possibilités pour la Chambre d'appel: soit d'examiner les

2 éléments elle-même, soit de renvoyer devant une Chambre de première

3 instance.

4 Peu importe l'objectif pour lequel on renvoie ces éléments de preuve, peu

5 importe cet objectif. Nous, nous estimons, nous avançons que l'on peut

6 renvoyer ces éléments pour un nouveau procès. Et ceci, on peut le voir à

7 l'Article 70 de l'arrêt Kupreskic.

8 C'est tout ce que j'aurais à dire au sujet de votre autorité. Vous avez

9 l'autorité de le faire et nous en appelons à vous pour que vous agissiez

10 en fonction de ce pouvoir qui est le vôtre.

11 Si vous ordonniez la tenue d'un nouveau procès sur la base des éléments de

12 preuve admis au titre de l'Article 115, si vous deviez le faire: pourquoi,

13 pourquoi devriez-vous le faire? C'est à cette question que vous nous avez

14 demandé de répondre.

15 Moi, je pense que vous devez le faire pour trois raisons. Je vais les

16 traiter dans l'ordre.

17 Premièrement: la teneur, le fond des éléments de preuve nouvellement admis

18 exige la tenue d'un nouveau procès.

19 En deuxième lieu: l'équité procédurale en l'espèce exige qu'un procès

20 équitable soit tenu. Le premier procès n'a pas été un procès équitable

21 pour des raisons que je vais énumérer. Donc pour des raisons d'équité,

22 nous avons besoin d'un nouveau procès.

23 En troisième lieu, il faut qu'il y ait un nouveau procès au titre de

24 l'efficacité du processus d'administration de la justice.

25 Premièrement, s'agissant des nouveaux éléments de preuve et de leur

Page 83

1 substance. Dans l'arrêt Jelisic, il est stipulé qu'une Chambre d'appel

2 peut renvoyer une affaire devant une Chambre de première instance pour un

3 nouveau procès, si cela est dans l'intérêt de la justice. L'arrêt en appel

4 dans Jelisic donne un certain nombre de facteurs à ce sujet, mais cette

5 liste n'est pas exhaustive.

6 Et je vais vous expliquer pourquoi il est dans l'intérêt de la justice

7 qu'il y ait un nouveau procès en l'espèce.

8 Pour comprendre l'importance la signification des nouveaux éléments de

9 preuve, il faut s'éloigner de la logique adoptée par mon collègue. Il a

10 examiné un certain nombre d'ordres, fait des commentaires très

11 intéressants auxquels je répondrai plus tard.

12 Mais moi, je vous demande de prendre un petit peu de recul, d'examiner les

13 éléments de preuve nouveaux dans leur globalité. Et ce que vous disent ces

14 nouveaux éléments de preuve, il faut que vous l'examiniez, les éléments de

15 preuve au sujet du massacre atroce d'Ahmici, au cours duquel plus de cent

16 femmes, enfants et hommes ont perdu la vie, au petit matin du 16 avril

17 1993.

18 La Chambre de première instance était dans une situation où il n'y avait

19 pas d'ordres illégaux rendus par l'accusé.

20 Comment la Chambre de première instance a-t-elle rendu son jugement? J'ai

21 une certaine compréhension pour la Chambre de première instance, vu le

22 vide d'éléments de preuve dans lequel elle était contraint de se décider,

23 du fait de l'accusation.

24 Le raisonnement de la Chambre de première instance a été le suivant: le

25 colonel Blaskic disposait du contrôle effectif de la totalité des troupes

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1 du HVO dans la vallée de la Lasva. Des crimes ont été commis par ces

2 troupes, qui étaient organisés; des crimes organisés qui avaient dû être

3 orchestrés par une instance supérieure quelconque. En conséquence, la

4 Chambre de première instance en a déduit que le colonel Blaskic avait dû

5 organiser, orchestrer, planifier ces crimes parce que c'était lui qui

6 détenait l'autorité supérieure, que c'était lui qui incarnait à lui seul

7 l'autorité supérieure dans la vallée de la Lasva. Voici l'essentiel des

8 motifs du jugement.

9 La Chambre a ensuite évalué les éléments de preuve sur la base de ce cadre

10 que je viens de vous définir. La Chambre a conclu, étant donné qu'elle ne

11 disposait pas de tous les ordres donnés par le colonel Blaskic, la Chambre

12 a estimé que certains des ordres qui manquaient étaient probablement des

13 ordres illégaux aux fins de commettre des crimes; ceci se trouve aux

14 paragraphes 589 et 590 du jugement. Or les Juges n'avaient pas accès aux

15 archives; ils n'ont pas été en mesure de voir quels étaient les ordres qui

16 avaient été délivrés; entre jeudi et samedi, s'il avait été possible de le

17 faire, ils auraient pu examiner ces ordres et voir qu'il n'y avait pas

18 d'ordres illégaux.

19 D'autre part, la Chambre de première instance a également estimé que,

20 s'agissant de cet élément essentiel, de cet incident essentiel d'Ahmici,

21 lorsqu'il fallait savoir s'il avait ordonné ces crimes et, ensuite, essayé

22 de mettre en oeuvre une enquête pour savoir qui avait commis ces crimes,

23 eh bien, la Chambre a conclu que le colonel Blaskic n'était pas en mesure

24 de fournir un exemplaire d'un rapport d'enquête du service de sécurité des

25 Croates de Bosnie, le SIS, alors qu'il avait affirmé qu'il avait demandé

Page 85

1 au SIS de mener une enquête sur Ahmici.

2 La Chambre de première instance, étant donné que le colonel Blaskic n'a

3 pas été en mesure de fournir ce rapport, et ce rapport, la Chambre de

4 première instance l'a qualifié d'élément de preuve le plus important que

5 le colonel Blaskic aurait pu produire pour laver sa réputation, eh bien,

6 la Chambre de première instance a estimé que le fait qu'on n'ait pas

7 trouvé ce rapport faisait planer le doute sur l'existence même du rapport.

8 Paragraphe 493 du jugement. Je reviendrai à l'existence ou à la non-

9 existence de ce rapport dans quelques instants.

10 Voici donc le cadre dans lequel a été prononcé le jugement. Nous, notre

11 thèse, c'est que les éléments de preuve qui viennent des archives

12 remettent complètement en question la logique de la Chambre de première

13 instance, et à plusieurs égards.

14 Revenons d'abord à ce rapport. Nous avons le rapport du SIS, nous avons ce

15 rapport d'enquête menée au sujet des crimes d'Ahmici. Ce rapport confirme

16 que non seulement il y a eu une enquête, qu'il y a eu un rapport, un

17 rapport qui est daté de novembre 1993, ce qui correspond à la période de

18 temps et aux tentatives répétées de l'appelant de faire mener une enquête,

19 mais ce rapport exonère l'appelant de toute responsabilité. On identifie

20 les auteurs d'Ahmici. Imaginez quelle tournure aurait pris le procès si

21 nous avions été en mesure de mettre la main sur ce rapport et de le

22 fournir à la Chambre de première instance.

23 Au lieu d'en déduire que le fait que M. Blaskic n'ait pas trouvé se

24 rapport indiquait qu'il était coupable, la Chambre aurait pu se convaincre

25 qu'il avait demandé une enquête, que cette enquête avait permis

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1 d'identifier les auteurs, mais que les résultats de cette enquête

2 n'avaient pas été communiqués à lui, mais aux dirigeants politiques des

3 Croates de Bosnie à Mostar et que ça avait été également communiqué au

4 Président Tudjman à Zagreb, qui n'a rien fait pour traduire ces personnes

5 en justice. Seul ce Tribunal a pris des mesures réalistes et véridiques

6 pour traduire ces criminels en justice.

7 Mais quelle est la conséquence de ces éléments de preuve? J'abandonne le

8 rapport du SIS et je vais procéder de manière plus analytique dans ma

9 discussion.

10 Tout d'abord, ces nouveaux éléments nous indiquent que le colonel Blaskic

11 ne jouissait pas du contrôle effectif sur deux unités essentielles qui

12 étaient dans la vallée de la Lasva, le 4e Bataillon de la police militaire

13 et les Vitezovi, les unités des Vitezovi. Pourquoi est-ce que cela est

14 essentiel? C'est essentiel parce que la plupart des unités, la plupart des

15 brigades qui se trouvaient dans les villes étaient composées d'habitants

16 de villages qui avaient bénéficié d'une formation militaire très

17 succincte, qui avaient peu d'armes. Cela se rapprochait plus,

18 s'apparentait plus à des milices de villages qu'à des véritables armées

19 comme nous les imaginons ici en Occident.

20 Or, par contraste, le 4e Bataillon de la police militaire, en particulier

21 les Jokeri et les Vitezovi, étaient, eux, des jeunes hommes qui avaient

22 une solde spéciale, qui avaient des armes bien spéciales, qui avaient

23 bénéficié d'une formation spéciale et qui relevaient directement

24 d'éléments, de personnes qui se trouvaient à l'extérieur de la vallée de

25 la Lasva. L'unité de la police militaire relevait de l'administration de

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1 la police militaire à Mostar; et les Vitezovi, eux, relevaient du

2 ministère de la Défense à Mostar. C'est de cela qu'ils obtenaient leurs

3 armes, leur paie, leurs conditions de formation bien spécifiques.

4 Voici donc quelles étaient les unités armées les plus compétentes dans la

5 région. Il n'empêche que ces unités étaient constituées de jeunes hommes

6 et qu'à leur tête se trouvaient des criminels. Darko Kraljevic, qui était

7 à la tête des Vitezovi, était un homme qui a agi de son propre chef, de

8 manière indépendante, et je me réfèrerai à un certain nombre d'incidents;

9 mais c'était quelqu'un qui échappait à tout contrôle, si je puis employer

10 des termes du langage commun.

11 La police militaire, et particulièrement le 4e Bataillon de la police

12 militaire, puisque je parle des Jokeri, avait un lien avec la police

13 militaire et son administration à Mostar, mais en fait elle était très

14 étroitement liée avec une figure politique de Busovaca. La plupart des

15 hommes dans l'unité des Jokeri dans la police militaire provenaient de

16 Busovaca, et cet homme, cette figure politique était Dario Kordic.

17 Donc quels sont les éléments de preuve? Quels sont les nouveaux éléments

18 de preuve au sujet de la capacité qu'avait le colonel Blaskic d'exercer un

19 contrôle effectif sur la police militaire? Eh bien, les rapports de

20 renseignement que nous avons fournis montrent que la police militaire a

21 agi de son propre chef.

22 Par exemple, par la pièce n°10 de notre première requête -conformément à

23 l'Article 115-, là, nous voyons deux autres témoins parler de manière tout

24 à fait claire à ce sujet; ces témoins ont déposé pour le Procureur pendant

25 l'affaire Kordic.

Page 88

1 Le général Mrdan, le général de l'armée croate a déposé en disant que le

2 colonel Blaskic n'était pas en mesure de contrôler Darko Kraljevic, pas

3 plus que les Vitezovi. Il était considéré comme quelqu'un qu'on pouvait

4 tourner en dérision, si je me rappelle bien; donc sans aucune importance.

5 L'officier chargé des renseignements pour les Vitezovi a déposé dans

6 l'affaire Kordic également. Son nom est Ante Bergas; il a dit que

7 Kraljevic recevait tout ce dont il avait besoin, et que s'il y avait une

8 opération militaire que le colonel Blaskic voulait poursuivre, il

9 poursuivrait même si le colonel Blaskic estimait qu'il ne devait pas le

10 faire.

11 Nous avons donc le général Mrdan, M. Braljas, les rapports de

12 renseignement et tout ceci nous montre que, même si à certains moments les

13 Vitezovi ont agi de concert avec d'autres unités du HVO, la Chambre de

14 première instance n'était pas en position d'assumer que le colonel Blaskic

15 exerçait un contrôle effectif sur les Vitezovi à tout moment, pendant

16 toute la période. C'est une supposition qu'ils ont faite conformément à

17 une logique en trois étapes que j'ai déjà esquissées.

18 Eh bien, mon collègue a fait quelques commentaires au sujet des Vitezovi

19 plus précisément et je pense qu'il a fourni à la Chambre, dans l'une de

20 ses écritures, quelques nouveaux éléments et nouveaux documents concernant

21 les Vitezovi. Il s'agit entre autres d'un rapport de Kraljevic, qui était

22 à la tête des Vitezovi, disant que pendant cette période, il a dit tout

23 cela en agissant selon les ordres émanant du colonel Blaskic.

24 Je ne voudrais pas passer beaucoup de temps à répondre à ces documents en

25 particulier, mais je dois quand même répondre à ces quelques documents.

Page 89

1 Premièrement, ces rapports ont été envoyés à l'état-major à Mostar. Que

2 disent les Vitezovi à l'état-major de Mostar, s'ils sont réellement

3 subordonnés au colonel Blaskic de Vitez?

4 L'un de ces documents est une protestation adressée à l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine. Monsieur Kraljevic envoie ses propres protestations aux

6 forces ennemies, en s'adressant directement à ces forces. Ceci ne se passe

7 pas à travers une structure de commandement quelle qu'elle soit, que ce

8 soit à Mostar ou Vitez. Donc il discute directement avec l'ennemi.

9 Ceci serait un acte d'insubordination dans toute armée normalement

10 constituée.

11 Egalement, si vous vous penchez sur ces documents dont l'auteur est M.

12 Kraljevic, qui se trouve à la tête des Vitezovi, vous verrez que le

13 colonel Blaskic ne figure dans aucun de ces documents, donc il n'était pas

14 au courant de ces communications. Monsieur Kraljevic considérait qu'il

15 n'avait absolument aucune importance. Monsieur Kraljevic s'est engagé dans

16 ce dialogue avec son commandement supérieur de Mostar, avec des forces

17 ennemies, etc.

18 Donc les nouveaux éléments de preuve montrent qu'il n'y a pas de contrôle

19 effectif exercé par Blaskic sur la police militaire et sur les Jokeri.

20 Cela montre donc qu'il n'a pas de contrôle sur les Vitezovi.

21 Cela montre également quelle est la situation à Kiseljak. Vous n'avez pas

22 vu la carte, mais elle parle d'elle-même: pendant cette période pertinente

23 de la guerre, il y avait une petite enclave autour de Vitez d'un périmètre

24 d'environ un peu plus d'un kilomètre; il y avait une plus grande enclave

25 autour de Kiseljak et il y a une route qui les relie. Donc de quelques

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1 centaines de mètres d'un côté ou de l'autre de la route, le HVO exerçait

2 son contrôle. Il s'agit en fait d'une route qui mène à Kiseljak et, entre

3 les deux, il y a un troisième petit cercle; essentiellement, c'est

4 Busovaca. La route pour Kiseljak a été coupée par l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine; par conséquent, le colonel Blaskic ne pouvait pas se rendre à

6 Kiseljak sans que la Forpronu ne l'aide.

7 Mon collègue vous a montré quelques rapports, des rapports additionnels,

8 et je pense que nous avons, nous, communiqué des documents montrant que,

9 malgré le fait qu'il a été coupé, le colonel Blaskic a continué à envoyer

10 des ordres concernant le droit humanitaire à Kiseljak. Nous avons fourni

11 des éléments qui se présentent dans la suite de cela, qui montrent qu'il y

12 avait des ordres qui étaient des ordres réels émanant du colonel Blaskic.

13 Il ne s'agissait pas d'ordres qui étaient émis pour la forme simplement;

14 il s'agissait d'ordres tout à fait conséquents. Apparemment, ils ont été

15 répétés.

16 Il n'empêche, si vous vous penchez sur des éléments de preuve

17 supplémentaires, que nous avons fournis, concernant Kiseljak avant tout,

18 qu'il y a un observateur de la Communauté européenne qui s'appelait

19 "témoin AO" ou "AD" -je pense que c'était le témoin AD- qui a déposé

20 encore une fois dans l'affaire Kordic, en disant que Blaskic n'avait pas

21 d'informations fiables au sujet d'événements de Kiseljak et au sujet

22 d'autres enclaves qui se trouvaient loin, et qu'il ne pouvait pas

23 contrôler les forces du HVO puisqu'il s'agissait d'enclaves qui étaient

24 coupées.

25 Les nouveaux éléments de preuve montrent également que la personne qui est

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1 devenue commandant à Kiseljak, à savoir Ivica Rajic, répondait directement

2 à l'état-major de Mostar puisqu'il pouvait se rendre à Mostar; il pouvait

3 se déplacer, tandis que ceux qui se trouvaient dans la vallée de la Lasva,

4 tel le colonel Blaskic, ne pouvaient pas voyager par voie terrestre à

5 Mostar.

6 Donc les nouveaux éléments de preuve abordent la question de savoir si le

7 colonel Blaskic exerçait le contrôle effectif sur les troupes du HVO de

8 Kiseljak. Et les éléments de preuve montrent clairement qu'il ne pouvait

9 pas exercer ce contrôle. Mais ce n'est qu'un début.

10 Monsieur le Président, non seulement les nouveaux éléments de preuve

11 montrent que ces unités, et en particulier la police militaire et les

12 Vitezovi, ont agi de leur propre chef et sur leur propre initiative, mais

13 d'autres éléments qui sortent de la chaîne de commandement de jure

14 montrent qu'il y avait quelqu'un qui exerçait le contrôle sur la police

15 militaire, en particulier les Jokeri; là, je parle de Dario Kordic.

16 De quels éléments de preuve suis-je en train de parler? Eh bien, les

17 pièces à conviction 4 et 5 de notre requête au titre de l'Article 115. Là-

18 bas, vous trouverez des rapports dont l'auteur est le Président Tudjman de

19 Croatie. En fait, il s'agit de rapports émanant des services de

20 renseignement croates, rédigés en février 1994. En février 1994, c'est

21 bien avant que le colonel Blaskic n'ait jamais reçu les responsabilités,

22 quelles qu'elles soient, qu'il n'ait été accusé de quoi que ce soit qui

23 nous intéresse dans cette affaire.

24 Ces rapports de renseignement citent des déclarations qui ont été prises

25 de la part des témoins et qui montrent, de manière tout à fait claire, qui

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1 est responsable des crimes d'Ahmici. Il est dit que c'est Dario Kordic et

2 un autre homme, qui s'appelle Ignas Kostroman -qui est également une

3 figure politique dans la zone de Busovaca, en Bosnie centrale-, que ce

4 sont eux qui étaient responsables d'avoir dirigé, d'avoir donné des ordres

5 de commettre ce massacre.

6 Il est également là-dedans que le colonel Blaskic exerçait peu d'influence

7 -si toutefois il en avait une- sur les opérations militaires conçues par

8 Kordic et Kostroman.

9 Au lieu de parler d'Ahmici et de l'influence de ces nouveaux éléments de

10 preuve sur Ahmici, à savoir qui a effectivement ordonné ces crimes, le

11 Procureur se moque de la déclaration dans ce rapport disant que la Brigade

12 de Vitez n'était pas à Ahmici. Eh bien, c'est un point important pour le

13 Procureur, puisque la police militaire a agi sur les ordres des autres; et

14 la Brigade de Vitez était plutôt une brigade de village s'il n'y avait pas

15 cette relation avec une figure politique de Busovaca.

16 Si vous vous penchez sur les rapports que mon collègue a cités, il s'agit

17 en fait de rapports de manière générale, émanant de la Brigade de Vitez et

18 qui sont des rapports montrant quelles sont les activités qui se déroulent

19 dans l'ensemble de la zone géographique, à savoir la municipalité de

20 Vitez.

21 Il est question, dans l'un de ces rapports, de 15 localités différentes où

22 il y a des combats qui sont en cours. La Brigade de Vitez ne se trouvait

23 pas à tous ces endroits. Ils ont rédigé un rapport sur la zone

24 géographique de la municipalité de Vitez et ce rapport s'adressait à leur

25 commandant.

Page 93

1 Et je me permets de remarquer que, même s'il est intéressant que le

2 Procureur continue à affirmer que la Brigade de Vitez se trouvait à

3 Ahmici, dans l'affaire Kordic la Chambre a constaté qu'ils ne se sont pas

4 trouvés à Ahmici avant l'après-midi du 16 avril 1993, donc bien après la

5 commission du massacre. Et le commandant de la Brigade de Vitez, Mario

6 Cerkez, a été acquitté de toute implication dans le massacre d'Ahmici.

7 Donc il est un peu troublant de voir pourquoi le Procureur insiste là-

8 dessus et défend cette condamnation de l'accusée fondée sur le fait que la

9 Brigade de Vitez a pris part d'une manière quelconque au massacre

10 d'Ahmici, qui s'est produit de toute évidence entre 5 heures 30 et 7

11 heures ou 7 heures 30 dans la matinée du 16 avril 1993.

12 Enfin, si vous vous penchez sur le journal de guerre que le Procureur

13 propose, tous les rapports émanant de la Brigade de Vitez dans la matinée

14 du 16 proviennent des zones de la ville de Vitez ou d'autres zones où ils

15 ont été affectés selon les ordres de défense qui ont été émis avant le 16.

16 Il n'y avait pas de rapports qui sont reflétés dans le journal de guerre

17 pour la zone opérationnelle de Vitez, pour Ahmici dans la matinée du 16.

18 Je vous parlais donc du rapport du HIS -Hrvatska… Services de

19 renseignements Hrvatska, c'est-à-dire les service de renseignement

20 croates- qui a été préparé pour le Président Tudjman en février 1994. Il

21 s'agit là d'éléments de preuve très importants, estimons-nous.

22 Mais il y a encore des choses encore plus parlantes puisque, si vous

23 examinez la première pièce à conviction présentée dans notre deuxième

24 requête au titre de l'Article 115, vous avez un élément qui vous fournit

25 des détails très importants et détaillés au sujet de la planification et

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1 de la mise en oeuvre du massacre d'Ahmici. Il s'agit d'un rapport qui a

2 été préparé par le MUP, ministère de l'Intérieur en Croatie.

3 Ce rapport nous indique que, dans la soirée du 15 au 16 avril, il y a eu

4 une réunion clandestine au domicile de Dario Kordic, à Busovaca. Il y

5 avait là les dirigeants des Jokeri et de la police militaire. Et lors de

6 cette réunion, il a été décidé de perpétrer un massacre à Ahmici pour

7 faire fuir la population musulmane de la vallée de la Lasva; il semble que

8 cela ait été le motif pervers à l'origine de ce massacre.

9 La décision telle qu'elle apparaît dans ce rapport, la décision a été

10 prise sans que le colonel Blaskic en ait connaissance, sans qu'il soit

11 impliqué. Le colonel Blaskic était à son QG à Vitez. Il n'a pas participé

12 à cette réunion, il n'y est pas mentionné, il n'a aucun lien avec cette

13 réunion.

14 Notre thèse, donc, c'est que ces nouveaux éléments de preuve remettent

15 complètement en question la logique qui a été adoptée par la Chambre de

16 première instance, malheureusement parce qu'elle manquait d'éléments de

17 preuve supplémentaires, qu'elle a été contrainte de travailler dans une

18 sorte de vide documentaire, si je puis dire.

19 Est-ce que ces éléments de preuve supplémentaires justifient un nouveau

20 procès? Je me suis déjà exprimé en disant que, pour nous, la jurisprudence

21 du Tribunal l'autoriserait sans doute; c'est indéniable, si l'on regarde

22 l'arrêt Jelisic.

23 Nous avançons d'autre part que le mieux, c'est de présenter ces éléments

24 devant une Chambre de première instance, car les Chambres de première

25 instance sont destinées à rendre des conclusions sur les faits, dont il

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1 convient que la Chambre d'appel tienne compte. C'est la raison pour

2 laquelle les Chambres de première instance sont là pour se pencher en

3 détail sur les faits.

4 D'autre part, il faut préserver le droit d'appel et j'y reviendrai plus

5 longtemps.

6 Le Traité de Rome prévoit la possibilité d'un nouveau procès aux termes

7 des Articles 83 et 84. Dans les pays de droit romano-germanique, on

8 prévoit la possibilité d'un nouveau procès. En Allemagne, par exemple, le

9 Code de procédure pénale, dans son paragraphe 354, stipule que lorsque des

10 questions de faits sont soulevées, lorsqu'il y a des éléments de preuve

11 qui le justifient, on peut avoir un nouveau procès. La loi du Royaume-Uni

12 sur l'appel en matière d'affaires criminelles le stipule également,

13 stipule que lorsque la Chambre d'appel estime qu'une déclaration de

14 culpabilité n'est pas justifiée, on peut soit prononcer un acquittement,

15 soit demander un nouveau procès. Et les affaires McNamee et Clegg en

16 apportent un exemple, s'agissant du volume d'éléments nécessaires pour

17 justifier un nouveau procès.

18 Nous estimons que le volume d'éléments de preuve supplémentaires à

19 décharge, avec ces 50 pièces, dépasse le volume qui avait été celui

20 accepté dans les deux affaires que je viens de mentionner.

21 L'accusation présente objection à cet argument. L'accusation nous dit:

22 "Oui, mais ces éléments de preuve n'ont pas été prouvés, n'ont pas été

23 examinés, donc c'est prématuré; on ne peut pas agir parce ces éléments de

24 preuve n'ont pas été examinés suffisamment en détail.".

25 Alors, que sont ces nouveaux éléments de preuve? En premier lieu, la

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1 plupart, voire la totalité des nouveaux documents sont des documents qui

2 émanent des archives de guerre de la Croatie à Zagreb. En haut à droite,

3 sur ces documents, on peut voir le cachet des archives.

4 La Chambre d'appel, dans Kupreskic, a déjà déterminé que des documents

5 venant de sources officielles comme de ces archives, par exemple, elle

6 estimait que de tels documents avaient la fiabilité qui est celle de

7 documents provenant de telles sources.

8 Je me hâte de conclure que si l'accusation avait le moindre doute quant à

9 la crédibilité de la provenance de ces documents que nous avons fournis,

10 si elle pensait que ces documents ne venaient pas vraiment des archives,

11 je pense qu'elle vous en aurait fait part, qu'elle vous aurait fait part

12 de ses doutes il y a déjà bien longtemps.

13 D'autre part, je me permettrai de faire valoir que vous êtes des Juges

14 professionnels et, lorsque vous examinez des nouveaux documents, lorsque

15 vous lisez les déclarations venant de nouveaux témoins, lorsque vous

16 constaterez que ces documents, ces éléments, ces dépositions se

17 corroborent, sont imbriqués, se confirment parfois sur des points

18 extrêmement importants, parfois sur des points de détail tellement infimes

19 que personne ne pourrait y songer… Si on avait essayé de falsifier les

20 documents, de les inventer de toutes pièces, vous, donc, en tant que Juges

21 professionnels, pouvez avoir le sentiment, à la lecture de ces documents,

22 à la lecture des déclarations de témoins, qu'il est impossible que ces

23 documents aient été inventés par quelqu'un, mais que plutôt ces éléments

24 de preuve sont fiables.

25 Et si vous en arrivez à cette conclusion, eh bien, j'estime que les

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1 éléments de preuve en question, ils ont été mis à l'épreuve, ils ont été

2 examinés. Par qui? Par vous-mêmes.

3 Nous estimons donc que ces nouveaux éléments de preuve justifient un

4 nouveau procès.

5 Nous estimons, d'autre part, qu'il convient de tenir un procès équitable.

6 Or cela n'a pas été le cas. Et ça c'est une raison essentielle qui

7 justifie le renvoi devant une Chambre de première instance et la tenue

8 d'un nouveau procès.

9 En premier lieu, deux Etats ont pris des mesures, des démarches délibérées

10 pour s'ingérer dans la défense de cet accusé.

11 L'Article 29 du Statut du Tribunal stipule que les Etats doivent aider le

12 Tribunal. Or cela n'a pas été le cas en l'espèce. Et je parle des Etats de

13 Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

14 Exemple: pendant le procès, la Chambre de première instance a rendu une

15 ordonnance de production à l'intention de la Bosnie-Herzégovine pour

16 obtenir le journal de guerre de la zone opérationnelle de la Bosnie

17 centrale. Les autorités de Bosnie-Herzégovine n'ont pas fourni le

18 document. Plus tard, tout le monde l'a obtenu, tout le monde l'a obtenu ce

19 document dans les archives de guerre. Nous l'avons obtenu, l'accusation

20 l'a obtenu. Et ce document est essentiel. Il confirme qu'il n'y a pas eu

21 d'ordres illégaux donnés par l'accusé. Ce document montre qu'il n'avait

22 aucune connaissance de cette réunion illégale, clandestine dans la nuit du

23 15 au 16, au domicile de Kordic, quand on a planifié Ahmici. Ce document

24 est très important, car il apporte des éléments de preuve à décharge. Mais

25 le plus important c'est que la Bosnie-Herzégovine n'a pas fourni ce

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1 document lorsqu'elle a reçu une injonction de produire par la Chambre de

2 première instance. Et ça c'est complètement injuste, parce que le colonel

3 Blaskic était en droit d'avoir ce document ici pendant son procès.

4 En deuxième lieu, la Chambre de première instance a produit une injonction

5 de produire à l'intention de la Croatie pour obtenir les dossiers de

6 guerre du HVO. Nous estimions que c'était important. La Croatie ne nous a

7 pas donné ces documents, elle ne nous a pas donné les documents que nous

8 sommes en mesure de vous donner aujourd'hui, et qui émanent des archives,

9 tout ceci pour protéger le Président Franjo Tudjman qui a eu son mot à

10 dire, qui travaillait de concert avec les dirigeants politiques en

11 Herzégovine, avec les Croates de Bosnie.

12 Bien que Me Nobilo et moi-même ayons travaillé sans relâche pour obtenir

13 les documents nécessaires à la défense de notre client, nous faisions face

14 à fortes parties, deux services secrets: les services secrets croates -le

15 SIS- et les services secrets de la Bosnie-Herzégovine qui ont mis des

16 obstacles à la bonne marche de notre travail, qui nous ont mis des bâtons

17 dans les roues. Ceci est injuste.

18 D'autre part, l'accusation a omis de nous communiquer des éléments de

19 preuve à décharge essentiels. Dans l'affaire Dario Kordic, dans le cadre

20 de cette enquête, l'accusation a obtenu des éléments de preuve très

21 importants qui montraient que Dario Kordic avait exercé un pouvoir

22 militaire, une autorité militaire. Il s'agissait là d'éléments qui avaient

23 un caractère de preuve à décharge pour notre client.

24 Or ces éléments ne nous ont pas été communiqués. Un certain nombre de ces

25 éléments, que vous avez admis, venaient du procès Kordic. Aucun nom n'a

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1 été communiqué à l'accusé par l'accusation avant le jugement.

2 Nous avons dû nous rendre dans les archives du Greffe pour obtenir ces

3 documents après le jugement. Quel est l'impact de ces éléments de preuve?

4 Ce ne sont pas des éléments de preuve triviaux. Il y a une déposition d'un

5 lieutenant-colonel de l'armée américaine Floyd Carter qui a déposé dans

6 l'affaire Kordic, en disant que les unités Jokeri de la police militaire

7 étaient les instruments des dirigeants politiques des Croates de Bosnie.

8 Le témoin AD, dont j'ai déjà parlé, l'observateur de l'Union européenne,

9 il a déposé en disant que le colonel Blaskic n'avait pas le contrôle

10 effectif du HVO de Kiseljak, parce qu'il en était isolé. J'ai déjà parlé

11 de M. Braljas, de Mrdan, des gens qui ont déposé dans Kordic. Si on nous

12 avait donné à temps leur déposition, nous aurions pu présenter ces

13 éléments essentiels à la Chambre de première instance, mais cela n'a pas

14 été possible. D'ailleurs, à ce jour, nous n'avons pas encore obtenu les

15 déclarations de ces témoins, car l'accusation a refusé de nous les

16 fournir.

17 D'autre part, l'accusation dans cette affaire a même employé un tableau

18 émis par le général Mrdan où on voyait l'organisation hiérarchique,

19 l'organigramme de la chaîne de commandement des Croates de Bosnie et le

20 colonel Blaskic se trouve tout en bas à gauche en dessous des Vitezovi, de

21 la police militaire et du HVO de Kiseljak.

22 On voit bien sur ce tableau, sur cet organigramme que le colonel Blaskic

23 ne commandait aucune de ces unités. Et l'accusation a utilisé ce tableau,

24 cet organigramme dans l'affaire Kordic pour obtenir la déclaration de

25 culpabilité à l'encontre de M. Kordic, mais nous, nous n'avons pas eu la

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1 possibilité d'utiliser ce document pour défendre notre client, et ça c'est

2 injuste.

3 Dans le document où nous répertorions les diverses sources juridiques sur

4 lesquelles nous nous appuyions, nous avons fourni des exemples d'affaires

5 dans lesquelles on a décidé qu'il était nécessaire d'organiser un nouveau

6 procès, parce que des informations à décharge n'avaient pas été

7 communiquées à la défense. Je pense à l'affaire Kyles devant la Cour

8 suprême des Etats-Unis, à l'affaire Pelullo.

9 Cette jurisprudence pose également la question de savoir s'il faut évaluer

10 chaque élément de preuve isolément pour savoir s'il y a eu préjudice

11 envers l'accusé, s'il n'a pas eu droit à un procès équitable ou s'il faut

12 évaluer les faits cumulatifs de ces éléments.

13 Dans Kyles, on estime que c'est l'effet global de tous ces éléments qui

14 doit être pris en compte. Bien entendu, ce n'est pas une affaire qui lie

15 le Tribunal, mais nous estimons qu'il convient de s'en inspirer. Enfin, si

16 le procès avait été équitable, il aurait fallu que l'accusé ait accès à

17 tous les éléments de preuve à décharge qui venaient aussi bien des

18 archives que des dossiers de l'accusation. Et si nous avions eu ces

19 éléments, nous aurions pu confronter des témoins qui sont venus déposer

20 contre le colonel Blaskic. Un exemple, nous avons eu un témoin, un

21 scandinave, Lars Baggesen, un moniteur de l'Union européenne, il a déposé,

22 ici même, le 22 août 1997. J'étais présent, je m'en souviens très bien.

23 Monsieur Baggesen a dit notamment -d'ailleurs je souhaiterais signaler

24 qu'il a passé trois mois en Bosnie en tant qu'observateur- il a donné son

25 opinion, il a dit que -d'après lui- le colonel Blaskic contrôlait la

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1 police militaire en Bosnie centrale. Nous lui avons demandé: "Sur quoi

2 vous appuyez-vous pour prononcer cette conclusion?" Il a répondu: "Eh

3 bien, j'ai été arrêté par la police militaire, par le HVO et avec le

4 général Mrdan de la Bosnie-Herzégovine et, après un coup de téléphone de

5 Blaskic, eh bien, j'ai été libéré. Donc il est manifeste qu'ils ont suivi

6 l'ordre de Blaskic pour me libérer. J'en déduis donc que Blaskic les

7 contrôlait."

8 Eh bien, le général Mrdan -comme je l'ai dit- a déposé dans l'affaire

9 Kordic.

10 Qu'a déclaré le général Mrdan au sujet de ce même incident, il était

11 présent, il était présent avec M. Baggesen, l'observateur. Le général

12 Mrdan qui parlait le vernaculaire et qui comprenait au moins la moitié de

13 la conversation téléphonique qu'il a suivie, il a déposé en disant que la

14 police militaire n'a pas tenu compte de l'ordre donné par Blaskic de

15 libérer Mrdan et l'observateur. Et il a dit que la police militaire

16 attendait d'avoir des ordres venant de quelqu'un d'autre et non pas de

17 Blaskic.

18 Donc, pour qu'il y ait procès équitable, il ne faut pas simplement qu'on

19 entende une dizaine de témoins de plus. Il faut faire revenir des gens

20 comme M. Baggesen parce qu'il va revenir sur sa déposition; il va nous

21 dire: "Je m'excuse, je n'ai pas entendu ce qui avait été dit lors de cette

22 conversation téléphonique. J'ai tiré une conclusion erronée de cette

23 conversation et je m'en excuse".

24 Et beaucoup de témoins en l'espèce ont donné, dans leur déposition, leurs

25 opinions uniquement et la Chambre s'est beaucoup appuyée sur ces

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1 dépositions. Un grand nombre de témoins donc doivent être rappelés. Et la

2 question maintenant est de savoir si ces témoins doivent être entendus par

3 vous ou s'ils doivent être entendus par une Chambre de première instance

4 pour que l'accusé ait le droit d'interjeter appel du jugement qui serait

5 rendu par la Chambre de première instance.

6 Il y a une troisième raison pour laquelle il faut qu'il y ait un nouveau

7 procès: c'est que l'administration de la Justice le justifie,

8 l'administration efficace et véritable.

9 Je suis en désaccord avec mon confrère de l'accusation s'agissant du

10 volume d'éléments de preuve qu'il convient d'examiner en l'espèce.

11 Qu'avons-nous en l'occurrence? Cinquante éléments de preuve qui ont déjà

12 été admis par vous-mêmes. Nous avons 200 éléments de preuve et plus, sur

13 lesquels vous ne vous êtes pas encore prononcés. Il y a également des

14 éléments qui nous ont été remis par l'accusation aux termes de l'Article

15 68, que nous sommes en train d'examiner, car il y a des traductions à

16 faire notamment. Il y a également quelque 25.000 documents, une partie

17 seulement des 1,4 million de pages de documents que nous sommes en train

18 d'examiner; il va sans doute se trouver dans ces 25.000 documents des

19 documents qui nous intéresseront.

20 Ce n'est qu'en septembre de cette année, d'autre part, que nous avons eu

21 accès aux documents présentés à huis clos dans l'affaire de la vallée de

22 la Lasva, qui nous ont été fournis par le Greffe. Nous sommes en train

23 d'étudier ces documents.

24 D'autre part, il y a les deux déclarations de témoins que nous avons

25 versées au dossier; vous avez accepté d'entendre ces deux témoins. Il y a

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1 les témoins dans Kordic. J'ai parlé de Carter, Braljas, le témoin D, etc.

2 Et puis, il y a des témoins clés du procès Blaskic qu'il faut rappeler à

3 la barre, à qui il faut donner la possibilité de modifier leur opinion,

4 l'opinion qu'ils ont présentée s'agissant de la structure de commandement

5 dans la vallée de la Lasva.

6 Cela représente beaucoup de documents, cela représente beaucoup de

7 témoins.

8 De surcroît, pour que, en l'espèce, il y ait véritablement un procès

9 équitable, cet ensemble de documents doit être évalué dans le cadre des

10 éléments de preuve présentés lors du procès en tant que tel. Nous ne

11 demandons nullement que les éléments de preuve présentés au procès soient

12 passés sous silence, soient ignorés.

13 Nous sommes confiants. Nous pensons que, même si nous n'avons pas eu accès

14 au journal de guerre, il y a eu beaucoup d'éléments véridiques importants

15 présentés lors du procès en première instance. Il faut donc que les

16 nouveaux éléments et les éléments déjà présentés soient comparés, soient

17 évalués. Le procès a été long. Je crois que nous avons eu 60 jours de

18 témoignage, l'accusation 75 jours, et le nombre d'éléments de preuve

19 s'élève à plus d'un millier. Beaucoup d'éléments de preuve devront donc

20 être évalués.

21 Quelle est la meilleure façon, la façon la plus efficace de procéder à

22 cette évaluation, à cette synthèse?

23 Nous estimons, et je ne suis pas sûr que l'accusation soit en désaccord

24 avec nous, que ce n'est pas quelque chose que vous puissiez faire dans vos

25 bureaux. Vous pourrez certes empiler tous les documents, mais d'eux-mêmes,

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1 ils ne se mélangeront pas. Il n'en sortira pas une vérité absolue. Il faut

2 qu'il y ait un processus qui soit mis en śuvre et ce processus, c'est

3 celui du contradictoire où les parties essaient de déterminer quelle est

4 la vérité, interrogent, contre-interrogent les témoins, montrent des

5 documents aux témoins. Et cela ça s'appelle "un procès".

6 Ce n'est pas une audience aux termes de l'Article 115. Ce ne sont pas des

7 écritures soumises au Chambre, c'est un procès. Et nous allons avoir

8 besoin d'un nouveau procès pour que les Juges des faits puissent analyser,

9 puissent passer en revue, puissent prendre connaissance des documents et

10 en arriver à un verdict juste, à un verdict équitable.

11 Et, comme je l'ai dit précédemment, nous estimons que ce procès doit être

12 conduit devant une Chambre de première instance pour une raison

13 supplémentaire dont j'ai à vous faire part: c'est qu'il convient de

14 préserver le droit de l'accusé à interjeter appel. Si vous, vous tenez une

15 sorte de mini procès ou même un procès qui durerait quelque six mois,

16 comment l'accusé pourrait-il faire appel? L'accusé n'aurait plus la

17 possibilité de faire appel.

18 Nous vous faisons bien entendu toute confiance. Je ne veux nullement dire

19 que nous sommes préoccupés, du point de vue pratique, par cette

20 perspective, mais nous estimons que, si l'on va examiner de manière

21 approfondie les éléments de preuve, si l'on a une procédure qui va durer

22 six mois, il faut que cela soit fait devant une Chambre de première

23 instance pour que le droit d'appel de l'accusé soit garanti.

24 J'aimerais à présent traiter de deux questions supplémentaires dans le

25 temps qui me reste. Peut-être qu'il ne s'agit, en fait, que d'une seule

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1 question. Non, il s'agit de deux.

2 Je pense qu'il est nécessaire de procéder à un nouveau procès pour tous

3 les chefs de l'Acte d'accusation; ce nouveau procès devrait se dérouler

4 devant une nouvelle Chambre.

5 Permettez-moi, tout d'abord, de parler de la première question. L'absence

6 de procédure équitable dans la phase de première instance a été entachée

7 par un manque d'équité. Le fait que nous n'avons pas eu accès aux

8 documents pertinents, le fait que les services du renseignement ont

9 travaillé à notre encontre, le fait que nous n'avons pas pu disposer de

10 tous les matériaux, de tous les éléments de preuve à décharge, tout cela

11 signifie qu'il faut écarter tous les chefs d'accusation.

12 Par ailleurs, de nombreux moyens de preuve sont directement liés à

13 l'allégation selon laquelle le colonel Blaskic exerçait un contrôle

14 efficace sur l'ensemble des forces du HVO de la vallée de la Lasva.

15 Et si vous acceptez -et je pense que vous devriez le faire- qu'il y ait un

16 doute raisonnable qui se fonde sur les anciens éléments de preuve et les

17 nouveaux éléments de preuves présentés -en effet, il y a un doute

18 raisonnable que le colonel Blaskic n'exerçait pas de contrôle efficace sur

19 l'ensemble de ses troupes-, à ce moment-là, la preuve d'un acte précis

20 fait par lui, un acte quelconque qu'il aurait accompli, un ordre qu'il

21 aurait pu donner ou une omission qu'il aurait peut-être faite, à ce

22 moment-là, quelque chose de cette nature sera nécessaire: parce que sinon

23 la Chambre de première instance ne pourrait pas conclure qu'il exerçait un

24 contrôle.

25 Et nous devons tout mettre en śuvre lors du prochain procès, de telle

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1 sorte que ces nouveaux éléments de matériel puissent être présentés. Et

2 ceci a une répercussion sur l'ensemble des chefs d'accusation. Si vous

3 examinez le jugement, il n'y a pas de chefs à propos desquels le Tribunal

4 pourrait s'écarter et dire qu'effectivement, il y avait un contrôle

5 efficace.

6 C'est la raison pour laquelle nous pensons que l'absence de contrôle

7 efficace et réel se répercute sur tous les chefs d'accusation. Je vois

8 qu'un tableau a été présenté par mon collègue et je n'ai pas encore eu

9 l'occasion de l'examiner ni d'y répondre.

10 J'ai cru comprendre que, Monsieur le Président et vous-mêmes, les Juges,

11 vous ne vouliez pas discuter l'ensemble de ces documents, que vous vouliez

12 simplement disposer d'une liste de références sur laquelle nous nous

13 étions appuyés et que vous vouliez simplement que nous examinions les

14 différents points pour lesquels il est nécessaire de procéder à un nouveau

15 procès. C'est la raison pour laquelle je vous demanderais de bien pouvoir

16 bénéficier d'un peu de temps afin de pouvoir passer en revue l'ensemble

17 des éléments qui figurent sur cette liste de références de source

18 juridique.

19 Je ne serais pas en mesure d'aborder cette question dès à présent;

20 j'aimerais le faire, si vous me le permettez, lors de la phase de la

21 réplique. C'est la raison pour laquelle je propose de passer à présent à

22 la dernière question: il s'agit plus particulièrement de savoir s'il est

23 nécessaire d'envisager un nouveau procès, non pas devant l'ancienne

24 Chambre de première instance, mais qu'il faudrait envisager de constituer

25 une nouvelle Chambre de première instance.

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1 Notre position est la suivante: nous pensons, pour notre part, qu'il

2 serait nécessaire d'envisager une nouvelle constitution de Chambre de

3 première instance. Nous ne voulons pas attaquer pour autant l'ancienne

4 Chambre de première instance, nous ne les accusons pas d'un préjugé

5 quelconque; nous pensons simplement que la Chambre de première instance a

6 commis une erreur étant donné qu'elle ne disposait pas de toutes les

7 informations les plus pertinentes au moment où elle a dû statuer et

8 prononcer un verdict.

9 Si l'on examine à présent les différents éléments sur lesquels la Chambre

10 de première instance devrait s'arrêter, nous pensons qu'il serait peut-

11 être bon de citer l'exemple suivant: il s'agit de "l'affaire Etats-Unis

12 contre Robin"; nous pensons ici plus particulièrement à l'entrée n°15 de

13 notre liste de références. Il identifie dans ce document un élément

14 particulièrement intéressant, à savoir si le procès doit se dérouler

15 devant l'ancien juge ou devant un nouveau juge. Ceci figure sur notre

16 tableau à la ligne 15.

17 La première question qui était posée était la suivante: peut-on imaginer

18 de recommencer à envisager un procès ou non? Deuxième question: est-ce

19 qu'il serait bon d'envisager une nouvelle constitution de la Chambre? En

20 troisième lieu: est-ce que ceci aurait des répercussions et est-ce qu'on

21 utiliserait à mauvais escient les ressources?

22 Permettez-moi de revenir sur la première question. Est-ce que l'ancienne

23 Chambre de première instance peut raisonnablement être en mesure de dire

24 qu'elle a commis une erreur, qu'elle est parvenue à des conclusions

25 erronées, que les témoignages peuvent être modifiés à partir du moment où

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1 de nouveaux témoins viendraient déposer ou que l'on rappellerait d'anciens

2 témoins?

3 Nous pensons que ceci serait particulièrement difficile. Des centaines de

4 témoins ont été entendus; il est difficile de tout suivre pas à pas. Il y

5 aura également les témoignages ou les comptes rendus d'audience qui ont

6 été recueillis à partir de dépositions de témoins dans l'affaire Kordic.

7 Certains de ces témoins ont témoigné dans l'affaire Kordic, etc. Par

8 conséquent, la mesure dans laquelle un nouveau procès nous permettrait de

9 jeter un nouveau regard sur les éléments de preuve, nous pensons qu'il

10 incombe à une nouvelle Chambre de première instance de s'acquitter de

11 cette tâche.

12 En deuxième lieu, nous pensons que le fait de confier à une nouvelle

13 Chambre de première instance permettrait d'aller de l'avant, cela

14 permettrait de veiller au respect de la justice et d'assurer le respect du

15 Tribunal.

16 En troisièmement lieu, si l'on affecte à ce moment-là une nouvelle Chambre

17 de première instance, est-ce que ceci ne signifie pas pour autant qu'il y

18 aurait duplication de l'utilisation des ressources? Nous pensons que la

19 réponse est négative parce que la Chambre de première instance d'origine

20 ne peut pas être reconstituée: les membres de cette Chambre de première

21 instance ne sont plus membres de ce Tribunal.

22 Par conséquent, par définition, je pense qu'il est nécessaire de

23 réexaminer l'ensemble de ces éléments de preuve. Si un Juge doit entendre

24 quelque chose de nouveau, à ce moment-là, l'ensemble des membres de la

25 Chambre devra les examiner.

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1 Il est nécessaire d'examiner à cet égard les exemples de jurisprudence;

2 Nous avons examiné de façon plus proche les jurisprudences en Allemagne,

3 en France et Italie, notamment en ce qui concerne la procédure du Code

4 pénal. Ainsi, par exemple, dans les sections 354, 610 et 623.

5 En ce qui concerne à présent les autorités du common law, nous avons

6 trouvé des sources aux Etats-Unis d'Amérique, notamment concernant deux

7 cours d'appel de circuit, qui ont décerné des décisions ou qui ont publié

8 des pratiques pour essayer de statuer au sujet d'affaires au pénal, et

9 ceci devant un nouveau juge.

10 Si vous me le permettez, j'aimerais à présent marquer une légère pause

11 afin de pouvoir conférer avec mes collègues.

12 Je n'ai pas d'autre observation à formuler et je me tiens à votre

13 disposition pour répondre à d'éventuelles questions que vous auriez.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Hayman.

15 Je m'adresse à mes collègues. Juge Güney, souhaitez-vous prendre la

16 parole?

17 M. Güney (interprétation): Lors de votre intervention, vous avez insisté

18 sur le fait que l'autorité n'était pas incarnée par le colonel Blaskic,

19 mais que l'autorité résidait à Mostar. Et vous concluez en disant que le

20 colonel Blaskic n'exerçait pas de contrôle effectif sur les forces.

21 J'aimerais, si vous me le permettez, avoir une réponse à la question

22 suivante: pensez-vous que le fait qu'il existe différentes autorités de

23 commandement permette de conclure que l'autorité de commandement n'était

24 pas exercée dans les faits? Je vous remercie.

25 M. Hayman (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Telle

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1 était, en effet, notre position lors de la phase de première instance.

2 Il y a plusieurs niveaux de commandement, plusieurs niveaux d'autorité.

3 Permettez-moi de vous donner l'exemple de la police militaire, en parlant

4 plus particulièrement de l'Unité des Jokeri. Il y avait une ligne de

5 commandement de jure qui faisait qu'ils devaient rendre des comptes à

6 Mostar. Ils ont reçu des instructions afin de rendre, de présenter des

7 rapports au colonel Blaskic pour leurs activités quotidiennes. Par

8 conséquent, il y avait une ligne en tirets (sic) qui les reliait au

9 général Blaskic.

10 Et puis, nous pensons également qu'il y a eu des éléments de preuve qui

11 ont été présentés et qui ont été portés à votre attention et qui

12 précisaient qu'en fait, il y avait un lien de commandement de facto qui

13 les reliait à Dario Kordic. Par conséquent, l'Unité des Jokeri et la

14 police militaire étaient en fait soumis à trois niveaux de commandement,

15 et tout dépendait des activités auxquelles se livraient ces unités.

16 Ceci ne signifie pas pour autant qu'il est impossible que le général

17 Blaskic exerçait un contrôle efficace sur ces unités à un moment donné;

18 telle n'est pas notre affirmation. Nous prétendons, pour notre part, que

19 s'il y a trois niveaux, à ce moment-là la Chambre de première instance ne

20 peut pas conclure qu'il y a un seul niveau. En fait, il faut tenir compte

21 des faits, savoir ce qui s'est produit, quels ont été les événements,

22 examiner les rapports, savoir qui connaissait quoi et savoir si telle ou

23 telle unité avait commis un crime, est-ce que ce crime avait été commis de

24 leur propre gré, est-ce qu'ils avaient suivi des ordres de Dario Kordic,

25 est-ce qu'ils avaient suivi des instructions de la police militaire de

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1 Mostar ou est-ce qu'ils avaient suivi des instructions du général Blaskic,

2 en supposant qu'à cette époque il y avait un lien de subordination?

3 Voilà notre position. Je pense qu'il faut tenir compte de tous ces

4 éléments et on ne peut pas écarter deux niveaux de commandement.

5 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur.

6 M. Gunawardana (interprétation): L'accusation fait valoir que vous essayez

7 de demander un nouveau procès sur la base d'éléments de preuve qui n'ont

8 pas été contestés et que, par conséquent, vous demandez un nouveau procès?

9 M. Hayman (interprétation): Les documents, Monsieur le Juge, et je n'ai

10 pas consulté l'ensemble de ces documents… Je peux simplement essayer de

11 vérifier cela avant de faire la réplique, mais l'ensemble de ces documents

12 relèvent des archives militaires. Ce sont des documents qui ont été créés

13 au fur et à mesure, mais il faut examiner ces documents pour voir d'où ils

14 émanent.

15 Et lorsque vous avez un journal de guerre, il s'agit à ce moment-là d'un

16 secrétaire qui remplit, jour après jour, minute par minute, ce qui s'est

17 passé. Et si vous avez un rapport du service du renseignement, à ce

18 moment-là vous pouvez également déterminer ce qui s'est passé.

19 Est-ce que vous savez qui a été interviewé? Est-ce que, sur la base de ce

20 rapport, on sait d'où il émane?

21 Nous pensons, pour notre part, que ces documents relèvent des archives

22 officielles. L'accusation ne peut pas s'en inspirer pour statuer d'une

23 manière ou d'une autre.

24 Nous pensons que l'accusation a voulu utiliser certains éléments dans

25 l'affaire Kordic. Il s'agit, dans la plupart des cas, de leurs témoins. Il

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1 s'agit par exemple (expurgé) ou il s'agit de M. Braljas, et

2 je ne pense pas qu'ils vont vous dire, pendant leurs réponses, que ces

3 témoins ne bénéficiaient pas d'une crédibilité ou d'un manque de

4 fiabilité. Ils les ont trouvés suffisamment crédibles et fiables pour les

5 présenter dans l'affaire Kordic.

6 En outre, nous avons deux témoins qui ont indiqué qu'ils étaient disposés

7 à entendre ces éléments. Ils ont prononcé une déclaration solennelle et…

8 Dans un cas, du moins, il s'agit d'une déclaration dans laquelle la

9 personne s'incrimine elle-même; il s'agit là d'une déclaration qui va à

10 l'encontre des intérêts de cette personne parce que dans le système

11 juridique d'où j'émane, il s'agit là de quelque chose de particulièrement

12 sérieux. Il s'agit là d'un élément qui doit être pris avec sérieux.

13 Enfin, je vous fais remarquer, Messieurs les Juges, que s'agissant des

14 informations, des nouveaux éléments de preuve qui émanent de différentes

15 sources, vous pouvez, à ce moment-là, procéder à une comparaison rapide de

16 ces données et vous trouverez par exemple que ces témoignages qui ont été

17 donnés par ces témoins dans l'affaire Kordic et que nous aimerions pouvoir

18 présenter. Il y a notamment les déclarations des deux témoins sur

19 lesquelles nous aimerions pouvoir revenir, et nous vous invitons à vous

20 prononcer en votre qualité de Juges des faits.

21 Donc il s'agit là d'éléments qui corroborent ces nouveaux éléments de

22 preuve.

23 M. Gunawardana (interprétation): Par conséquent, vous êtes en train de

24 montrer qu'il y a des preuves qui établissent l'authenticité de ces

25 documents?

Page 113

1 M. Hayman (interprétation): Oui. En fait, ces documents figurent au sein

2 des archives officielles. Nous pouvons demander à un dépositaire de ces

3 archives de se déplacer.

4 Les témoins pensent qu'il est nécessaire de témoigner et de déclarer

5 solennellement qu'ils s'engagent à faire une déclaration et ils pourraient

6 ensuite faire l'objet d'un contre-interrogatoire, mais je ne pense pas que

7 l'accusation pense qu'il soit nécessaire de les mettre à l'épreuve avant

8 que les Juges ne prennent une décision.

9 Nous sommes tout simplement en train de dire que ces témoins doivent être

10 mis à l'épreuve, doivent être soumis à un contre-interrogatoire parce que

11 je pense que vous connaissez déjà suffisamment de faits.

12 M. Gunawardana (interprétation): Je vous remercie.

13 M. le Président (interprétation): Juge Hunt?

14 M. Hunt (interprétation): Monsieur Hayman, un des facteurs que nous devons

15 examiner a trait à l'affaire que vous avez citée; il s'agit de l'affaire

16 aux Etats-Unis.

17 Vous avez parlé d'une perte des ressources ou d'un gaspillage des

18 ressources dont il serait question si on envisage un nouveau procès. La

19 durée du premier procès constitue un facteur d'alerte, dans le cadre de ce

20 procès. Et, en fait, je pense qu'il serait peut-être bon de simplement

21 envisager de déposer les comptes rendus d'audience.

22 M. Hayman (interprétation): Bien sûr, mais je devrais m'entretenir au

23 sujet de cette question.

24 Toutefois, je pense qu'une grande partie de ces témoignages pourraient

25 être utilisés. Par exemple, nous avons passé presque une année au niveau

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1 de phase de la première instance en entendant les victimes de différents

2 villages, y compris les survivants du massacre d'Ahmici, et ils ont

3 témoigné à concurrence de 98%. Il s'agit en fait de preuves qui ne peuvent

4 pas être mise en doute.

5 Je pense par ailleurs qu'une partie importante de ces témoignages doit

6 être acceptée en se fondant sur le compte rendu d'audience.

7 Mais je pense également que des villages ont été incendiés, que des civils

8 sont morts à Ahmici et que les témoignages qui ont été apportés émanent de

9 personnes qui s'étaient entretenues avec le colonel Blaskic et les membres

10 de la communauté internationale qui ont prononcé des témoignages et qui se

11 sont exprimés au sujet de la chaîne de commandement au sein du HVO. Tous

12 ces témoins devraient être rappelés et devraient de nouveau être

13 confrontés à ces nouveaux éléments de preuve.

14 Je ne sais pas si cela signifie que le procès serait tout aussi long. Je

15 sais que le procès antérieur s'était écoulé sur une période de 24 mois et

16 qu'il y avait simplement 135 jours de procès.

17 Par conséquent, je vous rappelle également que nous avons simplement une

18 salle.

19 M. Hunt (interprétation): Vous comprenez donc ma question, je pense!

20 Lorsqu'on lit ces documents ou une partie de ces documents, on voit par

21 exemple qu'il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas été révélées

22 pratiquement jusqu'au moment où votre client a commencé à déposer, donc la

23 thèse générale de la défense c'est à cela que je fais référence. Et il me

24 semble que s'il y a un nouveau procès, il faudrait que les conditions dans

25 lesquelles se déroulent ce procès soient précisées de manière assez

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1 stricte et rigoureuse.

2 J'accepterais, pour ma part, un certain nombre de qualifications que vous

3 avez prononcées; en effet, il ne faudrait pas revenir à une année entière

4 de dépositions. Mais vous comprenez qu'il devrait y avoir des conditions

5 prononcées pour un nouveau procès.

6 M. Hayman (interprétation): Oui, je suis entièrement d'accord avec vous,

7 Monsieur le Juge. Et s'il devait y avoir un nouveau procès, les deux

8 parties devraient se réunir.

9 Un certain nombre d'entre nous sont engagés dans cette affaire depuis déjà

10 un certain temps, c'est depuis 1996, je pense que nos visages le

11 traduisent. Donc il faudra nous réunir et voir de manière tout à fait

12 franche comment on peut réduire un certain nombre de choses, avoir des

13 points de d'accord, ou simplement verser un certain nombre de dépositions,

14 ou simplement résumer des dépositions pour que la Chambre ne soit pas

15 appelée à lire des piles et des piles de documents redondants; donc c'est

16 dans ce sens-là que nous devrions travailler ensemble. Ce qui nous

17 permettra de ne pas gaspiller les journées de notre vie, ainsi que la vie

18 de l'accusé.

19 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

20 Nous en avons conclu avec cette partie de l'audience.

21 Nous allons reprendre à 17 heures 45.

22 (L'audience, suspendue à 17 heures 24, est reprise à 17 heures 49.)

23 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu les arguments des

24 parties et, à présent, nous pouvons entendre les réponses. Je donne la

25 parole à l'accusation.

Page 116

1 (Réplique de l'accusation, présentée par M. Farrell.)

2 M. Farrell (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,

3 Messieurs les Juges.

4 Pour commencer, je ferai une observation de nature générale. Je ne sais

5 pas encore où se trouve l'erreur qui exigerait que l'on organise un

6 nouveau procès. Il se peut que je m'abuse en interprétant les réactions de

7 la défense, mais je n'ai pas entendu où se situent les erreurs de la

8 Chambre et je ne vois pas non plus où se trouvent les éléments de preuve

9 et les faits où il y aurait eu une mauvaise évaluation des faits, comme

10 cela a été exigé dans l'affaire Tadic.

11 S'agissant de la jurisprudence de ce Tribunal et de la procédure telle

12 qu'elle est appliquée de ce Tribunal, elle ne peut pas être détournée

13 simplement parce qu'il y a un document de nature très extensive. La loi de

14 ce Tribunal exige, comme ceci a été dit dans l'affaire Kupreskic, que l'on

15 teste les éléments de preuve et qu'on détermine si cela a une influence ou

16 non au point que l'on démontre qu'il n'est pas raisonnable, qu'il n'y a

17 pas eu de jugement raisonnable de faits sur la base des éléments de preuve

18 qui ont été entendus.

19 Si cette Chambre entend une requête sur le déni de justice, comment

20 pourriez-vous garantir l'ouverture d'un nouveau procès parce que

21 l'appelant n'a pas eu droit à cela, à l'époque? Ceci est un point tout à

22 fait séparé. Et ceci a à voir avec la norme au titre de l'Article 115.

23 Les trois arguments que nous avons entendus de la part de mon collègue qui

24 en a fait toute une série, eh bien, je pense qu'il conviendrait que je ne

25 parle que de ces trois arguments qui étayent son allégation de déni de

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1 justice ou de l'omission de communiquer des documents à la défense.

2 Il a déclaré, tout d'abord, que les archives de l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine n'ont pas été communiquées à la défense, en dépit de demandes

4 de la défense. Et je suis sûr que vous savez que les archives de l'armée

5 de Bosnie-Herzégovine ne se sont pas trouvées entre les mains de

6 l'accusation jusqu'à il y a quelques mois, ou plutôt quelques mois après

7 le début de la fin de ce procès. Donc il n'y a pas eu d'omission ou

8 d'erreur, pour ce qui est des archives de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

9 Les archives qui ont été découvertes par le Procureur à l'automne de

10 l'année 2000 ont été communiquées immédiatement, conformément au

11 Règlement.

12 J'insiste sur le fait qu'aucun des documents reçus par cette Chambre ou

13 admis par cette Chambre n'émanait des archives de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine. Sur les 47 documents, il n'y en a aucun qui émanait des

15 archives. Donc il n'y a pas, ici, d'argument fondé au sujet d'erreurs dans

16 le comportement de l'accusation, donc quelque chose qui peut être évoqué

17 durant une procédure d'appel.

18 Un deuxième point qui concerne les archives croates. Il y a eu beaucoup

19 d'arguments au sujet de la disponibilité de ces archives et je ne ferai

20 pas de commentaire à ce sujet. Un seul point: à savoir, le Procureur a

21 essayé de procéder sans l'ensemble des éléments de preuve; c'est ce

22 qu'allègue l'autre partie, la défense.

23 Or la défense, durant le procès, n'a jamais présenté de requête demandant

24 accès aux archives croates. Le Procureur en a présenté de nombreux, et

25 jamais il n'a été dit par la défense qu'elle n'avait pas accès à ces

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1 documents. Donc s'ils souhaitent argumenter cela, ils peuvent le faire

2 pendant l'appel.

3 Enfin, la défense affirme que nous n'avons pas communiqué des documents et

4 je pense qu'il cite trois exemples. Ceci peut faire partie de leur appel,

5 mais il n'a pas été démontré que ces allégations sont vraies et j'estime

6 que la Chambre ne devrait pas estimer que ceci constitue une base

7 suffisante pour un argument permettant donc de lancer une procédure

8 d'appel.

9 S'agissant des commentaires qui ont été dits au sujet des éléments de

10 preuve, je ne voudrais pas aborder cela en détail. Concernant les

11 documents auxquels je me suis référé, à savoir les documents des Vitezovi,

12 eh bien, il s'agit de documents spécifiques. Le commandant des Vitezovi a

13 dit qu'il se trouvait sous les ordres de Blaskic au moment pertinent; et

14 la défense dit que si vous vous penchez sur l'ensemble de ces documents,

15 vous verrez que le nom de Blaskic ne figure pas sur l'un quelconque de ces

16 documents.

17 Le Procureur a présenté aujourd'hui l'ordre émanant de Blaskic et adressé

18 aux Vitezovi. Eh bien, cet ordre est bien signé par Blaskic. Et un autre

19 rapport émane de Blaskic, adressé à l'état-major au sujet des Vitezovi.

20 Donc la question de savoir s'il y a une copie n'est pas pertinente. Et un

21 troisième rapport est celui de Kraljevic à l'état-major où il dit qu'il se

22 trouve sous les ordres de Blaskic.

23 Donc je dois dire que cette allégation n'est pas fondée. Mon collègue

24 s'est référé à Rajic; cela figure dans les documents complémentaires, à la

25 fin des documents. Et il a dit que cela montrait qu'ils ont été coupés,

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1 isolés et que Rajic répondait directement à Mostar.

2 Si vous vous rappelez les documents qui ont été reçus, ils sont en

3 relation directe à la correspondance de Rajic et de Mostar, et la partie

4 X, Y, à savoir la partie serbe. Et cela a à voir avec la question si, oui

5 ou non, ils avaient moyen d'obtenir une aide logistique de la partie

6 serbe.

7 Si vous vous penchez sur les deux documents qui ont été fournis, dans les

8 documents c'est Blaskic qui a rédigé l'ordre, la demande à l'état-major

9 sur ce point précis, et il a dit que c'était à un niveau très élevé entre

10 l'armée serbe et les officiers supérieurs du HVO, donc que c'était à ce

11 niveau-là que cela devait être traité par l'état-major de Mostar. Puis il

12 est dit que Blaskic est coupé, isolé, qu'il n'a pas accès à la zone serbe,

13 que Rajic en revanche a accès; et vous verrez dans les documents qui ont

14 été déposés qu'il y a un deuxième document dans lequel il est question de

15 Blaskic. Il est impliqué dans la correspondance entre Rajic et l'état-

16 major et sur ce point précis.

17 Le reste de mes documents, à mon avis, n'est pas suffisant pour exiger un

18 nouveau procès et ne n'appuie pas sur les arguments qui ont été avancés.

19 Mon collègue se réfère au fait que l'accusation essaie d'impliquer Cerkez

20 dans les crimes d'Ahmici et que la Chambre de première instance dans

21 l'affaire Kordic/Cerkez a pu établir que les Vitezovi ne se sont pas

22 trouvés sur place.

23 Premièrement, tous les documents qui ont été présentés à la Chambre ne se

24 sont pas retrouvés devant la Chambre de première instance.

25 Deuxièmement, mon collègue s'appuie sur des déterminations de l'affaire

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1 Kordic. Eh bien, moi, je m'appuierai sur les déterminations disant que

2 Blaskic a été impliqué et est impliqué dans l'affaire Ahmici. Et je dois

3 dire que les ordres de défense, en fait, n'avaient aucun poids; et je suis

4 heureux de constater qu'il a travaillé de concert avec Kordic pendant

5 toute cette époque.

6 Pour ce qui est du journal de guerre en relation avec la Brigade de Vitez,

7 il affirme qu'il n'y a rien dans le journal de guerre au sujet de la

8 Brigade de Vitez se trouvant à Ahmici. Eh bien, il est difficile

9 d'imaginer que cette Chambre demanderait une réouverture du procès sur la

10 base de cela, sur la base de quelque chose qui ne s'y trouve pas. Et ce

11 qui est encore plus important -si vous vous penchez sur le journal de

12 guerre ainsi que sur les ordres que j'ai présentés aujourd'hui- eh bien,

13 l'un des ordres a été délivré à 2 heures et il demande que Cerkez fasse

14 rapport et c'est une entrée au 13.55 demandant à Cerkez de contacter

15 Blaskic.

16 Il y a également une entrée entre deux et trois ordres demandant à Cerkez

17 de contacter Blaskic et de faire un rapport sur la situation sur le

18 terrain. A la lumière de ces ordres, il est tout à fait clair qu'il fait

19 rapport à Blaskic. L'autre partie se réfère au rapport du MUP.

20 Eh bien, je pense qu'il est assez difficile de comprendre pourquoi. La

21 partie à laquelle elle se réfère précisément est la réunion clandestine

22 qui s'est tenue chez Dario Kordic où on a décidé de tuer les gens

23 d'Ahmici. Eh bien, à moins que je ne m'abuse, et je suis prêt à être

24 corrigé là-dessus, il n'y a pas d'éléments de preuve indépendants dans les

25 documents là-dessus.

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1 Si vous vous penchez sur le rapport du MUP, ce passage émane d'une

2 interview menée par le conseil de la défense Anto Nobilo. Je suis très

3 étonné qu'il se fonde sur une interview du conseil de la défense bien

4 après les événements qui se sont produits. A moins que M. Nobilo souhaite

5 se retrouver ici comme témoin et nous l'expliquer.

6 Donc je pense que le rapport du MUP n'a que très peu de valeur et c'est le

7 moins qu'on puisse dire. Ensuite, la défense demande de réagir de la

8 manière la plus juste et la plus efficace et elle estime qu'il convient

9 d'organiser un nouveau procès. La chose sur laquelle vous devez décider

10 aujourd'hui est de savoir -me semble-t-il- est de voir que faire des

11 éléments de preuve additionnels.

12 Cette Chambre d'appel a l'autorité de ramener cette affaire devant une

13 Chambre de première instance si elle décide qu'elle n'est pas en position

14 de traiter les éléments de preuve additionnels. Celle-ci n'implique pas

15 automatiquement un nouveau procès. Comme je l'ai déjà dit, il y a ici une

16 jonction entre la norme d'admissibilité et la norme imposant un nouveau

17 procès. Et il me semble que ce ne serait pas une manière correcte de

18 procéder. Je n'accepte pas ce que vient de dire mon collègue lorsqu'il

19 s'agit du paragraphe 70 du jugement Kupreskic. Il y est dit: "Mais dans le

20 cas plus probable où la partie adverse conteste la valeur des moyens de

21 preuve supplémentaires, la Chambre d'appel est face à une alternative: ou

22 examiner elle-même ces moyens pour décider de leur valeur, ou renvoyer

23 l'affaire devant une Chambre de première instance, soit la Chambre

24 initiale, soit une nouvelle Chambre à charge pour celle-ci d'examiner les

25 nouveaux éléments."

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1 Et je ne pense pas qu'il y ait ici une ambiguïté quelle qu'elle soit. A un

2 moment, mon collègue a indiqué -et je pense que c'était en réponse à la

3 question qui a été posée par M. le Juge Güney-, il a répondu au sujet des

4 chaînes de commandement et d'autorité. Il a dit qu'il y a eu plusieurs

5 chaînes de commandement, par exemple pour les Jokeri. Et vous ne pouvez

6 pas, sur la base du fait qu'il y en ait plusieurs, supposer qu'il y en a

7 un qui mène en dernière instance à Blaskic. Il estime que vous devez vous

8 pencher sur tous les faits, les examiner tous. Là, je serais d'accord. Je

9 pense que vous devriez examiner tous les faits et ceci comprend les faits

10 que le Procureur vous a présentés ainsi que les faits que le Procureur

11 vous présenterait à ce sujet afin de vérifier les éléments de preuve.

12 Ceci ne concerne pas Ahmici, même s'il y a beaucoup de choses à dire à ce

13 sujet. Cela concerne un comportement sur 14 mois, de nombreux chefs

14 d'accusation, de nombreuses localités d'un point de vue géographique, et

15 l'accusation estime que de nombreux chefs d'accusation n'ont rien à voir

16 avec les nouveaux éléments d'évidence et que le plan, le diagramme vous a

17 été fourni. Et nous serons prêts à le fournir également à la défense.

18 Une partie de l'argument de la défense au sujet des éléments de preuve

19 concerne tous les chefs d'accusation, à savoir le fait que les éléments de

20 preuve concernent son contrôle effectif sur l'ensemble des forces du HVO.

21 J'attire votre attention sur un point, le point qui concerne Grbavica. Il

22 s'agit du pillage des biens aux Chefs allant de 11 à 13, l'un des chefs

23 concernant la municipalité de Vitez en septembre 1993. C'est donc la

24 localité appelée Grbavica. La Chambre de première instance a condamné

25 l'appelant pour l'attaque menée sur Grbavica, et ce, pour les raisons

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1 suivantes, à savoir "les forces qu'il a utilisées pour participer à cette

2 attaque ont été sélectionnées par lui, personnellement". Et je cite cela

3 sur la base du jugement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

4 Lui-même a pris part à cette attaque, les unités qui ont participé à

5 l'attaque étaient directement subordonnées à Blaskic, comme cela nous a

6 été dit lors de la déposition d'un des témoins. C'était un des membres des

7 Jokeri et de la police militaire; le chef de la police militaire en

8 septembre n'était pas Ljubicic, c'était un commandant qui a été choisi au

9 hasard par Blaskic qui a déposé pendant le procès et qui a indiqué qu'il a

10 agi directement sous les ordres de Blaskic.

11 La Chambre de première instance a constaté son implication à ces attaques

12 et a considéré qu'il s'agissait d'une participation criminelle. Il n'y a

13 pas d'éléments de preuve nouveaux qui ont quoi que ce soit à voir avec ce

14 chef d'accusation. Je dois dire que vous devriez vous pencher sur les

15 arguments des parties sur ce point et examiner sérieusement la question de

16 savoir si effectivement, oui ou non, tout a été effectivement concerné par

17 cela.

18 La défense accepte le fait qu'elle respecte énormément les déterminations

19 de la Chambre et, bien sûr, ceci ne conteste pas de nombreuses

20 déterminations de fait, telles qu'elles ont été conduites. Ceci est peut-

21 être le cas, mais si nous lançons une procédure d'appel proprement dite,

22 je leur demanderai de savoir s'ils ont l'intention de continuer dans ce

23 sens pour ce qui est des faits, puisque l'appelant a contesté chacune des

24 déterminations factuelles qui figurent dans le jugement. Ils ont même

25 contesté le nombre de victimes d'Ahmici. Donc j'ai l'impression qu'ils ne

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1 peuvent pas demander les deux choses à la fois.

2 Le point essentiel qui est devant la Chambre en ce moment est l'étendue

3 des documents et sa capacité à entendre cette affaire. Il me semble qu'il

4 y a une différence entre un nouveau procès où tous les témoins viendraient

5 déposer, où certains devraient venir re-déposer, et la question

6 relativement limitée qui concerne les documents et les deux témoins dont

7 la déposition modifierait le jugement.

8 La question est de savoir si, oui ou non, le fondement de l'ensemble des

9 éléments de preuve vous permettrait de prendre une décision éclairée, si

10 cela devrait donner lieu à un nouveau jugement. La manière d'agir est bien

11 sûr la suivante: la Chambre d'appel a l'autorité de le faire ou de rendre

12 l'affaire à une Chambre de première instance pour le seul point qui

13 concerne les nouveaux éléments de preuve. Pour ce qui est de l'audience

14 sur des éléments de preuve supplémentaires, ce qu'il convient de vérifier,

15 c'est la véracité des témoins ou tout ce qui concerne leur déposition au

16 sujet du jugement. Il s'agit d'un point très restreint et ceci a été

17 limité par cette Chambre dans toutes les affaires Kupreskic, Musema et

18 Kambanda.

19 Il me semble que l'appelant fusionne les deux points. L'appelant nous dit

20 que l'accusation n'a pas fourni un certain nombre de documents, que cela

21 justifie un nouveau procès. D'autre part, il y a des éléments de preuve

22 qu'il convient d'examiner de manière contradictoire. Je pense que j'ai

23 montré clairement que ceci n'était pas valable.

24 S'agissant de la deuxième question, j'ai déjà présenté mes arguments à

25 l'appui de ma position et je n'ai pas besoin de me répéter. Je suis prêt à

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1 répondre à vos questions.

2 M. Meron (interprétation): Tout d'abord, félicitations à vous-même et à Me

3 Hayman pour votre présentation éminemment professionnelle.

4 Deux questions pour vous, Monsieur Farrell. Premièrement, vous vous

5 souviendrez que M. Hayman a parlé aujourd'hui de 25.000 pages de documents

6 supplémentaires qui doivent encore lui être communiqués. Avez-vous des

7 informations à ce sujet? Qu'en est-il du chiffre exact?

8 M. Farrell (interprétation): Merci. Conformément à ses obligations en

9 matière de communication des pièces, l'accusation est en train de passer

10 en revue un certain nombre de documents qui lui ont été fournis. Il y a

11 éventuellement 25.000 documents concernés. Vous connaissez parfaitement

12 les procédures mises en place par l'accusation pour ce type de recherches.

13 Ce que nous faisons au départ, c'est que nous faisons des recherches par

14 noms, par toponymes, ce qui permet à l'équipe chargée de la recherche de

15 trouver un certain nombre de documents. Mais les critères de recherche

16 sont tellement vastes que cela donne un nombre très important de

17 documents. La première partie de la recherche est donc très générale; elle

18 sera forcément rendue plus pointue par la suite. On ne peut donc pas

19 s'appuyer sur ce chiffre pour estimer le nombre de documents qui vont être

20 communiqués; c'est simplement pour donner une idée à la Chambre du type de

21 travail que nous entreprenons pour fournir des documents pertinents. Donc

22 ces 25.000 documents, certes, il y en a qui pourraient être pertinents

23 mais, à ce stade, nous n'en sommes qu'au début de cette procédure de

24 vérification.

25 M. Meron (interprétation): Mais qu'en est-il de l'affaire qui nous

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1 intéresse ici?

2 M. Farrell (interprétation): S'agissant du rapport original qui a été

3 fourni aux Juges de l'appel, il y a environ un mois, nous avons estimé

4 qu'il nous faudrait quelque trois mois pour passer en revue ces documents.

5 Mais vu nos obligations en matière de communication des pièces, il va

6 peut-être falloir proroger un peu ce délai.

7 M. Meron (interprétation): Merci.

8 Deuxième question: vous avez insisté sur le fait de la nécessité

9 d'examiner en détail les nouveaux éléments de preuve. J'aurais besoin de

10 précisions à ce sujet: que signifie l'examen de tels documents de preuve

11 en dehors de la présentation de documents que vous fourniriez en réplique?

12 M. Farrell (interprétation): Oui, s'agissant des documents, il y a deux

13 choix: soit on a un témoin qui peut parler de ces documents, qui peut

14 déposer au sujet de ces documents; sinon, ça peut se présenter sous la

15 forme de documents en réplique, de documents qui précisent les documents

16 présentés. La question à se poser, à ce moment-là, c'est de savoir si les

17 documents présentés d'une part et d'autre sont compatibles. Or nous

18 estimons qu'aussi bien la Chambre de première instance que la Chambre

19 d'appel peuvent se livrer à cet exercice; cela ne nécessite pas

20 l'ouverture d'un nouveau procès. Pour des raisons pratiques, bien entendu.

21 Bien entendu, cela prend du temps mais ça ne nécessite pas l'ouverture

22 d'un nouveau procès.

23 M. Meron (interprétation): Merci.

24 M. le Président (interprétation): Merci. Mais justement, à ce sujet, si

25 vous avez à présenter des éléments en réplique à cette Chambre d'appel, de

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1 combien de temps aurez-vous besoin, vu ces 25.000 documents dont vous

2 venez de parler? Mais en dehors de cela, en dehors de ces trois mois?

3 M. Farrell (interprétation): S'agissant de ces documents, les 25.000

4 documents doivent être communiqués; mon confrère de la défense a le droit

5 de les voir. Pour ces documents, je crois qu'il faudrait trois à quatre

6 semaines, un mois, un mois et demi, disons, peut-être pas autant; les

7 documents ont déjà été travaillés en préparation de la présente audience.

8 M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur le Juge Hunt?

9 M. Hunt (interprétation): Je voulais revenir sur ce que vous avez dit au

10 sujet de Kupreskic, le critère qui a été appliqué dans cette affaire, dans

11 l'affaire Kupreskic. Je crois que le test était qu'aucun Juge des faits

12 raisonnable n'aurait pu prononcer un acquittement, au vu des éléments de

13 preuve supplémentaires présentés.

14 Effectivement, c'est le critère qui a été mis en oeuvre. Mais vous

15 remarquerez que l'arrêt a vu, a connu un changement de cap parce que dans

16 d'autres parties du jugement, de l'arrêt, on évoque un autre critère, le

17 critère qui est le suivant: "pourrait", "pourrait affecter la décision des

18 Juges des faits", à opposer à "affecterait".

19 Donc est-ce que cela pourrait ou est-ce que cela affecterait la décision

20 des Juges des faits?

21 Je ne veux pas dire ici que le critère Kupreskic doit s'appliquer

22 universellement, mais il a trait à la suffisance ou non d'éléments de

23 preuve au moment du procès. Et en dépit de toute les recherches

24 entreprises jusqu'à maintenant, il n'a pas été montré que cette question a

25 fait l'objet d'écritures de la part des parties devant la Chambre d'appel.

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1 M. Farrell (interprétation): Excusez-moi, je n'ai pas compris.

2 M. Hunt (interprétation): Les parties ne sont pas intervenues, n'ont pas

3 présenté d'argumentation devant la Chambre de première instance,

4 s'agissant du critère à appliquer.

5 M. Farrell (interprétation): Excusez-moi, je ne comprends toujours pas. Si

6 vous nous dites que personne n'a dit que c'était là le critère à

7 appliquer, vous avez sans doute raison.

8 M. Hunt (interprétation): Oui. Et je ne veux pas que vous ayez

9 l'impression que cela est maintenant gravé dans le marbre, que c'est un

10 critère qui doit être universellement appliqué. C'est un critère qui sort

11 de l'ordinaire, on peut le dire, puisque toute partie souhaitant produire

12 des éléments de preuve supplémentaires, une fois que ces éléments sont

13 présents, cette partie serait vouée à l'échec dans la plupart des cas. Or

14 cela, on ne peut pas dire que cela soit juste.

15 M. Farrell (interprétation): Si vous me le permettez, ceci a été plaidé,

16 cette question a été plaidée, a été argumentée. Maître Clegg a présenté le

17 même argument que vous-même, Me Clegg pour la défense; il a dit que cela

18 serait injuste si c'était considéré comme un critère universel, et que

19 cela n'était pas juste pour un accusé qui devrait se conformer au critère

20 du "pourrait".

21 M. Hunt (interprétation): Mais justement… Je vous interromps, je m'en

22 excuse, mais dire que "cela affecterait" ne revient pas à dire la même

23 chose que "aucun Juge des faits raisonnable n'aurait acquitté". C'est bien

24 différent, le critère est bien différent.

25 M. Farrell (interprétation): Si c'est votre argument…

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1 M. Hunt (interprétation): Ce n'est pas mon argument, c'est ce que je vous

2 suggère.

3 M. Farrell (interprétation): Je vous prie de m'excuser; c'est moi qui

4 présente les arguments.

5 Avec tout le respect que je vous dois, cette question a été plaidée; la

6 Chambre a entendu les arguments au sujet de la différenciation à faire et

7 du choix à faire entre "pourrait" et "affecterait", "pourrait affecter" et

8 "affecterait". Et on voit la motivation de la décision de la Chambre dans

9 son jugement, dans son arrêt.

10 On voit bien que la Chambre n'essaie pas de se conformer à la procédure

11 d'un système national, mais avec la pratique du Tribunal pénal

12 international. La Chambre se conforme à l'Article 25 du Statut; elle a

13 estimé que c'était le critère approprié en examinant les éléments de

14 preuve supplémentaires. Elle examine les éléments de preuve

15 supplémentaires, elle les examine dans le contexte des autres éléments de

16 preuve pour décider si le verdict rendu en première instance est

17 raisonnable ou pas.

18 L'objectif, c'est toujours un objectif de cohérence dans le cadre de la

19 jurisprudence. Et, aux termes de l'Article 25, le critère qui doit être

20 rempli, c'est une erreur au niveau des faits qui entraîne une erreur

21 judiciaire. Cela est différent de ce qui a été entendu dans cette affaire

22 au sujet du doute.

23 La Cour, le Tribunal a estimé, dans Tadic et dans Kupreskic, qu'il fallait

24 respecter un certain critère, aux termes de l'Article 25, avant de pouvoir

25 renvoyer l'affaire aux termes de l'Article 117. Et le critère,

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1 effectivement, a été appliqué; c'est le critère qui est certes exigeant,

2 mais qui a été présenté, identifié par la Chambre. Si ce n'est pas le

3 critère que la Chambre souhaite adopter, elle doit avoir des raisons

4 valables pour le faire. Si la Chambre estime que ce critère doit être

5 modifié et qu'il faut déterminer s'il existe des circonstances dans

6 lesquelles un nouveau procès est justifié, je ne pense pas que cela

7 signifie que tout ce qui a été dit dans Kupreskic doive être passé sous

8 silence. Il convient, malgré tout, d'examiner les éléments de preuve avant

9 de pouvoir se prononcer.

10 Le seul élément qui viendrait à l'appui de votre suggestion selon laquelle

11 on pourrait trouver, dans le jugement Kupreskic, autre chose, c'est la

12 chose suivante.

13 Paragraphe 69: lorsque la Chambre d'appel se penche sur la question de

14 "pourrait affecter" ou "affecterait", la Chambre le fait à l'Article 69.

15 Elle estime que le critère "aurait", probablement… , "le critère 'aurait',

16 probablement, reste fondamentalement valable pour décider en dernier

17 ressort s'il y a eu une erreur judiciaire qui appelle annulation de la

18 décision".

19 La Chambre y réfléchit et, ensuite, décide du critère qu'elle va

20 appliquer.

21 M. Hunt (interprétation): Mais aussi bien Tadic que Kupreskic se sont

22 passés de telle manière que la Chambre d'appel a décidé de se pencher à

23 nouveau sur les faits.

24 M. Farrell (interprétation): Oui, dans Musema oui, et dans Kambanda.

25 M. Hunt (interprétation): Et il y a eu renvoi de l'affaire pour un nouveau

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1 procès.

2 M. Farrell (interprétation): Non, je n'ai pas été assez clair. Non, on a

3 décidé de renvoyer l'affaire devant une Chambre de première instance

4 uniquement pour statuer sur les éléments de preuve supplémentaires, pas

5 pour un nouveau procès.

6 M. Hunt (interprétation): Cela, c'est aller un peu loin dans

7 l'interprétation de Kupreskic. Ce qu'on dit là, c'est que rien ne prévient

8 la Chambre d'appel, aux termes de l'Article 117, de dire qu'il serait plus

9 approprié d'ordonner un nouveau procès.

10 Avant de vous laisser répéter à nouveau vos argumentations, veuillez, s'il

11 vous plaît, adopter l'hypothèse suivante: mettons que tout l'examen des

12 éléments de preuve doit être renvoyé devant une nouvelle Chambre de

13 première instance. Ce que vous nous dites -et cela ne figure pas dans

14 Kupreskic-, c'est que la Chambre d'appel n'a pas le pouvoir de demander un

15 nouveau procès sur la base de nouveaux éléments de preuve présentés, mais

16 que tous les témoins, tous les éléments de preuve doivent être examinés

17 par la Chambre d'appel.

18 M. Farrell (interprétation): La nature, la structure du critère appliqué

19 dans Kupreskic se présente en quatre étapes. Premièrement, l'étape de

20 l'admissibilité; deuxièmement, examen contradictoire des éléments de

21 preuve; troisièmement, conclusions sur les faits rendus par la Chambre

22 d'appel; et enfin, l'application du critère.

23 Dans les cas simples, Musema, Kupreskic, etc., la Chambre d'appel -mais ce

24 ne sont pas des affaires simples-, mais la Chambre peut rendre sa décision

25 elle-même. Je pense que c'est uniquement dans les cas où cette conclusion

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1 sur les faits ne peut pas être rendue après l'examen des moyens de preuve

2 par la Chambre d'appel ou par la nouvelle Chambre de première instance,

3 c'est uniquement quand cela n'est pas possible que l'on peut demander

4 l'ouverture d'un nouveau procès. Mais ça, c'est uniquement après que

5 toutes ces étapes ont été franchies, pas au moment où l'on décide si ces

6 éléments de preuve sont admissibles ou non.

7 M. Hunt (interprétation): Ce n'est pas ce que je vous disais. Ce que je

8 vous disais, et je veux que cela soit très clair, c'est qu'il n'y a rien

9 dans Kupreskic qui empêche notre Chambre d'appel d'ordonner un nouveau

10 procès. Or vous, vous me dites que je me trompe. Dites-moi où, dans

11 l'arrêt, on peut trouver cela? Soyez précis.

12 Je prie les interprètes de nous excuser: nous allons un peu vite.

13 M. Farrell (interprétation): J'accepte votre observation. Ma position est

14 la suivante: si vous examinez nos arguments, si vous partez du principe ou

15 si vous acceptez qu'ils auraient pu ordonner un nouveau procès en l'espèce

16 et qu'ils ont dit qu'ils avaient deux options: soit examiner eux-mêmes les

17 éléments, soit demander un examen par une Chambre de première instance.

18 Voilà donc la façon dont j'envisage les choses. Donc moi, je ne veux pas

19 dire que ce soit impossible pour la Chambre d'appel d'en décider ainsi,

20 mais pas au moment où l'on décide de l'admissibilité des éléments de

21 preuve.

22 M. le Président (interprétation): Merci.

23 M. Farrell (interprétation): Merci, Monsieur le Juge.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge Gunawardana?

25 M. Gunawardana (interprétation): Vous acceptez que les 47 pièces à

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1 conviction et les 2 témoins de la défense soient admissibles?

2 M. Farrell (interprétation): Admissibles, oui. Nous en avons déjà débattu,

3 nous avons perdu, nous acceptons maintenant qu'ils soient admissibles aux

4 termes de l'Article 115 et du seuil extrêmement bas qui est appliqué en

5 l'espèce.

6 Je comprends peut-être mal votre question. Mais s'agissant des 47 pièces

7 et des 2 témoins, je crois que nous devons nous en tenir à la décision de

8 la Chambre. Ces éléments de preuve sont admissibles aux termes de

9 l'Article 115, de manière limitée.

10 M. Gunawardana (interprétation): S'il en est ainsi, est-ce qu'il convient

11 de maintenir le verdict de la Chambre intact, sur la base de ces éléments?

12 M. Farrell (interprétation): Absolument. Dans Kupreskic et dans Musema, la

13 Chambre n'a pas décidé, même après l'admission des éléments de preuve,

14 qu'il convenait de remettre en question l'issue du procès.

15 M. Gunawardana (interprétation): Donc, en demandant un nouveau procès,

16 vous pensez que la défense souhaite faire modifier le verdict rendu en

17 première instance?

18 M. Farrell (interprétation): Oui, je pense. Et je pense qu'on ne peut

19 l'autoriser et que ce n'est pas approprié.

20 M. Gunawardana (interprétation): Merci.

21 M. le Président (interprétation): Merci. S'il n'y a plus de question, je

22 vais donner tout de suite la parole à Me Hayman.

23 (Réplique de la défense, présentée par Me Hayman.)

24 M. Hayman (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges.

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1 Il est frappant d'entendre l'accusation nous dire que le procès n'avait

2 pas trait à Ahmici, parce que ce n'est pas la façon dont l'accusation a

3 présenté ses moyens; elle a présenté ses moyens avec Ahmici au centre de

4 sa cause. La plupart des victimes étaient des victimes d'Ahmici. Nous

5 avons entendu des dizaines, une cinquantaine de victimes qui venaient de

6 cette région dans ce prétoire.

7 L'essentiel du procès a eu trait aux événements de ce petit matin du 16

8 avril 1993. Et je pense que les nouveaux éléments de preuve qui ont

9 maintenant vu le jour pourraient entraîner une modification du verdict,

10 lorsqu'il convient de se poser la question de savoir si c'est l'accusé qui

11 a ordonné le massacre d'Ahmici. Parce qu'il a été condamné à ce titre

12 parmi d'autres choses.

13 Il y aurait donc manifestement une modification du verdict. Cela a été

14 essentiel, le massacre d'Ahmici, quand on a prononcé sa déclaration. Cela

15 expliquait l'essentiel de sa peine de 45 ans. Il n'a pas été condamné à sa

16 peine de 45 ans, il n'a pas été condamné à 45 ans de prison parce qu'il a

17 autorisé à ce que des personnes soient forcées à creuser des tranchées

18 ailleurs dans la région. Il a été condamné parce que, ce matin-là, des

19 centaines de civils sont morts dans ce village, un crime odieux, mais dont

20 nous affirmons qu'il n'était absolument pas responsable et pour lequel il

21 a été condamné à tort.

22 Mon confrère demande où est l'erreur. On a l'impression que les mémoires

23 d'appel n'ont pas été déposés en l'espèce. Or ils l'ont été: vous disposez

24 de notre mémoire d'appel. Les erreurs que nous avons identifiées figurent

25 dans notre mémoire; l'accusation a répondu. Nous avons travaillé

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1 longuement à cette procédure d'appel. Nous ne sommes pas au début de la

2 procédure d'appel, nous sommes plutôt -je l'espère- à la fin de cette

3 procédure d'appel.

4 Je crois que mon collègue ne m'a pas véritablement compris lorsque j'ai

5 expliqué pourquoi nous estimons que le procès en première instance a été

6 injuste, lorsque j'ai parlé des archives du HVO, des archives de la

7 Bosnie-Herzégovine et des documents communiqués au titre de l'Article 68.

8 Les seules infractions au titre de l'Article 68, nous les évoquons dans

9 notre mémoire: ce sont les documents dont disposait l'accusation, par

10 exemple les documents relatifs à l'affaire Kordic.

11 Mes arguments au sujet des autres archives sont les suivants. La Chambre

12 de première instance a enjoint l'armée de Bosnie-Herzégovine de fournir

13 des documents; l'accusé a enjoint la Bosnie-Herzégovine de fournir des

14 documents. Or cela n'a pas été fourni d'effet. L'accusation a produit des

15 injonctions de produire pour la Croatie, s'agissant des documents du HVO.

16 Nous avons participé à ces audiences, nous avons été présents. Et nous

17 étions en droit de pouvoir nous appuyer sur ces documents.

18 Et que s'est-il passé? Les autorités de Bosnie-Herzégovine, les autorités

19 de Croatie ont mis des bâtons dans les roues dans ce processus de

20 communication des documents. De surcroît, nous n'avons pas obtenu les

21 documents Kordic. Si l'on réunit tous ces éléments, on peut en déduire que

22 le procès en instance, non seulement n'a pas été un procès équitable, mais

23 en plus a été un procès non crédible, un procès non fiable. Parce qu'on ne

24 peut pas avoir un procès digne de ce nom lorsque des documents aussi

25 cruciaux manquent.

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1 On a parlé des Vitezovi. Je ne veux pas alourdir encore les débats en

2 faisant référence à des nouveaux documents, mais j'ai oublié de le faire

3 et je souhaiterais le faire uniquement pour ce document. L'un des nouveaux

4 documents que vous avez accepté de verser au dossier, c'est le document

5 96, présenté dans notre première requête au titre de l'Article 115; il a

6 trait aux Vitezovi et à ce M. Kraljevic.

7 Je ne vais pas m'appesantir sur cette question. Cependant, si l'on se met

8 à la place pendant quelques instants de la Chambre de première instance

9 qui a rendu le jugement en instance et si l'on adopte l'état d'esprit qui

10 a été exprimé par l'accusation aujourd'hui, c'est quoi? C'est Blaskic qui

11 contrôlait toutes les forces en présence, y compris les unités de

12 Vitezovi, des hommes jeunes, agressifs bien armés, etc. Alors, à ce

13 moment-là, se pose la question de la pièce 96, un nouveau rapport en date

14 de 7 mai, c'est-à-dire moins de trois semaines après le massacre d'Ahmici.

15 Il s'agit d'un message qui émane du colonel Blaskic, adressé à l'état-

16 major principal de Mostar et qui pose des questions au sujet du

17 propriétaire d'une station-service.

18 Dans ce message, le colonel Blaskic précise que les Vitezovi se sont

19 emparés d'une station-service et qu'ils vendent l'essence et se mettent

20 les bénéfices dans les poches.

21 Au paragraphe 5, on peut lire la chose suivante: "Etant donné que le

22 commandant des Vitezovi, Darko Kraljevic, vous est directement subordonné,

23 aidez-nous à résoudre cette question qui devient de plus en plus

24 complexe."

25 Lui, il n'arrivait pas à obtenir d'essence pour les troupes régulières du

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1 HVO, à la différence de ces Vitezovi qui étaient des PPN, à savoir des

2 unités spéciales. Les Vitezovi sont en train de vendre l'essence sur le

3 marché noir et Blaskic ne peut rien y faire, parce qu'il ne contrôle pas

4 les Vitezovi. Il doit faire référence à l'état-major principal qui se

5 trouve à des centaines de kilomètres de là, à Mostar, pour essayer de

6 résoudre cette crise provoquée par ce qui se passe dans cette station-

7 service.

8 Ceci vous donne une idée assez précise de ce qui se passait à l'époque,

9 une idée véridique de ce qui se passait véritablement dans cette région, à

10 l'époque.

11 J'aimerais à présent parler des événements de Grbavica. Je me rappelle le

12 témoignage qui avait été fait au sujet de Grbavica. Et mon éminent

13 collègue fait référence à ce lieu en disant que le chef d'accusation à

14 Grbavica est maintenu et que cela n'a rien à voir avec le contrôle

15 effectif.

16 L'attaque contre Grbavica était une attaque légitime sur l'armée militaire

17 de Bosnie-Herzégovine. Ceci figure clairement dans le jugement. L'ordre de

18 passer à l'attaque était légal. Le colonel Blaskic avait émis cet ordre.

19 Ce qui s'est passé après l'attaque, à savoir les pillages, les incendies,

20 les forces, les éléments qui sont intervenus? La question était de savoir

21 si le colonel Blaskic avait exercé un contrôle effectif sur les pilleurs

22 ou non? Etait-il responsable au pénal pour les faits qui se sont produits

23 à la fin, après l'action militaire?

24 Je vous affirme pour ma part que ceci est un bon exemple de l'ensemble des

25 documents qui ont été déposés comme éléments de preuve et qui ont

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1 contribué à créer la confusion, les différents niveaux de responsabilité,

2 l'incapacité du colonel Blaskic à punir des groupes tels que la police

3 militaire, les groupes des Vitezovi. Et tout ceci a fait en sorte qu'en

4 fait, à Grbavica, c'est-à-dire en septembre 1993, il exerçait un certain

5 contrôle effectif, mais ceci ne peut pas être invoqué lorsqu'il s'agit

6 d'analyser les événements qui se sont produits après l'action militaire.

7 Les nouveaux éléments de référence ne renvoient pas uniquement aux

8 événements d'Ahmici. Il s'agit également de lieux, tel que Kiseljak, de

9 manque de contrôle effectif. Il y a de nombreux éléments de preuve au

10 sujet de Busovaca et l'escadron de la mort qui fonctionnait là-bas sous

11 les instructions spéciales de Kordic et de Sliskovic. Il y a de nouveaux

12 éléments de preuve concernant les attaques contre Stari Vitez par les

13 Vitezovi, des initiatives qu'ils ont prises eux-mêmes, si je me rappelle

14 correctement les éléments de preuve.

15 Par conséquent, les nouveaux éléments de preuve ont des répercussions sur

16 tous les chefs d'accusation. Et Grbavica ne constitue pas une exception.

17 Il ne serait pas approprié pour ce Tribunal de dire: "Bien. Il est vrai

18 que la situation a évolué, que ces nouveaux éléments de preuve sont

19 particulièrement importants, étant donné qu'il faut tenir compte de tous

20 les éléments." Nous ne pensons pas que la Chambre de première instance

21 peut conclure au-delà de tout doute raisonnable.

22 Si vous ne renvoyez pas cette affaire à une nouvelle Chambre de première

23 instance, qu'est-ce qu'il va se produire pour nous? Je ne pense pas que

24 l'image qui soit ainsi dressée soit particulièrement encourageante. Il

25 faudra passer en revue tous les autres éléments, à savoir les éléments qui

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1 ont trait à l'Article 115, il faudra passer en revue les 25.000 documents

2 restants, déposer d'autres requêtes en application de l'Article 115 pour

3 essayer de déceler tout ce qu'il y a comme moyens de preuve à décharge; il

4 faudra déposer d'autres requêtes au titre de l'Article 115; peut-être

5 qu'il faudra également envisager des sessions à huis clos pour tout ce qui

6 a trait à la vallée de la Lasva.

7 Par conséquent, il y aura donc toute une série de mémoires qui seront

8 déposés en application de l'Article 115 et le Procureur souhaite déposer

9 d'autres mémoires en appel, qui se fondent sur les éléments qui ont déjà

10 été admis au titre de l'Article 115. A ce moment-là, il faudra que les

11 témoins soient entendus, réexaminés, qu'ils soient re-cités à la barre.

12 Et je me demande dans quelle mesure il est nécessaire de procéder ainsi.

13 Est-ce que nous ne pouvons pas nous en remettre aux dispositions de

14 l'Article 117 et de l'Article 25? Il est temps pour nous de passer à un

15 nouveau procès.

16 Il faudrait essayer d'enjoindre aux parties, d'enjoindre à la Chambre de

17 première instance de faire cela de la façon la plus efficace qui soit afin

18 de ne pas entraver ou de porter atteinte aux droits d'une quelconque des

19 parties impliquées.

20 Je suis à présent à votre disposition pour répondre à des questions.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Hayman.

22 M. Hunt (interprétation): Maître Hayman, je crois me souvenir que l'année

23 dernière, à ce stade, l'appelant a été invité à déposer son mémoire en

24 appel, avant qu'on ne puisse mettre la main sur ces nouveaux éléments de

25 preuve.

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1 Ayant eu le temps à présent d'examiner les nouveaux éléments de preuve, je

2 pense qu'il serait bon effectivement que vous invitiez votre appelant à

3 présenter un nouveau mémoire de la même façon que cela a été fait dans

4 l'affaire Kordic. Il s'agit là de la pratique générale qui est retenue par

5 la Chambre d'appel.

6 A présent, vous êtes en train de préciser que, compte tenu de l'absence de

7 ces éléments lors de la phase de première instance et compte tenu des

8 conclusions auxquelles est parvenue la Chambre de première instance, vu

9 l'absence de ces événements et de ces informations lors de la phase de

10 première instance, qu'à ce moment-là ceci peut avoir des conséquences

11 négatives à l'égard de votre client.

12 Est-ce que ceci figure également dans le mémoire de l'appelant?

13 M. Hayman (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Effectivement, je tiens

14 à vous rappeler les arguments que j'ai évoqués ce matin. Et nous savons

15 que la Chambre de première instance a conclu que, suite à l'absence

16 d'ordonnance et suite à l'absence du rapport du SIS qui a donc procédé à

17 une enquête sur les événements d'Ahmici, il doit y avoir d'autres ordres

18 illégaux auxquels la Cour n'a pas eu accès.

19 M. Hunt (interprétation): Je sais de quoi il s'agit. Mais est-ce que vous

20 avez mis ou inséré une référence à ces documents?

21 M. Hayman (interprétation): Mon collègue a opiné et je pense qu'il s'agit

22 donc d'une réponse affirmative.

23 M. Hunt (interprétation): Je dois vous avouer que, lorsque j'ai consulté

24 ces documents, je ne me souviens pas avoir vu cela, et je voulais

25 simplement m'assurer que ceci y figurait. Je pense que votre adjoint a

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1 répondu par l'affirmative et je pense que je peux l'accepter.

2 M. Hayman (interprétation): Je pense que nous avons effectivement déposé

3 notre mémoire en appel, après avoir déposé la troisième requête en

4 application de l'Article 115. Je suis désolé si, après avoir déposé notre

5 deuxième requête en application de l'Article 115, nous n'avions pas encore

6 déposé la troisième requête. Mais, par contre, il est fait référence au

7 rapport du SIS.

8 M. Hunt (interprétation): Je vous remercie.

9 M. le Président (interprétation): Il y a d'autres questions pour vous,

10 Maître Hayman.

11 M. Hayman (interprétation): Bien sûr.

12 M. le Président (interprétation): J'aimerais soulever un point qui, peut-

13 être, est mineur. Vous avez expliqué de façon très claire que, si nous ne

14 donnons pas l'ordre de la tenue d'un nouveau procès par une Chambre de

15 première instance, ceci constituerait une infraction au droit d'appel dont

16 bénéficie votre client.

17 A présent, si votre position est que les nouveaux éléments de preuve dont

18 est saisie la Chambre de première instance impliquent nécessairement un

19 nouvel examen ou une nouvelle détermination des faits en l'espèce, à ce

20 moment-là, il faudrait également que la Chambre d'appel elle-même puisse

21 re-déterminer les faits. Ou est-ce que, simplement, vous souhaitez que

22 nous nous fondions sur les éléments dont nous disposons en l'espèce?

23 M. Hayman (interprétation): Je pense qu'il s'agit de voir comment on met

24 en pratique les dispositions qui figurent dans l'Article 115, et comme

25 vous l'avez vous-même fait remarquer, je pense qu'il est nécessaire

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1 d'envisager un certain nombre de documents; je pense que cet Article ne

2 précise pas cela en des termes aussi clairs, mais on peut en déduire cela.

3 Et si l'on s'écarte de ce paradigme pour essayer d'envisager une autre

4 solution, à ce moment-là, je pense que la Chambre refuse à l'appelant son

5 droit d'interjeter appel de la décision ou du verdict définitif.

6 Et d'après ce que j'ai vu, je pense que nous sommes plus près d'un nouveau

7 procès que ce qui était envisagé par l'Article 115; c'est la raison pour

8 laquelle nous pensons qu'il est ici question du droit d'interjeter appel.

9 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il est, ici, simplement

10 question du critère de la quantité.

11 M. Hayman (interprétation): Je crois qu'il s'agit effectivement de la

12 quantité et de la nature. Il est ici question d'une peine de 45 années

13 pour le massacre d'Ahmici. Je pense, du moins pour ma part, que 40 de ces

14 45 années doivent être réexaminées. Il s'agit là de ma position.

15 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

16 Dans la négative, je pense que nous pourrions mettre un terme à nos

17 travaux.

18 L'audience est levée.

19 (L'audience est levée à 18 heures 44.)

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