bgcolor="#ffffff"

Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1

1

2 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL

3 AFFAIRE IT-95-14-PT

4 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

5 JEUDI 17 AVRIL 1997

6

7 La séance est ouverte à 9 h 45

8

9 Mme le Président (interprétation).- Hier, le procureur a fait

10 son exposé; n'est-ce pas ? Très bien, nous allons maintenant entendre

11 M. Hayman.

12 M. Hayman (interprétation) - Merci Madame le Président.

13 Le défenseur de M Blaskic a une chose à dire concernant

14 l'affaire qui nous intéresse.

15 Mme le Président (interprétation).- Je vous interrompts, la

16 transcription n'apparaît pas à l'écran.

17 M. Hayman (interprétation),- Cela diminuera le temps qui m’est

18 donné de cinq minutes.

19 Mme le Président (interprétation).- Nous vous donnerons tous le

20 temps qu'il vous faudra. Monsieur Hayman, poursuivez.

21 M. Hayman: (interprétation).- Merci Mme. le Président.

22 L’accusé a une position concernant le pouvoir que le tribunal a

23 de rendre des assignations à l'encontre des Etats. Celle-ci est la

24 suivante : quelque soit le pouvoir et les procédures prévues pour l'accès

25 de l'accusation à cet égard, l'accusé doit avoir le même accès. Je pense

Page 2

1 qu'il n'y a pas de désaccord sur ce point entre l'accusation et la

2 défense.

3 En effet, il est difficile d'imaginer comment l’on pourrait être

4 en désaccord avec les exigences de l'article 21 et la version plus large

5 inhérente au droit international d'équité et de protection des droits de

6 l'accusé.

7 Cela étant notre position, le tribunal peut se demander pourquoi

8 la défense souhaite participer à cette procédure et pourquoi nous

9 souhaitons être ici de façon générale, étant donné la longueur de la

10 présente audience.

11 Mme le Président (interprétation).- Vous dites que vous avez

12 soumis, pour votre part; une assignation au juge Jorda ; à quelle date ?

13 M. Hayman (interprétation) - Nous avons déposé une demande.

14 Mme le Président (interprétation).- J'ai signé les assignations

15 adressées à la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

16 M. Hayman (interprétation) - C'était beaucoup plus tard, c'était

17 le 28 février. Quand je dis "à ce stade", je fais référence à la demande

18 du procureur en vu que soit rendue une ordonnance communiquée le

19 10 janvier 1997.

20 Elle a été déposée ex partae, sans signification à la défense et

21 sans notification du fait que la demande ex partae avait été déposée. Du

22 fait même que ce contact ex partae a été pris avec le tribunal et ne nous

23 a pas été communiqué.

24 La défense peut à tout le moins soulever la question : n'aurait-

25 il pas été normal que l'on nous fasse savoir que la demande avait été

Page 3

1 déposée ?

2 C'est pourquoi je fais allusion, à ce stade du débat, à la date

3 du 10 janvier 1997 et sinon, à ce moment où la procédure a été rendu

4 publique.

5 Au 10 janvier 1997, la procédure était à huis clos en chambre.

6 Je n'ai d’ailleurs pas reçu de compte rendu de ces procédures de la part

7 du greffe.

8 Mme le Président (interprétation).- L'assignation a été demandée

9 en tant que juge ayant confirmé l'acte d'accusation et je n'ai pas de

10 contact quel qu’il soit avec l'instance. C'est le juge Jorda qui est au

11 courant de l’affaire.

12 Vous avez communiqué une demande au juge Jorda qui m’a été

13 communiquée à une date ultérieure, le juge Jorda ayant constaté qu'il ne

14 souhaitait pas traiter cette demande. Cela supposait un contact ex partae

15 avec vous. Il m'a transféré cette demande mais j'ai signé l'assignation en

16 tant que juge ayant confirmé l'accusation.

17 M. Hayman (interprétation) -Je vous entends bien, Madame le

18 Président, mais notre position est que l'assignation initiale ne vous a

19 pas été confiée par la chambre de première instance numéro 1.

20 Mme le Président (interprétation).- Quelle assignation ?

21 M. Hayman (interprétation) - Nous ne pensons pas qu'il y ait de

22 disposition express dans le règlement ou le statut qui prévoit que

23 l'accusation doit aller à une autre chambre que la chambre de première

24 instance. Je ne sais pas à quelle chambre de première instance,

25 l'accusation aurait dû s'adresser.

Page 4

1 Il n'y a pas eu de contact avec la chambre de première instance.

2 Mme le Président (interprétation).- Quelle préjudice avez vous

3 encouru ?

4 M. Hayman (interprétation) - Nous avons été exclus de la

5 procédure jusqu'à une date plus tardive.

6 Mme le Président (interprétation).- En quoi consiste le

7 préjudice ?

8 M. Hayman (interprétation) - L'accusation a obtenu la délivrance

9 de deux assignations à deux Etats. Elle a obtenu des documents en vertu de

10 l’une de ces deux assignations au moins, et donc il y a accès inégal à la

11 faculté de rendre ou de faire rendre une assignation.

12 Mme le Président (interprétation).- vous n'avez pas soumis

13 d'assignation jusqu'à plus tard. Maintenant, il y a cette demande en vue

14 de rendre une assignation. Or, l'assignation adressée à la Croatie a été

15 suspendue en attendant le règlement de la question.

16 M. Hayman (interprétation) - Oui, mais tout cela a été fait dans

17 le secret et si nous avions été prévenus plus tôt, nous aurions demandé

18 qu'une assignation rendue par le tribunal et demandant dans des documents,

19 demandés par l'accusation....

20 Nous avons donc demandé que tant les documents à charge que les

21 documents à décharge soient fournis. Nous pensions que cela aurait mieux

22 défendu les intérêts de l"accusé en vertu de l'article 21.

23 Mme le Président (interprétation).- A quel droit faites-vous

24 allusion ?

25 M. Hayman (interprétation) - Le droit à l’accès à la délivrance

Page 5

1 d'assignation.

2 Mme le Président (interprétation).- Oui; vous avez demandé une

3 assignation au juge Jordan qui à été renvoyée à la Chambre de Première

4 Instance Elle l'a reçue et vous avez été informé que le Juge Jordan vous

5 rencontrerait ex-partae; c’est à dire sans la présence de l’accusation

6 pour examiner cette demande.

7 M. Hayman (interprétation) - Mme le Président, à la veille du

8 procès, il n'y a que très peu de temps pour mener des enquêtes

9 complémentaires. Je ne sais pas de quels documents dispose l'accusation, à

10 la suite des assignations que vous avez délivré. Pour notre part, nous

11 n'avons rien reçu des documents à décharge que nous avons demandé. Je ne

12 sais pas si nous les recevrons jamais. Si nous les recevons, s'il restera

13 suffisamment de temps pour les exploiter.

14 Mme le Président (interprétation) - L'accusation n'aura pas

15 accès à votre demande d'assignation et l'accusation ne sera pas présente

16 quand elle sera examinée.

17 M. Hayman (interprétation) - Je n'ai pas fait de demande ex-

18 partae. Mon assignation, ma demande d'assigantion a été communiquée à la

19 défense.

20 Mme le Président (interprétation) - La décision sera prise sans

21 la demande de l'accusation.

22 M. Hayman (interprétation) - Je ne soulève pas cette

23 question.J'affirme que, pour des raisons tactiques, le Bureau du Procureur

24 à chercher à ce que vous délivriez des assignations en secret, sans en

25 faire part à la défense pour gagner un avantage tactique et ce en

Page 6

1 violation de l'article 21.

2 Mme le Président (interprétation) - Vous devez le dire. Si nous

3 examinons les règles, l'accusation peut s'adresser à moi. Il s'agit de

4 l'article...

5 M. Hayman (interprétation) - 54 ?

6 Mme le Président (interprétation) - Non, l'article 19, je pense.

7 L'article 19 dit que s'il confirme l'acte d'accusation, le Juge

8 saisi sur réquisition du Procureur, décerne les ordonnances et mandats

9 d'arrêt, mandats d'amener ou de remise de personnes et toute autre

10 ordonnance nécessaire pour la conduite du procès.

11 C'est en vertu de l'article 19 que j'agissais, puisque j'avais

12 confirmé l'acte d'accusation. Je ne demande pas à avoir du travail

13 supplémentaire Croyez-moi,j'ai assez de travail comme ça. On s'est

14 adressé à moi en vertu de l'article 19, pagraphe 2.

15 M. Hayman (interprétation) - La Chambre de Première Instance

16 s'est montrée quelque peu surprise et m'a demandée pourquoi je m'adressais

17 à elle, à la veille du procès. Nous sommes tous d'accord pour dire, qu'à

18 un certain moment, le bâton doit passer à la Chambre de Première Instance

19 qui conduira le procès.

20 Mme le Président (interprétation) - La Chambre de Première

21 Instance, plaidée par Monsieur Jordan, La Chambre n° 1 m'a renvoyée la

22 question.

23 J'ai voulu lui renvoyer l'affaire. Mais c'est la décision du

24 Juge Jordan que de ne pas traiter l'affaire lui-même et lorsque vous avez

25 déposé votre demande d'assignation, je voulais lui renvoyer la question.

Page 7

1 Je pensais qu'il devait l'examiner pour voir, si oui ou non, il y avait là

2 des questions qui intéressaient le procès,je ne suis pas la mieux placée

3 pour trancher. Le Juge Jordan à une nouvelle fois décidée que ça devait

4 être examinée par la Présente Chambre de Première Instance et la décision

5 finale sera prise par le Juge Jordan ex-partae, en l'absence de

6 l'accusation,. lorsque nous concluerons la présente audience.

7 M. Hayman (interprétation) - Je fais référence à ma demande du

8 mois d'avril, car je crains une certaine incohérence dans les décisions en

9 la matière.

10 Mme le Président (interprétation) - Je vous répète, une des

11 raisons est que j'ai traité la question en raison de l'article 19,

12 paragraphe 2. Si vous suggérez qu'il y a irrégularité, il faut que vous

13 souleviez la question auprès du Juge Jordan.

14 M. Hayman (interprétation) - Ce que je dis c'est que

15 l'accusation a demandé une procédure ex partae de façon à gagner un

16 avantage tactique, qu'elle a effectivement gagné à la suite de cette

17 procédure engagée.Je ne critique pas la Chambre de Première Instance.

18 Mme le Président (interprétation) - L'avantage tactique gagné

19 par l'accusation, si avantage tactique il y a, est que l'assignation a été

20 délivrée avant que vous ne déposiez votre propre demande. Peut-être ne

21 vous est-il pas venu à l'esprit que la Chambre rendrait une ordonnance ou

22 une assignation. Lorsque vous l'avez su,à juste titre, vous avez voulu

23 vous engager dans la même voie et nous nous en réjouissons.

24 M. Hayman (interprétation) - J'ai discuté de la question

25 l'automne dernier avec l'accusation de savoir si le Tribunal avait pouvoir

Page 8

1 à assignation. Il m'a été répondu à l'époque que non. Mais dès que nous

2 avons appris que l'accusation pensait que ce pouvoir existait bel et bien,

3 nous avons préparé notre propre demande.Je dis simplement que pendant une

4 période d'environ 60 jours, l'accusation a mené des procédures en secret,

5 afin de gagner un avantage tactique en terme de temps gagné.

6 Mme le Président (interprétation) - Vous comprenez que le

7 processus de confirmation prévu à l'article 19 paragraphe 2, et à

8 l'article 47 du règlement de procédure portent bien sur des procédures

9 ex - partae. C'est à dire que l'accusation peut s'adresser au Juge qui a

10 confirmé l'acte d'accusation pour examiner certains documents et voir si

11 il y a, de prime abord, raison d'intenter un procès. La suite des rapports

12 entre le Juge de confirmation et le Bureau du Procureur découle de la même

13 logique.

14 M. Hayman (interprétation) - Je comprends que la confirmation de

15 l'acte d'accusation est une procédure ex-partae. Ce qui me pose problème,

16 c'est que ce rapport ex-partae se poursuive dans la préparation du procès.

17 Mme le Président (interprétation) - Je ne vais pas polémiquer

18 avec vous. Vous aurez l'occasion de rencontrer le Juge Jordan ex-partae,

19 cet après-midi ou demain

20 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Je comprends que la

21 confirmation de l'acte d'accusation est une procédure ex partae. Ce qui me

22 pose problème est que ce rapport ex partae se poursuivre dans la

23 préparation du procès.

24 Mme le Président (interprétation). - Je ne vais pas polémiquer

25 avec vous. Vous aurez l'occasion, cet après-midi ou demain, de rencontrer

Page 9

1 le juge Jorda ex partae, en privé, afin de discuter de l'assignation que

2 vous avez demandée, la raison étant que l'assignation que vous avez

3 demandée à la Chambre de Première Instance n° A1 qui est inclus dans votre

4 requête est très différente de l'assignation que vous avez demandée à la

5 présente chambre de première instance. Et c'est là un point à régler.

6 Vous avez demandé trois ou quatre choses différentes et dans la

7 requête que vous avez déposée, vous n'étayez que la demande de pièces

8 s'agissant du point n° 10, je pense.

9 Il y a donc des questions qui doivent être réglées ex partae, à

10 huis clos, avec le juge.

11 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Je ne m'attribue pas

12 le mérite de cette demande.

13 M. Jan (interprétation). - Une chose, si vous le permettez. Je

14 ne comprends pas votre allégation selon laquelle l'accusation a gagné un

15 avantage tactique. Les documents que l'accusation reçoit à la suite d'une

16 assignation et que l'accusation veut utiliser à titre de moyens de preuves

17 vous seront communiqués.

18 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Ce n'est pas vrai,

19 Monsieur le Juge.

20 M. Jan (interprétation). - Tous les documents, d'après le

21 règlement, tous les moyens de preuve qui sont utilisés contre l'accusé

22 doivent être communiqués à la défense.

23 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Nous n'avons pas

24 enclenché la procédure de divulgation réciproque et nous ne recevrons pas

25 ces documents.

Page 10

1 M. Jan (interprétation). - Mais il y a la règle de communication

2 et si vous dites ne pas avoir suffisamment de temps parce que

3 l'assignation a été présentée très tard, vous pouvez demander à la chambre

4 de première instance d'avoir plus de temps.

5 Simplement, je ne comprends pas quel est l'avantage tactique

6 auquel vous faites allusion. La chambre de première instance pourra vous

7 donner satisfaction si vous avancez l'argument que, ayant déposé

8 l'assignation très tard, vous n'avez pas eu le temps de vous préparer, et

9 ce sera sans doute une demande jugée raisonnable. En tout cas, si la

10 chambre la juge raisonnable, elle vous accordera davantage de temps.

11 Quel est donc l'avantage technique dont vous parlez ?

12 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Je voudrais vous

13 répondre sur les deux points.

14 Tout d'abord, pour ce qui est de l'article 66, nous n'avons pas

15 engagé la procédure de divulgation réciproque et nous ne recevrons pas de

16 copie de tous les documents dont l'accusation dispose.

17 Mme le Président (interprétation). - Mais c'est là votre choix

18 car si vous enclenchez cette procédure, il y a obligation réciproque. Il y

19 a, là aussi, un jeu tactique.

20 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Oui, mais je crois

21 que nous ne devons pas être pénalisés pour autant. Cela ne justifie pas

22 d'autre comportement qui pourrait viser à gagner un avantage tactique du

23 côté de l'accusation.

24 L'autre point que vous avez mentionné est celui du report

25 possible. Depuis l'automne dernier, nous avons systématiquement demandé

Page 11

1 que le procès s'ouvre le plus rapidement possible. Notre client est en

2 détention depuis plus d'un an. Il n'a pas été à l'air libre depuis février

3 de cette année. Il faut que le procès s'ouvre au plus vite et nous n'avons

4 pas la possibilité, pour notre part, de demander un nouveau report de deux

5 ou trois mois pour examiner les documents que nous recevrions à la veille

6 du procès.

7 M. Jan (interprétation). - Mais est-ce que votre première

8 priorité ne doit pas être la bonne préparation du procès ?

9 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Il y a toujours un

10 conflit dans le chef de la défense entre la préparation du procès, le

11 temps que cela demande, et le souci d'entamer le procès au plus vite. Nous

12 devons parvenir à un équilibre et en toute honnêteté, en l'espèce, nous

13 voulons que le procès s'ouvre le plus rapidement possible et ce pour

14 préserver l'intégrité physique et mentale de notre client qui n'a pas pris

15 l'air depuis le mois de février 1997.

16 Mme le Président (interprétation). - Poursuivez. Vous comprenez

17 maintenant pourquoi je voulais que la question soit traitée par l'autre

18 chambre de première instance. En effet, nous ne voulons pas nous engager,

19 pour notre part, dans des questions qui ont trait au procès.

20 Mais je vous comprends, vous dites qu'il y a préjudice pour

21 votre client, qu'il y a un avantage tactique dans la recherche d'une

22 assignation de la part de l'accusation.

23 Poursuivez.

24 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Et lorsque la chambre

25 de première instance a rejeté notre demande de contact ex partae pour

Page 12

1 certaines questions relatives à notre client, notamment l'anonymat des

2 témoins, il n'a pas été reconnu que cela avait une influence sur la

3 décision de saisir la chambre de première instance.

4 Quoiqu'il en soit, tels sont les faits.

5 Nous pensons donc qu'il y a eu violation de l'article 21 dans

6 l'exercice du pouvoir d'assignation. Je tiens à le dire officiellement à

7 la lumière des observations qui ont été faites concernant notre souhait de

8 participer à la présente audience.

9 Autre chose, dans le mémoire de la Bosnie Herzégovine daté du 25

10 mars 1997, il y a une référence, à la fin de la première page, à un

11 protocole d'accord concernant la coopération entre le gouvernement de

12 Bosnie Herzégovine et le bureau du procureur, et ensuite une citation du

13 protocole d'accord.

14 La défense est préoccupée, dans le cas du Général Blaskic, par

15 le fait que les parties ont un accès extrêmement inégal aux moyens de

16 preuve, et dans l'histoire des procédures pénales internationales, à la

17 différence de ce que l'on connaît dans l'histoire des affaires pénales

18 internationales, il n'y a pas de puissance occupante, en l'occurrence.

19 Donc, le Tribunal travaille en coopération étroite avec le gouvernement de

20 Bosnie Herzégovine, pour recueillir les moyens de preuve.

21 Je ne veux pas dire que cela n'est pas approprié mais il y a un

22 protocole d'accord pour la collecte des moyens de preuve. Nous avons

23 demandé copie de ce protocole d'accord ; on nous l'a refusé et cela

24 exacerbe encore la préoccupation de la défense qui craint que l'article 21

25 ne soit violé. Il y a un accord secret, en tout cas qui est gardé secret

Page 13

1 de la défense et qui permet la collecte de moyens de preuve, et qui permet

2 d'amener des témoins devant le Tribunal, étant donné que ce protocole

3 d'accord est mentionné dans un mémoire.

4 C'est la raison pour laquelle nous demandons que ce protocole

5 soit publié et nous soit signifié comme il convient.

6 Merci.

7 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître

8 Hayman.

9 Est-ce que l'accusation a quelque chose à dire sur ce point ?

10 Le Juge Jan et le Juge Odio-Benito me disent que c'est une

11 question qui relève essentiellement de l'autre chambre de première

12 instance.

13 Je comprends bien le rôle qui incombe à la défense du Général

14 Blaskic mais je ne suis pas partie prenante à ce procès.

15 Si le Bureau du Procureur souhaite répondre, le moment est venu

16 de le faire.

17 Mme Arbour (interprétation). - Je pense que cette question ne

18 relève pas de ce dont nous avons à traiter à l'audience d'aujourd'hui et

19 je n'ai pas de commentaire à faire à ce stade.

20 De toute évidence, cela ne relève pas des questions dont la

21 chambre de première instance est saisie ce matin et je crois qu'il ne faut

22 pas tenter de résoudre ces questions ici.

23 Mme le Président (interprétation). - L'assignation demandée par

24 la défense sera traitée par le Juge Orda, ex partae, dès que nous

25 conclurons la présente procédure.

Page 14

1 Très bien.

2 Monsieur Rivkin ou l'ambassadeur, je vous en prie.

3 Dr Simonovic (interprétation). - Madame le Président, hier, vous

4 m'avez demandé si j'étais avocat, j'ai répondu que non et c'est la pure

5 vérité.

6 Je vais donc simplement faire une déclaration politico-juridique

7 en exposant la position du gouvernement de la Croatie sur l'admissibilité

8 des assignations.

9 Ensuite, je passerai le micro à notre conseiller juridique de la

10 Croatie. M. Carbona va parler, et M. Josipovic, qui est notre spécialiste

11 ou expert en matière de procédure pénale.

12 Pour ce qui est de la déclaration de la République de la

13 Croatie, elle vise à souligner trois points essentiels qui ont trait aux

14 ordonnances communiquées.

15 Tout d'abord, le fait que ce genre d'assignation ne trouve pas

16 de fondement, ni dans le statut, ni dans le droit international.

17 Deuxième point, il est inutile de rendre ce genre d'assignation.

18 Troisièmement, cela est même dommageable.

19 Dans la présentation de la déclaration de la Croatie, je me

20 trouverai lié assez étroitement par les instructions que j'ai reçues, mais

21 je serai tout à fait disposé à répondre à vos questions éventuelles pour

22 que je développe le point de vue de la Croatie puisqu'il s'avère que je

23 suis par ailleurs, également, Professeur de droit.

24 Si vous me le permettez, Madame le Président, je vais donc lire

25 cette déclaration.

Page 15

1 La République de Croatie est l'un des états qui a voulu

2 l'établissement du Tribunal pénal international et continuera

3 de lui apporter son soutien.

4 Qui plus est, la Croatie considère qu'elle a une obligation tant

5 morale que juridique, de coopérer avec le Tribunal.

6 Nous sommes reconnaissants à la communauté internationale des

7 ressources qu'elle a apportées au Tribunal jusqu'ici et nous nous

8 félicitons des efforts consentis par le Tribunal et par ses représentants

9 pour la mise en oeuvre de sa noble tâche.

10 Nous insistons cepndant sur le fait que le Tribunal doit

11 fonctionner de façon équitable et juste, et en particulier, que la justice

12 qu'elle rend doit être rendue dans le cadre établi par le droit et la

13 pratique juridique existante.

14 Le fait que la Croatie comparaisse devant le Tribunal

15 aujourd'hui pour manifester une objection à une procédure particulière

16 entreprise par le procureur ne signifie pas que la Croatie s'oppose au

17 Tribunal. Bien au contraire, notre comparution a pour seul objectif

18 d'aider le Tribunal à trouver une solution et à adopter la solution la

19 plus juste dans une question très délicate, une décision qui, à la fois,

20 permettra au Tribunal de s'acquitter de son mandat et facilitera le

21 développement du droit pénal international.

22 Je voudrais maintenant, Madame le Président, vous présenter les

23 arguments contre ce genre d'assignation.

24 Tout d'abord, l'assignation ne trouve pas de fondement, ni dans

25 le statut, ni dans le droit international. Le tribunal pénal international

Page 16

1 et son statut ont été établis en vertu de résolutions du Conseil de

2 Sécurité de l'organisation des Nations-Unies.

3 La fonction du statut consiste à définir les limites de la

4 compétence du Tribunal. Ce n'est que dans ces limites que le Tribunal est

5 habilité à se doter de règles de procédures et de preuves.

6 Ces limites, comme nous en donnerons la preuve convaincante, ne

7 doivent et ne peuvent pas inclure l'assignation.

8 Le statut autorise le Tribunal à adopter un règlement de

9 procédure et de preuves dont le seul objectif est de résoudre des

10 questions techniques afférentes à l'administration du Tribunal.

11 A cet égard, je voudrais rappeler les termes employés par le

12 président du Tribunal, le juge Cassese qui, dans une allocution prononcée

13 à l'Assemblée générale des Nations-Unies le 19 novembre 1996, a déclaré ce

14 qui suit. Je cite : "Aucune règle de procédure et aucune modification à

15 ces règles ne peut attenter aux principes énoncés dans le statut."

16 En considérant la compétence du Tribunal, il faut se référer à

17 deux sources :

18 1. Le statut

19 2. Les déclarations prononcées au Conseil de Sécurité à l'époque

20 de l'adoption des résolutions 808 et 827, la première portant création du

21 Tribunal et la deuxième définissant les compétences du Tribunal par le

22 truchement du statut.

23 Telles sont les seules sources faisant foi pour la question de

24 la compétence du Tribunal. Le statut ne dit rien concernant le mandat du

25 Tribunal sur la question des assignations.

Page 17

1 En effet, si l'on interprète comme il convient le statut dans sa

2 globalité, il en ressort à l'évidence que le Tribunal n'a pas le pouvoir

3 de délivrer des assignations à l'encontre d'états souverains.

4 A cet égard, si le Conseil de Sécurité avait souhaité que le

5 Tribunal ait ce mandat extraordinaire, un mandat qui créerait une pratique

6 nouvelle en droit international dans les rapports entre les états, il

7 l'aurait très certainement dit de façon explicite.

8 Or, bien au contraire, de nombreux membres du Conseil de

9 Sécurité ont dit tout aussi explicitement qu'il excluait la possibilité de

10 mettre en place des innovations créatives de la part du Tribunal en droit

11 international.

12 Je voudrais citer quelques-uns de ces membres. Le délégué

13 vénézuelien, lors de l'adoption de la résolution 827, a fait les

14 observations suivantes et je cite : "Le Tribunal, en tant qu'organe

15 subsidiaire du Conseil, n'aura pas le pouvoir et le Conseil ne doit pas

16 être réputé avoir le pouvoir de créer des normes de droit international ou

17 de légiférer concernant ces droits. Le Tribunal ne peut qu'appliquer le

18 droit humanitaire international existant."

19 Le représentant du Royaume-Uni a dit, pour sa part : "Le statut,

20 naturellement, ne crée pas de droits nouveaux mais reflète le droit

21 international existant en la matière."

22 Le représentant de la Nouvelle-Zélande a été tout aussi clair,

23 et je cite : "Nous devons nous souvenir cependant que le Tribunal est une

24 cour de justice. Son devoir consiste à appliquer de façon indépendante et

25 impartiale les règles de droit international coutumier et, pensons-nous,

Page 18

1 du droit conventionnel applicable sur le territoire de l'ex Yougoslavie."

2 Dans son rapport adressé au Conseil de Sécurité en date du 3 mai

3 1993, auquel le projet de statut est joint en annexe, le secrétaire

4 général a indiqué que, je cite : "Il doit être souligné qu'en assignant au

5 tribunal international la tâche de poursuivre les personnes coupables de

6 violation grave du droit humanitaire international, le Conseil de Sécurité

7 ne crée pas et ne demande pas que l'on légifère en la matière.En revanche,

8 le Tribunal international aura pour tâche d'appliquer le droit humanitaire

9 international existant."

10 Malheureusement, le procureur, en demandant que soit rendue une

11 assignation, celle qui est contestée ici, demande au Tribunal

12 d'entreprendre une démarche qui est contraire, à la fois au statut et au

13 droit international coutumier.

14 La notion d'assignation n'existe pas, que ce soit dans le statut

15 ou dans le droit international, et si l'on voulait insister, maintenir

16 cette pratique juridique nouvelle, il faudrait l'appliquer à tous les

17 états de la même façon, étant donné le principe d'égalité souveraine des

18 états qui est une prémice essentielle de la charte et du droit

19 international.

20 Qui plus est, la Croatie ne peut accepter que soit utilisées les

21 assignations à l'égard de ces hauts fonctionnaires. En vertu tant du

22 statut que du règlement de preuves et de procédure, ce sont les états qui

23 ont l'obligation de coopérer avec le Tribunal, et non pas des organes

24 gouvernementaux particuliers ou certains hauts fonctionnaires.

25 Toutes les règles de droit interne et pas seulement la loi

Page 19

1 croate interdisent que les hauts fonctionnaires divulguent des documents

2 d'état sans que les organismes compétents de cet état l'aient d'abord

3 autorisé à le faire.

4 En demandant que soit contester une assignation, demande au

5 tribunal d'entreprendre une démarche contraire à la fois au statut et au

6 droit international coutumier.

7 La notion d'assignation n'existe pas que ce soit dans le statut

8 ou dans le droit international.

9 Si l'on voulait insister et maintenir cette pratique juridique

10 nouvelle, il faudrait l’appliquer à tous les Etats de la même façon, étant

11 donné le principe d'égalité souveraine des Etats qui est une prémisse

12 essentielle de la charte et du droit international..

13 Qui plus est; la Croatie ne peut à accepter que soit utilisées

14 des assignations à l'égard de ces hauts fonctionnaires. En vertu tant du

15 statut que de règlement de preuve et de procédure, ce sont les Etats qui

16 doivent coopérer avec le tribunal et non pas des organes gouvernementaux

17 particuliers ou certains hauts fonctionnaires.

18 Toutes les règles de droit interne, pas seulement la loi croate

19 interdit que les hauts fonctionnaires divulguent des documents d'Etat sans

20 que les organismes compétents de cet Etat l’ai d’abord autorisé à le

21 faire.

22 Il est vrai, certes, que les Etats doivent contribuer avec le

23 tribunal, mais il est vrain que c’est l’Etat lui-même qui décide lequel de

24 ses organismes doit s’acquiter des tâches afférentes à cette coopération.

25 Une demande d’assistance ou de communication de pièce de la part

Page 20

1 de hauts fonctionnairesqui violeraient les lois internes d'un Etat est non

2 seulement contraire au droit international mais même une menace à l'ordre

3 juridique interne.

4 Lorsque le tribunal à besoin de certains documents ou quand il

5 demande la coopération d'une autre manière de la Croatie, il doit

6 communiquer cette demande à la Croatie par le truchement du Bureau

7 officiel chargé de la coopération avec le tribunal..

8 Les demandes présentées par d’autres voix n'ont pas de force

9 exécutoire pour la Croatie car elles sont contraires au droit

10 international et contraires à l’ordre juridique interne de la Croatie.

11 Aucun gouvernement responsable ne peut accepter de situation où l’Etat se

12 verrait ainsi contourné ou ignoré.

13 Mme le Président, Je voudrais passer maintenant à notre deuxième

14 argument, à savoir que l’assignation est inutile.

15 Mme le Président (interprétation).- Excusez-moi, Monsieur

16 l’ambassadeur, voulez-vous répondre aux questions par la suite ou les

17 questions doivent être adressées à Mme Baragona ou à M. Revkin ?

18 M. Nobilo (interprétation).- Mme Baragona.

19 Maître Rivkin (interprétation).- Si vous me le permettez, Madame

20 le Président, je répondrai aux questions posées par la suite.

21 M. Nobilo (interprétation).- Ce problème de communication avec

22 les autorités croates ne se pose pas en l'espèce . Nous pourrons répondre

23 de la façon dont vous le souhaiterez. S'il y a des questions sur la

24 déclaration de la Croatie, j'y répondrai.

25 Mme le Président (interprétation).- J'ai quelques questions à

Page 21

1 poser. Vous dites que le conseil de sécurité a été établi non pas pour

2 légifèrer ou créer un droit nouveau, mais pour appliquer le droit existant

3 à l’époque de ces résolutions. Il n’y a pas de droit à créer. Il n’y a

4 qu’à appliquer le droit existant.

5 Ma question est la suivante : "quels étaient les précédents à

6 l'époque pour ce qui est 1) de l'établissement d'une juridiction

7 internationale en vertu du chapitre 7 de la charte et 2) l'établissement

8 d'une juridiction en vertu toujours du chapitre 7 mais d'une juridiction

9 pénale par nature ? Quels étaient les précédents à l'époque ."

10 Maître Rivkin (interprétation) - Madame le Président, il est

11 tout à fait évident que nous avons tous à faire face à quelque chose de

12 tout à fait neuf et que nous avons très peu d'expérience à la matière.

13 Cela pose des problèmes concernant les pouvoirs du tribunal, notamment au

14 vu des précédents qui sont l'objet de droits comparés Etats-Unis,

15 Royaumes-Uni et systèmes juridiques de droit civil.

16 Le tribunal est certes quelque chose de nouveau et à cet égard,

17 il y a forcément des innovations. Mias je ne pense pas qu'il soit

18 acceptable que cette innovation puisse comprendre la création de nouvelles

19 règles de droit international.

20 Certes un tribunal est créé :; il a besoin d’une certaine marge

21 de manoeuvre. Il doit être efficace mais dans le cadre des limites

22 imposées par le droit international pénal existant. S'agissant des

23 assignations, il n'y a aucun précédent dans l’histoire du droit où des

24 assignations ont été rendues par un tribunal international à l’encontre

25 des Etats. Or, il y a eu des juridictions internationales par le passé.

Page 22

1 Mme le Président (interprétation).- Monsieur Revkin, voulez-vous

2 poursuivre sur ce point où voulez-vous que l’ambassadeur termine sa

3 déclaration ?

4 M. Nobilo (interprétation).- M. Revkin peut ajouter quelque

5 chose s'il le faut et si vous le permettez.

6 Mme le Président (interprétation).- Oui, tout à fait.

7 Nous pouvons aussi entendre l'ambassadeur, il est professeur de

8 droit ; il aura des choses pertinentes à dire.

9 Maître Rivkin (interprétation).- Ce n’est pas la création du

10 tribunal par le Conseil de sécurité qui pose un problème. Là, n'est pas

11 l'argument-clé de l'ambassadeur. Cette décision était exceptionnelle mais

12 très importante, mais le Conseil de sécurité a dit clairement qu'il ne

13 fallait pas que le tribunal crée un droit international nouveau.

14 C'est le point sur lequel nous apportons notre contribution. Je

15 pourrais apporter d'autres citations à l'appui, notamment le Royaume-Uni a

16 dit que le statut ne crée pas de droit nouveau mais reflète le droit

17 international tel qu’il existe. Nous poursuivrons cet argument. Nous le

18 définirons par la suite dans mon exposé et lors des questions réponses.

19 Le Conseil de sécurité à plein pouvoir en l’occurrence. Il

20 n'était pas dans son intention de donner au tribunal des pouvoirs

21 outrepassant celui de l'application du droit international.

22 M. Jan (interprétation). - Le Conseil de sécurité a créé cette

23 Iinstitution et lui a donné une tâche de nature judiciaire. Le tribunal, à

24 cet égar, peut se doter de son propre règlement de procédure.

25 Si le tribunal, en tant qu’institution ne peut pas avoir des

Page 23

1 moyens de preuve comment peut-il s’acquitter de son mandat confié par le

2 Conseil de sécurité. Il faut qu'il y ait des ordonnances, des incitations

3 à comparaître ou certaines formes d’assignations pour avoir les moyens de

4 preuve.

5 Maître Rivkin (interprétation).- Avec votre permission, nous

6 allons revenir sur ces questions de façon circonstanciée dans notre

7 exposé.

8 A ce stade, je dirai deux choses rapidement. Je comprends la

9 question de l'effet utile, nous voulons être efficaces. Mais avant d’y

10 arriver, nous voulons voir de façon large quelle est la portée des

11 pouvoirs conférés à ce tribunal ou tous autres organes qui ne soient pas

12 vraiment une instance plénière souveraine mais qui est dotée par une autre

13 instance de pouvoirs limités.

14 Une fois que la portée de ces pouvoirs est établie, on peut

15 appliquer toutes les règles du statut mais pas l’inverse.

16 Deuxièmement, de façon substantielle, pour nous ce n’est pas une

17 situation où on peut gagner ou perdre. Si vous n'avez pas de pouvoir en

18 matière d'assignation, vous n'auriez pas du tout de pouvoir. Vous avez

19 fonctionné avec beaucoup de réussite, vous avez mis en accusation

20 plusieurs personnes, vous menez des enquêtes et des instructions. Vous

21 avez déjà condamné au moins huit personnes. Ce n'est pas une question de

22 paralysie judiciaire, mais nous reviendrons sur ce point par la suite.

23 Merci.

24 Juge Jan (interprétation). - Les enquêteurs eux-mêmes doivent

25 avoir certains pouvoirs pour rassembler certains éléments de preuve. C'est

Page 24

1 vrai pour la défense également. Si toutes les parties veulent précisern et

2 notamment la défense, veulent préciser la position de l'accusé.

3 Comme le disait Madame le juge McDonale, il s'agit d'une

4 nouvelle institution. Il faudra créer de nouvelles règles de droit

5 international pour assurer l'efficacité du tribunal, pour qu’il ne soit

6 pas impuissant.

7 S'il n'est pas possible de rendre des ordonnances pour la

8 production de moyen de preuve, cela revient à dire que nous sommes

9 impuissants en tant qu'Institution. Je ne pense pas que le Conseil de

10 sécurité se soit amusé à créer cet organe pour rien.

11 Maître Rivkin (interprétation).- Nos allons revenir sur le fond

12 de notre présentation. Mais je reviendrai par la suite quand mon collègue

13 aura terminé sont exposé.

14 Mme le Président (interprétation).- Vous pouvez poursuivre.

15 Maître Rivkin (interprétation).- En fait, la deuxième question à

16 précisément trait à la question posée par Monsieur le Juge Jan. Nous

17 allons affirmer que l'assignation est inutile. Elle n'est pas nécessaire.

18 La Croatie, comme tous autres Etats, a pour obligation de se plier aux

19 requêtes formulées par ce tribunal.

20 Pourquoi dans ce cas-là, le tribunal exige-t-il des assignations

21 sous contrainte, non pas en raison de l'efficacité parce qu'une

22 assignation inévitablement sera, de toutes façons nu dumius, puisqu'il n'y

23 a pas de sanctions prévues explicitement en cas d'inexécution d'une

24 assignation. Même si les assignations pouvaient être décernées au titre du

25 droit international contre l’Etat, aucune sanction n’est prévue à l'appui

Page 25

1 de cette assignation.

2 Pour le dire simplement, l'assignation n'est pas seulement

3 illégale, illicite, elle est aussi inutile. La seule sanction qui existe

4 en cas d'inexécution à une requête du tribunal est aussi prévue dans le

5 statut du règlement et c’est la notification au Conseil de sécurité ;

6 lequel dispose de tout un arsenal possible de sanctions. Cela ne peut être

7 qu'une sanction tout au plus.

8 Il faut noter que cette démarche correspondrait à une allégation

9 sérieuse de non comparution avec le tribunal et ne peut pas être utilisée

10 pour remplacer ce qui serait une déficience au plan procédural de la part

11 de ce tribunal.

12 La Croatie est d'accord pour dire que le tribunal doit avoir de

13 l'efficacité et des moyens pour faire valoir cette efficacité, si le cas

14 se présente.. Il n'est pas nécessaire d'inventer des moyens faux ou

15 illégaux.

16 J’aimerais ainsi en arriver à notre troisième argument. Argument

17 important, selon lequel nous disons qu'une assignation est dommageable.

18 Pourquoi la mise en effet d'une assignation est elle dommageable ?

19 Elle viole la souveraineté des Etats. C'est une vexation et elle

20 augmente aussi l'opposition que pourraient avoir certains Etats à coopérer

21 avec le tribunal.

22 En second lieu, on crée se faisant de nouvelles pratiques qui

23 pourraient éveiller des soupçons ou des inquiétudes et qui rendent la

24 création d'une cour criminelle permanente internationale plus difficile et

25 encore moins probable.

Page 26

1 Si le tribunal outre-passe ses compétences et arrête un jugement

2 en faveur de l’accusations, si le tribunal se dote des pouvoirs pour

3 dépasser sss propres compétences et le droits internationales existant en

4 décidant qu'une assignation est valable et doit être exécutée, ceci serait

5 aux antipodes des relations que nous cherchons à établir avec les Etats et

6 l’idée d'une prochaine compétence pénale internationale.

7 La création d'une nouvelle pratique juridique internationale

8 aurait des effets prolongés sur l’ordre actuel international qui se base

9 sur une définition claire de la souveraineté et de la position des Etats.

10 La possibilité de demander à un Etat de mettre à la disposition

11 du tribunal des secrets d’Etat aura un effet négatif sur la prochaine

12 évolution de la jurisprudence pénale internationale puisque les Etats ne

13 seront pas prêts à soutenir une telle évolution.

14 Dans ce contexte, nous constatons qu’au cours des préparatifs

15 préalables à l'établissement d'une cour crimilnelle internationale

16 permanente, la forme d’une assignation n'a pas été envisagée car cela

17 serait susceptible d'empiéter sur le principe de la souveraineté et de le

18 violer. Ceci n’est pas recevable.

19 De surcroît, l'argument soulevé par le procureur à propos d'Etat

20 soi-disant coupable pour lesquels des assignations seraient méritées alors

21 qu'il y aurait d’autres Etats envers lesquels il ne serait pas possible de

22 rendre de telles des assignations. Cela créerait des catégories d'Etats.

23 Si on introduitsait un tel concept en droit international, cela

24 susciterait d’abord un tollé international et ferait l'objet d’objections

25 de la plupart des Etats, surtout les petits. Et ceci aurait un effet

Page 27

1 négatif sur ce processus évolutif visant à la création d'une cour

2 criminelle internationale permanente, évolution à laquelle le tribunal

3 devrait contribuer.

4 En établissant et protégeant sa souveraineté, la Croatie a déjà

5 connu trop de victimes et a consenti à d'énormes sacrifices. Ses citoyens

6 ne tolèreront pas d'être traités comme des citoyens de seconde classe .

7 L'Etat ne veut pas être considéré comme étant un Etat coupable, d'après

8 les critères proposés par l'accusation.

9 Cette notion d’Etat coupable est particulièrement perturbante

10 quand on parle de la Croatie, Etat qui a été lui-même victime d'une

11 agression et qui a aidé la Bosnie-Herzégovine à survivre.

12 Voilà les principaux arguments avancés à l'encontre des

13 assignations.

14 Celles-ci n'ont aucun fondement dans le statut ni dans le droit

15 international.. Le droit international s'oppose plutôt à l'idée de

16 l’assignation. Une assignation n'est pas nécessaire puisque de toutes

17 façons, les Etats doivent coopérer avec le tribunal. Il y a des modalités

18 bien établies permettant de sanctionner tout manquement à l'obligation de

19 coopérer.

20 De plus, une telle assignation est dommageable puisqu’elle va

21 irriter certains Etats qui devraient coopérer avec le tribunal. Et aussi

22 parce que ceci rend moins probable l’établissement d’une cour criminelle

23 internationale permanente.

24 En conclusion, il est tentant pour le tribunal , et y compris

25 pour les juges qui sont favorables à l'idée de l'assignation, compte tenu

Page 28

1 du fait qu'il a déjà émis deux assignations de ce genre; il est difficile

2 de résister à la tentation de ce qui a déjà été fait. Mais le tribunal a

3 suffisamment de pouvoir pour résister à cela.

4 La plupart des amici curiae qui se sont prononcés, ont présenté

5 des vues analogues à celles que nous défendons en tant que République de

6 Croatie. Rares sont les personnes dans cette audience qui pensent qu'il

7 faut poser un jalon particulier vers le développement du droit pénal

8 international.

9 Certains des amici curiez n’ont pas en tant que représentant

10 classiques de la science, du droit, du droit pénal international sont

11 venus plutôt ici comme personnes soucieuses de participer à la création de

12 quelque chose neuf, de nouveau. Peut-être de nouvelles pratiques; de

13 nouvelles doctrines en droit international.

14 Le véritable problème qui se pose ici, est qu’il ne faut pas ici

15 créer de précédents dangereux; de nouvelles pratiques qui seraient

16 contraires au droit international, inutiles et dommageables.

17 Au contraire le tribunal doit résister à la tentation et

18 résister à la tentation d'utiliser les assignations. Ce tribunal devrait

19 poursuivre des travaux en prenant des mesures équilibrées qui ont leur

20 assise dans le droit international. existant et rester dans le cadre de

21 l’ordre international établi.

22 Mme le Président (interprétation).- Je vous remercie.

23 Juge Jan (interprétation). - la Croatie a-t-elle déjà désigné

24 des fonctionnaires ou des autorités par le truchement desquels il est

25 possible de veiller à la production de moyens de preuve ? Y a-t-il déjà un

Page 29

1 bureau chargé de coopérer avec le tribunal ?

2 fin de l’intervention du Juge jan hors micro

3 désigné par le gouvernement ? N’'avez-vous pas désigné déjà une

4 personne; un fonctionnaire ou un dignitaire qui sera la filière de

5 communication des moyens de preuve requis par le tribunal. ?

6 M. Nobilo (interprétation).- Effectivement, nous avons déjà

7 adopté une loi constitutionnelle en matière de coopération de la Croatie

8 avec le tribunal. Dans le cadre de ces lois, on trouve une disposition

9 explicite relative à l'établissement d'un bureau chargé de la coopération.

10 On a déjà désigné le responsable de ce bureau. Cette personne est assise

11 dans la galerie. Il est aisé de l'identifier.

12 Mme le Président (interprétation).- Cette obligation de

13 coopération ne revient pas à ce bureau; elle incombe à la Croatie.

14 A l'article 2 de cette loi constitutionnelle, vous dites qu'au

15 nom de la Croatie, gouvernement de la Croatie sera le coordinateur et la

16 personne ou l'entité responsable de la comparution avec le tribunal.

17 Par la suite, vous faites effectivement état du bureau chargé de

18 la coopération. Quoi qu'il en soit, cette obligation incombe à la Croatie.

19 Le bureau, vous avez parlé de M. Jelenic qui n’est pas ici, vous avez dit

20 que quelqu'un se trouve dans la galerie du public...

21 M. Nobilo (interprétation).- Il se trouve présent.

22 La loi constitutionnelle prévoit que le gouvernement consitute

23 un bureau chargé de la coopération.. Ce que nous avons fait. Ce sont des

24 obligationsqui n'incombent pas à des particuliers mais à des Etats. Les

25 Etats ont déterminé une organisation qui affecte des fonctions et des

Page 30

1 devoirs à des fonctionnaires. Nous avons créé un bureau par le

2 gouvbernement et vous avez un haut fonctionnaire, le conseil de ce bureau,

3 responsable pour les décisions les plus importantes.

4 Mme le Président (interprétation).- Je suppose que M. Jelenic

5 n’a pas le pouvoir nécessaire pour prendre des mesures qui ne seraient pas

6 approuvées par le gouvernement de la Croatie.

7 Dr Simonovic (interprétation). - Il est certain que cette

8 personne se conforme aux lois de la Croatie dans la mesure où il s'agit

9 d'un bureau du gouvernement et parmi le conseil, il y a quelque vice-

10 président du gouvernement et des ministres de ce gouvernement. Il il doit

11 en référer au gouvernement.

12 Mme le Président (interprétation).- Nous n'avons pas de

13 questions supplémentaires à vous poser, Monsieur l'ambassadeur Simonovic.

14 Merci d'avoir répondu et d'avoir fait l'exposé que vous avez fait.

15 Mme Baragon (interprétation).- Avec votre permission, je dirais

16 qu’on m’a demandé de soulever plusieurs points relatifs au droit

17 international. supplémentaire à ceux que vient d’exposer M. Simonovic.

18 Tout d’abord, l’accusation demande une procédure inusitée en la

19 forme des assignations qui ne sont pas reconnues par le droit

20 international ni par le droit de la plupart des Etats, hormis les Etats-

21 Unis. Même aux Etats-Unis, ce serait dans une forme requise par le

22 tribunal mais non recevable aux Etats-Unis.

23 Ni dans le statut, ni dans le règlement de procédure et de

24 preuve, il n'y a de possibilités d'engager cette procédure d'assignation à

25 l’encontre d'un Etat ou d’un de ses fonctionnaires.

Page 31

1 L'accusation veut sanctionner la Croatie ou des hauts

2 fonctionnaires qui ne relèvent pas de la compétence du tribunal dans leur

3 capacité personnelle et ne sont pas l'objet de sanctions en leur capacité

4 professionnelle.

5 Il est significatif que ces points impliquent tous les membres

6 de l'organisation des Nations Unies; ce tribunal et d'autres instances de

7 ce genre. Il est certain que ce pouvoir qu'affirme le procureur, qui

8 permettrait d’adresser des assignations à la Croatie et de sanctionner ces

9 fonctionnaires en cas d'inexécution, si cela était accepté par le

10 tribunal, cela pourrait dire que ce serait accepté ou lancé contre

11 d'autres Etats. Cela serait important dans le cadre de l'avenir du droit

12 international.

13 Mme le Président (interprétation).- Je ne pense pas que le

14 procureur ait affirmé disposer de l'autorité nécessaire pour imposer des

15 sanctions pénales à l'encontre d'un Etat.

16 Le procureur affirme, certes, que le tribunal est habilité à

17 rendre des assignations mais ne pourrait imposer des sanctions pénales

18 qu’à l’encontre d’un particulier. Croyez-vous que par le seul titre du

19 document subponae, c'est ce faisant outre-passer le pouvoir qu'a ce

20 tribunal ?

21 Mme Baragon (interprétation ).- Oui, Madame le Président. Nous

22 contestons ici la forme adoptée pour remettre cette assignation. Monsieur

23 l'ambassadeur l’a dit, le gouvernement croate ne s'oppose pas à l'idée de

24 la coopération avec le tribunal puisque cela est prévu expresis verbis

25 dans le règlement.

Page 32

1 Nous faisons opposition à la forme de la subpoena qui serait

2 adressée à un Etat souverain Nous ne discutons pas de la possibilité

3 qu'aurait le tribunal de rendre une assignation à l’égard d’un individu

4 personnel. Nous discutons de la forme qu'a pris cette assignation à

5 l'égard d'un Etat souverain et de l'application ultérieure d’une

6 'assignation aux hauts fonctionnaires simplement parce qu’ils sont

7 fonctionnaires de cet Etat, impliquant de cette façon qu’il est possible

8 d’imposer des sanctions en cas d'inexécution par le fonctionnaire.

9 Mme le Président (interprétation).- Restons-en à la première

10 question. Le tribunal a la compétence suffisante pour émettre, pour rendre

11 des ordonnances à l'égard d'un Etat. Les Etats sont obligés de s'exécuter.

12 Mme Baragona (interprétation ).- Ce n’est pas contesté.

13 Mme le Président (interprétation).- Le tribunal peut décider

14 qu’il y a eu exécution. Vous dites que le tribunal peut en faire apport au

15 Conseil de sécurité.

16 Mme Baragona (interprétation ).- Nous ne contestons pas cela non

17 plus.

18 Mme le Président (interprétation).- Vous ne voulez pas que le

19 document adressé à l’Etat porte le nom subpoena.. Vous étiez absente quand

20 nous avons discuté de l'assignation adressée à la Bosnie-Herzégovine.

21 Peut-être que Mme Glumac pourrait vous éclairer là-dessus. Mais il avait

22 été suggéré que si j’écrivais une lettre à ce particulier, peut-être qu’il

23 viendrait comparaître devant nous.

24 Cela veut-il dire que vous nous dites comment nous devons

25 exercer nos compétences, tout simplement parce qu'une partie lésée par le

Page 33

1 terme subpoena ?

2 Si le tribunal estime que la subpoena ou assignation n'encourera

3 pas sanction à l’encontre du notataire. Il y a quand même obligation de

4 s'acquitter de l'obligation.

5 Mme Baragona (interprétation ).- Nous ne sommes pas vexés. Ce

6 n'est pas une réponse émotive. Nous répondons au plan juridique sur un

7 instrument juridique. Si l'assignation devenait recevable, acceptable en

8 droit international comme étant quelque chose que l’on peut appliquer à

9 l’encontre d’un Etat souverain, qu’est-ce que ceci signifierait en matière

10 de l’évolution, par exemple pour la Bosnie ?

11 On pourrait dire on ne voulait pas avoir de sanction, de

12 pénalité. Mais ceci pourrait ne pas se reproduire. Il se peut qu'une

13 subpoena à l’avenir soit addressée à un Etat souverain et nous estiimons,

14 en tant que Croatie, que cette forme n'est pas appropriée.

15 Mme le Président (interprétation).- La Croatie dispose de

16 suffisamment de souveraineté pour ne pas avoir se sentir liée, tenue par

17 un ordre. Est-ce bien ce que vous dites ?

18 Mme Baragona(interprétation ).- Si on invoque la notion de

19 sécurité d'Etat.

20 Mme le Président (interprétation).- Je comprends mais nous

21 allons y revenir.

22 Il est clair que la Croatie a dit qu’elle voulait coopérer. Elle

23 est obligée de le faire au titre de la loi et du règlement.

24 Mme Baragon (interprétation ).- Permettez-moi de poursuivre.

25 C’était simplement mon introduction.

Page 34

1 Premier point, la compétence qu'a tribunal d'adresser une

2 assignation à un Etat ou à ces fonctionnaires, ce tribunal recherche des

3 pouvoirs extraordinaires qui ne sont pas disponibles dans d'autres

4 systèmes juridiques. Ce n'est donc pas légale et constitutionnelle dans le

5 contexte de la poursuite pénale aux Etats-Unis

6 Mais le procureur ne peut faire mention d’aucun principe de

7 droit international ni d’aucune disposition établie par le règlement du

8 tribunal ni dans le règlement de procédure ou de preuves qui disent qu'il

9 est possible expressément de rendre une subpoena duces tecum à l'encontre

10 d'un Etat ou de ses fonctionnaires.

11 En fait, cela veut-il dire que le tribunal croit qu'il s'agit

12 d'un pouvoir routinier inhérent à toutes les instances ou les

13 juridictions ? Ce ne serait pas vrai car ce n’est pas un élément routinier

14 qu'utilisent tous les systèmes internes du monde.

15 Cette notion est inconnue dans la plupart des systèmes internes.

16 La subpoena est surtout une novation américaine qui est entrée dans le

17 cadre très large de la communication de moyens de preuve et dans la

18 procédure américaine.

19 Une subpoena duces tecum est tout à fait controversée sur la

20 scène internationale. De fait, certains forums inter nationaux ont

21 interdit cette forme dans le cadre de la communication de preuves. Je

22 pense ici aux Pays-Bas, à la France, à la Suède, au Royaume-Unis et au

23 Canada.

24 Ce me sont ces mêmes Etats, cités par le procureur comme étant

25 favorables à l'idée ou la notion selon laquelle on peut émettre une

Page 35

1 assignation à l'égard d'un Etat souverain.

2 Le seul fait d'appliquer les règles de communication de

3 procédure, y compris la subpoena américaine, fait l'objet de controverses

4 C'est un instrument qui vise spécifiquement à fonctionner dans le cadre du

5 système juridique américain. Il fonctionne en conjonction avec toutes les

6 restrictions statutaires et juridictionnels revenant aux tribunaux, y

7 compris pour ce qui est du quatrième amendement de la consitution

8 américaine. Elle interdit toutes fouilles et prévoit le respect de la

9 séparation des pouvoirs ancrés dans la constitution.

10 Le procureur veut donc importer ce produit américain dans le

11 droit international sans les restrictions internationales qui restreignent

12 l’utilisation de cette procédure même aux Etats-Unis.

13 De surcroît, la subpoena duces tecum, dans la forme générale que

14 le procureur veut insitituer ici, n'existe même pas aux Etats-Unis. Nous

15 sommes dans une instance pénale. Vous avez le droit de poursuivre des

16 personnes pour des crimes parmi les plus horribles. Il est possible

17 d'imposer des sanctions qui vont jusqu'à la prison à perpétuité.

18 Dans ce cas, la cour suprême des Etats-Unis indique clairement

19 que la subpoena dont peut disposer la procédure américaine, ne peut être

20 utilisée comme le procureur le veut en cette instance, comme étant un

21 moyen pour produire des moyens de preuves qui peuvent être potentiellement

22 important ?

23 Dans la même affaire, les Etats-Unis ont expliqué qu’une

24 subpoena exigée dans une affaire pénale ne peut être utilisée pour aller à

25 la pêche au document.

Page 36

1 Cette subpoena, dans une affaire pénale au titre des règles

2 fédérales, se limite à une procédure très étroite qui vise à la production

3 de moyens de preuve avant le procès. Il est intéressant que l’on cite un

4 article 17 décrivant l’assignation mais n’allant pas plus loin.

5 A la 17-H, on nous dit que les déclarations d'éventuels témoins

6 ne peuvent être exigées sous forme d'assignation.

7 Un autre cas avait été celui où le Président des Etats-Unis

8 demandait des documents particuliers par exemple des cassettes concernant

9 l'accusé. La cour fédérale a dit qu'il fallait réunir une série de

10 critères précis avant de pouvoir requérir à la subpoena pour la production

11 de documents et de moyen de preuve.

12 Il faut montrer, dit la cour, que ces documents sont de nature

13 probante, pertinente et qu'il n'est pas possible de se les procurer

14 autrement avant le procès en utilisant la diligence et que les parties ne

15 peuvent se préparer au procès que s'ils disposent de ces documents. Tous

16 défauts d'obtention de ces documents pourraient entraîner un retard indû

17 du procès et que cette modalité n'est pas utilisée pour partir à la pêche

18 de documents.

19 Ce qui signifie qu'il faut franchir trois obstacles : la

20 pertinence, la recevabilité et la spécificité.

21 Par conséquent, s'agissant de chacun des documents requis par le

22 procureur, celui-ci doit montrer que les documents contiennent des moyens

23 de preuve indispensable au dossier de ce procès.

24 En l'occurrence, le procureur n'a même pas essayé de prouver que

25 les documents qu'elles requierent, contiennent éventuellement des moyens

Page 37

1 de preuve et, a fortiori, des moyens de preuve nécessaires pour le procès.

2 Le procureure, au contraire, s’est engagé dans une activité de

3 recherche ou de pêche de documents qui n'est pas admissible et qui avait

4 été rejeté dans l'affaire Nixon. En dépit des affirmations du procureur,

5 selon lesquelles, elle reprend une pratique éprouvée disponible aux

6 instances et aux différentes juridictions.

7 Le procureur voudrait une pratique unique américaine et en faire

8 un droit international sous une forme qui n'est pas connue aux Etats-Unis

9 car elle est sans limite. Elle est fondamentalement incohérente avec la

10 constitution américaine et les règles établies régissant ces procédures

11 pénales. Nous demandons instamment au tribunal qu’il rejette cette forme

12 de pouvoir excessif.

13 Mm le Président (interprétation). - Avant que vous ne quittiez

14 la procédure américaine -je croyais que j'en étais débarrassée mais

15 revenons-y- vous dites que ceci ne s'applique pas aux procédures pénales

16 aux Etats-Unis.

17 Mme Baragona.- (interprétation).- Il y a des circonstances

18 différentes parce que sous l'angle de la souveraineté établie, chapitre 7

19 de la charte des Nations-Unis, vous savez qu'il y a déjà renoncement de

20 souveraineté par les états qui ont donné l'autorité au Conseil de

21 Sécurité, autorité primordiale, d'assurer le maintien de la paix et aussi

22 de décider, au titre de l'article 24, de déterminer les mesures adéquates.

23 Il y a donc déjà renonciation par les états.

24 Mme Baragona.- (interprétation) A l'égard des Etats-Unis.

25 Mme le Président (interprétation). - A l'égard du Conseil de

Page 38

1 Sécurité. Mais effectivement, nous avons le droit d'émettre des

2 ordonnances qu'il faut respecter. Les états ne peuvent pas simplement dire

3 : "Nous sommes souverains".

4 Mme Baragona.- (interprétation).- Ce n'est pas ce que j'ai dit.

5 Ils peuvent répondre, ils doivent répondre, à moins que ce ne

6 soit un secret d'état.

7 Mais laissons ceci de côté. Bien sûr qu'il est possible d'élever

8 des objections au titre des secrets d'état et nous reviendrons dans un

9 instant à cette question. Mais en tant que principe général, hormis la

10 vocation d'un secret d'état, l'état ne peut pas simplement dire qu'il est

11 souverain et ne va pas exécuter une ordonnance parce qu'il est souverain.

12 M. RIVKIN (interprétation). - Nous ne voulons pas dire ici que

13 vos procédures sont régies par la constitution américaine. L'objectif

14 poursuivi ici pour préciser la procédure de style américaine est que -nous

15 avons peut-être tort-. A la lecture du mémoire du procureur, nous avons vu

16 que le procureur essaie de convaincre les juges que le style même, la

17 forme même de cette procédure est un instrument routinier, et je crois

18 qu'il est utile que ce tribunal prenne connaissance de notre avis. A notre

19 avis, ce n'est un instrument habituel, routinier, et deuxièmement, nous

20 pensons qu'il n'est pas possible ici de lancer quelque chose qui ne

21 pourrait pas être reproduit. Nous ne voulons pas dire ici que ce tribunal

22 soit régi par la jurisprudence ni par la loi américaines, même si nous

23 avons mentionné l'affaire Nixon.

24 Mme le Président (interprétation). - Je vais peut-être réagir

25 à ce que disait Me Baragona et puis à vous, Maître Rivkin.

Page 39

1 Je voulais dire en fait, que si vous dites que cette procédure

2 est inconnue, même aux Etats-Unis, vous voulez dire qu'il est peu connu

3 qu'on puisse, en fait, invoquer le secret d'état, par exemple pour

4 renoncer à l'applicabilité d'une subpoena.

5 Mme Baragona.- (interprétation).- Ce n'est pas tellement à cela

6 que je pensais quand je disais que l'utilisation de la subpoena duces

7 tecum était inconnue ou n'était pas utilisée, ou utilisable en tant

8 qu'instrument. Ce n'est pas possible de l'utiliser parce qu'il y a

9 séparation des pouvoirs. Ce que je veux dire, c'est que notre done est

10 différente parce qu'ici, nous avons tout du moins une instance qui a été

11 créée par le Conseil de Sécurité au titre du chapitre 7 et la question de

12 la souveraineté, ou par analogie, de la séparation des pouvoirs n'a pas sa

13 place ici dans nos procédures. Elle n'a pas non plus sa place dans quelque

14 juridiction que ce soit qui soit basée sur un traité.

15 Mme le Président (interprétation). - Vous dites que cet

16 instrument n'est pas pertinent. Vous avez parlé de trois critères, la

17 pertinence, la spécificité, la recevabilité. Bien sûr que cet instrument

18 doit être recevable ou est-ce qu'il faut simplement dire que cet

19 instrument est intéressant en ce qu'il amène à la production de documents

20 pertinents ? Est-ce que vous reprenez la règle américaine ?

21 Mme Baragona (Interprétation).- Je ne suis pas en mesure de dire

22 ce que le Tribunal doit considérer comme élément lorsqu'il va voir quelle

23 est la procédure à appliquer, ou lorsqu'elle va déterminer la pertinence

24 de tel ou tel moyen de preuve.

25 Mme le Président (interprétation). - Si vous dites que les

Page 40

1 états ne peuvent pas être l'objet d'asignation, c'est peut-être vrai dans

2 certaines circonstances mais il est certain que dans les Etats-Unis, des

3 déclarations sont faites à l'accusation au titre des règles fédérales de

4 la procédure pénale, après déposition d'un témoin, n'est-ce-pas ?

5 Mme Baragona (interprétation).- Oui, nous ne disons pas que le

6 gouvernement croate ne veut pas donner cette information mais nous

7 contestons l'instrument.

8 Mme le Président (interprétation). - Parce que les règles

9 fédérales de la procédure pénale disent expressément qu'en matière pénale,

10 des déclarations ne feront pas l'objet de communication de preuves avant

11 que le témoin n'ait témoigné.

12 Il y a donc une règle explicite dans le système américain, selon

13 laquelle il n'est pas possible d'exiger la production de déclarations

14 avant déposition du témoin.

15 Mme Baragona (interprétation).- Oui, Madame le Président.

16 Mme le Président (interprétation). - Mais nous n'avons pas un

17 article de ce genre dans notre règlement.

18 Mme Baragona (interprétation).- Oui mais vous avez un article 17

19 C qui prévoit la possibilité d'appliquer une subpoena duces tecum.

20 Nous disons que si l'on examine l'article qui suit, le 17 H, on

21 constate que le Tribunal utilise cet outil pour la poursuite de ses

22 objectifs propres, sans que nous ayons été informés de l'existence de cet

23 outil.

24 Mme le Président (interprétation). - Je comprends, je

25 comprends.

Page 41

1 S'agissant de l'affaire Reynolds et Nixon, pensez-vous que ces

2 affaires permettent de soutenir que la production de documents

3 susceptibles de contenir des secrets d'état est absolument interdite, ou

4 bien qu'ils viennent à l'appui de l'idée que la partie qui répond est dans

5 l'obligation de justifier ? Je ne parle pas de l'état prima facie mais de

6 justifier qu'il s'agit bien d'un secret d'état et que, dans certaines

7 circonstances, cela peut être suffisant pour que le Tribunal ne reçoive

8 pas le document en question.

9 Mme Baragona (interprétation).- Madame le Président, je crois

10 qu'il y a un certain élément de vérité, d'exactitude dans les deux

11 déclarations que vous venez de faire.

12 L'affaire Nixon ne vient pas à l'appui de l'idée que des

13 documents ne peuvent pas être fournis par un état souverain. Il faut qu'il

14 y ait arbitrage. Je reviendrai sur ce sujet ultérieurement, mais cet

15 arbitrage, dans l'affaire particulière dont nous parlons, a été réalisée

16 par deux organes du même état souverain.

17 Mme le Président (interprétation). - Exactement.

18 Mme Baragona (interprétation).- C'est donc une situation

19 différente.

20 Mme le Président (interprétation). - Protégée par le secret

21 d'état. La question qui se pose est : jusqu'où le pouvoir judiciaire peut-

22 il entrer dans les pouvoirs de l'exécutif ?

23 Mme Baragona (interprétation).- Oui et en référence à cette

24 situation, je crois qu'il est permis de se demander jusqu'où le juge d'un

25 tribunal peut entrer dans les pouvoirs d'un état aux fins d'arbitrer à ses

Page 42

1 fins propres, quant au fait que les intérêts de l'état concerné ne sont

2 pas au même niveau que les intérêts du Tribunal, et cela dans l'espoir

3 d'aboutir à une fin équitable.

4 Mme le Président (interprétation). - Je ne sais pas si c'est la

5 méthode appropriée car nous sommes ici dans un organe de tribunal

6 international qui s'est vu conférer la primauté en vertu des pouvoirs qui

7 lui ont été conférés par le chapitre 7. Donc, je ne crois pas que ce soit

8 un problème.

9 Mme Baragona (interprétation).- Primauté sur le droit national

10 mais pas primauté sur la souveraineté d'un état.

11 Mme le Président (interprétation). - Primauté dans la mesure où

12 les états ont le devoir de coopérer, primauté dans la mesure où les états

13 ont le devoir de se plier aux compétences de ce tribunal dans le cas d'une

14 procédure déjà engagée.

15 Mme Baragona (interprétation).- Je crois que nous nous situons

16 dans un contexte différent. En faisant objection à l'utilisation du terme

17 primauté, je ne suis pas en train de dire que le gouvernement croate n'a

18 pas le devoir de coopérer.

19 Mme le Président (interprétation). - Je crois que vous avez

20 raison, le terme primauté est utilisé dans le contexte qui lie nos procès

21 et les procès menés dans un autre état. Vous avez raison mais il y a un

22 devoir qui découle du chapitre 7, à savoir obéir aux ordonnances du

23 Tribunal parce que nous sommes une mesure de mise en oeuvre. N'est-ce-pas

24 le cas ?

25 Mme Baragona (interprétation).- Nous n'avons aucune objection

Page 43

1 par rapport à cela.

2 Mme le Président (interprétation). - Très bien, mais la façon

3 dont le secret d'état est traité, y compris par notre Tribunal par

4 opposition à une cour fédérale américaine, peut comporter des

5 considérations différentes intervenant à ce niveau.

6 Mme Baragona (interprétation).- Je crois que ces considérations

7 sont très différentes, Madame le Président.

8 Il est difficile, à mon avis, d'établir l'analogie qui

9 consisterait à dire que le présent tribunal est un organe international

10 qui n'est pas responsable devant le peuple d'un état souverain, qui n'a

11 pas à rendre compte à un état souverain. Il serait difficile de dire que

12 ce tribunal est dans la même situation que les organes chargés de défendre

13 l'intérêt national d'un état souverain, ce que peut faire le tribunal de

14 cet état souverain.

15 Mme le Président (interprétation). - Donc, vous dites que nous

16 sommes dans une position d'infériorité et que nous devrions davantage

17 respecter les états, dans le respect de leurs secrets nationaux ?

18 Mme Baragona (interprétation). - Oui, Madame le Président, car

19 je pense que le Tribunal a à sa disposition un outil. Si cette situation

20 lui déplaît, le Tribunal peut s'adresser au Conseil de Sécurité.

21 Mme le Président (interprétation). - Qui, à ce moment-là, exerce

22 son pouvoir politique.

23 Mme Baragona (interprétation). - Ses pouvoirs pléniers, les

24 pouvoirs qui lui ont été conférés par l'état souverain en question.

25 Mme le Président (interprétation). - Très bien. Merci.

Page 44

1 Mme Baragona (interprétation). - J'en arrive à mon deuxième

2 point. Le procureur tente d'exercer un pouvoir que le Conseil de Sécurité

3 n'a pas conféré au Tribunal. L'accusation affirme que le Conseil de

4 Sécurité a conféré expressément à ce tribunal le pouvoir d'utiliser une

5 assignation sous contrainte à l'encontre d'un état.

6 Cette affirmation est égalemennt inexacte. Il suffit de regarder

7 le statut du Tribunal qui confère de façon expresse l'autorité dont

8 dispose le Tribunal.

9 Nous sommes appelés ici à inférer un pouvoir conféré au

10 Tribunal, ce qui est en contradiction avec ce qui précède, si nous

11 regardons le règlement de procédure et de preuves.

12 Les disposition invoquées par l'accusation ne permettent, ni

13 expressément ni par implication, de penser que le Tribunal a le pouvoir de

14 délivrer une assignation sous contrainte à des états ou à ses hauts

15 fonctionnaires.

16 En vertu du statut du Tribunal, l'obligation d'un état comme la

17 Croatie consiste à coopérer, à aider le Tribunal, et de façon expresse, le

18 statut ne confère pas au Tribunal l'autorité générale de poursuivre et de

19 juger des états.

20 En acceptant l'obligation de coopérer avec le Tribunal et

21 d'aider le Tribunal, ni la Croatie, ni aucun autre état n'a accepté

22 d'exécuter les ordonnances du Tribunal sans poser de question quant à

23 l'harmonie entre ces ordonnances et le droit international général et sa

24 pratique.

25 Il convient donc d'examiner ce qui est très précisément défini

Page 45

1 dans le statut.

2 M. Jan (interprétation). - Pourriez-vous répéter votre dernière

3 phrase ?

4 Mme Baragona (interprétation). - En acceptant l'obligation de

5 coopérer avec le Tribunal et d'aider le Tribunal, ni la Croatie ni aucun

6 autre état n'a accepté d'exécuter les ordonnances du Tribunal sans poser

7 de questions, et ce indépendamment de leur conformité avec le droit

8 international et sa pratique.

9 M. Jan (interprétation). - Vous mettez en cause les compétences

10 du Tribunal ?

11 Mme Baragona (interprétation). - Non, Monsieur le Juge. Je dis

12 de façon très nette que toute partie prenante à une question présentée,

13 dont le Tribunal est saisi, est un point qui peut faire contestation.

14 M. Jan (interprétation). - Oui, bien sûr, àpartir du moment où

15 cet élément tombe dans le domaine public.

16 Mme Baragona (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Juge,

17 je ne vous entends pas bien.

18 M. Jan (interprétation). - Hors micro. Fin de la phrase : mais

19 il faut exécuter mais ce que vous dites est différent.

20 Mme Baragona (interprétation). - Je dis qu'un état qui a accepté

21 de coopérer avec le Tribunal et de lui apporter son aide a tout de même le

22 droit de présenter des objections, dès lors qu'il a le sentiment que ces

23 objections sont appropriées et nécessaires.

24 M. Jan (interprétation). - Très bien.

25 Mme le Président (interprétation). - Quelle est l'homologue d'un

Page 46

1 tel tribunal en droit international ? Dans votre mémoire, vous déclarez

2 que l'accusation ne pourrait trouver aucune institution judiciaire ayant

3 le pouvoir de délivrer des subpoena duces tecum et qu'il faut donc se

4 tourner vers d'autres institutions mais qu'aucune n'a ce pouvoir. Et je

5 crois que vous avez raison. Mais y a-t-il un homologue ? Est-ce que nous

6 pourrions trouver un tribunal x qui existerait en vertu du droit

7 international et dire : "Ce tribunal applique le droit international et

8 n'a pas le pouvoir de délivrer des assignations."

9 Et dire voilà le Tribunal applique le droit international et n'a

10 pas le pouvoir de désigner des assignations sous contraindre.

11 Mme. Baragona (interprétation) - Nous sommes tous d'accord sur

12 ce point, c'est la Cour Internationale de Justice.

13 Mme le Président (interprétation) - Nous sommes tous d'accord

14 sur ce point. Mais comme je l'ai dit hier, la Cour Internationale de

15 Justice, il faudrait se référer à un article de la charte, je ne l'ai pas

16 sous les yeux, qui prévoit le devoir de s'adresser au Conseil de Sécurité

17 pour mise en oeuvre. S'agissant de la Cour Internationale de Justice, il a

18 été déterminé qu'il convenait de s'adresser au Conseil de sécurité en cas

19 de nécessité de mise en oeuvre. Or dans notre statut, rien de ce genre

20 n'existe. Or, on peut penser que sachant ce qui existe dans la charte,en

21 rapport avec la cour internationale de justice, si la volonté avait existé

22 de stipuler la même nécessité, il aurait suffi de prendre le paragraphe de

23 la charte et de le copier. Or cela n'a pas été fait.

24 Mme. Baragona (interprétation) - Je crois que ce sujet a été

25 traité dans un des mémoires des amicis curiez.

Page 47

1 Mme le Président (interprétation) - Cela ne m'a sans doute pas

2 satisfaite.Mais parlez-m'en.

3 L'article 94 de la chartre stipule que si une partie à litige ne

4 satisfait pas aux obligations qui lui incombe en vertu d'un arrêt rendu

5 par la cour, l'autre partie peut recourir au conseil de sécurité et celui-

6 ci, si il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou des

7 décider des mesures à prendre pour faire exécuter l'arrêt.

8 Or, nousn nous avons un principe qui je crois n'existe pas en

9 droit américain. Peut-être que des professeurs de droit pourrait nous le

10 rappeler.

11 Je crois qu'il était prévu que les dispositions que je viens de

12 citer ne s'applique pas à notre Tribunal.

13 Mme. Baragona (interprétation) - Madame le Président, puis-je

14 présenter et faire deux commentaires.Analogie ne signifie pas réplique

15 exacte dans toutes les situations possibles. Il y a des situations où il y

16 a des similitudes et d'autres où il y a des différences. Et s'agissant de

17 votre deuxième argument dans la plupart des systèmes de Common Law, la

18 règle qui prévaut est que ce qui n'est pas interdit est autorisé. Alors

19 qu'en droit romain ce qui n'est pas autorisé est interdit.

20 On pourrait rentrer dans un débat très animé, quant au fait de

21 savoir si se sont les principes de la Common Law ou des droits romains qui

22 seraient les plus appropriés dans les procédures menées par le présent

23 tribunal.Mais moi aujourd'hui, je n'ai pas la possibilité de le faire de

24 façon suffisante.

25 Mme le Président (interprétation) - Peut-être que la question

Page 48

1 n'est pas facile à régler.

2 Pensez-vous que c'est le droit romain, plutôt que la Common Law

3 qui devait s'appliquer.ici ?

4 Mme. Baragona (interprétation) - Madame le Président, je viens

5 de dire que je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Mais si

6 nous regardons les systèmes judiciaires du Monde, il y a davantage de

7 systèmes régies par le droit romain plutôt que la Common Law.Et ces

8 systèmes sont régies par le principe que ce qui est interdit n'est pas

9 autorisé.

10 Mme le Président (interprétation) - Encore une question.

11 j'apprécierais que vous puissiez me donner la citation de cette

12 disposition de blocage qui existe dans le statut cité dans votre

13 introduction.

14 M. Rivkin (interprétation). - Nous le ferons, Madame le

15 Président.

16 Je reprends la parole pour vous dire que nous pensons que se

17 sont les dispositions du droit romain qui devrait s'appliquer ici.

18 J'insiste sur le fait que les pouvoirs sont très limités et très

19 strictement définis.

20 Qui penserait que l'absence de tel ou tel terme, dans les textes

21 statutaires, confère un pouvoir ?

22 Dans une situation statutaire donnée, je crois qu'il pourrait

23 être absurde d'énumérer tous les éléments. Par exemple, votre statut ne

24 stipule pas que vous avez le pouvoir de vous en remettre à une force

25 militaire pour l'accomplissement de vos objectifs.

Page 49

1 Je pourrais citer un certain nombre d'autres éléments non

2 stipulés expressement dans votre statut.et qui pour autant ne signifie pas

3 que le pouvoir en question n'existe pas.

4 Mme. Baragona (interprétation) - Madame le Président, j'aurais

5 encore un commentaire à faire au sujet de la question que vous avez posée

6 quant à l'analogie qui pourrait exister entre la Cour Internationale de

7 Justice.et le présent tribunal.

8 La cour internationale de justice est placée sur un pied

9 d'égalité avec le conseil de sécurité alors que le présent tribunal est un

10 organe auxiliaire du conseil de sécurité, ce qui permet de penser qu'il

11 existe probablement des différences dans les pouvoirs conférés à la cour

12 et au présent tribunal. Il est possible que le Conseil de sécurité est le

13 pouvoir dont nous discutons ici.

14 Dans ce cas, le tribunal doit s'adresser au conseil de sécurité

15 pour mettre en oeuvre ce pouvoir.

16 Mme le Président (interprétation) - Cette question de

17 subsisdiarité... Nous sommes tout de même un organe indépendant comme le

18 dirait le Juge Odio-Benito.

19 Mme. Baragona (interprétation) - Oui, ce serait une très bonne

20 description.

21 M. Odio-Benito.(interprétation) - Excusez-moi, mais il y a

22 encore une autre importante différence entre la cour internationale et le

23 présent tribunal. Nous sommes un tribunal pénal chargé de poursuivre des

24 personnes détenues en prison.

25 Mme. Baragona (interprétation) - Oui, mais c'est également un

Page 50

1 tribunal qui peut s'adresser à des états.

2 M. Odio-Benito.(interprétation) - Dans ces conditions, il est

3 difficile de voir comment nous pouvons aller plus vite que nous ne le

4 faisons. Et si nous devons, à chaque fois, nous adresser au Conseil de

5 sécurité, cela cré une grande difficulté.

6 Mme. Baragona (interprétation) - Nous ne proposons pas que le

7 présent tribunal s'adresse au conseil de sécurité dans tous les cas.

8 Ce qui nous préoccupe, c'est une question strictement délimitée.

9 A savoir cet outil que représente l'utilisation d'une subpoena à

10 l'encontre d'un état souverain.

11 Il y a eu de nombreux cas dans lesquels ce tribunal n'a pas eu à

12 s'adresser au Conseil de sécurité.

13 Dans l'affaire qui nous occupe, à savoir une situation dans

14 laquelle le tribunal à le sentiment qu'un état membre n'a pas coopéré, il

15 faut recourir au conseil de sécurité.

16 Il n'y a pas absence de recours, mais plutôt dans la situation

17 très strictement définie qui nous occupe aujourd'hui, le recours possible

18 est le fait de s'adresser au conseil de sécurité.

19 Mme le Président (interprétation) - Vous pouvez poursuivre,

20 Madame Baragona.

21 Vous aviez commencé de discuter l'argument selon lequel des

22 termes précis n'existaient pas dans le statut.

23 Mme. Baragona (interprétation) - Le rapport du tribunal avec les

24 états est défini avec le plus grand soin dans le statut et est régie par

25 l'article 29 du statut. Il exige de tous les états qu'ils coopèrent avec

Page 51

1 le tribunal. et stipule, je cite :" les états répondent sans retard à

2 toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une chambre de

3 première instance et concernant sens illimité la réunion des témoignages

4 et la production de preuves."

5 L'accusation estime que ces termes confèrent au tribunal le

6 pouvoir de délivrer une assignation à l'encontre d'un état parce que

7 l'état reçoit la demande de coopérer avec le tribunal, pour la réunion des

8 témoignages et la production des preuves.

9 Il faut lire ces termes dans un contexte. Ce type d'ordonnance,

10 évoquée dans l'article 29, concerne le problème que pose l'identification,

11 la localisation et l'arrestation d'un suspect particulier. Les

12 dispositions de cet article exigent des états qu'ils assistent le tribunal

13 et respectent ces ordonnances.

14 dans la localisation et l'arrestation des personnes.

15 M. Jan (interprétation). - Hors micro.

16 Pouvez-vous lire cette partie de l'article, je vous prie.

17 Mme le Président (interprétation) - "Les états répondent sans

18 retard à toute demande d'assistance ou a toute ordonnance émanent d'une

19 Chambre de première instance et concernant sens illimité..."

20 M. Jan (interprétation). - C'est une expression très générale

21 car le terme concernant est utilisé.

22 Mme. Baragona (interprétation) - "Concernant sens illimité" ces

23 actions particulières, strictement déterminées, définies et qui portent

24 sur l'identification, la recherche, la localisation de suspects

25 déterminés.

Page 52

1 M. Jan (interprétation). - Mais, sens illimité.

2 Mme. Baragona (interprétation) - Sens illimité, c'est à dire

3 sans se limiter au point 1 à 5 s'agissant de la localisation, de la

4 recherche, de suspects déterminés.

5 M. Jan (interprétation). - Je ne suis pas sûr que ma lecture du

6 statut soit tout à fait la même que la vôtre.

7 Mme le Président (interprétation) - Etes-vous en train de dire

8 que ceci est la seule obligation des états vis-à-vis du tribunal. A savoir

9 que cette seule obligation consisterait à arrêter, mettre en prison et

10 transférer les personnes mises en accusation ?

11 M. Jan (interprétation). - Non, ce n'est pas la seule

12 possibilité,c'est une illustration des responsabilités, mais pas la seule.

13 Mme le Président (interprétation) - Dans sa loi

14 constitutionnelle de coopération avec le tribunal, à l'article 25, la

15 Croatie a adopté l'idée qu'elle allait coopérer avec le tribunal dans les

16 mesures d'enquête, n'est-ce-pas ?

17 Mme. Baragona (interprétation) - Nous ne sommes pas en désaccord

18 avec cela.

19 Mme le Président (interprétation) - La Croatie ne l'a pas fait

20 parce qu'elle souhaitait le faire, mais parce que cela faisait partie de

21 ces obligations en vertu du statut, n'est-ce pas ?

22 Mme. Baragona (interprétation) - Oui.

23 Mme le Président (interprétation) - Très bien.

24 Mme. Baragona (interprétation) - L'accusation interprète les

25 termes utilisés dans l'article 2. A savoir, la production d'éléments de

Page 53

1 preuves pour introduire le recours à la subpoena duces tecum,parce que

2 cette assignation porte sur la production d'éléments de preuves. Mais elle

3 n'a pas pu citer, le moindre éléments à l'appui, que l'idée que le conseil

4 de sécurité avait l'intention, dans les termes éléments de preuve, de

5 recouvrir les outils très précis, les procédés très précis que constitue

6 le recours à une subpoena duces tecum à l'encontre d'un état.

7 Le fait de comparer cet outil à la production d'un élément de

8 production de preuve à l'encontre d'un état, n'est pas exacte.

9 La subpoena duces tecum est un élément très déterminé que l'on

10 ne trouve pas dans toute la pratique internationale. L'accusation a essayé

11 de faire rentrer dans le statut du tribunal les dispositions d'une loi

12 fédérale américaine de la constitution également, pour investir le

13 tribunal de tous les pouvoirs conférés par les ordonnances et tous les

14 procédés que les tribunaux américains et d'autres tribunaux peuvent

15 édicter.

16 Donc la vocation par l'accusation de l'article 19 du statut, qui

17 confère au tribunal le pouvoir de délivrer des mandats d'arrêt, des

18 mandats de détention ou des mandats de transfert à l'encontre de

19 personnes. Ou toute autre ordonnance qui peut être jugée nécessaire pour

20 la bonne conduite d'un procès est l'article 15 selon lequel ces mêmes

21 pouvoirs sont conférés ainsi que les autres articles du règlement de

22 preuve sont entâchés des mêmes défauts que les autres qui ont été cités

23 ici.

24 Les mandats de détention, de transfert, d'arrestation peuvent

25 être délivrés quand ils sont nécessaires dans la poursuite d'un procès,

Page 54

1 dans la conduite du procès. Mais le règlement ne prévoit pas que la

2 délivrance de ces outils puissent être faite à l'encontre d'un état et ne

3 prévoit pas non plus que le recours à la subpoena soit possible puisque

4 c'est un procédé extraordinaire, non établi dans les procédures du droit

5 international.

6 Les articles 55 à 59 du règlement, détaillent de façon très

7 précise la façon dont le tribunal peut agir pour mettre en oeuvre les

8 ordonnances qu'il émet. Aucune disposition ne prévoit la délivrance d'un

9 procédé exécutoire à l'encontre d'un état or, c'est bien là, le sujet qui

10 nous intéresse.

11 Mme le Président (interprétation) - L'article 54 prévoit qu'une

12 ordonnance peut être également adressée à un état.

13 Mme. Baragona (interprétation) - Oui, Madame le Président

14 Mme le Président (interprétation) - Les ordonnances de transfert

15 prévues également à l'article 54 peuvent concerner des états ?

16 Mme. Baragona (interprétation) - Oui.

17 Mme le Président (interprétation) - Les assignations à

18 comparaître peuvent-elles être envoyées aux états ?

19 Mme. Baragona (interprétation) - Les mandats doivent être

20 exécutés.

21 Mme le Président (interprétation) - Des mandats ont été

22 adressées aux états et nous demandons aux suspects lorsque le suspect

23 n'exécute pas le mandat, nous nous adressons à l'état, pour qu'il exige

24 l'exécution du mandat. Est-ce exact ?

25 Mme. Baragona (interprétation) - Oui, Madame. le Président.

Page 55

1 Mme le Président (interprétation) - Donc, tout ce qui est

2 stipulé à l' article 54, vous en conviendrez, peut être envoyé à un état,

3 à l'exception des assignations sous contrainte. Et vous dites que ceci est

4 dû à l'existence du droit souverain d'un état d'invoquer le secret

5 d'état.n'est-ce pas ?

6 M. Rivkin (interprétation). - Madame le Président,si vous le

7 permettez...

8 Mme le Président (interprétation) - Vous aurez la possibilité

9 d'apporter des éléments complémentaires. Ecoutons d'abord ce qu'a à dire

10 Madame Baragona.

11 Mme. Baragona (interprétation) - Les subpoena duces tecum <-

12 peuvent être délivrées pour la bonne conduite d'un procès et le devoir de

13 l'état est de coopérer.

14 Mme le Président (interprétation) - Très bien, s'agissant de

15 l'article 29, vous avez dit que celui-ci concernait des personnes.Je ne

16 suis pas sûre d'avoir bien compris la teneur de votre argument.

17 J'ai cru comprendre que vous disiez que cet article définissait

18 le devoir de coopérer, s'agissant de la nécessité de délivrer une

19 personne, de la transférer et de l'arrêter.Mais que ce n'était pas un

20 dispositif en rapport avec la communication de pièces au tribunal. Est-ce

21 bien votre argument ?

22 Mme. Baragona (interprétation) - Mon argument est beaucoup plus

23 simple que cela.

24 Cette disposition ne constitue pas un procédé exécutoire à

25 l'encontre d'un état.

Page 56

1 Le tribunal peut avoir ces pouvoirs, l'état est dans

2 l'obligation de coopérer. Dans le cas ou selon le tribunal, l'état n'a pas

3 exécuté son obligation de coopération, dans ce cas, le tribunal n'a plus

4 qu'une seule possibilité qui consiste à se référer au conseil de sécurité.

5 Ce qui n'est pas prévu dans le statut mais qui selon ce que vous

6 dites est prévu dans le règlement.

7 Mme. Baragona (interprétation) - Oui.

8 Mme le Président (interprétation) - Mais l'ensemble des articles

9 du règlement 18, 59 et 61, porte tous sur la phase préalable à la

10 première comparution. C'est-à-dire à la phase située en amont du moment où

11 la chambre de première instance démarre un procès rapide de l'accusé, qui

12 est par exemple le Général Blaskic, ici. Les situations ne sont pas les

13 mêmes n'est-ce pas ? Si l'état à manquer à son obligation d'exécution

14 d'un mandat d'arrêt, par exemple à l'encontre d'un co-accusé, nous sommes

15 dans une situation déterminée.

16 Mais ce qui nous intéresse ici, c'est que nous sommes en

17 présence d'un accusé qui est en prison.

18 Ne pensez-vous pas que la responsabilité suprême du tribunal,

19 comme le stipule l'article 20 du statut, si je ne m'abuse, consiste à lui

20 assurer, à cet accusé, un procès équitable et rapide ?

21 Mme. Baragona (interprétation) - Oui, Madame le Président. Mais

22 cela ne suffit pas à justifier le recours à une subpoena duces tecum.

23 Mme le Président (interprétation) - Ne pensez-vous pas que des

24 pouvoirs inhérents existent pour tous les tribunaux. Qu'ils sont

25 nécessaires à la bonne réalisation de leur fonction ?

Page 57

1 Mme. Baragona (interprétation) - Dans le cadre strict de leur

2 compétence et de leur pouvoir.

3 Mme le Président (interprétation) - Dans le cadre strict de leur

4 compétence et de leur pouvoir, vous dites qu'il faut que ces pouvoirs

5 soient explicités.

6 Mme. Baragona (interprétation) - Ce qui est important dans ce

7 que j'ai dit, c'est le terme "limité". Il n'appartient pas au tribunal

8 d'inférer tout ce qui est nécessaire.

9 Mme le Président (interprétation) - Vous dites qu'il faut que ce

10 soit nécessaire et authentique.

11 Ce pouvoir n'est pas nécessaire puisque nous ne nous sommes pas

12 adressé au Conseil de sécurité.

13 Mme. Baragona (interprétation) - Exactement.

14 Mme le Président (interprétation) - Nous sommes en présence d'un

15 personne qui est en prison depuis 12 mois.

16 Vous avez entendu le conseil de la défense, il est désireux

17 d'assurer un procès rapide.

18 Si ces mesures sont nécessaires, pour assurer un procès

19 équitable, ce que nous disons est également dit par.une douzaine de

20 personnes.Et nous disons qu'à la fin de cette audience, nous allons écrire

21 une lettre au Conseil de sécurité pour lui demander d'exercer ses pouvoirs

22 politiques, qui ont été cités hier. De façon à savoir, si le conseil de

23 sécurité va nous autoriser à continuer ce procès d'une manière efficace.

24 Vous pensez que cela sera efficace ?

25 Mme. Baragona (interprétation) - Je définirai les choses dans un

Page 58

1 cadre plus étroit.

2 Je ne dis pas que vous n'avez pas la possibilité de procéder.

3 Dans tous les forums quels qu'ils soient, des limitations

4 existent. Il y a toujours des situations où un procès doit être retardé en

5 raison de l'existence d'un problème grave qui doit être réglé. et le

6 problème relatif à la subpoena duces tecum est précisement un de ces

7 problèmes graves.

8 D'après nous, nous ne nous ne faisons pas ce que nous faisons

9 pour entraîner un retard indu. Nous le faisons objectivement parce que

10 nous pensons qu'il s'agit d'un point tout à fait fondamental dans le droit

11 international.

12 Nous pensons que cet outil, invoqué par l'accusation, n'existe

13 pas.

14 Mme le Président (interprétation) - Il est inconnu ?

15 Mme. Baragona (interprétation) - Inconnu effectivement. Donc, il

16 ne devrait pas être appliqué contre un état souverain.

17 Il doit être réglé avant le procès. Cela ne veut pas dire que

18 l'accusation n'est pas le droit de recourir à tous les autres moyens à sa

19 disposition pour tenter d'accéder à l'information que l'accusation

20 considère importante.

21 Mme le Président (interprétation) - La défense aussi a demandé

22 la délivrance d'une assignation sous contrainte.

23 Mme. Baragona (interprétation) - Oui, effectivement.

24 Mme le Président (interprétation) - Maître Baragona, vous

25 avancez très efficacement.

Page 59

1 L'audience est suspendue à 10 heures 30 durant 15 minutes.Mme le

2 Président (interprétation). - Madame Baragona, avez-vous terminé votre

3 exposé ?

4 Mme Baragona (interprétation). - Non.

5 Mesdames et Messieurs de la Cour, en fait, le procureur a

6 recours a ce qui est sans aucun doute l'instrument le plus éculé, le plus

7 galvaudé que l'on connaisse en droit, l'argument de la nécessité.

8 Le pouvoir de délivrer une subpoena duces tecum, dit le

9 procureur, est, je cite : "nécessaire pour le bon fonctionnement du

10 Tribunal et donc le Tribunal doit en disposer."

11 Si le procureur a raison, certes, le Tribunal a alors tout

12 pouvoir qui serait considéré comme nécessaire pour son bon fonctionnement.

13 En vertu de ce raisonnement que tient le procureur, celui-ci

14 pourrait exiger que le Tribunal délivre une ordonnance permettant toute

15 mesure nécessaire, qu'elle soit légale ou illégale, pour obtenir des

16 moyens de preuve que le procureur estimerait pertinents pour une affaire

17 quelconque. Et de fait, le procureur serait à même, alors de demander une

18 ordonnance au Tribunal permettant de kidnapper et de torturer des suspects

19 ou des témoins parce que cela serait nécessaire pour le bon fonctionnement

20 du tribunal dans une affaire. Ce serait sans précédent et d'une légalité

21 douteuse et très certainement un pouvoir que le Conseil de Sécurité n'a

22 jamais eu l'intention de donner au Tribunal.

23 Nous demandons que le Tribunal rejette résolument le recours que

24 fait le procureur à l'argument de la nécessité.

25 Même si cet argument de la nécessité était légitime, le

Page 60

1 procureur n'a pas réussi à prouver qu'un tribunal, interne ou

2 international, reconnaisse le subpoena duces tecum dans la forme illimitée

3 et très large qu'elle demande.

4 Comment un pouvoir lié à d'autres tribunaux peut-il être

5 considéré comme nécessaire pour le présent tribunal ?

6 En fait, ce que le procureur dit ici, c'est que ce pouvoir

7 extraordinaire qui lui serait conféré serait expéditif, pratique.

8 Certes, si l'on contourne les règles de droit habituelles, la

9 tâche du procureur est rendue plus facile, mais ces arguments n'ont pas à

10 être reçus au Tribunal ou dans toute autre juridiction pénale et doivent

11 être déboutés.

12 Bien entendu, si le procureur a raison, alors non seulement la

13 Croatie serait assujettie à ces subpoena duces tecum parce que cela serait

14 nécessaire, mais tous les autres états seraient également assujettis à la

15 même procédure, quels que soients leurs intérêts en matière de sécurité

16 nationale.

17 A cet égard, il est important de noter que ni le procureur, ni

18 le Tribunal, ne sont autorisés par le Conseil de Sécurité et aucun des

19 deux ne sont à même de se faire les juges des intérêts de la Croatie en

20 matière de sécurité nationale ou de quelque autre état que ce soit.

21 Le droit des états de rejeter des demandes visant des

22 informations couvertes par le secret national est, de fait, bien établi,

23 et même le procureur concède que les états peuvent invoquer la sécurité

24 nationale.

25 Elle affirme cependant érronément que la sécurité nationale de

Page 61

1 la Croatie est sujet à la discrétion de la chambre de première instance

2 qui a délivré l'assignation. Pour appuyer cette affirmation

3 extraordinaire, le procureur cite de nombreux exemples en droit interne où

4 des juridictions nationales ont demandé la production de pièces qui

5 étaient couvertes par le secret sécurité nationale après avoir opposé le

6 secret défense à d'autres impératifs qui lui faisaient concurrence.

7 Ces exemples ne s'appliquent pas dans le cas d'une juridiction

8 internationale. Ce sont des exemples qui viennent de juridictions

9 nationales.

10 Dans le cas d'un différend porté devant une juridiction

11 nationale, la Cour peut mettre en balance l'intérêt de la sécurité

12 nationale mas cela se fait dans le contexte de l'état et de la nation

13 impliquée. Et les juges qui prennent cette décision font partie, en

14 quelque sorte, de l'administration de ces états et sont finalement

15 redevables devant les autorités de l'Etat ou devant les concitoyens.

16 La seule question, dans ce cas, est de savoir quelle est

17 l'institution ou l'individu, dans cet état, qui, du point de vue de la

18 constitution, a l'autorité de prendre une décision définitive.

19 Ni le procureur, ni le Tribunal, ne peuvent parler pour la

20 Croatie ou pour tout autre état, et ils ne sont pas redevables devant les

21 citoyens de la Croatie. Ils ne peuvent s'arroger le droit de déterminer ce

22 qui relève ou ne relève pas de la sécurité nationale du peuple croate, pas

23 plus qu'ils ne peuvent s'arroger le droit de déterminer quels sont les

24 intérêts des peuples des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne

25 ou d'un autre pays en matière de sécurité nationale.

Page 62

1 Il y a une pratique bien établie pour les états, dans des

2 situations similaires, qui consistent à refuser les demandes d'assistance

3 venant de juridictions internationales pour des motifs de sécurité

4 nationale. L'article 48 du statut de la Cour internationale de Justice,

5 par exemple, dispose que la Cour rendra des ordonnances pour la conduite

6 de l'affaire et prendra toutes les dispositions relatives à la collecte

7 des moyens de preuve. L'article 49 du statut de la Cour permet à la Cour

8 de demander aux parties de produire tous documents. Cela étant,

9 l'obligation des états parties de donner suite à cette demande est

10 limitée. Par exemple, le Royaume-Uni a refusé de fournir certaines pièces

11 à la Cour internationale de Justice dans l'affaire du détroit de Corfou,

12 dans laquelle le Royaume-Uni était partie. Et le Royaume-Uni n'a pas été

13 soumis à sanction pour autant.

14 Il n'y a pas de pouvoir en droit international qui étayerait une

15 règle différente s'agissant de la Croatie.

16 Dans son zèle, le procureur affirme aussi que la Croatie ayant

17 été partie naguère de la République fédérative socialiste de Yougoslavie,

18 a une obligation spéciale de coopérer avec les ordonnances qui seraient

19 demandées par le procureur.

20 Cette obligation "spéciale" découlerait, d'après le procureur,

21 du chapitre 7 et des pouvoirs conférés par le Conseil de Sécurité en vertu

22 de ce chapitre des pouvoirs qui sont contraignants vis-à-vis de l'état ou

23 de l'entité coupable et qui ne sont pas obligatoires vis-à-vis des autres

24 états membres.

25 Le Conseil de Sécurité n'a pas et ne peut pas déterminer que la

Page 63

1 République de Croatie pose une menace à la paix ou qu'il a enfreint la

2 paix ou est coupable d'un acte d'agression. La Croatie n'est pas un état

3 coupable comme le procureur semble l'impliquer et le mot n'est pas

4 opportun pour renarrer les faits du conflit dans l'ex Yougoslavie, mais la

5 Croatie a été reconnue par la communauté internationale, y compris par le

6 Conseil de Sécurité et plusieurs de ses états membres comme ayant été la

7 victime d'une agression.

8 Quoiqu'il en soit, les pouvoirs attribuables au Conseil de

9 Sécurité en vertu de l'article 7 sont limités par la compétence

10 particulière du Conseil. Il a le pouvoir de déclarer un état souverain

11 comme étant coupable de certaines infractions au plan international et

12 peut prendre des mesures, y compris militaires, contre cet état.

13 Ces pouvoirs ne peuvent s'exercer qu'après un vote à la majorité

14 du Conseil et sont assujettis au droit de veto des membres permanents du

15 Conseil.

16 Ce ne sont pas des pouvoirs qui relèvent du procureur ou du

17 tribunal pénal international. De fait, ces vastes pouvoirs ne sont pas des

18 pouvoirs judiciaires, de quelque façon que ce soit. Ce sont des décisions

19 d'ordres politique et militaire qui ne relèvent pas d'un organe judiciaire

20 quel qu'il soit.

21 La Croatie a pour obligation d'assister le Tribunal, même

22 obligation que celle qui incombe à d'autres états, sans plus ni moins. Et

23 de fait, la Croatie a coopéré avec le Tribunal dans une mesure qui va bien

24 au-delà de ce qu'on fait d'autres états.

25 Et de fait, la Croatie a coopéré avec le tribunal dans une

Page 64

1 mesure qui va bien au-delà de ce qu'ont fait d'autres etats. Je voudrais

2 souligner à ce stade que la Croatie, au moment même où nous parlons, est

3 en train de coopérer et de donner des informations suite à des demandes du

4 procureur pour la délivrance de certaines pièces.

5 Le tribunal n'a pas le pouvoir de décréter des sanctions envers

6 un haut fonctionnaire de l'Etat qui n'aurait pas donné suite à une

7 ordonnance qui lui serait communiquée.

8 Le procureur avance que le tribunal a le pouvoir de décréter de

9 sanctions à l'égard des hauts fonctionnaires de la République de Croatie

10 qui n'auraient pas donné suite à la subpoena duces tecum.

11 Le tribunal doit débouter cette affirmation. Il a été créé par

12 le Conseil de sécurité pour un but précis et s'est vu conférer un pouvoir

13 précis et limité pour réaliser cet objectif en vertu du statut qui fonde

14 le tribunal, sa compétence, qui est clairement exprimée et qui est

15 définie de la façon suivante : le tribunal international est chargé de

16 poursuivre les personnes de violations graves du droit international

17 humataire commises sur le territoire d'ex-Yougoslavie depuis 1991

18 conformément au dispositions du présent statut".

19 Ainsi donc, conformément à l'article 1er de son statut, le

20 pouvoir du tribunal se limite à la poursuite de personnes et ce,

21 conformément aux dispositions dudit statut.

22 Le statut ne prévoit aucun mécanisme par lequel le tribunal peut

23 décréter de sanctions indépendantes vis-à-vis d'un état ou de ses hauts

24 fonctionnaires pour la raison qu'ils n'auraient pas donné suite à une

25 subpoena duces tecum.

Page 65

1 Le Tribunal lui-même l'a reconnu dans son règlement de preuve et

2 de procédure qui ne permet pas de sanctionner un état pour manquement à

3 l'exécution d'une demande.

4 Et de fait, le règlement du tribunal traite de la question de

5 l'absence de coopération d'un état et prévoit, dans ce cas, que le

6 tribunal en réfère au Conseil de sécurité.

7 Par exemple, l'article 10 permet à la Chambre de première

8 instance de rendre une demande officielle à un état en vu d'un

9 dessaisissement pour des questions qui relèvent de la compétence du

10 tribunal.

11 Si un état ne donne pas suite à cette demande, la chambre de

12 première instance peut demander au Président d'en rendre compte au Conseil

13 de sécurité, de même pour l'article 13 du règlement..

14 En effet, c'est là, la pratique internationale courante. Aucune

15 juridiction internationale que nous connaissons n'a reçu le pouvoir de

16 faire exécuter des ordonnances contre des états souverains, y compris

17 leurs propres jugements finaux. Le procureur essaie de contourner cette

18 limite fondamentale aux pouvoirs du tribunal en cherchant à sanctionner

19 les hauts fonctionnaires croates en tant que personnes.

20 Cette visée doit aussi être déboutée. Le tribunal n'a pas de

21 compétences généralisées sur des citoyens de Croatie ou de tout autre

22 état. En vertu des articles 6 et 7, la compétence du tribunal sur les

23 personnes physiques est limitée par le statut et ne s'étend qu'aux

24 individus accusés d'avoir planifié, instigué, ordonné commis ou de s'être

25 montrés complices d'une façon ou d'une autre de crimes relevant de la

Page 66

1 compétence du tribunal.

2 En vertu du règlement de preuve et de procédure, le procureur

3 dit aussi que le tribunal a compétence sur les témoins. L'article 77, cité

4 à l'appui des dires de l'accusation, permet à la Chambre de première

5 instance de déclarer un témoin qui refuse de répondre coupable d'outrage

6 au tribunal et prévoit en ce cas une amende qui peut aller jusqu'à

7 10 000 $ des Etats-Unis ou une peine de prison allant jusqu'à six mois.

8 Les personnes qui entraveraient les travaux des tribunaux ou qui

9 intimideraient des témoins peuvent aussi faire l'objet d'outrage au

10 tribunal.

11 Cela étant, les hauts fonctionnaires du gouvernement croate

12 seraient passibles de sanctions, d'après l'accusation.

13 Ce ne sont pas des témoins. Le procureur cherche à sanctionner

14 les individus parce qu'ils auraient le contrôle et seraient dépositaires

15 des documents qu'il souhaite obtenir. Le procureur ne dit pas que les

16 individus sont en possession des informations du fait de leur connaissance

17 personnelle que recherche l'accusation.

18 Elle ne donne aucune preuve comme quoi ces personnes sont en

19 possession des documents que l'accusation recherche et qu'ils ont

20 l'autorité de donner suite à ces demandes. Arbitrairement, elle dit que

21 ces personnes doivent fournir ces documents. C'est là une façon, de facto,

22 de contourner l'absence de pouvoir du tribunal de sanctionner des états

23 qui ne donneraient pas suite à une injonction.

24 Or, rien ni dans le statut ni dans le tribunal ne permet ce

25 genre de procédure et cette demande de l'accusation doit donc être

Page 67

1 rejetée.

2 Le tribunal, en vertu de son statut et de son règlement, n'a pas

3 le pouvoir d'adresser une assignation subpoena duces tecum et aucun état,

4 aucun haut fonctionnaire ne peut être sanctionné pour ne pas avoir donné

5 suite à cette infonction.

6 Le tribunal doit établir clairement qu'il n'a pas l'intention ni

7 le pouvoir de s'écarter de la pratique ordinaire et des procédures

8 normalement en vigueur dans les cours internationales en vertu du droit

9 international.

10 Je vous remercie.

11 Juge Jan (interprétation). - Un état qui s'est engagé à coopérer

12 avec le tribunal et qui refuse de donner suite à une procédure engagée par

13 le tribunal uniquement pour un problème de forme en l'occurrence parce

14 qu'il s'agit d'une subpoena peut-il agir de la sorte ?

15 Mme Baragona (interprétation). - Oui.

16 Juge Jan (interprétation). - Pourquoi ? Est-il si important

17 d'appeler la chose subpoena ou ordonnance ? Les états n'ont-ils pas

18 l'obligation de donner suite aux ordonnances ?

19 Mme Baragona (interprétation). - Avec tout le respect qui vous

20 est dû, les subpoena duces tecum délivrées à l'encontre d'états souverains

21 avec une menace à la clef vis-à-vis des hauts fonctionnaires outrepassent

22 les compétences du tribunal et vous l'appelez ordonnance, nous l'appelons

23 subpoena, d'accord.

24 Nous considérons qu'il s'agit d'un point légal, juridique,

25 technique sur lequel nous sommes en désaccord.

Page 68

1 Pour nous, cette procédure n'est pas acceptable dans le contexte

2 du droit international.

3 Comme je l'ai dit plus tôt, la Croatie coopère et assiste le

4 tribunal quand elle reçoit une demande d'informations.

5 Pour ce qui est des pièces particulières demandées de façon

6 précises, la Croatie, en cet instant précis, coopère et aide le tribunal.

7 Peut-être cela ne semble-t-il pas important à certaines personnes de

8 savoir que c'est une ordonnance ou d'une assignation, mais dans le domaine

9 du droit international, cela crée un précédent qui prête à abus et à

10 malentendu à l'avenir.

11 Juge Jan (interprétation). - Hors micro.

12 Mme Baragona (interprétation). - Oui, Monsieur le juge.

13 Juge Jan (interprétation). - Toujours hors micro.

14 Un état peut-il refuser de donner un document au tribunal si ce

15 document a une incidence pour le procès pour la seule raison que cela

16 enfreindrait le secret d'état.

17 Est-ce une raison suffisante ?

18 Mme Baragona (interprétation). - Oui, et si le tribunal a le

19 sentiment qu'en quelque sorte, cela équivaut à un manquement à

20 l'obligation de coopérer, le tribunal a un recours possible qui est de

21 s'adresser au Conseil de sécurité. Outre cela, j'avancerai

22 respectueusement, à tout instant, peut s'adresser au le tribunal à tout

23 instant peut s'adresser au Conseil de sécurité et demander se pouvoir.

24 Si le Conseil de sécurité donnait le pouvoir, nous ne serions

25 pas ici aujourd'hui en train de polémiquer. Nous disons qu'aujourd'hui,

Page 69

1 dans le cadre de la présente procédure, dans les circonstances actuelles,

2 étant donnée la pratique du droit international actuel, ce serait

3 outrepasser les compétences du tribunal que d'utiliser ce genre de

4 procédure contre un état souverain ou de rendre ce genre d'assignation

5 contre des hauts fonctionnaires en leur capacités officielles avec, à la

6 clef, une menace de sanction

7 Juge Jan (interprétation). - Le Conseil de sécurité a le

8 pouvoir, en vertu du chapitre 7 de la Charte, de prendre des mesures pour

9 rétablir l'ordre et la paix internationale. Tout en prenant des mesures,

10 il doit respecter la souveraineté des états impliqués.

11 Cette souveraineté n'est-elle pas déjà prise en compte au niveau

12 du Conseil de sécurité ?

13 Mme Baragona (interprétation). - Les états ont renoncé, en

14 partie, à leur souveraineté vis-à-vis du Conseil de sécurité. Nous ne

15 disons pas que le Conseil de sécurité est limité dans ses compétences,

16 mais que le tribunal, qui est un organe subsidiaire du Conseil de

17 sécurité, n'a pas les mêmes pouvoirs que ceux du Conseil de sécurité. Cela

18 n'empêche pas le tribunal de demander ces pouvoirs à son organe fondateur,

19 mais les actes demandés n'ont pas de fondement car ce pouvoir n'a pas été

20 conféré au tribunal en l'état actuel des choses.

21 Juge Jan (interprétation). - Le tribunal fait partie du Conseil

22 de sécurité.

23 Mme Baragona (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.

24 Juge Jan (interprétation). - Le tribunal est un miroir, en

25 quelque sorte, du Conseil de sécurité habilité à prendre des mesures pour

Page 70

1 rétablir la paix et la sécurité internationale.

2 Mme Baragona (interprétation). - Oui, c'est une mesure.

3 Juge Jan (interprétation). - Le tribunal n'a pas les pouvoirs du

4 Conseil de sécurité ?

5 Mme Baragona (interprétation). - J'avance pour ma part que ce

6 serait faire un saut un peu exagéré. L'on peut être habilité à engager

7 certaines procédures ou une certaine activité, mais cela ne signifie pas

8 que, du même coup, on dispose des mêmes caractéristiques que le pouvoir

9 instituant.

10 Vous avez employé le mot miroir. C'est un mot intéressant, mais

11 le tribunal n'est pas un reflet du Conseil de sécurité, ce n'est qu'une

12 mesure prise par le Conseil de sécurité, une manifestation de l'exercice

13 du pouvoir du Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité peut faire

14 beaucoup de choses que le tribunal ne peut pas faire.

15 Le tribunal n'a pas de force de police, le Conseil de sécurité

16 si. Il a l'autorité nécessaire pour engager des actions militaires contre

17 un état déclaré coupable d'infraction.

18 Je ne pense pas, Monsieur le Juge, que quiconque croit que le

19 tribunal a le même pouvoir mais, en vertu du raisonnement que vous venez

20 d'avancer, si vous aviez tous les pouvoirs du Conseil de sécurité, vous

21 auriez effectivement une série de pouvoirs que le tribunal, de fait, n'a

22 pas.

23 Juge Jan (interprétation). - N'a-t-il pas tous les pouvoirs pour

24 qu'il soit efficace pour que ce soit une institution qui fonctionne ?

25 Mme Baragona (interprétation). - Peut-être. Le pouvoir

Page 71

1 particulier que vous évoquez n'est pas nécessaire pour le bon

2 fonctionnement du tribunal.

3 Encore une fois, notre argument est très limité : nous parlons

4 du pouvoir de délivrer, à l'encontre d'un état, une une assignation. Vous

5 avez beaucoup d'autres pouvoirs à votre disposition.

6 Ce pouvoir-ci est particulier et l'étendre à de hauts

7 fonctionnaires avec des sanctions à la clef, outrepasse, à notre avis, les

8 compétences du tribunal.

9 Mme le Président (interprétation). - Avez-vous le pouvoir

10 d'obliger les personnes à comparaître, en vertu de l'article 29 ?

11 Mme Baragona (interprétation). - Oui, mais il faut aussi que

12 vous demandiez la coopération et l'assistance des états membres car vous

13 n'avez pas de la force de police pour aller chercher les témoins.

14 Mme le Président (interprétation). - Si nous délivrions une

15 assignation pour obliger la comparution d'un témoin.

16 Mme Baragona (interprétation). - Non, les assignations sont

17 délivrées à des individus en leur titre personnel.

18 Mme le Président (interprétation). - En vertu de l’article 29,

19 nous avons donc le pouvoir de délivrer des assignations à comparaître à

20 des personnes physiques ou des témoins.

21 Mme Baragona (interprétation). - Des personnes physiques en leur

22 nom personnel.

23 Mme le Président (interprétation). - Mais pas en leur qualité

24 officielle.

25 Mme Baragona (interprétation). - Ce serait une façon de

Page 72

1 contourner la règle pour obtenir quelque chose que vous ne pouvez pas

2 obtenir autrement. Ce serait un moyen de contourner l'incapacité du

3 tribunal de sanctionner un état.

4 Si la seule raison pour laquelle le haut fonctionnaire est

5 assigné à comparaître est qu'il a certaines fonctions officielles, le

6 tribunal n'a pas compétence sur cette personne.

7 Mme le Président (interprétation). - A supposer qu'un haut

8 fonctionnaire, en sa qualité officielle, garde par devers lui des

9 documents et que cette rétention s'explique par le fait qu'il a participé

10 à une infraction, par conséquent nous considérons qu'il est à tout le

11 moins suspect, n'aurions-nous pas, alors, le droit de délivrer un mandat

12 d'arrêt ?

13 Mme Baragona (interprétation). - En tant que suspect ?

14 Mme le Président (interprétation). - Oui. Si nous soupçonnons

15 qu'en retenant ces documents, il est complice d'une infraction.

16 Mme Baragona (interprétation). - Vous-voulez dire, Madame le

17 Président, qu'il a le droit de voler des documents, qu'il peut emporter

18 illégalement les documents ? C'est ce que vous semblez dire.

19 S'il n'a pas le droit, en sa qualité officielle, de livrer les

20 pièces au tribunal, le tribunal demande-t-il qu'il les vole pour les

21 amener ?

22 Mme le Président (interprétation). - Nous entrons dans la

23 question du fond des infractions, mais il y a aussi la question de

24 l'obéissance due à des ordres de supérieurs, de la responsabilité des

25 supérieurs hiérarchiques et si nous concluons, pour notre part, que cette

Page 73

1 personne -l'idée vient de me venir à l'esprit, elle est peut-être un peu

2 brute- en obéissant à des ordres de supérieurs hiérarchiques, le Président

3 ou qui que ce soit d'autre qui est son supérieur dans cet état, en

4 obéissant à ces ordres il se montre complice d'un crime, ne pourrions-nous

5 pas, alors, délivrer un mandat d'arrêt en tant que suspect pour cette

6 personne ?.

7 Mme Baragon (interprétation ).- Je pense qu'il faut établir que

8 l'intéressé a été complice d'un crime de nature différente. La rétention

9 de document n'est pas un crime.

10 Mme le Président (interprétation).- D'accord ce n’est pas pareil

11 mais on peut se montrer complice en protégeant par après les responsables.

12 Mme Baragon (interprétation ).- S'il s'avère que l'intéressé, en

13 sa capacité personnelle, même s'il cherche à s'abriter derrière l'immunité

14 conférée aux Etats, est effectivement un suspect où tombe sous le coup de

15 la compétence juridictionnelle du tribunal, le tribunal doit alors

16 délivrer un assignation à comparaître.

17 Mme le Président (interprétation).- Ou un mandat d'arrêt.

18 Mme Baragon (interprétation ).- Un mandat d'arrêt.

19 Maître Rivkin (interprétation).- Je voudrais réfléchir sur ce

20 point.

21 Mme le Président (interprétation).- C'est une hypothèse qui me

22 traversait l'esprit.

23 Je vous prie de terminer, Maître Baragona.

24 Mme Baragon (interprétation ).- Je crois que le procureur croit

25 de bonne foi que la personne pourrait être considérée comme un suspect

Page 74

1 relevant de la compétence du tribunal. Le procureur ne pourrait pas exiger

2 la production d'un mandat d'arrêt visant à la comparution du témoin.

3 Cela ne veut pas dire que si la personne comparaît les questions

4 ne peuvent pas être reposées. C'est au procureur de prouver que c’est en

5 sa qualité personnelle et pas en tant que personne ayant un pouvoir

6 officiel en tant que fonctionnaire qu’il veut avoir la personne devant le

7 tribunal.

8 Ca doit être examiné après qu'une requête ait été formulée par

9 le procureur en vu de la comparaison de la personne.

10 Mme Baragon (interprétation ).- Merci.

11 Mme le Président (interprétation).- Maître Josipovic.

12 M. Josipovic (interprétation).- Tout d'abord, madame le Mme le

13 Président; je vais être bref. Puisque nous avons d’excellents

14 interprètres, je m’exprimerai dans ma langue maternelle.

15 Je pense qu'il nous faut établir avec la clarté voulue que

16 l'objet de cette audience d'aujourd'hui n'est pas d'établir quelles sont

17 les compétences que devraient avoir le tribunal mais plutôt quelles sont

18 les compétences que lui confèrent le statut et le droit international.

19 Le procureur a dit à plusieurs reprises qu'on craignait que le

20 tribunal ne soit pas efficace.

21 Et que les mesures à la disposition du procureur et du tribunal

22 n'était pas suffisantes. Le procureur a dit en fait que l'assignation est

23 une des mesures souhaitables pour ce tribunal..Je le crois.

24 Toutefois, j'affirme que malheureusement ou peut-être

25 heureusement, tout est fonction de l'angle sous lequel on voit cette

Page 75

1 question ;le tribunal ne dispose pas de ces compétences.

2 Le tribunal n'en dispose pas parce qu'une telle mesure n'a pas

3 été prévue par le statut du tribunal pas plus que par le droit

4 international.

5 Il faut rappeler une fois de plus que la République de Croatie,

6 à l'instar d'autres Etats, jamais n'a contesté le devoir qui lui incombe

7 de coopérer avec le tribunal et d'exécuter des ordonnances rendues par ce

8 dit tribunal.

9 La preuve en est la situation par le biais de laquelle la

10 République de Bosnie-Herzégovine, après suspension de l'assignation et

11 celle-ci étant transformée en demande ou ordonnance en vue de la

12 coopération, où la Croatie a commencé à fournir ces documents au tribunal.

13 La question est de savoir s’il faut rendre une ordonnance ou

14 pas. Ce n'est pas simplement une question technique. En l'espèce, peu

15 importerait qu'on appelle cette mesure une subpoena, un mandat, une

16 requête, une assignation.

17 En droit pénal internationale, la question est de la plus grande

18 importance et je m’aventurerais à dire que ceci est aussi important pour

19 l'ordre international.

20 Ce qui pourrait déboucher sur une situation où l'accusation et

21 le tribunal disposeraient d'une assignation ; c'est une mesure très

22 simple. Il suffit de l'introduire dans le droit international. Comment y

23 parvenir en bonne et due forme ? Tout simplement, en veillant à ce que le

24 tribunal s'adresse au Conseil de sécurité. Si le Conseil de sécurité

25 estime cette mesure nécessaire pour l'efficacité de ce tribunal, cette

Page 76

1 mesure sera adoptée par le conseil de sécurité.

2 La pire éventualité pour ce tribunal, à mon avis, et la pire

3 éventualité aussi pour l'évolution du droit pénal international serait

4 qu'une mesure douteuse, qui n'a pas ses racines dans le statut, pas plus

5 que dans l'intégrité des pratiques connues jusqu'à présent de tous les

6 tribunaux inter nationaux, c’est qu'une telle pratique soit reprise

7 précisément dans le droit international tel qu'ils s'appliquent, mais de

8 façon détournée ou déguisée.

9 En disant qu'une telle assignation n'existe pas en tant que

10 mesure prise à l'encontre d'un Etat souverain, nous avons constaté qu'il y

11 avait absence de sanction, de pénalité qu’envisagerait le règlement de

12 procédure et de preuve.

13 Si c'était la seule raison, il serait facile de remédier à ce

14 manquement, cette absence. Le tribunal pourrait adopter des amendements au

15 règlement de procédure et de preuve, pourrait introduire ces actions, ces

16 mesures et le problème serait réglé. Mais il est certain que cette voie

17 est pas une voie possible.

18 Tout comme mon confrère l’a noté ainsi que l'ambassadeur dans

19 ses remarques liminaires, le règlement de procédure et de preuve ne peut

20 que développer et étoffer davantage les principes de base ancrés dans le

21 statut et dans le droit international.

22 Pourtant le procureur a dit au tribunal que la seule procédure

23 correcte à suivre, à savoir de se tourner vers le Conseil de sécurité pour

24 demander ces pouvoirs, le pouvoir d'émettre une assignation. Ce faisant,

25 le procureur a choisi une voix différente, moins fructueuse.

Page 77

1 Je comprends aisément qu'il soit très difficile d'essayer de

2 prouver quelque chose qui n'existe pas.

3 Le procureur, dans son mémoire, très long et circonstancié a

4 opté pour deux méthodes qui ne devraient pas constituer à l'avenir une

5 règle, un principe pour ce qui est du fonctionnement de ce tribunal ou

6 pour l'application à venir du droit pénal international.

7 La première méthode choisie par le procureur est celle de

8 l'écran de fumée. Le procureur a avancé toute une série d'allégations qui

9 sont tout à fait correctes, exactes. En guise d'exemple, le procureur a

10 parlé avec force détails de la constitution du tribunal, des droits et des

11 tâches qui lui incombent, du droit d'émettre des ordonnances, de

12 l'obligation des Etats à coopérer avec le tribunal. La République de

13 Croatie souscrit entièrement à ces allégations formulées par le procureur.

14 Pourtant, ces déclarations incontestables ne sont rien de plus

15 qu'un écran de fumée destiné à dissimuler quelque chose qui, au plan

16 juridique, est irrecevable, sans doute dans l'espoir que la chambre de

17 première instance ou l'opinion publique internationale, et nous ne

18 contestons pas le fait que l'opinion publique internationale suit avec

19 beaucoup d'intérêt nos débats, et en acceptant ces allégations

20 incontestables du procureur, l'espoir est qu'on accepterait aussi les

21 allégations plus douteuses, les affirmations plus contestables.

22 Affirmations qui n'ont été étayées par aucun argument valable de

23 la part du procureur.

24 J'aimerais attirer l'attention de la chambre de première

25 instance sur le fait que le procureur n'a pas fourni le moindre exemple

Page 78

1 provenant d'une quelconque instance judiciaire internationale. Elle a

2 mentionné de façon express cette subpoena utilisée à l'encontre d'un Etat

3 souverain ou à l'encontre d'un individu haut fonctionnaire de cet Etat. Le

4 procureur n'a fourni aucun exemple.

5 L'autre méthode utilisée par le procureur consistait à fournir

6 des références incomplètes ou incorrectes à certaines sources.

7 En commençant par le fait que la chambre d'appel, dans

8 l’affaire Tadic qui n'a rien à voir avec l'opportunité de la délivrance

9 d'assignations, il y avait une question de compétence ou de

10 l'interprétation de l'article 3 du statut dans l’affaire Tadic.

11 Mais sans aucun lien logique, solide, cette affaire a été

12 élargie pour en déduire la compétence qu'aurait ce tribunal à délivrer des

13 ordonnances.

14 Qui plus est, le procureur fait référence à de nombreuses

15 dispositions du droit interne de certains pays et a sans doute sous-

16 estimer les lecteurs de son mémoire, croyant que personne n'allait à les

17 vérifier ces références. A votre intention, je me contenterai de lire une

18 seule citation mais qui est tout à fait éloquente.

19 Parmi les nombreuses législations internes citées par le

20 procureur, elle fait allusion au code pénale allemand.

21 Et elle dit que, dans de nombreuses dispositions du

22 paragraphe 48, 94 à 96 et 98, le code pénal semble aller dans le sens de

23 la possibilité d'émettre une assignation.

24 Pourtant que dit l'article 96 ?

25 Les Etats et les fonctionnaires de cet Etat ne peuvent pas être

Page 79

1 obligés de produire des documents ou des dossiers dont ils sont

2 officiellement dépositaires si l'Etat ou l'autorité déclare que ceci

3 serait dommageable au bien-être ou aux intérêts supérieurs de l'Etat

4 allemand, si la teneur de tels documents ou de tel dossier était révélée.

5 Je ne comprends pas comment l’on pourrait interpréter cette

6 disposition comme venant à l'appui d'une assignation adressée à un Etat ou

7 à ses hauts fonctionnaires.

8 Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit par mes confrères.

9 Je tiendrai simplement à souligner que les débats portant sur

10 l'assignation ne reviennent pas à un débat d'opinion entre des Etats qui

11 appliquent le droit anglo-saxon et d'autres qui appliquent le droit

12 romain. C'est un faux débat.

13 En fait ce qui est en lice ici, c'est une discussion entre deux

14 écoles de pensée qui se demande si le tribunal, en l’exercice de sa noble

15 mission, a certaines limitations à ses compétences.

16 Les questions reviennent à se demander si le statut existe

17 simplementt pour assurer le bon fonctionnement du tribunal ou si le statut

18 et le règlement sont là pour prévoir et garantir certains mécanismes de

19 protection non seulement par rapport à l'accusé, mais aussi par rapport à

20 l'ordre juridique international.

21 Nous sommes intimement convaincus que la dernière hypothèse est

22 la bonne. Nous croyons que le tribunal n'a pas, ni ne veut avoir des

23 pouvoirs illimités. Le tribunal ne veut pas, non plus, que n'importe qui,

24 à l'avenir, puisse parler de ce tribunal comme étant celui d'une chambre

25 Star.

Page 80

1 Il est certain que les affirmations du procureur en faveur d'un

2 traitement inégal des Etats par lequel des individus seraient sanctionnés,

3 non pas par des normes explicites, mais par analogie ; si l'on veut

4 changer les règles du jeu alors que le match a déjà commencé, et si vous

5 n'appliquez pas les critères universellement reconnus du droit

6 international et du droit pénal international, tel que le principe de

7 nullem crimen nulle pena sine lege, si ceci était le cas, ceci ne

8 s'inscrirait pas dans les attentes qu'a la communauté internationale du

9 fonctionnement du tribunal.

10 A l'évidence, je pense qu'il serait peu réaliste de s'attendre à

11 ce que le tribunal ne rencontre pas de difficultés dans l'application des

12 pouvoirs. Vous savez que les intérêts en jeu sont divers et divergents et

13 je comprends que certains Etats n'adoptent pas toujours une position

14 conforme aux voeux de ce tribunal. Mais nous disposons de mécanismes poux

15 remédier la question.

16 L’ambassadeur Simonovic, ainsi que beaucoup, parmi les amicus

17 curiez, nos conseillers juridiques l'ont dit, eux aussi, clairement, le le

18 droit international dispose de mécanismes qui sont certes lents peut-être,

19 mais qui ont le mérite d'exister et qui garantissent aussi l'avenir de

20 tribunal.

21 Je vous remercie Madame le Président.

22 Mme le Président (interprétation).- Effectivement, il y a

23 référence au mémoire du procureur quant à la compétence de la compétence.

24 La question est de savoir si la chambre de première instance ou

25 d'appel a pouvoir pour statuer sur la légitimité du tribunal.

Page 81

1 Vous faites références au code allemand. Mais ceci ne reconnaît-

2 il pas, tout au moins le pouvoir qu’aurait le tribunal d’émettre une

3 assignation à l’encontre d’un Etat ? Même si l'Etat a le droit de ne pas

4 exécuter cette mesure du fait de ses intérêts nationaux, n'est-ce pas le

5 cas ?

6 Dr Josipovic (interprétation). - Pour moi ceci fait référence à

7 ce ce qui existe dans toutes les législations. Cest le droit de déterminer

8 les conditions, les paramètres de telle procédure ainsi que ses limites.

9 Il n'y a aucune procédure répressive qui n'envisage pas cette possibilité

10 dans le monde.

11 Le seul problème est de savoir par quelle modalité, de quelle

12 façon ceci pourrait s'appliquer, au cas où cela pourrait s'appliquer; au

13 tribunal.

14 Mme le Président (interprétation).- La nécessité de l'effet

15 utile effectivement, la chambre d'appel interprétait sa lecture de

16 l'article 3 et l’étendait aux conflits inter nationaux parce que cela

17 avait été très limité de par le passé, limité aux conflits nationaux.

18 Toutefois, dites-vous que le tribunal n'a pas compétence pour

19 rendre une ordonnance exécutoire qu'il faut respecter ?

20 M. Josipovic (interprétation). - Non.

21 Mme le Président (interprétation).- Vous dites simplement que le

22 tribunal ne peut se pencher sur l'aspect répressif sanction. Il faut faire

23 rapport au conseil de sécurité.

24 M. Josipovic (interprétation).- A mon avis le tribunal peut

25 rendre des ordonnances que l'Etat est tenu d'exécuter, mais le tribunal ne

Page 82

1 peut pas déterminer lui-même de sanctions.

2 Mme le Président (interprétation).- Mais si le tribunal dit et

3 conclu qu'un Etat n'a pas honoré ses obligations. Nous parlions du cas du

4 détroit de Corfou. Ceci ne vient-il pas étayer l’idée que nous sommes en

5 mesure de le faire ?

6 Une autre affaire citée portait sur la décision rendue par la

7 cour internationale de justice.

8 M. Josipovic (interprétation).- Je pense que la position de ce

9 tribunal, dans la poursuite de ses objectifs, est plus importante que

10 l'arrêt rendu par la cour internationale de justice sur l'affaire du

11 détroit de Corfou.

12 Mme le Président (interprétation).- Maître Josepovic, merci.

13 Maître Revkin, vous avez la parole.

14 Maître Rivkin (interprétation).- Puis-je procéder ? Nous allons

15 commencer peut-être par notre duplique si vous en êtes d’accord.

16 Mme le Président (interprétation).- Voulez-vous dire que vous

17 n’avez rien à dire en guise d’intervention principale ou est-ce que vous

18 tout à déjà été dit et vous voulez simplement réagir aux arguments avancés

19 par l’accusation ?

20 Libre à vous de le faire si tel est votre souhait.

21 Maître Rivkin (interprétation).- Nous allons peut-être présenter

22 des conclusions sous forme de réaction aux arguments du Procureur.

23 Mme le Président (interprétation).- C’est possible mais ce n’est

24 peut-être pas possible aujourd’hui. Le Procureur avait raison de dire hier

25 que c’est la Croatie qui a contesté l’assignation; c’est donc en fait la

Page 83

1 partie principale, mais je suppose que nous interprétons les règles avec

2 largesse et que je pense que nous aurons encore l’un ou l’autre amicus par

3 la suite.

4 Maître Rivkin (interprétation).- Merci beaucoup, Madame le

5 Président. Je voulais simplement peut-être ajouter quelques éléments aux

6 hypothèses avancées par ma consoeur. Je crois qu’il est important de

7 comprendre qu’en matière de droit international un fonctionnaire dans

8 l’exercice de ses fonctions officielles d’un façon qui semble tout à fait

9 adéquate, cette personne ne peut pas être punie pour ça.

10 Vous avez parlé à plusieurs reprises de Nuremberg :

11 effectivement, lorsque l’exercice de la fonction de fonctionnaire est

12 illégale, d’accord, mais je crois que ce serait un simulacre de justice

13 que de punir quelqu’un qui remplit dûment ses fonctions. On ne peut pas

14 tenir cette personne pour personnellement responsable. Que ce soit un

15 témoin par contumace ou par la contribution à un délit ou à un crime. La

16 situation est tout à fait différente si effectivement un fonctionnaire,

17 quel que soit son rang, avait contribué à des activités illégales. Je

18 crois que l’exercice de fonctions officielles ne doit pas automatiquement

19 entraîner sanction, que ce soit avant ou après commission d’un acte.

20 Mme le Président (interprétation).- Madame Vidovic, j’étais

21 prête à donner la parole à l’amicus, je vous avais omis un instant,

22 excusez m’en, nous allons d’abord vous entendre et puis nous entendrons

23 Madame Glumac.

24 Maître Vidovic (interprétation).- Mesdames et Monsieur le Juge,

25 étant donné le pouvoir du Tribunal à émettre des supoena duceste cum à

Page 84

1 l’encontre d’un Etat et d’un fonctionnaire et de prévoir des sanctions en

2 cas d’inexécution, la Bosnie-Herzégovine prend la position suivante : en

3 fonction des dispositions du Règlement du Tribunal et du Statut du

4 Tribunal, ce Tribunal n’est pas la simple manifestation du Conseil de

5 sécurité comme on l’a dit aujourd’hui.

6 Vous savez que le Tribunal a été établi pour poursuivre des

7 personnes responsables de violations graves du droit international

8 humanitaire fondées sur le Statut et plus particulièrement à l’article

9 18 (2) qui dit que "Dans l’exercice d’enquête, le Procureur est habilité,

10 le cas échéant, à demander l’aide des autorités d’un Etat concerné", et

11 puis j’invoque aussi l’article 19 (2), selon lequel : "S’il confirme

12 l’acte d’accusation le Juge saisi, sur réquisition du Procureur, décerne

13 les ordonnances et mandats d’arrêt, de détention, d’amener ou de remise de

14 personnes et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du

15 procès".

16 Pour nous, il n’y a pas de limitations quant au type

17 d’ordonnance prévue dans le Statut. Aussi, à l’article 29, les deux

18 premiers paragraphes disent que "Les Etats vont coopérer avec le Tribunal

19 et que les Etats répondront sans retard à toute demande d’assistance ou à

20 toute ordonnance comprenant aussi, de façon expresse, la production de

21 moyens de preuve." Nous pensons également que les autres dispositions sont

22 assez claires, dénuées d’ambiguité, et que le Règlement réaffirme la

23 compétence suffisante de ce Tribunal pour communiquer avec d’autres Etats,

24 comme c’est le cas à l’article 39, paragraphes 2, 3 et 4 : "Dans une

25 enquête, le Procureur peut demander l’aide de toute autorité nationale

Page 85

1 compétente".

2 J’invoque aussi l’article 54 selon lequel : "A la demande d’une

3 des parties ou de sa propre initiative, un Juge ou une Chambre de première

4 instance peut délivrer les ordonnances ou autre ordonnance nécessaire à la

5 conduite d’une enquête, de la préparation ou de la conduite du procès."

6 En d’autres termes, nous estimons que le Tribunal a pour pouvoir

7 inhérant de déterminer le type d’ordonnance qu’il entend délivrer et non

8 pas les Etats parties.

9 "Dans le but de recueillir des éléments de preuve et de conduire

10 le procès, un Juge ou une Chambre de première instance du Tribunal pénal

11 international pour l’ex-Yougoslavie a le pouvoir d’adresser une requête ou

12 une assignation sous contrainte à tout haut fonctionnaire d’un

13 gouvernement indépendamment de son rang."

14 Pour éviter de répéter les arguments déjà présentés, je dirai en

15 bref que j’accepte tous les arguments que l’accusation a présentés dans

16 l’application des droits international et criminel. Mais s’agissant de la

17 Bosnie-Herzégovine, je suis dans l’obligation de souligner un certain

18 nombre de faits qui n’ont été abordés que très rapidement dans les débats

19 d’hier. Je suis consciente que le sujet en discussion ici même aujourd’hui

20 est un problème théorique qui présente plusieurs facettes et qui concerne

21 le pouvoir d’un Juge ou d’une Chambre de première instance du Tribunal

22 pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en principe, de délivrer une

23 supoena duces tecum et d’appliquer les solutions nécessaires en cas de

24 défaut d’exécution.

25 Mais je dois souligner que tant l’Etat de Bosnie-Herzégovine que

Page 86

1 l’Etat de Croatie - qui sont des Républiques de l’ex-Yougoslavie - et

2 c’est bien le sujet de notre débat ici, ont un statut légal spécifique si

3 on les compare du point de vue de leur devoir d’obligation avec le

4 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, on un statut donc

5 spécifique par rapport aux autres Etats; à savoir que ces deux Etats, en

6 tant que Républiques issues du territoire de l’ex-Yougoslavie, et

7 conformément à la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies,

8 sont obligés d’une façon beaucoup plus large à coopérer avec le Tribunal

9 pénal international que les autres Etats.

10 Je n’exclus pas, bien sûr, la coopération fournie par les autres

11 Etats souverains mais je souligne le fait que les Etats issus du

12 territoire de l’ex-Yougoslavie, donc des Etats nouvellement créés, ont

13 pour obligation de coopérer avec le Tribunal d’une façon plus complète.

14 Cette obligation leur incombe, en tan que signataires de l’accord de paix

15 sur la Bosnie-Herzégovine connu sous le nom d’accord de Dayton également.

16 En conséquence, tous les signataires de cet accord sont dans

17 l’obligation de fournir une coopération pleine et entière dans les

18 enquêtes et les poursuite engagées contre des personnes responsables de

19 crimes de guerre et d’autres violations du droit humanitaire

20 international. Et puisque nous parlons de coopération avec un Tribunal

21 pénal international, il apparaît clairement que cette coopération doit

22 être évaluée en fonction de l’obéissance aux ordonnances d’un Tribunal

23 pénal, et pas de la législation d’un Etat. Et ces deux Etats que je viens

24 d’évoquer sont également dans l’obligation de coopérer avec le Tribunal

25 pénal international pour l’ex-Yougoslavie dans le cadre de leur droit

Page 87

1 interne, et la Bosnie-Herzégovine a agi de la sorte.

2 En effet, si nous parlons de la Bosnie-Herzégovine, son

3 obligation à coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour

4 l’ex-Yougoslavie est établie dans l’acte suprême de cet Etat, à savoir à

5 l’article 2, paragraphe 8, de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine,

6 qui ne se contente pas d’établir l’obligation de cet Etat à coopérer avec

7 le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, mais qui engage

8 également toutes les autorités pertinentes. La disposition en question de

9 la Constitution de la Bosnie-Herzégovine se lit comme suit : "Toutes les

10 autorités pertinentes de la Bosnie-Herzégovine coopèrent et fournissent un

11 accès sans limite, sans restriction, aux éléments de preuve nécessaires au

12 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Ces instances sont

13 particulièrement dans l’obligation de respecter les ordonnances émises

14 conformément à l’article 29 du Statut de ce Tribunal pénal international."

15 Nous considérons donc qu’une supoena duces tecum peut être

16 délivrée à l’encontre de l’Etat de la Bosnie-Herzégovine et également à

17 l’encontre de toute autorité de cet Etat de Bosnie-Herzégovine, c’est-à-

18 dire à l’encontre de tout haut fonctionnaire représentant cette autorité.

19 Lorsque je parle des autorités de l’Etat, je parle donc avant tout des

20 personnes, des hauts fonctionnaires qui constituent cette autorité que je

21 ne considère pas simplement comme une entité abstraite.

22 Et puisque la Bosnie-Herzégovine est dans l’obligation de

23 fournir une coopération pleine et entière, et bien cela sous-entend que le

24 Tribunal pénal international est également habilité à exiger les éléments

25 de preuve dont il a besoin de la part de tout dépositaire de ces éléments

Page 88

1 de preuve et ce, dans le but de conduite une enquête ou un procès en cours

2 devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

3 Donc le fait d’adopter la position selon laquelle un Juge ou une

4 Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l’ex-

5 Yougoslavie n’a pas le pouvoir de délivrer une supuoena duces tecum à

6 l’encontre d’Etats souverains en possesssion de ces éléments de preuve qui

7 ont une importance dans la conduite d’une enquête ou d’un procès, si cette

8 position devait donc être adoptée, cela signifierait que le Tribunal pénal

9 international pour l’ex-Yougoslavie n’a pas la capacité d’accomplir

10 l’objectif qui lui a été assigné, à savoir poursuivre toutes les personnes

11 responsables de violations graves du droit humanitaire international.

12 Cela signifierait également, si un Etat ou son représentant

13 souhaiterait simplement refuser de remettre ces éléments de preuve, que

14 des responsables de la mort de centaines de milliers de personnes sur le

15 territoire de l’ex-Yougoslavie - et malheureusement principalement sur le

16 territoire de la Bosnie-Herzégovine - pourraient échapper à la justice.

17 Ceci serait en contradiction avec l’idée exprimée dans la

18 résolution du Conseil de sécurité et qui a permis de créer le Tribunal

19 pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et cela aurait évidemment une

20 signification très importante, à savoir que cela remettrait en cause

21 l’existence de mécanismes habilitant le Tribunal à présenter les personnes

22 mises en accusation devant la justice. Je soutiens fermement la position

23 de l’accusation, définie dans la sixième partie du Mémoire du Procureur du

24 1er avril 1997, s’agissant des remèdes possibles de la part du Tribunal

25 pénal international pour l’ex-Yougoslavie en cas de refus d’application de

Page 89

1 la supuena du caste cum délivrée à l’encontre d’un Etat souverain.

2 S’agissant de la Bosnie-Herzégovine et de son obligation de

3 coopérer pleinement, j’ajouterai la chose suivante : si une personne

4 physique qui fait l’objet d’une supuena du caste cum refuse de comparaître

5 devant le Tribunal pour des raisons non justifiées et si un Juge ou une

6 Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l’ex-

7 Yougoslavie, dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été conférés en

8 vertu de l’article 29, paragraphe 2 du statut du Tribunal, si donc le

9 Tribunal délivre une ordonnance appropriée à l’encontre des autorités de

10 l’Etat de Bosnie-Hezégovine qui permette d’assurer la présence de cette

11 personne dans le prétoire, les autorités gouvernementales de la Bosnie-

12 Herzégovine sont dans l’obligation d’agir en fonction de cette ordonnance.

13 En effet, il leur incombe d’assurer la bonne application des mesures dont

14 il est question ici, à savoir des ordonnances qui sont adressées à des

15 Etats. Je vous remercie.

16 Mme le Président (interprétation).- Vous avez donc indiqué que

17 l’appui que vous apportez à l’accusation, en particulier au chapitre 6 du

18 mémoire de l’accusation, qui traître des remèdes possibles, donc je crois

19 comprendre que votre position consiste à penser que le tribunal n’a pas le

20 pouvoir d’imposer une pénalité à un Etat en cas de défaut d’application

21 d’une supoena, c’est bien ce que vous nous dites ?

22 Maître Vidovic (interprétation).- Oui.

23 Mme le Président (interprétation).- Mais le Tribunal a bien la

24 possibilité de délivrer une supoena et d’imposer une pénalité à un

25 individu agissant dans le cadre de ses fonctions officielles si ce même

Page 90

1 individu refuse de se plier à une supuena, c’est bien exact ?

2 Maître. Vidovic (interprétation).- Oui c’est exact, mais j’ai

3 ajouté un élément supplémentaire et je ne sais pas s’il a été bien

4 compris, à savoir que le Tribunal international peut exiger des Etats

5 qu’il exécutent les demandes présentées dans une ordonnance, à savoir que

6 si le Tribunal souhaite qu’un individu se présente ici, et si le tribunal

7 émet une ordonnance à cette fin l'Etat est dans l'obligation de se

8 soumettre au contenu de l'ordonnance et de mettre l'individu à la

9 disposition du tribunal.

10 Mme le Président (interprétation) - Dans ce cas, le tribunal

11 devrait rendre une ordonnance et accusé un individu pour outrage au

12 tribunal, en lui enjoignant de comparaître devant le tribunal. Ou bien

13 l'ordonnance devrait-elle être envoyée à l'état pour exigeance

14 d'exécution ?

15 Mme Vidovic (interprétation ) - Non, je crois que vous ne m'avez

16 pas bien comprise.

17 Je parlais d'un sujet différent. L'état aurait obligation de se

18 conformer à la décision du tribunal, demandant qu'une personne déterminée

19 se présente devant le tribunal. Si cet état, pour des raisons politiques

20 ou pour tout autre raison que ce soit, refusait d'agir de la sorte, il y

21 aurait des mesures applicables à l'ensemble de l'état d'une part. Et en

22 deuxième lieu, les mesures que vous venez d'évoquer à savoir la

23 confirmation que l'individu concerné n'a pas respecté le tribunal. Et

24 donc, qu'en vertu du statut et des mesures qui ont été évoquées par

25 l'accusation l'individu peut être poursuivi pour outrage.

Page 91

1 Mme le Président (interprétation) - Le tribunal aurait-il le

2 pouvoir, au cas où il estimerait qu'un haut fonctionnaire, et quelque soit

3 la nature du haut fonctionnaire, n'a pas satisfait aux exigences de son

4 ordonnance, le tribunal aurait-il le pouvoir de poursuivre l'individu pour

5 outrage au tribunal avec les pénalités y affairent ? A savoir, 6 mois de

6 prison et une amande comprise entre sept mille et dix mille dollars ?.

7 Le tribunal aurait-il le pouvoir de poursuivre le haut

8 fonctionnaire dans le cas où il ne serait pas présent dans le prétoire,

9 dans les locaux du tribunal ?

10 Mme Vidovic (interprétation ) - Oui,il en aurait le pouvoir.

11 Mme le Président (interprétation) - Le Président et le Tribunal

12 n'aurait pas à s'appuyer sur l'autorité d'un état pour obtenir l'exécution

13 d'une telle ordonnance ?.

14 Mme Vidovic (interprétation ) - Dans la mesure où l'état refuse

15 d'exécuter cette ordonnance, pour quelque raison que ce soit, soit qu'il

16 s'agisse d'une impossibilité matérielle d'exécution, comme c'est le cas

17 dans l'affaire qui nous intéresse, ou que l'état ne souhaite pas exécuter

18 l'ordonnance, le tribunal peut mettre en cause l'autorité de l'état.

19 M. Jan (interprétation). - Nous avons été informés du fait que

20 l'état Croate a nommé une personne qu'il a chargé de la communication et

21 de la coopération avec le tribunal. La Bosnie-Herzégovine l'a t'elle fait

22 également ?

23 Mme Vidovic (interprétation ) - Oui.

24 M. Jan (interprétation). - Or micro.

25 Pouvez-vous nous dire quelle est cette instance officielle pour

Page 92

1 que son nom figure au procès verbal ?

2 Peut-être n'ai je pas été suffisamment clair ?

3 Mme Vidovic (interprétation ) - Oui. Je m'appelle Vesna Vidovic

4 et je suis Ministre Conseiller auprès de l'Ambassade de Bosnie-

5 Herzégovine. C'est moi qui suis responsable.

6 M. Jan (interprétation). - Merci.

7 Mme le Président (interprétation) - Merci, Madame Vidovic.

8 Maître Rivkin ou plutôt Madame Glumac, de combien de temps avez

9 -vous besoin pour votre exposé.

10 Mme Glumac (interprétation). - Une minute et demie.

11 Mme le Président (interprétation) - Merci beaucoup, vous pouvez

12 procéder.

13 Mme Glumac (interprétation). - Or micro.

14 Je crois pouvoir m'exprimer de ma place, je n'ai pas besoin de

15 me déplacer pour un temps si bref. Vous m'entendez ?

16 Madame le Président, suite à tout ce que nous avons entendu ces

17 deux derniers jours, je voudrais simplement dire que je me joins aux

18 arguments qui ont été avancés par les représentants de la Croatie. A mon

19 avis, leur argument était absolument fondé et très complet.

20 J'en reviendrai, si vous le permettez, simplement à l'exposé qui

21 vient d'être présenté par Madame Vidovic. Car s'agissant de la subpoena

22 duces tecum et du pouvoir qu'à le tribunal de délivrer ou pas une subpoena

23 ou de la nature appropriée ou pas d'une subpoena, je n'en est pas la

24 connaissance particulière Mais je pense cependant, que le tribunal n'a pas

25 le pouvoir de délivrer une subpoena à l'encontre d'un état ou d'un haut

Page 93

1 fonctionnaire. Mais s'agissant de l'exposé de Madame Vidovic je voudrais

2 revenir sur ce qu'elle a dit. A savoir qu'il existe un article dans la

3 constitution de la Bosnie-Herzégovine qui confère au tribunal la

4 possibilité de communiquer avec des individus auxquels des documents sont

5 demandés, des individus qui sont les destinataires d'une subpoena duces

6 tecum et de toutes les ordonnances émises par le présent tribunal.

7 Je pense, que cet article de la constitution de la Bosnie-

8 Herzégovine ne change rien au statut de la personne concernée et que le

9 droit n'existe toujours pas. Je pense que cet article ne peut que conférer

10 à la Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de son droit national, la

11 possibilité de sanctionner une personne au cas où cette personne n'a pas

12 coopéré avec le tribunal dans le cadre de la coopération décrite par Mme

13 Vidovic.

14 Donc le fait de savoir s'il s'agira de sanctions politiques ou

15 civiles, ou autres,je ne sais pas .Mais je considère qu'y compris dans une

16 situation de ce genre, la délivrance d'une subpoena à l'encontre de cet

17 individu est impossible.

18 Je pense tout simplement, qu'étant donné le fait que les

19 sanctions ne sont pas prévues en cas de refus de respecter une subpoena,

20 ni dans le statut, ni dans le réglement de procédure et de preuve, je

21 pense que dans un cas de ce genre, le non respect d'une subpoena ne peut

22 pas non plus être sanctionnée par le présent tribunal. Comme cela a été

23 dit à plusieurs reprises, comme un grand nombre d'éminentes personnalités

24 connues en tant qu'amicis curiez, tels le Professeur Pellet, le Professeur

25 Malanszuk, le Professeur Condorelli ou d'autres l'ont dit hier, ils

Page 94

1 considèrent que l'article 97 du règlement de procédure et de preuve ne

2 peut pas être appliqué à l'encontre d'une personne qui refuse de respecter

3 une subpoena. Il s'agit donc bien uniquement d'un article qui concerne un

4 témoin qui refuserait d'obéir et non pas d'une personne qui refuserait de

5 fournir des documents.

6 Nous avons entendu également, qu'en cas de non exécution d'une

7 subpoena, il était possible d'appliquer l'article 19, c'est à dire de

8 délivrer un mandat d'arrêt.

9 S'agissant de cette affirmation, je considère qu'elle est

10 inexacte.Car dans cet article, la personne est mentionnée, non pas en tant

11 qu'accusé, mais comme cela est le cas également dans un grand nombre

12 d'autres articles, en tant que personne.

13 C'est tout ce que j'ai à dire en rapport avec le débat qui nous

14 intéresse.

15 Mme le Président (interprétation) - Dans l'un des mémoires,

16 soumis au tribunal par des amicis curiez, je ne me rappelle pas duquel il

17 s'agit précisément, mais l'auteur de ce mémoire affirmait avoir étudié la

18 législation de la Bosnie-Herzégovine et être arrivé à la conclusion que le

19 Président.avait compétence pour exiger de Monsieur Jelovic, haut

20 fonctionnaire, qu'il exécute une subpoena.

21 Avez-vous vu ce mémoire ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Je l'ai vu, mais il ne

23 mentionnait pas le droit ou la loi de la Bosnie-Herzégovine.

24 En tout cas pas le code pénal de Bosnie-Herzégovine pour autant

25 que je sache.

Page 95

1 Je ne crois pas que le refus d'exécuter les ordonnances du

2 tribunal soit considéré comme un délit, un acte criminel.

3 Mme le Président (interprétation) - Je pense que l'amicus curiez

4 examinait le fait de savoir si Monsieur Jelovic avait reçu l'instruction

5 de demander à l'autorité concernée de remettre les documents.

6 Mme Glumac (interprétation). - Et vous pensez que l'autorité

7 compétente est le Premier Ministre du Gouvernement, c'est bien dans ce

8 sens que va votre réflexion ?

9 Mme le Président (interprétation) - Il faut que je revois le

10 mémoire et que je vous le remette.

11 Mme Glumac (interprétation). - Nous pensons que le Premier

12 Ministre du Gouvernement, n'est pas la personne compétente pour recevoir

13 les ordonnaces et nous avons déjà discuté de cela quand nous avons dit que

14 cette question était du ressort de la compétence de la Présidence de la

15 Bosnie-Herzégovine et non pas du Rremier Ministre.

16 Mme le Président (interprétation) - Merci beaucoup.

17 Quand nous reviendrons dans ce prétoire, après le déjeuner, nous

18 entendrons un amicus curiez, Monsieur Ljubanovic, n'est-ce pas ?

19 Monsieur Ljubanovic, nous vous entendrons à 14 heures 30.

20 Après quoi, nous entendrons Madame Wedgwood et après ces deux

21 exposés, nous aurons entendu tous les mémoires des amici curiez et nous

22 redonnerons la parole à l'accusation.

23

24 La séance suspendue à 13 heures, est reprise à 14 h 30.

25 Mme le Président (interprétation). - Nous allons maintenant

Page 96

1 entendre M. Ljubanovic.

2 Pr Ljubanovic (interprétation).- Madame le Président, merci. Je

3 suis prêt à répondre à toutes les questions que vous voudez me poser.

4 Avant cela, je voudrais vous demander de me permettre de dire

5 quelques mots concernant une chose qui ne se trouve pas dans le mémoire

6 que nous avons présenté.

7 Mme le Président (interprétation).- Vous êtes ici pour la

8 deuxième journée consécutive, je pense que vous méritez un traitement tout

9 particulier.

10 Je vous prie donc de poursuivre.

11 Pr Ljubanovic (interprétation). - Merci. Hier les amici curiae

12 ont fait des exposés qui montrent que concernant certaines questions

13 importantes qui ont trait à l'application de la notion de la subpoena

14 duces tecum à l’encontre des états et des hauts fonctionnaires, il semble

15 y avoir un concensus.

16 On a remarqué qu'il n'y avait pas de sanction possible de la

17 part du tribunal à l'encontre des états dans le cas de non exécution d'une

18 assignation.

19 Cela a été accepté par le procureur aussi. J’ajouterais que s'il

20 n'y a pas de sanction, il n'y a pas de subpoena puisque cela par

21 définition signifie "sous peine de".

22 La menace est vide de sens. Que reste-t-il alors ? Nous le

23 trouvons dans la résolution 827 du Conseil de sécurité et à l’article 29,

24 paragraphe 2 du statut où il est dit que les états ont l'obligation de

25 mettre à exécution toutes les demandes d'assistance qui leur sont

Page 97

1 adressées ainsi que les ordonnances rendues par le tribunal.

2 Cette unité de vues ne s’est pas faite sur un autre point, celui

3 qui est la possibilité de délivrer des subpoena à l'encontre de hauts

4 fonctionnaires et de personnes physiques quant aux sanctions infligeables

5 à ces personnes en cas de manquement à l'obligation de les exécuter.

6 Un certain nombre de personnes parmi les amici curiae ont

7 défendu des positions sur ce point.

8 Ainsi, par exemple, il a été constaté qu'un haut fonctionnaire

9 était un agent de l'état qui représente l'état. Sinon il ne serait pas,

10 par définition, agent de cet état.

11 Par ailleurs, l'article 77’A s'applique au témoin refusant de

12 répondre à des questions d'une chambre et qui se rend coupable d'outrage

13 au tribunal.

14 Comme cela a été dit par le Dr Zimmerman. L'état est habilité à

15 protéger ses intérêts nationaux et, Madame le Président, vous avez très

16 bien dit que le tribunal n'a pas intérêt à violer les intérêts nationaux

17 des états.

18 Enfin il était remarqué que dans aucun acte de statut ou de

19 traité de droit international, de façon général, il n’est pas prévu de

20 sanction si un fonctionnaire d'un état ne communique pas un certain

21 document.

22 Cela signifie que les sanctions imposées à cette personne

23 seraient en contradiction avec le principe de nullum crimen sine lege.

24 Si nous ajoutons à ce qui a été dit hier, le fait que

25 l'article 29, paragraphe 2 traite de la coopération des états et de leur

Page 98

1 obligation envers le tribunal, et ne traite pas de hauts fonctionnaires,

2 il apparaît que la République de Croatie, dans sa loi adoptée concernant

3 la coopération de la Croatie avec le tribunal, a désigné un organisme en

4 son sein. C’est le principal organisme chargé d'apporter l'assistance

5 nécessaire au tribunal.

6 Si nous ajoutons à cela, qu'en vertu des juridictions du droit

7 européen, il est impossible de demander par la force des documents à un

8 état où a des hauts fonctionnaires d'un état - on peut demander ces

9 documents mais pas contraindre à la production des documents - il s'ensuit

10 que l'état peut ne pas donner suite à une demande si ses intérêts

11 nationaux sont en jeu.

12 M. Josipovic a lu une déposition du code allemand. On retrouve

13 ce genre de disposition dans le code croate également.

14 Autres chose intéressante dite par M. Pellet, à savoir que le

15 tribunal ne peut pas considérer un représentant d’un état comme une

16 personne privée. Il ne peut s'adresser qu’à un ministère qui est un haut

17 fonctionnaire d’un état en sa qualité personnelle. Il peut le faire

18 comparaître qu’en qualité de personnes privée.

19 Cela me semble compliqué.

20 La personne peut être invitée à comparaître en tant qu’individu

21 à condition qu'il s'agisse de faits pertinents non liés à des fonctions

22 ministérielles en l'espèce. Sinon, il est impossible de faire une

23 distinction entre la qualité officielle et privée d'un ministre par

24 exemple.

25 Enfin, à la lecture du mémoire des amici curiae, le message est

Page 99

1 clair. Message qui, venant de l'association croate, est pour la survie à

2 la pratique du droit que je représente ici.

3 Cette association compte près de 700 juristes qui sont soit

4 juges soit procureurs soit avocats soit professeurs d'université. Je ne

5 sais donc pas si l'idée contenue dans notre mémoire que nous souhaitons

6 vous transmettre ressort clairement de ce mémoire.

7 Je dirais donc que, c'est une idée déjà ancienne, les codes

8 criminelles s'appliquent aux criminels seulement et que les codes de

9 procédure pénale ne prennent pas en compte, tandis que le droit relatif à

10 la procédure pénale ne prend pas en compte les accusés. Cela reflète la

11 complexité de la procédure pénale.

12 Dans toutes procédures pénales, il faut trouver un équilibre

13 entre le besoin d'efficacité pour la procédure et la protection des droits

14 personnels de l'accusé et des droits des défendeurs puisque l'accusé peut

15 être innocent.

16 Quoi qu'il en soit, la procédure engagée devant le tribunal

17 pénal international est encore plus complexe car il faut trouver un

18 équilibre entre l'efficacité, la diligence de la procédure et des mesures

19 qui portent atteintes ou restreignent la souveraineté des états.

20 Si le tribunal estime que la procédure n'est pas suffisamment

21 efficace et, qu'en vertu des dispositions existantes et du règlement de

22 procédure et du droit international, il n'a pas à sa disposition les

23 instruments nécessaires pour mieux fonctionner - c'est là un problème

24 auquel il a été fait allusion déjà par le procureur, je la comprends

25 d'ailleurs très bien sur ce point - la question cruciale donc n'est pas

Page 100

1 celle de l'assignation sous astreinte mais de l'efficacité de la

2 procédure.

3 Si tel est bien le cas, si le problème est à ce point difficile

4 et compliqué de trouver des mesures supplémentaires qui risquent de porter

5 atteinte à la souveraineté des états, le tribunal ne devra pas résoudre

6 lui-même la question des assignations sous astreindre.

7 Il devra laisser le Conseil de sécurité régler cette question,

8 non pas de la façon suggérée ici, mais chaque semaine ou chaque mois, la

9 chambre de première instance établit un rapport, un système, un train de

10 nouvelles mesures garantissant une plus grande efficacité du tribunal.

11 Je crains qu'une ordonnance du tribunal visant à délivrer des

12 assignations qui soient communiquées à des états et à des hauts

13 fonctionnaire ne pose de nombreux problèmes, et j'emploie ici un

14 euphémisme.

15 Il ressort clairement dans des travaux d'hier et d'aujourd'hui,

16 que des juristes de renom ne sont pas tous d'accord quant à la question

17 des rapports entre les états et le tribunal pénal international. Cela ne

18 contribuera pas à une plus grande efficacité dans la justice telle que

19 rendue par le tribunal. Ce qui est, en définitive, l'objectif ultime de la

20 présente audience.

21 Mme le Président (interprétation).- Pensez-vous que le

22 règlement, notamment les articles 11, 59 et 61 adoptés par le tribunal qui

23 prévoient que le Président du tribunal peut rendre, comme au Conseil de

24 sécurité en cas de non exécution de certaines mesures, que ces règles

25 trouvent leur fondement dans leur statut ?

Page 101

1 Pr Ljubanovic (interprétation). - Ce sont des règles tout à fait

2 valables.

3 Mme le Président (interprétation).- Sans aucune sanction

4 possible ?

5 Pr Ljubanovic (interprétation). - Pour autant que j'ai pu

6 comprendre, à la lumière des débats de ces deux derniers jours, les

7 procédures engagées devant le tribunal ne sont pas suffisamment efficaces

8 et que la solution est à rechercher dans le statut et le règlement.

9 Certes, les statuts ne peuvent pas régler tous les problèmes, en

10 particulier, ceux qui ont à voir avec la procédure des chambres elles-

11 mêmes. Mais le tribunal a été autorisé à combler ces lacunes par le

12 truchement du règlement de preuve et de procédure.

13 Cela étant, malgré ces dispositions, l’une d’entre elle étant

14 celle que vous venez de mentionner, il ne semble pas y avoir de

15 possibilité d'efficacité plus grande. Je ne crois pas qu'il faille essayer

16 d'élargir l'interprétation des règles existantes.

17 Il faudrait plutôt constater que les dispositions actuelles,

18 l'ensemble des dispositions actuelles n'est pas satisfaisant et le Conseil

19 de sécurité, qui a des pouvoirs d'action beaucoup plus larges, peut

20 prendre des mesures pour rendre ces procédures plus efficaces.

21 Quand je parle d'efficacité, j'entends par là, des garanties

22 permettant de croire que les accusés ne resteront pas impunis. C'est là

23 que réside le principe d'efficacité du tribunal.

24 Mme le Président (interprétation).- D'après ce que je comprends,

25 après avoir entendu de nombreuses personnes pendant un jour et demi, il me

Page 102

1 paraît que l'assignation est un terme qui est inconnu dans beaucoup de

2 système de droit civil.

3 Dans les systèmes de common law où les subpoena sont utilisées,

4 ce terme est interprété d’une façon qui entraîne une sanction pénale ou

5 une amende de façon automatique en cas de non respect.

6 Or, comme vous le savez, nous avons au sein du tribunal des

7 juges tant originaire des systèmes de droit civil que des common law. Nous

8 en sommes très fiers d'ailleurs, mais ces juges sont appelés à utiliser

9 des notions, et de common law, et de droit civil.

10 J'avancerais donc l'idée que le terme subpoena, qui a un sens

11 particulier en common law, peut être utilisé dans le cadre de nos

12 procédures sans reprendre toutes les acceptations inhérentes à ce terme en

13 common law.

14 Je pense notamment aux pénalités ou aux amandes. Si une

15 dénonciation auprès du Conseil de sécurité est une sanction - et des cas

16 ont été cités à l'appui pour d'autres institutions judiciaires - ce serait

17 peut-être une façon de répondre aux soucis exprimés par certains des

18 intervenants, à savoir que l'on ne peut pas imposer d'amendes ou de peines

19 d'emprisonnement à un état.

20 Or, ce serait la seule interprétation possible du terme

21 subpoena.

22 Je suggère, pour ma part, que l'on interprète autrement le terme

23 subpoena, que l'on reprenne des éléments du droit civil et de la common

24 law et que l'on accepte l'idée que si le tribunal peut rendre compte au

25 Conseil de sécurité et si les états ont pour obligation d'exécuter les

Page 103

1 ordonnances qui leur sont adressées, obligations découlant de la charte

2 des Nations-Unies et du droit international.

3 Il faut alors éduquer les intéressés quant au sens du mot

4 subpoena et les personnes qui se verraient adresser ce genre d’assignation

5 n'auraient pas à être vexées. Nous adopterions une approche nouvelle de la

6 subpoena.

7 Si l'assignation est rendue s'agissant, appelons la subpoena,

8 mais s’agissant d'un état, cette subpoena perdrait en partie certains

9 éléments qu'on lui connaît habituellement.

10 Mme le Président (interprétation).- Que serait alors le problème

11 pour les états ?

12 Pr Ljubanovic (interprétation). -On peut se demander s'il est

13 possible d'imposer une sanction à un état ou non. Tous sont d'avis que

14 c'est impossible.

15 Si, comme le dit le Pr Condorelli, la seule sanction possible

16 est de saisir le Conseil de sécurité, en cas de non respect, si le

17 tribunal se satisfait de cette solution, le problème est beaucoup moins

18 grand.

19 Si ce que le tribunal souhaite faire, c’est pouvoir lui-même

20 décréter des mesures de sanction, cette possibilité n'existe pas dans les

21 règles actuelles puisque des sanctions ne peuvent être infligées qu’à des

22 témoins qui refusent de témoigner.

23 On peut voir la chose dans l'autre sens également et dire

24 pourquoi utiliser le terme subpoena alors, qu'en vertu de l'article 29,

25 paragraphe 2, le tribunal peut rendre une ordonnance ayant aussi force

Page 104

1 exécutoire pour les états.

2 Mme le Président (interprétation).- Si une assignation est

3 délivrée à l'encontre d'une personne et, si dans cette assignation, se

4 trouve incluse une notification comme quoi la non exécution de

5 l'assignation peut être suivie d'une amende, à raison d'un montant

6 maximale de 10.000 dollars ou d'une peine d'emprisonnement d'un maximum de

7 six mois de prison, cela ne règle-t-il pas votre problème aussi ?

8 Pr Ljubanovic (interprétation). - Oui, mais cela ne s'applique

9 qu’à des individus.

10 Mme le Président (interprétation).- En leur qualité officielle,

11 je dois ajouter, c'est implicite dans ma question, la question se pose

12 quant aux individus en leur qualité personnelle. Il suffit alors de leur

13 dire que le refus d'exécuter l'assignation serait une infraction. La

14 question est plus délicate s'agissant des officiels.

15 Pr Ljubanovic (interprétation). - Dans le cas des individus, il

16 n'y a pas de problème. Une assignation, puisqu'elle est prévue dans le

17 règlement à la suite des amendements introduits en 1995, peut être

18 délivrée à des individus qui sont alors obligés d'obtempérer et de

19 comparaître en tant que témoin car l'assignation, comme je la comprends,

20 signifie que la personne doit venir témoigner en amenant les documents.

21 Si elle ne vient pas, elle est passible de sanction ce qui est

22 conforme au règlement. Mais dans le cas d'un haut fonctionnaire,

23 représentant un état, la question est plus difficile.

24 D’après le droit interne un haut fonctionnaire peut ne pas

25 communiquer des documents si c’est conforme à l'intérêt général ou

Page 105

1 l’intérêt de l'état.

2 Je peux vous dire quelles sont les dispositions qui s'appliquent

3 en Croatie actuellement. D’après le droit croate, un tribunal peut

4 délivrer une ordonnance à l’encontre d’une personne, y compris d’un haut

5 fonctionnaire ou d’un organisme en vu de la production de certaines

6 pièces.

7 Il y a une autre disposition stipulant que haut fonctionnaire ou

8 un organisme d'état peut ne pas communiquer ce qui est demandé si cel est

9 conforme à l’intérêt général.

10 D'après nos lois, la chambre de première instance doit prendre

11 en compte cet élément. L’'organisme d'état a, de façon générale, la

12 possibilité de faire connaître cette objection à la chambre de première

13 instance.

14 Si celle-ci insiste, il n'y a pas d'exécution forcée de

15 l'ordonnance. Le document n'est pas pris de force mais la question est

16 portée à un niveau plus élevé.

17 Il faut donc qu'une solution soit trouvée dans le cas où l'état

18 ne fournit pas les pièces demandées à la chambre de première instance et

19 pour que cette chambre de première instance puisse évaluer si les intérêts

20 nationaux sont en jeu.

21 Car en toute probabilité, c'est l'état qui est le mieux placé

22 pour savoir où réside son propre intérêt, mais l'état peut indirectement

23 faire connaître à la chambre de première instance que ses intérêts

24 nationaux sont en jeu.

25 Je réitère ici une proposition déjà faite. Si la chambre a le

Page 106

1 sentiment que cet non exécution est infondée, elle a le recours possible

2 du Conseil de sécurité.

3 Mme le Président (interprétation).- Nous n'avons plus de

4 questions à vous poser. Merci d'avoir présenté votre mémoire et d'avoir

5 répondu à nos questions et d'avoir donné des commentaires.

6 Pr Ljubanovic (interprétation). - Merci, Madame.

7 Mme le Président (interprétation).- Merci. Il y a encore un

8 amicus. Il s’agit de Mme Wegdwood. Vous aussi, Madame, vous êtes là depuis

9 deux jours.

10 Mme Wedgwood (interprétation). De toutes façons, c’est un

11 plaisir.

12 J’aurais voulu en fait reprendre le fil de ces travaux. Depuis

13 le début de cette audience, nous avons un peu bifurqué et je vais

14 reprendre les éléments là où ils avaient été abandonnés.

15 Le point de départ, dans une affaire telle que celle-ci, porte

16 sur la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Cela veut

17 dire que seul le gouvernement détient des documents extrêmement sensibles,

18 par exemple, des documents militaires.

19 Vous savez que là, en général, les ordonnances remises, les

20 ordres donnés, ceux qui sont parvenus au commandant, ceux qui ne le sont

21 pas, ce ne sont pas simplement des documents intéressants pour une tierce

22 personne, c'est un document très important.

23 A l’inverse des procédures qu’il y a inter-état, on ne peut pas

24 ici poser des questions de privilège où il y aurait peut-être des

25 privilèges ou des avantages par rapport à l’un ou à l’autre.

Page 107

1 Ici, ce qui est en jeu; c'est la liberté ou l'incarcération

2 d'une personne. Il y a donc manque de concordance entre une partie ou une

3 activité individuelle et une question de liberté.

4 La plupart des débats se concentraient sur des questions de

5 sécurité nationale, de problème d'intérêt national, mais ceci devrait être

6 mis de côté car la question qui nous occupe est le principe en soi de

7 savoir si on peut ordonner à un état souverain de présenter des documents.

8 Vous avez bien posé la question ?

9 En fin de compte, le Tribunal doit procéder à partir du principe

10 de l’efficacité, principe reconnu par maintes instances, notamment par la

11 Cour internationale de Justice dans l’affaire Spencer, où le Juge Spencer

12 a dit que s’il y a deux interprétations possibles d’un document, c’est

13 celle qui est favorable à l’accomplissement de l’objectif et qui n’est pas

14 restrictive à l’égard de celui-ci, qui doit être privilégiée.

15 L’affaire de l’Accord de siège a été évoquée, où le Juge

16 Abourdin a dit que la Cour doit toujours veiller à se satisfaire de

17 l’autorité qu’elle a pour agir. Mais il est aussi approprié de se souvenir

18 des risques qu’il peut y avoir, il faut être sûr de ses pouvoirs, s’il y a

19 des raisons précises qu’on peut invoquer pour ne pas utiliser les pouvoirs

20 qu’on a.

21 L’idée est simple même si les termes sont compliqués. Nous

22 sommes ici en face d’une institution, il est difficile au moment d’une

23 assignation de penser à toutes les éventualités qui peuvent se présenter.

24 L’institution judiciaire doit souvent examiner sa propre nature

25 universelle, la nature téléologique de tout principe de droit. Il faut

Page 108

1 voir ce qui est essentiel à l’accomplissement de la justice pour le but

2 même de cette justice.

3 Mme le Président (interprétation).- Cette citation, d’où vient-

4 elle ?

5 Mme Wedgwood (interprétation).- C’est celle du Juge Abourdin, je

6 ne pense pas que cela se trouve dans le Mémoire. 1988 CIJ, page 63, et

7 l’affaire Spencer est de 1962, page 186, CIJ.

8 Mme le Président (interprétation).- Mais est-ce que vous tirez

9 déjà des conclusions des questions que je voulais poser ?

10 Mme Wedgwood (interprétation).- J’ai appris à ne pas le faire en

11 Cour.

12 Mme le Président (interprétation).- Quelque fois, des questions

13 se posent parce qu’on est d’accord, parce qu’on n’est pas d’accord, ou

14 parce qu’on cherche des précisions ?

15 Mme Wedgwood (interprétation).- J’ai uniquement mentionné vos

16 réponses pour dire que vous faisiez effectivement état à ce point, cette

17 efficacité.

18 Mme le Président (interprétation).- Effectivement, à partir de

19 plusieurs mémoires, nous n’avons pas entendu l’amicus Salcedo qui a fourni

20 un mmoire qui porte précisément là-dessus.

21 Mais poursuivez Madame.

22 Mme Wedgwood (interprétation).- Merci. J’ajouterai un élément au

23 débat.

24 Pour indiquer que les sources d’autorité soutiennent les

25 pouvoirs du Tribunal, il n’y a pas que le chapitre 7 de la Charte des

Page 109

1 Nations Unies. Il y a aussi les accords de Dayton, accords pris entre

2 trois belligérants, il n’y a pas la question de savoir la justice de la

3 guerre, mais de savoir aussi comment on a mené cette guerre. Ceci est

4 important pour le Tribunal; non pas pourquoi il y a eu guerre mais comment

5 elle s’est déroulée.

6 Il y a la République de Yougoslavie, la Croatie et la Bosnie-

7 Herzégovine, toutes qui étaient parties aux accords de Dayton, aut titre

8 duquel elles ont convenu de respecter les ordonnances rendues par ce

9 Tribunal, notamment pour coopérer avec celui-ci. Et il serait bon de

10 parler de l’intervention de la communauté internationale, les accords pour

11 les forces armées et d’autres éléments qui montrent bien qu’ils sont

12 parallèles à cette promesse de coopérer.

13 Le Tribunal ne doit pas seulement se fonder sur le chapitre 7 en

14 soit, et non plus sur le Statut uniquement, mais il y a aussi les

15 promesses faites par les Parties de coopérer et ceci revient à une

16 renonciation à la souveraineté qu’ils ont dans d’autres cas.

17 Mme le Président (interprétation).- Permettez-moi, si ça ne vous

18 dérange pas, avant que vous ne poursuiviez sur ce point : vous dites dans

19 votre mémoire, vous faites mention des accords de Dayton. C’était peut-

20 être la Croatie ou un des amicus qui nous a dit que rien ne s’ajoute du

21 fait de l’existence des accords de Dayton. Il n’y a pas d’avantage, de

22 spécificité. Rien de spécifique ne venait s’ajouter à cette obligation

23 grâce aux accords de Dayton.

24 La question que je vous pose c’est de savoir si c’est simplement

25 une réaffirmation du devoir qu’il y a de coopérer et, s’il n’y avait pas

Page 110

1 d’accords de Dayton, est-ce que tous les Etats membres n’auraient pas

2 respecté cette même obligation ? S’il y a davantage d’obligations, de

3 quelle nature sont ces obligations ? Bien sûr c’est un traité et il y a

4 donc une renonciation à une souveraineté basée sur un traité. Qu’en

5 pensez-vous ?

6 Mme Wedgwood (interprétation).- Je crois que la Croatie elle-

7 même a dit que l’autorité, au titre du chapitre 7, c’est un pouvoir entier

8 mais il faut voir aussi quelles en sont les limites.

9 Ceux qui sont originaires des Etats-Unis font qu’il y a toujours

10 une question d’équilibrage des pouvoirs entre les Nations Unies, le

11 Conseil de sécurité, certains pays s’inquiètent de l’intervention du

12 Conseil de sécurité dans des guerres civiles, dans des conflits civils ou

13 internes. En fait, vous avez un élément supplémentaire avec les accords de

14 Dayton, c’est un pilier supplémentaire sur lequel vous pouvez vous fonder.

15 Il ne faut pas parler de façon abstraite des limites extérieures

16 de l’autorité fournie par le chapitre 7 parce que vous avez, grâce aux

17 accords de Dayton, une base volontaire et consensuelle montrant la volonté

18 qu’il y a de coopérer avec le Tribunal. A mon avis, ceci suffit amplement,

19 d’autant que ceci concerne les belligérants sur le territoire de

20 l’ex-Yougoslavie. Toutefois je pense qu’il y a bien sûr une signature

21 apposée au bas des accords de Dayton qui vous donne un second pilier

22 permettant de dissiper toutes craintes que peuvent avoir les Membres des

23 Nations Unies quant au pouvoir impliqué fourni par le chapitre 7 de la

24 Charte.

25 Mme le Président (interprétation).- Il y a utilisation du terme

Page 111

1 "coercitif" ou "de contrainte" et on eu dit qu’il y a une obligation de la

2 part de tous les Etats, ou si tel n’est pas votre avis, pensez-vous que

3 les Etats provenant de l’ex-Yougoslavie ou d’autres formes d’obligations,

4 position sur laquelle la Croatie n’est pas du tout garante.

5 Mme Wedgwood (interprétation).- J’ai un bagage de Common Law et

6 bien sûr on se prononce sur des questions qui ne sont pas tout à fait

7 nécessaires.

8 Je connais un cas dans le droit des affaires, ce n’est peut-être

9 pas tout à fait pertinent - mais je pense que s’il y a un Etat belligérant

10 dans une guerre, vous savez qu’il y a des soldats, des forces

11 paramilitaires, des civils, et c’est bien sur ce point que porte le

12 Tribunal et effectivement, de ce fait, ce sont des Etats qui se trouvent

13 dans une catégorie distincte.

14 Mme le Président (interprétation).- Il y a peut-être d’autres

15 Etats qui disposent du même type d’informations. Ce sont peut-être des

16 Etats qui ont participé avec les forces de protection de l’ONU. Il se peut

17 qu’ils n’aient pas été des belligérants, mais ils se trouvaient sur le

18 théâtre des opérations, pour ainsi dire. Alors quelle serait leur position

19 face à ce type de documents ? Croyez-vous que les devoirs qui incombent

20 aux Etats belligérants, incombent également à ces Parties ?

21 Mme Wedgwood (interprétation).- Pour plusieurs raisons, je ne

22 dirai pas que c’est le cas.

23 Les Nations Unies sont toujours très sensibles à leur Statut

24 d’organisation internationale; par exemple pour les Conventions de Genève,

25 les troupes de maintien de la paix respectent toujours les Conventions de

Page 112

1 Genève dans leurs activités mais ils insistent en disant qu’ils ne sont

2 pas Partie aux Conventions de Genève eux-mêmes. Je crois que le cas

3 précédent est le plus simple parce que, non seulement les belligérants

4 sont présents, il y a donc juridiction rationa loqui, en l’occurrence le

5 territoire de l’ex-Yougoslavie, mais on pourrait dire qu’effectivement que

6 ces Etats se trouvent toujours ne ex-Yougoslavie.

7 Mais si vous avez un contingent national qui aurait contribué à

8 une force de protection de l’Organisation des Nations Unies, que ce soit

9 en ex-Yougoslavie, cette force serait obligée de produire ces documents,

10 et je suppose que les pays qu’ils représentent veulent coopérer avec le

11 Tribunal. Je n’ai pas voulu dessiner, esquisser toutes les éventualités

12 dans mon Mémoire.

13 Mme le Président (interprétation).- Vous dites que la Bosnie-

14 Hezégovine n’a jamais été un Etat, et si cela a été, elle ne l’est plus

15 avec la création de la Fédération, allez-vous parler de cet élément parce

16 que c’est dans le cadre de nos propos ?

17 Mme Wedgwood (interprétation).- Oui j’étais surprise que ceci

18 n’ait pas été mentionné dans d’autres mémoires. Herceg-Bosna, comment

19 dire, est une tentative faite par la communauté croate en

20 Bosnie-Herzégovine visant à la création d’une autonomie pour cette entité,

21 un peu comme la Republika Srpska qui n’avait pas de statut avant les

22 accords de Dayton, mais Herceg-Bosna n’a jamais été reconnue, n’a jamais

23 acquis un statut juridique aux yeux de quiconque, si ce n’est à ses

24 propres yeux, à ses propres partenaires, mais auss par rapport à la

25 Croatie.

Page 113

1 C’est une non entité depuis la conclusion, le 19 mars 1994,

2 portant création de la Fédération croato-musulmante existant depuis la

3 création des accords de Dayton. Depuis Dayton il est clair que Herceg-

4 Bosna fait partie de la Fédération croate et que Herceg-Bosna en tant que

5 telle n’a pas vraiment de statut.

6 Les membres croates de la présidence nationale, M. Zubak a

7 déclaré désormais "que l’entité, la communauté, quel que soit le nom que

8 vous lui donniez, que cette ancienne entité n’existe plus." Donc même si

9 on a affirmé qu’il y avait existence, ceci ne vaut plus aujourd’hui.

10 Beaucoup des documents en question ne relèvent pas d’une entité

11 souveraine, c’est un petit peu comme si c’était des documents d’une

12 entreprise privée et qui fait faillite, qui plie bagage. C’est un peu le

13 cas aussi pour cette entité.

14 J’aurais voulu faire cette distinction, en tant qu’Américaine

15 certes, et que pénaliste américaine, on faisait une distinction entre la

16 production active et les documents eux-mêmes. On se demandait s’il fallait

17 accorder l’immunité pour l’acte de production des documents, alors que les

18 documents eux-mêmes étaient pratiquement privés de natures. Il y a une

19 affaire au début du siècle où on faisait cette distinction. Ici, lorsqu’on

20 affirme qu’il y a une immunité, une souveraineté nationale, de quoi parle-

21 t-on en fait ?

22 Ce n’est pas simplement le fait de produire ces documents mais

23 de savoir si ce stock, ces documents appartiennent à un Etat souverain. Ce

24 n’est pas le cas parce qu’il s’agit d’une association Herceg-Bosna, qui

25 n’a jamais acquis un statut souverain international. L’analogie n’est donc

Page 114

1 pas valable quant à savoir ce que sont les documents de Bosnie en tant

2 qu’Etat mais plutôt les documents d’une entreprise, d’un syndicat ou d’une

3 association.

4 Mme le Président (interprétation).- Les intérêts de sécurité

5 nationale, qu’en est-il ? On pourrait affirmer qu’une assignation ne peut

6 pas être adressée à un haut fonctionnaire en sa capacité officielle. Il

7 reste encore à régler cette question, n’est-ce pas ?

8 Mme Wedgwood (interprétation).- Pour ce qui est de l’affirmation

9 de sécurité nationale ?

10 Mme le Président (interprétation).- D’après vous j’ai bien

11 compris ceci n’existe plus ?

12 Mme Wedgwood (interprétation).- Chaque pays a le droit de

13 s’inquiéter de sa sécurité à venir et je crois que nous sommes tous

14 sensibles à cette question.

15 Mme le Président (interprétation).- Oui, mais ce que vous dites

16 à propos de ces documents, c’est que ces documents appartenaient à Herceg-

17 Bosna et non pas à la Croatie.

18 Autrement dit, que toute affirmation d’intérêt et de sécurité

19 nationale ne tient pas. Il n’en demeure pas moins que la Croatie va peut-

20 être affirmer qu’une assignation ne peut pas être délivrée à l’encontre

21 d’un Etat ni à l’encontre de son représentant officiel ou des ses

22 représentants officiels.

23 Si une personne est dépositaire de ces archives, pour reprendre

24 votre démarche, ceci ne compromettrait en rien la sécurité nationale

25 puisque ces documents n’ont pas trait à la sécurité nationale apparemment,

Page 115

1 mais ne pourrait-il pas affirmé qu’il n’est possible, qu’il n’est pas

2 permis d’adresser une assignation à un individu ?

3 La question du bon destinaire d’une assignation existe encore,

4 je le concède, mais je pense que pour ce qui est...

5 Je crois qu’il faut penser à sa propre efficacité, à ce qu’on

6 peut affirmer comme pouvoir personnel. Le fait qu’on demande ces documents

7 n’attende pas à la question même de la souveraineté. En fait il y a

8 souvent le fait qu’on est dépositaire, on ne peut pas par comodité, et ce

9 n’est pas pour cela qu’il faut en assurer des pouvoirs, pour ce

10 destinaire.

11 Je reviens à la question d’efficacité parce que peut-êre que

12 j’ai passé trop à examiner de très près le Conseil de sécurité à New York.

13 Mais si l’on réfléchi aux types de sanctions qui sont inférés par les

14 pouvoirs qu’a ce Tribunal, la Croatie elle-même concède que ces

15 ordonnances peuvent avoir un caractère contraignant, exécutoire, le tout

16 est de savoir comment les mettre en exécution, le Conseil de sécurité est

17 vraiment très occupé.

18 Il se peut qu’avant on ne travaillait que huit heures par jour,

19 maintenant on travaille sans arrêt. On peut se demander si le Conseil de

20 sécurité est en mesure d’organiser des audiences quant à savoir qui est le

21 véritable destinataire d’une assignation. Est-ce que le Conseil de

22 sécurité s’entendait comme étant la Chambre d’appel du Tribunal en cas de

23 litiges sur l’applicabilité d’une session ?

24 Pensez au Zaire, pensez à l’Albanie, ce sont des problèmes qui

25 occupent le Conseil de sécurité et je pense que s’ils avaient voulu être

Page 116

1 les conseillers ou le remède constant, le recours constant pour

2 l’exécution d’ordonnances ou d’assignation éventuellement émis par le

3 Tribunal, ils l’auraient déjà dit.

4 Mais je voudrais dire qu’il y a une analogie qui n’a pas été

5 relevée. Au 61D, je ne pense pas qu’on en ait encore discuté ici, ou que

6 c’était contesté, les Etats tiers peuvent recevoir l’ordre du Tribunal de

7 geler les avoirs d’accusés, par exemple par ce Tribunal.

8 Le Tribunal peut donc avoir recours au Conseil de sécurité mais

9 peut avoir recours au 61D pour mettre ceci en oeuvre; ceci est mentionné

10 dans le Statut lui-même. Il est clair que nous avons des pouvoirs

11 explicites pour ce concept. Je pense, si je ne m’abuse...

12 Non je ne parle pas du 61D, je parle d’une autre disposition du

13 Statut. Je vais la trouver dans un instant.

14 Le micro de M. Jan, s’il vous plaît. Ceci ne s’applique pas aux

15 témoins ?

16 Je vais la trouver dans un instant.

17 M. Jan (interprétation) - Ceci ne s'applique pas au témoin.

18 C'est si un accusé refuse de se rendre au Tribunal.

19 Pr. Wedgwood (interprétation) - Excusez-moi, si je me suis

20 trompée.

21 C'est une personne qui refuse de se rendre...

22 M. Jan (interprétation) - Or micro.

23 Je veux dire que la question de l'analogie à établir,si l'on dit

24 que le Tribunal n'a jusqu'à présent parlé que de la possibilité d'avoir

25 recours au Conseil de Sécurité pour donner un peu plus de muscle à ces

Page 117

1 ordonnances, je pense que dans le cas d'assignations destinées à des

2 témoins, on prévoit une exception au 61D.

3 Mme le Président (interprétation) - Pour la partie des

4 sanctions, l'article 24-3 dit que "Outre l'emprisonnement du condamné, la

5 Chambre de Première Instance peut ordonner la restitution à leur

6 propriétaire légitime de tous biens et ressources acquis par moyen

7 illicite, y compris par la contrainte".Ce 61D veillait à trouver une

8 disposition qui donnait effet à cette possibilité de sanction.

9 Mais ceci est aussi important pour l'idée, selon laquelle, la

10 Chambre de Première Instance se saisit aussi d'affaires concernant des

11 états tiers qui ne font pas partie du conflit.

12 Pr. Wedgwood (interprétation) - Oui, je dirais que même si, ceci

13 est une mesure provisoire, permettant de préserver des avoirs pour le

14 retour ultérieur de personnes privées de leurs biens. Bien-sûr, l'idée est

15 qu'on pourrait vivre en Suisse en utilisant des comptes illicites.

16 Il y a aussi mention qui a été faite par le traité instituant la

17 Communauté Européenne, modifié par Maestricht. Il y a là, la possibilité

18 de sanctionner des pays qui ne se seraient pas exécutés.

19 Il est donc concevable d'imaginer une Cour qui aurait ce

20 pouvoir. Et même, si se sont les dispositions d'un traité qui l'avait

21 stipulé, cela a été accepté par l'Union Européenne et cela montre bien que

22 cela relève de l'arsenal de recours qu'on peut concevoir pour ce

23 Tribunal.Cela montre bien les pouvoirs du Tribunal.

24 Mme le Président (interprétation) - Si je me souviens bien,

25 l'amicus curiez disait que le traité de l'Union Européenne montre que les

Page 118

1 états renoncent à leur autorité ou leur immunité, comme on le fait au

2 chapitre 7.

3 Pr. Wedgwood (interprétation) - Monsieur n'est pas là pour me

4 contredire, mais c'est comme cela que je me souviens de ces propos.

5 Il dit que même dans ce cas, il faudra modifier nos règles pour

6 permettre l'imposition de sanctions pénales.

7 Le problème demeure. Et il est le suivant.

8 C'est le Conseil de sécurité qui est habilité à prévoir des

9 mesures d'exécution. Il y a une donc une donne quelque peu différente par

10 rapport au traité européen.

11 Ici par exemple, le Conseil a prévu ces mesures par la voie de

12 création du Tribunal en nous dotant de compétences particulières. Et le

13 Secrétaire Général dit que nous pouvons exercer nos fonctions judiciaires,

14 indépendamment de toute considération politique, et nous a demandé de

15 constitué un règlement à cette fin. Donc je suppose que c'est un peu

16 différent du traité européen.Je ne veux pas insister sur cette analogie

17 A l'évidence l'Union Européenne s'agrandit et c'est une

18 Communauté d'Etat. Mais ceci montre bien, que c'est un type de recours

19 déjà utilisé, même si l'analogie ne tient pas parfaitement.Enfin, je

20 dirais à l'écoute des arguments, cela a été très intéressant, parce que je

21 crois que les juristes de Common-lawe et de droit romain n'ont pas

22 toujours la même façon de voir les choses. Je crois que nous sommes plus

23 fonctionnalistes dans la common-lawe, alors que les spécialistes du droit

24 romain préfèrent les textes,pour une autre mentalité de classification des

25 faits. Mais ici, on essaie de trouver quelle est l'autorité nécessaire

Page 119

1 pour ce que peut faire un Tribunal dans la délivrance d'ordonnance et

2 peut-être qu'on confondait certains niveaux d'autorité.

3 Cinq questions, tout à fait différentes. Relève t'on du chapitre

4 7,de la chartre des Nations Unies, est-ce que le Conseil de sécurité

5 délègue au Tribunal certains pouvoirs potentiels dont il puisse faire

6 usage ? Est-ce dans des règles que ce Tribunal doit encore créer ou

7 pourrait encore créer parce que je constate qu'à l'article 6 ,on dit que

8 le Tribunal peut rédiger de nouveaux articles, avec application immédiate.

9 Ici, on parle de futurologie si vous voulez, et là il n'y a

10 aucune difficulté quant à la nullem crimen pena sine lege, avec un nouvel

11 article, on pourrait envisager des mesures d'exécution pour la production

12 de documents qui prendraient effet immédiatement.

13 Il y a aussi la question de savoir, dépourvu de règles vraiment

14 faites sur mesure, ce que va faire le Tribunal. Je prends l'analogie

15 américaine,dans les règles fédérales de procédures. Il y a toujours une

16 question d'intendance à la fin, lorsque la question n'a pas été prévue, le

17 Tribunal a le loisir d'édicter une règle portant sur ce cas précis.

18 Dans l'affaire qui nous préoccupe, on pourrait prévoir une règle

19 faite sur mesure.

20 Ceci relève du pouvoir d'un Tribunal de mettre au point une

21 règle qui n'aurait pas encore existé. Mais certaines des préoccupations à

22 l'égard du 77 par exemple, peut-on penser à ce que l'on a prévu c'est à

23 dire l'outrage à magistrat ou l'outrage au Tribunal, ou trouver que ceci

24 incombe déjà à ces pouvoirs inhérents si ce n'est pas dit aux 77.

25 Mme le Président (interprétation) - Si nous décisions que

Page 120

1 l'inexécution par un état ou un fonctionnaire pourrait encourir sanction,

2 le fait que l'article 77 ne prévoit pas de sanctions, de façon explicite,

3 ce ne serait pas ainsi violer le principe de nullem crimen pena sine lege.

4 Pr. Wedgwood (interprétation) - Puisqu'on parle ici de

5 l'obligation à venir de produire des documents.Ici, pour l'outrage civil

6 et non pas pénal, on pourrait penser à une astreinte ou à un

7 emprisonnement dont le seul objet serait caduc en cas de production de

8 document. Donc là, il n'y a pas de problème de ex-poste-facto ou de

9 nullem...

10 Mme le Président (interprétation) - Je préfère ex-poste-facto

11 plutôt que nullem crimen pena sine lege.

12 Mais, vous parlez de l'amendement à l'article 6 avec

13 possibilité d'application immédiatement. Mais l'article 6 dit

14 aussi que les amendements auront effet immédiatement mais ne doivent pas

15 s'appliquer au détriment des intérêts de l'accusé ou du suspect. Je crois

16 que c'est ainsi qu'on l'a amendé en avril dernier.

17 Dans toute affaire en instance l'accusé ou le suspect... Je

18 crois qu'il est temps d'amender aussi cet article si nous décidons de nous

19 saisir aussi des questions d'outrage ou d'entrave.

20 Par conséquent, si nous décidions qu'il est possible d'adresser

21 une assignation à un individu avec sanction à la clef, si il y a

22 inexécution, dans le même sens que ce qui est dit au 77, est-ce que ceci

23 violerait la règle ex-poste-facto ou ce principe plus exactement, puisque

24 ceci n'a pas encore d'effet ?

25 Deuxième question, le Procureur estime que si on y ajoute le

Page 121

1 manquement à l'obligation d'exécuter, il faudrait le motiver et par

2 exemple si nous parlons de subpoena, l'obligation peut encourir sanction

3 ou pas encourir sanction, serait-ce se détourner du problème. Qu'en

4 pensez-vous ?

5 Pr. Wedgwood (interprétation) - Qu'il s'agisse d'un ticket de

6 parking ou d'une subpoena, toute explicitation est bonne pour un procédé

7 de ce genre. On pourrait peut-être émettre une ordonnance en retirant la

8 subpoena ou décider que le document suivant sera une continuation de la

9 subpoena précédente et contiendra donc l'avertissement selon lequel tout

10 manquement, tout défaut d'exécution fera encourir tel ou tel risque. Cela

11 ne peut être que bon.

12 Et maintenant, je demanderai au Tribunal son indulgence pour le

13 temps consacré à mon exposé. Mais dans le chaos, causé dans le conflit

14 dans l'ex-Yougoslavie, l'idée d'identité du destinataire d'une subpoena,

15 le fait de savoir si oui ou non, on peut nommer une personne individuelle

16 comme récipiendaire de cette subpoena est un problème tout à fait crucial.

17 j'ai vu la subpoena adressée à la Bosnie-Herzégovine où il est

18 dit qu'apparemment un responsable a ignoré les instructions venant de son

19 gouvernement.

20 Les structures qui établissent l'organisation du gouvernement ne

21 fonctionnent pas dans la réalité comme elles ont l'air de fonctionner sur

22 le papier.

23 Dans la réalité, il y a un grand nombre d'incertitudes quant à

24 la partie qui a la possibilité d'adresser une subpoena à un individu,

25 dépositaire d'un document. Or l'identité de cette personne est tout à fait

Page 122

1 importante. Il fait savoir quand on parle de documents, il faut savoir si

2 les documents sont complets, authentiques. Et toutes irrégularités de ce

3 type dans la common-law permet d'invoquer l'exception au titre de l'ouïe-

4 dire.

5 Dans le cadre d'un conflit civil ou international, la nécessité

6 est particulièrement grande de traiter avec des dépositaires qui savent

7 exactement de quoi ils parlent à ce point de vue, et qui ne sont pas

8 simplement des représentants potiches.

9 Mme le Président (interprétation) - La possibilité d'adresser

10 une subpoena à un état et de lui demander de désigner le haut

11 fonctionnaire qui sera dépositaire des documents, qui aura le plus grand

12 nombre d'informations à sa disposition en ce qui concerne la teneur et la

13 localisation de ces documents, de s'exécuter permet je crois d'éviter le

14 problème que vous venez de citer en rapport avec le dépositaire.

15 On place la responsabilité directement sur les épaules de

16 l'état.

17 Pr. Wedgwood (interprétation) - Bien-sûr, l'état intervient,

18 mais là nous parlons de la responsabilité d'un individu, d'une personne.

19 Donc je crois que pour la valeur probante de la collecte d'éléments de

20 preuves qui est tout à fait cruciale dans un procès, il n'est pas toujours

21 possible de déléguer cette tâche à un état. Il faut désigner un organe ou

22 une personne.

23 Mme le Président (interprétation) - On peut désigner un organe

24 par son nom ou une personne ? Je ne sais pas exactement. Nous avons déjà

25 eu cinq audiences sur ce sujet en vue de résoudre ce problème et je suis

Page 123

1 entrain de réfléchir de quelle façon on peut établir clairement qui doit

2 comparaître. Mais je comprends ce que vous avez dit.

3 Avez-vous des choses à ajouter ? Car j'aurai encore probablement

4 des questions à vous poser sur votre mémoire.

5 Pr. Wedgwood (interprétation) - Non, Madame le Président.

6 Mme le Président (interprétation) - Dans votre mémoire, vous

7 dites que le Tribunal a la possibilité, le pouvoir de délivrer une

8 assignation sous contrainte à l'intention d'un état ou à l'intention d'un

9 haut fonctionnaire de cet état.

10 Vous concluez également que nous pouvons poursuivre l'individu

11 en question ou l'état pour outrage.

12 Si nous devions poursuivre un individu pour outrage, ces

13 poursuites devraient-elles être engagées devant le Tribunal au préalable.

14 Pr. Wedgwood (interprétation) - Non, je ne crois pas. L'individu

15 n'a pas besoin d'être présent.

16 On peut faire une analogie avec l'article 57, situation dans

17 laquelle un individu refuse...

18 Mme le Président (interprétation) - De répondre ou fait

19 ingérence.

20 Pr. Wedgwood (interprétation) - Non, il est certain qu'ingérence

21 ou intimidation peuvent intervenir y compris dans un pays étranger. Donc,

22 il n'est pas question d'obliger la personne à être présente au Tribunal.

23 Si on parle simplement de mesure coercitive, cela peut se

24 comparer à un outrage civil.

25 Une pénalité civile n'exige pas la présence, mais s'il s'agit de

Page 124

1 poursuite pour outrage dans un Tribunal pénal, les conditions sont les

2 mêmes que dans toutes les procédures criminelles et il ne peut pas y avoir

3 de jugement par contumace.

4 Personne ne peut être jugée et ne peut être poursuivie pour

5 outrage criminel avant de comparaître.

6 Mme le Président (interprétation) - En cas de poursuites

7 pénales, il faut qu'il y est procès avec jury, n'est-ce pas ? .

8 C'est prévu spécifiquement.

9 Pr. Wedgwood (interprétation) - Oui.

10 Mme le Président (interprétation) - L'accusation affirme que le

11 Tribunal n'a pas la possibilité de délivrer une assignation sous

12 contrainte à l'encontre d'un état pour différentes raisons. Dont l'une, je

13 parle plutôt de la possibilité de pénaliser un état, en raison du fait que

14 l'article 6 notamment met l'accent sur les individus.

15 D'où tirons-nous le pouvoir de pénaliser un état, si nous

16 partons du principe que nous avons le pouvoir de délivrer une assignation

17 à l'encontre d'un état.

18 Les articles 6 et 7-1 limitent-ils notre capacité à imposer des

19 sanctions à l'encontre d'un individu ?

20 Pr. Wedgwood (interprétation) - Excusez-moi, je vais simplement

21 rechercher ses articles 6 et 7-1.

22 Mme le Président (interprétation) - Vous êtes vraiment la

23 dernière personne à parler, Madame Wedgwood. Nous allons bientôt suspendre

24 l'audience.

25 Pr. Wedgwood (interprétation) - A mes yeux, Madame le Président,

Page 125

1 les articles 6 et 7-1 ne sont qu'une nouvelle façon de formuler la

2 pratique générale du droit international et plus précisement du droit

3 pénal international. A savoir,que jusqu'à présent les états n'ont pas été

4 considérés comme des parties responsables pour des infractions

5 criminelles. Les choses évoluent, il y a certains textes qui parlent de la

6 possibilité pour des états d'être des acteurs criminels, mais le problème

7 dans l'affaire qui nous intéresse est de savoir qui est le destinataire

8 approprié ? Qui est le défendeur auquel peut être adressée la subpoena ?

9 Je partage d'ailleurs le point de vue nuancé du Professeur

10 Crawford. Le fait d'appeler la chose ordonnance exécutoire plutôt qu'une

11 subpoena serait, je suppose, une bonne manière de marier des conceptions

12 contraires, en évitant de parler de respect d'exécution ou de non

13 exécution.

14 Mme le Président (interprétation) - Cela signifie que si on

15 délivre une assignation à l'encontre d'un individu en sa capacité

16 personnelle et que l'on ajoute, en cas d'inexécution, une ordonnance

17 destinée à l'état, les conditions seront-elles les mêmes pour les deux

18 documents ? Les documents peuvent-ils être rédigés sous une seule

19 couverture ? La subpoena d'abord qui s'adresse à l'individu et

20 l'ordonnance qui s'adresse à l'état ? Je suppose qu'il faut savoir ce que

21 l'on veut faire dès le départ, à moins de séparer physiquement les deux

22 documents, le document adressé à l'état de celui adressé à l'individu ?

23 Pr. Wedgwood (interprétation) - S'il s'agit d'une ordonnance

24 sous contrainte, je pense que la question des pénalités peut être stipulée

25 comme une étape ultérieure. Le fait d'appeler la chose une subpoena ou une

Page 126

1 ordonnance exécutoire de production me semble une distinction très fine.

2 Je crois que le but ici est de trouver une solution intermédiaire qui

3 s'applique à la fois dans le droit romain et de la Common-law. Il

4 conviendrait d'utiliser un terme oecuménique.

5 Mais, le problème, en fait, c'est le pouvoir recouvert par ces

6 termes.

7 Mme le Président (interprétation).- L’argument a été avancé que

8 nous ne disposions pas d'articles dans le règlement qui nous permettent de

9 poursuivre pour outrage au Tribunal quelqu'un qui refuserait de produire

10 des documents. Tout cela dans le cadre d'une supoena.

11 Mais a-t-on besoin d’un article de ce jour ? On en a parlé il y

12 a quelques instants.

13 Mme Wedgwood (interprétation).- J’ai entendu l’argument. J'ai lu

14 l'article 77-A. Selon moi; un témoin refusant de répondre à une question

15 est concerné dans cet article. Il n'est pas question de problème dans cet

16 article.

17 Si le manquement de produire une pièce est considéré comme une

18 question, dans ce cas, mon sens d’équité sur plan juridique n'est pas

19 offensé par le fait d'invoquer l'article 77-A.

20 Je pourrais examiner les choses de plus près et statuer sur ce

21 point. Il y a bien sûr la possibilité qui consiste à rédiger un nouvel

22 article du règlement.

23 Cela étant, s'écarter de l'autorité reconnue du tribunal visant

24 à obtenir par coercition, la production d'éléments de preuve, qu'il

25 s'agisse de la production de l’arme du crime, de documents ou autres, cet

Page 127

1 article sera le même dans tous les cas.

2 Mme le Président (interprétation).- Dans cas, il va nous falloir

3 informer.

4 Je cherche l'article du règlement qui nous impose d'informer le

5 témoin du droit dont il dispose de ne pas s'incriminer lui même.

6 Laissons cela de côté port le moment.

7 Selon votre interprétation, ce problème est concordant avec

8 l'article 77-A.

9 Un autre commentaire au sujet de votre mémoire dans lequel votre

10 position consiste à affirmer qu'un état ne peut pas opposer une objection

11 globale et qu'il est possible, au moins, d'exiger de lui qu'il produise

12 des documents pour examen par la chambre de première instance uniquement,

13 et vous citez des exemples comme la loi Ceaber???

14 Mme Wedgwood (interprétation).- Oui; la loi concernant la

15 production d'éléments de preuve.

16 Mme le Président (interprétation).- L'affaire Raynolds vient-

17 elle à l'appui de cette idée selon laquelle le tribunal a la possibilité,

18 est habilité à obtenir par la contrainte la production d’éléments de

19 preuve, de la part d’un témoin à huis clos; même en présence de

20 considérations de sécurité nationale ?.

21 Mme le Président (interprétation).- L'analogie avec le droit

22 national ne recouvre pas tout. C’est l'organe suprême de l'exécutif.d'un

23 gouvernement qui va arbitrer pour savoir quel est le droit qui prime entre

24 le droit pénal international et le droit national.

25 Mais aux Etats-Unis avec la loi spéciale du procureur, quand on

Page 128

1 est en présence d’un procureur qui est représentant d’une instance

2 distincte de celle de la défense au niveau gouvernemental, le problème se

3 pose différemment.

4 Il serait utile de chercher une solution à mi-chemin pour

5 essayer de statuer sur ce problème. A la fin des années 80, il y a eu un

6 gros problème dans le système judiciaire américain. Certaines affaires

7 semblaient impossibles à juger. Apparemment, l'absence de contrôle de la

8 façon dont les procédures judiciaires se déroulaient, était le problème

9 numéro un.

10 Il avait beaucoup insisté sur la nécessité d'avertir le témoin

11 de tous ses droits, séances à huis clos, déposition de certains éléments

12 et autres droits du témoin qui intervenaient de façon très importante dans

13 la façon de juger une affaire criminelle. Il y a également l'aspect

14 probant d'un document qui peut également être dommageable pour les

15 intérêts à venir de tel ou tel état.

16 Je crois que ce genre de problème pourrait ne jamais survenir.

17 Car l'accusation est raisonnable et si un exécutif est suffisamment

18 raisonnable aussi, il doit être possible de trouver un autre moyen

19 d'obtenir d’autres moyens de livraison des éléments de preuve . Sinon, il

20 appartient au tribunal de statuer.

21 Nous avons l'article 66 dans le règlement qui stipule que, si le

22 procureur a obtenu des documents secrets d’un Etat, que cet Etat exige le

23 secret, ces documents peuvent être couverts par le secret et ne pas être

24 divulgués.

25 Que se passe-t-il si la défense estime que certains documents

Page 129

1 sont pertinents pour lui permettre d'assurer sa défense. Lui se trouve

2 dans une situation différente. On n'est plus dans le cas du procureur

3 raisonnable et du tribunal raisonnable; mais dans celui d'un avocat de la

4 défense qui va faire ce qu'il peut pour bien défendre son client.

5 Mme Wedgwood (interprétation).- C’est arrivé par le passé et

6 cela arrivera sûrement encore à l’avenir.

7 Mme le Président (interprétation).- Ce que vous dites est sensé,

8 mais leurs intérêts sont contradictoires tout de même.

9 Mme Wedgwood (interprétation).- Selon la loi de protection des

10 intérêts du témoin des normes élevées de transparence sont appliquées. Il

11 faut absoluement, si vous voulez que le document soit couvert par un

12 secret que vous apportiez un certain nombre de justifications à cet effet.

13 Mais le nombre de ces cas est très restreint. Aux Etats-Unis; il y a

14 effectivement certaines affaires impossibles à juger. Une thèse a été

15 rédigée sur ce sujet en 1875.

16 Et plus récemment, dans le procès Home Pock??? à Brooklyn au

17 sujet d'un problème d'environnement concernant la marine et ses activités

18 nucléaires ou non nucléaires, ce genre de thème a été évoqué. Il arrive

19 que de temps en temps des affaires soient impossibles à juger parce que

20 les affaires sont particulièrement sensibles.

21 Mais ce dont nous parlons est rétrospectif, c’est mon premier

22 argument.

23 Mon deuxième argument sera que si nous examinons les choses dans

24 un cadre aussi étroit, tout crime de guerre est impossible à juger.

25 Prouver la responsabilité d'une organe de commandement exige que

Page 130

1 l'on rentre dans le détail de ce qui s'est passé dans les milieux

2 militaires. Il va nécessairement falloir que tombe cette notion de

3 responsabilité de commandement donnant lieu à quelque immunité que ce

4 soit. C'est une analogie qui peut être utile

5 Juge Jan (interprétation).- Le concept de sécurité nationale

6 implique que la production de tel ou tel documents pourrait intervenir à

7 l'encontre de l'accusé. L'accusation ne peut pas obtenir l'élément de

8 preuve si elle n'a pas d'arguments pour étayer sa demande.

9 C'est l'accusé qui va en souffrir parce que certains documents

10 peuvent avoir une influence négative sur la défense. Dans la pratique,

11 c'est l'accusé qui va souffrir de l'existence du secret d'Etat.

12 Mme Wedgwood (interprétation).- Les deux peuvent s'appliquer.

13 Il peut y avoir certains documents selon la source d'où ils

14 viennent qui peuvent être à charge ou à décharge.

15 Juge Jan (interprétation) - Mais si l'accusation est incapable

16 d'obtenir un élément de preuve très important, l'accusation ne peut pas

17 poursuivre l'accusé.

18 Suite des propos du juge Jan hors micro

19 Mme Wedgwood (interprétation).- C'est tout à fait exact,

20 Monsieur le juge.

21 Mme le Président (interprétation).- Dans ce cas-là, il faut

22 abandonner les poursuites.

23 Maître Hayman était en trainde faire la sieste, mais il est en

24 train de se réveiller.

25 M. Hayman. -(interprétation).- C'est tout à fait exact.

Page 131

1 Mme le Président (interprétation).- Dans ce cas, si le document

2 a une importance vitale pour la défense, je suppose qu'il faut qu'il y ait

3 arbitrage.

4 Mme Wedgwood (interprétation). Des problèmes ont été posés, des

5 controverses ont été évoquées par l'audition de certains témoins à huis

6 clos.

7 Certaines procédures mises en oeuvre dans ce tribunal ont permis

8 de poser un certain nombre de questions quant à l'importance, à la

9 validité de certains éléments par rapport à l'administration de la

10 justice. Des problèmes techniques nombreux ont pu se poser.

11 Mme le Président (interprétation).- Je suis heureuse que vous

12 souleviez la question s'agissant de l’audition des témoins, nous avons mis

13 au point des mesures de protection des témoins à charge et à décharge qui

14 sont tout à fait créatifs, qui sont inconnus de tous les systèmes

15 judiciaires existant en raison de la situation particulière dans laquelle

16 nous nous trouvons.

17 Peut-être, devrions-nous recourir au même genre de créativité

18 sur d’autres plans.

19 Mme Wedgwood (interprétation). Merci beaucoup, Madame le

20 Président.

21 Mme le Président (interprétation).- L’accusation avez-vous des

22 arguments répliques ?

23 Vous pouvez procéder bien que beaucoup de chose et déjà étaient

24 dites; n’est-ce pas ?

25 Mme Arbour (interprétation).- J’ai un certain nombre de points à

Page 132

1 reprendre dans mes arguments répliques, notamment sur ce qui a tété dit

2 par les représentants de la République de Croatie.

3 Pour commencer, j’aimerais reprendre trois affirmations du droit

4 et de la politique qui ont été citées par l’ambassadeur Simonovic ce

5 matin.

6 Premier point, le conseil de sécurité a déclaré très clairement

7 qu'il ne souhaitait aucunement créer un nouvel organe de droit humanitaire

8 international. Je pensais qu'il était également clair que le conseil de

9 sécurité avait pour désir de créer un tribunal pénal international

10 efficace auquel il déléguerait la totalité des pouvoirs dans le cadre de

11 la rédaction d'un règlement de procédure et de preuve. Pour ce qui me

12 concerne, la création d'un droit sur le fond n'était pas une question de

13 procédure mais d'efficacité.

14 Ma deuxième affirmation porte sur le fait que le devoir de

15 coopérer des Etats est suffisant pour permettre à ce tribunal de

16 fonctionner de façon efficace en tant que tribunal pénal.

17 Je dirais que, dans la plupart des cas, l'obligation de

18 coopération va très loin dans la capacité qu'il a de permettre au tribunal

19 de remplir de façon satisfaisante son mandat. Mais j’insisterais néanmoins

20 sur le fait que le devoir attribué par le Conseil de sécurité à ce

21 tribunal est stipulé par l’article 29-1, mais également par l’article 29-

22 2. Dans cet article, ce qui est stipulé, ce n'est pas le droit de coopérer

23 mais le devoir de respecter les ordonnances.

24 Ces un devoir qui a été imposé par le Conseil de sécurité parce

25 qu’il s'est rendu compte que le devoir de coopération s'avérerait bien

Page 133

1 souvent insuffisant. La chose apparaît à l'évidence dans l'affaire qui

2 nous intéresse : le fait que le devoir de coopération ne suffise pas.

3 Je donnerai deux exemples à l’appui de mes dires.

4 Ce matin, la question a été posée de savoir si la République de

5 Croatie devait nommer une personne pour aider à la coopération avec le

6 tribunal.

7 Je tiens à souligner que la personne qui a été nommée est le

8 docteur Jelenic qui est le signataire du mémoire dans lequel la menace est

9 exprimée d'interrompre la coopération avec le tribunal si la position du

10 tribunal n'était pas satisfaisante aux yeux de la Croatie. Cette décision

11 n’a pas été retirée du mémoire de la Croatie.

12 En outre, ce tribunal dans la décision de l'audience au titre de

13 l'article 61 contre Rajic; je cite : "le tribunal note que la non

14 expédition de l’acte d’accusation peut donner lieu à des poursuites contre

15 le gouvernement de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Cette

16 notification sera faite par le Président du tribunal pénal international".

17 Cela démontre de façon manifeste que le simple devoir de

18 coopérer a été jugé, très sagement, par le Conseil de sécurité comme

19 insuffisant à lui seul pour garantir ce tribunal de toute l'efficacité

20 dont il a besoin.

21 Et le dernier argument évoqué par M. Simonovic a consisté à se

22 demander si le fait de donner des pouvoirs d'imposition par la contrainte

23 de tel ou tel devoir à un individu dans le cadre du droit international

24 humanitaire, était permis, l'argument étant, qu'un tribunal pénal

25 international permanent devrait être mis sur pied à l'avenir.

Page 134

1 A mon avis, le droit humanitaire international serait sans doute

2 beaucoup plus menacé si devait être apporté la preuve que le tribunal

3 pénal international où nous sommes aujourd'hui est impuissant et qu'en

4 outre, il est incapable de faire respecter la nature de ses mandats au gré

5 des caprices de tel ou tel état qui souhaite ou ne souhaite pas coopérer

6 ou exécuter les ordonnances qu'il reçoit, selon son humeur du moment.

7 Donc, je pense que ce genre de choses ne doit pas faire l'objet

8 d'une attention indue.

9 Maintenant, je voudrais traiter du point qui a également été

10 avancé selon lequel subpoena n'existe, si elle existe, que dans des cas

11 exceptionnels dans le droit américain, et, si vous me le permettez,

12 j'aimerais faire référence au code pénal du Canada. C'est un code que je

13 connais particulièrement bien puisque nous avons souvent tendance à nous

14 référer au code de nos pays.

15 Le chapitre 699 du code pénal canadien stipule que si une

16 personne est citée pour déposer devant une institution judiciaire, une

17 cour d'appel, un tribunal, un tribunal criminel -je vous passe les détails

18 mais ce sont tous des tribunaux pénaux- dans ce cas, une subpoena peut

19 être adressée à cette personne pour exiger sa présence.

20 Le chapitre 700 se lit comme suit : une subpoena est envoyée à

21 la personne dont la présence est souhaitée, qui cite un lieu, un moment,

22 et des conditions dans lesquelles sa présence sera requise ainsi que les

23 documents ou autres matériels qui sont demandés de sa part.

24 Je ne souhaite pas dire que le droit criminel canadien ne

25 découle pas du droit américain. Il est lié au droit américain, comme nous

Page 135

1 le savons tous, comme c'est le cas également du droit d'un certain nombre

2 d'anciennes colonies anglaises et des pays qui pratiquent la common law,

3 ainsi que des droits qui ont été adoptés de façon très large dans

4 l'ensemble de l'empire britannique à l'époque, avant même le XIXème

5 siècle.

6 Donc, je crois que la référence qui nous intéresse ici n'est pas

7 la référence au droit américain ou à quelque détail que ce soit de ces

8 compétences prévues dans le droit américain, mais de la façon dont les

9 éléments de preuve peuvent être recueillis et des conditions dans

10 lesquelles ils peuvent être recueillis, plus généralement dans l'ensemble

11 des pays qui pratiquent la common law.

12 J'ajouterai que dans la mesure où une référence existe au droit

13 américain, les restrictions qui ont été citées en référence avec le droit

14 américain portent sur l'emploi de la subpoena à des fins de communication

15 de pièces.

16 Je ne voudrais pas revenir sur l'argument que j'ai déjà évoqué,

17 à savoir que la subpoena dont nous parlons ici porte sur le recueil

18 d'éléments de preuve dans le cadre d'un procès. Il ne s'agit plus de

19 communication de preuves, nous en sommes à une étape différente.

20 Et même si la subpoena est bien un mécanisme de recueil

21 contraint d'éléments de preuve appartenant aux pays du common law, nous

22 pouvons citer l'Espagne et la France, par exemple, qui ne sont pas des

23 pays de common law, où des pouvoirs analogues de contrainte sont toujours

24 existants, analogues dans le sens où le Tribunal a à sa disposition des

25 moyens qui lui permettent de garantir l'obtention d'éléments de preuve.

Page 136

1 Les mécanismes en tant que tels sont très différents mais le but

2 poursuivi, le cadre général dans lequel ce but est poursuivi sont

3 comparables.

4 Il y a également la situation de l'Allemagne. Je voudrais

5 immédiatement corriger des malentendus qui ont peut-être été suscités par

6 la référence au code pénal allemand, et qui faisaient intervenir la

7 déposition au dossier d'un certain nombre de documents officiels.

8 En fait, cette disposition commence au chapitre 48 qui envisage

9 que des témoins puissent être cités à comparaître pour déposer et qui

10 contient également ce que j'ai décrit comme étant sans doute une pratique

11 souhaitable, à savoir s'assurer que dans la citation à comparaître, soient

12 bien définies les conséquences d'un défaut éventuel d'exécution.

13 Il est également stipulé que le Président de la République

14 fédérale lui-même peut être placé sous la contrainte, s'agissant de la

15 nécessité de produire des éléments de preuve donnés, même si, s'agissant

16 de lui, les conditions pratiques et détaillées seront peut-être un peu

17 différentes.

18 Ensuite, une série de conséquences pénales sont citées qui sont

19 très comparables à celles qui sont applicables dans d'autres systèmes

20 judiciaires.

21 A mon sens, les ordonnances qui ont été rendues dans la présente

22 affaire sont entièrement conformes au règlement et, sur le fond, sont

23 entièrement conformes aussi à ce qu'a voulu le Conseil de Sécurité.

24 La République de Croatie a reconnu ce matin que le Conseil avait

25 le pouvoir d'obliger la comparution de témoins, cela étant le cas, et nous

Page 137

1 avons présenté des arguments selon lesquels il y avait également

2 obligation, pour les états, de respecter les ordonnances rendues par le

3 Tribunal et les décisions du Tribunal concernant les moyens de preuve qui

4 sont nécessaires en vue d'un procès rapide et équitable.

5 Cela étant, j'avance qu'il n'y a pas de base sur laquelle on

6 puisse faire une distinction entre les hauts fonctionnaires d'un état, à

7 quelque catégorie qu'ils appartiennent, et les autres personnes.

8 A mon sens, les hauts fonctionnaires ont la même obligation que

9 les autres ; la question qui se pose, en revanche, est celle des mesures

10 d'application.

11 Il n'y a pas de raison de suggérer que l'état a une immunité

12 qu'il pourrait transmettre, en quelque sorte, à ces hauts fonctionnaires,

13 et qui le protégerait de l'exécution.

14 Il se peut qu'en l'occurrence, l'état ne puisse faire l'objet

15 d'une amende, par exemple parce que cela n'est pas prévu par le règlement,

16 mais cela ne le dispense pas d'exécuter une ordonnance. Il n'y a donc pas

17 d'immunité de l'état qu'il pourrait transmettre à ses hauts fonctionnaires

18 et par conséquent, à mon sens, tous ont la même obligation d'exécuter les

19 ordonnances et toutes les personnes physiques doivent être traitées de la

20 même façon lorsqu'il s'agit des mesures d'application.

21 Je veux aussi souligner que pour ce que je peux dire, en droit

22 international pas plus qu'à d'autres égards, il n'y a de catégories de

23 hauts fonctionnaires qui seraient distinctes d'autres catégories. Et s'il

24 y a un traitement spécial réservé à ces personnes, il faut que cela

25 découle d'autres catégories du style fonctionnaires, agents

Page 138

1 gouvernementaux, etc. Mais en tant que tel, un haut fonctionnaire

2 représentant un gouvernement n'obtient pas de statut particulier.

3 Mme le Président (interprétation). - Un instant. Parlons d'un

4 chef de la sécurité par exemple. Serait-il équitable de le frapper d'une

5 amende si l'état qu'il représente ne peut être frappé d'une amende ? Vous

6 voyez ce que je veux dire ?

7 Mme Arbour (interprétation). - Oui, absolument.

8 Mme le Président (interprétation). - L'état dit : "Nous

9 n'exécuterons pas l'ordonnance" et il n'y a pas de moyen d'obliger cet

10 état à s'exécuter. On en rendra compte au Conseil de Sécurité, dit-on. En

11 revanche, s'agissant d'un individu, on le déclare coupable d'outrage au

12 Tribunal et on le frappe d'une amende de 10 000 dollars ou d'une peine

13 d'emprisonnement de six mois. Cela semble un peu injuste.

14 Mme Arbour (interprétation). - Oui, cela semble effectivement

15 injuste et je ne voudrais pas que cela soit là la conclusion que tire le

16 Tribunal. Si un individu comparaît devant le Tribunal en réponse à une

17 assignation et fait cette affirmation, à savoir : "Je n'ai pas apporté les

18 documents et je ne peux rien vous donner comme moyen de preuve parce que

19 mon gouvernement ne me permet pas de le faire", il se peut fort bien que

20 le Tribunal, en toute équité, en conclut ou s'abstienne de punir cet

21 individu et rejette la faute sur le gouvernement. C'est une possibilité.

22 M. Jan (interprétation). - Est-ce que ce n'est pas une procédure

23 par contumace ?

24 Mme Arbour (interprétation). - Non. On pourrait, en

25 l'occurrence, considérer que le manquement n'imcombe pas à la personne si

Page 139

1 cette personne se trouve dans l'impossibilité physique, matérielle plutôt,

2 ou morale de s'exécuter. Si une personne dit par exemple : "Vous pouvez me

3 mettre en prison pendant six mois ou bien je rentrerai chez et je serai

4 mis en prison chez moi pour avoir violé le droit interne", il faut peser

5 le pour et le contre.

6 Mme le Président (interprétation). - Ceci suppose qu'il n'y ait

7 pas d'entrave à la liberté de mouvement des personnes que nous citerions à

8 comparaître. J'imagine que si le directeur de la Sécurité, se voit

9 délivrer une assignation, et s'il ne peut pas se déplacer, ce n'est pas le

10 sous-directeur qui le remplacera. Le sous-directeur n'aura pas l'occasion

11 de venir au Tribunal pour dire : "J'aurais voulu pouvoir exécuter

12 l'ordonnance qui a été délivrée, mais je ne peux pas le faire."

13 Ainsi donc, une personne peut rencontrer des difficultés parce

14 qu'elle exécute simplement les ordres de son supérieur qui lui dirait par

15 exemple : "Vous ne quittez pas ce pays." Cela me semble un peu pousser

16 loin.

17 Mme Arbour (interprétation). - J'ai dit hier que cela ne serait

18 pas une pratique sage, même à supposer que l'on envisage de déclarer

19 quelqu'un d'outrage au Tribunal que d'imposer une sanction en l'absence de

20 la personne qui a été citée à comparaître. A mon avis, le mieux est de

21 rendre alors une deuxième ordonnance qui oblige l'état à produire le

22 témoin. On peut appeler cela un mandat d'arrestation, une demande adressée

23 à l'état en vue d'aider le Tribunal à faire venir un de ses ressortissants

24 pour qu'il comparaisse devant le Tribunal et en rester là, pour ne pas

25 avoir à faire face à ce dilemme, et voir alors où réside véritablement les

Page 140

1 responsabilités, si c'est dans le chef de l'état ou ailleurs.

2 Mme le Président (interprétation). - Puisque vous êtes la partie

3 qui a demandé la production de documents, de même que la défense par la

4 suite d'ailleurs, est-ce que vous attendez à recevoir quoi que ce soit, en

5 pratique, ou est-ce une discussion purement théorique que nous sommes en

6 train de mener, qui aurait eu pour résultat que treize amici curiae

7 seraient venus à La Haye pour nous parler ? Pensez-vous qu'un état qui ne

8 veut pas s'exécuter pourra être contraint à le faire ? Vous dites : "Nous

9 n'avons pas le pouvoir de déclarer l'état coupable d'outrage au Tribunal.

10 En revanche, si par exemple le directeur de la Sécurité ne comparaît pas,

11 la situation serait différente. Est-ce que nous pouvons vraiment faire

12 quelque chose ?

13 Mme Arbour (interprétation). - En fin de compte, je ne suis pas

14 très optimiste, je ne pense pas que nous obtiendrons grand chose des états

15 qui, systématiquement et de façon définitive, refusent la pratique de

16 coopérer avec le Tribunal, mais cela n'est pas une raison, à mon sens,

17 pour se refuser à interpréter le statut d'une façon qui permette au

18 Tribunal d'agir. Et très franchement, je crois que certains répondront

19 peut-être aux assignations et devront peut-être renoncer, pour ce faire, à

20 certaines fonctions officielles, de même que d'autres personnes qui ont

21 été laissées à elles-mêmes. Il y a obligation pour les témoins de parler ;

22 ces témoignages peuvent mettre en danger leurs propres relations privées

23 avec d'autres personnes, leurs relations professionnelles, peuvent mettre

24 en jeu leurs familles. A bien des égards, ces personnes prennent un risque

25 et ne voudront pas renoncer au pouvoir de contrainte pour autant.

Page 141

1 Donc, à mon sens, le fait qu'il peut y avoir de nombreuses

2 circonstances en dehors desquelles un haut fonctionnaire ou un autre

3 représentant du gouvernement pourrait être réticent à défier les ordres de

4 son état qui visent à refuser d'exécuter une ordonnance, cela n'est pas un

5 argument suffisant pour que le Tribunal renonce aux pouvoirs qu'il peut,

6 de fait, revendiquer.

7 Mme le Président (interprétation). - Je suis peut-être trop

8 optimiste mais cela serait une façon, encore une fois, de pouvoir notifier

9 le Conseil de Sécurité de façon beaucoup plus précise de ce qui se passe,

10 plutôt que simplement lui signaler qu'il y a eu manquement à l'obligation

11 d'exécuter un mandat d'arrêt. Ce serait plutôt un rapport au Conseil de

12 Sécurité disant : "Nous avons tenté d'exercer notre pouvoir judiciaire,

13 nous avons quelqu'un en prison depuis douze mois, voilà où nous en

14 sommes". On nous tiraille du fait d'un, de deux ou de trois états parce

15 que ceux-ci refusent de produire ce que les deux parties souhaitent

16 obtenir, à savoir des documents qui sont essentiels pour la conduite du

17 procès. Dans l'intervalle, cette personne est détenue, ce qui est une

18 chose très grave.

19 Mme Arbour (interprétation). - Oui, en effet, je crois qu'en

20 quelque sorte, on peut voir là-dedans une escalade dans la non exécution

21 de l'omission à la commission. Par exemple, un état qui simplement

22 n'exécute pas une ordonnance est dans une situation différente d'un état

23 qui, non seulement n'exécute pas une ordonnance mais, de plus, prend des

24 mesures de façon active pour empêcher ses agents de donner suite à

25 l'ordonnance. Il y aura donc aggravation de l'acte illégal.

Page 142

1 Mme le Président (interprétation). - Nous avons dépassé l'heure

2 de la pause car nous étions à ce point plongés dans le débat. On me

3 signale qu'il est temps de suspendre l'audience pour vingt minutes. Nous

4 allons suspendre jusque 16 h 30.

5 La séance suspendue à 16 15 est reprise à 16 h 30

6 Mme Odio-Benito (interprétation). - Madame Arbour, avant

7 d'aller plus loin, j'ai écouté les arguments du gouvernement croate quant

8 à l'utilisation du mot subpoena.et pire encore, subpenea duces tecum.

9 Je voudrais vous poser une question. Vous savez mieux que moi

10 sans doute que nous avons deux langues officielles. au tribunal Or

11 l'article 54, en français, emploie un terme différent puisqu'on y parle

12 d'ordonnance, de citation à comparaître, d'assignation.

13 Pensez-vous que si l'on rendait un texte en français plutôt

14 qu'en anglais, le problème serait réglé ? C'est une idée que je lance pour

15 essayer de faire avancer les choses.

16 Mme Arbour (interprétation). - Effectivement, la version

17 française est très utile. D'autant que le mot assignation se trouve aussi

18 dans le code de procédure criminelle français S'agissant d'assignation à

19 comparaître, c'est une expression que l'on trouve dans les textes de loi

20 français.

21 J'aimerais souligner cependant que je suis quelque peu

22 embarrassé par l'idée que l'expression subpoena duces tecum soit une

23 expression anglaise. C'est une expression latine.

24 On pourrait la trouver à peu près dans toutes les langues et,

25 quoiqu'il en soit, la position que je prends à cet égard est qu'il s'agit

Page 143

1 d'une expression que l'on trouve dans le règlement. Ce serait une erreur

2 que de voir dans cette expression tout un contenu juridique qui viendrait

3 directement d'un système de droit interne particulier.

4 Le fait qu'on parle d'assignation en français montre, je pense,

5 que le simple emploi du terme n'entraîne pas automatiquement la menace de

6 l'imposition d'une sanction.

7 Cela étant, je dirai en fin de compte qu'il y a de fait une

8 sanction en cas de non respect, une sanction sans doute beaucoup plus

9 efficace quand elle s'applique à un état que ne le serait une amende, même

10 substantielle, à savoir une dénonciation aux yeux de l'opinion publique

11 d'un état qui n'aurait pas exécuté une injonction qui lui serait adressée.

12 Il est clair que pour le Conseil de Sécurité, le tribunal peut

13 établir le fait et que pour le Conseil de Sécurité,cela signifie qu'il y a

14 eu non exécution.

15 Il ne peut pas y avoir de débat au Conseil de Sécurité, sur ce

16 qui s'est passé. Il peut y avoir un débat quant à la suite à donner à

17 cette dénonciation par le tribunal mais à mon sens, c'est en soi déjà une

18 sanction, si on veut la qualifier ainsi, qui n'est pas inadéquate

19 s'agissant d'un état ; mais cela renforce mon argument à savoir que l'on

20 ne peut pas mettre trop derrière l'expression qu'il faut voir ce qu'elle

21 signifie dans son contexte.

22 Mon dernier point fait suite à ce que j'ai déjà dit et porte sur

23 le pouvoir de contraindre à l'encontre des hauts fonctionnaires.

24 Dans ces deux journées de travail, nous avons exploré toutes

25 sortes de scénarios possibles. Celui qui n'est pas envisageable, je pense,

Page 144

1 est celui que nous avons évoqué aujourd'hui, à savoir celui d'un état qui

2 concède qu'il est lié par les ordonnances du tribunal, mais dont le

3 ministre de la défense, semble-t'il refuse d'obtempérer, une situation

4 qui, j'aurais imaginé, était difficile à envisager. Or, elle s'est

5 présentée.

6 A supposer qu'il y ait une différence entre une personne

7 physique et une personne physique qui a des fonctions officielles, à mon

8 avis, il n'y a pas de distinction à faire, mais supposons qu'il y en ait

9 une à faire, j'avancerai que cela ne s'applique absolument pas au ministre

10 de la défense de Bosnie-Herzégovine étant donné que son propre état ne

11 prétend pas lui conférer quelque immunité que ce soit dont l'état lui-même

12 pourrait jouir. Bien au contraire,.cet état concède qu'il est lié par

13 l'ordonnance du tribunal et reconnaît que ses fonctionnaires sont

14 également liés par les décisions du tribunal.

15 En dehors du point de droit, il ressort des faits, à mon sens,

16 que le ministre de la défense de la Bosnie-Herzégovine ne peut faire

17 admettre ces arguments.

18 Pour conclure, je dirai que la question de l'application de la

19 mise en oeuvre n'élimine pas la question de l'habilitation. Il y a peut-

20 être des difficultés en fait ou en droit à disposer de mécanismes

21 d'exécution, mais dans la mesure où cette question des pouvoirs

22 d'exécution se pose, il faut qu'ils soient analysés de façon séparée et ne

23 doivent pas amener à la conclusion, sur le plan juridique, que les

24 pouvoirs de contrainte soient, de quelque manière que ce soit, dilués.

25 Je suis prête à répondre à toute question que vous auriez.

Page 145

1 Mme le Président (interprétation). - Nous n'avons pas d'autre

2 question à vous poser. Je vous remercie.

3 Je vais donner la parole à M. Rivkin.

4 M. Rivkin (interprétation). - Merci, Madame et Messieurs de la

5 Cour pour la souplesse dont vous avez fait montre. Je m'en félicite et

6 j'essaierai d'être concis tout en répondant à plusieurs points soulevés

7 par le procureur.

8 Je crois que M. Simonovic voudrait aussi intervenir pour faire

9 quelques remarques supplémentaires.

10 Très franchement, nous sommes étonnés des tentatives du

11 procureur de qualifier de façon différente la question dont le tribunal a

12 à connaître. Le procureur a demandé au Tribunal de délivrer une subpoena

13 duces tecum à l'encontre de la Croatie, et a déposé un mémoire intitulé :

14 Mémoire du Procureur à l'appui de la subpoena duces tecum.

15 On nous dit maintenant que ce mot peut se traduire par

16 assignation. En tout cas, ce n'est pas le mot qui a été utilisé par le

17 procureur.

18 Dans ce mémoire du procureur, cette dernière dit qu'il s'ensuit

19 de la décision prise le 7 mars que le pouvoir d'un juge ou d'une chambre

20 de première instance de formuler une demande ou de délivrer une subpoena

21 duces tecum à un état souverain..

22 Excusez-moi, je vais essayer de ralentir.

23 Mme le Président (interprétation). - Oui, Prenez votre temps.

24 Nous lèverons en principe à 17 h 30 mais nous poursuivrons l'audience

25 jusqu'à ce que tout soit dit.

Page 146

1 Prenez votre temps.

2 M. Rivkin (interprétation). - Le procureur a aussi utilisé dans

3 son mémoire le mot hauts fonctionnaires, et nous pourrons dire ce que nous

4 pensons de cette expression.

5 Il est aussi question, dans le mémoire, des recours appropriés à

6 prendre Il y a non exécution d'un subpoena duces tecum.

7 Il s'agit des pages 4 et 5 du mémoire.

8 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Rivkin, j'ai déjà

9 évoqué ces questions du siège, j'ai déjà pris une décision sur ces

10 questions, je crois en avoir déjà disposé.

11 M. Rivkin (interprétation). - Oui, effectivement, elles ont déjà

12 été abordées.

13 Quoiqu'il en soit, j'en retire le sentiment, après deux jours de

14 travaux que tant le procureur qu'un certain nombre d'amici curiae sont

15 peut-être préoccupés par l'absence du terme subpena duces tecum dans le

16 statut et dans le règlement du tribunal.

17 Nous avons entendu beaucoup d'arguments sur la question de la

18 production de pièces, question qui est au centre de nos débats je voudrais

19 dire clairement que l'objection de la Croatie ne porte pas simplement sur

20 l'utilisation du terme subpoena duces tecum plutôt que du mot.ordonnance.

21 Ce n'est pas simplement une question de forme, plutôt que de fond.

22 De bien des manières, comme nous le comprenons, le procureur dit

23 et continue de dire que le tribunal a le pouvoir de délivrer une

24 ordonnance exécutive et contraignante, qui plus est à l'encontre de la

25 Croatie, demandant la production de certains documents qui sont en sa

Page 147

1 possession.et que si la Croatie ne produit pas ces pièces, ces hauts

2 fonctionnaires peuvent être sanctionnés et sont passibles d'amende ou

3 d'emprisonnement.

4 C'est la définition d'une subpoena duces tecum et c'est celle

5 qu'a reprise à son compte le procureur dans son mémoire.

6 A la page 12 de son mémoire, le Procureur définit une subpoena

7 duces tecum comme étant une ordonnance qui oblige la production de

8 certains documents spécifiques et d'autres pièces -fin de citation-

9 définition reprise du dictionnaire Blacks Laws.

10 La question qui se pose ici n'est pas de savoir s'il s'agit

11 d'une ordonnance ou d'une subpoena mais si elle peut être contraignante à

12 l'égard d'un état souverain. La position de la Croatie est qu'elle ne peut

13 pas l'être.

14 C'est la forme que le procureur à adopter.

15 Nous sommes en audience devant un tribunal, non pas en session

16 de thérapie et si on encourage les divers intervenants à exprimer leur

17 position, je dirai pour ma part que nous devons ici protéger la dignité

18 des états égaux et souverains, que c'est là un impératif important qui

19 découle tant du droit international que de l'impératif de stabilité

20 internationale

21 Le procureur concède que le tribunal ne peut pas être en mesure

22 d'émettre un ordre contraignant en exerçant une force de coercition. Ceci

23 se distingue d'un document juridiquement contraignant. On ne peut émettre

24 des demandes d'assistance au titre de l'article 29, mais si ceci était le

25 cas, nous pourrions rentrer chez nous, nous pourrions dire que le tribunal

Page 148

1 n'est pas en mesure d'émettre des subpoena duces tecum..

2 Si le tribunal ou le procureur veulent émettre une ordonnance

3 exigeant de la Croatie qu'elle produise certains documents, ou si elle dit

4 que la Croatie doit respecter un tel ordre, la Croatie est prête à

5 travailler avec le procureur pour s'acquitter de ses obligations.

6 Je ne veux pas ici entrer dans les questions de fait parce que

7 vous l'avez dit vous-même, Madame le Président, nous parlons ici de point

8 de droit et non pas de fait.

9 Mais je suis obligé de dire, à la lumière de plusieurs

10 informations qui ont été exprimées, que nous avons déjà en Croatie coopéré

11 en grande mesure avec le tribunal et nous estimons que nous avons plus

12 coopéré que d'autres états.

13 Mais nous estimons également que ni le procureur, ni le tribunal

14 ne peuvent contraindre à la production par voie de contrainte et ne peut

15 pas imposer des sanctions pour que la Croatie fournisse les documents

16 qu'elle possède.

17 Je poursuis et j'entame le point suivant : nous sommes également

18 étonnés de voir que le procureur, dans son argumentation, pendant un

19 certain temps, a fait une confusion entre la subpoena duces tecum et la

20 subpoena ad testificandum. Excusez la façon dont je prononce le latin.

21 Nous comprenons une subpoena ad testificandum comme étant

22 simplement une assignation à comparaître et ceci s'oppose à la subpoena

23 duces tecum qui exige la production de documents. Ici aussi, je cite le

24 dictionnaire Blacks laws.

25 Mme le Président (interprétation). -Je crois qu'un amicus, je ne

Page 149

1 sais plus lequel, a fait référence, sans doute dans le mémoire de Frovain,

2 où une juridiction avait interprété les deux termes en disant que l'un

3 était implicite, plus implicite que l'autre et je crois que c'est la

4 citation à témoigner qui est implicite.et qu'implicitement, il y a aussi

5 obligation à produire les documents.

6 M. Rivkin (interprétation). - Effectivement je me souviens de

7 ce point et je pourrai vous exposer mon avis à ce sujet, mais cette

8 distinction est importante parce qu'il y a une distinction ; ce sont deux

9 espèces différentes d'assignation. Et puisque nous avons parlé du droit

10 américain dont il est vrai qu'il n'est pas le fondateur de tous les

11 droits, je voudrais faire état d'une différence importante entre un témoin

12 qui dispose de certains documents spécifiques, ce qui veut dire qu'il peut

13 y avoir récusation, on peut rafraîchir la mémoire du témoin et c'est

14 différent de l'assignation qui va à la pêche de documents et j'estime

15 qu'on ne peut pas dire à Monsieur X ou à Monsieur Y de venir faire un

16 rapport ou d'apporter tel ou tel document. Ce n'est pas le cas ici.

17 Je m'étendrai rapidement sur ce point, c'est une distinction

18 assortie d'une différence. Une subpoena ad testificandum est adressée à un

19 individu qui a ou est censé avoir une connaissance personnelle des faits

20 en question.

21 La Croatie, bien sûr, n'est pas un individu, et ne peut pas être

22 citée à comparaître en tant que témoin. Les individus que le procureur

23 veut sanctionner ne sont pas non plus à considérer comme des témoins qui

24 peuvent donner des moyens de preuve à partir de leu connaissance

25 personnelle.

Page 150

1 Le seul problème que je rencontre est que si on mélange les deux

2 types de subpoena, cela implique qu'il y a déjà deux types distincts. Je

3 ne pense pas que qui que ce soit ait dit que ce soit le cas. Vous avez des

4 droits ; on parle du droit romain et du common law.

5 Je ne pense pas que nous puissions ici parler de subpoena duces

6 tecum. Sinon, on aurait en fait une analyse un peu sous forme de fable.

7 Mme le Président (interprétation). - Mais je crois qu'il a été

8 dit que c'était un mélange de concepts pénaux et de concepts de droit

9 international. Je crois que c'est ce qui a été dit dans ce mémoire et

10 c'est peut-être là qu'il y a mélange.

11 Ceci ne voulait pas dire que ce concept subpaoena duces tecum

12 n'est pas connu en droit international mais qu'il est connu en droit pénal

13 et éventuellement, puisque le statut a été rédigée sous la pression du

14 temps, que l'on pourrait peut-être fournir ces deux concepts.

15 Peut-être n'ai je pas bien lu ce mémoire.

16 M. Rivkin(interprétation). - Je suis d'accord avec vous mais

17 j'ajouterai ici que soucieux et conscient des questions excellentes que

18 vous avez posées, je vais paraphraser et je demanderai ce qu'il y a de si

19 particulier à propos de la subpoena ad testificandum, si on fait rapport

20 au système de sécurité. Quelle est la différence entre cela et une

21 ordonnance? Il y a un certain degré de contrainte, de coercition.mais qui

22 ne s'attacherait pas à une ordonnance simple. En utilisant cette action

23 judiciaire, si on veut vraiment émettre une ordonnance à l'encontre d'un

24 état comme la Croatie, ce n'est pas très juste parce que quand on voit ce

25 qui se fait au niveau du Conseil de Sécurité, nous sommes sûrs que ce

Page 151

1 Conseil de Sécurité pourrait faire fonction de tribunal mais il faudrait

2 peut-être se débarrasser de ces implications.

3 On peut décider aussi de ne pas saisir le Conseil de Sécurité de

4 cette matière, mais pour nous, l'utilisation de ce terme est dommageable

5 aux yeux de l'opinion publique.

6 J'aimerais vous rappeler ce qui a été dit, vous rappeler un cas

7 où quelqu'un voulait quand même sauvegarder sa réputation du fait d'avoir

8 décerné une ordonnance.

9 Ce problème est tel que la Croatie n'aurait pas pu se

10 débarrasser du problème quoi quelle fasse. C'est là la manifestion du

11 problème suscité par l'utilisation d'un terme spécifique comme celui de

12 subpoena duces tecum.

13 Je poursuis : à notre avis, la raison, qui n'est pas bonne à nos

14 yeux, pour laquelle on utilise le terme, c'est parce que le procureur sait

15 bien que le fait qu'il y ait délivrance d'une ordonnance à un état peut

16 poser des problèmes à cet état et à ses fonctionnaires. J'y reviendrai

17 dans un instant.

18 Toutefois, dans les systèmes où on utilise le terme de subpeoena

19 duces tecum, on comprend en général qu'un tel instrument est dirigé contre

20 une entité et, à notre avis, ce n'est pas simplement une question de

21 forme, c'est à dessein qu'on a choisi cet instrument pour obtenir ce que

22 le procureur recherchait.

23 Je me pencherai un instant sur la question dont on a longuement

24 discuté de la capacité officielle d'une personne. Ceci n'empêche pas de

25 citer quelqu'un à comparaître en tant que témoin ou ceci ne pose pas de

Page 152

1 problème s'il s'agit d'un accusé.

2 Mais pour ce qui est des devoirs relevant d'une conduite

3 personnelle, si on est investi de capacités professionnelles ou

4 officielles, comment peut-on sanctionner quelqu'un pour une conduite qui

5 est tout à fait licite et appropriée ? On pourrait dire qu'un individu ne

6 se comporte pas métaphysiquement parlant en tant qu'individu, mais en tant

7 qu'agent de l'état.

8 On peut discuter d'une situation où vous avez un haut

9 fonctionnaire qui est enjoint à comparaître en tant que fonctionnaire

10 officiel et vous avez un supérieur qui lui dit de ne pas comparaître et ce

11 fonctionnaire est face à un dilemme.

12 Comment va il procéder ? Il va essayer de soupeser les avantages

13 de sa carrière personnelle par rapport à cet impératif et il ne peut donc

14 pas comparaître en tant que fonctionnaire pour sa capacité officielle si

15 son supérieur le lui interdit parce que son supérieur est quand même

16 souverain.

17 S'il lui dit de ne pas comparaître, il n'est même pas, en

18 théorie, possible pour cette personne de comparaître en tant qu'agent.

19 Mais je pourrai discuter de ce point avec vous si vous le voulez.

20 Il n'est possible d'avoir comparution que d'un individu pour la

21 connaissance particulière ou personnelle qu'il a de certains faits. Nous

22 avons entendu beaucoup de débats à propos des obligations, au titre des

23 différentes dispositions du statut du tribunal. Par exemple, on a parlé

24 de l'article 15, 19, 20 et 21 ainsi que d'autres articles du règlement du

25 tribunal, notament les articles 54 et 77..

Page 153

1 Mais je dirai que même une lecteur la plus tortueuse possible de

2 ces dispositions ne viennent pas étayer la demande initiale du procureur

3 afin que soit délivré un instrument contraignant contre un état souverain.

4 De toute façon, ces dispositions doivent être étudiées dans leur

5 contexte. Elles ne peuvent pas être vues de façon isolée. Il faut les voir

6 dans le contexte de l'autorité du tribunal et ceci doit se revoir aussi

7 dans la structure plus globale de la charte des Nations Unies qui, elle-

8 même, doit se retrouver à l'intérieur du corps du droit international

9 existant.

10 Même la constitution des Etats-Unis, que nous prenons très au

11 sérieux doit se voir dans le contexte de certaines conditions

12 préexistantes.

13 A cet égard, nous pensons que le procureur a présenté trois

14 hypothèses séparées mais qui sont tout aussi intenables.

15 D'abord, le procureur a dit qu'il n'y a rien, aucune

16 prescription spécifique dans le statut du tribunal qui interdise la

17 délivrance d'une subpoena duces tecum. Nous sommes d'accord. Le statut

18 lui-même ne mentionne même pas cette action judiciaire particuliaire.

19 Toutefois, nous ne pensons pas que le procureur puisse en

20 déduire que le tribunal a le pouvoir d'émettre de telles ordonnances.

21 Cette déduction n'est pas exacte. Le tribunal n'est pas une cour

22 à prérogative, c'est au contraire une cour dotée de pouvoirs limités,

23 établis par le Conseil de Sécurité à des fins bien précises et pour un

24 objet bien précis.

25 Au titre de l'article 1er du statut, la compétence est limitée

Page 154

1 au pouvoir qu'a le tribunal de poursuivre des personnes responsables de

2 violations graves du droit humanitaire et international, commis sur le

3 territoire de l'ex Yougoslavie depuis 1991, en conformité avec les

4 dispositions du présent statut. Et si ce statut ne confère pas un pouvoir

5 particulier à ce tribunal, il faut croire que ce tribunal ne possède pas

6 ce pouvoir.

7 Mme le Président (interprétation). - Supposons que ce soit un

8 haut gouvernement officiel, quel que soit le contenu de cette

9 dénomination. Nous avons tous utilisé ce terme, j'espère que nous le

10 comprenons de la même façon. S'il y a immixtion ou intimidation d'un

11 témoin, l'article 77 nous permet de tenir cette personne pour responsable

12 et coupable d'outrage au tribunal.

13 M. Rivkin (interprétation). - Tout à fait..

14 Vous avez là un pouvoir explicite, mais ce qui compte davantage,

15 c'est une question juridique ou philosophique, l'intimidation d'un témoin

16 ne peut pas être reprise dans le cas qui nous occupe.

17 Mme le Président (interprétation). - Notre compétence ratione

18 materia .., je formule différemment. Suppons qu'un haut fonctionnaire

19 s'immisce dans l'activité d'un témoin. Il a quand même un poste important,

20 une fonction. Ne pouvons-nous pas le tenir pour responsable ?

21 M. Rivkin (interprétation). - Avec le respect que je vous dois,

22 Madame, il n'est pas possible de dire qu'il agit en tant que représentant

23 de l'état. Quand on voit les règles nationales militaires, on ne peut pas

24 dire que le statut officiel exclut la personne ou l'empêche.

25 L'intimidation d'un témoin ne peut jamais relever des fonctions

Page 155

1 officielles qu'on peut avoir.

2 Je crois que là, il y a deux raisons à invoquer. D'abord, nous

3 avons une terminologie précise pour prévoir ce cas.

4 Mme le Président (interprétation). - Et si par exemple un

5 capitaine mettait à exécution le souhait formulé par son état en vue de

6 l'annexion d'une partie du territoire d'un autre état, ne serait-il pas en

7 train d'exécuter le dessein de son souverain ? Et au terme de ce plan ou

8 dans le cadre de l'exécution du plan, s'il intimidait un témoin.

9 M. Rivkin (interprétation). - Je dirai qu'il est bien établi

10 qu'une conduite de ce genre est illégale au titre du droit international.

11 Le fait que vous soyez agent de cet état ne peut pas servir à votre

12 défense. C'est peut-être un problème épistémologique mais je dirai que si

13 une personne est en infraction de façon flagrante au droit international,

14 c'est évident, c'est l'avis adopté à Nuremberg repris.dans le droit

15 allemand.

16 Si un supérieur vous demande de violer les droits ou la loi de

17 la guerre, vous n'avez pas reçu un ordre valable ; c'est un ordre ultra

18 vires, tout comme un tribunal peut aussi émettre une ordonnance ultra

19 vires. Donc, ce n'est pas le même problème.

20 Puis je poursuivre ?

21 Mme le Président (interprétation). - Vous devriez nous rendre

22 visite lors de certaines audiences de procès pour voir comment nous nous

23 en sortons. Mais poursuivez.

24 M. Rivkin (interprétation). - Merci.

25 Dans le raisonnement du procureur, j'essaie de reprendre le fil

Page 156

1 de mon argumentation, parce que le tribunal ne permet pas à ce tribunal

2 d'invoquer ce pouvoir d'assigner un état mais le procureur part de l'idée

3 que nous avons des pouvoirs de ce genre, notamment pour exiger la

4 production de témoins, aussi. Certains tribunaux attachent beaucoup

5 d'importance à cette question, d'autres pas. Vous avez des cas par exemple

6 ou vous avez des Mexicains qui sont pris de façon illégale,mais on dit peu

7 importe la façon dont ils ont été arrêtés du moment qu'ils sont là.

8 Mais les formes de coercition directe ne sont pas inconnues de

9 certaines juridictions.

10 Toutefois, nous estimons que ceci est permis parce que le statut

11 ne prévoit pas expressément ce type d'action prévue par le procureur. Ce

12 serait contraire au bon sens.

13 Nous estimons qu'il est particulièrement important de rejeter

14 les affirmations du procureur parce que le pouvoir affirmé ici est celui

15 qui revient à exercer une contrainte à l'encontre d'un état souverain.

16 C'est une question fondamentale qui relève des pouvoirs les plus

17 élevés du Conseil de Sécurité. Il ne faut pas prendre la chose à la

18 légère.

19 Peut-être que je répète un argument mais si le Conseil de

20 Sécurité avait voulu donner ce pouvoir au tribunal, étant donné la nature

21 de ce pouvoir, le Conseil de Sécurité l'aurait sûrement dit expressément

22 et vec moins d'ambiguïté, ce qui ferait qu'on ne serait pas là

23 aujourd'hui.

24 Aussi, le procureur continue d'affirmer que le tribunal doit

25 avoir le pouvoir d'émettre une subponea duces tecum, parce que sans ce

Page 157

1 pouvoir, il ne serait pas efficace. Or, le Conseil de Sécurité voulait que

2 le tribunal soit efficace.

3 Mais le procureur n'a pas montré, pourtant, pourquoi le tribunal

4 serait inefficace s'il ne disposait pas de ce pouvoir. Et à l'écoute de

5 certaines questions que vous avez posées, Madame le Président, je dirai

6 que nous sommes surpris de voir pourquoi il essayer de voir les choses

7 très binaires, de façon très manikéenne.

8 Le tribunal serait-il tout à fait inefficace, tout à fait

9 incapable de fonctionner où serait il capable de fonctionner avec un tel

10 instrument ?

11 Je crois qu'aujourd'hui, on a montré que vous avez été efficace

12 puisque vous avez déjà inculpé nombre de personnes et mené certains

13 procès.

14 Bien sûr, les choses ne sont pas aussi parfaites que vous le

15 voudriez.

16 Mme le Président (interprétation). -Je ne vais même pas répondre

17 parce que je ne pourrai vous faire part des sentiments que j'ai à cet

18 égard.

19 Mais je voudrais faire un commentaire -j'ai essayé de ne pas

20 vous interrompre-.L'article 54 a été amendé en janvier 1995.

21 Et il y a beaucoup de personnes qui suivent de près les actions

22 du tribunal ; les professeurs écrivent des articles sur ce que nous

23 faisons ; il y aussi des personnes du bureau juridique des Nations Unies

24 qui écrivent des articles sur les articles que nous rédigeons. Mais je

25 n'ai rien vu, rien lu qui porte sur la question de l'amendement apporté en

Page 158

1 janvier 1995 à l'encontre des subpoena. Je ne pense pas que ce soit vrai

2 pour vous non plus.

3 Pour autant que certaines personnes soient intéressées, si cela

4 avait été vraiment tellement impossible, si cette modification était à ce

5 point inacceptable, je crois que ceci aurait suscité des réactions très

6 vives de la part de ceux qui nous observent et qui auraient dit : "D'où

7 tenez-vous ce pouvoir ?" Non pas que ceci fasse une différence parce que

8 nous lisons la presse tout comme le fait le commun des mortels, mais avez-

9 vous constaté des manifestations sur ce point ?

10 M. RIVKIN (interprétation). - Je ne veux pas vous dire comment

11 vous devez élaborer vos propres articles. Je suis originaire de la

12 tradition américaine et quand je lis les termes ordonnance, subpoena, ceci

13 ne s'applique pas à un état, pour nous, et c'est le seul problème sur

14 lequel nous revenons avec autant de force, mais je dis que s'il y avait

15 une règle qui dise explicitement qu'il est possible d'assigner par voie de

16 subpoena duces tecum contre un état, il y aurait eu des réactions.

17 Peut-être qu'on n'a pas saisi toute l'importance ou toutes les

18 façons dont on peut interpréter le terme de subpoena duces tecum.

19 Il se peut que je ne sois pas très juste en requalifiant les

20 termes du procureur mais je ne suis pas très favorable à la façon

21 manikéenne dont la situation était présentée parce que le procureur -et je

22 suis d'accord avec elle sur le fait- dit que le Tribunal, s'il pouvait

23 émettre de telles subpoena, serait plus efficace. Ce n'est pas inévitable

24 mais ceci n'est pas un argument juridique. Je ne pense même pas que ce

25 soit un argument de nécessité, c'est un argument d'opportunité.

Page 159

1 Avec tout le respect que je dois au procureur, je ne considère

2 pas que cet argument serait bien reçu dans les milieux du droit.

3 A l'évidence, le Tribunal aurait été plus efficace, si on

4 pouvait partir du principe qu'il y de nouveaux pouvoirs de coercition qui

5 n'auraient pas été accordés à ce tribunal de façon spécifique par le

6 Conseil de Sécurité.

7 Par exemple, le travail du Tribunal serait bien plus facile et

8 plus efficace s'il avait l'autorité d'émettre des ordres contraignants à

9 l'égard d'états, surtout à l'égard des Etats-Unis et de ses alliés de

10 l'Otan. Etant donné qu'ils ont maintenant des troupes en Bosnie

11 Herzégovine, on aurait pu demander à ces troupes d'appréhender et de

12 déférer à La Haye les plus criminels de guerre comme M. Karadzic ou M.

13 Blaczic, mais dans le raisonnement assez bancal du procureur, le tribunal

14 aurait ce pouvoir puisque le Conseil de Sécurité n'a pas dénié de façon

15 spécifique ce pouvoir au Tribunal dans le statut.

16 Vous savez qu'il y a eu plusieurs rencontres entre les troupes

17 des alliés, les troupes américaines et des personnes qui sont censées être

18 appréhendées. Peut-être pourriez-vous ordonner la capture de ces

19 personnes.

20 Mme le Président (interprétation). - Nous avons déjà fait cela

21 une seule fois. Nous avons demandé aux états d'exécuter ces ordonnances.

22 Dans un cas, les états ne l'ont pas fait. Nous avons fait état de ce

23 manque de coopération au Conseil de Sécurité. Cela a été la sanction que

24 nous avons imposée, Maître Rivkin. Nous n'avons pas été les capturer nous-

25 mêmes, c'est ce que vous dites vous-même.

Page 160

1 M. RIVKIN (interprétation). - De plus, en dépit des affirmations

2 proférées par le procureur selon lesquelles le Conseil de Sécurité a

3 délégué l'ensemble de ses pouvoirs pour qu'ils soient effectifs.

4 Je dirai que rien, ni dans le statut, ni dans les résolutions,

5 ni dans les discussions entourant la création du Tribunal, rien ne dit que

6 le Conseil de Sécurité avait l'intention d'investir ce tribunal de tous

7 ses pouvoirs.

8 Mme le Président (interprétation). - Je ne pense pas que ce soit

9 là la position adoptée par le procureur mais c'est une question que j'ai

10 posée à plusieurs personnes et je n'ai pas entendu ce genre de réponse.

11 M. RIVKIN (interprétation). - Je dois alors être corrigé mais je

12 dirai que le Conseil de Sécurité n'a pas eu l'intention d'investir le

13 Tribunal des pouvoirs les plus importants dont dispose le Conseil de

14 Sécurité.

15 Il est vraiment très peu clair pour nous -je ne vais pas vous

16 parler de la façon dont fonctionne le chapitre 7- que le Conseil de

17 Sécurité aurait pu faire cette délégation de pouvoirs puisque le chapitre

18 7 de la Charte dit que c'est le Conseil de Sécurité qui décide des mesures

19 à prendre lorsqu'il y a menace pour la paix.

20 Si je me trompe, bien sûr, corrigez-moi, mais je crois que le

21 procureur entend dire que le Conseil de Sécurité a accordé à ce tribunal

22 plusieurs pouvoirs importants et aussi que ce tribunal n'est pas soumis à

23 l'autorité de contrôle du Conseil de Sécurité.

24 Je n'ai aucune difficultés à entendre ceci pour autant que ces

25 fonctions soient judiciaires, mais pour nous, beaucoup d'aspects relatifs

Page 161

1 à l'incursion du droit international dans la souveraineté des états ne

2 relèvent pas du droit.

3 Vous savez qu'il y a la Charte des Nations Unies, par laquelle

4 les états ont renoncé à certains aspects de la souveraineté.

5 Mme le Président (interprétation). - Je vous écoute avec

6 beaucoup d'intérêt. Je m'excuse de ne pas vous obliger à ralentir.

7 Si vous n'êtes pas en plein milieu d'une phrase, je vais vous

8 demander si, lorsque par exemple le Conseil de Sécurité décide d'envoyer

9 les forces de la Forpronu, ce n'est pas là une mesure de sanction, puisque

10 ce sont là les mesures d'exécution ? On dit à ces forces qu'elles doivent

11 veiller au maintien ou au rétablissement de la paix. Est-ce que le Conseil

12 de Sécurité procède à des contrôles, pour dire : "Voilà, c'est comme cela

13 qu'il faut avancer sur le terrain ; tournez à gauche, tournez à droite,

14 examinez telle ou telle collectivité."

15 En tout cas, le travail est fait.

16 M. RIVKIN (interprétation). - C'est vrai que le travail est

17 fait.

18 Vous savez que la doctrine de la délégation de pouvoirs fait

19 l'objet de beaucoup de débats dans les cours américaines mais,

20 effectivement, la question est de savoir si on peut déléguer des forces de

21 coercition à d'autres troupes ou des troupes battant pavillon onusien.

22 Ceci pour dire qu'il faut faire tout ce qui est nécessaire dans

23 votre hypothèse.

24 Et puisque le Tribunal est un organe judiciaire, puissant certes

25 mais judiciaire, il n'a que des pouvoirs judiciaires.

Page 162

1 La plupart des spécialistes du droit international estiment

2 aussi que le fait de prendre des mesures de contrainte contre un état est

3 une mesure politique, ce n'est pas un exercice judiciaire.

4 Bien sûr, il y a le droit de respecter. Là c'est l'élément

5 juridique, mais l'élément de contrainte n'est pas juridique.

6 Mme le Président (interprétation). - Mais je répète que notifier

7 le Conseil de Sécurité est une pénalité et ce, de bien des façons.

8 Nous avons un grand nombre de citations en mémoire des amici

9 curiae qui stipulent que le prononcé de non coopération est déjà en soi

10 une pénalité. Je crois donc que vous ne contestez pas le pouvoir que nous

11 avons.

12 M. RIVKIN (interprétation). - Non, bien sûr, je ne le conteste

13 pas. Je souligne encore une fois que les circonstances et la forme de la

14 notification importent grandement.

15 Nous avons le sentiment qu'il y a de nombreuses pénalités qui

16 peuvent prendre la forme d'une notification de ce genre au Conseil de

17 Sécurité aux yeux de l'opinion publique en tout cas, et le manquement à

18 l'obligation prévue d'une assignation sous contrainte, qui est un procédé

19 très coercitif, débouche sur cette possibilité que le Conseil de Sécurité

20 n'avait pas envisagée.

21 Mme le Président (interprétation). - Mais il me semble que nous

22 nous engageons maintenant dans une discussion politique.

23 Je n'ai pas suivi le travail du Conseil de Sécurité avec la même

24 régularité que Mme Wedgwood, j'en suis sûre.

25 M. RIVKIN (interprétation). - Je ne prétends pas non plus

Page 163

1 l'avoir suivi avec cette régularité.

2 Mme le Président (interprétation). - Mais vous comprenez bien

3 qu'il y a de grandes différences dans la façon dont vous appelez

4 quelqu'un, dans la façon dont vous commencez une lettre, dans la façon

5 dont vous terminez une lettre.

6 J'étais en train de chercher ce que je croyais trouver au

7 paragraphe 24 ou 28 du rapport du secrétaire général mais, en tout cas, je

8 voulais rappeler ce qu'il dit dans son rapport. Je reprends un peu ce qu'a

9 dit M. Malanszuk lorsqu'il a fait la même référence. Le secrétaire général

10 déclare que "le Conseil de Sécurité crée une mesure d'exécution dans le

11 cadre du chapitre 7, un organe judiciaire qui devra remplir ses fonctions

12 indépendamment des considérations politiques." Fin de citation.

13 C'est la raison pour laquelle un grand nombre des audiences que

14 nous avons tenues en rapport avec la subpoena adressée à la Croatie et à

15 la Bosnie Herzégovine ont débouché sur une situation où le Conseil nous

16 disait : "Eh bien, c'est un sujet qu'il convient de laisser aux

17 responsables politiques." Nous obéirons si nous avons une ordonnance, mais

18 si nous, nous nous lançons dans le domaine politique, c'est-à-dire que

19 nous commencerons nos lettres par les mots "Son Excellence", "Vos

20 Excellences" ou quels que soient les termes que l'on utilise dans ce genre

21 de domaine, nous pouvons le faire, mais je ne crois pas que ce soit notre

22 pouvoir vis-à-vis de M. Jalovic en particulier.

23 M. RIVKIN (interprétation). - Madame le Président,

24 effectivement, ce n'est pas le plus important.

25 Mme le Président (interprétation). - Ecoutez, nous avons utilisé

Page 164

1 une subpoena et cela n'avait pas pour signification un manque de respect

2 politique. Cela signifiait simplement que c'était une ordonnance assortie

3 d'un risque de pénalité, à savoir la notification au Conseil de Sécurité.

4 Et si vous y voyez une offense, peut-être est-ce un problème d'habitude.

5 M. RIVKIN (interprétation). - Madame le Président, vous vous

6 rappelerez un amicus curiae qui a simplement proposé que l'on supprime le

7 mot subpoena duces tecum qui a des connotations coercitives pour le

8 destinataire. Pourquoi ne pas se contenter de dire au destinataire que ce

9 n'est rien d'autre qu'une forme d'ordonnance ? Pourquoi utiliser, je le

10 répète, un terme précis qui a acquis une connotation précise au fil de

11 plusieurs siècles d'utilisation ? Pourquoi ne pas utiliser le terme le

12 plus courant dans ce genre de situation, à savoir le terme ordonnance que

13 l'on utilise en général lorsqu'on s'adresse à des hauts fonctionnaires, à

14 des fonctionnaires, quel que soit leur rang hiérarchique.

15 Nous ne contestons pas la possibilité d'adresser une ordonnance

16 à un état souverain, en l'occurrence l'état souverain de Croatie et, bien

17 entendu, la civilité des mots utilisés dans l'ordonnance n'a rien à voir

18 avec un problème juridique. Nous ne nous attendons pas à ce que

19 l'ordonnance contienne les mots "Nous vous prions de venir ici pour parler

20 avec nous", mais la rédaction n'est pas de notre ressort.

21 Mme le Président (interprétation). - Vous dites que le procureur

22 a un motif objectif derrière sa volonté d'utiliser le terme subpoena.

23 Pourriez-vous vous expliquer un peu sur ce point ?

24 M. RIVKIN (interprétation). - A mon avis, ce terme subpoena

25 ducas tecum a été utilisé -en tout cas, c'est le cas dans la plupart des

Page 165

1 tribunaux compétents qui ont été cités- dans le but volontaire de faire

2 référence à une responsabilité individuelle. Et si, Madame le Président,

3 vous envoyez une ordonnance à l'état souverain de Croatie, en tout cas

4 dans la perception réthorique de ce terme, cela signifie que pour aboutir

5 à la mise en cause de la responsabilité des hauts fonctionnaires de ce

6 même état, il faut tout de même un sceau logique. Je ne veux pas rentrer

7 dans les détails mais il est logique de déduire que l'utilisation, le

8 choix de ce mot précis, dans le cas qui nous intéresse, n'est pas le fruit

9 du hasard. Ce choix a été fait précisément pour permettre ce sceau logique

10 et donc, l'engagement de la responsabilité des hauts fonctionnaires

11 dépendant de l'état souverain concerné.

12 Je pense que je vais m'abstenir de présenter des remarques qui

13 figurent dans mon mémoire, elles ont été évoquées dans notre échange à

14 l'instant.

15 Si un état, quel qu'il soit, manque à son obligation d'exécution

16 d'une ordonnance et l'exécution d'une ordonnance est l'obligation de tous

17 les états, vous recourrez, je suppsoe, à votre pouvoir discrétionnaire,

18 car vous ne serez pas d'accord avec ce fait. Je ne suis pas en train de

19 dire que vous avez le devoir d'en référer au Conseil de sécurité, mais

20 vous avez le pouvoir de le faire.Cela semble être votre seul recours.

21 En réponse aux horreurs qui ont été évoquées par un amicus

22 curiae qui, parlant de subpoena duces tecum, vous a fait trembler devant

23 la possibilité d'un échange très prolongé de documents ou de

24 sollicitations du Conseil de sécurité, nous vous disons que ce ne serait

25 pas le cas.

Page 166

1 Le Conseil de sécurité, s'il n'appuie pas votre subpoena dans

2 toute sa sagesse montrerait, je pense, qu'il n'est pas très réaliste de

3 penser que la poursuite de ce haut fonctionnaire peut avoir la moindre

4 chance de succès. Il n'y aura pas nécessité de s'adresser à de très

5 nombreuses reprises au Conseil de sécurité si celui-ci décide de vous

6 soutenir.

7 J'en arrive à mon troisième argument : le procureur, à notre

8 avis, fait également erreur, quand il suggère que le pouvoir de délivrer

9 un subpoena duces tecum à l'encontre d'un état peut découler du droit qu'a

10 l'accusé à un procès équitable aux termes du statut du tribunal. Encore

11 une fois, le statut doit être lu dans sa totalité. En vertu de l'article

12 21, l'accusé dispose d'un certain nombre de droits qui garantissent un

13 procès impartial et équitable . Là encore, si vous permettez quelques

14 secondes de référence de l'expérience américaine qui est également la

15 vôtre, Madame le Président, vous savez bien qu'aux Etats-Unis, le droit

16 des accusés à un procès équitable est une considération extraordinairement

17 importante et que de nombreux procès se terminent sans conclusion dès lors

18 qu'il y a atteinte à ce droit.

19 Le droit à un procès impartial et équitable est une nécessité,

20 cela ne nous pose aucun problème. Je ne réponds pas là à une question

21 précise mais à des commentaires qui ont été faits par plusieurs amici

22 curiae.

23 Si vous avez pléthore d'éléments de preuve à l'encontre d'un

24 accusé et que vous estimez que ces éléments de preuve sont suffisants et

25 que l'accusé se présente et vous dit : "Il existe des documents à décharge

Page 167

1 quelque part dans le monde, je vous demande de vous les procurer", je ne

2 serais pas surpris, dans ce cas que vous condamniez un tel accusé.

3 Par ailleurs, si vous pensez que les éléments présentés par

4 l'accusation sont fragmentaires, incomplets ou trop partiels, vous

5 pourriez sans doute prendre une décision différente.

6 J'affirme que, quelles que soient les circonstances et dans le

7 cadre du droit national d'un pays, vous aurez un accès parfait aux

8 éléments de preuve. Cela n'empêche pas que le procès peut être équitable

9 car si nous avons confiance dans votre sagesse, dans la sagesse des juges

10 de cette chambre de première instance, nous pensons qu'il est possible de

11 mener, de le conduire. Nous ne pensons pas que l'obtention de 100 % des

12 éléments de preuve disponibles dans l'univers soit indispensable pour

13 garantir l'équité d'un procès.

14 Maintenant, je reviendrai sans m'appesantir sur l'emploi de ce

15 terme état coupable pour : nous pensons que, pour un état tel que la

16 Croatie et pour tout autre état souverain, il est un peu artificiel

17 d'établir une distinction entre les obligations qui incombent à la Croatie

18 en matière de coopération avec le tribunal et celles qui incombent à tous

19 les autres états.

20 C'est très perturbant : la Croatie n'est pas, comme semble

21 l'affirmer le procureur, un état coupable en vertu de l'article 7 de la

22 charte qui pourrait être sujet à des mesures coercitives plutôt

23 qu'exécutoires. Je parle ici du mémoire du procureur qui cite la décision

24 en appel à l'égard de M. Tadic.

25 Le Conseil de sécurité n'a pas décidé que la Croatie constituait

Page 168

1 une menace pour la paix, avait rompu la paix ou était coupable d'un acte

2 d'agression, etc., etc.

3 En vertu de la résolution 808 et de la résolution 827, nous

4 constatons que tous les états sont tenus de coopérer avec le tribunal, il

5 n'y a pas un état ou un groupe d'états qui est isolé du reste et à qui un

6 traitement particulier est réservé e ce point de vue, je ne vais pas

7 rentrer dans les détails, tout le monde connaît la question par coeur, je

8 suppose. Nous souhaitions grandement que le problème soit éclairci.

9 Les documents statutaires du tribunal sont tels que la Croatie a

10 exactement les mêmes responsabilités que tout autre état membre des

11 Nations Unies et ce devoir consiste à coopérer, exécuter, répondre obéir,

12 quel que soit les termes que Mme le Président souhaite utiliser.

13 De même que le tribunal peut demander à la Croatie d'exécuter

14 une subpoena duces tecum, le tribunal peut le demander à tout autre état

15 souverain dès lors que vous aurez décidé d'appliquer cette règle très sage

16 qui est censée garantir l'équité d'un procès.

17 Donc, si la disposition est maintenue, elle doit l'être pour

18 tous. Si elle ne l'est pas, elle doit être supprimée pour tous.

19 Maintenant, j'aimerais essayer de répondre à des aspects plus

20 secondaires de l'argument. Des suggestions ont été faites par l'accusation

21 et par certains amici curiae dans l'analyse des impératifs et des

22 obligations et ils ont déclaré qu'il qu'il fallait que le tribunal arbitre

23 à cet égard.

24 Nous pensons qu'il est un peu perturbant de parler d'arbitrage,

25 car cela semble indiquer que les obligations et responsabilités peuvent se

Page 169

1 situer à des niveaux différents. Dans le cadre d'une subpoena duces tecum

2 sud si l'on parle du secret d'état et que la discussion est très sérieuse,

3 je suis sûr que Mme le Président est d'accord avec moi sur ce point : si

4 l'on donne une réponse négative au premier niveau, la discussion n'a pas

5 besoin de se poursuivre.

6 Un certain nombre de personnes ont parlé d'arbitrages réalisés

7 par des organes nationaux, des tribunaux nationaux en particulier, de la

8 possibilité d'arbitrer entre les intérêts nationaux, ceux d'un état et les

9 intérêts d'un tribunal pénal ont également été mentionnés.

10 Tout cela n'a rien à voir avec le sujet qui nous intéresse. Dans

11 toutes les situations nationales, la seule considération est de savoir qui

12 prend les décisions au nom de l'état souverain et qui peut être chargé de

13 cet arbitrage.

14 Nous disons que cela ne peut être ni le parlement ni la cour

15 suprême, cela peut peut-être être le Président, mais de toute façon, ces

16 trois éléments sont trois composantes d'un même état souverain. Un

17 souverain prend ses décisions, il ne permet pas que l'on mette en cause

18 les décisions prises par les organes indépendants qui le représentent.

19 Nous ne sommes pas dans cette situation et, si je me souviens bien, vous

20 avez demandé à un amicus curiae s'il était exact qu'un tribunal

21 international avait, de façon inhérente, moins de possibilités d'arbitrer

22 par rapport à ces considérations qu'un tribunal national. Ma réponse est

23 sans équivoque, oui.

24 Le point suivant : la Croatie n'apprécie pas du tout l'idée

25 qu'elle serait incapable d'arbitrer, par rapport à ces questions de

Page 170

1 sécurité nationale dans son état et que cela aura des implications

2 négatives pour sa capacité à établir la justice par rapport à ceux qui ont

3 commis des crimes et enfreint les normes humanitaires internationales dans

4 l'ex-Yougoslavie.

5 En fait, la Croatie a plus d'intérêts que quelque autre état à

6 ce que tous les coupables de tels crimes soient jugés..

7 Contrairement aux Etats Unis, à la Grande Bretagne, à la France

8 , à la Russie ou tout autre état de la communauté internationale, la

9 Croatie et ses habitants ont été victimes de l'agression et des crimes de

10 guerre qui font l'objet des débats de ce tribunal.

11 En tant que jeune état, la Croatie est particulièrement

12 désireuse de démontrer le sérieux avec lequel elle remplit ses obligations

13 de coopération dans les forums internationaux. dans la mesure où la

14 Croatie peut invoquer des considérations de sécurité nationale en réponse

15 à une demande légitime d'assistance en vertu de l'article 29, elle le fera

16 pour les raisons les plus exceptionnelles.

17 J'en terminerai avec un ou deux détails qui, peut-être,

18 reproduiront ce que certains amici ont déjà dit, mais nous vous demandons

19 instamment de considérer avec le plus grand sérieux les points examinés

20 ici.

21 En recourant à la délibération, nous avons consacré un temps

22 relativement long à cette discussion, mais ce qui est en cause n'est pas

23 simplement l'avance de ce procès en particulier ni le succès du tribunal

24 dans sa tâche, mais l'avenir du système international en tant que tel.

25 Les Nations Unies ont créé le tribunal selon le principe de

Page 171

1 l'égalité souveraine de tous les états membres. L'article 2 paragraphe 1

2 le stipule. La création d'organes judiciaires investis de pouvoirs

3 différents est un élément critique du fonctionnement des Nations Unies et

4 du système international qui existe aujourd'hui. Si cependant les organes

5 judiciaires sont habilités à prétendre à des pouvoirs inhérents qui sont

6 fondamentalement en contradiction avec l'égalité souveraine de tous les

7 états, la légitimité et la légalité de ces tribunaux peuvent être remises

8 en cause. Ceci aurait pour conséquence des dommages terribles et tragiques

9 pour le système international et les états de droit.

10 J'insiste donc également sur le rôle très important que vous

11 jouez au niveau international dans les mesures de réconciliation et je

12 pense que les conséquences risquent d'être énormes et tout à fait

13 dommageables. Je ne pense pas qu'elles puissent être niées par un

14 internationalistes qui seraient désireux d'élargir le domaine du droit et

15 de lever les obstacles qui nuisent à cette avancée, mais je vois que toute

16 erreur sur cette voie peut être considérée par ceux qui abordent

17 sérieusement le droit international.

18 Avant de rendre la parole à son excellence M. Simonovic, je

19 voudrais dire brièvement parce que vous avez évoqué ce sujet à plusieurs

20 reprises, Madame le Président, que s'agissant de l'accord de Dayton, nous

21 avons une position très simple.

22 L'article 9 de l'accord de Dayton n'augmente pas, ne nuance pas,

23 ne modifie pas le devoir de coopération imposé aux états au titre du

24 chapitre 7.

25 Il est très courant de répéter à plusieurs reprises les

Page 172

1 obligations qui incombent aux états. Le Conseil de sécurité le fait

2 régulièrement et nous pensons que dire le contraire reviendrait à dire que

3 la Croatie et les autres signataires de l'accord de Dayton auraient

4 abandonné une partie de leur souveraineté.

5 Un amicus curiae a également dit que puisque l'ancienne Bosnie

6 n'était pas un état, comment un état peut-il prétendre qu'un document issu

7 de cette région est un document lui appartenant.

8 Je crois, Madame le Président, que vous avez déjà eu des

9 expériences de ce genre et vous savez bien qu'un organe peut être

10 dépositaire de documents provenant d'une autre source. S'agissant des

11 armes atomiques, des informations considérées comme secrètes ont donné

12 lieu à ce genre de discussion.

13 Je ne considère donc pas que le statut de l'Erceg-Bosna ou tout

14 argument lié à ce statut ait la moindre pertinence dans notre discussion

15 aujourd'hui. Ce sera tout pour notre position.

16 Mme le Président (interprétation). - Monsieur l'ambassadeur

17 Simonovic.

18 Dr Simonovic (interprétation). - Merci beaucoup. Je commencerai

19 par une référence à l'accord de Dayton. J'ai un lien particulier avec cet

20 accord car j'ai aidé à sa rédaction.

21 Mais quelque chose me préoccupe dans ce qui a été dit au sujet

22 de l'accord de Dayton. Il me semble que les propos ont été contraires à

23 l'esprit de la lettre et de l'accord.

24 Si vous me le permettez, je parlerai d'abord de la lettre de

25 l'accord de Dayton et je vais donner lecture, littéralement, de tous les

Page 173

1 éléments qui sont dans le texte de l'accord de Dayton en rapport avec le

2 tribunal pénal international. Je cite : "Les parties coopèrent pleinement

3 avec les entités impliquées dans la mise en oeuvre de ce présent accord de

4 paix comme cela est décrit dans les annexes jointes au présent accord ou

5 autrement autorisé par le Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu

6 de l'obligation qui incombe à toutes les parties de coopérer aux enquêtes

7 et au jugement des crimes de guerre et autres violations du droit

8 humanitaire international". Fin de citation.

9 C'est tout. Il n'y a pas une seule lettre dans l'accord cadre ni

10 dans les annexes au sujet du tribunal pénal international. C'est tout.

11 Il n'y a pas de terme comme obligation particulière des parties,

12 ou coopération inconditionnelle. Rien de tout cela.

13 L'accord dit simplement, "En vertu de l'obligation qui incombe à

14 toutes les parties".

15 Il n'est fait référence qu'aux obligations déjà existante pour

16 les parties sans qu'il y ait création de quelque nouvelle obligation que

17 ce soit.

18 Cela ne me préoccupe même pas autant que l'idée que le qu'il

19 serait possible de limiter la souveraineté. Cette idée selon laquelle la

20 souveraineté pourrait être limitée est totalement contraire à la totalité

21 de l'accord de Dayton. On peut critiquer l'accord de Dayton pour pas mal

22 de choses, mais pas pour cela.

23 L'idée fondamentale de l'accord de Dayton consistait à redonner

24 naissance à un état et à aider la Bosnie avec l'intervention de la

25 communauté internationale à recréer la Bosnie, mais sûrement pas à limiter

Page 174

1 la souveraineté des différents états qui sont issus de l'accord de Dayton.

2 En fait, la notion selon laquelle des dispositifs militaires

3 pouvaient être mis en oeuvre dans le cadre de l'accord de Dayton a été

4 examiné et, aux discussions, j'étais le chef de la délégation croate et

5 des négociations portant sur cette annexe particulière, donc, je la

6 connais bien.

7 Le contenu de l'annexe 1B n'a pour seul but que de créer un

8 équilibre entre les forces et les territoires des états qui sont partie

9 prenante à l'accord de Dayton, mais il n'est pas question de limiter le

10 droit souverain. Cela a été fait parce que cela a été fait dans l'ensemble

11 de l'Europe à la fin de la guerre froide, mais pas en Yougoslavie, parce

12 que la Yougoslavie n'appartenait ni à l'ouest, ni à l'est.

13 Il s'agit simplement de participer à quelque chose qui était

14 déjà fait en Europe. Soit nous parlons de la limitation de l'ensemble des

15 états européens, soit nous disons qu'il ne peut pas y avoir de limitation

16 de la souveraineté de l'état croate.

17 Madame le Président, en conclusion, je voudrais redire combien

18 le gouvernement de la Croatie apprécie votre décision d'organiser la

19 présente audience et d'inviter tous les amici curiae les plus éminents à y

20 participer.

21 Ceci est la preuve manifeste que le tribunal est ouvert, y

22 compris à la possibilité de revoir ses propres décisions. La présente

23 audience a apporté la preuve non seulement du fait que ce tribunal avait

24 de nombreux amis en la personne de nombreux éminents amici curiae, mais

25 également a montré le fait que ces amis, en tout cas la majeure partie

Page 175

1 d'entre eux, sont de véritables amis du tribunal, des amis qui sont

2 également capables, de temps à autre, de formuler quelques remarques qui

3 peuvent être déplaisantes et notamment sous la forme d'un avertissement

4 donné au tribunal quant aux limites dans lesquelles se situent ses

5 pouvoirs.

6 Le devoir de la Croatie de coopération et d'exécution des ordres

7 du tribunal a fait l'objet d'un débat. Il n'y a pas de question à ce

8 sujet. La Croatie accepte son devoir de coopération et d'exécution même

9 s'il est beaucoup plus agréable de parler de coopération que de nécessité

10 d'exécution.

11 Je voudrais insister sur le fait que le travail du tribunal est

12 lié au succès, à la bonne exécution de ce devoir de coopération qui, je

13 l'espère va s'améliorer.

14 Encore une précision. Après que cette subpoena adressée au

15 gouvernement croate a été transformée en ordonnance ou en un document

16 d'une autre nature, la Croatie a commencé à exécuter ce qui lui était

17 demandé, à livrer les documents requis d'elle et elle continuera à agir de

18 la sorte.

19 Des questions on également été posées quant aux pouvoirs dont le

20 tribunal a besoin pour être efficace. Un grand nombre de choses ont été

21 dites. Pour ce qui me concerne, je m'en tiendrai aux principes de l'état

22 de droit. Cela signifie précisément l'existence d'un certain nombre de

23 pouvoirs mais le maintien de ces pouvoirs dans la limite du droit et, en

24 conclusion, je voudrais dire quelques mots de la position adoptée par la

25 Croatie au regard de ce qu'est une subpoena . Notre position est que ce

Page 176

1 tribunal devrait ne plus utiliser des subpoena qui ne sont pas fondées

2 légalement. Elle ne sont pas fondées légalement, elles ne sont pas fondées

3 en vertu du statut ni du droit international.

4 Notre deuxième remarque est que si le tribunal estime ne pas

5 pouvoir être efficace en l'absence de subpoena, il devrait s'adresser au

6 Conseil de sécurité . Peut-être pas, comme nous l'avons déjà dit, chaque

7 fois qu'un problème se pose, mais ceci est prévu dans le statut.

8 Mme le Président (interprétation). - Le statut a été amendé. Si

9 le terme subpoena était introduit dans le statut avec l'accord de

10 l'assemblée générale et du Secrétaire général, feriez vous objection ?

11 Dr Simonovic (interprétation). - Je n'ai pas autorité pour le

12 dire aujourd'hui, mais je ne pense pas que le Secrétaire général prendra

13 cette position. Sur le plan académique, il est possible d'en discuter.

14 Mme le Président (interprétation). - Qu'en pensez-vous, Monsieur

15 Rivkin ? Je n'aime pas beaucoup les conjectures.

16 Mon avis personnel est qu'il ne s'agirait pas d'une violation du

17 droit international.

18 M. Rivkin (interprétation). - Par définition, les pouvoirs du

19 Conseil de sécurité tel que constitué sont pratiquement illimités, mais ce

20 ne serait pas nécessairement quelque chose qui modifierait le droit

21 international car, par nature, c'est quelque chose de presque extra-

22 juridique.

23 Cela ne provoquerait pas un saut brutal du corpus du droit

24 international.

25 Mme le Président (interprétation). - Je vous posais cette

Page 177

1 question car je souhaitais déterminer la source réelle de votre objection.

2 La source réelle de votre objection est que cette mesure n'est

3 pas prévue dans le statut.

4 Me Rivkin (interprétation). - Effectivement et un certain nombre

5 des personnes ont souligné qu'en vertu de la Charte, le Conseil de

6 sécurité est investi de ce pouvoir énorme de faire pratiquement tout ce

7 qu'il veut.

8 Mme le Président (interprétation). - Très bien.

9 Mme Arbour (interprétation). - Hors micro.

10 Mme le Président (interprétation). - M. Crawford, vous n'avez

11 rien à ajouter ? Personne n'avait rien à ajouter.

12 Monsieur Hayman, je ne sais pas exactement où est votre place

13 ici.

14 Monsieur Nobilo, vous êtes assis à côté de M. Hayman, avez-vous

15 quelque chose à ajouter ?.

16 M. Hayman (interprétation). - Non.

17 Mme Vidovic (interprétation). - Non, Madame le Président.

18 Mme Glumac (interprétation). - Non, Madame le Président.

19 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Rivkin, après

20 avoir entendu les exposés et les auteurs de mémoire, il me semble que -je

21 ne sais plus qui a écrit ces mémoires- après avoir entendu, notamment, M.

22 Josipovic, dans la lettre et écrite par M. Jelenic, que je n'ai jamais

23 rencontré, il semble que ce soit lui qui ait la responsabilité de la

24 coopération avec le tribunal.

25 Je ne l'ai jamais rencontré mais, quoi qu'il en soit, il m'a

Page 178

1 adressé plusieurs lettres et, dans la lettre qu'il m'a envoyée, il se

2 réserve le droit de présenter d'autres conclusions par écrit.

3 Souhaitez-vous présenter d'autres conclusions par écrit.

4 Me Rivkin (interprétation). - Oui, Madame le Président, pour

5 autant que...

6 Mme le Président (interprétation). - ..Pour autant que quoi ?

7 Me Rivkin (interprétation). - J'allais dire pour autant que l'on

8 ne nous donne pas un délai trop court.

9 Mme le Président (interprétation). - Combien de temps avez-vous

10 besoin ? Dix jours, quinze jours ? D'où venez-vous ?

11 Me Rivkin (interprétation). - Je viens de Washington.

12 Mme le Président (interprétation). - De combien de temps avez-

13 vous besoin ?

14 Me Rivkin (interprétation). - Deux semaines à un mois.

15 Mme le Président (interprétation). - Si je vous donne cette

16 possibilité, j'imagine que je dois donner la possibilité à l'accusation de

17 répliquer. Je ne sais pas combien le temps le procureur aura besoin après

18 avoir reçu votre nouveau mémoire. Je voudrais, Monsieur Hayman, que vous

19 nous disiez ce que vous en pensez. Qand j'ai rendu mon ordonnance, la

20 première fois, j'ai donné comme délai le 1er avril et le 11 avril pour les

21 réponses.

22 Le procureur m'a rappelé que la Croatie avait pris l'initiative

23 de la démarche. J'aurais donc dû commencer par la Croatie.

24 Me Rivkin (interprétation). - Je crois que trois semaines

25 conviendraient avec une limite de 100 pages.

Page 179

1 Et puisque vous faites montre de souplesse, je pourrais

2 communiquer un premier projet de texte au procureur avant la date limite

3 pour que le bureau du procureur puisse préparer une réponse.

4 Il faudra vérifier des citations pour la version définitive du

5 texte, une procédure inhabituelle, mais je pense que nous pourrons donner

6 un premier texte au procureur d'ici deux semaines.

7 Mme le Président (interprétation). - Excusez-moi, je ne vous ai

8 pas entendu.

9 Me Rivkin (interprétation). - La procédure est un peu

10 inhabituelle, mais je pense que nous pourrons produire un premier texte et

11 le communiquer d'ici deux semaines, étant entendu que nous produirons la

12 version définitive d'ici trois semaines.

13 Mme le Président (interprétation). - De combien de temps avez-

14 vous besoin pour répondre ?

15 Mme Arbour (interprétation). - Il y aura une conférence de mise

16 en état demain et je pense qu'après deux jours de travaux, de

17 délibérations et après tous les mémoires présentés par les amici curiae,

18 le délai demandé par la Croatie est irraisonnable.

19 Je n'ai pas de d'objection à quelque présentation que ce soit,

20 mais j'objecte au délai demandé.

21 Certes, il nous est impossible de savoir à quoi nous attendre

22 exactement, mais je pense que nous aurons besoin d'une semaine pour

23 répondre et je proposerai un délai de dix jours pour le mémoire de la

24 Croatie.

25 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Hayman, vous avez

Page 180

1 demandé une assignation subpoena.

2 Après ces deux jours de travaux, comme je vous l'ai dit, votre

3 demande sera examinée par la chambre présidée par le juge Jorda.

4 Il y a certaines différences entre l'assignation que vous

5 demandez et celle qui est rendue. Nous n'en avons pas discuté avec vous ;

6 cela étant, quand j'ai suspendu l'assignation adressée à la Croatie,

7 l'accusation a demandé qu'elle soit réaffirmée. Je n'ai pas encore pris de

8 décision sur cette question dans l'attente des débats d'aujourd'hui.

9 Je me demande si nous ne pourrions pas aller de l'avant avec la

10 subpoena que vous avez demandée. Ne pourrions-nous pas engager les

11 travaux ?

12 M. Hayman (interprétation). - J'ai deux préoccupations : ma

13 demande ne sera pas, je l'espère, prise en otage par celle de M. Rivkin ou

14 par tout autre mémoire qui serait attendu des parties. Sur ce plan, je

15 suis d'accord avec ce que vient de dire le procureur : après deux jours de

16 délibérations, le général Blaskic s'est montré très patient, sa défense

17 également, une demande de subpoena a été déposée en février.

18 Mme le Président (interprétation). - Non, pas du tout, cette

19 demande a été déposée, il y a eu une conférence de mise en état après que

20 la subpoena ait été soumise au juge Jorda. L'assignation dont nous parlons

21 maintenant est différente.

22 M. Hayman (interprétation). - Elle est supplémentaire mais ce

23 n'est pas une nouvelle subpoena.

24 Mme le Président (interprétation). - N'employons pas de termes

25 qui prêtent à controverse. Je réfléchis à voix haute. Si vous pouvez

Page 181

1 rencontrer le juge Jorda, il peut peut-être signer la subpoena, mais il

2 faut encore régler les questions que j'ai évoquées précédemment.

3 Il faudra engager la procédure sur cette subpoena, voilà ce qui

4 est important pour vous ; or il est prêt à vous rencontrer demain.

5 M. Hayman (interprétation). - La première préoccupation est que

6 notre demande ne soit pas prise en otage, retardée par d'autres mémoires,

7 d'autant plus que nous connaissons la position de la Bosnie-Herzégovine.

8 Juge Jan (interprétation). - On va peut-être prendre une

9 décision sur l'utilisation du terme subpoena.

10 Mme le Président (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine n'a

11 pas d'objection au terme subpoena et je ne vois pas pourquoi on ne

12 pourrait pas engager la procédure.

13 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas de préférence pour un

14 terme ou l'autre.

15 Mme le Président (interprétation). - Y a-t-il une objection

16 ?.N'oubliez pas que l'accusation a demandé que l'on réaffirme la subpoena

17 adressée à la Croatie.

18 Vous dites que vous avez besoin que cette subpoena soit exécutée

19 pour que les pièces demandées soient produites.

20 Mme Arbour (interprétation). - Effectivement.

21 Mme le Président (interprétation). - Appelons la tâche qui m'est

22 maintenant confiée : divulgation de pièces. Je sais que vous ne l'appelez

23 pas ainsi, mais je crois que, sur le fond, divulgation, une divulgation

24 est demandée. Je pourrais peut-être rencontrer l'accusation et la Croatie,

25 quel que soit le représentant de la Croatie pour voir où vous en êtes, car

Page 182

1 je dois dire que c'est la tâche la plus difficile qui m'ait été confiée

2 jusqu'ici.

3 Maître Hayman, vous pouvez vous asseoir, je pense, car nous

4 avons une question à régler.

5 M. Hayman (interprétation). - J'ai deux questions.

6 Mme le Président (interprétation). - Je vous en prie.

7 M. Hayman (interprétation). - Demain, une conférence de mise en

8 état va avoir lieu. Je ne pense pas qu'il soit approprié que l'accusation

9 demande à repousser la date du procès du général Blaskic du fait des

10 délibérations d'hier et d'aujourd'hui.

11 Je ne pense pas que cela doive avoir une incidence sur

12 l'ouverture du procès, mais il est très important pour la chambre de

13 première instance de garder cette possibilité présente à l'esprit ou

14 d'attendre l'audience de demain pour pour fixer le délai ou le calendrier

15 d'examen de la question qui nous occupe aujourd'hui, car je ne voudrais

16 pas voir le procès du général Blaskic retardé du fait d'un délai décidé

17 aujourd'hui pour les mémoires supplémentaires.

18 Mme le Président (interprétation). - Vous avez exposé, ce matin,

19 la raison de votre subpoena disant que votre client avait été lésé par ce

20 retard.

21 Etes-vous prêt à aller de l'avant sans les documents que vous

22 avez demandés ?

23 M. Hayman (interprétation). - Oui, nous sommes prêts à commencer

24 le procès lundi si la chambre de première instance prend cette décision

25 maintenant. Lundi, dix jours, deux semaines, nous avons demandé, depuis

Page 183

1 l'automne dernier, nous demandons l'ouverture de ce procès.

2 Mme le Président (interprétation). - Pour ce qui concerne votre

3 subpoena, cela n'aura pas d'incidence sur votre volonté d'ouvrir le

4 procès.

5 Me Hayman (interprétation del'anglais). - Effectivement

6 Mme le Président (interprétation). - Nous verrons comment nous

7 pouvons régler cette question.

8 M. Rivkin a cependant remarqué que la question primordiale qui

9 se pose est celle du Général Blaskic. C'est lui qui est en détention

10 depuis déjà 12 mois.

11 Il semble qu'il faudrait approcher la question de façon très

12 prudente. Je me demande si des mesures que nous prendrions pour ce qui est

13 de mémoires supplémentaires ne risqueraient pas... Pour que la Croatie et

14 l'accusation puissent présenter leurs mémoires, comment cela affecte la

15 marche des événements.

16 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - C'est précisément

17 pour cette raison que nous disons que les délais qui seront décidés

18 éventuellement maintenant ne doivent pas être invoqués demain pour un

19 éventuel report du procès du Général Blaskic, quel que soit le calendrier

20 décidé pour la présentation de nouveaux mémoires sur la question plus

21 large des subpoena.

22 Mme le Président (interprétation). - Nous devons prendre une

23 décision et je peux vous dire que j'ai déjà lu beaucoup de documents sur

24 la question.

25 Je crois que tous les juges tireront un grand parti de ces

Page 184

1 mémoires. Effectivement, nous avons reçu une grande assistance et je pense

2 avoir tout lu ; et cette assistance que nous recevons peut réduire le

3 temps nécessaire pour prendre une décision. Vous devez toujours attendre

4 notre décision.

5 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - J'espère que non. Je

6 ne pense pas devoir attendre votre décision.. L'accusation a demandé une

7 subpoena plus d'un an après l'acte d'accusation et si l'accusation ne peut

8 ouvrir le procès un an après l'acte d'accusation du fait d'une subpoena

9 qui vient d'être lancée, ce serait très étrange.

10 Je voudrais m'assurer que l'accusation ne demandera pas de

11 nouveaux reports demain en arguant des travaux d'aujourd'hui.

12 Mme le Président (interprétation). - C'est exactement pour cela

13 que je ne voulais pas traiter la question. C'est toujours moi qui tire les

14 marrons du feu dans cette histoire. Je ne sais pas quoi faire.

15 Mme Arbour (interprétation). - Je peux pas vous dire exactement

16 ce que nous allons faire ; c'est nous qui avons la charge de la preuve au-

17 delà de tout doute raisonnable, c'est clair.

18 Par ailleurs, je serais tout à fait disposée à poursuivre ces

19 travaux dans l'attente des mémoires, de concert avec la République de

20 Croatie, et ce dans le cadre des arrangements déjà pris pour voir si les

21 ordonnances rendues peuvent être exécutées.

22 M. Rivkin (interprétation). - Madame le Président, il y aura des

23 mémoires supplémentaires présentés.

24 Mme le Président (interprétation). - Il faut garder présent à

25 l'esprit le fait que nous sommes intéressés surtout par le fond.plutôt que

Page 185

1 par la forme. Il n'est pas besoin de faire de belles phrases ou de relire

2 cent fois pour corriger les fautes d'orthographe. Si vous avez des

3 citations, joignez-les en annexe car nous avons .peu d'accès aux

4 références, par ailleurs.

5 M. Rivkin (interprétation). - Oui, bien sûr.

6 Mme le Président (interprétation). - Deux semaines, donc pour

7 présenter votre mémoire. Si vous pouvez le communiquer d'ici dix jours au

8 procureur, nous vous en serons très reconnaissants.

9 M. Rivkin (interprétation). - Nous nous efforcerons.

10 Mme le Président (interprétation). - L'accusation aura alors

11 dix jours après la réception du premier projet de texte pour présenter sa

12 réponse.

13 Pour ce qui est de la date du procès, je ne suis pas impliquée

14 dans cette affaire, mais je suis toute prête à rencontrer les avocats

15 représentant la Croatie et l'accusation pour voir si nous pouvons résoudre

16 le problème, si vous le souhaitez, si vous souhaitez que je le fasse. Je

17 vous assure que je ne tiens pas à le faire, mais si vous souhaitez que je

18 résolve le problème de votre demande, étant donné que j'ai suspendu la

19 subpoena adressée à la Croatie, et puisque vous essayez de travailler

20 ensemble, si vous voulez que je participe, que je sois présente, je serai

21 présente. Sinon très bien.

22 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Je crois que vous

23 allez objecter au délai mais je vous dis encore une fois qu'en donnant

24 deux semaines et dix jours,cela fait en gros un mois. Cela signifie-t-il

25 que notre décision sera rendue un mois plus tôt que si nous devions

Page 186

1 attendre les mémoires. J'espère que sur la base de ces mémoires que nous

2 attendons encore, nous pourrons prendre une décision sage.

3 Cela aura-t-il une incidence sur la date du procès ? Je n'en

4 sais rien.

5 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - J'ai une autre

6 observation à faire. Je ne voulais pas parler du calendrier.

7 Cette observation porte sur le fait qu'étant donné la volonté de

8 la Bosnie-Herzégovine d'accepter les subpoena, ce même processus ou un

9 processus parallèle doit être lancé pour les requêtes demandées, adressées

10 par la défense.

11 Mme le Président (interprétation). - Si vous avez un problème à

12 obtenir des documents de la Bosnie-Herzégovine,je serais tout à fait

13 disposée à m'asseoir avec vous à une table pour voir comment je peux vous

14 aider.

15 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Nous n'obtenons

16 aucun document de la Bosnie-Herzégovine..

17 Mme le Président (interprétation). - Quand vous déposerez votre

18 subpoena, je ne vous suis pas parce que je ne tiens pas à participer à

19 cette affaire, mais la subpoena a été suspendue pour la Croatie. On essaie

20 maintenant de procéder à la production de pièces, de façon volontaire,

21 spontanée. Si je peux aider, je le ferai volontiers mais je ne suis pas

22 partie prenante à votre cas d'espèce

23 Me Hayman (interprétation de l'anglais). - Dois-je en conclure

24 que notre subpoena va être délivrée avant la décision de la présente

25 chambre de première instance ?

Page 187

1 Mme le Président (interprétation). - Le point de droit en

2 suspens n'aura pas d'incidence mais le Juge Jan va devoir déterminer,

3 après vous avoir rencontré de façon ex partae, le sort à réserver à cette

4 subpoena. Mais la décision de la présente chambre d'instance sur la

5 question sur la question de la subpoena n'aura pas d'incidence sur votre

6 requête puisque la Bosnie-Herzégovine n'objecte pas à recevoir ce genre de

7 subpoena.

8 M. Jan (interprétation). - Hors micro.

9 M. Jan (interprétation) - Hors micro.

10 Examinez la question et nous nous rencontrerons demain.

11 M. Rivkin (interprétation). - Une précision Madame le Président,

12 si vous le voulez bien.

13 S'agit'il de 14 jours ouvrables ou au total ?.

14 Mme le Président (interprétation) - Ouvrables à partir

15 d'aujourd'hui.

16 M. Rivkin (interprétation). - Merci.

17 Mme le Président (interprétation) - Et pour l'accusation, 10

18 jours ouvrables, après réception du projet de de texte, si c'est un texte

19 qui a une certaine teneur. Y-a t'il autre chose ?

20 Mme Arbour (interprétation ) - Hors micro.

21 Mme le Président (interprétation) - Se vous recevez le texte et

22 que vous jugez qu'il n'y a pas matière à réponse, contactez-moi et nous

23 verrons de quoi il retourne.

24 Y a-t-il d'autres questions de la part de l'accusation ?

25 Mme Vidovic (interprétation ) - Madame le Président, je serais

Page 188

1 très brève.

2 Jusqu'ici la défense du Général Blaskic.est la Bosnie-

3 Herzégovine. Celle-ci ne s'est toujours pas adressée à nous pour la

4 production de quelque document que ce soit.

5 Si cette demande nous avait été adressée, nous aurions fourni

6 les moyens de preuves demandées.

7 Nous nous sommes montrés coopérant pour ce qui concerne la

8 fourniture de moyens de preuve dans toutes les affaires jusqu'ici, même

9 lorsqu'il s'agissait de moyens de preuve qui pouvaient être perçu comme

10 exonératoires pour le Général Blaskic.

11 On ne nous a rien demandé qu'ici, en l'espèce. Et je crois

12 comprendre qu'une ordonnance nous soit communiquée, n'est délivrée que

13 quand un état ne se montre pas disposé à fournir les pièces demandées.

14 Je voudrais donc savoir quelles sont les pièces que le conseil

15 de la défense a à l'esprit. Nous ne nous y opposerons pas. Ce que je veux

16 dire maintenant, dans ce cas comme dans d'autres cas, il est possible de

17 régler la question à l'amiable.

18 Mme le Président (interprétation) - Vous pourriez peut-être vous

19 mettre à la disposition du Juge Jan et de Monsieur Hayman, demain, pour

20 voir ce qui peut se faire.

21 Nous essayons de ne pas délivrer de subponea si c'est possible.

22 Pour ce qui est de vos contacts avec le Tribunal, je vous ai vu,

23 sans doute, une dizaine de fois ici lors de procédures et dans des

24 échanges que nous avons eu au Tribunal.

25 Peut-être existe t'il un moyen, si vous rencontrez Monsieur

Page 189

1 Hayman de diligenter la fourniture des pièces demandées. Excusez-moi un

2 instant.

3 M. Jan (interprétation) - Vous n'avez pas besoin de subponea si

4 les documents vous sont fournis.

5 M. Hayman (interprétation) - Je crois que la demande de

6 documents a été signifiée à la Bosnie-Herzégovine.

7 M. Jan (interprétation) - Cela ne semble pas être le cas. Avez-

8 vous rencontré les autorités de la Bosnie-Herzégovine ?

9 M. Hayman (interprétation) - Je ne pense pas. Nous sommes à la

10 veille du procès, nous pouvons obtenir ce document nous serions heureux de

11 les obtenir par voie de coopération. Mais pour protéger les intérêts de

12 notre client, nous demanderons s'il le faut la production forcée de

13 documents quelque soit le moyen disponible pour se faire.

14 Il faut que cette procédure soit engagée et ce dans l'intérêt de

15 notre client à la veille du procès.

16 S'il s'avère que c'est inutile, dans la mesure où il ne faut pas

17 recourir à ce genre de moyen, très bien nous en serions enchantés. Mais je

18 dois défendre les intérêts de mon client.

19 M. Jan (interprétation) - Vous pouvez communiquer cette liste,

20 Maître Hayman ?.

21 M. Hayman (interprétation) - Oui, ce soir même.

22 M. Jan (interprétation) - Et auquel cas, pourquoi une subponea ?

23 M. Hayman (interprétation) - Mon devoir.

24 M. Jan (interprétation) - Pourquoi passer par cette procédure

25 devant le Tribunal ?

Page 190

1 Mme le Président (interprétation) - Puis-je vous interrompre un

2 instant ? Madame Vidovic avez-vous vu la subponea que M Hayman souhaite

3 voir délivrer ?

4 Mme Vidovic (interprétation ) - Je l'ai vue très rapidement en

5 effet. De fait, le Bureau du Procureur m'a fait savoir que le texte avait

6 été signifié à la Bosnie-Herzégovine mais je n'en connais pas la teneur

7 précise.

8 Je crois que la Bosnie-Herzégovine produira tous les moyens de

9 preuve en sa possession.

10 Car jusqu'ici nous les avons toujours communiqués, qu'ils soient

11 exonératoires ou à charge.

12 Mme le Président (interprétation) - Je crois comprendre la

13 position de Maître Hayman. A savoir qu'il a besoin d'un document pour être

14 sûr de servir au mieux.les intérêts de son client.Pourriez-vous donner une

15 liste de ces documents à Madame Vidovic ? Que Madame Vidovic y jette un

16 coup d'oeil et quand vous rencontrerez le juge Jan demain... Mme Vidovic

17 pourriez-vous demain participer à cette réunion ?

18 Etes-vous disponible demain,.Madame Vidovic ?

19 Mme Vidovic (interprétation ) - Oui, je peux venir mais il

20 s'agit d'une autre question.

21 Il faut que je consulte mes autorités, de sorte que nous

22 puissions déterminer quels sont les documents qui se trouve en notre

23 possession et ceux qui ne le sont pas.

24 Il faut que je consulte mes autorités pour voir où se trouvent

25 les documents demandés.Mais je pense que ce sera une façon d'accélérer le

Page 191

1 processus.

2 Cela prendra moins de temps, je pense, que si une subponea était

3 rendue.

4 Je comprends la position de l'accusé et de son conseil mais

5 j'aimerais que l'on traite l'affaire de façon équilibrée.

6 Et que les intérêts des victimes soient autant protégés que ceux

7 de l'accusé.

8 Voilà pourquoi je fais cette observation. Quoiqu'il en soit,

9 nous sommes très certainement disposés à remettre tous les documents

10 demandés quelque soit la décision de la présente Chambre de Première

11 Instance.

12 Mme le Président (interprétation) - Je crois que vous devrez

13 vous rencontrer à la fin de la procédure pour voir ce que vous pouvez

14 faire. Bien entendu, Maître Hayman, je comprends votre position. Vous

15 souhaitez un acte officiel de la part du Tribunal qui enclenche le compte

16 à rebours en quelque sorte. Vous souhaitez un document qui soit signé par

17 un Juge indiquant ce qui doit être fait.

18 M. Salaj (interprétation) - Madame le Président,.pour que tout

19 soit clair, je crois que lorsque nous avons eu notre dernière audience sur

20 les subponea, j'ai indiqué qu'il n'y avait pas eu de communication

21 préalable au Gouvernement de Croatie, avant que nous n'ayons été signifier

22 cette assignation. Ceci simplement pour rappelle.

23 Mme le Président (interprétation) - Je m'en souviens, mais

24 puisque ces 3 juges maintenant sont dans cette galère, nous pouvons peut-

25 être avoir une démarche quelque peu différente. Non, que nous disions que

Page 192

1 cette procédure ou cette étape soit nécessaire, mais nous essayons de

2 régler la chose au mieux. Je crois avoir bien compris votre position,

3 Maître Heyman, mais il serait peut-être utile de vous entretenir avec

4 Madame Vidovic, pour avoir une idée de l'état dans lequel se trouvent les

5 documents, où ils se trouvent.

6 Je crois que c'est la meilleure modalité de demande de ces

7 documents plutôt que toutes ces choses terribles, dont nous sommes en

8 train de traiter.

9 M. Hayman (interprétation) - Tout à fait d'accord.

10 Mme le Président (interprétation) - Pas d'autres demandes ? Fort

11 bien. Merci beaucoup.

12 Nous tenons à remercier, du fond du coeur, tous les

13 participants, toutes les parties prenantes. Vous avez fait un excellent

14 travail, alors que le sujet était particulièrement complexe.

15

16 La séance est levée à 18 heures 10.

17

18

19

20

21

22

23

24

25