Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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5 Lundi 30 juin 1997

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9 L'audience est ouverte à 10 heures 35 sous la présidence de M. Jorda.

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13 M. le Président - Monsieur le Greffier, faites entrer l'accusé.

14 Je salue tout le monde au nom de mes collègues et je voudrais

15 savoir si tout le monde m'entend bien. Comme les installations ont été

16 essayées il y a quelques instants, il ne doit pas y avoir de problème.

17 Est-ce-que mes collègues m'entendent ? Le bureau du procureur ? Le bureau

18 de la défense ?

19 Monsieur Blaskic, m'entendez-vous dans votre langue?

20 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour monsieur le Président,.

21 Oui, je vous entends bien.

22 M. le Président - Alors, nous allons reprendre nos travaux au

23 moment où nous les avions laissés la semaine dernière.

24 Monsieur le procureur, vous avez la parole.

25 M. Harmon. (interprétation) - Bonjour monsieur le Président,

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1 bonjour messieurs les juges.

2 Monsieur Cailey va interroger le témoin suivant.

3 M. Cailey (interprétation) - Bonjour monsieur le Président,

4 bonjour messieurs les juges, bonjour Maître.

5 Le témoin suivant que l'accusation va citer avec votre

6 autorisation est le Docteur Zoran Pajic, si la défense n'a pas

7 d'objection.

8 M. le Président - Il n'y a pas d'objection de la défense, pas

9 d'objection de la part des juges.

10 (L'huissier introduit le témoin dans la salle.)

11 M. le Président - Bonjour monsieur. M'entendez-vous ?

12 M. Pajic (interprétation) - Oui, monsieur.

13 M. le Président - Je crois qu'il faut que vous prononciez la

14 déclaration solennelle qui vous a été donnée, je l'espère, par l'huissier.

15 Allez-y.

16 M. Pajic (interprétation) - Je déclare solennellement que je

17 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 M. le Président - Merci. Vous pouvez vous asseoir. Vous êtes un

19 témoin de l'accusation. C'est monsieur le procureur qui va vous

20 interroger.

21 M. Cailey (interprétation) - Merci, monsieur le Président.

22 Pouvez vous dire votre nom complet ?

23 M. Pajic (interprétation) - Je m'appelle Zoran Pajic.

24 M. Cailey (interprétation) - Docteur Pajic, je vous prierai

25 d'abord de citer vos qualifications universitaires pour le Tribunal.

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1 M. Pajic (interprétation) - J'ai terminé la faculté de droit,

2 après quoi j'ai fait une maîtrise en Sciences juridiques, et un doctorat

3 en Sciences juridiques. Ensuite j'ai présenté une maîtrise de pédagogie et

4 de psychologie.

5 M. Cailey (interprétation) - Merci. Pourriez-vous nous donner

6 quelques détails au sujet de votre expérience professionnelle, de votre

7 passé professionnel, de l'enseignement que vous avez prodigué à

8 l'université, de vos fonctions publiques ?

9 M. Pajic (interprétation) - J'ai commencé ma carrière

10 universitaire en 1972, date à laquelle je suis devenu assistant à

11 l'université de Sarajevo, à la faculté de Droit, et comme c'était

12 l'habitude dans la carrière universitaire, j'ai ensuite acquis le titre de

13 professeur à la faculté de Droit de Sarajevo.

14 Outre les cours et la pratique que j'avais pendant toutes ces

15 années d'enseignement à l'université de Sarajevo, j'ai également préparé

16 des thèses post-doctorales, et j'ai été tuteur pour un certain nombre

17 d'étudiants. Je me suis également spécialisé dans d'autres matières comme

18 les relations internationales, et plus tard, je me suis spécialisé en

19 droit européen et en droit constitutionnel comparatif.

20 Ma carrière s'est donc concentrée sur l'université de Sarajevo,

21 dirai-je, mais en raison de mes intérêts personnels, j'ai eu des contacts

22 beaucoup plus larges dans l'ensemble de la Yougoslavie avec de très

23 nombreuses personnes, ainsi que dans différents pays européens et aux

24 Etats-Unis.

25 Outre mon travail d'enseignant à l'université, je me suis

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1 beaucoup concentré dès le départ ,dirai-je, sur des travaux publics qui

2 portaient sur le droit international de façon générale. Très tôt, j'ai agi

3 en tant que consultant dans le domaine des sciences juridiques et je

4 dirai, sans m'appesantir de façon exagérée, que mon premier contact avec

5 les aspects du droit constitutionnel liés à l'Etat s’est passé au moment

6 où j'ai été nommé expert des Nations Unies pour l’Afrique du Sud.

7 J'ai été membre d'un groupe d'experts des Nations Unies qui a

8 travaillé sur l’Afrique du Sud de 1990 à 1995. Il n'y avait que six

9 experts qui étaient nommés individuellement et nous avons mené à bien des

10 missions relatives à l’Afrique du sud. Nous nous sommes particulièrement

11 préoccupés et intéressés aux violations des droits de l'Homme liées à

12 l’appartheid. Nous avons donc travaillé aussi en contact avec la

13 commission des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, et ce de façon

14 régulière.

15 A cette occasion, j'ai réalisé un certain nombre d'analyses,

16 liées à l'amendement de la Constitution en Afrique du sud, à

17 l’introduction de nouvelles dispositions législatives, à l'introduction de

18 nouveaux éléments dans la constitution de l’Afrique du Sud vers la fin du

19 régime de l’appartheid, et cela a un rapport avec ce dont nous parlons

20 ici.

21 Au moment de la guerre dans mon pays, j'ai quitté Sarajevo à la

22 fin de juillet 1992, mais jusqu'à cette date, pratiquement jusqu'à mon

23 départ de Bosnie-Herzégovine, j'ai bien sûr conservé ma chaire à la

24 faculté de Droit. J'ai assisté aux événements houleux qui ont eu lieu en

25 Bosnie-Herzégovine, et ce de très près puisqu'à la fin de l'année 1990, si

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1 je ne m'abuse, à moins que cela ne se soit situé au début de l'année 1991,

2 j'ai été nommé membre de la Commission Constitutionnelle auprès du

3 Parlement de la Bosnie-Herzégovine. Cette commission était chargée

4 d'examiner toutes les questions liées à la Constitution et se composait de

5 représentants des partis politiques représentés au Parlement.

6 Mais dans cette commission, un certain nombre de sièges étaient

7 réservés à des experts indépendants, de sorte que quatre ou cinq d'entre

8 nous ont été nommés à cette commission chargée des questions

9 constitutionnelles. J'y ai travaillé plus d'un an, c'est-à-dire depuis la

10 fin 1990 début 1991, jusqu'au début de la guerre en fait, puisque

11 lorsqu’elle à commencé, les conditions étaient telles à Sarajevo que cette

12 commission a cessé de se réunir.

13 C'est là que j'ai acquis une expérience tout à fait directe des

14 événements très spectaculaires et très dramatiques qui ont conduit à des

15 amendements de la Constitution en Bosnie-Herzégovine.

16 J'ai dit que j'avais quitté mon pays à la fin de juillet 1992. A

17 ce moment-là, je suis allé en Grande-Bretagne car il m'a été proposé de

18 travailler en tant que professeur invité a l'université d’Essex. J'y ai

19 passé deux ans à enseigner le droit international humanitaire, les droits

20 de l'Homme, la théorie et la pratique, les institutions européennes, et

21 j'ai commencé, à cette époque, à m'occuper de l'analyse des événements qui

22 avaient marqué les Etats de l'ex-Yougoslavie.

23 Je m'intéressais aux aspects constitutionnels, aux nouvelles

24 législations adoptées dans ces nouveaux états issus de l'ex-Yougoslavie.

25 Bien entendu, j'ai participé à un grand nombre de conférences

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1 internationales depuis 1992 -cela se poursuit aujourd'hui- et compte tenu

2 de mon activité, de mon expérience, de mes connaissances également, je

3 suppose, j’ai été engagé comme consultant par M. Carl Bilt, représentant

4 chargé de la Bosnie-Herzégovine. J'ai été invité à plusieurs reprises à

5 donner mon avis au sujet des projets de nouvelle législation pour la

6 Bosnie-Herzégovine. C'était donc un travail très concret et j’ai travaillé

7 à la rédaction de ces nouveaux textes qui concernent l’Assemblée

8 Parlementaire, la Présidence et le Conseil des Ministres.

9 J'ai été consulté à plusieurs reprises par le Haut-Représentant

10 en rapport avec les problèmes juridiques qui se sont posés lors de

11 l'application des Accords de Dayton. Par intérêt personnel, je m'étais

12 déjà intéressé au contenu des Accords de Dayton, avant même que ces

13 accords ne soient conclus.

14 J'ai donné un certain nombre de cours dans lesquels je

15 m'intéressais à l'analyse légale, juridique, donc scientifique, mais

16 également politique de ces accords.

17 Je suis toujours en contact avec le bureau du Haut-Représentant

18 des Nations Unies pour la Bosnie-Herzégovine. Je continue à coopérer sur

19 un certain nombre de questions. Dernièrement, j'ai travaillé sur la

20 question bien connue des rapports entre pays limitrophes dans le cadre des

21 accords de Dayton.

22 J'ai également été appelé précédemment à former les

23 fonctionnaires des organisations internationales au sujet de l'ex-

24 Yougoslavie, je parle des conférences internationales présidées par

25 Mrs Vance et Owen d'abord, ensuite par Mrs Stoltenberg et Owen. Dans le

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1 cadre de ces conférences internationales, j'ai été invité à donner mon

2 avis et à faire partager mes connaissances à ces fonctionnaires.

3 Puis, dernier élément relatifs à ma coopération avec le Haut-

4 Représentant, j'ai réalisé la traduction des Accords de Dayton après leur

5 conclusion dans les trois langues : bosniaque, croate et serbe. Cette

6 traduction a été admise officiellement, il y a quelques mois, par le

7 bureau du Haut-Représentant.

8 J'ai signalé que j'avais donc réalisé un certain nombre

9 d'activités dans le cadre des Accords de Dayton, liées à la nouvelle

10 situation en ex-Yougoslavie et plus précisément à la situation en Bosnie-

11 Herzégovine.

12 Je ne vais pas, bien entendu, vous citer tous les éléments de ma

13 bibliographie. Je me contenterai de vous dire qu'un article, que j'ai

14 récemment rédigé, est prêt à la parution dans deux magazines importants.

15 Il s'agit d'un article qui traite des Droits de l'Homme et des

16 dispositions garantissant les Droits de l'Homme dans les Accords de

17 Dayton. Il va être publié dans le Human Rights Quartely, magazine très

18 connu traitant des Droits de l'Homme et qui paraît aux Etats-Unis. Cet

19 article sera également publié dans le journal de l'Université de Droit de

20 Zagreb.

21 M. Cailey (interprétation). - Merci, Docteur Pajic. Vous avez

22 bien fait comprendre toute la portée de vos connaissances au Tribunal. La

23 liste de vos publications et de vos qualifications est plus détaillée dans

24 ce papier que vous m'avez remis et que j'ai entre les mains.

25 Je n'ai pas l’intention, Monsieur le Président, de demander que

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1 ce curriculum vitae soit versé au dossier, mais je tenais simplement à le

2 citer. Il peut être distribué.

3 Professeur Pajic, le Procureur vous a contacté, au début de

4 cette année, notamment en raison de vos connaissances dans le domaine

5 constitutionnel du droit. Nous vous avons donné une idée générale de ce

6 que nous attendions de vous. Je vous prierai d'expliquer au Tribunal

7 quelle est la nature de ce mémoire que nous vous avons remis, quel est

8 l'objectif qui préside à sa rédaction et donc ce sur quoi vous avez été

9 invité à témoigner devant le Tribunal aujourd'hui.

10 M. Pajic (interprétation). - Avant de répondre à la question de

11 M. Cailey, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, permettez-moi, en

12 tant que Professeur de Droit -de longue date- de dire tout le respect que

13 j'ai pour tous les membres de ce Tribunal, étant donné la mission

14 historique qu'ils remplissent. Je suis avec intérêt et grande attention

15 les travaux de la Commission de cette haute institution des Nations Unies.

16 C'est avec le plus grand respect que j'étudie et que je suis les

17 travaux du bureau du Procureur et des conseils de la défense. J'ai

18 beaucoup de respect pour leur apport.

19 Enfin, je suis fier d'avoir été investi de cette confiance qui a

20 présidé à ma nomination en tant que témoin expert. Merci beaucoup.

21 Je reviens maintenant à votre question. Le bureau du Procureur

22 m'a confié la tâche de témoigner en tant que témoin expert sur les sujets

23 suivants.

24 Le Procureur m'a demandé une analyse détaillée des documents

25 législatifs de l’Association croate d'Herceg-Bosna, qui est devenue en

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1 suite République d’Herceg-Bosna.

2 J’ai été chargé, dans la mesure de mes moyens, de définir les

3 objectifs qui ont présidé à la rédaction de ces textes et de ces

4 ordonnances.

5 Il m'a été demandé de prouver les aspirations territoriales

6 qu'on peut trouver dans ces textes législatifs de la communauté croate

7 d'Herceg-Bosna, d'expliquer ensuite les rapports qui lient la République

8 de Bosnie-Herzégovine et la communauté croate d’Herceg-Bosna, puis de

9 décrire les rapports de la communauté croate d’Herceg-Bosna avec la

10 République de Croatie, bien sûr tout cela sur la base de textes et de

11 dispositions légales qui ont été mises à ma disposition.

12 Ensuite, ma mission a consisté à fournir des explications

13 relatives aux institutions, c'est-à-dire à la structure institutionnelle

14 des organes du pouvoir sur le plan juridique et autres, c'est-à-dire à

15 expliquer les structures hiérarchiques et les compétences dévolues aux

16 conseils croates de la défense et à la communauté croate d’Herceg-Bosna

17 dans le cadre de la République de Bosnie-Herzégovine.

18 Puis, j'ai été chargé d'expliquer le déploiement des forces

19 armées, l'organisation de la justice, l'organisation du pouvoir exécutif.

20 Finalement, de façon générale, j'ai été chargé d'expliquer

21 l'évolution d'une structure juridique particulière qui s'est construite

22 dans le cadre de la communauté croate d’Herceg-Bosna.

23 M. Cailey (interprétation). - Docteur Pajic, qu'est-ce que

24 l'accusation vous a fourni pour vous permettre de remplir votre tâche ?

25 M. Pajic (interprétation). - J'ai reçu du bureau du Procureur un

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1 certain nombre de tomes, quatre ou cinq tomes, du journal officiel de la

2 communauté croate d’Herceg-Bosna, dans lesquels figurent toutes les

3 dispositions qui ont été adoptées entre 1992 et 1994.

4 M. Cailey (interprétation). - Docteur Pajic, pouvez-vous -dans

5 l'intérêt du Tribunal- identifier les documents qui se trouvent devant

6 vous ? Est-ce que ce sont bien les documents qui vous ont été fournis ?

7 M. Pajic (interprétation). - Oui, ce sont les tomes, les

8 volumes, dont je viens de parler.

9 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, je peux

10 demander que ces documents soient versés au dossier immédiatement ou bien

11 demander au témoin de les discuter et demander leur versement au dossier

12 ultérieurement. Je ne sais pas si Maître Hayman a un commentaire à ce

13 sujet.

14 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Procureur, ces

15 documents ont-ils été communiqués à la défense dans le cadre de la

16 production des éléments de preuve ou est-ce que c'est aujourd'hui

17 seulement que ces documents sont distribués?

18 M. Cailey (interprétation) .- C'est aujourd'hui seulement que

19 ces documents sont distribués, monsieur le Président, mais il s'agit de

20 documents publiquement disponibles et il ne s'agit pas de documents

21 confidentiels que nous aurions reçus d'une origine particulière.

22 M. Hayman (interprétation) - Monsieur le Président, nous ne

23 prévoyons pas de difficulté, mais si pendant une pause, nous pouvons avoir

24 l'occasion d’y jeter un coup d’oeil pour vérifier qu'il s'agit

25 d'exemplaires authentiques, ce serait bien.

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1 M. le Président - Très bien ! Pendant cette pause, aujourd'hui

2 ou à un autre moment, vous aurez tout à fait loisir de jeter un coup

3 d'oeil à ces documents.

4 Ces documents seront-ils versés comme pièce à conviction,

5 Monsieur Cailey ?

6 M. Cailey (interprétation) .- Oui, Monsieur le Président, c'est

7 ce que je demande. Je peux fournir un exemplaire de ces documents à mon

8 collègue de la défense immédiatement, au juge également, et une liste des

9 extraits qui nous intéressent. Je peux fournir ces documents tout de suite

10 si cela vous intéresse.

11 M. le Président. - Je crois que cela relèverait du bon esprit de

12 la contradiction dans ce débat. Nous procédons donc ainsi. Monsieur

13 l'huissier, vous prenez ce document, vous en donnez un exemplaire à la

14 défense, vous les remettez sur le bureau du Tribunal et le Tribunal les

15 classe comme pièce à conviction.

16 M. Cailey (interprétation) .- Merci, Monsieur le Président.

17 M. le Président - En ce qui concerne le Tribunal, vous

18 remettrez à l’instant un seul exemplaire, ce n'est pas la peine d'avoir

19 trois exemplaires. Un seul exemplaire suffira. Continuez !

20 M. Cailey (interprétation) .- Merci, Monsieur le Président.

21 Docteur Pajic, pouvez-vous expliquer au Tribunal quelle est la nature

22 exacte des documents que vous avez devant vous ? Pouvez-vous les comparer

23 à des éléments de même nature dans d'autres systèmes juridiques

24 éventuellement, pour que l'on puisse faire une analogie, et pouvez-vous

25 confirmer au Tribunal qu'il s'agit bien de documents publics ?

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1 M. Pajic (interprétation) - Le Journal Officiel qui a été mis à

2 ma disposition est, je crois, une publication qui suit tout à fait la

3 tradition territoriale des pays européens, pays dans lesquels les

4 réglementations et dispositions législatives ont toujours été publiées

5 dans des journaux officiels. A ma connaissance, tous les Etats d’Europe

6 possèdent un Journal Officiel dans lesquels sont publiés les documents

7 législatifs.

8 L'ex-Yougoslavie, bien sûr, avait également adopté cette

9 tradition et possédait le Journal Officiel de la Fédération, chacune des

10 Républiques de l'ex-Yougoslavie possédant elle-même son propre Journal

11 Officiel. Et si nous allons plus loin dans la comparaison avec la

12 situation d'autres pays, je pense que l'on peut comparer dans une certaine

13 mesure le Journal Officiel à ce que possèdent d'autres Etats.

14 Je me contenterai de citer le Journal Officiel de la République

15 française, le Bundes Gazet Blatt, connu sous le sigle BGBL. Et puis, pour

16 autant que je sache, il existe aux Etats-Unis les Congressional Records of

17 United States. En Grande Bretagne, cette publication s'appelle Hensard,

18 etc.

19 Pour conclure, il s'agit d'une publication qui était tout à fait

20 publique dans un certain nombre d'exemplaires du Journal Officiel. Vous

21 trouverez même les réglementations régissant les abonnements. Il existe

22 une formule d'abonnement où il est dit à combien d'exemplaires est diffusé

23 le journal, etc.. Il y a également une page qui est consacrée à des voeux

24 présentés au lecteur.

25 M. Cailey (interprétation) .- J'aimerais que ce document soit

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1 d'abord montré au Dr. Pajic. Voici les autres exemplaires.

2 M. le Président. - Excusez moi, Monsieur, en accord avec mes

3 collègues, vous avez donné beaucoup de détails, mais le journal Officiel

4 que vous avez remis est-il en fin de compte le Journal fédéral de l’une

5 des Républiques ou de l’entité ?

6 M. Pajic (interprétation) - Il s'agit du Journal Officiel de

7 l'entité nouvellement créée dans le cadre de la République de Bosnie-

8 Herzégovine, cette entité s'appelant la Communauté croate de Herceg-Bosna.

9 M. le Président. - Merci pour cette précision.

10 M. Cailey (interprétation) .- Le document que vous avez sous les

11 yeux, Docteur Pajic, est un appel à l'abonnement pour ce Journal

12 Officiel ?

13 M. Pajic (interprétation) - Oui, exactement, c'est ce dont je

14 vous ai parlé tout à l'heure.

15 M. Cailey (interprétation) .- En effet, ceci était votre

16 déclaration de tout à l'heure selon laquelle il s'agissait d'un document

17 public.

18 M. Pajic (interprétation) - Oui, en effet, il s'agit d'une

19 invitation, d'un appel à l'abonnement à ce journal, afin de pouvoir

20 assurer le nombre suffisant d'exemplaires. Toutes les informations peuvent

21 être obtenues ou envoyées au service d'abonnement et puis on donne le

22 numéro de téléphone, du fax, ainsi de suite.

23 M. Cailey (interprétation) .- Je pense que ce document devrait

24 être enregistré aux fins d'identification comme pièce, et ce serait le

25 numéro 36-37. Merci.

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1 Docteur Pajic, au cours de vos recherches pour le bureau du

2 procureur, vous avez choisi, retenu un certain nombre d'extraits de ce

3 document, pour étoffer et étayer votre propre déposition. Je voudrais bien

4 vous montrer quelques extraits pour que nous puissions les identifier, et

5 les déposer comme pièces. Par la suite, si vous voulez bien nous expliquer

6 comment vous avez fait cette sélection des documents que nous avons sous

7 les yeux.

8 (L'huissier remet les documents au témoin.)

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10 M. le Président. - Un instant, je vous prie. Monsieur le

11 Procureur, dans le but d'accélérer ces mouvements de pièces, je me

12 demande, et je voudrais avoir votre opinion et celle de la défense, s'il

13 ne vaudrait pas mieux d'abord que la pièce soit identifiée par le témoin,

14 qui après tout la connaît -c'est votre témoin- vous faites identifier par

15 le témoin, ensuite la pièce est donnée au greffe pour la numéroter. Puis

16 je demande l'accord des parties pour savoir si ce serait une pièce à

17 conviction. Il me semble que cela accélérerait. Seriez-vous d'accord sur

18 cette formule, Monsieur le Procureur ?

19 M. Cailey (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

20 M. le Président. - Monsieur Hayman ?

21 M. Hayman (interprétation). - Oui, très bien, merci. Aussi

22 longtemps qu'on en ait une copie au moment où celle-ci a été identifiée

23 par le témoin.

24 M. le Président. - Il s’agit de donner au témoin qui identifie,

25 puisque c’est sa pièce, celle que vous avez mis en collaboration. Elle est

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1 immédiatement identifiée par le greffier et remise en même temps comme

2 pièce à conviction, à la fois à la défense et au Tribunal. Nous opérerons

3 comme ceci désormais, cela vaudra non seulement pour le Professeur Pajic,

4 mais pour tous les autres témoins. Allez-y, continuez.

5 M. Cailey (interprétation). - Je voudrais remettre ces copies à

6 la défense.

7 (L'huissier remet les documents à la défense.)

8 Docteur Pajic, s'agit-il de documents que vous avez rédigés, que

9 vous avez recueillis comme extraits ?

10 M. Pajic (interprétation). - Oui, il s'agit d'un choix de

11 documents que j'ai fait moi même. Si vous me permettez une très brève

12 explication, ces extraits ont été traduits en français et en anglais. La

13 version française a une couverture rose, la version originale une

14 couverture bleue et la version anglaise une couverture grise.

15 Permettez-moi, Monsieur le Président, une très brève explication

16 en ce qui concerne le système de numérotation dans ce document. Lorsque je

17 parle d'un document par son nombre, il s'agit du nombre correspondant au

18 chiffre présenté du côté droit dans le document 2. Un certain nombre de

19 pages se rapportent à un document. Je vous indiquerai donc le numéro de la

20 page, plutôt que le numéro du document.

21 Pour ce qui est de la version française qui est un peu plus

22 longue de quelque huit pages, je vous donnerai les chiffres séparés pour

23 les pages et les documents.

24 M. Cailey (interprétation). - Je voudrais bien, Monsieur Pajic,

25 que vous portiez votre attention sur le document n° 1. Voulez-vous

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1 expliquer de quoi il s’agit ?

2 M. Pajic (interprétation). - Permettez moi, Monsieur le

3 Président, de vous indiquer en quelques mots les critères qui m’ont guidés

4 lors de la sélection du choix de ces documents.

5 En effet, le choix de ces documents ne représente qu'un quart de

6 tout le matériel que j'avais à ma disposition, et dans ce choix je me suis

7 guidé essentiellement sur les exigences posées par le bureau du Procureur,

8 selon les lignes à suivre dans mon expertise.

9 Par conséquent, j'ai estimé que de nombreuses actes se

10 rapportant à différentes questions techniques, régissant différentes

11 matières, différents détails, tels que les transports de différentes

12 marchandises, normes et standards techniques, n'étaient pas importants

13 pour mon expertise. J’ai laissé ces questions de côté.

14 Pour revenir à votre question proprement dite, Monsieur Cailey,

15 il s'agit d'un document qui porte sur la constitution de la communauté

16 croate de Herceg-Bosna prononcée le 18 novembre 1991. Ce document est très

17 bref.

18 C’est un document qui comporte un préambule très bref indiquant

19 que sur la base de la volonté librement exprimée par le peuple croate de

20 Bosnie-Herzégovine, ces représentants démocratiquement élus, réunis en

21 session à Grude, décident le 18 novembre 1991, ce qui suit. Et suit la

22 décision et ainsi de suite.

23 M. Cailey (interprétation). - Pourrais-je vous renvoyer à

24 l'article 1 de cette décision. Voulez-vous nous expliquer cette partie

25 spécifique de cette décision ?

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1 M. Pajic (interprétation). - L’article 1er porte sur la création

2 de la communauté croate d’Herceg-Bosna, créée en tant qu’entité politique,

3 culturelle, économique et territoriale. La signification de cet article

4 n° 1 est, d’après moi, son intention d'arrondir le territoire de la

5 Bosnie-Herzégovine, d’en faire une entité qui aurait des éléments d'Etat,

6 des éléments étatisants.

7 M. Cailey (interprétation). - Puis-je vous renvoyer à

8 l'article 2 ? Voulez-vous donner lecture de l'article 2 devant la Cour,

9 s’il vous plaît Monsieur Pajic ?

10 M. Pajic (interprétation). - Article 2 : «La communauté

11 d’Herceg-Bosna recouvre les territoires des municipalités suivantes :

12 Jajce, Krasevo, Busovaca, Vitez, Novi Travnik, Travnik, Kiseljak, Fojnica,

13 Skender Vakuf (Dobratici), Kakanj, Varez, Kotor varos, Tonislavgrad,

14 Livno, Kupres, Bugojno, Gorni Vakuf, Prozor, Konjic, Jablanica, Posusje,

15 Mostar, Swehi Brijeg, Grude, Ljubuski, Citluk, Capjina, Newun, Stolac,

16 Trebinje (Ravno).».

17 Il s'agit donc d'une liste des opcina, des municipalités, qui

18 forment cette entité territoriale de l’Herceg-Bosna.

19 M. Cailey (interprétation). - Le témoin pourrait-il recevoir la

20 pièce n° 22 ? Peut-on lui présenter la pièce n° 22 et la mettre sur le

21 rétroprojecteur à l'intention du témoin, s'il vous plaît ?

22 (L'huissier présente la pièce au témoin.)

23 M. Cailey (interprétation). - Professeur Pajic, je vous prie de

24 regarder l'écran devant vous, vous allez voir une carte. Est-ce les

25 municipalités qui sont couvertes par l'article 2 ?

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1 M. Pajic (interprétation). - Oui. C'est la situation

2 cartographique telle qu'elle est présentée par l'article 2.

3 M. Cailey (interprétation). - Il s'agit d'une partie de la

4 Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Pajic (interprétation). - Oui C'est la partie centrale

6 méridionale de la Bosnie-Herzégovine.

7 M. Cailey (interprétation). - Si vous me permettez, je vous prie

8 de prendre en considération l'article 4 et de l'expliquer.

9 M. Pajic (interprétation). - L'article 4 permet à d'autres

10 municipalités de s'associer à la communauté d’Herceg-Bosna avec l'accord

11 des municipalités fondatrices.

12 Après vous avoir présenté les articles 1, 2 et 4 portant la

13 création de la communauté croate d’Herceg-Bosna, si vous me permettez je

14 voudrais attirer votre attention sur quelques aspects juridiques, à mon

15 avis intéressants.

16 Premier point, cette forme d'association de municipalités, de

17 communes, comprenant certains éléments étatiques, éléments d'aspiration à

18 former une création étatique -tel étant le cas d'une entité territoriale

19 économique, culturelle- était en quelque sorte en contradiction avec la

20 Constitution de la Bosnie-Herzégovine qui a été publiée dans le Journal

21 Officiel n° 5 du mois de mars 1993.

22 Il s'agissait donc d'une version peaufinée de la Constitution, y

23 compris les amendements qui ont été apportés entre temps. La Constitution

24 de la République de Bosnie-Herzégovine ne prévoyait pas une telle forme

25 d'association, association de municipalités, de communes, en vue de la

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1 création d'une entité qui serait dotée de son pouvoir autonome

2 indépendant.

3 Deuxième point que je souhaite faire ressortir, il s'agit d'un

4 détachement d'un certain nombre de municipalités pour former une

5 communauté sans accord préalable, sans débat au sein des organes

6 compétents de la République de Bosnie-Herzégovine.

7 Et là, je pense surtout à mes propres expériences, à mon

8 expertise. J'ai un peu en vue le background, l'historique des événements

9 en République de Bosnie-Herzégovine.

10 La liste des municipalités mentionnées dans l'article 2 n'est

11 pas très claire du point de vue de la composition nationale. Il s'agit de

12 30 municipalités de Bosnie-Herzégovine. Mais, sur 30 municipalités, dans

13 11 de ces municipalités le peuple croate n'avait même pas une majorité

14 relative.

15 J'ai été un peu étonné en lisant cette décision, notamment pour

16 les municipalités de Banja Luka qui sont absentes de cette liste, dans

17 lesquelles un tiers de la population était croate. On n’y parle pas de

18 Sarajevo. Je ne suis pas sûr des pourcentages, on pourrait les retrouver

19 dans les documents. A l’époque, 70 % de Croates vivaient à Sarajevo.

20 Par conséquent, des municipalités et des villes ne figurent pas

21 sur cette liste. Elles ne sont pas entrées dans la composition de la

22 communauté croate d’Herceg-Bosna. Il y a donc eu une dissonance entre le

23 critère ethnique et le critère territorial lors de cette formation et de

24 cette création de la communauté croate.

25 M. Cailey (interprétation). - Cette décision parle également de

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1 l'autorité suprême des pouvoirs et du Gouvernement. Pourriez-vous nous

2 expliquer l'article 7 ?

3 M. Pajic (interprétation). - Oui, l'article 7 est très bref. Cet

4 article ne présente pas l'image complète du pouvoir dans cette communauté

5 croate d’Herceg-Bosna.

6 On parle du fait que la présidence est l'autorité suprême de la

7 communauté, qu’elle se compose des élus du peuple croate, que les plus

8 hauts fonctionnaires au sein des gouvernements municipaux feront partie de

9 ces conseils, et ainsi de suite.

10 Donc, une chose est claire, c'est qu'y sont incorporés

11 exclusivement les représentants des Croates, de la nation croate, et un

12 seule parti, c'est-à-dire le parti croate, le HTZ. Autrement dit, les

13 autres municipalités ont été exclues du dispositif juridique, du droit

14 d'être représentées au sein de la communauté croate d’Herceg-Bosna..

15 M. Cailey (interprétation) - Ces documents ont-ils été signés ?

16 M. Pajic (interprétation) - Oui, ils ont été signés par les

17 participants à la réunion de groupe comme c'est mentionné, et vous avez

18 les fac-similé de leur signatures dans le cadre du document.

19 M. Cailey (interprétation) - - Merci monsieur Pajic. Pourriez-

20 vous évoquer très brièvement le dernier paragraphe, si vous voulez bien

21 commenter ces paragraphes du préambule ?

22 M. Pajic (interprétation) - . Cette décision est assortie d'une

23 explication des motifs de l'adoption de cette décision. Ce que je voudrais

24 faire ressortir ici, devant le Tribunal, c'est qu’en 1991, la Bosnie-

25 Herzégovine n'était toujours pas en guerre. Dans la République de Bosnie-

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1 Herzégovine, la guerre n'existait pas encore à l'époque et, d'après

2 l'esprit de cette explication, cette décision a été une réaction aux

3 événements dramatiques en Croatie plutôt qu’aux menaces quant à la

4 population croate en Bosnie-Herzégovine. En effet, ce préambule appelle

5 les participants de la réunion à quelque chose parce qu'il y a division,

6 parce qu'il y a aspiration aux territoires d'autrui, parce que les Serbes

7 son en train de créer leur région autonome, RAS, la République Autonome

8 Serbe de Krajina.

9 Enfin, je rappelle que tout ceci se passe au mois de

10 novembre 1991, lorsqu'en Bosnie il n'y a pas eu encore d'opérations de

11 guerre.

12 M. Cailey (interprétation) - Novembre 1991 est la date

13 d'adoption de cette décision?

14 M. Pajic (interprétation) - .Oui.

15 M. Cailey (interprétation) - Novembre 1991. Docteur Pajic, si

16 vous le permettez, nous pourrions passer au document numéro 2.

17 M. le Président - Le juge M. Shahabuddeen voudrait poser une

18 question.

19 M. Shahabuddeen (interprétation) - Docteur Pajic, la décision

20 dans le cadre du document 1 a été prise le 18 novembre 1991. Quand cette

21 décision a-t-elle été publiée dans le journal officiel ?

22 M. Pajic (interprétation) - Merci, monsieur le Président. Puis-

23 je répondre ?

24 M. Cailey (interprétation) - Oui, allez-y.

25 M. Pajic (interprétation) - Cette décision portant création de

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1 la communauté croate de Herceg-Bosna n'a pas été publiée dans le Narodni

2 list, dans le journal populaire, dans le journal officiel, parce que cette

3 publication officielle a commencé à paraître plus tard. Ce qui a été

4 publié dans le Journal officiel, dans ce Narodni list a été le texte

5 définitif, le texte amendé de cette décision que je viens d'expliquer à

6 votre intention.

7 M. Shahabuddeen (interprétation) - Quand cette publication a-t-

8 elle eu lieu ?

9 M. Pajic (interprétation) - Le texte définitif de cette décision

10 a été le document numéro 1 du Journal Officiel de la communauté croate de

11 Herceg-Bosna et le document a été adopté le 3 juillet 1992, à la séance du

12 3 juillet 1992, et a été publié dans le numéro 1 du journal officiel du

13 mois de juillet 1992.

14 M. Shahabuddeen (interprétation) - Une dernière question : si je

15 vous ai bien compris, vous avez dit que la décision présentée dans ce

16 document a été en contradiction avec la constitution de Bosnie-Herzégovine

17 de mars 1993. Il s'agissait donc d'un document juridique. Comment

18 expliquez-vous cette contradiction entre un document antérieur, un

19 document supérieur, et un document d'importance « inférieure »?

20 M. Pajic (interprétation) - .Lorsque j'ai évoqué la constitution

21 de la République de Bosnie-Herzégovine, j'ai indiqué que le texte amendé

22 de cette constitution a été publié en 1993, mais la décision a été en

23 contradiction avec la Constitution de la Bosnie-Herzégovine qui était en

24 vigueur en 1991. Ce texte n'a pas été publié pendant longtemps en raison

25 de la situation de guerre. J'ai une copie du Journal Officiel de la

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1 Bosnie-Herzégovine de 1993 où l’on a publié cette ancienne Constitution en

2 vigueur, assortie de tous les amendements et toutes les modifications qui

3 ont été apportés ; je parle donc de l'ancienne Constitution de 1989

4 amendée et adoptée en 1991.

5 M. le Président (interprétation) - Allez-y, monsieur le

6 Procureur.

7 M. Cailey (interprétation) - Merci , monsieur le Président.

8 Docteur Pajic, si vous le permettez, nous pourrions passer aux

9 documents suivants. Il s'agit de ceux qui portent le numéro dans le coin

10 supérieur droit page 2.

11 Vous avez dit qu'il y a eu beaucoup d'analogies entre ces

12 différents documents, documents antérieurs et postérieurs. Pourriez-vous

13 attirer notre attention sur quelques différences essentielles entre ces

14 documents ?

15 M. Pajic (interprétation) - La première différence que l'on

16 relève est ce préambule bien plus détaillé, bien plus approfondi, élaboré

17 dans la version définitive du texte, et l’on y indique que la Bosnie-

18 Herzégovine a été créée par trois peuples fondateurs, les Croates, les

19 Musulmans et les Serbes, puis le droit inaliénable, indivisible et ainsi

20 de suite... et, confrontés à la situation, les Croates établissent leur

21 communauté et ainsi de suite...

22 Il s'agit d'une première différence mais, du point de vue

23 normatif, une différence qui me semble très importante est celle que l'on

24 trouve dans l'article 7. J'ai bien dit que, dans la première version de la

25 décision, les dispositifs sur l'organisation du pouvoir ont été très

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1 brefs, très condensés ; ici il existe une version bien plus élargie, bien

2 plus élaborée. On y dit déjà que le pouvoir suprême est dévolu aux organes

3 ci-après, ou est constitué par les organes ci-après.

4 Le Président de la Communauté Croate est donc Président en tant

5 qu’organe individuel. Ensuite, on parle de la Présidence comme organe

6 collectif, collégial, la présidence de la communauté est composée des

7 représentants du peuple Croate, élus au sein des organes municipaux, et

8 l’on parle déjà, d'après leurs fonctions, des hauts fonctionnaires et des

9 présidents des instances municipales du Conseil Croate de Défense . On ne

10 parle plus du HTZ, on ne parle plus d'un parti politique, mais du Conseil

11 Croate de la Défense. Nous verrons plus tard quelle est la nature de cet

12 organisme.

13 Ce qui est important, c'est l'alinéa 2 de l'article 7 : La

14 Présidence se voit confier les différents dispositifs législatifs et

15 autres pouvoirs qui lui incombent. On dit que la Présidence est l'organe

16 législatif de la Communauté croate de Herceg-Bosna.

17 M. Cailey (interprétation) - Docteur Pajic, ce document est daté

18 du 18 novembre 1991. Pourtant cette décision et les amendements ont été

19 faits le 3 juillet 1992. Par conséquent, ce document a été post-daté.

20 M. Pajic (interprétation) - Oui, il a été antidaté en quelque

21 sorte ; il marque une continuité avec la décision originelle adoptée le

22 18 novembre 1991.

23 M. Cailey (interprétation) - Une autre différence significative

24 dans le cadre de ce document est que, à la différence des autres documents

25 où figurent de nombreuses signatures, il a été signé par une seule

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1 personne en sa qualité de Président de la Communauté croate de Herceg-

2 Bosna, c'est-à-dire.par M. Mate Boban*.

3 M. Cailey (interprétation) - Monsieur Pajic, que diriez-vous de

4 la terminologie du préambule ? Y a-t-il de fortes tonalités

5 sécessionnistes par rapport aux décisions antérieures prises en

6 novembre 1991?

7 M. Pajic (interprétation). - Effectivement, le préambule est un

8 pas supplémentaire franchi dans cette direction, à savoir que l'on essaie

9 de voir la Communauté croate quitter la République. On insiste moins sur

10 le fait que cette entité se trouve au sein de la République de Bosnie-

11 Herzégovine.

12 Avec votre permission, j'aimerais attirer votre attention sur

13 l'article 7 qui montre que l'on parle d'un gouvernement autonome et de

14 pouvoirs. Ce qui me semble caractéristique lorsqu'on parle du pouvoir de

15 la Communauté de Herceg-Bosna, c’est que les pouvoirs législatif et

16 exécutif sont fusionnés entre les mains d'un même organe, d'une même

17 autorité. Je vous dis ceci parce que le Conseil croate de Défense, qui

18 était une structure de défense, devient désormais partie intégrante d'un

19 organe législatif de la Communauté croate de Herceg-Bosna,. Ce qui

20 apparaît suffisamment à l'article 7, c'est que l’on ne sait pas exactement

21 quel est le rapport entre le Président constituant une autorité et la

22 Présidence en tant qu'organe collégial, on ne sait pas s’il a évolué ou

23 pas.

24 M. Cailey (interprétation) - Pouvons-nous poursuivre et parvenir

25 à la page 4 qui porte création du Conseil croate de Défense ? Avez-vous un

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1 commentaire à ce propos ?

2 M. Pajic (interprétation). - C’est un document très court ; il y

3 a un paragraphe liminaire qui fait office de préambule. Il est dit que

4 « la présidence à la Communauté croate Herceg-Bosna constate l'agression

5 perpétrée sur son territoire, la vulnérabilité du peuple croate » Dans ce

6 préambule, il n’est fait en aucune façon référence, à la République de

7 Bosnie-Herzégovine.

8 Nous parlons maintenant d'avril 1992. Effectivement, il y avait

9 agression sur l'ensemble du territoire. S'agissant des dispositions

10 spécifiques de ce décret, je dirai ceci : l'article 1er désigne l'organe

11 suprême en la forme du Conseil croate de la Défense, chargé de la défense

12 du peuple croate.

13 Quelles sont les tâches qui lui sont confiées ? Elles sont

14 précisées à l'article 2 : « chargé de défendre la souveraineté

15 territoriale de la Communauté Croate de Herceg-Bosna ainsi que de protéger

16 le peuple croate ». Il se peut que l'on voie déjà ici des éléments très

17 distinctifs des velléités d'obtenir une souveraineté territoriale. Inutile

18 de souligner le fait que c'est là une des caractéristiques principales de

19 la nature d’un Etat en droit international.

20 M. Cailey (interprétation) - Si l’on compare à l'article 7 de

21 la décision précédente, page 3, et celle-ci page 4, est-il exact de dire

22 que le HVO, qui était l'organe de défense, devient maintenant partie de

23 l'organe législatif de la communauté croate de Herceg-Bosna ?

24 M. Pajic (interprétation). - Tout à fait, c'est très explicite.

25 La présidence ou les présidents du HVO sont d'ex-membres de la présidence

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1 de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

2 M. Cayley (interprétation). - Merci. Pouvons-nous passer à la

3 page 5 du document que vous avez sous les yeux ? C'est le décret afférant

4 à l'organisation temporaire du pouvoir exécutif et administratif sur le

5 territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

6 Quelle a été l'incidence de cette décision ? Quels sont les

7 organes, les institutions qui ont été créés du fait de la promulgation de

8 ce décret ?

9 M. Pajic (interprétation). - Cette décision statutaire, afférant

10 à l'organisation temporaire du pouvoir exécutif et administratif,

11 transforme le conseil croate de défense qui était un organe purement

12 défensif en organe suprême exécutif et administratif institué sur le

13 territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

14 Il y a donc là un saut qualitatif. En effet, nous avions un

15 organe de défense constitué pour défendre l'intégrité territoriale

16 d'Herceg-Bosna qui devient maintenant l'organe exécutif et administratif

17 suprême.

18 Je vous rappelle que la présidence se compose aussi de

19 représentants du conseil croate de défense. Ceci nous montre qu'il y a

20 concentration du pouvoir entre les mains de la présidence de la communauté

21 croate, au plan de la défense, et des fonctions exécutives et

22 administratives.

23 M. Cayley (interprétation). - Peut-on dire à ce stade que tant

24 l'exécutif que le législatif était contrôlé par le HVO ?

25 M. Pajic (interprétation). - Je crois que c'est là une

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1 évaluation correcte.

2 M. Cayley (interprétation). - Merci. Puis-je vous renvoyer à

3 l'article 14 qui figure à la page 6 de ce décret ? Pourriez-vous nous

4 expliquer la teneur, à l'intention du Tribunal, de cet article 14 ?

5 M. Pajic (interprétation). - L'article 14, ainsi d'ailleurs que

6 l'article 15, doivent être examinés de concert pour une raison toute

7 simple, c'est que ces deux articles matérialisent en pratique le principe

8 de la subordination entre le conseil croate de défense -et si vous me

9 permettez d'utiliser des sigles, plutôt que de parler du conseil croate de

10 la défense, je vais parler du HVO. Il apparaît à la lecture de

11 l'article 14 que désormais le HVO contrôle l'activité de ce département et

12 de ces structures municipales, les HVO municipaux. Là, je cite

13 l'article 14. Il peut utiliser son pouvoir de contrôle pour annuler ou

14 abolir tout acte illégal émanant d'un organe municipal. C'est donc le

15 droit.

16 M. le Président. - C'est une précision. Vous parlez des

17 départements, mais voudriez-vous revenir sur l'article 7 ? Que sont les

18 chefs de département ? Je n'ai pas bien saisi ce que vous appelez les

19 départements. Il me semble que c'est à l'article 7 qu'on en voit la

20 composition. Le HVO se compose des présidents, des chefs de département.

21 Comme vous en allez en reparler à l'article 14, j'aimerais bien avoir la

22 précision.

23 M. Pajic (interprétation). - Je crois qu'on peut préciser ceci

24 de façon très nette, Monsieur le président. Il faut pour cela inclure

25 l'article 20 pour avoir une idée complète. En effet que nous dit cet

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1 article 20 ? Il dit que le HVO de la HZHB, donc le conseil croate de

2 défense de la communauté croate de Herceg- Bosna, est doté des

3 départements suivants. Et ils sont énumérés à l'article 20. L'article 7

4 renvoie au chef, au titulaire du poste principal de ces départements.

5 Puis-je poursuivre monsieur le Président ?

6 M. le Président. - Oui.

7 M. Pajic (interprétation). - Ce principe de subordination était

8 déjà annoncé aux articles 14 et 15, respectivement. On dit ici par exemple

9 que si un HVO municipal est en infraction des dispositions juridiques

10 fondamentales de la HZHB, le HVO, au niveau national, au niveau de la

11 communauté croate, a le droit, et même le devoir, de dissoudre

12 l'institution municipale du HVO concerné.

13 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que cela veut dire que le

14 HVO prend contrôle de toutes les municipalités, du pouvoir municipal, de

15 même que du pouvoir central ?

16 M. Pajic (interprétation) - C'est un processus de centralisation

17 du pouvoir entre les mains du HVO. Nous en sommes là au tout dernier stade

18 de la création de la communauté croate de Herceg-Bosna. J'ai déjà fait

19 état de l'article 20, alors essayons de faire preuve d'économie face au

20 temps qui nous est imparti et disons directement de quoi il retourne.

21 Selon l'article 20, établi dans ces départements au sein du HVO,

22 à première vue, on a l'impression d'avoir un cabinet ou un gouvernement. A

23 première vue, ces départements sont comme des ministères, c'est en tout

24 cas la fonction qu'ils remplissent. Je vais les citer d'ailleurs. Nous

25 parlons des domaines de la Défense, de l'Intérieur, de l'Economie, des

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1 Finances, de l'Action sociale, enfin de la Justice et de l'administration.

2 Pour chacun de ces domaines est constitué un département particulier du

3 HVO HZHB. L'article 7 fait état de ces départements.

4 M. Cayley (interprétation). - Le HVO est donc l'exécutif et fait

5 partie du législatif. Mais envers qui le HVO est-il redevable ? A qui

6 doit-il rendre des comptes au titre de ces documents ?

7 M. Pajic (interprétation). - Il y a une décision portant

8 création de la communauté d'Herceg-Bosna. Il est dit que le HVO doit

9 rendre des comptes envers la présidence d'Herceg-Bosna. J'ai le sentiment

10 qu'ici on peut parler d'un cercle restreint de responsabilité. D'un côté

11 vous avez le HVO qui fait partie de la présidence d'Herceg-Bosna. Le HVO

12 est un organe indépendant, suprême, au plan exécutif et législatif, et il

13 doit rendre des comptes envers la présidence dont il fait partie.

14 J'en conclus que c'est là une centralisation du pouvoir entre

15 les mains du HVO. Ici, je parle du législatif, des fonctions législatives,

16 des fonctions administratives et des fonctions exécutives, ainsi que des

17 pouvoirs de défense, et ceci n'est pas du tout contesté.

18 Pour le dire de façon simple, il y a une hiérarchie très stricte

19 qui est instituée en fonction de cette décision au niveau des acteurs, des

20 organes et des autorités. Dans le cadre de la communauté croate et de

21 Herceg-Bosna, et aussi dans l'ordre juridique de cette communauté, nous

22 constatons que le HVO est présent partout, dans tous les domaines

23 d'activité de la communauté croate. Il y a aussi une structure centralisée

24 du pouvoir, du début à la fin, à tous les échelons, de l'échelon central à

25 l'échelon municipal. Et je pense qu'on peut parler d'un régime dirigé par

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1 une organisation militaire. Je l'ai dit d'emblée dans la première

2 décision, le HVO est constitué et créé en tant qu'organe de défense et

3 c'est donc une organisation militaire qui a des prérogatives différentes

4 aussi.

5 M. le Président. - Nous allons prendre une pause parce que les

6 interprètes travaillent depuis tôt ce matin. L'audience reprendra à midi.

7

8 L'audience est suspendue à 11 heures 45 est reprise à

9 12 heures 10.

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11 M. le Président. - L'audience est reprise, faites entrer

12 l'accusé.

13 Monsieur le greffier, on peut peut-être faire entrer le témoin

14 cité par M. Cailey.

15 (Le témoin est introduit en salle d’audience)

16 Monsieur le procureur, dès que le témoin, qui a pris quelque

17 petit repos je suppose, sera installé, nous pourrons commencer.

18 M. Cailey (interprétation) .- Merci, monsieur le Président. Je

19 tiens à préciser, aux fins du procès-verbal d'audience, qu’au cours de

20 l'interrogatoire que je mène avec le Docteur Pajic, je fais référence aux

21 pièces 38 A, B, C. Le A est l'original en Croate, le B est la version

22 française, et le C est la traduction en anglais.

23 M. le Président. - C'est le cas de ce seul document ?

24 M. Cailey (interprétation) .- C'est exact monsieur le

25 Président.

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1 Docteur Pajic, pourrions-nous examiner la page 9 de cet

2 extrait ? C'est le décret relatif au pouvoir exécutif municipal et à

3 l'administration municipale. Ce document montre-t-il ce principe de

4 subordination en action ? Vous en avez parlé il y a un instant dans votre

5 témoignage.

6 M. Pajic (interprétation). - C'est exact. Ce décret, à mon avis,

7 consacre cette phase finale de la structure verticale que l’on trouvait

8 dans les institutions de la communauté croate de Herceg-Bosna. A l'appui

9 de mes propos, je cite l'article 6 qui dit que le HVO de la HZHB contrôle

10 la légalité du travail accompli par le HVO municipal. Je poursuis : ce HVO

11 fournit des directives au HVO municipal dans ses domaines de compétences.

12 Par conséquent, il y a une responsabilité permanente en matière

13 de contrôle des organes municipaux. L'article 7 illustre ce propos

14 également, à savoir que les activités administratives relevant des droits

15 et devoirs d'une municipalité, sont effectuées par des bureaux

16 administratifs.

17 Un bureau administratif est créé par décision du HVO municipal,

18 qui est subordonné aux structures nationales du HVO de Herceg-Bosna.

19 M. Cailey (interprétation) .- L'article 7 de ce décret exclut-

20 il certains bureaux ou certaines activités administratives des activités

21 centrales, ou les conserve-t-elle ? Quelles sont ces activités au bureau

22 administratif ?

23 M. Pajic (interprétation). - L'article 7 permet au HVO municipal

24 d'établir ces bureaux administratifs, à l'exception des bureaux de la

25 Défense et des Affaires intérieures.

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1 J'en conclurai que ces domaines de la Défense et de l'Intérieur

2 restent de la compétence de l'organe central, à savoir le HVO national.

3 M. Cailey (interprétation) .- Puis-je vous demander d'examiner

4 la page 11, Monsieur Pajic ? Ce décret est court, vous pourrez pourtant

5 peut-être l'expliquer à la Cour.

6 M. Pajic (interprétation) - En vertu de cette décision, le

7 Journal Officiel de la communauté croate de Herceg-Bosna est constitué. Il

8 s'appelle Narodni List de la communauté croate de Herceg-Bosna. J’ai déjà

9 décrit ce Journal Officiel.

10 M. Cailey (interprétation) .- Je vous remercie. Examinons la

11 page 12 qui porte sur le décret relatif aux forces armées de la communauté

12 croate de Herceg-Bosna. Pouvez-vous tirer des conclusions générales à la

13 lecture de ce décret ?

14 M. Pajic (interprétation). - Le Tribunal sait pertinemment que

15 je ne suis pas expert en matière militaire. Toutefois, au vu de la

16 terminologie juridique utilisée dans ce décret relatif aux forces armées

17 de la communauté croate de Herceg-Bosna, il m'est possible de dire que

18 c'est un document juridique tout à fait cohérent. J'ajouterai même - c'est

19 peut-être le meilleur moment de le dire - que je suis impressionné par les

20 termes juridiques clairs, par le niveau très élevé d'activité normative

21 qui imprègne tous ces documents relatifs à la communauté croate de Herceg-

22 Bosna; tous ces documents publiés dans le Journal Officiel.

23 Je les ai tous étudiés et on constate un grand degré de

24 cohérence ; tout est dit en termes juridiques clairs. Ceci est illustratif

25 du caractère intégral de l'ordre juridique, tel qu'il a été conçu par le

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1 législateur, si je peux les qualifier de cette façon.

2 Mais revenons-en à ce décret. Il porte surtout sur les devoirs

3 incombant aux citoyens dans les zones de défense ou en matière de défense,

4 pour défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale de la communauté

5 Croate de Herceg-Bosna.

6 Sans entrer dans la terminologie militaire, qui caractérise ce

7 décret, décret assez long de 64 articles, je me contenterai de dire qu'il

8 apparaît clairement à la lecture de cette décision que tous les citoyens

9 de la communauté croate de Herceg-Bosna sont, d'une façon ou d'une autre,

10 au service des forces armées de la communauté croate de Herceg-Bosna.

11 Tout un chacun, en vertu de ce décret, toute personne physique

12 et non physique, a sa place dans ce système. On précise les obligations,

13 les devoirs, de chaque entité, et il est fait état expressément des

14 entités juridiques (les systèmes de contrôle, de commande, de la

15 mobilisation, de l'approvisionnement, des renforts, etc.)

16 Enfin, pour couronner ce système, il y a des sanctions punitives

17 envisagées en cas d'infraction ou de violation de ce décret. C'est donc un

18 document intégral qui couvre tout le champ d'activité des forces armées.

19 J'aimerais relever toutefois certains articles. L'article 3 nous dit que

20 tout citoyen de la HZHB a le devoir de préserver et de défendre

21 l'indépendance et l'intégrité territoriale de la HZHB. C'est une référence

22 claire qui est faite aux éléments étatiques, tels que l'indépendance,

23 l'intégrité territoriale.

24 Tout citoyen sert à sa manière, par le service au service

25 militaire, au service de travail obligatoire, participation à la

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1 protection civile, participation au service de surveillance et de

2 signalement, et enfin pour ce qui est de certaines réquisitions,

3 obligations qui incombent à chaque individu.

4 M. Cailey (interprétation) .- Monsieur Pajic, j'aimerais

5 attirer votre attention sur l'article 7 qui parle de ces obligations

6 matérielles incombant aux citoyens de Herceg-Bosna. Pourriez-vous nous

7 expliciter cet article à l'intention du Tribunal ?

8 M. Pajic (interprétation) - L’article 7 de ce décret dit que

9 tous les citoyens de la communauté croate de Herceg-Bosna peuvent être

10 soumis à certaines obligations matérielles. Par exemple, l'obligation de

11 remettre à l'état-major des véhicules, des équipements et tous autres

12 équipements désignés.

13 Lorsqu'on parle d'équipement matériel, on pense sans doute aux

14 machines agricoles, par exemple-il y en avait sans doute beaucoup sur le

15 territoire de la communauté au niveau domestique- aussi le fait de

16 remettre le bétail, d'autres biens pour les besoins de la défense.

17 Il est déclaré également que les personnes morales sont soumises

18 aux mêmes obligations. On entend par là les entreprises, les sociétés qui,

19 elles aussi, doivent remettre une partie de leurs ressources si elles sont

20 réquisitionnées pour répondre aux besoins de la communauté.

21 M. le Président. - Le juge Riad a une question à poser.

22 M. Riad (interprétation) - Docteur Pajic, la citoyenneté de la

23 HZHB se base-t-elle uniquement sur un fondement ethnique ?

24 M. le Président. - Lorsqu'on parle de citoyen de la communauté

25 croate de Herceg-Bosna, qu’entend-on par là ? Ce sont seulement les

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1 Croates?

2 M. Pajic (interprétation) - Je n'irai pas jusqu'à dire cela,

3 Monsieur le juge, je ne peux pas corroborer cette idée. Lorsqu'on parle de

4 citoyens de la HZHB, nulle part on ne dit qu’il s’agit uniquement de

5 Croates.

6 Mon interprétation est la suivante : ceci a trait à des

7 personnes résidant sur le territoire de la communauté croate de Herceg-

8 Bosna.

9 Permettez moi d'ajouter ceci : dans les préambules des documents

10 portant création de la communauté, on met expressément l'accent sur

11 l'élément ethnique puisque l'on fait référence aux intérêts des Croates.

12 Permettez-moi de vous rappeler qu'étant donné la composition des organes

13 de la communauté croate de Herceg-Bosna -je pense ici surtout à la

14 présidence- il apparaît clairement que seuls les citoyens des cités

15 croates peuvent être membres de ces organes. Toutefois si l’on parle de

16 façon générale de la question de citoyenneté en Herceg-Bosna, je ne peux

17 dire que ceci s'applique uniquement à des personnes d'origine ethnique

18 croate. Mais je pense que nous allons revenir sur ce point à l’examen

19 d'autres documents qui font plus spécifiquement état de la citoyenneté.

20 M. le Président. - Je voudrais simplement compléter la question

21 de mon collègue. Cela veut dire que les pénalités, par exemple, vont être

22 appliquées à un citoyen qui s'est déclaré croate ? Puisque sur ces

23 territoires, il n’y a pas que des Croates. Je suis allé voir les pénalités

24 des personnes morales et des personnes physiques -c'est un article qui est

25 plus loin- la pénalité va s'appliquer en vertu de quel critère ? Va-t-on

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1 dire : « Vous êtes Croate, vous êtes déclaré croate ?" C'est en

2 complément de la question de mon collègue que me vient à l'esprit cette

3 question.

4 M. Pajic (interprétation) - Pour ce qui est des pénalités et des

5 dispositions y afférant (mesures disciplinaires par exemple), au vu de ces

6 documents C, apparemment ces pénalités s'appliquent à tous les citoyens de

7 la communauté croate de Herceg-Bosna. Je réitère le fait que quand on

8 parle de citoyens, on parle de personnes qui résident sur ce territoire.

9 M. le Président. - Merci. Monsieur le procureur...

10 M. Cailey (interprétation) .- Une question : Monsieur Pajic,

11 pourrait-on tirer au clair l'article 7 ? On parle ici de réquisitions

12 unilatérales de biens civils par le HVO. Est-ce là l'effet obtenu par cet

13 article 7 ?

14 M. Pajic (interprétation) - Effectivement, je pense que c'est

15 bien la procédure de réquisition de biens matériels, procédure mise en

16 place par le HVO.

17 M. Cailey (interprétation). - Pouvons-nous examiner l'article 23

18 du présent décret ? Veuillez-nous donner lecture de cet article et

19 l'expliquer ensuite à l'attention du Tribunal.

20 M. Pajic (interprétation). - L'article 23, je cite, nous dit :

21 «En toutes circonstances, lorsqu'il y a des opérations de combat, les

22 membres des forces armées sont tenues de respecter les dispositions du

23 Droit international de la guerre, s'agissant notamment de l'attitude

24 humaine à adopter en présence d'un ennemi ou d'un prisonnier blessé, de la

25 protection de la population et des autres règles prévues dans ce cadre.».

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1 C’est un article bienvenu dans un document de cet ordre, mais

2 cela indique une fois de plus que la communauté croate d’Herceg-Bosna

3 s'attribue les propriétés d'un Etat en tant que tel.

4 Seule une entité qui a un statut d'Etat en,droit international,

5 seule une entité de ce genre a le droit de prendre des mesures de ce

6 genre, pour ce qui est aussi du respect des dispositions du Droit

7 international. Une communauté qui n'est pas un Etat, au sens du droit

8 international, ne serait pas en mesure de prendre des décisions de ce

9 genre.

10 M. Cailey (interprétation). - Pouvons nous examiner l'article 28

11 de cette décision, page 19 en français ? La phrase est courte, mais je

12 vous serais reconnaissant de la lire à l'intention du Tribunal.

13 M. Pajic (interprétation). -L'article 28 dit ceci : «Les forces

14 armées de la HZHB utilisent la langue croate et l'alphabet latin.».

15 M. Cailey (interprétation). - Merci. Je crois que l'article 29

16 du présent décret établit la direction et le commandement, ainsi que le

17 contrôle des forces armées. Pourriez-vous expliquer à la Cour qui devient

18 le Commandant en chef des forces armées de la HZHB ?

19 M. Pajic (interprétation). - En vertu de l'article 29, cela est

20 clairement dit, le commandant suprême des forces armées est le président

21 de la présidence de Herceg-Bosna.

22 Permettez-moi d'ajouter cependant qu'à mon avis, il faut lire

23 cet article en même temps que l'article 11 du même décret.

24 Cet article 11 dit : «En matière d'exécution des activités

25 relatives à la défense, un état-major suprême sera mis sur pied et c'est

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1 le commandant en chef qui définit la structure de l'état-major général.».

2 C'est donc le président de la présidence qui va effectivement

3 -je cite- «en cas de guerre constituer un cabinet de guerre ". C'est le

4 commandement en chef, lui aussi, qui «nomme les membres du cabinet de

5 guerre », le commandant étant le président de la présidence.

6 Il faut lire ensemble l'article 11 et l'article 29. Cela nous

7 permet de voir quel est le système global pour le commandement dans la

8 communauté en temps de guerre.

9 M. Cailey (interprétation). - Revenons à l'article 29, page 7.

10 Pourriez-vous lire cela à l'intention de la Cour ?

11 M. Pajic (interprétation). - Point 7 de l'article 29 : «Le

12 commandant en chef nomme les dirigeants de l'armée et leur affecte des

13 missions conformément au règlement en vigueur.».

14 M. Cailey (interprétation). - Puis-je vous demander de parcourir

15 l'article 32 qui se trouve en français en fin de page 19 ? C'est une

16 disposition importante du présent décret. Veuillez la lire et puis

17 l'expliquer.

18 M. Pajic (interprétation). - Je vous en donne lecture : "Le

19 commandement des forces armées s'appuie sur les principes suivants :

20 A) Unité du commandement et obligation d'exécuter les décisions,

21 les ordres ou les instructions d'un commandant déterminé.

22 B) Tout commandant des forces armées est responsable, devant son

23 supérieur, de son travail, ainsi que des instructions et des ordres

24 émanant de lui."

25 Il résulte de l'article 32 que le principe de la subordination a

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1 été appliqué de façon stricte. Il en est de même pour ce qui est de la

2 responsabilité hiérarchique au sein des structures de la communauté croate

3 d’Herceg-Bosna.

4 M. Cailey (interprétation). - Je voudrais maintenant vous

5 renvoyer à l'article 34 qui se trouve un peu plus loin. Pourriez-vous, je

6 vous prie, vous contenter de lire les trois premières lignes de cet

7 article ?

8 M. Pajic (interprétation). - L'article 34 traite de la

9 nomination et du limogeage des commandants des forces armées.

10 Il stipule que les personnes suivantes sont responsables de

11 cette nomination et de ce limogeage, d'abord, le président de la

12 présidence de la HZHB pour les commandants de brigade et les officiers

13 supérieurs.

14 Ensuite, et on passe à un niveau directement inférieur, le

15 Conseil croate de la défense nomme et limoge les commandant de bataillons

16 et de compagnies, ainsi que les autres officiers. Enfin, les commandants

17 de brigade nomment et limogent les commandantsde peloton, de détachement

18 et autres sous-officiers.

19 Si vous me le permettez, je pense pouvoir dire qu'il ressort de

20 cet article 34 -et je m'en tiendrai au niveau supérieur de nomination et

21 limogeage- que le président de la présidence de la HZHB a, à l'évidence,

22 un rôle tout à fait important en ce qui concerne la nomination et le

23 limogeage des personnes dont il est responsable, à savoir les commandants

24 de brigade et officiers supérieurs.

25 Au niveau directement inférieur, c'est le conseil croate de la

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1 défense qui nomme et limoge les commandants de bataillon, de compagnies et

2 autres officiers.

3 A ce sujet, je rappellerai que le président du HVO est la même

4 personne que le président de la présidence au sein de la communauté croate

5 de d’Herceg-Bosna.

6 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais maintenant vous

7 renvoyez à l'article 37. Pourriez-vous expliquer cette disposition au

8 Tribunal ?

9 M. Pajic (interprétation). - C’est une disposition très brève

10 qui stipule que la mobilisation des forces armées est décidée par le

11 président de la communauté croate d’Herceg-Bosna. Donc, la décision

12 relative aux forces armées est entre les mains du président de cette

13 entité.

14 M. Cailey (interprétation). - Je voudrais maintenant vous

15 renvoyer aux articles 43 et 44. Je ne vous demande pas d'en donner

16 lecture, pour que nous avancions plus rapidement, mais pourriez-vous

17 expliquer brièvement leur contenu au Tribunal ?

18 M. Pajic (interprétation). - Ces articles sont importants car

19 ils traitent clairement de l'identité autonome de la communauté croate

20 d’Herceg-Bosna, puisque les diverses unités des forces armées de cette

21 communauté possèdent leur propre drapeau et leur propre blason.

22 Il est expliqué que le drapeau est le drapeau historique de la

23 Croatie. A l'article suivant, ce drapeau est décrit en détail.

24 M. Cailey (interprétation). - Prenons maintenant, si vous le

25 voulez bien, l'article 63 de ce décret, Monsieur Pajic. Il s'agit d'un

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1 élément très significatif de la décision. J'aimerais que vous en

2 expliquiez la teneur au Tribunal, je vous prie.

3 M. Pajic (interprétation). - Par cette disposition de

4 l'article 63, les dispositions de certaines lois relatives à la défense,

5 en vigueur dans l'ex-ougoslavie, c'est-à-dire dans la République

6 socialiste fédérative de Yougoslavie, sont déclarées hors la loi, ainsi

7 que toute autre disposition qui serait contraire à la présente disposition

8 de la HZHB.

9 Ce qui signifie que, de jure également, la communauté croate

10 d’Herceg-Bosna supprime toute relation, tout lien, avec le système

11 préalablement en vigueur au sein de la Yougoslavie, donc avec l'ancienne

12 armée populaire yougoslave.

13 Ce sont les conclusions que l’on peut tirer de cet article.

14 M. Cailey (interprétation). - Enfin Monsieur Pajic, vous avez

15 dit clairement ne pas être un expert militaire. Mais, s’agissant de

16 l'impression générale que vous fait ce document, diriez-vous que c'est un

17 document bien organisé, bien structuré, qui montre l'existence d'une armée

18 bien organisée, bien structuréeet moderne ? Qu'en pensez-vous ?

19 M. Hayman (interprétation). - Le témoin a dit ne pas être expert

20 en la matière, donc j'émets une objection.

21 M. le Président. - Le témoin a énoncé une opinion. J’ai

22 l'impression que c'est l'accusation qui a dit que le témoin n'était pas

23 expert en la matière.

24 Monsieur le Procureur, vous pouvez répéter la phrase que vous

25 avez dit ? Vous avez dit : «bien que vous ne soyez pas expert militaire»,

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1 c’est cela ?

2 M. Cailey (interprétation). - Le témoin a déclaré

3 antérieurement, Monsieur le Président, que bien qu'expert en matière

4 constitutionnelle, il n'est pas vraiment expert en question relative aux

5 forces armées, en aspect militaire.

6 Donc je lui demande simplement de donner une impression générale

7 par rapport à ce document. Donne-t-il le sentiment qu'il existe une

8 structure de commandement bien organisée et bien structurée ? Je crois que

9 c'est une question tout à fait acceptable.

10 M. le Président. - L'objection n'est pas accordée. Le témoin a

11 dit qu'il n'était pas expert militaire. Cela a été acté.

12 Le Procureur l'a bien noté. Le Procureur termine, ou en tout cas

13 sur ce plan de ce décret, estime qu'il doit apporter une impression

14 générale qui, pour l'instant, n'est pas une impression militaire. Donc,

15 l’objection tombe.

16 Monsieur le Procureur, veuillez continuer.

17 M. Cailey (interprétation). - Je vous en prie, poursuivez

18 Monsieur Pajic.

19 M. Pajic (interprétation). - En bref, je répéterai ce que j'ai

20 déjà dit au débat de l'analyse que j'ai faite de décret.

21 Mon impression, sur la base des termes juridiques utilisés dans

22 ce décret, est qu'il s'agit d'un système cohérent de défense, à savoir

23 celui de la communauté croate d’Herceg-Bosna, cohérente dans toutes ces

24 composantes, c'est-à-dire du point de vue des structures de commandement,

25 du point de vue de la définition claire des liens de subordination, du

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1 point de vue des armements, du point de vue des responsabilités.

2 Enfin j'ajouterai quelque chose qui, peut-être, ne saute pas aux

3 yeux à première vue. Ce qui est contenu dans l'article 62 qui traite des

4 droits particuliers des membres des forces armées de la communauté croate.

5 Il y est stipulé que ces membres des forces armées ont droit à la

6 protection de la santé, à une retraite et à une pension d'invalidité, aux

7 allocations familiales, etc.

8 Pourquoi pensais-je que cela est pertinent ? Parce que dans

9 l'ancienne armée populaire yougoslave, il existait effectivement un

10 système qui privilégiait les forces armées de l'ex-Yougoslavie, dans le

11 sens que les membres des forces armées possédaient leur système de

12 protection de santé organisée de façon spécifique. Elles possédaient un

13 système de retraite qui ne correspondait pas, qui n'était pas identique à

14 celui des autres citoyens civils.

15 M. Cailey (interprétation) - - Merci, Monsieur Pajic.

16 J'aimerais maintenant vous renvoyer à la page 24 de la version

17 anglaise qui est le décret suivant page 26 en traduction française, à

18 savoir le décret relatif au transfert à la Communauté croate d'Herceg-

19 Bosna des actifs de la JNA et du SSNO. Monsieur Pajic, quel est l'objet de

20 ce décret ?

21 M. Pajic (interprétation) - L'objet de ce décret correspond, en

22 fait, à ce qui arrive souvent dans des conflits armés. Il était prévisible

23 que la Communauté croate adopterait un décret de ce genre dans les

24 circonstances où elle se trouvait. C'est un décret qui concerne les actifs

25 de l'armée populaire yougoslave et du Secrétariat Fédéral pour la Défense

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1 Nationale de l'ex-Yougoslavie ; en fait, il est ici question

2 d'expropriation de l'armée populaire yougoslave et du Secrétariat Fédéral

3 pour la Défense, je crois que c'est le terme qui s'applique.

4 Ce décret ne me pose pas de problème de principe, dirai-je,

5 mais je remarque immédiatement, à la lecture, que la République de Bosnie-

6 Herzégovine est exclue dans sa totalité de ce qui pourrait profiter des

7 actifs de la JNA et du SSNO. La République de Bosnie-Herzégovine n'est

8 stipulée nulle part dans ce décret comme étant, pourrait-on dire,

9 l'héritier unique et légitime des actifs présents sur le territoire, donc

10 des actifs de la JNA. Il est donc question de la reprise des actifs de la

11 JNA par la HZHB, en contournant complètement la légitimité de la Bosnie-

12 Herzégovine, une des anciennes républiques yougoslaves qui aurait pu

13 participer à ce processus.

14 M. Cailey (interprétation) - Est-ce l'exercice d'une

15 prérogative d'Etat ?

16 M. Pajic (interprétation) - Oui, cela en a l'air.

17 M. Cailey (interprétation) - J'aimerais maintenant vous

18 renvoyer à la page 26 en versions croate et anglaise et à la page 28 en

19 langue française ; il s’agit du décret relatif à la confiscation et au

20 transfert des biens de l’occupant.

21 Je suppose que ce document ressemble beaucoup aux derniers dont

22 nous devenons de discuter. Pourriez-vous expliquer la nature de ce décret

23 au Tribunal ?

24 M. Pajic (interprétation) - Il existe des analogies entre ces

25 deux documents mais dans le deuxième décret, il est question de

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1 confiscation des biens ayant appartenu à des personnes qui résidaient dans

2 les pays définis comme occupants par rapport à la Communauté croate de

3 Bosnie-Herzégovine. Il y est donc stipulé que sont confisqués les biens

4 ayant appartenu à des organismes ou à des organisations de l'ex-Fédération

5 Yougoslave, les biens ayant appartenu aux entreprises et à d'autres

6 entités morales sises en Serbie et au Monténégro, ainsi que les biens

7 ayant appartenu à des personnes privées, à des personnes physiques, qui

8 ont la citoyenneté serbe ou monténégrine et qui ont pris parti pour

9 l'occupant dans des activités hostiles.

10 Il est donc question d'une mesure très large, de nature

11 étatique, dans laquelle des biens privés sont confisqués, car en fait,

12 nous sommes en présence ici principalement de biens appartenant à des

13 personnes privées et qui deviennent donc propriété de la Communauté croate

14 d’Herceg-Bosna.

15 M. Cailey (interprétation) - Merci. Je voudrais que vous vous

16 référiez maintenant à la page 27 en croate et en anglais, à savoir à la

17 page 29 en français. C'est un décret sur les entreprises publiques, sises

18 sur le territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna. Pouvez-vous

19 nous expliquer l'objet de ce décret et sa signification réelle ?

20 M. Pajic (interprétation) - Pour ceux qui connaissent

21 l’histoire moderne du système économique de l'ex-Yougoslavie, les choses

22 seront claires lorsque j'aurai dit que par ce décret, on traite de la

23 « propriété sociale » comme on l'appelait. Je sais bien que ce sont là des

24 termes difficilement explicables en terminologie internationale, mais ce

25 qui composait cette propriété sociale c'étaient les sociétés, les

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1 entreprises publiques qui existaient dans l'ex-Yougoslavie et plus

2 particulièrement dans la République de Bosnie-Herzégovine. Ces entreprises

3 deviennent propriété commune de la Communauté croate d’Herceg-Bosna et si

4 nous prenons l'article 1, nous voyons que ceci est fait dans l'intérêt du

5 développement et de la défense des ressources écologiques et naturelles

6 des peuple Croates et autres peuples résidant dans la Communauté croate

7 d’Herceg-Bosna.

8 Je cite ceci parce qu'il n'est pas question ici de danger de

9 guerre, il s'agit d'un acte qui est décidé en temps de paix, et par cet

10 acte, les entreprises publiques deviennent la propriété de « l'Etat ». En

11 tout cas, elles deviennent la propriété de cette entité qui s'appelle

12 Communauté Croate d’Herceg-Bosna. En outre, à l'article 3, il est question

13 de la façon dont sont gérées ces entreprises publiques et il est stipulé

14 que ces entreprises publiques seront administrées par un comité de gestion

15 nommé par le Conseil croate de Défense. Ceci est un élément de plus qui

16 montre quel degré de centralisation est établi et à quel point le pouvoir

17 est monopoliste, non seulement au niveau du pouvoir politique, mais

18 également au niveau du pouvoir économique puisque celui-ci aussi est aux

19 mains du Conseil croate de Défense.

20 Quant aux genres d'activité des entreprises publiques, il s'agit

21 de la production du transport et de la distribution de l'énergie

22 électrique, des postes et télécommunications, des chemins de fer, de

23 l'eau, des forêts, des mines, du transport routier, des moyens

24 d'information, radio, télévision de la Communauté croate, et de

25 l'industrie d'armement. Et par industrie d'armement, dans notre langue, on

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1 parlait en fait de l'industrie qui servait les besoins de la guerre.

2 M. Cailey (interprétation) - Est-il donc exact de dire,

3 Monsieur Pajic, que, par cette décision le HVO commandait tous les

4 domaines de l'existence sur le territoire de la Communauté croate ?

5 M. Pajic (interprétation) - Effectivement, c'est un pas de plus

6 qui va vers la prise de l'espace laissé encore libre, et cette prise est

7 effectuée par le Conseil croate de Défense.

8 M. Cailey (interprétation) - Merci. Je vous renvoie maintenant

9 à la page 29 en version croate et anglaise, qui est à la page 31 en

10 version française,. Il s'agit d'un décret relatif à l'application de la

11 loi sur les délits. Nous en arrivons ici à des questions d'ordre

12 judiciaire, liées au fonctionnement des tribunaux. Pouvez-vous nous

13 expliquer quelle est l'incidence de cette décision, je vous prie ?

14 M. Pajic (interprétation) - J'ai dit jusqu'à présent que le

15 Conseil croate de la Défense s'arrogeait des prérogatives législatives

16 économiques et administratives ; nous venons de voir les dispositions qui

17 lui donnent des compétences économiques. Je n'avais pas encore parlé du

18 système judiciaire de la fonction des tribunaux. A mon avis, ce décret est

19 le premier qui montre que les fonctions judiciaires y compris sont

20 reprises par le HVO au sein du HZHB.

21 A l'article 4, il est stipulé clairement que le Tribunal

22 correctionnel reprend toutes les attributions et toutes les fonctions du

23 Tribunal Républicain de Police. Il est question là du Tribunal de Police

24 de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc, un système indépendant est

25 mis en place, un système de tribunaux correctionnels qui a compétence sur

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1 le territoire de la Communauté croate d’Herceg-Bosna.

2 M. Cailey (interprétation) - J'aimerais vous renvoyer à

3 l'article 6 de ce décret qui traite de la nomination des juges. Pouvez

4 vous expliquer cet article au Tribunal ?

5 M. Pajic (interprétation) - Cet article est intéressant en ce

6 que c'est la première fois que l'acte de nomination n'est pas exécuté par

7 le HVO. Le Président et les juges du Tribunal Correctionnel sont nommés et

8 démis de leurs fonctions, je cite « par décret du Chef du Département de

9 la Défense sur proposition du Chef du Département de la Justice et de

10 l'Administration de l’HZHB"

11 Ceci m'amène à la conclusion que le HVO, en tant que pouvoir

12 exécutif -et j'ai parlé, me semble-t-il, de l'article 20 du décret portant

13 sur la création du pouvoir exécutif-, en tant que bras du système

14 exécutif, et la structure hiérarchique dans laquelle intervient le HVO,

15 fonctionnent effectivement. Ici il est dit qu'un département, un

16 organisme, ou ce que l'on pourrait appeler un ministère dans un langage

17 plus courant, prend de façon indépendante la décision de nommer et de

18 démettre de leurs fonctions le Chef du Département de la Défense, sur

19 proposition, est-il vrai, du Chef du Département de la Justice et de

20 l'Administration du HZHB. Mais le HVO fonctionne bien dans le cadre d'un

21 Etat, comme le fait un cabinet en distribuant certaines responsabilités et

22 compétences relevant de lui.

23 M. Cailey (interprétation) - Et les deux départements que vous

24 avez cités sont bien contrôlés par le HVO, n’est-ce pas ?

25 M. Pajic (interprétation) - . Oui, ils sont en fait des

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1 composantes du HVO, en tant qu'organe du pouvoir exécutif.

2 M. Cailey (interprétation) - Donc, le HVO nomme bien les

3 responsables du système judiciaire dans ce cadre ?

4 M. Pajic (interprétation) - Oui, bien sûr, les nominations

5 peuvent porter le nom du HVO, mais l’acte formel de nomination relève du

6 Chef du Département de la Défense.

7 M. Cailey (interprétation) - J'aimerais maintenant vous

8 renvoyer à l'article 11 de cette décision et vous demander d’en donner

9 lecture.

10 M. Pajic (interprétation) - Les sommes en dinars prescrites dans

11 la loi sur les délits sont converties en dinars croates et exprimées dans

12 un montant nominal identique.

13 M. Cailey (interprétation) - Donc, le système des amendes est

14 exprimé en monnaie croate, n'est-ce pas ?

15 M. Pajic (interprétation) - Le système de sanctions financières

16 est effectivement exprimé dans la devise qui est la monnaie nationale de

17 la République de Croatie.

18 M. Cailey (interprétation) - Je vous renverrai maintenant à la

19 page 31 de votre volume en anglais et en croate et à la page 33 de la

20 version française. Il s'agit d'un décret relatif au traitement des

21 personnes faites prisonnières lors de conflits armés. Pourriez vous

22 expliquer la nature de ce décret au Tribunal ?

23 M. Pajic (interprétation) - Encore une fois, sur les bases du

24 droit international humanitaire, sur un plan formel, c’est une disposition

25 qui est la bienvenue. Il y est stipulé que les membres des Forces Armées,

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1 qu'elles appartiennent à l'armée d'active ou de réserve, et les autres

2 personnes faites prisonnières lors de conflits armées contre la Communauté

3 croate d’Herceg-Bosna, doivent être traitées conformément aux dispositions

4 régissant le traitement des prisonniers de guerre en date du 12 août 1949.

5 M. Cailey (interprétation) - Quel est l'effet de l'article 2 de

6 cette décision ?

7 M. Pajic (interprétation) - L'article 2 de ce décret implique

8 que, sur le territoire du HZHB, un certain nombre de lieux sont définis

9 dans lesquels seront installés les prisonniers de guerre, donc des centres

10 spécifiques dans lesquels, conformément aux dispositions des conventions

11 de Genève, les prisonniers de guerre doivent être installés.

12 M. Cailey (interprétation) - Ce décret définit-il clairement

13 l'identité des personnes qui sont responsables de ces lieux de détention

14 ou de ces prisons ?

15 M. Pajic (interprétation) - La responsabilité de la gestion de

16 ces prisons, comme vous dites, est entre les mains du Département de la

17 Justice, en coopération encore une fois avec le Département de la Défense

18 et le Département de l'Intérieur.

19 D’après ce que je comprends, trois organes sont responsables

20 ensemble et les trois personnes responsables sont le Chef du Département

21 de la Justice, de la Défense et de l'Intérieur.

22 M. Cailey (interprétation) - J'aimerais vous renvoyer à

23 l'article 3 qui traite de la gestion de ces installations. Pourriez-vous

24 l'expliquer au Tribunal ?

25 M. Pajic (interprétation) - Cet article est très clair, il ne

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1 comporte que quelques mots qui stipulent que le Département de la Défense

2 administre les sites visés à l'article 2. Donc, le Département de la

3 Défense ou le Département du HVO spécialement chargé de la Défense est

4 responsable de l’administration des sites dans lesquels sont installés les

5 prisonniers de guerre.

6 M. Cailey (interprétation) - Merci. J'aimerais maintenant vous

7 renvoyer à la page 32 en version anglaise et croate, à savoir la page 34

8 en version française.

9 Pourriez-vous très brièvement expliquer la teneur de cette

10 décision au Tribunal et nous dire quelles sont vos impressions, quelles

11 sont les conclusions que vous avez pu tirer à partir de cette décision ?

12 M. Pajic (interprétation) - En termes très généraux, je peux

13 dire que cette décision, de même que la décision précédente ou plutôt le

14 décret précédent au sujet des forces armées de l’HZHB, traitent clairement

15 d'un système qui est tout à fait bien fini, un système de défense qui

16 s'applique aux membres des forces armées.

17 Ici, il est question très concrètement des rémunérations et

18 autres indemnités financières versées aux membres des Forces Armées ; des

19 barèmes sont stipulés en dinars yougoslaves ainsi que divers éléments qui

20 régissent la distribution de ces rémunérations en cas de décès, etc.. Il

21 est donc question d'un système tout à fait détaillé qui prouve aux membres

22 des Forces Armées qu'ils seront payés pour leur travail au sein des Forces

23 Armées, qu'ils bénéficieront d'une certaine sécurité en cas de blessure,

24 que leur famille aura droit à une pension en cas de décès, etc..

25 M. Cailey (interprétation) - Quel degré d’organisation interne

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1 ces dispositions vous semblent elle prouver ?

2 M. Pajic (interprétation) - Une telle décision, je le dis de

3 façon très nette, ne pouvait être adoptée que dans le cadre d'un système

4 où existe une organisation interne très forte, très bien structurés.

5 M. Cailey (interprétation) - J'aimerais maintenant vous renvoyer

6 à la page 34 en version anglaise et croate, page 36 en version française,

7 et je vous demanderai de nous dire quelle est la conclusion à laquelle

8 vous avez abouti à la lecture de cette décision qui porte sur

9 l'attribution des grades, la promotion à un grade supérieur.

10 M. Pajic (interprétation) - Comme c'était le cas pour la

11 décision précédente, celle-ci est également impressionnante par sa clarté,

12 par la définition précise des rangs, la définition précise des systèmes de

13 promotion applicables au Forces Armées de la HZHB.

14 M. Cailey (interprétation) - Je vous renverrai plus précisément

15 à l'article 3. Y a t-il équivalence des grades dans l'ancienne JNA avec

16 les grades dans le nouveau HVO ?

17 M. Pajic (interprétation) - . L'article 3 sert une fonction bien

18 précise. Il doit permettre à ceux qui ont atteint un certain grade dans

19 l'ancienne armée populaire yougoslave de conserver ce grade, y compris

20 dans les Forces Armées du HZHB. C'est la raison qui préside à la rédaction

21 de cet article 3 qui serait ce que l'on pourrait appeler une table de

22 conversion en anglais. C'est le terme qui s'applique, je crois, au contenu

23 de l'article 3.

24 M. Cailey (interprétation) - J'aimerais maintenant vous

25 renvoyer à l'article 7 de ce décret. Pourriez-vous brièvement expliquer au

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1 Tribunal la première phrase en particulier de cet article 7 ?

2 M. Pajic (interprétation) - La première phrase de l'article 7

3 donne compétence au Président de la Communauté Croate d’Herceg-Bosna de

4 décerner le grade d'officier d'active ou de réserve au sein des forces

5 armées, et ce sur proposition du Chef du Département de la Défense.

6 A mon avis, je crois l’avoir déjà dit lorsque nous parlions

7 d'une décision précédente, il est question ici du fait que le Président du

8 HZHB avait compétence dans la nomination individuelle personnelle des

9 membres des Forces Armées lorsqu'il était question des officiers des

10 Forces Armées de la HZHB ; je crois que cette compétence était une

11 constante.

12 M. Cailey (interprétation) - Monsieur le Président, nous sommes

13 arrivés au bout du document. Je ne sais pas si vous estimez que c'est le

14 bon moment pour faire la pause déjeuner ?

15 M. le Président - Je pense que c'est le bon moment. Nous allons

16 terminer nos travaux puisque cette semaine nous ne siégeons que le matin

17 jusqu'à jeudi inclus, pour laisser la salle d'audience dans le cadre d'un

18 autre procès. Donc, nous nous donnons rendez-vous à demain matin 10

19 heures. L'audience est levée.

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21 (L’audience est levée à 13 heures)

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