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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
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5 Mardi 1er juillet 1997
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9 L'audience est ouverte à 10 heures 05 sous la présidence de M. Jorda.
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13 M. le Président. - Monsieur le greffier, pouvez-vous faire
14 entrer l'accusé s'il vous plaît ? Tout le monde m’entend-il bien ? Tous
15 les problèmes techniques sont-ils réglés ? La défense m'entend-elle bien ?
16 Monsieur Blaskic, m'entendez-vous ?
17 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président,
18 je vous entends bien.
19 M. le Président. - Monsieur le procureur, les ennuis techniques
20 sont-ils réparés ? Nous pouvons donc reprendre à l'endroit où M. Cailey
21 s’était arrêté hier.
22 Nous reprenons donc à 10 heures et en principe nous ferons notre
23 pause vers 11 heures - 11 heures 15. Cela vous permettra de vous régler
24 sans interrompre bien sûr un témoignage. Monsieur le procureur, vous avez
25 la parole.
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1 M. Cailey (interprétation) - Bonjour monsieur le Président,
2 bonjour Messieurs les juges. Nous aimerions poursuivre. Avec votre
3 permission, monsieur le Président, nous allons continuer l’interrogatoire
4 de M. Zoran Pajic.
5 (L'huissier introduit le témoin, M. Pajic, dans la salle
6 d'audience.)
7 M. le Président. - Bonjour, Monsieur le professeur, on va vous
8 installer comme vous l'étiez hier. Asseyez-vous.
9 M. Zoran Pajic (interprétation) - Merci.
10 M. le Président. - La parole est à Monsieur le procureur.
11 M. Cailey (interprétation) - Merci monsieur le Président.
12 Pendant que le témoin s'installe, j'aimerais rappeler à toutes les
13 personnes présentes dans la salle d’audience que nous sommes pour le
14 moment en train d'entendre le témoignage de M. Pajic.
15 A l'instant même, nous étions en train d'étudier ou nous
16 faisions référence aux pièces 38 A, B et C. Il s’agissait des extraits
17 sélectionnés de la Narodni List par M. Pajic. Rappelez-vous, il y a trois
18 versions différentes.
19 Hier, nous en étions restés à la page 37 dans les versions
20 croate et anglaise ; il s'agissait de la page 40 dans la version
21 française. Il s'agit en fait de la partie n° 2 dans le classeur, et à
22 l'intérieur de cette partie n° 2 de la page 40 pour la version française.
23 Monsieur Pajic, êtes-vous prêt ?
24 M. Zoran Pajic (interprétation). - Oui.
25 (L'huissier transmet des documents au témoin).
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1 M. Cailey (interprétation) - Monsieur Pajic, puis-je vous
2 demander de consulter la page 40 (37 dans votre version) ? Il s'agit du
3 règlement sur la discipline militaire. Sans trop entrer dans le détail de
4 ce document volumineux, pourriez-vous nous expliquer de façon générale les
5 instructions qui sont ici données ?
6 M. Pajic (interprétation) - Ce document est un recueil de règles
7 relatives à la discipline militaire. Je vous le disais hier, Monsieur le
8 Président, Messieurs les juges, c'est seulement à titre de juriste que je
9 peux parler de ce document. Je n'entrerai donc pas dans la terminologie
10 militaire. Le contenu militaire ne sera donc pas abordé par moi.
11 Sous cet angle, je peux dire tout d'abord que c'est un document
12 inhabituel dans le volume des informations. Ce document montre que le
13 législateur, ou du moins les personnes qui ont oeuvré à établir cette
14 législation, ont consacré une attention toute particulière au règlement
15 sur la discipline militaire. C'est là le titre, l'intitulé.
16 En effet, je crois que si ce n'est pas le plus long document que
17 j'ai eu l'occasion d'examiner, c'est l'un des plus longs, en tout cas l’un
18 des plus complets. Il y a 112 articles compris dans ce règlement.
19 Nous y trouvons tout d'abord des dispositions régissant de façon
20 très claire les mesures disciplinaires. Il y a une section spéciale
21 consacrée aux sanctions et peines disciplinaires. Cette procédure a été
22 élaborée dans le détail et il y a beaucoup de dispositions concrètes. Sous
23 l'angle procédural, juridique, c'est donc un document très détaillé, et on
24 y trouve aussi la structure des cours martiales ou disciplinaires.
25 M. Cailey (interprétation). - Ce document, quand est-il entré en
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1 vigueur ? Quelle date peut-on lui donner à ce document ?
2 M. Zoran Pajic (interprétation). - Il est en date du
3 3 juillet 1992, et il a été signé par le Président du Conseil croate de la
4 défense et de la Communauté croate de Herceg-Bosna. C'est donc une seule
5 et même personne qui a signé ce document dans le cadre de ces deux
6 fonctions.
7 M. Cailey (interprétation). - Vous l’avez déjà dit, ceci montre
8 une structure cohérente fondée sur la subordination, n'est-ce pas ?
9 M. Zoran Pajic (interprétation). - Je dois le répéter, une fois
10 de plus, même si je l'ai déjà souvent dit hier, lors de ma déposition. A
11 nouveau, c'est un document tout à fait cohérent qui montre parfaitement
12 comment s’appliquait le principe de subordination. Il y a une hiérarchie
13 très claire pour ce qui est de l’exécution des ordres et du maintien de la
14 discipline en Herceg-Bosna.
15 Je répète aussi, ici à titre de juriste, que j'ai toujours
16 invariablement l'impression que c'est là un exemple excellent des
17 compétences juridiques qui ont été mises en oeuvre dans la rédaction de ce
18 document.
19 M. Cailey (interprétation) - Merci, Monsieur Pajic. Si vous
20 n'avez pas d'autres informations à nous fournir à l'encontre de ce
21 document, je vous demanderai d'examiner la page 53 dans les textes croate
22 et anglais; il s'agit de la page 60 dans la version française, décision
23 relative à l'établissement des critères pour la détermination des données
24 couvertes par le secret défense et aux procédures spéciales et générales
25 en vue de leur protection.
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1 Avez-vous des commentaires généraux à nous donner à propos de ce
2 document ?
3 M. Pajic (interprétation). - Cette décision établit les critères
4 pour la définition des données couvertes par le secret Défense relevant de
5 la sphère d'activité des organes administratifs ainsi que pour la
6 protection des procédures. C'est un document assez complet au vu de la
7 matière qui est ici régie.
8 Il y a 24 articles dans cette décision et je crois qu'elle est
9 assez symptomatique, et illustrative. Mettons l'accent sur la partie
10 liminaire, sur l'introduction de ce document. On y voit que les forces
11 armées de Herceg-Bosna fonctionnaient en pratique. L'article 10,
12 paragraphe 4 : "HZ-HB, les fonctions d'adoption de ce document ont été
13 déléguées ou dévolues au responsable du département de la Défense qui a eu
14 pour tâche d'adopter ce document et de le signer.
15 M. le Président - Vous citez, j'espère être sur le bon document
16 de la version française. S’agit-il bien de l’article 10, paragraphe 4. Je
17 n'ai pas d'article 10 paragraphe 4, mais je dois certainement faire une
18 erreur.
19 M. Cailey (interprétation) - Monsieur le Président, en fait, le
20 témoin fait état d'un autre document, le décret sur les Forces armées de
21 la Communauté croate de Herceg-Bosna, qui commence à la page 12 dans le
22 texte anglais, et il fait référence à l'article 10 de ce texte-là, qui
23 confie à certains fonctionnaires du HVO le pouvoir d'adopter une
24 législation dérivée ou déléguée.
25 M. le Président - De quel décret s'agit-il ? Pouvez-vous me le
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1 donner car je ne vois pas où il est.
2 M. Cailey (interprétation). - Il s'agit du décret relatif aux
3 forces armées de la Communauté croate page 12.
4 M. le Président. - Page 12 de la version française et c'est
5 l'article 10.
6 M. Cailey (interprétation) - C’est exact, monsieur le
7 Président..
8 M. le Président. - Celui-ci parle des structures de direction et
9 de commandement des Forces armées, c'est bien cela dans la version
10 française ?
11 M. Cailey (interprétation) - C’est l’article 10-4 effectivement,
12 les structures de direction et de commandement des Forces armées.
13 M. le Président. - D'accord, merci monsieur.
14 M. Cailey (interprétation). - Veuillez poursuivre,
15 Monsieur Pajic.
16 M. Pajic (interprétation). - Excusez-moi, si j'ai ainsi semé la
17 confusion, je n'ai peut-être pas été suffisamment clair, je n'ai peut-être
18 pas expliqué pourquoi je faisais référence à ce décret sur les Forces
19 armées de la Communauté croate.
20 J'y ai fait référence parce que ce décret est mentionné dans le
21 préambule de la décision établissant les critères permettant d'assurer le
22 secret de la Défense. Je voulais souligner le fait que ce système, en
23 fait, a été élaboré à partir du décret sur les Forces armées et pour
24 montrer que ces forces étaient vraiment effectives, à savoir que certains
25 départements du Conseil croate de la Défense ont pris en main les
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1 fonctions que leur accordait ce décret sur les Forces armées de la
2 Communauté croate de Herceg-Bosna. Le principe était celui de la
3 délégation des responsabilités. Etant donné ce principe, c'est le chef du
4 département de la Défense du HVO, et non pas le président du HVO, qui
5 avait signé ceci, alors que c'était souvent le cas dans d'autres décrets.
6 S'agissant du contenu même de cette décision, je préciserai que
7 ce système, avec ses règles, normes et principes, détermine ce que sont
8 des données confidentielles, qui les gère, et à quel niveau elles peuvent
9 être mises à la disposition de personnes précises.
10 J'attire plus particulièrement votre attention sur l'article 13
11 où l’on parle de divers degrés au niveau de confidentialité et où il est
12 dit que toute information étant un secret au niveau de son importance doit
13 être définie en fonction des critères suivants : très confidentiel ou
14 interne.
15 Si nous examinons l'héritage administratif et juridique de l'ex-
16 Yougoslavie, cela veut dire que certains fonctionnaires avaient accès à
17 des données tout à fait confidentielles, strictement confidentielles, ou
18 moins confidentielles en fonction du poste qu'ils occupaient.
19 Ce sera à peu près tout ce que j'aurai à dire à propos de ce
20 document.
21 M. Cailey (interprétation). - Monsieur Pajic, pouvons-nous
22 désormais examiner la page 59, page 57 en français, 59 en croate ?
23 M. le Président. - Monsieur le procureur, le Juge Shahabuddeen
24 souhaiterait poser une question.
25 M. Shahabuddeen (interprétation) - Monsieur le professeur, avant
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1 que vous ne poursuiviez, j'aimerais attirer votre attention sur ce que
2 vous disiez en dernier lieu, la dernière disposition, l'article 13 plus
3 exactement. Je pense ici surtout à la deuxième ligne du premier paragraphe
4 où l’on fait référence à la sécurité et à la défense du pays. Le pays, ce
5 serait lequel ? Et les secrets officiels de ce pays seraient des secrets
6 officiels entre quels pays ?
7 M. Pajic (interprétation) - Permettez-moi d'examiner ce texte
8 un instant, monsieur le Juge.
9 Si je vous ai bien compris, monsieur le Juge, il s'agit ici de
10 la protection des données qui sont importantes dans le domaine de la
11 Défense, et si de tels secrets venaient à être divulgués, ils pourraient
12 compromettre la sécurité et la défense de la Communauté croate de Herceg-
13 Bosna. Dès lors, quand on parle de défense du pays, c'est la Communauté
14 croate de Herceg-Bosna que l’on entend par là.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Les secrets qui sont
16 couverts par cette disposition incluraient-ils le secret même entre la
17 Communauté croate et le gouvernement de la République en tant que telle de
18 Bosnie-Herzégovine ? Je ne sais pas si j'ai tout à fait compris.
19 En d'autres termes, à supposer qu'un fonctionnaire de la
20 Communauté croate de Herceg-Bosna vienne à divulguer des informations au
21 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, ceci tomberait-il sous le coup de
22 l'interdiction qui est reprise dans l'article 13 ?
23 M. Pajic (interprétation). - Ma lecture de l'article 13 me porte
24 à dire que ce serait là une grave violation des données protégées par
25 cette disposition.
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1 M. Cailey (interprétation). - Permettez-moi de tirer ceci au
2 clair et pour ce faire, je vous renvoie à l’article 2 de cette décision.
3 Je crois que là, tout apparaît bien clairement : on voit qui est en fait
4 le propriétaire de cette information confidentielle.
5 M. Pajic (interprétation). - Tout à fait juste. L'article 2 dit,
6 je cite : «Sont considérées comme données couvertes par le secret défense
7 les informations importantes pour la défense émanant de la sphère
8 d'activités des organes administratifs de la HZ-HB et des personnes
9 morales, et dont la divulgation pourrait nuire à la défense et à la
10 sécurité de ladite communauté de Herceg-Bosna.».
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci, je suis satisfait.
12 M. Cailey (interprétation). - Pouvons-nous examiner la page 69
13 dans la version croate, page 67 dans la version française. Pouvez-vous
14 nous faire un rapide commentaire ?
15 Cela montre, de nouveau, le principe de la législation déléguée,
16 reprise au paragraphe 4 de l’article 10 de l’autre décret.
17 M. Pajic (interprétation). - Le département de la défense, ou du
18 moins son chef, donne des règles pour ce qui est de la carte d'identité
19 militaire, cela prouvant l'appartenance à l'armée de Herceg-Bosna de ceux
20 qui servent dans les forces armées.
21 L'article 1er indique que les membres de la HZ-HB se voient
22 délivrer une carte d'identité militaire. Ce document public prouve
23 l'appartenance à l'armée de HZ-HB . De cette façon, les membres des forces
24 armées de la Communauté croate de Herceg-Bosna sont identifiés au sein des
25 forces armées et à l'égard du public.
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1 M. Cailey (interprétation). - Qui a signé ce document ?
2 M. Pajic (interprétation). - C’est Bruno Stojic, en qualité de
3 chef du département de la défense.
4 M. Cailey (interprétation). - Examinons la page 60 en anglais et
5 en croate, page 68 en français. C'est une directive relative à la
6 possibilité de prononcer des sanctions pénales pour les actes commis
7 contre les forces armées de la HZ-HB. Pourriez-vous rapidement nous
8 expliquer la teneur de ce document et nous fournir également vos
9 commentaires également ?
10 M. Pajic (interprétation). - Une fois de plus, il s'agit d'un
11 document qui se fonde sur les documents précédents, dont j'ai parlé, et
12 qui a été délivré par le chef du département de la défense de la
13 Communauté croate de Herceg-Bosna.
14 C'est une directive à caractère contraignant, relative à
15 l'application de la réglementation en vigueur et à la possibilité de
16 prononcer des sanctions pénales pour des actes commis contre les forces
17 armées de la HZ-HB.
18 Je parlerai très rapidement de ce document qui est important. En
19 effet, il montre, et pas seulement en fonction des documents que j'ai
20 étudiés et que j'ai déjà cités jusqu'à présent, qu’il est évident qu'en
21 pratique également la discipline militaire était bien maîtrisée,
22 contrôlée, et que se faisant 37 types de violations ou d'infractions ont
23 été énumérés. Les quatre premiers paragraphes du texte en parlent.
24 Il est assez possible de voir qu’en effet le département de la
25 défense était responsable de la discipline militaire dans les forces
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1 armées de la HZ-HB et avait, dans ce cadre, adopté certaines directives.
2 M. Cailey (interprétation). - Ce document est en date du
3 14 août 1992 ?
4 M. Pajic (interprétation). - C’est exact.
5 M. Cailey (interprétation). - Merci.
6 M. le Président. - J'ai un exemplaire où la signature est
7 biffée. Cela a une signification particulière, Monsieur le Professeur? Mes
8 collègues également ?
9 M. Riad (interprétation). - Oui.
10 M. le Président. - Cela a-t-il une signification, monsieur le
11 professeur ?
12 M. Cailey (interprétation). - (pas de traduction)
13 M. le Président. - Je n'ai pas la traduction, excusez-moi.
14 (L’interprète s’excuse d’une erreur de canal.)
15 M. Cailey (interprétation). - Effectivement, il y a eu, au
16 niveau de la traduction, une erreur de typographie dans le nom du chef de
17 département de la défense.
18 Ainsi, en effet c'est une correction pour avoir une parfaite
19 identité entre les traductions et la version originale en croate.
20 M. le Président. - Merci.
21 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais maintenant Docteur
22 Pajic, vous renvoyer à la page 62 de votre classeur, qui correspond à la
23 page 70 en version française.
24 Les cinq documents qui viennent peuvent être traités ensemble.
25 Il s'agit de décisions portant sur la nomination d'un certain nombre de
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1 responsables du département du HVO.
2 M. Pajic (interprétation). - J'ai devant moi un certain nombre
3 de décisions concernant la nomination d'un certain nombre de personnes
4 responsables de diverses fonctions au sein du HVO. Enfin, une décision
5 concernant la nomination des membres du comité de rédaction des
6 formulaires de diplôme des écoles primaires et secondaires sur le
7 territoire de conseil croate de défense de la communauté croate de Herceg-
8 Bosna.
9 Je vous ai rappelé que le Président du HVO est également
10 Président de la HZ-HB. Il s'agit de M. Mate Boban qui est directement
11 concerné par toutes ces décisions.
12 M. Cailey (interprétation). - Cela démontre également le
13 principe de la délégation de responsabilité, lorsqu'on lit le préambule,
14 puisqu'on voit qu'on utilise la législation adoptée précédemment. C’est
15 bien cela ?
16 M. Pajic (interprétation). - C'est exact.
17 M. Cailey (interprétation). - Monsieur Pajic, si vous n'avez pas
18 d'autre commentaire au sujet du premier volume de cette documentation,
19 nous pouvons passer maintenant au document n° 3.
20 Monsieur le Président, vous trouverez les numéros des documents
21 en grisé sur le côté.
22 M. le Président. - Je vous demanderai une précision concernant
23 la page 115 de la dernière décision en version française, un très bref
24 commentaire.
25 Pourquoi les quatre personnes qui ont été nommées chefs des
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1 différents départements s'occupent de la rédaction des formulaires des
2 diplômes des écoles primaires et secondaires ? Avez-vous un commentaire à
3 faire sur cette question ?
4 Cela paraît, a priori, assez original -alors qu'on est en
5 période particulièrement troublée- de voir ces quatre responsables qui
6 vont s'occuper des formulaires des diplômes. Qu'est-ce que sont ces
7 formulaires ? Très rapidement... c'est vraiment une précision.
8 M. Pajic (interprétation). - Ma façon de comprendre cette
9 décision consiste à prendre en compte la totalité de la structure.
10 L'objectif est de construire une structure organisée dans la Communauté
11 croate de Herceg-Bosna qui recouvrira l'ensemble des aspects de la vie, y
12 compris les diplômes scolaires. Je crois que c'est la seule façon dont
13 nous pouvons comprendre ce document.
14 Dans le cadre de l'information globale, je crois qu'ici iil y a
15 un objectif qui consiste à souligner les aspects qui auront priorité par
16 rapport aux préoccupations de la Communauté croate de Herceg-Bosna. Mais
17 je suis d'accord avec vous, monsieur le Président, pour trouver qu'il est
18 assez inhabituel, en période de guerre, de voir ce genre de décision
19 publiée dans le Journal officiel de la Herceg-Bosna.
20 M. le Président. - Monsieur le procureur, continuez s'il n'y a
21 pas d'autre question ni précision.
22 M. Cayley (interprétation). - Merci monsieur le Président.
23 J'aimerais maintenant, monsieur Pajic, vous renvoyer au document
24 n° 3, le numéro étant sur les intercalaires gris : il s'agit d'un décret
25 relatif au bureau du procureur militaire de district, publié en
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1 novembre 1992, et daté du 17 octobre 1992.
2 Ce décret, si je ne m'abuse, établit les bureaux de procureur
3 militaire, sur le territoire de Herceg-Bosna. Avez-vous des commentaires ?
4 M. Pajic (interprétation). - Hier, j'ai montré que le Conseil
5 croate de la défense avait entre les mains le pouvoir exécutif et le
6 pouvoir législatif. J'ai fait des commentaires hier au sujet du document
7 qui traite des responsabilités dans les Forces armées, s'agissant de toute
8 violation de législation, et j'ai dit à ce moment-là que je voyais cela
9 comme un premier pas vers la prise en main du contrôle, y compris des
10 tribunaux, par le Conseil croate de la défense.
11 Ici, nous sommes en présence d'un décret qui a été voté le
12 17 octobre 1992 et qui traite donc des bureaux des procureurs militaires
13 de districts agissant sur le territoire de la Communauté croate de Herceg-
14 Bosna et c'est un pas de plus vers la mise en place du système judiciaire
15 de la Communauté croate de Herceg-Bosna. Nous verrons plus tard qu'il y a
16 une continuité de ce point de vue, à savoir que le système judiciaire
17 également doit entrer dans ce pouvoir centralisé qui répond au principe
18 d'un pouvoir unifié sur le territoire de la Communauté croate de Herceg-
19 Bosna.
20 J'aimerais attirer votre attention sur l'article 7 qui stipule
21 que le procureur militaire de district et ses substituts sont nommés par
22 la présidence de la HZ-HB sur proposition du Chef du département de la
23 défense. J'aimerais également vous rappeler que la présidence de la
24 Communauté croate de Herceg-Bosna comprend le Président du HVO, comme je
25 l'ai dit hier lorsque j'ai parlé de la décision votée en juillet 1992 au
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1 sujet de la constitution du HVO.
2 M. Cayley (interprétation). -Monsieur Pajic, j'aimerais vous
3 renvoyer à l'article 4 de ce décret qui stipule vis-à-vis de qui les
4 procureurs militaires de district sont responsables dans leur travail.
5 Pourriezvous commenter cet article ?
6 M. Pajic (interprétation). - L'article 4 stipule -je cite- "que
7 le procureur militaire de district est responsable de son travail devant
8 la présidence de la HZ-HB".
9 M. Cayley (interprétation). - Donc la présidence nomme le
10 procureur militaire de district et celui-ci est également responsable
11 devant la présidence de la HZ-HB, comme vous l'avez dit, le HVO, c'est-à-
12 dire le Conseil croate de la défense, fait partie de la présidence, n'est-
13 ce pas ?
14 M. Pajic (interprétation). - C'est tout à fait exact.
15 M. Cayley (interprétation). - Merci. J'aimerais maintenant vous
16 renvoyer au document n° 4 qui est une décision relative à la création des
17 postes frontière avec la République de Croatie.
18 M. Pajic (interprétation). - Cette décision est très
19 intéressante. Elle traite des postes frontière qui permettent d'entrer
20 dans la République de Croatie. S'agissant de cette décision, j'aimerais
21 rappeler au Tribunal que les deux seuls Etats reconnus internationalement
22 sur ce territoire, c'est-à-dire sur le territoire compris dans les
23 frontières mentionnées dans ce décret, sont la République de Croatie d'une
24 part et la République de Bosnie-Herzégovine d'autre part. Je trouve qu'il
25 est tout à fait inhabituel de voir la Communauté croate de Herceg-Bosna
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1 voter une décision unilatérale, c'est-à-dire autonome, s'agissant des
2 postes frontière qui la séparent de la République de Croatie.
3 Je rappelle qu'il s'agit donc ici des points de passage de la
4 ligne frontière entre la Communauté croate de Herceg-Bosna et la
5 République de Croatie. Cette décision a été votée le 12 novembre 1992,
6 c'est-à-dire plus de six mois après l'obtention par la République de
7 Croatie et la République de Bosnie-Herzégovine respectivement, de leur
8 reconnaissance internationale, et six mois après leur admission au sein
9 des Nations Unies, en mai de cette même année.
10 Ma conclusion, c'est que ce qui est prouvé ici, c'est que la
11 Communauté croate de Herceg-Bosna s'est appropriée tout simplement les
12 points de passage entre la République de Bosnie-Herzégovine et la
13 République de Croatie, et que par cette décision elle détermine exactement
14 quels sont les points de passage, c'est-à-dire les postes frontière.
15 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Pajic, j'aimerais vous
16 rappeler l'article 18 de la décision statutaire portant organisation
17 temporaire de l'autorité exécutive.
18 Est-ce que nous avons là un autre exemple de délégation de
19 responsabilité ?
20 M. Pajic (interprétation). - Le Docteur Jadranko Prlic, qui
21 entre temps est devenu Président du HVO, c'est-à-dire du Conseil croate de
22 la défense de la Communauté croate de Herceg-Bosna, est signataire de ce
23 décret. Nous voyons donc bien ici en action le cabinet du ministre, le
24 pouvoir, le gouvernement en tant que tel.
25 M. Cayley (interprétation). - Merci.
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1 M. Riad (interprétation). - Professeur Pajic, votre conclusion
2 au sujet de ce document montre que ce qu'on appelle le gouvernement de la
3 HZ-HB considère les frontières comme celles de la Bosnie. Autrement dit,
4 il se considère comme s'étendant à tous les territoires de la Bosnie-
5 Herzégovine. Est-ce que c'est cela votre conclusion ? Ou est-ce qu'il y a
6 un autre texte qui stipule quelles sont les frontières de la Croatie, du
7 gouvernement croate de Bosnie ?
8 M. Pajic (interprétation). - Ma conclusion, c'est que le Conseil
9 croate de la défense, agissant en tant qu'autorité suprême au sein de la
10 Communauté croate de Herceg-Bosna, a pris cette décision sur la création
11 de postes frontière séparant deux Etats, la République de Croatie et la
12 République de Bosnie-Herzégovine, ce qui implique que la communauté de
13 Herceg-Bosna s'est tout simplement appropriée une ceinture frontalière et
14 qu'elle s'est appropriée la compétence, la responsabilité au sujet de
15 cette ceinture frontalière, qu'elle l'a reprise à la République de Bosnie-
16 Herzégovine. Logiquement, c'est seulement par une décision du gouvernement
17 de la Bosnie-Herzégovine qui a sa capitale à Sarajevo que de telles
18 dispositions eussent pu être prises.
19 Si vous me le permettez, je dirai que ni dans la théorie ni dans
20 la pratique du droit international, il n'est courant que des communautés
21 régionales qui font partie d'un Etat, déterminent quelles sont les postes
22 frontière avec un autre Etat.
23 M. Riad (interprétation) - Est-ce que vous arriveriez à la
24 conclusion que la Communauté croate considérait ses frontières à elles
25 comme étant les frontières de la Bosnie-Herzégovine, et qu'elles n'avaient
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1 donc pas elles-mêmes de frontières strictement déterminées ?
2 M. Pajic (interprétation). - Je crois le contraire, si vous me
3 permettez de le dire. La Communauté croate, par cette décision, fait fi du
4 fait que ses frontières sont celles de la République de Bosnie-Herzégovine
5 avec la Croatie, elle s'approprie en fait ces frontières, ce qui implique
6 que la Communauté croate se considère comme un Etat souverain qui
7 désormais se trouve -et là je vous rappelle la carte que nous avons vue
8 hier- désormais entre la République de Bosnie-Herzégovine et la République
9 de Croatie, s'agissant du territoire évoqué dans cette décision.
10 M. Riad (interprétation) - Excusez-moi, j'aimerais que les
11 choses soient plus claires. Si je vous ai bien compris, ils ne considèrent
12 pas que l'espace entre la Communauté croate de Herceg-Bosna et la Croatie
13 est distinct d'eux-mêmes ? Est-ce cela que cela veut dire ?
14 M. Pajic (interprétation). - Oui, cette décision en fait tend à
15 prouver que la Communauté croate de Bosnie-Herzégovine est une entité
16 souveraine par rapport à la République de Bosnie-Herzégovine, et donc elle
17 déclare ses propres postes frontière en relation avec la République de
18 Croatie, ignorant complètement la souveraineté de la République de Bosnie-
19 Herzégovine dans cette zone frontalière particulière.
20 M. Riad (interprétation) - Je croyais que cela signifiait que
21 c'est l'existence de la Bosnie-Herzégovine qui était ignorée et pas
22 seulement les frontières. Il est question ici des frontières de Bosnie
23 comme étant celles de la Communauté croate.
24 M. Pajic (interprétation). - Cela signifie effectivement
25 qu'implicitement l'existence de la Bosnie-Herzégovine est ignorée,
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1 également le fait qu'il existe une frontière entre la République de
2 Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie dans cette zone
3 particulière, la volonté étant de proclamer que ces frontières
4 appartiennent à la Communauté croate d'Herceg-Bosna.
5 M. Riad (interprétation) - Exactement. Merci beaucoup.
6 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que cela vous aiderait,
7 Monsieur Pajic, j'ai une carte ici, on pourrait vous la montrer.
8 M. le Président - Terminez avec la carte sur la réponse que vous
9 devez apporter au juge Riad. Ensuite le juge Shahabuddeen désire poser une
10 question.
11 Monsieur le Professeur, essayez de répondre le plus complètement
12 possible aux questions de notre collègue.
13 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que la pièce à conviction
14 pourrait être identifiée, monsieur le Président ?
15 M. Cayley (interprétation). - Excusez-moi, il s'agit de la pièce
16 à conviction n° 22.
17 M. le Président (interprétation). - Il faudrait identifier cette
18 pièce pour que la défense puisse également pouvoir assurer le
19 contradictoire sur la pièce.
20 Monsieur le professeur, allez-y.
21 M. Pajic (interprétation). - Excusez-moi, il m'a fallu quelques
22 instants pour comprendre comment fonctionnait cette technologie. Mais
23 permettez-moi brièvement de vous montrer de quoi il est question en
24 m'appuyant sur cette carte. Vous constaterez que la frontière sud-ouest,
25 de ce qui est montré ici comme étant le territoire de la Communauté croate
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1 de Herceg-Bosna, sépare en fait cette communauté de la République de
2 Croatie. D'ailleurs sur cette carte, la République de Croatie n'est pas
3 indiquée, mais tout le territoire qui se trouve au sud-ouest de la
4 frontière que je vous montre maintenant est en fait le territoire de la
5 République de Croatie.
6 Par la décision dont nous sommes en train de parler en ce
7 moment, le HVO de la HZ-HB détermine quels sont les postes frontière entre
8 le territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna et le territoire de
9 la République de Croatie, et ce entre les municipalités de Tomislovgrad et
10 Imocki. Vous constaterez que Tomislovgrad ici s'appelle Duvno. C'est le
11 nom antérieur qui date de 1990, si je ne m'abuse. Donc, là, sous la
12 lettre Z, vous voyez l'inscription Duvno qui en fait est la municipalité
13 de Tomislavgrad dans la Communauté croate de Herceg-Bosna. A l'ouest, on a
14 la municipalité d'Imocki qui est la municipalité frontalière sur le
15 territoire de la République de Croatie.
16 Un poste frontière est également défini sur le territoire de la
17 municipalité de Posusje -il y a ici une faute de frappe également, il
18 faudrait que ce soit : "P.O.S.U.S accent circonflexe à l'envers. J.E." qui
19 fait frontière également avec Imocki, toujours sur le territoire de la
20 République de Croatie.
21 Nous descendons toujours un peu plus vers le sud, nous trouvons
22 la municipalité de Grude qui est l'une des municipalités de la Communauté
23 croate de Herceg-Bosna qui fait frontière également avec la République de
24 Croatie. On a toujours la municipalité d'Imocki de l'autre côté de la
25 frontière. Le point frontière suivant se trouve sur le territoire de la
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1 municipalité de Ljubuski, avec comme contrepartie la municipalité de
2 Gorgovac sur le territoire de Croatie.
3 Evidemment il y a deux postes frontière entre la municipalité de
4 Ljubuski d'un côté et la municipalité de Gorgovac qui se trouve sur le
5 territoire de la République de Croatie. Enfin, nous avons un poste
6 frontière qui se trouve sur la ligne frontière entre la Communauté croate
7 de Herceg-Bosna et la République de Croatie sur le territoire de la
8 municipalité de Sabljnje du côté de la HZ-HB, et sur le territoire de la
9 municipalité de Metkovic, du côté de la République de Croatie.
10 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Juge
11 Shahabuddeen ?
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le Professeur, j'ai
13 une question brève à vous poser : nous venons d'entendre ce que vous avez
14 dit, qui tend à prouver qu'un Etat et un appareil d'Etat était en train de
15 se constituer sous la forme de la Communauté croate de Herceg-Bosna, HZ-
16 HB, sous l'égide du HVO.
17 A l'appui de cette interprétation, vous avez souligné le fait
18 que la frontière sud-ouest de la HZ-HB coïncidait avec la frontière sud-
19 ouest de la Bosnie-Herzégovine, et que la HZ-HB a établi un certain nombre
20 de points frontaliers sur cette ligne frontalière qui était la ligne
21 reconnue par la communauté internationale entre la Bosnie-Herzégovine et
22 la République de Croatie.
23 Parlant de cela, vous avez parlé d'appropriation. Ma question
24 est la suivante : est-ce que des postes-frontière ont été ou n'ont pas été
25 établis par la HZ-HB le long de la ligne frontalière qui séparait la
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1 Communauté croate du reste de la Bosnie-Herzégovine ?
2 M. Pajic (interprétation). - Monsieur le Juge, vous avez
3 totalement compris le problème, et en fait sur la base de la documentation
4 qui a été mise à ma disposition, s'agissant de la période pour laquelle on
5 m'a chargé de procéder à une analyse, il n'existe pas de décision de la
6 Communauté croate de Herceg-Bosna concernant les postes frontaliers, les
7 points de passage entre la HZ-HB et la République de Bosnie-Herzégovine.
8 Si vous me demandez qu'elle peut être mon explication, la seule chose que
9 je pourrais dire c'est qu’en cette année 1993, on est encore en présence
10 de tentative d'efforts de la part de la Communauté croate de Herceg-Bosna
11 pour rompre totalement ses liens avec la République de Bosnie-Herzégovine.
12 Vous constaterez, comme c'est le cas ici d'ailleurs, qu'à côté
13 de la signature du Président du HVO de la HZ-HB, on trouve mention de la
14 République de Bosnie-Herzégovine, au-dessus donc de Communauté croate de
15 Herceg-Bosna et du Conseil croate de la Défense. Par conséquent, d’une
16 part la République de Bosnie-Herzégovine est toujours le seul Etat
17 internationalement reconnu sur le territoire dont nous parlons, et d'autre
18 part, il existe la nécessité pour la Communauté croate de Herceg-Bosna,
19 vis-à-vis de l'extérieur, donc de la communauté internationale, de faire
20 preuve de loyauté vis-à-vis de l'ex-République de Bosnie-Herzégovine ;
21 mais cet élément va s'affaiblir de plus en plus par la suite et ne sera
22 plus exprimé dans les documents officiels adoptés en 1993 et 1994
23 notamment.
24 M. le Président. - Monsieur le Procureur, continuez s'il vous
25 plaît.
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1 M. Cailey (interprétation) - Merci, monsieur le Président.
2 Monsieur Pajic, j'aimerais maintenant vous renvoyer au document
3 n 5 qui est un décret relatif aux importations provenant de la République
4 de Croatie. Auriez-vous un commentaire à faire brièvement au sujet de ce
5 document ?
6 M. Pajic (interprétation) - Je serai très bref. Par cette
7 décision, un traitement préférentiel est accordé aux biens qui sont
8 importés à partir de la République de Croatie ou aux biens qui sont
9 fabriqués en République de Croatie. Des dispositions relatives aux droits
10 de douane applicables à ces biens sont également mentionnées dans ce
11 texte.
12 Je redirai que la conclusion générale que je peux tirer de ce
13 décret est qu'un traitement préférentiel est accordé et il est bien connu
14 que lorsqu'il y a traitement préférentiel dans le cadre du commerce
15 international, cela ne peut ressortir que d'une décision d'un Etat
16 officiel, et pas d'une région d'un tel Etat.
17 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous
18 parlions du document n° 6, à savoir la décision sur la structure de la
19 milice territoriale. Auriez-vous des commentaires à faire ? J'aimerais
20 attirer votre attention plus particulièrement sur les articles 3 à 5 de ce
21 document.
22 M. Pajic (interprétation) - La décision sur la structure de la
23 milice territoriale a été prise par le Président de la Communauté croate
24 de Herceg-Bosna et cette décision stipule en fait que la milice
25 territoriale est un aspect particulier de la défense territoriale et
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1 qu'elle est donc créée selon des principes territoriaux. Et à l'article 3
2 que vous avez évoqué, nous voyons que la milice territoriale se compose de
3 toutes les unités de réserve locales des forces armées de la HZ-HB, ainsi
4 que des unités locales nouvelles formées selon le principe territorial.
5 En ce qui concerne les structures de commandement, j’attirerai
6 votre attention sur l'article 5 où l’on voit clairement que -je cite-
7 « les unités et les quartiers généraux de la milice territoriale seront
8 hiérarchiquement subordonnés au commandement des zones opérationnelles et
9 à l'état-major respectivement ».
10 Ces unités, lorsqu'elles prennent leur fonctions, dépendent donc
11 également des structures de commandement des zones opérationnelles et de
12 l'état-major. C'est le département de la défense du HVO qui aura autorité
13 pour prescrire les règlements. C'est ce que nous voyons à l'article 7 de
14 cette décision.
15 M. Cailey (interprétation) - Je vous renverrai maintenant au
16 document n° 7 qui est un décret relatif au blason et au drapeau de la
17 Communauté croate de Herceg-Bosna en cas de guerre ou de danger imminent.
18 C'est un document assez long, mais vous pouvez peut-être attirer
19 l'attention des juges sur des articles plus importants dans le cadre de
20 votre déposition.
21 M. Pajic (interprétation) - A mon avis, l'objet du décret
22 relatif au blason et au drapeau de la Communauté croate de Herceg-Bosna en
23 temps de guerre ou de danger imminent de guerre consiste à faire savoir de
24 façon tout à fait claire quels sont l’identité et les signes distinctifs
25 de cette communauté. C'est la raison pour laquelle, à l'article 8, nous
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1 voyons un certain nombre de dispositions très détaillées qui concernent le
2 blason de la Communauté croate de Herceg-Bosna. Je ne vais pas citer ces
3 dispositions ni vous donner tous les détails de cet article, mais en tout
4 cas, il montre très clairement dans quelle occasion et de quelle façon
5 peut être exposé le blason de la Communauté croate de Herceg-Bosna.
6 De même, dans des articles ultérieurs, le drapeau doit figurer
7 sur tous les bâtiments officiels de la HZ-HB ; il doit être exposé les
8 jours de fête, les jours de deuil, et bien entendu, il est aussi stipulé
9 que les navires et autres bâtiments exposent également le drapeau de la
10 HZ-HB, tout cela en vue de donner l'image de la Communauté croate de
11 Herceg-Bosna comme d'une entité autonome.
12 C'est mon interprétation. Les experts en héraldique pourraient
13 sans doute vous en dire beaucoup plus à ce sujet, mais ce qui est
14 important, me semble-t-il, c'est que ce décret comporte des dispositions
15 particulières qui définissent les pénalités en cas de violation par une
16 personne morale de toutes les dispositions relatives au blason et au
17 drapeau, et ces sanctions, ces pénalisations sont exprimées en termes
18 financiers.
19 M. le Président. - Je pensais, Professeur, que vous essayeriez
20 de donner une explication sur l'intitulé du décret parce que, en reprenant
21 la question du Juge Shahabuddeen, vous avez montré ce processus
22 séparatiste, mais en fait, le décret restreint ici quand même le processus
23 séparatiste. Le blason et le drapeau sont utilisés, dit le décret, en cas
24 de guerre ou de danger imminent de guerre. Alors, pouvez-vous donner une
25 explication ?
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1 M. Pajic (interprétation) - Monsieur le Juge, je prends votre
2 question comme une sorte de détermination chronologique de l'adoption de
3 cette disposition. Cette décision a été adoptée le 18 novembre 1992, et
4 l'intention a été de réagir en temps de guerre, en temps de menace
5 imminente de guerre, afin d'assurer une identification de la Communauté
6 croate de Herceg-Bosna. Je dois dire que nombre de ces documents que je
7 suis en train de citer portent ce déterminisme en temps de guerre ou en
8 temps de menace d'une guerre imminente ; et c'était la situation, le
9 contexte dans lequel cette entité s'était constituée.
10 M. le Président. - Le juge Shahabuddeen souhaite poser une
11 question.
12 M. Shahabuddeen (interprétation) - Ce que vous nous dites,
13 monsieur Pajic, touche un processus de construction de formation d'un
14 état. Vous avez précisé, il y a quelques instants, une différence en
15 matière de mise en place de ces postes frontière, mise en place des uns,
16 et absence des autres d'un côté et de l'autre.
17 Maintenant nous parlons du drapeau ou des drapeaux. Nous ne
18 sommes pas sans savoir, et nous avons un exemple qui pourrait très bien
19 l'illustrer, qu’une province peut avoir un drapeau qui est le sien,
20 nettement différent, sans que cela implique un séparatisme constitutionnel
21 de quelque nature que ce soit. Et ici, nous avons une preuve soutenue par
22 le document que nous avons sous les yeux, c'est-à-dire que la Communauté
23 croate de Herceg-Bosna a institué son drapeau qui devait être hissé à des
24 occasions bien déterminées.
25 Existait-il, au sein de cette communauté croate, des règlements
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1 portant sur l'utilisation des drapeaux à des moments officiels et y a-t-il
2 un rapport avec ces mêmes fêtes ou ces mêmes règlements au niveau de la
3 Bosnie-Herzégovine ?
4 M. Pajic (interprétation) - Dans aucun des documents que l'on a
5 mis à ma disposition, on ne mentionne l'obligation, le droit ou le devoir
6 de hisser le drapeau de la Bosnie-Herzégovine sur le territoire de la
7 Communauté croate.
8 On parle uniquement de symboles, des armoiries, du blason, du
9 drapeau de la Communauté croate de Herceg-Bosna.
10 Je saisis l'occasion pour dire que ce phénomène des drapeaux des
11 républiques, des provinces autonomes, c'est-à-dire des pays constituant la
12 Fédération yougoslave, relevait des traditions de l'ancienne Yougoslavie,
13 et dès qu'il y avait prescription sur l'utilisation de ces drapeaux
14 régionaux -un terme que j'utilise pour cette occasion- on devait le hisser
15 en même temps que le drapeau du pays et de la République dont il était
16 question.
17 M. Cailey (interprétation) - Si vous le permettez,
18 monsieur Pajic, je voudrais vous renvoyer au document n° 6, question de la
19 milice territoriale et de la subordination hiérarchique. Pourriez-vous
20 nous indiquer la date de l'entrée en vigueur de ce document ?
21 M. Pajic (interprétation). - Ce document entre en vigueur le
22 jour de son adoption et ce jour est le 3 novembre 1992.
23 M. Cailey (interprétation) - Merci, monsieur Pajic.
24 Pourrions-nous passer maintenant au document n° 8 qui est un
25 décret afférent à la fabrication et au commerce d'armes et d'équipements
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1 militaires sur le territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna.
2 C'est un document très important. Voudriez-vous nous donner quelques
3 commentaires généraux en ce qui concerne la teneur de ce décret ?
4 M. Pajic (interprétation) - J'attire votre attention sur un
5 petit détail technique. Vous constaterez vous-mêmes que ce décret a été
6 publié dans le Journal officiel de la Communauté croate de Herceg-Bosna,
7 le Narodni List, numéro du 2 janvier 1993, et si vous regardez la date de
8 son adoption, vous verrez qu'il s'agit du 6 décembre 1993. Je pense qu'il
9 s'agit là d'une erreur d'impression. Ce document a été publié en
10 janvier 1993, il a été adopté en décembre 1992 et promulgué en
11 janvier 1993. Je pense donc que c'est une erreur typographique.
12 Pour en revenir à la teneur du document, le décret portant sur
13 la fabrication et le commerce d'armes et d'équipements militaires en
14 période de menace immédiate de guerre ou en temps de guerre sur le
15 territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna couvre l'ensemble de la
16 fabrication, le commerce, la fourniture de services dans le domaine des
17 armes et de l'équipement militaire, les transactions commerciales et
18 financières, toute direction, gestion des différents services et activités
19 liées à la fabrication et au commerce des armes et de l'équipement
20 militaire dans la communauté croate de Herceg-Bosna, toutes ces activités
21 seront donc considérées comme étant des activités d'intérêt public
22 spécifique pour la HZ-HB.
23 Dans l’article 2 , on indique que la fabrication d'armes ne
24 pourra être assurée que par les entreprises dotées d'installations
25 permettant cette fabrication d'armes, entreprises qui ont obtenu le
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1 consentement du conseil croate aux fins de la défense de la communauté
2 croate.
3 Puis on enchaîne, dans l'article 3, en proclamant le fait que
4 les entreprises jadis spécialisées, enregistrées comme telles pour la
5 production spéciale, donc pour la production d'armements, continueront
6 leurs activités en tant qu'entreprises publiques pour la fabrication
7 d'armes et d'équipements militaires.
8 Je reviens à ce que j'ai dit hier sur ces entreprises et cette
9 étatisation, sur cette propriété sociale qui est devenue une propriété
10 d'Etat, une propriété étatique placée sous le contrôle de la communauté
11 croate HZ-HB et du HVO.
12 Cela est ici, dans l'article 3, reflété au niveau de la
13 production dite spéciale, c'est-à-dire au niveau de la production destinée
14 aux fins militaires, donc des entreprises qui sont désormais placées sous
15 le contrôle du HVO.
16 Il s'agit avant tout des entreprises qui sont citées nommément,
17 les entreprises à Vitez, à Kiseljak, à Travnik, à Novi Travnik, à Mostar,
18 à Bugojno, à Konjic. Ce sont à peu près tous les lieux concernés.
19 Il s'agit d'entreprises d'installation de complexes militaires,
20 héritées de l'ancienne Yougoslavie, de la Yougoslavie précédente, qui sont
21 restées sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine après démantèlement de
22 la République socialiste fédérative de Yougoslavie.
23 En 1992, ces entreprises ont été proclamées par la communauté
24 croate comme étant ses entreprises, c'est-à-dire comme des entreprises
25 appartenant à la communauté croate.
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1 Sont concernés l'industrie aéronautique de Mostar, des ateliers
2 de maintenance et de réparation de Travnik, l'entreprise Slobodan-
3 Printinselio-Vitez industrie chimique, d’une usine de munitions à Travnik,
4 à Novi Travnik et à Konjic, d’une importante entreprise d’Igman, des
5 instruments d'optiques Opto-mekanika à Kiseljak, de la branche Srak-Deo à
6 Kiseljak d'une grande entreprise sise à Sarajevo.
7 M. le Président. - Nous allons suspendre jusqu'à 11 h 30.
8
9 L'audience, suspendue à 11 heures 10, est reprise à
10 11 heures 40.
11
12 M. le Président - 'L’audience est reprise. Veuillez vous
13 asseoir. Monsieur le procureur, faites entrer l'accusé. Nous reprenons.
14 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)
15 Asseyez-vous.
16 La parole est à Monsieur le procureur.
17 M. Cailey (interprétation). - .Merci, Monsieur le Président.
18 Monsieur Pajic, je voudrais vous prier de prendre le document n°°9 qui est
19 un décret relatif à l'application de la loi concernant les tribunaux
20 ordinaires sur le territoire de la communauté Croate de Herceg-Bosna.
21 Voulez-vous bien commenter ce document à l'intention du Tribunal ?
22 M. Pajic (interprétation). - Le libellé, le titre de ce document
23 relatif à l’application des lois et des tribunaux, en temps de menace
24 immédiate de guerre, ou en temps de guerre... Au fait, il s'agit d'un
25 titre un peu inhabituel, étant donné que l’on y met en application une loi
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1 concernant les tribunaux ordinaires de la République de Bosnie-
2 Herzégovine, indiquant qu'ils seront appliqués sur le territoire de la
3 communauté croate de Herceg-Bosna si les dispositions de ladite loi ne
4 contreviennent pas au présent décret.
5 Enfin, comment interpréter l'article premier ? Il s'agit d'une
6 reprise simple des lois afférentes de la République socialiste de Bosnie-
7 Herzégovine et de certaines dispositions qui peuvent être mises en oeuvre
8 au niveau de la pratique de la communauté croate de Herceg-Bosna.
9 Ce qui est important toutefois dans ce décret, à mon avis, c’est
10 l'article 2 qui précise que, sur le territoire de la communauté Croate de
11 Herceg-Bosna, les tribunaux sont établis et supprimés par décret de la
12 présidence de la Communauté croate de Herceg-Bosna.
13 En effet, cet article met fin à toute ingérence de la République
14 de Bosnie-Herzégovine dans le système judiciaire de la Communauté croate
15 de Herceg-Bosna, parce que c'est uniquement au terme de décisions de la
16 Présidence de la Communauté croate de Herceg-Bosna que l'on peut établir
17 ou supprimer des tribunaux sur le territoire de la Communauté croate de
18 Herceg-Bosna.
19 Même le nombre de juges, et toutes les autres questions, sont
20 définis par la Présidence de la HZ-HB, et l'article 5 indique que la
21 Présidence de la Communauté croate de Herceg-Bosna désigne et démet de
22 leurs fonctions les juges, y compris les juges non professionnels.
23 Donc, à mon avis, étant donné qu'il s'agit de tribunaux
24 ordinaires -il ne s’agit donc plus de tribunaux militaires- ma conclusion
25 est que la Communauté croate de Herceg-Bosna, par l'intermédiaire de sa
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1 Présidence ou du HVO, se charge ainsi de son contrôle, de sa surveillance
2 sur les tribunaux ordinaires.
3 Il s'agissait donc de contrôles qui, après, dans tous les
4 secteurs, étaient assumés par les autorités militaires. Le système
5 judiciaire est donc repris, lui aussi, sous la compétence de la Présidence
6 de la Communauté croate. Ses compétences furent, jadis, celles du HVO. Et
7 le HVO concentre désormais l'ensemble des fonctions législatives
8 exécutives et judiciaires.
9 Le document a été adopté le 23 décembre 1992 et a été signé par
10 le Président du HVO de la HZ-HB, le Docteur Jadranko Prlic.
11 M. le Président. - Monsieur le professeur, comment interprétez-
12 vous le fait qu'un décret puisse mettre en échec une loi ? Le décret met
13 en même temps en application la loi concernant les tribunaux ordinaires de
14 la Bosnie-Herzégovine, et en même temps le même décret semble avoir une
15 valeur juridique supérieure à la loi.
16 M. Pajic (interprétation) - .Je comprends votre question,
17 Monsieur le juge. Il s'agit d'une hiérarchie d'actes juridiques, et
18 d'après la logique des choses, une loi serait supérieure à un décret,
19 celui-ci étant donc inférieur. Mais je n'ai pas de commentaire en ce qui
20 concerne ce point. Il s'agit évidemment d'un acte sublégal, de sous-loi et
21 qui a valeur de décret.
22 M. Cailey (interprétation) - .Si vous me permettez, Docteur
23 Pajic, on pourrait prendre le document n° 10 qui est un autre décret
24 portant sur les frontières, le franchissement des frontières. Si vous
25 voulez bien nous indiquer les dates de ce document. Il s'agit du document
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1 n° ...
2 M. Pajic (interprétation). - Ce document porte la date du
3 26 février 1993, signé par le Docteur Prlic, Président du HVO de la
4 Communauté croate de Herceg-Bosna. Il s'agit d'un décret portant sur le
5 franchissement de la frontière et les déplacements, la circulation dans
6 les zones frontalières de la Communauté croate de Herceg-Bosna en temps de
7 guerre ou de menace imminente de guerre.
8 J'attire votre attention sur l'article 7 où, en une seule
9 phrase, on dit que le HVO, HZ-HB détermine quels sont les postes
10 frontaliers internationaux et les postes frontaliers locaux ; postes
11 frontaliers de franchissement de la frontière.
12 Deux commentaires à propos de cet article 7. Prima facie, il
13 s'agit d'un acte de l'Etat. Seul un Etat peut établir ce genre de postes
14 frontaliers internationaux, circulation internationale et nationale. Dans
15 aucun Etat, cela ne relève de la compétence des ingérences d'une
16 communauté locale, d'une municipalité locale.
17 Il s'agit donc d'un acte d'Etat, et par cet article 7, le HVO
18 HZ-HB s'attribue ces prérogatives-là. Deuxième commentaire : on peut
19 mettre cet article-ci en rapport avec la question que vous venez de poser,
20 Monsieur le juge : s'agit-il de poste frontalier dans la zone
21 septentrionale de la région frontalière de Herceg-Bosna ?
22 Par cet acte-ci, ces postes frontaliers ne sont pas établis,
23 mais on parle ici de postes frontaliers in abstracto, d'une manière
24 générale. On parle d'une manière générale de ces postes frontaliers, pas
25 seulement ceux qui concernent la République de Croatie, mais on parle
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1 d'une manière générale. Ceci pourrait donner une base juridique pour la
2 définition des autres postes frontaliers avec la République de Bosnie-
3 Herzégovine, donc dans la partie septentrionale du pays.
4 L'article suivant parle du transport des armes et des munitions,
5 des régimes qui régissent cette matière. J'attire votre attention sur
6 l'article 12, je vous en donnerai lecture.
7 Tout citoyen de la Bosnie-Herzégovine qui introduit ou fait
8 sortir des munitions ou des armes est tenu de déclarer les armes et les
9 munitions qu'il porte. Il est donc tenu de les déclarer à la police de la
10 frontière.
11 Il s'agit d'un dispositif très complexe qui implique un certain
12 nombre de conclusions. D'abord, un ressortissant de la Bosnie-Herzégovine,
13 les ressortissants sont traités comme des étrangers vis-à-vis de la
14 Communauté Croate de Herceg-Bosna. Deuxième point : les ressortissants de
15 la Bosnie-Herzégovine, au moment de leur entrée ou de leur sortie du
16 territoire de la communauté Croate de Herceg-Bosna, passent effectivement
17 une frontière d'Etat ainsi que cela ressort de ce texte.
18 Il y a donc deux implications importantes dans les dispositions
19 de cet article : les ressortissants sont implicitement traités comme des
20 étrangers, lors du franchissement d'une frontière d'Etat, qu'il s'agisse
21 de ceux qui entrent ou de ceux qui sortent du territoire de la communauté
22 croate de Herceg-Bosna.
23 M. Riad (interprétation). - Monsieur le Professeur Pajic, vous
24 parlez des citoyens qui ne sont pas des ressortissants de Herceg-Bosna, ce
25 sont des étrangers ?
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1 M. Pajic (interprétation). - J'ai dit que, implicitement, les
2 ressortissants de la Bosnie-Herzégovine sont considérés comme étant des
3 étrangers.
4 M. Riad (interprétation). - Mais selon quels critères établit-on
5 qui est résident étranger ou qui est national de la communauté ou de la
6 République de Bosnie-Herzégovine ?
7 M. Pajic (interprétation). - Il n'y a pas référence rationnelle
8 quant à la citoyenneté, quant à la définition de la citoyenneté. Je
9 répondrai à votre question en disant tout simplement que la résidence
10 pourrait être un critère dans ce cas.
11 M. Riad (interprétation). - Un Musulman bosniaque étant
12 résident, est-il en même temps citoyen ?
13 M. Pajic (interprétation). - Oui, il pourrait être traité comme
14 citoyen de la communauté croate HB, de Herceg-Bosna. Mais, nous ne nous
15 trouvons pas encore dans le secteur des questions complexes de la
16 résidence et de la citoyenneté.
17 M. Riad (interprétation). - Lorsque vous dites : "nous ne sommes
18 pas encore dans ce contexte..."
19 M. Pajic (interprétation). - Oui, il y a un document spécifique
20 qui porte sur la question. Pour le moment, on pourrait parler de citoyen,
21 "grazanin", citoyen de la communauté croate de Bosnie-Herzégovine.
22 M. Riad (interprétation). - Donc, on attendra le document.
23 M. Pajic (interprétation). - Si vous me permettez de dire ce qui
24 suit, il existe dans les langues serbe-croate-bosniaque une petite
25 complication terminologique lorsqu’on parle de citoyenneté.
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1 En anglais, vous pouvez être un national britannique, ce qui va
2 dans nos langages dans notre sens de citoyen. Mais le Britannique peut
3 être en même temps Ecossais. Dans nos langues, nous trouvons les mots de
4 peuple et nationalité, nation et nationalité. On peut être Musulman de
5 nationalité, mais citoyen ressortissant de la Communauté croate de Herceg-
6 Bosna.
7 Donc, dans les trois langues croate-serbe-bosniaque, la
8 distinction est nette entre l'origine ethnique, la nationalité et la
9 citoyenneté. Nous employons deux termes pour ces questions.
10 En anglais, c’est un peu différent. J’ai très souvent ce
11 problème dans les ouvrages que j'écris. Un national peut s'appliquer au
12 citoyen ou à l'historique ethnique de la personne donnée.
13 M. Riad (interprétation). - Par conséquent, selon vous, qui est
14 cet étranger dans l'article 15, qui n'existe pas en traduction française ?
15 M. Pajic (interprétation). - L’étranger, d'après l'article 13,
16 est celui qui a sa résidence en dehors de la communauté croate de Herceg-
17 Bosna, qui a sa résidence en dehors du territoire de la communauté croate
18 de Herceg-Bosna.
19 M. Riad (interprétation). - Qu'il s'agisse d'un Serbe, d'un
20 Croate ou d'un anglais ?
21 M. Pajic (interprétation). - Exactement, c'est un étranger.
22 M. le Président. - Pas d’autres questions ?
23 M. Riad (interprétation). - Nom.
24 M. le Président. - Monsieur le Juge Shahabuddeen ?
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le Professeur, je
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1 vous prie de nous commenter les articles 18 et 19, notamment les premières
2 lignes des deux articles.
3 M. le Président. - Monsieur Shahabuddeen, jusqu'à présent je
4 n'ai pas apporté la précision, mais le Juge français n'a pas la traduction
5 de ce texte. Ce n'est pas grave du tout, d'abord cela me fait faire des
6 progrès en anglais, grâce à mon voisin.
7 Je voulais simplement signaler que si nous restons longtemps sur
8 ce texte, je voudrais qu'on me donne une traduction. Ce n'est pas très
9 urgent, mais je voudrais pouvoir à la fois comprendre la portée de la
10 question de mes collègues et donc la réponse du témoin, car je suis arrêté
11 à l'article 9. la traduction s'est arrêtée à l'article 9. Je le signale
12 simplement.
13 Dans votre réponse, vous pouvez peut-être préciser en quoi
14 consistent ces articles, que je vais par ailleurs suivre sur mon voisin
15 comme on fait à l’école.
16 Je demanderai au Procureur de bien vouloir, dans les jours qui
17 viennent, m'assurer la traduction de ce décret qui effectivement est très
18 important. Il montre, semble-t-il, pour l'accusation, en tout cas c'est ce
19 que souhaite l’accusation -je pense que c’est ce qu'elle veut démontrer-
20 qu'il y a de véritables systèmes de frontières entre Etats.
21 Monsieur le Juge Shahabuddeen, pouvez-vous, en répétant votre
22 question, la détailler un peu plus, pendant que je vais me débrouiller
23 avec mon voisin. Allez-y Monsieur le Juge.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je compatis avec le sort
25 réservé au Président. Il est plus handicapé qu’il ne semble l'être, je
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1 partage vraiment son sort, et il a toute ma sympathie, car si j'étais moi-
2 même privé d'une traduction en anglais, la seule langue que je comprenne,
3 je serais aussi mal placé que lui.
4 J'en suis aux articles 18 et 19. Je vais vous faire lecture des
5 deux premières lignes de l'article 18.
6 Article 18 : «Les citoyens de la République de Bosnie-
7 Herzégovine peuvent se déplacer et séjourner en zone frontalière
8 uniquement s'ils disposent du permis ou d'un sauf-conduit approprié. ». Je
9 suppose que c'est un document délivré par les autorités de la Communauté
10 croate de Herceg-Bosna.
11 Il est ici fait référence au citoyen de Bosnie-Herzégovine,
12 ainsi qu'au déplacement et au séjour en région ou zone frontalière.
13 L'article 19 dit : «Un citoyen étranger peut se déplacer et
14 séjourner en région frontalière uniquement si cette personne a obtenu un
15 permis des autorités compétentes ou si elle franchit la frontière en
16 possession de documents valables.». Plusieurs idées sont reprises ici.
17 J'en relève deux, la référence à un citoyen étranger différente de la
18 référence qui est faite à l'article 18 à un citoyen de Bosnie-Herzégovine.
19 Il y a aussi une référence faite à l'article 19, au
20 franchissement d'une frontière. Cette référence au franchissement d'une
21 frontière se produit en conjonction avec la référence qui est faite à un
22 citoyen étranger. Faites-vous une distinction ou voyez-vous une
23 distinction dans ces références ? L'une à un citoyen de la République de
24 Bosnie-Herzégovine, article 18, et la référence qui est faite à des
25 citoyens étrangers, à l'article 19 ?
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1 M. Pajic (interprétation). - A mon avis, il n'y a pas de
2 différence entre ces deux dispositions que vous venez de citer, monsieur
3 le juge. La première disposition citée, article 18 dit que les citoyens de
4 la République de Bosnie-Herzégovine peuvent se déplacer, peuvent séjourner
5 en régions frontalières uniquement s'ils disposent des documents
6 appropriés, d'un permis approprié.
7 Cependant, après tout à mon avis, l'implication qu'il faut y
8 lire, c'est que les citoyens de la République de Bosnie-Herzégovine sont
9 considérés comme des étrangers par rapport à la Communauté croate de
10 Herceg-Borna. Si ce n'était pas le cas en effet, ces citoyens n'auraient
11 pas besoin d'un permis spécial pour pouvoir se déplacer et séjourner en
12 région frontalière.
13 De fait, ils font l'objet du même traitement que celui qui est
14 prévu pour les étrangers, traitement mentionné sous forme abstraite à
15 l'article 19 qui eux aussi peuvent se déplacer ou séjourner dans cette
16 région uniquement s'ils ont obtenu des autorités compétentes un permis ou
17 encore s'ils franchissent la frontière munie des documents en bonne et due
18 forme. Je ne vois aucune distinction entre ces deux concepts, entre le
19 fait d'être citoyen de la République de Bosnie-Herzégovine ou le fait
20 d'être étranger par rapport à la Communauté croate de Herceg-Bosna.
21 M. Riad (interprétation) - De nouveau, monsieur Pajic, qui sont ces
22 citoyens de la Communauté croate de Herceg-Borna ? Est-ce que la
23 Communauté croate ne fait pas partie de la Herzégovine .
24 M. Pajic (interprétation). - La Communauté croate de Herceg-
25 Borna est une partie de la République de Bosnie-Herzégovine. Dans la
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1 mesure où elle le veut, elle veut faire partie de cette République de
2 Bosnie-Herzégovine, au vu de ces documents dont je me sers lors de le ma
3 déposition.
4 En d'autres termes, d'après tous ces documents, par
5 l'établissement d'autorités détenant le pouvoir qui sont distinctes en
6 établissant des structures d'Etat distinctes et autonomes, la Communauté
7 croate de Herceg-Borna, peu à peu, à petits pas mais de façon continue,
8 manifeste l'intention qu'elle a de se séparer de la République de Bosnie-
9 Herzégovine. C'était l'argument que je voulais vous présenter ici.
10 M. Riad (interprétation) - Je vous remercie. Je crois que
11 maintenant la teneur de l'argument ou de l'argumentation est claire. Je
12 vous remercie.
13 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-moi
14 s'il y a eu une traduction quelque peu écourtée et abrégée du texte, je
15 vous promets que vous aurez dans les tous prochains jours non pas une
16 traduction complète, et s'il y a d'autres versions abrégées par la suite,
17 si vous voulez une traduction complète, veuillez me le faire savoir et je
18 ferai l'impossible pour ce se soit fait dans les meilleurs délais.
19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie monsieur le
20 procureur. Alors continuons.
21 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Pajic, pouvons-nous
22 examiner le document n°11 ? C'est un décret relatif à la mise en
23 application de la loi sur les déplacements et la résidence des étrangers
24 dans la Communauté croate de Herceg-Bosna, en temps de guerre ou de menace
25 de guerre immédiate.
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1 Pouvez-vous nous offrir vos commentaires ? Est-ce qu'il y a un
2 lien avec le document précédent ?
3 M. Pajic (interprétation). - Ce décret relatif à la mise en
4 application de la loi sur les déplacements et la résidence des étrangers
5 dans la Communauté croate, en temps de guerre et de menace de guerre
6 immédiate -c'est bien là la teneur du décret- et je vais rapidement
7 appeler votre attention sur une disposition qui va nous ramener au débat
8 que nous venons d'avoir, Messieurs les juges.
9 La seule incohérence que l'on peut constater dans les activités
10 normatives de la Communauté croate, que moi j'aie pu déceler, se trouve à
11 l'article 2 dudit décret. L'article nous dit ceci : "Au terme des
12 dispositions du présent décret, sera considéré comme étranger toute
13 personne qui n'est pas citoyen de la République de Bosnie-Herzégovine".
14 Et si l'on argumente a contrario, on peut établir que les
15 citoyens de la République de Bosnie-Herzégovine ne sont pas des étrangers
16 dans la Communauté croate de Herceg-Bosna. Je l'ai dit, c'est là une
17 incohérence par rapport au traitement prévu pour les citoyens de la
18 Communauté croate de Herceg-Bosna, à savoir des personnes qui résident sur
19 le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine. Et ceci n'est pas
20 cohérent avec le traitement prévu dans le décret précédent relatif au
21 franchissement des frontières et au séjour. Et là, on parlait des citoyens
22 de Bosnie-Herzégovine, dans cet autre décret.
23 Ici, loin de moi l'intention de lancer des spéculations sur
24 cette question, je dirai toutefois qu'il y a eu pas mal d'hésitation de la
25 part des législateurs, au stade où nous sommes à ce moment-là en
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1 février 1993, moment où est promulgué ce décret, et on se demandait
2 comment traiter les autres citoyens de la République de Bosnie-Herzégovine
3 en tant qu'étrangers par rapport à la Communauté croate de Herceg-Bosna.
4 M. le Président. - N'y a-t-il pas une autre interprétation,
5 monsieur le Professeur, en estimant que les citoyens de la Communauté
6 croate sont considérés toujours comme des citoyens de Bosnie-Herzégovine ?
7 La contradiction que vous soulignez serait moins apparente.
8 M. Pajic (interprétation). - Il est exact de dire que les
9 citoyens de la République de Bosnie-Herzégovine étaient des Croates
10 résidant sur le territoire de la Communauté croate, résidant en République
11 de Bosnie-Herzégovine sont traités comme étant des citoyens de la
12 République de Bosnie-Herzégovine. Il y a beaucoup de personnes d'origine
13 croate qui vivent surtout dans les villes, par exemple dans les milieux
14 urbains, par exemple à Sarajevo entre autre, et qui se trouvent en dehors
15 de la Herceg-Bosna.
16 M. Riad (interprétation) - Mais sont-ils aussi citoyens de
17 Herceg-Borna ? Y a-t-il une double nationalité ou double citoyenneté ?
18 M. Pajic (interprétation). - Je crois qu'il est un peu prématuré
19 de parler de double nationalité ou de cette possibilité-là, mais il est
20 vrai de dire qu'au cours de la guerre -et là nous parlons de 1993- des
21 personnes d'origine ethnique croate résidant en République de Bosnie-
22 Herzégovine pouvaient aisément obtenir un passeport venant de la
23 République de Croatie, étant donné leur origine ethnique.
24 Voilà, je dépasse un peu le cadre établi par ces documents
25 puisqu'ils n'abordent pas cette question. Mais c'est le fruit de mon
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1 expérience personnelle. Pour beaucoup de citoyens de la République de
2 Bosnie-Herzégovine, étant donné le contexte terrible de l'époque et la
3 situation qui prévalait en temps de guerre en Bosnie-Herzégovine, la seule
4 façon de sortir de cet environnement, c'était d'obtenir un passeport
5 croate, lequel permettait au titulaire du passeport de se rendre en
6 République de Croatie et d'aller dans beaucoup de pays tiers sans pour
7 autant avoir besoin d'un visa. Je pourrais vous en parler davantage si
8 vous le souhaitez. Mais en fait c'est là l'essentiel de ma réponse.
9 M. Shahabuddeen (interprétation) - Monsieur le professeur,
10 j'aimerais vous poser une question d'ordre général. J'espère qu'elle ne
11 sera pas trop générale. Si elle l'est, n'hésitez pas à me le dire. Ce que
12 vous semblez dire dans votre témoignage, c'est que ce témoignage vise à
13 établir qu'il y avait un processus en cours par lequel se créait un Etat
14 séparé, et qui s'accompagnait d'un appareil d'Etat. La position obtenue à
15 un moment donné du processus a-t-elle été différente de celle obtenue à un
16 autre moment de ce processus ? Ai-je bien compris ?
17 M. Pajic (interprétation). - Vous avez très bien compris,
18 Monsieur le Juge. Ce processus, cette évolution du système juridique de
19 l'ordre public en Herceg-Bosna est une évolution que je vois comme étant
20 d'emblée continue, ceci bien sûr avec des hauts et des bas, si vous me
21 permettez l'expression. C'est fonction aussi de l'évolution politique en
22 Herceg-Bosna et de l'évolution de tout le cadre politique, celle des
23 combats aussi en 1992 et en 1993. Effectivement, il est certain que ce
24 processus n'a pas été sans heurt. Votre évaluation était donc tout à fait
25 justifiée.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation) - Merci.
2 M. Cayley (interprétation). - Une dernière question en ce qui
3 concerne ce document ci, Monsieur Pajic, et je vais aussi faire appel à
4 vos connaissances outre ce document. Mais c'est assez important parce que
5 ceci régit les déplacements des Etrangers, ainsi que c'est défini à
6 l'article 2 du décret. Leurs mouvements sont donc régis au sein de cette
7 entité. Quelle est la position de droit en ex-Yougoslavie pour ce qui est
8 des déplacements qu'il y avait entre les différentes Républiques ou les
9 différentes composantes de l'Etat d'alors ?
10 M. Pajic (interprétation). - Excusez-moi, de quel document
11 parlons-nous ? A quelle page sommes-nous ?
12 M. Cayley (interprétation). - Page 2 de ce décret relatif au
13 déplacement et la résidence des Etrangers dans la Communauté croate de
14 Herceg-Bosna.
15 M. Pajic (interprétation). - Excusez-moi, en effet il y a deux
16 documents assez similaires. Iil y en a un qui parle du déplacement des
17 étrangers, l'autre parle des ressortissants nationaux ou des citoyens au
18 sein de la Communauté croate de Herceg-Bosna, d'où ma confusion.
19 Le décret relatif à la mise en application de la loi sur le
20 déplacement et la résidence des étrangers dans la Communauté croate de
21 Herceg-Borna stipule de façon très rigoureuse qu'un étranger, par le
22 simple article 6, qui veut résider temporairement dans la HZ-HB, doit
23 soumettre une demande en vue d'obtenir le permis de résidence, dès son
24 entrée dans la HZ-HB.
25 En l'occurrence, on pourrait parler d'un héritage de l'ex-
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1 Yougoslavie parce que le déplacement des étrangers dans les territoires de
2 l'ex-Yougoslavie ne faisait pas l'objet de contrôle aussi strict que ce
3 n'était le cas dans d'autres pays d'Europe orientale et d'Europe centrale.
4 Je pense surtout à l'Union soviétique.
5 Par ailleurs, il y avait un système en vertu duquel les
6 étrangers étaient censés s'inscrire dans la localité ou dans le lieu où
7 ils allaient séjourner, à l'hôtel ou dans un centre de tourisme par
8 exemple s'ils y passaient leurs vacances. Cette pratique existait déjà
9 auparavant.
10 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que strictement il y avait
11 un contrôle entre l'ex-Yougoslavie, entre ses différentes Républiques, ou
12 bien est-ce que le passage était libre ?
13 M. Pajic (interprétation). - Bien sûr que non. Toutefois, en ce
14 qui concerne les citoyens de l'ex-Yougoslavie, il n'y avait aucune
15 restriction pour ce qui est des déplacements d'une République à l'autre,
16 d'une ville à l'autre, et ceci était tout à fait différent de ce qu'on
17 trouvait en ex-Union soviétique où il vous fallait obtenir divers permis
18 et sauf-conduits, il fallait s'inscrire, dire quand on partait et quand on
19 arrivait.
20 M. Cayley (interprétation). - Merci monsieur Pajic. Pouvons-nous
21 maintenant passer au document 12 ? Là est est introduit le concept de la
22 résidence et du domicile. Pourrait-on avoir quelques rapides
23 commentaires ?
24 M. Pajic (interprétation). - Par rapport au décret précédént, je
25 vous ai fait état d'une situation où les citoyens de l'ex-Yougoslavie
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1 bénéficiaient d'une liberté de mouvement illimitée. Ils pouvaient changer
2 de résidence, partir en voyages d'affaire, ou en voyages privés, ils
3 pouvaient quitter leur lieu de résidence sans qu'il y ait une quelconque
4 restriction.
5 C'est ce qui est dit dans ce décret, et même si à l'article 5 il
6 est dit que les citoyens ayant un statut de personnes déplacées ou de
7 réfugiés en HZ-HB, ou toute personne qui n'avait pas pour résidence le
8 lieu en date du 1er avril 1992, devaient garder leur lieu de domicile. Il
9 y a toutefois un contrôle très strict sur le lieu où se trouvent des
10 réfugiés ou des personnes déplacées puisque c'est d'elles qu'on parle. Il
11 est stipulé que le lieu de résidence de jure, ce lieu de résidence qu'il
12 avait avant le 1er avril 1990, devrait être maintenu dans l’espoir
13 effectivement que ces personnes déplacées ou ces réfugiés allaient
14 retourner sur les lieux où ils habitaient auparavant.
15 M. Cailey (interprétation) - Pouvons nous passer au document
16 n °13 ? Je crois que nous pouvons avancer assez rapidement sur ce
17 document. Nous parlons ici du traitement privilégié accordé aux biens en
18 provenance ou importés de la République de Croatie.
19 M. Pajic (interprétation) - Je pourrais répéter ce que j'ai dit
20 à propos de la décision précédente qui portait sur le même sujet. Ici,
21 c'est l’élargissement d'un traitement préférentiel aux biens importés de
22 la République de Croatie ou provenant de cette République. Il est dit
23 qu'un décret précis sur les tarifs douaniers ne s'applique pas pour
24 lesdits biens.
25 Je souligne une fois de plus que c'est là ce que fait un état
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1 par rapport à un autre Etat, c'est un Etat qui prend telle décision par
2 rapport à un autre.
3 M. Cailey (interprétation) - Excusez-moi, pouvons-nous
4 poursuivre l'examen de ce document ? Quelle est sa date de parution ou
5 d'adoption ?
6 M. Pajic (interprétation) - Cette décision sur l'importation des
7 biens en provenance de la République de Croatie date du 9 avril 1993 et
8 elle a été signée par le Président du HVO de la HZ-HB.
9 J'aurais peut-être dû le faire plus tôt mais, si vous me le
10 permettez, je dirai ceci : pratiquement toutes les décisions publiées au
11 Journal officiel reprennent une disposition finale disant que le décret
12 entre en vigueur le jour de sa parution. D'après la tradition juridique
13 yougoslave, c'est là quelque chose d'inusité. En effet, grâce à l'héritage
14 juridique du continent européen, dans la législation de l'ex-Yougoslavie,
15 les actes entraient en vigueur sept jours après leur parution au journal
16 officiel. J'en conclus qu'il s'agissait là de mesures assez urgentes en
17 règle générale, et qu'il fallait régir certains rapports sociaux dans les
18 meilleurs délais.
19 M. Cailey (interprétation) - Pouvons nous examiner le document
20 n°°14 : décisions sur la mobilisation ? Avez vous quelques brefs
21 commentaires sur ce document, monsieur Pajic ?
22 M. Pajic (interprétation) - Cette décision portant sur la
23 mobilisation dans le territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna en
24 temps de guerre ou de menace imminente de guerre, fut adoptée le
25 10 juin 1993 ; elle a été signée par le Président du HVO de la HZ-HB,
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1 Monsieur Jadranko Prlic. Une fois de plus, j'estime que c'est un document
2 qui est adopté ou promulgué par un état. En droit international de
3 guerre ; je pense que jamais une mobilisation de guerre n'a été proclamée
4 par une entité qui ne soit pas un état ; par définition même, une telle
5 décision est prise par un état souverain.
6 De fait, cette décision met en application le document précédent
7 relatif à la Communauté croate de Herceg-Bosna, ce décret sur les forces
8 armées de Herceg-Bosna adopté en juillet 1992, et ici c'est à peu près
9 tout ce que j'ai à dire dans ce contexte. Il est certain qu'à l'instar de
10 tout document relatif à la mobilisation, certaines procédures sont
11 évoquées dans cette décision. Les hommes en âge d’avoir des activités
12 militaires sont censés s'adresser aux différents départements.
13 Dans ce cadre, je voudrais dire que le 20 juin 1992, donc une
14 année plus tôt, la République de Bosnie-Herzégovine avait décidé la
15 mobilisation. Et puis là, on a dit qu'il y avait agression de la JNA.
16 Cette mobilisation a été déclarée le 20 juin 1992 et l'acte portant
17 décision de mobilisation a été publié au n° 7 de 1992 du Journal officiel
18 de la Bosnie-Herzégovine, page 234.
19 Etant donné mon intérêt professionnel, je me suis mis à observer
20 cette nouvelle évolution législative, dans les Etats créés très vite sur
21 le territoire de l'ex-Yougoslavie. C'est de cette façon que j'ai également
22 obtenu ce Jurnal officiel Je pense en avoir parlé hier lorsque j'ai fait
23 état de mon bagage professionnel.
24 M. Cailey (interprétation) - Si vous le voulez bien, nous allons
25 examiner le document n° 15, et plus précisément ce décret qui porte sur
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1 les droits et les obligations des citoyens de Herceg-Bosna qui travaillent
2 à l'étranger et les obligations qu'ils ont en matière de service dans les
3 Forces armées. Pourriez-vous nous expliquer ces dispositions assez
4 bizarres s'agissant des obligations financières à l'encontre de ceux qui
5 vivent à l'étranger ?
6 M. Pajic (interprétation) - En vertu de ce décret, la
7 Communauté croate de Herceg-Bosna oblige tous ses citoyens travaillant
8 temporairement à l'étranger à contribuer par un apport matériel à la
9 défense de Herceg-Bosna. En d'autres termes, tous ceux qui se trouvent
10 temporairement à l'étranger, ainsi qu'il est dit dans le texte, et dont la
11 résidence permanente se trouve sur le territoire de la HZ-HB, sont tenus
12 par ce décret à contribuer d’une façon financière dont les montants sont
13 précisées ici. On dit qu'ils doivent payer 300 marks allemands au HVO, et
14 ce dans le cadre de la municipalité où ils résident.
15 Il est intéressant de relever qu'il existe, en fait, un intérêt
16 constant relatif aux besoins financiers et aux besoins de défense de la
17 Communauté de Herceg-Bosna ; il y a donc une certaine politique budgétaire
18 qui est prise en compte. Cette décision fut adoptée le 9 avril 1993 ; en
19 fait, on a antidaté le paragraphe 2 de l'article 3 au 1er avril.
20 L'obligation de payer le montant susmentionné s’applique en date du
21 1er avril 1992. C'est donc une année plus tôt et c'est à partir de cette
22 date d'avril 1992 qu'il fallait remplir ces obligations financières.
23 Une décision ultérieure qui a paru au journal officiel n°°14
24 de 1993 dit que, s'agissant de cette cotisation financière à partir
25 d'avril 1992 jusqu'en avril 1993, on est sensé payer une somme
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1 forfaitaire, c'est vrai pour tous les citoyens. Là, il s'agit de
2 4 800 marks allemands comme arriéré d'obligation de cotisation à l'égard
3 de la Communauté croate de Herceg-Bosna.
4 M. Cailey (interprétation) - Dans ce document d'avril 1993, est-
5 il exact de dire que toute inexécution de cette obligation financière
6 équivaut à non respect de l’obligation militaire en Herceg-Bosna ?
7 M. Pajic (interprétation) - C’est vrai. L'artiste 6 dit la chose
8 suivante (je cite) : « Le fait de ne pas payer les obligations financières
9 mentionnées à l’article 2 du présent décret sera considéré comme
10 équivalent au fait de refuser de servir dans les Forces armées, et
11 encourra des sanctions stipulées dans la réglementation adéquate relative
12 au refus de service dans les Forces armées ».
13 M. Cailey (interprétation) - Même si nous ne respectons pas à
14 strictement parler l'ordre des documents, j'aimerais maintenant vous
15 demander de consulter...
16 M. le Président - Monsieur le juge Shahabuddeen a une question à
17 poser.
18 M. Shahabuddeen (interprétation) - Je trouve ceci intéressant,
19 mais je me demande si mon impression est correcte par rapport à ce que
20 vous avez dit précédemment dans votre témoignage ? Vous avez dit qu'un
21 Croate résidant en Bosnie-Herzégovine, mais en dehors du territoire de la
22 HZ-HB, serait considéré en Communauté croate de Herceg-Bosna comme étant
23 un citoyen de ladite Communauté croate.
24 Si mon hypothèse est correcte, cela veut-il dire que des
25 résidents croates en Bosnie-Herzégovine, mais en dehors du territoire de
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1 la Communauté croate de Herceg-Bosna seraient considérés comme étant des
2 citoyens de la Communauté croate et donc tomberaient sous le coup de
3 l'application de ce décret ?
4 M. Pajic (interprétation) - Ma réponse est non.
5 M. Shahabuddeen (interprétation) - Merci.
6 M. le Président - Monsieur le Procureur, veuillez continuer.
7 M. Cailey (interprétation) - Merci, monsieur le Président.
8 Monsieur Pajic, veuillez consulter le document n °17 d'abord,
9 même s’il intervient à une date ultérieure au 16 mai. ; je crois que
10 l'ordre est plus correct de cette façon. C'est une décision de base
11 proclamant la République Croate et non plus la Communauté croate de
12 Herceg-Bosna.
13 Pourriez-vous expliquer ce document à l'intention de la Cour ?
14 Il s'agit du document n° 17 monsieur le Président.
15 M. le Président - Il me manque quand même beaucoup de
16 documents : les numéros 13, 14, 15, et 16 ; j'en suis à 17. Vous le
17 noterez, merci.
18 M. Cailey (interprétation) - Veuillez poursuivre, monsieur
19 Pajic.
20 M. Pajic (interprétation) - Dans ce processus de la construction
21 de l'Etat en tant qu'Etat de la Communauté croate de Herceg-Bosna, nous en
22 arrivons à un stade où, le 20 août 1993, est adoptée cette décision que
23 l'on appelle décision fondamentale portant sur l'établissement et la
24 proclamation de la République Croate de Herceg-Bosna. Là, nous nous
25 écartons de l'intitulé précédent à savoir « Communauté croate de Herceg-
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1 Bosna » ; en effet, ce terme ne correspondait plus aux structures d'Etat
2 déjà développées sur le territoire de cette entité. Une décision a donc
3 été prise proclamant la République croate de Herceg-Bosna. Je crois que
4 ceci marque l'achèvement officiel et juridique d'un processus que j'ai
5 essayé de vous illustrer parce qu'enfin, la Herceg-Bosna est établie en
6 tant que communauté étatique, en tant qu’état.
7 Si je vous dis ceci, c'est parce qu'une telle décision doit être
8 évaluée dans le contexte des événements qui ont abouti au démantèlement de
9 l'ex-Yougoslavie.
10 Je soulignerais, qu'après ce démantèlement, tous les Etats qui
11 ont émergé de l'ex-Yougoslavie avaient encore attaché à leur nom
12 l’attribut de la République de Slovénie, de la République de Croatie, de
13 la République de Bosnie-Herzégovine, de la République fédérale de
14 Yougoslavie et enfin de la République de Macédoine.
15 Nous n'entrerons pas dans les difficultés liées à des titres
16 internationaux, étant donné la position de ces républiques.
17 Donc, il est très important que chacune des entités qui a pour
18 prétention de se décréter un Etat sur les territoires de l'ex-Yougoslavie
19 conserve la dénomination de République. Ainsi, ces entités sont placées au
20 même niveau, au même plan, que les anciennes composantes d'ex-Yougoslavie.
21 C’est mon premier commentaire.
22 J'aimerais revenir quelques instant sur le préambule. Le
23 préambule de cette décision est très significatif. En effet, à l’aide
24 d'une rhétorique très puissante, très ferme, il y est souligné qu'il est
25 question de République du peuple croate.
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1 Ce qui me paraît être absent de ce préambule, puisqu'il est
2 question dans ce préambule de l'expression du caractère national de cette
3 République, concerne au moins une précision au sujet des droits dont
4 pourraient jouir les minorités sur ce territoire. Cela, à mon avis, manque
5 tout à fait clairement.
6 Je reviendrai sur l'article 2. Il stipule que «Le territoire de
7 la République s'étendra sur le territoire de la communauté croate de
8 Herceg-Bosna.».
9 Autrement dit, ce que nous voyons là, c'est ce qui était défini
10 au départ comme territoire, c'est-à-dire l'ensemble de ces
11 30 municipalités que j’ai citées hier.
12 «Les frontières définitives en seront déterminées par la
13 constitution de la République.». A mon avis, cette deuxième phrase laisse
14 ouverte le problème des frontières de la communauté croate de Herceg-
15 Bosna. Cela peut être interprété comme une aspiration à l'appropriation
16 d'autres municipalités que celles qui figurent dans le document portant
17 création de la communauté croate de Herceg-Bosna.
18 Dans le document dans lequel Mostar est définie comme siège de
19 la communauté croate de Herceg-Bosna, le mot siège était utilisé. Ici,
20 nous voyons que ce terme a été modifié au profit de capitale de la
21 République.
22 M. Cailey (interprétation). - Monsieur Pajic, j'aimerais
23 maintenant, très rapidement, vous demandez de nous parler du document 17
24 qui traite de la constitution de la Chambre des représentants. Excusez
25 moi, je vous interromps, il s'agit du document 16. Je vous prie de
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1 m'excuser. Pouvez-vous poursuivre ?
2 M. Pajic (interprétation). - Il s'agit de la constitution de la
3 Chambre des représentants de la République croate de Herceg-Bosna, donc en
4 fait de la création de l'organe représentatif suprême de la République de
5 Herceg-Bosna, autrement dit, de ce que l’on pourrait appeler le Parlement
6 de la République de Herceg-Bosna.
7 Je cite l'article 1er : «La Chambre des représentants de la
8 République croate de Herceg-Bosna est l'organe législatif suprême de la
9 République croate de Herceg-Bosna.» qui détient donc le pouvoir
10 législatif...
11 M. Cailey (interprétation). - Je vous prie de m'excuser de cette
12 interruption.
13 L'article 2 est caractéristique. Il y est stipulé que, jusqu'aux
14 premières élections démocratiques libres, les membres de la Chambre des
15 représentants seront les représentants du peuple croate, de la Chambre des
16 municipalités de l'assemblée des Républiques croates de Bosnie et de la
17 communauté de Herceg-Bosna.
18 Nous voyons qu’ici est établi le droit des représentations au
19 sein de la Chambre des représentants, autrement dit c'est un droit de vote
20 passif. Le droit d'élégibilité au sein de la Chambre des représentants
21 appartient, d'après cette décision uniquement a des ressortissants du
22 peuple croate.
23 M. Cailey (interprétation). - Pourrais-je vous renvoyer à
24 l'article 19 qui porte sur le transfert des pouvoirs de la présidence à la
25 communauté croate. Pourriez vous commenter ce cela ?
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1 M. Pajic (interprétation). - J'aimerais vous rappeler que la
2 présidence de la communauté croate de Herceg-Bosna avait des
3 responsabilités législatives, une fonction législative.
4 Cette fonction, en vertu de cette décision, passe à la Chambre
5 des représentants de la République. Il y a donc transfert de pouvoirs et
6 cessation des pouvoirs antérieurs.
7 M. Cailey (interprétation). - Puisque les éléments constitutifs
8 de la présidence comportaient entre autres le HVO, cela signifie-t-il que
9 ces pouvoirs sont maintenant effectivement transférés à la Chambre des
10 représentants ?
11 M. Pajic (interprétation). - A l'article 2, il est stipulé que,
12 jusqu'aux premières élections démocratiques libres, les membres de la
13 Chambre des représentants comprendront entre autres les membres de la
14 présidence de la communauté de Herceg-Bosna, donc les membres du HVO qui
15 sont partie constituante de la présidence.
16 Par conséquent, il est permis de dire qu'au sein de la Chambre
17 des représentants on trouve aussi les membres du HVO, puisque la
18 présidence continue à être une partie constitutive de la Chambre des
19 représentants.
20 M. Cailey (interprétation). - Merci. Maintenant Monsieur Pajic,
21 j'aimerais que nous passions au document 18. C’est une déclaration portant
22 sur l'adoption des documents relatifs à la protection et à l'exercice des
23 droits et liberté de l'homme.
24 Je ne souhaite pas que vous détailliez chaque disposition de
25 cette déclaration. Pourriez-vous, tout de même, mettre l'accent sur les
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1 éléments les plus importants ?
2 M. Pajic (interprétation). - La déclaration portant sur
3 l'adoption des documents relatifs à la protection et à l'exercice des
4 libertés et droits de l'homme est due à la Chambre des représentants de la
5 République croate de Herceg-Bosna. Elle a été adoptée le 30 juillet 1993.
6 Il s'agit d'une déclaration habituelle qui appartient à la
7 pratique de tout les Etats issus de l'ex-Yougoslavie. Toutes les
8 constitutions comportent une référence du même type, qui porte sur les
9 instruments destinés à mettre en oeuvre les droits de l'homme.
10 Dans cette déclaration, document 19, vous verrez -au vu de tous
11 les documents internationaux portant sur le même sujet- que ce document
12 recouvre ce qui est considéré aujourd’hui comme le corpus général des
13 droits de l'homme.
14 Il s’agit des conventions qui punissent les responsables de
15 génocide, en passant par le Bill of Rights qui établit le respect des
16 droits de l'homme, également les conventions de Genève, la Convention
17 européenne sur la protection des droits de l'homme et un certain nombre
18 d'autres textes officiels qui ont un rapport avec les droits de l'homme.
19 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous
20 regardions le document 19, Monsieur Pajic.
21 M. le Président. - Monsieur le Procureur, je pensais que le
22 témoin nous parlerait du B sur les protections des groupes ethniques et
23 des minorités, très brièvement.
24 Tout à l'heure, vous avez dit que dans le préambule de la
25 Constitution on ne parlait pas des groupes ethniques et des minorités, et
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1 cela est mentionné ici.
2 Vous expliquez la différence par une évolution quelconque ou
3 est-ce uniquement, ce que vous avez dit, l'habitude de mettre dans ce
4 genre de déclaration cette protection ?
5 M. Pajic (interprétation). - J’attire votre attention sur le
6 chapitre B de cette déclaration. Deux documents sont mentionnés qui
7 traitent des droits dévolus aux minorités.
8 Il est question du Conseil de l’Europe et de l'Assemblée
9 parlementaire sur les droits des minorités, ainsi que la déclaration de
10 l’ONU sur les droits des ressortissants des minorités nationales.
11 Aucun de ces documents n'est obligatoire sur le plan
12 international. Ce sont des documents qui stipulent un certain nombre de
13 dispositions applicables au niveau international et en rapport avec les
14 droits des minorités. Ce ne sont pas des documents qui lient les Etats
15 puisqu'ils n'ont pas de caractère obligatoire sur le plan international.
16 Ce ne sont pas des contrats.
17 Cela étant, la République croate de Herceg-Bosna -en adoptant
18 ces dispositions- ne se dote pas de texte qui la lie. Vis-à-vis du respect
19 des droits des minorités, il n'est pas stipulé de droits ou de libertés
20 qui pourraient être dévolus dans la République croate de Herceg-Bosna au
21 membres des minorités ethniques présentes sur son territoire.
22 Permettez-moi de dire, par ailleurs, que je considère tout de
23 même cette déclaration comme très positive dans le processus de
24 construction du système juridique de la République croate de Herceg-Bosna.
25 En effet, c'est une innovation par rapport aux actes existant
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1 jusqu'alors. Innovation qui s'écarte un peu de la rhétorique nationale en
2 vigueur, ou à la rhétorique stipulant les intérêts nationalistes de la
3 Croatie qui était en vigueur jusqu'à la création de la communauté croate
4 de Herceg-Bosna.
5 Donc, sur le plan de l'instinct juridique, c’est quelque chose
6 de plutôt positif. A l'été 1993, je pense qu’il est assez positif d’avoir
7 une telle décision, une telle déclaration, à adopter. Je me rappelle bien
8 cette période du processus de paix tenté par la communauté européenne,
9 c'est peut-être le résultat des pressions exercées par les représentants
10 internationaux qui oeuvraient pour l'arrêt des combats sur les territoires
11 de l'ex-Yougoslavie.
12 N'oublions pas qu'à l'époque, les représentants de Bosnie-
13 Herzégovine participaient aux conférences de l'ex-Yougoslavie, celles de
14 Genève en particulier, sous l'égide de Vance et Owen, ensuite de
15 Stoltenberg et Owen.
16 Donc, je suppose en tout cas, que cette déclaration est le fruit
17 de cette atmosphère internationale à laquelle participaient entre autres
18 les représentants de la République.
19 M. Cailey (interprétation). - Pour conclure sur ce document, il
20 montre qu'il existe une certaine conscience par rapport aux obligations
21 mondiales du point de vue du droit humanitaire international ?
22 M. Pajic (interprétation). - Oui, c'est exact. Il n'y a pas
23 d'équivalence absolue, entre ces textes internationaux, au niveau
24 national. Mais, out de même, nous y voyons l'acceptation du concept
25 général qui présidait à la rédaction des textes internationaux.
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1 M. Cailey (interprétation). - Merci. Pouvons-nous maintenant
2 passer au document 19 qui est une décision portant sur les nominations à
3 la commission d'enquête sur les crimes de guerre. Pouvez-vous nous dire
4 quel est votre commentaire général au sujet de ce document ?
5 M. Pajic (interprétation). - Je caractériserais également ce
6 document comme étant une décision progressive dans le cadre de la
7 construction du système juridique de la République croate de Herceg-Bosna,
8 HZ-HB dorénavant.
9 Il y est question des crimes de guerre commis, bien sûr, sur le
10 territoire de la République croate de Herceg-Bosna.
11 Ce document démontre également une certaine conscience des
12 responsabilités juridiques internationales par rapport à ce qui était en
13 vigueur jusqu'alors dans le cadre du processus de paix. C'est une décision
14 adoptée en novembre 1993.
15 M. Cailey (interprétation). - J'aimerais maintenant vous
16 renvoyer au document 20, portant décision de création le conseil
17 présidentiel de la République croate de Herceg-Bosna. Avez-vous un
18 commentaire à faire ?
19 M. Pajic (interprétation). - La décision de créer le conseil
20 présidentiel de la République croate de Herceg-Bosna, a été adoptée le
21 10 décembre 1993.
22 Un certain nombre de décisions concernant les nominations en
23 dépendent. M. Mate Boban les a signées au nom de la République. C’est
24 également lui qui est responsable de la nomination des membres du conseil
25 présidentiel de la République, autrement dit des membres de son conseil.
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1 Etant donné que la Chambre des représentants de la République
2 croate de Herceg-Bosna a déjà été constituée, dans ces conditions le
3 président continue à être le chef de l'Etat.
4 Il va s'appuyer sur la pratique déjà en vigueur depuis les
5 années 1970, dans la période la plus récente de l'histoire de l'ex-
6 Yougoslavie. Durant cette période, un organe collectif a été mis en place
7 pour remplir les fonctions dévolues au président.
8 M. Cailey (interprétation). - Prenons maintenant, si vous le
9 voulez bien, le document 21 qui nous ramènera à la notion de citoyenneté.
10 C'est une brève décision. Pourriez-vous nous donner vos commentaires au
11 sujet de ce document ?
12 M. Pajic (interprétation). - Ce décret a force de loi et porte
13 sur la citoyenneté de la République de Bosnie-Herzégovine.
14 Je tiens à souligner que, dans notre pratique juridique par
15 ailleurs, les décrets étaient ceux qui détaillaient les conditions
16 d'adoption de la citoyenneté : donc qui pouvait atteindre, à la
17 citoyenneté, qui pouvait accéder à la citoyenneté, quels étaient les
18 documents nécessaires pour y accéder, les autres dispositions en vigueur,
19 etc.
20 Ce décret, me semble-t-il, ne fait qu'établir le mécanisme
21 juridique qui permet d'accéder à la citoyenneté de Bosnie-Herzégovine. Il
22 n'a pas d'autre fonction, d'ailleurs sa rédaction est très lapidaire,
23 c'est tout à fait visible.
24 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad.
25 M. Riad (interprétation). - Concernant le service militaire,
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1 était-il obligatoire pour tous ceux qui résidaient dans les frontières de
2 la communauté croate ? Ou bien y avait-il un critère ethnique qui
3 déterminait le choix des hommes devant effectuer leur service militaire ?
4 M. Pajic (interprétation). - Non. Excusez-moi, je ne devrais pas
5 parler anglais.
6 Les critères, qui régissaient les obligations militaires,
7 dépendaient de l'existence ou non d'une résidence permanente sur le
8 territoire de la communauté croate de Herceg-Bosna. Aucun élément ethnique
9 n'est mentionné.
10 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
11 M. Cailey (interprétation). - A cet égard, Monsieur le Juge
12 Riad, je pourrais vous renvoyer à l'article 1 du document 14 où il est
13 question de cet aspect particulier de la résidence permanente sur le
14 territoire de la communauté croate.
15 Enfin, Monsieur Pajic, pourrais-je vous renvoyer au document 22.
16 C'est un extrait du Journal officiel de la République de Bosnie-
17 Herzégovine.
18 Je me demandez si vous pourriez d'abord, à l'intention du
19 Tribunal, nous dire quelle est l'origine de ce document par opposition à
20 l’origine du document dont nous avons parlé jusqu'à présent ? Ensuite,
21 peut-être pourriez-vous expliquer la teneur même de cette décision ?
22 M. Pajic (interprétation). - Jusqu'à présent, dans ma déposition
23 je parlais exclusivement des documents parus dans le Journal officiel de
24 la communauté croate de Herceg-Bosna, devenue plus tard République croate
25 de Herceg-Bosna.
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1 A présent, j'ai entre les mains un document paru le
2 18 septembre 1992 dans une autre publication, publication officielle dans
3 laquelle sont publiées les lois et autres textes officiels de l'Etat.
4 Il s'agit du Journal officiel de la République de Bosnie-
5 Herzégovine, précisément le n° 16 de ce Journal officiel, qui publie la
6 décision adoptée le 14 septembre 1992 par le Tribunal constitutionnel, en
7 réaction à la décision portant création de la communauté croate de Herceg-
8 Bosna, et en réaction également à un certain nombre d'autres décrets qui
9 créaient les fondements de la structure juridique et des organes du
10 pouvoir de la communauté croate de Herceg-Bosna.
11 Le Tribunal constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine a estimé, à
12 ce moment-là, que toutes les décisions citées dans le préambule de la
13 décision, que vous avez entre les mains, c'est-à-dire la décision portant
14 création de la communauté croate de Herceg-Bosna, la décision complétant
15 et amendant la décision portant création de la communauté croate, la
16 décision réglementaire portant création temporaire d’une autorité
17 exécutive sur le territoire de la HZ-HB, le décret relatif à
18 l’organisation, au fonctionnement et à la compétence des autorités
19 judiciaires, le décret relatif aux forces armées de la HZ-HB, le décret
20 relatif aux compensations salariales et autres compensations financières
21 dues aux membres des forces armées, le décret relatif à la confiscation
22 par la communauté croate de Herceg-Bosna des ressources de l'ancienne JNA
23 et de l'ancien secrétariat fédéral à la défense nationale, le décret
24 relatif à l'expropriation des occupants et au transfert de leurs biens à
25 la communauté croate de Herceg-Bosna, le décret relatif aux entreprises
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1 publiques de la communauté croate de Herceg-Bosna, sont décrétées
2 anticonstitutionnelles.
3 Ce Tribunal constitutionnel décide que les décisions, que je
4 viens de citer, violent les décrets équivalents de Bosnie-Herzégovine.
5 Le Tribunal constitutionnel établit en 1992 un certain nombre de
6 dispositions, amendées des textes adoptés en 1991. A ce moment-là, ont eu
7 lieu les premières élections démocratiques multipartites qui datent
8 d'ailleurs de 1990.
9 S’agissant de cette décision du Tribunal constitutionnel, je
10 peux dire qu'il cite les dispositions qui décident que les décrets et
11 décisions de la HZ-HB sont anticonstitutionnels.
12 Il est caractéristique et important de constater que cette
13 décision a des fondements juridiques tout à fait clairs, que la rhétorique
14 n'est pas exagérée, que les dispositions constitutionnelles sont citées
15 avec précision, que les textes qui violent la constitution de Bosnie-
16 Herzégovine sont définis également de la façon la plus précise.
17 J'ajouterai que dans la documentation qui a été mise à ma
18 disposition et qui émane du Journal officiel de la communauté croate de
19 Herceg-Bosna, je n'ai trouvé aucune réaction officielle, de quelque organe
20 que ce soit de la communauté croate de Herceg-Bosna, à cette décision du
21 Tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine, qui donc établit le
22 caractère anticonstitutionnel de toutes les décisions votées jusqu'à cette
23 date par la communauté croate de Herceg-Bosna.
24 M. le Président. - Monsieur le procureur, il est 13 heures, nous
25 allons arrêter. Nos interprètes ont fourni un grand travail.
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1 Je voulais savoir comment vous comptez concevoir la poursuite de
2 nos travaux pour demain matin, entre 10 heures et 13 heures ? Avez-vous
3 d'autres questions ? Comment concevez-vous cela ?
4 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, nous avions
5 pensé pouvoir conclure sur la conclusion générale de Monsieur Pajic au
6 sujet de l'ensemble des documents.
7 Nous pensions que cela prendrait environ 15 minutes, après quoi
8 bien sûr la défense pourrait procéder au contre-interrogatoire du témoin.
9 M. le Président. - C'est comme ceci que nous allons procéder.
10 Donc, l'audience est levée. Elle reprend demain matin avec le même témoin,
11 pour à la fois sa conclusion et le contre-interrogatoire de la défense.
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13 L'audience est levée à 13 heures.
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