Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 431

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3

4

5 Mercredi 2 juillet 1997

6

7

8

9 L'audience est ouverte à 10 heures 05 sous la présidence de M. Jorda.

10

11

12

13 M. le Président. - Monsieur le greffier, faites entrer l'accusé.

14 Monsieur Blaskic, vous m'entendez ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, monsieur, messieurs les

16 juges. Je vous entends parfaitement.

17 M. le Président. - Avant de vous donner la parole, monsieur le

18 Procureur, je voudrais intervenir sur un point qui préoccupe, bien sûr,

19 cette Chambre et plus spécialement le Président qui vous parle, c'est le

20 problème de la traduction.

21 Je connais les difficultés du service de traduction et je

22 partage leurs préoccupations. Néanmoins, la langue française est une des

23 langues de travail du Tribunal. Je sais bien que ce serait idyllique si la

24 langue anglaise était la langue de travail, mais hélas, le Français est la

25 langue de travail du Tribunal et je vous assure que j'ai fait beaucoup de

Page 432

1 progrès en anglais grâce à vous tous... Néanmoins, pour parler plus

2 sérieusement, je crois qu'il faudra que nous essayions de régler le

3 problème. Je sais que pour vous c'est une très grande difficulté.

4 Par exemple, je vous signale que je n'ai toujours pas en

5 traduction française -je n'en dirai pas plus puisque nous ne sommes pas à

6 huis-clos-- une des mesures de protection des témoins qu'une des parties

7 avait proposée la semaine dernière. Ce n'est pas très long, Cela

8 représente une page ou une page et demie. Je l'ai, bien sûr, grâce à

9 l'aide de mes collègues et je l’ai bien comprise, mais je crois qu'au-delà

10 du fait de la comprendre à titre personnel, il est quand même de bonne

11 convenance que les pièces soient traduites en français. C'est un premier

12 point.

13 Le point deux concerne l'ensemble de la documentation. Je crois

14 que c'est un travail considérable. Je suis bien persuadé qu'il faut

15 trouver un mode d'accord et je vous assure que le Président qui vous

16 parle, encore une fois grâce à l’aide de ses collègues, pense que l’on

17 peut toujours trouver un mode d'accord. Je crois quand même que cela ne

18 peut pas faire l'économie d'un renforcement du service de la traduction en

19 français dans ce Tribunal.

20 Il ne convient pas d'en dire plus puisque nous sommes ici

21 aujourd'hui dans un procès, mais la bonne communication des pièces fait

22 quand même partie du procès.

23 Tout n'est peut-être pas à traduire ; encore une fois, il faut

24 que l'on arrive à trouver un accord. Je suis tout à fait prêt à le trouver

25 et je vous demanderai d'être mon interprète auprès du service de la

Page 433

1 traduction et de son chef pour organiser, peut-être la semaine prochaine,

2 une petite réunion pour que l'on essaie de voir ce qui doit être fait et

3 ce qui peut être fait. Ce qui doit être fait sur le plan des principes car

4 un certain nombre de choses doivent être faites sur le plan des principes,

5 au-delà même de la compréhension personnelle du juge. N’oublions pas que

6 ces procès sont aussi pour l’Histoire ; Il faut que dans 20 ans, 30 ans,

7 50 ans, on puisse retrouver les traces du procès Tadic, du procès Blaskic,

8 du procès Celebici dans les deux langues officielles du Tribunal, il y va

9 du progrès de la science juridique.

10 D'autre part, s'agissant de l'organisation factuelle de ce

11 procès, il faut évidemment que les trois juges puissent fonctionner

12 normalement, à commencer bien entendu par celui qui vous parle qui a

13 effectivement le handicap d'être français mais qui n'y peut rien et qui

14 donc est obligé de faire avec sa langue.

15 Sur cette plaisanterie, je voudrais que nous reprenions les

16 choses sérieusement et, Monsieur Cailey, je vous redonne la parole pour

17 que vous fassiez entrer à nouveau le professeur Pajic. Merci.

18 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, messieurs

19 les juges, chers confrères de la défense, bonjour. Le bureau du Procureur,

20 monsieur le Président, est tout à fait conscient et partage vos desiderata

21 en matière de traduction.

22 Vous l'avez dit vous-même, il y a des conséquences historiques

23 importantes à tout ce que nous faisons et plus particulièrement pour ce

24 qui est de la requête présentée à l'égard des cinq pièces qui n'étaient

25 pas tout à fait traduites en français.

Page 434

1 Je me suis entretenu avec M. Guibert du service de traduction.

2 Il est à pied d'oeuvre dès maintenant et j'espère que sous peu nous aurons

3 ces pièces traduites. Comme vous l'avez demandé, je prendrai des

4 dispositions pour prévoir une réunion afin de trouver une solution à ces

5 problèmes.

6 Enfin, j'aimerais remercier publiquement les services de

7 traduction et d'interprétation pour le travail réalisé, parce que c'est

8 une langue très technique, la tâche était complexe, ils ont fait un

9 excellent travail. Je tenais à saisir cette occasion pour les remercier

10 publiquement.

11 Deuxième point, qui relève de la procédure, à propos des pièces

12 à conviction.

13 J'aimerais dire à titre officiel, avant la venue du témoin, que

14 nous aimerions verser certaines pièces au dossier, et si la défense en est

15 d'accord, je pourrai vous donner leurs numéros; je crois que le greffe

16 sait de quelles pièces je parle. J’aimerais verser au dossier des

17 documents 36 A, B, C, et D -il s'agit là des versions originales du

18 journal officiel, de la Narodni List -, de la pièce 38 A, B et C. Ce sont

19 respectivement les versions serbo-croates, l'extrait croate des documents

20 retenus par le docteur Pajic, les extraits en français ainsi que les

21 extraits en anglais.

22 M. le Président. - La défense est-elle d'accord pour verser ces

23 pièces ?

24 M. Hayman (interprétation). - Aucune objection, monsieur le

25 Président.

Page 435

1 M. le Président (interprétation). - Monsieur le greffier, vous

2 veillerez à ce que ces pièces soient numérotées conformément à ce que

3 vient d’indiquer M. Cailey.

4 Vous avez à nouveau la parole.

5 M. Cailey (interprétation). - Merci, monsieur le Président. Une

6 dernière chose peut-être : le témoin, M. Pajic, s'attend à quitter La Haye

7 ce soir. Le bureau du Procureur est tout à fait conscient des droits de la

8 défense de contre-interroger le témoin, c'est aussi le droit qui revient

9 au général Blaskic en vertu du statut. Mais M. Pajic m’a demandé de vous

10 faire part de ce qu'il espère pouvoir quitter La Haye ce soir, parce qu'il

11 a vraiment des engagements à Londres et, avec votre permission, je

12 demanderai à ce que le témoin entre dans le prétoire.

13 M. le Président. - Sur ce dernier point, je crois que le

14 Tribunal ne peut pas prendre d'engagement. Le contre-interrogatoire aura

15 lieu dans les conditions. Vous avez pu faire votre interrogatoire de la

16 façon la plus complète, monsieur le Procureur, il faut que le contre-

17 interrogatoire soit fait de façon la plus complète. Nous espérons tous que

18 cela permettra au professeur Pajic de repartir ce soir. S’il ne le peut

19 pas, nous ne ferons pas comme pour un autre témoin qui n’avait pas

20 commencé, cette fois-ci il faudra terminer.

21 C'est tout ce que nous pouvons dire en l'état actuel. Faites

22 rentrer maintenant le Professeur Pajic.

23 M. Cailey (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

24 (L’huissier introduit M. Pajic dans la salle d’audience.)

25 M. le Président. - Bonjour, monsieur le Professeur. Vous

Page 436

1 m'entendez ?

2 M. Pajic (interprétation). - Oui.

3 M. le Président (interprétation). - Vous êtes reposé ? Cela va ?

4 Ce matin vous devrez encore répondre à certaines observations du Procureur

5 et ensuite ce sera au tour de la défense.

6 Monsieur le Procureur...

7 M. Cailey (interprétation). - Merci monsieur le Président.

8 Monsieur Pajic, à la fin de l’audience d’hier, nous en étions à

9 discuter les derniers documents qui sont repris parmi les extraits

10 concernant les décisions du Tribunal ou de la Cour constitutionnelle de

11 Sarajevo. Apparemment, hier, vous vouliez tirer quelques conclusions pour

12 terminer l’interrogatoire principal. Vous pourriez apporter ces

13 conclusions au vu de ces documents et fort de votre expérience.

14 Pourriez vous expliquer à Messieurs les juges votre conclusion

15 générale à propos de tous ces documents ?

16 M. Pajic (interprétation) - Mon analyse couvrait plusieurs

17 documents en nombre, un nombre considérable de documents parus au Journal

18 Officiel, et quelques documents qui ne relevaient pas de ces publications.

19 De ce fait, il serait peut-être utile que je vous fasse une synthèse de

20 mon avis en tant qu'expert.

21 Pour ce qui est de la méthode adoptée pour cette synthèse, je

22 dirai que j'essaierai d'être bref et je vais scinder mes conclusions en

23 deux parties: Je tirerai des conclusions individuelles, pour terminer en

24 un second volet par des conclusions générales pour ce qui est des

25 activités législatives de la communauté Croate de Herceg-Bosna qui allait

Page 437

1 devenir la République de Herceg-Bosna.

2 Mes premières conclusions à titre individuel sont les

3 suivantes : une communauté de municipalités a été constituée, et on lui a

4 donné le nom de Communauté croate de Herceg-Bosna, et peu à peu par ses

5 activités législatives, elle a obtenu en fait la nature d'Etat. Dès le

6 départ, tous les documents de la HZ-HB insistent sur l'intégrité

7 territoriale et la défense de cette intégrité territoriale comme étant en

8 fait une des caractéristiques principales de l'Etat.

9 Nous avons ici des municipalités qui se trouvent sur le

10 territoire de la République souveraine de Bosnie-Herzégovine. Toutefois,

11 celles-ci, alors qu'émergeait la communauté croate, cet Etat est

12 systématiquement ignoré en tant qu'Etat : ses compétences sont

13 marginalisées, son système constitutionnel est ignoré et la législation de

14 la République de Bosnie-Herzégovine est violée.

15 En fait, des organes autonomes sont mis en place, et un ordre

16 public indépendant est constitué pour la Communauté croate de Herceg-

17 Bosna.

18 De surcroît, la Communauté croate de Herceg-Bosna s'est

19 accaparée une partie des frontières de la République et a régi de façon

20 indépendante le système frontalier qui, formellement, juridiquement,

21 appartient à la République de Bosnie-Herzégovine.

22 Deuxième conclusion : tout au long des documents que j'ai

23 analysés, on retrouve comme un fil d'Ariane, le rôle omniprésent du HVO,

24 du conseil croate de la défense, dans toutes les affaires de l'Etat.

25 Puis-je vous rappeler que le HVO avait été constitué en tant

Page 438

1 qu'organe suprême de la défense de la Communauté croate de Herceg-Bosna.

2 Mais, dès les premiers documents, le HVO prend un rôle décisif pour la

3 présidence de la Communauté croate de Herceg-Bosna, définie comme organe

4 législatif.

5 Dans ce cadre, on note immédiatement l'unité des fonctions

6 détenues par un individu, à savoir le Président de la Communauté croate

7 qui, en même temps, est président du HVO. Le HVO est l'organe suprême

8 exécutif, et administratif ; il est doté des caractéristiques propres à un

9 gouvernement.

10 Le HVO couvre les départements de la Défense, de l'Intérieur, de

11 l'Economie, des Finances, des Affaires sociales, de la Justice et de

12 l'Administration, par le biais de services appropriés dirigés par des

13 personnes désignées.

14 Peu à peu, le Conseil croate de la Défense prend le contrôle du

15 fonctionnement du système judiciaire, surtout pour ce qui est des organes

16 de poursuite, et des tribunaux ordinaires. Le HVO désigne et démet de

17 leurs fonctions les juges de ce système juridique. En un mot comme en

18 cent, le Conseil croate de la Défense assure la concentration du pouvoir

19 administratif, du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

20 Parallèlement, le HVO maintient toutes les prérogatives d'un

21 organe de Défense suprême et se fonde sur le principe de la subordination

22 au niveau national, sans accorder aucun droit aux municipalités pour

23 qu'elles puissent instituer leurs autorités locales.

24 Troisième conclusion : la défense de la Communauté croate de

25 Herceg-Bosna dès le départ a été confiée au HVO. La défense de la

Page 439

1 Communauté croate de Herceg-Bosna s'est organisée sur le principe de la

2 participation de chaque citoyen à la défense.

3 Dans les décisions que j'ai citées ces derniers jours, un

4 système s'est constitué, par lequel chaque citoyen de la Communauté croate

5 de Herceg-Bosna sait ou peut savoir quels sont ses devoirs en matière de

6 défense, tant en tant que conscrit qu'en tant que travailleur, s'il est

7 forcé à travailler, ou s'il doit contribuer de façon financière aux

8 activités de défense.

9 Le HVO est l'instance de contrôle absolu, le détenteur de tous

10 les biens matériels acquis. A cet égard, toute la production aux fins de

11 défense et aux fins militaires se trouve sous le contrôle du HVO, qui lui

12 aussi, surveille et supervise le travail des entreprises publiques.

13 Les forces armées de la Communauté croate sont constituées pas à

14 pas, au fil des documents que j'ai cités, et une structure fondée

15 juridiquement met l'accent sur l'unité de commandement et de subordination

16 et sur les responsabilités disciplinaires qui s’accompagnent d'un système

17 de cour martiale, de cour militaire.

18 Quatrième conclusion de même nature : la Communauté croate de

19 Herceg-Bosna a été établie en tant qu’entité nationale, ayant pour

20 aspiration de rassembler un territoire précis qui, légitimement ou pas

21 -l'aspect légal ne concerne pas mon domaine d'expérience et d'expertise-

22 mais en tout cas c'est un territoire qui correspondrait au territoire

23 occupé par le peuple croate dans cette région.

24 En sus de toutes les institutions constituées de la Communauté

25 croate qui allait devenir plus tard la République croate de Herceg-Bosna,

Page 440

1 on insiste sur l'aspect d'appartenance croate, même si au moment de sa

2 constitution, la Communauté croate de Herceg-Bosna, pour l'entièreté de

3 ses trente municipalités est citée dans la décision portant sa

4 constitution, montre qu'il y a aussi des membres d'autres groupes

5 ethniques, à l'exception de quatre municipalités -Grude, Citluk, Posusje-

6 notamment, où vous avez des représentants d'autres groupes ethniques,

7 certes rares. Mais dans les vingt six autres municipalités parmi les

8 trente, il y a des habitants qui viennent d'autres groupes ethniques, des

9 musulmans et des Serbes, des musulmans ou des Serbes, avec une

10 représentation démocratique fluctuante suivant les municipalités. En vertu

11 du recensement de 1991, cela peut fluctuer de 7 % à 82 % de participation

12 démographique en fonction des municipalités.

13 Cependant, en dépit de tout cela, toutes les réglementations

14 dans leurs libellés, mais aussi dans la langue, dans la rhétorique

15 utilisée, excluent implicitement la population non croate de la vie

16 politique de la communauté croate. Les institutions du système de pouvoirs

17 sont constituées de telle sorte que seuls les représentants Croates sont

18 présents.

19 Je dois ajouter qu’en plus de tout cela, la Communauté croate de

20 Herceg-Bosna, et par la suite la République croate de Herceg-Bosna, n'a

21 pas adopté la moindre réglementation qui assurerait, garantirait les

22 droits des minorités, respectant ainsi le droit et les normes

23 internationales. Je pense surtout ici aux minorités linguistiques ou

24 ethniques.

25 Ce n'est pas par hasard parce que dans certains documents, on

Page 441

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 442

1 marque une certaine volonté à respecter, observer, les conventions de

2 Genève et le droit international.

3 Enfin, permettez-moi de tirer une conclusion très générale en

4 quelques mots. J'ai lu, analysé un nombre considérable de documents, et je

5 crois que j'avais en tout, soit chez moi soit au bureau, de 10 à 12 kilos

6 de documents que je devais étudier.

7 J'avoue qu'en tant que juriste, j'ai aussitôt relevé une

8 caractéristique : ces documents, à quelques rares exceptions près, sont le

9 fruit de compétences juridiques élevées. On ne peut s'empêcher de

10 remarquer aussitôt plusieurs principes : tout d'abord, le caractère

11 graduel des activités législatives ou normatives. Aussi, la continuité et

12 la cohérence qu'il y a dans ces activités, le caractère systématique des

13 réglementations, des décisions prises, leur cohérence.

14 A plusieurs reprises, j'ai indiqué quelques points mineurs où

15 l’on note telle ou telle contradiction. Mais en résumé, on voit clairement

16 qu'il y a une tendance à élargir les prérogatives de l'Etat au cours de

17 l'année 1992 et de l'année 1993.

18 Il y a quelque chose qui m'a frappé tout particulièrement au vu

19 du fait que je connais les conditions dans lesquelles a émergé la

20 Communauté croate de Herceg-Bosna -nous parlons là de circonstances ou de

21 conditions... pratiquement, nous avons un climat de guerre, en fonction de

22 l'époque - c'est le caractère complet de ces activités normatives et

23 législatives.

24 Souvent, j'ai été surpris de rencontrer des documents reprenant

25 les teneurs suivantes : je cite ceci à titre illustratif. Par exemple,

Page 443

1 l'adoption d'un décret portant sur la constitution d'un club d'automobile,

2 par exemple la confirmation du statut de ce club d'automobile, la

3 désignation du secrétaire général de ce dit club d’automobile. Cela a été

4 publié au Journal Officiel n° 5 de 1992 et signé par le Président du HVO.

5 Il y a aussi un décret sur l'établissement et le fonctionnement

6 de l'Université de Mostar, publié lui aussi au n°°6 de 1992. Il y a des

7 dispositions qui disent que le doyen est responsable envers le HVO. Au

8 n° 7 de 1992, on trouve une décision sur la désignation des chefs de

9 divers départements à l'Université de Mostar. Au n° 8 de 1992, on trouve

10 un décret sur les jeux, sur la loterie, et puis un décret sur la création

11 des services des sapeurs-pompiers. Et puis, un décret portant sur la

12 création de l'Institut géophysique dans le n° 6 de 1993. Je pourrais vous

13 citer bien d'autres exemples qui sont tous assez symptomatiques du

14 caractère très complet de ces activités normatives, et des intentions

15 qu'avait le législateur qui voulait en fait englober toutes les activités

16 sociales par le biais de dispositions juridiques propres à la Communauté

17 croate de Herceg-Bosna.

18 Je vous remercie, Monsieur le Président et Messieurs les juges,

19 de votre attention j'en ai ainsi terminé de votre analyse.

20 M. le Président. - Monsieur le procureur, avez vous d'autres

21 questions avant que nous donnions la parole à Maître Hayman ou Maître

22 Nobilo ?

23 M. Cayley (interprétation). - Je n'ai plus de question à poser.

24 Je crois que le témoin peut se prêter au contre-interrogatoire.

25 M. Hayman (interprétation). - Puis-je vous informer de la

Page 444

1 procédure que nous aimerions adopter ?

2 M. le Président. - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - Maître Nobilo va commencer le

4 contre-interrogatoire. J'aurai un nombre moins important que lui de

5 questions à poser, mais je peux vous assurer de ce que nous allons

6 vraiment faire l'impossible pour ne pas avoir de doublons dans les

7 questions. Mais pour des raisons tant linguistiques que de substances, je

8 crois qu'il est important que tous deux nous ayons l'occasion de poser des

9 questions à M. Pajic.

10 M. le Président. - Merci Maître Hayman. Le Tribunal ne voit

11 aucun inconvénient. Vous êtes tous les deux de la défense. Vous organisez

12 la défense du Général Blaskic comme vous l'entendez, dans le respect bien

13 sûr de la procédure du tribunal.

14 Maître Nobilo, c'est à vous.

15 M. Nobilo (interprétation). - Merci monsieur le Président.

16 Messieurs les juges, mes confrères de l'accusation, Monsieur Pajic, je

17 m'appelle Anton Nobilo et je défends le Général Blaskic. J'aimerais vous

18 poser quelques questions. Revenons au début de votre témoignage. Nous

19 n'allons pas prendre autant de temps pour le contre-interrogatoire, mais

20 vous avez eu quelques affirmations au départ, à savoir que pour les Etats

21 de traduction européenne et pour l'ex-Yougoslavie, il était tout à fait

22 caractéristique de publier un Journal officiel dans lequel paraissent les

23 lois, les décisions. C'est là notamment une des indications qui montre

24 qu'il y a un Etat en Herceg-Bosna. Vous souvenez-vous de ceci ?

25 M. Pajic (interprétation). - Oui.

Page 445

1 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais vous rappeler que même

2 aujourd'hui, en ex-Yougoslavie, les municipalités avaient aussi leur

3 Journal officiel. Les conseils municipaux y publiaient toutes les

4 décisions régissant la vie en ville. Est-ce correct ?

5 M. Pajic (interprétation). - Oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - On pourrait donc dire que ce

7 n'était pas simplement l'Etat qui avait un Journal officiel.

8 M. Pajic (interprétation). - C'est exact, mais je m'attachais

9 surtout à la teneur des dispositions juridiques.

10 M. Nobilo (interprétation). - Certes, mais vous avez parlé de

11 l'existence de Journal officiel comme étant une publication permettant la

12 parution de documents officiels. Moi, je parlais précisément de la forme

13 de la manière dont ceci est publié. Et j'affirme que les villes, les

14 municipalités avaient aussi un Journal officiel.

15 M. Pajic (interprétation). - C'est exact.

16 M. Nobilo (interprétation). - Et puis, vous avez dit que la

17 première décision portant création de la Herceg-Bosna a été adoptée le

18 18 novembre 1991, mais que la guerre en Bosnie-Herzégovine n'avait pas

19 encore commencé. J'aimerais vous rappeler qu'entre le 18 et le

20 20 septembre 1992, des dizaines de milliers de réservistes de Serbie et du

21 Monténégro sont venus en Bosnie-Herzégovine dans les régions de Stoljac et

22 Ljutron*. Ils ne sont pas entrés dans les casernes, mais ont pris

23 immédiatement position en direction de Neum et de la Herzégovine

24 occidentale et cela a été les premières troupes étrangères au début de

25 l'invention. Etes-vous d'accord avec mon interprétation ?

Page 446

1 M. Pajic (interprétation). - Autant que je me souvienne -et là

2 nous abordons le côté photographique...

3 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui est important, c'est

4 d'encadrer ces dispositions, de situer un peu le cadre de l'adoption de

5 certains actes. Dans la mesure où je me souviens de cette époque là, je

6 voudrais tout de même signaler un certain nombre de faits. Je ne conteste

7 pas le fait que même à cette époque-là, il y avait déjà une psychose qui

8 est celle de la veille de la guerre, en Croatie déjà.

9 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais faire une objection,

10 monsieur le Président. Le témoin devrait avoir le temps de répondre, et

11 M. Nobilo est en train, en quelque sorte, d'intervenir et de ne pas lui

12 permettre de terminer sa réponse.

13 M. le Président. - L'objection m'apparaît fondée. Vous devez

14 poser vos questions, prendre le temps qu'il vous faut pour poser votre

15 question, mais laisser s'exprimer le témoin pour répondre. Merci.

16 M. Pajic (interprétation). - Oui, il existait cette psychose de

17 veille de la guerre. Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait sûr de

18 pouvoir accepter votre qualification de troupes étrangères, parce que

19 finalement l'armée populaire yougoslave existait encore dans le cadre de

20 l'espace de la Bosnie-Herzégovine, et à Sarajevo même il y avait un

21 commandement régional de la JNA. Je ne voudrais pas qualifier les

22 événements qui s'annonçaient, mais la JNA coopérait officiellement,

23 légalement, avec les autorités en place.

24 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous êtes d'accord qu'il

25 paraissait évident que la Bosnie-Herzégovine allait éclater ?

Page 447

1 M. Pajic (interprétation). - Oui, je serais d'accord avec vous.

2 Moi-même, je l'ai déclaré publiquement, en 1992, que je craignais

3 l'éclatement d'une guerre en Bosnie-Herzégovine, mais pour des raisons

4 différentes et un regard sur la communauté internationale également,

5 j'avais un peu l'espoir que cette guerre aurait été prévenue.

6 M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous du

7 9 septembre 1992, le moment où le village de Ravno* a été attaqué ?

8 M. Pajic (interprétation). - Oui, il s'agissait d'opérations en

9 rapport avec Dubrovnik, mais sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce normal que quelqu'un se

11 prépare pour la défense, avant le commencement même, de facto, de la

12 guerre ? Ou vous paraît-il plus normal qu'on commence à se préparer pour

13 la défense une fois la guerre commencée ?

14 M. Pajic (interprétation). - Ma réponse serait que je n'aurais

15 pu que me féliciter du fait d’avoir pu nous préparer suffisamment à

16 l'avance pour parer à cette guerre.

17 M. Nobilo (interprétation). - Ma question consiste à vous

18 demander si vous ne pensez pas qu'un des moyens pour se préparer c'est

19 justement ce qui a été fait ?

20 M. Pajic (interprétation). - Sur ce point, je ne serais pas

21 d'accord avec vous. La décision sur la fondation de la Communauté croate

22 de Herceg-Bosna ne signale que par un élément la nécessité de défendre

23 cette Communauté croate de Herceg-Bosna. On n’y parle pas de la

24 préparation d'une agression sur la République de Bosnie-Herzégovine et

25 c'est là mon problème d'inconsistance.

Page 448

1 M. Nobilo (interprétation). - J'attire votre attention sur le

2 point 2 du dossier judiciaire page 2.

3 La pièce à conviction n° 38, point 2, page 2, est la décision

4 portant création de la communauté croate de Herceg-Bosna ?

5 M. Pajic (interprétation). - Vous parlez de la version

6 définitive amendée, modifiée et complétée. Donc, la version complète du

7 document.

8 M. Nobilo (interprétation). - Oui. Avec ces points-ci, vous

9 allez peut-être mieux vous débrouiller.

10 En parlant de cette décision, je pense que vous n'avez pas été

11 tout à fait précis dans l'énumération des raisons, alors que les raisons y

12 sont explicitement citées.

13 J'en donne lecture : «Les raisons de l'établissement de la

14 fondation, en ces heures tragiques de son histoire, confrontée à la menace

15 que l'armée du dernier pays communiste d’Europe et ses alliés, les

16 Tchetniks, font peser sur son existence et sur l'existence de la Bosnie-

17 Herzégovine, le peuple croate de Bosnie-Herzégovine est profondément

18 convaincu que son avenir est lié à celui du peuple croate et c'est ainsi

19 motivé qu'il fonde sa communauté croate de Herceg-Bosna. ».

20 Donc, il s'agit de quelques raisons qui sont citées en

21 préambule, au début même de ce texte, et ce sont les raisons

22 fondamentales.

23 M. Pajic (interprétation). - Monsieur Nobilo, vous venez de me

24 lire le préambule de la décision adoptée en 1992, au mois de novembre 1992

25 où la guerre battait son plein, alors que la décision sur la fondation,

Page 449

1 celle que vous citez, porte la date du 18 novembre 1991 qui comprend

2 également un bref préambule qui diffère sensiblement de celui que vous

3 trouvez dans le texte complet. Il y a des différences, nous allons pouvoir

4 les relever.

5 M. Pajic (interprétation). - Je m'excuse, je parle de la phrase

6 que vous avez soulignée.

7 Si nous lisons cette décision du 3 juillet 1992, je suis tout à

8 fait d'accord que ce préambule reste tel quel.

9 « L’armée yougoslave et les Tchetniks ont commis » ou

10 « confrontée à une agression commise par les Tchetniks et l'armée

11 yougoslave », mais c'est le texte qui est tel quel du 18 novembre 1991.

12 Mais aucune référence n'est faite à une agression sans merci de

13 la JNA. Comme je l'ai déjà dit, la JNA existait comme tel en Bosnie-

14 Herzégovine.

15 M. Nobilo (interprétation). - Mais si vous regardez la première

16 phrase du document, on parle ici de l'armée yougoslave qui, de concert

17 avec les Techtniks, menace le peuple croate de Bosnie-Herzégovine. C'est

18 là une raison qui est soulignée, mais ceci devient plus évident parce que

19 la guerre battait son plein.

20 M. Pajic (interprétation). - C'est votre interprétation, c'est

21 une interprétation extensive. Vous savez qu'il s'agit d'une menace à

22 l'existence de l'état croate et du peuple croate, mais la Bosnie-

23 Herzégovine n'est pas mentionnée dans ce contexte, elle l'est plus tard.

24 On y dit : « Nous, les représentant élus du peuple croate,

25 décidons, au nom... » et ainsi de suite.

Page 450

1 M. Nobilo (interprétation). - Pour ne pas débattre plus

2 longtemps, êtes-vous d'accord ou non avec moi sur le fait que la fondation

3 de cette création et la menace imminente de la guerre soient la nécessité

4 d'organiser la défense pour défendre cet espace, qui est habité par les

5 Croates, et sur lequel les Croates estimaient qu'ils avaient le droit de

6 vivre ? Pensez-vous que c'est la raison fondamentale ?

7 M. Pajic (interprétation). - Oui, je pense que c'est la raison

8 fondamentale, la raison en étant donc la préparation pour la défense.

9 M. Nobilo (interprétation). - Je vous prierai aussi de vous

10 rappeler ce que le Gouvernement fédéral faisait à l'époque, en 1991, je

11 pense au Gouvernement fédéral de la Bosnie-Herzégovine.

12 Que faisait ce Gouvernement en vue de la défense ? Ce

13 Gouvernement fédéral protégeait-il ces citoyens ? Ce gouvernement fédéral

14 a-t-il réussi à protéger ces citoyens ?

15 M. Pajic (interprétation). - Vous me posez une question à

16 laquelle je ne peux pas répondre sur la base de ces documents.

17 On pourrait entrer dans un débat qui aurait un caractère de

18 mémoire. Il s'agit de toute une période qui remonte à cinq ans. Je ne peux

19 parler que sur la base de mes souvenirs. Il n'y a pas d'expérience, ni de

20 vécu directe.

21 M. Cailey (interprétation). - Je m'excuse d'intervenir Monsieur

22 le Président, mais comme vous le voyez M. Nobilo tente de couvrir de très

23 vastes domaines, alors que le fond du témoignage de notre témoin a été

24 basé sur les documents que la défense a sous les yeux et que vous avez

25 sous les yeux. Il n'est pas appelé à témoigner sur les événements les plus

Page 451

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance

12 entre la pagination anglaise et la pagination française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 452

1 généraux qui s'étaient produits à l'époque.

2 Je demande donc que le contre-interrogatoire de M. Nobilo se

3 limite à la documentation que nous avons tous sous les yeux.

4 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président,

5 l’interrogatoire direct a débordé le contexte des documents. Il s’est même

6 basé sur les connaissances du témoin, même son départ de Sarajevo.

7 Nos questions ou notre interrogatoire ne sera pas extensible,

8 mais certaines questions devraient être un peu plus vastes.

9 M. le Président. - Je vais consulter mes collègues.

10 L’objection est refusée, Monsieur le Procureur.

11 Simplement, nous demandons à la défense de rester assez brève et

12 davantage cantonnée sur les documents. Merci. Vous pouvez continuer.

13 M. Pajic (interprétation). - Sous réserve de parler d'après mes

14 impressions personnelles, et ne possédant aucun document de ce domaine

15 précis, je peux dire que la défense de la Bosnie-Herzégovine, au moment de

16 l'éclatement de la guerre, il y a eu un morcellement, une fragmentation du

17 territoire, du pays ; il y a eu interruption des communications sur

18 l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine et d'après mes

19 informations, on a recouru à une sorte d'auto-organisation de la défense.

20 Elle était quelque part meilleure en d'autres lieux.

21 Est-ce que cela a été fait par une armée bien préparée de la

22 Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que cela a été fait d'avance ? Je ne suis pas

23 sûr, mais s'il y avait pas de défense organisée, Sarajevo serait tombé aux

24 mains de la JNA et entre les mains de ceux qui avaient repris ensuite les

25 armements et les munitions de la JNA plus tard. Il ne faut pas oublier

Page 453

1 qu'avant le commencement de la guerre elle-même -et lorsque je dis

2 commencement de la guerre elle-même, je pense toujours au début du

3 mois d'avril 1992- bien avant cette date, on avait en Bosnie-Herzégovine

4 un déploiement des forces armées des Nations Unies, de la FORPRONU en

5 l'occurrence, et avec plus ou moins de possibilités de succès, où on avait

6 plus ou moins tort ou raison, mais on espérait que la FORPRONU allait

7 arrêter la guerre en Bosnie-Herzégovine.

8 Donc ces espoirs étaient en quelque sorte non fondés, stériles.

9 Et l'ensemble de la situation indique qu'il serait difficile de parler

10 d'une défense bien organisée, générale de la République de Bosnie-

11 Herzégovine. Elle a été fragmentée, elle avait plus de succès dans

12 certains endroits, comme c'est le cas à Tuzla, un peu moins comme c'est le

13 cas de la Bosnie occidentale.

14 M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord avec vous. Je

15 serais d'accord avec vous en soulignant ce point-ci. Il y a eu nécessité

16 d'organisation, il ne s'agit pas d'une négation du système. Est-ce qu'il

17 ne s'agit pas d'un défaut du système du gouvernement fédéral d'organiser

18 cette défense de la Bosnie-Herzégovine ? Pourriez-vous être d'accord avec

19 moi ?

20 M. Pajic (interprétation). - Si nous en restons au terrain de la

21 défense, je pourrais être d'accord avec vous, mais je tiens à rappeler

22 l'article 1 de la décision portant création de la Communauté croate de

23 Herceg-Bosna où l'on ne parle pas de la défense, mais on parle de la

24 création de la Communauté croate comme entité économique, culturelle, et

25 ainsi de suite.

Page 454

1 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez vous-même dit que les

2 actes militaires étaient l'élément principal de l'ensemble de ce système

3 du pouvoir. Mais revenons à ces éléments qui n'ont pas été protégés par

4 les autorités de Bosnie-Herzégovine. Vous avez quitté Sarajevo en 1993.

5 Avez-vous quitté Sarajevo parce que vous ne vous y sentiez plus

6 désormais ?

7 M. Pajic (interprétation). - Je partageais le sort de tous les

8 habitants de Sarajevo. C'était une des raisons entre autres. D'autre part,

9 mes activités professionnelles étaient telles qu'intellectuel,

10 indépendant, autonome, je me sentais dans l'entourage de Sarajevo plutôt

11 isolé.

12 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on donc conclure que votre

13 gouvernement ne vous assurait pas une sécurité suffisante pour que vous y

14 restiez sur place ?

15 M. Pajic (interprétation). - En guerre, l'individu ne doit pas

16 attendre trop de choses de son gouvernement. Chacun est maître de son

17 sort. Je suis tout à fait d'accord avec vous, le peuple croate ne

18 s'attendait pas à beaucoup de choses. Il est devenu maître de son sort.

19 M. Nobilo (interprétation). - Une autre de vos constatations,

20 dont je voudrais polémiquer avec vous, c'est qu'il y a certaines

21 disparités avec la Constitution fédérale de la République de Bosnie-

22 Herzégovine. Je serais d'accord avec vous, mais au moment de la création

23 de la Communauté croate de Herceg-Bosna, au mois de novembre 1992, quel

24 était le titre retenu ?

25 M. Pajic (interprétation). - En effet, il s'agissait de la fin

Page 455

1 de l'ancien régime de la République socialiste fédérative de Yougoslavie.

2 A l'époque il y a eu une certaine confusion quant à la situation juridico-

3 constitutionnelle. Au moment où il devenait certain que l'ancien régime

4 dirigé par la ligue des communistes de Yougoslavie perdait du terrain, on

5 avait introduit des amendements correspondants dans les Constitutions des

6 Républiques de l'ancienne fédération yougoslave. La Constitution qui était

7 en vigueur à l'époque était la constitution de 1974, la Constitution

8 fédérale et autant les constitutions des République, ces constitutions ont

9 été amendées en 1989, celle de la République de Bosnie-Herzégovine en

10 l'occurrence. Ensuite vient la Constitution de l'assemblée, après les

11 premières élections pluripartites, et on a entamé la rédaction d'une

12 nouvelle Constitution au cours de 1991.

13 On a adopté un certain nombre d'amendements aux textes de la

14 Constitution en vigueur, amendements qui sanctionnaient la situation en

15 vigueur (Constitution du Parlement, composition du gouvernement,

16 constitution de la présidence comme organe collégial et ainsi de suite).

17 Donc je pourrais répondre qu'en vigueur était l'ancienne Constitution

18 telle qu'elle a été amendée en 1987-1988-1989.

19 M. Nobilo (interprétation). - Ces amendements posaient la

20 question du pluripartisme, mais s'agissait-il de modifications de

21 relations, de rapports vis-à-vis de la Yougoslavie fédérale ou la Bosnie-

22 Herzégovine restait-elle élément fondateur, élément constituant de la

23 République socialiste fédérative de Yougoslavie ?

24 M. Pajic (interprétation). - Je n'ai pas le texte de la

25 Constitution avec moi, mais je pense que la situation était celle que vous

Page 456

1 venez de décrire. La Bosnie-Herzégovine, à l'époque, n'avait pas encore

2 acquis son indépendance dans le sens juridique international, comme vous

3 le savez vous-même, et suite aux conclusions adoptées par la Commission

4 Badinter, au nom de la Communauté européenne à l'époque, on y prévoyait

5 que les républiques voulant accéder à l'indépendance et se trouvant sur le

6 territoire de la République socialiste fédérative de Yougoslavie devaient

7 se prononcer par référendum. En mars 1991 ou 1992, 1992 en l'occurrence

8 pour la Bosnie-Herzégovine, viennent les premières reconnaissances

9 internationales.

10 M. Nobilo (interprétation). - Donc, parlant de cet acte de

11 novembre 1991, et de juillet 1992, la Bosnie-Herzégovine restait partie de

12 la Bosnie-Herzégovine. (?).Au mois de juillet ?

13 M. Pajic (interprétation). - Non, au cours de l'été, la Bosnie-

14 Herzégovine a été reconnue au cours de la première semaine du mois d'avril

15 en 1992, admise aux Nations Unies le même jour que la Croatie, le 22 mai

16 1992.

17 M. Nobilo (interprétation). - Quelle a été la position, le

18 statut de l'armée ?

19 M. Pajic (interprétation). - Statutairement parlant, l'armée en

20 fonction, opérationnelle, a été la JNA, avec des éléments de défense

21 territoriale très accentués, ceci ayant été une des spécificités du

22 système de défense dans le pays.

23 M. Nobilo (interprétation). - Qui était celui qui dirigeait et

24 commandait la défense territoriale ?

25 M. Pajic (interprétation). - Cette défense territoriale a été

Page 457

1 subordonnée à la JNA.

2 M. Nobilo (interprétation). - Ne voyez-vous pas là un paradoxe

3 constitutionnel quant à l'armée de Bosnie-Herzégovine, une armée qui

4 attaquait son propre territoire, son propre état ?

5 M. Pajic (interprétation). - Cette question peut et doit être

6 située dans le contexte des divisions nationales.

7 M. Nobilo (interprétation). - Restons sur le terrain

8 constitutionnel, juridico-constitutionnel.

9 M. Pajic (interprétation). - En effet, l'organisation de la JNA

10 sur le plan juridico-constitutionnel a été celle que vous mentionnez, mais

11 de fait, dans l'armée, il y a eu dispersion du cadre professionnel,

12 notamment lorsqu'il s'agit de ressortissants musulmans et autres.

13 M. Nobilo (interprétation). - Mais au moment où il y a eu

14 éclatement des conflits en Bosnie-Herzégovine, la JNA a été l'armée de

15 Bosnie-Herzégovine ?

16 M. Pajic (interprétation). - Exact.

17 M. Nobilo (interprétation). - Ne pensez-vous pas que dans une

18 telle situation paradoxale où l'armée attaque son propre Etat,

19 formellement parlant, constitutionnellement parlant, est-ce que vous ne

20 pensez pas qu'un peuple, qu'un groupe, qu'une collectivité de municipalité

21 n'ait pas le droit pour assurer son autodéfense et la situation étant

22 vraiment hors constitutionnelle pour ainsi dire, est-ce que vous pensez

23 que cela représente une violation de la Constitution ou non ?

24 M. le Président. - Maître Nobilo, lorsque vous posez votre

25 question, laissez le témoin répondre parce que vous enchaînez encore sur

Page 458

1 une autre question. S'il vous plaît.

2 Monsieur le Procureur, avez-vous une objection différente de la

3 mienne ?

4 M. Cayley (interprétation). - Non, monsieur le Président, je

5 voudrais parler dans cette même ligne. En effet, Maître Nobilo devrait

6 tout de même respecter un peu plus le témoin qui est en train de déposer.

7 M. le Président. - Il s'agit de surcroît d'une petite

8 complication technique. Vous parlez très vite, la traduction fait ce

9 qu'elle peut derrière. Il arrive un moment donné où effectivement pendant

10 que vous terminez votre question le témoin répond, et ce n'est pas

11 toujours très commode. Alors je crois que le plus simple, déjà pour

12 faciliter le travail des juges, mais également des traducteurs, est de

13 faire des séquences de vos questions, de laisser le témoin répondre et

14 ensuite de renchérir sur une autre question si vous le souhaitez. Merci.

15 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. J'accepte ces

16 remarques. Mais je n'accepte pas qu'on dise que je ne respecte pas le

17 témoin, car nous discutons de la façon la plus agréable qui soit, l'un

18 avec l'autre.

19 Vous en étiez à votre réponse, n'est-ce pas monsieur ?

20 M. Pajic (interprétation). - Oui. Avant de répondre de façon

21 définitive à votre question quant aux priorités, je tiens quand même à

22 vous rappeler le contexte dans lequel tout cela se passait. Il est tout à

23 fait clair que les peuples de Bosnie-Herzégovine cherchaient un moyen de

24 se défendre contre l'agression, mais je tiens à vous rappeler tout de même

25 qu'à la même époque, nous parlions de l'une ou l'autre de ces décisions de

Page 459

1 création. La situation dans laquelle nous sommes, en ce qui concerne le

2 gouvernement de Sarajevo, est une situation dans laquelle il y a des

3 pourparlers portant sur le départ de l'Armée de la République de Bosnie-

4 Herzégovine, et le ministre de la Défense du Gouvernement de Bosnie-

5 Herzégovine, M. Jerko Doko tenait un rôle tout à fait important dans ces

6 pourparlers. Il avait été nommé à ces fonctions en tant que candidat du

7 parti politique de la Communauté croate de Herceg-Bosna. Je le connais

8 personnellement, et c'est la raison pour laquelle je peux vous fournir ce

9 renseignement assez détaillé. Donc, la situation était marquée par des

10 préparations portant sur l'évacuation, comme on l'appelait à l'époque, de

11 l'armée populaire yougoslave du territoire de Bosnie-Herzégovine. C'était

12 donc un moment assez délicat dans lequel, en même temps, il était question

13 de créer l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine. Et si vous vous

14 rappelez bien cette époque, le général Ciber* -je ne me souviens pas

15 exactement de son nom- a été nommé au poste de Commandant de l'état-major

16 général.

17 M. Nobilo (interprétation). - Bien, mais vous ne m'avez pas

18 répondu lorsque je vous ai demandé ce qui est prioritaire entre le fait de

19 violer la Constitution et le fait d'organiser l'autodéfense. Quel est le

20 droit fondamental ?

21 M. Pajic (interprétation). - Eh bien, la question est simple et

22 la réponse également : c'est un droit fondamental, je suis d'accord avec

23 vous.

24 M. Nobilo (interprétation). - Bon, un droit fondamental.

25 Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur un autre

Page 460

1 point. Vous avez discuté en détail de la page 2 du document 2, à savoir la

2 décision portant création de la communauté croate de Herceg-Bosna, mais je

3 crains que vous n'ayez, peut-être involontairement, laissé un peu de côté

4 l'article 5, et j'aimerais donc revenir sur cet article 5.

5 Je vous en donne lecture : « La communauté s'engage à respecter

6 les autorités démocratiquement élues de la République de Bosnie-

7 Herzégovine aussi longtemps que cet Etat demeurera indépendant vis-à-vis

8 de l'ex-Yougoslavie ou de toute future Yougoslavie.".

9 M. Pajic (interprétation). - Merci de m’avoir rappelé cet

10 article. Je crois qu’il a son importance pour expliquer la traduction de

11 l'ensemble de la situation en Herceg-Bosna. En effet, il stipule que la

12 Communauté s'engage effectivement à respecter les autorités

13 démocratiquement élues de la République de Bosnie-Herzégovine aussi

14 longtemps que cet Etat demeurera indépendant vis-à-vis de l'ex-Yougoslavie

15 ou de toute future Yougoslavie.

16 C’est un article qui, à mon avis, peut être qualifié d'article

17 ayant un caractère constitutionnel. Mais c'est une condition qui n'a

18 jamais été remplie car vous serez d'accord avec moi pour admettre que,

19 dans les événements tragiques qui ont suivi, la Bosnie-Herzégovine est

20 sortie de la Yougoslavie et aujourd'hui encore, elle n'est pas entrée dans

21 quelque chose qui peut être qualifié de Yougoslavie future.

22 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez raison, et dans ce

23 territoire en particulier.

24 M. Pajic (interprétation). - Oui.

25 M. Nobilo (interprétation). - Bien. Poursuivons.

Page 461

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12 Page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance

13 entre la pagination anglaise et la pagination française

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 462

1 Plus tard, vous avez dit, s'agissant de la décision qui est

2 présentée en page 2, c'est-à-dire « Décision portant création de la

3 Communauté croate d’Herceg-Bosna amendée », qu'elle allait un pas plus

4 loin par rapport à la première décision portant création de la Herceg-

5 Bosna, c'est-à-dire celle qui n'était pas amendée. Alors, je vous demande

6 quelle était la situation militaire en juillet ou septembre 1992, en

7 comparaison avec le mois de novembre 1991. Je ne vous demande pas de

8 détails, simplement la situation était-elle meilleure ou pire ?

9 M. Pajic (interprétation). - Pire.

10 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de

11 prêter attention à la page 4 de la deuxième section du classeur de

12 l'accusation, où nous avons le décret portant création du Conseil croate

13 de la Défense qui, je suis d'accord avec vous, est un décret important.

14 M. le Président. - Pouvez-vous individualiser à l'intention du

15 Tribunal la pièce à laquelle vous faites allusion, Maître Nobilo, comme

16 l'avait fait l'accusation.

17 M. Nobilo (interprétation). - Il est question du document qui

18 figure après l'intercalaire 2, dans le classeur de l'accusation page 4.

19 Peut-être la numérotation est-elle différente en traduction française mais

20 en croate et en anglais, c'est la page 4.

21 M. le Président. - Merci.

22 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous avez parlé de ce

23 décret, je crois que vous n'avez pas lu le préambule. J'aimerais en donner

24 lecture et je vous prierai de nous donner votre commentaire. Donc, je

25 cite : « Réunie en session extraordinaire le 8 avril 1992, la Présidence

Page 463

1 de la Communauté croate d’Herceg-Bosna -et c'est ce qui suit que je tiens

2 à souligner- constate l'agression perpétrée sur son territoire, (c'est-à-

3 dire le territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna), la

4 vulnérabilité du peuple Croate, l’impuissance des autorités légales de la

5 République de Bosnie-Herzégovine, et notamment la désintégration de son

6 système de défense. En application de l’article 7 du décret portant

7 création de la Communauté croate de Herceg-Bosna, elle décrète, etc... ».

8 Pourriez-vous nous donner vos commentaires sur ce préambule ?

9 M. Pajic (interprétation). - Ce qui me paraît manquer dans ce

10 préambule, puisque vous me demandez mon commentaire, c'est une chose parce

11 que, du point de vue de la Communauté croate de Herceg-Bosna, je me serais

12 attendu à ce qu’il y ait une expression relative à l’agression qui est

13 perpétrée contre la totalité de la République de Bosnie-Herzégovine.

14 Comme vous le savez bien, à partir de 1991, les habitants de

15 nationalité croate étaient répartis dans la totalité du territoire de la

16 République de Bosnie-Herzégovine et pas seulement dans la quarantaine de

17 municipalités qui étaient majoritairement croates. Et donc c'est là qu'il

18 manque quelque chose à mon avis.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais ne pensez-vous pas que ces

20 raisons sont bien les raisons fondamentales qui ont amené à la situation

21 de guerre ?

22 M. Pajic (interprétation). - Oui, en effet.

23 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, nous en arrivons à un

24 point tout à fait capital dans votre déposition et je crois qu'il va

25 falloir y consacrer une attention particulière et un certain temps.

Page 464

1 D'après vous, ce Conseil croate de la Défense, qui est créé en tant

2 qu'organe suprême exécutif du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, a-t-il

3 un caractère civil ou militaire ? S’agit-il d'une armée ou d'un organisme

4 civil ? Pouvez-vous le définir en fonction de ce décret ?

5 M. Pajic (interprétation). - A partir de l'adoption de ce décret

6 qui ne comporte que deux ou trois articles, je crois qu'il est prématuré

7 de rechercher une telle définition. Mais ce qu'il est important de

8 rappeler, et je l'ai sans doute dit dans ma déposition ces derniers jours,

9 c'est qu'à l'article 2, il n'est pas uniquement question du fait que le

10 peuple Croate va se défendre, mais il est question de la défense de la

11 souveraineté du territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna, donc

12 il est question d'intégrité territoriale et, à mon avis, cette question de

13 l'intégrité territoriale est, du point de vue du gouvernement de l'Etat,

14 un élément beaucoup plus fondamental, beaucoup plus important que les

15 intérêts d'une nation particulière ou d’un groupe ethnique particulier.

16 M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord avec vous mais je

17 souhaiterais attirer votre attention également sur le fait qu'il y avait

18 plusieurs peuples vivant sur ce territoire et cela figure à l'article 2 ;

19 donc, il ne s'agit pas uniquement des intérêts d'un peuple.

20 M. Pajic (interprétation). - Oui, c'est tout à fait clair ; il

21 est question ici de la défense de la souveraineté du territoire.

22 M. Nobilo (interprétation). - Oui, je peux être d'accord avec

23 vous mais laissons cela de côté et dites-moi simplement si, d'après vous,

24 ce document suffit ou pas pour vous permettre de définir si l'organisation

25 en question est un organe civil ou militaire.

Page 465

1 M. Pajic (interprétation). - Dans cette phase, ce décret porte

2 sur un organe civil.

3 M. Nobilo (interprétation). - Bien. Maintenant, passons à la

4 page suivante du classeur, la page 5. Nous en arrivons au décret afférent

5 à l'organisation temporaire du pouvoir exécutif et administratif sur le

6 territoire de la Communauté croate de Herceg-Bosna.

7 Vous avez confirmé longuement que le HVO, en tant que structure

8 militaire, arrivait à la tête de la Communauté croate de Herceg-Bosna à ce

9 moment-là et que cette structure militaire administrait d'une certaine

10 manière la Communauté croate de Herceg-Bosna. Est-ce que je vous ai bien

11 compris ?

12 M. Pajic (interprétation). - Le Conseil croate de la Défense en

13 tant que structure de défense.

14 M. Nobilo (interprétation). - Militaire ou civile ?

15 M. Pajic (interprétation). - Il n'y a pas de différence, c'est

16 une structure de défense.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais peut-il y avoir une structure

18 de défense civile ?

19 M. Pajic (interprétation). - Il peut y avoir une structure de

20 défense civile étant donné les conditions dans lesquelles les unités se

21 forment, les conditions dans lesquelles se forment les instances

22 municipales du HVO. C'était une structure civile et vous le savez très

23 bien car il était question d'organiser la défense du peuple Croate sur le

24 territoire de sa République.

25 M. Nobilo (interprétation). - Vous estimez donc que la création

Page 466

1 des instances du HVO dans diverses municipalités était une structure

2 militaire et c'est de là que vous tirez la conclusion qu'il s'agissait

3 d'une structure militaire ?

4 M. Pajic (interprétation). - Ecoutez, la structure en question

5 est définie très clairement au début comme étant une structure de défense

6 et il est dit partout que le HVO est l'organe suprême chargé de la défense

7 du peuple Croate.

8 M. Nobilo (interprétation). - Dans le premier document ?

9 M. Pajic (interprétation). - Dans le premier document page 4 :

10 "Organe suprême chargé de la défense du peuple Croate".

11 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous avez dit néanmoins tout

12 à l'heure, d'après le document précédent, qu'il s'agissait d’une structure

13 civile.

14 M. Pajic (interprétation). - Oui.

15 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, vous avez dit que

16 fondamentalement, étant donné les instances municipales, le HVO était une

17 structure militaire.

18 M. Pajic (interprétation). - Je peux vous donner l'exemple de

19 certaines municipalités de Bosnie où se sont créées des instances

20 municipales du HVO et où sont arrivés des hommes portant un uniforme.

21 M. Nobilo (interprétation). - Docteur Pajic, nous qui avons vécu

22 là-bas, nous savons bien tout cela, et même ceux qui n'étaient pas très

23 bien informés le savaient. Les unités militaires et le gouvernement

24 administratif et exécutif de Herceg-Bosna ont utilisé la même dénomination

25 mais il ne s'agissait pas de la même chose n'est-ce pas ?

Page 467

1 J'aimerais attirer votre attention sur le décret afférent à

2 l'organisation temporaire du pouvoir exécutif et administratif.

3 Vous n'avez pas choisi ce texte dans ceux que vous avez

4 présentés mais, puisque vous venez d'en parler, j'aimerais attirer votre

5 attention sur ce texte qui traite du pouvoir exécutif et administratif et

6 de ces instances municipales. Je peux maintenant vous le remettre ; il

7 figure également dans vos traductions. Vous pouvez y jeter un coup d'oeil

8 si vous voulez.

9 M. le Président. - Le texte fait-il déjà partie des pièces à

10 conviction ?

11 M. Nobilo (interprétation). - Ah oui, il a été remis, mais il

12 n'est pas traduit. Pièce à conviction 36 A, page 9.

13 M. le Président. - Monsieur le professeur, voulez-vous

14 intervenir ?

15 M. Pajic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai fait

16 référence à cette décision statutaire à laquelle fait référence Me Nobilo.

17 M. Nobilo (interprétation). - Les instances municipales ?

18 M. Pajic (interprétation). - Je l'ai ici dans mon dossier, il

19 s'agit du décret afférent à l'organisation du pouvoir exécutif et

20 administratif au niveau municipal daté du 15 mai 1992.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pag 9, article 1 : dans cet

22 article il est dit qu'il existe des pouvoirs exécutifs, je répète

23 « pouvoirs exécutifs », relevant des municipalités - nous savons ce que

24 signifiait « municipalités » dans ce contexte - et que ces pouvoirs

25 étaient ceux du Conseil croate de Défense municipale. Donc, le Conseil de

Page 468

1 Défense croate n'est-il pas tout de même une structure civile ? Car si

2 vous lisez la totalité de ce décret qui figure en page 9, vous verrez à

3 l'évidence qu'il s'agit d'une assemblée municipale qui porte un nom un peu

4 différent. Vous êtes d'accord avec cela ?

5 M. Pajic (interprétation). - Oui, je suis d'accord.

6 M. Nobilo (interprétation). - Donc, il s'agit du HVO, structure

7 civile. Dans ce sens, le HVO est une structure civile.

8 M. Pajic (interprétation). - Oui.

9 M. le Président. - Nous allons peut-être faire une pause.

10 J'insiste particulièrement, pour la compréhension, qu'il faut

11 avoir du travail des traducteurs. C'est extrêmement compliqué. Vous parlez

12 la même langue, donc pour vous, cela ne pose pas de problème, mais je

13 pense que pour tous ceux qui se servent de la traduction c'est très

14 compliqué. Il faut bien marquer ce qui est la question et ce qui est de

15 l'ordre de la réponse.

16 Nous allons faire une pause. L’audience reprendra dans un quart

17 d’heure, à 11 heures 30.

18

19 L’audience, suspendue à 11 h 10, est reprise à 11 h 40)

20

21 M. le Président. - L’audience est reprise. Faites entrer

22 l’accusé. Faites entrer le témoin. Monsieur le Procureur ?

23 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, un point

24 très simple que je vous devrais discuter après consultation de l'unité de

25 traduction.

Page 469

1 Maître Nobilo, très souvent, ne permet pas au témoin de répondre

2 complètement avant de lui poser une nouvelle question. La traduction

3 constitue donc un tout, sans interruption. Ce qui crée des difficultés de

4 suivi pour ceux qui écoutent.

5 Nous aimerions lui demander s'il serait possible de réserver une

6 légère pause entre la fin de sa question et le début de la réponse du

7 témoin, sinon les choses sont difficiles à suivre.

8 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad veut intervenir avant

9 que je ne donne la réponse.

10 M. Riad (interprétation). - Pour nous qui suivons

11 l'interprétation, il est difficile de déterminer -puisque la voix reste la

12 même- si la question se poursuit ou si la réponse a commencé.

13 L’interprète pourrait indiquer « question » ou « réponse » de

14 façon à ce que nous le sachions, puisque la voix ne change pas.

15 M. le Président. - Je me permets d'intervenir. La traduction le

16 fait le plus souvent, en tout cas pour la traduction française je

17 l'entends, l’interprète dit « question » ou « réponse ».

18 La difficulté que signale le Procureur, et que j'ai moi-même

19 signalé tient à deux facteurs. Il faut à la fois, Maître Nobilo, ou

20 Maître Hayman, ou vous-même quand c'est un témoin, et s'agissant notamment

21 du serbo-croate, un léger temps, puisque par hypothèse, et même si nous

22 saluons les prouesses techniques de nos traducteurs, il y a quand même un

23 très léger décalage. Il faut quand même bien qu'on fasse

24 l'individualisation.

25 La traduction a fait un très gros effort ce matin,

Page 470

1 puisqu'effectivement elle mentionne « question » ou « réponse. Mais, il

2 faut donc que Maître Nobilo fasse un effort pour se discipliner. Il est

3 pris par son sujet, c'est très bien, mais il faut qu'il se discipline un

4 petit peu.

5 Le Procureur soulève une question importante, il faut qu’ensuite

6 le transcripteur puisse bien marquer les questions et les réponses.

7 Sur ces bases, en plus des indications fournies par le Juge

8 Riad, nous pouvons reprendre. Maître Nobilo, vous avez la parole.

9 M. Nobilo (interprétation). - J'ai besoin de me familiariser un

10 peu avec un procès mené en plusieurs langues. Je vais faire des efforts

11 pour m'améliorer.

12 Docteur Pajic, nous en étions arrivés à la conclusion, et

13 corrigez-moi si je me trompe, que les instances municipales du HVO étaient

14 en fait une structure civile du Gouvernement ?

15 M. Pajic (interprétation). - Sur le plan formel et juridique,

16 oui. Mais dans le contexte des préparatifs globaux pour la défense, il est

17 tout à fait clair que plus tard -on peut le voir dans les documents- le

18 HVO a repris des fonctions au niveau le plus élevé, au niveau suprême. On

19 le voit dans les décrets qui portent sur des questions militaires.

20 M. Nobilo (interprétation). - C'est exact, mais rappelez-vous,

21 si vous le pouvez, dans l'ex-Yougoslavie, dans les municipalités, il

22 existait des secrétariats à la défense. Il existait un secrétariat à

23 l'intérieur. S’agissait-il de structures civiles, militaires ou

24 policières ?

25 M. Pajic (interprétation). - C'était des organes administratifs.

Page 471

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance

12 entre la pagination anglaise et la pagination française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 472

1 M. Nobilo (interprétation). - Donc, des structures civiles ?

2 M. Pajic (interprétation). - Je vais essayer également de faire

3 une légère pause avant de répondre.

4 Cette répartition ne se manifestait pas dans nos documents

5 officiels. On utilisait une terminologie : organe exécutif du pouvoir,

6 organe administratif, organe législatif. Il n'y avait pas ce type de

7 division dans les documents officiels.

8 M. Nobilo (interprétation). - Mais lorsque vous parlez des

9 organes administratifs du pouvoir, il ne s'agit pas d'organes militaires

10 du pouvoir ?

11 M. Pajic (interprétation). - C’est exact, mais dans le contexte

12 de l'organisation globale du HVO, j’insiste pour dire que le HVO avait un

13 certain nombre de compétences qui relevaient du militaire.

14 Je le répète et je l’ai montré en m'appuyant sur un certain

15 nombre de documents, tous les décrets qui portent sur la défense du pays

16 sont signés par le président du HVO, et ultérieurement comme vous le

17 savez, par le président du département de la défense du HVO.

18 M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord, mais ce qui est

19 très important c'est de savoir si le HVO est civil ou militaire. Car, bien

20 entendu, une structure civile peut aussi avoir des compétences dans le

21 domaine de la défense, nous y reviendrons plus tard. Mais ce qui est tout

22 à fait important, c'est de savoir s’il s'agit fondamentalement d'une

23 structure militaire ou civile ?

24 M. Pajic (interprétation). - Les personnes, dont je viens de

25 mentionner les noms, sont à ma connaissance des civils.

Page 473

1 M. Nobilo (interprétation). - Docteur Pajic, j'aimerais tenter

2 de vous ramener à la page 5, intercalaire 2 du classeur.

3 M. le Président. - Dans la traduction française, et je les en

4 remercie en ce qui me concerne, il y a bien « question » et « réponse ».

5 Mon collègue -je pense que ça doit être pareil pour mon autre

6 collègue en anglais- me signale qu'en anglais il n'y a pas cette

7 alternance « question » « réponse ». Si la cabine peut faire cet effort

8 supplémentaire pour mes collègues, ce serait tout à fait profitable.

9 Merci.

10 Maître Nobilo, vous reprenez.

11 M. Nobilo (interprétation). - Revenons donc, si vous le voulez

12 bien, sur la pièce à conviction n° 38, élément n° 2, page 5, du décret

13 statutaire afférent à l'organisation temporaire du pouvoir exécutif.

14 L'article 1er, à votre avis, définit-il le HVO ?

15 M. Pajic (interprétation). - A mon avis, l'article 1er donne la

16 définition des responsabilités du HVO dans le Gouvernement administratif.

17 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce également une définition en

18 tant qu'organe exécutif administratif ?

19 M. Pajic (interprétation). - Oui, je suis d'accord, dans une

20 grande mesure.

21 M. Nobilo (interprétation). - Que voulez-vous dire par dans une

22 grande mesure ? Le HVO est quelque chose de plus que l'organe exécutif

23 administratif ?

24 M. Pajic (interprétation). - Je vais vous dire pourquoi j'ai

25 exprimé une certaine réserve.

Page 474

1 Vous vous rappellerez que dans l'analyse que j'ai faite, j'ai

2 dit que le HVO participait à la présidence qui est définie comme organe

3 législatif du pouvoir.

4 Vous constaterez plus tard, lorsque nous aborderons d'autres

5 documents, que tous les documents portant sur la création des forces

6 armées, sur l'organisation des forces armées, portent la signature du

7 président du HVO.

8 De ce fait, je pense que les compétences, les responsabilités du

9 HVO, ou si vous préférez la définition du HVO, vont beaucoup plus loin que

10 ce qu'on peut définir plus strictement comme organe exécutif et

11 administratif suprême institué sur le territoire de la communauté croate

12 de Herceg-Bosna.

13 M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord avec vous. Le HVO

14 avait également un certain nombre de compétences législatives. Mais,

15 s'agissant de ces responsabilités militaires, elles relèvent de

16 l'article 20 de ce document qui portent sur la création du département de

17 la défense, la défense a des fonctions de pouvoir exécutif.

18 L'article 20 traite d'un certain nombre de départements. Le

19 département de la défense dont il est question est toujours une structure

20 civile ou une structure militaire ?

21 M. Pajic (interprétation). - Le département de la défense est

22 une structure civile du pouvoir exécutif du Gouvernement.

23 M. Nobilo (interprétation). - Donc si nous récapitulons tout ce

24 que vous venez de dire au sujet de la nature du HVO, pouvons-nous conclure

25 que le HVO, y compris les membres du HVO qui siégeaient à la présidence de

Page 475

1 la communauté croate de Herceg-Bosna, représentait une structure civile et

2 pas une structure militaire, pas l'armée, mais qu'il existait une armée

3 des forces armées qui portait le même nom, mais qui n'était pas identique

4 au HVO civil ?

5 M. Pajic (interprétation). - Au fond, je ne comprends pas votre

6 question. Votre question est fondamentalement spéculative. Nous ne pouvons

7 que spéculer sur le fait que quelque chose est civile ou militaire.

8 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être ne m'avez-vous pas

9 compris, je vais répéter.

10 Concernant le HVO, tel qu'il est défini dans le décret

11 statutaire afférent à l'organisation temporaire du pouvoir exécutif et

12 administratif, vous avez été d'accord pour admettre qu'il s'agissait d'une

13 structure civile. Vous êtes convenu également que les instances

14 municipales du HVO étaient des structures civiles.

15 Hier, vous avez affirmé que le HVO était une structure militaire

16 et que par l'intermédiaire du président du HVO, l'armée faisait partie de

17 la présidence de la communauté croate de Herceg-Bosna.

18 Ce sont deux points de vue différents, me semble-t-il ?

19 M. Pajic (interprétation). - Vous interprétez trop largement ce

20 que j'ai dit.

21 Je n'ai pas dit que l'armée faisait partie de la présidence de

22 la HZ-HB. Si vous affirmez le contraire, j'aimerais pouvoir revoir le

23 procès-verbal, le transcript.

24 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, je suis au

25 regret d'interrompre à nouveau, mais j'ai parlé de cela à Maître Hayman.

Page 476

1 Maître Nobilo est en train de se référer à des choses qu’a dites

2 le témoin. Mais il ne dit pas à quel endroit dans le procès-verbal d’hier

3 figure les déclarations auxquelles il fait référence. Donc, il est

4 possible qu'il y ait une légère déformation des propos tenus par le témoin

5 hier.

6 Le Docteur Pajic vient d'indiquer que Maître Nobilo devrait en

7 fait fonder plus précisément ses propos.

8 M. le Président. - Je suis d'accord. Maître Nobilo, vous citez

9 une source du témoin lui-même. Précisez-là, puisque c'est vous qui posez

10 la question. Vous dites : vous avez dit hier, à tel endroit, ceci ou cela.

11 M. Nobilo ( (interprétation) - Monsieur le Président, je suis

12 d'accord, mais ce que je suis en train de faire, c'est de récapituler les

13 conséquences de sa déposition, les suites de sa déposition. Je lui ai

14 demandé si ce que je disais était exact. S’il me dit que c'est exact, je

15 poursuis. S’il me dit que ce n'est pas exact, je l'accepte. Donc je ne

16 vois pas où se situe le problème dans tout cela.

17 Je ne suis pas en train de citer une phrase précise, je dis

18 simplement que ce qui ressort de plusieurs pages de sa déposition est ce

19 que je dis. Maintenant s’il me dit que j’ai tort, j’en conviendrai et je

20 poursuivrai.

21 M. le Président - J'entends bien ce que vous dites, mais de

22 manière générale, vous êtes particulièrement exigeant, vous le savez

23 -ainsi que votre confrère- lorsqu'une source est citée par l'accusation en

24 disant : « Cette source, d’où vient-elle ? Comment arrive-t-elle ici

25 etc. ? ».

Page 477

1 Je vous retourne moi-même l’observation. Je comprends très bien

2 que, dans votre façon de poser des questions, vous vous référiez à ce qu'a

3 dit le témoin et vous attendiez que le témoin vous dise : « Je n'ai pas

4 dit cela. »

5 Je vous signale que le témoin vous a répondu : « Si vous avez

6 pensé cela, ce n'est pas tout à fait exact, je n'ai pas dit cela. ». Il y

7 a donc une question de querelle d'interprétation.

8 Il est vrai qu'à ce moment-là, le Président qui vous parle a

9 tendance à dire que, oui, vous devriez quand même être plus précis sur

10 l'endroit, ou les endroits, des déclarations d'hier qui vous paraissent

11 sujets à une interprétation qui est forcément divergente de celle du

12 témoin.

13 Voilà ce que j'ai à dire. Poursuivez maintenant à partir de ces

14 observations et soyez plus précis sur ce plan.

15 M. Nobilo (interprétation) - Je suis d'accord, mais il y a une

16 différence entre le fait de s'appuyer sur une source qui n'est pas

17 disponible ici, et sur une source qui est ici et qui peut tout de suite

18 convenir ou récuser ce que je dis.

19 Cela étant, je pense que, s'agissant du caractère du HVO, nous

20 avons suffisamment éclairci ce point. Nous pouvons poursuivre. Je suis

21 satisfait.

22 Je vous prierai à présent de passer à la page 12 de cette pièce

23 à conviction n° 38, figurant après l'intercalaire 2, et je vous

24 demanderai de prêter attention au décret relatif aux forces armées de la

25 communauté croate de Herceg-Bosna.

Page 478

1 Dans le cadre de ce décret, j'aimerais attirer votre attention

2 sur l'article n° 61, page 23, article 61, qui précise : « Sauf décision

3 contraire des organes compétents de la HZ-HB, la responsabilité pénale et

4 matérielle, ainsi que les sanctions encourues en cas d'infraction par les

5 membres des forces armées de la HZ-HB, sont régies par les textes en

6 vigueur . ».

7 En vous appuyant sur cet article, j'aimerais que vous répondiez

8 à la question concrète suivante : le général Blaskic, responsable des

9 zones d'opération -sur la base de ces dispositions matérielles- avait-il

10 la responsabilité sur les soldats si les soldats en question commettaient

11 une infraction pénale, un acte criminel ?

12 M. le Président (interprétation) - Pouvez-vous poser cette

13 question dans un sens plus général, Maître Nobilo ? Je m'excuse

14 d'intervenir, mais effectivement, hier, il n'a pas été question une seule

15 fois des responsabilités du général Blaskic. Le témoin ici a été appelé

16 par l'accusation - si mes collègues et moi-même avons bien compris - pour

17 parler du problème général constitutionnel, diplomatique et militaire de

18 la structure du HVO.

19 Là, tout à coup, vous faites intervenir, à des fins évidemment

20 que tout le monde comprend, le problème de la situation personnelle du

21 général Blaskic.

22 Je pense personnellement que vous devez reformuler votre

23 question autrement. Posez-la de façon plus générale : « Quelle est la

24 responsabilité pénale et matérielle -je ne tiens pas à vous souffler la

25 question- de ceux qui sont les dirigeants de la structure en question ? »

Page 479

1 M. Nobilo ( (interprétation) - C'est simplement en raison des

2 contraintes de la description que j'ai posé la question de cette façon.

3 Mais je parle des responsabilités par rapport aux soldats.

4 Donc, un commandant militaire de la communauté croate de Herceg-

5 Bosna qui avait autorité si un soldat commettait un acte criminel.

6 L’article 61 précise : « Les textes en vigueur s'appliqueront . ».

7 Les textes en vigueur, c'est le code pénal de l'ancienne RSFY et

8 le code pénal de la Bosnie-Herzégovine à l'évidence. Donc, si vous

9 connaissez ces deux textes, pouvez-vous nous dire -s'agissant de quelque

10 commandant de l'armée que ce soit et en fonction des réglementations en

11 vigueur à l'époque, dans l'ex-Yougoslavie- qui avait quelles

12 responsabilités ? Cela relève du droit pénal, je sais.

13 M. Pajic (interprétation) - Les réglementations dont vous parlez

14 n’ont pas fait l’objet de mon analyse.

15 M. Nobilo (interprétation) - Je vous remercie. J'aimerais

16 maintenant attirer votre attention sur l'article 23 de ce même décret,

17 page 17 -page 18 en version française- intercalaire n° 2 de la pièce à

18 conviction n° 38 de l'accusation.

19 Cet article précise : « Dans l'accomplissement de leurs

20 activités de guerre, les membres des forces armées sont tenus, à chaque

21 instant et en toute circonstance, de respecter les dispositions du droit

22 international de la guerre, s'agissant notamment de l'attitude humaine à

23 adopter en présence d'un ennemi ou d'un prisonnier blessé, de la

24 protection de la population et des autres règles prévues dans ce cadre. »

25 Hier ou avant-hier, vous avez déclaré que c'était un élément

Page 480

1 caractéristique d'un Etat. Il me semble que ceci est une directive donnée

2 aux soldats d'une armée. Pourquoi serait-ce caractéristique uniquement

3 d'un Etat ?

4 Quelle que soit la formation militaire, n'est-elle pas toujours

5 dans l'obligation de respecter les dispositions du droit international de

6 la guerre ? Et donc les commandants ne sont-ils pas dans l'obligation de

7 donner ces instructions à leurs soldats ?

8 M. Pajic (interprétation) - Je vous prierai de formuler

9 autrement votre question.

10 M. Nobilo ( (interprétation) - Cette obligation incombe-t-elle

11 exclusivement à un Etat, ou n'importe quelle formation militaire peut elle

12 donner à ses soldats, peut-elle faire porter par ses soldats une telle

13 obligation ?

14 M. Pajic (interprétation) - C'est une chose quand une formation

15 militaire, ou plutôt quand le commandement d'une formation militaire,

16 rappelle à ses soldats les dispositions générales du droit international

17 de la guerre, et c'est une autre chose lorsqu'une entité, dans ces textes

18 juridiques, adopte un décret qui comporte un aspect tout à fait formel

19 selon lequel les représentants de cette entité doivent respecter les

20 dispositions du droit international de la guerre. A mon avis, cet article

21 a un caractère très général. Très généralement, et de façon habituelle,

22 c'est une disposition qui décrit les obligations d'un Etat.

23 M. Nobilo (interprétation) - Ce décret ne peut-il pas être

24 considéré comme un engagement pris par rapport aux soldats et à leur

25 comportement ? Est-ce une conception possible ?

Page 481

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance

12 entre la pagination anglaise et la pagination française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 482

1 M. Pajic (interprétation) - Je peux interpréter votre point de

2 vue comme stipulant que la Présidence de la communauté croate de Herceg-

3 Bosna qui a adopté ce décret reprend d'une part des obligations par

4 rapport au droit international, et d'autre part, en interne, accepte

5 l'engagement de mettre en oeuvre les dispositions du droit international

6 de la guerre au sein de ces forces armées.

7 M. Nobilo (interprétation) - Pourriez-vous maintenant examiner

8 la page 29, intercalaire 2 de la pièce n° 38. On y parle de l'application

9 de la loi sur les délits. Il s'agit de la page 31 en version française.

10 Vous avez en fait affirmé que c'était là le début de la prise de contrôle

11 du pouvoir judiciaire. Est-ce bien exact ?

12 M. Pajic (interprétation) - C’est-ce que j'ai dit, et c’est-ce

13 que je crois. C’est ce que je maintiens.

14 M. Nobilo (interprétation) - J'aimerais vous rappeler qu'en ex-

15 Yougoslavie et en Croatie, comme en Bosnie-Herzégovine, le magistrat est

16 saisi des délits, faisait partie des autorités ou du pouvoir administratif

17 et pas du judiciaire pour ce qui est de l'organisation du mode de

18 désignation des juges. Est-ce bien exact ?

19 M. Pajic (interprétation) - Oui, tout à fait pour ce qui est de

20 l'ex-Yougoslavie. Vous avez raison sur ce point.

21 M. Nobilo (interprétation) - De nouvelles lois ont-elles été

22 adoptées en Bosnie-Herzégovine à l'égard des magistrats ?

23 M. Pajic (interprétation) - Je ne suis pas au courant.

24 M. Nobilo (interprétation) - Ce qui veut dire que les juges

25 magistrats ne relevaient pas du judiciaire où ne faisaient pas partie de

Page 483

1 l'appareil judiciaire ?

2 M. Pajic (interprétation) - La seule façon dont je puisse

3 interpréter votre question, c'est de penser qu’elle met en cause mes

4 affirmations selon lesquelles c’était là une première étape vers la prise

5 de pouvoir pour ce qui est des fonctions judiciaires.

6 J'ai été très précis, je pense ; je n'ai pas affirmé que le

7 système des cours de première instance, par exemple, est subordonné ou que

8 les tribunaux correctionnels sont subordonnés au judiciaire de façon

9 générale, mais on peut dire que c'est là une indication de ce qu'il y a en

10 fait application de responsabilité en matière de délit. Et ceci est vrai

11 de la communauté croate et englobe, bien sûr, la compétence de toute la

12 République. Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que tous les

13 magistrats, y compris les magistrats de la République en matière

14 correctionnelle, ne relèvent pas du judiciaire mais de l'autorité

15 administrative.

16 M. Pajic (interprétation). - Oui, je suis d'accord sur ce point.

17 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais aussi attirer votre

18 attention sur un autre point, c'est la création du dinar croate en Herceg-

19 Bosna. Voici ma question : début 1992, quelle était la devise utilisée en

20 Bosnie-Herzégovine ?

21 M. Pajic (interprétation). - La devise utilisée au moment de

22 l'adoption de ce décret en Bosnie-Herzégovine -je parle ici de juillet

23 1992- était le dinar, ce que nous appelions tous le « dinar bosniaque ».

24 Certes, à titre d'information, je dirai qu'aucune nouvelle monnaie n'a été

25 frappée, mais ce sont les billets de l'ex-Yougoslavie, les dinars qui

Page 484

1 étaient utilisés. En fait, ils avaient été, comment dire... quelque peu

2 modifiés : on avait placé une espèce de sceau montrant qu’il s'agissait du

3 gouvernement de Bosnie-Herzégovine à toutes fins utiles pour que ceux-ci

4 puissent être utilisés dans des transactions en Bosnie-Herzégovine.

5 M. Nobilo (interprétation). - Ceci s’est produit à quel moment

6 de 1992 ?

7 M. Pajic (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement du

8 mois de l'année.

9 M. Nobilo (interprétation). - Si les billets yougoslaves étaient

10 pratiquement ceux utilisés, il était facile de frapper davantage de

11 monnaie parce que la guerre était imminente. N’y avait-il pas vraiment un

12 danger de voir la guerre éclater ? Est-ce que cela ne s’est pas passé ?

13 Rappelez-vous les incursions monétaires faites sous le gouvernement

14 d'Anton Markovic.

15 M. Cailey (interprétation). - Excusez-nous, mais apparemment,

16 Maître Nobilo fait un discours et ne pose pas des questions.

17 M. le Président (interprétation) - Abrégez votre discours,

18 puisque de discours il s'agit, Maître Nobilo. Résumez mieux et passez à

19 votre question.

20 M. Nobilo (interprétation). - Oui, les événements se sont

21 produits il y a pas mal de temps. Il faut quelquefois un certain temps

22 aussi pour se les remémorer. Ma question était de savoir s'il y avait des

23 incursions monétaires effectuées par la Serbie pour ce qui est du reste de

24 la Yougoslavie, incursions dans le budget. Y avait-il un danger imminent

25 manifeste à l'époque ?

Page 485

1 M. Pajic (interprétation). - Vous me demandez de poser certaines

2 hypothèses, de savoir si certaines choses auraient pu se produire, en

3 matière de politique monétaire, budgétaire. J'aurai peut-être une réponse

4 dans un sens ou dans un autre, mais je ne suis fondé à invoquer aucune des

5 deux options.

6 En réponse à votre question précédente, j'ai essayé de me

7 souvenir des événements et je peux dire à la Cour que le nouveau dinar de

8 Bosnie-Herzégovine circulait, même si l’on utilisait encore les vieux

9 billets quelque peu modifiés puisqu'il y avait apposition du sceau

10 officiel de la République de Bosnie-Herzégovine et bien que ces dinars

11 aient été utilisés bien avant l'adoption de ce décret en juillet 1992.

12 J'étais à Sarajevo à l'époque et personnellement, j'utilisais cette

13 devise, ce soi-disant « nouveau dinar ».

14 M. Nobilo (interprétation). - Merci. J'aimerais attirer votre

15 attention sur la page 53 du même document. Parallèlement, j'aimerais vous

16 demander d'examiner aussi la page 59, à savoir ceci : souvenez-vous de la

17 décision établissant les critères de définition de données confidentielles

18 de défense, page 53, ainsi que les règles relatives aux cartes d'identité

19 militaires page 59.

20 S’agissant de ces deux éléments, vous avez dit qu'ils

21 représentaient la preuve de ce que fonctionnait un système

22 d'administration. Est-ce exact ? Est-ce que je donne une bonne

23 interprétation de vos propos ?

24 M. Pajic (interprétation). - Monsieur le Président, il m'est

25 difficile de me citer moi-même et de répondre avec exactitude et précision

Page 486

1 à cette question parce que ceci figure sans doute déjà dans le procès-

2 verbal.

3 M. le Président (interprétation) - Oui, mais on ne va pas se

4 référer chaque fois au procès-verbal sinon on n'en finirait pas. Là,

5 simplement, la défense a pris la précaution de vous dire : « J'interprète,

6 êtes-vous d'accord ou pas d'accord ? » Si vous n'êtes pas d'accord, eh

7 bien nous verrons ce que nous allons faire, mais pour l'instant il s'agit

8 de savoir si vous êtes d'accord sur une interprétation qu'a fait la

9 défense et son droit d'avoir interprété vos propos. Donc, vous devrez

10 répondre, ou alors vous dites : « Je ne me souviens plus ». Enfin, vous

11 dites ce que vous voulez, mais en tout cas; la question est très claire.

12 M. Pajic (interprétation). - Je me souviens de mes dires, je me

13 souviens des conclusions que j'ai tirées ; je peux les répéter au vu des

14 documents que j'ai sous les yeux. En effet, ma position n'a pas changé à

15 ce propos, mais quant à savoir si la façon dont j'ai formulé mes dires est

16 tout à fait conforme, je suppose que la forme importe moins que le fond.

17 J'estime que le système fonctionne en pratique, mais le système

18 de la délégation des pouvoirs, ou plutôt le fonctionnement du HVO en tant

19 que gouvernement, en tant que cabinet doté de certains départements

20 responsables de certains secteurs. J'ai établi tout ceci au vu du fait que

21 ces deux documents auxquels vous faisiez référence étaient cités non pas

22 par le Président du HVO, le « premier ministre », mais par le chef du

23 département approprié ; en l'occurrence, ici il s'agissait du département

24 de la Défense.

25 M. Nobilo (interprétation). - Ce volume d'informations, ou

Page 487

1 plutôt les faits que vous avez à votre disposition, ne suffisent sûrement

2 pas pour que vous concluiez au bon fonctionnement en pratique du système.

3 M. Pajic (interprétation). - Ma conclusion se fonde sur le fait

4 que le chef du département de la Défense a signé et adopté deux documents

5 très importants. Ce ne sont pas des documents dénués d'intérêt,

6 d'importance, ils portent sur le caractère confidentiel, secret du

7 document et aussi sur la carte d'identité militaire.

8 Inutile de rappeler à la Cour l'importance de renseignements

9 considérés ou classés secrets dans les Forces armées, de rappeler

10 l'importance d'une carte militaire qui permet d'établir l'identité d'un

11 membre des Forces armées. Et c'est là-dessus que je basais mon opinion.

12 Dans d'autres circonstances, si l’on parlait de décisions de

13 moindre importance, il est certain que votre commentaire serait alors

14 justifié.

15 M. Nobilo (interprétation). - Mais ne voyez-vous pas une

16 différence entre le fait de dire que le système fonctionne en pratique et

17 le fait que certains documents aient été adoptés ? Le fait que des

18 documents nécessaires aient été adoptés ne veut pas dire nécessairement

19 que le système fonctionne en pratique. Seriez-vous d'accord avec ma façon

20 de penser ?

21 M. Pajic (interprétation). - Ce que j'affirme, c'est que le

22 système sur lequel se base le HVO, en tant qu'organe de pouvoir,

23 fonctionnait en pratique ; il déléguait l'autorité et le pouvoir non

24 seulement en fonction de l'article 20, mais aussi dans la matérialisation

25 pratique de ce pouvoir.

Page 488

1 Il y a des systèmes d'activité par département du HVO ; tout

2 ceci se fait en pratique faute de quoi les documents seraient encore

3 signés par le Président du HVO.

4 M. Nobilo (interprétation). - A mon avis, basé sur le fait que

5 trois ou quatre documents aient été adoptés et signés par le chef du

6 département ne doivent pas nécessairement...

7 M. Cailey (interprétation). - On présente ici des arguments, et

8 il n'est pas possible de présenter des arguments lors du contre-

9 interrogatoire d'un témoin.

10 M. le Président -. Je vous le redis une dernière fois : donnez

11 votre interprétation très rapidement et posez votre question. Vous ne

12 pouvez pas plaider. Là, vous êtes en train de vous situer dans six mois

13 lorsque vous plaiderez. Vous avez le droit d'avoir tous les avis, toutes

14 les interprétations que vous voulez, mais là, vous posez votre question au

15 témoin et il y répond.

16 Que vous disiez : « Je pense ceci, êtes-vous d’accord oui ou

17 non ? », je le veux bien, mais vous ne pouvez pas procéder de cette façon.

18 Je vous le dis maintenant une dernière fois. Essayez de le comprendre.

19 M. Nobilo (interprétation). - J'essayais simplement d'engager

20 une discussion, d'obtenir une réponse ; je ne suis pas en train de

21 plaider. Mais je peux poser la question de façon différente.

22 Monsieur Pajic, vous parliez d'un système qui fonctionnait en

23 pratique. Essayez de voir le moment auquel les grandes décisions sont

24 adoptées. Page 12, il y a un décret sur les Forces armées. Quand a-t-il

25 été adopté ? Quelle est la date ?

Page 489

1 M. Pajic (interprétation). - Le 3 juillet 1992.

2 M. Nobilo (interprétation). - Fort bien. Quand la décision a-t-

3 elle été prise pour l'établissement des critères s'agissant des données

4 confidentielles, pages 53 ou 55, pages 58 ou 60 pour la version française.

5 M. Pajic (interprétation). - Le 3 juillet 1992, et permettez-moi

6 d'ajouter que l'on fait référence à l'article 10 du décret précédent dont

7 j'ai parlé, celui portant sur les Forces armées de la HZ-HB.

8 M. Nobilo (interprétation). - Exact. Quand le décret relatif aux

9 cartes d'identité militaire a t- il était adopté ?

10 M. Pajic (interprétation). - Le 3 juillet 1992 aussi.

11 M. Nobilo (interprétation). - Quand Bruno Stojic a-t-il été

12 désigné chef du département ? Vous avez ce document à la page 66 ou 68.

13 Cette personne qui a signé ces documents, quant a-t-elle été désignée à ce

14 poste ?

15 M. Pajic (interprétation). - Le 3 mai 1992. Excusez moi, le

16 3 juillet 1992.

17 M. Nobilo (interprétation). - Affirmez-vous donc toujours que le

18 système fonctionnait en pratique et que tous ces documents ont été adoptés

19 le même jour, peut-être à quelques minutes d'intervalle près ?

20 M. Pajic (interprétation). - Oui, j'affirme et je répète qu'un

21 système de délégation de pouvoirs était en place et fonctionnait dans le

22 cadre du HVO.

23 M. Nobilo (interprétation). - Si vous le voulez bien,

24 poursuivons en prenant l'intercalaire 3, toujours de la pièce de

25 l'accusation n° 38. Page 3 de ce document, c'est la page qui figure à

Page 490

1 l'intercalaire ; nous sommes donc toujours à la pièce n° 38.

2 Ici, nous parlons des bureaux des procureurs militaires de

3 district. Jusqu'à l'adoption de ce document, de ce décret, les bureaux du

4 procureur militaire faisaient partie de quelle organisation ? A quelle

5 organisation appartenaient ces bureaux ?

6 M. Pajic (interprétation). - Je n'ai pas étudié de document

7 précédent qui me permette de répondre à votre question mais je suppose

8 que, étant donné l'organisation générale de l'Etat, les bureaux du

9 procureur militaire faisaient partie soit du secrétariat de la Défense,

10 soit de la JNA.

11 M. Nobilo (interprétation). - En vertu du présent décret, quelle

12 était la nature des bureaux des procureurs militaires pour ce qui est de

13 la période qu'il couvrait et où ceci est-il précisé ?

14 M. Pajic (interprétation). - Dans l'intitulé, il est dit que les

15 bureaux des procureurs militaires de district sont actifs en temps de

16 guerre ou de danger immédiat de guerre.

17 M. Nobilo (interprétation). - Et envers qui sont-ils redevables,

18 envers un civil ou envers un militaire au sein de la HZ-HB ? En vertu de

19 l'article 4, le Bureau doit rendre compte à la Présidence de la HZ-HB.

20 M. Nobilo (interprétation). - La structure civile ou la

21 structure militaire ?

22 M. Pajic (interprétation). - Par définition, c'est l'organe

23 législatif de la Communauté croate de Herceg-Bosna envers qui il est

24 redevable mais, en réponse à votre question, la Présidence est un organe

25 civil. Je crois cependant qu'il faudrait nuancer cette réponse en

Page 491

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance

12 entre la pagination anglaise et la pagination française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 492

1 précisant la composition de la Présidence, laquelle comprenait le HVO dont

2 nous avons déjà discuté.

3 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on examiner l'intercalaire 4,

4 la page 6 plus exactement, la question de la décision sur les postes

5 frontière ?

6 Avant cette décision, à savoir le 12 novembre 1992, savez-vous

7 qui assurait le contrôle des postes-frontières de fait ?

8 M. Pajic (interprétation). - Je n'ai pas de connaissance

9 personnelle précise à ce propos. En effet, à l'époque, je n'ai pas moi-

10 même emprunté ces postes-frontières, mais, puisque je connais assez les

11 autorités compétentes en matière de contrôle, c’était contrôlé d'un côté

12 par la police de la République de Croatie et de l'autre côté par la police

13 de la République de Bosnie-Herzégovine.

14 M. Nobilo (interprétation). - En 1992, après la constitution de

15 la Communauté croate de Herceg-Bosna.

16 M. Pajic (interprétation). - Excusez-moi, je pensais que vous me

17 posiez des questions sur la période précédente.

18 M. Cayley (interprétation). - Je crois que le témoin a le droit

19 de répondre à sa question, il ne suffit pas que le conseil de la défense

20 ne soit pas d'accord avec les dires du témoin parce que sans arrêt Maître

21 Nobilo dit non, non.

22 M. le Président. - Monsieur le professeur, répondez à la

23 question, merci.

24 M. Pajic (interprétation). - D'après le décret relatif aux

25 postes frontière avec la République de Croatie article 3, il est dit que

Page 493

1 la sécurité des biens et des personnes aux postes frontière est assurée

2 par les forces de police dépendant du ministère de l'Intérieur et de la

3 police militaire.

4 M. Nobilo (interprétation). - Ce que je vous demande, c'est

5 ceci : avant que ce décret ne soit adopté, et après l'établissement de la

6 communauté croate de Herceg-Bosna, qui détenait le contrôle effectif de

7 ces postes frontière ?

8 M. Pajic (interprétation). - Je ne peux que supposer qu'il

9 s'agissait des organes compétents et appropriés de la Communauté croate de

10 Herceg-Bosna.

11 M. Nobilo (interprétation). - En êtes-vous sûr ? Savez-vous si

12 le gouvernement de Sarajevo ou plutôt les organes de la Bosnie-Herzégovine

13 assuraient le contrôle du moindre poste frontière de la Bosnie-Herzégovine

14 en 1992 et en 1993 ?

15 M. Pajic (interprétation). - Ils le faisaient dans la mesure de

16 leur possibilité.

17 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que ceci veut dire ?

18 M. Pajic (interprétation). - Cela signifie qu'il y avait une

19 guerre et que ceci étant, il était difficile de maintenir un contrôle

20 ordinaire, normal, des postes frontière à tous endroits et à tous moments.

21 M. Nobilo (interprétation). - J'insiste. Est-ce que les

22 autorités de Bosnie-Herzégovine, est-ce que son gouvernement contrôlait un

23 seul poste frontière de la frontière de Bosnie-Herzégovine à l'époque ?

24 M. Pajic (interprétation). - Je dois répéter que vous me posez

25 des questions qui impliquent que je dois répondre au départ de ma

Page 494

1 connaissance personnelle. Je n'avais pas de connaissance personnelle ni

2 directe s'agissant des activités du gouvernement de la République de

3 Bosnie-Herzégovine ; je n'étais pas un fonctionnaire de cet Etat, je ne

4 peux vous faire part que d'informations incidentelles que j'ai recueillies

5 de personnes qui voyageaient à l'époque et qui franchissaient les

6 frontières, ou si personnellement j'ai eu l'occasion de voir de mes

7 propres yeux ce qui se passait aux postes frontière.

8 Au vu des documents dont je disposais pour témoigner à titre

9 d'expert, il ne m'est pas possible de répondre à votre question.

10 M. Nobilo (interprétation). - Fort bien. J'aimerais désormais

11 vous poser des questions d'ordre général à l'égard de ces textes que vous

12 avez analysés. Corrigez-moi une fois de plus si je me trompe pour que nous

13 n'ayons pas recours au transcript. Vous avez dit que pour certaines

14 décisions, le nom de Bosnie-Herzégovine est inclus. On parle de la

15 Communauté croate de Herceg-Bosna comme faisant partie de la Bosnie-

16 Herzégovine. Est-ce que ceci se retrouve dans certains documents ou dans

17 tous les documents que vous avez analysés ?

18 M. Pajic (interprétation). - En réponse à votre question, il

19 faut faire une distinction entre le fait de mentionner la République de

20 Bosnie-Herzégovine, par exemple dans le préambule de certaines décisions,

21 cela a été fait mais c'était rare, très rare. On ne parle de République de

22 de Bosnie-Herzégovine pratiquement dans aucune décision. Toutefois dans la

23 plupart des décisions, le nom de République de Bosnie-Herzégovine apparaît

24 à côté de la signature apposée à cette décision.

25 De cette façon, on dit République de Bosnie-Herzégovine, et dans

Page 495

1 la copie croate que j'ai, c'est en caractère gras : on voit Communauté

2 croate de Herceg-Bosna. En dessous de cet intitulé, on voit : "Conseil

3 croate de la défense".

4 M. Nobilo (interprétation). - Ces textes et décisions que vous

5 avez étudiés sont-ils tous de nature permanente ou transitoire ?

6 M. Pajic (interprétation). - Certaines décisions sont de nature

7 permanente, d'autres de nature transitoire. Il se fait que le dossier est

8 ouvert sur le décret relatif aux postes frontière avec la République de

9 Croatie, et là on ne dit pas que c'est un document de caractère

10 provisoire. J'en conclurai donc que c'est une décision à caractère

11 permanent.

12 M. Nobilo (interprétation). - Cette décision est une exception.

13 Là, j'attire votre attention sur le préambule où l'on parle de

14 l'organisation temporaire d'une autorité exécutive. Est-ce que ceci

15 n'implique pas aussi que ce document n'aurait qu'une légalité transitoire,

16 temporaire ?

17 M. Pajic (interprétation). - J'ai présenté mon analyse, mon

18 savoir d'expert sur ces documents à partir de tous les documents qui ont

19 été mis à ma disposition. Je n'ai pas lu les documents un par un, pour

20 parvenir à une conclusion spécifique à chaque document. Mes conclusions se

21 fondent sur le caractère de continuité. Si l'on voit l'activité normative

22 dans la communauté croate qui allait devenir plus tard la République

23 croate de Herceg-Bosna vous constaterez qu'il y a une tendance où l'on

24 passe du caractère transitoire, temporaire vers la sédentarisation. Il y a

25 une tendance où l'on passe de la Communauté croate à la République croate

Page 496

1 de Herceg-Bosna et dans ce contexte, je pense que votre interprétation du

2 préambule -tout simplement parce qu'on dit que c'est l'organisation

3 temporaire, vous en concluez que les décisions sont aussi temporaires- dès

4 lors je crois que votre interprétation est trop large.

5 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Le temps ne me le permet

6 pas, mais je voudrais bien focaliser mon attention sur les décisions, les

7 décrets. Qu'est-ce qui en découle ? Est-ce que dans la majorité des cas,

8 il s'agit de documents, d'actes provisoires ou d'actes permanents ?

9 M. Pajic (interprétation). - Selon la définition, les décisions,

10 les décrets qui sont liés à la guerre, à la menace de guerre, celles-ci

11 sont de nature provisoire. Une guerre, heureusement, ne s'éternise pas, il

12 ne faut donc pas confondre ces deux notions et en tirer des conclusions

13 que toutes les décisions seraient de nature provisoire, temporaire.

14 M. Nobilo (interprétation). - Permettez-moi une question

15 générale, donc une question qui ne se rattache pas à une décision précise.

16 Ma question : quelle a été la base de ces gens qui ont mis en place cette

17 communauté croate ? Quel a été le fondement de cette décision adoptée ?

18 La raison en était la guerre. Mais quel droit a été la base de

19 cette structuration, de cette organisation de la Communauté croate ? Je ne

20 sais pas si j'ai été tout à fait clair dans ma question.

21 M. Pajic (interprétation). - Non, pas tout à fait, mais je peux

22 répondre en citant l'article 1er portant la fondation de la Communauté

23 croate : Est établie la Communauté croate de Herceg-Bosna en tant

24 qu'entité politique, culturelle, économique et territoriale.

25 Il s'agissait donc d'instituer une entité politique culturelle,

Page 497

1 économique et territoriale.

2 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit d'un principe

3 fondamental, mais ce n'est pas la raison fondamentale. Je vous renvoie à

4 la page 2, point 2 de la pièce à conviction 38. On y relève

5 l'inacceptabilité d'un modèle unitaire pour une communauté plurinationale

6 -c'est donc une des raisons fondamentales- et en renonçant à la

7 Constitution de la Bosnie-Herzégovine, au terme de laquelle celle-ci est

8 une communauté de trois peuples constituants, constitutifs ou fondateurs,

9 comme on dit dans le texte.

10 Sur quelle base avancent-ils leur droit à ce fait ?

11 M. Pajic (interprétation). - Je ne comprends pas la question.

12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez cité deux citations

13 contradictoires du préambule : d'un côté la Bosnie-Herzégovine, en tant

14 que République, est une création unitaire... Quatrième ligne à partir du

15 bas de la page où l'on parle du modèle unitaire et on parle de la

16 Constitution, ensuite de la Constitution de la République de Bosnie-

17 Herzégovine qui est une communauté pluri-ethnique de trois peuples

18 fondateurs ?

19 M. Pajic (interprétation). - Il s'agit, de toute façon, d'une

20 disposition contradictoire. Si la Bosnie-Herzégovine est fondée comme

21 entité des trois peuples fondateurs égaux en droits -Musulmans, Croates et

22 Serbes- son affirmation en tant que création unitaire est une

23 contradiction mais évidemment c'est une question d'interprétation de la

24 teneur de ces textes.

25 M. Nobilo (interprétation). - Quel est votre avis en ce qui

Page 498

1 concerne la constitution de la Bosnie-Herzégovine qui est en vigueur,

2 celle de 1991-1992 ? S'agit-il d'un modèle unitaire ou d'un modèle fédéral

3 qui y est consacré ?

4 M. Pajic (interprétation). - Le modèle d'organisation de l'Etat

5 de la République de Bosnie-Herzégovine est un modèle d'organisation

6 unitaire.

7 Je n'attribue pas à cela un sens péjoratif, voulant dire que la

8 Bosnie-Herzégovine n'était peut-être pas un Etat décentralisé, dans la

9 mesure où elle se constituait d'éléments constituant et qu’elle formait

10 donc une fédération en elle-même.

11 Je voudrais dire et rappeler à la cour, qu’en 1991, après les

12 élections de novembre 1990, la Bosnie-Herzégovine avait reçu sa légitimité

13 intégrale en tant qu'Etat de trois pays fondateurs constituants, dont les

14 parties nationales ont remporté les élections, c'est-à-dire ont remporté

15 la majorité des voix aux élections.

16 Le parti politique des Croates de Bosnie, la SDA, le parti de

17 l'action démocratique, le parti démocratique serbe, donc le parti du

18 peuple serbe, les trois parties des trois peuples respectifs, à la fin de

19 ces élections, donc fin 1990, ont formé sur cette base un gouvernement de

20 coalition des trois partenaires, qui ont décroché la majorité au sein du

21 Parlement.

22 Ce modèle a été accepté comme modèle juridique et administratif.

23 Je tiens à rappeler un amendement de 1989-1990 établissant un mécanisme

24 spécial pour la contestation de toutes les lois aux termes duquel, quelle

25 que soit la nationalité représentée au Parlement, on pourrait intervenir

Page 499

1 si ces lois violaient leurs droits nationaux, en tant que nations.

2 M. Nobilo (interprétation). - D'après les Accords de Dayton, la

3 République de Bosnie-Herzégovine est-elle unitaire ou non ?

4 M. Pajic (interprétation). - Je ne voudrais pas m'engager dans

5 un débat académique, mais aux termes des Accords de Dayton la Bosnie-

6 Herzégovine échappe à une définition bien définie,.

7 M. Nobilo (interprétation). - Comment ?

8 M. Pajic (interprétation). - Etant donné qu'il s'agit d'un Etat

9 composé de deux entités, la Bosnie-Herzégovine n'est plus République.

10 L’article 1 des Accords de Dayton, de la Constitution de Dayton

11 indique que la République de Bosnie-Herzégovine continuera à exister sur

12 le plan juridique en tant que Bosnie-Herzégovine, et qu'elle se composera

13 de deux entités dont l'une sera désignée comme la Republika Srpska et

14 l'autre sera la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

15 Par conséquent, vous avez-là une situation juridique étrange,

16 une entité constituée d'une République d'une part et d'une Fédération de

17 l'autre.

18 Je m'excuse de nouveau, je ne voudrais pas ouvrir un débat

19 académique, mais j'ai voulu tout simplement signaler à quel point cette

20 matière est restée indéfinie.

21 M. Nobilo (interprétation). - Je vous prie d’examiner le

22 point 7, page 7 du décret relatif au blason et au drapeau de la communauté

23 croate de Herceg-Bosna. Sur le blason, les armoiries et le drapeau,

24 s'agit-il d'un décret durable ou temporaire ?

25 M. Pajic (interprétation). - Ce décret a été adopté pour être

Page 500

1 appliqué en cas de guerre ou de danger imminent de guerre.

2 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez indiqué un exemple

3 revêtant des éléments d’étatisme, étatiques, d'attributions d'Etat.

4 La Bosnie-Herzégovine avait-elle son drapeau ? La Bosnie-

5 Herzégovine a-t-elle aujourd'hui un drapeau fédéral ?

6 En novembre 1992, tout à fait par hasard, lorsque ce décret a

7 été adopté, j’étais à une conférence à New York. Devant le bâtiment des

8 Nations Unies, j'ai vu le drapeau de la Bosnie-Herzégovine flotter.

9 Je vous pose cette question en tant que Professeur de Droit. La

10 loi, la Constitution, définissent-elles le drapeau de la Bosnie-

11 Herzégovine en 1992 ou aujourd'hui ?

12 M. Pajic (interprétation). - La Constitution de Bosnie-

13 Herzégovine, texte complet de 1993, définit le drapeau de la Bosnie-

14 Herzégovine, définition qui fait suite aux amendements apportés

15 antérieurement. Je ne pourrais pas vous citer le verbatim.

16 Mais puisque vous me posez cette question, à partir du point de

17 vue du Droit international, le drapeau de l'Etat est celui qui est

18 reconnaissable, identifiable, sur le plan international.

19 Je ne voudrais pas aborder quelques discussions subjectives,

20 mais je pense que le drapeau de la Bosnie-Herzégovine est celui qui

21 flottait devant le bâtiment des Nations Unies à New York.

22 M. Nobilo (interprétation). - Ce drapeau est-il accepté

23 aujourd'hui, formellement, juridiquement parlant ?

24 M. Pajic (interprétation). - Comme on le sait, les Accords de

25 Dayton ne se prononcent pas à ce sujet. Les négociations entre les deux

Page 501

1 entités, entre les trois peuples de la Bosnie-Herzégovine continuent sur

2 le point du drapeau commun.

3 M. Nobilo (interprétation). - Le drapeau, le blason, vous les

4 avez qualifiés comme attributs d'Etat. Ce droit au blason et au drapeau

5 est-il un droit qui appartient exclusivement aux Etats ou peut-il

6 appartenir à d'autres unités administratives territoriales ?

7 M. Pajic (interprétation). - Oui, même des créations non

8 étatiques peuvent avoir un drapeau, un blason.

9 Mais, comme je l’ai expliqué hier ou avant-hier dans le cadre

10 des réponses aux questions qui m'ont été adressées par l'un des Juges,

11 dans certains pays cela est réglé juridiquement. S'il s'agit d’un drapeau

12 régional, d’un drapeau municipal ou provincial, il y a des circonstances

13 officielles et autres dans lesquelles on a le droit de hisser son drapeau.

14 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il quelque chose d'analogue

15 au niveau de la Bosnie-Herzégovine ?

16 M. Pajic (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine n'a jamais

17 reconnu le drapeau de la communauté croate de Herceg-Bosna.

18 Je tiens à rappeler la décision de la Cour constitutionnelle de

19 Bosnie-Herzégovine de septembre 1992 dans laquelle l'ensemble de cette

20 réglementation a été proclamée anticonstitutionnelle. Par conséquent, la

21 Bosnie-Herzégovine ne s'est jamais prononcée sur le drapeau de la

22 communauté croate de Herceg-Bosna.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je vous prie de passer au point 8

24 de la pièce à conviction n° 38, page 1 et 2 de ce texte dans lequel on

25 parle de l'industrie militaire.

Page 502

1 Il s'agit déjà du journal officiel Narodni List n° 2. Il s'agit

2 du décret portant sur l'industrie militaire, fabrication et commerce

3 d'armes.

4 Ma question est la suivante, avant l'adoption de ce décret, et

5 parlant juridiquement, formellement, qui était le propriétaire des

6 industries militaires ?

7 M. Pajic (interprétation). - Le problème de la propriété, dans

8 l'ancienne Yougoslavie, du point de vue de la terminologie connue à

9 l'échelle mondiale, est une propriétaire difficilement définissable.

10 Il y avait cette contradiction entre propriété sociale et

11 propriété privée. Cette propriété sociale -du point de vue du droit- était

12 pratiquement incomparable à quelle qu’autre catégorie de propriété que ce

13 soit et connue dans les systèmes démocratiques.

14 Par conséquent, il m'est difficile de répondre à cette question.

15 M. Nobilo (interprétation). - Je vais la reformuler. Qui était

16 celui qui dirigeait, qui gérait les industries militaires ?

17 M. Pajic (interprétation). - Les industries militaires étaient

18 dirigées, étaient gérées, par les organes compétents pour la défense, que

19 ce soit à l'échelle des Républiques, de la République ou de la Fédération

20 yougoslave.

21 Ce n'est pas une matière dans laquelle je suis expert. J

22 n'aimerais pas me lancer dans un débat à ce sujet.

23 M. Nobilo (interprétation). - Nous passons au point 9 de la

24 pièce à conviction n° 38. J’attire votre attention sur la page 2, décret

25 relatif à l'application de la loi concernant les tribunaux ordinaires.

Page 503

1 Page 2, intercalaire n° 9.

2 Question habituelle, s'agit-il d'une décision durable ou

3 temporaire ?

4 M. Pajic (interprétation). - Le décret a été, comme je l’ai dit,

5 adopté pour être appliqué en temps de menace immédiat de guerre ou en

6 temps de guerre.

7 M. Nobilo (interprétation). - Question suivante. D'après vos

8 connaissances, en 1992-1993 savez-vous si on élisait les juges de ces

9 tribunaux ?

10 M. Pajic (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

11 M. Nobilo (interprétation). - Ce décret parle-t-il d'un quelque

12 autre élément essentiel sur cette matière des tribunaux ordinaires ?

13 M. Pajic (interprétation). - Ce décret est caractéristique, à

14 mon avis, car il parle des droits de la présidence de la communauté croate

15 de Herceg-Bosna, de la désignation et de révocation des juges et des

16 instances des tribunaux ordinaires, de la détermination du nombre et des

17 fonctions des juges et des juges non professionnels.

18 Elle a donc la possibilité de désigner et de démettre de leur

19 fonction les juges, y compris les juges non professionnels.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vous prie de passer à

21 l'intercalaire 10, toujours dans le cadre de la pièce à conviction n° 38,

22 page 6. Il s'agit d'un décret relatif au franchissement des frontières.

23 M. Hayman (interprétation). - Si vous me permettez, il y a un

24 problème de pagination. J'aimerais vous le rappelez pour qu'il y ait

25 cohérence entre la traduction et les pages citées.

Page 504

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance

12 entre la pagination anglaise et la pagination française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 505

1 M. le Président. - Oui, Monsieur le greffier, j'en étais à

2 l'intercalaire 10. C'est le décret du 26 février 1993, relatif aux

3 franchissement des frontières, c’est celui-là Maître Hayman,

4 Maître Nobilo ?

5 M. Hayman (interprétation). - Oui, il y a une différence de

6 pagination entre les versions croate, anglaise et française. Mais, c'est

7 la bonne page pour le texte français après l'intercalaire 10.

8 M. Cailey (interprétation). - M. Nobilo parle du volume, il

9 parle de page. Sur le document en question, il parle -par exemple- de la

10 page 6, alors que c'est le n° 6, page 122. Mais, on se débrouille avec

11 l'intercalaire n° 10.

12 M. le Président. - Oui, tout à fait. Je suis d'accord avec le

13 Procureur.

14 Il y a longtemps d'ailleurs que je me débrouille de cette façon-

15 là. Effectivement, il y a une petite ambiguïté. Je me débrouille d'autant

16 mieux quand plus il s'agit d'un décret qui n'est même pas traduit en

17 français.

18 Alors allez-y, poser vos questions.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai pas la même pagination,

20 j'ai la pagination originale, par conséquent je me réfère à des pages

21 différentes.

22 Nous sommes à l’intercalaire n°10 de la pièce 38, n° 6, page 1

23 22, décret afférent au franchissement des frontières.

24 Dans le cadre de ce décret je donnerai lecture de l'article 2,

25 que vous n'avez pas commenté si je me souviens bien : «La zone frontalière

Page 506

1 se compose d'une ceinture comprenant sur une largeur de cent mètres des

2 parties du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, ci-après

3 RBH, à l'intérieur de la communauté croate de Herceg-Bosna, ci-après de

4 HZ-HB, à l'inclusion des terres, rivières, lacs et littoral.».

5 C’est donc une définition de la zone frontalière. Pouvez-vous la

6 situer dans le contexte de vos propres commentaires ?

7 M. Pajic (interprétation). - Mon commentaire a été que, ce

8 décret parlant de la frontière entre la communauté et la République de

9 Bosnie-Herzégovine, que cette frontière entre la République, la communauté

10 et la Croatie, ceci est repris de la communauté croate de Herceg-Bosna.

11 On le dit précisément dans l'article 7 : «Le HVO, HZ-HB,

12 détermine quels sont les postes frontaliers internationaux, et les postes

13 frontaliers locaux. ».

14 Dans ce contexte, il m'a semblé que l'article 2 était un article

15 proforma, alors qu’effectivement la définition de ce régime frontalier se

16 trouvait entre les mains du HVO de la communauté croate.

17 M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord en ce qui

18 concerne les compétences.

19 Mais pourquoi n’interprétez-vous pas ces articles bona fide ? En

20 effet, pourquoi ne dîtes-vous pas que la frontière, face à la Croatie, est

21 en même temps la frontière de la Bosnie-Herzégovine face à la Croatie ?

22 M. Pajic (interprétation). - Oui, ce serait la formulation de

23 l'article 2.

24 M. Nobilo (interprétation). - J'attirerai également votre

25 attention sur l'article 12, donc page suivante. La traduction est

Page 507

1 terminée, on ne l'a pas en français.

2 J'en donne lecture : « Un ressortissant de la Bosnie-Herzégovine

3 qui introduit ou qui fait sortir de la communauté croate des armes et des

4 munitions, est tenu au moment du passage de la frontière de déclarer les

5 armes et les munitions qu'il transporte avec lui au garde-frontière ou à

6 la police de la frontière. ».

7 L’article 13 enchaîne par : « Les ressortissants étrangers, en

8 temps de guerre ou en temps de menace immédiate de la guerre, peuvent

9 introduire dans la communauté croate des armes et des munitions pour les

10 armes en question, si ces ressortissants possèdent les déclarations, les

11 autorisations appropriées de l'Etat dont ils sont les ressortissants. ».

12 Je vous prie donc de nous donner une interprétation de ces deux

13 articles. Qui est celui qui représente les étrangers et qui est celui qui

14 représente les ressortissants de la Bosnie-Herzégovine ?

15 M. Pajic (interprétation). - Vous pensez à la communauté

16 croate ?

17 M. Nobilo (interprétation). - Non. Qui est, selon vous, cet

18 étranger au moment du franchissement de la frontière, frontière communauté

19 croate de Herceg-Bosna ? Qui y est traité comme étranger et qui y est

20 traité comme ressortissant de la Bosnie-Herzégovine ? Nous avons

21 uniquement deux catégories, il n'y en a pas d troisième.

22 Comment interprétez-vous les articles 12 et 3 quant à

23 l'existence de la catégorie de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et de la

24 catégorie étrangers ?

25 M. Pajic (interprétation). - J'ai essayé hier d'expliquer cela,

Page 508

1 à savoir que ces dispositions impliquent que le ressortissant de la

2 Bosnie-Herzégovine, sur le territoire de la communauté croate de Herceg-

3 Bosna, est traité comme un étranger, bien qu'on ne le dise pas

4 explicitement.

5 Pourquoi? Parce que l'alinéa 2 de l'article 12, pour les

6 personnes faisant l'objet de l'article précédent, c'est-à-dire

7 ressortissants de la République de Bosnie-Herzégovine, exige une

8 autorisation des autorités compétentes de la communauté croate de Herceg-

9 Bosna.

10 En ce qui concerne les autorisations nécessaires, un étranger et

11 un ressortissant de la République de Bosnie-Herzégovine, ces deux

12 catégories doivent être munis de l'autorisation appropriée, de

13 l’autorisation correspondante, pour cette transaction, pour ce transfert

14 d’armes à travers la frontière.

15 M. Nobilo (interprétation). - Ce serait peut-être normal, étant

16 donné qu'il s'agit d'armes.

17 Ma première question est ma deuxième question. Pourquoi ne

18 voulez-vous pas remarqué le fait qu'il n'y a pas une troisième catégorie,

19 citoyen de la communauté croate de Herceg-Bosna ?

20 On ne parle que de deux catégories, ressortissant de la Bosnie-

21 Herzégovine et étranger. Comment pouvez-vous alors dire que le

22 ressortissant...

23 M. Cailey (interprétation). - Je m'excuse Monsieur le Président,

24 c'est une chaîne de questions. Peut-être que notre témoin voudrait tout

25 simplement réfléchir ou fixer un certain point. Une question après

Page 509

1 l'autre, s'il vous plaît.

2 M. le Président. - Vous êtes troublé par l'heure qui avance

3 Maître Nobilo, nous aussi.

4 Peut-être pouvez-vous poser une question après l’autre, et

5 parfois même vous y répondez à la place témoin, ce qui d’ailleurs est

6 votre droit, mais laissez-le répondre. D'ailleurs cela me donnera

7 l'occasion, une fois que vous aurez répondu, de fixer le calendrier pour

8 la suite du contre-interrogatoire.

9 Commencez par votre première question, ensuite vous poserez

10 votre seconde question.

11 M. Nobilo (interprétation). - J'ai voulu faire les choses un peu

12 plus rapidement et relier deux choses ensemble. Mais je vais les traiter

13 l'une après l'autre. Donc, comment interprétez-vous le fait qu'il n'existe

14 que deux catégories de citoyens, étrangers d'une part, ressortissants de

15 la Bosnie-Herzégovine d'autre part ?

16 M. le Président. - Monsieur le Professeur, allez-y, vous pouvez

17 répondre à cette question.

18 M. Pajic (interprétation). - A ce moment précis, il ressort

19 nettement qu'on ne peut pas parler -et je n'ai jamais voulu le prétendre-

20 de ressortissants de la communauté croate de Herceg-Bosna, on parle de

21 ressortissants de la République de Bosnie-Herzégovine.

22 M. Nobilo (interprétation). - Mais la formule telle quelle est

23 ici implique que le ressortissant de la Bosnie-Herzégovine se trouve dans

24 un statut un peu différent au moment où il doit passer la frontière pour

25 entrer sur le territoire de la communauté croate de Herceg-Bosna. Et

Page 510

1 j'aimerais bien établir un rapport entre ces articles-là et l'article 18

2 où on dit que les ressortissants de la République de Bosnie-Herzégovine

3 peuvent se déplacer à l'intérieur du territoire de la communauté croate à

4 condition d'avoir l'autorisation nécessaire.

5 Pourquoi les ressortissants de la Bosnie-Herzégovine doivent-ils

6 être munis d'une autorisation pour pouvoir se déplacer à l'intérieur ou

7 dans la zone frontalière de la communauté croate de Herceg-Bosna ? Est-ce

8 qu'on n'avait pas une loi, un dispositif, limitant les déplacements dans

9 les zones frontalières au niveau de la Yougoslavie ?

10 M. Pajic (interprétation). - Je ne suis pas familier de

11 dispositif législatif. Je me suis déplacé pas mal à l'intérieur de la

12 Yougoslavie mais je ne le connais pas.

13 M. Nobilo (interprétation). - Mais oui, il y a eu un dispositif

14 à un moment donné à propos des zones frontalières, celles qui jalonnaient

15 à la frontière de l'Etat, dans une bande déterminée.

16 M. Pajic (interprétation). - Je connais cette terminologie mais

17 je ne connais pas ce dispositif législatif. Je ne peux pas faire allusion

18 à un dispositif législatif concret, à une disposition légale concrète.

19 M. le Président. - Le moment est venu de suspendre notre séance.

20 Elle reprendra donc demain matin. Je crois que cela pose des problèmes

21 pour le professeur Pajic, d'après ce que vous nous avez dit, mais, hélas,

22 je ne sais pas très bien comment nous pouvons faire autrement. Je me

23 tourne d'abord vers la défense : demain matin -notre dernière matinée de

24 la semaine- pensez-vous pouvoir terminer vos questions ? Je sais que vous

25 en posez plusieurs à la fois pour essayer d'accélérer le débat mais il

Page 511

1 faut quand même, pour le président, essayer de synthétiser tout cela.

2 Pensez-vous que la matinée de demain matin pourra vous permettre, à vous

3 Maître Nobilo et ensuite à Maître Hayman., de terminer le contre-

4 interrogatoire ?

5 M. Nobilo (interprète). - Très certainement que oui, Monsieur le

6 Président.

7 M. le Président. - D'accord, merci. Je me tourne maintenant vers

8 le procureur avant de m'adresser au témoin : Monsieur le Procureur, que

9 nous suggérez-vous en accord avec le témoin qui, peut être, va devoir

10 rester ?

11 M. Cailey (interprétation). - Le témoin restera pour la journée

12 de demain et, d'après le règlement qui prévoit le contre-interrogatoire

13 par la défense, je pense donc qu'il s'agira d'un exercice bref et concis

14 et, si la défense peut terminer dans les deux heures à deux heures et

15 demie, on sera en mesure de terminer avec le témoignage du Docteur Pajic

16 au cours de la matinée de demain.

17 M. le Président. - D'abord je tiens à remercier le professeur

18 Pajic, puisque nous savons -le procureur l'avait dit- que vous avez des

19 engagements, d'accepter de rester. Il est vrai que nous aurions eu

20 tendance, mes collègues et moi-même, à vous demander de rester. On a déjà

21 suffisamment fait des séquences dans le témoignage précédent pour ne pas

22 renouveler l'exercice. Merci donc.

23 Nous allons donc terminer demain matin. Si vous voulez bien,

24 nous pourrions commencer demain matin à 9 h 30 pour se donner une petite

25 marge en sachant éventuellement que cela se terminerait à 13 h 00. Je

Page 512

1 demande à la défense et à l'accusation de terminer demain matin. C'est une

2 demande souriante mais ferme. Si on ne peut pas, on ne peut pas

3 évidemment, mais je vous le demande vraiment pour le bon ordonnancement

4 des débats. Pour ce faire, nous commencerons demain matin à 9 h 30.

5

6 L'audience est suspendue à 13 h 05.

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25