Page 1872
1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Vendredi 22 août 1997
4 L'audience est ouverte à 10 heures.
5 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,
6 faites entrer l'accusé, s'il vous plaît.
7 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)
8 La cabine d'interprétation est prête ?
9 (L’Interprète : Oui, Monsieur le Président.)
10 Tout le monde m'entend. Monsieur Blaskic, m'entendez-vous ?
11 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges. Je
12 vous entends fort bien.
13 M. le Président. - Bien. Donc, nous pouvons donc poursuivre.
14 Monsieur le Procureur, faites entrer, avec l'aide de Monsieur le Greffier
15 et de Monsieur l'Huissier, le témoin qui a commencé à être interrogé.
16 C’est Maître Cayley qui va commencer, je suppose.
17 M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
18 Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour, chers confrères de la défense.
19 Une petite précision, Monsieur le Président, en ce qui concerne
20 un document fourni à la défense. Il s’agit de M. Baggesen et de son
21 Journal de Guerre de la Bosnie. Une lettre a été envoyée au Greffe en
22 novembre 1996 par M. Hayman. Il a demandé la traduction du document, du
23 danois en anglais. Nous avons mené une enquête auprès du Greffe. Je crois
24 comprendre que ce document a été fourni dans une version anglaise,
25 originale, en 1996. Une version révisée a été fournie hier, mais c'est en
Page 1873
1 fait un nouveau document. Nous n'en étions pas informés. Je voulais
2 simplement préciser cela aux fins du compte rendu. C'est la première fois
3 que nous voyons ce nouveau document, nous aussi. En tout état de cause,
4 cela ne lèse, en aucune façon, la défense puisqu'on relate des événements,
5 un peu comme dans le journal d'un officier de police. Nous n'avons pas
6 l'intention de demander le versement de ce document au dossier.
7 M. le Président. - Maîre Hayman ?
8 M. Hayman (interprétation). - Voyons combien de temps durera
9 l'interrogatoire principal. Nous verrons si des questions surgissent de ce
10 fait. Il est exact que j'avais demandé la traduction en novembre 1996.
11 Mais, d'après nos registres, nous n'avons rien reçu avant hier après-midi,
12 alors que cela avait été fourni, sous forme traduite, en mai 1997 à
13 l'accusation. Et la version amendée a été fournie il y a, à peu près, une
14 semaine. Mais nous verrons combien de temps durera l'interrogatoire
15 principal.
16 M. le Président. - Le Tribunal n'a pas l'intention -sur le
17 siège- de décider si ce sera versé comme pièce à conviction. Mais je
18 voudrais avoir l'avis de Monsieur le Greffier sur la question.
19 M. le Greffier. - En fait, il s'agit d'un document qui doit
20 faire l'objet de la communication entre les parties. Le Greffe est requis
21 de faire une traduction. Il fait la traduction et, ensuite, il la remet à
22 la partie qui nous l'a demandée.
23 M. le Président. - En état actuel, la partie qui vous a demandé
24 la traduction, c'était la défense ?
25 M. le Greffier. - Oui. Manifestement, dans le cas présent, les
Page 1874
1 personnes que nous avons interrogées au Greffe nous disent
2 qu'effectivement cette traduction a été demandée par la défense.
3 M. le Président. - Donc, nous pouvons donc considérer qu'il
4 s'agit d'une pièce nouvelle pour l'accusation.
5 M. le Greffier. - La pièce nouvelle est, en fait, celle qui a été déposée
6 hier. C’est un correctif, étant donné qu'il y avait une erreur
7 dans la traduction.
8 M. le Président. - Avez-vous eu le temps, Monsieur le Procureur,
9 d'examiner cette version nouvelle de la traduction.
10 M. Cayley (interprétation). - Oui. Effectivement, nous avons eu le temps.
11 M. le Président. - Donc, nous progressons. Cela signifie qu’en
12 l’état actuel, nous avons une pièce qui a été traduite par le greffier.
13 C’est une pièce qui a été demandée à la traduction par la défense. Cette
14 pièce a été communiquée à l’accusation qui a pu en prendre connaissance.
15 Je vous propose pour l’instant, avant toute décision, pour savoir si nous
16 devrons prendre en considération comme pièce à conviction ce journal, que
17 nous poursuivions l’interrogatoire, le contre- interrogatoire. Et s'il est
18 nécessaire d’utiliser ce journal au cours de l'examen contradictoire,
19 autour du témoignage du commandant, à ce moment- là le Tribunal décidera
20 si nous devons le prendre comme pièce à conviction. Cela étant réglé, Maître
21 Cayley, vous pouvez faire entrer votre témoin.
22 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
24 M. le Président. - Bonjour, Commandant. Est-ce que vous m'entendez, dans
25 la traduction qui vous est la plus adaptée, la plus facile ?
Page 1875
1 M. Baggesen (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
2 Oui, je vous entends.
3 M. le Président. - Vous pouvez donc vous asseoir. Vous allez
4 continuer à être interrogé par l'accusation qui vous a cité comme témoin.
5 Je vous rappelle que vous êtes toujours sous serment. Maître Cayley, vous
6 pouvez poursuivre.
7 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
8 Monsieur Baggesen, une chose. Le Président m'a demandé de ralentir le
9 débit des questions et des réponses. Veuillez compter : un/deux, avant de
10 répondre à ma question. Cela permettra peut-être aux interprètes de
11 traduire tous nos propos. J'ai aussi ma propre responsabilité ; je devrais
12 réguler le débit des questions que je vous pose. Nous allons en tenir
13 compte au cours de votre déposition et je vous en remercie d'avance.
14 Hier, nous nous sommes arrêtés au moment où nous parlions des
15 transmissions militaires et plus spécifiquement du système dont disposait
16 le HVO. J’aimerais que nous terminions sur ce point. Pourriez-vous nous
17 dire si, oui ou non, il y avait un système efficace de communication de
18 transmissions militaires au quartier général militaire en Bosnie centrale ?
19 M. Baggesen (interprétation). - A mon avis, et au vu de
20 l'expérience que j’ai acquise au Danemark au cours de vingt années
21 d'exercice, ce que j'ai vu en Bosnie, du côté du HVO, ce sont des
22 antennes, des équipements radio à plusieurs endroits. Je peux donc en
23 conclure qu’il y avait possibilité de communications efficaces avec les
24 unités, à partir du niveau du corps d'armée jusqu'au niveau des brigades,
25 et peut-être aussi à des niveaux inférieurs.
Page 1876
1 M. Cayley (interprétation). - Vous dites du niveau de corps
2 d'armée au niveau de la brigade. Quand vous utilisez le terme "corps
3 d'armée", qu’entendez-vous par là ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Par corps d’armée, j’entends à
5 partir du quartier général du général Blaskic.
6 M. Cayley (interprétation). - Qui était appelé groupe opérationnel ?
7 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
8 M. Cayley (interprétation). - Et qui équivaut à un terme de
9 l’OTAN utilisé par l'armée danoise ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
11 M. Cayley (interprétation). - Passons à autre chose, si vous le
12 voulez bien. Au cours de vos deux premières semaines en Bosnie centrale,
13 comment qualifieriez-vous la situation sur le terrain et le climat qui
14 régnait dans la région ?
15 M. Baggesen (interprétation). - Au cours de la première période,
16 tout semblait calme? Mais il y avait de la tension dans l'air, il y avait
17 beaucoup de coups de feu tirés. La plupart de ceux-ci provenaient de
18 soldats en état d'ébriété. Par la suite, il y a vraiment eu une
19 recrudescence de la tension et les incidents se sont multipliés.
20 M. Cayley (interprétation). - Quand vous parlez de soldats en
21 état d'ébriété, ils étaient de quels partis en présence ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Des deux côtés.
23 M. Cayley (interprétation). - Vous dites qu’il y a eu beaucoup
24 d'incidents. A quels incidents pensez-vous ?
25 M. Baggesen (interprétation). - Il y avait des tireurs embusqués
Page 1877
1 qui tuaient des civils. Des maisons étaient mises à feu. Il y avait aussi
2 des pillages.
3 M. Cayley (interprétation). - Au cours des premières semaines
4 d'avril, vous avez été chargé par M. Jean-Pierre Thebault, Ambassadeur de
5 l’ECMM, de l’informer du plan Vance-Owen. N’est-ce pas ?
6 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact.
7 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous avez fait une
8 photocopie d'un extrait de presse locale ?
9 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
10 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous ce document avec vous ?
11 M. Baggesen (interprétation). - Veuillez attendre un instant, je vais
12 d'abord remettre les exemplaires de ce document aux parties et aux Juges.
13 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, pourrait-on
14 porter la cote P88 à ce document ? M. Baggesen dispose de l'original du
15 document. Il aimerait le garder. Je propose donc de verser, au dossier,
16 une photocopie de ce document, même si c'est une copie tout à fait fidèle
17 et exacte du document.
18 M. le Président. - Pas d'observation, Maître Nobilo, Maître Hayman.
19 M. Cayley (interprétation). - Peut-on brancher le
20 rétroprojecteur ? Je crois que vous avez une photocopie de cette carte qui
21 avait paru dans un journal local ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
23 M. Cayley (interprétation). - C'est la représentation qu'on
24 faisait à l'échelon local du plan Vance-Owen, n'est-ce pas ?
25 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
Page 1878
1 M. Cayley (interprétation). - A l'aide de cette carte, de
2 l’époque, en Bosnie, pourriez-vous nous donner la façon dont a été
3 présenté ce plan par l'Ambassadeur Thebault ?
4 M. Baggesen (interprétation). - On nous a dit que le plan Vance-
5 Owen visait à établir la paix et la coopération en Bosnie. En bref, ce plan
6 a été élaboré par MM Vance et Owen, selon lequel il fallait répartir la
7 Bosnie-Herzégovine en dix provinces, chacune de ces provinces devant être
8 régie par un des groupes ethniques présents en Bosnie. Certaines des
9 provinces devaient donc être régies par les Serbes de Bosnie, d'autres par
10 les Croates de Bosnie, et d'autres enfin par les Musulmans de Bosnie.
11 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Baggesen, pourriez-vous
12 montrer à l'aide du pointeur où se trouve la province n° 10 ? Comment
13 devait-on appelait cette province au titre du plan de plan Vance-Owen ?
14 M. Baggesen (interprétation). - La province n° 10 devait être
15 appelée Travnicka.
16 M. Cayley (interprétation). - Quelles devaient être les
17 autorités en place dans cette province ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Les Croates de Bosnie.
19 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous avez annoté le document
20 à la province n° 10. Vous avez indiqué quelque chose à côté de Travnicka.
21 M. Baggesen (interprétation). - J'ai indiqué "Trav-mixte".
22 M. Cayley (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Cela veut dire que ce n’était pas une
24 province avec une seule communauté ethnique. Il y avait une présence de
25 plusieurs groupes ethniques dans cette région, notamment les Musulmans.
Page 1879
1 La plupart des représentants de ces groupes ethniques étaient les Musulmans.
2 M. Cayley (interprétation). - Donc vous voulez dire que ce
3 n'était pas une province où il y avait qu’un seul groupe ethnique. Il y
4 avait d'autres groupes ethniques, en même temps, dans cette région ?
5 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
6 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quelles
7 provinces devaient faire partie de cette province de Travnicka ?
8 M. Baggesen (interprétation). - Volontiers.
9 M. Cailey (interprétation). - Vous m’entendez ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Busovaca, Vitez, Travnik,
11 Novi Travnik, Fojnica, Gorni Vakuf, Dorni Vakuf, Dielze, Kupres, Dovna (et
12 une autre que votre Interprète n’a pas saisi).
13 M. Cayley (interprétation). - Est-il exact de dire que la
14 province n° 10 est limitrophe avec la République de Croatie ?
15 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
16 M. Cayley (interprétation). - Merci. A l'époque où ce plan vous
17 a été expliqué, qu'avez-vous pensé personnellement de ce plan ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Je n'étais pas tout à fait du
19 même avis que MM Vance et Owen. Ce plan ne me plaisait pas. En effet, je
20 n'aimais pas l'idée selon laquelle un groupe ethnique aurait la direction
21 dans une région. Il me semblait qu'il était préférable que cette province
22 soit régie par des gouvernements mixtes.
23 M. Cayley (interprétation). - Est-il exact que vous avez
24 vraiment eu des craintes réelles à propos de ce plan ?
25 M. Baggesen (interprétation). - Tout à fait, je n'étais pas le
Page 1880
1 seul et nous avions de nombreuses craintes. En effet, nous craignons que
2 si chacune de ces provinces étaient vraiment régies par un seul groupe
3 ethnique, pour chacune d’entre elle, cela voulait dire que celle-ci allait
4 heurter les autres groupes ethniques de la région.
5 M. Cayley (interprétation). - Pourquoi cela ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Parce qu'il serait beaucoup plus facile
7 évidemment pour un groupe ethnique d'avoir une province qui soit pure sur
8 le plan ethnique. S'il y avait présence d’autres groupes ethniques,
9 il y aurait des problèmes, chacun voulant avoir sa part du gâteau.
10 M. Cayley (interprétation). - Je comprends.
11 M. Baggesen (interprétation). - Ce que nous craignions, c’est
12 que les groupes aient des revendications territoriales plus nettes, et que
13 s'ils avaient une région ils en veuillent plus.
14 M. Cayley (interprétation). - Je comprends. Ai-je raison de
15 penser que l’ECMM a prôné de façon active ce plan précis ?
16 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
17 M. Cayley (interprétation). - J'aimerais vous montrer désormais
18 un autre document que vous m'avez récemment fourni. Ce sera la pièce de
19 l'accusation 89, si vous le voulez bien, Monsieur le Président. Il y aura
20 en fait un 89a et un 89b, puisqu'il y a deux versions, l'une en français
21 et l'autre en anglais.
22 M. le Greffier. - Le 89a sera donc la version anglaise et le 89b
23 la version française.
24 M. le Président. - Poursuiviez, Maître Cayley.
25 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
Page 1881
1 Monsieur Baggesen, pourriez-vous nous dire ce que c'est ce document ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Oui, ce sont nos tâches
3 routinières, ce que nous faisions sur place.
4 M. Cayley (interprétation). - Ce sont donc vos procédures de
5 fonctionnement classique.
6 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
7 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous nous lire ce qu'on
8 appelle en anglais la série n° 8 ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Il était dit qu'il fallait
10 encourager le plan Vance-Owen en poussant les parties à collaborer, à
11 coopérer, en prévoyant des réunions et en fournissant une interprétation
12 du plan ou une aide pour interpréter ce plan.
13 M. Cayley (interprétation). - Et vous l'avez fait ? Vous avez
14 exécuté cette tâche ?
15 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Lorsque nous avons eu des
16 réunions avec des représentants des municipalités locales, avec les
17 commandants, nous les avons informés de la nature de ce plan Vance-Owen.
18 M. Cayley (interprétation). - Merci. Passons à autre chose. Je
19 vais vous demander de vous remémorer, si c'est possible, les événements
20 qui se sont déroulés à partir du 12 avril.
21 Pour rafraîchir votre mémoire -je pense que cela ne porte pas à
22 polémique, il y a eu une fête de Pâques à l'hôtel Vitez. Vous y avez
23 participé, n'est-ce pas ?
24 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Les vérificateurs de la
25 mission ECMM ont été invités à la fête de Pâques, qui s'est tenue au
Page 1882
1 quartier général à l'hôtel Vitez, le quartier général du HVO. Qui a
2 participé, qui a assisté à cette fête ?
3 M. Baggesen (interprétation). - Le colonel Blaskic, avec
4 M. Kordic et la plupart des commandants du HVO.
5 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que M. Kordic s'est présenté à vous ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
7 M. Cayley (interprétation). - Comment s'est-il présenté ? Quelle
8 position a-t-il annoncée au sein de la hiérarchie du HVO ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Il a dit qu'il était vice-
10 président de la Communauté croate de la Herceg-Bosna auto-proclamée.
11 M. Cayley (interprétation). - Y a-t-il eu des discours à cette fête ?
12 M. Baggesen (interprétation). - Si je me souviens bien, le
13 colonel Blaskic et M. Kordic ont fait un discours.
14 M. Baggesen (interprétation). - Je suppose que vous n'avez pas
15 compris la teneur de ces discours puisque c'était en croate ?
16 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Et nous n'avions pas
17 d'interprète tout près. Donc, je n'ai pas compris.
18 M. Cayley (interprétation). - M. Thebault, l'Ambassadeur de
19 France, est arrivé avec un certain retard à cette fête, n'est-ce pas ?
20 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact. Il est arrivé avec
21 un certain retard parce qu'il se rendait à Travnik. Il y avait eu des
22 tensions qui s'étaient manifestées depuis quelques jours à Travnik.
23 En effet, la population de Travnik était mixte. Il y avait des
24 Croates et des Musulmans de Bosnie. Les Croates de Bosnie avaient commencé
25 à hisser le drapeau croate à Travnik. Les Musulmans ne voulaient pas voir
Page 1883
1 de drapeau croate à Travnik. Ce qui fait que l'Ambassadeur Thebault s'est
2 rendu à Travnik pour essayer de régler le problème.
3 M. Cayley (interprétation). - Pour que tout ceci soit bien clair pour le
4 compte-rendu, vous dites que les Croates de Bosnie avaient hissé le drapeau
5 croate à Travnik et que cela avait mis en émoi les Musulmans de la région ?
6 M. Baggesen (interprétation). - C’est exact.
7 M. Cayley (interprétation). - L'Ambassadeur Thebault est-il
8 arrivé à Travnik ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Non. Car, en route pour Travnik,
10 il a été stoppé à un point de contrôle. Les soldats du HVO qui s’y
11 trouvaient, ont dirigé leurs armes vers lui. Ils ne lui ont pas permis de
12 franchir ce point de contrôle.
13 M. Cayley (interprétation). - Il y a une carte à votre gauche sur le
14 chevalet ; veuillez l'examiner et nous dire si vous la reconnaissez.
15 M. Baggesen (interprétation). - Oui, je la reconnais.
16 M. Cayley (interprétation). - Puis-je vous demander ceci : prenez un des
17 feutres qu'il y a sur la table, près du moniteur, et servez- vous-en pour
18 indiquer sur la carte où se trouve le point de contrôle de Puticevo, près
19 de Travnik. Vous pouvez peut-être l’indiquer à l’aide d’une croix.
20 M. Baggesen (interprétation). - C’est trop tard, je l'ai encerclé.
21 M. Cayley (interprétation). - C'est très bien. Indiquez aussi
22 HVO, pour montrer que c’était un point de contrôle du HVO. Veuillez rester
23 debout un instant, puisque nous parlons des points de contrôle.
24 D'après vos souvenirs, pourriez-vous nous donner, et indiquer à
25 l'aide du feutre rouge sur la carte, chacun des points de contrôle
Page 1884
1 permanents du HVO, dont vous vous souvenez ? Pourriez-vous situer cela
2 dans le temps pour toute la période que vous avez passée là-bas, puisque
3 c’est seulement de cette période que vous pouvez attester ? Nous parlons
4 de mars à juin 1993.
5 M. Baggesen (interprétation). - J’allais marquer les points
6 permanents, en tout cas ceux qui existaient pendant le temps où je me
7 trouvais sur le terrain.
8 Ces points de contrôle, que je vais indiquer sur la carte, sont
9 ceux qui étaient occupés pendant le temps où je me trouvais sur le
10 terrain. Ils étaient là chacun des jours que j'ai passés dans la région.
11 Il y avait beaucoup de points de contrôle différents, mais qui étaient
12 uniquement ponctuels, car en réponse à un événement spécifique. Il y en
13 avait un à Puticevo, comme je l'ai déjà indiqué.
14 M. Cailey (interprétation). - Monsieur le Président, me
15 permettez vous de m'approcher du témoin ?
16 M. le Président. - Tout à fait.
17 (Me Cayley se rapproche du témoin.)
18 M. Cayley (interprétation). - Peut-être mon collègue veut-il s'approcher
19 également ? Monsieur Baggesen, pouvez-vous identifier l'emplacement, sur la
20 carte, de chacun des barrages routiers ? Celui d’en haut ?
21 M. Baggesen (interprétation). - Puticevo.
22 M. Cayley (interprétation). - Donc, c’est Puticevo et pas celui
23 de Novi Travnik que vous venez d’indiquer.
24 M. Baggesen (interprétation). - C’est un barrage, sur l’une des
25 routes qui mènent à Vitez. Le suivant est celui de Dubravica.
Page 1885
1 M. Cayley (interprétation). - C'est celui de Dubravica ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Il y en avait un autre dans cette
3 zone, dont je ne me rappelle pas l'emplacement exact, quelque part par ici.
4 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous inscrire un cercle un
5 peu plus grand. Pour le compte rendu, il est signalé qu'il s'agit d'une
6 localisation approximative du barrage routier.
7 Maintenant, je vous demanderai d'utiliser ce feutre bleu pour
8 que tout soit très précis. Pouvez-vous indiquer quel était l'emplacement
9 des barrages de l’armée de Bosnie-Herzégovine, que vous avez connus dans
10 cette période de trois mois d’avril à juin 1993 en Bosnie centrale ?
11 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
12 M. Cayley (interprétation). - Donc, ici se trouvait un barrage routier de
13 la Bosnie-Herzégovine. Vous l'indiquez en utilisant les lettres B et H.
14 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
15 M. Cayley (interprétation). - Donc, ceux-là étaient des barrages
16 routiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
17 M. Baggesen (interprétation). - Je sais que nous avons franchi,
18 plusieurs fois, un barrage routier à ce niveau. Puis, il y en avait ici et
19 à Kiseljak, dans cette zone dont je ne me rappelle pas exactement
20 l'emplacement non plus.
21 M. Cayley (interprétation). - Merci beaucoup, nous avons tout de
22 même l'emplacement plus ou moins exact de ces barrages.
23 M. Baggesen (interprétation). - Monsieur Baggesen, quelle était
24 l’importance de ces barrages ?
25 M. Baggesen (interprétation). - L’importance de ces barrages
Page 1886
1 résidait dans le fait que ceux qui les contrôlaient, pouvaient réguler la
2 circulation entrante et sortante.
3 M. Cayley (interprétation). - Sur la base de votre expérience
4 sur le terrain, ces actions étaient-elles efficaces ?
5 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
6 M. Cayley (interprétation). - Je pense —et nous revenons à la
7 fête de Pâques— que vous-même avez essayé de vous rendre à Travnik ?
8 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
9 M. Cayley (interprétation). - Avec qui ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Avec M. Schellsmidt, un
11 vérificateur allemand. Nous voulions nous y rendre : c'est une décision
12 que nous avons prise en second lieu, car, au départ, nous pensions que
13 c'était trop dangereux. Finalement, en raison des tensions qui se
14 développaient, nous avons jugé nécessaire de vérifier la situation. Nous
15 sommes donc allés au barrage routier pour y vérifier la situation.
16 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous indiquer au Tribunal
17 -je sais que le Président ne verra pas le détail de l'endroit où il est
18 assis— mais la direction générale du voyage que vous avez accompli, depuis
19 votre point de départ ?
20 M. Baggesen (interprétation). - Zenica se trouve ici.
21 M. Cayley (interprétation). - C'est le quartier général de l'ECMM ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Ensuite, nous sommes allés
23 au siège du HVO, à Vitez. Puis, nous avons voyagé dans cette direction
24 jusqu'au barrage routier.
25 M. Cayley (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous rasseoir.
Page 1887
1 Donc, vous avez parcouru cette route à partir de Vitez ; pouvez-vous nous
2 dire ce qui s'est produit ?
3 M. Baggesen (interprétation). - Pendant notre voyage vers le
4 barrage routier, il n'y avait pas de problème à l'extérieur de Vitez,
5 mais, à un kilomètre environ du barrage routier, nous avons vu une unité
6 de l'armée sur la droite de la route.
7 M. Cayley (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre.
8 Quel barrage routier ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Le barrage routier près de
10 Travnik que nous allions inspecter.
11 M. Cayley (interprétation). - Bien. Poursuivez.
12 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons vu, devant ce bâtiment d'une
13 unité militaire —qui était peut-être un quartier général— le drapeau croate
14 hissé devant le bâtiment et un autre drapeau, avec un crâne et deux os
15 croisés, s'y trouvait également. Ce dernier drapeau ressemblait beaucoup au
16 drapeau des pirates, utilisé fréquemment par les soldats du HOS.
17 M. Cayley (interprétation). - Quel était le point de vue de
18 l'ECMM au sujet de ces soldats du HOS ?
19 M. Baggesen (interprétation). - Notre opinion, en tant que
20 militaires, était que le HOS était mieux équipé et mieux entraîné. Et que
21 ces unités étaient, en général, affectées à des opérations spéciales, si
22 je puis utiliser cette expression.
23 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous acquis un avis quant à
24 l'identité de ceux qui commandaient ces troupes ?
25 M. Baggesen (interprétation). - Il ne fait aucun doute que ces
Page 1888
1 troupes étaient commandées par le général Blaskic. Car, normalement, dans
2 l'armée, lorsqu'on exerce un commandement sur une zone de responsabilité
3 déterminée, on commande automatiquement toutes les unités militaires qui
4 se trouvent dans cette zone. Par conséquent, cette unité du HOS opérant
5 dans une zone sous commandement du général Blaskic, c'est lui qui la
6 commandait.
7 M. Cayley (interprétation). - Dites-moi, avez-vous rencontré ces
8 soldats, êtes-vous passés devant eux au barrage routier près de Travnik ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés au
10 barrage routier, je me rappelle que des soldats du HVO tenaient ce
11 barrage ; nous avons vu que c'était des soldats du HVO parce qu'ils
12 portaient le badge du HVO. Ces soldats portaient un uniforme noir. Les
13 soldats en uniforme noir ont discuté avec nous. En général, les soldats du
14 HOS portaient des uniformes noirs, mais je n'ai pas vu s'ils avaient
15 l'insigne du HOS sur eux.
16 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous franchi le barrage routier ?
17 M. Baggesen (interprétation). - Je ne me rappelle pas si nous
18 l'avons franchi, mais je me rappelle que nous avons pris un autre chemin
19 pour retourner à Zenica ; tout semblait calme. Il y avait pas mal de
20 petits barrages routiers, mais aucun problème à ces barrages.
21 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais avancer un peu dans le
22 temps et vous parler du 14 avril. Là encore, vous pouvez utiliser votre
23 journal, si vous le désirez, pour vous rafraîchir la mémoire.
24 Je pense qu'une plainte a été déposée devant la commission
25 conjointe au sujet de l'enlèvement de quatre membres de l'état-major par
Page 1889
1 le HVO, est-ce exact ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est exact. Nous l'avons appris.
3 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous vous interrompre une
4 minute, Monsieur Baggesen ?
5 M. Riad (interprétation). - Un éclaircissement, je vous prie.
6 Vous avez dit que les soldats du HOS étaient réservés à des missions
7 spéciales, des opérations spéciales. Quelles étaient-elles ?
8 M. Baggesen (interprétation). - Moi, j'ai utilisé l'expression
9 "opérations spéciales". On nous a dit que ces unités du HOS étaient celles
10 qui avaient commis des crimes contre le droit, les lois des conflits armés.
11 M. Riad (interprétation). - Des crimes ? Que voulez-vous dire par là ?
12 M. Baggesen (interprétation). - Des assassinats de civils, des
13 pillages de maisons, des mises à feu de maisons ; des choses de ce genre.
14 M. Riad (interprétation). - Merci.
15 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais vous rafraîchir la mémoire. Le
16 14 avril a eu lieu cet enlèvement de quatre membres de l'état- major à
17 Travnik et Novi Travnik. Une plainte a été déposée par les représentants
18 du colonel Blaskic devant la commission conjointe. Est-ce exact ?
19 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
20 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer la
21 nature de cette plainte ?
22 M. Baggesen (interprétation). - On nous a dit que quatre membres
23 de l'état-major du HVO avaient été enlevés près de Travnik, près d'un
24 front qui se trouvait à cet endroit. Le HVO nous a dit qu'il pensait que
25 c'était la septième brigade musulmane qui en était responsable.
Page 1890
1 M. Cailey (interprétation). - Qu'avez-vous fait en réponse à cette plainte
2 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons procédé à une enquête
3 en mettant en place une équipe spécialement chargée de cette enquête ; en
4 faisaient partie le représentant espagnol du centre régional, Valentin,
5 moi-même, Fanjo Nakic du HVO et Monsieur Mrdan de Bosnie-Herzégovine. Nous
6 avons enquêté ensemble au sujet de cet enlèvement.
7 M. Cailey (interprétation). - Vous êtes-vous rendus auprès de la
8 7ème brigade musulmane ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Nous sommes allés au siège
10 de cette 7ème brigade musulmane qui se trouvait dans la montagne.
11 M. Cailey (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer sur la
12 carte l'endroit où les officiers d'état-major ont été enlevés ? Et le
13 trajet que vous avez dû parcourir pour vous rendre à Bugojno ?
14 M. Baggesen (interprétation). - On nous a dit que des officiers
15 du HVO avaient été enlevés dans cette zone. Nous sommes donc partis dans
16 la direction de Bugojno qui se trouve ici, en bas, et la 7ème brigade
17 musulmane se trouvait quelque part par ici.
18 M. Cailey (interprétation). - Merci, Monsieur Baggesen. Lorsque
19 vous êtes arrivés au quartier général de la 7ème brigade musulmane,
20 qu'est-ce que ces représentants vous ont dit au sujet de cet enlèvement ?
21 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons eu une rencontre avec
22 les représentants de cette brigade ; ils nous ont dit qu'ils n'avaient
23 rien à voir avec cet enlèvement. Nous avons discuté du problème, mais ils
24 ont nié avoir quoi que ce soit à voir avec cet incident
25 M. Cailey (interprétation). - Quelle a été leur attitude à votre égard ?
Page 1891
1 M. Baggesen (interprétation). - En fait, nous avions entendu de
2 nombreuses rumeurs au sujet de cette 7ème brigade musulmane. On nous avait
3 dit qu'elle était assez extrémiste dans le pratique de l'Islam. Nous avons
4 été surpris. Ses représentants étaient très polis avec nous. Simplement,
5 je dirai que je ne leur ferais pas confiance à 100 %. Mais, ils se sont
6 montrés très polis et très disciplinés.
7 M. Cailey (interprétation). - Après avoir reçu cette réponse des
8 membres de la 7ème brigade musulmane, où êtes-vous allés ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Nous sommes retournés ; sur le chemin du
10 retour,nous nous sommes arrêtés auprès du commandant local de la brigade du
11 HVO à Novi Travnik, M. Sabljic, pour lui dire ce que nous avions constaté.
12 M. Cailey (interprétation). - Je crois qu'il y avait d'autres
13 représentants du HVO sur place, n'est-ce pas ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Après avoir informé M. Sabljic
15 de nos constatations, le commandant de la police militaire du HVO est
16 arrivé dans le bureau du commandement de la brigade et nous l'avons
17 également informé de ce que nous avions constaté. A ce moment-là, le
18 dirigeant de la police militaire s'est fâché en raison de ce que nous lui
19 disions et il a indiqué que la seule manière d'arrêter et de résoudre ce
20 problème consistait à arrêter M. Mrdan qui était un haut représentant de
21 l'armée de Bosnie-Herzégovine et membre de l'équipe d'enquêteurs.
22 M. Cailey (interprétation). - Donc, le commandant de la police
23 militaire du HVO a proposé que la seule solution consistait à arrêter
24 Dzemal Mrdan. Est-ce exact ?
25 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
Page 1892
1 M. Cailey (interprétation). - Que s'est-il passé à ce moment-là ?
2 M. Baggesen (interprétation). - M. Nakic, qui faisait partie de l'équipe
3 d'enquêteurs et dont on nous avait dit qu'il était le représentant de
4 M. Blaskic, ainsi que M. Sabljic, le commandant de la brigade locale, n'ont
5 rien pu faire, car nous leur avons demandé d'intervenir auprès du
6 commandant de la police militaire, nous nous sommes plaints auprès d'eux.
7 M. Cailey (interprétation). - Est-ce que le commandant de la
8 police militaire a arrêté M. Mrdan ?
9 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Nous lui avons dit, à ce
10 moment-là, que M. Mrdan était sous notre protection et qu'il ne sortirait
11 du bureau et de Novi Travnik qu'avec nous.
12 M. Cailey (interprétation). - Qu'a-t-il dit, lorsque vous avez
13 dit que M. Mrdan allait quitter le bureau en votre compagnie ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Il nous a dit, à ce moment-là,
15 qu'il fallait qu'il nous arrête également.
16 M. Cayley (interprétation). - Vraiment ?
17 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
18 M. Cayley (interprétation). - Est-ce qu'il était sérieux quand
19 il disait cela ?
20 M. Baggesen (interprétation). - Il semblait très sérieux : ils nous ont
21 affecté un garde qui agitait son fusil devant nous, qui a chargé son fusil.
22 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous dites qu'il a agité
23 son fusil, vous voulez dire qu'il a mis de munitions dans le fusil ?
24 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
25 M. Cayley (interprétation). - Donc, vous avez pris au sérieux cette menace?
Page 1893
1 M. Baggesen (interprétation). - Oui, tout à fait.
2 M. Cayley (interprétation). - Qu'avez-vous fait à ce moment-là ?
3 M. Baggesen (interprétation). - On nous a autorisés à passer un
4 coup de téléphone depuis le bureau. Moi-même, M. Nakic et M. Sabljic avons
5 pu donner des ordres à cet officier de la police militaire : nous avons
6 essayé d'entrer en contact avec M. Blaskic.
7 M. Cayley (interprétation). - Puis-je vous interrompre ? Vous
8 avez dit que vous avez été en mesure de donner des ordres à ce membre de
9 la police militaire ; n'est-ce pas le contraire que vous avez voulu dire ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est le contraire : nous
11 n'avons pas pu lui donner des ordres. La seule personne qui pouvait donner
12 des ordres à la police militaire, c'était M. Blaskic.
13 M. Cayley (interprétation). - Qu'avez-vous fait ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Grâce à notre interprète, nous
15 avons essayé d'entrer en contact avec le colonel Blaskic. Nous n'avons pas
16 réussi au moment de notre premier appel, mais on nous a dit qu'il était
17 présent et qu'il prenait une douche.
18 Après quoi, nous avons essayé d'entrer en contact avec notre quartier
19 général à Zenica ; on nous a dit quelle était la situation ; l'officier de
20 permanence nous a parlé de la situation. Nous lui avons demandé d'entrer
21 en contact avec le bataillon britannique de la Forpronu à qui il était
22 chargé de demander son aide pour que ce bataillon vienne nous chercher.
23 M. Cayley (interprétation). - Il s'agissait du régiment du
24 JetCher, cantonné à Vitez, n'est-ce pas ?
25 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
Page 1894
1 M. Cayley (interprétation). - Qui faisait partie de la force de
2 protection en Bosnie. Comment le chef de la police militaire a-t-il réagi
3 quand vous lui avez dit que la force de protection des Nations Unies
4 allait venir vous apporter son aide ?
5 M. Baggesen (interprétation). - Il nous a dit que, si l'unité de
6 la Forpronu venait nous chercher, son unité à lui allait ouvrir le feu
7 contre l'unité de la Forpronu.
8 M. Cayley (interprétation). - A-t-il appelé à nouveau le colonel
9 Blaskic, avez-vous appelé de nouveau le colonel Blaskic au téléphone ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Oui. A ce moment-là, nous avons
11 établi le contact avec le colonel Blaskic, à qui notre interprète a narré
12 la situation. Le colonel Blaskic a demandé à parler au commandant de la
13 police militaire. Après quelque temps, le commandant de la police
14 militaire a décidé de ne plus poursuivre la conversation dans le même
15 bureau, où nous pouvions entendre ce qui se disait. Il s'est rendu dans un
16 autre bureau où il a continué à parler au colonel Blaskic. Après quelque
17 temps, il est revenu et nous a libérés. Il avait le visage très rouge.
18 M. Cayley (interprétation). - Le visage très rouge ?
19 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
20 M. Cayley (interprétation). - En tant que militaire, que pensez-
21 vous qu'il s'était produit ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Normalement, nous appelons cela
23 une conversation militaire.
24 M. Cayley (interprétation). - Je comprends. Après cela, avez-
25 vous été libérés ?
Page 1895
1 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons pu retourner à Zenica.
2 M. Cayley (interprétation). - Avec M. Mrdan ?
3 M. Baggesen (interprétation). - Avec M. Mrdan et les autres
4 membres de l'équipe.
5 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire qu'après cet
6 événement, un certain nombre de routes dans la région ont été bloquées ?
7 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est exact. Après cela,
8 des ordres ont été donnés par le commandant du HVO, le colonel Blaskic,
9 quant au fait que les routes allant à Gornji Vakuf devaient être bloquées.
10 M. Cayley (interprétation). - Cela était-il la conséquence de
11 l'enlèvement des quatre officiers d'état-major ?
12 M. Baggesen (interprétation). - On nous a dit que c'était la
13 conséquence de l'enlèvement. Je me rappelle qu'il y avait un autre barrage
14 routier qui a été implanté par des civils, tous parents des quatre
15 officiers d'état-major enlevés. Ils ont créé ce barrage parce qu'il
16 étaient très déçus du fait que nous n'avions rien pu découvrir.
17 M. Cayley (interprétation). - Bien que cela nous fasse avancer
18 un peu dans le temps, pourriez-vous décrire au Tribunal ce qui s'est
19 finalement passé eu égard à ces quatre officiers d'état-major ?
20 M. Baggesen (interprétation). - Plus tard, mais je ne me
21 rappelle pas la date exacte.
22 M. Cayley (interprétation). - Mais vous rappelez-vous le mois ?
23 M. Baggesen (interprétation). - En avril, donc un peu plus tard,
24 à notre quartier général de Zenica —je parle du quartier général de
25 l'ECMM— nous avons reçu un représentant des mujahedin, les extrémistes
Page 1896
1 musulmans. Il est venu nous voir et nous a remis une lettre. Dans cette
2 lettre, les mujahedin nous disaient qu'ils détenaient les quatre officiers
3 kidnappés auxquels, avec le temps, un cinquième avait été ajouté.
4 Mais, avant cela, en effet, un autre commandant de brigade du
5 HVO avait été enlevé à Zenica. Il commandait une brigade du HVO à Zenica.
6 Il a été arrêté sur la route et les quatre gardes du corps qui voyageaient
7 avec lui en voiture, ont été tués par un coup de feu dans la tête. Un
8 témoin qui se trouvait à cent mètres, avait été tué également. Donc, à ce
9 moment-là, les moudjahidin détenaient cinq officiers.
10 Dans la lettre, qui nous a été remise, les moudjahidin nous disaient que
11 nous devions libérer quinze frères musulmans, je crois, détenus par le HVO.
12 M. Cayley (interprétation). - Pourquoi ces officiers d'état-
13 major avaient-ils été arrêtés ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Parce que le HVO avait arrêté de nombreux
15 moudjahidin. Les moudjahidin voulaient donc une monnaie d'échange.
16 M. Cayley (interprétation). - Est-ce qu'un échange a été organisé par l’ECMM?
17 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Nous avons commencé des
18 négociations avec les moudjahidin et le HVO. Finalement, tous les
19 officiers kidnappés ont été remis en liberté.
20 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que, par la suite, la
21 sécurité a été rétablie ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Par la suite, oui.
23 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que les hommes détenus par
24 les moudjahidin étaient en bon état lorsqu'ils ont été libérés ?
25 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
Page 1897
1 M. Cayley (interprétation). - Cela nous ramène donc à la fin du
2 récit concernant cet événement et je vous demanderai de revenir au
3 15 avril, date à laquelle les officiers d'état-major n'étaient toujours
4 pas remis en liberté et où vous poursuiviez vos investigations pour
5 découvrir où ils se trouvaient. Je crois savoir que le 15 avril, vous êtes
6 allé de Vitez à Zenica, est-ce exact ?
7 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
8 M. Cayley (interprétation). - Je crois savoir qu'à ce moment-là,
9 vous étiez escorté par des membres du bataillon britannique. La situation
10 était assez dangereuse. Il y avait pas mal de coups de feus tirés dans la
11 région, n'est-ce pas ?
12 M. Baggesen (interprétation). - Oui, normalement, comme je l'ai
13 dit hier au Tribunal, nous ne portions pas d'arme, nous étions donc mal
14 protégés. A cette époque, nous nous faisions tirer dessus très fréquemment
15 par les deux parties, pas toujours dans le but de nous tuer, mais plutôt
16 dans le but de nous effrayer. Nous avions besoin d'une protection armée
17 pour faire notre travail. Pendant tout le reste du temps que j'ai passé
18 sur place, nous circulions dans des blindés du bataillon danois, du
19 bataillon britannique ou du bataillon canadien.
20 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que ce soir-
21 là du 15 avril vous aviez décidé de rester à Vitez ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Oui, effectivement. Nous
23 pensions qu'il n'était pas sûr d'aller de Vitez à Zenica en raison des
24 tensions très intenses qui régnaient dans cette région à ce moment-là. De
25 nombreux coups de feu étaient tirés dans la région.
Page 1898
1 M. Cayley (interprétation). - Vous êtes donc resté dans le siège
2 de l'ECMM qui se trouvait à côté du bâtiment où était cantonné le
3 bataillon britannique, n'est-ce pas ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
5 M. Cayley (interprétation). - Je pense qu'il y a eu un problème
6 avec votre véhicule, n'est-ce pas ?
7 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Notre véhicule a eu une
8 panne. L'embrayage était abîmé. Nous n'avons donc pas pu l'utiliser, nous
9 n’avons pu faire que 20 miles à l'heure à peu près.
10 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire au Tribunal, dans
11 vos propres mots, comment se sont déroulés les événements du 16 avril ? A
12 quelle heure vous êtes-vous réveillé, qu'est-ce que vous avez entendu ?
13 M. Baggesen (interprétation). - Nous nous sommes réveillés assez
14 tôt en raison des pilonnages qui frappaient la région. Il y avait aussi
15 pas mal de fusils mitrailleurs en action. Nous pouvions entendre des coups
16 de feu d'artillerie et nous entendions également tomber les obus.
17 M. Cayley (interprétation). - Vous êtes un soldat professionnel.
18 Ces armes produisent un bruit tout à fait distinctif, n'est-ce pas ?
19 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
20 M. Cayley (interprétation). - Vous dites avoir entendu des coups de feu
21 tirés par des fusils mitrailleurs et avoir entendu tomber des obus. Est-il
22 possible en entendant le bruit d'un mortier d'établir le calibre de
23 ce mortier ?
24 M. Baggesen (interprétation). - Oui, en raison de ce bruit tout
25 à fait particulier. Vous entendez une différence entre un mortier léger et
Page 1899
1 un mortier moyen et un mortier lourd.
2 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que le bruit
3 est dû à l'obus qui tombe au fond du mortier ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
5 M. Cayley (interprétation). - Il frappe la base du mortier; il prend feu et
6 il y a une explosion et l'obus sort du fond du mortier, est- ce exact ?
7 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'est exact.
8 M. Cayley (interprétation). - Etes-vous en mesure d'estimer le
9 calibre d'un mortier utilisé à ce moment-là approximativement.
10 M. Baggesen (interprétation). - Nous sommes convenus que ce n'était pas un
11 mortier léger, mais plutôt un mortier moyen ou un mortier lourd.
12 M. Cayley (interprétation). - Les coups de feu d'artillerie, là
13 encore, l'obus qui est tiré par la pièce d'artillerie produit un son tout
14 à fait distinct et reconnaissable en fonction du calibre.
15 M. Baggesen (interprétation). - Le bruit est le plus important.
16 M. Cayley (interprétation). - Plus le bruit est important, plus
17 l'arme est lourde ?
18 M. Baggesen (interprétation). - A ce moment-là, nous pensions
19 qu'il s'agissait de canons de calibre moyen.
20 M. Cayley (interprétation). - Quelle heure était-il à peu près ce matin-là?
21 M. Baggesen (interprétation). - Il était très tôt, aux alentours de 5H30.
22 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous aviez reçu des
23 informations du bataillon britannique au sujet des positions militaires
24 dans la région et les armes utilisées par les uns et les autres
25 M. Baggesen (interprétation). - En général, comme nous étions très près du
Page 1900
1 bataillon britannique, nous nous contentions de passer de chez nous à chez
2 eux,nous allions dans leurs bureaux pour leur demander quelles étaient les
3 unités militaires qui se trouvaient dans les régions où nous avions
4 l'intention de nous rendre. Au cours d'une de ces rencontres avec les
5 membres du bataillon britannique, on nous a dit que le HVO occupait des
6 positions où se trouvaient des canons et des mortiers et ces emplacement
7 étaient autour du camp britannique et aux alentours du siège de l'ECMM.
8 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Baggesen, est-ce que vous
9 pouvez ralentir un peu. J'essaierai de le faire également pour que les
10 interprètes puissent faire au mieux.
11 Vous avez déclaré que des membres du bataillon britannique vous
12 avaient informé que le HVO possédait des emplacements où se trouvaient des
13 canons et des mortiers en place qui étaient dans cette zone. Qu'est-ce que
14 les membres du bataillon britannique vous ont dit au sujet de l'armée de
15 Bosnie-Herzégovine dans la région ?
16 M. Baggesen (interprétation). - La Forpronu, à l'époque, n'avait
17 pas vraiment d'informations sur les positions occupées par l'armée de
18 Bosnie-Herzégovine dans la région. Nous n'en avions pas vu.
19 M. Cayley (interprétation). - Quand vous dites qu'ils ne savaient rien à ce
20 propos, est-ce qu'ils ne connaissaient pas ou est-ce qu'il n'y avait pas
21 de positions occupées par l'armée de Bosnie- Herzégovine ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Je crois qu'il n'y en avait pas.
23 En effet, nous avions circulé dans la région, de même que la Forpronu,
24 mais nous n'avions vu aucune trace, aucun signe de positions occupées par
25 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
Page 1901
1 M. Cayley (interprétation). - Qu'en est-il de l'équipement
2 militaire, des armes, de l'armement qu’auraient les soldats de l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Ils n'avaient que des fusils mitrailleurs,
5 des armes légères, pas d'armes lourdes.
6 M. Cayley (interprétation). - Qu'entendez-vous par armes lourdes ?
7 M. Baggesen (interprétation). - Là, je parle de canons, de
8 l'artillerie, des mortiers.
9 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président,
10 l'accusation aimerait verser au dossier la pièce 86a. En fait, cette pièce
11 a déjà été versée. Il s'agit d'une photographie aérienne, mais cette fois-
12 ci, il s'agit d'une photocopie sur papier de la photographie aérienne.
13 Nous n'aimerions pas inscrire quoi que ce soit sur l'original. Nous allons
14 veiller à ce que des exemplaires de la photocopie sur papier de cette
15 photographie aérienne soient remis à la défense. Monsieur Baggesen,
16 rappelez-vous que ce qui compte, c'est le débit. Alors, je vous demanderai
17 d'examiner cette photographie aérienne. La reconnaissez-vous ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Elle montre Vitez et les
19 routes qui se trouvent dans cette région.
20 M. Cayley (interprétation). - Je sais que le siège de l’ECMM n'est pas
21 indiqué sur cette photographie. Je vous demanderai toutefois de vous lever
22 et de nous situer approximativement où ce siège se serait trouvé. Nous
23 parlons du siège de l'ECMM de la vérification de la Communauté Européenne.
24 M. Baggesen (interprétation). - Vitez est ici et la route utilisée
25 habituellement,je crois, est ici. Voilà donc Vitez et voici la route de
Page 1902
1 Zenica vers Travnik. Le siège du ECMM et les casernes du bataillon
2 britannique se trouvaient ici à peu près, à l'extérieur de cette photo.
3 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je
4 m'approcher du témoin ?
5 M. le Président. - Tout à fait et, si la défense le souhaite, également.
6 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que vous avez essayer de
7 quitter Vitez ce matin-là du 16 et de rentrer à Zenica ?
8 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact. Etant donné qu'il y
9 avait beaucoup de tirs et de coups de feu, qu'il y avait des tirs
10 d'artillerie, nous ne nous sentions pas en sécurité à Vitez et nous
11 voulions rentrer à Zenica.
12 M. Cayley (interprétation). - Dans un véhicule qui n'avait plus d'embrayage?
13 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
14 M. Cayley (interprétation). - Vous voyagiez donc lentement ?
15 MM. Baggesen (interprétation). - Oui, mais c'était un véhicule
16 blindé. Nous nous sentions en sécurité.
17 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous indiquer quelle
18 route vous avez prise depuis Vitez pour aller à Zenica ?
19 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons pris cette route-ci,
20 une petite route dans ce sens-ci.
21 M. Cayley (interprétation). - Vous indiquez donc la route qui se
22 trouve à gauche, en parallèle de la route centrale qui traverse Vitez ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
24 M. Cayley (interprétation). - C'est donc, si vous voulez, une
25 route de déviation
Page 1903
1 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
2 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous effectivement vu quoi que ce soit
3 sur cette route secondaire que vous avez empruntée vers Zenica ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Ici, dans cette direction, nous
5 avons pu voir de la fumée qui montait de cette région. La distance qui
6 nous séparait de cette endroit était à peu près un kilomètre.
7 M. Cayley (interprétation). - Dans la distance qu'il y avait
8 entre la route sur laquelle vous voyagiez et l'endroit d'où vous voyiez la
9 fumée, c'était à peu près un kilomètre, est-ce exact ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
11 M. Cayley (interprétation). - Je vous demanderai d'utiliser ce
12 feutre rose pour indiquer de façon approximative pour le compte-rendu
13 l'endroit où vous avez vu de la fumée s'élever.
14 M. Baggesen (interprétation). - Je ne peux pas vous indiquer une maison
15 précise.Je peux vous dire que cela se trouvait dans cette partie de Vitez.
16 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous indiquer cette
17 partie de Vitez avec le feutre rouge et veuillez y apposer le chiffre 1.
18 Ce serait peut-être une bonne idée d'indiquer la date, le 16 avril, ainsi
19 que l'heure approximative à laquelle vous avez vu cette fumée, pour autant
20 que vous vous en souveniez. (Le témoin indique l'endroit)
21 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous discuté avec vos
22 collègues de ce que vous voyez, de cette fumée qui s'élevait ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Je ne sais plus si nous en avons
24 parlé, parce que cela se passait très souvent pendant que nous étions dans
25 des régions que de la fumée s'élevait d'une maison, par exemple, parce que
Page 1904
1 la maison était en feu.
2 M. Cayley (interprétation). - Qu'a-t-elle indiqué pour vous cette fumée ?
3 M. Baggesen (interprétation). - C'est qu'il y avait des maisons en feu.
4 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous avez poursuivi
5 votre route, toujours sur cette même route, n'est-ce pas ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Je ne me souviens pas à
7 quel endroit précis ceci s'est passé, mais nous avons trouvé un endroit où
8 il y avait des gens qui étaient allongés au sol.
9 M. Cayley (interprétation). - Quel genre de personnes ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Des personnes en habit civil et
11 nous nous sommes dit qu'ils étaient des civils.
12 M. Cayley (interprétation). - Ils étaient vivants ou morts ?
13 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons tenté de sortir du
14 véhicule pour le voir, pour voir ce qui se passait, mais on nous a tiré
15 dessus. Des soldats portant l'uniforme du HVO tiraient sur nous.
16 M. Cayley (interprétation). - Vous avez donc pris place dans le véhicule ?
17 M. Baggesen (interprétation). - Oui, et nous avons poursuivi
18 notre route dans cette direction.
19 M. Cayley (interprétation). - Etes-vous arrivé à Zenica ?
20 M. Baggesen (interprétation). - Non, parce que nous avons été
21 stoppés à Dubravica pour un contrôle au barrage routier.
22 M. Baggesen (interprétation). - Pourriez-vous indiquer où se
23 trouvait ce point de contrôle de Dubravica ?
24 M. Baggesen (interprétation). - Ici, à ce carrefour.
25 M. Cayley (interprétation). - Utilisez, si vous voulez bien, ce feutre bleu
Page 1905
1 et indiquez ce que vous venez de dire et indiquez "point de contrôle du HVO"
2 entouré d'un cercle bleu. Avez-vous pu franchir ce point de contrôle ?
3 M. Baggesen (interprétation). - Non. les soldats qui s'y trouvaient, nous
4 dit que c'était trop dangereux de poursuivre notre route dans cette
5 direction, car il y avait des combats intensifs qui se déroulaient là.
6 M. Cayley (interprétation). - Combien de soldats étaient à ce
7 point de contrôle ?
8 M. Baggesen (interprétation). - Ce jour-là, il y en avait plus
9 que d'habitude. Il y avait deux, voire trois soldats à un point de
10 contrôle, mais ce matin-là, il y en avait au moins dix.
11 M. Cayley (interprétation). - Qu'est-ce que cela vous a indiqué ?
12 M. Baggesen (interprétation). - Une opération militaire en cours
13 dans la région.
14 M. Cayley (interprétation). - Il ne vous ont donc pas laissés
15 franchir ce point de contrôle ?
16 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
17 M. Cayley (interprétation). - Qu'avez-vous alors fait ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Nous voulions aller quand même à
19 Zenica. Nous sommes rentrés sur Vitez et nous avons poursuivi l'enquête
20 que nous menions sur cet enlèvement des quatre officiers.
21 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous reçu un appel
22 téléphonique de Zenica ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Oui, lorsque nous sommes
24 retournés à la maison de l'ECMM, à Vitez, nous avons reçu un appel de
25 l'officier de garde à notre quartier général de Zenica. Il nous a dit que
Page 1906
1 le commandant du 3ème Corps d'armée serbe de Bosnie nous avait contactés
2 pour nous demander s'il était possible de contacter le colonel Blaskic en
3 vue d'un cessez-le-feu.
4 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous essayé de contacter le
5 colonel Blaskic ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Oui, nous avons essayé plusieurs
7 fois, mais on nous a dit qu'il n'était pas à son quartier général.
8 M. Cayley (interprétation). - Il y avait aussi le lieutenant-
9 colonel canadien avec vous ?
10 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
11 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous discuté avec lui de
12 l'absence du colonel Blaskic ?
13 M. Baggesen (interprétation). - Oui, et nous avons dit que nous
14 n'étions pas très surpris de ne pas pouvoir le toucher, car, lorsqu'il y a
15 une opération militaire, en général, le colonel est vraiment à l'état-
16 major du front pour commander ses soldats.
17 M. Cayley (interprétation). - Il est normal qu'un commandant
18 soit sur place, sur le terrain, en train de commander les opérations.
19 Vous, vous appeliez l'hôtel Vitez, qui était le quartier général central
20 ou celui de l'arrière-garde.
21 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
22 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que, ce jour-
23 là, le bataillon britannique, cantonné à l'extérieur de Vitez, avait des
24 patrouilles sur le terrain, à Vitez ?
25 M. Baggesen (interprétation). - En général, il y en avait.
Page 1907
1 M. Cayley (interprétation). - Ces patrouilles vous informaient sur ce qui
2 se passait sur le terrain, mais ailleurs sur le terrain.
3 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
4 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous essayé de rejoindre
5 Zenica, ce jour-là ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Oui, à la nuit tombée, nous
7 avons essayé de rentrer à Zenica en empruntant la même route que celle que
8 nous avions essayé d'emprunter le matin.
9 M. Cayley (interprétation). - Je vais vous demander de vous
10 lever une fois de plus et, pour que tout soit bien clair, vous allez
11 indiquer sur la carte cette route que vous aviez prise.
12 M. Baggesen (interprétation). - Puis-je le faire assis ?
13 M. Cayley (interprétation). - Si vous voulez et si c'est possible.
14 M. Baggesen (interprétation). - Nous avions notre quartier général à Vitez,
15 ci, plus en bas, vers le nord. Nous avons emprunté cette route vers le sud.
16 M. Cayley (interprétation). - A quelle heure avez-vous essayé de
17 rejoindre Zenica ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Je ne me souviens pas
19 exactement. Comme je l'ai indiqué ici, je pense qu'il était 9 heures 30 :
20 il faisait sombre déjà.
21 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce que
22 vous avez été en mesure de voir au long de cette route ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons pu constater qu'il y
24 avait encore des incendies dans cette partie-ci de Vitez. Cela se voyait
25 dans l'obscurité, car tous les incendies éclairaient le ciel. Nous avons
Page 1908
1 également pu constater qu'il y avec beaucoup d'échanges de tirs de fusils-
2 mitrailleurs. Là aussi, c'est beaucoup plus facile à voir dans
3 l'obscurité : vous voyez les traces des balles.
4 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous expliquer à l'intention des
5 Juges ce qu'on entend par la trace ou la trajectoire de feu.
6 M. Baggesen (interprétation). - Normalement, lorsqu'on utilise
7 un fusil-mitrailleur ou une mitrailleuse, il y a cinq ou dix balles émises
8 à la fois et il y a un peu de phosphore ; c'est donc éclairant . On voit,
9 illuminée, la trajectoire du projectile dans l'obscurité. L'homme qui
10 utilise cette arme peut aussi mieux voir sa cible.
11 M. Cayley (interprétation). - En réalité, on peut voir une espèce de
12 trajectoire, des lignes phosphorescentes comme des éclairs dans l'air.
13 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
14 M. Cayley (interprétation). - Puisque la direction des tirs était visible,
15 pouvez-vous dire aux Juges d'où venaient ces coups de feu et où ils allaient.
16 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons pu constater que ces
17 tirs provenaient de différentes positions, mais qu'ils étaient tous
18 dirigés dans la même direction. Nous n'avons pas vu de coups de feu
19 dirigés dans une autre direction. Nous n'avons donc pas constaté de
20 contre-feu, si vous voulez.
21 M. Cayley (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire ?
22 M. Baggesen (interprétation). - Eh bien, qu'il y avait seulement
23 une partie qui tirait.
24 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais
25 pas si l'heure de la pause est arrivée ?
Page 1909
1 M. le Président. - Oui. Nous reprendrons à 11 heures 40.
2 L'audience, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 11 heures 55.
3 M. le Président. - L’audience est reprise. Faites entrer l'accusé.
4 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)
5 M. le Président. - Maître Cayley ?
6 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
7 Monsieur le Président, une question a surgi au cours de l'interruption.
8 Les services de traduction m’informent du fait qu'il y a eu une erreur,
9 minime certes, mais une erreur quand même, dans la traduction de l'anglais
10 vers le bosno-serbo-croate. Elle a trait à la description faite par le
11 témoin d'une conversation qui a eu lieu à Travnik, par téléphone, entre le
12 colonel Blaskic et le commandant de la police militaire du HVO.
13 Le témoin a dit qu’à son avis, c'était une conversation
14 militaire qui avait eu lieu. Je crois comprendre que la traduction reçue
15 par Me Nobilo et le général Blaskic indique que ce n'était pas une
16 conversation militaire. Donc, un positif a été traduit par un négatif.
17 M. le Président. - Si toutes les parties sont d'accord, nous
18 allons demander à Monsieur le Greffier de confirmer par la présente
19 déclaration, dans le transcript, la rectification de l'erreur.
20 D'ailleurs, à ce sujet, je dois dire que je n'ai pas voulu
21 interrompre les débats. Mais, effectivement, vous aviez l’air, dans votre
22 manière de dire : "c'était une conversation militaire", d’avoir une sorte
23 de connivence, de complicité entre vous, comme s'il y avait une
24 terminologie au second degré de ce qu’est une conversation militaire.
25 Je n'ai pas voulu vous interrompre, mais je suppose que cela
Page 1910
1 voulait dire beaucoup de choses. Je ne pensais pas que c’était très
2 important. C'était effectivement entre vous, comme s'il était entendu
3 qu'il y avait des conversations d'un certain type, et puis des
4 conversations militaires qui recèleraient beaucoup de choses. Je ne me
5 trompe pas, Maître Cayley ?
6 M. Cayley (interprétation). - Je suppose que les militaires ont
7 une certaine façon de parler, Monsieur le Président. Je suis un humble
8 procureur, mais je dispose de quelques notions militaires. Je m'efforcerai
9 -j'espère l’avoir déjà fait jusqu'à présent- d'expliquer les termes chaque
10 fois qu'une terminologie militaire sera utilisée. C'est important et
11 pertinent, car nous sommes en train, ici, de participer à un procès à
12 l'encontre d'un officier militaire. J'ai fait de mon mieux pour expliquer
13 les termes militaires aux profanes. Personnellement, je ne suis pas un
14 expert. Le témoin l'est sans doute davantage que moi. En tout cas, il
15 connaît les questions de transmission et d'armement. Mais, j'essaierai
16 désormais de m'en souvenir, Monsieur le Président. Je me souviendrai de
17 vos propos et j'essaierai de simplifier la langue.
18 M. le Président. - Nous sommes d'humbles Juges et pas des
19 experts militaires. Nous pouvons continuer.
20 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Baggesen, aux fins du compte rendu,
21 vous avez indiqué sur cette carte : 6 heures du matin. En fait, quelle
22 était cette heure indiquée dans cette partie de la photographie ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Pour autant que je me souvienne
24 du moment précis où nous sommes arrivés à cette route, lorsque nous avons
25 en fait franchi Vitez, c'était de 6 heures du matin.
Page 1911
1 M. Cayley (interprétation). - Les 15 et 16 avril, vous étiez
2 présent dans la région. Avez-vous vu des forces du gouvernement de
3 Bosnie ? Avez-vous vu des unités armées sur le terrain ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Non, pas dans cette région-là.
5 M. Cayley (interprétation). - Rappelons-nous que la quintessence est
6 effectivement la bonne vitesse et que le problème est la terminologie
7 militaire pour le Tribunal. Je m'arrêterai chaque fois que mon collègue me
8 fera comprendre qu'un terme utilisé n'est pas clair pour les Juges. Nous
9 sommes à 9 heures30 du soir ou 10 heures 30, en fait 21 heure 30. Vous vous
10 trouvez sur cette route secondaire qui contourne Vitez. C'est bien exact ?
11 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
12 M. Cayley (interprétation). - Cette fois-ci, avez-vous franchi
13 le barrage routier ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Oui, parce qu’il n'y avait pas de problème.
15 M. Cayley (interprétation). - Y avait-il d'autres points de
16 contrôle ou barrages routiers dans cette partie, sur cette route, que vous
17 avez indiquée sur la carte ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Il y en avait un autre tout
19 près, qui contrôlait l'autre route allant vers Vitez.
20 M. Cayley (interprétation). - Auriez-vous l'obligeance
21 d'indiquer ce barrage routier sur la photographie avec le feutre que vous
22 avez déjà utilisé ? Vous allez peut-être aussi indiquer HVO 2 ?
23 (Le témoin porte une indication sur la carte.)
24 M. Cayley (interprétation). - Je vous demanderai d'indiquer
25 HVO CP 2 (check point), pour le distinguer des marques déjà apposées.
Page 1912
1 M. Baggesen (interprétation). - Ce point de contrôle régulait la
2 circulation sur cette route, de la route principale, et entrant dans
3 Vitez. Si nous utilisions la route déjà mentionnée, il ne fallait pas
4 utiliser ce second point de contrôle, c'est uniquement si l’on partait du
5 carrefour vers Vitez.
6 M. Cayley (interprétation). - Venant de la direction de Zenica,
7 tenant compte de ces deux points de contrôle, qui contrôlait l'accès et la
8 sortie de la ville ?
9 M. Baggesen (interprétation). - De Vitez ?
10 M. Cayley (interprétation). - Oui.
11 M. Baggesen (interprétation). - Le HVO.
12 M. Cayley (interprétation). - Vous avez réussi à mener vos
13 négociations à bien pour le franchissement de ce point de contrôle. Mais
14 où vous êtes-vous rendu par la suite ?
15 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons essayé de rentrer à
16 Zenica parce que nous nous y sentions davantage en sécurité. A l'approche
17 de Zenica (cette zone ne se trouve plus sur la photographie), nous avons
18 pu voir que les cieux tout entiers étaient illuminés par un grand incendie.
19 M. Cayley (interprétation). - Je vous demanderai d'attendre un
20 instant. Monsieur le Président, j'aimerais présenter cette pièce 50A.
21 De nouveau, c'est une photocopie d'une pièce déjà versée au
22 dossier. Le même objectif est poursuivi, à savoir que le témoin pourra
23 indiquer quelques annotations sur cette photocopie.
24 Mon collègue me corrige. Il s'agit de la pièce 56A. Excusez-moi,
25 j'avais raison la première fois : c'est le document 58.
Page 1913
1 M. le Président. - Monsieur Dubuisson, êtes-vous d'accord ?
2 M. le Greffier. - Pouvez-vous me donner la côte exacte de la
3 pièce originale, Monsieur Cayley ?
4 M. Cayley (interprétation). - 50.
5 M. le Président. - Nous sommes bien d'accord que la pièce
6 originale est la pièce 50. Pour les. besoins du présent témoignage, nous
7 allons travailler sur une photocopie qui, elle-même, sera insérée avec
8 quel numéro, Monsieur Dubuisson : 89 ou 90 ?
9 M. le Greffier. - Non. Pour des questions de facilité, nous
10 utilisons la cote 50A.
11 M. le Président. - Tout le monde est d'accord pour 50A.
12 Poursuivez, Maître Cayley.
13 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
14 Monsieur Baggesen, veuillez jeter un coup d'oeil à cette
15 photographie aérienne. La reconnaissez-vous ?
16 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
17 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, une fois de
18 plus, je vous demanderai l'autorisation de m'approcher du témoin.
19 M. le Président. - Tout à fait. De même que le banc de la
20 défense, si la défense veut s'approcher.
21 (Me Cayley s'approche du témoin.)
22 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous indiquer, à l'intention des
23 Juges, quelle route vous avez empruntée pour rentrer à Zenica ?
24 (Le témoin indique la route.)
25 M. Cayley (interprétation). - Et vous passez par quels
Page 1914
1 villages ? Quels villages cette route traverse-t-elle ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Elle traverse en fait la zone d'Ahmici.
3 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous expliquer ce que
4 vous avez vu quand vous avez emprunté cette route ?
5 M. Baggesen (interprétation). - Nous avons emprunté la route de
6 Vitez à Zenica et, une fois arrivés ici, nous avons pu voir que toute
7 cette région était illuminée, éclairée parce qu'il y avait un énorme
8 incendie qui faisait rage. Effectivement, quand nous nous sommes approchés
9 davantage, nous avons vu que toute la région était en feu.
10 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous pu déterminer l'origine
11 de cet incendie, d'où il venait ?
12 M. Baggesen (interprétation). - Oui, parce qu'ici, sur la
13 hauteur, dans cette région-ci, nous avons vu que l'incendie faisait rage.
14 M. Cayley (interprétation). - Je vous demanderai de prendre le
15 feutre rouge pour délimiter cette zone. Ce n'est pas du tout exact : vous
16 ne pouvez pas être précis dans cette délimitation.
17 M. Baggesen (interprétation). - Oui, c'était très difficile, car
18 toute la région était en feu.
19 M. Cayley (interprétation). - Je vous demanderai d'utiliser ce feutre
20 rouge pour délimiter cette zone que vous avez vue en proie aux flammes.
21 (Le témoin la délimite.)
22 M. Cayley (interprétation). - Donc, vous avez tracé un cercle
23 rouge autour de cette région qui était en feu, à votre avis ?
24 M. Baggesen (interprétation). - Il y en avait peut-être un peu plus...
25 M. Cayley (interprétation). - Me Hayman a peine à voir : peut- être,
Page 1915
1 pourriez -vous retracer ce cercle ? Vous étiez sur le point de dire
2 quelque chose ?
3 M. Baggesen (interprétation). - Peut-être que la région était
4 plus vaste, mais c'était difficile de voir. Evidemment, il y avait
5 beaucoup d'incendies. Je me souviens que cette vision était horrible.
6 J'avais déjà vu beaucoup de maisons mises à feu ou qui étaient en feu,
7 mais c'était toute la région qui était en flammes. J'ai vu aussi, cette
8 fois-ci, que le minaret de la mosquée était toujours debout. C'était
9 extraordinaire de voir ce minaret illuminé par ces flammes tout autour.
10 M. Cayley (interprétation). - Donc, le minaret était toujours
11 debout et on le voyait très bien sur la toile de fond de cet incendie.
12 Vous avez décrit cet incendie. Mais pourriez-vous être précis, quelle
13 était l'étendue de cet incendie ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Je crois que le village tout
15 entier était en feu.
16 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous essayé de pénétrer dans ce village?
17 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Nous avons tenté d'entrer
18 par ici pour essayer de vérifier ce qui se passait. Mais nous avons été
19 arrêtés dans cette tentative, il y avait un point de contrôle. Si je me
20 souviens bien, il n'y avait peut-être qu'un soldat ou deux, mais ils ont
21 refusé l'accès à cette région.
22 M. Cayley (interprétation). - Quels étaient les soldats qui
23 occupaient ce point de contrôle ?
24 M. Baggesen (interprétation). - C'étaient des soldats du HVO.
25 Ils portaient des insignes à la manche, des insignes du HVO.
Page 1916
1 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous indiquer ce point de
2 contrôle sur la carte ? En bleu, c'est bon. Indiquez à côté : HVO.
3 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
4 (Le témoin a tracé un cercle bleu qui indique la présence d'un
5 point de contrôle sur la route principale, parallèle à une route
6 secondaire qui arrive au village d'Ahmici.)
7 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que les soldats qui se
8 trouvaient à ce barrage routier vous ont fourni une raison expliquant
9 pourquoi vous ne pouviez pas rentrer dans le village d'Ahmici ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Ils nous ont dit que la région n'était
11 pas sûre pour nous, car il y avait des combats très intenses dans la région.
12 M. Cayley (interprétation). - Ils ont dit qu'il y avait des
13 combats intenses dans la région. Avez-vous vu un signe de combats ?
14 M. Baggesen (interprétation). - Non. Depuis la route, nous avons
15 pu regarder vers l'avant de la route et nous avons vu des personnes sur le
16 sol, non loin de la route. C'étaient peut-être des corps de personnes
17 décédées, c'étaient peut-être des personnes qui s'étaient simplement
18 allongées. Nous n'avons pas pu établir ce fait. L'une des maisons était
19 illuminée. Mais, à l'intérieur d'une maison, nous avons pu voir une
20 personne qui se trouvait à la fenêtre : c'était peut-être un corps ou une
21 personne vivante qui rentrait ou sortait de la maison.
22 M. Cayley (interprétation). - Pouviez-vous voir ce qui se passait plus haut
23 sur la route ? Il était difficile de voir, n'est-ce pas ?
24 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
25 M. Cayley (interprétation). - Des dommages constatés dans le
Page 1917
1 village, de cet incendie, —je parle toujours au professionnel de l'armée
2 que vous êtes en vous demandant de garder un langage simple— en avez-vous
3 discuté avec vos collègues officiers pour savoir comment le feu avait pris
4 dans ce village ?
5 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Un feu comme celui-ci ne
6 pouvait pas avoir pris tout seul : il devait y avoir eu des tirs
7 d'artillerie ou de mortiers. Nous en avons discuté et sommes arrivés à la
8 conclusion que c'était un incendie provoqué par des êtres humains.
9 M. Cayley (interprétation). - Vous dites donc que quelqu'un
10 avait physiquement fait démarrer ce feu ?
11 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Ce n'était pas le résultat
12 de l'utilisation d'armes.
13 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous avez visité le
14 village d'Ahmici avant cette époque ?
15 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
16 M. Cayley (interprétation). - Vous rappelez-vous approximativement quand ?
17 M. Baggesen (interprétation). - Je ne me rappelle pas la date exacte, mais
18 quelques jours avant cet événement, en tout cas. Normalement, nous
19 traversions Ahmici pour aller de Zenica à Vitez. L'une de mes interprètes
20 m'a dit un jour que nous devrions visiter Ahmici pour que je puisse voir la
21 mosquée, car les habitants d’Ahmici étaient très fiers de leur nouvelle
22 mosquée : elle venait d'être construite. Les habitants d’Ahmici avaient
23 collecté l'argent pour construire cette mosquée. Mon interprète m'a demandé
24 de m'y rendre pour la voir et l'admirer sur le plan architectural.Je suis
25 allé à Ahmici ; j'ai vu la mosquée : c'était une belle mosquée.
Page 1918
1 M. Cayley (interprétation). - Quel était l'aspect du village, ce jour-là ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Très calme : les enfants jouaient dans les
3 rues, on entendait chanter les oiseaux. La région était très calme.
4 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous constaté des signes de
5 fortifications militaires ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Non.
7 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu des tranchées ?
8 M. Baggesen (interprétation). - Non.
9 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu des fils de fer barbelés ?
10 M. Baggesen (interprétation). - Non.
11 M. Cayley (interprétation). - Vous avez vu des positions d’artillerie ?
12 M. Baggesen (interprétation). - Nous n'avons rien vu de ce genre. Il était
13 impossible de penser qu'une guerre était en cours quand on circulait à
14 Ahmici.
15 M. Cayley (interprétation). - Vous n'avez vu aucun signe
16 indiquant une quelconque activité militaire à Ahmici quand vous vous y
17 êtes rendu quelques jours auparavant ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Non, il n’y avait aucun signe de ce genre.
19 M. Cayley (interprétation). - Pour autant que vous ayez pu le voir ?
20 M. Baggesen (interprétation). - Effectivement.
21 M. Cayley (interprétation). - Pour conclure le récit que vous
22 faites de ces journées, l'attaque que vous avez vue, l'attaque de Vitez et
23 les conséquences, les répercussions de cette attaque, avec les suites qui
24 ont été données à Ahmici, quelles ont été les conclusions auxquelles vous
25 avez abouti, en tant que soldat professionnel, au cours de vos discussions
Page 1919
1 avec vos collègues de l’ECMM sur ce sujet ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Nous sommes parvenus à la conclusion qu’il
3 s’était agi d’une opération militaire, d’une opération qui n’était pas
4 dirigée contre une cible militaire, mais plutôt contre une cible civile.
5 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire qu’un rapport
6 écrit a été rédigé à ce sujet ?
7 M. Baggesen (interprétation). - Nous rédigions de nombreux rapports.
8 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais demander qu’un
9 document soit versé au dossier. Monsieur le Greffier, quelle est la cote ?
10 M. le Greffier (interprétation). - La cote 90.
11 M. Cayley (interprétation). - Je demande donc que la pièce à
12 conviction n° 90 soit versée au dossier.
13 M. Cayley (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,
14 Monsieur le Président, il n’existe pas de traduction française mais je
15 demanderai au témoin de donner lecture des paragraphes pertinents. En
16 fait, une grande partie de ce texte est pertinente. Monsieur Baggesen,
17 reconnaissez-vous ce document ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Il s’agit d'un rapport hebdomadaire de
19 l’ECMM, d’un document qui était rédigé toutes les semaines à notre siège de
20 Zagreb, et qui résumait tous les rapports provenant des centres régionaux.
21 M. Cayley (interprétation). - Je vous demanderai de regarder les
22 paragraphes 14 et 15 et d’en donner lecture dans quelques instants.
23 M. le Président. - Poursuivez, Maître Cayley.
24 M. Cayley (interprétation). - Je comprends donc que ce document résume les
25 événements survenus dans toute la Bosnie, ainsi qu'en Croatie je crois, et
Page 1920
1 également en Hongrie et en Albanie où des officiers de l’ECMM
2 étaient stationnés.
3 M. Baggesen (interprétation). - C'est exact.
4 M. Cayley (interprétation). - Il y a un résumé qui concerne les
5 rapports relatifs à la région de Zenica ?
6 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
7 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous nous lire le paragraphe 15 ?
8 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Ce paragraphe stipule la
9 position déclarée des autorités croates de Bosnie, quant à leur désir de
10 mettre en œuvre le plan Vance-Owen qui force la population musulmane à
11 quitter les provinces appelées provinces croates, et qui a provoqué une
12 réaction qui a abouti à des combats intenses et violents, ainsi qu’à des
13 actions dirigées contre la population civile, notamment des régions de
14 Zenica et de Vitez.
15 M. Cayley (interprétation). - Pourquoi avez-vous abouti à cette conclusion?
16 M. Baggesen (interprétation). - Parce que nous avons pu
17 constater qu'il y avait des actions militaires, des opérations militaires,
18 dirigées contre la population civile musulmane.
19 M. Cayley (interprétation). - Pensiez-vous que ce que vous aviez
20 vu les 15 et 16 avril résultait de l’insubordination de deux ou trois
21 soldats qui avaient simplement décidé de prendre les choses en main et
22 d'attaquer les régions de Vitez et d'Ahmici ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Non. Il ne faisait aucun doute
24 qu'il s'agissait d'une opération militaire.
25 M. Cayley (interprétation). - L'entrée de Vitez était-elle
Page 1921
1 bloquée au moment où vous y étiez ? La région était-elle encerclée ?
2 M. Baggesen (interprétation). - Elle était plus ou moins bloquée par le HVO.
3 M. Cayley (interprétation). - En raison des barrages routiers ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Oui, en raison des barrages routiers.
5 M. Cayley (interprétation). - Donc, la circulation entrante et
6 sortante était contrôlée.
7 M. Baggesen (interprétation). - Oui.
8 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit qu'il s'agissait
9 d'une opération militaire. Quel était, à votre avis, l'objectif de cette
10 opération militaire ? Je sais que vous avez lu le rapport.
11 M. Baggesen (interprétation). - Nous pensions qu'il s'agissait
12 d'une opération militaire dirigée contre la population civile qui avait
13 pour but de terroriser la population, et de montrer ce qui pouvait se
14 passer si les habitants d'autres villages musulmans ne partaient pas.
15 C'était donc une opération destinée à servir d'exemple.
16 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous estimer le nombre d’hommes qui
17 aurait été nécessaire pour mettre en oeuvre ce genre d'opération ?
18 M. Baggesen (interprétation). - Je pense qu’il eut fallu 500 à
19 600 soldats pour réaliser cette opération concernant Vitez et Ahmici, y
20 compris les barrages routiers.
21 M. Cayley (interprétation). - Aurait-il fallu que cette
22 opération soit coordonnée ?
23 M. Baggesen (interprétation). - Oui. Lorsqu’une opération aussi
24 importante que celle-ci est menée, elle doit être coordonnée, car elle
25 implique plusieurs unités, donc le commandement de ces multiples unités.
Page 1922
1 Il faut transporter les soldats sur place, organiser la logistique.
2 M. Cayley (interprétation). - Quand vous dites logistique,
3 parlez-vous d'équipements militaires, de munitions, de carburant ?
4 M. Baggesen (interprétation). - Oui, de choses de ce genre.
5 M. Cayley (interprétation). - Veuillez m'excuser un instant,
6 Monsieur le Président. Je crois savoir que v