Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 10 novembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 15.

5 M. le Président. - Monsieur le Greffier, pouvez-vous faire

6 rentrer l'accusé, s'il vous plaît ?

7 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

8 M. le Président. - Bonjour tout le monde, bonjour Messieurs les

9 Procureurs, Messieurs les membres de la défense, Monsieur Tihomir Blaskic.

10 L'audience peut, dans ces conditions, être reprise. Monsieur le

11 Procureur, pouvez-vous nous rappeler à quel endroit de la procédure nous

12 étions ? Monsieur Kehoe, nous vous écoutons.

13 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président.

14 Bonjour, Messieurs les Juges. Je sais que cela fait déjà quelque temps que

15 nous nous sommes trouvés dans cette salle pour la dernière fois. Je vous

16 rappellerai que l'équipe de l'accusation va citer un certain nombre de

17 témoins qui parleront des événements survenus à Ahmici et dans les

18 environs.

19 Nous commencerons aujourd'hui par le Colonel Brian Watters, qui

20 était membre du premier régiment du Cheshire dans l'armée britannique.

21 Avant d'entendre le lieutenant-colonel Watters,

22 Monsieur le Président, j'aimerais évoquer quelques questions eu égard à

23 des personnes qui ne souhaitent pas que leur identité soit rendue

24 publique. Donc, il sera question de requête et, si vous l'acceptez, nous

25 pourrions passer à huis clos pendant quelque instants pour discuter de ces

Page 3311

1 requêtes. L'accusation vous en

2 serait reconnaissante.

3 M. le Président. - Pas d'objection de la part de la défense pour

4 que nous passions à huis clos, pour que nous évoquions ces questions-là ,

5 Maître Hayman ?

6 M. Hayman (interprétation). - Nous ne connaissons pas le sujet

7 de ces requêtes, Monsieur le Président, mais nous pensons qu'il serait bon

8 d'accorder effectivement cette possibilité à l'accusation.

9 M. le Président. - Je crois que vous préférez une session privée

10 ou une session huis-clos, Monsieur Kehoe ?

11 M. Kehoe (interprétation). - Une session privée suffit,

12 Monsieur le Président. Il n'est pas indispensable de baisser les stores.

13 Nous ne souhaitons pas que les choses soient entendues par la galerie du

14 public.

15 M. le Président. - Nous allons prononcer une session privée en

16 attendant que les traducteurs finissent par trouver le bon mot français

17 pour trouver la traduction de "private session" Nous n'avons toujours pas

18 trouvé. Je dirai "session privée", sachant que cela ne correspond pas très

19 bien à ce qu'il faut faire.

20 Nous prononçons la session privée.

21 (Fin de séance publique)

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1 (Début de session privée.)

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10 Pages 3312 –3323 expurgées en audience à huis clos

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1 (expurgée)

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17 (expurgée)

18 (Fin de session privée.)

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20 (L'audience se poursuit en séance publique.)

21 (Le témoin est introduit dans la salle.)

22 M. le Président. - Colonel Watters, vous m'entendez ? Pouvez-

23 vous me dire votre identité ? Restez debout pour l'instant. Vous êtes le

24 lieutenant-colonel Watters, est-ce bien cela ?

25 M. Watters (interprétation). - Je suis le lieutenant-colonel

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1 Brian Watters et je commande actuellement le premier bataillon de l'armée

2 du Royaume-Uni.

3 M. le Président. - Nous voulions voir qui le Tribunal a en face

4 de lui. Maintenant, on va vous tendre une déclaration que vous allez lire,

5 qui est votre serment. Monsieur l'huissier, tendez la déclaration. Vous

6 restez debout et vous lisez la déclaration qui vous est soumise.

7 M. Watters (interprétation). - Je jure solennellement que je

8 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

9 M. le Président. - Merci, lieutenant-colonel. Vous pouvez vous

10 asseoir.

11 Vous avez, colonel, été cité par l'accusation comme témoin de

12 l'accusation. Vous allez donc être soumis à un interrogatoire par le

13 Procureur dans un premier temps et ensuite par la défense.

14 Monsieur Kehoe ?

15 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour, Monsieur Watters.

16 M. Watters (interprétation). - Bonjour.

17 M. Kehoe (interprétation). - Quel est votre métier

18 actuellement ?

19 M. Watters (interprétation). - Je commande un bataillon

20 d'infanterie, le premier bataillon du (expurgée).

21 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous donner une idée de

22 votre expérience au sein de l'armée britannique ?

23 M. Watters (interprétation). - J'ai passé une année à Cheshire

24 et ensuite je suis

25 devenu officier en 1973. J'ai ensuite été commandant de section

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1 dans le bataillon de Cheshire. J'y ai passé deux ans. Ensuite, j'ai reçu

2 une formation pour participer à l'unité antichars. Après plusieurs

3 nominations tout à fait logiques au sein de l'armée, notamment un

4 stationnement en Irlande du Nord et en Rhodésie, je suis devenu officier

5 d'une unité blindée en Allemagne, de la SOBG3. J'ai donc passé deux ans en

6 Allemagne et, ensuite, je suis revenu dans le régiment du Cheshire que

7 j'ai commandé en Angleterre ainsi qu'en Amérique Centrale. Puis je suis

8 revenu au quartier général en Irlande du Nord, après quoi je suis allé au

9 Brunei et à Bornéo. Puis, je suis revenu dans le régiment du Cheshire et

10 j'ai ensuite été stationné à Vitez avec ce régiment. Puis j'ai eu d'autres

11 nominations et, au bout du compte, j'ai fini commandant du régiment de

12 Cheshire.

13 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous êtes devenu commandant

14 du premier bataillon du régiment de Cheshire, quand cela s'est-il produit

15 exactement ?

16 M. Watters (interprétation). - Juste l'année dernière, avant

17 (expurgée).

18 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez donc dit tout cela et

19 vous avez indiqué qu'il y a eu une période pendant laquelle vous étiez

20 commandant-adjoint d'un régiment du Cheshire en Bosnie, plus précisément à

21 Vitez. Est-ce exact ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est cela.

23 M. Kehoe (interprétation). - A quelle époque, plus ou moins, le

24 régiment du Cheshire a-t-il été stationné là-bas ?

25 M. Watters (interprétation). -De novembre 92 à mai 93. Moi, j'ai

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1 été adjoint du commandant à partir de février jusqu'à la fin.

2 M. Kehoe (interprétation). - Donc vous étiez là-bas pendant la

3 dernière moitié du stationnement, n'est-ce pas ?

4 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

5 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, pouvez-vous nous dire ce

6 qui se passait à l'époque en Bosnie, lorsque vous y étiez, faire une

7 description générale de la situation ? Quelles étaient les relations entre

8 les parties belligérantes ?

9 M. Watters (interprétation). -Je suis arrivé en Bosnie le

10 6 février. J'ai passé quinze jours à m'habituer à mes fonctions de

11 commandant-adjoint. A l'époque, c'était le colonel Stewart qui commandait

12 le bataillon. Il y avait une autre personne, le major Parker, et moi-même

13 qui assurions le commandement de ce bataillon.

14 J'ai passé pas mal de temps à essayer de comprendre quelles

15 étaient les aspirations politiques des trois parties belligérantes et à

16 essayer d'évaluer leurs projets, puisque nous nous rendions compte que ce

17 que nous pensions qu'elles allaient faire n'était pas toujours ce qu'elles

18 faisaient finalement. Nous essayions de bien comprendre la guerre, où se

19 trouvaient les lignes de front, notamment les lignes de front serbes, et

20 quelle était la situation au sein de l'alliance entre les Croates et les

21 Musulmans. Nous essayions également de savoir qui étaient les

22 personnalités principales, politiques et militaires, dans la zone de

23 Bosnie centrale. C'est ce que j'ai fait pendant mes quinze premières

24 journées là-bas. J'étais assisté par le major Parker, et par les personnes

25 qui ont assisté à une réunion du 13 février 1993 à laquelle j'ai assisté.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que le bataillon britannique

2 avait une zone de responsabilité principale en Bosnie centrale ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui, il s'agissait de la zone

4 allant de Kiseljak jusqu'à Busovaca, Zenica, le long de la vallée de la

5 Lasva. Cela incluait Vitez jusqu'à Travnik. Il y avait également Zepce et

6 Maglaj. Nous avions également une zone de responsabilité au-delà des

7 lignes serbes.

8 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous avez fait tout cela,

9 avez-vous eu la possibilité de parcourir cette zone de responsabilité ?

10 M. Watters (interprétation). - Oui, j'ai beaucoup voyagé au sein

11 de cette zone.

12 M. Kehoe (interprétation). - La mission du bataillon britannique

13 à Vitez était une mission opérationnelle, n'est-ce pas ? Elle s'appelait

14 en anglais opération Grapple, n'est-ce pas ?

15 M. Watters (interprétation). - Oui, c'était le nom qui lui avait

16 été donné par le ministère britannique de la Défense.

17 M. Kehoe (interprétation). - Quels étaient les objectifs du

18 bataillon britannique, notamment de cette opération en Bosnie centrale, et

19 est-ce que ces buts ont changé avec le temps ?

20 M. Watters (interprétation). - Notre rôle principalement était

21 de permettre les mouvements de convois d'aide humanitaire au sein de notre

22 zone de responsabilité et d'empêcher que la population civile ne meure de

23 faim. C'était notre mission, donc notre objectif. Au début de notre

24 stationnement là-bas, certaines lignes de front serbes ont été stabilisées

25 et nous avons pu établir notre projet, c'est-à-dire que nous avons pu nous

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1 placer afin de pouvoir mener à bien notre mission. Voulez-vous que je vous

2 explique cela ?

3 M. Kehoe (interprétation). - Parlez-nous simplement de votre

4 liberté de manoeuvre, etc., et de vos objectifs.

5 M. Watters (interprétation). -Eh bien, nous devions appliquer

6 notre plan de manoeuvre et examiner la situation afin de savoir comment

7 nous pourrions nous acquitter au mieux de notre mission.

8 Donc le plan de manoeuvre exigeait de nous que nous

9 identifiions, au sein du Brit Bat, du bataillon britannique, un certain

10 nombre d'officiers destinés à devenir des officiers de liaison. Nous en

11 avons trouvé six qui avaient la personnalité et les capacités suffisantes.

12 Donc ces capitaines, comme nous les appelions, se sont vu attribuer une

13 zone ou une sous-zone de responsabilité au sein de notre zone de

14 responsabilité. Leur tâche était d'apprendre à connaître les différentes

15 personnalités militaires et politiques qui contrôlaient la situation dans

16 les trois camps et d'établir des relations de travail avec ces différentes

17 personnes afin de nous

18 permettre de mieux comprendre la situation, laquelle était très

19 complexe, et également d'établir des relations personnelles que nous

20 pourrions utiliser en temps de crise pour résoudre certains problèmes aux

21 niveaux appropriés. L'établissement de ces relations est devenu tout à

22 fait crucial afin que nous puissions accomplir notre mission.

23 Après avoir choisi ces officiers de liaison et après qu'ils

24 aient créé des relations de travail dans leurs sous-zones de

25 responsabilité, en même temps nous avons commencé à faire des exercices de

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1 patrouille en utilisant toutes les ressources blindées dont nous pouvions

2 disposer. Nous avions des Warriors, des véhicules, 53 blindés plus

3 précisément. Puis nous avons établi la ligne de front serbe et nous

4 voulions également, dans toute la zone de responsabilité, créer une

5 certaine confiance au sein des organisations humanitaires et de la

6 population civile et locale, parce que nous voulions créer une espèce de

7 réseau et non pas aider ponctuellement certains convois humanitaires. Nous

8 voulions créer un réseau de sécurité et de confiance, si vous voulez. Donc

9 nous faisions des patrouilles dans toute la zone et nous essayions de

10 mettre un terme à certains conflits ou désaccords au sein de cette région.

11 Et cela a marché jusqu'à la mi-avril.

12 M. Kehoe (interprétation). - Donc vous avez fait toutes sortes

13 d'efforts pour améliorer la situation dans la zone de responsabilité dans

14 la vallée de la Lasva et dans d'autres zones. Avez-vous eu des contacts

15 avec Tihomir Blaskic ?

16 M. Watters (interprétation). - Oui. La première fois, c'était le

17 13 février, à la réunion de la commission de Busovaca. J'y étais avec le

18 Major Park. C'était à Kakajn je crois. Je crois qu'il était là.

19 Il y avait également des membres du troisième corps d'armée. Et il y avait

20 le général Petkovic également.

21 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous reconnaître la personne

22 qui est à votre gauche ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est le colonel Blaskic.

24 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous le montrer du doigt ?

25 (Le témoin montre du doigt M. Blaskic.)

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1 M. Kehoe (interprétation). - Pour le compte rendu, le témoin

2 vient d'identifier l'accusé.

3 Etait-ce la première fois que vous rencontriez le général

4 Blaskic ?

5 M. Watters (interprétation). - Oui, c'était le 13 février 93.

6 M. Kehoe (interprétation). - Quel rôle jouait Blaskic dans votre

7 zone de responsabilité ?

8 M. Watters (interprétation). - Le colonel Blaskic était le

9 commandant régional du HVO. Il avait trois sous-zones de responsabilité.

10 Chacune avait son propre commandant et ses commandants-adjoints. Le

11 colonel Blaskic était leur supérieur. Ces trois zones étaient la zone de

12 Kiseljak-Busovaca, je crois que c'était la première. Non, c'était la

13 deuxième. La première était Vitez-Travnik, la deuxième zone opérationnelle

14 était Kiseljak-Busovaca et la troisième était Zepce. Il s'agissait de ses

15 trois sous-zones de responsabilité, si vous voulez.

16 M. Kehoe (interprétation). - A l'époque, saviez-vous qu'il était

17 bien le commandant de cette zone ?

18 M. Watters (interprétation). - Non, j'en était sûr. Oui, j'en

19 étais sûr.

20 M. Kehoe (interprétation). - Le colonel Blaskic semblait-il

21 détenir un pouvoir militaire en Bosnie centrale à l'époque ?

22 M. Watters (interprétation). -Que voulez-vous dire ? Il avait

23 l'autorité naturelle d'un commandant, il avait des gardes du corps qui

24 protègeaient à l'époque tous les commandants en Bosnie. Il avait des

25 moyens de communication et il était responsable devant le général

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1 Pekovic (?). Donc il était assez clair qu'il était le commandant. Il

2 signait des documents très importants.

3 M. Kehoe (interprétation). - Le colonel Blaskic avait-il un

4 quartier général ?

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, son quartier général principal

6 se trouvait à l'hôtel Vitez pendant que j'étais là-bas. Je savais qu'il

7 avait également un quartier général à Kiseljak où il se trouvait assez

8 souvent. Je crois qu'il venait de là-bas d'ailleurs. C'est peut-être pour

9 cela qu'il avait un quartier général à Kiseljak.

10 M. Kehoe (interprétation). - Pour revenir à ce dont nous

11 parlions avant la description du Colonel Blaskic, vous parliez des

12 objectifs du bataillon britannique, de l'aide humanitaire, etc. Ces

13 objectifs ont changé à un certain moment, n'est-ce pas ?

14 M. Watters (interprétation). - L'objectif qui consistait à

15 favoriser la répartition de l'aide alimentaire n'a pas changé. Cette

16 mission est demeurée inchangée. Simplement, c'est nous qui sommes devenus

17 incapables de la réaliser compte tenu de la dégradation de la situation en

18 Bosnie centrale avec l'éclatement de l'alliance bosno-croate et avec

19 l'intensification des conflits, des combats dans la région.

20 L'idée de faire passer de force un convoi d'aide humanitaire à

21 travers des champs de bataille était insensée. Le coeur même de notre

22 mission consistait, tout en favorisant le passage des convois

23 humanitaires, à épargner la vie des gens. Epargner la vie des gens, cela

24 consiste entre autres à les placer à distance des combats. C'est ce que

25 nous avons tenté de faire à la fin du mois d'avril.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Vous parlez de la région Vitez-

2 Ahmici, n'est-ce pas ?

3 M. Watters (interprétation). - Je parle d'une région plus vaste

4 que cela. Mais le matin du 16 avril et au moment où nous avons quitté la

5 région à mi-mai, nous n'étions pas encore retournés à notre rôle principal

6 consistant à favoriser la distribution de l'aide humanitaire. Nous en

7 étions passés à un objectif consistant à sauver la vie des populations

8 dans de tout petits villages ainsi qu'aux barrages routiers. Nous

9 travaillions au sein des commissions de cessez-le-feu. C'est devenu

10 d'ailleurs une partie très importante de notre travail. Nous cherchions à

11 favoriser la circulation des commandants les plus importants des armées

12 croate et

13 musulmane dans le cadre de la protection dont ils bénéficiaient

14 de la part des Nations Unies pour favoriser les cessez-le-feu et les

15 conditions de leur mise en oeuvre.

16 M. Kehoe (interprétation). - Colonel Watters, revenons aux

17 objectifs du bataillon britannique et à la "operation grapple" en Bosnie-

18 Herzégovine. Est-ce que vous aviez la possibilité d'examiner les objectifs

19 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO en Bosnie centrale ?

20 M. Watters (interprétation). - Oui, j'ai expliqué au début de ma

21 déposition qu'il était tout à fait crucial pour nous dans le cadre de

22 notre mission de comprendre les factions belligérantes et leurs objectifs.

23 Au fur et à mesure que nous obtenions davantage d'informations et que nous

24 effectuions davantage d'observations personnelles, que nous menions des

25 discussions, il est devenu manifeste que les structures opérant en Bosnie

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1 centrale dépendaient de très près de la situation militaire, aussi bien

2 chez les Musulmans, que chez les Croates.

3 Je pourrais décrire ce qui se trouvait au sommet des

4 responsabilités stratégiques comme étant le niveau opérationnel et

5 tactique. Ces inspirations stratégiques étaient liées aux inspirations

6 politiques des Musulmans et des Croates ainsi qu'à leur gouvernement et à

7 leur armée centrale. Le niveau opérationnel était le niveau où

8 s'appliquaient les objectifs régionaux militaires transmis par les

9 commandants. Le niveau tactique était en réalité les villages ou les

10 unités, les brigades au sein de la Bosnie qui fonctionnaient sous les

11 ordres du niveau opérationnel. Je pourrai vous donner plus de détails si

12 vous le souhaitez.

13 M. Kehoe (interprétation). - Quel était votre objectif

14 stratégique lorsque vous êtes allé en Bosnie centrale en septembre 1993 et

15 pendant toute la durée de votre séjour jusqu'en avril ? Parlons, si vous

16 le voulez bien, des personnalités de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

17 M. Watters (interprétation). - Vous voulez dire l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Kehoe (interprétation). - Oui.

20 M. Watters (interprétation). - Le premier élément que je

21 souhaite évoquer au sujet

22 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'est que ces soldats étaient

23 traumatisés par les succès des Serbes, notamment dans les régions de

24 Banja Luka et de Srebrenica qui leur posaient un problème. L'armée de

25 Bosnie-Herzégovine était, en fait, en cours de consolidation. Elle tentait

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1 de défendre mieux les régions qu'elle avait réussi à sauvegarder et dont

2 elle avait évité le transfert sous contrôle serbe. Les soldats de l'armée

3 de Bosnie-Herzégovine étaient, de notre point de vue, très désireux de

4 conserver leur alliance avec les Croates, car ils ne pensaient pas pouvoir

5 résister à eux seuls contre quelque attaque que ce soit. Donc ils

6 défendaient assidument la frontière orientale avec les Serbes et créaient

7 des lignes de défense conjointes, comme par exemple à Trebe (?), aux

8 alentours de Travanik, où ils travaillaient aux côtés des Croates.

9 M. Kehoe (interprétation). - Je vous prierai maintenant de nous

10 parler des objectifs stratégiques du HVO. Avez-vous également étudié la

11 stratégie du HVO ?

12 M. Watters (interprétation). - Oui, tout à fait de la même

13 façon, et le résultat de mon analyse a été très comparable, à quelques

14 différences près. La plus grande différence distinguant le HVO de l'armée

15 de Bosnie-Herzégovine tenait au fait que l'armée de Bosnie-Herzégovine

16 était pourrait-on dire une île qui ne pouvait être renforcée ou appuyée

17 par qui que ce soit. Il n'y avait que l'armée de Bosnie-Herzégovine, la

18 communauté musulmane de Bosnie centrale. Ils n'avaient que les Musulmans

19 pour les aider, mais ne pouvaient bénéficier de l'aide des Musulmans

20 d'Europe. Ils étaient donc assez isolés et se battaient pour leur survie.

21 Le HVO et la communauté croate présentaient des caractéristiques

22 différentes parce qu'ils avaient la possibilité de bénéficier d'appuis

23 importants de la part de la Croatie elle-même. Cela les rendait nettement

24 plus confiants que les Musulmans. Cela a donc permis aux Croates de

25 poursuivre des objectifs qui étaient tout à fait en dehors des objectifs

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1 de l'alliance croato-musulmane qui apparaissaient comme étant des

2 objectifs propres aux Croates.

3 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer ces

4 objectifs, lieutenant-

5 colonel ?

6 M. Watters (interprétation). - Il était tout à fait manifeste

7 que les Croates essayaient de mieux comprendre comment les Serbes avaient

8 remporté les succès qu'ils avaient remportés par la force des armes et le

9 plan Vance-Owen semblait pratiquement toujours récompenser les efforts

10 déployés par les Serbes. Donc, à mon avis, les Croates ont pensé que

11 c'était là un modèle qu'il pouvait valoir la peine d'imiter.

12 Les cantons proposés dans le plan de Vance-Owen du mois d'avril,

13 qui faisaient du canton 10 un canton croate où toutes les responsabilités

14 seraient assumées par les Croates, intéressaient sans aucun doute beaucoup

15 les Croates. Les Croates ont donc essayé de créer une ligne intense en

16 Bosnie centrale où les populations comptaient des minorités musulmanes

17 importantes. Là, c'était une des priorités, dirais-je, des Croates.

18 La deuxième priorité des Croates concernait les accès aux zones

19 où les populations musulmanes étaient importantes comme Tomislavgrad par

20 exemple en direction de la Croatie. Les Croates s'intéressaient à assurer

21 la sécurité de la route, par exemple de Prozor vers la Bosnie centrale

22 puisque l'itinéraire passant par Mostar était totalement contrôlé et

23 dominé par les Serbes. Ils s'intéressaient à l'évacuation de la région de

24 Vakuf, de tous les villages de cette région orientale pour s'assurer le

25 contrôle possible de routes d'évacuation.

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1 Enfin, ce concept s'est trouvé renforcé dans la vallée de la

2 Lasva. Il y avait tout un concept traditionnel dans leur esprit au sujet

3 de cette nécessité de s'assurer le contrôle des voies de communication.

4 Les conquêtes serbes et les lignes de communication remportées par les

5 Serbes pourraient vous sembler assez étranges. Mais si vous leur comparez

6 les principales artères de la Bosnie et que vous constatez que les lignes

7 de front serbes permettaient d'accéder pratiquement à toutes ces voies de

8 communication pour les couper en isolant la Bosnie centrale du reste de la

9 Bosnie et en empêchant des renforts d'arriver dans un certain nombre de

10 poches en Bosnie, vous comprenez mieux ces opérations et vous comprenez

11 aussi l'aspect isolé de la

12 résistance. Le modèle qui préoccupait les Balkans dans

13 l'ensemble est tout à fait manifeste au cours de la deuxième guerre

14 mondiale dans les opérations allemandes dans les Balkans. C'est une idée

15 qui est restée dans l'esprit des gens de Prozor en particulier.

16 M. le Président. - Je voudrais que le témoin se tourne davantage

17 vers le Tribunal quand il répond longuement à ces questions.

18 M. Watters (interprétation). - Je suis désolé.

19 Je voudrais vous parler des opérations menées par les Croates,y

20 compris pendant les cessez-le-feu, qui allaient toutes dans un sens

21 déterminé, à savoir s'assurer le contrôle des voies de communication. Les

22 combats se sont déroulés le 16 avril et au-delà, et les forces croates ont

23 déployé de nombreux efforts en vue de s'assurer ce contrôle, non seulement

24 celui des voies de communications stratégiques menant à Prozor, mais

25 également celui des voies de communication allant dans le reste de la

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1 Bosnie centrale pour la relier aux principaux centres démographiques

2 croates tels que Busovaca et Vitez.

3 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit qu'ils avaient leurs

4 propres objectifs, des objectifs croates. Le HVO et les Croates de Bosnie

5 avaient-ils des objectifs parallèles s'agissant du contrôle de ces voies

6 de communication ?

7 M. Watters (interprétation). - Ces objectifs parallèles se sont

8 manifestés, comme j'ai tenté de l'expliquer, avec le développement du

9 canton 10 par exemple. Le problème venant de l'existence de minorités

10 musulmanes, il était tout à fait manifeste que les Croates, à partir du

11 16 avril, ont fait beaucoup pour tenter de déplacer les minorités

12 musulmanes du territoire de ce canton 10 et également pour évacuer les

13 Musulmans de toutes les régions qui menaceraient les lignes de

14 communication principales en Bosnie centrale, notamment dans la vallée de

15 la Lasva et dans la zone de Kiseljak.

16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous

17 demandons maintenant à voir la pièce à conviction 29 G qui est une carte.

18 Est-ce 29 G ou 29 J ?

19 M. le Greffier. - 29 J.

20 M. Kehoe (interprétation). - La pièce 29 J, Monsieur le

21 Président. Je vous prie de m'excuser.

22 Colonel Watters, je vous prierai de bien vouloir vous saisir du

23 marqueur rouge qui se trouve à votre gauche, de vous lever et de nous

24 indiquer sur la carte les objectifs stratégiques du HVO selon les voies de

25 communication dont vous venez de parler. Monsieur le Président, je vous

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1 demanderai de pouvoir m'approcher du témoin.

2 M. Watters (interprétation). - Est-ce que les villes en rouge et

3 les voies de communication en jaune, cela vous convient ?

4 M. Kehoe (interprétation). - Oui.

5 M. Watters (interprétation). - Je viens d'indiquer en rouge les

6 principales villes. Maintenant, je vais indiquer les principales voies de

7 communication.

8 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous nous donner le nom de

9 ces villes ?

10 M. Watters (interprétation). - Prozor, Gornji Vakuf, ce dont

11 nous parlions sous le nom de Novi Travnik.

12 M. Kehoe (interprétation). - C'est Pucarevo la carte

13 M. Watters (interprétation). - Pucarevo, Vitez, Konjic, Zenica,

14 Fojnica et Kiselojak. Il y a deux petites villes, j'essaie de les trouver,

15 qui ont leur importance, Bulvak (?) est l'une d'entre elles, L'autre est

16 Kakajn, si je ne m'abuse. Ma mémoire a tendance à éprouver quelques

17 difficultés après quatre ans s'agissant du détail de ces villes.

18 Maintenant, les voies de communication...

19 M. Kehoe (interprétation). - De quelles voies de communication

20 s'agit-il ?

21 M. Watters (interprétation). - Nous allons essayer de relier les

22 principaux centres démographiques croates et les voies de communication

23 qu'ils avaient besoin de garder sous leur contrôle pour leurs opérations

24 militaires et politiques.

25 Ces voies de communication partant de Kiseljak remontent par ce

Page 3340

1 que nous appelions la vallée de Kiseljak jusqu'à Busovaca. C'est un centre

2 très important pour les Croates de Bosnie car c'est également le centre

3 régional de leur influence politique. C'est là que résidait

4 M. Dario Kordic. Nous continuons jusqu'à Vitez, en passant Stara Bila où

5 nous nous trouvions. Nous traversons ce carrefour très important, puis

6 redescendons jusqu'à Vakuf pour continuer ensuite vers Prozor, puis

7 directement vers Tomislavgrad et vers la Croatie. Il y avait pas mal de

8 combats aussi au début d'avril à l'est de Prozor, ce que nous avons eu du

9 mal à comprendre jusqu'au moment où nous avons essayé de faire superposer

10 ces voies de communication, autrement dit de fonder notre raisonnement sur

11 la logique des voies de communication.

12 L'un des gros problèmes qui se posaient à Gornjivakuf était

13 l'élément musulman important qui y résidait et qui ne cessait de se battre

14 contre les Croates. Il était impossible de garantir que ce lieu tout à

15 fait important sur cette grande artère soit en sécurité. Nous obtenions de

16 nombreux rapports parlant de pilonnages intensifs par l'artillerie et

17 d'attaques importantes à l'est de Prozor où se trouvaient des villages

18 musulmans, traversés par tout un réseau de routes, de très nombreuses

19 routes principales et secondaires qui permettaient d'atteindre Fojnica.

20 Il y avait aussi des combats au-dessus de Gornjivakuf, et si

21 l'on considère ces combats comme étant l'expression du désir d'ouvrir une

22 deuxième route pour aller à Busovaca, on les comprend mieux. Bien entendu,

23 en allant à Fojnica, on se trouvait face à une voie de communication

24 menant directement et très simplement à Kiseljak et il y avait aussi une

25 route menant à Busovaca.

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1 La matrice que je viens d'indiquer ici montre bien toute

2 l'importance des voies de communication. A partir du moment où l'on

3 surlignait les routes sur la carte et où l'on essayait de les comparer

4 avec les principaux centres de combats des offensifs croates, on en

5 déduisait une logique tout à fait évidente.

6 M. Kehoe (interprétation). - Cette matrice, cette logique que

7 vous établissiez à l'aide des voies de communication, était-elle planifiée

8 au niveau local, au niveau des brigades, ou s'agissait-il de tentatives

9 stratégiques du HVO au niveau de l'armée ?

10 M. Watters (interprétation). - En réponse à votre question, je

11 dirai qu'il s'agissait d'un plan stratégique parce que le fait qu'il

12 existe un modèle et qu'il y ait coordination devait exiger que cela soit

13 décidé tant à un niveau supérieur qu'au niveau local. Ce n'était pas au

14 niveau tactique que cette coordination pouvait s'effectuer, pas au niveau

15 des brigades. C'était beaucoup trop important, beaucoup plus important

16 qu'un plan tactique.

17 Cela a dû être coordonné et planifié au moins au niveau régional

18 et probablement au niveau stratégique étant donné les ressources

19 attribuées au commandant de la région.

20 M. Kehoe (interprétation). - Busovaca et la route qui mène à

21 Kiseljak, lorsque vous y êtes arrivé en septembre 1993, est-ce qu'une

22 partie de la route était contrôlée par les Bosniaques musulmans, par

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine entre Kakanj et Busovaca ?

24 M. Watters (interprétation). - Oui, il y avait des barrages

25 routiers qui sont devenus très difficiles à passer, notamment celui de

Page 3342

1 Kacuni. Si je trace une ligne ici, en vert, vous verrez la zone qui était

2 sous contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il y avait des barrages

3 routiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine à l'entrée et à la sortie de

4 cette zone ; au sud de Bilalovac en descendant vers Kiseljak, il y avait

5 une telle zone et, au nord de Kiseljak, des zones de conflits entre

6 Croates et Musulmans.

7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu'il était crucial

8 d'atteindre les objectifs stratégiques pour s'assurer l'ouverture de toute

9 la route allant de Kiseljak jusqu'à Prozor ?

10 M. Watters (interprétation). - Très certainement parce que cela

11 vous permettait de faire venir des renforts militaires et également

12 d'alimenter la population civile. En temps de conflit, cela permettait

13 d'évacuer les blessés. Aucun soldat ne souhaite aller à la guerre s'il ne

14 peut pas être évacué en cas de blessure, n'est-ce pas ?

15 M. le Président. - Monsieur le Procureur, nous allons

16 interrompre la déposition du lieutenant-colonel Watters jusqu'à

17 11 heures 40.

18 L'audience, suspendue à 11 h 20, est reprise à 11 h 40.

19 M. le Président. - Nous reprenons. Monsieur le greffier, faites

20 entrer le témoin.

21 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

22 M. Kehoe (interprétation). - Lieutenant-colonel Watters, pour en

23 revenir à la pièce 29 J, les zones que vous avez marquées en jaune sont

24 les itinéraires que vous avez qualifiés de stratégiques pour le HVO,

25 n'est-ce pas ?

Page 3343

1 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

2 M. Kehoe (interprétation). - Cette zone va de Prozor à

3 Gornjivakuf en passant par Novi Travnik et au sud on trouve la vallée de

4 la Lasva ?

5 M. Watters (interprétation). - Oui.

6 M. Kehoe (interprétation). - Donc de Busovaca à Kiseljak, n'est-

7 ce pas ?

8 M. Watters (interprétation). - Oui.

9 M. le Président. - Quand vous pouvez éviter de répéter tout

10 ceci, le témoin l'a dit, je vous en informe. Quand c'est pour le compte

11 rendu, je comprends. Quand ce n'est pas pour le compte rendu, ce n'est pas

12 la peine. Il vient de le dire, le témoin l'a déjà précisé. Avançons.

13 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, durant la période que vous

14 avez utilisée pour marquer ces différents endroits, vous avez dit qu'il

15 s'agissait des quartiers-généraux de Dario Cordic à Busovaca, n'est-ce

16 pas ? Et l'avez-vous rencontré ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui, plusieurs fois.

18 M. Kehoe (interprétation). - Dans quelles circonstances ?

19 M. Watters (interprétation). - A deux reprises, je l'ai

20 rencontré à Busovaca dans son quartier général pour résoudre certains

21 problèmes de véhicules qui avaient été volés, qui

22 étaient en transit à des points de contrôle dans la zone de

23 Busovaca. Nous en parlions souvent, nous en référions à Dario Cordic, si

24 nous n'avions pu résoudre le problème par les autorités qui entouraient le

25 colonel Blaskic.

Page 3344

1 M. Kehoe (interprétation). - Quel était le rôle politique de

2 Dario Cordic au sein de la communauté croate d'Herceg Bosna, si vous le

3 savez ?

4 M. Watters (interprétation). - Il était certainement le grand

5 supérieur politique dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine. Nous

6 n'avions pas beaucoup de rapports avec lui parce que nous étions

7 principalement au niveau militaire, mais l'officier de liaison responsable

8 de cette zone avait la tâche d'établir des relations avec Dario Cordic

9 afin de pouvoir utiliser ces relations lorsque nous aurions des

10 problèmes ; si nous n'avions pas pu résoudre ces problèmes grâce aux

11 autorités entourant le colonel Blaskic, nous pouvions faire appel à

12 Dario Cordic.

13 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment, avez-vous détecté une

14 certaine tension entre Blaskic et Cordic ?

15 M. Watters (interprétation). - Oui. Il est difficile de dire

16 pourquoi, mais effectivement, il semblait y avoir une certaine

17 contradiction entre les deux et notamment Dario Cordic allait à l'encontre

18 parfois de ce que Blaskic avait dit. Il demandait parfois à notre officier

19 de liaison de ne pas respecter ce qu'avait dit le colonel Blaskic. Mais je

20 crois que cela s'appliquait surtout à la zone de Busovaca.

21 M. Kehoe (interprétation). - Donc, selon vous, est-ce que ces

22 tensions auraient pu affecter le plan stratégique que vous avez dessiné

23 sur la carte, la pièce 29 J?

24 M. Watters (interprétation). - Non. Je ne crois pas.

25 M. Kehoe (interprétation). - Bien. Venons en à avril 1993.

Page 3345

1 Pouvez-vous nous dire ce qui se passait à l'époque, c'est-à-dire en

2 avril 1993, en Bosnie centrale, en général, je parle notamment d'endroits

3 tel que Srebrenica ?

4 Pouvez-vous nous parler de visites rendues par des officiers ou

5 des personnalités

6 politiques croates de Bosnie avant le 16 avril ?

7 M. Watters (interprétation). - Au début avril, nous nous

8 concentrions sur Tuzla. Nous avions une compagnie là-bas et nous essayions

9 de négocier l'ouverture d'une voie d'accès entre Tuzla et Srebrenica. Je

10 suis allé à Tuzla entre le 6 et le 8 avril.

11 Nous avions un double problème. Nous avions perdu certains de

12 nos véhicules militaires lors d'une mission à Konjevic Polje. Les Serbes

13 avaient ouvert le feu et avaient endommagé deux de nos véhicules. Nous

14 avions dû les abandonner. Les soldats ont dû se retirer.

15 J'était à la tête d'une équipe qui essayait de récupérer ces

16 véhicules. Nous étions très préoccupés par la situation à la fois à Tuzla

17 et Srebrenica. Je suis retourné le 8 avril à Vitez. Là, on m'avait dit que

18 Mate Boban avait visité Travnik et le capitaine Forgrave (?), un de nos

19 officiers de liaison, avait assisté à cette visite. Il avait dit que

20 certains de nos interprètes musulmans étaient consternés. Il avait dit

21 qu'il pensait que nous ne comprenions pas, en tant que bataillon

22 britannique, l'importance d'une visite d'un homme politique d'une telle

23 envergure.

24 Il y avait donc beaucoup d'émotion à Travnik et certains

25 commentaires : "Il n'y a pas suffisamment de drapeaux croates qui flottent

Page 3346

1 sur Travnik"n ce genre de choses.

2 Après cette visite, plusieurs personnes ont été tuées à Travnik.

3 Au départ, beaucoup de drapeaux croates ont été élevés au-dessus de la

4 ville après sa visite ; des jeunes hommes musulmans ont été tués au moment

5 où ils essayaient de descendre ces drapeaux. Il y avait donc beaucoup de

6 tensions à Travnik.

7 Dans la période commençant le 8 avril et allant jusqu'au

8 14 avril, Travnik était notre principale préoccupation parce que nous

9 pensions qu'un conflit risquait de s'y déclencher et que peut-être cela

10 pourrait mener à un conflit d'une plus grande échelle.

11 M. Kehoe (interprétation). - Qui pensiez-vous qu'était Mate

12 Boban à l'époque ?

13 M. Watters (interprétation). - Je dois dire que je n'étais pas

14 tout à fait sûr le 8 avril

15 de qui il était. J'avais entendu son nom. J'avais compris que

16 c'était un homme politique très important au sein de la communauté croate

17 d'Herceg Bosna et que c'était le chef des aspirations de la communauté

18 croate.

19 M. Kehoe (interprétation). - Après cette visite de Mate Boban, y

20 a-t-il d'autres événements qui se sont produits jusqu'au 15 ou au 16 et

21 qui allaient vous donner des indications selon lesquelles quelque chose

22 allait se produire à ce moment-là ?

23 M. Watters (interprétation). - J'essaie d'éclaircir un peu la

24 chronologie des événements. Cela fait longtemps que tout cela s'est

25 produit.

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1 Un incident s'est produit le 15 avril, je crois, à peu près. Le

2 commandant croate à Zenica, Totic, je crois, avait été prétendument

3 enlevé. Quatre de ses gardes du corps avaient été tués, des civils

4 musulmans avaient été tués à Zenica. Le commandant, ce jour-là, le

5 15 avril, est allé à Zenica parce que cela créait des problèmes très

6 importants. Il y avait un ultimatum du HVO, je ne sais plus si cela venait

7 du commandement ou du commandement stratégique, selon lequel si Totic ne

8 revenait pas ou n'était pas libéré dans les 48 heures qui venaient, la

9 population croate de Zenica serait déplacée.

10 Cela nous préoccupait énormément. Nous pensions que les

11 incidents nous échappaient, cela allait trop vite, nous n'arrivions pas à

12 suivre.

13 M. Kehoe (interprétation). - Que s'est-il produit après ?

14 M. Watters (interprétation). - Au début du 16 avril, tôt,

15 certains journalistes sont arrivés à notre base à Vitez. Il était minuit,

16 1 heure du matin, je crois. Il était très choqué. Il logeait dans un bed &

17 breakfast, dans un garage sur la route de Vitez. Nous le savions parce

18 qu'il y avait un ours dans une cage près de ce garage.

19 Ils nous ont dit que la porte avait été fracassée, que des

20 hommes cagoulés étaient rentrés, qu'ils leur avaient demandé de partir,

21 que tout le monde était parti de la maison et qu'ils avaient laissé là-bas

22 tous leurs biens. Nous avons d'abord pensé qu'il s'agissait d'un pillage

23 puisqu'il y avait pas mal de crimes dans la région, et nous

24 devions gérer ce genre de situation, le vol et les crimes de ce genre.

25 Nous pensions que c'était un exemple de plus, mais nous étions étonnés

Page 3348

1 puisque cela se passait à une distance extrêmement proche de notre base.

2 A environ 5 ou 6 heures du matin, nous avons reçu un rapport

3 faisant état d'un pilonnage sur la ville de Vitez. C'était tout à fait

4 inhabituel.

5 M. Kehoe (interprétation). - Attendez, pourquoi le pilonnage

6 était-il inhabituel ? Pourquoi dites-vous cela ?

7 M. Watters (interprétation). - Parce que personne n'avait

8 signalé de pilonnage à Vitez depuis le début de notre présence. C'est pour

9 cela que c'était inhabituel.

10 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il quelque chose

11 d'exceptionnel en ce qui concerne le contrôle des armes de l'artillerie,

12 du mortier, etc ? Y avait-il quelque chose de très particulier qui vous

13 poussait à prendre des précautions supplémentaires ?

14 M. Watters (interprétation). - L'artillerie, aussi bien dans

15 notre armée que dans l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est pas contrôlée au

16 niveau tactique mais au niveau stratégique ou régional. Par conséquent,

17 l'utilisation de ces armes indiquait toujours qu'il y avait un combat ou

18 que des opérations étaient menées. Il est extrêmement difficile de savoir

19 d'où proviennent les tirs d'artillerie ; on peut analyser simplement

20 l'intention qui se cache derrière ces tirs. Il est très difficile d'en

21 connaître l'origine. L'utilisation de cette artillerie indiquait qu'il se

22 passait quelque chose à un niveau élevé, peut-être une bataille entre

23 différents villages, en tout cas des incidents.

24 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous avez entendu ce

25 rapport, vous en avez tiré certaines conclusions, notamment quant à la

Page 3349

1 personne qui autorisait l'utilisation de cette artillerie ?

2 M. Watters (interprétation). - A cette époque, parce que nous ne

3 savions pas qui tirait cette artillerie à 6 heures du matin, la seule

4 chose que nous pouvions conclure était qu'il

5 s'agissait là d'une opération à plus grande échelle que ce que

6 nous avions vu jusque là et nous ne nous y attendions pas. Nous avons été

7 pris par surprise ; c'est pourquoi nous avons envoyé des patrouilles afin

8 d'évaluer de quel endroit partaient les tirs d'artillerie. Nous ne savions

9 pas exactement tout ce qui se passait ; tout cela était très confus.

10 Il y avait une base néerlandaise qui était plus proche de Vitez

11 que nous, donc nous avons envoyé nos patrouilles à 6 heures 30 vers Vitez

12 et au-delà afin d'évaluer la situation. Les rapports que nous avons reçus

13 étaient très inquiétants parce qu'il s'agissait là d'une opération à une

14 échelle que nous n'avions jamais observée auparavant en Bosnie.

15 M. Kehoe (interprétation). - Selon ces rapports, qui tirait ce

16 matin-là ?

17 M. Watters (interprétation). - Etant donné que ces tirs

18 tombaient sur des zones musulmanes, nous en avons déduit que c'étaient des

19 Croates qui tiraient. Il s'agissait de pièces d'artillerie croates, du

20 HVO, parce que nous les surveillions bien sûr. Nous avons donc pu aller

21 observer certaines de ces pièces d'artillerie et nous savions qu'il

22 s'agissait de pièces d'artillerie du HVO.

23 M. Kehoe (interprétation). - Qui gérait cet armement ?

24 M. Watters (interprétation). - Le commandant régional, c'est-à-

25 dire Tihomir Blaskic.

Page 3350

1 M. Kehoe (interprétation). - Cette personne là-bas ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Vous venez de décrire ce qui s'est

4 passé le matin du 13 avril 1976 à 6 heures. Que s'est-il produit après ?

5 M. Watters (interprétation). - Nous avons envoyé des patrouilles

6 qui nous ont déclaré qu'il y avait des attaques à l'artillerie et au

7 mortier accompagnées par des attaques d'infanterie dans la ville de Vitez,

8 dans toute la vallée de la Lasva et sur les petits villages vers Dubrovica

9 et notamment les villages qui se trouvaient un peu au nord de la route. A

10 ce

11 moment-là, le colonel Stewart était encore à Zenica. Il parlait

12 avec le Troisième corps d'armée ; il demandait pourquoi tout cela s'était

13 produit et pourquoi ils avaient kidnappé le commandant Totic.

14 J'étais à Vitez et j'ai reçu un rapport sur l'ampleur de la

15 situation. J'ai sorti mon Warrior et je suis allé parcourir Vitez, voir ce

16 qui se passait jusqu'à Dubravica. J'ai donc moi-même confirmé les rapports

17 que j'avais reçus. J'ai alors décidé que nous devrions parler à quelqu'un.

18 J'ai essayé de parler au colonel Blaskic mais il n'était pas disponible.

19 Je suis donc allé au bâtiment du cinéma de Vitez qui était le quartier

20 général du commandant de brigade de Vitez, Mario Cerkez je crois. Je suis

21 allé visiter le commandant des forces musulmanes à ce moment-là ; je crois

22 qu'il s'appelait Sefkija Didic.

23 Je sais que les combats les plus forts se trouvaient autour de

24 Vitez. J'ai donc demandé à des représentants des armées croate et

25 musulmane de venir à Vitez à 12 heures 30 afin d'organiser une conférence

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1 pour comprendre ce qui se passait. Puis, nous nous sommes chargés de

2 permettre le mouvement de ces différentes personnes. Cerkez n'est pas

3 venu ; il a envoyé deux personnes qui venaient de l'hôtel Vitez.

4 M. Kehoe (interprétation). - Avant de passer à cette réunion, je

5 voudrais vous poser des questions sur votre visite de Vitez. Lorsque vous

6 vous êtes rendu à Vitez à 8 heures du matin le 16 avril, qui avez-vous

7 vu ? Qu'avez-vous pu observer ?

8 M. Watters (interprétation). - Lorsque je me suis approché de la

9 ville, j'ai vu des colonnes de fumée. Il y avait donc toutes ces colonnes

10 mais je ne voyais pas d'impact de mortier ou d'artillerie, ce genre de

11 choses. Mais effectivement, il y avait de la fumée. Enormément de dégâts

12 avaient été provoqués sur les maisons. Il y avait des corps... C'était

13 très macabre : il y en avait un qui pendait d'une fenêtre et du sang avait

14 coulé le long de la façade de la maison. Il y avait d'autres corps qui

15 gisaient dans la rue. Ma première impression a été qu'aucune de ces

16 personnes ne semblait être des soldats. Il s'agissait de civils, ils

17 portaient des

18 vêtements civils ; c'étaient des hommes et des femmes.

19 Ensuite, il y a eu des tirs de tireurs isolés au moment où nous

20 nous sommes approchés de la mosquée. Nous avons traversé la ligne de front

21 pour nous retrouver dans la zone croate. Là, il n'y avait aucune

22 destruction, tout semblait normal, il n'y avait personne. ça, c'était

23 anormal. En revanche, il n'y avait pas de destruction dans la partie

24 croate de Vitez, ce qui a confirmé notre sentiment initial. Il semblait

25 s'agir effectivement d'une attaque croate contre la partie musulmane de la

Page 3352

1 ville de Vitez.

2 M. Kehoe (interprétation). - Les corps que vous avez vus à

3 droite et à gauche de la rue étaient-ils les seuls corps que vous ayez vus

4 ce matin-là ?

5 M. Watters (interprétation). - J'ai vu d'autres corps lorsque je

6 suis arrivé au-dessus de Vitez et que j'ai tourné à droite afin d'aller à

7 Dubravica. En descendant de la colline, j'ai vu trois ou quatre corps,

8 vraisemblablement un homme et une femme, à côté de la route. Cela semblait

9 étrange, on aurait dit qu'ils avaient été alignés devant la maison.

10 Je suis revenu de Dubravica, je suis repassé par Vitez et je

11 suis resté sur la route principale. Je n'ai pas pris de route secondaire

12 parce que je savais que plus de temps je passerais à l'extérieur de mon

13 quartier général, mieux je comprendrais ce qui se passait.

14 M. Kehoe (interprétation). - Bien. Vous avez dit que vous avez

15 essayé de rencontrer Blaskic et que vous n'avez pas pu le contacter

16 lorsque vous étiez à Vitez. A cette période, avez-vous rencontré Blaskic à

17 un moment donné ?

18 M. Watters (interprétation). - Là encore, cela fait longtemps.

19 Il me semble avoir vu le colonel Blaskic. Il portait son casque, c'était

20 inattendu. Il avait un casque tout à fait particulier, un casque

21 américain. Je me rappelle l'avoir vu non pas dans l'école de Vitez mais

22 quelque part à Vitez ou autour de Vitez ; je ne peux pas vous donner de

23 date.

24 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à la réunion au bataillon

25 britannique qui a commencé à 12 h-12 h 30. Pouvez-vous dire aux juges ce

Page 3353

1 qui s'est produit pendant cette

2 réunion ?

3 M. Watters (interprétation). - Il y avait deux représentants du

4 HVO et un représentant de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui était le

5 commandant de la ville de Vitez. Il semblait être choqué par la

6 situation ; en fait, il était en train de perdre une bataille. Il tenait

7 beaucoup à organiser un cessez-le-feu, tout comme les commandants croates

8 d'ailleurs.

9 A 12 heures 30, nous recevions de plus en plus de rapports. Nous

10 n'avions pas encore réalisé que tout cela était d'une ampleur beaucoup

11 plus importante qu'à Vitez et dans ses environs. L'utilisation

12 d'artillerie nous semblait étrange ; nous ne comprenions pas très bien

13 puisque, lorsqu'on traversait Vitez, il y avait les deux commandants

14 croate et musulman qui se battaient et qu'il y avait pourtant des tirs

15 d'artillerie. On voyait très bien les dégâts provoqués par l'artillerie ;

16 il y avait beaucoup de dégâts sur les maisons.

17 Durant cette réunion, je n'arrivais pas à évaluer l'ampleur de

18 cette bataille et déjà pourquoi elle avait lieu. Tous les camps semblaient

19 vouloir mettre un terme au combat. Nous avons eu un document qui a été

20 signé afin d'instituer un cessez-le-feu, d'échanger des prisonniers, de

21 récupérer des corps, etc. Ils ont quitté le quartier général à ce moment-

22 là et en fait, cela n'a rien changé.

23 M. Kehoe (interprétation). - Pendant la journée du 16 et après,

24 avez-vous continué à recevoir des informations qui vous ont permis de

25 mieux évaluer l'ampleur des combats dans la vallée de la Lasva ou ailleurs

Page 3354

1 au début du 16 avril ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui. Nous avons envoyé des

3 patrouilles et nous avons reçu des rapports des agences d'aide humanitaire

4 dans différentes zones qui ne pouvaient pas bouger. Ils nous appelaient et

5 il était manifeste qu'il y avait des combats dans la zone de Kiseljak,

6 dans la vallée de la Lasva, et qu'il y avait également beaucoup de combats

7 à l'est de Prozor. Il semblait également manifeste, étant donné l'ampleur

8 de ces combats et l'utilisation d'armes d'artillerie massive -il

9 s'agissait d'armes du HVO, je crois que ces pièces d'artillerie

10 s'appelaient les Nora- que c'était une offensive croate, que

11 l'armée de Bosnie-Herzégovine avait été prise par surprise, qu'elle se

12 trouvait sur la défensive et que c'était le HVO qui menait l'offensive.

13 Nous avons remarqué cela dans plusieurs zones.

14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, s'il vous

15 plaît, puis-je demander au colonel de se tourner vers la carte, la

16 pièce 29J, afin de marquer certains points à nouveau ? Et puis-je

17 m'approcher également ?

18 M. le Président. - Oui, et la défense peut s'approcher si elle

19 le souhaite.

20 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, puis-je vous demander de

21 bien parler dans le micro, s'il vous plaît. Pourriez-vous vous tourner

22 vers les Juges pour expliquer quelles sont les différentes marques,

23 lorsque vous les ferez ?

24 Lorsque vous avez évalué la situation et ce qui s'est passé,

25 quand avez-vous appris pour la première fois l'origine des combats ?

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1 M. Watters (interprétation). - Pouvez-vous répéter, s'il vous

2 plaît ?

3 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous avez reçu des

4 informations et lorsque vous avez tiré les conclusions en ce qui concerne

5 le plan stratégique, quelle était la nature de ces conclusions le

6 16 avril ?

7 M. Watters (interprétation). - Une des choses que nous essayions

8 de faire le matin consistait à expliquer les choses d'une façon logique

9 parce qu'il ne s'agissait pas de batailles tactiques locales, organisées

10 de façon spontanée.

11 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez parlé d'opérations

12 tactiques. Vous parlez d'opérations dans les villages ?

13 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est cela. Nous n'étions

14 pas habitués à ce qui se passait. Donc le premier combat dont nous avons

15 eu connaissance se passait à Vitez. Ici, à l'extrémité croate du village,

16 les Croates attaquaient les Musulmans et la partie musulmane qui se

17 trouvait ici. Il y avait également des combats à Kruscica et des

18 affrontements ici, vers le bas,

19 dans la vallée de la Lasva jusqu'à Ahmici, Santici, Nadioci et

20 les Croates avaient renforcé leurs positions et leurs points de contrôle.

21 Ces points de contrôle étaient assez nombreux.

22 C'était un phénomène très important. Il y avait ici des points

23 de contrôle à ce carrefour. Il y avait des combats à Stara Bila et aux

24 alentours. Les Musulmans avaient été attaqués par les forces du HVO. Donc,

25 il y avait un petit affrontement qui se trouvait là-bas autour de notre

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1 base, il y avait quelque chose à Kakuni, également à Bilalovac au nord de

2 Kiseljak ; d'ailleurs, le quartier général des forces des Nations Unies

3 commençait à plier bagage.

4 Ici, vous voyez Novi-Travnik. Il y avait également des combats

5 graves au nord de Prozor, des tirs d'artillerie sur ces villages ici.

6 Gornji Vakuf était plus ou moins calme avec peu de combats. Il y avait des

7 vols d'avion au-dessus mais pas beaucoup de combats. Lorsque l'on regarde

8 cette carte, à cette époque, les forces du HVO contrôlaient la route qui

9 menait jusqu'à Gornji Vakuf et la contrôlaient plus que par le passé.

10 D'après les rapports que nous avons reçus à l'époque, les Croates

11 contrôlaient cet endroit. Je crois que c'est tout ce dont je peux me

12 souvenir.

13 M. Kehoe (interprétation). - Donc, lorsque vous avez pu indiquer

14 sur une carte la structure des combats, vous a-t-il semblé clair que les

15 combats qui étaient menés à Vitez faisaient partie de ce plan stratégique

16 général ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement. Il y avait

18 d'ailleurs une autre route ici, parce que nous ne comprenions pas pourquoi

19 Kruzcica était si important jusqu'au moment où nous avons réalisé qu'une

20 route allait de ce point à Vitez ; c'était une route secondaire. On voit

21 donc que l'on peut relier ces différents points par cette route. Donc

22 Kruscica avait une importante population musulmane et un quartier général

23 musulman. C'était un point très important également.

24 En fait, il ne semblait pas que ces combats prenaient pour

25 cibles des zones militaires , il semblait qu'ils avaient pour objet de

Page 3357

1 tuer des civils ou de s'attaquer à des civils pour le nettoyage ethnique.

2 Nous pensons qu'en fait c'était une double démarche. La première était

3 d'ouvrir les voies d'accès stratégiques en Bosnie centrale et début

4 d'avril, lorsque la carte des cantons au sein du plan Vance-Owen a montré

5 précisément le canton 10 qui était donc un canton croate, il semblait à ce

6 moment-là que la deuxième voie de ce plan consistait pour les Croates à

7 déplacer les civils musulmans des zones qui allaient devenir croates dans

8 le cadre du canton 10.

9 En fait, c'était une démarche extrêmement intelligente d'un

10 point de vue stratégique. Puisque la situation dans l'est, endroit où les

11 Serbes étaient en train d'attaquer Srebrenica et les villages qui se

12 trouvaient sous Srebrenica... Dans cette zone, l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine, les Musulmans de Bosnie étaient concentrés à cet endroit-là.

14 Le bataillon britannique était concentré sur le nord et vers l'est. Les

15 médias du monde entier étaient concentrés à Tuzla et en train de filmer

16 les premières évacuations de Srebrenica. Si un commandant militaire

17 voulait, d'un point de vue stratégique, saisir cette occasion, à ce

18 moment-là, c'était le bon endroit pour le faire.

19 Ce plan tactique était extrêmement bien élaboré, ou plutôt le

20 plan opérationnel dans cette région, parce qu'ils pouvaient assurer les

21 voies d'accès qui étaient extrêmement importantes et ils pouvaient

22 déplacer les minorités musulmanes.

23 M. Kehoe (interprétation). - Le commandant opérationnel de la

24 région dont vous parlez était le colonel Blaskic ?

25 M. Watters (interprétation). - Oui.

Page 3358

1 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je retourner à ma place et

2 demander au colonel Watters de se rasseoir ?

3 Colonel Watters, à partir du 16, avez-vous eu la possibilité de

4 retourner dans la

5 région de Vitez plus tard cet après-midi-là ou tôt en soirée ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet. L'une des

7 principales préoccupations de l'armée de Bosnie-Herzégovine était liée aux

8 pertes enregistrées à Kruscica et si nous voulions obtenir la coopération

9 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, celle-ci nous demandait de pénétrer dans

10 Kruscica pour évacuer les femmes blessées du village, comme ils nous

11 l'avaient dit. J'ai obtenu une autorisation de l'état-major du

12 colonel Blaskic pour cette mission qui était principalement une mission

13 humanitaire consistant à évacuer des civils blessés du champ de bataille.

14 J'ai mené moi-même une patrouille qui s'est rendue de Vitez à

15 Kruscica aux environs de 17 h 30. Lorsque nous avons pris la route, il

16 faisait encore jour. A notre arrivée à Kruscica, il faisait déjà nuit;

17 cela vous donne une indication de l'heure. A ce moment-là, Kruscica était

18 pilonné constamment par des mortiers et des pièces d'artillerie. C'est une

19 cuvette et, quand on prend la route à la sortie de Vitez, on monte sur une

20 colline et l'on a le village en-dessous de soi. Véritablement, le

21 spectacle de ce village en feu était extraordinairement pénible. Nous

22 avons pénétré dans le village. Nous avons eu l'aide d'un guide. Nous

23 sommes rentrés dans les maisons. Une ambulance m'accompagnait. Nous avons

24 placé les femmes et un certain nombre d'hommes à bord des ambulances et

25 nous les avons emmenés à l'hôpital de Travnik.

Page 3359

1 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, y avait-il un quartier

2 général de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la région de Kruscica ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui.

4 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, alors que vous vous êtes

5 trouvé sur les lieux à la fin de l'après-midi, au début de la soirée

6 du 16, vous est-il apparu que le feu de mortier était dirigé vers une

7 cible militaire ou avez-vous eu le sentiment que quelque chose d'autre

8 était en train de se produire ?

9 M. Watters (interprétation). - Durant la journée, nous avions

10 déjà acquis la certitude que l'offensive du HVO dans la vallée de la Lasva

11 ne visait pas à attaquer des positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine

12 puisque, premièrement, ces positions étaient très peu nombreuses et,

13 deuxièmement, elles étaient sous-équipées. Selon nos sources, le gros des

14 efforts de l'armée de Bosnie-Herzégovine était concentré à l'est contre

15 les Serbes.

16 Donc, lorsque j'ai pénétré dans Kruscica, je savais qu'il y

17 avait un quartier général de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur les lieux,

18 un quartier général qui fonctionnait. Mais je n'ai pas vu beaucoup de

19 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les cibles de l'artillerie

20 étaient en fait le village lui-même. Le fait que le village tenait, était

21 le signe manifeste de sa résistance. Je crois que les modèles que nous

22 avions déjà observés dans les autres villages de la Lasva ont également

23 été appliqués à Kruscica mais ce village a été capable de se défendre

24 mieux que les autres contre ce nettoyage ethnique parce que de nombreux

25 habitants ont participé à cette résistance. Je ne sais pas ce qu'il en

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1 était des maisons civiles, je ne sais pas si elles pouvaient être des

2 positions militaires, mais nous ne croyons pas qu'il y ait eu la moindre

3 raison d'attaquer ces maisons autre que les raisons qui existaient déjà

4 dans le reste de la vallée de la Lasva, à savoir évacuer la population.

5 M. Kehoe (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier, je

6 demanderai que l'on enlève la carte de son support, c'est-à-dire que l'on

7 retire la pièce à conviction 29 J, et que l'on montre la carte qui se

8 trouve en dessous. Je crois que c'est la pièce 56. Je demanderai à nouveau

9 au colonel Watters de se lever et de s'approcher de la carte avec

10 l'autorisation du Président.

11 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, en prenant le marqueur, je

12 vous demanderai d'indiquer quel chemin vous avez suivi le matin du 16 à

13 8 h-8 h 30 à peu près ?

14 M. Watters (interprétation). - Je suis passé devant ces

15 installations, ici, où se trouvaient des carburants.

16 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous l'indiquer en couleur

17 rouge ? C'est bien

18 cela ?

19 M. Watters (interprétation). - Oui. Je suis passé par ici.

20 M. Kehoe (interprétation). - Qui figure avec la lettre K, est-ce

21 bien cela ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui, c'était une base logistique

23 relevant de nous et qui appuyait nos opérations dans l'ensemble de la zone

24 de responsabilité que nous contrôlions.

25 Ensuite, nous sommes passés par ici, devant la mosquée. Je crois

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1 qu'elle figure sous la lettre F. Je me rappelle le pont situé ici parce

2 qu'il y avait des mines antichars sur ce pon ; nous avons dû négocier

3 l'accès. Puis, je suis remonté par ici, le long de cette route.

4 Ensuite, nous sommes revenus par le même chemin pour faire notre

5 jonction avec les officiers de liaison. Nous avons visité Mario Cerkez

6 ici ; ce lieu figure sous la lettre B.

7 Puis, nous avons poursuivi notre chemin vers Vitez et vers le

8 quartier général musulman. Nous n'avons pas pu passer avec nos Warriors à

9 cet endroit ; nous avons dû emprunter des routes plus petites. Je ne me

10 souviens pas exactement où, mais c'était quelque part dans cette zone.

11 Puis, avec les Warriors, nous avons mené le commandant Wattley (?) à une

12 réunion où il a négocié avec deux commandants du groupe tactique avant de

13 retourner par cette route vers la base de Stara Bila.

14 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez plus tard parlé dans la

15 journée du 16 de feu d'artillerie dans le village de Kruscica. Pouvez-vous

16 nous montrer avec le marqueur rouge l'endroit où se déroulaient ces feux

17 d'artillerie du HVO et indiquer en vert le lieu où se trouvaient les

18 maisons frappées ?

19 M. Watters (interprétation). - En entendant les obus, nous ne

20 pouvions pas déterminer exactement la provenance des tirs. C'étaient sans

21 doute des pièces d'artillerie de petit calibre ou des RPG, mais nous

22 voyions les sillages des tirs qui frappaient le village. Il y avait des

23 impacts un peu partout dans le village.

24 Nous sommes arrivés ici par cette route. Nous avons atteint

25 cette position. Nous

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1 avons vu dans cette zone des maisons et le centre qui était

2 pratiquement en éruption. Je ne sais pas si c'étaient des tirs

3 d'artillerie qui frappaient les maisons, je ne sais pas si du gaz était

4 utilisé, mais le bruit était celui d'explosions très fortes. J'ai décrit

5 l'endroit comme étant une espèce de chaudron car apparemment, tout était

6 en feu. Nous n'avions pas fait particulièrement attention à notre arrivée

7 dans le village.

8 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous êtes allés vers

9 Kruscica, pourriez-vous nous montrer le chemin que vous avez suivi ?

10 M. Watters (interprétation). - Nous sommes entrés dans Kruscica.

11 Lorsque nous nous sommes trouvés ici, nous avons rencontré notre guide. Je

12 me souviens vaguement du siège du quartier général de l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine qui se trouvait sans doute ici. Je ne pourrais pas en jurer,

14 je le crains. Il y avait pas mal de maisons détruites le long de la route.

15 Nous sommes descendus dans des caves où nous avons trouvé des blessés et

16 la situation était très difficile. Les gens étaient enfermés. J'ai le

17 sentiment que nous avons parcouru pas mal de chemin pour parvenir à cet

18 endroit.

19 M. Kehoe (interprétation). - Les maisons que vous avez vues

20 subir ces pilonnages vous semblaient-elles être des installations

21 militaires ou des maisons civiles ?

22 M. Watters (interprétation). - Des maisons civiles. Etaient-ce

23 des installations militaires ? Je ne pourrais le dire.

24 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous la moindre information

25 quant à l'existence d'installations militaires.

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1 M. Watters (interprétation). - Non, mais je n'avais aucune

2 information sur quoi que ce soit.

3 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur, vous pouvez vous

4 rasseoir.

5 Colonel, passons à la journée du 17 avril 1993, le lendemain.

6 Les pilonnages se sont-ils poursuivis ce jour-là ?

7 M. Watters (interprétation). - Oui. A ce moment là, le

8 commandant était revenu de Zenica. Il a présidé une réunion le matin du 17

9 à laquelle je n'ai pas participé. Je ne me rappelle pas qui y a participé

10 mais en tout cas, les choses se sont passées un peu comme la veille :

11 le 16, chacun a signé un ensemble de propositions de paix qui ont été

12 totalement ignorées le reste de la journée.

13 M. Kehoe (interprétation). - Durant cette journée, ou dans la

14 période voisine de cette journée, les autorités musulmanes vous ont-elles

15 demandé de pratiquer une perquisition, d'aller chercher des médecins

16 musulmans dans la région de Vitez ?

17 M. Watters (interprétation). - Lorsque nous étions à Kruscica,

18 le commandant militaire de Kruscica avait déclaré que des rapports

19 indiquaient que deux médecins avaient travaillé dans le centre médical de

20 Vitez, qu'ils étaient venus de Kruscica mais qu'ils étaient introuvables

21 et qu'ils n'avaient aucun moyen de soigner leurs blessés de Kruscica

22 puisqu'ils étaient isolés, loin du centre médical de Vitez. Donc, nous

23 pourrions aller les chercher. Nous avons aussi entendu parler de rumeurs

24 selon lesquelles ces médecins auraient été tués mais nous étions chargés

25 de tenter de les retrouver parce que, sans ces médecins, il était

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1 impossible de soigner les blessés. Les gens mouraient.

2 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que le bataillon britannique

3 a cherché ces médecins ?

4 M. Watters (interprétation). - Oui, je m'en suis chargé

5 personnellement. Nous avons pris nos Warriors et nous sommes allés à

6 Vitez. Nous sommes descendus de nos blindés et avons mené une patrouille à

7 pied dans le quartier du centre médical. Nous avons essuyé des feux de

8 tireurs isolés à plusieurs reprises, donc, nous n'avions pas trop envie de

9 nous attarder.

10 Dans le centre médical, par la fenêtre j'ai vu deux hommes morts

11 qui portaient des blouses blanches. A la couleur de leur visage, cela

12 faisait pas mal de temps qu'ils étaient morts, du sang avait coulé. Je

13 suppose que c'étaient bien les deux médecins disparus. J'ai rendu

14 compte au quartier général de Kiseljak.

15 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, concentrons-nous

16 maintenant sur le lendemain, le 18 avril 1993. Que s'est-il passé ce jour-

17 là ? Est-ce qu'un camion a explosé à Stari Vitez ?

18 M. Watters (interprétation). - Malheureusement, j'en étais au

19 début de la journée. Le soir, un rapport en provenance de la base de

20 transport du bataillon néerlandais a indiqué qu'il y avait eu une forte

21 explosion qui nous a été rapportée plus tard par notre propre base

22 logistique qui provenait du centre de Vitez, du quartier de la mosquée à

23 Vitez.

24 J'ai envoyé le major Thomas qui commandait la compagnie A de

25 Vitez et lui ai demandé d'enquêter sur cet incident à partir de ce grand

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1 cratère qui avait été creusé et des pièces d'automobiles éparpillées dans

2 ce cratère et il est apparu très rapidement qu'il s'agissait donc de

3 l'explosion d'un camion piégé. Selon notre expérience en Irlande du Nord

4 où ce genre de dispositif est l'une des principales armes employées par

5 l'IRA, nous avons pu identifier exactement de quoi il s'agissait, à savoir

6 d'un camion piégé. Il avait été garé près de la mosquée, dans le quartier

7 musulman de la ville, et avait entraîné des dégâts très importants, de

8 très nombreux morts et blessés. De nombreuses personnes avaient été

9 piégées dans ce quartier. En même temps, les hommes du Major Thomas ont

10 subi le feu depuis le quartier croate du village.

11 M. Kehoe (interprétation). - Après que le major Thomas et les

12 autres membres de la compagnie A soient entrés dans Stari Vitez, ont-ils

13 essayé d'évacuer les habitants ?

14 M. Watters (interprétation). - Oui, la première chose que nous

15 avons faite, a consisté à tenter de dégager les blessés qui avaient besoin

16 de traitement hospitalier pour les emmener d'abord vers une équipe

17 chirurgicale mobile, puis à Travnik. Nous avons également évacué certains

18 des habitants dont les maisons avaient été détruites pour les emmener

19 également à Travnik. Nous avions choisi un lieu de cantonnement pour le

20 reste de la nuit parce

21 qu'il n'y avait plus beaucoup de lumière. Nous avons attendu le

22 matin et nous avons, à ce moment-là, pratiqué une fouille soigneuse des

23 maisons à la recherche de survivants pour évacuer les corps.

24 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit précédemment dans

25 votre déposition, colonel, que vous aviez fait plusieurs tournées avec le

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1 régiment de Cheshire en Irlande du Nord. Est-ce exact ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit également que vous

4 connaissiez bien les camions piégés en raison de vos expériences en

5 Irlande du Nord ? Est-ce exact ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui.

7 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous tiré des conclusions de

8 cet incident ?

9 M. Watters (interprétation). - Mon impression personnelle a été

10 qu'il s'agissait d'un acte de terrorisme et que très certainement ce

11 n'était pas un acte légitimé ou un acte de guerre avec un objectif

12 militaire. C'était un acte de terreur destiné simplement à terroriser et

13 c'est ce que cela a fait car, sans aucun doute, les habitants de

14 Stari Vitez ce sont sentis terrorisés et grand nombre d'entre eux ont

15 souhaité quitter leur maison.

16 Le lendemain, 400 de ces habitants ont quitté le quartier pour

17 se rendre en un autre lieu. Donc cette explosion avait pour but de créer

18 une terreur activement, et c'est exactement que ce que cela a fait.

19 M. Kehoe (interprétation). - Donc cela a réussi ?

20 M. Watters (interprétation). - Oui.

21 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu'un autre incident a eu

22 lieu en dehors de l'explosion de ce camion piégé le 18 avril 1993 dont

23 vous vous souviendriez ?

24 M. Watters (interprétation). - Il est difficile de se rappeler

25 les faits en séquence. Je me rappelle les événements du 19, mais je

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1 devrais consulter mon rapport d'incidents.

2 ,M. Kehoe (interprétation). - Vous apparaît-il que le 19 le HVO

3 avait déjà atteint son objectif territorial dans la région ?

4 M. Watters (interprétation). - Ah oui, je me souviens : le 18,

5 nous avons eu des rapports indiquant que Izetbegovic et Boban avaient

6 signé un document de paix et nous en avons été informés par le quartier

7 général du colonel Blaskic. Ce document avait pour but d'arrêter la guerre

8 à ce stade.

9 Le niveau de commandement du HVO était très satisfait de la

10 signature de ce document. Quant à l'armée de Bosnie-Herzégovine, elle en

11 était très mécontente car le gain net en cas d'application de ce cessez-

12 le-feu le 18 eût été un gain pour le HVO qui avait conquis de très grandes

13 portions de territoire et nettoyé ethniquement un certain nombre de petits

14 villages musulmans. Si la guerre avait été gelée à ce stade, le HVO aurait

15 atteint son objectif stratégique consistant à réaliser le nettoyage

16 ethnique du canton 10 à l'exception de Travnik.

17 M. Kehoe (interprétation). - En réaction aux tirs, vous-même et

18 les autres membres du bataillon britannique avez-vous commencé à constater

19 une réaction militaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine à peu près à ce

20 moment-là ?

21 M. Watters (interprétation). - Oui, nous avons commencé à

22 recevoir des rapports indiquant que des tirs d'artillerie et des tirs de

23 mortier avait commencé de la part du HVO et nous entendions également

24 parler de chars qui remontaient vers Srebrenica et redescendaient la

25 montagne vers Dubravica. Ces chars étaient très certainement l'indication

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1 que des combats avaient lieu et, deux ou trois jours plus tard, après

2 l'attaque du HVO, nous avons estimé que l'armée de Bosnie-Herzégovine

3 contre-attaquait.

4 Au cours de la journée du 18 et même le 19, nous avons eu de

5 plus en plus de preuves d'une contre-attaque de grande importance de la

6 part des forces de Bosnie-Herzégovine contre le HVO, c'est-à-dire d'un

7 changement de cours des opérations, et le HVO était sur la défensive après

8 avoir été à l'offensive.

9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

10 les Juges, encore une fois, si nous pouvions revenir à la pièce à

11 conviction 29J, je demanderais au colonel Watters de nous indiquer en vert

12 les différents centres de l'offensive musulmane bosniaque qui a commencé

13 le 18 avril 1993.

14 M. Watters (interprétation). - Nous avons découvert que des

15 éléments du Troisième corps d'armée qui avaient été déployés à l'extérieur

16 de Zenica en direction de Kakajn avaient été retirés et s'étaient

17 réorganisés pour une série de contre-attaques. L'une des contre-attaques,

18 menée, je crois, par trois chars, a suivi la route descendant de la

19 montagne vers Dubravica et a coupé la route à l'est de Vitez. Une deuxième

20 attaque est venue du village croate bien défendu de Jelinak pour aller

21 jusqu'à Konjic. Là, le carrefour Busovaca-Vitez a été coupé.

22 Nous avons également compris que les Musulmans avaient déplacé

23 leurs troupes vers ici pour renforcer la zone entre Kacunic et Bilalovac

24 et avaient également envoyé des forces plus bas vers Kiseljak, ici. Les

25 forces musulmanes ont également demandé à leurs forces d'effectuer un

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1 mouvement de contournement autour de Busovaca pour arriver à Kiseljak.

2 Donc, aux environs des 18, 19, 20, l'armée de Bosnie-Herzégovine

3 avait en fait renversé toutes les victoires du HVO et enfermé le HVO dans

4 une poche située entre Busovaca et Vitez en coupant toutes les

5 communications permettant de sortir ou d'entrer dans cette poche. Elle

6 était désormais en mesure de lancer des attaques, à partir du 21, en

7 direction de Busovaca et de Vitez.

8 Je ne me rappelle pas ce qui se passait dans cette zone. Je

9 crois qu'ils ne se passait pas grand-chose mais qu'il y avait simplement

10 une résistance.

11 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous dites "dans cette

12 zone", vous parlez de Novi Travnic ?

13 M. Watters (interprétation). - Oui. Le Troisième corps d'armée

14 avait recapturé le territoire qui était le sien précédemment et avait

15 descendu les principales routes de la vallée de

16 la Lasva en les coupant du reste de la région, donc en isolant

17 les forces militaires du HVO, un des points stratégiques.

18 M. Kehoe (interprétation). - Merci, vous pouvez vous rasseoir.

19 Colonel, le 19 avril 1993 avez-vous remarqué que cette offensive

20 musulmane avait commencé ?

21 M. Watters (interprétation). - Oui. Le 19, il y a eu une

22 réaction de la part du HVO, croyons-nous. Cette réaction a pris la forme

23 d'un pilonnage de Zenica ; c'est une organisation humanitaire qui nous en

24 a parlé. Je ne me rappelle pas les détails exacts, il faudrait que je

25 consulte les rapports, mais je crois qu'un certain nombre de pièces

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1 d'artillerie de gros calibre étaient arrivées à Zenica et nous avons eu

2 des rapports quant au fait que 13 personnes auraient été tuées.

3 Nous avons considéré que, de même que le camion piégé de Vitez,

4 cela était indéfendable en vertu des conventions de Genève et des articles

5 stipulant les lois de la guerre.

6 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi ?

7 M. Watters (interprétation). - Parce que le pilonnage de Zenica

8 ne permettait d'obtenir aucun avantage tactique pour les forces qui

9 faisaient retraite vers Vitez et Busovaca, les forces du HVO, en réaction

10 à l'attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Donc, nous n'avons pu

11 considérer les tirs d'artillerie du HVO sur Zenica que comme un

12 avertissement lancé aux forces musulmanes leur intimant l'ordre d'arrêter

13 leur attaque et d'accepter la proposition de paix signée précédemment, à

14 savoir celle dont nous avions entendu parler le 18. Le résultat était

15 exactement le contraire, à savoir que cela n'a servi qu'à renforcer leur

16 résolution ; c'est ce que l'on nous a dit plus tard.

17 L'armée de Bosnie-Herzégovine était déjà extrêmement motivée et,

18 après ce qu'ils ont ressenti comme des massacres dans la vallée de la

19 Lasva, ils ont vu leur détermination renforcée.

20 M. Kehoe (interprétation). - En avez-vous conclu que le HVO

21 essayait de menacer les Musulmans bosniaques suite au pilonnage de Zenica

22 le 19 avril.

23 M. Watters (interprétation). - Le colonel Blaskic s'est trouvé

24 confronté exactement à la même question que celle posée par le

25 colonel Stewart à l'époque. La réponse du colonel Blaskic a consisté à

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1 dire qu'il pensait que cette action était le fait des Serbes, ce que nous

2 n'avons pas écarté totalement bien entendu car la logique était très

3 complexe et pervertie, les Serbes pouvant prendre plaisir à la poursuite

4 du conflit entre les Croates et les Musulmans car cela affaiblissait leurs

5 positions en Bosnie centrale et leur capacité à s'opposer à eux.

6 Nous avons vérifié nos sources et, le lendemain, nous avons

7 confronté les Serbes et le commandant de la région serbe dans la zone

8 montagneuse où ils se trouvaient avec cette accusation. Il est devenu

9 manifeste -en tout cas c'est ce qu'ont dit nos experts de l'artillerie

10 royale- que la position des canons d'artillerie lourde n'avait pas

11 possibilité d'atteindre Zenica. La portée n'était pas suffisante.

12 Nous en avons déduit que c'était effectivement un tir de

13 l'artillerie croate. Je pense qu'après confrontation des différents

14 éléments, des différents rapports parlant de calibres importants pour

15 l'artillerie croate et de tirs simultanés, c'est la seule conclusion qui

16 s'imposait.

17 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, en avez-vous conclu qu'il

18 y avait une menace de la part du HVO contre les forces musulmanes

19 bosniaques ?

20 M. Watters (interprétation). - C'était effectivement une menace.

21 Elle consistait à dire : "Arrêtez de nous attaquer où nous allons détruire

22 votre ville".

23 M. Kehoe (interprétation). - Dans la même période, le

24 Colonel Blaskic a-t-il commencé à se plaindre de la façon dont le

25 bataillon britannique réagissait à toutes les activités qui se déroulaient

Page 3372

1 dans la vallée de la Lasva ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui, et cela a été très

3 intéressant. Nous avons commencé à être inondés de coups de téléphone et

4 de fax, ce qui était intéressant en soi parce

5 que tous nos téléphones avaient été coupés. Dès que le HVO

6 souhaitait communiquer avec nous, les lignes téléphoniques étaient

7 rétablies et nous recevions le téléphone et les fax, ce qui pouvait

8 laisser penser à des actions malveillantes.

9 Il nous était indiqué que des tirs de canons avaient lieu dans

10 le centre ville de Vitez, que l'église de Vitez avait été détruite par

11 nous, avec nos Warriors, près du cimetière. Des accusations nous étaient

12 adressées quant à la nécessité d'évacuer les soldats Musulmans du champ de

13 bataille.

14 Le Colonel Stewart prenait tout cela très à coeur. Malgré ce qui

15 se passait, il comprenait bien personnellement la situation du

16 Colonel Blaskic et estimait que ces accusations venant de lui étaient une

17 violation de la neutralité que nous avions exercée pendant tout le temps

18 que nous avions passé sur les lieux. C'était une déception de voir le

19 Colonel Blaskic recourir à une propagande aussi manifeste pour tenter de

20 dévaloriser et de discréditer les rapports que nous envoyions.

21 M. Kehoe (interprétation). - Reprenons avec le 19, Colonel. Le

22 19, le HVO a-t-il continué ces opérations de nettoyage ethnique dans la

23 vallée de la Lasva ?

24 M. Watters (interprétation). - Oui. J'étais revenu de Zenica

25 avec un représentant d'une organisation humanitaire et j'approchais de

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1 Busovaca, je crois, de la route qui y va. Il y avait un camp militaire à

2 cet endroit qui était assez isolé, une espèce de camp HOS du HVO, je

3 crois, des maisons de vacances ou quelque chose de ce genre. Nous nous

4 sommes approchés de cet endroit, un endroit bien connu, et nous avons vu

5 les soldats armés de fusils et un groupe d'hommes musulmans âgés, de

6 jeunes gens musulmans, de femmes et de jeunes filles, d'enfants musulmans

7 couchés sur la route, qui empêchaient la circulation de mes Warriors et

8 des véhicules de l'organisation humanitaire.

9 Nous avons dû leur demander quel était le problème. Ce problème

10 avait eu lieu la veille près de Zenica. Ce n'est donc pas la première fois

11 que ce genre de choses se produisait.

12 J'ai été négocier avec un interprète, avec les habitants, pour

13 leur demander ce qui n'allait pas. Des soldats du HVO nettoyaient les

14 maisons et leur ordonnaient d'aller à Zenica. Ils ne souhaitaient pas

15 partir.

16 Voilà quel était le problème pour l'essentiel. Les femmes

17 refusaient de partir parce que les soldats du HVO ne leur permettaient pas

18 de partir avec les hommes. Elles ne voulaient pas laisser les hommes

19 derrière elles, car elles pensaient qu'ils allaient se faire tuer.

20 Nous avons consacré une heure et demie à peu près aux

21 négociations avec le HVO, ce qui nous a finalement permis d'emmener les

22 femmes dans nos véhicules. Nous étions restés sur les lieux suffisamment

23 de temps pour que les hommes puissent se rendre par leurs propres moyens à

24 Zenica.

25 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, avez-vous discuté de la

Page 3374

1 question avec le commandant du HVO sur place ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Que vous a-t-il dit quant aux

4 ordres ?

5 M. Watters (interprétation). - Il lui avait été ordonné

6 d'évacuer ces personnes parce que les Croates avaient besoin de leurs

7 maisons.

8 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez-vous compris que cela

9 signifiait ?

10 M. Watters (interprétation). - Il avait déclaré que ces

11 personnes étaient simplement évacuées et que, d'après ces personnes, si

12 elles refusaient de partir, elles seraient tuées. Ce que j'avais vu dans

13 la vallée de la Lasva ces derniers jours me permettait de penser que

14 c'était tout à fait vrai, que ces personnes seraient tuées.

15 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, avec votre

16 autorisation, je demanderai que l'on revienne au troisième document placé

17 sur le chevalet, 53 B.

18 M. le Président. - Si vous me permettez, j'attends la

19 traduction.

20 M. Kehoe (interprétation). - La pièce 53 B, troisième pièce sur

21 le chevalet.

22 M. le Président. - C'est bien la pièce 53 B.

23 M. Kehoe (interprétation). - Si vous me le permettez, Monsieur

24 le Président, le colonel Watters peut-il se lever et s'approcher du

25 chevalet et puis-je m'approcher moi-même ?

Page 3375

1 M. le Président. - Tout à fait. Vous pouvez demander à la

2 défense de s'approcher également, bien entendu.

3 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, voudriez-vous utiliser le

4 marqueur vert et marquer les maisons musulmanes d'où étaient évacuées ces

5 personnes ?

6 M. Watters (interprétation). - Pour autant que je m'en

7 souvienne, je crois que c'était là. Les gens se trouvaient là,

8 approximativement. Le camp dont je parlais en rouge se trouvait ici. Je me

9 rappelle également de cet endroit et pendant notre conversation, je crois

10 que nous nous sommes déplacés vers cet endroit. C'est là que nous avons

11 négocié.

12 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Colonel.

13 Pour éclaircir ce que nous venons de faire, vous avez marqué en

14 vert les maisons sur la pièce 53 B et en rouge le lieu du camp n'est-ce

15 pas ?

16 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

17 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant au 20 avril.

18 Monsieur l'huissier, s'il vous plaît, pourriez-vous revenir à la carte

19 précédente, c'est-à-dire à la pièce 56 E ?

20 Colonel, nous parlions de la pièce 56 E auparavant, c'est-à-dire

21 la carte qui se trouve sur le chevalet. Vous avez dit que vous étiez passé

22 à côté du garage, n'est-ce pas ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - Je crois qu'il s'agit de la lettre

25 F sur la carte n'est-ce pas ?

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1 M. Watters (interprétation). - Non, K.

2 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, j'étais proche

3 pourtant ! Qu'est-ce que ce garage ?

4 M. Watters (interprétation). - En fait, il s'agissait de la base

5 logistique administrative du bataillon britannique qui nous fournissait la

6 nourriture, les carburants, etc, et toutes les vivres dont nous avions

7 besoin dans le cadre de nos combats.

8 M. Kehoe (interprétation). - Après le début des combats, le

9 16 avril 1993, s'agissait-il d'une base où se rassemblaient les réfugiés,

10 les Musulmans ? Les Musulmans essayaient-ils de se rassembler à cet

11 endroit-là ?

12 M. Watters (interprétation). - Oui. Au départ, nous pensions que

13 la zone cruciale était entre Vitez, Travnik et Turbe ( ?). Nous pensions

14 que la zone plus calme se trouvait entre Vitez et ce qui était ce fameux

15 garage à ce moment-là. Mais lorsque les combats ont commencé, le 16, nous

16 nous sommes rendu compte que la situation s'était inversée et que ce

17 garage que nous utilisions comme base administrative se trouvait juste sur

18 la ligne de front.

19 Le jour qui a suivi l'explosion du camion piégé à Vitez, des

20 groupes de personnes ont commencé à venir et à affluer vers ce garage,

21 le 20. Quatre cents personnes environ s'étaient rassemblées à cet endroit-

22 là. Je pense que ces personnes avaient également fait l'objet d'attaques.

23 Nous avons essayé de les protéger par des installations défensives.

24 Nous ne pouvions pas les abriter dans notre base administrative,

25 d'une part parce que nous étions neutres, d'autre part parce que nous ne

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1 savions pas si nous cesserions d'être neutres si nous décidions d'abriter

2 une communauté plutôt qu'une autre, mais nous voulions bien entendu les

3 protéger.

4 La base n'était pas très importante du point de vue de la taille

5 et nous ne voulions pas qu'il y ait des rumeurs selon lesquelles nous

6 étions en train de défendre ces personnes contre le HVO. Nous étions en

7 négociations constantes avec le HVO et son quartier général régional sur

8 cette question qui nous semblait être importante.

9 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous dites "quartier

10 général du HVO", vous parlez du commandant Blaskic ?

11 M. Watters (interprétation). - Oui, nous avons lancé des

12 offensives contre des tireurs isolés qui tiraient sur les personnes qui

13 essayaient de se réfugier. Ces gens étaient effectivement tués par ces

14 tireurs isolés. Nous en avons capturé certains que nous avons rendu aux

15 autorités des Nations Unies.

16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Blaskic avait-il

17 connaissance de la présence de ces quatre cent réfugiés qui se trouvaient

18 en face de votre base administrative ?

19 M. Watters (interprétation). - Je pense que son état-major en

20 était conscient. Je me rappelle avoir parlé personnellement au colonel

21 Blaskic là-dessus. Le colonel Stewart l'a peut-être fait également. Le

22 colonel Stewart s'est peut-être adressé au commandant tactique, Mario

23 Cerkez, et au chef d'état-major régional parce que la situation était

24 inacceptable.

25 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, vous avez travaillé dans

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1 l'armée pendant la plus grande partie de votre vie, n'est-ce pas ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Un quartier général travaille sur

4 la base d'informations qui lui viennent d'autres quartiers-généraux et qui

5 parcourent la filière de commandement jusqu'à la personne qui est

6 responsable de la situation, n'est-ce pas ?

7 M. Watters (interprétation). - Oui. Le quartier général ne fait

8 que permettre aux informations de circuler et d'arriver jusqu'au

9 commandant afin qu'il puisse prendre des décisions et établir des

10 opérations.

11 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous avez contacté le

12 quartier général de Blaskic et lorsque vous leur avez parlé de ces quatre

13 cents réfugiés, vous vous attendiez à ce que l'information arrive jusqu'au

14 général Blaskic ?

15 M. Watters (interprétation). - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - Blaskic a-t-il fait quoi que ce

17 soit pour protéger ces quatre cents personnes ?

18 M. Watters (interprétation). - Non. Nous avons fini par

19 contacter une organisation humanitaire pour leur demander leur aide afin

20 de protéger ces réfugiés puisque nous, nous ne pouvions pas le faire à

21 moins d'être accusés de contribuer au nettoyage ethnique.

22 Nous avons demandé également l'aide du chef d'état-major de

23 l'état-major du colonel Blaskic pour faire cela, c'est-à-dire pour aider

24 ces réfugiés parce que nous devions faire passer ces réfugiés au travers

25 des lignes de combat si nous voulions les faire arriver jusqu'à Zenica ou

Page 3379

1 Travnik.

2 Nous voulions que tout soit clair, qu'il n'y ait pas de

3 malentendus au moment où nous assurerions le transfert de ces personnes.

4 Les informations qui nous sont revenues des états-majors du colonel

5 Blaskic étaient que nous pouvions effectivement transférer ces personnes,

6 mais nous devions faire en sorte qu'elles ne portent pas d'armes avant

7 qu'elles ne soient transférées. C'était la seule contribution positive que

8 nous avions reçue de la part de l'état-major.

9 M. Kehoe (interprétation). - Les avez-vous fouillées ?

10 M. Watters (interprétation). - Oui, nous avons trouvé quelques

11 grenades à main.

12 M. Kehoe (interprétation). - Etait-ce inhabituel ?

13 M. Watters (interprétation). - Non. En avril 1993, lorsque nous

14 avons parlé à ces personnes, nous les avons fouillées, nous avons trouvé

15 un pistolet et quelques grenades, mais ce n'était pas une force militaire.

16 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, pouvez-vous d'écrire ces

17 personnes ?

18 M. Watters (interprétation). - Elles étaient dans un état

19 lamentable. Elles avaient été intimidées, on les avait fait sortir de chez

20 eux à Vitez et dans les zones en utilisant des armes. Pour la plupart,

21 c'étaient des personnes âgées, hommes, femmes, et il y avait également des

22 enfants, ce qui était tout à fait habituel parce que les hommes jeunes

23 étaient utilisés pour les combats ou bien étaient faits prisonniers. Ils

24 n'avaient pas de nourriture, ils ne portaient pas de

25 vêtements et pourtant il faisait froid à cette époque. Nous leur

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1 avons donc donné de la nourriture parce que nous ne pouvions pas supporter

2 la vue de ces choses-là et nous avons également constitué des abris.

3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

4 rentrer dans une autre série de questions. Je ne sais pas si nous pouvons

5 faire la pause mais je crois que la nouvelle série de questions que je

6 vais aborder va être plutôt longue.

7 M. le Président. - Nous allons faire la pause. Je voudrais

8 indiquer à chacune des parties que les deux semaines qui vont venir vont

9 rentrer dans une nouvelle phase du Tribunal, puisque de nouveaux juges

10 vont arriver. Bien entendu, ce seront les mêmes juges qui vont continuer à

11 présider aux destinées du procès Blaskic mais, pour différentes raisons,

12 notre emploi du temps va être une fois de plus modifié.

13 D'abord, il y a des circonstances malheureuses puisque vous

14 savez que l'un de nos collègues est décédé. Après-demain, mercredi matin,

15 et une partie de mercredi après-midi, il y aura une cérémonie funéraire à

16 sa mémoire et la crémation de notre malheureux collègue, le Juge Li. Il

17 n'y aura donc pas d'audience la journée du mercredi. Par ailleurs, une

18 session plénière du Tribunal dans sa composition actuelle doit avoir lieu

19 également mercredi. Je ne sais pas si nous arriverons à faire tout cela.

20 En principe, il n'y aura donc pas d'audience mercredi.

21 J'en profite également pour vous indiquer que la semaine

22 prochaine, la journée de lundi ne connaîtra pas d'audience du présent

23 procès Blaskic pour la raison bien connue que le nouveau mandat de quatre

24 ans des juges débute lundi et commencera par une cérémonie tout à fait

25 officielle qui consiste à recevoir la déclaration solennelle de nos cinq

Page 3381

1 nouveaux collègues.

2 Cette semaine-là verra certainement, dans un emploi du temps que

3 je vous communiquerai au fur et à mesure, un certain nombre de rencontres

4 ou de sessions plénières de ces nouveaux juges. Telles étaient les

5 informations que je voulais vous apporter.

6 L'audience est levée. Nous reprendrons à 14 heures 30.

7 L'audience, suspendue à 13 h00, est reprise à 14 h 30.

8 M. le Président. - L'audience est reprise. Monsieur le

9 Greffier, introduisez l'accusé.

10 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

11 M. le Président. - Monsieur le procureur, colonel, c'est à vous.

12 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

13 bonjour colonel. Je crois qu'il faut brancher le micro du témoin.

14 Colonel, examinons la situation le 21 avril 1993. Ce jour-là,

15 colonel, il y a eu une réunion présidée par l'ambassadeur Thébault de

16 l'ECMM, à laquelle vous avez participé, n'est-ce pas ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui, j'étais conseiller militaire

18 à cette réunion.

19 M. Kehoe (interprétation). - Avant cette réunion, qu'avez-vous

20 fait ?

21 M. Watters (interprétation). - Le matin du 21, j'ai conduit une

22 patrouille sur le périphérique de Vitez en direction de Dubrovica et je

23 suis monté sur le flanc de la montagne pour aller dans la direction de

24 Zenica. Nous désirions déterminer quelles étaient les lignes de front de

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine après les avancées enregistrées par cette

Page 3382

1 armée pendant la période récente.

2 Nous avons parcouru une brève distance sur la route et j'ai vu

3 des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui adoptaient une attitude

4 très triomphante avec des drapeaux qu'ils agitaient pour marquer la prise

5 de nouvelles positions. J'ai fait demi-tour et je suis redescendu.

6 J'ai vu, à un certain moment, un groupe d'une trentaine de

7 prisonniers. Je suppose qu'ils étaient musulmans parce qu'il étaient sous

8 la garde de membres du HVO. Ils avaient les mains ligotées et ils

9 montaient la route en direction des positions croates, me semble-t-il,

10 pour défendre le bout de la route.

11 M. Kehoe (interprétation). - Portaient-ils quoi que ce soit

12 pendant qu'ils

13 marchaient ?

14 M. Watters (interprétation). - J'avoue que je ne l'ai pas

15 remarqué. Je me rappelle avoir vu les mains ligotées et il est possible

16 qu'ils aient porté des pelles mais je n'en suis pas absolument sûr.

17 Lorsque je suis revenu, j'ai eu l'impression qu'ils allaient creuser des

18 tranchées. Je ne me souviens pas d'où vient cette impression.

19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu qui que ce soit

20 creuser des tranchées dans la région pendant cette période ?

21 M. Watters (interprétation). - Oui, nous voyions régulièrement

22 des gens creuser des tranchées et ce jour-là, par la lunette de mon fusil,

23 j'ai vu des hommes creuser des tranchées.

24 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous tiré des conclusions

25 certaines quant au fait que vous aviez vu des tranchées creusées une fois

Page 3383

1 que vous avez regardé par la lunette ?

2 M. Watters (interprétation). - Aux abords de Dubravica, j'ai

3 pensé que ces hommes allaient creuser des tranchées pour le HVO et qu'il

4 s'agissait de soldats du HVO portant des armes autour d'eux, ou sans

5 armes.

6 M. Kehoe (interprétation). - Après avoir terminé cette tournée

7 dans la région, êtes-vous allé à la réunion ?

8 M. Watters (interprétation). - Oui, j'étais invité à cette

9 réunion par le commandant pour le représenter. C'était le conseiller

10 militaire des Nations Unies, l'ambassadeur Thébault qui présidait la

11 réunion.

12 M. Kehoe (interprétation). - Quel était l'objet de cette

13 réunion ?

14 M. Watters (interprétation). - Cette réunion était organisée à

15 un haut niveau. Y participaient le général Morillon, qui était commandant

16 militaire des forces des Nations Unies en Bosnie centrale, ainsi que les

17 hommes dont il nous avait été dit qu'ils allaient assister à cette

18 réunion, à savoir les commandants régionaux de l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine et du

20 HVO et les hommes de plus haut niveau de commandement

21 stratégique, les généraux Petkovic et Hasanovic, respectivement du HVO et

22 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi de vous arrêter pour

24 un éclaircissement. Qui était le commandant de l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine ?

Page 3384

1 M. Watters (interprétation). - Le commandant de l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine au niveau régional était Hadzi Hazanovic et le

3 commandant stratégique était Halilovic.

4 M. Kehoe (interprétation). - Halilovic était-il le supérieur

5 d'Hadzi Hasanovic et qui était au niveau inférieur à lui ?

6 M. Watters (interprétation). - Son adjoint, Merdan.

7 M. Kehoe (interprétation). - Les trois hommes étaient-ils

8 présents à la réunion ?

9 M. Watters (interprétation). - Nous attendions Hadzi Hazanovic

10 mais il n'est pas arrivé. Il était représenté à cette réunion régionale

11 par son adjoint Merdan. Donc, l'équipe de Bosnie-Herzégovine, accompagnée

12 de quelques conseillers, se composait essentiellement de Halilovic et de

13 Merdan.

14 M. Kehoe (interprétation). - Du côté du HVO, qui était le

15 commandant stratégique ?

16 M. Watters (interprétation). - Petkovic.

17 M. Kehoe (interprétation). - Qui était en-dessous de lui ?

18 M. Watters (interprétation). - C'était le commandant régional,

19 le colonel Blaskic.

20 M. Kehoe (interprétation). - Les deux hommes étaient-ils

21 présents ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui.

23 M. le Président. - Je crois qu'il faudrait aller plus lentement,

24 car pour les interprètes, cela va très vite, Monsieur Kehoe et Monsieur le

25 témoin.

Page 3385

1 M. Kehoe (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, Monsieur

2 le Président, nous parlerons un peu plus lentement.

3 Colonel, pouvez-vous me décrire ce qui s'est passé à cette

4 réunion ?

5 M. Watters (interprétation). - La réunion a finalement commencé

6 après un certain retard. Le général Halilovic est arrivé en retard et nous

7 nous sommes rendus dans le bâtiment de l'ECMM où nous avons pris un café.

8 Pendant ce temps, j'avais en face de moi le général Petkovic et

9 le colonel Blaskic. Il y a eu un échange animé entre eux et il m'a semblé

10 que l'officier supérieur faisait des remontrances à l'officier sous ses

11 ordres. Je ne sais pas exactement de quoi il s'agissait puisque je ne

12 parle pas serbo-croate, mais il me semble que le colonel Blaskic était en

13 train de recevoir une semonce assez ferme de la part du général Petkovic.

14 Un interprète qui se trouvait à mes côtés a été très ému par cet échange.

15 M. Hayman (interprétation). - Cela n'a rien à voir. Je fais

16 objection, Monsieur le Président, à ce genre de déclaration. Il a été

17 prévu de ne pas en parler avant le début de l'audience.

18 M. le Président. - Monsieur le Procureur...

19 M. Hayman (interprétation). - Il a été prévu de ne pas en parler

20 avant le début de l'audience.

21 M. Kehoe (interprétation). - Cette question a rapport avec

22 l'interprète au moment où il se trouvait en un certain lieu en présence du

23 témoin qui est en train de parler. Monsieur le Président, avant de parler

24 d'objection, s'agissant du ouï-dire, il n'y a pas d'objection reposant sur

25 cette base dans Tribunal. Les éléments de preuve sont entendus. Même s'il

Page 3386

1 y avait objection à l'encontre du ouï-dire, dans un système de common law

2 les exceptions à cette loi sont nombreuses qui permettraient à un témoin

3 de s'exprimer.

4 Néanmoins, Monsieur le Président, la Chambre peut évaluer le

5 poids accordé à cet élément de preuve du témoin, comme c'est le cas pour

6 tous les éléments de preuve présentés dans ce Tribunal.

7 M. le Président. - Je vais consulter mes collègues.

8 Personnellement, j'ai mon opinion.

9 (Les juges se concertent sur le siège.)

10 M. le Président. - Objection refusée. Continuez, Monsieur le

11 Procureur, Monsieur le témoin.

12 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, veuillez expliquer à la

13 Chambre ce qui s'est exactement passé.

14 M. Watters (interprétation). - Ayant assisté à cet échange, j'ai

15 jeté un coup d'oeil du côté de l'interprète pour qu'il me dise de quoi il

16 s'agissait. Il m'a emmené à l'extérieur de la maison et m'a expliqué que

17 le général Petkovic s'était fâché -c'est à peu près ce qu'il a dit- contre

18 le colonel Blaskic au sujet de ce qui s'était passé les quelques jours

19 précédents et qu'il souhaitait savoir exactement ce sur quoi le

20 colonel Blaskic avait le contrôle. Le colonel Blaskic a répondu qu'il

21 avait le contrôle et qu'il voulait s'en tenir à cela.

22 Voilà à peu près quelle a été la nature de cet échange, mais

23 nous ne savions pas exactement quelle était la situation censée être sous

24 contrôle ou pas à ce moment-là en dehors du fait que l'offensive du HVO

25 avait pour l'essentiel échoué, le HVO étant désormais sur la défensive

Page 3387

1 face aux attaques de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

2 Le lendemain et le surlendemain, lorsque nous avons commencé à

3 découvrir l'importance des pertes civiles, notamment dans la région

4 d'Ahmici, nous en avons tiré la conclusion que c'était peut-être la

5 situation qui avait fait l'objet de cet échange mais je ne suis pas en

6 mesure de vous l'affirmer. C'était en tout cas le point de vue personnel

7 de l'interprète mais pas nécessairement le mien.

8 M. Hayman (interprétation). - Je fais objection, Monsieur le

9 Président. Ici il est fait état d'opinion de tiers qui ne sont pas devant

10 ce Tribunal, qui ne sont pas témoins, qui ne font pas l'objet d'un contre-

11 interrogatoire. Si quelque chose doit faire l'objet d'un contre-

12 interrogatoire, c'est vraiment une opinion, Monsieur le

13 Président.

14 M. le Président. - Le Tribunal est d'avis que le témoin peut

15 donner son opinion. Le Tribunal évaluera ce que vaut cette opinion.

16 Cela étant, il ne faut pas abuser des opinions. Le témoin n'est

17 pas là uniquement pour donner des opinions, il est là pour dire ce à quoi

18 il a assisté. L'essentiel est que le Tribunal soit informé exactement de

19 ce qui s'est passé. Ne multiplions pas les objections.

20 Colonel, continuez. Maître Hayman, voulez-vous reprendre ce

21 point-là encore ? Je vous rappelle que le Tribunal a tranché.

22 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais simplement dire que je

23 ne fais pas objection à entendre l'opinion du témoin. Je fais objection

24 lorsque le témoin nous narre l'opinion d'un tiers. Je demande que la

25 déclaration concernant l'opinion d'un tiers soit supprimée du compte rendu

Page 3388

1 d'audience.

2 M. le Président. - Il n'en est pas question, Maître Hayman.

3 Poursuivez. On peut tout à fait émettre des opinions. Si le colonel a

4 entendu des tiers dire un certain nombre de choses..., je vous rappelle,

5 Maître Hayman, que le témoin est sous serment.

6 M. Hayman (interprétation). - Oui, je comprends, mais ce n'est

7 pas son opinion personnelle. Je n'ai pas d'objection par rapport à son

8 opinion personnelle mais il nous fait part de l'opinion de quelqu'un

9 d'autre. C'est là-dessus que repose mon objection.

10 M. le Président. - Maître Hayman, le problème devant une justice

11 internationale n'est pas de transporter intégralement un système juridique

12 ou un autre. Le Tribunal pénal international a besoin d'avoir tous les

13 éléments pour se forger une opinion sur la culpabilité du général Blaskic.

14 De grâce, ne multiplions pas ces objections qui font perdre énormément de

15 temps.

16 Voulez-vous encore reprendre la parole ? Cela fait trois fois

17 que vous prenez la parole sur la même objection, Maître Hayman. Allez-y

18 une dernière fois.

19 M. Hayman (interprétation). - Je demande simplement qu'une

20 injonction soit produite eu égard à une opinion qui a été narrée par ce

21 témoin devant ce tribunal. Je crois que c'est une demande raisonnable. Je

22 demande qu'elle soit exécutée le plus tôt possible.

23 M. le Président. - Cette demande est refusée.

24 Vous pouvez poursuivre, Maître Kehoe, le colonel doit faire son

25 témoignage en toute liberté. Il est sous serment. Le Tribunal doit être

Page 3389

1 informé exactement de ce qui s'est passé à cette réunion. L'objection est

2 refusée. La demande est refusée.

3 Maître Kehoe, continuez, le témoin aussi.

4 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, est-ce que l'interprète

5 avait peur à ce moment-là ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui, l'interprète avait peur.

7 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi ?

8 M. Watters (interprétation). - Parce qu'il avait le sentiment

9 que ce qu'il avait entendu involontairement risquait de mettre en cause sa

10 sécurité.

11 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi ?

12 M. Watters (interprétation). - Parce que, de toute façon,

13 c'était un homme nerveux et, à ce stade des combats, il était très effrayé

14 de nous servir d'interprète car nous risquions de subir les foudres de

15 toutes les parties présentes en Bosnie centrale étant donné notre attitude

16 indépendante et sans parti pris.

17 M. Kehoe (interprétation). - Blaskic savait-il qu'il y avait un

18 interprète travaillant pour vous s'il ne l'avait jamais rencontré

19 précédemment ?

20 M. Watters (interprétation). - A ce moment-là, je pense que le

21 colonel Blaskic nous tournait le dos. Il était sur les marches de

22 l'escalier. Le général Petkovic regardait dans sa direction. Le

23 général Petkovic n'aurait pas pu être informé de ce fait. Il n'était pas

24 soldat des Nations Unies. L'interprète ne portait pas d'uniforme. Le

25 colonel Blaskic, lui, aurait pu savoir

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1 que ce n'était pas un de nos soldats.

2 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que l'interprète

3 avait dit que Blaskic avait exprimé des choses au sujet d'une perte de

4 contrôle ou d'une non-perte de contrôle. Est-ce qu'il a fait d'autres

5 commentaires au sujet des hommes impliqués de quelque façon que ce soit ?

6 M. Watters (interprétation). - Je ne peux pas dire que je me

7 rappelle tout de la façon la plus claire. L'échange a été bref, animé,

8 vif, et cela a choqué l'interprète. L'interprète m'a ensuite relayé

9 lorsque je le lui ai demandé et il était visiblement choqué en raison de

10 ce qui s'était passé. Je paraphrase, mais en gros, il a déclaré que le

11 colonel Blaskic aurait dit avoir la situation en main, pour autant que je

12 m'en souvienne.

13 M. Kehoe (interprétation). - Au vu des événements que vous avez

14 appris par la suite à Ahmici et dans les autres villages environnants,

15 qu'en avez-vous conclu colonel ?

16 M. Watters (interprétation). - Plus tard, lorsque j'ai repassé

17 cette conversation dans mon esprit, j'ai eu le sentiment que le général

18 Petkovic ne parlait pas uniquement de l'échec subi par l'offensive croate

19 mais également, peut-être, de l'échec face aux Nations Unies lorsque ces

20 dernières ont découvert l'importance du nettoyage ethnique effectué et le

21 nombre de corps dans le village d'Ahmici.

22 M. Kehoe (interprétation). - Continuons au sujet de cette

23 réunion. Est-il arrivé un moment où le général Halilovic est apparu à

24 cette réunion ?

25 M. Watters (interprétation). - Oui, la réunion était présidée

Page 3391

1 par l'ambassadeur Thébaultde façon appropriée, diplomatique. En tant

2 qu'ambassadeur, M. Thébault m'a demandé, ainsi qu'aux autres commandants

3 militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO, si nous

4 accepterions le principe selon lequel chacune des personnes assises autour

5 de la table et chacun des participants souhaitait un cessez-le-feu. Est-ce

6 que les militaires souhaitaient quitter la table ou continuer à parler du

7 mécanisme susceptible d'aboutir à un cessez-le-feu ?

8 Bien qu'en principe l'armée de Bosnie-Herzégovine acceptait un

9 cessez-le-feu qu'elle considérait comme une solution censée, ce n'était

10 pas l'avis du général Halilovic à ce moment-là.

11 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi ?

12 M. Watters (interprétation). - Je placerai les choses dans leur

13 contexte. Nous avons demandé à l'armée de Bosnie-Herzégovine et au HVO,

14 aux représentants de ces deux instances, d'aller dans deux pièces séparées

15 où se trouvaient des cartes et nous leur avons demandé d'indiquer sur ces

16 cartes la situation de leur ligne de front à ce moment-là, ainsi qu'un

17 certain nombre d'autres informations pertinentes pour établir les

18 conditions d'un cessez-le-feu, le retrait des forces, la création d'une

19 zone tampon, etc. A ce moment là, je me déplaçais entre les deux pièces

20 pour discuter de la situation avec les représentants du HVO et de l'armée

21 de Bosnie-Herzégovine et j'ai eu une longue discussion avec le

22 général Halilovic quant au principe qui devait le pousser à accepter un

23 cessez-le-feu, bien qu'à ce moment-là, de son point de vue et du point de

24 vue de tous les militaires, il était en train de gagner une victoire. Il

25 est toujours plus difficile à une armée qui est en train de gagner

Page 3392

1 d'accepter d'arrêter le combat et de se retirer que lorsque l'armée en

2 question est déjà vaincue.

3 Donc, convaincre le général Halilovic et M. Merdan qu'il était

4 dans l'intérêt de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du peuple musulman de

5 Bosnie Centrale d'accepter un cessez-le-feu a été un peu difficile puisque

6 c'est cette armée qui aurait dû effectuer tous les mouvements de retrait

7 des lignes de front. Les forces du HVO ayant déjà rétrocédé dans les

8 environs de Busovaca et Vitez.

9 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez-vous dit au

10 général Halilovic pour le convaincre de retirer ses troupes ?

11 M. Watters (interprétation). - Je lui ai dit qu'étant donné

12 l'état actuel des combats, au yeux du bataillon britannique et de la

13 FORPRONU de façon générale, l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine avait agi sur la défensive depuis le 16 avril contre

15 une offensive et que concernant l'action, à ce moment-là, de l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine, même si à court terme, d'un point de vue tactique,

17 elle était sans doute capable de détruire les forces du HVO à Busovaca et

18 à Vitez, il existait néanmoins un certain nombre de facteurs caractérisant

19 la situation auxquels il eût été bon qu'il réfléchisse.

20 Le premier de ces facteurs était la possibilité de tirer à

21 longue distance pour atteindre Zenica. J'ai démontré que l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine en était incapable. En continuant le combat pour la

23 prise de Zenica, je lui ai fait valoir que son armée allait subir des

24 pertes très lourdes. Le deuxième facteur que j'ai invoqué, ce que nous

25 avions vu, et ce dont nous étions prêts à attester, était qu'à ce moment-

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1 là, aucun incident impliquant un massacre perpétré par les forces de

2 l'armée de Bosnie-Herzégovine n'avait été signalé depuis le 16 avril, date

3 à partir de laquelle nous étions au courant de la situation. Un autre

4 incident a été connu, mais plus tard ; à ce moment-là, nous ne le

5 connaissions pas. Donc, lors de cette réunion, en tant que représentant de

6 la FORPRONU, j'ai dit au général Halilovic que les forces de l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine à ce moment-là étaient considérées comme plus propres

8 sur le plan moral, tenaient le terrain moral et que s'il était

9 suffisamment doté des qualités d'un général pour comprendre que, bien que

10 légitime, une contre-attaque serait difficile à justifier parce qu'il

11 avait déjà repris le terrain perdu, toute prise de terrain supplémentaire

12 entraînerait l'entrée dans Busovaca et la mort d'un grand nombre de

13 personnes innocentes. Je lui ai fait remarquer que ce n'était pas la

14 meilleure chose à faire.

15 D'un point de vue stratégique également, nous nous trouvions

16 dans une situation où des renforts importants étaient en train de venir de

17 Tomislavgrad dans Prozor. Les Croates étaient une force militaire bien

18 organisée, bien structurée et donc, le HVO avait la possibilité de

19 renforcer la Bosnie centrale en passant par Gornji Vakuf. Cet itinéraire

20 leur permettait à ce moment-là de faire passer les forces importantes. La

21 capacité du HVO à renforcer ses positions

22 en Bosnie centrale était totalement contraire à la situation du

23 moment du général Halilovic car il subissait des pressions intenses. Le

24 Deuxième corps d'armée, Tuzla, subissaient des pressions importantes de la

25 part des Serbes et le problème des Serbes n'allait pas disparaître. Donc

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1 ils ne pourraient pas supporter l'existence de deux fronts et peu de temps

2 allait s'écouler avant que l'armée de Bosnie-Herzégovine soit totalement

3 débordée par les Serbes en Bosnie centrale.

4 Donc, pour l'essentiel, la situation se caractérisait sur le

5 plan stratégique comme étant intenable, même si tactiquement elle était à

6 l'avantage de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

7 M. Kehoe (interprétation). - Dans l'autre pièce se trouvaient le

8 général Petkovic et l'accusé Blaskic. Lorsque vous êtes entré dans la

9 pièce pour leur parler, qui a été le premier à vous adresser la parole au

10 sujet des positions du HVO ?

11 M. Watters (interprétation). - Halilovic semblait bien connaître

12 la position des lignes de front et la disposition des forces de l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine, et je pense que l'une des raisons de son retard tenait

14 au fait qu'il avait reçu des informations de la part de Hadzi Hazanovic au

15 sujet du Troisième corps d'armée, car il avait de bonnes informations sur

16 la situation en cours. Je ne sais pas exactement quel était le contract du

17 colonel Blaskic avec le général Petkovic, mais le colonel Blaskic

18 expliquait avec force détails la carte au général Petkovic, carte sur

19 laquelle se trouvaient les positions de ses forces, et ce qu'il savait de

20 la position des forces musulmanes.

21 J'avais donné ma parole de ne tirer aucun avantage en expliquant

22 ce que je voyais chez une partie à la partie adverse. Donc je ne sais pas

23 exactement ce qui pouvait être gagné au vu de la disposition de ces

24 troupes.

25 La situation avec le HVO était très différente parce que le HVO

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1 était sur la défensive, peu sûr de lui, peu sûr de la durée possible de la

2 résistance à opposer à l'adversaire face à cet extraordinaire succès de

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine les deux derniers jours.

4 Donc le HVO était plus favorable à un cessez-le-feu rapide et ne

5 discutait pas sur le principe ou le concept d'un cessez-le-feu. C'est le

6 mécanisme de disposition des lignes qui était en débat et les dispositifs

7 de retrait des troupes, notamment jusqu'où l'armée de Bosnie-Herzégovine

8 pouvait se retirer.

9 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il clair, au cours de la

10 réunion, le 21, que Blaskic connaissait les positions de l'ensemble de ces

11 troupes (ses troupes ?) aussi bien que l'emplacement des troupes de

12 Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Watters (interprétation). -Oui, bien sûr.

14 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cette position des

15 troupes du HVO était non loin de l'endroit où les hommes creusaient des

16 tranchées ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet. J'en ai appris

18 davantage au sujet de la position de chacun lors de la réunion. Un grand

19 nombre des informations que nous possédions ont été confirmées au sujet

20 d'autres petits villages et des positions détaillées du colonel Blaskic

21 qu'il avait expliquées au général.

22 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, vous avez en fait établi

23 ce qu'on pourrait appeler une zone démilitarisée à laquelle devaient se

24 conformer les deux parties, n'est-ce pas, en se retirant ?

25 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact, lors d'un

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1 retrait en plusieurs phases.

2 M. Kehoe (interprétation). - Comment ce retrait en plusieurs

3 phases devait-il s'effectuer ?

4 M. Watters (interprétation). - Les positions croates devaient

5 d'abord demeurer fermes et les troupes musulmanes de Bosnie-Herzégovine

6 devaient se retirer jusqu'à une ligne qui, je crois, était appelée "alpha"

7 sur la carte. Après quarante-huit heures, l'armée de Bosnie-Herzégovine

8 devait se retirer à Zenica et le HVO se retirait au Sud de la route

9 principale de la vallée de la Lasva, et plus tard le général Halilovic a

10 demandé vingt-quatre heures de

11 plus pour retirer ses hommes sur la ligne alpha parce que ceux-

12 ci refusaient de bouger.

13 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, avec

14 l'autorisation de la Cour, le colonel pourrait revenir à la pièce à

15 conviction 29/C et utiliser le stylo bleu.

16 M. le Président. - Les interprètes suivent du mieux qu'ils

17 peuvent, mais souvent je n'ai la traduction de votre question suivante

18 qu'un moment après. Pourriez-vous ralentir le débit de vos questions, si

19 vous pouvez ?

20 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je vous

21 prie de m'excuser.

22 M. le Président. - Pouvez-vous traduire la dernière question du

23 Procureur ?

24 L'interprète. - Je retraduis. Monsieur le Président, avec

25 l'autorisation de la Cour, je vous demanderai, Colonel, de regarder la

Page 3397

1 pièce à conviction 29/C et d'utiliser le stylo bleu à votre gauche pour

2 dessiner approximativement les deux lignes de front de la région, c'est-à-

3 dire la ligne de retrait de l'armée de Bosnie-Herzégovine et celle du

4 retrait du HVO.

5 M. le Président. - Merci bien.

6 M. Kehoe (interprétation). -En parlant bien dans le micro,

7 colonel, s'il vous plaît, veuillez nous expliquer ce que vous venez

8 d'indiquer sur la carte.

9 M. Watters (interprétation). -La ligne principale de conflit

10 était là où je l'indique avec mon crayon, sur la route. L'armée avait pris

11 la zone nord de la route et avait pris le contrôle de la route entre

12 Dubravica...

13 M. le Président. - On ne peut pas voir dans la mesure où le

14 témoin est lui-même devant la carte. Je sais que c'est un peu complexe.

15 Voilà, allez-y. Voilà. C'est très bien. Merci beaucoup.

16 M. Watters (interprétation). - Donc les lignes que j'indique,

17 Monsieur, nous montrent les positions des lignes de front. La BIH avait

18 pris des points stratégiques tout le long de la route qui courait le long

19 de la vallée de la Lasva, entre Dubravica et Kjuna (?), et

20 notamment la section de la route à partir de Busovaca.

21 L'exigence principale dans les quarante-huit heures à suivre

22 était que les forces musulmanes se retirent derrière la ligne alpha et

23 qu'elles établissent la première zone tampon à partir de cette première

24 ligne de front jusqu'à la zone alpha.

25 Dans les quarante-huit heures également, l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine devait se retirer sur une ligne juste au-dessus de Zenica et

2 le HVO devait se retirer vers une ligne qui se trouvait à peu près à

3 1 kilomètre de ses positions. Cela établissait une zone neutre, si on peut

4 dire, une zone qui serait patrouillée par la FORPRONU et par le bataillon

5 britannique. Telle était l'idée principale.

6 M. Kehoe (interprétation). - Bien. Cette ligne du haut, c'est la

7 ligne A, la ligne alpha, n'est-ce pas ?

8 M. Watters (interprétation). -En effet.

9 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez vous

10 rasseoir.

11 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, vous avez essayé de gérer

12 ce conflit et le bataillon britannique, dans le cadre de cet effort, a

13 commencé à patrouiller dans la région, n'est-ce pas ?

14 M. Watters (interprétation). - En effet, la première patrouille

15 est partie à l'aube, le 22 avril. Le jour suivant, il en a été de même

16 parce qu'à l'aube, les forces de la BIH avaient dit qu'elles se

17 trouveraient au nord de la ligne alpha que j'ai indiquée. En fait, elles

18 ne s'y trouvaient pas. En fait, il y avait des forces de la BIH assez

19 importantes, notamment dans le village de Jelinak qui se trouve juste au

20 nord de la route qui se trouve au sud de la ligne alpha. Cette patrouille

21 était dirigée par le colonel Stewart et c'est alors qu'il s'entretenait et

22 se disputait en fait avec les forces de la BIH et qu'il leur reprochait de

23 ne pas avoir suivi les ordres de leur commandement, alors que cet échange

24 se produisait, qu'il a appris que si ces forces de la BIH ne pouvaient pas

25 partir, c'était, entre autres raisons, parce que des atrocités, des

Page 3399

1 meurtres

2 avaient été commis dans le village de Ahmici.

3 C'était la première fois que cette accusation était portée à la

4 connaissance du bataillon britannique.

5 M. Kehoe (interprétation). - Avant ce jour du 16, des membres du

6 bataillon britannique avaient été dans et hors de Ahmici, n'est-ce pas ?

7 M. Watters (interprétation). -En effet.

8 M. Kehoe (interprétation). - Vous étiez conscient du degré des

9 atrocités qui s'étaient produites ?

10 M. Watters (interprétation). - Non, nous étions conscients du

11 degré de destruction dont le village avait souffert par rapport à d'autres

12 endroits. Chaque fois que nous étions entrés dans Ahmici dans des

13 véhicules, les véhicules avaient essuyé des tirs et il était tout à fait

14 dangereux de descendre de ces véhicules. On ne pouvait donc pas aller

15 contrôler ce qui se passait. On ne voyait que des animaux morts, que des

16 maisons détruites. Mais on pouvait dire la même chose de tous les villages

17 qui se trouvaient dans la vallée de la Lasva.

18 M. Kehoe (interprétation). - Bien. Nous parlons de la

19 destruction de maisons et de bétail. Vous dites que c'était là une réalité

20 dans l'ensemble de la vallée de la Lasva ?

21 M. Watters (interprétation). -En effet.

22 M. Kehoe (interprétation). - Et qu'en pensez-vous ? Quel type de

23 conclusions avez-vous tiré du fait que vous aviez vu tant de maisons

24 détruites et tant d'animaux tués ?

25 M. Watters (interprétation). -C'était l'idée que je me faisais

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1 du nettoyage ethnique. Il n'y avait rien qui permettait aux gens de

2 revenir par la suite dans les endroits où ils avaient vécu auparavant.

3 M. Kehoe (interprétation). - Revenons aux événements du 22. Que

4 s'est-il produit, colonel, s'il vous plaît ?

5 M. Watters (interprétation). -Après le retour de la patrouille

6 du colonel Stewart,

7 comme d'habitude il continuait à préparer, à planifier, à donner

8 des ordres et c'était moi qui, ensuite, sortait avec la patrouille pour

9 contrôler ce qui se passait dans le village de Jelinak (?). Je me suis

10 également rendu dans le village de Ahmici.

11 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez vous vu dans ce village ?

12 M. Watters (interprétation). -En fait, Ahmici était bien plus

13 grand que je ne pensais. Cela s'enfonçait assez profond dans la vallée. En

14 regardant la carte et le nom du village sur la carte -je n'étais jamais

15 allé dans le village vraiment-, j'avais toujours eu l'impression que

16 Ahmici se trouvait en fait tout autour de la mosquée, regroupé autour de

17 la mosquée qui se trouvait à 50 mètres à peu près de la route principale.

18 En fait, le village s'enfonçait dans la vallée, si je puis dire,

19 s'étendait au-delà de la route principale.

20 La première chose que j'ai remarquée, c'est que la mosquée avait

21 été détruite. Le minaret était tombé, en fait. Je ne l'avais jamais

22 remarqué auparavant. Pourtant, on nous en avait fait rapport, mis je ne

23 l'avais encore jamais vu moi-même.

24 Par la suite, j'ai remonté la vallée. J'ai passé la seconde

25 mosquée et je me suis dirigé vers les maisons qui se trouvent du côté nord

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1 du village. Il y avait quelques tirs de tireurs embusqués. Nous avons mis

2 quelques véhicules Warriors postés de telle façon qu'ils puissent

3 surveiller ces tirs, puis nous sommes descendus de nos véhicules et nous

4 avons commencé à patrouiller à pied dans le village.

5 Je suis entré dans plusieurs maisons. Le colonel Stewart me les

6 avait indiquées sur la carte. Il y avait trouvé des traces de gens qui

7 avaient été tués.

8 M. Kehoe (interprétation). - Avant de poursuivre plus avant,

9 lorsque vous vous promeniez et lorsque vous avez patrouillié dans le

10 village, avez-vous vu des cartouches ? Est-ce que vous avez vu des

11 endroits fermés, des endroits bloqués ? Sur la base de ces observations,

12 en tant que militaire, en avez-vous tiré des conclusions particulières

13 quant à la façon dont l'opération avait été menée dans le village ?

14 M. Watters (interprétation). -Des patrouilles nous avaient fait

15 des rapports le 16. Les patrouilles nous avaient dit qu'elles avait vu des

16 groupes de soldats croates en position de tir tout autour d'Ahmici. Ces

17 soldats avaient d'ailleurs commencé à tirer sur les patrouilles au moment

18 où elles s'engageaient vers le village.

19 Lorsque nous avons regardé le village nous-mêmes, lorsque nous

20 avons patrouillé dans le village, nous avons trouvé des positions du côté

21 sud du village, du côté qui longe la route. Nous avons trouvé des postes

22 de tir où il y avait des douilles vides et des positions de front dont

23 nous n'avions jamais eu connaissance. On avait bel et bien tiré de ces

24 positions.

25 D'après moi, cela ressemblait fort à un cordon qui avait été

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1 établi, un cordon visant à mener une opération de destruction. Avant

2 d'engager les forces d'opération, on établit un cordon ; cela permet

3 d'empêcher l'ennemi de se retirer. Pour ce faire, il faut établir des

4 lignes à quelque distance du village afin de pouvoir tirer sur tout ennemi

5 essayant de quitter le lieu des opérations. Vous souhaitez empêcher

6 l'ennemi de quitter le lieu des opérations. Eh bien, nous avons observé ce

7 type de position. L'herbe était écrasée. Il y avait des cartouches

8 de 7.62. C'étaient des balles assez précises utilisées pour certains types

9 d'armes utilisées souvent par les tireurs embusqués.

10 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre patrouille, de

11 vos recherches dans le village, avez-vous observé les emplacements que

12 vous avait indiqués préalablement le colonel Stewart ?

13 M. Watters (interprétation). -Oui, c'est ce que j'ai fait. Ce

14 n'était pas très facile à trouver en fait. Il y avait tant de bâtiments

15 détruits dans le village.

16 Deux choses m'ont frappé. En fait, c'était vraiment irréel. Tout

17 était détruit. C'était un champ de ruines. C'était vrai pour une partie du

18 village. Du côté sud, exactement comme si on avait tiré un trait sur la

19 terre, les bâtiments étaient intacts. Il y avait des gens dans ces

20 bâtiments qui sortaient, qui nous hurlaient des choses à la figure. Ils ne

21 voulaient pas venir

22 nous parler. Nous frappions aux portes, eux ne voulaient pas

23 nous adresser la parole.

24 Puis, nous nous sommes engagés dans la partie détruite du

25 village et là nous avons trouvé des traces dans trois maisons dont on

Page 3403

1 m'avait indiqué l'emplacement. Dans la première, il y avait un squelette

2 parmi les débris, des restes de corps calcinés. Une cage thoracique

3 brûlée.

4 Dans la troisième maison, c'était le plus horrifiant. Il y avait

5 deux corps dans l'entrée de cette maison et dans la cave, il y avait,

6 comment dire, un ensemble de corps, mais je ne peux pas dire exactement

7 s'il s'agissait de femmes, d'enfants, d'hommes. Les corps avaient été

8 brûlés. Il est clair qu'on avait jeté un bidon d'essence dans cette cave.

9 Il y avait également des trous de balles tout le long des murs et des

10 éclaboussures de sang sur les murs.

11 La scène semblait nous révéler que des gens avaient été mis dans

12 cette cave, qu'on leur avait tiré dessus et qu'on avait enflammé leurs

13 corps. Les corps avaient pris des positions impossibles sous l'effet de la

14 chaleur et des flammes. Jamais ils n'auraient pu prendre ces poses

15 naturellement. C'était assez horrifiant.

16 Nous avons essayé de faire appel à des médecins experts qui ont

17 essayé de décompter les corps. Nous avons établi qu'il y en avait à peu

18 près six. Certains des squelettes étaient assez petits.

19 M. Kehoe (interprétation). - Nous allons maintenant nous pencher

20 sur la carte 111. Il s'agit d'une série de photographies. Nous allons les

21 placer sur le rétroprojecteur, si l'huissier veut bien m'aider.

22 Monsieur le Président, si vous me le permettez, il faudrait

23 avertir le public qui nous regarde que ces photographies sont

24 particulièrement éloquentes.

25 M. le Président. - Vous venez de le dire, Monsieur le

Page 3404

1 Procureur. Ce n'est pas la peine de le répéter. Vous, vous connaissez ces

2 photos. Le Tribunal va les découvrir. Nous pouvons donc, à la suite de ce

3 que vous venez d'affirmer, dire quelles sont particulièrement

4 blessantes ou choquantes. Il n'y a rien d'autre à dire.

5 L'audience reste publique, bien entendu.

6 Pouvez-vous commencer?

7 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

8 Colonel, si vous le permettez, nous allons revenir un peu en

9 arrière. Nous allons prendre ces photos dans l'ordre. Regardez la première

10 photo, 111/1.

11 M. le Président. - Avez-vous identifié ces photos ?

12 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

13 M. le Président. - Je n'ai pas entendu. De quelle façon ont-

14 elles été identifiées ? Elles ont été prises dans quelles conditions ?

15 D'où sortent-elles ?

16 M. Kehoe (interprétation). - Ces photos constituent la pièce

17 111/1. Nous allons les prendre dans l'ordre.

18 M. le Président. - Vous ne nous dites pas dans quelles

19 conditions elles ont été prises ?

20 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Les

21 deux premières photos ont été prises par le Colonel Watters lui-même. Il

22 s'agit de la photo où l'on voit un véhicule entrant dans Stari Vitez et la

23 photo des corps qui se trouvent sur le sol.

24 Les quatre photos suivantes ont été prises par le bataillon

25 britannique.

Page 3405

1 Sur les photos suivantes, où l'on voit les soldats qui

2 commencent à sortir les corps de la maison, il s'agit d'une prise faite

3 par des journalistes. C'est simplement une prise de vue de l'arrière de la

4 maison.

5 Quant aux photos suivantes, elles ont été prises par le

6 bataillon britannique elles aussi.

7 Enfin, la dernière photo de cet ensemble a été prise par le

8 Colonel Watters.

9 M. le Président. - Merci.

10 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, nous allons regarder ces

11 photos une par une. Nous allons revenir un peu en arrière et parler des

12 événements qui se sont produits le 16.

13 Reconnaissez-vous cette photo ?

14 M. Watters (interprétation). - Oui, je l'ai prise depuis la

15 tourelle de mon véhicule Warrior le matin du 16 avril alors que j'arrivais

16 dans Vitez.

17 M. Kehoe (interprétation). - Voit-on de la fumée qui surgit

18 d'une zone en particulier?

19 M. Watters (interprétation). - Oui. En fait, la photographie

20 n'est pas très fidèle. On ne voit pas très bien la fumée. On voit des

21 colonnes de fumée s'élever de la zone centrale de Vitez, du centre de

22 Vitez, du quartier musulman.

23 M. Kehoe (interprétation). - Du quartier musulman ?

24 M. Watters (interprétation). - Oui, je savais que c'était le

25 quartier musulman, les maisons brûlaient à cet endroit.

Page 3406

1 M. Kehoe (interprétation). - Sur la photo suivante, la 111/2,

2 vous avez déclaré avoir vu un certain nombre de corps sur la route de

3 Dubrovica et autour, s'agit-il de la photo dont vous parliez ?

4 M. Watters (interprétation). - Oui, il s'agit de ces corps

5 alignés. Je m'en rappelle parfaitement.

6 M. Kehoe (interprétation). - Sur la photo suivante, nous sommes

7 maintenant dans Ahmici, le jour où vous y êtes arrivé, le 22 avril 1993.

8 Si on peut placer cette photo sur le rétroprojecteur, Monsieur l'huissier,

9 je vous remercie. Que voit-on, Colonel ?

10 M. Watters (interprétation). - C'est la mosquée et le minaret

11 qui s'est effondré à Ahmici.

12 M. Kehoe (interprétation). - C'est précisément ce que vous avez

13 vu le jour où vous êtes arrivé dans Ahmici ?

14 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

15 M. Kehoe (interprétation). - La photo suivante, la 111/4, est-ce

16 une prise de vue rapprochée de la mosquée ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - C'est ainsi que vous l'avez vue le

19 jour où vous êtes arrivé, le 22, n'est-ce pas ?

20 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

21 M. Kehoe (interprétation). - La photo suivante, la 111/5. D'où

22 cette photo a-t-elle été prise ?

23 M. Watters (interprétation). - Elle a été prise de l'intérieur

24 du village en regardant vers la mosquée. Nous étions déjà engagés dans le

25 village.

Page 3407

1 M. Kehoe (interprétation). - Donc, dans cette direction-là, en

2 fait, on va vers la route principale, n'est-ce pas ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

4 M. Kehoe (interprétation). - La photo suivante, la 111/6, s'il

5 vous plaît. Là encore, une prise de vue rapprochée de la mosquée n'est-ce

6 pas ?

7 M. Watters (interprétation). - Oui.

8 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons maintenant à la

9 photo 111/7.

10 S'agit-il de l'une des maisons dans lesquelles vous êtes entré

11 dans l'après-midi du 22 avril 1993 ?

12 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet. Cette photo n'a

13 pas été prise ce jour-là. C'est bien une des maisons dans lesquelles je

14 suis entré. Elle a été prise quelques jours plus tard, lorsque nous avons

15 mené une opération visant à nous assurer le contrôle du village et à nous

16 permettre de retirer les corps.

17 M. Kehoe (interprétation). - Voit-on des membres du bataillon

18 britannique qui

19 portent les corps ?

20 M. Watters (interprétation). - Oui, ils font partie du corps

21 médical.

22 M. Kehoe (interprétation). - Maintenant, nous passons à la

23 photo 111/8. Veuillez nous décrire ce que nous voyons et, si vous le

24 voulez bien, prenez le pointeur et indiquez-nous tous les éléments que

25 vous nous décrivez et que vous voyez sur cette photographie.

Page 3408

1 M. Watters (interprétation). - Voici l'entrée de la maison. Il y

2 a quelques marches qui mènent à cette petite estrade. Là, on voit un corps

3 qui a été gravement brûlé. C'était un corps de taille réduite ; il peut

4 s'agir d'un enfant. Derrière, on voit un autre corps calciné. Il s'agit là

5 plutôt d'un corps d'adulte, parce qu'il est beaucoup plus grand.

6 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à la photo 111/9.

7 M. Watters (interprétation). - C'est un gros plan du corps qui

8 se trouvait sur les escaliers, à l'entrée de la maison. Sans doute s'agit-

9 il d'un corps d'enfant.

10 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à la photo

11 suivante 111/10.

12 M. Watters (interprétation). - C'est un corps d'adulte qui se

13 trouvait juste derrière le corps de l'enfant, au premier étage du

14 bâtiment.

15 M. Kehoe (interprétation). - Photo 111/11.

16 M. Watters (interprétation). - C'est une photo qui a été prise

17 dans la cave de cette même maison et c'est l'un des corps de cet ensemble

18 de corps dont j'ai parlé.

19 M. Kehoe (interprétation). - La photo 111/12.

20 M. Watters (interprétation). - Même corps, mais pris sous un

21 angle différent.

22 M. Kehoe (interprétation). - Discernez-vous le squelette ou le

23 crâne sur cette photo ?

24 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est là où je l'indique.

25 M. Kehoe (interprétation). - Photo suivante 111/13.

Page 3409

1 Monsieur le Président, je me suis trompé quand j'ai parlé de

2 cette photo. En fait,

3 elle a été prise par le colonel Watters, n'est-ce pas ?

4 M. Watters (interprétation). - En effet.

5 M. Kehoe (interprétation). - Que nous montre cette photo ?

6 M. Watters (interprétation). - Là encore, il s'agit de cet

7 ensemble de corps qui s'étendait sur toute la largeur de la cave et

8 derrière, on voit les impacts faits par les balles dans le mur.

9 Sur le mur, on voit également du sang.

10 M. Kehoe (interprétation). - Quand vous avez vu tout cela, qu'en

11 avez-vous conclu ?

12 M. Watters (interprétation). - Eh bien, d'après moi, des

13 personnes avaient été emmenées dans la cave de la maison, qu'il s'agisse

14 des habitants de la maison ou pas. Elles avaient été placées à cet endroit

15 de la cave et on leur avait tiré dessus. Je pense qu'ils ont été abattus

16 par une arme automatique au vu du type d'impacts qui se trouvaient dans le

17 mur.

18 M. Kehoe (interprétation). - D'après vous; combien de corps y

19 avait-il dans la cave à peu près ?

20 M. Watters (interprétation). - Six ou sept, je pense.

21 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il des enfants ?

22 M. Watters (interprétation). - Il y avait de petits squelettes.

23 Je pense qu'il pouvait s'agir d'enfants.

24 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à la photo suivante,

25 111/14.

Page 3410

1 M. Watters (interprétation). - Il s'agit de la même cave. Voici

2 un autre crâne. En fait, nous avons réussi à savoir combien de corps il y

3 avait en comptant les crânes qui se trouvaient là. Il me semble que nous

4 avons compté six ou sept crânes. Là, on voit encore du sang sur le mur.

5 M. Kehoe (interprétation). - Photo 111/15, s'il vous plaît.

6 M. Watters (interprétation). - Encore un crâne que l'on peut

7 voir et un corps.

8 M. Kehoe (interprétation). - La photo suivante 111/16.

9 M. Watters (interprétation). - Je pense que c'est à peu près la

10 même chose que ce que l'on a vu sur la première photographie. Je reconnais

11 cet élément-là sur la droite. Là encore, on voit un crâne et ce qu'il

12 reste d'un corps.

13 M. Kehoe (interprétation). - En fait, est-ce que l'on voit

14 encore ce même corps sous un angle différent sur la photo suivante, la

15 photo 111/17 ?

16 M. Watters (interprétation). - En effet.

17 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez trouvé des restes

18 calcinés dans plus d'une maison, n'est-ce pas ?

19 M. Watters (interprétation). - En effet, dans deux autres

20 maisons, nous avons trouvé dans l'une un crâne parmi les tuiles parce que

21 le toit s'était effondré et dans une autre, une cage thoracique.

22 Visiblement il s'agissait de restes calcinés.

23 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à la photo 111/18.

24 M. Watters (interprétation). - C'est dans la première ou dans la

25 seconde maison ?

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1 M. Watters (interprétation). - Dans la première maison, dans la

2 cave.

3 M. Kehoe (interprétation). - Et c'est dans la cave de cette

4 maison que vous avez vu le jerrican d'essence ?

5 M. Watters (interprétation). - En effet.

6 M. Kehoe (interprétation). - Donc, un récipient qui sert

7 généralement à transporter des liquides inflammables.

8 M. Watters (interprétation). - On peut s'en servir pour porter

9 de l'eau, mais généralement, on y met de l'essence en effet.

10 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à la photo 111/19.

11 M. Watters (interprétation). - Encore un corps qui se trouvait

12 dans cette même

13 cave. Et l'on voit là les côtes qui apparaissent.

14 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à une autre maison, la

15 photo 111/20, s'il vous plaît.

16 M. Watters (interprétation). - C'est la maison dans laquelle

17 nous avons trouvé ce corps. On voit la cage thoracique. La maison avait

18 brûlé, le toit s'était effondré dans la maison.

19 M. Kehoe (interprétation). - La photo 111/21. Est-ce la même

20 chose vue d'un angle différent ?

21 M. Watters (interprétation). - En effet.

22 M. Kehoe (interprétation). - Nous en venons à la photo 111/22.

23 M. Watters (interprétation). - Là, il s'agit d'une maison

24 différente. Vous voyez un crâne parmi les tuiles du toit. Le toit, là

25 aussi, s'était effondré. La maison avait été brûlée. Il y avait parmi les

Page 3412

1 décombres un crâne.

2 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il possible pour vous

3 d'établir un décompte exact du nombre d'individus qui ont été brûlés ?

4 M. Watters (interprétation). - Hormis ceux que nous avons vus,

5 c'est-à-dire les huit qui se trouvaient dans l'une des maisons et les

6 restes qui se trouvaient dans les autres maisons, nous n'avons pas pu

7 établir un décompte précis, mais on peut imaginer qu'il y avait un certain

8 nombre de corps qui se trouvaient dans les débris des maisons dont les

9 toits s'étaient effondrés. Cela veut dire que, pour chaque maison brûlée,

10 un certain nombre de corps se trouvaient dans les décombres. Il aurait

11 fallu tout dégager pour savoir ce qui s'était passé.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit précédemment que,

13 pour ce qui est de l'artillerie, du mortier, etc., tout était contrôlé au

14 niveau régional. En Bosnie centrale, c'était Blaskic qui était responsable

15 de cela, n'est-ce pas ?

16 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

17 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cela inclurait les

18 armes aériennes par

19 exemple ?

20 M. Watters (interprétation). - En effet.

21 M. Kehoe (interprétation). - Nous passons à la photographie

22 suivante. Est-ce une photo que vous avez prise ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que c'était dans la vallée

25 de la Lasva à cette même période ?

Page 3413

1 M. Watters (interprétation). - En effet.

2 M. Kehoe (interprétation). - Quelle est la plaque

3 d'immatriculation de cette arme particulière ?

4 M. Watters (interprétation). - HVO.

5 M. Kehoe (interprétation). - Quel est le type d'arme que l'on

6 voit là sur le camion ?

7 M. Watters (interprétation). - Je crois que c'est un canon

8 antiaérien à quatre canons.

9 M. Kehoe (interprétation). - Voyez-vous l'individu assis à

10 gauche avec une arme sur les genoux ?

11 M. Watters (interprétation). - Oui, il porte une cagoule.

12 M. Kehoe (interprétation). - Ou un masque.

13 M. Watters (interprétation). - En effet.

14 M. Kehoe (interprétation). - Ce n'était pas chose rare ?

15 M. Watters (interprétation). - Non.

16 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie.

17 M. le Président. - Pièces à conviction. Pas d'observations ?

18 M. le Greffier. - Pièce à conviction n° 111.

19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

20 également demander

21 le versement au dossier des pièces 29 J, 53 B et 56 E. Ce sont

22 les pièces qui se trouvent sur le chevalet.

23 M. le Président. - Pas d'observations de la défense. Les pièces

24 seront versées sous ces cotations, Monsieur le Greffier. Poursuivez.

25 M. Kehoe (interprétation). - Colonel, après avoir vu toutes ces

Page 3414

1 choses à Ahmici le 22 avril 1993, en tant qu'officier, en tant que

2 militaire, quel type de conclusions avez-vous pu tirer quant aux

3 opérations militaires menées dans la région le 16 avril 1993 ?

4 M. Watters (interprétation). - Je suis revenu vers Vitez où se

5 trouvaient encore le colonel Stewart et l'ambassadeur Thebault. Ils

6 parlaient encore de ce qu'ils avaient découvert. L'ambassadeur Thebault

7 était vraiment bouleversé jusqu'au plus profond de son être par ce qu'il

8 avait observé.

9 Pour ce qui me concerne, d'abord pour ce qui était du bataillon

10 britannique, il était fondamental que nous n'ayons pas une réaction trop

11 vive par rapport à ce que nous avions vu, je parle au niveau personnel. Il

12 fallait absolument rester et agir en professionnels.

13 Au départ, nous n'avons tiré aucune conclusion, mais nous avons

14 consacré nombre de réflexions à ce sujet. Bien évidemment, nous avions une

15 réaction émotionnelle très forte. On ne peut pas voir ce genre de choses

16 et ne pas être profondément choqué.

17 Moi, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'une opération menée

18 efficacement avec succès, qui avait pour but de procéder au nettoyage

19 ethnique de ce village. Et puis, l'importance que revêtait ce nettoyage

20 ethnique dans cette Bosnie centrale, dans tout l'esprit des Musulmans de

21 Bosnie et aussi au vu des Croates de Bosnie, tout cela était très

22 intéressant parce que nous avons découvert nombre de choses se rapportant

23 au village d'Ahmici. C'était un lieu tout particulier pour le peuple

24 musulman, un village qui jouissait d'une réputation particulière. On

25 disait de ce village qu'il était le lieu de naissance de nombre d'hommes

Page 3415

1 saints, de "mule". C'était un lieu très spécial.

2 En fait, ma collègue et moi-même avions l'impression que des

3 actions d'une sauvagerie sans comparaison avaient été menées dans ce

4 village.

5 En fait, il n'y a aucun doute, cela faisait partie d'une attaque

6 coordonnée qui s'est produite le matin du 16 avril. Nous avons été témoins

7 également d'autres attaques tout le long de la vallée. Nous nous sommes

8 sentis coupables de ne pas avoir compris l'importance d'Ahmici, de ne pas

9 avoir consacré des mesures de sécurité plus importantes à ce village, pas

10 suffisamment de protection.

11 Il y a un autre lieu qui a une importance tout aussi grande,

12 c'est Guca Gora. Je crois que les gens ont ce même rapport à Guca Gora

13 qu'ils avaient avec Ahmici. Nous nous sommes dépêchés d'aller là-bas pour

14 essayer d'empêcher que la même chose se produise.

15 Pour ce qui est d'Ahmici, nous sommes arrivés trop tard. Voilà

16 ce que je peux dire. Nous étions bouleversés et désespérés de ne pas avoir

17 pu faire plus pour protéger le village, désolés de ne pas avoir compris

18 quelle était l'importance de ce village.

19 Il n'y a pas de doute, cela faisait partie de l'opération de

20 nettoyage ethnique qui avait été déclenchée dans toute la vallée de la

21 Lasva au cours des jours précédents.

22 M. Kehoe (interprétation). - Le colonel Blaskic commandait-il

23 les troupes du HVO avant les événements d'Ahmici ?

24 M. Watters (interprétation). - En effet.

25 M. Kehoe (interprétation). - Pendant les attaques d'Ahmici ?

Page 3416

1 M. Watters (interprétation). - En effet.

2 M. Kehoe (interprétation). - Et après ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui.

4 M. Kehoe (interprétation). - En tant qu'officier militaire, ou

5 chaque fois que certaines activités et atrocités avaient lieu, quelle

6 était la responsabilité d'un commandant dans cette zone ?

7 M. Watters (interprétation). - Lorsqu'un commandant entamait

8 des opérations, il devait tenir compte bien entendu, en tant qu'un des

9 aspects, de ce plan de la sécurité des réfugiés en conformité avec les

10 Conventions de Genève.

11 Le commandant qui mène de telles opérations est responsable, par

12 le droit de la sécurité, de la population civile dans toutes les zones qui

13 sont attaquées à cause des Conventions de Genève. Il doit absolument

14 évaluer l'impact de ces opérations militaires sur la population civile. Il

15 ne semblait pas que ce soit vraiment respecté dans la vallée de la Lasva,

16 bien au contraire, il semblait même que la cible principale de ces

17 opérations soit la population civile. Cela ne respectait absolument pas

18 les Conventions de Genève.

19 Il nous semblait que le Colonel Blaskic était responsable de la

20 sécurité des civils dans les zones dont nous venons de parler lorsque

21 celui-ci lançait des opérations militaires.

22 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu le Colonel Blaskic

23 prendre des mesures pour sauvegarder la sécurité de ces personnes ?

24 M. Watters (interprétation). - Non.

25 M. Kehoe (interprétation). - Après ces événements, quelle est la

Page 3417

1 responsabilité d'un commandement lorsqu'on lui signale que des activités

2 criminelles ont été perpétrées ?

3 M. Watters (interprétation). - Un commandant est responsable de

4 tous les soldats qu'il dirige. Comme moi, aujourd'hui. Si ces soldats

5 désobéissent aux ordres qu'ils ont reçus et s'ils vont à l'encontre de la

6 loi de la guerre et des Conventions de Genève, ou s'ils font des

7 opérations de pillage, ou s'ils volent, il est de la responsabilité du

8 commandant et du commandant de brigade, c'est-à-dire du commandant

9 régional, de les transférer devant les autorités de justice militaires

10 compétentes et de suivre la filière du commandement, de les identifier, de

11 les arrêter et de les faire comparaître devant une cour martiale.

12 M. Kehoe (interprétation). - A votre avis, est-ce que l'accusé a

13 pris de telles mesures pour mettre un terme ou punir de tels actes ?

14 M. Watters (interprétation). - Je sais que le colonel Blaskic a

15 tenté d'identifier les personnes qui ont commis de tels actes. Il a

16 communiqué ces noms à ses supérieurs.

17 M. Kehoe (interprétation). - A-t-il fait tout autre chose ?

18 M. Watters (interprétation). - Nous étions très déçus. Nous

19 étions un peu horrifiés aussi. Pourquoi ? Parce que le colonel Blaskic n'a

20 pas immédiatement arrêté les personnes responsables s'il connaissait leur

21 identité et si elles étaient sous son commandement comme cela aurait dû

22 être durant ces opérations.

23 M. Kehoe (interprétation). - Connaissez-vous une personne ou

24 plus qui ait été arrêtée ?

25 M. Watters (interprétation). - Non.

Page 3418

1 M. Kehoe (interprétation). - Blaskic a-t-il été arrêté par ses

2 supérieurs suite à ces événements ?

3 M. Watters (interprétation). - Non.

4 M. Kehoe (interprétation). - Pensez-vous que toute personne

5 avait intérêt, ou voulait enquêter, une personne du HVO ?

6 M. Watters (interprétation). - Non, personne ne semblait

7 intéressé.

8 M. Kehoe (interprétation). - Quelles ont été vos conclusions

9 étant donné toutes ces informations auxquelles vous aviez accès à

10 l'époque ?

11 M. Watters (interprétation). - Personnellement, je pensais que

12 les événements d'Ahmici avaient compliqué les choses, notamment les

13 opérations menées par le HVO, c'est-à-dire le nettoyage ethnique de la

14 minorité musulmane, en particulier, au sein du canton numéro 10 et que ces

15 événements avaient fait peser l'attention du monde, par l'intermédiaire

16 des médias, sur les épaules du HVO.

17 Par conséquent, cela constituait également une ombre au tableau

18 dans le cadre de ce qui se passait à Srebrenica également. C'était

19 extrêmement choquant étant donné le nombre de

20 morts. Je crois que le 24 avril, nous avons enterré 96 personnes

21 qui avaient été tuées lors de ces combats.

22 J'ai parlé avec les supérieurs du HVO et j'en ai conclu qu'en

23 fait, il y avait une espèce de regret en ce qui concerne les conséquences,

24 mais pas de regrets quant aux moyens utilisés. C'est ce que je pense.

25 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous été choqué vous-même ?

Page 3419

1 M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement, j'ai été

2 choqué.

3 M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous m'accorder une minute,

4 Monsieur le Président ?

5 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions.

6 M. le Président. - Colonel Watters, comme le veut la procédure

7 devant le Tribunal pénal international, comme devant tout tribunal

8 d'ailleurs, vous allez être soumis au contre-interrogatoire de la défense.

9 Si j'ai bien compris, c'est Me Hayman qui va procéder à ce contre-

10 interrogatoire.

11 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

12 Bonjour, Colonel Watters.

13 M. Watters (interprétation). - Bonjour.

14 M. Hayman (interprétation). - Je suis Russel Hayman. Avec mon

15 collègue, je représente le Général Blaskic.

16 Etes-vous en train de dire devant ce Tribunal que vous avez

17 parlé au Général Blaskic et qu'il a dit qu'il regrettait les conséquences,

18 mais pas les moyens utilisés ? Là, je parle de la mort de civils à Ahmici.

19 M. Watters (interprétation). - Non, je n'ai pas dit cela. J'ai

20 dit que c'était mon avis. C'est l'opinion que je me suis formée après

21 maintes discussions avec des personnes du HVO entre le 16 et le 22 avril.

22 M. Hayman (interprétation). - En avez-vous parlé avec le

23 Général Blaskic ?

24 M. Watters (interprétation). - Nous l'avons plus ou moins abordé

25 le 21 avril, mais pas particulièrement de la situation d'Ahmici. Nous

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1 avons parlé simplement du concept d'attaque contre la population civile

2 dans ces zones. Je ne pensais pas qu'il fallait en faire un problème

3 important dans les négociations, parce que l'armée de Bosnie-Herzégovine

4 était déjà plus que consciente de cela. Je n'ai pas voulu envenimer les

5 choses durant les négociations de cessez-le-feu et essayer de tenir une

6 espèce de tribunal durant ces négociations de cessez-le-feu.

7 M. Hayman (interprétation). - En avez-vous parlé avec lui, oui

8 ou non ?

9 M. Watters (interprétation). - Je dois répondre que non,

10 probablement pas. Je n'ai pas dû en parler avec lui à ce moment-là, mais

11 je sais que le Colonel Stewart lui en a parlé parce qu'il m'a relaté

12 différentes conversations qu'il a eues avec lui à ce moment-là.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous avez appris

14 également que le Colonel Blaskic a essayé de déterminer qui étaient

15 responsables des événements d'Ahmici.

16 M. Watters (interprétation). - J'ai dit que j'avais compris que

17 le Colonel Blaskic avait envoyé une liste de noms à ses supérieurs. Cette

18 liste comprenait des personnes qu'il pensait avoir participé au massacre

19 d'Ahmici.

20 M. Hayman (interprétation). - Il a donc envoyé cette liste à des

21 personnes qui étaient responsables de la justice militaire, n'est-ce pas ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui, je crois que c'est cela.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous seriez d'accord avec moi pour

24 dire qu'effectivement, c'est la bonne procédure ?

25 M. Watters (interprétation). - Non, je ne crois pas que ce soit

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1 la bonne procédure. Je pense que le commandant aurait dû les arrêter.

2 M. Hayman (interprétation). - Et ceci quelle que soit la

3 quantité d'éléments de preuve ou d'informations dont dispose le

4 commandant ?

5 M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement.

6 M. Hayman (interprétation). - Quelle que soit la quantité de

7 preuves dont on dispose, le commandant doit arrêter les individus qui sont

8 suspectés, s'il a des bons motifs de le faire ?

9 M. Watters (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Cela dépend de la quantité de

11 preuves ou non ?

12 M. Watters (interprétation). - Oui mais, là encore, pour dresser

13 une liste des personnes suspectées d'avoir fait quelque chose, vous devez

14 disposer d'une certaine quantité de preuves, sinon, vous ne pouvez pas le

15 faire.

16 M. Hayman (interprétation). - Oui, mais vous pouvez toujours

17 essayer, bien entendu. Il y a un tribunal militaire, un accusé, vous devez

18 être jugé, et si c'est le cas, vous êtes puni.

19 M. Watters (interprétation). - Vous n'accusez pas les gens sans

20 qu'il y ait des preuves.

21 M. Hayman (interprétation). - Quelles sont ces preuves ?

22 M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne suis pas le

23 Colonel Blaskic.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes en train de suggérer

25 qu'il a mal fait, qu'il a envoyé une liste à un procureur militaire.

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1 M. Watters (interprétation). - Non, j'ai dit à ses commandants

2 supérieurs, je n'ai pas dit à un procureur militaire.

3 M. Hayman (interprétation). - Le compte rendu parlera de lui-

4 même.

5 Vous êtes en train de suggérer qu'il a mal fait les choses parce

6 qu'il n'a pas arrêté les individus suspectés. Pourtant, vous ne pouvez pas

7 dire quelle serait la quantité de preuves nécessaire pour qu'il puisse

8 envoyer cette liste à un procureur militaire, n'est-ce pas ?

9 M. Watters (interprétation). - Il croyait vraisemblablement que

10 les personnes qu'il

11 avait fait figurer sur la liste avaient participé aux événements

12 d'Ahmici, sinon il n'aurait pas mis les noms sur cette liste. S'il avait

13 su cela, il avait, à ce moment-là, la responsabilité d'arrêter ces

14 personnes ou plutôt de les exclure des instances militaires.

15 M. Hayman (interprétation). - Comment savez-vous cela ?

16 M. Watters (interprétation). - C'est le Colonel Stewart qui me

17 l'a dit.

18 M. Hayman (interprétation). - Comment le savait-il ?

19 M. Watters (interprétation). - C'est Blaskic qui le lui a dit.

20 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous là ?

21 M. Watters (interprétation). - Non.

22 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on donné des détails sur

23 cette conversation ?

24 M. Watters (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Quels détails ?

Page 3423

1 M. Watters (interprétation). - Que le Colonel Stewart voulait

2 savoir ce que le Colonel Blaskic allait faire à propos du massacre

3 d'Ahmici. S'il ne faisait rien, à ce moment-là, il se rendrait responsable

4 de ce qui s'était passé. Il devait prendre les mesures nécessaires. Le

5 Colonel Stewart est revenu et a dit qu'il avait soumis ce problème au

6 Colonel Blaskic et que celui-ci avait répondu qu'il avait effectivement

7 identifié ces personnes et qu'il avait envoyé une liste de noms à ces

8 supérieurs militaires.

9 M. Hayman (interprétation). - Quand cela s'est-il produit ?

10 M. Watters (interprétation). - Entre le 24 avril jusqu'à la fin

11 du mois d'avril.

12 M. Hayman (interprétation). - Au moment de vous préparer pour

13 votre témoignage, le bureau du Procureur vous a-t-il dit que vous alliez

14 citer des informations qui ne venaient pas de vous personnellement mais du

15 Colonel Stewart ?

16 M. Watters (interprétation). - Le bureau du Procureur ne m'a

17 rien dit. Il m'a juste

18 dit de dire ce que je savais.

19 M. Hayman (interprétation). - Leur avez-vous dit que ces

20 informations provenaient du Colonel Stewart ?

21 M. Watters (interprétation). - Oui, je l'ai dit.

22 M. Hayman (interprétation). - Mais vous ne l'avez pas expliqué

23 aujourd'hui ?

24 M. Watters (interprétation). - Je n'ai pas expliqué les détails

25 de la manière dont j'ai formé mon opinion. Vous venez juste de me le faire

Page 3424

1 dire.

2 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé au Colonel Stewart

3 du fait que peut-être il allait venir et témoigner devant ce Tribunal ?

4 M. Watters (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Va-t-il venir ?

6 M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas.

7 M. Hayman (interprétation). - On vous a posé la question

8 concernant un incident impliquant certaines personnes, notamment quatre

9 cents personnes qui sont venues à la base britannique. Il y avait des

10 tireurs isolés à ce moment-là, vous vous en rappelez ?

11 M. Watters (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - S'agissait-il à peu près de la

13 date du 20 avril 1993 ?

14 M. Watters (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que les éléments de

16 cette situation ont été transmis au commandement du HVO à l'Hôtel Vitez.

17 Là encore, ils ont été transmis au commandant, c'est-à-dire à M. Cerkez ?

18 M. Watters (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Comment le savez-vous ?

20 M. Watters (interprétation). - Parce qu'en tant que chef d'état-

21 major, je donnais des instructions. L'officier de liaison devait rendre

22 visite au commandement tactique et

23 stratégique du HVO pour qu'il demande aux tireurs isolés

24 d'arrêter de tirer.

25 M. Hayman (interprétation). - Ce n'était pas vous

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1 personnellement. Vous n'avez pas eu un contact direct avec les personnes

2 du HVO pour leur demander que les tireurs isolés cessent leur tir, n'est-

3 ce pas ?

4 M. Watters (interprétation). - En fait, je ne sais pas si j'ai

5 parlé au téléphone avec quelqu'un ou si j'ai utilisé l'officier de

6 liaison. Je ne m'en rappelle plus. Je sais que l'officier de liaison a

7 parlé au représentant du HVO, qu'il a utilisé mes propres mots sur les

8 tireurs isolés.

9 M. Hayman (interprétation). - Si vous avez eu une conversation

10 téléphonique avec ces personnes, auriez-vous pris des notes ou quelque

11 chose de ce type pour vous souvenir de cette conversation ?

12 M. Watters (interprétation). - Sans doute non. Cela dépendait de

13 l'endroit où se trouvait le téléphone. Beaucoup de lignes téléphoniques

14 étaient coupées. Un seul fonctionnait. Il ne s'agissait pas d'un téléphone

15 qui se trouvait dans la salle d'opération, mais à l'autre bout du

16 bâtiment. S'il y avait une conversation qui se tenait là-bas, je m'en

17 serais souvenu. Je me rappelle avoir eu une conversation avec le

18 Général Blaskic évidemment, mais je ne pense pas que des notes aient été

19 prises.

20 M. Hayman (interprétation). - Qui était l'officier de liaison

21 qui a dû se rendre devant les représentants du HVO et parler de ces

22 problèmes des réfugiés ?

23 M. Watters (interprétation). - Il s'agissait du capitaine Dundan

24 Wathley (?).

25 M. Hayman (interprétation). - Vous lui avez donné la

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1 responsabilité d'y aller ?

2 M. Watters (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - Il y est allé ?

4 M. Watters (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Il vous a fait un rapport ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

8 M. Watters (interprétation). - Il a dit qu'il avait transmis le

9 message.

10 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il dit que dans les

11 bureaux de M. Cerkez, il y avait une armoire qui contenait des armes avec

12 pistolets à lunettes ?

13 M. Watters (interprétation). - Non.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il transmis un message

15 selon lequel toute personne tirant sur ces réfugiés devrait être tuée ?

16 C'était un ordre émanant du HVO, du moins de la FORPRONU, mais il était

17 aussi suivi par le HVO.

18 M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement. Nous savions

19 cela.

20 M. Hayman (interprétation). - Ce message vous a donc été

21 transmis, n'est-ce pas ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui. Peut-être le deuxième jour,

23 quelque chose comme cela, ou la deuxième moitié, je ne sais plus.

24 M. Hayman (interprétation). - Le 21 avril ?

25 M. Watters (interprétation). - Oui, peut-être, je ne me le

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1 rappelle plus.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez reçu un message. Le

3 message du HVO disait que s'il y avait des tireurs isolés qui prenaient

4 comme cible les réfugiés, vous pouviez allez les tuer, n'est-ce pas ?

5 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact.

6 M. Hayman (interprétation). - L'avez-vous dit aujourd'hui

7 lorsque vous avez préparé votre témoignage ?

8 M. Watters (interprétation). - Non.

9 M. Hayman (interprétation). - Après avoir reçu ce message, des

10 mesures ont-elles été prises ?

11 M. Watters (interprétation). - Oui, effectivement.

12 M. Hayman (interprétation). - D'aller chercher ces tireurs

13 isolés et de les éliminer

14 à chaque fois que c'était possible ?

15 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

16 M. Hayman (interprétation). - Certains ont été arrêtés, d'autres

17 ont été tués, ou plutôt, on a tiré sur d'autres ?

18 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

19 M. Hayman (interprétation). - Ils ont été tués ?

20 M. Watters (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - Pour cela, vous aviez la

22 bénédiction du Colonel Blaskic, n'est-ce pas ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est exact. C'était

24 d'ailleurs assez bizarre puisque c'étaient des soldats du HVO.

25 M. Hayman (interprétation). - Le HVO ne semble pas être une

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1 armée normale, n'est-ce pas ?

2 M. Watters (interprétation). - De quoi voulez-vous parler ?

3 M. Hayman (interprétation). - D'un commandant qui dit à une

4 force extérieure qui se trouve sur son terrain d'aller tuer ses propres

5 hommes parce qu'il n'est pas satisfait de leur conduite et que l'armée

6 extérieure a sa bénédiction pour tuer ces hommes. Est-ce quelque chose qui

7 ne s'est jamais produit au sein de l'armée britannique ?

8 M. Watters (interprétation). - Les soldats de l'armée

9 britannique n'auraient jamais fait de telles choses.

10 M. Hayman (interprétation). - C'est bien ce que je veux dire.

11 Vous êtes arrivé en Bosnie le 6 février, n'est-ce pas ? Vous

12 êtes parti à peu près le 8 mai ?

13 M. Watters (interprétation). - Oui, je crois que c'est cela.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous avez eu des permissions

15 pendant que vous

16 étiez là-bas ?

17 M. Watters (interprétation). - Non.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous y êtes resté environ

19 90 jours, n'est-ce pas ?

20 M. Watters (interprétation). - Je ne les ai pas comptés,

21 96 jours à peu près.

22 M. Hayman (interprétation). - Soit trois mois, 6 février/8 mai ?

23 Février, mars, avril et un peu début mai, cela fait 90 jours.

24 Watters (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit avoir appris qu'il y

Page 3429

1 avait trois groupes opérationnels au sein du HVO subordonnés au

2 Colonel Blaskic, n'est-ce pas ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Je vais donc les citer afin de

5 préparer la question suivante.

6 Tout d'abord, groupe opérationnel Vitez/Trajnik, deuxième,

7 Kiseljak/Busovaca et le troisième Zepca, n'est-ce pas ?

8 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

9 M. Hayman (interprétation). - Connaissiez-vous les commandants

10 du HVO de ces différents groupes opérationnels ?

11 M. Watters (interprétation). - A l'époque, oui. Je pourrais

12 retrouver cela en lisant les rapports et journaux de bord. Là, je ne m'en

13 rappelle plus. Cela fait quatre ans.

14 M. le Président. - Voulez-vous que nous nous interrompions là,

15 Maître Hayman, ou avez-vous encore une question qui va se rapporter à

16 votre question précédente ?

17 M. Hayman (interprétation). - C'est comme vous voulez,

18 Monsieur le Président.

19 M. le Président. - Si la question suivante n'est pas directement

20 liée aux groupes opérationnels, nous pourrions nous interrompre et

21 reprendre à 16 heures 10. Merci.

22

23 L'audience, suspendue à 15 h 50, est reprise à 16 h 10.

24 M. le Président. - L'audience est reprise. Monsieur le Greffier,

25 introduisez l'accusé.

Page 3430

1 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

2 M. le Président. - Maître Hayman...

3 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

4 Colonel Watters, vous avez déjà parlé du fait que le

5 colonel Blaskic avait un quartier général à Kiseljak. Vous le rappelez-

6 vous ?

7 M. Watters (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous vous êtes trouvé dans

9 cette maison dont vous pensiez qu'il s'agissait de son quartier général, à

10 quelle date cela s'est-il passé ?

11 M. Watters (interprétation). - J'ai dit que je croyais que

12 c'était son quartier général. Je ne m'y suis jamais rendu.

13 M. Hayman (interprétation). - Quand avez-vous rendu visite pour

14 la première fois à l'un des officiers de liaison du colonel Blaskic dans

15 un lieu dont il vous a été dit qu'il s'agissait du quartier général du

16 colonel Blaskic ?

17 M. Watters (interprétation). - Nous avons essayé d'établir le

18 contact avec le colonel Blaskic à Vitez, à l'hôtel Vitez, qui se trouvait

19 à Kiseljak. Nous avons entendu dire un certain nombre de fois que c'était

20 le cas et nous en avons déduit qu'il avait un quartier général à Kiseljak

21 parce qu'il semblait y passer beaucoup de temps.

22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous aussi entendu dire que

23 ses parents résidaient à l'extérieur de Kiseljak et qu'il allait leur

24 rendre visite le week-end ?

25 M. Watters (interprétation). - Je ne connaissais pas ce détail,

Page 3431

1 mais je savais que sa famille venait de Kiseljak.

2 M. Hayman (interprétation). - Donc, lorsque vous dites que vous

3 pensiez qu'il

4 avait un quartier général à Kiseljak, vous fondez vos propos sur

5 ce qui vous a été dit, n'est-ce pas ?

6 M. Watters (interprétation). - Au cours de la semaine, à

7 plusieurs reprises, lorsque nous souhaitions parler au colonel Blaskic, on

8 nous répondait qu'il était à Kiseljak. Nous en avons déduit qu'il avait un

9 quartier général à Kiseljak.

10 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais entendu un

11 rapport stipulant que son quartier général était à Kiseljak ?

12 M. Watters (interprétation). - Non.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré que vous pensiez

14 qu'il existait trois niveaux au sein du HVO, ou plutôt que le HVO pouvait

15 être analysé selon les concepts de niveau stratégique, niveau opérationnel

16 et niveau tactique. Vous rappelez-vous avoir dit cela, Monsieur ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Où se trouve le pouvoir politique

19 dans cette ligne hiérarchique que vous avez définie ?

20 M. Watters (interprétation). - Au niveau stratégique.

21 M. Hayman (interprétation). - Et au niveau stratégique, estimez-

22 vous que se trouvent combinés le pouvoir politique et le commandement

23 militaire ?

24 M. Watters (interprétation). - Je ne connais pas la réponse à

25 cette question.

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1 M. Hayman (interprétation). - Donc, je suppose que votre modèle

2 ne tient pas précisément compte de l'exercice du pouvoir politique en

3 Bosnie Centrale, de la part des responsables politiques croates par

4 exemple.

5 M. Watters (interprétation). - Je parlais de la structure du

6 commandement militaire dans ma réponse.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit penser qu'il y avait

8 un certain nombre

9 d'objectifs déterminés parmi les Croates répondant à un désir de

10 création de grande Bosnie-Croatie. Est-ce exact ?

11 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

12 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais parlé au

13 Colonel Blaskic et l'avez vous entendu parler d'une grande Croatie ?

14 M. Watters (interprétation). - Non.

15 M. Hayman (interprétation). - Avec l'autorisation de la Chambre,

16 j'aimerais demander au témoin de s'approcher de la pièce à conviction 29J

17 avec moi. Nous avons placé un transparent sur cette pièce à conviction et

18 nous aimerions lui demander d'y apposer quelques indications. J'invite

19 également mes collègues de la partie adverse.

20 L'interprète. - Le seul problème étant que M. Hayman ne parle

21 pas dans un micro...

22 M. le Président. - Est-ce que les interprètes entendent ?

23 L 'interprète. - Non.

24 M. le Président. - Il faut que tout le monde ait un micro, que

25 tout le monde puisse s'exprimer et que tout le monde voie.

Page 3433

1 Bien. Allez-y.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit qu'à votre avis, les

3 conflits armés de Bosnie Centrale étaient largement axés, dans les temps

4 modernes en tout cas, sur les luttes pour le contrôle des principales

5 routes et voies d'accès, n'est-ce pas ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Et vous savez que cela a été

8 vérifié, par exemple, au cours de la Deuxième guerre mondiale.

9 M. Watters (interprétation). - Je ne prétends pas être un expert

10 dans ce domaine, mais il y a sûrement un certain nombre de choses dont

11 nous avons discuté. Nous avons

12 également lu des écrits traitant des problèmes qu'a eus l'armée

13 allemande pour prendre le contrôle des Balkans au cours de la Deuxième

14 guerre mondiale.

15 M. Hayman (interprétation). - Cette réalité est due

16 partiellement au fait que la Bosnie Centrale est une région très

17 montagneuse, n'est-ce pas ?

18 M. Watters (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous ne pouvez pas monter

20 et descendre les flancs de la montagne, vous devez trouver une autre voie

21 de passage, un col par exemple, pour passer de l'autre côté de la

22 montagne ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Et les hivers sont très rigoureux,

25 n'est-ce pas ? Il y a de la neige, du verglas, le transport est rendu très

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1 difficile.

2 M. Watters (interprétation). - Les conditions sont extrêmement

3 rigoureuses.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous avez inscrit sur la carte à

5 partir du sud les principales voies de communication, les principales

6 voies d'accès en Bosnie centrale. J'aimerais vous interroger à ce sujet.

7 D'abord, vous avez indiqué en vert que la route qui mène de

8 Kacuni à Bilalovac est tombée sous le contrôle de l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine, n'est-ce pas ?

10 M. Watters (interprétation). - Pour autant que nous le sachions,

11 oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Cela s'est-il passé à peu près au

13 cours de la deuxième quinzaine du mois de janvier, à votre connaissance ?

14 M. Watters (interprétation). - Je n'étais pas sur les lieux mais

15 je crois que c'est exact. En tout cas, c'est la conviction que j'ai

16 acquise lorsque je passais les barrages routiers dans cette région à peu

17 près à cette époque.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que c'était le cas au

19 moment de votre arrivée ?

20 M. Watters (interprétation). - Pour autant que je m'en

21 souvienne, oui.

22 M. Kehoe (interprétation). - Si un dessin doit être fait, je

23 demanderai que ce soit le témoin qui le fasse.

24 M. Hayman (interprétation). - (Hors micro.)

25 M. Watters (interprétation). - D'accord, mais nous sommes quatre

Page 3435

1 ans après les faits.

2 M. le Président. - D'accord, allez-y...

3 (Le témoin fait un dessin)

4 M. le Président. - Le Tribunal ne voit rien. Le témoin n'y peut

5 rien, mais il a été obligé de faire le dessin. Avec quelle couleur a-t-il

6 fait son schéma sur le transparent ? D'autre part, pourriez-vous nous le

7 réindiquer, Maître Hayman. Nous n'avons rien vu... En tout cas moi, je

8 n'ai rien vu.

9 M. Hayman (interprétation). - Avec l'autorisation du Président,

10 je demande au témoin d'inscrire des indications partant de Kacuni et

11 arrivant à Bilalovac sur un film transparent, par dessus celles qui ont

12 déjà été apposées sur cette carte.

13 M. le Président. - Très bien, Maître Hayman. Vous dessinez très

14 bien. Allons-y.

15 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous demander de vous

16 concentrer sur un point particulier. Pouvez-vous trouver une carte qui va

17 à peu près de Kacuni à Fojnica ?

18 M. Watters (interprétation). - Oui, elle figure en jaune. C'est

19 celle qui est ici.

20 M. Hayman (interprétation). - Selon votre expérience, cette

21 route était-elle tenue par l'armée de Bosnie-Herzégovine pendant toute la

22 période où vous avez été présent en Bosnie Centrale ?

23 M. Watters (interprétation). - Je ne le sais pas.

24 M. Hayman (interprétation). - Voyez-vous la route qui va de

25 Kacuni à Zenica ?

Page 3436

1 M. le Président. - Pouvez-vous l'indiquer au Tribunal -qui ne

2 voit toujours rien- la

3 route de Kacuni à Zenica telle que l'a indiquée le témoin.

4 M. Hayman (interprétation). - Je retire cette question pour le

5 moment, Monsieur le Président.

6 M. le Président. - Le Tribunal vous en sait gré, parce que nous

7 n'avions rien vu pour l'instant.

8 Question suivante.

9 M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous trouver une route,

10 colonel, qui mène de Fojnica à Sarajevo en passant par Tarcin ?

11 M. Watters (interprétation). - Je ne connais pas bien cette

12 zone.

13 M. le Président. - Pouvez-vous, Maître Hayman, nous dire où vous

14 voulez en venir ? Il serait plus simple de nous dire où vous voulez en

15 venir. Nous sommes en train de dessiner des routes sur une carte. J'ai

16 l'impression d'être dans une agence de voyages. Je sais qu'il n'écoute

17 pas, mais je vais le lui répéter.

18 Maître Hayman, quel est l'objet de ces différentes questions ?

19 Vous pouvez le dire, vous avez affaire à des juges. Que voulez-vous faire

20 dire ? Pour l'instant, nous sommes en train de tracer des routes. Quel est

21 l'objectif de votre question, s'il vous plaît, pour essayer d'accélérer un

22 tout petit peu. Vous êtes en train de faire dessiner des routes au

23 colonel ?

24 M. Hayman (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président.

25 Le témoin a dessiné une portion de route sur la carte qui est la

Page 3437

1 pièce à conviction 29 J en tant que telle, et a dit qu'il s'agissait d'une

2 portion contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce n'était qu'une

3 portion. En réalité -en tout cas, c'est la position défendue par la

4 défense- une grande majorité de cette route a finalement été contrôlée par

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine et le témoin décrit une action militaire qui

6 s'est déroulée en avril, je crois que c'étaient les 21 ou 22 avril 1993,

7 qui a conduit à la fermeture de la route Vitez-Busovaca par l'armée de

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Nous aimerions montrer cette image aux juges. S'il y avait une

10 lutte pour la prise des routes, était-ce important uniquement pour le HVO,

11 ou bien était-ce aussi un aspect tout à fait critique pour l'armée de

12 Bosnie-Herzégovine ?

13 M. le Président. - Vous voyez qu'il est plus simple d'expliquer

14 et ensuite de demander au témoin de faire le plan qui va dans votre thèse.

15 Bien. Question.

16 M. Hayman (interprétation). - Je crois que je vais poser mes

17 questions depuis ici et je demanderai à Me Nobilo, mon confrère, d'aider

18 le témoin, ce qui nous permettra d'avancer plus vite.

19 M. le Président. - Ce serait plus simple effectivement. Allez-y.

20 M. Hayman (interprétation). - Colonel, est-ce que vous

21 conviendriez que vous connaissiez la route montagneuse qui va de Zenica à

22 Travnik ? Pas à Vitez mais à Travnik ?

23 M. Watters (interprétation). - Non, je ne la connais pas.

24 M. Hayman (interprétation). - Maître Nobilo, pouvez-vous montrer

25 cette route au témoin ? Elle va de Zenica à Travnik.

Page 3438

1 Est-ce que vous avez eu connaissance, colonel, pendant votre

2 tournée en Bosnie, que cette route est tombée sous le contrôle de l'armée

3 de Bosnie-Herzégovine en avril-mai 1993 ?

4 M. Watters (interprétation). - J'ai parcouru cette route pendant

5 cette période et elle était parsemée de villages croates et musulmans. Il

6 était impossible à l'une ou l'autre des deux forces de la traverser

7 entièrement sans difficulté.

8 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous à Guca Gora lorsque ce

9 village a été pris par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

10 M. Watters (interprétation). - Non.

11 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous capable de nous dire qui

12 contrôlait cette route ?

13 M. Watters (interprétation). - Comme je l'ai dit, j'ai parcouru

14 cette route pendant cette période. Il était difficile de déterminer qui

15 contrôlait la route parce que les villages relevaient d'une force ou de

16 l'autre et, à plusieurs reprises, l'une ou l'autre des deux forces m'a

17 refusé l'accès.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous me dites qu'il y avait de

19 multiples barrages routiers ?

20 M. Watters (interprétation). - Oui, c'est cela, Monsieur.

21 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé sur le

22 terrain, avez-vous été informé des combats qui s'étaient déjà produits à

23 Gornji Vakuf ?

24 M. Watters (interprétation). - Oui, j'ai rendu visite à

25 Gornji Vakuf trois ou quatre fois.

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1 M. Hayman (interprétation). - Au cours de ces séances

2 d'information, avez-vous appris que dès juin 1992, les combats avaient

3 commencé à Gornji Vakuf ?

4 M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas la date

5 exacte. Je sais que le bataillon britannique avait été informé de combats

6 juste avant mon arrivée.

7 M. Hayman (interprétation). - Au cours de ces séances

8 d'information, vous a-t-on dit qui contrôlait Gornji Vakuf ?

9 M. Watters (interprétation). - Les combats étaient encore en

10 cours. Nous n'avions aucune certitude quant à l'identité de ceux qui

11 contrôlaient Gornji Vakuf. Je ne pourrai pas le confirmer car c'est l'un

12 des commandants de notre compagnie qui s'occupait de cette région.

13 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous appris au cours de votre

14 tournée qui contrôlait Konjic ? Je demanderai à Maître Nobilo de vous

15 indiquer sur la carte où se trouve la ville de Konjic.

16 M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas.

17 M. Hayman (interprétation). - Cela ne fait rien. Et la ville de

18 Bugonjo (?) ?

19 M. Watters (interprétation). - Oui, je me rappelle que nous

20 avions un officier de liaison responsable de Bugonjo (?). C'est un lieu

21 qui ne se trouve pas dans la région que j'ai étudiée.

22 M. Hayman (interprétation). - Pendant votre tournée, savez-vous

23 si l'armée de Bosnie-Herzégovine pouvait passer de Zenica à Sarajevo ?

24 M. Watters (interprétation). - Je pense que oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous quelle était la route

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1 qui leur était accessible ?

2 M. Watters (interprétation). - Non.

3 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous qu'être en

4 mesure de faire ce voyage et de disposer de cet accès était d'une

5 importance stratégique pour l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

6 M. Watters (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Outre l'accès maximum possible aux

8 routes que vous avez indiquées sur la carte, n'est-ce pas ?

9 M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas comment ils

10 pratiquaient. Etant donné l'état du conflit à Sarajevo, tout cela était

11 assez mystérieux. Il apparaissait que de Zenica, il y avait des entrées et

12 des sorties de Sarajevo.

13 M. Hayman (interprétation). - Outre les endroits indiqués sur la

14 carte, conviendriez-vous qu'il était d'une importance stratégique critique

15 de pouvoir établir une liaison entre les différents corps d'armée présents

16 sur le terrain ?

17 M. Watters (interprétation). - Ce serait certainement un

18 objectif stratégique.

19 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre tournée en

20 Bosnie-Herzégovine, saviez-vous que le Premier corps d'armée était dans la

21 région de Sarajevo et de Visoko ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Et que le Deuxième corps d'armée

24 se trouvait dans la région de Tuzla, Zepce et autres ?

25 M. Watters (interprétation). - Exact.

Page 3441

1 M. Hayman (interprétation). - Le Troisième corps d'armée se

2 trouvait dans la région de Zenica ?

3 M. Watters (interprétation). - Exact.

4 M. Hayman (interprétation). - Et le Quatrième corps d'armée dans

5 la région de Mostar, Srebenica et Konjic, n'est-ce pas ?

6 M. Watters (interprétation). - Exact.

7 M. Hayman (interprétation). - Et le Quatrième corps ?

8 M. Watters (interprétation). - Je le savais en théorie, je n'y

9 suis jamais allé.

10 M. Hayman (interprétation). - (...)

11 (L'interprète n'a pas entendu).

12 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet, mais je n'étais

13 pas sûr qu'il s'agissait d'un corps d'armée. Je pensais que Travnik était

14 subordonnée à Zenica.

15 M. Hayman (interprétation). - Pensiez-vous que c'était une

16 partie du Troisième corps d'armée ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Mes excuses.

19 Nous ne cessons de penser à vous, Monsieur le Président, et à

20 vous, Messieurs les Juges. Eu égard au Troisième corps d'armée et aux

21 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Travnik, y avait-il un accès par

22 la route entre ces deux forces et pensez-vous que le contrôle de cette

23 route eut été d'une importance stratégique cruciale pour l'armée de

24 Bosnie-Herzégovine ?

25 M. Watters (interprétation). - Oui, Monsieur.

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1 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous, en principe,

2 que contrôler ces

3 routes avait une importance militaire critique aussi bien pour

4 l'armée de Bosnie-Herzégovine que pour le HVO ?

5 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

6 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous qu'en

7 janvier 1993, ou en tout cas avant votre arrivée, l'armée de Bosnie

8 Herzégovine a pris des mesures pour prendre le contrôle de ces routes,

9 notamment entre Kacuni et Bilalovac ?

10 M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement

11 ce qui s'est passé avant notre arrivée, mais durant notre présence, cette

12 portion de la route a été très contestée entre le HVO et l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine. A ma connaissance, d'après mes souvenirs, elle a été

14 contrôlée en grande partie par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit le fait que le

16 21 avril 1993, au carrefour avec la route de Konjic, l'armée de Bosnie-

17 Herzégovine a pris le contrôle de ce site. Est-ce exact ?

18 M. Watters (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Peut-être pourrait-on faire

20 figurer cela également à l'aide d'une croix verte sur la route.

21 L'effet de cette action a consisté à couper la route entre Vitez

22 et Busovaca, n'est-ce pas ?

23 M. Watters (interprétation). - Oui, Monsieur.

24 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous que ce fut là un

25 autre point d'importance stratégique crucial pour l'armée de Bosnie-

Page 3443

1 Herzégovine car, dès lors que la liaison Vitez-Busovaca est coupée, les

2 forces ne peuvent plus être déplacées le long de cette route qui sert

3 d'épine dorsale et ne peuvent plus se masser en un seul point de défense ?

4 Etes-vous d'accord avec cela ?

5 M. Watters (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Avant de nous écarter de la carte,

7 je vous rappelle ce que vous avez également dit dans votre déposition

8 lorsque vous avez parlé de la conception du canton 10 dans le cadre du

9 plan de paix Vance-Owen.

10 M. Watters (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous pensiez que

12 le conflit armé du 16 avril et des jours ultérieurs dû au HVO a impliqué

13 une tentative de purger le canton 10 de ses habitants musulmans.

14 M. Watters (interprétation). - C'est la seule logique que nous

15 avons pu trouver à cette action.

16 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous interroger au

17 sujet d'un certain nombre de villes et villages faisant partie du

18 canton 10. Je vous demanderai s'ils ont été attaqués par le HVO le 16.

19 M. Watters (interprétation). - Je ferai de mon mieux.

20 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Nobilo, je vous

21 demanderai de montrer où se trouvent ces villes et villages lorsque je

22 citerai leurs noms. Sivrino Selo.

23 M le Président. - Croyez-vous nécessaire de les montrer sur la

24 carte ? Si j'ai bien compris, Maître Hayman, vous attendez du témoin -et

25 c'est dans votre stratégie- que toute une série de villages de ce canton

Page 3444

1 n'auraient pas été, semble-t-il, attaqués. Ne pourriez-vous pas les citer

2 d'abord et voir si, pour le témoin, cela évoque quelque chose ? Essayez

3 d'aller un peu plus vite. Cela ne change rien au fond de votre question,

4 je tiens à vous le dire. Allez-y.

5 M. Hayman (interprétation). - Je le ferai, mais le lieu où se

6 trouvent ces villages est également intéressant.

7 Avez-vous trouvé où se trouve Sivrino Selo ?

8 M. Watters (interprétation). - Ici.

9 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si ce village a été

10 attaqué le 16 ?

11 M. Watters (interprétation). - Il faudrait que je vérifie. Ce

12 n'est pas un nom qui me rappelle quelque chose immédiatement.

13 M. Hayman (interprétation). - A-t-il été attaqué le

14 17 avril 1993, si vous le savez ?

15 M. Watters (interprétation). - Je ne le sais pas.

16 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'il est sur cette route

17 principale qui constitue l'épine dorsale entre Vitez et Busovaca ?

18 M. Watters (interprétation). - C'est à 1 kilomètre au nord.

19 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous trouver la ville ou le

20 village de Krcevine (?), Monsieur Nobilo, si pouvez aider le témoin ? Vous

21 avez indiqué le nord de Vitez ?

22 M. Watters (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si ce village a été

24 attaqué le 16 avril 1993 ?

25 M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas.

Page 3445

1 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que ce village se trouve

2 sur la grande route épine dorsale entre Vitez et Busovaca ?

3 M. Watters (interprétation). - A 1 kilomètre au nord.

4 M. Hayman (interprétation). - La ville de Potsulica (?), la

5 trouvez-vous sur la route montagneuse qui va de Vitez à Zenica ?

6 M. Watters (interprétation). - Je crois me rappeler que quelque

7 chose s'est passé à Potsulica (?). Elle a été défendue avec vigueur par le

8 HVO, si je me rappelle bien.

9 M. Hayman (interprétation). - Par le HVO ou par l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine ?

11 M. Watters (interprétation). - Je me trompe peut-être. Je

12 croyais que c'était une ville tenue par le HVO. J'ai un souvenir du HVO,

13 mais je peux me tromper parce qu'il y avait

14 un grand nombre de villages et de villes.

15 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Nobilo, pouvez-vous

16 montrer au témoin la ville de Tolovici, toujours au nord de Vitez ? Vous

17 rappelez-vous si cette ville a été attaquée les 16 ou 17 avril ?

18 M. Watters (interprétation). - Non.

19 M. Hayman (interprétation). - Elle ne se trouve pas sur la

20 grande route épine dorsale ?

21 M. Watters (interprétation). - Non.

22 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Nobilo, pouvez-vous

23 montrer la ville de Preocica au témoin ? Cette ville se trouve également

24 dans le canton 10, n'est-ce pas ?

25 M. Watters (interprétation). - Je devrais vérifier les

Page 3446

1 frontières, mais c'est peut-être le cas.

2 M. Hayman (interprétation). - Zenica se trouvait dans le

3 canton 10, n'est-ce pas ?

4 M. Watters (interprétation). - Je ne me rappelle pas la forme

5 exacte du canton 10.

6 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que c'était un endroit

7 entre Vitez et Zenica ?

8 M. Watters (interprétation). - Je crois que c'est le cas.

9 M. Hayman (interprétation). - Merci, vous pouvez vous rasseoir.

10 Lorsque vous êtes arrivé sur le lieu des combats, en février,

11 avez-vous été informé des actes de l'armée de Bosnie-Herzégovine pour

12 renforcer ses positions et se préparer à un conflit contre les Croates en

13 Bosnie centrale ?

14 M. Watters (interprétation). - Non, Monsieur.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on dit que l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine avait entrepris une mobilisation générale dans la

17 région de Vitez en janvier 1993 ?

18 M. Watters (interprétation). - Non. Je ne crois pas vraiment

19 qu'il y ait eu

20 mobilisation générale. Je crois que toute la Bosnie centrale

21 était mobilisée.

22 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai qu'un document soit

23 remis au témoin, aux juges et aux membres du bureau du Procureur.

24 La première page, Monsieur le Président, est en anglais. La

25 deuxième en bosno-croato-serbe. Nous ne sommes pas encore parvenus à

Page 3447

1 obtenir une traduction mais, si vous en êtes d'accord, le document peut

2 être placé sur le rétroprojecteur et le témoin peut lire la première page,

3 M. Nobilo la seconde. Une traduction sera tentée. Je poserai ensuite

4 quelques questions au témoin au sujet de ce document.

5 Peut-être pourriez-vous placer le document sur le

6 rétroprojecteur. Colonel Watters, vous pouvez le regarder.

7 M. le Président. - Sur l'identification de cette pièce,

8 Monsieur le Procureur... On va attendre que le témoin l'identifie. Allez-

9 y.

10 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

11 En haut de la page... Excusez-moi encore une fois,

12 Monsieur l'Huissier, mais le document pourrait-il être abaissé un peu sur

13 l'écran ? En haut, nous trouvons une inscription manuscrite "Cheshire Mil

14 Info 080 19 janvier 1993". Vous voyez cette inscription ?

15 M. Watters (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous ce que signifient les

17 mots "Cheshire Mil Info" ?

18 M. Watters (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Que veulent dire ces mots ?

20 M. Watters (interprétation). - Cela veut dire "information

21 militaire du Cheshire". Le "080" est sans doute un numéro de série

22 indiquant la date du 13 janvier 1993.

23 M. Hayman (interprétation). - Le 13 ou le 19 ?

24 M. Watters (interprétation). - Excusez-moi, peut-être le 19. Sur

25 le document, c'est

Page 3448

1 difficile à lire.

2 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, une partie

3 de ce document a été expurgée. Il nous a été communiqué par l'accusation.

4 Le premier paragraphe commence par le mot "2 : Vitez". Une source locale a

5 signalé que les tensions étaient importantes dans la région entre les

6 Croates et les Musulmans. Elle a stipulé que "les civils musulmans locaux

7 étaient appelés sous les armes pour combattre les forces de l'armée de

8 Bosnie-Herzégovine locales. Un exemple particulier (cf. document

9 attenant) : n'a jamais servi avec les forces de l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine précédemment". Le document stipule qu'il a dû se rendre dans

11 l'école de Preocica. C'est bien une référence de grille, n'est-ce pas ?

12 M. Watters (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Référence de grille 24-97 le

14 15 janvier 1993. Le sceau apposé sur le document est celui de la 325ème

15 brigade de Broska (?). "Commentaire : le recrutement de civils (c'est-à-

16 dire des personnes qui n'ont aucun engagement au sein des forces de

17 l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du HVO) reflète la nécessité estimée par

18 les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine de se renforcer contre la

19 menace qu'ils considèrent accrue provenant du HVO". Un "C/S", cela

20 signifie-t-il "signal appel" ?

21 M. Watters (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Cela fait il référence à un

23 warrior ?

24 M. Watters (interprétation). - Cela peut être un warrior ou un

25 autre type de véhicule blindé.

Page 3449

1 M. Hayman (interprétation). - Donc un " C/S" a visité le

2 village à majorité musulmane de Preocica. Il a été rapporté à ce moment-là

3 qu'"ils étaient bien préparés sur des positions de défense aux alentours

4 du village et que ce village avait une importance militaire dans la région

5 de Vitez". Fin de commentaire.

6 Nous passons à la deuxième page.

7 M. Nobilo (interprétation). - "A Zagreb, armée de Bosnie-

8 Herzégovine, état-major de la défense Vitez. Invitation à servir dans les

9 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine". C'est le titre. Ensuite, il y a

10 "A l'attention de...", un nom avait été inscrit mais il a été barré, rayé.

11 Ensuite : "Année de naissance : 1967. Lieu de naissance : Kruscica. Est

12 tenu de, à la date du 15 janvier 1993, dès réception de cette invitation,

13 se faire connaître aux unités de Bosnie-Herzégovine T-90-482. Lieu de la

14 convocation : Preocica école. Se munir de : carte d'identité, vêtements

15 chauds, armes". Il y a le sceau qui est apposé sur ce document où figurent

16 les noms "République de Bosnie-Herzégovine, armée de Bosnie-Herzégovine.

17 Troisième corps d'armée, 325ème brigade de montagne".

18 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous,

19 Colonel Watters, si vous avez été informé à votre arrivée sur les lieux

20 des opérations, en février, de cette mobilisation des forces ?

21 M. Watters (interprétation). - Pas précisément mais la totalité

22 de la population de Bosnie centrale avait été mobilisée dans le cadre

23 d'une union contre les Serbes.

24 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous parlez de toute la

25 population, vous parlez de tous les hommes capables de porter les armes

Page 3450

1 qui avaient été mobilisés soit au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine

2 soit au sein du HVO ; est-ce exact ?

3 M. Watters (interprétation). - Ce serait peut-être un peu

4 exagéré de dire que ce sont tous les hommes en âge de combattre, mais je

5 pense que c'est quand même une large majorité, oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Reconnaissez-vous ce document ? Se

7 présente-t-il bien sous la forme d'un rapport d'informations militaires

8 établies par le régiment du Cheshire lors d'une patrouille en Bosnie

9 centrale ?

10 M. Watters (interprétation). - En effet.

11 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je demande

12 que ce document

13 soit versé au dossier.

14 M. Kehoe (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le

15 Président.

16 M. le Président. - Monsieur le Greffier, ce document est versé

17 au titre des pièces à conviction de la défense sous quel numéro ?

18 M. le Greffier. - Sous le numéro D-59, Monsieur le Président.

19 M. le Président. - Bien.

20 M. Hayman (interprétation). - Il y a un instant, nous avons

21 parlé du troisième corps qui était basé à Zenica. Au cours de votre

22 patrouille, avez-vous reçu des rapports selon lesquels ils avaient près de

23 90.000 hommes sous leur commandement ?

24 M. Watters (interprétation). - Je ne me souviens plus du chiffre

25 exact. C'était certainement une force assez importante.

Page 3451

1 M. Hayman (interprétation). - A peu près 80.000, un peu plus ?

2 M. Watters (interprétation). - Je ne sais pas.

3 M. Watters (interprétation). - Plus de 50.000 ?

4 M. Watters (interprétation). - Je dirai une force considérable,

5 mais je n'ai aucun chiffre précis en tête. De toute façon, je ne m'y

6 serais pas forcément fié.

7 M. Hayman (interprétation). - Votre propre commandement vous a-

8 t-il informé du fait que le HVO en Bosnie centrale avait quelque

9 12 000 hommes sous ses ordres ? Cela vous semble-t-il précis comme

10 estimation ?

11 M. Watters (interprétation). - Je ne dispose d'aucun chiffre

12 précis, là-encore. Peut-être est-ce le bon chiffre. Je n'en sais

13 absolument rien.

14 M. Hayman (interprétation). - Généralement, vous a-t-on donné

15 des informations quant à la proportion de soldats du HVO en Bosnie

16 centrale et de soldats dans le troisième corps ?

17 M. Watters (interprétation). - Oui, pour ce qui est de

18 l'infanterie, l'armée de

19 Bosnie-Herzégovine avait plus d'hommes que le HVO.

20 M. Hayman (interprétation). - Elle était largement supérieure en

21 nombre ?

22 M. Watters (interprétation). - Je pense que oui d'après ce que

23 nous avons évalué à l'époque. Elle était largement supérieure en force.

24 L'armée de Bosnie-Herzégovine avait beaucoup plus facilement accès à des

25 blindés, à des armes d'artillerie, etc., à des armes spécifiques.

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1 M. Hayman (interprétation). - Qu'entendez-vous par ce type

2 d'armes ?

3 M. Watters (interprétation). - Des canons antiaériens montés sur

4 des camions, des armes antichars, des blindés et bien évidemment des armes

5 et des munitions d'artillerie.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu des soldats du HVO en

7 possession de blindés en Bosnie centrale ?

8 M. Watters (interprétation). - Simplement à Maglaj.

9 M. Hayman (interprétation). - Et pour ce qui est de la vallée de

10 la Lasva, avez-vous vu des attaques de blindés ?

11 M. Watters (interprétation). - Non.

12 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous entendu parler de

13 blindés de l'armée de la Bosnie-Herzégovine dans la vallée de la Lasva ?

14 M. Watters (interprétation). - Oui, j'ai vu une fois un T 55 sur

15 une route de montagne.

16 M. Hayman (interprétation). -Venons-eb maintenant à l'accord de

17 cessez-le-feu qui a été passé le 18 avril, vous vous en souvenez Monsieur

18 ?

19 M. Watters (interprétation). - Je m'excuse, mais il y a eu

20 tellement d'accords passés les 16, 17, 18 et 19, comment me rappeler d'un

21 accord précis ? Je me rappelle bien qu'il y a eu des discussions le 16, le

22 21, mais je ne suis pas sûr d'y avoir été présent. Je crois que le

23 Colonel Stewart s'y trouvait.

24 M. Hayman (interprétation). - Je vais demander l'aide de

25 l'huissier, Monsieur le Président.

Page 3453

1 J'aimerais qu'un exemplaire de ce document vous soit communiqué

2 ainsi qu'au témoin et aux membres du bureau du Procureur.

3 Une fois de plus, je vais demander que ces documents soient

4 placés sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

5 La première page de ce document, Colonel Watters, porte

6 l'inscription manuscrite "Chershire, Mil Info 170, 18 avril 1993". Sur la

7 première page toujours, on voit : «Warrior signe d'appel, CS a fait

8 rapport au CP". Est-ce que c'est poste de contrôle ?

9 M. Watters (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - "De la BIH se situant à la grille

11 de coordonnée 134001." Le signe d'appel a fait état du fait que les

12 soldats étaient tout à fait hostiles et ont déclaré au signal d'appel

13 qu'il fallait partir tout de suite.

14 Comment savoir où se trouve cet emplacement ?

15 M. Watters (interprétation). - En retrouvant cette référence de

16 coordonnées sur la carte.

17 M. Hayman (interprétation). - Peut-on le faire ?

18 M. Watters (interprétation). - Il faudrait vraiment que je me

19 penche sur la question. Il serait difficile de faire cela rapidement.

20 M. Hayman (interprétation). - Peut-être pourrait-on faire cela

21 après l'audience, ce soir.

22 Peut-on voir la deuxième pièce ? Nous en revenons à ces accords

23 de cessez-le-feu que nous avons abordés à l'instant.

24 Dans le haut à droite, on voit "NXAA Mil Info, annexe A 171,

25 18 avril 1993, copie de l'accord d'un cessez-le-feu passé entre le

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1 HVO...".

2 M. le Président. - Il m'a semblé que c'est 170. C'est une erreur

3 de traduction.

4 L'Interprète. - Maître Hayman a dit "171", Monsieur le

5 Président.

6 M. le Président. - Un zéro n'est ni américain ni français, je

7 crois que c'est un zéro ! Continuez. C'est "170". Allez-y.

8 M. Hayman (interprétation). - Merci. La copie de l'accord de

9 cessez-le-feu entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine est

10 distribuée. On ne voit que les lettres "HV" sur le bord de la marge. Je ne

11 sais pas si quelque chose a disparu, on voit "HV Bosnie centrale.

12 Point 1. Le texte suivant est tiré directement d'un exemplaire

13 de l'accord de cessez-le-feu signé par Tihomir Blaskic, commandant du HVO,

14 Bosnie centrale, le 18 avril 1993. "Sur la base des ordres émis par le

15 commandant de l'état-major du HVO, HZ Herceg Bosna, bureau numéro (suivent

16 certains chiffres) daté du 18 avril :

17 a) toutes les unités de combat du HVO subordonnées doivent

18 immédiatement mettre un terme à toutes les actions de combats menés contre

19 les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

20 b) procéder immédiatement à l'échange des soldats et des civils

21 détenus.

22 c) prendre soin de tous les blessés, quelle que soit l'armée à

23 laquelle ils appartiennent.

24 d) rassembler toutes les informations concernant ceux qui ont

25 pris part au conflit, rassembler les détails sur les assassinats de

Page 3455

1 soldats et de civils.

2 Colonel Watters, vous souvenez-vous de toutes les démarches qui

3 ont précédé à cet accord de cessez-le-feu fait le 18 avril ?

4 M. Watters (interprétation). - Je me rappelle de cet accord de

5 cessez-le-feu. Je me rappelle qu'il n'a eu aucun effet sur la situation

6 qui n'a pas évolué.

7 Je ne me souviens pas de ce qui a permis d'aboutir à cet accord

8 de cessez-le-feu, hormis le fait qu'il m'a semblé que cet accord n'était

9 absolument pas respecté sur le terrain.

10 M. Hayman (interprétation). - Y aurait-il trace dans les

11 archives du Chershire 1 de ces démarches, à supposer que le Chershire 1

12 prenait part à ces négociations ?

13 M. Watters (interprétation). - Dans la mesure où le Chershire 1

14 n'a pas pris part à cela, si c'est la Herceg Bosna qui a permis la

15 promulgation de cet accord, je me rappelle que cet accord de cessez-le-feu

16 est sorti de nulle part.

17 Au départ, j'étais assez optimiste parce qu'il m'a semblé que

18 cela faisait vraiment une différence, mais sur le terrain cela n'a rien

19 changé du tout.

20 M. Hayman (interprétation). - Cet accord de cessez-le-feu n'a

21 pas tenu entre le 18 et le 21 avril ?

22 M. Watters (interprétation). - Non.

23 M. Hayman (interprétation). - Il n'a pas tenu, n'est-ce pas ?

24 M. Watters (interprétation). - En effet, il n'a pas tenu.

25 M. Hayman (interprétation). - Ce document a-t-il bien l'aspect

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1 d'un rapport d'informations militaires du Chershire 1 ? C'est ainsi que se

2 présentent ces documents, n'est-ce pas ?

3 M. Watters (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Je demande à ce que ce document

5 soit versé au dossier, Monsieur le Président.

6 M. Kehoe (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le

7 Président.

8 M. le Président. - C'est le document D 60.

9 M. Hayman (interprétation). - Dans le cadre de votre témoignage,

10 vous avez parlé de réunion visant à établir un cessez-le-feu qui a eu lieu

11 dans le bâtiment de l'ECMM le 21 avril 1991 ?

12 M. Watters (interprétation). - En effet.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous vous rappelez bien de cette

14 réunion ?

15 M. Watters (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (interprétation). - Diriez-vous qu'à l'époque, lors de

17 la tenue de cette réunion, l'armée de Bosnie-Herzégovine avait soit pris

18 le contrôle du carrefour de Konjic où était sur le point de s'en saisir

19 dans la direction de la montagne de Koubra ?

20 M. Watters (interprétation). - Oui, elle était sur le point de

21 la prendre.

22 M. Hayman (interprétation). - Diriez-vous également que l'armée

23 de Bosnie-Herzégovine, au moment de cette réunion, vers le 21 avril,

24 arrivait de "Posolica" et allait vers Preocica puis vers Dubrovica ? Ou

25 bien avait-elle déjà pris le contrôle de ces positions ?

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1 M. Watters (interprétation). -Oui, cela me paraît tout à fait

2 exact.

3 M. Hayman (interprétation). - Diriez-vous également qu'au moment

4 de cette réunion, l'armée de Bosnie-Herzégovine se dirigeait vers Vitez à

5 partir de Krcevine, donc à partir du Nord ? Elle arrivait du Nord-Ouest de

6 Vitez ?

7 M. Watters (interprétation). - Elle avançait sur Vitez à partir

8 du Nord, c'est certain.

9 M. Hayman (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président,

10 si vous le voulez bien.

11 D'après vous, l'armée de Bosnie-Herzégovine avançait-elle

12 également de Balalovac dans la direction de Kiseljak ?

13 M. Watters (interprétation). - Il y avait des combats au Nord de

14 Kiseljak, c'est certain, mais je ne sais pas d'où provenaient les forces

15 en présence.

16 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous reçu des rapports ce

17 21 avril 1993 portant sur le nombre de villages croates dont le contrôle

18 avait été perdu par le HVO et dont s'était saisi l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine ce même jour ?

20 M. Watters (interprétation). - Il faudrait que j'aille vérifier

21 dans les archives. Certainement, le HVO avait perdu du terrain et un

22 certain nombre de villages. Je n'ai pas une

23 liste en mémoire.

24 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous reçu un rapport comme

25 quoi 5 villages croates avaient été perdus ou sur le point de l'être perdu

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1 par le HVO le 21 avril 1993 ?

2 M. Watters (interprétation). - C'est fort possible.

3 M. Hayman (interprétation). - En fait, n'êtes-vous pas d'avis

4 que l'accord de cessez-le-feu passé le 21 avril 1993 a sauvé le HVO d'une

5 défaite militaire en Bosnie centrale ?

6 M. Watters (interprétation). - Ce que je dirai, c'est que c'est

7 une défaite possible. Auraient-ils été perdants ? Je n'en sais rien, mais

8 ils étaient sur le point de perdre. Ils auraient peut-être reçu des forces

9 de renforts de Prozor, je ne sais pas, mais ils étaient vraiment sur le

10 point de perdre.

11 M. Hayman (interprétation). - Ils avaient déjà perdu ou bien

12 étaient-ils sur le point de perdre le carrefour de "Kaonic"? Ils étaient

13 acculés ?

14 M. Watters (interprétation). - En effet.

15 M. Hayman (interprétation). - Nous revenons à la réunion. En

16 fait, l'objectif de cette réunion du 21 était la demande de Petkovic

17 formulée auprès de l'armée de Bosnie-Herzégovine afin que celle-ci arrête

18 son offensive ?

19 M. Watters (interprétation). - On peut le dire ainsi. Mais en

20 fait, le HVO avait également établi des conditions quant à tous accords de

21 cessez-le-feu à venir.

22 M. Hayman (interprétation). - Cette demande et ces conditions à

23 établir, c'était cela le centre de la réunion ?

24 M. Watters (interprétation). - Cette réunion était présidée par

25 M. Thebault. Cette requête, les conditions à appliquer à un cessez-le-feu

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1 ont occupé la première partie de la réunion. Ensuite, il y a eu les

2 dispositions à prendre entre les deux commandants qui leur permettraient

3 d'arriver à un accord quant à séparer leurs forces et à établir un cessez-

4 le-feu.

5 Cela a duré très longtemps et a occupé la deuxième partie de la

6 réunion.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez participé aux deux

8 parties de la réunion ?

9 M. Watters (interprétation). - Oui, en effet.

10 M. Hayman (interprétation). - Dans l'une des deux réunions, si

11 je puis dire, y a-t-il eu une discussion sur le massacre d'Ahmici ou le

12 massacre de civils musulmans ?

13 M. Watters (interprétation). - Non.

14 M. Hayman (interprétation). - Rien n'en a été dit au cours de

15 cette réunion ?

16 M. Watters (interprétation). - Je n'en ai aucun souvenir. Nombre

17 d'accusations ont été lancées, de contre accusations, mais aucune

18 référence précise n'a été faite par l'armée de Bosnie-Herzégovine au

19 massacre d'Ahmici. Il y a eu nombre d'accusations lancées et de contre

20 accusations. De temps en temps, le Général Petkovic intervenait, la

21 réunion s'est arrêtée. Cela devenait un conflit verbal entre M. Merdan et

22 M. Blaskic quant à qui était responsable du conflit, quant à ce qu'il

23 fallait faire.

24 Ceci, je m'en souviens très précisément.

25 M. Hayman (interprétation). - Lors de ces réunions, ces

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1 allégations formulées étaient constamment soulevées par une partie puis

2 ensuite refusées par la partie adverse, n'est-ce pas ?

3 M. Watters (interprétation). - Mais quelle est l'autre partie

4 dont vous parlez, la partie adverse ?

5 M. Hayman (interprétation). - Les ennemis. Il y avait une

6 allégation qui disait que ceci s'était passé là et l'autre partie qui

7 disait qu'elle ne savait pas qui avait fait cela. C'est cela qui se

8 passait ? Les uns proposaient quelque chose et les autres refusaient de

9 l'accepter ?

10 M. Watters (interprétation). - Je ne dirai pas que les personnes

11 rejetaient les allégations. Il y avait deux commandants stratégiques qui

12 voulaient arriver à une décision au niveau régional, qui ne voulaient pas

13 que le processus s'arrête et s'enlise dans des accusations et des contre

14 accusations qui ne contribuaient qu'à jeter de l'huile sur le feu.

15 Je me rappelle que les deux commandants étaient très

16 professionnels dans leur approche de la question. Ils ne se souciaient pas

17 des positions tactiques ni des positions individuelles des villages.

18 M. Hayman (interprétation). - Le résultat de cette réunion a été

19 un accord visant à établir une région démilitarisée et le retrait des

20 troupes ?

21 M. Watters (interprétation). - C'est exact.

22 M. Hayman (interprétation). - Colonel, diriez-vous que lorsque

23 l'ennemi est en train d'arriver, de faire son entrée, de prendre un

24 territoire, et lorsque votre commandant vous demande si vous avez la

25 situation bien en main, la référence à cette situation signifie sans doute

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1 qu'il y a eu des pertes sur le territoire placé sous votre commandement,

2 n'est-ce pas exact ?

3 M. Watters (interprétation). - C'est une interprétation

4 possible. Je ne suis pas certain de ma propre interprétation à l'époque.

5 M. Hayman (interprétation). - Si 5 villages croates ont été

6 perdus le 20 avril 1993, quels auraient été les sentiments du Général

7 Petkovic lors de cette réunion d'après vous ?

8 M. Watters (interprétation). - Je peux essayer de l'imaginer,

9 mais je ne comprends pas l'impact que cela a eu sur l'interprète.

10 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

11 l'interprétation que j'ai proposée à l'instant quant à avoir la situation

12 bien en main se réfère surtout au fait qu'il y a eu des pertes essuyées

13 par le HVO sur le terrain ? N'êtes-vous pas d'accord pour dire que c'est

14 une interprétation raisonnable de l'échange que vous avez décrit comme

15 s'étant produit le 21 avril 1993 ?

16 M. Watters (interprétation). - C'est une interprétation. Je ne

17 sais pas si cela aurait été la mienne à l'époque.

18 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord que c'est une

19 interprétation

20 censée de ce qui a pu se produire ce jour-là ?

21 M. Watters (interprétation). - Je dis que ce n'est pas la

22 mienne.

23 M. Hayman (interprétation). - Est-ce une interprétation censée

24 au vu des circonstances à l'époque ?

25 M. Kehoe (interprétation). - La question a été posée. C'est la

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1 troisième fois qu'on la pose. Le témoin y a répondu. Je demande à ce que

2 la question ne soit pas reposée parce que le Conseil de la défense n'est

3 pas satisfait de la réponse qui lui est donnée.

4 M. le Président. - L'objection est tout à fait accordée.

5 Je vous ferai remarquer avec le sourire, Maître Hayman, que ce

6 matin, vous avez vous-même fait une objection sur les questions qui

7 supposaient extraire du témoin une interprétation de cette fameuse

8 conversation.

9 Je vous signale que je ne vous ai pas interrompu. Il est normal

10 que vous essayiez de faire donner une interprétation. Cela étant, cela

11 fait trois fois que vous posez la question. Le témoin vous a répondu.

12 Poursuivez avec une autre question, s'il vous plaît.

13 M. Hayman (interprétation). - Si vous décidez de changer de

14 réponse, faites-nous en part.

15 M. Kehoe (interprétation). - Je demande à ce que ceci soit

16 expurgé et je demande au Conseil de la défense de rappeler qu'il s'agit

17 simplement de poser des questions.

18 M. le Président. - Je ne suis pas trop pour les procédures

19 d'expurgation. Une audience est une audience. C'est une séquence vivante.

20 Il n'y a aucune atteinte pour quiconque. Maître Hayman a fait cette

21 réflexion. Elle restera dans le compte rendu. Ce n'est pas la meilleure

22 observation faite par Me Hayman depuis le début du procès. C'est ce que

23 nous dirions. Poursuivez !

24 M. Hayman (interprétation). - Vous-même, avez-vous pu comprendre

25 quoi que ce soit qui se soit dit entre le Général Petkovic et le

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1 Colonel Blaskic ?

2 M. Watters (interprétation). - Non.

3 M. Hayman (interprétation). - Pouviez-vous les voir ?

4 M. Watters (interprétation). - Je voyais le dos du

5 Colonel Blaskic et la figure du Général Petkovic.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous ne voyiez pas l'expression du

7 visage du Colonel Blaskic durant le fil de cette conversation ?

8 M. Watters (interprétation). - Non, en effet.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous les regardiez précisément

10 lors de cet échange ? Vous regardiez le dos du Colonel Blaskic et le

11 visage du Général Petkovic ?

12 M. le Président. - Si vous pouviez abréger ! Nous n'allons pas

13 reconstituer une scène à laquelle aucun d'entre nous n'était présent sinon

14 le témoin qui vous a dit comment cela s'était passé et ce qu'il avait

15 compris. Essayez de progresser vers une autre question, s'il vous plaît.

16 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Ma

17 question est la suivante. Se centrait-il très précisément sur ces deux

18 personnages ou était-ce quelque chose qu'il voyait par hasard en passant,

19 en jetant un coup d'oeil circulaire sur les intervenants de la salle ?

20 Je ne sais pas si c'est vraiment un détail. Ne peut-on pas voir

21 si le témoin a quelque chose à ajouter ?

22 M. Watters (interprétation). - Je l'ai regardé parce que c'était

23 la première fois que je voyais un commandant croate qui se faisait

24 semoncer par un autre responsable croate. Vraiment oui, je l'ai regardé.

25 C'était assez inhabituel.

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1 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, si nous

2 allons jusqu'à 17 heures 30, peut-être le moment est-il venu de passer en

3 audience à huis clos concernant le sujet qui a été porté à notre attention

4 au début de la journée.

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

6 crois que le moment est bien choisi en effet. Mais il faut passer en

7 session privée.

8 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit simplement de ne pas

9 avoir le son.

10 M. le Président. - J'informe le public dans la galerie que nous

11 ne passons pas en séance à huis clos. Ils verront les acteurs aux procès

12 s'exprimer, mais le son sera coupé. Monsieur le greffier, pouvons-nous

13 passer en session privée s'il vous plaît ?

14 M. le Greffier. - Quelques instants.

15 (Fin de séance publique.)

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25 (Début session privée.)

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1 M. le Président. - Nous sommes en session privée.

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10 Pages 3465 – 3472 expurgées en audience à huis clos

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25 L'audience est levée à 17 h 30.