Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-95-14-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Jeudi 13 novembre 1997

  4   L'audience est ouverte à 10 heures 10.

  5   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

  6   veuillez faire entrer l'accusé, s'il vous plaît.

  7   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

  8   Les interprètes sont-ils prêts dans toutes les cabines ?

  9   L'Interprète. - Oui, Monsieur le Président, nous sommes prêts.

 10   Bonjour.

 11   M. le Président. - Bonjour tout le monde. Bonjour les membres du

 12   Parquet. La défense m'entend aussi ?... Bonjour, général Blaskic. Nous

 13   allons maintenant reprendre l'audition du Témoin F qui est un témoin de

 14   l'accusation.

 15   Monsieur le Procureur...

 16   M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président et

 17   merci. Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour aux conseils de la défense.

 18   Témoin F, avant que vous ne continuiez votre récit, je voudrais

 19   éclaircir certains points avec vous concernant votre témoignage.

 20   Le 16 avril 1993, lorsque vous êtes allé dans la maison de

 21   Niko Vidovic, vous avez vu une infirmière là-bas et de l'équipement

 22   médical. Vous semblait-il que ce premier dispensaire de fortune avait été

 23   installé dans la maison avant même que l'attaque se produise ?

 24   Témoin F (interprétation). -  Oui. En tout cas c'est ce qui m'a

 25   semblé.


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  1   M. Harmon (interprétation). - De même, vous a-t-il semblé qu'un

  2   abri avait été

  3   constitué dans la cave de cette maison pour les Croates avant

  4   l'attaque d'Ahmici, avant son début ?

  5   Témoin F (interprétation). - Oui. Nous avions souvent séjourné

  6   dans cette cave avant l'attaque d'Ahmici, lorsque la force aérienne des

  7   Serbes pilonnait Busovaca et Vitez et il n'y avait que des bancs jusque

  8   là. Mais ce matin-là, dans la cave, il y avait des lits. Sur les lits, il

  9   y avait des oreillers, des couvertures, des draps. Et puis il y avait un

 10   poêle en bois avec un feu. Il y avait un grand plat et l'on sentait

 11   l'odeur des haricots qui étaient en train de cuire. Les enfants étaient

 12   là ; ils avaient tous leurs jouets avec eux. Il y avait un landau. Tout

 13   semblait être prêt.

 14   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, avec l'aide

 15   de l'huissier, je voudrais avoir la pièce 114 A et je voudrais qu'elle

 16   soit placée sur le rétroprojecteur.

 17   La pièce 114A, Monsieur le Président, est une carte avec un

 18   angle différent de celle que nous avons présentée la dernière fois, c'est-

 19   à-dire de la pièce 53. Certains chiffres sont identiques à ceux de la

 20   pièce précédente, c'est-à-dire les chiffres 1, 2, 3, 4, 5 et 9, mais sur

 21   cette pièce particulièrement il y a des lettres de A à G que nous

 22   souhaiterions que le témoin identifie et, comme vous pouvez le voir, au

 23   lieu que cette carte soit orientée vers Rovna, nous voyons là une

 24   perspective de la direction opposée, c'est-à-dire Ahmici et le village de

 25   Pirici.


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  1   Témoin F, au cours de votre témoignage, vous avez dit que le

  2   16 avril, après avoir quitté la cave, vous avez vu les maisons de Hazim

  3   Ahmic, Eso Ahmic et Sulejman Ahmic incendiées.

  4   En utilisant le pointeur, pouvez-vous nous montrer la maison de

  5   Hazim Ahmic, s'il vous plaît ?

  6   Témoin F (interprétation). - C'est la maison de Hazim Ahmic.

  7   M. Harmon (interprétation). - Il s'agit donc, pour le compte

  8   rendu, du cercle D.

  9   Pouvez-vous maintenant nous montrer la maison de Eso Ahmic ?

 10   Vous avez mis le pointeur sur le cercle C, n'est-ce pas ?

 11   Témoin F (interprétation). - Oui, c'est exact. C'est la maison

 12   d'Eso Ahmic.

 13   M. Harmon (interprétation). - Très bien. Pouvez-vous maintenant

 14   nous montrer la maison de Sulejman Ahmic. Vous avez placé le pointeur sur

 15   le cercle B sur la pièce du  bureau du Procureur 114 A, n'est-ce pas ?

 16   Témoin F (interprétation). - Oui. C'est la maison de Sulejman

 17   Ahmic que j'ai vue en feu.

 18   M. Harmon (interprétation). - Vous avez mentionné dans votre

 19   témoignage que, le matin du 16 avril, un Croate est venu et a appelé

 20   Muharem et Nedzad Djidic et a dit qu'ils avaient été tués. Pourriez-vous

 21   nous montrer où cela s'est produit sur la pièce 114 ?... Vous avez mis

 22   votre pointeur sur la lettre F. A qui appartenait cette maison ?

 23   Témoin F (interprétation). - C'était la maison de Nedzad Djidic.

 24   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges où se

 25   trouve la maison de Muharem Djidic. Vous avez mis votre pointeur sur le


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  1   cercle E, n'est-ce pas ?

  2   Témoin F (interprétation). - Oui.

  3   M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous étiez dans la

  4   cave, dans cette maison, vous avez entendu un nom, Fahrudin Ahmic, je

  5   crois, et que cette personne avait été tuée. Pourriez-vous nous indiquer

  6   grâce au pointeur où se trouvait sa maison sur notre pièce 114A. Pour le

  7   compte rendu, vous avez placé votre pointeur sur le cercle G, n'est-ce

  8   pas ?

  9   Témoin F (interprétation). - Oui, c'est exact. C'était la maison

 10   de Fahrudin Ahmic.

 11   M. Harmon (interprétation). - Et à l'intérieur de ce cercle, il

 12   y a trois bâtiments. L'un des trois bâtiments était la maison de Fahrudin

 13   Ahmic et les deux autres bâtiments appartenaient-ils à sa mère et à son

 14   père, Fatima Ahmic et son mari ?

 15   Témoin F (interprétation). - Oui, la maison se trouvant à côté

 16   de celle de Fahrudin était celle de Fatima et de Hazim et le troisième

 17   bâtiment était une étable.

 18   M. Harmon (interprétation). - Sur cette pièce 114A, une ligne

 19   verte est tracée. La

 20   voyez-vous sur la pièce du bureau du Procureur 114A ?

 21   Témoin F (interprétation). - Oui.

 22   M. Harmon (interprétation). - Et que représente cette ligne

 23   verte ?

 24   Témoin F (interprétation). - Cette ligne verte représente

 25   l'itinéraire que nous avons suivi pour aller jusqu'à Rovna.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Monsieur l'Huissier, j'en ai

  2   terminé avec cette pièce pour le moment, merci.

  3   Témoin F, mardi, vous nous avez également raconté une

  4   conversation que vous aviez entendue le matin du 16 avril alors que vous

  5   étiez à l'intérieur de la maison de Niko Vidovic. J'ai pu revoir le compte

  6   rendu et je vous ai montré ce qui avait été dit, n'est-ce pas ? Pour le

  7   compte rendu, je parle de la page 36-63, lignes 12 à 13.

  8   Après avoir relu cet extrait, m'avez-vous dit qu'en fait, ce

  9   n'était pas exactement ce que vous aviez dit ou plutôt que la citation ne

 10   correspondait pas à ce que vous aviez dit ?

 11   Témoin F (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit.

 12   M. Harmon (interprétation). - Bien. Alors, voulez-vous bien dire

 13   aux juges ce que vous avez entendu de cette conversation entre les deux

 14   hommes qui se trouvaient dans la maison de Niko Vidovic ?

 15   Témoin F (interprétation) - Lorsque je suis sorti pour

 16   (expurgé), j'ai vu à côté de deux maisons

 17   Anto Kupreskic, Anto Pudja et Frano Vidovic.

 18   Je suis passé à côté d’eux. A ce moment-là, Frano, avec sa

 19   main, a indiqué une petite fenêtre qui menait à la partie de la cave où

 20   nous nous trouvions. Il a dit aux deux hommes qui étaient avec lui :

 21   "Regarde, nous ne devrions pas les tuer là. Nous devrions les garder,

 22   peut-être que certains de nos hommes seront capturés et à ce moment-là,

 23   nous pourrons les échanger avec eux".

 24   J'ai réalisé à ce moment-là que nous étions prisonniers et qu'il

 25   n'y avait pas


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  1   d'attaques de Mujahidins ou quoique ce soit. J'avais vu la

  2   maison de Sulejman Ahmic en feu et les autres. C'est à ce moment-là que

  3   j'ai vu des soldats dans la cour qui étaient en train de manger, de

  4   discuter. Ils parlaient d'un travail qui avait été fait.

  5   Je me suis rendu à nouveau dans la cave. Je suis allé voir (expurgé)

  6   qui était assis sur un banc en bois. Je voulais lui dire ce que

  7   j'avais entendu de cette conversation. Il pleurait et il a juste hoché de

  8   la tête. Je suis allé vers (expurgé) et je lui ai dit ce que j'avais

  9   entendu.

 10   A ce moment-là, il a commencé à respirer très fortement et il

 11   m'a dit de prendre (expurgé) et de sortir afin qu'ils puissent nous tuer

 12   à l'extérieur.

 13   M. HARMON (interprétation). - Merci beaucoup pour avoir éclairci

 14   ce point, Témoin F.

 15   Revenons maintenant là où nous nous étions interrompus mardi.

 16   Vous avez dit pour finir que vous, (expurgé) et

 17   (expurgé) ont fui avec des Croates dans la direction de (expurgé), n'est-

 18   ce pas ?

 19   Témoin F (interprétation) - Oui.

 20   M. HARMON (interprétation). - Avez-vous traversé un pont qui

 21   passait au-dessus de la rivière Lasva ?

 22   Témoin F (interprétation) - Oui. Nous sommes passés sur un pont

 23   qui s'appelait le pont de Radakov.

 24   M. HARMON (interprétation). - La pièce 113 A, pièce du bureau du

 25   Procureur, Monsieur l'huissier, s'il vous plaît, pourriez-vous m'aider ?


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  1   Est-ce que vous pourriez mettre la pièce 113 A sur le rétroprojecteur,

  2   s'il vous plaît ?

  3   Témoin F, pourriez-vous, à l'aide du pointeur, indiquer le pont

  4   que vous avez traversé, (expurgé)?

  5   (Le témoin indique l'emplacement).

  6   Merci, Monsieur l'huissier, ce sera tout.

  7   Après avoir traversé ce pont, pourriez-vous dire aux juges ce

  8   qui s’est passé ?

  9   Témoin F (interprétation) - Nous avons donc traversé le pont et là, il y

 10   avait des groupes de Croates, des femmes et des enfants, qui ont commencé à

 11   se rendre dans différentes maisons de Rovna. Nous sommes restés tous seuls

 12   sur la route. Nous parcourions cette route et nous sommes allés jusqu'à une

 13   maison où (expurgé) se tenait devant. (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé)

 17   Alors que nous nous dirigeons vers (expurgé)

 18   (expurgé), des pilonnages ont commencé ou des tirs, des

 19   balles sifflaient, passaient à côté de nos têtes. J'avais peur (expurgé).

 20   (expurgé), j'ai trébuché et je suis tombé. (expurgé)

 21   m'a aidé à me relever et m'a dit : "Ne vous inquiétez pas, c'est nos

 22   hommes qui sont en train de pilonner Poculica".

 23   Lorsque je suis rentré, (expurgé)

 24   (expurgé) et lui a dit : "Mais

 25   tu es encore vivant ?"


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  1   (expurgé) lui a expliqué que nous avions passé deux jours et une

  2   nuit dans la cave de Niko Vidovic et que nous avions suivi ensuite

  3   d'autres personnes. Ensuite, il a commencé à murmurer quelque chose

  4   à (expurgé) maison et (expurgé) est venu avec une (expurgé).

  5   (expurgé) a dit que nous pourrions passer la nuit chez (expurgé), mais

  6   qu’il fallait que  nous quittions la maison

  7   avant l’aube et que nous ne devions dire à personne, si nous survivions,

  8   que nous avions passé la nuit dans cette maison parce que (expurgé) avait

  9   peur pour (expurgé).

 10   Nous avons donc dormi là et le matin, à 4 heures à peu près,

 11   nous sommes sortis, il faisait encore noir...

 12   M. HARMON (interprétation). - Pourquoi êtes-vous partis de cette

 13   maison le matin suivant ?

 14   Témoin F (interprétation) - Parce que (expurgé) avait peur. (expurgé) avait

 15   peur que quelqu'un vienne (expurgé)et nous trouve chez (expurgé).

 16   Nous devions partir.

 17   Nous lui avons dit que nous nous dirigerions vers la base de la

 18   FORPRONU et que nous traverserions (expurgé) qui nous séparait de cette

 19   base. (expurgé) nous a répondu : "J'espère que vous réussirez".

 20   Nous sommes partis, nous avons traversé le pont.

 21   M. HARMON (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,

 22   pourrions-nous avoir la pièce 113 A sur le rétroprojecteur, s'il vous

 23   plaît ?

 24   Non, il s'agit de la pièce 114. Est-ce que vous pourriez mettre 

 25   l'autre, la pièce 113, s'il vous plaît ?


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  1   (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)

  2   Monsieur l'huissier, en fait, c'est l'autre moitié de la carte

  3   qui m'intéresse plus particulièrement.  Est-ce que vous pourriez la

  4   déplacer sur la gauche, s'il vous plaît ? Encore un peu, afin que les

  5   chiffres 5, 6 et 8 soient visibles sur le rétroprojecteur.

  6   Monsieur l’huissier, je pense que si vous déplacez ce document

  7   sur la droite, on verra le 6 et un peu vers le bas. Très bien, merci.

  8   Témoin F, (expurgé), vous essayez donc de vous

  9   rendre à la base de la FORPRONU, n’est-ce pas ?

 10   Témoin F (interprétation) - Oui.

 11   M. Harmon (interprétation). - Cette base est-elle indiquée

 12   numéro 7 sur le document 113 ?

 13   Témoin F (interprétation) - Oui.

 14   M. le Président. -  Monsieur le Procureur, je me permets

 15   d'intervenir à ce stade du débat. Est-ce que c'est vraiment d'une utilité

 16   primordiale pour le témoin de lui faire repréciser cela ? Je ne sais pas,

 17   il y aura peut-être une contestation de la part de la défense, mais ne

 18  

 19   trouvez-vous pas abusif, ce témoin souffre manifestement, de lui

 20   rappeler tous ces lieux ?

 21   Si le témoin vous dit qu'il a essayé de rejoindre la base de la

 22   FORPRONU, il a essayé de rejoindre la base de la FORPRONU. La base de la

 23   FORPRONU a été identifiée depuis fort longtemps déjà.

 24   Je veux bien qu'on marque dans le transcript que le témoin a

 25   bien identifié aux n° 7 ou 8 que la base de la FORPRONU est là, mais est-


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  1   ce vraiment utile pour votre stratégie, Monsieur le Procureur ?

  2   Ne peut-on pas laisser le témoin s'exprimer comme il a envie de

  3   s'exprimer, puis vous lui poserez les questions.

  4   Si la défense conteste, eh bien vous aurez votre droit de

  5   réplique. C'est une souffrance importante pour ce témoin. Vous faites

  6   préciser les maisons. Ce témoin vient exprimer ce qui s'est passé, parce

  7   que c'est important pour l'accusation contre le général Blaskic. Essayez

  8   peut-être de simplifier un petit peu, de clarifier, d'aller à l'essentiel.

  9   C'est de la souffrance tout cela, Monsieur le Procureur.

 10   M. Harmon (interprétation) - Oui, merci, Monsieur le Président.

 11   Je vais poursuivre. Témoin F, pourriez-vous dire aux Juges ce qui s'est

 12   produit après que vous avez traversé le pont. Qu'avez-vous vu ?

 13   Témoin F (interprétation) - Lorsque nous avons traversé le pont

 14   qui enjambait la rivière de la Lasva, j'ai vu 4 pièces de mortier et

 15   quelques soldats qui prenaient des couvertures ou qui étaient en train de

 16   les nettoyer. Je ne sais pas, je n'ai pas tellement regardé. Et ils nous

 17   ont regardé passer. Je pense qu'ils pensaient eux-mêmes que nous étions

 18   des Croates qui avaient passé la nuit à Rovna parce que beaucoup de

 19   Croates avaient dormi à Rovna. Donc, nous avons suivi la rive de la

 20   rivière Lasva. Nous voulions arriver à la base. Pendant deux jours, nous

 21   n'avons rien mangé, nous n'avons pas dormi. Nous avons cheminé très

 22   lentement et nous nous

 23   sommes approchés de la base de la FORPRONU. Nous voyions déjà

 24   les barrières blanches qui entouraient la base au loin. Là, nous avons

 25   entendu une voix qui nous disait : "Arrêtez-vous, arrêtez-vous !".


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  1   Et j'ai vu trois silhouettes qui s'approchaient de nous, qui

  2   venaient du champ. C'était des gens qui couraient. (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé). Une des trois personnes, un des trois

  5   soldats s'est agenouillé par terre et a visé (expurgé). A ce moment-là,

  6   (expurgé) a dit : "Iilja, arrête, ne tire pas !" Avant que (expurgé) dise

  7   cela, j’ai appelé (expurgé), je lui ai dit : "Arrête, reviens, reviens!"

  8   et il s'est arrêté, il a commencé à courir en sens inverse vers nous.

  9   M. Harmon (interprétation) - Et ce soldat qui était agenouillé,

 10   qui était-ce ?

 11   Témoin F (interprétation) - Et là, j'ai entendu : "Ilija, encule

 12   ta mère" et là, les soldats nous ont entourés et j'ai reconnu

 13   Ilija Livancic, que nous appelions Pezer, Egurel Ivancic (?), et il y

 14   avait une troisième soldat que je n'avais jamais vu auparavant, Jure. Ils

 15   ont jeté une grenade vers nous, il y a eu une explosion. Nous sommes

 16   tombés à terre et il a dit : "Lève-toi (expurgé), enculé, où est-ce que

 17   vous allez ?"

 18   (expurgé) a essayé de lui dire que nous avions passé la

 19   nuit avec eux, que nous étions avec des gens de leur camp et que nous

 20   avions passé la nuit (expurgé). Il a dit : "Fermez votre

 21   gueule, salauds, ou je vais mettre une grenade dans votre bouche" et là,

 22   il a dit : "Ramenons-les au cas où quelqu'un de la FORPRONU les

 23   remarquerait". Donc, ils nous ont ramenés en arrière sur 100 mètres à peu

 24   près et là, ils ont dit : "Restez près de la rivière". Et c'est ce que

 25   nous avons fait.


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  1   (expurgé) a parlé à Ilija une fois de plus et il a dit : "Ilija,

  2   s'il te plaît, ne tue pas les femmes et les enfants, laisse-les partir et

  3   fais ce que tu veux avec nous". Et là, il a dit : "(expurgé)

  4   (expurgé) et je suis..." et il a répondu : "Je suis désolé, mais on

  5   a eu des ordres, on doit tuer tous les Musulmans, et les Musulmans ne

  6   doivent plus jamais vivre ici

  7   et, de toute façon, je me fiche de (expurgé),

  8   c'est la faute de Alija Izetbegovic en tout

  9   de façon, cet  enculé". Et là, j'ai pris (expurgé)

 10   qui pleurait, (expurgé) dans mes bras. Nous nous sommes mis en rang et

 11   là ils ont dit : "Rapprochez-vous, les uns des autres". Et Ilija a dit :

 12   "Vous voyez cette rivière, elle a charrié beaucoup de corps musulmans et

 13   elle vous charriera également".

 14   Et là, j'ai regardé (expurgé).

 15   Nous pleurions tous. Personne ne disait quoi que ce soit.

 16   (expurgé) qui avait posé (expurgé)

 17   (expurgé).

 18   (expurgé)

 19   (expurgé) a pris ma main. J'ai mis ma main sur

 20   (expurgé).

 21   Et là, les soldats ont dit à Jure : "Comment, comment je vais

 22   faire cela ? Est-ce que je m'agenouille ou est-ce que je reste debout ?"

 23   Il a dit  : "Non, il va falloir ce que tu t'agenouilles parce qu'il y a

 24   des enfants et que tu ne seras pas capable de tous les tuer si tu ne

 25   t'agenouilles pas.


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  1   Là, j'ai fermé les yeux et je n'entendais plus rien, j'attendais

  2   juste que les balles nous touchent. J'entendais qu'on préparait les fusils

  3   et je n'attendais qu'une chose. J'ai entendu un son bizarre et j'ai vu un

  4   oiseau qui est passé au-dessus de nos têtes et j'ai prié à l'oiseau de

  5  dire à (expurgé) où nous nous trouvions et à ce moment là, Ilija qui était à

  6   peu près à 20 mètres de nous a dit : "Attends, attends, il y a quelqu'un

  7   qui fait des signes dans cette maison !" et Jure a dit : "On ne peut pas

  8   s'arrêter, on a un travail à faire, Ilija il faut qu'on le fasse". Ilija

  9   a crié : "Jure, fais ce qu'on t'a dit de faire, cours là-bas et va leur

 10   demander ce qu'ils veulent".

 11   Jure ne voulait pas et donc l'autre personne a répété l'ordre.

 12   Il y est allé. Il est revenu et il a dit que quelqu'un faisait des signes

 13   de la maison de Nenad. Il nous a dit de ramasser (expurgé) et de le

 14   suivre. Jure a pris le devant, enfin les soldats évidemment et puis Jure

 15   derrière. Et il proférait des menaces sur ce qui allait advenir d'eux et

 16   sur ce que Nenad allait

 17   faire à ces soldats. Nenad disait combien de Musulmans avaient

 18   été tués et il disait : "Tu sais Hasim, notre copain d'école, a été tué

 19   devant chez lui".

 20   Nous nous sommes rapprochés de la maison d'Ilija Pican. Son père

 21   était devant la maison. Il est venu jusqu'à nous et il leur a demandé :

 22   "Mais où les avez-vous attrapés ? Ils essayaient d'aller jusqu'à la base

 23   de la FORPRONU. Je vais tous les tuer. (expurgé)

 24   (expurgé) ". Et là, on lui a répondu : "Ce n'est pas à toi

 25   de décider, de toute façon, c'est à Nenad de décider".


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  1   Nenad Santic était devant chez lui avec Drago Josipovic.

  2   M. Harmon (interprétation) - Témoin F, permettez-moi de vous

  3   interrompre un instant. Ces trois soldats qui vous ont dit qu'ils avaient

  4   reçu des ordres de tuer tous les Musulmans, pouvez-vous dire à la Chambre

  5   d'abord comment ils étaient vêtus ?

  6   Témoin F (interprétation) - Ils portaient des uniformes

  7   militaires bigarrés et des insignes du HVO.

  8   M. Harmon (interprétation) - Tous les trois ?

  9   Témoin F (interprétation) - Tous les trois.

 10   M. Harmon (interprétation) - Lorsque vous êtes arrivés à la

 11   maison de Nenad Santic, est-ce qu’il était dans sa maison avec

 12   Drago Josipovic

 13   Témoin F (interprétation) - Oui, il était là, il était devant la

 14   porte de sa maison.

 15   M. Harmon (interprétation) - Et comment Drago Josipovic était-il

 16   habillé ?

 17   Témoin F (interprétation) - Il avait un uniforme de camouflage

 18   et il avait des ceintures blanches. Je crois que c'était l'uniforme de la

 19   police militaire.

 20   M. Harmon (interprétation). - Et Nenad Santic, comment était-il

 21   habillé ?

 22   Témoin F (interprétation). - Nenad Santic avait un uniforme de

 23   camouflage. Il avait un couvre-chef sur sa tête. Il nous regardait. Il a

 24   demandé à (expurgé), il lui a dit : "Où vas-tu ?" Il a dit qu'on allait

 25   vers la FORPRONU ; nous ne savions pas nous-mêmes où aller. Il a


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  1   commencé à rire, il a dit : "Parce que tu penses que c'est la

  2   FORPRONU qui va t'aider ?"

  3   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, j'aimerais éclaircir un

  4   point. Vous avez dit que Nenad Santic portait un uniforme de camouflage.

  5   Est-ce que lui avait des ceinturons blancs qui auraient pu l'identifier

  6   comme membre de la police militaire ?

  7   Témoin F (interprétation). - Il avait une ceinture large,

  8   blanche, et l'autre avait des rubans blancs.

  9   M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu’ils portaient des

 10   insignes quelconques indiquant qu'ils appartenaient au HVO ?

 11   Témoin F (interprétation). - Ce jour-là, je ne l'ai pas vu mais

 12   je savais qu'ils appartenaient au HVO parce que tous les Croates que je

 13   connaissais parlaient de Nenad Santic en le vantant énormément.

 14   M. Harmon (interprétation). - Très bien. Témoin F, est-ce que

 15   vous pourriez poursuivre en nous disant ce qui s'est passé devant la

 16   maison de Nenad Santic ?

 17   Témoin F (interprétation). - Ilija a dit : "Nenad, dis-moi que

 18   faire. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Pourquoi tu nous as fait

 19   venir ?" et lui a dit : "Je pensais que c'était quelqu'un de plus

 20   important. Je ne pensais pas que c'étaient eux que tu avais capturés" et

 21   Jure a dit : "Tu sais, Nenad, personne ne nous a échappé et eux non plus".

 22   Et Ilija lui a demandé : "Alors, qu'est-ce que je dois faire d'eux ?" et

 23   il a répondu : "Je ne sais pas. Si tu veux, tu les tues, fais ce que tu

 24   veux, encule-les, ils ne m'intéressent nullement. Et tu peux les amener

 25   aussi avec les autres ordures dans le magasin". Ilija encore une fois a


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  1   demandé : "Qu'est-ce que je dois faire ?" Et il a dit : "Amène-les, amène-

  2   les dans le magasin".

  3   Ensuite, le frère d'Ilija, Mirko, allait devant nous. Il a dit :

  4   "Traversez la route, jusqu'au magasin où se trouvent les autres

  5   survivants".

  6   M. Harmon (interprétation). - Vous êtes arrivés dans cet endroit

  7   qui était un

  8   magasin mais qui était aussi une maison, n'est-ce pas ? C'était

  9   un bâtiment qui avait deux usages : maison et magasin ?

 10   Témoin F (interprétation). - Oui, cela appartenait à Micha (?)

 11   Livancic "Pican". Avant l'attaque contre Ahmici, c'était un magasin. On

 12   appelait cela magasin "Chez Lilia" (?). Devant la porte, il y avait

 13   Anto Papic-Baric. Il a ouvert la porte. J'ai été (expurgé) à entrer dans

 14   le magasin. A l'intérieur, il y avait des femmes et des enfants. Personne

 15   ne disait rien.

 16   M. Harmon (interprétation). - Savez-vous combien d'enfants et de

 17   femmes étaient dans ce magasin ?

 18   Témoin F (interprétation). - On était quatre-vingt-cinq, parce

 19   que par la suite ils nous ont comptés. Mais quand je suis entré, j'avais

 20   l'impression qu'on était mille. Les femmes pleuraient, les enfants

 21   pleuraient. Il y avait des femmes et des enfants musulmans que je

 22   connaissais. Fatima Ahmic était dans la première partie de la pièce. Elle

 23   s'est mise debout ; elle a embrassé (expurgé). Elle lui a dit : "Est-ce

 24   possible ? Tu es vivant ! Hier, ils ont tué mon Fahran. Aujourd'hui, ils

 25   ont amené mon FacinAmir (?)". Il a dit : "Vous aussi, vous serez tués.


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  1   Allez, les femmes, mettez-vous debout pour qu'on protège ces trois

  2   hommes". Certaines femmes se sont mises debout. Eux, ils se sont assis.

  3   Moi, je me suis retourné. A la porte, j'ai vu un homme qui était très

  4   sale. J'ai demandé à Fatima qui c'était et elle m'a dit : "Abdullah a été

  5   blessé". J'ai demandé : "Mais est-ce qu’il est vivant ?" Je n'étais pas

  6   sûr parce qu'il ne bougeait pas. Il n'y avait que les (expurgé)

  7   (expurgé) à l'intérieur de la pièce.

  8   Moi, (expurgé), on attendait que quelqu'un se

  9   présente, que quelqu'un ouvre la porte. A un moment, quelqu'un a ouvert la

 10   porte. Plavcic Nikica était à la porte et il a dit : "Femmes, j'ai fait

 11   tout ce que j'ai pu pour vous ; je vous amène à la gare pour vous échanger

 12   maintenant".

 13   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, est-ce qu’il y avait des

 14   Croates détenus dans cette cave ou plutôt dans ce magasin ?

 15   Témoin F (interprétation). - Il n'y avait pas de Croates. Il n'y

 16   avait que Anto Pavic, Baric, qui nous gardait devant la porte. Il portait

 17   un uniforme de camouflage et il avait un fusil.

 18   M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'on vous a emmenés

 19   ensuite de cet endroit ou vous avez été arrêtés en un autre lieu ?

 20   Témoin F (interprétation). - Oui, nous sommes sortis. Nikica

 21   nous a dit d'aller en rang par deux. Il nous a dit de ne pas essayer de

 22   nous échapper, de ne pas faire de bruit. Il a dit qu'il allait nous

 23   échanger, que nous pourrions regagner le territoire libre, c'est-à-dire

 24   Zenica.

 25   M. Harmon (interprétation). - Est-ce que lui avait un moyen de


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  1   communication, un appareil de communication mobile ?

  2   Témoin F (interprétation). - Oui. Il était devant nous. Il avait

  3   un petit sac suspendu à son épaule et il avait un talkie-walkie à la

  4   ceinture. Il l'utilisait mais je n'ai pas entendu ce qu'il disait. Nous

  5   marchions. Nous avons pris la route et, pendant tout ce temps-là, il y

  6   avait des voitures qui  passaient à côté de nous. Il y avait des soldats

  7   en uniforme dans les voitures. Nous avions toujours peur d'être arrêtés

  8   par quelqu'un d'entre eux. Nous avons gagné la gare. Nikica nous a dit de 

  9   nous acheminer vers l'école.

 10   On est entré dans la cour de l'école. Là, il y avait des soldats

 11   en uniforme noir et uniforme de camouflage. Ils nous ont attendus là-bas.

 12   (expurgé).

 13   Ils nous ont dit où nous devions aller. La dernière chose que j'ai

 14   vue, c'était un homme en uniforme noir qui a appuyé son fusil

 15   (expurgé) dans une pièce. Moi, j'ai été amené dans une

 16   autre pièce. Après, la porte s'est ouverte. Un soldat est entré. Il m'a

 17   dit : "Lève-toi, lève-toi". Je me suis levé et il a appuyé son fusil ici,

 18   sur moi, et il a dit : "Pourquoi tu pleures, enculé de ta mère (expurgé).

 19   De quoi as-tu peur ?"

 20   Moi, j'ai dit : "J'ai peur. Je ne sais pas où est (expurgé), où sont

 21   (expurgé) ". (expurgé) pleuraient. Il m'a dit : "Taisez-vous, (expurgé),

 22   parce que je déteste quand on pleure". (expurgé).

 23   Il m'a reposé la question : "Pourquoi tu pleures ?" Moi j'ai

 24   dit : "Je ne sais pas où sont (expurgé), ". Il a

 25   dit : "Parce que tu penses que nous tuons quelqu'un ? Nous ne sommes pas


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  1   comme vous, les Musulmans. Vous, vous êtes des ordures. Nous, nous n'avons

  2   jamais tué qui que ce soit. Si je te retrouve en train de pleurer, je vais

  3   te tuer. J'encule ta mère (expurgé)."

  4   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, vous avez des mouchoirs

  5   en papier à votre gauche si vous en avez besoin.

  6   M. le Président. -  Témoin F, voulez-vous que nous arrêtions

  7   quelques instants ? Voulez-vous que nous suspendions l'audience pendant

  8   dix minutes ?... Vous préférez que l'on interrompe ? Bien. L'audience

  9   reprendra dans dix minutes.

 10   L'audience, suspendue à 10 h 40, est reprise à 10 h 50.

 11   M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez-vous

 12   asseoir.

 13   Témoin F, vous vous sentez mieux ?

 14   Témoin F (interprétation). - Oui.

 15   M. le Président. - N’hésitez pas, si vous avez d'autres

 16   difficultés, à le dire, le Tribunal, bien entendu, fera tout ce qu'il peut

 17   pour que votre témoignage se déroule dans des conditions pas trop

 18   douloureuses pour vous. Monsieur le Procureur va également y veiller, j'en

 19   suis sûr.

 20   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, est-ce que vous êtes

 21   resté dans l’école de Dubravica jusqu'au 5 mai 1993 ?

 22   Témoin F (interprétation) - Oui.

 23   M. Harmon (interprétation). - Entre votre arrivée à l'école de

 24   Dubravica et le 5 mai, est-ce que vous avez jamais vu (expurgé),?

 25   Témoin F (interprétation) -  Je l’ai vu quand il était dehors.


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  1   Un soldat les escortait

  2   dans un camion. Ils avaient leurs mains derrière la nuque. (expurgé),

  3   me disait que chaque nuit, on venait les chercher, il fallait qu'ils

  4   aillent creuser les tranchées à Krcevine (?).

  5   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, vous avez indiqué que

  6   les mains de (expurgé) étaient dans cette position. Est-ce que vous

  7   pouvez dire au Tribunal ce que vous entendez par "étaient dans cette

  8   position" ?

  9   Témoin F (interprétation) - Il y avait quelques hommes, ils

 10   avaient leurs mains comme ça, ils allaient dans le camion. Derrière, un

 11   soldat portait un fusil.

 12   M. Harmon (interprétation). - Pour le compte rendu, Monsieur le

 13   Président, le témoin a fait un geste en plaçant ses deux mains sur la

 14   nuque. C'était donc la position des mains de (expurgé).

 15   M. le Président. - Je tiens à souligner que le Tribunal avait

 16   compris ce que voulait dire un prisonnier qui a les mains derrière la

 17   nuque !

 18   M. Harmon (interprétation). - Témoin F, est-ce que (expurgé) a

 19   été blessé pendant qu'il a creusé les tranchées ?

 20   Témoin F (interprétation) - Oui, il a été blessé (expurgé). Il

 21   creusait les tranchées à Krcevine et deux prisonniers sont morts à cette

 22   occasion qui étaient à Dubravica. Il y avait plusieurs blessés, lui aussi

 23   a été blessé.

 24   Un des soldats a été grièvement blessé. Il fallait lui donner

 25   une transfusion jusqu'à Travnik. (expurgé) connaissait un des soldats qui


Page 3665

  1   vivaient à (expurgé). Il a demandé à (expurgé) s'il était capable de donner

  2   la perfusion à l'autre blessé. (expurgé) est resté à (expurgé).

  3   Je n'avais pas de ses nouvelles.

  4   Le jour suivant, un soldat croate est arrivé. Il a apporté sa veste. Il l’a

  5   jetée dans la pièce où j’étais. Moi je n'osais pas m'approcher de

  6   la veste avant que le soldat ne sorte. Quand il est sorti, je me suis

  7   approchée de la veste. J'ai reconnu que c'était celle de (expurgé)

  8   J'ai entendu les soldats parler dans le couloir. Il y en avait qui

  9   disaient qu'il y avait des Musulmans qui étaient

 10   blessés, d’autres morts.

 11   Je ne savais pas ce qui était advenu de (expurgé) avant que je

 12   n'arrive à Zenica. Quand je suis arrivée à Zenica, j'ai fait passer le

 13   message à la radio locale de Zenica pour avoir des nouvelles de (expurgé).

 14   C'est comme ça que j'ai appris, quelques jours plus tard, que (expurgé)

 15   était blessé et que (expurgé).

 16   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je suis

 17   arrivé au terme de mon audition du Témoin F. Je demanderai maintenant que

 18   la pièce à conviction de l’accusation 113 A soit versée au dossier ainsi

 19   que la pièce 113 B qui est la légende. Je demanderai que la légende de la

 20   pièce 113 B soit sous scellés. Je demande le versement au dossier de la

 21   pièce à conviction de l’accusation 114 A et de la légende qui

 22   l'accompagne.

 23   M. le Président. - Il n'y a pas d'observations de la part de la

 24   défense, y compris pour la pièce sous scellés parce qu'elle a des éléments

 25   d'identification je suppose, Monsieur le Procureur ? C'est cela ?


Page 3666

  1   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je demande

  2   le versement au dossier non pas à des fins d'identification, mais pour que

  3   les juges, les membres de la Chambre de première instance, puissent

  4   examiner tous les éléments de preuve. Je demande que la pièce 113 B soit

  5   sous scellés étant donné les éléments d’identification qu’elle contient.

  6   M. le Président. - C’est ce que nous avions compris.

  7   Je me tourne maintenant vers la défense. Témoin F, nous sommes

  8   ici devant un Tribunal. Il y a quelqu'un qui est accusé de graves crimes,

  9   qui est dans le box des accusés ici.

 10   Il faut que vous compreniez que le procès doit laisser la parole

 11   aussi à la défense dans un système équitable.

 12   Maintenant, on va vous poser des questions. C'est l'un des

 13   défenseurs du Colonel Blaskic qui va le faire. Bien entendu, le Tribunal

 14   est là pour veiller à ce que ces questions vous protègent le mieux

 15   possible. Mais il faut aussi que le Tribunal ait l'intégralité de

 16   vos déclarations pour arriver à la vérité.

 17   Je me tourne maintenant vers le banc de la défense. Qui va

 18   procéder ? Est-ce Maître Nobilo ou Maître Hayman ?

 19   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, c'est moi

 20   qui vais procéder au contre-interrogatoire.

 21   Bonjour. Monsieur le Président, j'ai une ou deux questions qui

 22   risquent de révéler l'identité du témoin, je prie donc de bien vouloir

 23   débrancher le son pendant un moment.

 24   M. Harmon (interprétation). - Pas d'objection.

 25   M. le Président. - Nous allons passer en session privée.


Page 3666

 1   Monsieur le  greffier, pouvez-vous procéder à cette opération ? Nous

  2   allons donner la parole à Maître Nobilo dès que ceci sera accompli.

  3   (L'audience se poursuit en huis clos partiel.)

  4  

  5  

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  8   (expurgée)

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 20   (expurgée)

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 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (Fin du huis clos partiel.)

  9  

 10  

 11   (L'audience se poursuit en séance publique.)

 12   Vous êtes toujours sous les mesures de protection, Témoin F, ne

 13   vous inquiétez pas. C'est simplement une mesure particulière qui vient

 14   d'être levée.

 15   Allez-y, Maître Nobilo.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Merci.

 17   Témoin F, vous avez dit que vous aviez vu les soldats, les

 18   Vitezovi. Comment reconnaissiez-vous les membres de l'unité des Vitezovi

 19   et les membres de l'unité des Jokeri ?

 20   Témoin F (interprétation). - Parce que les inscriptions étaient

 21   différentes.

 22   M. Nobilo (interprétation). - A quoi ressemblent ces

 23   inscriptions, ces insignes ? Pouvez-vous nous les décrire ?

 24   Témoin F (interprétation). - Vous voulez que je vous les

 25   dessine ?


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Décrivez-les avec des mots.

  2   Témoin F (interprétation). - Les Vitezovi étaient habillés en

  3   uniforme noir et le mot "Vitezovi" était écrit. Les Jokeri avaient un

  4   insigne de ce côté-ci et il était écrit "Jokeri".

  5   M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous des connaissances

  6   concernant ces unités ? Quelle est la distinction dans votre tête entre

  7   ces unités-là et les autres unités ?

  8   Témoin F (interprétation). - Je ne suis pas du tout un expert

  9   militaire, (expurgé). C'est

 10   tout ce que je peux dire. Je n'en sais pas plus.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quel était

 12   le nom de celui qui est venu dans (expurgé) prendre quelque chose

 13   (expurgé), celui qui vous a dit qu'il avait reçu l'ordre de vous tuer ?

 14   Témoin F (interprétation). - Personne n'est venu à (expurgé)

 15   (expurgé)qui est venu et il

 16   m'a dit qu'il avait reçu l'ordre de faire sortir ces trois hommes parce

 17   qu'il fallait les tuer.

 18   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).

 19   (expurgé)

 20   (expurgé).

 21   Témoin F (interprétation). - (expurgé)

 22   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé)

 23   Témoin F (interprétation). - (expurgé).

 24   (expurgé).

 25   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).


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  1   (expurgé).

  2   Témoin F (interprétation). - (expurgé).

  3   (expurgé).

  4   (expurgé).

  5   (expurgé).

  6   (expurgé).

  7   M. Nobilo (interprétation). - Les étables de (expurgé) étaient à

  8   quelle distance par rapport à vous ?

  9   Témoin F (interprétation). – A (expurgé), je ne

 10   sais pas combien.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi combien de femmes et

 12   d'enfants allaient avec vous en traversant le pont sur la rivière Lasva

 13   vers (expurgé)?

 14   Témoin F (interprétation). - Je crois qu'il y avait tout le

 15   monde, tous les habitants. Il y avait les Croates. Nous circulions en

 16   groupe mais nous n'étions pas avec eux. Nous avons passé le pont avec eux.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Si j'ai bien compris, pratiquement

 18   toute la population civile s'est déplacée de cette manière. Y avait-il des

 19   hommes ?

 20   Témoin F (interprétation). - Oui, des hommes sont venus mais

 21   Nenad les a rencontrés sur la route et il a dit : "J'encule vos mères,

 22   pourquoi fuyez-vous ? Revenez en arrière !" Il l'a dit notamment à Jevdjo

 23   Vidovic qui marchait devant nous. Il a dit : "Jevdjo, n'abandonne pas tes

 24   positions. J'encule ta mère tzigane".

 25   M. Nobilo (interprétation). - Quelle était l'ambiance ? Est-ce


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  1   que l'on pouvait parler d'une sorte de panique ou est-ce que cela se

  2   passait dans une tranquillité ?

  3   Témoin F (interprétation). - Non, il n'y avait pas de trop

  4   grande panique. Les gens s'en allaient simplement parce qu'ils avaient vu

  5   que les étables de (expurgé) étaient en feu et ils allaient voir ce qui se

  6   passait.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a dit que les

  8   Musulmans attaquaient ?

  9   Témoin F (interprétation). - Oui, (expurgé)  a dit, le 16 avril à

 10   5 h 10, que 8 000 Mujahidins arrivaient de Zenica, qu'ils allaient

 11   attaquer Vitez et qu'il serait bon que nous prenions la fuite avec lui

 12   parce que les Mujahidins ne faisaient pas la différence entre les

 13   habitants croates et les habitants musulmans. Et nous, nous l'avons cru.

 14   C'est pourquoi nous sommes entrés dans la cave avec lui.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous êtes allés vers (expurgé)

 16   (expurgé), avant de partir, est-ce que quelqu'un a dit qu'il y

 17   avait un danger quelque part et qu'il fallait fuir ? Pourquoi avez-vous

 18   pris la fuite ?

 19   Témoin F (interprétation). - Moi, je ne sais pas. Je sais

 20   seulement (expurgé), a ouvert la porte et a dit que les

 21   étables de (expurgé) étaient en feu et que le mieux serait de partir vers

 22   (expurgé).

 23   Témoin F (interprétation). - (expurgé) et ses étables, (expurgé)

 24   c'est un Croate ?

 25   Témoin F (interprétation). - Oui, c'était à (expurgé). Ce n'était


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  1   pas à (expurgé) mais à un kilomètre de (expurgé), je pense, dans la

  2   direction de (expurgé).

  3   M. Nobilo (interprétation). - C'était à un kilomètre de

  4   (expurgé)? C'est là que les étables croates étaient en

  5   feu ?

  6   Témoin F (interprétation). - Oui. Moi, je ne les ai pas vues.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez entendu ?

  8   Témoin F (interprétation). - J'ai entendu. J'en ai entendu

  9   parler.

 10   M. Nobilo (interprétation). - A-t-on parlé des soldats

 11   d'Herzégovine ?

 12   Témoin F (interprétation). - D'Herzégovine ?

 13   M. Nobilo (interprétation). - Oui.

 14   Témoin F (interprétation). - Je ne sais pas. Tout ce que je

 15   sais, c'est (expurgé), est entré dans la cave à un certain moment

 16   et a dit que les Jokeri et les Vitezovi avaient appris que nous étions là

 17   et qu'il fallait qu'il sauve sa tête parce qu'elle était en danger. Et il

 18   est revenu auprès des femmes et a dit : "Vous, les femmes, vous vous

 19   souvenez sur quoi nous nous étions mis d'accord ? Nous avions décidé de

 20   les sauver", et c'est à ce moment-là que j'ai entendu parler de

 21   conversations au sujet de l'Herzégovine.

 22   Il y avait des lits de l'armée sur lesquels nous nous étions

 23   allongés et j'ai trouvé la carte d'identité d'un homme d'Herzégovine. Il

 24   était de (expurgé). J'ai eu peur et (expurgé)

 25   (expurgé).


Page 3673

  1   M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous l'entretien que

  2   vous avez eu auparavant avec les enquêteurs ? Vous avez dit (expurgé) est

  3   venu en disant que des soldats d'Herzégovine avaient appris que vous étiez

  4   là ?

  5   Témoin F (interprétation). - (expurgé).

  6   (expurgé).

  7   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).

  8   (expurgé).

  9   Témoin F (interprétation). - (expurgé).

 10   (expurgé)..

 11   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).?

 12   Témoin F (interprétation). - (expurgé).

 13   (expurgé)..

 14   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).

 15   Témoin F (interprétation). - (expurgé).

 16   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).

 17   Témoin F (interprétation). - (expurgé) avait un pantalon bigarré et

 18   une chemise de l'armée et (expurgé) avait une chemise de l'armée et un

 19   pantalon. Il avait aussi une veste qu'il a enlevée plus tard. Il avait

 20   sans doute trop chaud parce qu'il courait derrière nous.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Il y avait une troisième personne.

 22   Est-ce que lui aussi disait quelque chose, proférait des menaces ?

 23   Témoin F (interprétation). - Il parlait avec (expurgé), pas avec

 24   nous.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous à quelle distance est


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  1   tombée la grenade qui a été jetée par rapport à vous ?

  2   Témoin F (interprétation). - Je ne sais pas.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de Nenad Santic et

  4   du fait que tous les Croates que vous connaissiez le vantaient énormément.

  5   Qu'est-ce que cela veut dire ?

  6   Témoin F (interprétation). - C'était avant l'attaque d'Ahmici.

  7   Je l'ai raconté. J'étais (expurgé), j'avais des voisins, des amis de

  8   classe avec lesquels je parlais très souvent, et ils racontaient

  9   toujours la même chose. Ils disaient : "Tant que Nenad est là, nous

 10   n'avons pas besoin de craindre quoi que ce soit". Ils étaient fière de

 11   lui.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Nenad était (expurgé). Où est-

 13   ce qu’il habitait très exactement ? Quel était le nom de ce hameau ?

 14   Témoin F (interprétation) - Du côté de Picina (?), en bas.

 15   C'était une partie de la communauté locale de Santici.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Quelle était sa position dans le

 17   sens militaire dans cet endroit ?

 18   Témoin F (interprétation) - Je vous ai dit que je ne connais

 19   rien à l'armée. Cela ne m'intéressait pas. Je savais simplement que dans

 20   leur conversation entre Croates, ils disaient que Nenad était un chef, un

 21   dirigeant. Chef de quoi ? Dirigeant de quoi ? Je ne le savais pas.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Et il était peut-être le chef

 23   supérieur à (expurgé).

 24   C'est comme cela que vous l'avez compris ?

 25   Témoin F (interprétation) - C'est comme cela que je l'ai


Page 3675

  1   compris.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de

  3   Anto Papic-Baric, qui était votre garde. D'où vient-il ?

  4   Témoin F (interprétation) - Il est de Papice (?).

  5   M. Nobilo (interprétation). - Cela se trouve où par rapport à

  6   (expurgé)?

  7   Témoin F (interprétation) - De l'autre côté de la route, mais en

  8   suivant un autre chemin pour aller (expurgé).

  9   M. Nobilo (interprétation). - A quelle distance ?

 10   Témoin F (interprétation) - (expurgé)

 11   M. Nobilo (interprétation). - Donc, par rapport (expurgé)?

 12   Témoin F (interprétation) - Oui.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des tirs de feu, des

 14   coups de feu quand vous êtes arrivé au magasin ?

 15   Témoin F (interprétation) - Il y avait une accalmie.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Donc, autour du magasin, il n'y

 17   avait pas de coups de feu ?

 18   Plavcic Nikica "Slikica", c'était (expurgé)?

 19   Témoin F (interprétation) - Il dépendait de la communauté locale de

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé).

 23   L'école où vous êtes allé à la fin, était contrôlée par quelle

 24   unité ?

 25   Témoin F (interprétation) - Je ne sais pas. Dans l'école, dans


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  1   cette salle de classe, des membres du HVO sont venus un jour. J'ai vu un

  2   jeune homme avec qui j'étais allé à l'école,

  3   Bralo. Il est entré dans la salle de classe, il nous a regardés.

  4   Il a vu dans quelle situation nous étions et il avait le signe du HVO sur

  5   l'épaule. Certains avaient des uniformes noirs, d'autres des uniformes

  6   bigarrés. Moi, je n'osais pas trop les regarder, parce que la première

  7   fois que je suis entré dans cette salle de classe, un des soldats nous a

  8   donné l'ordre de ne pas les regarder avec les yeux ouverts, mais avec les

  9   yeux à peine ouverts, parce que nous n'avions pas le droit, nous n'étions

 10   pas assez bons pour les regarder dans les yeux.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous êtes allés à l'école,

 12   vous m'avez dit que la plupart des soldats avaient des uniformes noirs.

 13   Est-ce qu’il y avait des insignes indiquant l'unité à laquelle ils

 14   appartenaient ?

 15   Témoin F (interprétation) - Je vous ai dit tout à l'heure que je

 16   ne les ai pas regardés en face, parce qu'on nous a donné l'ordre de ne pas

 17   les regarder en face.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Merci, c'est tout. Merci,

 19   Monsieur le Président

 20   M. le Président. - Bien. Le contre-interrogatoire est à présent

 21   achevé. Je me tourne vers mes collègues pour savoir s'ils ont quelques

 22   questions complémentaires à vous poser, mais avant, je vois le Procureur

 23   qui a peut-être des précisions à apporter. Donc dans l'ordre, nous allons

 24   avoir le Procureur qui va peut-être répliquer.

 25   M. Harmon (interprétation) - Monsieur le Président, je n'ai pas


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  1   de questions.

  2   M. le Président. - Je l'avais presque senti, Monsieur le

  3   Procureur, voyez-vous !

  4   Maintenant, je me tourne vers mes collègues. Monsieur le Juge

  5   Ryad, avez-vous quelques questions à poser ?

  6   On va vous poser quelques questions complémentaires et ensuite,

  7   vous en aurez terminé.

  8   M. Ryad (interprétation). - Bonjour. Je vous appellerai Témoin

  9   F. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous traiter comme il se doit, en

 10   m'adressant à vous par votre nom.

 11   J'aimerais simplement savoir, au moment où vous avez été arrêté

 12   par cet homme

 13   répondant au nom d'Alija, et d'autres hommes qui

 14   l'accompagnaient, il vous a dit qu'ils avaient reçu des ordres, c'est ce

 15   que vous avez dit, qu'ils avaient reçu l'ordre de tuer les Musulmans et

 16   que les Musulmans ne vivraient plus jamais dans cet endroit par la suite,

 17   que la vallée de la Lasva était pleine de cadavres de Musulmans. Quand il

 18   vous a dit qu'il avait reçu des ordres, est-ce qu’il a indiqué d'où

 19   provenaient ces ordres ?

 20   Témoin F (interprétation) - Il n'a pas dit cela. Il n'a pas dit

 21   quelle était la provenance de ces ordres. Mais il a dit tout simplement :

 22   "On a reçu l'ordre de tuer tous les Musulmans, tout ce qui est musulman

 23   ici et les Musulmans ne vivront plus jamais ici".

 24   M. Ryad (interprétation). - Est-ce qu'il vous apparaissait comme

 25   un soldat régulier, selon les connaissances limitées que vous en avez, la


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  1   façon dont il parlait, la façon dont il était habillé, la façon dont peut-

  2   être il recevait des messages d'autres personnes ?

  3   Témoin F (interprétation) - Il me paraissait être un soldat

  4   régulier. J'ai l'impression qu'il donnait les ordres à Jure Pican parce

  5   qu'à un moment donné, il a dit : "Jure, fais comme je t'ai dit. Fais comme

  6   je t'ai ordonné".

  7   M. Ryad (interprétation). - Donc, il y avait une hiérarchie, un

  8   peu comme dans l'armée ?

  9   Témoin F (interprétation) - Oui. Jure est plus âgé qu'Alija et

 10   Jure obéissait à ce que Alija disait.

 11   M. Ryad (interprétation). - Vous avez dit que (expurgé)

 12   (expurgé) alors qu'il creusait des tranchées. Que lui est-il arrivé par

 13   la suite ? Vous ne nous en avez pas parlé. Vous ne nous avez pas raconté

 14   le reste de ce qu'il a vécu.

 15   Témoin F (interprétation) -  On les amenait tous les jours

 16   creuser les tranchées. Quelquefois c'était à un endroit, d'autres fois

 17   c'était à un autre endroit. Une fois, il était à Krcevine, vers Bukve, en

 18   train de creuser les tranchées et il y avait des tirs partout, des tirs

 19   d'armes. Les soldats se sont réfugiés, ils ont trouvé abri, alors qu'eux,

 20   ils ont dû continuer à

 21   creuser les tranchées. Il m'a raconté cela plus tard quand il

 22   est venu à Zenica, il a senti que son bras était tombé dans la tranchée et

 23   il s'est retourné. Il a vu un homme qui appuyait ses mains sur sa jambe.

 24   Il saignait. Il a vu que l'homme était blessé.

 25   Il a dit aux soldats qu'ils étaient blessés. Les soldats les ont


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  1   amenés. Ils ont mis un pansement sur le bras de (expurgé) et ensuite, ils

  2   ont demandé à (expurgé) s'il pouvait se prêter à la perfusion pour l'autre

  3   personne qui étaient blessée à la jambe. (expurgé) a accepté. A mon avis,

  4   c'est au moment où a dit qu'il acceptait d'offrir la perfusion à l'autre

  5   blessé, je pense que c'est cela qui l'a sauvé, parce que sinon, à mon

  6   avis, il aurait été tué par les Croates.

  7   A cette époque-là, les Croates et les Musulmans étaient soignés

  8   tous ensemble dans cet hôpital. C'était un hôpital commun où ils étaient

  9   tous soignés.

 10   M. Ryad (interprétation). - Où se trouvaient exactement ces

 11   tranchées qu'ils creusaient ? Est-ce que (expurgé) vous en a informée ?

 12   Témoin F (interprétation) - Oui. Ce jour-là, où il a été blessé,

 13   c'était dans les tranchées à Krcevine vers Bukve, entre Bukve et Krcevine.

 14   Krcevine était un village croate et Bukve était un village musulman.

 15   M. Ryad (interprétation). - Il y avait des combats à cet

 16   endroit ?

 17   Témoin F (interprétation) - Je ne sais pas.

 18   M. Ryad (interprétation). - Comment s'est-il fait blesser ?

 19   Témoin F (interprétation) - Je ne sais pas. Il m'a dit tout

 20   simplement qu'il a senti que son bras tombait pendant qu'il travaillait en

 21   creusant la tranchée. Il a senti son bras tomber.

 22   M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que deux autres hommes

 23   étaient morts. Donc il a dû y avoir des coups de feu ?

 24   Témoin F (interprétation). - Oui.

 25   M. Riad (interprétation). - Vous ne savez pas d'où venaient ces


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  1   coups de feu ? Est-ce qu’ils ont été abattus par les Croates ou par les

  2   Musulmans ?

  3   Témoin F (interprétation). - Non, je ne sais pas. Lui-même, il

  4   ne le sait pas.

  5   M. Riad (interprétation). - Mais il savait que quelqu'un lui

  6   avait tiré dessus ?

  7   Témoin F (interprétation). - Oui.

  8   M. Riad (interprétation). - A titre d'information personnelle,

  9   qu'est-il arrivé à (expurgé)? Est-ce qu’ils ont été blessés ou est-ce

 10   qu’ils sont en sécurité ?

 11   Témoin F (interprétation). - Ils n'ont pas été blessés. Je suis

 12   resté à l'école à Dubravica. Après, la FORPRONU m'a fait venir à Zenica

 13   et c'est alors que moi et (expurgé), nous avons retrouvé la sécurité et

 14   (expurgé).

 15   M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

 16   M. Shahabuddeen (interprétation). - Témoin F, est-ce que vous

 17   avez vu des Mujahidns ?

 18   Témoin F (interprétation). - Non, jamais dans ma vie.

 19   M. Shahabuddeen (interprétation). - A un certain moment de votre

 20   déposition, vous avez parlé des Vitezovi, des jockeri et des soldats du

 21   HVO que vous avez vus. Je voudrais vous poser une question au sujet des

 22   soldats de l'unité des Vitezovi. Avez-vous vu les insignes qu'ils

 23   portaient, s'ils en portaient ?

 24   Témoin F (interprétation). - Oui. Ils avaient des insignes.

 25   M. Shahabuddeen (interprétation). - Quels étaient ces insignes ?


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  1   Pouvez-vous les décrire ?

  2   Témoin F (interprétation). - Les vitezovi avaient des insignes

  3   où il était écrit "vitezovi" et les jokeri avaient des insignes où il

  4   était écrit "jockeri" et, d'après ce dont je peux me souvenir, les jockeri

  5   avaient des uniformes de camouflage.

  6   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Maintenant, est-ce

  7   qu'à un moment quelconque vous avez vu des soldats des trois groupes

  8   ensemble ou physiquement proches les uns des autres ? Est-ce que vous avez

  9   vu des jockeri en même temps, au même endroit que des

 10   vitezovi et des soldats du HVO ?

 11   Témoin F (interprétation). - Cela, je l'ai vu une seule fois ou

 12   peut-être deux fois à l'école. Quand ils entraient, il y avait des

 13   Croates, des hommes que je connaissais, qui appartenaient au HVO et ils

 14   sont entrés ensemble avec les membres de jockeri.

 15   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Merci.

 16   Maintenant, un dernier point. Vous nous avez dit avoir passé une

 17   nuit dans la maison (expurgé), n'est-ce pas ?

 18   Témoin F (interprétation). - Oui.

 19   M. Shahabuddeen (interprétation). - C'était (expurgé)?

 20   Témoin F (interprétation). - Oui.

 21   M. Shahabuddeen (interprétation). - (expurgé) vous a fait rentrer et

 22   vous a proposé un abri ?

 23   Témoin F (interprétation). - (expurgé) voulait savoir s'il y avait

 24   quelqu'un de la famille de (expurgé). Les (expurgé), c'étaient des Croates.

 25   (expurgé) ne cherchait pas à faire venir des Musulmans.


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  1   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Je suis heureux que

  2   vous ayez éclairci ce point. Mais néanmoins (expurgé) vous a offert

  3   l'hébergement cette nuit-là ?

  4   Témoin F (interprétation). - Nous étions déjà entrés. (expurgé) ne

  5   nous connaissait pas mais, dans la maison...

  6   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois, je vois.

  7   Témoin F (interprétation). - ...il y avait un homme qui était assis.

  8   C'était un voisin à nous qui nous a reconnus. Alors (expurgé) a compris

  9   que nous étions musulmans. (expurgé) avait très peur. (expurgé)  disait :

 10   "Mais pourquoi vous avez dû venir chez moi ?"

 11   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie de cette

 12   explication. J'aurais peut-être dû mieux comprendre sur la base des propos

 13   que vous avez tenus précédemment.

 14   M. le Président. - Témoin F, je voulais vous demander si, à un

 15   moment donné

 16   pendant ces événements tragiques, vous avez entendu parler de

 17   l'accusé, du Colonel Blaskic ? Est-ce qu'on en parlait autour de vous,

 18   dans la cave, à l'école, ou pas du tout ?

 19   Témoin F (interprétation). - A partir du 16 avril, 17 avril,

 20   18 avril, je n'ai entendu personne mentionner Blaskic, mais avant le

 21   16 avril, j'en ai entendu parler. Il était évoqué à la télévision, à la

 22   radio.

 23   M. le Président. - Et vous avez fait le lien entre ce qu'il

 24   était, les responsabilités qu'il avait et les événements ? Est-ce

 25   qu'autour de vous on faisait un lien quelconque ou pas du tout ?


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  1   Témoin F (interprétation). - Quand ?

  2   M. le Président. - Au moment de ces événements qui se sont

  3   déroulés quand même sur plusieurs jours, est-ce que vous avez fait ou les

  4   personnes proches de votre entourage faisaient un lien entre ce qu'ils

  5   avaient vu à la télévision dans les semaines qui précédaient, notamment

  6   l'accusé qui paraissait à la télévision dans son uniforme et les

  7   événements malheureux et tragiques qui se produisaient ? Est-ce qu'on

  8   faisait ce lien ou pas du tout ? Répondez très simplement.

  9   Témoin F (interprétation). - Oui, pendant tout ce temps nous

 10   pensions que les Croates ne nous feraient rien. Nous croyions à ce qu'ils

 11   racontaient quand ils prétendaient organiser des tours de garde simplement

 12   à cause des Serbes et qu'ils n'avaient rien contre nous. Et puis, ils nous

 13   ont trahis, tous, ceux de la télévision et aussi nos voisins. Ils ont tous

 14   oeuvré contre nous.

 15   M. le Président. - Je vous remercie. Je me tourne à nouveau vers

 16   mes collègues. Vous n'avez pas d'autres questions complémentaires ?

 17   Témoin F, le Tribunal est très sensible à votre venue jusqu'ici

 18   pour affronter cette difficile épreuve du témoignage, du contre-

 19   témoignage, du contre-interrogatoire. A présent, c'en est terminé. Vous

 20   êtes prise en charge par la Division de protection des témoins qui va

 21   assurer

 22   votre retour. Pour que les conditions de protection soient

 23   assurées, Monsieur le Greffier, il convient peut-être de remettre la salle

 24   en état de huis clos complet ou... Il vaudrait peut-être mieux ?

 25   Monsieur le Greffier me suggère très opportunément. Nous allons


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  1   donc faire une pause, puisque le témoignage du Témoin F est achevé. Nous

  2   reprendrons dans vingt minutes, c'est-à-dire à midi, si vous voulez bien.

  3   Vous ne bougez pas, Témoin F, on va vous prendre en charge pour assurer

  4   votre protection. L'audience est donc à présent suspendue. Elle reprendra

  5   à 12 heures.

  6   (Fin de l'audition du témoin F)

  7   L'audience suspendue à 11 h 40, est reprise à 12 h 00.

  8  

  9  

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 11  

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 16   M. le Président. -  La séance est reprise. Veuillez faire entrer

 17   l'accusé, s'il vous plaît.

 18   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience).

 19   M. le Président. - Monsieur le Procureur ?

 20   M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

 21   Messieurs les juges.

 22   Nous sommes prêts à poursuivre avec le témoin suivant qui est

 23   M. Abdullah Ahmic.

 24   M. le Président.   Excusez-moi, Maître Cayley, j'étais branché

 25   sur le mauvais canal, je n'ai donc pas entendu le début de votre


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  1   intervention.

  2   M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président et

  3   Messieurs les juges. Le bureau du Procureur est prêt à poursuivre avec le

  4   témoin suivant qui s'appelle M. Abdullah Ahmic.

  5   M. le Président. - Ce n’est pas un témoin qui nécessite une

  6   protection particulière ?

  7   M. Cayley (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. le Président. - Je voudrais m'entretenir une seconde avec

 10   Monsieur le Greffier.

 11   Monsieur le Greffier, avec l'aide de l'huissier, est-ce que l’on

 12   peut faire entrer le témoin suivant ?

 13   Ce témoin est prévu pour combien de temps, Maître Cayley ?

 14   M. Cayley (interprétation). - Je dirai entre deux et trois

 15   heures, Monsieur le Président.

 16   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

 17   M. le Président. - Vous laissez d'abord debout le témoin,

 18   Monsieur l'Huissier. Vous devriez quand même commencer à connaître la

 19   procédure. Est-ce que vous pouvez faire lever le témoin ?

 20   Vous êtes bien Monsieur Abdullah Ahmic ? Vous m'entendez ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je suis Abdullah Ahmic.

 22   M. le Président. - Monsieur Abdullah Ahmic, on va vous montrer

 23   une déclaration que vous allez lire avant de faire votre témoignage.

 24   Allez-y, lisez la déclaration à haute voix, s'il vous plaît ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je déclare solennellement que


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  1   je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   M. le Président. - Veuillez vous asseoir, Monsieur.

  3   Monsieur Abdullah Ahmic, dans le procès qui est intenté contre

  4   le Colonel Blaskic, le Procureur du Tribunal pénal international vous a

  5   cité.

  6   Je pense que le bureau du Procureur vous a expliqué comment cela

  7   allait se passer. Vous êtes devant des juges qui vont vous écouter, vous

  8   pouvez parler sans haine, vous pouvez parler sans crainte.

  9   A présent, je me tourne vers le Procureur qui va commencer à

 10   vous poser des questions. Lorsque le Procureur aura terminé de vous poser

 11   ses propres questions, on a dû vous le dire aussi, vous aurez à répondre

 12   aux questions qui seront posées par les avocats du Colonel Blaskic.

 13   Au nom du Procureur du Tribunal pénal international, c'est

 14   M. Andrew Cayley qui va procéder à l'interrogatoire. Allez-y, Maître

 15   Cayley.

 16   M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

 17   aborder une question avant de commencer.

 18   Pendant la guerre, M. Ahmic a été très gravement blessé, il a

 19   perdu un peu d'audition dans une oreille, je voudrais que les juges soient

 20   conscients du fait que parfois il aura peut-être des problèmes pour

 21   m'entendre. Si c'est le cas, il me le fera savoir.

 22   Je voulais simplement que vous le sachiez et que le conseil de

 23   la défense en soit conscient également.

 24   M. le Président. - Nous en sommes conscients. Allez-y.

 25   M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur Ahmic.


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Bonjour.

  2   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous pouvez

  3   laisser allumer votre micro. Monsieur Ahmic, vous êtes de nationalité

  4   bosniaque, n'est-ce pas ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  6   M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous êtes de religion

  7   musulmane ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Cayley (interprétation). - Où êtes-vous né ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Je suis né dans le village

 11   d'Ahrmici, municipalité de Vitez, le 29 janvier 1963.

 12   M. Cayley (interprétation). - Quel âge avez-vous, Monsieur

 13   Ahmic ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - J’ai 34 ans.

 15   M. Cayley (interprétation). - Avant la période de la guerre,

 16   avez-vous visité à de nombreuses reprises le territoire de

 17   l'ex-Yougoslavie ? L'avez vous parcouru ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je me suis rendu en Serbie et

 19   en Croatie.

 20   M. Cayley (interprétation). - Très brièvement, pouvez-vous

 21   décrire aux juges la vie que vous aviez à Ahmici et dans la vallée de la

 22   Lasva avant la guerre ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - On peut dire que nous vivions une

 24   vie harmonieuse, il n'y avait pas de problèmes. Nous vivions une vie

 25   normale, comme la vie de tous les autres, de tout le monde.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous maintenant décrire

  2   brièvement les différents groupes ethniques qui vivaient dans cette vallée

  3   de la Lasva ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Il y avait les Bosniens, les

  5   Croates et les Serbes. Les Bosniens et les Croates composaient la majorité

  6   et les Serbes n'étaient qu'une petite minorité. En ce qui concerne la

  7   religion, les Bosniens étaient musulmans, les Croates étaient catholiques,

  8   les

  9   Serbes étaient orthodoxes.

 10   M. Cayley (interprétation). - Dans le village d'Ahmici, d'où

 11   vous venez, quelle était la composition ethnique ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - A Ahmici, il y avait des Bosniens

 13   et des catholiques.

 14   M. Cayley (interprétation). - Avant la guerre, vous souvenez-

 15   vous de problèmes entre les catholiques et les Musulmans à Ahmici ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Non, il n'y avait aucun problème.

 17   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous très brièvement

 18   expliqué aux juges le moment où les problèmes ont commencé à Ahmici entre

 19   les deux différents groupes, c'est-à-dire les Musulmans et les

 20   Catholiques ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je crois que dans notre

 22   municipalité toute entière, les problèmes ont commencé après les élections

 23   multipartites. Je crois que ces élections se sont reflétées en quelque

 24   sorte dans le village d'Ahmici.

 25   M. Cayley (interprétation). - Je sais que juste avant la guerre,


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  1   vous n'aviez plus d'emploi. Mais avant d'être au chômage, où travailliez-

  2   vous ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exact, j'ai travaillé

  4   dans une usine militaire à Vitez pendant un an et demi à deux ans.

  5   M. Cayley (interprétation). - Vous connaissez donc bien les

  6   usines militaires dans la zone de Travnik, de Vitez et dans la vallée de

  7   la Lasva, n'est-ce pas ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je travaillais dans les trois.

  9   En fait, il y avait une usine, mais avec trois sections différentes. J'ai

 10   travaillé dans les trois.

 11   M. Cayley (interprétation). - En avril 1992, qui dirigeait cette

 12   usine ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Les usines étaient gérées

 14   conjointement. Elles étaient gérées à la fois par des Serbes, des

 15   Musulmans et des Croates.

 16   M. Cayley (interprétation). - En avril 1993, est-ce que les

 17   Bosniens travaillaient

 18   encore dans cette usine ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Très peu d'entre eux travaillaient

 20   encore dans ces usines. La plupart d'entre eux ont été mis en attente,

 21   comme on dit, ou plutôt licenciés.

 22   M. Cayley (interprétation). - Ces personnes ont-elles été

 23   exclues des usines et du monde du travail ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, en un sens, effectivement.

 25   M. Cayley (interprétation). - Et en avril 1993, qui dirigeait


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  1   ces usines ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - En avril 1993, les usines étaient

  3   dirigées totalement par les Croates. Ils avaient même amené certains

  4   soldats de l'Herzégovine, disaient-ils, pour surveiller les usines et pour

  5   les garder.

  6   M. Cayley (interprétation). - Connaissez-vous le Conseil croate

  7   de défense ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - C'est une formation militaire du

  9   peuple croate.

 10   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmici, je sais que vous

 11   n'êtes pas expert dans le domaine du HVO, mais pouvez-vous décrire

 12   brièvement aux Juges votre impression du HVO au sein de la municipalité de

 13   Vitez et dans votre village, Ahmici ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Le HVO n'était pas seulement

 15   une formation militaire. C'était en fait l'autorité. Le HVO détenait le

 16   pouvoir et il s'agissait bien plus que d'une formation militaire

 17   seulement.

 18   M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit que le HVO détenait

 19   le pouvoir dans tous les différents domaines de la vie. Qu'est-ce que vous

 20   voulez dire par là ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Il exerçait son influence sur

 22   l'économie, la politique, la vie culturelle et presque... Comment dire ?

 23   C'était une espèce de direction militaire qui entrait dans tous les

 24   différents domaines de la vie.

 25   M. Cayley (interprétation). - Merci. En 1992, jusqu'en


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  1   avril 1993, y avait-il des unités organisées de l'armée bosniaque qui

  2   étaient stationnées à Ahmici ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - On ne pouvait pas véritablement

  4   parler d'armée. Il y avait la Défense territoriale qui était à l'époque en

  5   train d'être constituée, mais il s'agissait plus d'une protection civile.

  6   M. Cayley (interprétation). - Donc, il n'y avait pas d'armée

  7   bosniaque à Ahmici au moment où vous y étiez ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Non, on ne peut pas dire cela.

  9   M. Cayley (interprétation). - Etiez-vous membre de la Défense

 10   territoriale à Ahmici ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Cayley (interprétation). - Et quelles étaient les fonctions

 13   de cette Défense territoriale ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Ces fonctions étaient exclusivement

 15   d'organiser des tournées de surveillance la nuit et de protéger les biens

 16   des personne, au cas où des incidents inattendus se produiraient, comme

 17   des incendies de maison par exemple.

 18   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que tous les membres de la

 19   Défense territoriale portaient des armes ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 21   M. Cayley (interprétation). - A votre avis, combien de membres

 22   portaient des armes ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - A mon avis, seulement un tiers des

 24   membres portaient une arme.

 25   M. Cayley (interprétation). - Les Croates, dans votre village,


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  1   sont ils devenus membres de la Défense territoriale ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Non.

  3   M. Cayley (interprétation). - Et de quoi sont-ils devenus

  4   membres ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Ils avaient le HVO. Ils sont

  6   devenus membres de l'armée du HVO.

  7   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmici, nous continuons

  8   un peu. Avant la guerre, avec qui viviez-vous dans le village d'Ahmici ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Je vivais avec mon père, ma mère,

 10   mes trois soeurs et un frère.

 11   M. Cayley (interprétation). - Et le nom de votre père était

 12   Ilija, n'est-ce pas ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 14   M. Cayley (interprétation). - Et en 1993, il avait 57 ans,

 15   n'est-ce pas ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 17   M. Cayley (interprétation). - Et votre mère s'appelait Latifa ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   M. Cayley (interprétation). - Et en 1993, elle avait 49 ans,

 20   n'est-ce pas ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 22   M. Cayley (interprétation). - Et votre frère s'appelait Muris ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   M. Cayley (interprétation). - Et en 1993, il avait 27 ans.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Et vos soeurs avaient : Smaila,

  2   24 ans, Sabira, 23 et Alma, 16. C'était l'âge qu'elles avaient en 1993,

  3   n'est-ce pas ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Cayley (interprétation). - Merci. Parlons rapidement des

  6   événements qui se sont produits à Ahmici en octobre 1992. Ai-je raison de

  7   dire que le village a érigé une barricade ou une barrière sur la route qui

  8   reliait Busovaca et Vitez le 19 octobre ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est exact.

 10   M. Cayley (interprétation). - Pourquoi cette barrière a-t-elle

 11   été érigée ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, nous avons eu des

 13   informations selon lesquelles les Croates étaient mobilisés à Busovaca,

 14   Kiseljak, Krcevo (?) parce qu'un conflit s'était déclaré à Novi Travnik et

 15   qu'ils avaient mobilisé de nombreuses forces et ils voulaient transférer

 16   ces forces à Novi Travnik. C'est pour cela que nous avons érigé cette

 17   barrière afin d'empêcher qu'ils arrivent dans notre village.

 18   M. Cayley (interprétation). - Y avait-il une usine qui

 19   intéressait les Croates à Novi Travnik ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui, les combats avaient pour objet

 21   une usine militaire. Je pense que c'est pour cela que les conflits ont

 22   débuté.

 23   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que le HVO vous a ordonné

 24   d'enlever cette barrière ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui.


Page 3694

  1   M. Cayley (interprétation). - Que s’est-il passé tôt le matin du

  2   20 octobre 1992 ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - A 6 heures 30 environ, ils ont

  4   commencé à tirer sur nos hommes, à la barrière. Nos hommes ont essayé de

  5   s'abriter et à 7 heures, ils ont touché avec un canon sans recul le

  6   minaret de la mosquée et à 8 heures environ, une attaque d'infanterie a

  7   débuté contre nos maisons. Les maisons ont été touchées par des balles

  8   incendiaires et des projectiles incendiaires, ainsi que nos écuries.

  9   M. Cayley (interprétation). - Et je crois que vous avez retiré

 10   la barrière, peut-être pas vous personnellement, mais des personnes

 11   habitant dans ce village ce matin-là, n'est-ce pas ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Le barrage n'existait déjà

 13   plus à 6 heures 30.

 14   M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que les

 15   femmes et les enfants qui habitaient près de la route ont été évacués vers

 16   la partie supérieure du village ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 18   M. Cayley (interprétation). - Et je crois que vous avez

 19   participé à cette évacuation, n'est-ce pas ?

 20   M. Ahmici (interprétation). - Oui.

 21   M. Cayley (interprétation). - Combien de civils ont été évacués

 22   du village à ce moment-là ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Je peux parler pourcentage, je peux

 24   dire que 80 % du village ont été évacués.

 25   M. Cayley (interprétation). - De la population musulmane du


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  1   village ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  3   M. Cayley (interprétation). - S'agissait-il principalement de

  4   femmes et d'enfants, ou d'hommes également ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - La plupart était des femmes, des

  6   enfants et des personnes âgées.

  7   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous pu observer des dégâts

  8   sur les biens et les maisons ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Ils ont mis le feu à quatre

 10   maisons, à dix écuries et à d'autres bâtiments plus petits et ils ont fait

 11   beaucoup de dégâts à certaines maisons.

 12   M. Cayley (interprétation). - Vous rappelez-vous du nom des

 13   propriétaires des maisons et des différents biens qui ont été détruits, et

 14   ce qui a été détruit pour chacun d'entre eux ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Mehmed Ahmic avait une maison à

 16   Aoudine Pjanic, elle a été incendiée. La maison Sakib Pezer a été touchée

 17   ainsi que celle de Sefik Pezer.

 18   En ce qui concerne les écuries, il y avait Alija Ahmic, mon

 19   père, c'est son écurie qui a été incendiée la première. Ensuite, il y a eu

 20   Sulejman Ahmic, son écurie a également été mise à feu, Hidajet Bilic,

 21   Sefik Pezer, Kasim Ahmic. Toutes ces écuries ont été brûlées...

 22   M. Cayley (interprétation). - Que s’est-il passé ? Oh, pardon !

 23   Veuillez poursuivre...

 24   M. Ahmic (interprétation). - Je crois que l'écurie de

 25   Hajrudin Pjanic a également été détruite.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Que s’est-il passé et qu'est-il

  2   advenu du bétail qui était dans l'écurie de votre père ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Mon frère, Muris, les a laissés

  4   sortir. Ils étaient libres dans la cour et sous les balles, il a quand

  5   même réussi à les faire sortir afin que le bétail ne meure pas.

  6   M. Cayley (interprétation). - Quelqu'un a-t-il été tué durant

  7   cette attaque contre le village ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui, Halid Pezer qui était mineur.

  9   Il a été tué par un tireur isolé. Le tireur isolé tirait de la maison de

 10   Ivo Papic. Une balle est passée juste à côté de ma tête également ; c'est

 11   la balle qui a touché Halid Pezer droit dans le coeur. Dragan Papic était

 12   le fils de Ivo Papic. Il avait souvent cette arme. Cela, c'était avant la

 13   guerre.

 14   M. Cayley (interprétation). - Quel âge avait Halid Pezer ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je crois qu'il avait 15ou 16 ans.

 16   M. Cayley (interprétation). - Quand l'attaque sur le village et

 17   provenant du HVO a-t-elle cessé ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Juste avant que la nuit tombe, le

 19   19 octobre.

 20   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que des négociations ont eu

 21   lieu avec les représentants locaux du HVO à partir de ce moment-là ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y a eu des pourparlers et

 23   les nôtres, eux, demandaient qu'on leur remette toutes nos armes. Le

 24   hameau de Zume a remis ces armes. Là-bas, ils étaient mélangés avec les

 25   Croates. Donc, ils ont tous été dans l'obligation de remettre


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  1   leurs armes et on leur a demandé aussi, dans la partie haute du

  2   village, de remettre les armes. Les nôtres, là-bas, n'ont pas accepté,

  3   mais ils ont quand même rendu quatre fusils.

  4   M. Cayley (interprétation). - Quand vous dites : "Ils ont

  5   demandé que vous rendiez vos armes", à qui faites-vous référence ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Au HVO.

  7   M. Cayley (interprétation). - Les quatre armes qui ont été

  8   rendues et dont vous avez parlé, à qui appartenaient-elles ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Ces fusils avaient appartenu aux

 10   policiers militaires qui ont été désarmés sur le barrage le 19 octobre.

 11   M. Cayley (interprétation). - Et il s'agissait des policiers

 12   militaires du HVO ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 14   M. Cayley (interprétation). - Les soldats du HVO restaient-ils

 15   dans la maison à côté de la route après la fin de l'attaque ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Ils sont restés là pendant une

 17   dizaine de jours, je pense.

 18   M. Cayley (interprétation). - Les civils qui s'étaient échappés

 19   du village, quand sont-ils rentrés à Ahmici ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Ils revenaient petit à petit et

 21   cela a duré environ un mois. Ma famille a été la dernière à regagner son

 22   foyer un mois plus tard.

 23   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous décrire quelle était

 24   l'atmosphère qui régnait dans le village entre le mois d'octobre 1992 et

 25   le 16 avril 1993 ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Il y avait beaucoup de tensions. Je

  2   peux dire qu'il s'agissait d'une zone d'occupation. Souvent, il y avait

  3   des provocations sous forme de coups de feu, d'explosions, des menaces

  4   proférées par certaines personnes.

  5   M. Cayley (interprétation). - Qui était responsable de ces coups

  6   de feu, de ces

  7   explosions, de ces menaces dans le village ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - C'étaient les Croates.

  9   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous nous donner un exemple

 10   précis du genre de comportement que l'on constatait dans le village à ce

 11   moment-là ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je le peux. A Zume, une

 13   agglomération qui se trouve à côté de la route principale, ils ont fait

 14   sauter un véhicule et ils ont utilisé beaucoup d'explosifs dans cette

 15   action. Je vais donner un autre exemple : nous avons eu notre fête du

 16   Ramadan, nous nous sommes rendus à la prière et, alors que les gens

 17   revenaient de la prière, près de la maison de Mirko Vidovic, il y a eu une

 18   explosion horrible. Cela s'est produit tout près de ce groupe de

 19   personnes. C’est ainsi qu’ils intimidaient la population.

 20   Ensuite, il y a eu sans arrêt des provocations sous forme de

 21   tirs de feu d'armes d'infanterie.

 22   M. Cayley (interprétation). - Pendant cette période, en soirée,

 23   est-ce que vous aviez toute liberté de circulation dans le village ?

 24   M. Ahmic (interprétation). -  Non, non. Ils ne nous permettaient

 25   pas de porter les armes. Ils ont instauré le couvre-feu ; après 10 heures,


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  1   nous ne pouvions pas sortir. Ils avaient le contrôle des lignes de

  2   communication entre Vitez et Busovaca, donc il nous était difficile de

  3   nous déplacer.

  4   M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous dites qu'ils étaient

  5   les maîtres des lignes de communication, à qui faites-vous référence ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Au HVO, parce que c'est eux qui

  7   avaient leurs barricades, leurs points de contrôle à plusieurs endroits.

  8   M. Cayley (interprétation). -  Mais quand vous parlez des

  9   communications , vous parlez de la route entre Busovaca et Vitez ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Oui, tout à fait.

 11   M. Cayley (interprétation). -  Sur la base de vos observations

 12   personnelles, y a-t-il eu le moindre changement au sein du HVO entre le

 13   mois d'octobre 1992 et le mois d'avril 1993 ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y a eu beaucoup de

 15   changements. Ils s'armaient de manière intense. Ils faisaient venir des

 16   renforts sous forme de troupes de la région d'Herzégovine, et puis, il y

 17   avait beaucoup d'équipements militaires qui arrivaient dans leurs maisons.

 18   Nous avons pu remarquer cela.

 19   M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur Ahmic. Maintenant,

 20   nous allons passer à la journée du 16 avril 1993. Mais avant cela,

 21   j'aimerais placer devant vous la pièce à conviction 115.

 22   (Le document est placé sur le r étroprojecteur.)

 23   Si vous vous rappelez ce moment où vous et moi avons parlé

 24   ensemble avant votre témoignage, vous avez inscrit un certain nombre de

 25   signes distinctifs sur une photographie aérienne, n'est-ce pas ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Cayley (interprétation). - Et j'ai fait en sorte que ces

  3   signes distinctifs soient transférés sur ce film transparent par le biais

  4   d'une image informatique.

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  6   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vérifié les marques

  7   inscrites sur cette photographie ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Cayley (interprétation). - Etes-vous satisfait des différents

 10   cercles et des différentes marques apposés sur cette photographie

 11   aérienne ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Tout à fait, oui.

 13   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous dire à la Chambre ce

 14   dont vous vous

 15   rappelez des événements du matin du 16 avril 1993 ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Vers 5 h 30, nous avons été

 17   réveillés par des tirs d'artillerie. Donja Selo, près de la route, a été

 18   attaquée et aussi Sreje Selo (?). Nous étions dans la maison, mon père ma

 19   mère, mes trois soeurs et mon frère était dans la cave. C'est là qu'il

 20   dormait.

 21   Ce que j'ai remarqué tout de suite, c'est que la maison à

 22   Grabovi de Sukridja Ahmic était incendiée. Ensuite, j'ai regardé par la

 23   fenêtre. En fait, même avant, j'ai appelé mon frère pour le consulter,

 24   pour savoir ce qu'il fallait faire et il m'a dit : "C'est impossible de

 25   faire quoi que ce soit parce que la maison est encerclée".


Page 3701

  1   Ensuite, j'ai regardé par la fenêtre. J'ai vu des soldats à deux

  2   endroits...

  3   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez vous

  4   attendre un instant, il n'y a pas d'image sur l'écran.

  5   M. Ahmic (interprétation). - Est-ce que vous voyez l'image

  6   maintenant ?

  7   M. Cayley (interprétation). - Pas encore. Je vous demande un

  8   instant.

  9   Monsieur le Président, je crois que chacune des personnes qui en

 10   a besoin a une copie de cette photographie sous les yeux, donc si vous le

 11   permettez, nous pourrions poursuivre.

 12   M. le Président. - Je crois que ce serait plus simple, Maître

 13   Cayley, je suis d'accord avec vous.

 14   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous informer la Chambre

 15   de l'endroit où se trouvait votre maison, la maison de votre famille ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Ma maison était à l'endroit

 17   marquée "1". Est-ce que je peux continuer ?

 18   M. Cayley (interprétation). - Je vous en prie.

 19   M. Ahmic (interprétation). -  Ensuite, j'ai regardé par la

 20   fenêtre de ma maison. J'ai

 21   vu des soldats. Il y avait cinq ou six soldats près de la maison

 22   de Fahrudin Ahmic, aux endroits marqués "2" et "3", la maison de

 23   Hajro Ahmic. Il y avait aussi quatre ou cinq soldats là-bas.

 24   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce que

 25   faisaient les soldats qui étaient autour de la maison de Fahrudin Ahmic ?


Page 3702

  1   M. Ahmic (interprétation). - Autour de la maison de Fahrudina,

  2   j'ai vu qu'il y avait un soldat avec un jerrican rempli d'essence et il

  3   mettait le feu à la maison. En ce qui concerne l'autre maison, il n'y

  4   mettait pas le feu, mais il se promenait autour de cette maison.

  5   M. Cayley (interprétation). - Vous dites que le soldat portait

  6   une boîte d'essence. Vous voulez dire un bidon d'essence ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  8   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous les avez vu verser

  9   de l'essence dans la maison de Fahrudin ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai vu cela.

 11   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous avez reconnu l'un

 12   quelconque des soldats qui se trouvaient autour de la maison de Fahrudin ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui. J'en ai reconnu un de Nadioci.

 14   C'était un jeune homme d'âge moyen. Je le voyais souvent à la plage à

 15   Nadioci. Souvent, il jouait de l'accordéon là-bas. Mais je ne connaissais

 16   pas son nom. Je l'ai vu là.

 17   M. Cayley (interprétation). - Est-ce qu'à certains moments, vous

 18   avez pu voir ce qui se passait dans le centre d'Ahmici à ce moment-là ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - La partie centrale du village avait

 20   des maisons qui étaient déjà mises à feu. Il s'agissait de la maison,

 21   comme je l'ai dit tout à l'heure, de Sukrija Ahmic et probablement de

 22   Sakib Ahmic aussi. C'est dans l'agglomération de Grabovi.

 23   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous avez vu du trafic

 24   sur la route

 25   principale à ce moment-là ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui. J'ai remarqué un convoi.

  2   C'était un convoi de l'ONU, les véhicules passaient dans cette direction-

  3   là à ce moment-là.

  4   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce qui

  5   s'est passé ensuite ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Après que j'ai regardé ce qui se

  7   passait, j'ai pu entendre la voix d'un homme disant rapidement : "Ne

  8   restez pas près de la maison de Fahrudin, dépêchez-vous vers cette maison-

  9   ci", et il parlait de notre maison à nous. Ensuite, j'ai entendu une

 10   explosion de grenades et, peu après, deux balles tirées d'une arme

 11   d'infanterie. Seulement trois ou quatre minutes plus tard, la porte de

 12   notre maison a été pratiquement couverte de tirs d'armes. Nous étions dans

 13   la cuisine, donc nous n'avons pas été atteints, mais la porte a été

 14   complètement pleine de trous à cause de ces tirs d'armes. Ensuite, ils se

 15   sont mis à frapper en disant qu'il fallait que nous ouvrions la porte. Moi

 16   j'ai dit : "Ne frappez pas, nous allons ouvrir", donc nous avons ouvert la

 17   porte. Nous avons pu voir deux soldats. Ils avaient le visage couvert de

 18   plusieurs couleurs. Ils portaient des uniformes avec des gilets pare-

 19   balles et des armes automatiques.

 20   La première question qu'ils nous ont posée a été de savoir si

 21   nous avions des armes. Je vais vous décrire à quoi ressemblaient ces deux

 22   soldats.

 23   L'un était grand d’environ 1,90 mètre, il était blond, il avait

 24   une coupe "à la punk" et l'autre était un peu plus petit, il avait des

 25   cheveux bruns un peu plus longs. Celui qui était grand était assez brutal


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  1   dans son comportement, alors que l'autre était un peu plus calme.

  2   Ensuite, le grand a ordonné, à moi et à mon père, de sortir de

  3   la maison, de sortir dans la cour, et il a ordonné à l'autre soldat de

  4   nous garder. Ma mère et mes soeurs sont restées à l'intérieur. Elles

  5   regardaient tout cela sans dire un mot. Lui, il est entré dans la maison

  6   pour la fouiller et ensuite, après avoir fouillé la maison, il est rentré

  7   là où on était et c'est là que j'ai vu le

  8   convoi de l'ONU qui passait par la route qui va à Busovaca.

  9   Quand ce soldat est sorti de la maison, il a dit au soldat plus

 10   jeune : "Il faut que tu exécutes l'ordre". Le jeune a dit : "Non". Il lui

 11   a encore répété deux fois la même chose ; l'autre a encore deux fois dit :

 12   "Non, je ne peux pas exécuter l’ordre".

 13   C’est alors que le plus grand a dit : "Bon d'accord, c'est moi

 14   qui vais exécuter l'ordre, mais tu vas voir". Il l'a dit d'une manière

 15   menaçante. Alors il a ordonné à mon père et à moi de nous mettre du côté

 16   Sud de notre maison. Il a ordonné au jeune soldat de garder ma mère et mes

 17   soeurs.

 18   A ce moment-là, en arrivant au Sud de notre maison, nous avons

 19   vu mon frère Muris mort. Il était allongé par terre.

 20   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, est-ce que je peux

 21   vous interrompre un instant ? Je demande que l'on montre au témoin la

 22   pièce à conviction 116/1 .

 23   Monsieur l'huissier, est-ce que vous pourriez sortir la

 24   photographie de son étui en plastique et placer la première photographie

 25   sur le rétroprojecteur ?


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  1   Monsieur Ahmic, qui est représenté sur cette photographie ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - C'est mon frère Muris qui a été

  3   tué. Celui dont j'ai parlé tout à l'heure.

  4   M. Cayley (interprétation). - Quel âge avait-il au moment où il

  5   a été tué ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - 27ans.

  7   M. Cayley (interprétation). - Je crois savoir que c'est la seule

  8   photographie que vous possédez de votre frère, mais elle a été prise un

  9   certain nombre d'années avant 1993 ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Oui, cette photo a été prise quand

 11   il a terminé le lycée.

 12   M. Cayley (interprétation). - Veuillez poursuivre. Monsieur

 13   l'Huissier, est-ce que vous pourriez replacer la pièce à conviction

 14   précédente sur le rétroprojecteur, nous n'en avons pas encore fini avec

 15   elle.

 16   M. Ahmic (interprétation). - Quand nous sommes arrivés à

 17   l'endroit où mon frère était mort, le grand soldat a ordonné à mon père de

 18   faire deux pas en avant. Mon père a eu du mal à le faire. Ensuite, il est

 19   allé à un mètre de distance de mon père et lui a tiré une balle dans sa

 20   tempe. Mon père est tombé tout de suite. A mon avis, il est mort sur le

 21   coup.

 22   Ensuite, il m'a dit de faire deux pas en avant. Je l'ai fait. Il

 23   était sur ma gauche, à un mètre de moi. Il a tiré une balle. La balle est

 24   entrée par ici et elle est sortie par ici. Là, il s'est retourné et il a

 25   regagné la cour.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, je peux vous

  2   interrompre car ceci est important. Est-ce que vous pourriez, je vous

  3   prie, indiquer aux Juges à quel endroit la balle a pénétré votre tête et à

  4   quel endroit elle est sortie ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Voilà, c’est ici. Peut-être pouvez-

  6   vous voir. C'est ici que la balle est entrée et c'est à peu près ici

  7   qu'elle est sortie. Il y a une cicatrice là.

  8   M. Cayley (interprétation). - Donc la balle est entrée par votre

  9   tempe droite et est sortie au niveau de votre joue droite.

 10   M. Ahmic (interprétation). - La tempe gauche et elle est sortie

 11   par la joue droite.

 12   M. Cayley (interprétation). - Et elle a traversé votre palais

 13   souple ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Elle est passée par ma tête.

 15   M. Cayley (interprétation). - C'est pourquoi vous avez survécu ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Probablement, il n'a pas bien visé.

 17   M. Cayley (interprétation). - Poursuivez, je vous prie.

 18   M. Ahmic (interprétation). - Il s'est retourné. Moi, je suis

 19   resté debout pendant un petit instant. J'ai constaté que j'étais toujours

 20   vivant, mais j'ai fait semblant de tomber mort. Lui s'est retourné. Il ne

 21   comprenait pas trop bien. Il voulait voir. Mais quand il a vu que j'étais

 22   tombé, il a regagné la cour où nous étions auparavant.

 23   Je suis resté allongé par terre pendant encore quelques moments.

 24   Après une ou deux

 25   minutes, j'ai levé la tête, j'ai regardé pour voir s'il y avait


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  1   des soldats autour. Je n'ai remarqué personne. Je suis passé du côté Ouest

  2   de ma maison où il y a une vallée. J'ai couru vers la route principale.

  3   C'est la direction 7 que l'on voit ici. Je suis arrivé à l'endroit

  4   marqué "4".

  5   Je suis arrivé à la route. Il n'y avait pas de voiture qui

  6   passait. Je suis resté assis là pendant environ trois ou quatre minutes. A

  7   ce moment-là, j'ai vu des soldats qui allaient dans la direction

  8   marquée "5", là où il y a les trois flèches. Près de là, il y avait un

  9   petit pont avec un petit cours d’eau en-dessous. Je suis entré dans ce

 10   canal. J’avais de l'eau jusqu'à mes genoux à peu près.

 11   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vais vous

 12   interrompre. Vous dites que vous êtes entré dans un petit canal. Est-ce

 13   que vous pourriez indiquer sur la photographie où se trouve ce petit canal

 14   que l'on devrait sans doute appeler une canalisation ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - C'est l'endroit marqué "4".

 16   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous pourriez d'écrire

 17   aux juges cet espace que vous avez occupé ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je suis entré du côté Nord. Je

 19   voyais les soldats passer ici, ils allaient dans la direction marquée par

 20   les flèches. Avant d'avoir vu les premiers soldats, j'ai vu des maisons

 21   incendiées. J'étais ici et je regardais le groupe d’environ 30 à

 22   40 soldats. C'était la dimension d'un peloton. Ils se déployaient selon

 23   les flèches. Le premier qui est venu c'était Safradin Ivica surnommé

 24   "Cico" Je l'ai reconnu. J'avais travaillé avec lui dans la Société Machina

 25   Crna (?) à Vitez. Il était chargé de la police militaire.


Page 3708

  1   Autour de lui, il y avait encore quatre ou cinq personnes avec

  2   des insignes de la police militaire. Là, il y avait aussi des gens qui

  3   portaient des vêtements civils, mais aussi des armes. Dans ce groupe de

  4   soldats qui arrivaient, j'ai aussi reconnu Dragan Santic, du village de

  5   Rovna. C'était un garagiste. J'ai reconnu aussi Santic Nicita ou

  6   Ivica Santic.

  7   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous décrire les uniformes

  8   des policiers

  9   militaires que vous avez vus ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Ils avaient des ceinturons blancs

 11   et des insignes blancs à l’épaule. En ce qui concerne les insignes, j'ai

 12   pu reconnaître aussi l'insigne de l'unité de lutte spéciale. J'ai aussi

 13   reconnu, je crois que c'était  Nikica ou Ivica Santic. Il était originaire

 14   de Mahala, de Nadioci. Il travaillait à Zenica. Il avait une moustache.

 15   J'ai reconnu aussi Brazo Totic de Vitez qui travaillait dans la

 16   société Machina Crnja (?) à Vitez où j'avais travaillé auparavant.

 17   J'ai reconnu aussi le fils de Yoze Matkovic de Salariekje (?).

 18   J'ai reconnu le frère de Dragan Matkovic qui allait à l'école avec moi et

 19   aussi Mato Krizanac, du village de Matkovic.

 20   J'ai reconnu plusieurs autres personnes, les gens qui étaient

 21   dans ce groupe-là étaient soit de Vitez, soit des alentours de Vitez.

 22   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vais vous

 23   interrompre un instant. Est-ce que nous pouvons confirmer que la flèche

 24   qui correspond au n° 5 sur la photographie indique le mouvement de ces

 25   trente à quarante soldats que vous avez vu arriver de Zume ?


Page 3709

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui. La flèche montre la direction

  2   de leur déploiement.

  3   M. Cayley (interprétation). - Combien de policiers militaires se

  4   trouvaient parmi eux ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Là, il y avait cinq à six policiers

  6   militaires. Les autres avaient des uniformes de soldats. J’ai dit qu'il y

  7   avait six ou sept autres personnes qui portaient des armes et qui avaient

  8   des vêtements civils. Je pense que Blazo Totic était en civil.

  9   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu des emblèmes sur

 10   l'uniforme ou les vêtements de ces soldats qui auraient pu indiquer à

 11   quelle unité ils appartenaient ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je vous ai dit que j'ai remarqué

 13   sur l'un d'entre eux l'inscription "unité de lutte spéciale". Il y avait

 14   aussi le drapeau à damier, le symbole du drapeau

 15   à damier. J’ai pu voir qu’Ivica Safradin était à la tête du

 16   groupe. C'est lui qui leur disait où il fallait se déployer.

 17   M. Cayley (interprétation). - Vous avez vu le drapeau avec

 18   l'échiquier rouge et blanc ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui, ce qui indique qu'il

 20   s'agissait des soldats Croates.

 21   M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

 22   que c'est un moment opportun pour suspendre l'audience, si vous le

 23   souhaitez. Nous pourrions poursuivre cet après-midi.

 24   M. le Président. - C'est vous qui connaissez effectivement le

 25   mieux le moment opportun. Nous suspendons l’audience jusqu'à 14 heures 30.


Page 3710

  1   L'audience reprendra à 14 heures 30.

  2   Suspendue à 13 h 00, l'audience est reprise à 14 h 30.

  3   M. le Président. - L'audience est reprise. Monsieur l'Huissier,

  4   faites entrer l'accusé.

  5   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

  6   Avant l'arrivée du témoin, je voudrais signaler qu'en vue de la

  7   préparation de la cérémonie de lundi prochain, au cours de laquelle nos

  8   nouveaux collègues seront amenés à prêter serment, nous serons amenés à

  9   nous interrompre de 4 à 5 heures. Nous reprendrons à 5 heures jusqu'à

 10   6 heures vraisemblablement, sauf si les interprètes sont au bout du

 11   rouleau ; à ce moment-là, nous interromprons plus tôt. Nous verrons cela

 12   sur le moment. Nous jaugerons leur capacité à tenir. Nous ne leur

 13   demanderons pas de suppléer à l'absence des juges.

 14   Je vois les deux conseils debout, ce qui est une faveur

 15   particulière pour le Tribunal. Le Tribunal est assis. Peut-être Me Hayman

 16   veut-il intervenir ?

 17   M. Hayman (interprétation). - Si je puis, Monsieur le Président,

 18   Maître Cayley, je

 19   peux ? Excusez-moi d'interrompre, je ne vais pas prendre un

 20   temps considérable dans ces débats, mais il y a une question, me semble-t-

 21   il, qu'il convient de placer au compte rendu d'audience.

 22   Je demanderai l'aide de l'huissier pour que ce document soit

 23   placé sur le rétroprojecteur. Il fait partie de la réplique du Colonel

 24   hier.

 25   M. le Président. - Je ne savais pas dans quel cadre cela se


Page 3711

  1   situait. C'est par rapport au témoignage du Colonel ?

  2   M. Hayman (interprétation). - Du Colonel Brian Watters. Je ne

  3   demande aucune mesure particulière pour le moment. Je ne demande pas de

  4   réponse ou d'explication de l'accusation. Nous avons l'intention de

  5   rédiger un mémoire écrit sur cet incident, mais je tenais à soulever le

  6   problème le plus rapidement possible car nous considérons qu'il est très

  7   important.

  8   Le Tribunal se souvient peut-être qu'au cours de la réplique, un

  9   témoignage a été fourni au sujet de l'offre de cessez-le-feu présentée par

 10   le Colonel Blaskic le 18 avril 1993. Cette offre a été caractérisée par le

 11   Colonel Watters comme une tentative naïve et manifeste de saisir des

 12   territoires nouveaux, une offre qui n'a jamais été reçue par l'armée de

 13   Bosnie-Herzégovine selon le Colonel Watters.

 14   Depuis la conclusion de ce droit de réplique... Peut-on placer

 15   le document sur le rétroprojecteur de façon qu'il y ait une traduction à

 16   vue de la page en question ?

 17   M. le Président. - Je me pose une question. Je vous interromps à

 18   dessein avant que nous nous engagions dans une voie erronée. Je vois que

 19   Me Kehoe va prendre la place qui lui était assignée à l'occasion de ce

 20   témoignage.

 21   Dois-je comprendre que vous voulez soulever ce problème d'une

 22   réplique à la réplique ? Vous savez que, normalement, il n'y a pour

 23   l'instant que l'accusation qui réplique à votre contre-interrogatoire.

 24   Si je comprends bien, vous êtes en train -et avant de s'y

 25   engager plus avant, je


Page 3712

  1   voudrais que nous soyons bien au clair- de nous donner

  2   communication d'un document qui peut être interprété sur le plan de la

  3   méthode, de la procédure, comme étant un droit de réplique à la réplique,

  4   ce qui est quand même nouveau, et ce serait la première fois.

  5   Pouvez-vous, avant même que nous regardions le document, nous

  6   donner deux mots d'explication sur le principe ? Ce serait bien la

  7   première fois, si c'était dans vos intentions, que le Tribunal accepterait

  8   le cross examination, ensuite le droit de réplique et encore un droit -je

  9   ne sais plus comment l'appeler- peut-être de "supplique" pourrait-on dire

 10   en français.

 11   M. Hayman (interprétation). - "Duplique" serait sans doute le

 12   terme, Monsieur le Président. Nous ne connaissons pas la solution la plus

 13   appropriée à ce problème, mais je demande que les choses soient versées au

 14   compte rendu aujourd'hui pour que tout soit clair.

 15   Ce dont nous avons entendu parler est une violation très grave

 16   des obligations incombant à l'accusation en vertu de l'Article 68, à

 17   savoir que lorsque l'accusation entend le témoignage, il est prévu à

 18   l'Article 68 que toute information à décharge ou toute information

 19   susceptible d'affecter la crédibilité d'un témoin doit être communiquée à

 20   la défense.

 21   Pendant que l'accusation s'occupait du témoignage du

 22   Colonel Watters quant au fait que le Colonel Blaskic aurait été engagé

 23   dans une annexion de territoire naïve et n'aurait jamais accepté de bonne

 24   foi un cessez-le-feu, et qu'il n'y avait donc aucune raison que le

 25   Colonel Blaskic se plaigne ensuite de violation à ce cessez-le-feu


Page 3713

  1   -c'était sans doute, d'après le témoin, la seule raison pour laquelle ce

  2   cessez-le-feu avait été proposé-, nous avons appris ensuite que

  3   l'accusation était en possession d'une information militaire du

  4   18 avril 1993 qui a été expurgée par rapport à la version fournie à la

  5   défense et qui stipule clairement, je cite le premier paragraphe entier,

  6   dernière phrase, je pense que vous l'avez en évidence sur certains de vos

  7   exemplaires : "L'officier commandant du 1er Régiment de Chershire s'est

  8   mis d'accord avec l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO que le cessez-

  9   le-feu national signé par Boban et Izetbegovic prendrait effet à partir de

 10   23 h 59 ce soir".

 11   Je peux vous le montrer. C'est un passage qui a été expurgé de

 12   l'information militaire du 18 avril 1993 que nous avons reçu de

 13   l'accusation. Nous n'y avons eu accès que par nos sources confidentielles.

 14   Je remercie Dieu que cela ait été le cas. C'est une information

 15   à décharge et nous aurions dû posséder cette information depuis très

 16   longtemps puisque le Colonel Watters a témoigné du contraire. Il a dit

 17   qu'il n'y avait pas de cessez-le-feu et il a blâmé le Colonel Blaskic pour

 18   les actions qu'il a entreprises à l'époque.

 19   Je tiens à ce que cela soit versé au compte rendu d'audience.

 20   Nous allons déposer un mémoire à ce sujet lundi ou mardi. Nous ne

 21   connaissons pas d'emblée la solution à ce problème, mais j'avais le

 22   sentiment d'être tenu de soulever ce problème.

 23   Je vous remercie de votre attention.

 24   M. le Président. - Maître Hayman, d'abord je ne vous blâme pas

 25   du tout d'avoir demandé la parole. Quand les questions sont graves,


Page 3714

  1   qu'elles émanent de l'accusation ou de la défense, je trouve cela tout à

  2   fait légitime. Le débat ne doit pas être figé entre nous, il doit toujours

  3   être vivant.

  4   Je regrette parfois que dans la procédure que nous sommes

  5   chargés d'appliquer, le débat soit parfois trop cloisonné. Vous savez

  6   qu''en ce qui me concerne, ce n'est pas mon système juridique. Je ne vous

  7   blâme pas du tout.

  8   Je vous demande, deuxièmement, de déposer un mémoire sur la

  9   question, comme vous en avez manifesté l'intention, avec les éléments de

 10   preuve que vous pouvez apporter à ce problème-là. Mais il est juste aussi

 11   que je demande maintenant à Me Kehoe des explications, même partielles,

 12   quitte à ce que Me Kehoe lui-même ou Me Harmon réponde également par un

 13   mémoire écrit.

 14   Maître Kehoe, je me tourne vers vous. Les accusations lancées

 15   par Me Hayman sont graves. Je vous rappelle que l'article 68 dit, dans sa

 16   version française, que : "Le Procureur

 17   informe la défense aussitôt que possible de l'existence

 18   d'éléments de preuves dont il a connaissance qui sont de nature à

 19   disculper en tout ou en partie l'accusé ou qui pourraient porter atteinte

 20   à la crédibilité des moyens de preuve à charge".

 21   Nous sommes tous bien conscients ici, nous qui sommes des

 22   professionnels, qu'évidemment un document peut être ambiguë. Il n'est pas

 23   possible parfois pour l'accusation de savoir à l'avance si le document

 24   sera à décharge. Il y a des documents qui sont manifestement à décharge

 25   d'un accusé. Il y en a qui sont plus subtilement à décharge. Mais je crois


Page 3715

  1   que le point qui est soulevé ici est de nature un peu différente. Il

  2   semblerait que dans le document que vous avez fourni à la défense, on

  3   n'ait pas donné le document dans son intégralité.

  4   Encore une fois, vous n'êtes pas en position d'accusé, tout au

  5   moins pas par le Tribunal. Vous aurez l'occasion de répondre par écrit

  6   s'il le faut. Puisque la question se présente de façon interruptive et

  7   impromptue, avez-vous au moins quelques explications à fournir tout de

  8   suite avant que nous lisions les mémoires que déposera Me Hayman et vous-

  9   même, ou préférez-vous réfléchir ?

 10   M. Kehoe (interprétation). - Je pourrai remplir les blancs

 11   laissés par mon collègue lorsqu'il a pris la parole à l'instant. Ces

 12   blancs ont à voir avec le fait que l'accusation a effectivement donné un

 13   certain nombre de documents à la défense. Si nous regardons ce bas de page

 14   auquel mon collègue a fait référence, nous voyons une annexe qui est le

 15   texte du cessez-le-feu lui-même qui a été versé au dossier par le conseil

 16   de la défense.

 17   En tant qu'élément de preuve à décharge, voilà ce que

 18   l'accusation, le bureau du Procureur, a donné à la défense.

 19   Ce cessez-le-feu du 18 avril signé par Blaskic n'a pas fait

 20   l'objet de l'interrogatoire principal. Ce sujet particulier a été soulevé

 21   au moment du contre-interrogatoire.

 22   Le conseil de la partie adverse a demandé au Colonel Watters ce

 23   qu'il pensait de cet accord de cessez-le-feu particulier. Le témoin n'y a

 24   pas accordé une grande importance puisqu'il

 25   n'avait pas fait l'objet de négociations ni dans le cadre du


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  1   bataillon britannique ni dans le cadre de la mission de vérification de

  2   l'Union européenne.

  3   Là, nous avons une phrase qui figure dans des milliers de pages

  4   d'informations militaires, Monsieur le Président.

  5   Toutefois, cet accord de cessez-le-feu particulier a été

  6   communiqué à la défense dans le cadre de la communication des pièces et a

  7   été évoqué au cours du contre-interrogatoire, pas au cours de

  8   l'interrogatoire principal.

  9   M. le Président. -  Je pense que l'affaire est relativement

 10   complexe. Elle serait de nature à mettre en jeu la responsabilité de

 11   l'accusation.

 12   Pour l'instant, nous allons reprendre le cours de nos travaux.

 13   J'invite Me Hayman a fournir un mémoire au Tribunal. Quand ce mémoire sera

 14   produit, bien entendu, l'accusation y répondra.

 15   Je me contenterai simplement de signaler que si mes souvenirs

 16   sont exacts, il me semble que le Colonel Watters n'avait pas attaché

 17   d'importance à ce cessez-le-feu dès lors, semble-t-il, d'après lui, qu'il

 18   n'avait pas été agréé ou signé par la partie adverse, ce qui ne semble pas

 19   résulter de ce document. Je n'en dis pas plus. Il vaudrait mieux que nous

 20   reprenions le cours de nos travaux.

 21   Maître Hayman est invité à présenter une requête au Tribunal, si

 22   en dépit des explications fournies par le Procureur, il persiste dans sa

 23   demande et si, en vertu de cette persistance, Maître Kehoe estime qu'il a

 24   des observations complémentaires à donner, il les donnera également en

 25   réponse. Le point sera tranché ultérieurement. Merci.


Page 3717

  1   Monsieur le Greffier, pouvez-vous faire rentrer le témoin ?

  2   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, sur ce

  3   point, le Procureur serait très heureux de citer à nouveau le

  4   Colonel Watters pour des informations complémentaires si le Tribunal le

  5   souhaite. Nous pouvons le faire au moment le plus opportun pour le

  6   Tribunal. A tout

  7   moment, nous sommes prêts à le citer à nouveau.

  8   M. le Président. - C'est une solution possible, mais c'est le

  9   Tribunal qui en décidera au vu de vos écritures. Je me tourne vers mes

 10   collègues. Je pense qu'ils approuvent cette solution. Pour l'instant, nous

 11   n'en sommes pas là.

 12   Nous demandons de faire rentrer M. Abdullah Ahmic.

 13   M. le Président. - Monsieur le Greffier m'interrompt pour me

 14   demander comment va être traitée cette pièce. Je préconise que pour

 15   l'instant, elle ne soit pas versée comme pièce à conviction. Elle n'a pas

 16   fait l'objet d'un débat. Pour l'instant, elle est relative à un incident

 17   créé par la défense qui va produire ce document.

 18   Ce document va être, à mon avis, joint à nouveau en annexe dans

 19   la requête présentée par Me Hayman. Il fera l'objet de la réponse du

 20   Procureur. Ce n'est qu'à ce moment-là, selon la solution qui sera donnée à

 21   l'incident, que nous verrons si nous devons le joindre comme pièce ou non.

 22   Cela me paraît prématuré. Pour l'instant, le transcript a bien marqué que

 23   Me Hayman a fourni sur le bureau du Tribunal cette pièce, mais à l'appui

 24   de son intervention interruptive de ce jour.

 25   Maintenant, nous pouvons véritablement faire rentrer


Page 3718

  1   M. Abdullah Ahmic.

  2   (Le témoin est introduit dans la salle.)

  3   M. le Président. - Monsieur Abdullah Ahmic, asseyez-vous. Vous

  4   m'entendez bien ? Vous vous êtes reposé ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Je vous entends. Oui.

  6   M. le Président. - Allez-y.

  7   M. Cayley (interprétation). - Bonjour Monsieur lePrésident,

  8   Chers collègues, Monsieur Ahmic.

  9   Avant la pause, vous décriviez aux juges la situation où vous

 10   avez vu trente à quarante soldats qui s'approchaient de la direction de

 11   Zume et puis, vous avez dit aussi que les

 12   flèches qui étaient marquées sur la photographie représentaient

 13   la position de ces soldats, n'est-ce pas ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 15   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu d'autres soldats dans

 16   la même zone ce jour-là ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Tout de suite après ce groupe que

 18   j'avais déjà vu, un autre groupe de soldat est arrivé très rapidement.

 19   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, pouvez-vous vous

 20   arrêter un moment parce que, pour le moment, nous n'avons pas la

 21   photographie sur l'écran ? C'est bon. Puis-je demander à l'huissier de

 22   nous aider en déplaçant la photographie ?

 23   Je m'excuse de ces interruptions, Monsieur Ahmic, vous pouvez

 24   poursuivre.

 25   M. le Président. - Il faut essayer de rendre le débat plus


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  1   compact. Puisque tout le monde a le plan sous les yeux, peut-être est-ce

  2   plus simple que M. Ahmic nous explique. Il y a des numéros, une photo. Ce

  3   serait peut-être plus simple, si cela ne déséquilibre pas trop le rythme

  4   de vos interrogatoires. C'est comme vous préférez. Peut-être serait-ce une

  5   solution. Bien souvent, cela permet au témoin de s'exprimer un peu plus

  6   spontanément. Si cela vous paraît possible...

  7   M. Cayley (interprétation). - Veuillez poursuivre,

  8   Monsieur Ahmic et si, dans votre explication, vous pouvez faire les

  9   descriptions conformément à la manière requise par M. le Président, je ne

 10   vais pas vous interrompre. Veuillez poursuivre.

 11   M. Ahmic (interprétation). - Après ce groupe que j'ai déjà

 12   décrit et qui s'était déployé non loin de moi, très rapidement derrière ce

 13   groupe est arrivé un autre groupe également de la taille d'un peloton de

 14   trente à quarante soldats. Ils ont suivi la direction de la ligne numéro 6

 15   ici et se sont déployés également selon les flèches. Ces soldats étaient

 16   tous vêtus de noir, d'uniformes noirs, des pieds à la tête. Ce sont les

 17   uniformes de l'armée oustacha de la

 18   deuxième guerre mondiale, pour autant que je le sache. Donc,

 19   trente à quarante soldats, à peu près un peloton, se sont déployés à côté

 20   des autres soldats, mais dans cette direction. Et un soldat est arrivé

 21   près de moi. Il était donc tout près de moi au niveau du numéro 4, et moi

 22   j'ai, à ce moment-là, essayé d'aller plus vers la droite. Je ne me suis

 23   déplacé de façon qu'il ne me remarque pas, qu'il ne me voie pas dans cette

 24   canalisation.

 25   Quand je suis arrivé à un certain niveau, je me suis rendu


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  1   compte que ces maisons-là étaient déjà en feu, dont ma maison, la maison

  2   qui se trouve là, la maison ici. Toutes ces maisons étaient déjà en feu.

  3   Je suis resté ici, je continuais à voir vers le haut des soldats en train

  4   de courir dans tous les sens. Je ne faisais plus tellement attention.

  5   J'avais l'attention plutôt concentrée sur le côté aval.

  6   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, quand vous êtes

  7   passé de l'autre côté de la route dans la région marquée "7", qu'avez vous

  8   vu là-bas ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - J'ai vu des groupes de soldats qui

 10   arrivaient de la direction indiquée numéro 7 et qui se dirigeaient vers

 11   moi avant de tourner dans le sens de la flèche.

 12   Dans la journée, j'ai vu cinq à six groupes de ce genre. C'était

 13   des soldats parfaitement bien équipés, portant des armes de grande

 14   puissance, des lance-roquettes légers, des armes sérieuses. Ils avaient

 15   des uniformes de camouflage. Ils étaient vraiment parfaitement bien

 16   équipés. Ces groupes étaient composés de dix ou onze soldats qui portaient

 17   tous sur l'épaule droite des insignes particuliers. Les uns étaient

 18   rouges, les autres d'autres couleurs. Cinq ou six groupes de ce genre se

 19   sont approchés de moi au cours de la journée. Ils ont suivi le sens

 20   indiqué ici par la flèche. Très rapidement après, j'ai entendu qu'un

 21   mortier avait été apporté, puis qu'on l'allumait et qu'ils tiraient. Ils

 22   tiraient sans doute sur le village d'Ahmici. Je l'ai entendu, mais je ne

 23   l'ai pas vu.

 24   Et puis, il me semble aussi que des chars des Nations Unies sont

 25   passés. J'ai entendu


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  1   des voix non loin de moi, mais je ne pouvais rien comprendre

  2   parce que la petite rivière faisait du bruit et j'étais caché.

  3   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, avez-vous pu

  4   identifier des emblèmes sur les soldats que vous avez vus dans la partie

  5   marquée numéro 7 ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui, certains avaient l'emblème du

  7   HVO, oui, ils avaient des emblèmes.

  8   M. Cayley (interprétation). - Je demanderai l'aide de

  9   l'huissier. Tout d'abord avec la pièce à conviction 100/2, qui a déjà été

 10   versée au dossier. S'agit-il ici d'un des emblèmes que vous avez vus ce

 11   jour-là quand vous alliez vers la partie 7 ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est celui-là, c'est

 13   l'emblème du HVO.

 14   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous montrer au témoin la

 15   pièce à conviction 116/2 ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'était l'emblème de la HV,

 17   armée croate. Il y avait aussi des emblèmes de ce genre. J'ai

 18   particulièrement prêté attention à ces emblèmes.

 19   M. Cayley (interprétation). - Pourquoi avez-vous

 20   particulièrement prêté attention à cet emblème ?

 21   M. Ahmic (interprétation). -  D'après moi, c'était le signe

 22   qu'il y avait aussi des membres de l'armée croate sur les lieux, car

 23   d'après leur équipement, il faut bien qu'ils aient été introduits chez

 24   nous à partir d'un autre pays. C'est pour cela que ces soldats portaient

 25   les insignes HV.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Merci. Je vous prie de bien

  2   vouloir remettre la photographie aérienne sur le rétroprojecteur.

  3   Monsieur Ahmic, ce jour-là, on vous a tiré dans la tête et

  4   comment vous portiez-vous ce jour-là en ce qui concerne votre blessure ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Le sang a vite arrêté de couler et

  6   donc finalement à ce

  7   moment-là, cela ne me posait pas un problème particulièrement

  8   grave.

  9   M. Cayley (interprétation). - Après avoir vu ces groupes de

 10   soldats, qu'avez vous fait ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Je suis resté toute la journée dans

 12   l'eau et le soir, vers 10 heures, 11 heures du soir, j'ai décidé de sortir

 13   de l'eau parce que j'avais été mouillé toute la journée.

 14   J'ai pris la direction qui est indiquée ici, vers le haut, pour

 15   aller vers le numéro 8. J'ai couvert cinq ou six mètres et, à ce moment-

 16   là, j'ai vu un trou qui avait été creusé avant et cela m'a étonné. Cela

 17   voulait dire que quelque chose avait été préparé depuis pas mal de temps,

 18   de façon que les choses se passent comme elles se passaient. J'ai couvert

 19   cinq à six mètres et au niveau de l'endroit indiqué par un numéro 8, j'ai

 20   vu trois ou quatre soldats adossés à une barrière qui fumaient. Je n'ai

 21   pas voulu m'approcher d'eux. J'ai rebroussé chemin.

 22   Je suis retourné vers le bas en sens inverse. J'ai emprunté ce

 23   chemin, indiqué par le numéro 7, qui va dans ce sens-là. J'ai couvert une

 24   vingtaine de mètres, et j'ai vu les maisons en feu, celles-ci au niveau du

 25   numéro 3, puis les étables et les maisons ici qui n'ont pas de cotation,


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  1   et les étables avoisinantes, toutes les maisons qui se trouvaient dans les

  2   environs. Il ne faisait plus jour, mais la lumière des flammes était comme

  3   en plein jour. Pour ne pas être vu, j'ai rebroussé chemin et je suis resté

  4   ici. Je me suis reposé un peu.

  5   Au niveau du numéro 9, j'ai aussi vu trois ou quatre soldats qui

  6   étaient en train de fumer, tout près de la route. Je ne sais pas s'ils

  7   m'ont remarqué. Je me suis arrêté là une demi-heure. J'ai pris la

  8   direction inverse, c'est-à-dire vers le bas. Je suis passé non loin des

  9   soldats et je suis arrivé jusqu'à cette maison qui se trouve au niveau du

 10   numéro 10. Et dès que j'ai pénétré dans la maison, on m'a remarqué. Il y

 11   avait deux soldats sur chacune des faces de la maison qui gardaient la

 12   maison. Ils m'ont gardé avec eux toute la nuit. Rien ne m'est arrivé de

 13   particulièrement grave. Je me suis séché. La maison était encore en partie

 14   en feu. Il y avait

 15   encore quelques flammes ici ou là. Je me suis réchauffé et je me

 16   suis chauffé. Par ici, j'ai vu deux

 17   hommes en uniforme blanc. Je pense que c'était des vérificateurs

 18   européens. Ils allaient de gauche à droite ici, cela m'a un peu étonné.

 19   M. Cayley (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre,

 20   vous venez de dire que vous avez vu deux hommes qui portaient des

 21   uniformes blancs à droite de la maison incendiée indiquée par le

 22   numéro 10, n'est-ce pas ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, tout à fait.

 24   M. Cayley (interprétation). - Veuillez poursuivre.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Donc, je me trouvais dans cette


Page 3724

  1   maison, j'y ai passé la nuit et le matin six soldats sont partis, deux

  2   sont restés, l'un de chaque côté. Ils gardaient la maison.

  3   M. Cayley (interprétation). - Pour en revenir à la nuit ou au

  4   soir précédent, avez-vous vu ou entendu quoi que ce soit durant cette

  5   nuit, aux alentours de la maison ou vous étiez ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Non. Je n'ai vu que les soldats qui

  7   portaient des uniformes blancs, rien de très important à part cela.

  8   D'ailleurs, je n'y prêtais guère attention parce que, vu les épreuves que

  9   j'avais traversées et vu que j'étais entouré de soldats, je ne voyais pas

 10   à quoi m'attendre. Je n'ai pas regardé autour de moi.

 11   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous dormi ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je me suis endormi pendant un

 13   certain temps.

 14   M. Cayley (interprétation). - Veuillez poursuivre.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Le lendemain matin à 7 heures 30 ou

 16   8 heures, j'ai entendu la voix de ma mère. Elle était là, dans la maison

 17   de Pero Papic, numéro 11 sur la photo. Elle avait passé la nuit là-bas.

 18   J'ai entendu sa voix qui demandait  : "Que dois-je faire ? Ils ont

 19   tué mon fils, mon mari". Elle pleurait. Je l'entendais, mais je

 20   ne pouvais pas la voir parce qu'il y avait une brume, un brouillard. Je

 21   vous dirai plus tard comment j'ai appris par la suite qu'elle avait passé

 22   la nuit dans cette maison.

 23   A 8 heures à peu près, j'ai entendu sa voix et rien d'autre de

 24   très important jusqu'à midi. A midi, environ, j'ai remarqué la présence

 25   d'un véhicule qui venait de Busovaca. Ils se sont arrêtés au numéro 12 sur


Page 3725

  1   la carte. Deux policiers militaires en sont sortis. Ils se sont dirigés

  2   vers Ahmici. Ils ont laissé leur véhicule derrière. Peu après, à peu près

  3   ici, j'ai vu une fumée noire très épaisse et peu à près, j'ai entendu une

  4   détonation très puissante ; c'était sans doute le minaret de la mosquée

  5   que l'on venait de faire sauter.

  6   Un peu plus tard, dans la partie supérieure du village d'Ahmici,

  7   à une heure à peu près, j'ai encore entendu des détonations, des coups de

  8   feu et quelques maisons ont pris feu. Donc, voilà ce que j'ai vu à ce

  9   moment-là.

 10   Puis, les soldats sont revenus très rapidement. Ils sont

 11   remontés dans leur véhicule et ils sont revenus à ma position à moi,

 12   c'est-à-dire le numéro 10. J'ai vu qu'ils avaient des badges de la police

 13   militaire. Je les entendais parler. Le garde qui me gardait a posé la

 14   question : "Qu'est-ce qui se passe à Busovaca ? Rien de neuf ?". La

 15   réponse a été : "Non, rien de nouveau, nous contrôlons tout", et quand on

 16   lui a posé la question à lui, il a répondu : "Moi, je garde un

 17   Mudjahidin". Il a demandé : "Qu'est-ce que je peux en faire ?" et on lui a

 18   répondu : "Tu n'as qu'à jeter une grenade sur lui et le tuer, c'est tout".

 19   Quand il s'est retourné j'ai vu son visage : il était blond, il

 20   portait une casquette, il avait des cheveux blonds. Il avait 24, 25,

 21   26 ans. Il a jeté une grenade à main vers moi. Elle était noire, je me

 22   souviens. A un mètre de moi à peu près. Je l'ai regardé et je ne me suis

 23   pas enfui. La grenade a explosé. Tous les murs ont reçu des fragments de

 24   cette grenade, elle a explosé juste à côté de moi, et les restes calcinés

 25   de la maison ont explosé. Cela a provoqué un nuage de fumée. J'ai été un


Page 3726

  1   peu touché à la tête ; je n'entendais plus rien d'une oreille et j'ai

  2   encore les séquelles de

  3   cette explosion à cette oreille.

  4   Et puis, ces hommes qui étaient venus de Busovaca on commencé à

  5   démolir une petite usine qui se trouvait là, qui était en construction à

  6   côté du numéro 10.

  7   M. Cayley (interprétation). - Vous nous indiquez le bâtiment qui

  8   se trouve derrière le bâtiment inclus dans le cercle 10. C'est cela ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui, là.

 10   M. Cayley (interprétation). - A qui appartenait cette usine ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - A Kasim Ahmic avec un croate de

 12   Vitez. Ces deux hommes avaient envisagé d'ouvrir cette usine et elle

 13   devait produire de la lessive et de l'antigel. Ils ont donc démoli cette

 14   usine, ils ont mis le feu à une étable qui avait déjà été incendiée mais

 15   qui avait été réparée, donc ils l'ont réincendiée. Ils ont également

 16   essayé de mettre le feu à une Fiat, une Jugo jaune, je crois.

 17   Pendant qu'ils faisaient cela, j'étais assis au milieu d'une

 18   pièce ; j'essayais de me remettre du choc. L'homme qui avait jeté la

 19   grenade est rentré et il y avait un jeune garçon de treize ou quatorze ans

 20   qui portait un fusil et un uniforme de camouflage. Il me regardait alors

 21   je faisais semblant d'être mort. Il y avait des flammes tout autour de

 22   moi, j'aurais pu mourir, alors j'ai été obligé de me retourner pour ne pas

 23   brûler et malheureusement ils ont vu que j'étais vivant. En fait, je crois

 24   qu'ils m'ont observé pendant une heure, deux heures, trois heures... Ils

 25   savaient que j'étais vivant.


Page 3727

  1   Au bout du compte, le plus jeune a dit : "Jetons une ou deux

  2   grenades sur lui. Qu'attendons-nous pour le tuer ?", et le plus âgé a

  3   répondu : "Non, il y a de la dynamite ici, ce serait plus efficace". Ils

  4   ont sauté par la fenêtre. Je me suis levé à ce moment là et j'ai commencé

  5   à les appeler : "Hé ! les garçons ! Je ne suis pas un soldat, je ne suis

  6   qu'un civil !" Mais cela a dû les surprendre, alors ils n'ont rien fait.

  7   Puis, j'ai vu Ivo Papic et Simo Vidovic. Ce n'est pas inscrit

  8   mais ils se trouvaient ici,

  9   dans ce lieu que je montre. Je les ai vus, je leur ai fait signe

 10   et ils sont venus jusqu'à moi dans cette pièce, ou plutôt près de la

 11   maison. Ils m'ont demandé : "Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?". J'ai

 12   dit : "S'il vous plaît, sauvez-moi, ils me m altraitent !" Ils ont

 13   répondu : "Viens avec nous", et ils m'ont fait sortir de la pièce. Nous

 14   avons pris cette direction.

 15   M. Cayley (interprétation). -  Excusez-moi, merci.

 16   Si vous pouviez me confirmer la chose suivante en utilisant la

 17   photo aérienne, le numéro 1... Ou plutôt quelle est cette zone qui porte

 18   le numéro 1 ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - C'est ma maison, ici.

 20   M. Cayley (interprétation). -  Et le numéro 2 ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - C'est la maison de Fahrudin Ahmic,

 22   mon voisin.

 23   M. Cayley (interprétation). -  Et la zone 3 ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - La zone 3, c'est la maison

 25   d'Hajra Ahmic, c'était ma tante. C'est sa maison que l'on voit.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Vous avez parlé plus tôt d'une

  2   détonation très forte dans la zone de la mosquée. Pouvez-vous montrer sur

  3   cette photo aérienne cette zone d'où vous pensez que cette détonation a eu

  4   lieu après l'arrivée des policiers militaires de Busovaca ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - C'est là, c'est cette zone.

  6   M. Cayley (interprétation). - Donc, c'est la zone qui se trouve

  7   en-dessous de la légende "Ahmici mosquée, minaret", c'est cela ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Cayley (interprétation). - Après l'arrivée d'Ivo Papic et de

 10   Simo Vidovic, où êtes-vous allé ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Ils m'ont emmené dans un lieu

 12   appelé Zume et en chemin, il m'a dit : "J'ai emmené ta mère et ta soeur à

 13   Telin (?), dans la direction de Vrhovine". J'ai dit : "Bien, merci". Ils

 14   avaient dit aussi qu'ils avaient emmené deux vaches avec eux. Je les ai

 15   remerciés et je leur ai demandé s'ils avaient enterré mon père

 16   ou mon frère. Ils ont dit : "Non, bien sûr nous ne l'avons pas fait".

 17   J'ai demandé si quelqu'un s'occupait de cela et à ce moment

 18   là, ils m'ont emmené au village de Zume.

 19   M. Cayley (interprétation). - Mais qu'est-il advenu de votre

 20   mère et de votre sœur ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Ivo m'a dit qu'il les avait

 22   escortées jusqu'à nos positions de défense. Mais vers le village d'Ahmici

 23   ou en direction de ce village. En fait, ils sont sans doute arrivés à la

 24   zone supérieure d'Ahmici. Je pense qu'elles ont été tuées par l'explosion

 25   que j'ai entendue à peu près à 1 heure de l'après-midi. L'officier


Page 3729

  1   britannique Stewart a confirmé qu'une femme et sa fille avaient été tuées

  2   dans une maison. Il est tout à fait probable que c'est à ce moment-là que

  3   ma mère et ma soeur ont été tuées.

  4   Dans son interrogatoire, il a montré une maison et il a dit

  5   qu'en face d'une maison, il y avait deux corps d'hommes, un père et un

  6   fils, qui avaient été tués, qui essayaient de protéger la mère et la soeur

  7   qui étaient dans la cave. Là, une espèce de maniaque, un soldat du HVO est

  8   arrivé, il a jeté une grenade à main dans la cave. Il a utilisé son arme

  9   automatique contre eux et il a mis le feu à toute la maison. Je pense que

 10   c'est comme cela qu'ils sont morts dans la zone supérieure d'Ahmici.

 11   M. Cayley (interprétation). - Mais, que cette version soit vraie

 12   ou pas, vous n'avez jamais revu votre mère ni votre soeur après le

 13   16 avril, n'est-ce pas ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne les ai jamais revues.

 15   M. Cayley (interprétation). - S'il n'y a aucune objection de la

 16   part du conseil de la défense, Monsieur le Président, je voudrais

 17   présenter en tant que pièce à conviction cette photographie aérienne qui

 18   est actuellement sur le rétroprojecteur, la pièce 115 et je souhaiterais

 19   demander à l'huissier de replacer cette photo aérienne avec la pièce 117.

 20   M. le Président. - Pas d'objection de la défense. Donc, c'est la

 21   pièce confirmée de

 22   l'accusation 115, Monsieur le Greffier ?

 23   M. le Greffier. - Oui, c'est bien cela, la pièce 115.

 24   M. le Président. - Merci.

 25   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous nous


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  1   expliquiez comment Anto Papic vous a dit que l'enterrement des morts avait

  2   été organisé et que vous n'aviez pas besoin de lui donner de l'argent pour

  3   qu'il enterre votre père et votre frère, n'est-ce pas ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Ivo Papic ?

  5   M. Cayley (interprétation). - Oui, Ivo Papic.

  6   M. Ahmic (interprétation). - J'ai dit à Ivo : "J'ai 400 marks

  7   dans ma poche, tu n'as qu'à les prendre". Il a dit : "Non, je n'ai pas

  8   besoin d'argent".

  9   Mais par la suite, j'ai appris qu'une personne appelée Igor

 10   Calic, le fils de Micha, avait exhumé mon père et pris les 400 marks. J'ai

 11   appris que ce genre de chose se passait, oui.

 12   M. Cayley (interprétation). - Mais vous avez dit que l'argent

 13   était dans votre poche ; en fait, il était dans la poche de votre père,

 14   n'est-ce pas ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, effectivement.

 16   M. Cayley (interprétation). - La photographie suivante montre la

 17   partie inférieure de la route qui vient d'Ahmici et qui va vers Santic.

 18   Ai-je raison de dire que ce jour-là, c'est-à-dire le 17 avril, on vous a

 19   escorté le long de cette route ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'était le 17 avril. C'est

 21   exact. Je suivais cette route. C'était un samedi, le samedi 17 avril.

 22   M. Cayley (interprétation). - Alors que vous descendiez cette

 23   route, avez-vous vu, d'un côté ou de l'autre de cette route, les maisons

 24   des résidents musulmans d'Ahmici et de la commune de Zume ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Toutes les maisons avaient


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  1   plus ou moins été incendiées.

  2   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous suivre sur cette

  3   photo les chiffres de 1 à 24 que vous m'avez montrés et indiqués durant la

  4   préparation de votre interrogatoire principal et pourriez-vous nous dire à

  5   qui appartenaient ces maisons et ce qui est arrivé à leurs habitants si

  6   vous le savez ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui, très bien.

  8   M. Cayley (interprétation). - Bien. Alors, commençons par le

  9   numéro 1.

 10   M. Ahmic (interprétation). - C'est un peu trop loin de moi.

 11   M. le Président. - Nous allons procéder de la même façon que

 12   tout à l'heure, Maître Cayley, pour permettre au témoin de s'exprimer le

 13   plus spontanément possible. Il a la carte sous les yeux, tout le monde a

 14   le plan de la photo. Ne peut-il pas prendre successivement chaque maison

 15   numérotée, indiquer quelle est la famille musulmane qui en était la

 16   propriétaire et ce que sont devenus les propriétaires. Ce serait peut-être

 17   mieux pour le témoin et il serait moins gêné avec le pointeur.

 18   Monsieur Ahmic, prenez la photo et désignez les numéros puisque

 19   les conseils de la défense ont également cette photo.

 20   M. Ahmic (interprétation). - (...) (Pas d'interprétation en

 21   français dans les écouteurs.) (?)

 22   M. le Président. - Excusez-moi de vous interrompre, comme les

 23   débats sont publics, je demanderai que la feuille soit sur le

 24   rétroprojecteur pour que le public puisse suivre. Mais cela ne change rien

 25   à la méthode pour vous, Monsieur Ahmic, donc ne vous occupez plus de ce


Page 3732

  1   qui est sur le rétroprojecteur et de cette façon, la galerie du public

  2   peut suivre votre explication. Faites-le très spontanément, comme cela

  3   vous vient à l'esprit. Allez-y.

  4   M. Ahmic (interprétation). - Donc je disais maison numéro°2 :

  5   Rasim Ahmic. Il n'était pas chez lui a ce moment-là, sa mère était chez

  6   lui. Maison numéro°3 : Muzafer Puscul, il a été tué. Maison numéro°4 :

  7   Asim Ahmic, la maison de Ramiz (?), qui a été tué également.

  8   Maison numéro°5 : Nazif Ahmic et son fils qui était mineur à ce

  9   moment-là ont été tués. Maison numéro°6 : Ramiz Ahmic, il a été tué ainsi

 10   que son fils Ramsim. Maison numéro°7 : Islam Ahmic, il a été tué. Ensuite

 11   maison numéro°8 : Sefik Ahmic, il a été tué également. Maison

 12   numéro°9 :Nesib Ahmic ; son fils Edin a été tué. Il n'était pas chez lui,

 13   il était en Croatie. En fait, il a été arrêté, fait prisonnier dans un

 14   camp de Mostar, mais il est en vie. Maisons 11, 12, 13 : je ne sais pas

 15   exactement qui était le propriétaire, je ne m'en rappelle plus, mais Harim

 16   Ciliak (?) a été tué sur les lieux, et puis, deux ou trois autres

 17   personnes ont été tuées.

 18   M. Cayley (interprétation). - Le cercle numéro°10, s'agissait-il

 19   d'une maison de Musulman ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, oui, numéros 10, 11, 12,

 21   13. Mais je ne sais pas très exactement qui étaient les propriétaires de

 22   ces maisons parce que je n'habitais pas là-bas. Je sais que trois ou

 23   quatre hommes on était tués là-bas.

 24   M. Cayley (interprétation). - Maison numéro°14 ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - La maison numéro°14 était celle


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  1   d'un homme de Zenica. Il est venu de Zenica et il s'est installé ici. Il a

  2   été tué également.

  3   M. Cayley (interprétation). - Maison numéro°15 ?

  4   M. Ahmic (interprétation). (expurgé).

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   M. Cayley (interprétation). - Maison numéro 16.

  9   M. Ahmic (interprétation). - Numéro 16, Ismail Ahmic et son fils

 10   Mujo ont été tués.

 11   M. Cayley (interprétation). - Maison 19.

 12   M. Ahmic (interprétation). - C’était la maison de... Non,

 13   attendez, excusez-moi. La

 14   maison 17 était la maison de Mehmed Ahmic. Il est encore en vie.

 15   Il était dans un camp avec moi. Il n'a pas été tué. Il a été blessé avant

 16   la guerre, une blessure à la tête dans un accident de voiture.

 17   M. Cayley (interprétation). - Maison 19.

 18   M. Ahmic (interprétation). - Non, il s'agit de la maison 18 de

 19   Muharem Nedzad. Ses deux fils ont été tués. Maison numéro 19, c'est la

 20   maison de Nedzad. Maison numéro 20, c'est la maison de Mustafa Pezer. Nous

 21   l’appelions Ibrahim (expurgé).

 22   (expurgé).

 23   (expurgé).

 24   (expurgé).

 25   (expurgé).


Page 3734

  1   (expurgé).

  2   (expurgé).

  3   Maison 23, c’était la maison de Meho Hrnjic. Sacib Pezer a été

  4   tué et son fils Meuludin également.

  5   La maison 24, c'était la maison de Meho Hrnjic. Lui et son fils

  6   ont été tués. Je ne me rappelle plus le nom de son fils.

  7   M. Cayley (interprétation). - Dans quel état étaient ces maisons

  8   alors que vous descendiez cette route ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Elles étaient toutes incendiées. Il

 10   n'y en avait pas une qui était encore en flammes lorsque je suis passé.

 11   M. Cayley (interprétation). - Y avait-il des maisons intactes au

 12   bord de la route ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui. Toutes les maisons

 14   croates étaient intactes.

 15   M. Cayley (interprétation). - On le voit bien sur la photo

 16   aérienne.

 17   M. Cayley (interprétation). - On voit que de nombreuses maisons

 18   ont encore un toit.

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Ce sont les maisons dont je

 20   parle, oui.

 21   M. Cayley (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection de la

 22   part du conseil de la défense, je voudrais demander que cette pièce, la

 23   pièce 117, soit versée au dossier des pièces à conviction.

 24   M. le Président. - Pièce 117 ?

 25   M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce 117, oui.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer maintenant au

  2   témoin la pièce 118 ?

  3   Monsieur Ahmic, avant de commenter cette vue aérienne, où vous

  4   a-t-on emmené ? Où ces deux personnes vous ont-elles emmené après que vous

  5   avez quitté ce hameau de Zume ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - J'ai été emmené dans une maison. Je

  7   crois que c'est la troisième sur... Bon, évidemment, c'est une vue très

  8   éloignée. Je crois que c'est la troisième maison dans cette direction.

  9   Mais je ne vois pas Zume sur cette photo.

 10   M. Cayley (interprétation). - Ne vous inquiétez pas. Ne vous

 11   occupez pas de cette photo.

 12   M. Ahmic (interprétation). - C'était la troisième maison à

 13   partir de la route dans Zume, dans la direction de Pirici lorsque l'on

 14   regardait sur la droite. C'était la deuxième ou troisième maison sur la

 15   droite.

 16   M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à cette

 17   maison, qui avez-vous trouvé ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Devant la maison, lorsqu'ils m’y

 19   ont emmené, Ivo et Simo, il y avait l'oncle de Ivo, Anto, qui portait un

 20   fusil M 48 et qui surveillait la maison. Et j’ai trouvé à peu près une

 21   centaine de personnes, des femmes et des enfants musulmans, et trois ou

 22   quatre personnes âgées qui n'avaient pas été tuées. Donc, c'était en fait

 23   un centre de rassemblement, quelque chose comme cela. On m'y a fait entrer

 24   et j'y ai passé toute la nuit. Le matin suivant, à 8 heures à peu près,

 25   Miris Stic (?) est venu. Il était peintre à Vitez. Il a dit :


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  1   "J'ai une bonne nouvelle pour toi, je dois t’emmener afin que tu

  2   sois échangé à l'école de Dubravica".

  3   Nous sommes donc partis dans cette direction. Il y avait une

  4   rangée très longue de personnes, peut-être 400, 500 mètres. Nous

  5   descendions la route. Là, c'est la base de la FORPRONU. Je ne comprends

  6   pas d'ailleurs que personne de cette base ne nous ait jamais aidés. Donc,

  7   il nous a emmenés à l'école de Dubravica.

  8   M. Cayley (interprétation). - Qu'est-ce ces marques qui sont

  9   apposées sur cette vue aérienne indiquent ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - C'est la longueur de la queue de

 11   personnes qui marchaient le long de cette route.

 12   M. Cayley (interprétation). - Peut-on reculer un peu la caméra,

 13   s'il vous plaît ? Pourriez-vous montrer sur cette vue le lieu où l'on vous

 14   a emmenés ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Vous voulez dire l'école de

 16   Dubravica ? C'est ici, le bâtiment de l'école.

 17   M. Cayley (interprétation). - Bien, pour le compte rendu, le

 18   témoin est en train d'indiquer le lieu qui se trouve au-dessus de

 19   l'étiquette ou de la légende "Ecole de Dubravica".

 20   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, pourriez-vous nous

 21   décrire la scène que vous avez vue à votre entrée dans l'école de

 22   Dubravica ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Quand nous sommes entrés dans la

 24   cour de cette école, j'étais le dernier du groupe. Dès qu'on est entré,

 25   les soldats croates, encore une fois, portaient des insignes d'unité


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  1   spéciale. Ils nous ont encerclés et nous avons compris qu'il ne s'agissait

  2   pas d'un échange mais que l'on était amené dans un camp. Ils ont mis les

  3   femmes jeunes à droite et les autres ont été mises dans une salle de

  4   gymnastique. Moi-même, je suis allé dans la salle de gymnastique. Là, on a

  5   vu entre 30 et 40 hommes qui sont venus de la région de la banlieue de

  6   Vitez, Rijeka, Novaci, Gacice. Ces hommes-là ont été amenés dans cette

  7   salle de

  8   gymnastique 2 heures environ auparavant. On a été placé là dans

  9   cette école, dans la salle de gymnastique et, la même nuit, plusieurs

 10   autres groupes de gens, de civils, ont été arrêtés pendant la nuit.

 11   Plusieurs hommes sont venus.

 12   Pendant la nuit, ils prenaient des groupes d'une dizaine

 13   d'hommes pour qu'ils aillent creuser les tranchées. Ils les amenaient à

 14   Santici, Krcevine et en d'autres endroits aux alentours de Vitez pour

 15   qu'ils creusent les tranchées. Cela a été le cas pendant tout le temps que

 16   j'ai passé dans ce camp. Je sais qu'il y en a qui ont été blessés. Il y en

 17   a même un qui est mort. Je sais que son nom de famille était Tuco (?). Il

 18   a été tué par un tireur isolé. Il creusait une tranchée près de sa propre

 19   maison.

 20   J'ai passé environ quatre à cinq jours dans ce camp. Je n'ai pas

 21   reçu de soins médicaux, la nourriture était très médiocre. Le dernier jour

 22   que j'ai passé dans le camp, j'ai remarqué que certaines femmes avaient

 23   été violées. La femme d'un homme qui était allongée près de moi est venue,

 24   elle pleurait, un matin, elle est venue. D'après leur conversation, j'ai

 25   pu comprendre ce qui s'était passé. En ce qui concerne le groupe de femmes


Page 3738

  1   à droite, j'ai pu comprendre que certaines avaient été violées dans cette

  2   école.

  3   M. Cayley (interprétation). - Pourquoi ne vous a-t-on pas emmené

  4   creuser des tranchées?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Etant donné que j'étais grièvement

  6   blessé, on m'a laissé tranquille. Mais le jour précédent mon départ, le

  7   commandant de ce camp, Alto, qui était petit et portait une moustache, et

  8   son adjoint qui lui aussi portait un ruban bleu... C'était semblable aux

  9   deux hommes qui tiraient sur moi. J'ai oublié de dire qu'eux aussi avaient

 10   des rubans bleus sur les épaules. Cette personne-là avait elle aussi un

 11   ruban bleu. Je ne sais pas quel est son nom. Ce n'était pas lui. C'est

 12   quelqu'un d'autre qui est venu. Je ne sais pas exactement d’où il venait.

 13   Il m'a dit : "Viens creuser les tranchées" J'ai dit : "Je ne peux pas, je

 14   suis blessé". Il m'a dit : "Lève- toi". Alors, je me suis levé. Ensuite,

 15   Anto a dit : "Non, ne le prend pas celui-

 16   là parce qu'il est blessé".

 17   On m'a laissé tranquille. Si jamais j'y étais allé, à mon avis,

 18   je n'aurais pas pu assumer. J'étais trop faible. J'étais complètement

 19   gonflé.

 20   Le jour avant mon départ, une équipe de télévision, CBS, est

 21   venue. Ils nous ont filmés. Je crois que c'était une télévision

 22   canadienne. Les représentants de la Croix-Rouge sont venus eux aussi. Ils

 23   nous ont enregistrés. Le lendemain, un groupe de médecins est arrivé. Nous

 24   étions cinq personnes à être dans un état plus grave. Nous avons tous été

 25   transférés à l'hôpital de Zenica.


Page 3739

  1   M. Cayley (interprétation). - Cela se passait le 23 avril ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Cela peut être cela.

  3   M. Cayley (interprétation). - Vous avez parlé d'une unité

  4   spéciale qui dirigeait l’école de Dubrovica. Je voudrais maintenant vous

  5   montrer un emblème pour voir si vous le reconnaissez. Je demanderai l'aide

  6   de l’huissier. Il s'agit de la pièce à conviction 116/3 .

  7   Est-ce bien l'emblème que vous avez vu sur le bras des soldats

  8   dans l’école de Dubrovica ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Probablement, c'était le même.

 10   Je pouvais lire ce qui était écrit, "Unité des Forces spéciales". C'est ce

 11   qui était écrit. Avant, c'étaient les unités du HOS, après un conflit

 12   entre le HVO et le HOS, ces unités ont été abolies par le HVO. Mais même

 13   après cela, ces unités-là ont continué d’exister, mais elles étaient

 14   placées sous le contrôle du HVO.

 15   M. Cayley (interprétation). - A votre avis, cette unité était

 16   sous le commandement du HVO à ce moment-là en avril 1993 ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui, entièrement sous leur

 18   contrôle. Parce qu'un jour, dans le camp, ils nous ont lu une information

 19   en provenance de leur commandement suprême. Ils ont lu une information

 20   qu'ils ont reçue de ce commandement. J'ai pu conclure que leur

 21   commandement était à Vitez. Il s'agissait de la création de

 22   l'Etat croate. Ils proclamaient la création de ce territoire croate. Mais

 23   il était clair que ces unités étaient sous le contrôle du HVO.

 24   M. Cayley (interprétation). - Le 23 avril, on vous a emmené à

 25   Zenica et on vous y a soigné vos blessures, est-ce exact ?


Page 3740

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, j'aimerais

  3   maintenant vous montrer quelques photographies, pas très nombreuses, six

  4   seulement, que vous m'avez remises et dont vous avez identifié certaines.

  5   Les autres, vous me les avez remises.

  6   Je demanderai d'abord que l’on montre au témoin la pièce à

  7   conviction 47, s'il vous plaît.

  8   Reconnaissez-vous cette photographie ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui. C'est une structure religieuse

 10   dans la partie centrale du village d'Ahmici, qui s'appelle Grabovi. Cela a

 11   été détruit.

 12   M. Cayley (interprétation). - Qui a fait cela ? Qui a construit

 13   ce bâtiment ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Les habitants du village d'Ahmici

 15   par le biais de leurs contributions volontaires.

 16   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous participé à la

 17   construction de ce bâtiment vous-même ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   M. Cayley (interprétation). -  Pourrait-on maintenant montrer au

 20   témoin la pièce à conviction 116/4  ?

 21   Restez par ici parce qu'on fera défiler assez vite les

 22   photographies. Monsieur Ahmic, reconnaissez-vous la photographie que je

 23   vous montre en ce moment ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est la maison de mon oncle

 25   Sakib Papic qui a


Page 3741

  1   brûlé et la cuisine d'été. Ici, c'est la maison, là, la cuisine

  2   d'été et ici l'étable qui a brûlé. Là, c'est la route. Là, c'est la

  3   direction vers Busovoca à Vitez. Ici, c'est la route vers Ahmici.

  4   M. Cayley (interprétation). - Nous allons maintenant montrer au

  5   témoin la pièce à conviction 116/5 . C'est une photographie que je vous ai

  6   montrée, Monsieur Ahmic. Vous l'avez identifiée. Que représente-t-elle ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - C'est la maison détruite de mon

  8   oncle Saki Parnic ( ?), la maison dont je parlais tout à l'heure, qui se

  9   trouve juste à côté de la route Zenica-Travnik.

 10   M. Cayley (interprétation). - Peut-on maintenant montrer la

 11   photographie 116/6 au témoin, je vous prie ?

 12   Où cette photographie a-t-elle été prise ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Cette photographie a été prise dans

 14   la cuisine d'été que j'ai montrée tout à l'heure du fils de Sakib Sulejman

 15   Ahmic. Il s'agit d'un anniversaire. Là, c'était mon oncle, Sakib, qui a

 16   été tué dans la maison que l’on a vu tout à l'heure, sa femme Sadeta. Là,

 17   c'est Sulejman. On ne voit pas très bien ici. C'était la cuisine d'été qui

 18   lui appartenait.

 19   M. Cayley (interprétation). - Votre oncle Sakib et son épouse

 20   Sadeta ont été tués le 16 avril, est-ce exact ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui, ils ont été tués et leur fils

 22   Samir.

 23   M. Cayley (interprétation). - En quelle année cette photographie

 24   a-t-elle été prise ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Je pense que c’est deux ou trois


Page 3742

  1   ans avant l'attaque du HVO contre notre village.

  2   M. Cayley (interprétation). - Peut-on, à présent, montrer au

  3   témoin la pièce à conviction 116/7 ?

  4   Où se trouve cette maison ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - C'est la maison à Grabovi. Elle

  6   appartient à Vlatko

  7   Kupreskic.

  8   M. Cayley (interprétation). - Il n'y a pas le moindre impact sur

  9   cette maison.

 10   M. Ahmic (interprétation). - C'est évident. Ici, c'est la maison

 11   de son voisin Sukrija Ahmic. Vous voyez qu'elle a brûlé. On voit bien à

 12   qui appartenaient les maisons qui sont restées intactes et les maisons qui

 13   ont été complètement détruites. Il est clair qui attaquait et qui a été

 14   attaqué. Sukrija a été tué avec son frère Naser, sa femme, et un enfant de

 15   deux mois. Le tout s’est passé tout près de la maison de Vlatko Kupreskic.

 16   M. Cayley (interprétation). - Vlatko Kupreskic était Musulman ou

 17   bien était-ce un Croate de Bosnie ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - C'était un Croate bosniaque.

 19   M. Cayley (interprétation). - Nous arrivons maintenant aux deux

 20   dernières photographies. D'abord, la 116/8 .

 21   Qui cette photo représente-t-elle ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - C'est la photographie de ma mère

 23   quand elle était jeune fille.

 24   M. Cayley (interprétation). - Est-ce que c'est la seule

 25   photographie que vous avez de Latifa ?


Page 3743

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c'est la seule photographie.

  2   M. Cayley (interprétation). - Et la dernière photographie, la

  3   116/9, pourriez-vous, je vous prie, pointer sur cette photographie à mon

  4   intention les deux personnes qui ont un rapport avec ce procès et que vous

  5   avez identifiées avec moi un peu plus tôt.

  6   M. Ahmic (interprétation). - C'est Samir, le fils de

  7   Sakib Ahmic, mon oncle qui a été tué dans la maison que j'ai montrée tout

  8   à l'heure, avec les autres. Là, il s'agit de ma soeur cadette, Alma, elle

  9   aussi, a été tuée. A l'époque, elle avait 16 ans quand elle a été tuée.

 10   M. Cayley (interprétation). - Donc, cette photographie a été

 11   prise quelque temps

 12   avant l'attaque d'Ahmici, mais c'est la seule photographie que

 13   vous avez de votre soeur ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Elle a été prise plusieurs

 15   années auparavant, peut-être même 8 ans auparavant, peut-être moins que

 16   cela, 5 ou 6 ans.

 17   M. Cayley (interprétation). - Après votre fuite d'Ahmici, ai-je

 18   raison de dire que vous avez rejoint les rangs de l'armée bosniaque ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai rejoint les rangs de

 20   l'armée bosniaque.

 21   M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous avez été

 22   démobilisé en 1996. Est-ce exact ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   M. Cayley (interprétation). - Et je crois que, à présent, vous

 25   travaillez à Zenica. Est-ce exact ?


Page 3744

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Ahmic, de façon que les

  3   choses soient absolument claires pour le Tribunal, ai-je raison de dire

  4   qu'au cours de l'attaque vécue par Ahmici le 16 avril 1993, vous avez

  5   perdu absolument tous les membres de votre famille à l'exception de votre

  6   frère Munir ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui, durant cette attaque, j'ai

  8   perdu toute ma famille, sauf mon frère Munir. Mais, malheureusement, il

  9   est mort lors d'une attaque du HVO, par un obus. Je suis le seul survivant

 10   de la famille de huit membres.

 11   M. Cayley (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions,

 12   Monsieur le Président.

 13   A des fins d'intendance, je demanderai simplement l'admission de

 14   toutes les pièces à conviction dont j'ai la cotation pour le Greffe, s'il

 15   en a besoin. Je demande simplement s'il y a objection ?

 16   M. le Président. - C'est tout l'album de photographies,

 17   Maître Cayley ? Je ne

 18   comprends pas. Il y a la photo aérienne, c'est A-118,

 19   Monsieur le Greffier ?

 20   M. le Greffier. - Oui, effectivement, il y a également la pièce

 21   118 qui doit être admise.

 22   M. le Président. - Pas d'objection de la part de la défense

 23   concernant la pièce A-118 qui est la photo ?

 24   M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas d'objection, mais une

 25   question à poser à l'accusation au sujet d'une des pièces à conviction.


Page 3745

  1   Pour les autres, je n'ai pas d'objection.

  2   M. le Président. - Maintenant, nous traitons de la numération de

  3   l'album de photos. Va-t-il être coté sous une seule pièce ?

  4   M. le Greffier. -  L'album est le numéro 116. Chaque photo a un

  5   autre numéro. Donc, c'est 116/1, puis 116/2, 116/3...

  6   M. le Président. - Je vois que Maître Hayman investigue ces

  7   photos. Peut-être a-t-il une objection à faire avant que nous classions

  8   ces pièces ?

  9   M. Hayman (interprétation). - Le témoin a identifié cet emblème,

 10   Monsieur le Président. Je crois que c'est la cote 116/3, peut-être. Mais

 11   sur notre exemplaire, il apparaît que quelque chose en haut a, soit été

 12   surchargé, soit noirci. Nous aimerions savoir qui est à l'origine de cet

 13   emblème. Est-ce une photo ? Est-ce un dessin ? J'aimerais que les choses

 14   soient claires. Est-ce une photocopie modifiée d'une certaine façon ?

 15   J'aimerais m'assurer que toutes les photocopies ont été altérées de la

 16   même manière.

 17   M. le Président. - Objection accordée. Effectivement, c'est très

 18   net qu'il y a eu...

 19   M. Cayley (interprétation). - Je peux éclaircir ce point très

 20   facilement, M. le Président. Le témoin a pu identifier un emblème qui a la

 21   forme que vous avez sous les yeux. Il y avait quelques mots sur la copie

 22   de l'emblème provenant de nos sources qu'il n'a pas été capable

 23   d'identifier. La représentation la plus précise, la plus authentique de ce

 24   que le témoin m'a décrit et m'a dit est ce que vous avez exactement sous

 25   les yeux en ce moment. Il n'y a pas de truquage,


Page 3746

  1   ni de magie. C'est une explication très simple.

  2   M. Hayman (interprétation). - Je suppose que notre préférence,

  3   mais, bien sûr, il appartient au juge d'en décider, irait à la chose

  4   suivante. Si l'accusation sait qu'un emblème particulier existe, il

  5   pourrait demander au témoin de dire  : "Voilà ce que j'ai vu, mais je ne

  6   peux pas dire quelles sont les lettres". Ce serait plus simple.

  7   M. le Président. - Je trouve que c'est le genre d'incident qu'on

  8   pourrait éviter. Je comprends que la défense ait posé la question.

  9   Evidemment, Maître Cailey, il faut éviter cela. Vous l'avez vu tout à

 10   l'heure pour une autre pièce. Cela va m'obliger à poser au témoin, alors

 11   qu'il vient de dire qu'il a perdu toute sa famille, la question de savoir

 12   ce qu'il y avait sur cet emblème. M. Ahmic, je comprends très bien que la

 13   tragédie dont vous avez été, hélas, la victime n'a que peu de choses à

 14   voir avec cela. Mais, pour la clarté du débat judiciaire, pouvez-vous

 15   rappeler le souvenir que vous aviez de cet emblème, sinon, il faudra que

 16   l'accusation fournisse une autre copie.

 17   M. Ahmic (interprétation). - Vous savez, ce qui importe c'est le

 18   drapeau à damiers. C'est le côté central parce que toutes les unités

 19   croates avaient ce drapeau à damiers et j'ai pu voir cela. Je ne peux pas

 20   vous parler de la forme des lettres. Moi, j'ai lu cela. Je n'ai pas

 21   inventé ce mot.

 22   M. le Président. - Merci. Je me tourne vers l'accusation.

 23   Maître Cayley, pouvez-vous savoir ou avoir une pièce qui indique.... C'est

 24   vrai qu'il est ennuyeux de laisser dans des pièces à conviction des pièces

 25   qui ont été surchargées à l'occasion de ce débat. Maître Cailey, pouvez-


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  1   vous donner une indication complémentaire ou, en tous les cas, faire en

  2   sorte que cette pièce puisse être consignée dans le dossier du Tribunal,

  3   autrement que sous la forme où elle se présente ?

  4   M. Cayley (interprétation). - Puis-je conférer avec mon confrère

  5   pendant quelques instants ?

  6   Monsieur le Président, cela nous convient tout à fait de

  7   redonner à l'emblème sa forme antérieure. La raison pour laquelle ceci a

  8   été fait, et j'insiste là-dessus devant les Juges et devant Maître Hayman

  9   avait un but, à savoir présenter exactement et de façon la plus précise et

 10   la plus authentique qui soit la teneur exacte des propos du témoin. Nous

 11   n'avons aucun problème à redonner à cet emblème la forme antérieure. Je

 12   ferai objection très fermement à toute suggestion que j'ai pu vouloir

 13   manipuler l'épreuve, car ce n'était absolument pas mon intention.

 14   M. Hayman (interprétation). - Ce n'était absolument pas mon

 15   intention non plus, Monsieur le Président. Je voulais simplement faire

 16   confirmer si cet emblème était un emblème authentique, un dessin...

 17   M. le Président. - Le Tribunal vous en rend témoignage. Bien

 18   entendu, il n'était pas du tout question de mettre en doute votre

 19   obligation de loyauté à l'égard de la justice et Maître Hayman vient de

 20   vous dire que ce n'était pas la question. C'est la clarté du débat

 21   judiciaire C'est tout à fait normal.

 22   L'audience est levée, elle reprendra à 17 heures.

 23   L'audience, suspendue à 16 h 00 est  reprise à 17 h 05.

 24   M. le Président. - L'audience est reprise. On fait rentrer

 25   l'accusé.


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  1   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience).

  2   M. le Président. -Maître Cayley.

  3   M. Cayley (interprétation). - Je voudrais parler de l'emblème.

  4   J'ai une copie à la fois pour les juges et pour les collègues de la

  5   défense. Je vous demande de montrer cela au témoin. Il pourra expliquer.

  6   M. le Président. - Monsieur Ahmic, pouvez-vous expliquer ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Ceci est l'emblème que j'ai vu à

  8   deux occasions. La première fois, lorsque j'étais caché. Je me rappelle

  9   que j'ai lu "unités des forces spéciales Visetovi". J'ai lu ces mots. Je

 10   n'y ai pas attaché une attention particulière. Mais les mots "unités des

 11   forces spéciales" m’ont intéressé parce que j'ai pensé que c'était une

 12   armée particulière. C'est ce qui m’intéressait le plus.

 13   Ensuite, dans le camp, j'ai prêté encore davantage attention à

 14   ces termes "unités des forces spéciales" qu'aux autres.

 15   Voilà quelle est mon interprétation maintenant. Le mot

 16   "Vitesovi", je ne peux pas le confirmer à cent pour cent.

 17   M. le Président. - Je crois qu’ainsi, la défense est rassurée.

 18   Nous allons peut-être intégrer ce document comme pièce à conviction. Je

 19   suppose que la défense ne s'y oppose pas. Nous le mettons avec l'ancien

 20   insigne ? Comment fait-on ?

 21   M. le Greffier. - L'idéal serait de le numéroter 116.3/ bis.

 22   M. le Président. - 116.3/ bis. C'est bien.

 23   M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, partant du

 24   point de départ que toutes les pièces à conviction ont été versées au

 25   dossier, je n'ai plus de questions. Le contre-interrogatoire peut


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  1   commencer.

  2   M. le Président. - Bien. Maintenant, comme dans tout procès

  3   équitable, l'accusé a deux avocats, l'un d'entre eux va vous poser un

  4   certain nombre de questions. Cela s'appelle le contre-interrogatoire.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  6   Bonsoir, Monsieur Ahmic, je suis Maître Nobilo, un des deux

  7   avocats de la défense de M. Blaskic. Je m'excuse de vous ennuyer encore un

  8   peu. Nous compatissons avec vos souffrances, mais nous sommes bien obligés

  9   de vous poser un certain nombre de questions.

 10   Parlons de l'emblème. Est-ce que les rapports entre les lettres

 11   correspondaient à ce

 12   que nous voyons ici, le texte supérieur et inférieur ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas vous l'affirmer à

 14   cent pour cent. J'affirme simplement que c'est bien ce qui était écrit.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Au début, vous avez dit que dans

 16   la région où vous avez vécu, il y avait à la fois des Croates, des

 17   Musulmans, quelques Serbes. Y avait-il aussi des tziganes dans votre

 18   région ?

 19    M Ahmic (interprétation). - Oui. En nombre inférieur,

 20   mais oui.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Il y en avait beaucoup ?

 22   (pas de réponse).

 23   M. Nobilo (interprétation). - En 1992, vous alliez ensemble avec

 24   les Croates ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Non. Il n'y avait pas de patrouille


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  1   commune, mais nous nous rencontrions. Il nous arrivait de nous rencontrer

  2   et d'échanger quelques mots.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Vous n'aviez jamais de patrouille

  4   commune organisée ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Il y en avait un peu à Zume, mais

  6   pas dans le hameau où j'habitais.

  7   M. Nobilo (interprétation). - En 1992, pourquoi avez-vous eu des

  8   patrouilles ? D'où venait le danger ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Le danger venait des maisons

 10   incendiées, des cambriolages et de situations imprévues, de l'arrivée de

 11   groupes de diversion. Dans des situations de ce genre, il est normal

 12   d'organiser des patrouilles.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Où se trouvait la ligne de front

 14   avec les Serbes au plus près de chez vous ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - A Vlaskic.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Cela se trouve à combien de

 17   kilomètres ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je crois que c'est à 200

 19   kilomètres.

 20   M. Nobilo (interprétation). - L'usine de l'industrie militaire,

 21   qui en était le propriétaire ? Le savez-vous ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - C'étaient des entreprises d'Etat,

 23   mais les Croates jouaient un rôle décisif, un rôle de décision dans ces

 24   entreprises. Au début, c'étaient les Serbes, après les Croates.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec moi si


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  1   je disais que c'était le Secrétariat fédéral de la Défense nationale qui

  2   était propriétaire des usines ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui mais après les conflits en

  4   Slovénie et en Croatie, ce sont les Croates qui ont eu le rôle décisif.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qui était le directeur,

  6   le directeur technique ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je sais que Santic était un

  8   directeur technique. Il a été mis en accusation. Santic, qui était

  9   Président de l'Assemblée municipale de Vitez, était directeur technique à

 10   Sintevit. Je le connais personnellement puisque j'y ai travaillé.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire s'il y avait

 12   des Musulmans à ces postes-là ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Très peu.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que vous deviez

 15   attendre. Que vouliez-vous dire par là ? Quel droit aviez-vous pendant

 16   l’attente ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Le "stand by". L'Occident ne

 18   comprend pas bien ce concept. Comment pourrais-je vous dire ? Je ne peux

 19   pas vous affirmer qu'il n'y avait pas de travail, mais certaines personnes

 20   étaient systématiquement envoyées en stand by de façon à ne pas être

 21   informées de ce qui se passait dans cette industrie militaire.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

 23   qu'il ne s'agit pas d'un

 24   licenciement, mais du fait que, provisoirement, vous n'avez pas

 25   de travail, alors vous attendez jusqu'à ce qu'on vous trouve un autre


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  1   travail ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Temporaire, oui, c'est ainsi qu'on

  3   peut le dire.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce à cause de la guerre et de

  5   toutes ces circonstances en Bosnie et dans l'ex-Yougoslavie qu’il y avait

  6   moins de travail en Bosnie ?

  7   M Ahmic (interprétation). - Il y a eu de cela aussi, oui.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Les Croates étaient-ils en stand

  9   by aussi ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Il y en avait.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous le résultat des

 12   premières élections dans la municipalité de Vitez, approximativement ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Je le sais. C'est le HDZ qui a

 14   obtenu la victoire de peu dans les élections locales. Le SDA a remporté la

 15   victoire au niveau du Parlement de Bosnie-Herzégovine au deuxième tour des

 16   élections.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Le HDZ, c'est le parti Croate qui

 18   a gagné dans la municipalité de Vitez ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - De très peu, de très peu.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Dans l'interrogatoire principal,

 21   vous avez dit que Vitez était sous le contrôle militaire pratiquement.

 22   Pouvez- vous nous donner des exemples de cela ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - En ce qui concerne le pouvoir

 24   militaire du HVO, en 1992 quand il y a eu ces élections pour la

 25   souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, j’ai demandé à Mladen Marinic


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  1   comment les choses se passaient au sein du HDZ. Il m’a dit : "Le HDS ne

  2   signifie rien. Nous avons le pouvoir au HVO".

  3   C'était une surprise pour moi. J'ai donc obtenu des informations

  4   de première main quant au fait que les Croates étaient en train de mettre

  5   en place un gouvernement HVO et pas HDZ.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qu'en Bosnie, les

  7   Croates, en parlant à la fois de l'administration militaire et civile,

  8   disaient le HVO ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Dans les derniers temps, le HVO

 10   recouvrait tout.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Le HVO civil ou militaire ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, d'après moi, c'était

 13   majoritairement une organisation militaire. Civile, elle ne l'était pas.

 14   Qu'est-ce que cela voulait dire ? C'était bien une préparation à la

 15   guerre.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Qui était le Président de

 17   l'Assemblée municipale de Vitez ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Ivan Santic, je crois.

 19   M. Nobilo (interprétation). - C'était un militaire ou un civil ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - C'était un civil, oui.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Qui était le vice-président ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Le Président du conseil exécutif,

 23   Fuad Kaknjo.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Il était musulman ou croate ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - Musulman.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Civil ou militaire ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Un civil. Mais puis-je continuer ?

  3   Leur action était réduite à mon avis. Je sais que Kaknjo me disait que les

  4   Croates ne cessaient de lui dire : "Qui doit faire ceci, cela ?". Si bien

  5   que les Croates étaient déjà en train de prendre la haute main sur tout,

  6   comment pourrais-je dire, sur tous les résultats. Ils ont détournés les

  7   résultats à leur unique profit.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qu’au bout d'un certain

  9   temps, il existait pratiquement deux administrations civiles musulmanes et

 10   croates ?

 11   M  Ahmic (interprétation). - Oui, progressivement, tout s’est

 12   séparé.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous déjà fait partie des

 14   assemblées municipales, des réunions entre les Croates et les Musulmans à

 15   Vitez au niveau de la municipalité ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Non, je n'y suis pas allé. J'étais

 17   membre du SDA. C'est pour cette raison que j'apprenais certaines choses.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Après, on ne va plus parler de

 19   cela. Pensez-vous que ce sont les Croates qui ont fait partir les

 20   Musulmans de l'administration ou que c’est la partie militaire des Croates

 21   qui a fait partir tous les autres, les a fait sortir de l'administration ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Je pense que l'aile militaire a

 23   pris le contrôle du HVO, de tout le pouvoir chez les Croates, et donc le

 24   pouvoir complet sur Vitez.

 25   Vous savez très bien que les Musulmans ont été forcés de signer


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  1   un acte d'allégeance vis-à-vis de la Bosnie, dans le cas contraire, ils

  2   étaient forcés de quitter le pays. Je ne sais pas si vous êtes au courant

  3   de cela. Je peux vous citer Mustafa Ahmic. Je sais qu'il l'a signé.

  4   Quelqu'un de Kruscice, qui était portier à la municipalité, a été obligé

  5   de signer un acte d'allégeance vis-à-vis de la Bosnie pour pouvoir

  6   conserver son poste.

  7   Voilà quelles étaient les réalités.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Un acte d'allégeance par rapport

  9   au pouvoir civil de Bosnie ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Au pouvoir civil, oui, mais ce

 11   pouvoir civil était en fait complètement militaire.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Donnez-nous des exemples concrets

 13   qui prouvent que c’est l’aile militaire du HVO qui détenait le pouvoir.

 14   M. Ahmic (interprétation). - Si je vous cite les mots de Mladen

 15   Marinovic qui a dit : "Chez nous, le pouvoir civil ne fonctionne pas,

 16   c'est le pouvoir militaire qui fonctionne".

 17   Posez-lui la question. Il est de Nadioci. Il était le

 18   représentant du HDZ à Nadioci. Déjà, chez eux, on distribuait les armes.

 19   Les gens arrivaient, on votait pour la souveraineté de la

 20   Bosnie-Herzégovine. En même temps, des gens arrivaient chez

 21   Mladen Marinic pour lui dire : "Donnemoi une grenade, un fusil, donne-moi

 22   ceci ou cela". Cela veut dire que des contingents entiers de militaires

 23   venaient de Croatie. Je suis témoin de tout cela. Croyez-moi. Des hommes

 24   en uniforme militaire venaient au bureau de vote. Il y avait Karlo et

 25   Livancic. C'est le fils de... Je ne me rappelle pas. Mais déjà en 1992 ces


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  1   hommes en uniforme arrivaient. C'était la première fois que je voyais des

  2   hommes en uniforme en 1992. Maintenant, vous comprendrez que c'était déjà

  3   une organisation militaire. Mladen Marinic me dit : "Nous avons le pouvoir

  4   au HVO, le pouvoi du HDZ ne fonctionne pas".

  5   M. Nobilo (interprétation). - En 1992, la guerre n'avait pas

  6   encore commencé avec les Serbes. Il était donc anormal que des gens se

  7   promènent avec des fusils.

  8   M. Ahmic (interprétation). - Monsieur, il y avait la guerre en

  9   Croatie.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Et il n'y avait personne en Bosnie

 11   en 1992 ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Elle a commencé en 1992, quand

 13   Mladen Marinic m'a parlé ; des barrages ont commencé à être mis en place.

 14   Quand Mladen Marinic me parlait, c'était en avril 1992 et la guerre en

 15   Bosnie, effectivement, n'avait pas encore commencé.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Mis à part cela, avez-vous

 17   d'autres exemples démontrant que c'est l'armée qui a pris le pouvoir dans

 18   les structures municipales ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Croyez-moi, il y en avait. Dans les

 20   écoles, par exemple, le programme croate a été instauré, a été imposé. Les

 21   nôtres n'étaient pas d'accord. Ce pouvoir commun croato-musulman, s'il

 22   avait été commun, les Musulmans ne l'auraient jamais accepté. Ce sont les

 23   militaires croates qui ont imposé l'introduction de ce genre de programme

 24   dans les écoles, à la fois aux civils croates et aux Musulmans. Vous

 25   comprenez ? Vous voyez ? Cela signifie que quelqu'un était au-dessus du


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  1   pouvoir du HDZ, au-dessus du pouvoir civil.

  2   M. Nobilo (interprétation). - D'accord, les Croates ont imposé

  3   leur programme dans les écoles. Mais qu'est-ce qui vous fait conclure que

  4   c'était l'aile militaire qui imposait cela

  5   et non pas l'aile civile ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Parce qu'à mon avis ils ne se sont

  7   pas entendus avec les Musulmans. Il aurait dû y avoir un compromis. Ils

  8   n'ont agi qu'en fonction de leur propre volonté, à leur gré.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Oui, c'étaient les Croates qui se

 10   comportaient ainsi. Mais qu'est-ce qui vous fait conclure que c'est

 11   l'armée qui détenait le pouvoir ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Avec des papiers, sans doute là-

 13   bas. Je n'ai pas de preuve de cela. Sans doute y a-t-il eu un décret chez

 14   vous pour que cela se passe ainsi.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Et vous n'avez pas vu un tel

 16   papier ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez d'autres preuves selon

 19   lesquelles c'est l'armée qui a pris le pouvoir ?

 20   M. Cayley (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

 21   Cette question a reçu 5 fois une réponse. Le témoin tente de donner les

 22   explications les plus opportunes sur la base de son expérience. Il

 23   conviendrait de demander au conseil d'avancer.

 24   M. le Président. - L'objection est accordée. Le témoin n'a pas à

 25   arriver ici avec des papiers, des documents écrits pour prouver ses dires.


Page 3758

  1   Il témoigne de ce qu'il a vu et de ce qu'il a ressenti. Vous passez à une

  2   autre question, Maître.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Moi

  4   aussi, je pense que cela suffit. C'est précisément pour cela que j'ai posé

  5   la question pour que l'on puisse comprendre très clairement ce que le

  6   témoin a vu et su.

  7   Monsieur Ahmic, pendant l'interrogatoire principal vous avez dit

  8   que des gens d'Herzégovine sont venus pour garder l'usine.

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 10   M. Nobilo (interprétation). - L'usine de matériels explosifs.

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Cela s'est passé quand ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Cela s'est passé en 1993, je crois,

 14   et peut-être même avant 1993. Vous savez qu'il y a eu des heurts à

 15   Busovaca avant les heurts à Vitez. Les nôtres étaient déjà là-bas.

 16   Certains d'entre eux travaillaient dans cette usine. Ils racontaient que

 17   des gens d'Herzégovine étaient venus pour garder cette usine. C'était

 18   l'armée du HVO.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Quand ont-ils quitté l'usine,

 20   s'ils l'ont fait ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas, peut-être que cette

 22   armée se trouve encore aujourd'hui chez nous. Je ne peux pas vous dire

 23   quand ils se sont retirés, mais jusqu'au jour de l'attaque d'Ahmici ils

 24   ont été là quotidiennement.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit en début de


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  1   l'interrogatoire principal que, chez vous, la TO, c'était la protection de

  2   civils. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ? Qu'est-ce que veut dire

  3   la protection de civils ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Dans notre programme scolaire

  5   d'avant la guerre, il y avait un certain nombre de dispositions relatives

  6   à la défense des civils. Je crois que vous l'avez lu et appris.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Non, les juges n'ont pas appris.

  8   M. Ahmic (interprétation). - La défense civile a pour but de

  9   protéger les biens et les personnes. Puisque nous n'avons pas pu, nous les

 10   Bosniaques, créer une armée comme l'avaient fait les Croates parce que

 11   nous étions encerclés, nous nous sommes tournés vers la défense civile. Il

 12   y avait très peu d'armes. Nous n'avons pas pu, avec ces armes, créer une

 13   quelconque armée.

 14   En ce qui concerne Ahmici, les quelques armes que nous avions

 15   étaient de mauvaise qualité. C'étaient des armes qui avaient été apportées

 16   d'une façon ou d'une autre au moment de l'explosion à Slimena et nous

 17   n'avions pas de munitions. Il était donc hors de question de parler

 18   d'une armée. Nous l'appelions donc "défense territoriale", qui

 19   avait pour but de nous protéger autant que faire se peut contre un ennemi

 20   éventuel.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la protection civile,

 22   d'après ce que nous apprenions dans les écoles en ex-Yougoslavie, avait

 23   des armes ou pas ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Non, elle n'avait pas d'arme. Mais

 25   dans la situation dans laquelle nous nous trouvions, nous étions


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  1   l'équivalent de la défense civile. Nous étions bien

  2   sûr la défense territoriale qui possède des armes. Mais les fonctions que

  3   nous remplissions ressemblaient davantage à celles de la défense civile.

  4   On peut distinguer entre la défense civile et la défense territoriale,

  5   mais de toute façon il est hors de question, il est impossible de dire que

  6   l'armée de Bosnie-Herzégovine se trouvait à Ahmici.

  7   M. Nobilo (interprétation). - En 1992, avant le conflit autour

  8   des barrages en octobre 1992, est-il vrai que votre frère était le

  9   commandant de la défense territoriale à Ahmici ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Il l'était à Ahmici, oui.

 11   M. Nobilo (interprétation). - A l'époque, combien y avait-il

 12   d'hommes dans la défense territoriale sous son commandement ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Une centaine, une centaine d'hommes

 14   à peu près.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit aux enquêteurs du

 16   bureau du Procureur "120". Est-ce que ce serait le chiffre exact ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Ce sont des chiffres assez

 18   approximatifs.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Comment ces 120 personnes

 20   étaient-elles organisées au sein du village ? Dans les parties supérieure

 21   et inférieure du village, y avait-il des organisations différentes ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui, vous avez raison. C'est dans

 23   ces hameaux que les patrouilles patrouillaient.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Donc, j'ai raison de dire qu'à

 25   Gornji Ahmici il y avait


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  1   un groupe indépendant ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  3   (Passage à vérifier - Vérifier les intervenants)

  4   M. Nobilo (interprétation). - Ahmici central, c'est Grabovi.

  5   C'est là où se trouve la maison des Kupreskic, n'est-ce pas ?

  6   Gornji Ahmici aussi avait un groupe ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Et à Zume aussi, là où ils

  8   habitaient à côté des

  9   Croates. Santic, c'est un autre endroit encore.

 10   (Fin du passage à vérifier)

 11   M. Nobilo (interprétation). - Zume, c'était séparé ou cela

 12   faisait partie de Donja Ahmici ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Ils étaient sous notre

 14   commandement.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, je voudrais savoir,

 16   avant le conflit, en octobre, si votre frère Muris était le commandant de

 17   toutes les personnes de Zume, Donje, Ahmici, Grabovi et Gornji Ahmici ou

 18   seulement Donje Ahmici ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Il commandait dans tous ces

 20   endroits.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Qui était son adjoint et qui était

 22   chargé de Gornji Ahmici ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Il n'avait pas vraiment d'adjoint.

 24   Je sais que Mirsad Ahmic était son adjoint, mais il n'en avait pas

 25   beaucoup.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il quelqu'un qui

  2   commandait la zone supérieure d'Ahmici ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Non, c'est lui qui établissait le

  4   plan des patrouilles, qui affectait les hommes à leur patrouille.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Votre frère ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Mirsad Ahmic était son adjoint ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Votre frère avait-il d'autres

 10   adjoints sous son commandement ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui, effectivement, oui. Ce n'était

 12   pas un commandement très fort en tant que tel.

 13   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé),

 14   (expurgé).?

 15   M. Ahmic (interprétation). - (expurgé),

 16   (expurgé).

 17   M. Nobilo (interprétation). - (expurgé)

 18   (expurgé).

 19   M. Ahmic (interprétation). –(expurgé).

 20   M. Nobilo (interprétation). – (expurgé)

 21   M. Ahmic (interprétation). - (expurgé),

 22   (expurgé), c'était suffisant.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Et votre frère était à la tête de

 24   cette organisation de petite taille ? Qui était son supérieur ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - C'était le chef d'état-major de la


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  1   Défense territoriale à Vitez.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Et Sefkija Didic, était-il

  3   commandant dans ce quartier général de la Défense territoriale de Vitez ?

  4   M. Ahmic (interprétation). -  Je crois que Sefkija Didic, à ce

  5   moment-là, n'en était pas le commandant jusqu'au début du conflit, c'est-

  6   à-dire en octobre. Mais plus tard, il l'est devenu, oui. Je ne sais pas

  7   qui était le commandant à cette époque.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Mais, c'était un subordonné au

  9   sein du quartier général

 10   de la Défense territoriale à Vitez n'est-ce pas ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   M. Nobilo (interprétation). -  Bien. Passons à ce barrage

 13   routier du mois d'octobre. De quoi était-il fait ? A quoi ressemblait-il ?

 14   Je n'ai jamais vu ce genre de choses de toute ma vie.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Peut-être auriez-vous pu le voir à

 16   la télévision ! Je n'ai jamais été à ce barrage moi-même, mais je sais

 17   qu'ils avaient placé quelques mines sur la route. Peut-être qu'ils avaient

 18   constitué ce barrage grâce à des véhicules et que les gens étaient sortis

 19   des véhicules et qu'ils étaient à l'extérieur. C'est de cela qu'était fait

 20   le barrage routier.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il certaines tranchées

 22   autour de ce barrage ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Non. Au départ non, mais nous en

 24   avons creusé quelques-unes par la suite durant la nuit.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit  : "Nous en avons


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  1   creusé" mais vous l'avez fait ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Non, d'autres personnes de notre

  3   groupe l'ont fait. Mais, moi personnellement, non.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Où se situaient ces tranchées ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Elles étaient près de ce barrage,

  6   pas juste à côté, mais pas loin.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Ces tranchées se trouvaient-elles

  8   à la fois à gauche et à droite de la route ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Non, juste sur la gauche, pas sur

 10   la droite.

 11   Elles étaient en direction de Busovaca.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Combien de mines ont-elles été

 13   posées ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Il y en avait quelques unes sur la

 15   route, mais pas

 16   beaucoup.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Où toutes ces munitions, ces mines

 18   étaient-elles stockées ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Quelqu'un les a amenées et les a

 20   posées.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Vous dites qu'il y a eu une

 22   explosion à Slimena. Je crois que cette explosion a eu lieu en

 23   février 1992, mais où ont-elles été conservées jusqu'en octobre ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas. Pas à des endroits

 25   particuliers. Chacun les apportaient avec soi. Il n'y avait pas un point


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  1   de stockage central.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Donc, dans les maisons de

  3   particuliers ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Avant de les stocker dans les

  6   maisons. Vous voulez dire que ces mines étaient stockées dans les maisons

  7   d'Ahmici, c'est cela ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui, mais il n'y avait pas beaucoup

  9   de munitions.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des pièces de mortier,

 11   des lance-roquettes légers ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je crois qu'il y avait une pièce de

 13   mortier, ou un lance-roquette, mais je crois que cela ne fonctionnait pas.

 14   Les Croates le savaient d'ailleurs et nous n'avions pas de

 15   munitions pour nous servir de ces lance-roquettes.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Et qui était à la tête des

 17   personnes qui se trouvaient autour de ce barrage routier ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Vous voulez parler du barrage ? Eh

 19   bien au barrage, il y avait quatre personnes : Zahid, Nermin Ahmic et deux

 20   ou trois autres hommes, mais je ne connaissais pas leur identité.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Peut-on dire donc que Zahid Ahmic

 22   était le commandant de ce barrage, de l'équipe qui s'en occupait ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui, on pourrait dire cela. Mais ce

 24   n'était pas un poste très important. On pourrait dire que c'était lui qui

 25   commandait les lieux.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact de dire que

  2   Zahid Ahmic était au barrage ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Il y en a plusieurs. Je ne sais pas

  4   duquel vous parlez. Du plus jeune ou du plus vieux ?

  5   M. Nobilo (interprétation). - N'importe lequel, y en avait-il un

  6   qui s'appelait Zahid Ahmic ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne peux pas vous le dire

  8   parce que je n'étais pas là. Il y avait les deux hommes dont je viens de

  9   vous parler.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Et Ramo Bilic était-il au

 11   barrage ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire. Je vous

 13   ai parlé des deux hommes que je connaissais. Mais sur les deux autres, je

 14   ne peux pas vous donner d'information. Je n'étais pas sur place.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Après cet incident du barrage,

 16   votre frère n'a plus occupé la fonction de commandant n'est-ce pas ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Psychologiquement, il a subi un

 20   certain choc à cause de toutes les attaques contre les maisons.

 21   Psychologiquement, il était un peu choqué. Je ne sais pas si ses

 22   supérieurs lui ont demandé de quitter son poste, je ne le sais pas.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Lors de l'interrogatoire

 24   principal, vous avez dit : "Nous avons installé un barrage dans le

 25   village." Est-ce que votre frère a reçu l'ordre du chef d'état-major de la


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  1   Défense territoriale ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui effectivement, il a reçu cet

  3   ordre.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Du quartier général de la Défense

  5   territoriale ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Dans ce petit groupe de

  8   commandement, aviez-vous un transmetteur radio ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Oui effectivement.

 10   M. Nobilo (interprétation). -  Où se trouvait-il ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Il était dans l'école élémentaire

 12   d'Ahmici.

 13   M. Nobilo (interprétation). - La nuit qui a précédé cet incident

 14   au barrage, vous trouviez-vous dans cette école où se trouvait cet

 15   émetteur radio ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Je ne m'en occupais pas, mais

 17   effectivement j'étais autour du bâtiment de l'école, dans la forêt qui

 18   l'entourait.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous pu entendre les

 20   communications radio ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Non. Mais je sais que la personne

 22   chargée des communications était près de notre émetteur. Je n'étais pas

 23   chargé de cela, donc je ne savais pas.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des communications

 25   établies avec le quartier général de la Défense territoriale ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Et des instructions ont-elles été

  3   envoyées sur les choses à faire dans de telles situations ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'occupais pas des

  5   communications. Par conséquent, je ne peux pas répondre à cette question.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Oui, n'hésitez pas à me dire si

  7   vous ne pouvez pas répondre à une question.

  8   Parlez-moi de ces maisons et de ces étables qui ont été

  9   incendiées en octobre 1992.

 10   Où se trouvaient-elles ? Près de la route, près du barrage ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, le long de la route,

 12   toutes. Il n'y avait qu'une étable qui se trouvait dans la partie

 13   supérieure.

 14   Monsieur le Président, je crois que ce n'était pas en rapport

 15   avec le barrage lorsque nous avons fait cela. Nous parlons maintenant des

 16   étables brûlées en octobre.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Bien. Ces maisons et ces étables

 18   se trouvaient donc près de la route ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui, mais d'autres étaient plus

 20   loin de la route, plus loin que celles qui ont été incendiées à Zume.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Donc aucune ne se trouvait près du

 22   barrage ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Non. Trois maisons se trouvaient

 24   près du barrage. Une ou deux se trouvaient à Zume.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que 80 % de la


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  1   population civile avaient été évacués. Vous parlez de la partie inférieure

  2   d'Ahmici ou de l'intégralité d'Ahmici ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Je parle d'Ahmici tout entier. Des

  4   personnes de la partie supérieure d'Ahmici ont également été évacuées vers

  5   un autre village, Vrhovine.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si des personnes ont

  7   été tuées à ce moment-là, ou un soldat Croate ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne sais pas.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Lorsque l'incident des barrages a

 10   pris fin, est-ce quoi que ce soit a été réparé ? Avez-vous participé à

 11   d'éventuelles réparations ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Certains matériaux pour

 13   réparer les bâtiments nous sont parvenus.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la municipalité a aidé

 15   les Croates ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous s'il y a eu des

 18   négociations après que le barrage a été détruit ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Mon frère Muris et Fuad Berbic se

 20   sont rencontrés, sont allés sur place. Effectivement, un compromis a été

 21   signé. Les Croates nous ont demandé de donner nos armes. Nous avons dit

 22   que nous leur donnerions quatre fusils, et ils ont dit d'accord. Peut-être

 23   qu'un accord politique a été signé dans les sphères politiques à Vitez,

 24   mais je ne sais pas.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de ces quatre


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  1   fusils. Vous avez dit qu'ils appartenaient à la police militaire croate.

  2   Savez-vous dans quelles circonstances ces fusils leur ont été enlevés ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Ils étaient venus au barrage. C'est

  4   la que leurs armes leur ont été prises.

  5   Cela arrivait souvent. Les camps se désarmaient les uns les

  6   autres aux barrages. Cela est arrivé à de nombreux barrages routiers. Les

  7   Croates, bien sûr, en avaient plus, mais ils avaient aussi plus d'armes.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous où étaient ces deux

  9   policiers militaires et qui ils étaient ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - On m'a dit qu'ils étaient de

 11   Busovaca, que c'était la police militaire de Kordic.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Et durant ce conflit, d'où

 13   l'attaque est-elle venue ? C'est-à-dire l'attaque contre le barrage

 14   routier ? Cela venait de Vitez ou de Busovaca ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - De Busovaca et de la direction du

 16   village de Rovna. C'est là que des maisons ont été mises à feu et

 17   particulièrement mon étable. Cela venait du sud.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit, lorsqu'il y avait

 19   ce combat autour de ce barrage routier, que Pezer a été touché et que

 20   cette balle vous a manqué de peu. Ou vous

 21   trouviez-vous à ce moment là et où était Pezer ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, en fait, il y avait des

 23   tirs qui venaient de plusieurs endroits. Je ne sais pas exactement comment

 24   cela s'est passé.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Etiez-vous présent lorsque Pezer a


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  1   été tué ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Non.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous où il a été tué ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Il a été tué près de la maison

  5   d'Hajrudin Pjanic.

  6   M. Nobilo (interprétation). - A quelle distance du barrage ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - A peu près 100 mètres.

  8   M. le Président. - Maître Nobilo, peut-être pouvons-nous arrêter

  9   là pour ce soir. Il est 17 h 45 et manifestement, vous ne terminerez pas

 10   votre contre-interrogatoire ce soir. Je crois que le mieux est d'arrêter,

 11   notamment pour les interprètes. Nous reprendrons donc demain matin à

 12   10 heures.

 13   L'audience est levée.

 14   L'audience est levée à 17 h 45.

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