Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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4 Jeudi 11décembre 1997

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6 L'audience est ouverte à 10 heures 30.

7

8 M. le Président. - Monsieur le greffier, veuillez introduire

9 l'accusé, s'il vous plaît.

10 (L'accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d'audience.)

11 M. le Président. - Nos interprètes sont-elles prêtes ?

12 Les interprètes. - Oui, Monsieur le Président. Bonjour.

13 M. le Président. - Bonjour, tout le monde m’entend. Mes

14 collègues, la défense, le Procureur, le général Blaskic ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

16 je vous entends bien.

17 M. le Président. - Veuillez nous excuser pour ce retard. La

18 Chambre de première instance est très requise -ce qui est tout à fait

19 flatteur pour les Juges qui la composent- de beaucoup de motions. Cela

20 prouve que vous nous faites énormément confiance. Il nous faut du temps

21 pour discuter. Nous profitons de tous les instants pour discuter entre

22 nous. Veuillez donc nous excuser. Les excuses valent pour les juges comme

23 elles valent pour les parties. Nous allons, sans plus tarder, commencer.

24 Madame Paterson va continuer. Je rappelle que nous écoutions le témoignage

25 du major Hunter. Merci, Monsieur le juge Riad de me le rappeler.

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1 Monsieur le greffier, veuillez faire introduire le témoin.

2 (Le témoin, M. Hunter est introduit dans la salle d'audience)

3 M. le Président. - Tout est réglé. Major Hunter,

4 m'entendez-vous ?

5 M. Hunter (interprétation). - Oui, merci Monsieur le Président.

6 M. le Président. - Vous êtes reposé ?

7 M. Hunter (interprétation). - Oui, merci.

8 M. le Président. - Madame le Procureur, nous allons poursuivre

9 votre témoignage.

10 Vous aviez relaté la première série d'incidents, celle relative

11 au 19 mai 1993 concernant les coups de feu qui vous avaient, je crois,

12 réveillés. Madame Paterson, c'est à vous.

13 Mme Paterson (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

14 Bonjour.

15 M. Hunter (interprétation). - Bonjour.

16 Mme Paterson (interprétation). - J'aimerais attirer votre

17 attention, ce matin, sur les événements du 20 mai 1993. Ce jour-là,

18 avez-vous eu l'occasion de participer à une réunion à l'Hôtel Vitez ?

19 M. Hunter (interprétation). - Oui. Après le déjeuner, j'ai

20 emmené deux véhicules warrior et un interprète, et je suis allé à

21 l'Hôtel Vitez pour y rencontrer certains dirigeants. C'était ma première

22 et dernière réunion. Ce fut la seule occasion que j'ai eue de les

23 rencontrer. Les personnes que je suis allé rencontrer, étaient

24 M. Ante Valenta, Pero Skopljak et Ivan Santic.

25 Ils se sont présentés : Ivan Santic comme étant le maire de

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1 Vitez, Ante Valenta comme étant le vice-président du HVO en

2 Bosnie-Herzégovine, plus exactement vice-président de la communauté croate

3 de Bosnie-Herzégovine et Pero Skopljak comme étant... Il faut que je

4 vérifie, excusez-moi. J'ai quelques notes avec moi que je dois consulter.

5 Mme Paterson (interprétation). - Commandant Hunter, je vais

6 peut-être pouvoir vous montrer une pièce à conviction qui va vous

7 rafraîchir la mémoire. Je demanderai à

8 M. le greffier de bien vouloir montrer au témoin la pièce à

9 conviction 174, s'il vous plaît.

10 M. Hunter (interprétation). - Effectivement.

11 Mme Paterson (interprétation). - Un instant, je vous prie. Je

12 voudrais expliquer au Tribunal ce que vous êtes en train de regarder.

13 M. Hunter (interprétation). - Ce sont les cartes de visite que

14 m'ont remises ces trois personnes lorsque je suis arrivé à l'Hôtel Vitez.

15 J'ai pris des notes pour traduire le serbo-croate en anglais alors qu'ils

16 me parlaient. Monsieur Pero Skopljak, du moins comme l’indiquait sa carte,

17 était président de la Communauté croate démocratique à Vitez. Ils ont

18 ajouté à la main leurs nouveaux numéros de téléphone parce que les cartes

19 indiquaient ceux qu'ils avaient avant le début du conflit. Il y avait donc

20 des numéros qui étaient des numéros internes de l'Hôtel Vitez ou du Bureau

21 des PTT qui se trouve à l'extérieur et des deux quartiers généraux pour

22 Vitez et la Bosnie centrale.

23 A l'entrée de l'Hôtel Vitez, je ne me souviens plus qui m'a

24 rencontré, en tout cas quelqu'un m'a rencontré. Nous avons traversé le

25 foyer et nous sommes passés un peu plus loin. Il y avait une rangée de

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1 tables, des équipements radio dont s'occupaient deux ou trois soldats en

2 uniforme qui étaient de garde. Puis, j'ai pénétré davantage dans l'Hôtel.

3 J'étais au rez-de-chaussée et je suis entré dans le bureau du

4 directeur qui était bien équipé. Il y avait un grand bureau, des fauteuils

5 et des tables basses. J'avais un interprète de notre Régiment, une femme

6 de Bosnie. Je crois que l'entretien a duré une heure et demie.

7 Nous avons bu le café et le Slivovic. Au cours de cette

8 discussion, qui a été ma première occasion de rencontrer ces

9 personnalités, nous avons parlé de façon générale de la FORPRONU dans la

10 région et ces personnes m'ont fait part de la façon dont ils pensaient que

11 l’on pouvait résoudre au mieux le conflit qui sévissait en Bosnie.

12 Monsieur Valenta m’a montré un petit prospectus qu'il avait

13 écrit en 1991 ou en

14 1992, un texte qui montrait la composition ethnique des

15 différentes villes et municipalités de Bosnie. Il y avait beaucoup de

16 camemberts sur des cartes qui montraient qu’il y avait, par exemple, 40%

17 de Croates, 45% de Musulmans... Ces graphiques s’appliquaient à chacune

18 des villes.

19 La conclusion principale qu’il en a tiré, c’est qu’il

20 s’attendait à ce qu’il y ait des conflits ethniques qu'il avait déjà

21 évoqués dans ce texte, plusieurs années avant qu'ils n'éclatent. Il a dit

22 qu'il faudrait, pour que ces communautés puissent continuer à vivre,

23 qu’elles vivent séparées.

24 Selon ma propre interprétation, je pense qu’il considérait comme

25 une nécessité d’avoir une Bosnie ethniquement pure. Une proposition m'a

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1 été soumise. Je l'ai notée brièvement et je l’ai emmenée avec moi à

2 l’état-major, pour en informer mes responsables. J'ai dit que cette

3 proposition suivrait par écrit, venant du colonel Blaskic, mais je ne sais

4 pas si elle est jamais arrivée.

5 Il y avait une proposition pour le problème de Stari Vitez où

6 vivaient, dans cette partie de la ville, environ deux mille Musulmans qui

7 ne pouvaient pas en sortir depuis l’explosion du camion piégé qui, je

8 pense, s’était produite le 16 avril, deux semaines avant mon arrivée. La

9 proposition consistait à ce que la FORPRONU aille s’emparer des armes que

10 possédait l'armée de Bosnie-Herzégovine à l’intérieur de Stari Vitez,

11 puis, que nous escortions les soldats de l’armée de Bosnie-Herzégovine

12 pour qu’ils sortent de la ville et traversent les lignes en direction de

13 Zenica. Nous devions aussi garantir la sécurité de tout Musulman qui

14 demeurerait à Stari Vitez.

15 Une solution de rechange qui ne serait pas acceptée serait le

16 recours à la force. Pour moi, le recours à la force signifiait un recours

17 contre l’armée de Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez. J’ai pris note de

18 cette proposition. J’en ai informé mon commandant de retour à la base, à

19 Stari Bila. Je ne sais pas s’il y a eu un suivi de cette lettre par une

20 lettre du colonel Blaskic. Je

21 ne sais pas si la lettre du colonel Blaskic est parvenue à mon

22 commandement.

23 La conversation a duré environ une heure et demi. J’ai quitté

24 l’hôtel Vitez par la suite. Et puis j’ai dû contourner la ville. Même s’il

25 ne fallait parcourir que mille mètres, je voulais aller à l’église

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1 franciscaine de Saint Georges.

2 Mme Paterson (interprétation). - J'aimerais vous interrompre à

3 ce stade, pour vous poser quelques questions sur ce qui s’est passé dans

4 l’hôtel Vitez. Vous rappelez-vous pourquoi vous avez été appelé à

5 participer à cette réunion ? Pourquoi a-t-elle été organisée ? Deviez-vous

6 rencontrer ces messieurs ? Vous l’ont-ils demandé ?

7 M. Hunter (interprétation). - Je ne m’en souviens plus

8 exactement, mais je pense que cette réunion visait à me permettre de

9 rencontrer ces personnalités, pour que je connaisse mieux les dirigeants

10 de la région de Vitez.

11 Il me faut peut-être ajouter ceci : je ne suis plus jamais

12 retourné à l’hôtel Vitez, parce que le système que le commandement voulait

13 utiliser, après ces premières expériences, était d’avoir un officier de

14 liaison permanent, qui assurerait la liaison avec l’hôtel Vitez. Il

15 s’agissait du capitaine Lee Twewiters. C’est lui qui est devenu l’officier

16 de liaison à Vitez. Donc il n’y a pas eu de réunion de suivi, à l’hôtel

17 Vitez, en tout cas, pas pour moi. J’y suis retourné une fois, quelques

18 jours plus tard, mais au bâtiment des PTT.

19 Mme Paterson (interprétation). - Major Hunter, j’aimerais

20 simplement vous rappeler, comme je l’ai déjà fait hier, que vous et moi

21 devons ralentir un peu notre débit, et ménager une pause entre les

22 questions et les réponses.

23 Vous avez dit que, à votre entrée dans l’hôtel Vitez, vous aviez

24 traversé le hall d’entrée pour vous diriger vers une autre pièce. Dans

25 l’entrée de l’hôtel, vous avez vu des radios. Pouvez-vous nous donner des

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1 détails, au sujet des radios que vous avez vu à cet endroit ?

2 M. Hunter (interprétation). - Je vais avoir beaucoup de peine,

3 parce que je crois

4 avoir oublié. Je n’ai pas prêté beaucoup d’attention à ces

5 détails. Je savais que c’était un quartier général, un état-major

6 militaire, donc je n’étais pas surpris de voir des équipements radios.

7 Pendant longtemps, je ne me suis plus souvenu de les avoir vus. C’est

8 seulement en avril que je m’en suis souvenu. Je me suis plus intéressé aux

9 personnes qui étaient de garde. Je me suis plus intéressé aux personnes

10 qu’au matériel.

11 Je crois qu’il y avait effectivement des radios militaires,

12 peut-être deux ou trois, ce qui est tout à fait normal pour un état-major

13 de cette taille. Mais je ne pourrais pas vous décrire le type de radios

14 dont il s’agissait. Elles étaient montées sur des tables. C’étaient des

15 radios qu’on pouvait aussi installer à l’arrière d’un véhicule, sans doute

16 des VHF. Si c’étaient des radios militaires de même taille, ce seraient

17 des VHF, qui donneraient suffisamment de couverture, de rayon, pour toute

18 la vallée, mais peut-être pas pour aller jusqu’à Kiseljak ou Gornji Vakuf.

19 Mme Paterson (interprétation). - Ces postes de radios étaient-

20 ils semblables, du point de vue de leur puissance et de leur dimension, à

21 ceux que vous utilisiez dans l’armée britannique ?

22 M. Hunter (interprétation). - En dimension, oui, peut-être. Mais

23 pour ce qui est de la puissance, je n’en suis pas trop sûr. Je n’ai pas

24 prêté attention, mais je suppose que la technologie, en matière de radio,

25 est à peu près la même partout. Oui, c’est sans doute quelque chose

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1 d’analogue.

2 Mme Paterson (interprétation). - Vous avez déclaré que l’une des

3 raisons pour laquelle vous y êtes allé consistait à discuter d’une

4 proposition qu’il s’apprêtait à vous soumettre en vue de résoudre ce que

5 vous avez appelé les « problèmes de Stari Vitez ».

6 Vous rappelez-vous quelle était la situation de Stari Vitez ce

7 jour-là ? Vous avez dit que les Musulmans étaient toujours dans cette

8 région. Pouvez-vous nous donner des détails complémentaires ?

9 M. Hunter (interprétation). - Oui. L’ancien quartier de Vitez

10 autour de la mosquée faisait un kilomètre de longueur et 700 mètres de

11 largeur. Le HVO contrôlait le reste de la ville. C’était une petite

12 enclave.

13 Apparemment, d’après ce que j’avais appris, il y avait deux

14 mille personnes musulmanes vivant dans cette enclave et la seule façon d’y

15 accéder qui restait d’utilisation, c’était la route principale qui

16 longeait l’hôtel Vitez, les PTT et le commissariat de police qui

17 chevauchait la route.

18 Environ 200 mètres plus loin après ces bâtiments, il y avait

19 effectivement des mines pour l’abord de Stari Vitez, quand on passait du

20 côté du HVO. L’autre sortie de cette enclave avait été bloquée. Tout au

21 bout de cette même route, près de l'église Saint-Georges, la route était

22 bloquée. Il y avait un gros camion de déménagement qui bloquait la route

23 et il était impossible de franchir ce passage.

24 Autrement dit, il n’y avait pas de mouvement possible pour

25 entrer ou sortir, si ce n’est pour la FORPRONU car nous, nous pouvions

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1 entrer et sortir de Stari Vitez, ce que nous avons fait, par exemple pour

2 y amener des vivres et pour rencontrer des dirigeants de Stari Vitez.

3 Cette situation a perduré jusqu’au moment où je suis parti de

4 Bosnie, en nombre 1993, du moins pour la vieille ville. Il y a eu des

5 incidents, des échanges de coups de feu venant des deux parties, des coups

6 de mortier, des RPG7, des armes antiaériennes qui parfois ont tiré, mais

7 il n’y a pas eu de grande offensive. Il est difficile de s’emparer d’un

8 quartier de cette taille avec des bâtiments. Il faut beaucoup de soldats

9 pour s’emparer d’un tel terrain. Il n’y avait pas de possibilité, pour le

10 HVO, de s’emparer de Stari Vitez.

11 L’armée de Bosnie-Herzégovine sur le relief, de la vallée de la

12 Lasva....

13 Mme Paterson (interprétation). - Permettez-moi de vous

14 interrompre un instant, les interprètes demandent que vous ralentissiez le

15 débit.

16 M. Hunter (interprétation). - L’armée de Bosnie-Herzégovine, au

17 nord de Vitez, a plusieurs fois tenté de faire une percée dans le fond de

18 la vallée pour libérer Stari Vitez. Ces tentatives se sont étalées sur

19 plusieurs mois. Il y avait la route qui venait de Zenica.

20 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur Hunter, je voudrais

21 vous interrompre quelques instants. Quand vous vous êtes rendu à cette

22 réunion, le 20 mai 1993, avez-vous une idée du nombre approximatif de

23 Musulmans qui habitaient encore à Stari Vitez ? D’après vos dires, il y en

24 avait environ deux mille.

25 M. Hunter (interprétation). - Je crois être allé une douzaine de

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1 fois à Stari Vitez, souvent en mai et en juin 1993. J’ai eu beaucoup de

2 contacts avec la mosquée, avec le Hodja, le prêtre de la mosquée. Il m’a

3 fourni beaucoup d’informations sur le nombre des personnes qui avaient été

4 enterrées à l’arrière de la mosquée. Parmi ces inhumés, on trouvait

5 beaucoup de victimes du village de Ahmici. Il m’a dit le nombre de

6 personnes qui avaient été arrêtées, les personnes portées disparues.

7 Mme Paterson (interprétation). - J’aimerais maintenant vous

8 poser une question au sujet de la discussion que vous avez eu avec

9 M. Valenta, discussion au cours de laquelle il vous a décrit ses écrits et

10 son point de vue au sujet de la situation en Bosnie centrale.

11 Vous avez déclaré, je crois, que M. Valenta était d’avis que la

12 division ethnique était inévitable. Vous a-t-il expliqué, au cours de

13 cette discussion, de quelle façon celle-ci serait réalisée ?

14 M. Hunter (interprétation). - Non. J’ai pu observer sur le

15 terrain comment ceci se produisait, comment c’était réalisé, mais il ne

16 l’a pas formulé en termes quelconques.

17 Mme Paterson (interprétation). - J’aimerais maintenant que l’on

18 montre au témoin une nouvelle pièce à conviction, une photographie déjà

19 versée au dossier et qui porte le n° 80/7. Peut-on la placer sur le

20 rétroprojecteur.

21 (L’huissier s’exécute.)

22 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur Hunter reconnaissez-

23 vous des personnes sur cette photographie et si oui, pouvez-vous dire qui

24 vous reconnaissez ?

25 M. Hunter (interprétation). - Oui, il s’agit de Anto Valenta.

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1 C’est lui que j’ai rencontré à l’hôtel Vitez et c’est lui qui a parlé de

2 cet écrit qu’il avait rédigé sur la composition ethnique. Pour moi, cet

3 homme-ci c’est Dario Kordic. Je l’ai vu qui assistait à des réunions au

4 quartier général, même si je ne l’ai jamais rencontré personnellement, je

5 ne lui ai parlé.

6 Je reconnais le visage de cet homme, mais je ne peux pas vous

7 dire quel était le poste qu’il occupait.

8 Quant à cet homme-là, qui est en civil, je ne le reconnais pas

9 du tout.

10 Mme Paterson (interprétation). - Donc pour le compte rendu,

11 l’homme qui est sur la photographie et qui porte des lunettes de soleil,

12 vous le reconnaissez comme étant Anto Valenta ?

13 M. Hunter (interprétation). - A l’avant.

14 Mme Paterson (interprétation). - Et vous reconnaissez l’homme

15 qui est à l’arrière, l’homme qui porte des lunettes, comme étant Dario

16 Kordic. N’est-ce pas ?

17 M. Hunter (interprétation). - C’est exact.

18 Mme Paterson (interprétation). - Eu égard à cette réunion à

19 l’hôtel Vitez, j’aurais encore une question à vous poser.

20 Vous avez déclaré qu’à la fin de cette discussion, vous avez

21 compris que si ce plan était accepté, il serait mis noir sur blanc sous

22 forme d’une lettre qui serait adressée au commandant britannique, sous la

23 signature du colonel Blaskic, n’est-ce pas ?

24 M. Hunter (interprétation). - Effectivement, et c’est le contenu

25 de la note que j’ai rédigée.

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1 Mme Paterson (interprétation). - Donc bien que le colonel

2 Blaskic n’ait pas participé à cette réunion, qu’il n’y ait pas été avec

3 vous, vous avez compris que c’était sa

4 signature qui serait apposée au bas de cette lettre.

5 M. Hunter (interprétation). - Oui.

6 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur Hunter, j’aimerais que

7 nous discutions de la journée du 20 mai, mais plus tard dans l’après-midi.

8 Avez-vous eu la possibilité de patrouiller dans la région de Donja

9 Veceriska ?

10 M. Hunter (interprétation). - Effectivement après avoir quitté

11 l’hôtel, j’ai dû contourner toute la ville parce que, comme je l’ai dit,

12 toutes les routes étaient bloquées. J’ai d’abord rencontré le prêtre

13 franciscain à l’église Saint-Georges, puis j’ai repris la route en

14 direction de la base à Stari Bila. Mais en route, sachant qu’il a fallu un

15 certain temps pour traverser Donja Veceriska, nous avons essayé de

16 parvenir à une surélévation pour avoir une meilleure idée de la

17 géographie.

18 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur Hunter, je vais vous

19 interrompre quelques instants. Peut-être serait-il bon que l’on vous

20 remette une pièce à conviction qui vous aidera dans votre récit.

21 Je demanderai la pièce à conviction 175 et qu’on la place sur le

22 rétroprojecteur, je vous prie.

23 (L’huissier s’exécute.)

24 Très bien. Vous pouvez continuer en vous référant.

25 M. Hunter (interprétation). - Le village est à quelque trois

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1 kilomètres au sud ou à l’ouest de la ville de Vitez.

2 Vous voyez des éléments industriels qui font partie de l’usine

3 chimique et d’explosif de Vitez. C’est une position très sensible pour le

4 HVO manifestement.

5 Ma patrouille a emprunté cette route principale qui traverse le

6 village.

7 Au centre du village, dont je savais déjà qu'il s'agissait d'un

8 village contrôlé par les Croates, j'ai constaté, à ce carrefour, un nombre

9 assez élevé de civils et quelques soldats du

10 HVO en uniforme, mais qui ne portaient pas d'armes.

11 J'ai poursuivi la route ascendante et nous sommes montés ici,

12 sur ce point surélevé, pour avoir une meilleure vue de l'ensemble de la

13 vallée de la rivière Lasva et de la ville de Vitez. Déjà en passant par le

14 village, j'avais constaté qu'il y avait de la fumée provenant de cette

15 partie du village. Là, c'est un peu en contrebas, c'est un peu difficile

16 de voir par la photo aérienne, mais cette usine est vraiment dans un lit

17 de vallée très profond, tout ceci étant vraiment accroché à flanc de

18 colline.

19 Dès lors je ne voyais pas les maisons, mais je voyais la fumée

20 qui s'en élevait. C'était fréquent de voir des maisons en feu à cette

21 époque, mais en traversant ce village, je me suis dit que j'irais voir

22 pour mener une petite enquête. Vous voyez ici qu'il y a un virage très

23 serré. Avec le warrior qui est un véhicule blindé, il n'était pas facile

24 de négocier ce virage et il était déjà manifeste que ma présence n'était

25 pas souhaitée, ni par les civils ni par les soldats du HVO.

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1 Mais je me trouvais dans ce gros véhicule. Il n'a donc pas été

2 difficile de poursuivre la route. J'ai arrêté le véhicule au bas de la

3 colline. J'en suis descendu. Ici, il y avait quatre ou cinq maisons en

4 flamme qui étaient vraiment prises par les flammes : les toits s'étaient

5 effondrés, il n'y avait pas le moindre signe d'activité, ni d'occupant. Je

6 savais déjà que ce village avait été vidé des familles musulmanes cinq

7 semaines plus tôt, au milieu du mois d'avril. J'ai pris quelques photos de

8 ces maisons en flamme.

9 A ce moment-là, un des soldats du HVO s'est approché de moi. Il

10 nous avait suivi à pied, il voulait que je ne prenne plus de photos, il

11 voulait que je quitte la région. Il n'était pas agressif. Je n'avais pas

12 d'interprète avec moi, mais il était manifeste, de par les gestes qu'il

13 faisait, que je ne devrais pas prendre de photos, que je n'avais rien à

14 faire dans cette partie-là.

15 J'ai terminé ce que je faisais, j'ai quitté le lieu et je suis

16 rentré à la base. Mais ce n'était rien d'inusité, d'inhabituel en fait. Je

17 ne crois pas avoir pris d'autres photos de maisons en

18 flamme, parce que c'était quelque chose qui se passait tous les

19 jours.

20 Mme Paterson (interprétation). - Avant de passer à quelques

21 autres questions, j'aimerais vous demander quelques éclaircissements au

22 sujet de cette photographie. Vous avez pu regarder cette photographie

23 avant d'entrer dans le prétoire, n'est-ce pas ? Avez-vous comparé la

24 légende dans le coin avec les numéros qui sont apposés sur le schéma ?

25 M. Hunter (interprétation). - Le n° 1 est le carrefour où se

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1 trouvaient des civils et les soldats du HVO, le n° 2 ce sont des maisons

2 en flamme. Le n° 3 est le point dont j'ai pu voir la vallée.

3 Mme Paterson (interprétation). - Vous avez dit que lorsque vous

4 êtes arrivé au carrefour n° 1, sur le schéma, vous avez vu des soldats du

5 HVO. Pouvez-vous nous dire, encore une fois, combien ils étaient et

6 comment ils étaient vêtus ?

7 M. Hunter (interprétation). - Il n'y en avait que quatre ou cinq

8 sans armes. Ils portaient des uniformes de combat propres. Certains

9 d'entre eux arboraient le damier rouge et blanc. Les bottines étaient

10 propres, ils étaient rasés de près, ils n'étaient pas du tout sales.

11 Mme Paterson (interprétation). - Vous avez également dit

12 qu'après être arrivé au point n° 3, au point surélevé, vous êtes revenu

13 sur vos pas pour rejoindre le point n° 2 où vous avez vu des maisons en

14 feu. C'est exact ?

15 M. Hunter (interprétation). - Oui.

16 Mme Paterson (interprétation). - Et est-ce à cet endroit que

17 vous avez pris la photographie ?

18 M. Hunter (interprétation). - Oui, j'ai pris environ quatre ou

19 cinq photos.

20 Mme Paterson (interprétation). - Pouvons-nous montrer au

21 commandant la pièce à conviction 176 qui est un agrandissement de cette

22 photographie ?

23 Mme Paterson (interprétation). - Major Hunter, est-ce que cette

24 photo montre la zone où vous avez pris la photographie que vous venez de

25 décrire ?

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1 M. Hunter (interprétation). - Oui, cette pièce montre l'endroit

2 où mon véhicule était garé. La photo dont je parle a été prise alors que

3 je me trouvais ici, et je regardais dans ce sens-ci. Voyez, il y a un

4 soldat du HVO qui se trouve en face de mon véhicule.

5 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Est-ce que le

6 major Hunter peut voir maintenant la pièce à conviction 177, s'il vous

7 plaît ?

8 Major Hunter, est-ce là la photographie que vous avez prise à

9 l'endroit où quelqu'un vous a demandé de quitter la zone ?

10 M. Hunter (interprétation). - Oui.

11 Mme Paterson (interprétation). - Pourriez-vous décrire pour les

12 juges, peut-être un peu plus en détail, ce qui est montré sur cette

13 photographie ?

14 M. Hunter (interprétation). - On y voit mon véhicule à l'arrière

15 plan, un soldat du HVO mais qui ne portait pas d'arme, qui porte le

16 treillis habituel de combat que portent les soldats. L'écusson qu'on voit

17 très mal sur cette photo, c'est le damier HVO rouge et blanc.

18 Mme Paterson (interprétation). - Etiez-vous accompagné d'un

19 interprète à ce moment-là ?

20 M. Hunter (interprétation). - Non.

21 Mme Paterson (interprétation). - Vous n'avez donc pas pu

22 converser avec ce monsieur ?

23 M. Hunter (interprétation). - Non, et je n'y voyais pas beaucoup

24 d'intérêt. Je ne voyais pas pourquoi je lui poserais des questions.

25 J'avais terminé de prendre des photographies. Je suis remonté dans le

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1 véhicule et je suis rentré à la base.

2 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Commandant Hunter,

3 vous avez dit plutôt que lorsque vous êtes arrivé au point n° 3 sur la

4 photo aérienne, vous avez eu la possibilité de voir l'ensemble de la

5 vallée, notamment le village de Donja Veceriska, puisque vous étiez sur un

6 point surélevé. C'est là que vous avez vu le village en flamme.

7 Pouvez-vous estimer si, depuis la ville de Vitez, il était

8 possible de voir les flammes qui s'élevaient de ce village ?

9 M. Hunter (interprétation). - Oui, on aurait pu le voir. Je

10 reprends la carte avec la vue aérienne. Le centre de la ville est dans

11 cette direction, au nord-est. On peut voir les fumées, mais on ne pouvait

12 pas voir les flammes qui sortaient de ces maisons en feu, qui étaient plus

13 en contrebas. Mais où que ce soit dans la vallée de la rivière Lasva, ces

14 jours-là, en mai, on voyait tous les jours des maisons en feu.

15 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

16 pas d'autre question, mais avant de donner la parole à mes collègues pour

17 le contre-interrogatoire, je voudrais demander le versement au dossier des

18 pièces à conviction que je viens de citer, à commencer par la pièce à

19 conviction 172 qui est la grande photo aérienne.

20 Je devrais expliquer qu'à l'instar de ce qui a été fait avec les

21 autres photos aériennes déjà versées au dossier, celle-ci nous a été

22 fournie par le gouvernement de Grande-Bretagne en vertu de l'article 70.

23 J'ai été informée du fait que cette photographie a été prise aux alentours

24 du 9 novembre 1994, sinon le 9 novembre 1994.

25 Ensuite, nous demandons le versement au dossier des pièces à

Page 5124

1 conviction.

2 M. le Président. - Excusez-moi, Madame Paterson. La pièce 172

3 est donc l'agrandissement... Une petite question : nous avons l'impression

4 qu'il s'agit d'un montage, en tout cas, celle que j'aie.

5 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, je parle

6 de la très grande photo qui porte le n° 172. Quant à la n° 173, comme vous

7 le dites, c'est un montage.

8 M. le Président. - Excusez-moi. Merci.

9 Il n'y a pas d'observation de la part de la défense ?

10 M. Hayman (interprétation). - Nous avons déjà émis notre

11 position en vertu de l'article 70. Ces photos étaient censées nous être

12 communiquées à l'avance. Elles ne l'ont pas

13 été.

14 M. le Président. - Vous ne vous opposez pas à ce qu'elles soient

15 versées comme pièces à conviction ? De toute façon, vous allez les

16 discuter, Maître Hayman, si vous le souhaitez.

17 M. Hayman (interprétation). - C'est le seul commentaire que nous

18 avons à faire, Monsieur le Président.

19 M. le Président. - Parfait. S'il n'y a pas d'autre commentaire,

20 nous pouvons numéroter les autres pièces. Madame Paterson.

21 Mme Paterson (interprétation). - Oui, monsieur le Président,

22 afin que le compte rendu soit complet, je demande le versement au dossier

23 des pièces à conviction 172, 173, 174, qui sont les trois cartes que le

24 commandant Hunter a identifiées, les n° 175 et 176 qui sont les deux

25 photos aériennes de Donja Veceriska, ainsi que la pièce à conviction 177,

Page 5125

1 à savoir la photographie du soldat.

2 M. le Président. - Merci. Nous pouvons donc donner la parole

3 maintenant à Me Hayman.

4 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

5 Président. Bonjour Commandant.

6 M. Hunter (interprétation). - Bonjour.

7 M. Hayman (interprétation). - Tout d'abord, j'aimerais vous

8 poser quelques questions relatives aux événements du 19 mai 1993...

9 M. Hunter (interprétation). - Oui, d'accord.

10 M. Hayman (interprétation). - ... au sujet des maisons que vous

11 avez décrites à l'aide de la pièce 173. Peut-être pourrions-nous retrouver

12 cette pièce 173 et fournir cette carte au témoin afin qu'il puisse

13 s’orienter ?

14 Serait-il exact de dire que, du fait que la position 4 et la

15 position 4A de la pièce 173

16 avaient été occupées par l'armée de Bosnie-Herzégovine, celle-ci

17 contrôlait la route principale à ce carrefour entre Travnik et Vitez ?

18 M. Hunter (interprétation). - Oui, ils bloquaient l'usage de

19 cette route par le HVO.

20 M. Hayman (interprétation). - Quand je dis "la route principale

21 allant de Travnik à Vitez", est-ce bien la route qu'il est possible de

22 voir, qui est adjacente à la ligne 4A de la pièce 173, après que cette

23 ligne fasse un virage ?

24 M. Hunter (interprétation). - Oui, c'est exact. C'est

25 effectivement la route principale qui traverse la photo, dans son centre.

Page 5126

1 M. Hayman (interprétation). - Du fait qu'il n'était pas possible

2 d'utiliser cette route, le HVO devait-il utiliser une piste en terre plus

3 difficile pour ne pas être exposé aux tirs de l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Hunter (interprétation). - Oui, le HVO avait rénové un chemin

6 qui se trouvait à environ 1,5 km au sud de cette route. Cette route

7 passait donc derrière une colline. C'était une route tout à fait

8 utilisable pour nos véhicules.

9 M. Hayman (interprétation). - C'était donc une route qu'ils

10 avaient construite ?

11 M. Hunter (interprétation). - Oui, effectivement.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-elle visible sur cette carte ?

13 M. Hunter (interprétation). - On ne la voit pas sur cette

14 pièce-ci, mais sur la photo qui figure sur le chevalet.

15 M. Hayman (interprétation). - Pour aller à Vitez par cette

16 route, faudrait-il monter une colline et passer par une piste plus dure ?

17 M. Hunter (interprétation). - Oui. Il fallait un peu de génie

18 militaire pour permettre au HVO d'aller et venir entre Travnik et Vitez.

19 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mission,

20 n'est-ce pas, vous saviez que l'armée de Bosnie-Herzégovine voulait en

21 fait couper à travers l'enclave Busovaca - Vitez.

22 M. Hunter (interprétation). - Oui. Effectivement, après le début

23 du conflit entre ces deux factions en avril, à Ahmici et dans d'autres

24 villages. L'armée de Bosnie-Herzégovine s'est organisée au mois de mai et

25 elle a commencé à se concentrer sur cette enclave et sur les cibles

Page 5127

1 principales telles que, par exemple, l'usine d'explosifs. Ils ont essayé

2 d'obtenir le contrôle de la route qui passait dans cette enclave et de

3 libérer Stari Vitez du siège du HVO.

4 M. Hayman (interprétation). - Qui étaient des cibles importantes

5 pour l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

6 M. Hunter (interprétation). - Oui, tout à fait.

7 M. Hayman (interprétation). - Quand vous êtes arrivé le

8 28 avril 1993, il y avait de forts combats entre le HVO et l'armée de

9 Bosnie-Herzégovine, près de Santici, au nord.

10 M. Hunter (interprétation). - Effectivement, c'était la route de

11 montagne qui traversait Zenica. Il y avait des combats à la fin du mois de

12 mai et en juin.

13 M. Hayman (interprétation). - S'agissant des maisons indiquées

14 sur la pièce 173 et plus exactement le point 2, vous avez cet endroit ?

15 M. Hunter (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous que

17 l'utilisation de ces maisons représentait une grande importance pour le

18 HVO ?

19 M. Hunter (interprétation). - Oui, effectivement, la prise de

20 contrôle de ces maisons et de cette zone leur permettait d'avoir un

21 contrôle plus efficace et des points plus efficaces au niveau de la route.

22 M. Hayman (interprétation). - Il y un pont, parce

23 qu'effectivement, on voit une rivière sur cette carte 173.

24 M. Hunter (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on placer cette pièce sur

Page 5128

1 le rétroprojecteur pour que le témoin puisse indiquer, avec l'aide de

2 M. l'huissier, où se trouve la rivière ? Nous

3 verrons ainsi le pont et exactement quelle est l'importance

4 stratégique de ce lieu.

5 M. Hunter (interprétation). - L'importance ? Comme je le disais,

6 l'importance c'est le pont qui enjambe cette rivière. A l'époque, c'était

7 la seule route qui reliait Split à Tuzla et que les Nations Unies

8 utilisaient pour laisser passer leurs convois.

9 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous indiquer dans quel

10 sens la rivière coule ?

11 M. Hunter (interprétation). - Elle coule d'ici, dans cette

12 direction. C'est une petite rivière de huit à neuf mètres de large à peu

13 près. Elle est peut-être profonde de cinquante centimètres.

14 M. Hayman (interprétation). - C'est important, car si on veut

15 acheminer des transports.

16 M. Hunter (interprétation). - Oui, effectivement, on pourrait la

17 traverser à pied.

18 L'interprète. - Serait-il possible que des pauses soient

19 aménagées entre les questions et les réponses, monsieur le Président ?

20 M. le Président. - Essayez de respecter les interruptions

21 questions - réponses. C'est à la fois compliqué pour les interprètes et

22 aussi pour les juges, pour la bonne compréhension des débats.

23 M. Hayman (interprétation). - Oui, je sais qu'il n'est pas

24 facile d'écouter s'il n'y a pas d'interruption. Je vais redoubler mes

25 efforts.

Page 5129

1 Est-il possible de descendre un peu la carte sur le

2 rétroprojecteur ? Vous êtes-vous jamais rendu compte si la structure que

3 l'on voit, et qui a une forme de U, celle précisément que vous indiquez,

4 dans la partie qui se trouve derrière la ligne 4A de cette pièce 173,

5 représentait le poste de commandement du 3ème bataillon de la 325ème

6 brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

7 M. Hunter (interprétation). - Je ne connais pas le nom de

8 l'unité, mais

9 effectivement je suis rentré dans ce bâtiment. Il était occupé

10 par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je suis donc rentré à la suite d'une

11 demande de Pero Skopljak du 3 mai.

12 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous poser cette

13 question. Si vous aviez désiré renforcer votre position par rapport à ce

14 pont, et avec une faction belligérante située aux 4 et 4.A. Vous voudriez

15 que les maisons du point 2 soient occupées par vos forces ?

16 M. Hunter (interprétation). - Oui, effectivement, mais je ne

17 pense pas qu’ils tireraient sur un homme âgé.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous ne donneriez pas cet ordre de

19 tirer sur un vieil homme, bien sûr. Vous direz plutôt que ces maisons sont

20 importantes et qu’il faut les occuper ?

21 M. Hunter (interprétation). - C’est cela.

22 M. Hayman (interprétation). - S’agissant de cet homme de 60 ans

23 qui a été tué, savez-vous comment il l’a été ?

24 M. Hunter (interprétation). - Non, je sais seulement qu’on lui a

25 tiré dessus.

Page 5130

1 M. Hayman (interprétation). - Quelles étaient les circonstances,

2 les connaissez-vous ?

3 M. Hunter (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous n’étiez pas là pour le voir ?

5 M. Hunter (interprétation). - Comme je l’ai dit hier, j’ai

6 entendu les rafales, enfin j’ai entendu un coup de feu dans cette

7 direction. Il n’y a pas eu de riposte. Donc je ne connais pas les

8 circonstances de sa mort, mais on lui a tiré dessus. Il a été tué.

9 M. Hayman (interprétation). - Est-ce chacune de ces maisons

10 étaient en flammes, ou du moins un feu avait-il été allumé, celle qu’on

11 voit au point 2 ?

12 M. Hunter (interprétation). - Au moins deux de ces maisons

13 étaient en flammes, au moins au niveau du rez-de-chaussée ? Vous êtes en

14 train de parler d’un feu provoqué par une déflagration ?

15 M. Hayman (interprétation). - Je parle de fumée, de flammes.

16 M. Hunter (interprétation). - Oui. En fait, juste au-dessus de

17 la rivière nous avions une très bonne vue et je crois que cette maison-là

18 était en feu.

19 M. Hayman (interprétation). - Veuillez l’indiquer sur le

20 rétroprojecteur.

21 M. Hunter (interprétation). - Celle-ci était en flammes, ainsi

22 que celle-ci je crois. Je suis allé jusque là et suis resté dans mon

23 véhicule. Je n’en suis pas descendu.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous vous souvenez peut-être que

25 deux de ces cinq ou six maisons, au point 2, avaient des feux à

Page 5131

1 l’intérieur ?

2 M. Hunter (interprétation). - Oui, c’est cela.

3 M. Hayman (interprétation). - Et ces feux consumaient vraiment

4 les structures, les bâtiments ?

5 M. Hunter (interprétation). - Non, non. Les toits étaient

6 intacts.

7 M. Hayman (interprétation). - Les toits sont tous intacts,

8 n’est-ce pas ?

9 M. Hunter (interprétation). - Oui, sur ces maisons-là, oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Il serait de l’intérêt de la

11 partie qui prend ces bâtiments, de ne pas les détruire puisqu’elle veut

12 les utiliser.

13 M. Hunter (interprétation). - Effectivement.

14 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si des soldats présents

15 sur les lieux avaient contribué à mettre le feu ?

16 M. Hunter (interprétation). - Cela, je ne le sais pas.

17 M. Hayman (interprétation). - Vous pouvez vous éloigner du

18 rétroprojecteur, merci.

19 Vous avez, lors de votre déposition, parlé d’un conflit

20 ultérieur d’une action militaire sur le même terrain, en septembre 1993,

21 n’est-ce pas ?

22 M. Hunter (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Avant d’arriver au mois de

24 septembre, serait-il exact de dire que pendant tout l’été 1993, l’armée de

25 Bosnie-Herzégovine a gardé ses positions 4 et 4.1 de la pièce 173 ?

Page 5132

1 M. Hunter (interprétation). - Oui, effectivement, c’était un

2 terrain crucial pour l’armée de Bosnie-Herzégovine.

3 M. Hayman (interprétation). - Le HVO n’a toujours pas eu accès à

4 cette route et à ce point, n’est-ce pas ?

5 M. Hunter (interprétation). - Jusqu’à septembre.

6 M. Hayman (interprétation). - Fin août, début septembre 1993,

7 vous souvenez-vous de la mort de quatre ou cinq enfants croates par des

8 coups embusqués en un lieu que l’on appelait le « club Nations Unies » qui

9 se trouve un peu au-dessus du point indiqué par le 3.A de la pièce 173 ?

10 Mme Paterson (interprétation). - Objection, monsieur le

11 Président, je crois que cela sort du champ du contre-interrogatoire.

12 M. le Président. - Cela sort complètement.

13 M. Hayman (interprétation). - Je dis simplement, pour le compte

14 rendu, le témoin a décrit l’attaque menée en ce lieu, en septembre 1993,

15 par le HVO. Alors si moi je n’ai pas le droit d’établir la raison qui a

16 poussé à cette action, j’exhorterai la Chambre à revoir la décision

17 qu’elle a prise.

18 M. le Président. - Madame le Procureur, pouvez-vous rappeler

19 très exactement, avec l’aide du témoin, ce qui a été dit sur cette

20 attaque.

21 Rappelez-vous la question, Major ?

22 M. Hunter (interprétation). - Oui. J’ai décrit une attaque qui a

23 eu lieu au début du mois de septembre. A ce moment-là, je ne me trouvais

24 pas à Vitez, mais en Allemagne. Je suis revenu le 8 septembre, c'est-à-

25 dire le lendemain de l’attaque, la fin de l’attaque. Je suis revenu à

Page 5133

1 cette maison qui se trouve ici, qui avait été gravement

2 endommagée par des tirs de mortier. A ce moment-là, le HVO était parvenu à

3 prendre le contrôle de toute cette zone en surplomb et il pouvait alors

4 circuler librement, les véhicules pouvaient traverser le pont, ainsi que

5 les piétons.

6 Il y avait des collègues qui se trouvaient dans cette maison et

7 qui avaient observé les lieux de cet endroit. Il y avait eu une attaque

8 couronnée de succès avec du mortier qui avait été utilisé. Ils ont obtenu

9 ce terrain extrêmement rapidement.

10 M. le Président. - Vous n’y avez pas assisté. Vous-mêmes vous

11 n’étiez pas sur le terrain, vous êtes arrivés après l’attaque en quelque

12 sorte.

13 M. Hunter (interprétation). - Oui. Au cours de l’attaque, je me

14 trouvais à Santici et je ne pouvais pas suivre la route qui me menait à

15 cet endroit.

16 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi, monsieur le

17 Président, mais cette attaque est reprise aux chefs 11 et 13 de l’acte

18 d’accusation « destruction et pillage de propriété », attaque sur

19 Grbavica, en septembre 1993, page 9 du deuxième acte d’accusation modifié.

20 M. le Président. - Je suis d’accord, mais il se trouve que ceci

21 fait partie de l’acte d’accusation, mais le Procureur n’a pas jugé utile

22 de s’attarder, dans le témoignage présent, sur cet aspect de cette

23 attaque. Il se trouve que le témoin n’était pas présent.

24 Madame Paterson, voulez-vous ajouter quelque chose ?

25 Mme Paterson (interprétation). - Oui, monsieur le Président. La

Page 5134

1 déclaration que nous avons demandée au Major était assez limitée. Il a

2 simplement dit qu’une attaque avait eu lieu en septembre. Nous ne sommes

3 pas entrés dans les détails. Comme il l’a dit, il n’était pas présent

4 lorsque cela s’est produit. Donc nous pensons que ces questions détaillées

5 sortent du champ de l’interrogatoire.

6 M. le Président. - Il vous appartiendra, quand vous plaiderez,

7 Maître Hayman, de

8 compléter s’il le faut. Quand vous aurez la partie consacrée à la défense,

9 vous pourrez développer tous les points que vous voulez, y compris cette

10 attaque, quitte à faire revenir les témoins qui vous parleront de cette

11 attaque. Donc passez à une autre question.

12 M. Hayman (interprétation). - Je poursuis, monsieur le

13 Président, et je passe à autre chose. Je demanderai, hélas, que le

14 commandant puisse revenir lors de la présentation des témoins de la

15 défense, pour qu’il puisse élucider cette question et éclairer la Chambre.

16 M. le Président. - Vous ferez comme vous préférez le faire,

17 conformément à votre stratégie, Maître Hayman. Ce n’est pas le Président

18 qui vous parle qui vous empêchera de citer des témoins. Poursuivons.

19 M. Hayman (interprétation). - Je demande simplement l’assistance

20 de la Chambre pour être sûr que le commandant pourra comparaître à nouveau

21 pour qu’il n’y ait pas nécessité de déposer des requêtes en la matière. Si

22 vous ne voulez pas aborder la question maintenant, je ne veux pas

23 insister.

24 M. le Président. - Nous n'abordons pas la question maintenant.

25 M. Hayman (interprétation). - J’aimerais attirer votre

Page 5135

1 attention, commandant, sur cette réunion qui a eu lieu à l’hôtel Vitez le

2 20 mai 1993. Vous y avez rencontré, si j’ai bien compris, MM. Santic,

3 Valenta et Skopljak ?

4 M. Hunter (interprétation). - Oui, c’est exact.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous avez pensé que ces personnes

6 étaient des autorités politiques ou civiles ?

7 M. Hunter (interprétation). - Je crois qu’ils étaient les

8 dirigeants politiques, ou en tout cas les représentants des dirigeants

9 politique du HVO.

10 M. Hayman (interprétation). - Quand vous parlez de la direction

11 politique du HVO, quel serait l’équivalent dans l’armée britannique, des

12 autorités civiles ou politiques ?

13 M. Hunter (interprétation). - Effectivement.

14 M. Hayman (interprétation). - Merci.

15 Vous dites avoir vu des équipements radio à l’hôtel Vitez ?

16 M. Hunter (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Vous n’avez pas été en mesure de

18 reconnaître la marque, le modèle ?

19 M. Hunter (interprétation). - Non, pas du tout. J’ai surtout

20 regardé les personnes qui utilisaient les radios, plutôt que les

21 équipements.

22 M. Hayman (interprétation). - Mais il vous a semblé que ce

23 n’était pas des radios de fabrication militaire britannique, donc on ne

24 pourrait pas faire d’analogie directe entre les radios que vous y avez

25 vues et celles que vous avez dans l’armée britannique ?

Page 5136

1 M. Hunter (interprétation). - La technologie est la même dans le

2 monde entier, me semble-t-il. J’ai été formé sur certains équipements qui

3 étaient assez vieux, qui dataient des années 60. Par expérience, je sais

4 ce que les équipements d’une certaine taille peuvent faire.

5 M. Hayman (interprétation). - Cela semblait être un équipement

6 assez vieux ?

7 M. Hunter (interprétation). - La plupart des objets que j’ai

8 vus, oui. Il s’agissait sans doute de matériel des années 60 ou 70.

9 M. Hayman (interprétation). - Une proposition vous a été soumise

10 qui concernait la présence de l’armée de Bosnie-Herzégovine à Vitez,

11 n’est-ce pas, à Stari Vitez ?

12 M. Hunter (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Diriez-vous que la présence de

14 l’armée de Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez était d’importance militaire

15 pour les deux parties, les deux factions belligérantes ?

16 M. Hunter (interprétation). - Oui, effectivement.

17 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous étoffer votre propos

18 ?

19 M. Hunter (interprétation). - La chose la plus importante,

20 c’était la présence de la

21 population civile musulmane. Je ne connaissais pas la force de l’armée de

22 Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez, mais je crois que ce n’était pas une

23 force très importante.

24 M. Hayman (interprétation). - J’aimerais vous poser une

25 question. Est-ce que les ressources auraient été épuisées, les ressources

Page 5137

1 de l’armée du HVO pour consacrer ces ressources au fait de se défendre

2 contre des actions militaires éventuelles venant de Stari Vitez ?

3 M. Hunter (interprétation). - On aurait pu facilement lutter

4 contre ces personnes, les contenir. Ce qui aurait été plus difficile,

5 c'était sans doute de les capturer.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit vous-même qu'au

7 cours de l'été, il y a eu des attaques sous forme d'échanges ou de coups

8 de tirs de mortier, de RPG, qui venaient de Stari Vitez, mais qui allaient

9 aussi dans ce sens-là.

10 M. Hunter (interprétation). - Oui, il y en avait plus d'attaques

11 qui prenaient pour cible Stari Vitez que d'attaques qui sortaient de

12 Stari Vitez. Il s'agissait sans doute plus de soldats du HVO à l'extérieur

13 que de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine à l'intérieur.

14 M. Hayman (interprétation). - Ces attaques en provenance de

15 Stari Vitez auraient pu être une menace directe pour l'hôtel Vitez, le

16 commandement du HVO ?

17 M. Hunter (interprétation). - Non, il était hors de portée.

18 M. Hayman (interprétation). - Avec le mortier ?

19 M. Hunter (interprétation). - C'est peut-être le cas.

20 M. Hayman (interprétation). - Avec un RPG ?

21 M. Hunter (interprétation). - Avec un RPG.

22 M. Hayman (interprétation). - Avec un mortier ?

23 M. Hunter (interprétation). - Peut-être avec un mortier.

24 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé sur le

25 théâtre des opérations, avez-vous vu des rapports, avez-vous été informés

Page 5138

1 à propos des tireurs embusqués

2 qui tiraient sur les gens du HVO, parfois les frappaient, les touchaient

3 alors qu'ils entraient dans l'hôtel Vitez ou en sortaient ?

4 M. Hunter (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas que qui

5 que ce soit ait été touché.

6 M. Hayman (interprétation). - Si effectivement il y avait une

7 ligne venant de tireurs embusqués de Stari Vitez vers l'hôtel Vitez, ceci

8 renforçait la menace de l'armée de Bosnie-Herzégovine pour le HVO ?

9 M. Hunter (interprétation). - Oui, leur présence était

10 effectivement une menace évidente, dans les deux sens.

11 M. Hayman (interprétation). - Diriez-vous aussi que l'armée de

12 Bosnie-Herzégovine avait pour objectif stratégique de rejoindre ou

13 d'établir un lien avec d'autres forces, comme le troisième corps d'armée

14 de Zenica avec les forces de Stari Vitez ?

15 M. Hunter (interprétation). - Oui, le but était de soulager et

16 de libérer les personnes qui étaient assiégées dans le vieux quartier.

17 M. Hayman (interprétation). - Et d'approvisionner en nouvelles

18 munitions, en armes ?

19 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, nous

20 faisons encore la même objection. Cela sort du champ du contre-

21 interrogatoire.

22 M. le Président. - Je vais essayer de ramener un peu de sérénité

23 dans ce débat. Nous avons établi un principe que vous connaissez bien, je

24 ne vais pas le rappeler. Bien entendu, ce principe participe de l'esprit

25 de finesse, et non pas de l'esprit de géométrie, comme dirait le

Page 5139

1 philosophe français Descartes. Evidemment, le Président qui vous parle

2 essaie de faire en sorte que les questions du contre-interrogatoire ne

3 sortent pas fondamentalement de l'esprit de l'interrogatoire.

4 Le Président n'est pas là non plus pour stopper toute

5 possibilité pour les juges de

6 connaître la vérité. Alors de grâce, tout à l'heure, j'ai pris au nom de

7 mes collègues une décision, parce qu'il me semblait qu'effectivement il

8 s'agissait d'une attaque pour laquelle le témoin n'avait absolument pas de

9 témoignage direct à fournir.

10 Là, peut-être pouvons-nous laisser la défense poursuivre. Je

11 serai là pour arrêter si cela s'écarte trop de l'interrogatoire. Allez-y

12 maître Hayman.

13 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous qu'il y avait un

14 objectif stratégique de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine pour

15 apporter un certain soulagement aux forces qui se trouvaient à

16 Stari Vitez ?

17 M. Hunter (interprétation). - Je crois que c'était un objectif

18 plus humain, parce que les gens avaient faim et ils avaient peur pour leur

19 vie. En fait, il s'agissait plus d'un objectif qui consistait à les faire

20 sortir, à assurer la sécurité de cette zone pour qu'ils puissent y

21 demeurer.

22 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que M. Valenta a

23 exprimé des opinions qui semblaient être en faveur de la division

24 ethnique, n'est-ce pas ?

25 M. Hunter (interprétation). - Oui, oui.

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1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais eu l'occasion

2 d'entendre parler de Tihomir Blaskic qui aurait eu des opinions

3 analogues ?

4 M. Hunter (interprétation). - Non.

5 M. Hayman (interprétation). - On vous a demandé si le

6 colonel Blaskic a assuré un suivi par une lettre à cette proposition et,

7 d'après vous, il ne l'a pas fait.

8 M. Hunter (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous ne savez pas s'il l'a fait ou

10 pas ?

11 M. Hunter (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

12 M. Hayman (interprétation). - Ce que vous savez, c'est que cette

13 proposition a fait l'objet d'un suivi le 23 mai 1993 de la part de

14 M. Skopljak, dans un autre contexte, avec la Forpronu, n'est-ce pas ?

15 M. Hunter (interprétation). - J'ai eu une réunion avec Skopljak

16 le 23 mai.

17 M. Hayman (interprétation). - A-t-il dit à l'occasion de cette

18 réunion, page 4 de votre déclaration écrite, 3ème paragraphe entier : "que

19 les soldats de la Bosnie-Herzégovine devraient remettre leurs armes à la

20 Forpronu, que l'armée de Bosnie-Herzégovine aurait l'autorisation alors de

21 quitter Stari Vitez, et que la sécurité des Musulmans en civil serait

22 assurée à Stari Vitez " ?

23 M. Hunter (interprétation). - Oui, c'est en fait la proposition

24 originale qui est reprise dans mon témoignage.

25 M. Hayman (interprétation). - Et cette proposition a été relayée

Page 5141

1 à l'officier qui vous commandait ?

2 M. Hunter (interprétation). - J'en ai parlé effectivement à

3 l'officier qui me commandait, mais je ne sais pas si la lettre du

4 général Blaskic a jamais été reçue.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous savez, n'est-ce pas, que

6 cette proposition a été relayée à l'armée de Bosnie-Herzégovine qui l'a

7 rejetée.

8 M. Hunter (interprétation). - Oui, c'est exact.

9 M. Hayman (interprétation). - Je vous demande maintenant de

10 parler de votre visite à Donja Veceriska, dans le courant de l'après-midi

11 du 20 mai 1993. Ce village était limitrophe à l'usine chimique connue

12 aussi comme l'usine SPS.

13 M. Hunter (interprétation). - Oui, c'était un des complexes les

14 plus industriels fabriquant les explosifs les plus importants en Bosnie.

15 M. Hayman (interprétation). - C'était vital pour les deux

16 parties en guerre, n'est-ce pas ?

17 M. Hunter (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Pourrais-je avoir l'aide de

19 M. l'huissier ou du greffier pour retrouver la pièce 164 ? Je ne pense pas

20 qu'il y ait la moindre raison qui nous

21 empêcherait de montrer ceci au témoin, mais je demanderai à l'accusation

22 d'examiner la pièce avant qu'elle ne soit remise au témoin, pour bien

23 confirmer... Je ne pense pas que ce soit une pièce versée sous pli scellé.

24 Je parle ici de la pièce 164 qui concerne le témoignage du témoin R.

25 Mme Paterson (interprétation). - Excusez-moi monsieur Hayman, je

Page 5142

1 m'entretenais avec M. Harmon. Pourriez-vous répéter votre question ?

2 M. Hayman (interprétation). - Qu'il n'y avait pas de raison nous

3 empêchant de montrer cette pièce 164 au témoin.

4 Mme Paterson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, il

5 n’y a aucun problème, mais je crois que cette pièce ne devrait pas être

6 montré sur le rétroprojecteur parce que cela aiderait à identifier le

7 témoin qui a fait son témoignage sur cette pièce. Donc si elle n’est pas

8 montré sur le rétroprojecteur, bien entendu cette pièce peut être

9 utilisée.

10 M. le Président. - Vous pratiquez des systèmes qui font que les

11 juges sont un tout petit peu en dehors du débat, j'en pratique un

12 différent. Je n’aime pas trop quand nous parlons de pièces ainsi et que

13 les juges sont là... Vous pouvez décrire un peu ces pièces, quitte à faire

14 une audience privée, si vous le voulez. Participer comme ça, d’une sorte

15 d’accord qui passe au-dessus de la tête des juges, je ne sais pas ce qu’en

16 pensent mes collègues, mais je ne trouve pas cela très convenable, à mon

17 avis, dans aucun système judiciaire au monde. Donc je voudrais savoir de

18 quelle pièce il s’agit. Si nous avons l’accord du Procureur, tant mieux,

19 je ne demande qu’une chose c’est de recueillir l’accord des parties, mais

20 de quelle pièce s’agit-il s’il vous plaît ?

21 M. Hayman (interprétation). - Cela va de soi, Monsieur le

22 Président.

23 M. le Président. - Si vous voulez nous coupons le son, mais je

24 voudrais quand même savoir de quelle pièce il s’agit.

25 M. Hayman (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président.

Page 5143

1 Je sais que ces

2 pièces ont été remises au greffe et il n'y est pas facile de les

3 retrouver. La pièce 164 est une photo aérienne, une légende l’accompagne

4 qui a été utilisée lors de la déposition du témoin R. Cela s'est passé

5 hier et avant-hier. Ce témoin se trouvait à Veceriska.

6 M. le Président. - Il suffisait vraiment de très faibles

7 explications. Donc j’enregistre l’accord donné par votre contradicteur et

8 également que nous ne voulons pas mettre cette pièce sur le

9 rétroprojecteur pour ne pas identifier le témoin. Poursuivez.

10 M. Hayman (interprétation). - Commandant, j'étais en train

11 t'examiner la pièce 175. C’est une pièce que vous avez utilisée et qui

12 vous a permis d’indiquer les endroits où vous avez vu diverses choses en

13 mai 1993 à Donja Veceriska. Vous les avez, celles du 20 mai.

14 M. Hunter (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en mesure de retrouver

16 le lieu de la pièce 175, ce qu’elle décrit ?

17 M. le Président. - Les juges pourraient-ils avoir un exemplaire

18 de cette pièce ?

19 M. Hayman (interprétation). - Je vais m'approcher du témoin et

20 vous pourrez utiliser le mien.

21 (Le greffe s'exécute.)

22 M. le Président. - Allez-y, maintenant tout le monde peut

23 discuter en même temps.

24 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

25 Commandant, pourriez-vous dire, en vous servant de la pièce 164, les

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1 maisons que vous avez vues en feu le 20 mai 1993, sans faire référence à

2 la maison identifiée comme celle du témoin ? Il vous suffit de mentionner

3 la lettre ou le cercle de la configuration.

4 M. Hunter (interprétation). - Oui. C’est difficile. Certaines de

5 ces maisons étaient en feu.

6 M. Hayman (interprétation). - Certaines des maisons, entourées

7 d’un cercle sur la

8 pièce 164, étaient en feu dans la partie extérieure droite ?

9 M. Hunter (interprétation). - Certaines étaient encore en

10 flamme, d’autres avaient déjà été brûlées. Il n’y avait plus d’incendie.

11 Mais je ne peux pas dire exactement de quelles maisons il s’agissait. J’ai

12 d’autres photographies, malheureusement pas avec moi, de ces maisons qui

13 étaient en flamme à ce moment-là.

14 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que toutes les

15 maisons, que vous avez vues en flamme à cette occasion, étaient celles

16 entourées d’un cercle sur la pièce 164 ? Ou bien n’êtes-vous pas en mesure

17 de le dire ?

18 M. Hunter (interprétation). - Chacune des maisons encerclés

19 était soit encore en flamme, soit avait déjà été incendiée.

20 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il, outre les maisons

21 entourées d’un cercle, d’autres maisons qui étaient en feu sur la

22 pièce 164, sur la partie de droite ?

23 M. Hunter (interprétation). - Pas que je sache. Les maisons que

24 l’on montre et qui avaient été brûlées, avaient déjà été incendiées ou

25 bras brûlées auparavant. Je vous remercie.

Page 5145

1 M. le Président. - Vous avez terminé avec cette pièce,

2 Maître Hayman ?

3 M. Hayman (interprétation). - J’aimerais consulter mon collègue,

4 mais je crois que j’en ai terminé.

5 (Les conseils se consultent sur le siège.)

6 Nous en avons terminé de cette pièce-là, Monsieur le Président.

7 M. le Président. - Pouvez-vous la rendre, puisque les juges

8 l’ont dans leur dossier, à l’occasion du témoignage d’hier, à la partie ;

9 avec les remerciements des juges.

10 (M. le greffier s’exécute.)

11 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

12 Commandant, au cours de vote mission en Bosnie Centrale, avez-

13 vous rencontré des soldats qui portaient le blason de la République de

14 Croatie ?

15 M. Hunter (interprétation). - Non, je n’en ai jamais vus. Je

16 crois qu'ils y étaient, mais je n'ai jamais vu ces badge.

17 M. Hayman (interprétation). - Pourquoi pensez-vous qu’il y en

18 avait ? Où étaient-ils placés ?

19 M. Hunter (interprétation). - Nous avons eu des rapports de

20 l'officier de renseignement du bataillon britannique. Il fournissait des

21 informations qui provenaient du quartier général supérieur.

22 M. Hayman (interprétation). - Où, d’après vos informations,

23 étaient-ils présents en Bosnie centrale ?

24 M. Hunter (interprétation). - Je ne sais pas, je n’ai pas eu de

25 lieu spécifique.

Page 5146

1 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des soldats qui se

2 trouvaient dans la vallée de la rivière Lasva ?

3 M. Hunter (interprétation). - Je l’ai compris d’après les

4 informations, mais je n’ai jamais vu les badges.

5 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire où nous

6 sommes susceptibles de trouver ces informations ? Si vous vous avez reçu

7 des informations spécifiques, où pourrions-nous les trouver ?

8 M. Hunter (interprétation). - Nous n’avons jamais eu de détails

9 très précis, avec des noms de lieux ou ce genre d’informations très

10 précises. On nous disait simplement que certains pensaient que des troupes

11 du HV étaient dans la vallée de la Lasva.

12 M. Hayman (interprétation). - Mais cela n’a jamais été confirmé

13 par la Forpronu, à votre connaissance ?

14 M. Hunter (interprétation). - A ma connaissance, non.

15 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie, Commandant. Je

16 n’ai plus de question à poser au témoin, Monsieur le Président.

17 M. le Président. - Maître Paterson, voulez-vous compléter par

18 quelques questions complémentaires ?

19 Mme Paterson (interprétation). - Oui, ce sera rapide, Monsieur

20 le Président.

21 Commandant, lorsque vous êtes allé à cette réunion, à l'hôtel

22 Vites, vous nous avez dit avoir rencontré ce que de vous pensiez être des

23 dirigeants civils, n'est-ce pas ?

24 M. Hunter (interprétation). - Je ne vois pas véritablement une

25 distinction claire entre personnes militaires et personnes civiles dans le

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1 contexte de la Bosnie centrale précisément. Ils se sont présentés comme

2 étant des civils, occupant des postes civils. Mais beaucoup de personnes

3 portaient l’uniforme. Anto Valenta portait un uniforme, par exemple. J’ai

4 vu qu’ils faisaient partie de la même organisation.

5 Mme Paterson (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à

6 l’hôtel Vites pour cette réunion, vous pensiez vous rendre à l’état-major

7 militaire du HVO, n’est-ce pas ?

8 M. Hunter (interprétation). - Oui, les trois bâtiments : la

9 station de police, le bâtiment des PTT et l’hôtel Vitez étaient des

10 bâtiments de contrôle très important pour le HVO en Bosnie centrale.

11 Mme Paterson (interprétation). - Saviez-vous également que

12 l’hôtel Vitez était l’endroit où le Colonel Blaskic avait aussi des

13 bureaux ?

14 M. Hunter (interprétation). - C’était son quartier général.

15 Mme Paterson (interprétation). - Commandant, s'agissant des

16 2.000 musulmans, dont vous dit qu’ils étaient détenus à Stari Vitez, et

17 qui étaient l’objet de ces discussions à l’hôtel Vitez, pourriez-vous nous

18 dire combien il y avait de civils, femmes et enfants, parmi elles, des

19 personnes non militaires ?

20 M. Hunter (interprétation). - La grande majorité des hommes en

21 âge de combattre, avant l'explosion du camion piégé, ne se trouvaient pas

22 dans la ville, mais sur les lignes de front et ils se battaient contre

23 l'armée des Serbes de Bosnie. A partir de l’explosion du camion

24 piégé, il y a eu principalement des personnes jeunes et âgées qui se

25 trouvaient là.

Page 5148

1 M. Hayman (interprétation). - Je n’ai plus de question, Monsieur

2 le Président.

3 M. le Président. - Merci. Monsieur le Juge Riad.

4 M. Riad (interprétation). - Bonjour, monsieur Hunter.

5 M. Hunter (interprétation). - Bonjour.

6 M. Riad (interprétation). - En ce qui concerne la réunion à

7 l'hôtel Vitez avec Santic, Ante Valenta et Pero Skopljak, vous avez dit

8 que vous aviez parlé du problème des conflits ethniques. Ils en sont

9 arrivés à la conclusion qu'il devrait y avoir des zones pures du point de

10 vue ethnique.

11 Mais à la lumière de cette notion, qu'allait-il advenir des

12 minorités ? Où devaient-elles aller ? Devaient-elles être évacuées ?

13 Tuées ?

14 M. Hunter (interprétation). - La méthode permettant de réaliser

15 ces objectifs ne m'a pas été expliquée, monsieur le juge, mais l'objectif

16 a été énoncé clairement, à savoir que le HVO voulait une communauté

17 croate, et uniquement croate, en Bosnie centrale en tout cas, dans la

18 vallée de la rivière Lasva, et que les Musulmans pouvaient aller ailleurs.

19 M. Riad (interprétation). - Est-ce que cela voulait dire que

20 seules les minorités allaient quitter le territoire ou que seuls les

21 endroits où il y avait des Croates devaient être laissés aux Croates ?

22 M. Hunter (interprétation). - Cette proposition était aussi liée

23 au plan Vance-Owen qui était toujours d'application, ou du moins avait une

24 certaine actualité à l'époque, et qui visait à créer des cantons en

25 Bosnie, qui se retrouveraient bien sûr sous le contrôle d'une des

Page 5149

1 factions.

2 Le canton qui était proposé pour la vallée serait un canton

3 croate. Le canton du nord, près de Zenica, serait un canton musulman. Ceci

4 s'intégrait dans la politique de Valenta. Les Musulmans de la vallée de la

5 rivière Lasva pouvaient passer dans les cantons musulmans.

6 M. Riad (interprétation). - En fait, la vallée de la Lasva

7 allait devenir croate ?

8 M. Hunter (interprétation). - Oui, c'était très clair. C'était

9 un endroit croate. On estimait que les Musulmans n'avaient pas leur place

10 dans la vallée de la rivière Lasva.

11 M. Riad (interprétation). - Bien. Vous avez dit également que

12 l'une des propositions que vous avez mentionnée portait sur Stari Vitez.

13 L'une d'entre elle était que la Forpronu devait prendre les armes aux

14 Musulmans. Dans ce cas-là, ils ne rendaient pas leurs armes. C'est cela ?

15 Le HVO utiliserait la force, si c'était le cas, la force à Stari Vitez ?

16 M. Hunter (interprétation). - Oui.

17 M. Riad (interprétation). - Pour enlever les civils ou les

18 armes ?

19 M. Hunter (interprétation). - Cela n'a pas été précisé.

20 M. Riad (interprétation). - C'était le recours à la force pour

21 trouver une solution au problème, mais il n'a pas précisé ce que ces

22 termes signifiaient.

23 M. Hunter (interprétation). - Oui.

24 M. Riad (interprétation). - Dans une de vos réponses, vous avez

25 dit également que vous en aviez parlé avec Ante Valenta qui n'a pas

Page 5150

1 indiqué une solution au problème. Vous avez dit avoir vu comment cela se

2 passait sur le terrain. Comment cela se passait-il ?

3 M. Hunter (interprétation). - Par l'évacuation forcée ou par le

4 fait de tuer les Musulmans.

5 M. Riad (interprétation). - Des combattants ou des civils ?

6 M. Hunter (interprétation). - Qui que ce soit. Ceci devait être

7 suivi par la destruction par incendie des maisons, des étables et aussi

8 des mosquées.

9 M. Riad (interprétation). - C'est donc du nettoyage ethnique ?

10 Vous avez dit que l'armée de Bosnie-Herzégovine s'est organisée au cours

11 du mois de mai.

12 M. Hunter (interprétation). - Je crois que l'armée ne

13 s'attendait pas aux attaques de la mi-avril menées par le HVO.

14 M. Riad (interprétation). - C'était après les attaques ?

15 M. Hunter (interprétation). - Oui. L'armée de Bosnie-Herzégovine

16 devait avoir suffisamment de soldats présents dans la vallée de la rivière

17 Lasva pour avoir la possibilité de créer des lignes de défense et pour

18 essayer de libérer Stari Vitez, mais cela a pris beaucoup de temps parce

19 qu'il n'y avait pas beaucoup de possibilités de transports.

20 Vraiment, c'était une situation un peu médiévale, ils luttaient

21 à cheval. Il a fallu longtemps pour mettre pratiquement tout le monde en

22 place.

23 M. Riad (interprétation). - Cela s'est produit après les

24 événements du mois d'avril ?

25 M. Hunter (interprétation). - C'est ce que j'ai cru comprendre.

Page 5151

1 M. Riad (interprétation). - Après Ahmici et Stari Vitez ?

2 M. Hunter (interprétation). - Effectivement, après Ahmici et

3 l'explosion.

4 M. Riad (interprétation). - Ils n'ont pas provoqué les

5 événements qui se sont produits au mois d'avril ?

6 M. Hunter (interprétation). - Non, c'était en réponse

7 précisément à ces attaques du mois d'avril.

8 M. Riad (interprétation). - Merci Commandant.

9 M. le Président. - Merci monsieur Riad. Monsieur le juge

10 Shahabuddeen ?

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Commandant, le conseil de la

12 défense vous a parlé d'incendies dans certains bâtiments et de soldats du

13 HVO qui se trouvaient sur les lieux ou dans les parages ? Je crois que le

14 conseil vous a demandé si l'un d'entre eux essayait d'éteindre ces

15 incendies et vous avez dit ne pas le savoir. Etait-ce la meilleure réponse

16 que vous pouviez nous donner ? Vous n'avez pas vu ces soldats participer

17 ou vous les avez vus ne pas participer ?

18 M. Hunter (interprétation). - Ce sont ces maisons qui sont de

19 l'autre côté, face à la base des Nations unies. J'ai traversé la route

20 pour voir ce qu'il en était de ces bâtiments. Je me

21 suis rendu compte qu'il y avait certains mouvements entre les

22 maisons, mais pas beaucoup, juste à peine quelques soldats. Combien ?

23 Peut-être huit, un petit groupe. Les soldats étaient à l'intérieur d'un

24 bâtiment. De temps en temps, on entr'apercevait des figures, mais c'était

25 un lieu dangereux parce qu'il pouvait y avoir des tirs venant de l'armée

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1 de Bosnie-Herzégovine puisqu'ils avaient leur base de l'autre côté du

2 pont.

3 Je ne peux malheureusement pas apporter de précisions. Les feux

4 se sont éteints parce que le HVO voulait ces maisons, puisqu'elles étaient

5 intégrées dans leur ligne de défense.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Permettez-moi de vous poser

7 une autre question. Le HVO se trouvait à Vitez même, n'est-ce pas ? Et

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine se trouvait à Stari Vitez ?

9 M. Hunter (interprétation). - Oui.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque vous considérez tous

11 les éléments, en tant qu'officier expérimenté de l'armée, quelles

12 conclusions en avez-vous tiré quant à la faction qui avait l'avantage, du

13 point de vue militaire ?

14 M. Hunter (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine à

15 Stari Vitez était vraiment dans une situation de désavantage. Elle ne

16 pouvait survivre que si nous lui apportions des vivres. Ils avaient encore

17 quelques jardins qu'ils pouvaient cultiver pour avoir de la nourriture,

18 mais ils ne pouvaient pas se réapprovisionner, par exemple en munitions.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je voudrais maintenant

20 passer à une question qui vous a été posée par le juge Riad. Vous parliez

21 de la conversation que vous avez eue avec M. Anto Valenta portant sur la

22 division ethnique. J'ai pris vos mots en note. Le juge Riad l'a fait

23 également. Vous avez dit : "J'ai pu voir sur le terrain la façon dont cet

24 objectif était rempli ou la manière dont les choses se passaient. Mais il

25 n'a rien dit sur ce point, absolument rien".

Page 5153

1 Puis-je comprendre de ce que vous avez dit qu'il était en train

2 de déclarer la nécessité d'une politique de division et qu'il essayait

3 d'appliquer cette politique sur le terrain ?

4 Il n'a pas dit explicitement quelle méthode allait être utilisée

5 qui allait permettre d'appliquer cette politique ?

6 M. Hunter (interprétation). - C'est ce que j'ai compris et dans

7 mon journal, j'ai utilisé le terme politique fasciste pour résumer la

8 situation.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Laissez-moi maintenant vous

10 poser une question brève sur l'importance militaire que des responsables

11 militaires pourraient attacher au territoire qu'ils défendent.

12 Pourrait-on expliquer les choses de cette façon ? Si vous avez

13 deux factions militaires belligérantes, chaque faction essaie d'obtenir un

14 avantage en contrôlant un certain territoire. Mais il y aurait aussi une

15 autre solution dans laquelle les deux factions ne verraient pas

16 d'avantages militaires dans le fait de contrôler un certain territoire,

17 mais elles le contrôleraient simplement pour une raison que l'on pourrait

18 qualifier de secondaire, par exemple pour protéger des civils.

19 En d'autres termes, si ces civils n'étaient pas là, ces

20 personnes ne considéreraient pas que le contrôle d'un territoire

21 représente un avantage militaire. Comment réagissez-vous à cette hypothèse

22 plutôt compliquée ?

23 M. Hunter (interprétation). - Il y avait de toute façon une

24 présence de l'armée de Bosnie-Herzégovine parce qu'elle ne pouvait pas

25 sortir de la ville. Il faut bien tenir compte de cela. Il y avait très peu

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1 de mouvements, peut-être à pied, quelquefois en traversant les champs la

2 nuit, mais vraiment très faibles.

3 J'ai compris la chose comme cela : ils étaient là pour protéger

4 la population civile de Stari Vitez. Il n'y avait pas d'avantages

5 militaires particuliers que l'armée de Bosnie-Herzégovine aurait pu gagner

6 à rester, si ce n'est la protection de biens. Il y avait une très vieille

7 mosquée du 17ème siècle ou même du 16ème, de 1590, mais il n'y avait pas

8 d'intérêts militaires.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Puis-je résumer cette partie

10 de votre témoignage ainsi ? Alors que l'armée de Bosnie-Herzégovine se

11 trouvait sur le lieux, en train de protéger les civils, elle aurait

12 considéré comme un certain avantage militaire de contrôler certaines

13 positions pour permettre de se défendre et de défendre ces civils, mais si

14 ceux-ci n'avaient pas été là, elle n'aurait pas considéré ces positions

15 comme un avantage militaire à Stari Vitez.

16 M. Hunter (interprétation). - Après l'explosion du camion piégé,

17 s'il n'y avait plus de population civile, mais la présence de l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine, je suppose qu'ils seraient partis, en utilisant la

19 Forpronu.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Dans le contexte de tout ce

21 que vous nous avez dit, en tant qu'officier militaire, à votre avis, que

22 serait-il advenu des civils à Stari Vitez si votre unité militaire avait

23 escorté les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine à l'extérieur de

24 cette zone ?

25 M. Hunter (interprétation). - Je crois qu'ils ne seraient pas

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1 restés très longtemps. Je suppose que l'on aurait eu recours à la force

2 pour les encourager à quitter sur le champ.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Votre unité de renseignement

4 vous a informé du fait que des soldats du HV se trouvaient dans la région

5 de la vallée de Lasva. Avez-vous compris à ce moment-là que les soldats du

6 HV se trouvaient là et qu'ils agissaient de façon indépendante, ou bien

7 qu'ils agissaient en coopération avec le HVO ?

8 M. Hunter (interprétation). - Je crois qu'ils se seraient

9 présentés comme étant du même groupe et visant les mêmes objectifs.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Commandant, en utilisant

11 votre expérience militaire, dans le scénario suivant, quelle est

12 l'attitude généralement adoptée lorsque différentes unités militaires

13 coopèrent afin de remplir un objectif commun ? Est-ce là le schéma général

14 qu'ils agiraient sous l'autorité d'un commandement unique, suprême ?

15 M. Hunter (interprétation). - Il serait dangereux de ne pas le

16 faire.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - D'après les informations et

18 les observations que vous avez faites et dont vous disposez, y avait-il un

19 commandement supérieur dans le camp croate ?

20 M. Hunter (interprétation). - Oui, c'était l'organisation qui

21 était basée à l'hôtel Vitez.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et qui était ce commandant

23 suprême ?

24 M. Hunter (interprétation). - Le colonel Blaskic.

25 Vous le savez peut-être, monsieur le juge, au cours de l'été, un

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1 hélicoptère croate atterrissait très souvent, peut-être à quelque deux

2 kilomètres de l'endroit où se trouvait la base britannique. Il y avait

3 donc des possibilités de transmission de communication, le fait

4 d'acheminer des documents importants, capitaux, ou des détonateurs qui

5 n'étaient pas très lourds, mais qui étaient d'une valeur très importante.

6 Donc il y a eu toute une série de possibilités de communication pendant

7 tout l'été 1993 entre la Croatie et cette partie de la Bosnie centrale.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ai-je raison de proposer

9 l'hypothèse suivante ? Le schéma de l'organisation croate était le

10 suivant : il y avait un groupe politique et un groupe militaire qui

11 agissait en coopération.

12 M. Hunter (interprétation). - Oui. Le cerveau et le bras qui

13 exécutaient cette politique.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le colonel Blaskic était-il

15 alors l'officier militaire de l'époque, et, surtout, avait-il la tâche de

16 faire appliquer la politique énoncée par M. Valenta, ou par d’autres

17 dirigeants politiques croates ?

18 M. Hunter (interprétation). - Ce serait la conclusion logique à

19 en tirer.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.

21 M. le Président. - Merci, Major. A la suite des questions qui

22 vous ont été posées, je n’aurai que quelques précisions... Concernant

23 toujours la réunion à l’hôtel Vitez, vous nous avez parlé du plan Vance-

24 Owen. Vous n’êtes pas un homme politique, vous n’avez pas à porter un

25 jugement sur ces questions-là, mais vous êtes allé sur le territoire.

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1 Quel intérêt, à votre avis, avait-on d’attaquer, ou de mettre en

2 oeuvre par la force, ces dispositions du plan Vance-Owen, dès lors que

3 ledit plan faisait que ce canton -le canton incluant la Lasva Valley-

4 serait, de toutes façons, croate ? En avez-vous parlé ?

5 Y avait-il un intérêt à faire évacuer par la force et par la

6 violence, immédiatement, un territoire, qui toutes façons, semble-t-il,

7 allait revenir sous obédience croate ?

8 M. Hunter (interprétation). - Je pense que le plan Vance-Owen a

9 donné une date butoir à ce processus, et qu’il était préférable de

10 parvenir à cette séparation ethnique dans les meilleurs délais, de telle

11 sorte que, lorsqu’il y aurait application du plan et création des cantons,

12 la communauté croate ait des cantons plus sûrs, ait déjà évité tout

13 problème à l’avenir. De façon plus tranquille, ils essayaient de faire de

14 le ménage, si vous voulez, avant que ne s'applique le plan Vance-Owen.

15 M. le Président. - En quelque sorte, il n’est pas faux de dire

16 qu’on se prémunit contre un retour futur à une situation antérieure. On

17 montre que ce canton est vraiment croate.

18 M. Hunter (interprétation). - Je crois qu’ils essayaient

19 d’évacuer tout problème futur, qui aurait été causé par une minorité

20 musulmane au niveau du gouvernement, de la politique de ce canton. Il se

21 peut -et je suis sûr que c’est vrai- qu’il y eut un certain impératif,

22 voulant que cette zone fasse partie d’une plus grande Croatie, dans le

23 cadre d’une confédération ou d’une fédération, avec la Croatie même.

24 M. le Président. - Est-ce que, dans cette même réunion, à

25 laquelle vous avez participé, on a, à un moment donné, évoqué les lois et

Page 5158

1 coutumes de la guerre : le respect des civils, des personnes protégées...

2 Est-ce que cela était évoqué par les chefs, qui étaient à la fois

3 des chefs politiques et militaires, ou est-ce que ce n’était pas du tout

4 évoqué ?

5 M. Hunter (interprétation). - Il n’y avait pas de dirigeants

6 militaires qui participaient à cette réunion. D’après les termes utilisés

7 par ce monsieur, bien sûr par le truchement d’un interprète -je m’empresse

8 de l’ajouter-, il était implicite que la participation de la Forpronu

9 garantisse que ce processus soit exécuté de cette façon-là, mais je

10 n’accordais peu de foi à la possibilité que cela se réalise. J’ai cru, et

11 j’ai pensé, que c’était une façon polie d’expliquer la politique qu’ils

12 voulaient mener.

13 M. le Président. - Caractériseriez-vous la situation que vous

14 avez trouvée sur le territoire, au moment de votre passage, comme une

15 situation de guerre classique, ou de terrorisme ? Comment la

16 caractériseriez-vous, vous qui êtes un militaire ?

17 M. Hunter (interprétation). - Dans la vallée de la Lasva, ce

18 n’était pas une guerre classique. Les positions sur la ligne de front, qui

19 s’étaient stabilisées avec les Serbes... C’est vrai que c’était peut-être

20 une guerre à la XIXème siècle, avec des lignes, des bunkers... Mais, dans

21 la vallée-même, en mai et en juin... Comment dire ? C’était une histoire

22 de meurtres des plus désagréables.

23 Il y avait, bien sûr, des opérations purement militaires, cela

24 va de soit. Je sais aussi qu’il y avait des personnes raisonnables et tout

25 à fait correctes, des deux côtés. Mais j’ai vu aussi des personnalités

Page 5159

1 très désagréables, des personnes vraiment très, très désagréables... et

2 des exactions commises.

3 M. le Président. - Est-il indiscret de vous demander pourquoi

4 vous preniez des photos ?

5 M. Hunter (interprétation). - Voulez-vous dire... des maisons en

6 feu ?

7 M. le Président. - Oui.

8 M. Hunter (interprétation). - J’avais toujours mon appareil

9 photo pendant ma mission, et moi, je n’étais sur le terrain, à ce moment-

10 là, que depuis quelques jours. Et je me

11 suis dit que cela valait la peine d’en conserver quelques images. Bon,

12 après, je n’ai plus pris de photos de ce genre, parce que cela se passait

13 tous les jours.

14 M. le Président. - Dernière question. N’y répondez pas si elle

15 vous paraît trop personnelle. Vous avez fait allusion à votre journal.

16 Ecriviez-vous un journal personnel, intime ?

17 M. Hunter (interprétation). - Oui. J’avais un journal, que j’ai

18 gardé du jour de mon arrivée jusqu’au jour de mon départ. J’y ai consigné

19 mes réflexions, les observations que j’ai faites, les activités que nous

20 devions mener, et d’autres détails personnels également.

21 M. le Président. - Merci. Je me tourne à nouveau vers mes

22 collègues... Pas d’autres questions complémentaires ?

23 Le Tribunal vous sait gré d’être venu témoigner de votre

24 expérience. Vous pouvez maintenant rejoindre vos unités. Les juges vont

25 observer une pause de vingt minutes. Nous reprendrons donc à 12 heures 20.

Page 5160

1 L’audience est suspendue.

2 L’audience est suspendue à 12 heures

3

4

5

6

7

8

9 L’audience est reprise à 12 heures 30.

10

11 M. le Président. - L’audience est reprise, faites entrer

12 l’accusé.

13 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

14 M. le Président. - Maître Harmon.

15 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président,

16 bonjour Messieurs les juges, bonjour les conseils de la défense. Notre

17 témoin suivant est un témoin protégé qui sera identifié par la lettre Q.

18 Monsieur le Président, son témoignage portera sur les chefs

19 suivants de l’acte d’accusation : le chef 1, les chefs 2 à 4, les chefs 11

20 à 13 et les chefs 15 à 16.

21 Monsieur le Président, avec ce témoin, nous sortirons de la

22 municipalité de Vitez, pour entrer dans celle de Busovaca. Ce témoin

23 vivait dans le village musulman de Loncari. Je demanderai que l’on allume

24 le rétroprojecteur.

25 Monsieur le Président, messieurs les conseils de la défense, la

Page 5161

1 localisation du village de Loncari figure sur le document qui se trouve

2 sur le rétroprojecteur.

3 M. Dubuisson. - Nous avons un petit problème technique.

4 M. le Président. - Très bien. Continuez, monsieur Harmon.

5 M. Hayman (interprétation). - Je vais poursuivre, monsieur le

6 Président.

7 Le témoin Q témoignera qu’avant le 16 avril, elle a vu Dario

8 Kordic et l’accusé à la télévision, à plusieurs reprises. Elle vous dira

9 ce qu'elle se rappelle du contenu de ces émissions de télévision. Ensuite,

10 elle axera son attention sur les événements qui ont précédé immédiatement

11 l'attaque du village de Loncari. Elle décrira en particulier l'ultimatum

12 adressé par le HVO aux villageois de Loncari, leur intimant l'ordre de

13 rendre leurs armes et leur

14 garantissant le maintien de leur sécurité s'ils livraient leurs armes.

15 Elle témoignera des événements qui ont suivi, après l'octroi de

16 cette garantie. Elle vous dira comment, dans les jours suivants, le HVO

17 est entré dans son village, comment les soldats du HVO ont regroupé les

18 hommes civils et les ont faits sortir du village.

19 Elle témoignera ensuite de l'attaque des villages limitrophes, à

20 savoir Putis, Jelinak, Merdani. Elle parlera de ce qu’elle a vu au moment

21 de ces attaques. Enfin, monsieur le Président, elle vous dira comment les

22 soldats du HVO sont entrés dans son village après que les hommes aient été

23 regroupés et comment ils ont systématiquement mis le feu à toutes les

24 maisons du village de Loncari en utilisant de l'essence et en laissant

25 uniquement une maison musulmane intacte.

Page 5162

1 Elle décrira la façon dont elle a quitté le village. Enfin, elle

2 dira qu'elle n'a plus jamais vu son mari en vie.

3 Voilà, monsieur le Président, les points principaux de son

4 témoignage.

5 Monsieur le Président, voyez maintenant sur le rétroprojecteur

6 l'image 29.C le pointeur pointe l'endroit où se trouve le village de

7 Loncari.

8 M. le Président. - Merci, maître Harmon. On peut faire entrer le

9 témoin, en baissant les rideaux certainement.

10 Il serait bien que cela soit prêt à l’avance. Allez-y.

11 J’appellerai le Témoin Q simplement « témoin ».

12

13

14

15 (Le Témoin Q est introduit dans la salle d’audience. )

16 M. le Président. - Témoin, m’entendez-vous?

17 Témoin Q (interprétation). - Oui, je vous entends.

18 M. le Président. - Nous allons vous faire lire votre nom, mais

19 vous ne le prononcerez pas. Lisez le.

20 Témoin Q (interprétation). - Oui.

21 M. le Président. - Vous allez lire, assise, la déclaration qui

22 vous est tendue.

23 Témoin Q (interprétation). - Je déclare solennellement que je

24 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 M. le Président. - Merci. Témoin Q, vous avez été citée et vous

Page 5163

1 avez accepté de venir témoigner dans le cadre du procès intenté devant ce

2 Tribunal contre le général Blaskic. Le Tribunal vous en sait gré.

3 Le Procureur a dû vous expliquer comment cela va se dérouler. Il

4 nous a donné les grandes lignes de votre témoignage. Vous allez nous

5 expliquer tout cela avec vos mots à vous. Le Procureur vous posera des

6 questions soit au cours de votre déposition, soit après. Bien entendu, les

7 avocats du général Blaskic vous poseront des questions, ainsi que les

8 juges.

9 Vous n'avez rien à craindre. Vous êtes sous la protection du

10 Tribunal et vous bénéficier de mesures de protection particulièrement

11 rigoureuses.

12 Maître Harmon, vous pouvez commencer.

13 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

14 Bonjour, Témoin Q.

15 Témoin Q (interprétation). - Bonjour.

16 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous poser quelques

17 questions d’introduction. Avez-vous 25 ans ?

18 Témoin Q (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous de nationalité bosnienne

20 et de religion musulmane ?

21 Témoin Q (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, étiez-vous mariée ?

23 Aviez-vous deux enfants de trois ans et demi et de onze mois ?

24 Témoin Q (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, est-ce que feu

Page 5164

1 votre mari était employé à l'usine de Zenica et travailliez-vous à la

2 maison ?

3 Témoin Q (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, viviez-vous dans le

5 village de Loncari, où vous habitiez depuis quatre ou cinq ans ?

6 Témoin Q (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Le village de Loncari se trouve-t-

8 il dans la municipalité de Busovaca ?

9 Témoin Q (interprétation). - Oui, c’est bien cela.

10 M. Harmon (interprétation). - Enfin, le village de Loncari

11 était-il un village musulman ?

12 Témoin Q (interprétation). - Effectivement.

13 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais brièvement vous poser

14 quelques questions préliminaires au sujet de feu votre mari.

15 En avril 1993, est-ce qu’il faisait partie de la Défense

16 territoriale ?

17 Témoin Q (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Participait-il à des tours de

19 garde dans le village et autour du village ?

20 Témoin Q (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Lorsqu’il patrouillait ainsi, est-

22 ce qu’il portait des armes ?

23 Témoin Q (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - J’aimerais maintenant que vous

25 utilisiez vos mots pour expliquer aux juges ce qui s’est passé avec les

Page 5165

1 armes qui étaient en la possession des villages de Loncari. Je vous

2 demanderai de bien vouloir regarder les juges et de parler aux Juges, en

3 employant les mots qui sont les vôtres, pour leur dire ce qui s’est passé.

4 Témoin Q (interprétation). - Les armes que les hommes de chez

5 nous possédaient ont été enlevées d’abord par les soldats du HVO.

6 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous donner quelques

7 détails aux juges au sujet des circonstances dans lesquelles ces armes

8 vous ont été enlevées ?

9 Témoin Q (interprétation). - Oui. Tout d’abord, ils nous ont

10 adressé un ultimatum. Ils nous ont demandé de déposer les armes en nous

11 disant que nous serions en sécurité si nous le faisions.

12 M. Harmon (interprétation). - Suite à cette ultimatum, Témoin Q,

13 les Musulmans de votre village ont-ils rendu toutes leurs armes à votre

14 connaissance ?

15 Témoin Q (interprétation). - Oui, ils ont déposé absolument

16 toutes les armes qu’ils possédaient.

17 M. Harmon (interprétation). - Après avoir rendu leurs armes et

18 avant l’attaque des villages voisins de votre village, avez-vous vu des

19 armes dans votre village ?

20 Témoin Q (interprétation). - Je ne vous ai pas compris. Pouvez-

21 vous me reposer la question ?

22 M. Harmon (interprétation). - Une fois que les armes ont été

23 rendues en raison de l'ultimatum, avez-vous vu des armes dans votre

24 village ?

25 Témoin Q (interprétation). - Non. Il n’y avait absolument pas

Page 5166

1 d'armes dans le

2 village.

3 M. Harmon (interprétation). - Avant de vous demander de nous

4 parler de l'attaque des villages avoisinants et du vôtre, j'aimerais vous

5 montrer la pièce à conviction n° 178, je crois. Est-ce bien la bonne

6 cote ?

7 (M. Dubuisson acquiesce.)

8 M. Harmon (interprétation). - Avec l’aide de l'huissier, dans

9 ces conditions, je demanderai que la pièce 178 soit placée sur le

10 rétroprojecteur.

11 Je vous poserai quelques questions, Témoin Q.

12 Témoin Q (interprétation). - Oui.

13 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous pu voir une grande carte

14 et sur cette carte, avez-vous encerclé les villages de Jelinak, Putis,

15 Loncari et Merdani ?

16 Témoin Q (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Le village de Jelinak est-il

18 marqué sous la lettre A, le village de Putis sous la lettre B et le

19 village de Merdani sous la lettre C.

20 Témoin Q (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, Témoin Q, j’aimerais

22 que vous vous concentriez sur l’attaque qui a commencé le 16 avril et, en

23 utilisant vos mots à vous, vous racontiez aux juges ce que vous avez vu ce

24 jour-là en rapport avec les attaques subies par les autres villages et

25 qu’ensuite, vous en arriviez à l’attaque de votre village. Prenez votre

Page 5167

1 temps, utilisez vos propres mots, pour dire aux Juges ce que vous avez vu.

2 Témoin Q (interprétation). - Le 16 avril, en fin de journée,

3 c’était déjà pratiquement la nuit, nous avons vu qu'au beaucoup de

4 soldats. Nous avons vu aussi les femmes et les enfants, qui étaient les

5 femmes et les soldats des soldats du HVO, qui allaient vers Busovaca, donc

6 qui étaient pratiquement évacués vers Busovaca.

7 Tout de suite après, la fusillade a commencé, des coups de feu

8 ont été entendus, les

9 obus sont tombés. C’était une horreur. Ils ont donc tiré pratiquement la

10 nuit entière. Les obus et les coups de mortier sont tombés pratiquement

11 durant la nuit entière. Cela a duré pendant la nuit, les coups de feu, les

12 coups de mortier.

13 Le matin, quand l'armée du HVO s'est rendue dans le village, ils

14 se sont tout de suite dirigés vers nos maisons pour emmener les hommes des

15 maisons. Ils ont donc cherché, dans les maisons, les hommes. Devant ma

16 propre maison, j'ai vu trois soldats qui frappaient puissamment sur la

17 porte. Je suis montée pour voir ce qu'ils voulaient, mais surtout pour

18 ouvrir la porte parce qu'il fallait bien la leur ouvrir.

19 Ils m'ont demandé où se trouvait mon mari. J’ai répondu que je

20 l’ignorais. J’ai dit qu’il se trouvait probablement à Zenica. J'ai menti,

21 je dois le dire, parce que j'avais peur pour mon mari.

22 C'est alors qu'ils ont commencé à m’injurier en me disant

23 « merde, Baljia ». Juste en face de chez moi, de ma maison, à une

24 trentaine de mètres à peu près, l’un des soldats m’a demandé qui habitait

25 cette maison. J’ai dit qu’un monsieur âgé, pour ne pas dire très âgé,

Page 5168

1 habitait cette maison. Ensuite, il m'a demandé comment un vieillard

2 pouvait y habiter, alors que du linge séchait sur le balcon.

3 J’ai alors dit que probablement quelqu’un avait lavé son linge

4 parce qu'il était très âgé. Ensuite, ils m'ont demandé de les devancer. Je

5 suis allée vers la maison de ma belle-mère et de mon beau-frère. Devant la

6 maison de mon beau-frère, le soldat m'a demandé si quelqu’un y habitait.

7 J’ai dit qu’il n’y avait personne, seulement ma belle-soeur qui était

8 enceinte. Il m’a dit : « si jamais j'y pénètre et que j’y trouve

9 quelqu'un, des hommes, alors je vais te tuer et celui que j’y trouverai. »

10 Je lui ai confirmé qu’il n’y avait personne.

11 Ensuite, il s’est rendu devant la maison de ma belle-mère et lui

12 a demandé où se trouvait son mari. Elle lui a répondu que son mari était

13 malheureusement décédé depuis bien longtemps. De la même manière, il a

14 commencé à jurer, à traiter ma belle-mère de « balija ». Il

15 lui a demandé où se trouvaient ses fils. Elle lui a répondu qu’elle ne

16 savait pas où ils se trouvaient.

17 Ensuite, ils sont partis à dix mètres à peu près par rapport à

18 nous. Ils se sont entretenus entre eux et sont revenus vers nous. Ils

19 m’ont sortie de ma maison et l’un d’entre eux m’a ordonné, en orientant le

20 fusils vers moi, d’ouvrir chaque porte de chaque chambre. Je suis allée

21 devant lui et j'étais pratiquement obligée d’ouvrir chaque porte de la

22 maison. Il s’est alors rendu compte qu’il n’y avait véritablement

23 personne.

24 Au moment où j’ai ouvert la cuisine, il y avait mes propres

25 enfants qui s’y trouvaient, ainsi que le fils de ma belle-soeur. Il n’y

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1 avait que des femmes et des enfants. Quand il s’est rendu compte qu’il n’y

2 avait effectivement pas d’hommes, il a demandé si quelqu'un se trouvait

3 derrière la cuisine, dans le débarras. Il ne me croyait pas et il a dit

4 que ma belle-soeur et moi même devions nous pousser et ouvrir la porte du

5 débarras. Mais comme il a vu qu’il n’y avait personne, ils sont sortis.

6 Ils m’ont alors posé la question de savoir si quelqu’un habitait

7 à l’étage. J’ai répondu qu’il n’y avait personne, mais je savais qu’il y

8 avait quelqu’un parce que mon mari s’y cachait avec son frère, mon beau-

9 frère donc, qui avait 15 ans, le fils d’une cousine, un jeune garçon de

10 15 ans. Ils étaient au grenier. Le soldat m’a dit que si jamais il

11 trouvait quelqu’un, il allait les tuer ainsi que moi-même. Je me portais

12 garant qu’effectivement il n’y avait personne dans le grenier.

13 C’est là qu’ils sont sortis. Ils n’ont pas véritablement cherché

14 plus loin.

15 Après quoi, j’ai pu regarder à travers la fenêtre de ma belle-

16 mère et j’ai vu beaucoup d’hommes, beaucoup d’enfants de 15 ans qu’ils ont

17 trouvés dans les maisons et qu’ils ont sortis sur la route. Ils avaient

18 tous des fusils qui étaient orientés vers les enfants. Ils portaient des

19 insignes HVO.

20 Il y avait à peu près 25 personnes à peu près dans cette

21 colonne, parmi lesquelles

22 des enfants de quinze ans. Je ne les ai plus jamais revus depuis. Ce

23 groupe a été donc acheminé vers Busovaca, dans cette direction.

24 Après quoi, mon mari et mon beau-frère, ainsi que le jeune

25 garçon dont j'ai parlé de 15 ans sont sortis et se sont cachés dans la

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1 forêt. Ils étaient dans le grenier, puis ils sont partis dans la forêt.

2 C’est nous qui leur avons conseillé de partir. Ils sont effectivement

3 partis. La forêt n’était pas trop éloignée, donc ils pouvaient s’y cacher.

4 Ils s’y sont cachés pendant la journée entière. Ensuite, une de

5 mes voisines est arrivée pour me transmettre le message ou tout au moins

6 pour me dire qu'il fallait que je prépare de la nourriture pour tout le

7 monde. C’était soi-disant mon mari qui le lui avait demandé. De chez moi,

8 je suis allée vers ma belle-mère pour apporter quelques vivres. C’est à

9 trente mètres à peu près de ma maison. Des coups de feu étaient tirés.

10 J’ai couru et j’ai traversé la rue pour me rendre chez ma belle-mère. J’ai

11 pris les vivres et je suis retournée chez moi.

12 A ce moment-là, j’ai entendu beaucoup de bruit. Quelqu’un

13 derrière disait de s’arrêter sinon il allait tirer.

14 J'ai pris des vivres pour préparer de la nourriture pour mon

15 mari et pour ceux qui sont partis avec lui. J'ai dit à ma belle-soeur

16 qu'effectivement j'avais entendu des cris et qu’ils avaient probablement

17 arrêté quelqu’un. Nous avons préparé le repas, mais aucun des hommes n’est

18 apparu. Il était déjà tard dans la nuit. Au moment où mon mari s’est rendu

19 chez nous avec son cousin, ils étaient très bouleversés, ils ne pouvaient

20 pratiquement pas parler, aucun mot ne pouvait sortir de leur bouche. Ils

21 ne pouvaient pratiquement pas manger non plus.

22 Mon mari a simplement embrassé les enfants. Il ne disait rien.

23 Il ne prononçait aucun mot. Il regardait les enfants. Il avait peur. Il

24 ignorait ce qui allait lui arriver et ce qui allait arriver à ses enfants.

25 Cette nuit-là, nous l'avons passée ensemble. Le matin, nous

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1 étions obligés de nous lever très tôt. Au fond, nous ne dormions même pas.

2 Très tôt le matin, j'ai préparé ce que j'ai pu

3 préparer à mon mari. Je lui ai donné également un foulard. Je lui ai donné

4 aussi ma robe parce que je ne voulais pas qu'on le reconnaisse, je voulais

5 qu’on pense que c’était une femme. Je l'ai emmené dans l’étable et j’ai

6 mis du foin sur lui pour qu’on ne le voie pas. De toute façon, je lui ai

7 dit qu’il ne fallait certainement pas que je parle.

8 Il a vu les deux frères et les voisins qui les ont emmenés.

9 Quand je dis « qu’ils les ont emmenés », je pense bien évidemment aux

10 soldats du HVO. Personnellement, je me taisais. J’écoutais. J’avais peur.

11 La journée, encore une fois, s'est passée avec beaucoup de tirs,

12 de coups de mortier. Des obus tombaient, des mortiers également.

13 Je suis allée de temps en temps voir un petit peu ce qu’il

14 faisait dans l’étable. Il était tellement angoissé et il avait tellement

15 peur qu'il ne pouvait même pas manger, comme je l’ai dit. Il ne parlait

16 pas, il ne voulait pas discuter avec moi. Nous étions à la maison. Nous

17 sommes restés tout le temps. Comme je viens de le dire, on n’entendait que

18 des coups de fusil.

19 Je suis sortie un petit peu devant la maison, à un moment donné.

20 J'ai regardé à gauche et à droite, j’ai vu que Jelinak était en flamme.

21 Je suis rentrée dans la maison chercher mes enfants. J'étais à

22 côté d'eux, je pleurais, mais j'essayais quand même de ne pas transmettre

23 cette peur aux enfants. Devant la porte, à un moment donné j’ai aperçu un

24 cousin qui a demandé des nouvelles de mon mari. Il m'a demandé où il était

25 et il m’a dit également qu’il fallait absolument qu'il se sauve, qu’il

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1 parte, parce de toute façon Jelinak était en flamme et qu'ils allaient

2 très bientôt venir aussi dans notre village pour le brûler.

3 Je suis allée dans l’étable, je l'ai informé et je lui ai dit

4 qu'il fallait qu'il parte absolument, qu’il s'enfuie. Mon mari est sorti

5 avec toujours la même expression sur le visage, la peur. Il ne savait pas

6 quoi faire.

7 Ils se sont préparés et ils ont vu qu'ils ne pouvaient plus

8 rester, que ce n’était plus

9 possible qu’ils restent.

10 Après quoi, mon mari est arrivé devant la porte. Il m'a demandé

11 de sortir les enfants pour qu'il les voie une dernière fois. Il les a

12 embrassés et il m'a dit : "Surtout, n’aie pas peur, on ne te fera rien à

13 toi". Il m'encourageait parce qu'il voulait que je me maîtrise et que je

14 reste avec les enfants. Je ne pouvais pas retenir mes larmes. Il

15 embrassait les enfants, mais il devait bien partir, c’était le moment.

16 C'est alors qu'il est parti. Je ne l'ai plus jamais revu, malheureusement.

17 Une demi-heure s'est écoulée après leur départ. Nous avons

18 entendu beaucoup de coups de fusil. J'ai vu par la fenêtre que l'armée du

19 HVO s'approchait de notre maison. Mon fils avait onze mois, donc je l'ai

20 préparé. Je savais que j'allais m'enfuir avec ma fille qui avait trois ans

21 et demi à l'époque.

22 Ils sont arrivés devant la maison ; je parle de l'armée du HVO

23 qui avait des insignes du HVO. Certains portaient également des bas sur

24 leur visage pour se masquer. Ils nous ont demandé de sortir de la maison,

25 ce qui était inévitable. J'ai pris dans mes bras mon enfant de onze mois.

Page 5173

1 Je suis sortie pieds nus devant chez moi, en prenant ma fille par le bras.

2 Ils nous ont ordonnés de nous arrêter devant la maison de ma belle-soeur.

3 C'est donc là que nous nous tenions, debout.

4 Un soldat du HVO est rentré dans la maison de ma belle-soeur. Il

5 avait un jerrican. Je ne sais pas si c’était de l'essence ou du pétrole.

6 J'ai entendu beaucoup de bruit, j’ai entendu qu’il cassait les choses. Il

7 cherchait probablement des armes, mais de toute façon il n'a rien trouvé,

8 je peux le garantir.

9 J'étais devant la maison. J'ai posé la question au soldat du

10 HVO, je lui ai demandé si je pouvais rentrer à la maison pour prendre

11 quelques couches pour mon enfant. Il m’a dit que je pouvais y pénétrer,

12 mais que je devais revenir tout de suite. J'ai pris quelques couches et je

13 suis retournée.

14 C'est là où j'ai vu qu'il avait pris le jerrican et qu’il le

15 déversait. Je ne peux pas exactement dire si c'était de l'essence ou du

16 pétrole, mais j’ai vu de mes propres yeux qu’il mettait le feu dans la

17 maison de ma belle-soeur. Ensuite, il a été chez ma belle-mère et il a

18 fait exactement les mêmes mouvements.

19 Les soldats du HVO nous demandaient de marcher tout le temps,

20 d'aller devant eux. Nous sommes allés devant d'autres maisons. Il y avait

21 beaucoup de gens de chez nous. Ils orientaient les fusils vers nous. Ils

22 avaient des insignes du HVO et du HV. Beaucoup de personnes étaient de

23 Jelinak, de Putis. C’étaient des personnes âgées, des enfants mineurs, des

24 femmes ou des hommes âgés. A Mejtef, j'ai vu aussi une étable où une vache

25 poussait des cris malheureux, parce qu'elle brûlait en même temps que

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1 l’étable.

2 Ils nous ont regroupés, rassemblés. Ils nous escortaient, avec

3 les fusils orientés vers nous. Ils nous ont demandé de rentrer à Mejtef et

4 c'est là où nous avons pénétré. Il y avait à peu près deux cents personnes

5 à Mejtef : enfants, personnes âgées, hommes ou femmes. Nous nous sommes

6 assis là-dedans. On nous a intimidés. On nous a dit qu'il ne fallait

7 absolument pas sortir parce que si quelqu'un essayait de sortir, on le

8 tuerait. Nous n'avons donc pas osé sortir, car ils nous ont dit qu'ils

9 nous tireraient dessus.

10 Au bout d'un certain temps, nous avons vu que tout était en

11 flamme. La panique et l'horreur s'emparaient de nous. On ne savait pas ce

12 qu’ils allaient faire de nous.

13 Après quoi, je suis quand même sortie et je suis allée chez moi.

14 Mon enfant de onze mois avait faim, ainsi que ma fille. Beaucoup d’enfants

15 avaient faim. Je suis quand même sortie pour aller chez moi voir si je

16 pouvais trouver quelque chose pour les faire manger. Je suis allée avec ma

17 belle-soeur. Nous étions toutes les deux catastrophées. Autour de nous,

18 tout brûlait.

19 Comme je l’ai dit, je suis allée chez moi, à la maison, je n'ai

20 rien trouvé. Ensuite, je suis allée dans la maison de ma belle-mère qui

21 était également en flamme. J'ai trouvé un sous-

22 vêtement. J'ai plaqué ce maillot de corps sur ma bouche et sur mon nez

23 -car la maison était en flamme et enfumée- pour y pénétrer quand même et

24 chercher quelque chose. Malheureusement je n'ai rien trouvé. Il y avait

25 quelques sacs, quelques articles vestimentaires. J'ai donc pris quelques

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1 vêtements, je suis sortie et je suis retournée à Mejtef.

2 Partout, tout était déjà brûlé. Nous sommes restés pendant un

3 certain temps. Une fois de plus, comme je l’ai dit, nous avions peur. J'ai

4 décidé, avec quelques autres personnes, de partir dans la direction de

5 Vrhovine. On s'était dit qu'on ne pouvait plus rester comme ça, que

6 c'était notre destinée et qu'il fallait de toute façon prendre une

7 décision. Nous avons donc pris la décision de partir.

8 Il faisait déjà nuit et nous sommes partis vers Vrhovine, comme

9 je viens de le dire. Nous avons marché. Il y avait beaucoup de boue. Ma

10 petite fille avait trois ans et demi, je l’ai dit, et elle était pieds

11 nus. Elle ne pouvait plus marcher. J'avais dans mes bras mon fils de

12 onze mois et j'avais faim moi aussi. J'étais épuisée. Les enfants

13 pleuraient et ils ne pouvaient plus marcher. Nous avons continué comme

14 cela pendant un certain temps.

15 Nous avons entendu quelques voix qui nous demandaient de nous

16 arrêter. Nous étions obligés de nous arrêter. Quand nous nous sommes

17 rapprochés, nous avons vu les soldats du HVO, avec les insignes HVO. Ils

18 nous ont demandés où nous allions. Nous avons dit que nous nous dirigions

19 vers Vrhovine. Ils nous ont dit : "Vous ne pouvez partir nulle part, il

20 n'en est pas question". Ils ont commencé à nous provoquer et une fois de

21 plus à jurer "Balija...", et à nous redire que nous ne pourrions nous

22 rendre nulle part. On se taisait, on ne disait rien, on ne ripostait pas.

23 Ils nous ont ordonné de rentrer dans une maison. Nous sommes

24 rentrés dans la maison. La maison avait trois pièces. Nous étions deux

25 cents personnes : des femmes, des enfants. Dans ces trois chambres, nous

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1 étions deux cents. Nous sommes rentrés dans cette maison, où chacun a

2 trouvé une place.

3 J'étais sur les genoux et je gardais mes deux enfants sur mes

4 genoux. Je ne pouvais pratiquement pas me retourner, même pas bouger, car

5 il y en avait beaucoup. Nous étions l'un à côté de l'autre. Nous étions

6 tous épuisés et humiliés. Nous restions assis. On nous a apporté une

7 bougie qui ne pouvait malheureusement pas brûler longtemps. Les enfants

8 pleuraient, ils étaient affamés.

9 Après quoi, un soldat est venu pour me demander, moi, ainsi que

10 ma belle-soeur et la femme d'un des mes cousins. J'ai entendu prononcer

11 mon nom, mais je n'ai pas osé dire quoi que ce soit. Je regardais mes

12 enfants, car ils avaient peur et moi aussi. Je me taisais, je ne voulais

13 pas répondre à la question qui avait été posée.

14 Après quoi, un soldat du HVO est rentré dans la pièce. Il se

15 présentait vraiment très mal. Il avait des insignes HVO. Il a commencé à

16 jurer : "Où sont vos hommes ? Balije, vous n'avez pas votre place ici.

17 Vous devez vous rendre en Turquie, c'est là où vous devez aller". Il

18 jurait en permanence.

19 Nous nous taisions, nous ne disions rien. Nous avions tellement

20 peur que nous n'osions pas nous parler, même entre nous. Ensuite, ils nous

21 ont reposé la question : "Vos maris, où se trouvent-ils ?" Nous n'osions

22 pas répondre.

23 L'un a sorti un grand couteau, un couteau ensanglanté. Le surnom

24 de ce soldat du HVO était Cicko. Je connais son nom, Miroslav, son vrai

25 nom. Il a sorti le couteau en sang qu'il nous a montré en disant :

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1 "Regardez les balije ! Regardez ce couteau. C'est avec ce couteau que j'ai

2 égorgé les gens dans le village d'Ahmici et c'est avec vous que je ferai

3 la même chose".

4 Nous nous taisions. Nous n'osions même pas regarder dans cette

5 direction. Ma fille de trois ans et demi a commencé à hurler : "Couvre-moi

6 maman, parce qu'on va me tuer". J'ai été obligée de la couvrir, parce

7 qu'il avait dit : "Si jamais j'entends hurler un enfant, je le tue, je

8 vais l'égorger". J'ai donc couvert ma fille avec une couverture pour qu'il

9 ne l'entende pas hurler.

10 Après cela, il est sorti.

11 Une fois de plus, on était angoissé. On avait une peur terrible,

12 horrible, car cet homme provoquait la peur chez les Musulmans à Vitez et

13 ailleurs. Après quoi, un de nos cousins est sorti dans le couloir pour

14 poser une question, je le suppose. On a entendu les coups de crosse qu'on

15 lui donnait. Il est vite revenu. Son visage était en sang lorsqu'il est

16 revenu. Il a simplement regardé devant lui et a baissé la tête. Il ne

17 disait rien.

18 Toute cette nuit a été horrible. On entendait les coups de fusil

19 qui nous faisaient peur, les détonations, les explosions... On avait peur.

20 Nous étions vraiment sous le choc et sous la peur. Nous étions terrorisés.

21 Les enfants étaient épuisés. On les gardait dans les bras. Certains

22 étaient obligés de garder les trois enfants dans les bras.

23 Ensuite, un autre soldat est arrivé. Il nous a demandé de nous

24 préparer. Il a dit qu'on allait nous fouiller, et que par la suite on

25 allait nous laisser partir. Nous nous sommes donc préparés. Nous avons

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1 pris nos enfants et on a pensé qu'on allait pouvoir sortir.

2 Ma fille était chez ma belle-mère. C'est elle qui la gardait. Il

3 n'y avait que mon fils que je tenais dans mes bras. Quand je suis sortie

4 dehors, j'ai vu ma fille à dix mètres de moi. Un soldat du HVO m'a fouillé

5 pour voir si j'avais quelque chose sur moi et j'ai dit à ce moment-là :

6 "Laissez-moi pour que je sois tuée avec ma fille, elle est avec ma belle-

7 mère, elle est loin de moi".

8 Il m'a laissé. J'ai donc pu rejoindre ma belle-mère et ma fille.

9 Un soldat du HVO nous a montré la route par laquelle il fallait

10 s'acheminer. Nous avons pensé à ce moment-là qu'on allait nous fusiller.

11 Nous marchions. Nous portions les enfants. Nous les prenions

12 dans nos bras. Nous attendions que l'on nous fusille. Pendant un certain

13 temps, nous avons marché. C'est alors que ce soldat du HVO, connu sous le

14 surnom de Joca nous a dit qu'il fallait poursuivre tout droit et que

15 personne ne devait aller à gauche ou à droite, sous risque d'être fusillé

16 tout de suite.

17 Nous avons poursuivi le chemin et nous avons marché longtemps.

18 C'est alors que nous sommes revenus à Vrhovine.

19 Quand nous nous sommes rendus dans ce village de Vrhovine, nous

20 avons entendu le pilonnage. Nous ne savions pas si nous allions tomber par

21 terre. C'était un chaos, une horreur, une ambiance catastrophique. Partout

22 des tirs ! Nous avons passé notre temps dans les caves à Vrhovine car il

23 ne se passait pas un jour ou une nuit sans que l'on entende une fusillade.

24 Nous avons passé sept jours dans la cave, dans le village de

25 Vrhovine. Le pilonnage était permanent. Comme je vous l'ai dit, on

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1 s'attendait à être tué d'une minute à l'autre.

2 C'est ainsi que nous avons vécu, terrifiés, pendant sept jours.

3 Un vieillard est resté. Il ne pouvait pas marcher. Il était très

4 âgé, il avait environ quatre-vingt ans. Il est monté par la suite jusqu'à

5 chez nous, dans le village de Vrhovine et il a dit qu'il était d'Ahmici et

6 qu'il ne savait pas ce qui se passait. Il était à Ahmici quand l'armée du

7 HVO l'a aperçu. Ils lui ont tiré dessus, ils l'ont intimidé, ils lui ont

8 dit qu'ils allaient le tuer. Il avait tout simplement répondu : "Mais vous

9 n'avez qu'à me tuer, je n'ai pas peur de la mort". Ensuite les soldats du

10 HVO lui ont dit : "Non, on ne va pas te tuer, toi, mais ce sont les

11 jeunes, vos jeunes qu'on va tuer."

12 C'est quand il s'est rendu chez nous qu'il nous a raconté tout

13 cela. Il était horrifié, terrifié, épuisé par tout ce qui lui était

14 arrivé. Voilà ce qu'il nous a raconté.

15 M. le Président. - Merci, témoin Q. Vous nous avez fait une

16 relation très complète de tout ce qui vous est arrivé.

17 Nous allons lever l'audience. Nous la reprendrons à 14 heures 45

18 afin que le Procureur complète, par un certain nombre de questions

19 complémentaires.

20 Témoin Q. (interprétation). - Merci.

21 L’audience est levée à 13 heures 10.

22 L’audience est ouverte à 14 heures 55.

23

24 M. le Président. - Témoin Q, vous nous avez donc narré les

25 événements essentiels auxquels vous avez assisté. Je pense que M. le

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1 Procureur va maintenant vous poser des questions plus précises quant au

2 soutien lui-même de l’accusation contre le général Blaskic. Donc vous ne

3 répéterez pas tout ce que vous avez dit, mais vous aurez des précisions, à

4 la suite des questions qui vous sont demandées par M. le Procureur.

5 Monsieur le Procureur, c'est à vous.

6 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

7 Bonjour, Témoin Q.

8 Témoin Q (interprétation). - Bonjour.

9 M. Harmon (interprétation). - Vous nous avez dit que le

10 16 avril, quand vous avez été réveillée par un pilonnage, vous avez vu les

11 villages de Jelinak et Putis attaqués, et vous avez vu un pilonnage sur

12 Merdani. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu ? Avez-vous vu des

13 soldats du HVO avançant vers le village de Jelinak ? Quel itinéraire

14 suivaient-ils ? Combien y en avait-il ? Qu'avez-vous vu ?

15 Témoin Q (interprétation). - Les soldats du HVO suivaient la

16 route qui vient de Busovaca. Ils venaient d’en haut. J'ai vu, à ce moment-

17 là, que certains arrivaient dans des camionnettes, d'autres en voiture,

18 d'autres à pied. J'en ai vu de très nombreux qui venaient à pied, mais je

19 ne peux pas me rappeler aujourd’hui combien il y en avait parce qu’à ce

20 moment-là, je ne pensais pas que le plus important était de les compter.

21 Pour moi, l'important était que je les voyais. En tout cas, il y en avait

22 vraiment beaucoup, beaucoup.

23 J'ai vu que depuis Busovaca, ils pilonnaient Merdani et Putis.

24 D'abord, les soldats sont partis en haut et ensuite, les premiers coups de

25 feu ont commencé, suivis d’un terrible pilonnage. C'était véritablement

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1 atroce. Quand je regardais passer ces soldats, je voyais les

2 familles qui s'enfuyaient. Bien sûr, ils ont fait partir leurs femmes et

3 leurs enfants qui ont pris la route dans la direction de Busovaca. C’est

4 normal, ils les emmenaient à Busovaca.

5 M. Harmon (interprétation). - Le 16 avril, votre village, le

6 village de Loncari, n'a pas été attaqué, n'est-ce pas ?

7 Témoin Q (interprétation). - Non. Il n'a pas été attaqué.

8 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais maintenant concentrer

9 votre attention sur le lendemain, lorsque les hommes ont été rassemblés à

10 Loncari. Pouvez-vous dire aux Juges comment les soldats qui sont venus

11 arrêter les hommes musulmans étaient vêtus et s'ils étaient armés ?

12 Témoin S (interprétation). - Les soldats du HVO portaient

13 l’uniforme de camouflage qui comportait, c’est normal, les insignes du HVO

14 sur l'épaule. Ils avaient des armes en grand nombre, ils avaient des

15 fusils automatiques.

16 M. Harmon (interprétation). - Combien de soldats du HVO environ

17 avez-vous vu, lorsque ces hommes musulmans ont été regroupés ce jour-là

18 dans votre village ?

19 Témoin S (interprétation). - Ils étaient à peu près trente.

20 Enfin je crois qu'ils étaient à peu près trente, voire plus de trente

21 parce qu'il y en avait vingt-cinq de chez nous qu’ils ont arrêtés et

22 emmenés. Ils ont emmené vingt-cinq hommes de chez nous qui avaient entre

23 quinze et trente ans. Les jeunes de quinze ans qu'ils ont emmenés, je ne

24 les plus jamais revus. D'ailleurs, personne de chez nous ne les a revus.

25 M. Harmon (interprétation). - Ces soldats qui sont arrivés chez

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1 vous, qui vous ont insultée et qui ont insulté les personnes qui vivaient

2 dans votre village, pouvez-vous expliciter davantage les insultes que vous

3 entendiez, et qui vous étaient destinées, à vous et aux personnes qui

4 habitaient dans votre village ?

5 Témoin Q (interprétation). - Ils nous envoyaient les insultes

6 suivantes : « Balija,

7 partez en Turquie, votre place n’est pas ici, d’ailleurs elle n'a jamais

8 été ici. Ici, c'est une terre croate. Ici, c'est la terre de l'armée du

9 HVO ». Et puis ils disaient aussi que « Aljia enculait nos mères, et que

10 lui aussi devait partir en Turquie. »

11 Voilà toutes les saletés qu'ils nous envoyaient à la figure, qui

12 étaient terribles.

13 M. Harmon (interprétation). - Mais ce terme de « Balija » ?

14 Témoin Q (interprétation). - Oui, parce que tout de même nous

15 sommes un peuple dont la religion est musulmane. Donc en nous parlant

16 ainsi, ils nous injuriaient, ils nous offensaient.

17 M. Harmon (interprétation). - Revenons au troisième jour, le

18 jour au cours duquel votre village a été incendié. Avez-vous eu la

19 possibilité de regarder vers Putis et Jelinak ? Pouvez-vous décrire aux

20 juges ce que vous avez vu et dans quel état étaient ces villages à ce

21 moment-là ?

22 Témoin Q (interprétation). - Vous voulez que je montre ou que je

23 décrive ? Je n'ai pas bien compris la question.

24 M. Harmon (interprétation). - Que vous décriviez l'état dans

25 lequel étaient ces villages ?

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1 Témoin Q (interprétation). - Décrire ! J'ai vu Jelinak et Putis

2 qui avaient été pilonnés. Il y avait eu beaucoup de coups de feu. J'ai vu

3 le village qui brûlait, qui était incendié. On voyait beaucoup de fumée.

4 J’ai vu aussi des voisins de Putis et de Jelinak qui nous ont dit qu'ils

5 avaient été chassés de leur maison. Après les avoir chassés de leur

6 maison, ils ont apporté des bidons d’essence, ils ont fouillé les maisons,

7 mais ils n'ont rien trouvé dans ces maisons. Puis ils y ont mis le feu.

8 M. Harmon (interprétation). - Vous dites que vous avez parlé à

9 des voisins de Putis et de Jelinak. S'agissaient-ils de réfugiés qui se

10 sont retrouvés dans votre village le troisième jour, parmi les deux

11 cents civils qui ont été placés dans la Mejtef ?

12 Témoin Q (interprétation). - Oui. Ils sont venus dans notre

13 village, ils s'étaient enfuis et ils se sont retrouvés enfermés, à ce

14 moment-là, dans le Mektep avec nous. Ils nous ont racontés comment on

15 avait mis le feu à leur maison, comment eux aussi avaient été offensés, et

16 comment des coups de feu avaient été tirés tout autour d’eux pour les

17 terroriser.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que les maisons de

19 votre village ont été incendiées. Les granges, les étables ont-elles été

20 également incendiées ? A l’intérieur des écuries, y avait-il encore du

21 cheptel lorsqu'elles ont été mises à feu ?

22 Témoin Q (interprétation). - Oui, les maisons ont été incendiées

23 ainsi que les étables, et les animaux qui s'y trouvaient ont brûlé vifs.

24 M. Harmon (interprétation). - Ce troisième jour, avez-vous eu la

25 possibilité de voir des soldats qui portaient des insignes du HV ?

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1 Témoin Q (interprétation). - Oui, j'en ai vu.

2 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux juges

3 ce que vous avez vu par rapport à ces soldats ?

4 Témoin Q (interprétation). - Ce que j'ai vu... J’ai vu comment

5 ils étaient habillés. Ils portaient des uniformes de camouflage. Certains

6 d'entre eux avaient l'emblème du HV, d'autres l'emblème du HVO.

7 M. Harmon (interprétation). - Je souhaiterais vous montrer, avec

8 l’aide de l'huissier et de M. Dubuisson, les pièces 100/2 et 116/2. Je

9 demanderai qu’elles soient successivement placées sur le rétroprojecteur,

10 s'il vous plaît.

11 Témoin Q, commençons par la pièce 116/2 qui est placée sur le

12 rétroprojecteur. Voyez-vous cette image sur l’écran et reconnaissez-vous

13 cette photo ?

14 Témoin Q (interprétation). - Oui, je vois cette photo et je

15 reconnais l'insigne. C'est l'insigne du HV. Cet emblème dont je parlais

16 était exactement celui-ci. Ils portaient ce genre d'insigne, HV.

17 M. Harmon (interprétation). - Pouvons-nous placer maintenant la

18 pièce 100/2 sur le rétroprojecteur ? Pourriez-vous nous dire ce que vous

19 voyez ? Reconnaissez-vous ce que représente cette photo ?

20 Témoin Q (interprétation). - Oui, bien sûr que je reconnais, je

21 l'ai vu très souvent, surtout chez les soldats. Je l’ai vu aussi chez

22 Cicko cet insigne "HVO".

23 M. Harmon (interprétation). - Bien. Au cours de votre

24 interrogatoire principal, vous avez explicité ce point. Il est apparu sur

25 le compte rendu, au cours de interrogatoire principal, que Cicko portait

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1 un insigne du HV. Portait-il un insigne du HV ou du HVO ?

2 Témoin Q (interprétation). - Non, Cicko portait l’emblème HVO.

3 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Merci beaucoup

4 monsieur l'huissier, j'en ai terminé avec ces pièces.

5 Plus tard, avez-vous appris que votre mari avait été capturé par

6 le HVO et tué ?

7 Témoin Q (interprétation). - Oui, j'ai appris que le HVO avait

8 arrêté mon mari. C’est Cicko qui l’a capturé, celui qui portait l'emblème

9 du HVO, et c'est lui qui l’a tué.

10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, maintenant

11 je voudrais utiliser la pièce 179. Je ne vais pas la mettre sur le

12 rétroprojecteur, c’est une photographie. Je demanderai simplement au

13 témoin de la regarder et de l'identifier. Je souhaiterais que cette pièce

14 soit versée sous scellés. J'ai expliqué les préoccupations de la Chambre

15 sur ce point précis.

16 Témoin Q, l'huissier est en train de vous montrer la

17 photographie qui est la pièce 179 de l'accusation. Pouvez-vous identifier

18 cette photo ?

19 Témoin Q (interprétation). - Oui, c’est mon mari que Cicko a

20 tué. A ce moment-là, il ne portait qu’un jean et un tee-shirt bleu.

21 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur l'huissier, j'ai

22 terminé.

23 Je voudrais que vous vous concentriez maintenant sur un autre

24 sujet. Je voudrais

25 vous demander la chose suivante. Avant l'offensive de votre village,

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1 aviez-vous déjà vu le colonel Blaskic, Dario Kordic et d'autres individus

2 à la télévision ? Les aviez-vous vus ensemble à la télévision ?

3 Témoin Q (interprétation). - Oui, j'ai vu Blaskic et Kordic à la

4 télévision. Nous ne pouvions regarder que la chaîne de télévision HTV.

5 Nous ne recevions aucune autre émission. Donc je regardais cette chaîne ;

6 j’ai vu Blaskic et Kordic qui annonçaient que l'endroit où nous nous

7 trouvions était la Herceg-Bosna, que cela resterait la Herceg-Bosna

8 puisque cela avait toujours été la Herceg-Bosna. Je crois que c’est cela

9 que j’ai entendu à la télévision.

10 M. Harmon (interprétation). - Très bien.

11 M. Hayman (interprétation). - Le "ils" est trop vague.

12 M. Harmon (interprétation). - Oui, je vais faire préciser. Vous

13 souvenez-vous de ce que disait le général Blaskic ?

14 Témoin Q (interprétation). - Le général Blaskic et Dario Kordic

15 prononçaient les mêmes mots. Ils se parlaient l'un à l'autre comme s'ils

16 avaient raison de dire ce qu'ils disaient. Ils étaient très satisfaits de

17 ce qu’ils disaient l'un et l'autre, aussi bien le général Blaskic que

18 Kordic.

19 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais, une fois de plus,

20 changer de sujet. Depuis les accords de paix, avez-vous eu la possibilité

21 de revenir au village de Loncari ?

22 Témoin Q (interprétation). - Oui, je suis allée dans ma maison.

23 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges ce que

24 vous y avez vu au cours des deux visites que vous avez faites dans le

25 village ?

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1 Témoin Q (interprétation). - La première fois que je suis

2 retournée dans ma maison, j'ai dû passer par dessus des mines. Il était

3 difficile d'accéder à ma maison. Il y avait beaucoup de mines autour, mais

4 je les ai franchies et je suis tout de même entrée dans la maison. A ce

5 moment là, j'ai vu qu'elle avait brûlée. Un peu partout sur les murs, en

6 lettres

7 rouges, j'ai vu les inscriptions : "Armée du HVO, Balija, allez en

8 Turquie, vous n'avez pas votre place ici, vous n'avez jamais eu votre

9 place ici". Ce sont des inscriptions qui figurent encore sur les murs de

10 ma maison.

11 La deuxième fois que je suis allée dans ma maison, cette fois-là

12 j’étais accompagnée de ma fille et de mon fils, ainsi que de mon beau-

13 frère. Il gardait ma fille et mon fils parce qu'il y avait encore des

14 mines. Nous y sommes restés plus de dix minutes. Après quoi, l’armée du

15 HVO est arrivée et les soldats nous ont chassés.

16 Il y avait des gens qui essayaient de voir ce qui se passait

17 autour et ils nous ont tous chassés. Ils nous ont dit que ce n’était plus

18 notre terre et qu'ils ne voulaient plus nous voir à cet endroit. Nous

19 avons donc été forcés de repartir et je n'ai plus jamais essayé d'y

20 retourner.

21 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai

22 terminé de mon interrogatoire principal. Je voudrais que la pièce 178,

23 c'est-à-dire le collage qui a été réalisé à partir de la pièce 599, soit

24 admise au dossier.

25 M. le Président. - Je vous remercie, Monsieur le Procureur.

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1 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

2 que j'avais demandé le versement de la pièce 179, et je voudrais qu'elle

3 soit versée sous scellés.

4 M. le Président. - A présent, vous allez recevoir les questions

5 des défenseurs du général Blaskic. Je pense que c'est Maître Nobilo.

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

7 Madame, vous avez entendu que M. Hayman et moi-même nous sommes

8 les défenseurs du général Blaskic. Vous avez dit que vos hommes ont déposé

9 les armes et que le HVO vous a garanti la sécurité. Quel mois était-ce ?

10 Témoin Q. (interprétation). - Je ne peux pas vous dire avec

11 exactitude le mois, mais c'était la première fois qu'ils ont attaqué le

12 village de Loncari.

13 M. Nobilo (interprétation). - Nous pouvons donc dire que c'était

14 à la veille du

15 premier conflit, dans la commune de Busovaca.

16 Témoin Q. (interprétation). - Ce n'était pas un conflit, mais

17 une attaque contre le village de Loncari.

18 M. Nobilo (interprétation). - Combien de temps avant l'événement

19 dont vous nous avez parlé aujourd'hui même ?

20 Témoin Q. (interprétation). - Je ne comprends pas votre

21 question.

22 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que l'attaque sur

23 Loncari, les armes rendues, cela s'est passé combien de temps avant le

24 mois d'avril, l'attaque d'avril ?

25 Témoin Q. (interprétation). - C'était avant la deuxième attaque.

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1 M. Riad (interprétation). - J'aimerais que l'interprète nous

2 dise quand il s'agit d'une question et quand il s'agit d'une réponse, en

3 anglais, sinon nous ne pouvons pas suivre.

4 M. le Président. - C'est vraiment important quand le dialogue se

5 fait en serbo-croate. Merci.

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci, je vais faire de mon mieux.

7 Je pose la question suivante : combien de temps avant l'attaque,

8 qui a eu lieu au moins d'avril, sur le village de Loncari, les hommes du

9 village ont été obligés de rendre les armes ?

10 Témoin Q. (interprétation). - Trois mois avant, à peu près.

11 M. Nobilo (interprétation). - Est-il vrai que les hommes, les

12 Musulmans entre quinze et cinquante ans, avaient été mobilisés dans

13 l'armée du BiH ?

14 Témoin Q. (interprétation). - Non, ce n'est pas exact, nous

15 n'avions pas d'armée à ce moment-là, nous n'avions aucune armée.

16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez fait à deux reprises des

17 déclarations. Je me permets d'attirer votre attention sur ce que vous avez

18 dit le 2 et le 5 février 1996, page 3. Tout de suite, au début, je vais

19 donner lecture à partir de l'anglais : "Tous les hommes entre quinze et

20 cinquante ans, dans le village, ont été mobilisés". L'avez-vous dit,

21 madame, aux enquêteurs ?

22 Témoin Q. (interprétation). - Je m'en tiens à ce que j'ai dit,

23 mais est-ce que je l'ai dit ? Je ne me rappelle pas. Mais qu'est-ce que

24 cela veut dire "mobilisés" ? La seule chose que cela veut dire, c'est

25 qu'ils organisaient des patrouilles de nuit, uniquement de nuit, au cas où

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1 des soldats auraient circulé dans le village, pour que les habitants

2 puissent s'enfuir.

3 M. Nobilo (interprétation). - Au même endroit, un peu plus tard,

4 vous dites -je vais encore donner lecture de l'anglais- : "Ils ont lutté

5 contre les Chetniks." Est-ce vrai ?

6 Témoin Q. (interprétation). - Je ne me rappelle pas cela,

7 croyez-moi, je ne me rappelle pas. Mais ce que j'ai dit dans ma

8 déclaration, je m'y tiens.

9 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Est-ce qu'après la première

10 et la deuxième attaque, des tranchées ont été creusées pour protéger le

11 village ?

12 Témoin Q. (interprétation). - Je vous le redis encore une fois,

13 il ne s'agissait pas d'un conflit, c'était simplement une attaque contre

14 le village. Nous n'avions rien. Rien n'a été creusé. C'était une attaque

15 pure et simple, pas un conflit.

16 M. Nobilo (interprétation). - A la page 7 du même compte-rendu,

17 l'enquêteur qui a eu un entretien avec vous a précisé : "Elle ne sait rien

18 en ce qui concerne les tranchées, hormis celles qui ont été creusées près

19 de sa maison, autour de sa maison, par l'armée bosniaque". L'avez-vous dit

20 aux enquêteurs?

21 Témoin Q. (interprétation). - J'ai dit la chose suivante : ce ne

22 sont pas les soldats de l'armée bosniaque qui ont creusé cela, mais mon

23 mari et mon beau-frère, de façon à pouvoir protéger leurs enfants. Ce

24 n'était pas pour nous défendre en général. Nous n'avions rien à l'époque.

25 Ce n'était pas un conflit, ils nous ont attaqués.

Page 5191

1 Nous avions une tranchée derrière notre maison de façon que moi,

2 ma belle-mère et les enfants, nous puissions nous mettre à l'abri avec les

3 enfants.

4 M. Nobilo (interprétation). - Nous pouvons poursuivre. C'était

5 la tranchée.

6 Témoin Q (interprétation). - Ce n’était pas une tranchée, pour

7 nous, c'était simplement un abri pour moi et mes enfants ainsi que ma

8 belle-mère et les femmes.

9 M. Nobilo (interprétation). - D’accord. Au moment où vous avez

10 dit que le 16, le 17, on avait pilonné le village, que vous avez entendu

11 des coups de feu, est-ce votre village qui a été pilonné ? Un obus est-il

12 tombé dans votre village ?

13 Témoin Q (interprétation). - Le 16 et le 17 ?

14 M. Nobilo (interprétation). - 16 et 17, ou le 18. Est-ce qu’un

15 seul obus est tombé sur votre village ?

16 Témoin Q (interprétation). - Sur notre village, il n'y a pas eu

17 d'obus. Mais autour, dans les villages environnants, c’était terrible. Le

18 pilonnage était terrible et les obus pleuvaient.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je pense que nous parlons un peu

20 trop vite, parce qu’on parle la même langue. Nous allons répéter une fois

21 de plus. Ai-je bien compris que le village de Loncari n’a pas été pilonné,

22 ni le 16 ni le 17 ni le 18 avril, quand vous êtes partie ?

23 Témoin Q (interprétation). - Non, il n’a pas été pilonné pendant

24 que j’y étais. Mais les villages voisins, qui étaient proches, ont été

25 terriblement pilonnés.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Que ce soit le 16, le 17 ou le

2 18 avril, a-t-on tiré vers vos maisons ?

3 Témoin Q (interprétation). - Oui, les soldats du HVO ont tiré

4 quand ils sont entrés dans le village, ils nous ont provoqués. Ils ont

5 tiré terriblement.

6 M. Nobilo (interprétation). - Ils ont tiré en direction des

7 civils ou en l’air ?

8 Témoin Q (interprétation). - Ils tiraient au-dessus de nos têtes

9 pour nous effrayer.

10 M. Nobilo (interprétation). - Au cours des deux ou trois jours

11 dont nous parlons, pour ne pas répéter les dates, avait-il une attaque

12 militaire ou bien l’armée du HVO est-elle entrée dans le seul but de vous

13 effrayer ?

14 Témoin Q (interprétation). - Les soldats du HVO pouvaient entrer

15 dans le village quand ils le voulaient car avant cela, ils nous avaient

16 déjà pris les quelques armes que nous avions, donc ils pouvaient entrer

17 sans aucun problème et nous terroriser comme ils le voulaient, à leur

18 façon, à leur gré.

19 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, il n'y avait pas

20 une attaque militaire. Ils son entrés dans le village tout court.

21 Témoin Q (interprétation). - Il n’y a pas eu d’attaque

22 militaire ! Mais évidemment qu'il y a eu une attaque militaire parce que

23 nous sommes des civils et eux portaient les armes. C’est eux qui avaient

24 leurs armes dans les mains.

25 M. Nobilo (interprétation). - Les soldats du HVO ont-ils tués

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1 quelqu'un dans le village ?

2 Témoin Q (interprétation). - Je n'ai pas vu cela.

3 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'interrogatoire, vous avez

4 dit que les hommes entre 15 et 30 ans, vingt-cinq au total, ont été sortis

5 et que vous n’avez plus jamais revu certains d’entre eux. De qui s’agit-

6 il ?

7 Témoin Q (interprétation). - Parmi ce groupe de personnes

8 emmenées ce jour-là, il y a dix personnes que je n’ai plus jamais revues

9 et personne d'autre ne les a jamais revues.

10 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous ce qui s'est passé avec

11 ces personnes-là ?

12 Témoin Q (interprétation). - Certaines ont été tuées. Pour

13 d'autres, au jour d’aujourd’hui, personne ne sait ce qu'il est advenu

14 d'eux. Ils n'ont pas réapparu.

15 M. Nobilo (interprétation). - Qui a été tué et où, s’il vous

16 plaît ?

17 Témoin Q (interprétation). - Qui a été tué et où ?

18 M. Nobilo (interprétation). - Dites ce que vous savez ?

19 Témoin Q (interprétation). - Les témoins. Je ne peux rien dire

20 de plus, mais il y a des témoins oculaires qui l'ont vu quand ils se sont

21 faits emmenés.

22 M. Nobilo (interprétation). - Quelqu’un vous en a parlé ?

23 Témoin Q (interprétation). - Oui, on m’en a parlé.

24 M. Nobilo (interprétation). - Qui vous a parlé ?

25 Témoin Q (interprétation). - Un homme qui a vu mon mari au

Page 5194

1 moment où il a été tué. Je sais qui l’a tué. C’est Cicko qui l’a tué.

2 C’est la même chose pour les autres. Il y avait des témoins. Il y a des

3 gens qui ont vu comment ils ont tué ces hommes.

4 M. Nobilo (interprétation). - Madame, j’ai posé la question au

5 sujet de vingt-cinq personnes. Sur ces vingt-cinq personnes, j’insiste,

6 pouvez-vous me dire, si vous le savez, le nom de la personne qui vous a

7 dit ou qui vous a dit décrit qui a été tué et où ils ont été tués, sur

8 vingt-cinq.

9 Témoin Q (interprétation). - Cela, je ne peux pas le dire.

10 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne pouvez pas le dire. Nous

11 avons compris. Donc Cicko a tué votre mari. Je n’insiste pas davantage,

12 nous avons accepté.

13 Témoin Q (interprétation). - Oui, c’est lui qu'il l'a tué.

14 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire, dans le

15 village de Merdani, qui contrôlait ce village : HVO ou l’armée de BiH ?

16 Témoin Q (interprétation). - Il n’y avait pas d’armée de Bosnie-

17 Herzégovine à l’époque, mais seulement des habitants de Merdani.

18 M. Nobilo (interprétation). - Il n’y avait pas l’armée de BiH.

19 Madame, dans le compte rendu page 15, dont nous avons parlé,

20 vous dites dans cette même déclaration à la page 15, je vous cite :

21 « Depuis Loncari, elle pouvait voir Merdani et elle sait que l’armée de

22 Bosnie se trouvait à Merdani. » (fin de citation)

23 L’avez-vous dit, madame ?

24 Témoin Q (interprétation). - L’armée bosniaque n’existait pas à

25 ce moment-là, pas du tout. Même s’il y avait effectivement des hommes, je

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1 suis sûr qu’ils ne faisaient que se

2 défendre pour protéger leur famille, pour que les membres de leur famille

3 restent en vie et qu’ils puissent s’enfuir. Mais il n’y avait pas d’armée

4 bosniaque à l’époque.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire qu’en avril 1993,

6 il n’y avait pas encore d’armée de Bosnie-Herzégovine ?

7 Témoin Q (interprétation). - Je ne sais pas.

8 M. Nobilo (interprétation). - Qui contrôlait Putis, ces jours-

9 là, les 16, 17 et 18 avril ?

10 Témoin Q. (interprétation). - Les 17 et 18 avril, dans ce

11 village, il y avait ces jours-là les habitants de Putis, et seulement les

12 habitants de Putis que le HVO a attaqué.

13 M. Nobilo (interprétation). - Le HVO a-t-il réussi à contrôler

14 Putis ou pas ?

15 Témoin Q. (interprétation). - Cela, je ne le sais pas.

16 M. Nobilo (interprétation). - Qui contrôlait Jelinak, s'il vous

17 plaît ?

18 Témoin Q. (interprétation). - Le village de Jelinak a été

19 incendié par l'armée du HVO.

20 M. Nobilo (interprétation). - Est-elle restée à Jelinak ?

21 Quelqu'un a-t-il riposté ?

22 Témoin Q. (interprétation). - Je vais vous répéter ce que j'ai

23 déjà dit. Dans le village de Jelinak, il n'y avait que des habitants. Il

24 n'y avait aucune armée. Eux pouvaient chasser les nôtres comme ils le

25 voulaient.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Madame, dans le même compte-rendu

2 -c'est la question que je vous pose- page 8, vous avez dit, je cite : "De

3 nombreux villageois de Jelinak sont retournés, le plus probablement

4 l'année dernière, parce que l'armée bosniaque a repris Jelinak, et Loncari

5 est resté aux mains du HVO". Est-ce vrai ?

6 Témoin Q. (interprétation). - Je ne sais pas.

7 M. Nobilo (interprétation). - Vous êtes arrivée à Vrhovine. Qui

8 contrôlait Vhrovine ?

9 Témoin Q. (interprétation). - Personne ne contrôlait Vhrovine,

10 il n'y avait que des habitants, des gens simples comme nous. A ce

11 moment-là, et je ne cesse de vous le répéter, nous n'avions pas d'armée,

12 il n'y avait que des habitants, les gens chez qui nous étions.

13 M. Nobilo (interprétation). - Lors de l'attaque de Vhrovine,

14 quelqu'un défendait-il le village ?

15 Témoin Q. (interprétation). - Je ne sais pas, j'étais dans la

16 cave avec les enfants.

17 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous vu un seul Croate à

18 Vrhovine, s'il vous plaît ?

19 Témoin Q. (interprétation). - Je n'avais pas la possibilité de

20 sortir parce qu'il y avait des pilonnages terribles et des coups de feu un

21 peu partout. Je ne pouvais pas laisser les enfants pour sortir et voir ce

22 qui se passait.

23 M. Nobilo (interprétation). - Passons à un autre sujet. Vous

24 avez tout à l'heure dit qu'un soldat, vers Kratina, était venu demander de

25 vos nouvelles. Il vous a cherché. Vous n'avez pas répondu.

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1 Témoin Q. (interprétation). - C'était Joca.

2 M. Nobilo (interprétation). - Que vous a-t-il dit ? Pourquoi

3 vous cherchait-il ?

4 Témoin Q. (interprétation). - A moi, il n'a rien dit. Je n'ai

5 pas osé me faire connaître. Mais il aurait dit à ma belle-soeur qu'il ne

6 nous arriverait rien, qu'il allait tous nous sauver et que si nos maris

7 étaient amenés devant lui, il prétendait qu'il allait les aider. Or ce

8 même Joca se trouvait là quand mon mari a été capturé. Il était présent

9 aussi quand il a été tué.

10 M. Nobilo (interprétation). - C'est le même Joca qui vous a

11 montré la route ?

12 Témoin Q. (interprétation). - Oui, c'est le même.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vers Vrhovine ?

14 Témoin Q. (interprétation). - Oui.

15 M. Nobilo (interprétation). - A combien de kilomètres se situe

16 Vrhovine de

17 Kratina ?

18 Témoin Q. (interprétation). - Je ne connais pas la distance

19 entre Kratina et Vrhovine, mais pour moi elle a eu l'air très grande parce

20 que j'avais faim, j'avais soif et je devais porter mes enfants dans mes

21 bras.

22 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que Joca vous a dit qu'il

23 fallait partir avant que Cicko arrive parce que vous pourriez périr ?

24 Témoin Q. (interprétation). - Oui, il nous a dit cela.

25 M. Nobilo (interprétation). - Combien d'insignes du HVO avez-

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1 vous vu ?

2 Témoin Q. (interprétation). - J'en ai vu tant que je ne pouvais

3 pas les compter.

4 M. Nobilo (interprétation). - Trente ? Cinquante ? HV ! pas

5 HVO !

6 Témoin Q. (interprétation). - HV ? Oui. Combien, je ne sais pas,

7 mais en tout cas il y en avait pas mal.

8 M. Nobilo (interprétation). - Combien à peu près ?

9 Témoin Q. (interprétation). - Je ne sais pas, ce n'était pas des

10 instants où l'on compte.

11 M. Nobilo (interprétation). - S'agissant du groupe dont vous

12 avez parlé dans votre village, la moitié étaient du HV ? Plus ? Moins ?

13 Témoin Q. (interprétation). - Non, moins portaient l'emblème du

14 HV et beaucoup plus portaient l'emblème du HVO.

15 M. Nobilo (interprétation). - Et s'agissant de la télévision,

16 avec Blaskic et Kordic, combien de fois avez-vous Blaskic et Kordic

17 ensemble à la télévision ?

18 Témoin Q. (interprétation). - J'ai eu l'occasion de les voir

19 deux ou trois fois. Moi, je ne regardais pas la télévision, c'était mon

20 mari qui regardait la télévision.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous vous concentrer un peu

22 maintenant et nous dire exactement ce que Blaskic avait dit ?

23 Témoin Q. (interprétation). - Ce que l'un disait était confirmé

24 par l'autre. Ils s'exprimaient de la même façon. Ils disaient que c'était

25 la Herceg-Bosna, que cela resterait la Herceg-Bosna et que cela avait

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1 toujours été un territoire croate. Ils s'honoraient également du fait

2 d'avoir réalisé la Herceg-Bosna.

3 M. Nobilo (interprétation). - Comment ont-ils pu parler tous les

4 deux à la fois ?

5 Témoin Q. (interprétation). - Non, ils ne parlaient pas en même

6 temps. L'un parlait et l'autre le soutenait. Quand l'autre parlait, le

7 premier le soutenait de la même façon.

8 M. Nobilo (interprétation). - De quelle façon, s'il vous plaît ?

9 Témoin Q. (interprétation). - Eh bien, dans le sens de dire que

10 tout allait bien, que ce qu'ils disaient était tout à fait juste, que

11 c'était parfait.

12 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Merci monsieur le

13 Président.

14 M. le Président. - Monsieur Harmon, peut-être voulez-vous

15 apporter des précisions ?

16 M. Harmon (interprétation). - Non, merci monsieur le Président.

17 M. Riad (interprétation). - Bonjour madame.

18 Témoin Q. (interprétation). - Bonjour.

19 M. Riad (interprétation). - Je vais devoir m'adresser à vous en

20 vous appelant témoin Q.

21 Pourquoi le village de Loncari a-t-il été attaqué par le HVO ?

22 Avait-il une importance quelconque militaire ? Abritait-il des bases de

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Pourquoi tenaient-ils tellement à arriver

24 à Loncari en particulier, à votre avis ?

25 Témoin Q. (interprétation). - Je ne le sais pas. Je peux dire

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1 qu'il n'y avait aucune base à Loncari. Il n'y avait véritablement pas de

2 raison de venir, sauf tout simplement parce que nous étions des Musulmans.

3 Je pense que c'est tout simplement pour ça.

4 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'ils ont capturé

5 vingt-cinq hommes et

6 que parmi ceux-ci il y avait des jeunes gens de quinze ans. Est-ce que ces

7 hommes ont été capturés à la suite de combats, en tant que prisonniers de

8 guerre ? S'étaient-ils battus ou n'étaient-ils que des civils pris à

9 gauche et à droite ?

10 Témoin Q. (interprétation). - Non. Ce n'était pas des

11 combattants. Ils ne combattaient pas. Il n'y avait pas véritablement de

12 cela dans le village. Ils sont tout simplement arrivés, ils sont allés

13 d'une maison à l'autre, ils les ont rassemblés. On n'avait strictement

14 rien. On était des civils, on n'avait pas d'armes. Ils les ont tout

15 simplement ramassés, regroupés, puis ils les ont emmenés.

16 M. Riad (interprétation). - Ont-ils procédé à une quelconque

17 sélection ? Capturaient-ils tous ceux qu'ils rencontraient ou

18 choisissaient-ils les hommes qu'ils capturaient ? Et si oui, à votre avis

19 pourquoi ?

20 Témoin Q. (interprétation). - Ils ont tout simplement ramassé

21 tous ceux qu'ils pouvaient trouver dans les maisons différentes.

22 Indépendamment de l'âge, ils ont ramassé les hommes et ils les ont

23 emmenés.

24 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'un homme -je ne

25 sais pas si c'était un soldat du HVO- que vous avez rencontré à Vrhovine

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1 vous a dit qu'il n'allait pas vous tuer, vous, mais qu'il allait tuer les

2 jeunes, vos jeunes. Qui était cet homme ? Etait-ce un soldat du HVO ou

3 était-ce simplement quelqu'un qui voulait montrer de la cruauté ?

4 Témoin Q. (interprétation). - C'était un vieillard. On lui a

5 dit : "Vous ne nous intéressez pas, ce sont les jeunes que nous allons

6 tuer, égorger".

7 M. Riad (interprétation). - Quand vous dites « ils », de qui

8 s'agit-il ?

9 Témoin Q (interprétation). - C'était l'armée du HVO. Ils

10 portaient tous des insignes HVO sur les brassards ou sur les épaulettes.

11 M. Riad (interprétation). - Et vous avez déclaré que, pendant

12 que vous marchiez, vous avez vu des soldats du HVO arriver en grand nombre

13 du Busovaca, et pilonner Putis et

14 Merdani.

15 Putis et Merdani étaient-elles des bases importantes de l'armée

16 de Bosnie-Herzégovine, ou était-ce simplement des villages comme le

17 vôtre ? Le savez-vous ?

18 Témoin Q (interprétation). - C’étaient des villages comme le

19 nôtre. Il n'y avait que de la population civile, on n'avait aucune armée,

20 on n’avait rien, on n'était pas armés.

21 M. Riad (interprétation). - Il n’y a pas eu d’attaque contre le

22 HVO, à partir de ces villages ? Il n'y a pas eu de retour de coups de

23 feu ?

24 Témoin Q (interprétation). - Je ne peux pas m’en souvenir

25 exactement, mais j’ai vu que tout brûlait. Je ne peux pas vraiment vous

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1 répondre de manière exacte. Ce que je sais, c’est que j'ai vu une grande

2 armée; je sais que cela a été pilonné. J'ai eu l'occasion de voir

3 également les voisins, qui sont arrivés pieds nus, pas couverts, qui nous

4 ont raconté plein de choses. Ils n'avaient même pas eu le temps de se

5 mettre quoi que ce soit sur le dos, de mettre des chaussures, tant ils

6 étaient effrayés.

7 M. Riad (interprétation). - Voulez-vous dire que les habitants

8 de Merdani et de Putis s'enfuyaient ?

9 Témoin Q (interprétation). - Les femmes de Putis étaient avec

10 nous, dans notre village. Elles se sont enfuies chez nous, car Putis a

11 déjà été brûlé. On brûlait les maisons, donc elles étaient obligées de

12 fuir vers nous, vers notre village.

13 M. Riad (interprétation). - Ont-ils mis le feu à beaucoup de

14 maisons, dans votre village ?

15 Témoin Q (interprétation). - Dans mon village ?

16 M. Riad (interprétation). - Oui.

17 Témoin Q (interprétation). - Dans mon village, toutes les

18 maisons ont été brûlées. Il n'y en a qu'une seule, au fond, qui a été

19 démolie par la suite. Ils ont fait éclater d'abord les vitres. Ils ont

20 tout sorti. Ils ont mis plein de choses, des inscriptions avec plein de

21 saloperies là-

22 dessus. Mais tout a été brûlé.

23 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'ils vous

24 insultaient en vous appelant Balija. Quel est le sens de ce mot ?

25 Témoin Q (interprétation). - Je ne sais pas comment vous

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1 expliquer cela.

2 M. Riad (interprétation). - Ce mot indique-t-il... Savez-vous

3 s’il a une connotation particulière ?

4 Témoin Q (interprétation). - Non. On nous insultait en utilisant

5 le nom balija. C'est tout. On ne savait pas véritablement. C'est une

6 offense, on nous offensait.

7 M. Riad (interprétation). - Est-ce la façon dont ils appelaient

8 les Musulmans ?

9 Témoin Q (interprétation). - Oui, c'est comme cela que l'armée

10 du HVO nous appelait. C'est le mot qu'ils utilisaient à l'égard des

11 Musulmans.

12 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez

13 retournée à Loncari, et qu'à ce moment-là, vous avez dû, ensuite, quitter

14 le village, partir. D'autres sont-ils restés dans le village, ou tous les

15 habitants ont-ils été obligés de partir ? D'après ce que vous vous

16 rappelez, êtes-vous partie de votre propre gré, ou une décision a-t-elle

17 été prise, selon laquelle tous les Musulmans ont été forcés de partir ?

18 Bien sûr les maisons ont été brûlées, mais avaient-ils encore le droit de

19 rester, ou étaient-ils obligés de partir ?

20 Témoin Q (interprétation). - On n’osait pas rester. Il fallait

21 absolument partir, il fallait absolument sortir du village.

22 M. Riad (interprétation). - Vous sentiez-vous menacée ?

23 Témoin Q (interprétation). - On se sentait menacé, on se sentait

24 terriblement épuisé.

25 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

Page 5204

1 M. le Président. - Merci. Témoin Q, ça y est, c’est terminé.

2 vous avez été très courageuse. Le Tribunal vous remercie de votre

3 témoignage. Vous pouvez à présent rentrer

4 chez vous, essayer de retrouver un peu de sérénité et de paix.

5 Monsieur le greffier, nous allons demander à M. le Procureur

6 s’il a un autre témoin.

7 M. Harmon (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Nous

8 en avons terminé pour la journée.

9 M. le Président. - Pensez-vous avoir un témoin pour demain

10 matin ?

11 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, oui.

12 M. le Président. - Nous ne siégeons que demain matin.

13 M. Harmon (interprétation). - Oui.

14 M. le Président. - Dans ces conditions, vous n'allez pas bouger,

15 Témoin Q, le temps que les juges quittent la salle. Ensuite, ce sera plus

16 facile pour que votre sécurité soit assurée complètement.

17 L'audience est levée. Préférez-vous que l’on reprenne à 9 heures

18 et demi, demain matin, maître Harmon ?

19 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

20 M. le Président. - Demain matin, nous reprendrons à 9 heures et

21 demi. Je vois que mes collègues approuvent. Maître Hayman, vous avez une

22 difficulté ?

23 M. Hayman (interprétation). - Aucune difficulté avec l'horaire

24 de 9 heures et demi, monsieur le Président. Mais nous avions parlé de la

25 possibilité de consacrer cinq ou dix minutes à une autre conférence de

Page 5205

1 mise en état, cette semaine. Je me demandais si ce n’était pas une bonne

2 idée d'utiliser le temps qui nous reste cet après-midi à cette fin. Mais

3 je suis à votre disposition, monsieur le Président.

4 M. le Président. - Il faudrait faire le point de la situation du

5 dossier, je demanderai à M. Olivier Fourmy de se joindre à nous. Nous

6 allons suspendre jusqu’à 16 heures. Nous reprendrons nos places

7 respectives, sans robe, mais les juges resteront à leur banc de juges.

8 M. Olivier Fourmy se mettra là. Nous allons reprendre à 16 heures, pour

9 une conférence de

10 mise en état.

11 Merci. L’audience est levée.

12 L’audience est levée à 15 heures 40.

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