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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 19 Janvier 1998
4
5 LE PROCUREUR
6 C.
7 TIHOMIR BLASKIC
8
9 L’audience est ouverte à 14 heures 30.
10
11 M. le Président. - L'audience va reprendre. D'abord les
12 interprètes sont-ils prêts ? Je les salue.
13 Interprètes. - Bonjour, monsieur le Président et bonne année.
14 M. le Président. - Je souhaite également une bonne année à tous
15 les participants à cette audience. Nous pouvons maintenant reprendre. Tout
16 le monde m'entend-il bien ?
17 M. Blaskic (interprétation). - Je vous entends très bien. Bonjour,
18 monsieur le Président.
19 M. le Président. - Nous pouvons reprendre dans ces conditions. Je
20 me tourne vers M. le Procureur pour savoir ce qui est inscrit au programme
21 de la semaine. J'ai cru comprendre qu'il y avait beaucoup de témoins. Ce
22 sont peut-être les effets de l'ordonnance du 17 décembre qui a raccourci,
23 en tout cas fixé le nombre de jours en espérant évidemment que cela pourra
24 être de nature à ramasser et densifier nos débats. Monsieur le Procureur,
25 nous vous écoutons.
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1 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président,
2 bonjour, messieurs les juges, bonne année à vous, monsieur le Président,
3 aux juges et aux conseils de la défense. Monsieur le Président, cette
4 semaine, nous avons prévu d'entendre un certain nombre de
5
6 témoins, comme vous pouvez le constater, et nous avons l'intention de les
7 entendre le plus rapidement possible. Le premier témoin que j'ai
8 l'intention de citer cet après-midi est Munib Kajmovic.
9 Je peux, si vous le souhaitez, commencer par identifier les
10 parties de l'acte d'accusation qui sont pertinentes par rapport au
11 témoignage de ce témoin.
12 D'abord, le paragraphe 5.2, des allégations générales de l'acte
13 d'accusation.
14 M. le Président. - Allez-y, 5.2.
15 M. Harmon (interprétation). - Ce témoignage est pertinent par
16 rapport au chef d'accusation n° 1 "Persécution, crimes contre l'humanité
17 liés au transfert sous la contrainte de civils". Les paragraphes 6.6, 6.7
18 et 7 sont concernés.
19 Pour récapituler le témoignage de M. Kajmovic, je peux vous dire
20 qu'il vient de Bosnie centrale. Il est né dans la municipalité de Travnik
21 et a vécu à Vitez de 1976 à 1994. Les derniers onze mois de cette année
22 1994, il se trouvait à Vitez et a participé à la défense du haut siège de
23 Vitez. De 1976 à avril 1993, il a été professeur d'histoire au lycée de
24 Vitez et, pendant sa résidence à Vitez, il a participé à la vie civile de
25 sa région en étant notamment président du SDA, le parti musulman bosnien à
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1 Vitez.
2 En 1974, suite à la fin du siège de Vitez, M. Kajmovic a entamé
3 des études post-diplômes à l'université de Sarajevo où il briguait un
4 diplôme de maîtrise. Il a, dans le cadre de ses études, rédigé un mémoire
5 intitulé "Transformations politiques et démographiques dans la municipalité
6 de Vitez entre 1992 et 1995". C'est cette année, au mois de juin, qu'il
7 défendra ce mémoire à l'université de Sarajevo.
8 Donc il est expert dans le domaine des transformations
9 démographiques de la région de Vitez pour la période qui vient d'être
10 évoquée.
11 Son témoignage se bornera à traiter des résultats de sa recherche,
12 au sujet des transformations démographiques survenues dans la municipalité
13 de Vitez en raison de la guerre.
14
15 Il décrira la manière et les méthodes qu'il a utilisées pour préparer son
16 mémoire et présentera des éléments de preuve, c'est-à-dire les résultats de
17 sa recherche relative aux transformations démographiques et de la
18 composition ethnique dans la municipalité de Vitez entre 1991 et 1995,
19 ainsi que les raisons de ces transformations.
20 Voilà, monsieur le Président, ce dont ce témoin parlera devant la
21 chambre de première instance cet après-midi.
22 M. le Président. - S'agissant d'un expert et toujours dans le
23 souci louable de ramasser et raccourcir la procédure tout en respectant le
24 contradictoire, cet expert a-t-il remis une soumission, un rapport, ce qui
25 permettrait de diffuser ce rapport et de faire en sorte que seules les
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1 questions les plus pertinentes soient posées ou est-ce que ce que je dis
2 n'a pas d'intérêt ?
3 M. Harmon (interprétation). - Non, monsieur le Président, nous
4 n'avons pas soumis de rapport à la défense en vertu de l'ordonnance du
5 Tribunal.
6 En tout cas, d’après l’exemplaire que je possède, l'accusation
7 n'avait pas pour obligation de remettre un rapport à la défense. Je peux
8 d'ailleurs renvoyer les Juges à cette partie de l'ordonnance, si cela peut
9 vous aider.
10 M. le Président. - Dans ces conditions, vous avez répondu. Nous
11 pouvons donc introduire le témoin, M. Kajmovic.
12 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience)
13 M. le Président. - M'entendez-vous ?
14 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
15 M. le Président. - Vous allez nous énoncer votre nom et votre
16 prénom. Regardez le Président, s’il vous plaît. C'est moi qui vous parle.
17 Dites-moi votre nom et votre prénom, s'il vous plaît.
18 M. Kajmovic (interprétation). - Je m'appelle Munib Kajmovic.
19
20 M. le Président. - Vous allez lire, en restant debout pour
21 l’instant, la déclaration que M. l'huissier va vous tendre.
22 M. Kajmovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je
23 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité
24 M. le Président. - Merci, vous pouvez vous asseoir. Monsieur
25 Kajmovic, vous avez été cité par le Procureur qui, dans le cadre du procès
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1 intenté au Tribunal Pénal International contre l'accusé ici présent, le
2 général Blaskic, nous a donné, sommairement bien entendu, la trame de ce
3 qu'il attend de votre témoignage. Vous allez donc déposer librement, après
4 quelques questions préalables je suppose, et puis vous répondrez, bien sûr,
5 aux questions du Procureur.
6 Monsieur le Procureur, vous avez la parole, si vous souhaitez
7 commencer.
8 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur Kajmovic.
9 M. Kajmovic (interprétation). - Bonjour.
10 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous poser quelques
11 premières questions, après quoi nous pourrons en venir au coeur de votre
12 témoignage.
13 Monsieur Kajmovic, avez-vous 50 ans ?
14 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
15 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous ressortissant de Bosnie-
16 Herzégovine, et Musulman de religion ?
17 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
18 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous né dans la municipalité de
19 Travnik, en Bosnie-Herzégovine ?
20 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
21 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous vous rapprocher un peu
22 du micro ? Ce serait plus facile.
23 Monsieur Kajmovic, avez-vous une licence de l'université de
24 Sarajevo, depuis
25
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1 1994 ? Une licence de lettres ?
2 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
3 M. Harmon (interprétation). - Après cela, vous êtes devenu
4 enseignant d'histoire au lycée de Vitez, de 1976 jusqu'à avril 1993, c’est
5 cela ?
6 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
7 M. Harmon (interprétation). - Alors que vous résidiez dans la
8 municipalité de Vitez, avez-vous eu une activité civile au sein de la
9 communauté, notamment en qualité de président du parti musulman, le parti
10 du SDA ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
12 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous resté dans la municipalité
13 de Vitez jusqu'en 1994, c’est-à-dire jusqu'à la fin du siège qu'a subi
14 Stari Vitez ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
16 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant vous demander
17 de vous concentrer sur les questions au sujet desquelles je vous ai demandé
18 de témoigner ici, à savoir les études que vous avez entreprises dans le
19 domaine de la démographie.
20 Pouvez-vous d'abord, Monsieur Kajmovic, dire aux Juges à quel
21 moment vous avez commencé à travailler à l'université de Sarajevo, sur
22 quels sujets vous avez travaillé, le diplôme que vous prépariez... De façon
23 générale, pouvez-vous en parler aux Juges, je vous prie.
24 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. J'ai eu, depuis très
25 longtemps, le désir de m'occuper de questions scientifiques. Mais pour
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1 diverses raisons, cela n'a pas été possible à l'époque. Après les
2 événements, après le conflit qui a éclaté entre l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine et le HVO, j'ai décidé de m'inscrire pour briguer un diplôme
4 d'étude de troisième cycle à l’université de Sarajevo.
5 Fin 1994, je me suis donc inscrit et après un an et demi, après
6 avoir passé avec succès les examens qui étaient prévus dans le cadre de ce
7 programme d'étude du 3ème cycle, j'ai
8
9 demandé au responsable de l'université de me soumettre un sujet pour la
10 préparation d'une maîtrise. Le thème que j'ai choisi à pour titre :
11 Transformation politique et démographique à Vitez entre 1992 et 1995 dans
12 l'en municipalité de Vitez.
13 Le conseil exécutif de l'université a examiné mon projet de
14 maîtrise et a accepté le thème que je proposais de traiter. Ils m'ont
15 choisi un directeur de maîtrise avec lequel j'ai eu des consultations au
16 cours de la préparation de cette maîtrise sur ce sujet.
17 Les responsables de l'université m'ont adjoint le
18 Dr Mirko Pejanovic comme directeur de maîtrise. C’est un professeur de
19 l'université qui a eu une activité publique, et également en Bosnie-
20 Herzégovine. Il a été membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine ; il
21 l'était depuis deux ans à l'époque.
22 Après avoir choisi le sujet de ma maîtrise, j'ai commencé à
23 travailler sur ce sujet. Aujourd'hui, je suis proche de la fin de sa
24 rédaction. Au mois de juin de cette année, je devrais défendre ma maîtrise
25 à la faculté d'études politiques de Sarajevo, étant entendu que dans ma
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1 maîtrise je suis censé traiter d'un certain nombre de problèmes qui peuvent
2 présenter un certain intérêt pour le Tribunal Pénal International de
3 La Haye.
4 Compte tenu du fait que j’ai fait une déclaration au sujet des
5 événements survenus à Vitez à l'époque, les circonstances ont voulu que je
6 vienne témoigner ici, c'était également ma volonté, des éléments
7 intéressants au sujet de la situation qui s'est déroulée dans la
8 municipalité de Vitez à l'époque. Je ne sais pas si je dois poursuivre sur
9 ce sujet ?
10 M. Harmon (interprétation). Je voudrais vous poser une question,
11 si vous le voulez bien.
12 Vous avez parlé du Dr Mirko Pejanovic, c'est un serbe de Bosnie ?
13 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, il est de nationalité serbo-
14 bosniaque.
15 M. Harmon (interprétation). - Avant de parler des détails de votre
16 travail de recherche, pourriez-vous parler aux Juges de la municipalité de
17 Vitez, de sa population, de ses
18
19 caractéristiques ?
20 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. La municipalité de Vitez fait
21 partie des municipalités de taille réduite en Bosnie-Herzégovine. Elle a
22 une superficie de 1599 km² et une population de 28.000 habitants. Cette
23 municipalité se trouve au nord de la Bosnie-Herzégovine et a toujours eu
24 une composition ethnique mixte. Les Croates sont environ 45 % dans cette
25 municipalité ; il y a environ 5 % de Serbes de Bosnie, 41 % de Bosniens,
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1 4 % de Yougoslaves et quelques autres nationalités.
2 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, avant de
3 poursuivre, pourriez-vous dire aux Juges comment vous avez recueilli les
4 éléments nécessaires à la préparation de votre mémoire ?
5 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Pour préparer un travail de
6 cette nature, il faut bien entendu se procurer un certain nombre de
7 sources.
8 Compte tenu du fait que ce que sont les transformations
9 démographiques qui sont le thème de mon travail, donc la base de ma
10 recherche, j'ai utilisé en temps qu'élément fondamental le recensement
11 de 1991. Cela a donc constitué le point de départ de mes recherches.
12 Puis, j'ai utilisé également d'autres sources qui relevaient
13 d'institutions publiques de Bosnie-Herzégovine au niveau de la municipalité
14 de Vitez. J'ai utilisé des éléments recueillis par l'état-major de la
15 défense civile de Vitez, le quartier général de la défense civile, qui
16 faisait partie d'une étude qu'ils avaient menée à la fin de 1995 dans une
17 partie déterminée de la municipalité, à savoir le secteur qui relève de
18 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
19 J'ai également utilisé des documents émanant d'une collectivité
20 locale, ainsi que des documents provenant de la Croix-Rouge de Vitez, des
21 éléments de l'association caritative Merhamet de Vitez.
22 Et puis, bien entendu, j'ai également utilisé mes propres
23 recherches sur le terrain, qui ont joué un grand rôle dans mes recherches.
24 La municipalité de Vitez est en effet de taille
25
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1 relativement réduite, je connais très bien la région, je connais très bien
2 les habitants, donc j'ai également mené des recherches sur le terrain. J'ai
3 rassemblé un grand nombre d'éléments qui sont véritablement pertinents et
4 sûrs.
5 En ce qui concerne les transformations démographiques, je n'ai eu
6 pratiquement aucun problème à regrouper les éléments dont j'avais besoin.
7 Mais, en revanche, j'ai eu des problèmes pour recueillir le même
8 type de documents dans le secteur relevant du HVO, dans la municipalité. En
9 effet, les rapports sont encore tels qu'il n'existe absolument aucune
10 possibilité de jouir de la moindre liberté de circulation et encore moins
11 bien entendu d'avoir accès à des documents de ce genre. J'ai donc dû
12 utiliser une méthodologie différente pour l'étude de ce secteur, je suis
13 parti des éléments exposés dans le recensement de 1991 et ensuite, je me
14 suis appuyé sur mes investigations sur le terrain. J'ai mené ces
15 investigations dans un certain nombre de collectivités locales qui sont une
16 des unités administratives et territoriales. Je me suis concentré sur
17 quatre ou cinq de ces unités administratives et territoriales pour obtenir
18 les éléments dont j'avais besoin.
19 L'obtention de ces éléments s'est faite de la façon suivante :
20 dans ces collectivités locales, les Croates de Bosnie ont toujours été
21 présents, donc les éléments du recensement de 1991, s'agissant de ces
22 habitants particuliers, étaient toujours valables. Ce sont les Musulmans
23 bosniens et les membres des autres groupes nationaux qui ont été déplacés
24 de ce secteur de la municipalité. Donc, pour recueillir les éléments que je
25 recherchais, j'ai utilisé comme point de départ les éléments du recensement
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1 de 1991, à savoir que la densité démographique moyenne était de 3,70 dans
2 la municipalité. J'ai ensuite ajusté cette moyenne.
3 Les Musulmans bosniens se rendaient dans ce secteur de la
4 municipalité pour aller au cimetière visiter les tombes. Puis, j'ai pu
5 également recenser le nombre exact de maisons qui avaient été incendiées,
6 ou détruites, et non reconstruites. Cela m'a donc donné le nombre de ces
7 foyers. Ensuite, j'ai recensé le nombre de maisons en bon état, et j'ai
8 vérifié si chacune d'entre
9
10 elles était habitée. En possession de ces documents, j'ai additionné et
11 multiplié le nombre de ces maisons par 3,70, le nombre de membres d'une
12 famille, et je suis arrivé à un nombre qui bien sûr n'est pas un nombre
13 exact, mais qui nous donne une idée du nombre de Croates de Bosnie résidant
14 dans cette région particulière.
15 Le taux d'erreur, à mon avis, ne peut pas être supérieur à 5 ou
16 6 %. C'est donc de cette façon que j'en suis arrivé à déterminer le nombre
17 de Croates de Bosnie résidant sur le territoire de la municipalité de
18 Vitez. Une fois en possession de tous les éléments pertinents, j'ai pu
19 réaliser une analyse et confirmer de façon plus exacte quelle était la
20 situation démographique en 1991 et celle en 1995. Je considère ces éléments
21 comme tout à fait exacts, notamment eu égard aux changements démographiques
22 qui se sont produits dans le secteur de la municipalité, sous le contrôle
23 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, autrement dit s'agissant des éléments
24 relatifs aux Bosniens.
25 Je considère que les autres éléments, ceux qui portent sur les
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1 Bosno-Croates de la région, sont également assez précis, mais qu'il
2 importe, s'agissant de ces éléments, d'appliquer un taux d'erreur possible
3 de 5 à 6 %. Voilà la technologie et les modalités de travail que j'ai
4 appliquées dans ces recherches particulières.
5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, pendant que vous
6 cherchiez à recueillir les éléments dont vous aviez besoin, vous avez eu
7 des entretiens avec des membres de la communauté et des personnes
8 déplacées. Cela a-t-il constitué un élément très important de votre
9 recherche sur le terrain ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Dans toutes les communautés
11 locales et localités habitées dans lesquelles des Musulmans bosniens ont
12 été déplacés, j'ai recueilli ces éléments. Le problème, dans ce cas précis,
13 n'était pas très difficile car le nombre d'habitants concernés était
14 relativement limité et je travaillais également dans un nombre de
15 communautés locales très réduit.
16
17 Donc le problème n'était pas difficile. Je connaissais bien ces
18 communautés locales et je connaissais aussi très bien un grand nombre des
19 personnes avec lesquelles j'ai parlées.
20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, commençons par
21 les éléments démographiques que vous avez recueillis, eu égard à la
22 municipalité de Vitez, pour l'année 1991. Je demanderai à l'huissier de
23 bien vouloir vous remettre ce dossier qui contient trois pièces à
24 conviction qui, monsieur Dubuisson, sont les pièces à conviction 192, 193
25 et 194. Est-ce bien cela ? (Oui.)
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1 Monsieur le Président, messieurs les juges, s'agissant de la
2 pièce 192, vous trouverez en annexe une traduction française et anglaise.
3 La même remarque s'applique à la pièce 193, mais il n'y a pas de traduction
4 ni en anglais ni français pour la pièce 194, car une reproduction en
5 français et en anglais n'aurait pas permis de disposer des couleurs que
6 l'on voit sur la pièce 194. C'est une pièce relativement simple. Donc, je
7 pense que l'on pourra demander au témoin de lire les inscriptions qui
8 figurent sur cette pièce.
9 Monsieur Kajmovic, je vais demander à l'huissier de bien vouloir
10 vous placer les trois pièces à conviction sous les yeux et je vous
11 demanderai, si cela ne vous ennuie pas, d'expliquer aux juges en vous
12 appuyant sur les pièces à conviction 192, 193 et 194, vos conclusions en ce
13 qui concerne les données démographiques relatives à l'année 1991. Je vous
14 ai expliqué, avant l'audience, comment utiliser le rétroprojecteur. Je vous
15 demanderai donc de placer ces documents sur le rétroprojecteur, ce qui nous
16 permettra de travailler plus efficacement.
17 Vous n'avez pas besoin de séparer les différentes pages. La
18 première page est sans doute dans votre langue. Normalement, l'image
19 devrait apparaître devant vous sur l'écran.
20 Pouvons-nous voir la totalité de la pièce ? C'est donc la pièce à
21 conviction 192. Monsieur Kajmovic, je vous demanderai de nous expliquer ce
22 que représente ce document.
23 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Nous avons ici la frontière
24 de la municipalité
25
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1 de Vitez, il s'agit de cette ligne en pointillé. Puis, nous avons la
2 répartition administrative et territoriale de la municipalité de Vitez en
3 17 collectivités locales désignées par des numéros allant de 1 à 17.
4 Dans le coin situé en bas à droite, vous avez la légende qui vous
5 donne les noms des différentes communautés locales. Il s'agit donc ici de
6 la répartition administrative et territoriale de la municipalité de Vitez
7 en unités de taille plus réduite. Voilà ce que représente ce document.
8 Ici, nous voyons également le nom des municipalités voisines de la
9 municipalité de Vitez. Au nord, nous trouvons la municipalité de Zenica, au
10 nord-ouest, la municipalité de Travnik, à l'est la municipalité de
11 Busovaca, au sud la municipalité limitrophe est celle de Novi Travnik,
12 qu'on ne voit pas sur l'écran ici, il y a également une petite partie de la
13 municipalité de Fojnica qui est limitrophe de la municipalité de Vitez.
14 Nous voyons maintenant apparaître les noms, je parle de ce secteur ici.
15 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, pourriez-vous
16 maintenant nous expliquer quels étaient les données démographiques
17 relatives à la municipalité de Vitez en 1991, en utilisant la deuxième
18 pièce à conviction ? Vous pouvez enlever la première du réprojecteur et
19 placer la deuxième pour nous donner ces explications.
20 Monsieur l’Huissier, M. Kajmovic va pouvoir manipuler, pour le
21 moment, les trois pièces à conviction et s'il a quelques difficultés je
22 vous rappellerai pour l'aider.
23 M. Kajmovic (interprétation). - Ici, sur l'écran, vous voyez un
24 tableau de la structure nationale de la municipalité de Vitez, d'après les
25 données du recensement de 1991. Tout cela est calculé par point
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1 d'habitation et on peut voir dans chaque unité administrative combien il y
2 avait d'habitants en 1991 et également la composition de la population.
3 Ici, en bas, la colonne indique les résultats totaux. Dans la
4 première colonne, nous avons le nombre de Bosniens/Croates qui habitaient
5 en 1991 dans chacune de ces unités administratives. Nous avons le total en
6 bas de colonne. La deuxième colonne donne le
7
8 pourcentage. La troisième colonne fait état des chiffres de Bosniens
9 résidant dans ces unités administratives. On peut également déterminer la
10 structure nationale, l’appartenance ethnique et l’unités administrative.
11 Ensuite, le pourcentage est apporté par la quatrième colonne. La cinquième
12 colonne indique le nombre de Serbes. Puis dans la sixième colonne, le
13 pourcentage de Serbes. Dans la colonne suivante les yougoslaves, puis le
14 pourcentage. Dans la colonne 6, les autres, avec le pourcentage. Enfin, ce
15 chiffre indique le total de la population de Vitez en 1991 et les
16 pourcentages.
17 Donc, ce tableau nous montre une vue d'ensemble de la structure
18 ethnique chiffrée de la population de Vitez. Cela a servi de base pour
19 suivre tous les autres changements démographiques ensuite. Ceci est fait
20 sur la base des statistiques annuelles de la Bosnie-Herzégovine.
21 Donc, d'après ce tableau, en 1991 dans la municipalité de Vitez
22 vivaient 12.675 Croates-Bosniaques, ou bien 45,49 %, puis 11.514 Bosniaque,
23 soit 41,32 %, ensuite 8.501 Serbes de Bosnie, c'est-à-dire 5,38 %,
24 1.377 Yougoslaves, c'est-à-dire 4,94 % et 792 autres, c'est-à-dire 2,84 %,
25 ce qui donne au total 27.859 habitants.
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1 M. Harmon (interprétation). - Vous avez fait référence à la
2 pièce 193.
3 Pouvez-vous nous montrer la pièce 194 en la plaçant sur le
4 rétroprojecteur de façon à ce que vous puissiez nous l'expliquer ?
5 Pourrait-on nous montrer ce transparent net ? Monsieur Kajmovic, pourriez-
6 vous le relevez quelque peu de façon à ce qu'il apparaisse complètement sur
7 l'écran ? Merci.
8 Pouvez-vous expliquer à la Chambre de première instance ce que
9 cela signifie ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Ce document nous donne la
11 structure ethnique de la population de la municipalité de Vitez en
12 l'année 1991 et également, visuellement, l'emplacement des habitants.
13 Donc, sur ce document, dans cet encadré, nous avons des cercles de
14 couleurs
15
16 différentes. Les points bleus représentent le nombre de Bosno-Croates dans
17 la municipalité de Vitez. Puisque, d'après le tableau précédent, il y avait
18 45 % de Bosno-Croates. Sur ce document, nous avons 45 points bleus. C'est-
19 à-dire que chaque point représente un pour cent de Bosno-Croates de la
20 population résidant à Vitez. Ces points bleus sont placés sur ce document,
21 là où vivait effectivement cette population. Donc, d'après ces points
22 bleus, on peut voir l'emplacement ethnique, la répartition ethnique, de ce
23 nombre de Bosno-Croates résidant à Vitez.
24 On peut voir également sur ce document le mélange de cette
25 population. Les points verts, sur le document, représentent les Bosniens et
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1 leur emplacement territorial sur la municipalité de Vitez. Les points
2 rouges représentent les Serbes, les Bosno-Serbes et leur emplacement
3 territorial sur le territoire de la municipalité de Vitez. Ensuite, les
4 points noirs représentent les yougoslaves et leur emplacement. Et enfin,
5 nous avons des petits cercles blancs, des petits points blancs qui, eux,
6 représentent ce que l'on a appelé « les autres » : autres nationalités,
7 divers autres, qui étaient regroupés sous l'adjectif « divers ».
8 Nous pouvons donc voir cette répartition visuelle. Ici, nous avons
9 un cercle qui montre de façon graphique, un camembert qui reprend les
10 pourcentages de la population que nous avons montrés dans le tableau tout à
11 l’heure.
12 M. Harmon (interprétation). - L'huissier pourrait maintenant
13 reprendre ces transparents, et nous allons passer à d'autres.
14 Je commencerai par vous poser la question suivante Monsieur
15 Kajmovic : pendant la guerre, la municipalité de Vitez a été répartie en
16 portions qui étaient contrôlées par le HVO, tandis que d'autres étaient
17 placées sous le contrôle exclusif de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Dans
18 les pièces 195 à 199, je vais vous demander d'expliquer quelles étaient les
19 parties exclusivement contrôlées par le HVO, et d'expliquer à messieurs les
20 Juges vos recherches après les déplacements de population, ainsi que les
21 causes de ces déplacements.
22
23 Pouviez-vous nous indiquer les chiffres du transparent que vous
24 avez placé sur le rétroprojecteur, de façon à ce que nous puissions
25 l'enregistrer ?
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1 M. Kajmovic (interprétation). - Le document 195.
2 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous expliquer ce que ce
3 transparent représente, à l'attention de messieurs les Juges ?
4 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Ce document montre la
5 municipalité de Vitez. En voici les limites, et nous voyons ici les lignes
6 de conflit de 1992 à 1994. Ici, nous avons la ligne de séparation de
7 conflit, dans la partie septentrionale de Vitez, c'est cette ligne-ci.
8 Quant à la partie méridionale, il s'agit de cette ligne-là. Ensuite, nous
9 avons une petite partie, ici, sous contrôle de l'armée de Bosnie-
10 Herzégovine. Cette partie-ci est donc au centre.
11 Les points, les petits cercles verts ici et là, indiquent la
12 position de l'armée de Bosnie-Herzégovine, le 25 février 1994 ; tandis que
13 les points bleus, les petits triangles bleus, indiquent les lignes de
14 front, les positions du HVO. Donc, ici, c'est la ligne de répartition des
15 forces armées en 1992, lorsque l’accord est entré en vigueur, à savoir que,
16 on verra cela plus tard, on voit une ligne de séparation, indiquée ici.
17 Donc, ce document indique quel est le territoire de Vitez resté
18 sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et quelle est la partie
19 qui est restée sous le contrôle du HVO. Cette partie, ici, à l'intérieur,
20 est restée sous le contrôle du HVO ; tandis que cette partie-ci était sous
21 le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine, ainsi que ce petit cercle,
22 qu'on appelle l'ancien Vitez, le vieux Vitez, lui aussi était resté sous le
23 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
24 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous passer maintenant au
25 transparent suivant qui va indiquer cela plus clairement encore. Il s'agit
Page 5709
1 du transparent 196.
2 Nous avons maintenant sur le rétroprojecteur la pièce 196. Les
3 fleurs de lys indiquent les parties contrôlées par l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine et les damiers celles qui sont
5
6 contrôlées par le HVO.
7 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, effectivement. Nous avons une
8 ligne ici, et c'est la ligne définitive qui a été confirmée dans le cadre
9 d'un accord entre les représentants de l'armée et du HVO, c'est-à-dire le
10 territoire qui se trouvait entre deux lignes, et c'est cette ligne
11 définitive, ici, de la séparation territoriale. Donc, cette partie-ci se
12 trouve sous le contrôle du HVO ; tandis que ces deux parties et ce petit
13 cercle, ici, étaient placés sous le contrôle de l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine. Donc ces symboles indiquent sous quel contrôle se trouvait le
15 territoire.
16 J'aimerais également dire que ce territoire est de 159 km²,
17 contrôlés à 75 % par l'armée de Bosnie-Herzégovine et à 25 % par le HVO. Ce
18 pourcentage est indiqué ici.
19 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, pour en revenir
20 au transparent principal, pourriez-vous expliquer à messieurs les Juges
21 quels ont été les résultats de vos recherches en ce qui concerne le
22 déplacement des divers groupes dans les zones contrôlées par le HVO ?
23 M. Kajmovic (interprétation). - Dans les autres documents, tout à
24 l'heure, nous avons pu constater qu'il existait un mélange ethnique sur le
25 territoire de la municipalité de Vitez et que ce mélange ethnique était en
Page 5710
1 grande partie également sur ce territoire placé sous le contrôle du HVO
2 maintenant.
3 Après l'arrêt du conflit, on a pu constater que l'image ethnique
4 était totalement différente de celle existant en 1991. J'ai été très
5 profondément intéressé par ce problème. Pourquoi finalement en est-on
6 arrivé à ces déplacements ethniques ? Etait-ce une volonté militaire et
7 politique pour parvenir à cette séparation de la population en ethnies ?
8 Cela a été une raison pour moi d'aborder de plus près ce problème et de
9 voir quels sont les changements qui sont intervenus.
10 Ces changements ethniques ne se sont pas produits uniquement dans
11 ce territoire
12
13 placé sous le contrôle du HVO, mais également sur ce territoire placé sous
14 le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine, cependant pour des motifs
15 tout à fait différents. Je répète que les motifs sont tout à fait
16 différents. Ce sont d'ailleurs des motifs totalement contraires qui ont
17 abouti à ces déplacements.
18 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, pourriez-vous
19 reprendre les autres transparents pour étayer vos propos concernant les
20 changements démographiques de la région ? Quel est le numéro de ce
21 transparent ? Pourriez-vous le retourner ? C'est peut-être le 197. Est-ce
22 juste ?
23 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, il s'agit du document 197.
24 Nous avons ici deux tableaux. J'aimerais revenir un instant au
25 document 196 pour vous indiquer de quelle partie territoriale il s'agit,
Page 5711
1 donc les changements démographiques sur ce territoire. Ici nous avons deux
2 tableaux qui indiquent la structure démographique de la population de ce
3 territoire que je viens de vous montrer en 1991. Il ressort de ce tableau
4 que vivaient 11 704 Bosno-Croates, soit 60,2 %, 4 691 Bosniens,
5 soit 24,12 %, 1 240 Serbes, soit 6,3 %, 1 081 Yougoslaves, soit 5,56 % et
6 725 divers, soit 3,72 %. Au total, 19 441 habitants vivaient sur ce
7 territoire qui se trouve sous le contrôle du HVO après l'arrêt du conflit.
8 Quant à l'autre tableau, il indique le nombre d'habitants chassés
9 de ce territoire non croate. Nous avons donc, dans ce second tableau, dans
10 cette deuxième colonne, un chiffre de 4 611 Bosniens qui ont été chassés de
11 ce territoire et qui y vivaient en 1991. Les Serbes étaient au nombre
12 de 1 140. Il faut indiquer ici que les Serbes n'ont pas été chassés. Ils
13 n'ont pas quitté le territoire de Vitez sous la pression, ils sont partis
14 avant le conflit, c'est-à-dire avant le 16 avril 1993, à l'appel du SDS et
15 de Karadzic. Ensuite, nous avons 437 Yougoslaves et 470 divers, ce qui fait
16 au total 6 658 habitants qui vivaient sur le territoire en 1991. Tous ces
17 gens ne vivent plus sur le territoire placé sous le contrôle du HVO. C'est
18 ce qui fait l'objet de ce document et de ces tableaux.
19
20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, veuillez
21 poursuivre. Voulez-vous indiquer à messieurs les juges tous les résultats
22 de vos recherches à l'aide des transparents que vous avez sous les yeux ?
23 Je crois que le transparent suivant porte le numéro 198. Est-ce bien cela ?
24 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, c'est bien 198 en effet.
25 Dans le document précédent, nous avons constaté que, du territoire
Page 5712
1 placé sous le contrôle du HVO, 6 658 habitants ont été chassés.
2 Nous constatons que 1 140 Serbes eux n'ont pas été chassés. Parmi
3 ces personnes chassées, il y avait un certain nombre de Bosniens et j'ai
4 essayé de rechercher où ils se sont installés, où ils ont été chassés et où
5 ils se trouvent après la fin du conflit. J'ai pu établir -et je le montre
6 dans ce tableau- les endroits où ils vivent actuellement.
7 Sur le territoire de la municipalité de Vitez, 1 128 Bosniens sont
8 passés dans le territoire de la municipalité qui se trouve sous le contrôle
9 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ensuite, 2 779 Bosniens ont continué de
10 vivre à Zenica, puis 516 Bosniens ont trouvé un point d'emplacement et de
11 résidence à Travnik, 113 se sont rendus dans d'autres municipalités :
12 Novi Travnik, Rakagn, etc. et 75 ont quitté la Bosnie-Herzégovine et se
13 sont rendus à l'étranger.
14 Ainsi donc, ce tableau indique où sont partis ces gens après avoir
15 été chassés. Sur ce graphique ici, nous avons l'indication de ces Bosniens
16 chassés. Cette première colonne pleine nous indique qu'ils sont 24,46 % à
17 être restés sur le territoire de la municipalité de Vitez. Ensuite 60,26 %
18 du chiffre total, 6 658, sont sur la municipalité de Zenica, 11,19 % sur le
19 territoire de la municipalité de Travnik et encore nous avons ici 2,45 dans
20 les autres municipalités. Quant à l'étranger, nous avons 1,62 %.
21 Nous n'avons pas ici de documents qui nous diraient la situation
22 des Bosno-Croates car, en général, ils sont restés dans le territoire placé
23 sous le contrôle du HVO dans la
24
25 municipalité de Vitez.
Page 5713
1 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, veuillez
2 poursuivre avec les autres transparents qui sont dans le dossier. Je pense
3 que nous allons passer maintenant au transparent 199, n'est-ce pas ?
4 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Il s'agit de la pièce 199.
5 Sur ce document, nous avons la structure nationale de la population des
6 habitants, sur la partie de Vitez placée sous le contrôle du HVO en 1995.
7 Donc c'est sur cet partie que le tableau indique les données.
8 D'après ce tableau, on voit les unités administratives. Nous
9 allons prendre la dernière ligne horizontale, parce que ce sont des totaux
10 qui indiquent les faits suivants.
11 La première colonne donne le chiffre 15.221. C'est un chiffre qui
12 nous dit que sur ce territoire fin 1995 vivaient 15.221 personnes, dont
13 221 Bosno-Croates. Cette colonne nous montre, si on la compare au chiffre
14 de 1991, on constate qu'un plus grand nombre de Croates y résident
15 maintenant, un peu plus de 2.500 personnes par rapport au chiffre de 1991.
16 Nous avons, dans la deuxième colonne, le pourcentage soit 93,38 %.
17 La troisième colonne signale le nombre de Bosniens dans les communautés
18 locales. Donc si on prend la colonne de haut en bas, on peut constater
19 qu’il y a beaucoup de zéros parce qu'il n'y a plus de Bosniens. Enfin vous
20 avez le total de 80, ce qui veut dire que sur ce territoire de 4611 il n'en
21 reste que 80. Ces Bosniens vivent sur le territoire placé sous le contrôle
22 du HVO.
23 Troisième colonne, c'est-à-dire la cinquième, qui indique le
24 chiffre de Serbes, ils sont environ 100. Nous savons qu’en 1991 ils étaient
25 au nombre de 1.501, mais en ce qui les concerne nous avons déjà indiqué
Page 5714
1 qu'il s'agissait là d'une décision politique du SDS et qu'ils ont déménagé
2 volontairement de la municipalité de Vitez.
3 Ensuite, vous avez une autre colonne, la septième, les Yougoslaves
4 qui sont 634 et enfin les divers 255, c'est-à-dire qu'au total sur la
5 partie placée sous le contrôle du HVO nous avons, fin 1995,
6 16.300 habitants.
7
8 M. Harmon (interprétation). - Le graphique en-dessous reflète en
9 pourcentage les totaux des divers groupes ethniques vivants dans la région
10 placée sous le contrôle du HVO en 1995, c'est bien cela ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
12 M. Harmon (interprétation). - Ceci est tout à fait évident, nous
13 avons les chiffres et les pourcentages. Ce sont simplement les pourcentages
14 qui sont reflétés par rapport aux chiffres dans les tableaux ci-dessus ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
16 Ici, nous avons le graphique des données exprimées en chiffres
17 dans le tableau ci-dessus. Cette première colonne pleine nous indique qu'il
18 y a 15.221 Bosno-Croates qui vivent sur ce territoire. Ici, nous avons en
19 graphique également les autres. Les Bosniens représentent 0,61 %, les
20 Yougoslaves 3,95 % et le reste 1,56 %.
21 Donc, la structure démographique est représentée en graphique. On
22 voit nettement quels ont été les déplacements et modifications par rapport
23 au tableau de 1991. La situation a radicalement changé et c'est là
24 l'indication d'un déplacement selon la nationalité.
25 M. Harmon (interprétation). - S'agissant du déplacement de la
Page 5715
1 population musulmane dans les territoires sous le contrôle du HVO, est-ce
2 que vous pouvez définir leurs causes à l'attention des Juges de la
3 Chambre ?
4 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Les habitants bosniens ont
5 été chassés des territoires placés sous le contrôle du HVO, sous la
6 contrainte, sous la pression pour l'essentiel. Autrement dit, ce qui
7 s'appliquait était une politique qui avait un objectif et qui disposait des
8 moyens nécessaires, c’est ce qu’on a appelé le nettoyage ethnique du
9 terrain, à savoir l'expulsion des Bosniens du territoire en question.
10 Donc, cette expulsion était à la fois un moyen et un objectif.
11 Différente moyen de pression ont été exercé pour forcer les habitants en
12 question à quitter ce territoire tombé sous le
13
14 contrôle du HVO.
15 Quels ont été ces moyens ? Ils pénétraient dans les maisons, les
16 appartements. Ils menaçaient les habitants avec des armes. Ils les
17 maltraitaient au quotidien. C'est ainsi que depuis le début du conflit, et
18 ce dans un délai de trois à quatre mois, les Bosniens se sont vus
19 contraints pour la grande majorité d'entre eux de quitter le territoire.
20 Ils l'ont donc quitté sous la contrainte. Ils ont passé la ligne de
21 séparation pour se retrouver sur le territoire qui était sous le contrôle
22 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Une partie de cette population bosnienne
23 a également quitté le territoire, je parle du territoire sous le contrôle
24 du HVO, dans le cadre d'échanges de populations. Ce pourcentage est plus
25 réduit, mais il faut souligner qu'une partie des Bosniens ont été chassés
Page 5716
1 de cette façon du territoire placé sous le contrôle du HVO.
2 M. Harmon (interprétation). - Le fait qu'après le cessez-le-feu
3 conclu en avril 1993 un certain nombre de Musulmans sont restés dans le
4 secteur placé sous le contrôle du HVO de la municipalité de Vitez et qu'ils
5 ont finalement été contraints à partir par le HVO, est-ce là un élément à
6 l'appui de vos dires ?
7 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, en effet. Nous avons évoqué
8 le fait que 4.611 Bosniens ont été chassés de ce territoire. Jusqu'au
9 16 avril, c’est-à-dire jusqu'à l'attaque perpétrée par le HVO, ces
10 personnes habitaient chez elle, dans leur maison. Et après l'attaque, dans
11 les premiers jours qui ont suivi l'attaque, une partie de cette population
12 a été expulsée. On peut même dire que certains d'entre eux ont subi un
13 génocide. Cela a été le cas des habitants d'Ahmici. Les Bosniens ont été
14 expulsés d'Ahmici, puis de la communauté locale de Gacice, et également de
15 la communauté locale de Veceriska. Ce sont donc des communautés locales
16 rurales et, dans les parties rurales, en fait, les Bosniens ont été
17 expulsés dès les premiers jours qui ont fait suite à l'attaque.
18 Pour le reste de la population, elle vivait dans les villes, dans
19 la ville de Vitez. Le reste de la population bosnienne se composait de
20 2 600 habitants. Là, il y a une différence, car
21
22 cette population urbaine n'est pas partie tout de suite, puisqu’elle
23 n'avait, en fait, absolument aucune possibilité matérielle de fuir. Les
24 habitants n'avaient pas la possibilité matérielle de rejoindre le
25 territoire sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il fallait
Page 5717
1 pour cela traverser les lignes de front. Ces gens-là sont donc restés dans
2 leur maison. Ils n'avaient aucune possibilité de circuler où que ce soit,
3 et une partie de ces Bosniens a été arrêtée par le HVO et enfermée dans des
4 camps. L'université du travail, l'usine SDK, l’école de Dubravica, le poste
5 vétérinaire ont été transformés en camps.
6 Mais c'étaient surtout les hommes en âge de porter les armes qui
7 se faisaient arrêter. Ensuite, il y a eu un cessez-le-feu qui, bien sûr,
8 n'a pas été respecté. Ces Musulmans, ces Bosniens au nombre de 2 600, qui
9 vivaient dans la ville de Vitez, ces habitants urbains, ont été expulsés
10 petit à petit. Un faible pourcentage d'entre eux a cherché par tous les
11 moyens à trouver une possibilité de quitter la ville. Moi, j'ai utilisé des
12 interviews pour m'adresser à ces habitants et j'ai appris de cette façon
13 qu'ils cherchaient toute sorte de moyens, par le biais de connaissances, ou
14 de différents contacts, y compris en s'adressant à des amis croates. Ils
15 cherchaient à sortir de la ville, évidemment sans grand succès.
16 Ces habitants étaient vraiment terrorisés, parce que des membres
17 du HVO faisaient irruption dans leur logement, en plein milieu de la nuit
18 ou très tôt le matin, et leur donnaient des délais d'un ou deux jours pour
19 quitter leur logement. Il y a eu des cas tout à fait significatifs. Par
20 exemple, un élève d'un de mes collègues enseignants, un étudiant, est entré
21 dans l'appartement de cet enseignant et lui a dit : « Ecoutez, monsieur,
22 cela m’est très désagréable, mais je dois vous dire que vous devez quitter
23 votre appartement ». Il a ramassé quelques affaires et il a passé la ligne
24 pour partir.
25 Donc, vous voyez, les moyens utilisés, les modalités ont pu être
Page 5718
1 différentes sur le fond mais, de toute façon, il s'est toujours agi de
2 contraintes. Toutes les expulsions se sont faites sous la contrainte.
3
4 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, je voudrais
5 maintenant passer à une autre série de pièces à conviction. Je demande
6 l'aide de l'huissier. Ce sont les pièces à conviction 200 et 201, qui vous
7 permettront de vous concentrer maintenant sur le secteur de la municipalité
8 demeurée sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
9 Je vous prierais, pour commencer, d'expliquer à la Chambre
10 d'instance et au conseil de la défense ce que vous savez des modifications
11 démographiques qui concernent donc cette partie de la municipalité qui
12 était sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je vous prie de
13 vous appuyer sur les documents que vous avez sous les yeux.
14 M. Kajmovic (interprétation). - Nous avons ici l'élément de
15 preuve, le document 200... Je ne le vois pas à l'écran.
16 M. Harmon (interprétation). - Je ne le vois pas non plus. Un
17 instant, s'il vous plaît.
18 Monsieur le Président, apparemment nous avons un problème
19 technique. Je ne sais pas si vous, vous avez l'image sur votre écran, mais
20 M. Kajmovic ne voit pas l'image sur son écran et, moi non plus, je ne la
21 vois pas sur le mien.
22 M. le Président. - On pourrait quand même continuer, car les Juges
23 ont les documents.
24 M. Kajmovic (interprétation). - Ah... oui, ça va.
25 Donc, nous avons ici un document comparable au précédent.
Page 5719
1 M. le Président. - C'est pas le même... Ecoutez, que le témoin
2 explique son document, même si nous ne l'avons pas sur l'écran, pour ne pas
3 perdre de temps. Pendant ce temps, les techniciens essayent de faire en
4 sorte que ce soit sur l'écran.
5 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous ces documents,
6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges ? Les documents 200 et 201 ?
7 M. le Président. - Oui.
8 M. Harmon (interprétation). - Très bien, merci.
9
10 M. Kajmovic (interprétation). - Ce document est de nature
11 comparable à celui que nous venons de voir. Mais il montre les changements
12 démographiques qui se sont produits sur le territoire de l'opstina de
13 Vitez, de la municipalité de Vitez, qui était sous le contrôle de l'armée
14 de Bosnie-Herzégovine.
15 Le premier tableau nous montre le nombre et la structure nationale
16 de la population en 1991, dans ce secteur de la municipalité sous contrôle
17 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Dans ce secteur, nous constatons qu’en
18 1991, 971 Bosno-Croates vivaient dans le secteur. C'est la première
19 colonne. Puis, 6 823 Bosniens, 261 Serbo-Bosniaques, 296 Yougoslaves, et
20 67 divers. Ce qui nous fait un total de 8 418 habitants. Et les
21 pourcentages que l'on voit à droite sont des pourcentages qui se rapportent
22 donc à cette répartition numérique.
23 Sur le deuxième tableau, nous trouvons les chiffres concernant les
24 habitants déplacés de ce secteur de la municipalité qui était sous le
25 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Là nous constatons que, de ce
Page 5720
1 secteur, 946 Croato-Bosniaques ont été déplacés. La deuxième colonne
2 horizontale est vide puisque, pour les Bosniens, il n'y a eu aucun
3 déplacement de population. 254 Bosno-Serbes ont été déplacés,
4 22 Yougoslaves, 27 divers et, au total, 1 243.
5 Pour ce deuxième tableau, ce qui est caractéristique, c'est que
6 946 Bosno-Croates ont changé de lieu d'habitation. Là je me dois
7 d'expliciter un petit peu ce transfert.
8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, le
9 rétroprojecteur fonctionne à nouveau. Je vous demanderai donc, avant de
10 rentrer dans cette explication, de placer le tableau sur le
11 rétroprojecteur. Cela sera dans l'intérêt de tout le monde.
12 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, absolument.
13 Mes recherches n'ont fait que confirmer ce que l'on savait déjà
14 sur le plan politique sur la façon dont les Bosno-Croates ont été déplacés,
15 aussi bien dans la municipalité de Vitez que dans les autres territoires de
16 Bosnie centrale en tout cas. Autrement dit, ce que nous avons ici, c'est
17 l'application d'un principe. Sur les territoires qui ne sont pas tombés
18 sous le contrôle du
19
20 HVO, et nous parlons bien ici d'un secteur qui n'était pas sous le contrôle
21 du HVO, il y a eu déplacement des populations croates.
22 Pourquoi ? Parce que le HVO s'en tenait de façon très stricte à un
23 principe déterminé, à savoir que lorsque les Bosno-Croates n'avaient pas le
24 contrôle militaire, il fallait à tous prix que les Bosno-Croates de la
25 région se déplacent pour aller vivre dans des régions sous contrôle du HVO.
Page 5721
1 Dans l'application de ce principe, toutes sortes de moyens ont été
2 utilisées, à commencer par des moyens d'information et de propagande, en
3 passant par les médias. Les Croates étaient sans cesse sollicités pour
4 quitter les régions qui étaient sous le contrôle de l'armée de Bosnie-
5 Herzégovine pour aller vivre dans les régions sous le contrôle du HVO.
6 S'agissant plus concrètement de la municipalité de Vitez, le
7 transfert des Bosno-Croates de ce secteur contrôlé par l'armée de Bosnie-
8 Herzégovine, s'est fait dans deux cadres différents : une partie des Bosno-
9 Croates a quitté une région dont il a été prouvé plus tard qu'elle était
10 restée sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Cela s'est passé
11 en une nuit, celle du 15 au 16 avril jusqu'à 5 heures 30 du matin.
12 Au cours de cette nuit, les Bosno-Croates qui vivaient dans ce
13 secteur demeuré sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine, sont
14 partis. A Stari Vitez, une partie des Croates qui habitaient le bas à Vitez
15 est partie pour aller vivre dans le secteur contrôlé par le HVO. Cela s'est
16 fait même avant le 16 avril. Dans Stari Vitez, une vingtaine de Croates
17 sont toutefois restés. Et puis, le 16 avril au matin, c'est-à-dire le jour
18 où le conflit a éclaté, et compte tenu du fait que les Croates ne pouvaient
19 pas contrôler ce secteur sur le plan militaire, 400 Croates environ qui
20 vivaient dans la communauté locale de Polje Visnjica se sont retirés donc
21 très tôt le matin pour aller rejoindre le secteur sous le contrôle du HVO.
22 Je veux parler de Dubravica et du territoire situé plus loin dans la
23 direction de Vitez.
24 Donc, les Bosno-Croates sont partis, pour un nombre réduit d'entre
25 eux, au cours de la nuit qui a précédé l'éclatement du conflit et, pour une
Page 5722
1 majorité d'entre eux, dans le jour ou les
2
3 deux jours qui ont suivi le début du conflit. A ce sujet, je tiens à dire
4 que si on prend l'exemple de ces 400 Croates partis de Polje Visnjica, ils
5 sont partis au moment où le conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-
6 Herzégovine a éclaté dans leur village. Le conflit a donc commencé et ils
7 sont partis.
8 Je n'ai jamais eu connaissance du fait qu'il y ait eu des
9 pressions particulières pour contraindre ces Croates à quitter l'endroit où
10 ils habitaient. Je connais même un exemple tout à fait précis à Stari Vitez
11 où j'ai vécu un an. J'y commandais la défense civile et, dans le cadre de
12 mes fonctions, nous avons toujours insisté pour que les Croates vivant dans
13 ce secteur bénéficient de la même aide humanitaire que les autres, de façon
14 à ne pas être exclus des bénéfices de cette aide. Mais, il n'est pas à
15 exclure, bien entendu que, dans certains cas exceptionnels, certaines
16 pressions aient pu être exercées contre certains Croates pour les forcer à
17 quitter ce secteur.
18 Cela étant, je tiens à souligner ce qui me paraît le plus
19 important. Sur ces 946 Croates, c'est déjà au cours du premier ou du
20 deuxième jour du conflit que ces Bosno-Croates sont partis. Donc, en un
21 jour ou deux, une grande majorité d'entre eux avait déjà abandonné leurs
22 résidences, mais ce en l'absence de pressions ou de contraintes, compte non
23 tenu des quelques exceptions qui ne sont pas à exclure dans de telles
24 circonstances. Voilà ce que j'avais à dire au sujet de ce document. Je
25 crois que j'ai expliqué ce que j'avais à expliquer.
Page 5723
1 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic ?
2 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, je voudrais seulement ajouter
3 qu'au total 1.243 personnes ont quitté ce secteur demeuré sous le contrôle
4 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
5 M. Riad (interprétation). - Je voulais simplement m'en vérifier un
6 point. Vous avez dit que la plupart des personnes qui étaient parties, sont
7 partis dans les quelques jours, mais vous parlez de quels jours en
8 particulier ?
9
10 M. Kajmovic (interprétation). - Je crois effectivement que cela
11 s'est passé au cours d’un ou deux jours, le 16 et le 17 avril, autrement
12 dit dans la nuit du 15 au 16, durant le 16 avril et durant le 17 avril
13 1993. Donc quand je parlais d'un jour ou deux, je parlais du 16 et du 17
14 avril 1993.
15 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
16 M. Harmon (interprétation). - Vous avez la pièce à conviction 201
17 sous les yeux. J'aimerais que l'on mette au point l'image. Peut-on agrandir
18 le tableau de façon à ce qu'il devienne possible de lire les chiffres ? La
19 page pourrait-elle être mieux centrée ?
20 Je demande l'aide de l'huissier. C'est le tableau qui nous
21 intéresse, c’est-à-dire la partie supérieure de la page, merci.
22 M. Kajmovic (interprétation). - Sur ce document, nous voyons la
23 structure nationale de la municipalité de Vitez dans les secteurs sous
24 contrôle de le l'armée de Bosnie-Herzégovine. Autrement dit, je parle du
25 même secteur que celui dont je parlais il y a quelques instants quand j'ai
Page 5724
1 déclaré que 1243 habitants au total l'avaient quitté.
2 Bien entendu, ces transferts de population à partir du secteur
3 sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine se sont effectués en
4 l'absence de contrainte. Il faut tenir compte du fait qu’environ 150 Serbes
5 vivaient dans le hameau de Stolovic, ils étaient partis déjà avant le 16
6 avril, et ils font partie de ce chiffre de 1243.
7 Donc, sur le tableau que nous regardons maintenant, nous voyons la
8 structure démographique de la population dans ce secteur sous contrôle de
9 l'armée de Bosnie-Herzégovine en 1995, c'est-à-dire après les changements
10 intervenus en raison de la guerre.
11 Sur ce tableau, nous voyons la première colonne, à gauche, où nous
12 trouvons le nombre de Bosniens résidant dans ce secteur, à savoir
13 8282 habitants soit 95,92 % de la population. Ensuite, les deux autres
14 colonnes concernent les Croates, la troisième colonne en verticale nous
15 montre qu'il n'y avait plus de 25 Bosno-Croates qui sont restés vivre dans
16 ce
17
18 secteur jusqu'à la fin de 1995. Nous trouvons ensuite 7 Bosno-Serbes, 274
19 yougoslaves et 46 divers.
20 Donc, au total, dans ce secteur à la fin de 1995, vivaient 8.634
21 habitants les caractéristiques fondamentales des changements dont parlent
22 ce tableau sont les suivantes.
23 Ce secteur est assez nettoyé sur le plan ethnique, étant entendu
24 que le nombre de déplacements de populations est relativement faible dans
25 ce secteur puisque nous avions plus de 6.000 personnes qui avaient été
Page 5725
1 déplacées dans le secteur sous le contrôle du HVO alors qu'ici nous n'en
2 avons que 1.243.
3 Outre cette différence numérique, il y a également une différence
4 dans les modalités qui ont été appliquées parce que si les personnes
5 déplacées dans le secteur sous contrôle du HVO l’ont été sous la pression
6 et la contrainte, ici, une partie des personnes qui ont quitté la région
7 l'ont fait de façon volontaire, il s’agit des Serbes, puis une autre partie
8 l’a fait dans les premiers jours suivant le conflit pour rejoindre le
9 secteur croate, c’est ce que lui avait demandé le HVO.
10 Nous voyons ici le graphique à barre qui montrent la structure
11 ethnique de la population en 1995. Les changements sont relativement
12 significatifs dans ce secteur également, même dans cette région également,
13 dans les deux secteurs, mais que les motifs, les causes, de ces changements
14 sont différents dans un cas et dans l'autre.
15 M. Harmon (interprétation). - Je regarde le transcript, je vois
16 qu'il est indiqué qu'il y a eu beaucoup moins de déplacements de
17 populations dans les régions contrôlées par le HVO. Parliez-vous du HVO ou
18 des territoires contrôlés par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
19 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai dit il y a quelques instants
20 que dans ce secteur qui était sous le contrôle de l'armée de Bosnie-
21 Herzégovine 1.243 personnes ont été déplacées. Et que par rapport à ce que
22 montrait le document que nous avons vu il y a quelques instants, ce chiffre
23 est tout de même bien inférieur, puisque sur l'autre document, concernant
24 les régions
25
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1 sous le contrôle du HVO le nombre de personnes déplacées était supérieur à
2 6.000.
3 Cet élément numérique est important bien entendu, savoir s'il
4 s'est agi de 5 de 5.000 habitants est important, mais ce n'est pas
5 l'élément le plus important.
6 L'élément le plus important me semble-t-il, c'est que les
7 habitants déplacés du secteur sous le contrôle du HVO l’ont été par la
8 force, alors que ceux qui ont quitté le territoire sous le contrôle de
9 l'armée de Bosnie-Herzégovine ne l'ont pas fait sous l'effet de la force.
10 Certains d'entre eux sont partis volontairement, cela a été le cas des
11 Serbes. Pour ce qui est des Croates, certains d'entre eux ont quitté le
12 territoire à l'invitation du HVO pour rejoindre le territoire sous le
13 contrôle du HVO, cela a été une des raisons. La deuxième raison pour
14 laquelle les Croates ont quitté ce territoire sous le contrôle de l'armée
15 de Bosnie-Herzégovine a bien été la pression, mais cette pression était
16 celle des opérations militaires.
17 Je vous ai déjà donné un exemple tout à l'heure. Je pourrais vous
18 en donner un autre. Je parlerai d'un hameau, Bobasi, qui est une partie de
19 Kruscica. Des Croates habitaient dans ce hameau. Etant donné l'avancée des
20 troupes bosniennes dans le cadre des opérations militaires, ces Croates ont
21 dû quitter le hameau, mais il ne s’est pas agi dans ce cas de ces pressions
22 quotidiennes dont je parlais tout à l'heure, d'irruptions dans les
23 logements, etc, qui contraignent les gens à quitter leur domicile.
24 M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur Kajmovic.
25 Vous avez évoqué, il y a quelques instants, et là je parlerai
Page 5727
1 d'une autre partie de votre étude, un graphique qui nous montrait les
2 17 communautés locales constituant la municipalité de Vitez. Un grand
3 nombre de ces communautés locales sont restées soit exclusivement dans le
4 territoire sous contrôle du HVO, soit dans le territoire sous contrôle de
5 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
6 Mais il y avait également des communautés locales séparées en deux
7 par les lignes de front, n'est-ce pas ?
8
9 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
10 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, j'aimerais prendre la
11 quatrième série de pièces à conviction, qui contient les pièces à
12 conviction 202 à 205. Dans ces documents, Monsieur Kajmovic, vous trouverez
13 des tableaux qui montrent les déplacements de populations des différents
14 groupes ethniques, à l'intérieur même des différentes communautés locales.
15 Je vous demanderai de bien vouloir commencer par la pièce à
16 conviction 202. Je vous demanderai de la placer sous le rétroprojecteur et
17 de la placer sur le rétroprojecteur et d’expliquer aux membres de la
18 Chambre de première instance ce que présente cette pièce à conviction ?
19 Après quoi nous examinerons dans l’ordre les autres pièces, les pièces 203,
20 204 et 205.
21 M. Kajmovic (interprétation). - Ce document nous donne le nombre
22 de Bosniens en 1991 et en 1995 dans chacune des communautés locales. Ce
23 sont des éléments comparatifs qui constituent ce tableau. Nous voyons
24 combien de Bosniens habitaient en 1991 dans chacune des communautés locales
25 et combien il en est resté en 1995.
Page 5728
1 Si nous prenons, par exemple, la première ligne, nous voyons le
2 nombre de Bosniens qui vivaient dans la communauté locale de Sadovace qui
3 se montait à 369 habitants.
4 Ensuite, sur la deuxième ligne, nous avons le pourcentage que
5 constitue ce nombre par rapport au nombre total des habitants de la
6 communauté locale concerné.
7 Sur la troisième ligne, nous avons le nombre des Bosniens expulsés
8 jusqu'à la fin de la guerre, c'est-à-dire le nombre des Bosniens qui
9 restent dans la communauté locale, le nombre des Bosniens résidant fin 1995
10 dans cette communauté locale.
11 Nous voyons qu'ils sont au nombre de 380. Autrement dit il n'y a
12 pas de Bosnien expulsé de ce secteur, bien au contraire le nombre des
13 Bosniens a augmenté. Cela est dû au fait que cette communauté locale se
14 trouvait dans le secteur contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine, alors
15 que d'autres communautés locales étaient sous le contrôle du HVO. Mais
16
17 dans celle-ci il n'y a pas eu de déplacement de la ligne de front, donc pas
18 de déplacement des Bosniens.
19 Deuxième colonne, là encore pas de changement démographique en ce
20 qui concerne les Bosniens, puisque la communauté locale de Bukve était sous
21 le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il y a même une augmentation
22 du nombre des Bosniens dans cette communauté locale, compte tenu des
23 réfugiés en provenance du secteur contrôlé par le HVO.
24 Puis nous avons la communauté locale de Lupac, là encore pas de
25 changement, c'était un hameau peuplé par des Bosniens. Preocisca, même
Page 5729
1 chose.
2 Stari Bila, là il y a un changement, 2.929 Bosnien y résidaient en
3 1991 et fin de 1995 on y trouve le chiffre de zéro, ce qui signifie qu'il y
4 a eu 2929 Bosniens expulsés dans la période qui nous intéresse. On trouve
5 la communauté locale de Jardol avec 743 Bosniens en 1991 et fin 1995 il n'y
6 en a plus aucun, ils ont tous été expulsés. Communauté locale de Krcevine,
7 en 1991 elle était sous le contrôle du HVO, il y avait 173 Bosniens, nous
8 voyons que le chiffre est de 134 en 1995 ; ce qui signifie qu'il y en avait
9 un nombre déjà inférieur en 1991. Cela est dû au fait que la partie
10 septentrionale de cette communauté locale est demeurée sous le contrôle de
11 l'armée de Bosnie-Herzégovine, donc des Bosniens y sont demeurés.
12 A Dubravica, nous avons un nombre de Bosniens égal à 447, un peu
13 inférieur à ce qu'il était en 1991 puisqu'il tombe à 358. Ceci parce qu'une
14 partie de la communauté locale était encore sous le contrôle du HVO, donc
15 les expulsions ne sont pas aussi importantes qu'ailleurs. Il faut les
16 diviser par deux en gros, puisqu'une partie était sous le contrôle de
17 l'armée de Bosnie-Herzégovine, l'autre sous le contrôle du HVO.
18 Le 25 mai, nous avons 471 Bosniens, alors qu'aujourd'hui il y en a
19 316, 471 en 1991, 316 aujourd'hui, ce qui est un nombre d'expulsions assez
20 limité, étant donné que la communauté locale était traversée par la ligne
21 de front comme dans le cas précédent.
22 Ahmici est un cas particulier, en 1991 nous avons 506 Bosniens qui
23 y résidaient,
24
25 nous voyons qu'il n'en reste plus aucun aujourd'hui, 508 en 1991. Aucun
Page 5730
1 n'est resté aujourd'hui, en deux jours les 16 et 17 avril ils sont tous
2 partis et 117 personnes ont été tuées.
3 Communauté locale de Poculica, pour ce qui est des Bosniens, pas
4 de changement démographique puisque ce que secteur est resté sous le
5 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. En fait, nous voyons le nombre
6 des Bosniens augmenter en raison de l'arrivée de personnes venant d'autres
7 secteurs de Bosnie.
8 Mais dans les communautés de Vitez 1 et Vitez 2 les changements
9 sont très importants. Nous les traitons conjointement dans ce tableau. Il y
10 avait 2.647 Bosniens qui résidaient dans ce secteur en 1991 et qu'ils sont
11 1.166 aujourd'hui. Ce qui signifie que 1500 personnes environ ont été
12 expulsées de la partie de la ville tombée sous le contrôle du HVO, mais que
13 dans le secteur appelé Stari Vitez, de taille plus limitée, un certain
14 nombre sont restés puisque ce secteur était sous le contrôle de l’armée de
15 Bosnie-Herzégovine.
16 Ensuite, nous avons la communauté locale de Rijeka avec des
17 changements démographiques limités. Nous verrons plus tard quelle est la
18 nature exacte de ces changements.
19 Une partie de cette communauté locale est aussi restée sous le
20 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Une partie s'est trouvée sous le
21 contrôle du HVO, si bien que les Bosniens ont été expulsés de la partie
22 contrôlée par le HVO, mais qu'un pourcentage réduit est resté et il s'agit
23 de ces 80 personnes que j'ai déjà mentionnées.
24 S'agissant de la communauté locale de Kruscice, pas de changements
25 significatifs en ce qui concerne la population bosnienne. Cette communauté
Page 5731
1 locale était aussi divisée par la ligne de front et c'est la raison pour
2 laquelle les changements n'y ont pas été aussi importants qu'ailleurs.
3 S'agissant de la communauté locale de Gacice, nous trouvons
4 325 Bosniens à la première ligne et un chiffre égal à zéro sur la troisième
5 ligne. Autrement dit, tous les Bosniens ont été expulsés parce que cette
6 communauté locale est tombée sous le contrôle du HVO.
7
8 S'agissant de Veceriska, sur la première ligne, nous voyons
9 388 Bosniens, troisième ligne zéro. Là encore, il s'agit d'une communauté
10 locale où le HVO a pris le pouvoir pendant trois jours, dès les premiers
11 jours du conflit, et il n'y reste donc plus de Bosniens. Donc, au total, il
12 y avait 11 514 Bosniens en 1991 et nous n'en avons plus que 8 382, en 1995,
13 ce qui montre la réduction due à ce qu'on a appelé le nettoyage ethnique.
14 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, pourriez-vous
15 prendre maintenant les pièces à conviction 203, 204 et 205 et, sans rentrer
16 autant dans le détail...
17 M. le Président. - Je suis obligé d'intervenir. On ne peut pas
18 résumer évidemment des semaines et des mois d'étude et nous rendons
19 témoignage au témoin. J'aimerais quand même qu'on soit plus synthétique.
20 Nous avons compris la méthode. Vous allez nous expliquer les deux autres
21 tableaux. Je vous propose de partir du total, c'est comme cela qu'il faut
22 faire.
23 Il faut partir du résultat de votre recherche et nous signaler les
24 points qui vous paraissent importants. Par exemple, prenons le village de
25 Sadovace et, évidemment, nous allons trouver une corrélation avec le
Page 5732
1 premier tableau que vous venez de commenter. Sinon nous allons y passer
2 l'après-midi. Ce n'est pas le but du témoignage. Vous nous l'avez expliqué,
3 vous avez parlé de transformation démographique, Monsieur le Procureur. Par
4 conséquent, allons à la transformation démographique. Essayons de faire un
5 travail de synthèse. Merci.
6 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, il reste les
7 pièces 203, 204 et 205. Les études comparatives ont été faites en ce qui
8 concerne la population ethnique, les Croates, les Serbes et autres. Ces
9 études ont été faites dans les diverses communautés locales à partir des
10 données 1991 et 1995. C'est une comparaison entre les deux.
11 Si monsieur le juge veut examiner ces pièces brièvement, notre
12 témoin est tout à fait prêt à donner les explications qui lui seront
13 demandées, sinon nous pouvons passer à d'autres transparents immédiatement.
14 M. le Président. - Ne passons pas d'un extrême à l'autre, monsieur
15 le Procureur.
16
17 J'attends du témoin -et je pense me faire l'interprète de mes collègues-
18 qu'il nous explique pour les deux ou trois autres tableaux, l'idée
19 générale, qu'il fasse des observations particulières s'il y en a, mais
20 qu'il nous explique l'idée générale. Voilà ce qui est attendu du témoin.
21 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, il s'agit de faire une étude
22 de cas, c'est ainsi que j'ai procédé. Donc, on peut entrer dans le détail
23 de chaque territoire, si on le souhaite, et j'ai étudié les choses pour
24 voir quels ont été tous les changements de population effectués dans les
25 communautés locales et les diverses municipalités. Alors, j'estime qu'il y
Page 5733
1 a là suffisamment de chiffres et de données. Je ne pense pas que nous avons
2 perdu d'éléments concernant les éléments que nous souhaitions présenter
3 parce qu'on a les résultats définitifs du nettoyage ethnique.
4 M. le Président. - Je pense donc que nous pouvons passer à une
5 autre série de questions. Il va de soi -monsieur le Procureur, je voudrais
6 vous rassurer là-dessus- que si la défense par la suite dans son contre-
7 interrogatoire contestait tel ou tel chiffre, bien entendu, nous aurions
8 l'occasion d'y revenir, ce qui serait tout à fait normal. Si tout le monde
9 est bien d'accord sur le sens général du témoignage, vous pouvez soit
10 passer à une autre question, soit en terminer, c'est à vous de voir ce
11 qu'il convient de faire.
12 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
13 prier l'huissier de nous donner maintenant les pièces 206 et 207 qui
14 indiquent les changements démographiques dans l'ensemble de la municipalité
15 de Vitez, c'est-à-dire pour les deux territoires contrôlés par le HVO,
16 d'une part, et les territoires contrôlés par l'armée de Bosnie-Herzégovine.
17 Ces tableaux nous indiqueront les données pour 1995. Ces données peuvent
18 être comparées aux pièces 193 et 194 qui donnent les chiffres pour 1991. Je
19 vais demander à M. Kajmovic de bien vouloir commencer par la pièce 206 qui
20 comporte un tableau et un graphique. J'aimerais que l'on montre le tableau
21 nettement, et M. Kajmovic pourra commencer par ce tableau. Ensuite, nous
22 pourrons passer au graphique qui va de paire avec ce tableau.
23 M. Kajmovic (interprétation). - Nous avons ici une vue d'ensemble
24 de la structure
25
Page 5734
1 par nationalité de la population de la municipalité pour 1995. Cette
2 fameuse structure par nationalité de la population a été le résultat du
3 nettoyage ethnique. Donc, dans la première colonne, nous avons le chiffre
4 de Bosno-Croates, 15 246. Par rapport à 1991, on voit qu'ils sont un nombre
5 supérieur, puisque cela fait environ 2 500 personnes de plus. Ensuite, le
6 nombre de Bosniens, 8 352. On voit qu'ils sont à 1 500 de moins et ici 107
7 par rapport à 1 501 de 1991. Quant aux Yougoslaves, sur 1 377, il en reste
8 918. Quant aux divers, ils étaient environ 790 et maintenant ils sont au
9 nombre de 301. Enfin, nous avons 24 934 et nous savons que la municipalité
10 de Vitez, en 1991, comptait 28 000 habitants.
11 Ici ce sont les résultats de la structure ethnique. Ce tableau ne
12 montre pas les nombres inférieurs ou supérieurs selon les nationalités de
13 la municipalité parce que tous ces zéros indiqués ici montrent l'ampleur du
14 nettoyage ethnique. Par rapport au tableau de 1991, on ne voit quasiment
15 que des zéros, quelles que soient les communautés locales retenues, mais ce
16 tableau ne montre pas la situation des territoires restés sous le contrôle
17 du HVO. En effet, ici, ce sont des totaux et on ne voit pas quelles sont
18 les communautés locales qui se trouvaient sous le contrôle de l'armée de
19 Bosnie-Herzégovine et celles sous le contrôle du HVO. Mais il y a eu des
20 changements radicaux de la structure de la population.
21 Ci-dessous, nous avons la représentation graphique de ce tableau
22 qui nous indique la structure de la population en 1995 et où on voit sur
23 cette colonne que 61,14 % sont des Croates alors qu'ils étaient, en 1991,
24 45 %. Donc, leur chiffre a augmenté de plus de 16 %. Quant aux Bosniens,
25 ils étaient 41 %, maintenant 33,53 %, et leur chiffre a donc baissé
Page 5735
1 d’environ 7 ou 8 %. Le nombre de Serbes a été radicalement réduit, mais je
2 rappelle qu'ils ont quitté volontairement le territoire. Quant aux
3 Yougoslaves, leur chiffre a également été réduit, mais pas de façon aussi
4 considérable. Quant aux divers, ils ont également connu une diminution bien
5 que de façon différente que pour les Serbes ou les Bosniens. Donc, voilà
6 les résultats de ce nettoyage ethnique.
7
8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Kajmovic, voudriez-vous
9 passer à la dernière pièce, qui porte le numéro 207. Pouvez-vous expliquer
10 à messieurs les Juges ce que représente cette pièce ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Au début, nous avons déjà eu
12 une carte ethnique qui nous indiquait la répartition de la population de
13 Vitez, d'après le recensement de 1991. Ici, nous voyons également une carte
14 qui nous indique la répartition de cette population par ethnie. Ici, nous
15 pouvons comparer, par rapport à l'autre carte, que, sur ce territoire placé
16 sous le contrôle du HVO, nous avons essentiellement des points bleus qui
17 représentent, en pourcentage, le nombre de Croates. Ici, nous voyons qu'il
18 s'agit de 61 %, c'est-à-dire que nous avons 61 petits points bleus qui nous
19 indiquent la répartition, l'emplacement de ces Bosno-Croates sur ce
20 territoire.
21 Quant à ce territoire-ci, nous avons des points verts, ainsi
22 qu'ici, en haut, qui indiquent que sur ce territoire vivent des Bosniens,
23 et le nombre de ces points représentent le pourcentage, c'est-à-dire 33 %.
24 Ici, dans ce petit cercle, c'est le vieux Vitez, qui nous indique,
25 en pourcentage, la population. Donc, d'après le graphique et le tableau, on
Page 5736
1 a indiqué les changements intervenus dans la répartition de la population.
2 Nous avons donc un changement important de répartition de la
3 population en 1995, par rapport au recensement de 1991.
4 Il s'agit là des chiffres que nous avons déjà évoqués. Environ
5 6 000 habitants ont été déplacés, ainsi que 1 200 personnes.
6 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur Kajmovic. J'aimerais
7 demander le versement au dossier des pièces 192 à 207.
8 J'en ai terminé, Monsieur le Président, avec M. Kajmovic.
9 M. le Président. - Bien. Nous allons procéder à une pause qui sera
10 de 30 minutes.
11 L'audience, suspendue à.16 h 20, est reprise à 16 h 50.
12
13 M. le Président. - Nous allons donc aborder le contre-
14 interrogatoire de M. Kajmovic. Je vous rappelle que nous siégions jusqu'à
15 19 heures.
16 Maître Nobilo, allez-y.
17 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
18 Monsieur Kajmovic, bonjour. Je m'appelle Anto Nobilo. Je travaille avec mon
19 collègue Russel Hayman. Nous assurons la défense de M. Blaskic. Je vais
20 vous poser quelques questions.
21 Vous nous avez parlé de votre travail. A-t-il était publié quelque
22 part ?
23 M. Kajmovic (interprétation). - En juin ou en juillet, il est
24 prévu que je défende mon travail à la faculté d'études politiques devant
25 une commission. Trois docteurs de cette faculté feront partie de cette
Page 5737
1 commission. Mais mon document n'a pas encore été publié.
2 M. Nobilo (interprétation). - Dans la réalisation de ce travail,
3 avez-vous fourni à l'accusation les tableaux ou un récapitulatif général de
4 votre travail ?
5 M. Kajmovic (interprétation). - Je n'ai donné à l'accusation que
6 les documents qui sont pertinents par rapport à mon travail, c'est-à-dire
7 les documents concernant les transformations démographiques.
8 M. Nobilo (interprétation). - C’est ce que vous avez donné au
9 Procureur ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - Nous allons poursuivre, Monsieur le
12 Président, le contre-interrogatoire, mais nous tenons à faire verser au
13 compte rendu que M. Kajmovic nous a été annoncé comme devant témoigner
14 devant ce Tribunal au sujet des événements, des faits. Nous en avons été
15 informés depuis quelque temps.
16 Nous le connaissons très bien en tant que membre du SDA, du parti
17 des Bosniens, donc comme une personnalité éminente au cours du conflit.
18 C'est seulement hier soir que nous avons appris que M. Kajmovic
19 comparaissait ici en qualité d'expert. Nous n'avons reçu aucun document
20 particulier en rapport avec sa qualité d'expert, aucun document nous
21 permettant de
22
23 nous y préparer.
24 Je pense, Monsieur le Président, qu'il était important que vous le
25 sachiez, mais nous allons néanmoins poursuivre le contre-interrogatoire.
Page 5738
1 M. le Président. - Donc les tableaux, tous les graphiques ne vous
2 pond pas été communiqués ?
3 M. Nobilo (interprétation). - Rien.
4 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?
5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, en vertu de
6 l'ordonnance du Tribunal, que les conseils de la défense et les membres de
7 l'accusation ont bien comprise et qu'ils ont respectée par le passé, nous
8 avions cru comprendre que les rapports d’experts ne faisaient pas l'objet
9 de communication de pièce. Cette ordonnance a été rendue il y a déjà
10 plusieurs mois.
11 Au cours de nos conversations avec les conseils de la défense,
12 nous avons dialogué au sujet de cette ordonnance. Je peux vous remettre des
13 exemplaires des éléments de cette communication que nous avons eue avec la
14 défense. En tout cas, nous avons agi de bonne foi.
15 M. le Président. - Je vais me situer sur un plan un peu différent.
16 Si je comprends bien, il y a deux questions.
17 Le témoin était annoncé comme devant témoigner pour sa place
18 éminente dans le SDA, premier problème. La seconde question, et c'est
19 surtout sur cette seconde question que je voudrais focaliser le débat, ce
20 n’était pas un rapport d’expert, puisque semble-t-il il n'y en a pas, en
21 tout cas le travail de synthèse n'a pas été publié, donc ne vous a pas été
22 remis, mais je parlais surtout de ces tableaux. C'est vrai que ce n'est pas
23 facile de faire un contre-interrogatoire à partir de tableaux que nous
24 venons tous de découvrir maintenant. Voilà ce qui m'étonnait, je trouvais
25 que dans l’optique d’un débat contradictoire ces tableaux auraient du être
Page 5739
1 remit, en tout cas il aurait fallu que la défense soit avertie de la remise
2 de ces tableaux. Je ne parle pas de rapports.
3
4 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas
5 remis ces tableaux, car je les ai reçus moi-même ce week-end, quand j'ai
6 commencé à parler avec M. Kajmovic. En fait, un peu avant le week-end,
7 devrais-je dire. Ces tableaux n'ont été traduits à mon intention qu'au
8 cours de ce week-end et je les ai fait traduire de façon à avoir sous les
9 yeux un exemplaire que je pouvais comprendre, et à ce que vous, Monsieur le
10 Président, et vous Messieurs les Juges, vous puissiez en comprendre le
11 contenu également au cours de l'audience d'aujourd'hui.
12 En tout cas, Monsieur le Président, ces tableaux n'ont pas été
13 remis au conseil de la défense car nous pensions que le témoin aller
14 déposer sur la base de rapports qu'il allait apporter de Bosnie avec lui.
15 Nous avons informé la défense de ce fait et nous avons dit à la
16 défense qu'il m'avait fallu pas mal de temps pour comprendre ces tableaux,
17 mais ils n'ont pas été communiqués à la défense.
18 M. le Président. - Maître Hayman ?
19 M. Hayman (interprétation). - Notre position en ce qui concerne ce
20 témoin, Monsieur le Président, est la suivante, à savoir que son mémoire de
21 maîtrise, en tout cas le projet de ce mémoire, n'est pas un rapport
22 d'expert. C'est un document qui est comparable à une déclaration préalable
23 de témoin, c'est un document qu'il a en sa possession.
24 Si des segments mêmes de ce document ont été communiqués à
25 l'accusation, il aurait du être communiqués à la défense, comme le sont les
Page 5740
1 déclarations préalables des témoins.
2 Je suis d'accord, Monsieur le Président, que le Tribunal n'a pas
3 ordonné la production des rapports d'expert par l'accusation, bien que nous
4 soyons d'avis pour notre part que ce serait une bonne idée, puisque c'est
5 quelque chose qui est un peu différent des règlements que je connais dans
6 mon système judiciaire où les rapports d'experts sont normalement produits.
7 Mais s'agissant de ce témoin, ce n'est pas le point que nous
8 soulevons. Nous disons simplement que des parties de son document sont
9 comparables à des déclarations
10
11 préalables, et qu'elles auraient dû être communiquées, mais nous souhaitons
12 poursuivre. Nous ne voulons pas retarder le procès.
13 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais
14 apporter un éclaircissement sur le point suivant, de façon à ce que les
15 choses soient claires pour le compte-rendu. Tous les rapports que
16 M. Kajmovic avait en sa possession, notamment les tableaux, n'étaient pas
17 rédigés dans une langue que je comprenais, et n’ont jamais été traduits par
18 moi. Ces tableaux et ces graphiques, j'en ai discuté avec M. Kajmovic, ont
19 été qualifiés comme pouvant mettre toute la lumière sur la nature profonde
20 des changements démographiques dont il allait témoigner.
21 Nous avons compris qu'il s'agissait d'une déposition d'expert,
22 compte tenu du fait qu’il existe sans doute dans le monde un nombre limité
23 de personnes qui connaissent si bien les transformations démographiques
24 survenues dans la municipalité de Vitez, dans des conditions aussi
25 difficiles que celles dont il a été question ici.
Page 5741
1 Nous avons compris qu'il serait cité en tant qu'expert. Nous en
2 avons notifié la défense. Je puis dire devant ce Tribunal,
3 Monsieur le Président, avec la plus grande franchise, que ces tableaux et
4 ces graphiques qu'il a utilisés, je ne les ai jamais lus avant.
5 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me le
6 permettez, nous comprenons bien la situation, mais je crois qu'il importe
7 que chacun comprenne que nous avons été lésés. Cela fait des mois que nous
8 travaillons sur M. Kajmovic en le considérant comme une personnalité
9 importante, qui a participé au conflit en tant que dirigeant actif du parti
10 des Bosniens. Et, deux jours avant l'audience, nous nous rendons compte
11 qu'il est expert. Si nous avions su avant qu'il serait cité en qualité
12 d'expert, nous aurions pu confirmer un certain nombre de choses, confirmer
13 dans quel domaine il était expert, et nous préparer mieux pour cette
14 audience.
15 Nous souhaitions que vous le sachiez. Mais nous n'avons pas la
16 moindre intention de
17
18 retarder le contre-interrogatoire. Nous sommes prêts.
19 M. le Président. - Merci, Maître Nobilo, Maître Hayman et
20 Maître Harmon. J'ai pu, pendant que vous vous exprimiez, tout en vous
21 écoutant, consulter rapidement mes collègues.
22 Sur le premier point, le point concernant votre surprise que le
23 témoin ne témoigne pas sur le terrain correspondant à sa déclaration
24 préalable, on ne peut rien dire. Le Procureur a choisi de le faire
25 intervenir sur un autre secteur et, cela, c'est la stratégie du Procureur.
Page 5742
1 Par contre, je considère que votre surprise doit mériter éventuellement un
2 traitement équitable. Il va de soi donc, et mes collègues me chargent de me
3 faire l'interprète de leur pensée, que si, face à ces tableaux, qui sont
4 quand même complexes et qui mériteraient, éventuellement, des examens
5 approfondis, si vous jugez souhaitable, le moment venu, de faire
6 reconvoquer le témoin, le Tribunal vous en donnera acte. Il sera tout à
7 fait possible de le faire.
8 M. Nobilo (interprétation). - Nous allons essayer de procéder à la
9 globalité, à la totalité du contre-interrogatoire. Mais si, au terme de ce
10 contre-interrogatoire, nous nous rendons compte que nous n'avons pas obtenu
11 de réponses de qualité suffisante, nous prierons le Tribunal de nous
12 autoriser à rappeler le témoin par la suite.
13 M. le Président. - Nous sommes tout à fait d'accord.
14 M. Nobilo (interprétation). - Merci.
15 Monsieur Kajmovic, votre directeur de maîtrise, le professeur
16 Mirko Dejanovic...
17 M. Kajmovic (interprétation). - Pejanovic.
18 M. Nobilo (interprétation). - Pejanovic, excusez-moi. Quelle est
19 la matière qu'il enseigne ?
20 M. Kajmovic (interprétation). - Différentes matières sont
21 enseignées. Je ne sais pas exactement quelle matière il enseigne, car c'est
22 le conseil exécutif de la faculté qui l’a choisi comme directeur de
23 maîtrise, dans le cadre de mon travail. Il peut enseigner différents
24 thèmes, différentes matières.
25
Page 5743
1 Il peut enseigner la méthodologie, le système social, les groupes
2 d'intérêt, différents systèmes... Je ne sais pas exactement lequel il
3 enseignait dans le cadre de la faculté, à ce moment-là.
4 M. Nobilo (interprétation). - Quel est le titre exact de votre
5 travail ?
6 M. Kajmovic (interprétation). - Le titre est le suivant :
7 « changements politiques et démographiques dans la municipalité de Vitez de
8 1992 à 1995 ».
9 M. Nobilo (interprétation). - A-t-il été décidé que vous alliez
10 montrer les changements démographiques, en indiquant quelles sont les
11 statistiques relatives à ces changements, ou avez-vous également annoncé,
12 dans les pourparlers qui ont précédé l'accomplissement de votre travail,
13 que vous alliez également évoquer les causes de ces changements ?
14 M. Kajmovic (interprétation). - Il a été précisé de façon tout à
15 fait détaillée quels seraient les domaines de mon travail, à savoir : la
16 municipalité de Vitez au Moyen Age, pendant la période turque, pendant la
17 période austro-hongroise et avant la deuxième Guerre mondiale. C'étaient
18 les aspects historiques.
19 Ensuite, il a été décidé que mon travail allait aborder les
20 aspects économiques, les éléments relatifs au développement économique,
21 puis les éléments territoriaux et administratifs relatifs à cette
22 municipalité. Les élections de 1990 font également partie de ce travail.
23 Ensuite, il a été décidé que j'allais traiter des conflits armés qui se
24 sont déroulés dans cette région, entre le 16 avril 1993 et le
25 25 février 1994. Et, bien entendu, il a été décidé que j'allais traiter de
Page 5744
1 toutes les transformations démographiques qui sont les conséquences de ces
2 événements survenus dans la municipalité, pendant la période récente.
3 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c’est si, dans
4 ce que vous avez indiqué au départ, il était stipulé que vous alliez
5 travailler sur les causes des transferts de population ?
6
7 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, c’était sous-entendu.
8 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande si c'était écrit
9 noir sur blanc.
10 M. Kajmovic (interprétation). - Il n'était pas écrit noir sur
11 blanc que j'allais travailler sur les causes, mais il était écrit que
12 j'allais travailler sur les changements démographiques. Dans ce genre de
13 science, si vous ne parlez pas des causes d'un changement, vous ne pouvez
14 rien dire de la conséquence, du résultat. Ce qui est intéressant, c'est de
15 déterminer quelles sont les causes qui ont entraîné un changement
16 déterminé.
17 M. Nobilo (interprétation). - Très bien.
18 Parlons des sources, des causes de ces changements démographiques.
19 Quelle est la méthodologie que vous avez employée pour prouver quelles
20 étaient les causes de ces changements démographiques ?
21 M. Kajmovic (interprétation). - Dans ce cas particulier, on peut
22 travailler de deux façons différentes. D'abord, travailler sur les sources
23 naturelles, en allant sur le terrain, pour déterminer les causes politiques
24 locales et puis, bien entendu, les causes politiques générales et plus
25 définies. Et puis on peut également travailler sur le plan local.
Page 5745
1 Bien entendu, les deux aspects doivent être liés. On ne peut pas
2 parler des causes d'un changement démographique en se contentant de
3 travailler sur le plan local. On est obligé de relier ces éléments locaux
4 aux éléments de la politique générale en vigueur en Bosnie-Herzégovine et
5 de façon même plus générale.
6 M. Nobilo (interprétation). - Que l'on considère les choses
7 globalement ou localement, quelle est la méthodologie que vous avez
8 appliqué ? Qu'avez-vous fait quand vous avez voulu déterminer les causes de
9 ces transferts de populations ? Concrètement, comment avez-vous travaillé,
10 qu'avez-vous fait ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - S'agissant des causes, nous savons
12 ce qui s'est passé sur le terrain. Maintenant, si vous essayez de l'inclure
13 dans un raisonnement théorique
14
15 pour dire pourquoi cet événement a eu lieu, il vous faut commencer à
16 travailler de façon plus générale, aussi bien du point de vue du temps que
17 du point de vue géographique.
18 Il est important de prouver ou a été créée la politique du HVO,
19 pourquoi le HVO a agi comme il l'a fait et quelles ont été les
20 conséquences.
21 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur Kajmovic, ce qui
22 m'intéresse c’est ce que vous venez de dire dans votre dernière réponse.
23 Vous avez dit : nous savons ce qui s’est passé.
24 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
25 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'intérêt de votre travail,
Page 5746
1 avez-vous cherché à savoir ce qui s'était passé ? ou est-ce que en tant que
2 président du SDA à Vitez, vous avez utilisé des idées que vous aviez déjà à
3 l'esprit, des idées préconçues ?
4 M. Kajmovic (interprétation). - Non, j'ai fait des recherches
5 documentaires pour établir ce qui s'était réellement passé.
6 M. Nobilo (interprétation). - C'est exactement je vous demande.
7 Sur quels documents avez-vous travaillé, quels documents avez-vous étudiés
8 et quels ont été les résultats de vos recherches, de vos enquêtes, sur le
9 terrain ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai utilisé en tant que documents
11 des papiers qui étaient en la possession de la défense civile de Vitez. Je
12 l'ai déjà dit. J'ai aussi utilisé des documents en la possession de la
13 Croix-Rouge de Vitez et des documents qui étaient en la possession de
14 l’association Merhamet de Vitez. J'ai utilisé également des documents de la
15 communauté locale dans la municipalité de Vitez.
16 Bien entendu ce qui à mes yeux était le plus important c'était
17 effectivement cette méthode de l'interview que j'ai utilisée avec un
18 certain nombre de personnes expulsées, autrement dit des enquêtes, des
19 recherches sur le terrain. Cette méthode de l'interview et mes recherches
20 sur le terrain m’ont permis de confirmer de façon précise le contenu des
21 documents que j'avais pu recevoir par exemple d'institutions publiques,
22 comme par exemple le recensement
23
24 qui avait été réalisé par le quartier général de la défense civile de Vitez
25 dans la région de la Bosnie.
Page 5747
1 M. Nobilo (interprétation). - Nous parlons maintenant des causes
2 de ces changements ?
3 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
4 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que qu'au quartier général de
5 la défense de Vitez, je suppose qu’il s’agit de la défense liée à la partie
6 bosnienne, les communautés locales, la Croix-Rouge, l'association Merhamet,
7 ne disposaient que d'éléments statistiques ? Ou est-ce que dans ces
8 documents vous avez également des écritures qui portent sur les causes ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - Dans ces documents il n'y avait
10 que des statistiques, mais c'est dans le cadre de mes recherches et avec
11 des interviews que j'ai confirmé les méthodes utilisées pour réaliser le
12 nettoyage ethnique.
13 M. Nobilo (interprétation). - Donc nous pouvons nous concentrer
14 sur la méthodologie ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
16 M. Nobilo (interprétation). - Je vous pose la question suivante,
17 dans le cadre des interviews quelle méthode avez-vous appliquée pour
18 décider que vous alliez interviewer des personnes ? Quels étaient les
19 moyens qui vous ont permis de déterminer que vous alliez interviewer tel ou
20 telle personne ? Ou bien les avez-vous choisies au hasard ?
21 M. Kajmovic (interprétation). - Sur tous les territoires où des
22 gens ont été expulsés, et je parle de la communauté locale d’Ahmici, de
23 Jardol, dont fait partie Grbavica, de la communauté locale de Forpronu, de
24 la communauté locale de Gacice, de la communauté locale de Vitez 1, je
25 connaissais les territoires d’où les Bosniens avaient été expulsés.
Page 5748
1 Grâce à la méthode de l'échantillonnage aléatoire, j'ai choisi un
2 certain nombre de personnes. Puis j’ai regroupé les résultats de mes
3 enquêtes et j'ai obtenu le nombre exacte de
4
5 personnes qui avaient été expulsés, et les moyens par lesquels elles
6 avaient été expulsées.
7 M. Nobilo (interprétation). - Avec combien de personnes avez-vous
8 parlé dans ces cinq communautés locales ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai parlé avec 40 à 50 personnes.
10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la répartition par
11 village était équilibré ?
12 M. Kajmovic (interprétation). - A peu près équilibrée.
13 M. Nobilo (interprétation). - Combien de femmes, combien d’hommes,
14 à peu près ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - Dans l'application de cette
16 méthode de l'interview, j'ai pris soin d'obtenir une bonne répartition par
17 âge, d'interroger un certain nombre de jeunes, de personnes âgées et
18 également des hommes et des femmes.
19 (La défense se concerte sur le siège.)
20 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'analyse de ces éléments, est-
21 ce que vous avez dit, au départ, à ceux qui vous aidaient dans votre
22 travail que vous alliez interroger tant de jeunes, tant de personnes âgées,
23 tant de femmes, tant d'hommes ? Ou est-ce à la fin que vous les en avez
24 informés ?
25 M. Kajmovic (interprétation). - Je connais bien la méthode
Page 5749
1 historique, la méthode de l'enquête. Donc rien n'a été fait au hasard. Rien
2 n'a été fait de façon aléatoire. Il n'était pas question de volonté
3 préexistante chez moi d'arriver à tel ou tel résultat. Je connais bien les
4 méthodes scientifiques et j'ai dû m’y conformer.
5 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de ces interviews,
6 Monsieur Kajmovic, êtes-vous arrivé, par exemple, à des situations où de
7 Gacice vous avez constaté que des personnes étaient partes sous la
8 protection des forces internationales ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, certains éléments prouvent
10 que des personnes ont quitté Gacice dans ces conditions.
11 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous ou avez-vous rencontré au
12 cours de vos
13
14 interviews des personnes qui vous ont dit que deux jours après le début des
15 combats à Donje Veceriska les militaires sont partis avec population de
16 façon organisée ?
17 M. Kajmovic (interprétation). - C’est un fait. Certaines personnes
18 avaient des armes et se sont retirées en même temps que la population, mais
19 d'un point de vue militaire on ne peut pas parler de force armée.
20 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que la population civile
21 de Donje Veceriska s’est retirée et a quitté l'endroit avec des personnes
22 portant les armes ?
23 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
24 M. Nobilo (interprétation). - Avant l'arrivée du HVO, à l'endroit
25 où il s'était concentré ?
Page 5750
1 M. Kajmovic (interprétation). - Non. Le HVO a attaqué
2 Donje Veceriska et c’est seulement après cette attaque que la population
3 s'est retirée.
4 M. Nobilo (interprétation). - En même temps que les quelques
5 personnes qui portaient des armes ?
6 M. Kajmovic (interprétation). - En même temps que ces quelques
7 personnes qui portaient les armes, c'est le genre d'information que j'ai
8 obtenue.
9 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que la Forpronu a
10 participé aux transferts de population de Donje Veceriska ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - Je ne suis pas au courant de ces
12 détails.
13 M. Nobilo (interprétation). - Parlons de Grbavica qui appartient à
14 la communauté locale de Jardol. Savez-vous que dans cet endroit, Grbavica,
15 les habitants sont également partis sous protection et d'une façon
16 organisée ?
17 M. Kajmovic (interprétation). - Pas du tout. Je crois que nous
18 parlons d'une date qui se situe aux alentours du 4 ou 5 septembre pour
19 Grbavica, au début du mois de septembre. Après que la ligne de front ait
20 été enfoncée, la population s'est retirée, au moins pour ceux qui
21
22 étaient restés, alors que la ligne de front était intacte.
23 M. Nobilo (interprétation). - Quand il y a eu enfoncement de la
24 ligne de front, l'armée bosniaque a été déroutée et une partie de la
25 population est-elle partie ?
Page 5751
1 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, une partie de la population
2 est partie.
3 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, pour Grbavica, la
4 population s'est-elle retirée en raison des opérations de combat, parce que
5 l'armée dont elle dépendait a subi des échecs et a dû retirer ses positions
6 sur le front, ou est-elle est partie parce que des appartements ont été
7 envahis et que les gens se sont trouvés soumis à la force et à la
8 violence ? Quelle est la raison du départ de la population de Grbavica ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - Le cas de Grbavica est un peu
10 particulier. Une partie de la population, en raison des combats, a décidé
11 de partir, alors qu’une partie est restée, y compris après l'enfoncement de
12 la ligne de front, une partie encore plus réduite de la population
13 (1500 personnes de Vitez 1 ou de Vitez 2 par exemple). Même des gens qui
14 habitaient dans la ville de Vitez se sont trouvés complètement encerclés et
15 ont dû quitter la ville sous la pression et diverses formes de coercition.
16 La même chose s'est passée à Veceriska, à Gacice et dans la communauté
17 locale d'Ahmici.
18 Nous avons là une situation un petit peu différente, que l'on peut
19 dans une certaine mesure comparer à celle des communautés locales de
20 Bobasi, de Kruscice où la population croate, dans ce cas là, s'est retirée
21 en raison d'une modification des positions de la ligne de front.
22 Mais globalement, ces déplacements de population, ces changements
23 de la composition ethnique dus aux combats étaient des cas un petit peu
24 marginaux. Ce qui était systématique, c'étaient les changements dus au
25 nettoyage ethnique. Il y a des exceptions à toute règle, n'est-ce pas, cela
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1 ne fait aucun doute.
2 M. Nobilo (interprétation). - Selon vos recherches à Grbavica, à
3 Donja Veceriska et à Gacice, la situation est-elle différente ou comparable
4 à celle de Vitez 1 ou Vitez 2 ?
5
6 M. Kajmovic (interprétation). - A Donja Veceriska, pour parler
7 concrètement, la population s'est retirée en une nuit après l'attaque du
8 HVO, alors qu'à Vitez, c'est-à-dire un secteur urbain qui était sous le
9 contrôle du HVO, il n'y a pas eu d'opérations militaires. Mille cinq cents
10 Bosniens se sont trouvés en fait encerclés et ils n'avaient aucune
11 possibilité de s'enfuir. A ce moment-là, ils ont subi des pressions et ils
12 ont fini par partir.
13 Mais à Donja Veceriska, par exemple, les habitants ont bénéficié
14 grâce au HVO d'une ouverture par laquelle ils avaient encore le choix de
15 passer et de rejoindre les leurs dans un autre secteur, mais bien sûr au
16 cours de ce passage un certain nombre sont morts.
17 M. Nobilo (interprétation). - Combien ?
18 M. Kajmovic (interprétation). - Je ne sais pas exactement, ce
19 n'est pas un sujet auquel je m'intéressais particulièrement, mais je crois
20 une dizaine des femmes et des hommes.
21 M. Nobilo (interprétation). - Vous ai-je bien compris lorsque vous
22 affirmez que dans la ville de Vitez, la situation était d'une nature
23 particulière et qu'elle était un peu différente dans les villages ?
24 M. Kajmovic (interprétation). - Sur le principe, il n'y a pas de
25 différence. La population bosnienne de Veceriska ne serait jamais partie
Page 5753
1 s'il n'y avait pas eu attaque du HVO sur la communauté locale. En ce qui
2 concerne la ville de Vitez, les mille cinq cents Bosniens qui y habitaient
3 ne seraient jamais partis s'il n'y avait pas eu des pressions, bien que je
4 ne parle pas d'attaque dans ce cas-là, puisque l'attaque était déjà
5 terminée, mais il y a eu des pressions. Par exemple, j'habitais dans une
6 maison que j'ai fait construire pendant seize ans et qui se trouve en face
7 de l'école secondaire. De nombreux habitants de ce secteur particuliers
8 sont partis, ont été expulsés.
9 Par conséquent, du point de vue de la force, de la contrainte, je
10 dirai que ces personnes sont parties sous l'effet de la contrainte et de la
11 force. C'est là l'élément principal. Maintenant, y a-t-il eu telle ou telle
12 nuance ou telle ou telle petite différence dans les modalités,
13
14 c'est moins important. Le principe fondamental essentiel, c'est l'existence
15 de cette force et c'est sous l'effet de la force et sous l'effet de rien
16 d'autre que la population en question est partie.
17 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, des opérations
18 militaires sont-elles équivalentes à la force ?
19 M. Kajmovic (interprétation). - Je suppose que la guerre, c'est de
20 la force. En tout cas, l'attaque du HVO c'était la force. Quand quelqu'un
21 vous attaque et vous menace d'un fusil, vous êtes bien obligé de quitter
22 votre maison et de vous enfuir.
23 M. Nobilo (interprétation). - Dans vos recherches, avez-vous
24 étudié les documents de la Croix-Rouge internationale ou de la Croix-Rouge
25 de la municipalité de Vitez ? Là, je parle du secteur contrôlé par les
Page 5754
1 Croates.
2 Sur la base de ces documents, s'ensuit-il que c'est sous le
3 contrôle de la Croix-Rouge internationale que l'ensemble de la population a
4 quitté volontairement Vitez et a choisi l'endroit où elle allait se
5 rendre ? Avez-vous vu ces documents ?
6 M. Kajmovic (interprétation). - Je n'ai pas vu les documents de la
7 Croix-Rouge, mais ceux du HCR qui présentent des rapports statistiques
8 relatifs au nombre d'habitants qui habitaient avant et après. Ces documents
9 sont tout à fait inexacts parce que ces données leur ont été fournies aussi
10 bien par les Croates que par les Bosniens, avec quelques déformations,
11 quelques exagérations qui peuvent atteindre 50 %, de façon à obtenir une
12 aide humanitaire accrue. Donc les données du HCR sont inexactes.
13 En ce qui concerne les déclarations fournies à la Croix-Rouge par
14 les personnes déplacées, je ne les ai pas étudiées de façon approfondie,
15 mais dans le cadre de mes interviews, j'ai appris certaines choses. Dans le
16 centre-ville, le HVO est intervenu au niveau de la bibliothèque municipale
17 où les Bosniens venaient. Ils y signaient des documents par lesquels ils
18 déclaraient qu'ils partaient volontairement et s'engageaient à échanger
19 leurs appartements. Bien entendu, dans des conditions de guerre, ce genre
20 de chose est très dangereux. Les gens
21
22 essayaient de partir à tous prix de cet endroit où régnait le danger.
23 D'ailleurs, on décrirait mieux la situation en parlant d'évasion de
24 l'enfer.
25 Donc, pour partir dans la municipalité de Zenica, ils devaient
Page 5755
1 entrer dans un appartement croate, mais les gens étaient manipulés par le
2 HVO. C'est de cette façon que se fait le nettoyage ethnique. Je connais
3 très bien la situation et je pense que les déclarations recueillies par le
4 HVO, peut-être fournies à la Croix-Rouge, l'ont été dans des conditions qui
5 ne sont pas toujours pertinentes car ces déclarations peuvent être très
6 différentes quand il y a danger et quand il n'y en a pas.
7 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous au courant du fait que les
8 documents, rédigés sous le contrôle de la Croix-Rouge à Vitez, l'ont été au
9 moment où les gens partaient de l'école de Dubravica, du cinéma, etc. ?
10 Avez-vous vu ces documents au sujet de ce qui s'est passé dans ces
11 endroits ?
12 M. Kajmovic (interprétation). - Je n'ai pas vu ces documents, mais
13 je sais qu'il y a eu des camps, que des personnes ont été enfermées de
14 l'autre côté du parc, dans les locaux de l'usine SDK. Je sais que lorsque
15 Sefer Halilovic est arrivé, quand il a conclu un accord de cessez-le-feu et
16 qu'il est arrivé à l'université populaire pour négocier la libération de
17 ces personnes, douze à quinze de ces personnes ont été emmenées à Busovaca.
18 Je connais tous ces détails, mais il y a une chose que je voudrais
19 souligner ici aujourd'hui, à savoir que ces déclarations, ces documents,
20 signés dans la bibliothèque de Vitez sous le contrôle complet du HVO, ne
21 sont pas valables. Ces gens qui ont signé ont en fait des motivations et
22 des positions tout à fait différentes.
23 Ils ne pensaient qu'à une chose : comment sauver leur tête, car
24 une partie des Bosniens ont été tués à l'intérieur du quartier Kolonija,
25 dans un secteur qui était absolument sous le contrôle du HVO, y compris
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1 avant le 16 avril. Là il n'y a absolument aucune intervention ou
2 participation de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Même dans ces conditions,
3 les gens ont
4
5 décidé de partir par n'importe quel moyen.
6 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que
7 tout ce que vous exposez maintenant revient à dire que vous n'avez qu'une
8 seule source d'information, c'est-à-dire les interviews des personnes qui
9 ont quitté Vitez et que vous n'avez pas vu toute la documentation réunie
10 par la Croix-Rouge internationale et les autorités ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - En ce qui concerne la Croix-Rouge,
12 on dit qu'un certain nombre de personnes ont été détenues et que, dans ce
13 livre, on ne trouve rien à ces données près.
14 M. Nobilo (interprétation). - Donc vous n'avez pas vu le document
15 où la personne a donné ces informations et vous n'avez pas pu vérifier ces
16 documents.
17 M. Kajmovic (interprétation). - Non, je n'ai pas pu le faire et
18 j'ai demandé aux gens... Je sais qu'on leur a posé la question de savoir
19 s'ils voulaient à Zenica ou à Travnik, mais on peut poser une contre-
20 question : pourquoi pose-t-on ce genre de question aux gens ? Mais quels
21 sont les gens qui veulent quitter leur propre maison ? Quelqu'un vous pose
22 la question : finalement, où voulez-vous aller ?
23 M. Nobilo (interprétation). - Vous nous avez expliqué votre
24 méthode pour ce qui est des Bosniens. Dites-nous si vous avez tenu compte
25 dans votre méthode de cas contraires ? Avez-vous interviewé des Croates ?
Page 5757
1 M. Kajmovic (interprétation). - Non, la situation, objectivement
2 parlant, est la même du point de vue politique. Il y a donc des éléments
3 que nous ne pouvons tout simplement pas enquêter. Il s'agissait d'avoir une
4 méthode d'interview où je tenais compte pour commencer d'éléments qui
5 venaient étayer ma thèse, du point de vue de l'ensemble de mon travail. Ces
6 changements démographiques sont relativement précis dans une partie. Quant
7 à la partie croate, j'ai dit qu'il pouvait y avoir une différence de 5 à
8 6 % au plus et ces données peuvent être considérées comme relativement
9 exactes.
10
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne m'avez pas compris. Je vous
12 ai posé une question de méthode d'établissement des causes de changements
13 démographiques. Avez-vous adopté les mêmes méthodes pour les Croates et
14 pour les Serbes pour établir si ces personnes ont également quitté leur
15 foyer ?
16 M. Kajmovic (interprétation). - Mais là, il n'y a rien à enquêter
17 puisque les Bosniens ont été chassés.
18 M. Nobilo (interprétation). - Non, vous n'avez pas compris. Avez-
19 vous interviewé des Croates qui ont fui leur territoire placé sous le
20 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Les avez-vous interviewé pour
21 savoir pourquoi ils ont quitté leur foyer ?
22 M. Kajmovic (interprétation). - Puisque cela s'applique à environ
23 900 Croates et que j'étais conscient du fait qu'il s'agissait de Croates de
24 Stari Vitez, je n'ai pas procédé à des interviews. Mais j'ai fait remarquer
25 qu'il y avait quelques cas : 400 Croates, qui habitaient dans la communauté
Page 5758
1 de Polje Visnjica, ont quitté la communauté le 16 avril. Une autre partie
2 de Croates dont il a été question ont été déplacés, ceux qui se trouvaient
3 à Kruscisa après le déplacement de la ligne de front, qui a placé ce
4 territoire sous contrôle du HVO. Ceci s'est produit dans les premières
5 journées. Tous ces changements se sont produits dès le début et, bien sûr,
6 un certain pourcentage de Croates se sont retirés au-delà de la ligne de
7 contrôle.
8 M. Nobilo (interprétation). - Je vais poser ma question
9 autrement : dans vos recherches, pour établir les causes qui ont fait que
10 les Croates ont quitté leur foyer, avez-vous utilisé des méthodes
11 scientifiques ou bien vous êtes-vous fondé sur les connaissances que vous
12 aviez ?
13 M. Kajmovic (interprétation). - Non...
14 M. Harmon (interprétation). - J'objecte aux questions qui sont
15 posées. J'élève une objection. La question a été posée trois ou quatre
16 fois. Les motifs pour lesquels certaines recherches n'ont pas pu être
17 effectuées ont été expliqués.
18
19 (M. Harmon et M. Nobilo se consultent.)
20 M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'il s'est agi du déplacement
21 de la ligne de front, vous avez mentionné le cas de Croates qui se sont
22 déplacés. Comment et pour quelles raisons ? Est-ce le nettoyage ethnique
23 qui a été la cause ou s'agit-il là d'opérations de combat ?
24 M. Kajmovic (interprétation). - Dans le cas spécifique de Bobasi,
25 on peut appliquer cette explication qui est due à un changement de ligne de
Page 5759
1 front. Et idem pour Grbavica.
2 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne le déplacement
3 des Croates sur le territoire placé sous le contrôle de l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine, avez-vous pu établir l'influence du fait suivant : il y a eu
5 des déplacements, 74 personnes ont été tuées, 74 civils et à Buhine Kuce,
6 30 et à Sadovace, 30. Ces faits vous ont-ils encouragé à établir qu'il
7 s'agit d'une influence du déplacement des Croates placés sous le contrôle
8 de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - Une partie de l'analyse a été
10 laissée de côté. J'ai procédé à une analyse d'un tableau court où il est
11 dit que 4600 Bosniens ont été expulsés et qu'ils se sont rendus à Zenica
12 pour une part, à Travnik pour une autre part, et d'autres sont partis à
13 l'étranger. Nous avons sauté la partie où il est indiqué les 514 Bosniens
14 qui ont été tués -cela, nous l'avons laissé de côté- et cette partie a
15 donné lieu à des recherches de ma part. Il s'agit du nombre de Croates
16 expulsés. Là, je n'ai que quelques pourcentages qui indiquent un chiffre
17 important quant au cas de Bobasi et Krizancevo Selo. Il s'agit d'opérations
18 de combats classiques en cours de guerre.
19 Il y a eu des déplacements de ligne de front de part et d'autre.
20 Il s'agit là, je le répète, de deux armées en présence classiquement. On ne
21 peut pas parler de souffrance pour les civils, ni de massacres organisés
22 etc. Krizancevo est restée sous le contrôle du HVO et une partie de cette
23 localité aussi.
24
25 M. Nobilo (interprétation). - Vous ai-je bien compris ? Il ressort
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1 de ce que vous dites que 84 personnes habitant Buhine Kuce et Krizancevo
2 n'ont pas été tuées au cours d'opérations armées ?
3 M. Kajmovic (interprétation). - Non, en dehors d'opérations
4 armées. En effet, il s'agissait de soldats du HVO essentiellement et je
5 crois que vous connaissez le rapport de la FORPRONU à ce sujet. Dans
6 certains cas, il peut s'être agi de civils également.
7 M. Nobilo (interprétation). - Combien de territoires de la
8 municipalité de Vitez ont été contrôlés par l'armée de Bosnie-Herzégovine
9 et la proportion de territoire contrôlée par le HVO ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Le HVO contrôle 25 % et l'armée de
11 Bosnie-Herzégovine 75 % sur 159 km². Donc, il y a aussi beaucoup de forêts
12 et de collines dans les 75 %, tandis que dans les 25 % ce sont des
13 localités habitées de Stari Vitez et des territoires qui reprennent
14 0,3 km². Là, il y avait des organisations temporaires qui étaient des
15 institutions d'enseignement, etc.
16 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord pour que je dise
17 que les localités contrôlées par le HVO le long des lignes de
18 communications et des établissements économiques vitaux ...j'ai raison de
19 dire cela...
20 M. Kajmovic (interprétation). - Vous parlez du 16 avril ?
21 M. Nobilo (interprétation). - Non, pendant la guerre entre les
22 Croates et les Musulmans. Etes-vous d'accord avec cette définition ?
23 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Le 25 février 1994, le traité
24 de paix a été signé.
25 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez pas compris. Ces 25 %
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1 placés sous le contrôle de HVO, quand le cessez-le-feu a été signé, peut-on
2 les définir comme couvrant les pôles habités le long des lignes de
3 communication et les installations-clés du point de vue
4
5 économique ?
6 M. Kajmovic (interprétation). - Plus ou moins.
7 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous pu établir quel est le
8 chiffre de réfugiés musulmans qui ont trouvé refuge dans les diverses
9 communautés alentours ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Puisque nous avons laissé de côté
11 cette partie de la statistique, le nombre de réfugiés bosniens, à fin 1995
12 à Vitez, sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine, est de 331, si
13 je ne me trompe. Il faudrait vérifier. Il s'agit d'un chiffre très peu
14 élevé de réfugiés. Sinon, il n'y a pas eu beaucoup de réfugiés Bosniens
15 d'autres parties de la municipalité de Vitez.
16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit 1995, mais avez-vous
17 des données pour 1993, c'est-à-dire avant, et en 1992 ?
18 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
19 M. Nobilo (interprétation). - En 1993, combien avant la guerre
20 entre Croates et Musulmans y a-t-il eu de réfugiés d'autres endroits de
21 Bosnie ?
22 M. Kajmovic (interprétation). - C'est une question fort
23 intéressante d'un autre aspect également. Je n'ai pas pu établir de chiffre
24 exact, bien que j'aie évoqué ce problème. Je l'ai étudié sous un autre
25 aspect. Une grande partie des réfugiés sont venus de la partie occidentale
Page 5762
1 de la Bosnie et sont parvenus à Travnik. Ils cherchaient un abri.
2 A cette époque, le gouvernement HVO de Vitez a fait de son mieux
3 pour éviter qu'un grand nombre de Bosniens restent dans la municipalité de
4 Vitez. Donc, avant le 16 avril 1993, dans la municipalité de Vitez, je le
5 répète, il y avait un très faible nombre de réfugiés et on peut voir à la
6 fin de la guerre quel est le chiffre, puisqu'il s'agit de trois cents et
7 quelques.
8 M. Nobilo (interprétation). - Vous ai-je bien compris ? Vous ne
9 connaissez pas le chiffre de réfugiés de cette année-là ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Non, mais s'il y en avait eu
11 beaucoup, cela aurait
12
13 été le cas fin 1995. Ce serait un peu plus de 300.
14 M. Nobilo (interprétation). - Lors de vos recherches, avez-vous
15 procédé à une analyse des environs de la municipalité, et est-ce que les
16 événements alentours ont eu une influence sur la situation à Vitez ? Par
17 exemple, savez-vous combien de Croates sont venus de Zenica, de
18 Novi Travnik, de Busovaca ?
19 M. Kajmovic (interprétation). - Dans mon travail, j'ai étudié
20 certains cas. C'est-à-dire qu'il s'agissait d'un problème local, qu'il
21 fallait étudier. Alors, pour ce qui est d'une élaboration plus large, qui
22 toucherait d'autres municipalités, je ne l'ai pas fait. Mais du point de
23 vue statistique, on constate que le nombre de Croates de la municipalité de
24 Vitez est supérieur, je dirai environ 2 500 personnes fin 95, et ces
25 Croates, qui sont en nombre supérieur, ont bien dû venir de quelque part.
Page 5763
1 J'ai les pourcentages pour Travnik et pour Zenica. Il y a peut-être
2 également un pourcentage pour Varec, ou d'autres hameaux. Il me semble
3 qu'ils sont 2 500 personnes en plus.
4 M. Nobilo (interprétation). - Lors de vos recherches, savez-vous
5 quel nombre de Croates a quitté Vitez pendant la période que vous avez
6 étudié ?
7 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, mais dans cette recherche, le
8 nombre de Croates est très faible. Négligeable presque. Il y a eu quelques
9 déplacements entre 1992 et les années suivantes, mais la situation était
10 empreinte d'insécurité et au bout de quelque mois, après leur départ,
11 certains Croates sont revenus. Si bien que ce pourcentage n'aura pas
12 d'incidence sur le tableau démographique dépeint pour 1995.
13 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous pu établir de façon
14 exacte, grâce à une méthode particulière, quel est le nombre de Croates ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - Quand il s'agit de déplacements
16 démographiques, c'est quelque chose de vivant. Vous pouvez, d'un jour à
17 l'autre, avoir des structures totalement différentes. On ne peut pas
18 aborder le problème de cette manière. Il y a des déplacements de
19
20 population pendant la guerre de façon temporaire. On ne peut pas, je le
21 répète, examiner chaque cas individuel.
22 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour
23 dire que je conclus, d'après ce que vous dites, qu'il vous a été difficile
24 d'établir les appartenances à telle ou telle nation, mais que vous n'avez
25 pas établi le nombre de Croates qui sont venus de Zenica ou ceux qui sont
Page 5764
1 partis de Vitez ?
2 M. Kajmovic (interprétation). - Non, là, les données qui sont
3 pertinentes sont de savoir combien il y a de Croates actuellement à Vitez,
4 par rapport au chiffre que l'on connaît pour 1991.
5 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous n'avez pas établi que
6 500 soldats du HVO ont quitté Vitez ? Vous ne l'avez pas établi ?
7 M. Kajmovic (interprétation). - Je ne sais pas si on a enquêté là-
8 dessus.
9 Dans mes recherches, je sais qu'il y a 700 Croates qui sont morts.
10 Et, malheureusement, je crois qu'il y en a plus.
11 M. Nobilo (interprétation). - Avant le conflit d’avril, savez-vous
12 combien de Croates sont venus de Travnik, sur 20.000, et qui ont été
13 expulsés ensuite ?
14 M. Kajmovic (interprétation). - Pour autant que je sache, le plus
15 grand nombre de Croates de Travnik a franchi les lignes, sous le contrôle
16 des Chetniks, par le mont Vlasnik et une partie des Croates s’est rendue à
17 Vitez.
18 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous combien de Croates ont
19 quitté, ont abandonné Zenica pour venir à Vitez ? Connaissez-vous ces
20 chiffres ?
21 M. Kajmovic (interprétation). - Je ne connais pas ces chiffres.
22 M. Nobilo (interprétation). - Je ne sais pas sur quoi vous avez
23 enquêté, c'est pourquoi je vous pose des questions.
24 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai examiné ce sujet du point de
25 vue des sciences
Page 5765
1
2 politiques. Il ne s'agissait pas d'avoir des chiffres comparatifs très
3 larges.
4 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous n'avez pas étudié la
5 question des Croates de Fojnica.
6 Interruption de la part de M. Harmon
7 M. Harmon (interprétation). - Les questions et les réponses sont
8 en train de se confondre. Je crois qu'il faudrait qu'une pause soit
9 effectuée entre Maître Nobilo et M. Kajmovic, de façon à ce que la
10 traduction puisse être effectuée précisément.
11 M. le Président. - Nous sommes d'accord.
12 M. Nobilo (interprétation). - Pardonnez-moi, nous nous laissons
13 entraîner. Je vais m'efforcer de faire des pauses.
14 Monsieur Kajmovic, quelle est votre impression ? Vous parlez des
15 Bosno-Serbes, des Bosno-Croates... Mais cette terminologie que vous
16 utilisez n’est pas une connotation politique ?
17 M. Kajmovic (interprétation). - La règle, pour les Croates en
18 Bosnie, ce serait les Bosno-Croates, puisqu'il s'agit de Croates qui vivent
19 en Bosnie-Herzégovine, et pas en Croatie.
20 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce un nom de nation ?
21 M. Kajmovic (interprétation). - La règle est seulement de dire
22 « Croates ». Mais je dis « Bosno-Croates » tout simplement parce que nous
23 avons établi une différence entre les Croates qui vivent en Bosnie-
24 Herzégovine et ceux qui vivent en Croatie, de façon à savoir de qui nous
25 parlons.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Parlez-vous des Bosno-Serbes pour
2 les gens qui habitent Sandzak ? Parlez-vous de Serbes bosniens ?
3 M. Kajmovic (interprétation). - Non.
4 M. Nobilo (interprétation). - Dans la vie courante, utilisez-vous
5 l’expression Serbes-Bosniens ?
6
7 M. Kajmovic (interprétation). - Non. Moi, en tout cas, non.
8 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord que c'est quelque
9 peu ridicule ?
10 M. Kajmovic (interprétation). - Non, pourquoi ?
11 M. Nobilo (interprétation). - Concentrons-nous sur les Bosniens.
12 Si nous revenons à 1995, vous avez essayé de déterminer les groupes
13 ethniques. Prenons-les Bosniens par exemple. Quelle a été votre méthode ?
14 M. Kajmovic (interprétation). - Je vous l’ai dit, je me suis basé
15 sur le quartier général de la défense civile qui avait des données.
16 M. Nobilo (interprétation). - Quelles méthodes avez-vous utilisées
17 pour déterminer le nombre de Bosniens dans le territoire placé sous le
18 contrôle du HVO ?
19 M. Kajmovic (interprétation). - Ici, j'ai utilisé la méthode
20 d'interviews, c’est-à-dire en cas de déclarations des personnes qui
21 connaissaient leurs voisins, de Rijeka, car nous avons pris Rijeka, et que
22 cette partie comporte également des communautés locales. Donc, il fallait
23 s'adresser à ces personnes qui connaissaient exactement le nombre
24 d’individus qui étaient restés. Vitez était une zone urbaine.
25 D'après les communications qui se sont déroulées, nous connaissons
Page 5767
1 ces deux cas, c'est-à-dire les 80 Bosniens de la partie urbaine de Vitez,
2 et ceux de Rijeka où ils étaient inscrits.
3 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous utilisé une méthode
4 exacte ?
5 M. Kajmovic (interprétation). - C'est exactement cette méthode que
6 j'ai utilisée. Il était question de 80 personnes qui ont été identifiées.
7 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous confirmé dans d'autres
8 hameaux de la municipalité de Vitez s'il y avait des Bosniens ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - Nous avons confirmé grâce aux
10 communications le nombre de personnes qui visitaient ces communautés
11 locales pour aller sur les tombes, rendre visite à leur maison, etc. Nous
12 avons donc confirmé exactement où se trouvait chacune de ces
13
14 familles bosniennes.
15 M. Nobilo (interprétation). - Quelle est l'exactitude de ce que
16 vous venez de nous dire, dans quelle mesure est-ce accepté de façon
17 générale ?
18 M. Kajmovic (interprétation). - Le plus exact ce serait évidemment
19 si la République de Bosnie-Herzégovine pouvait procéder à un recensement et
20 le publier pour dire tel et tel Bosnien se trouve aujourd'hui ici ou là.
21 Bien sûr, ce n'est pas possible étant donné les conditions qui existent
22 aujourd'hui, mais les éléments que je cite sont tout à fait pertinents.
23 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de l’interrogatoire
24 principal, vous avez expliqué que vous énumériez les gens qui rendaient
25 visite à leurs tombes, ainsi que ceux qui allaient voir leur maison, etc.
Page 5768
1 Est-ce que ces visites sur les tombeaux se faisaient sous la protection de
2 la Forpronu ?
3 M. Kajmovic (interprétation). - Oui. Dans la première période qui
4 a fait suite à l'interruption des hostilités, donc après la fin des
5 hostilités, un accord a été conclu avec la Forpronu visant à assurer la
6 protection de ces personnes, etc. Ensuite, il y a eu un accord conclu entre
7 la police, le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine, je veux dire entre la
8 police et la partie bosnienne, et les gens ont commencé à jouir d'une
9 liberté de mouvement plus importante dans ces secteurs.
10 M. Nobilo (interprétation). - Ai-je raison de dire que dans la
11 majorité des cas les visites sur les tombes étaient organisées par autobus
12 et les retours également ?
13 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, le plus souvent, mais il y a
14 eu aussi des cas de personnes isolées qui y sont allés.
15 M. Nobilo (interprétation). - Vous ai-je bien compris en disant
16 que ces gens, quand il allait sur les tombes, comptaient les maisons
17 bosniennes ?
18 M. Kajmovic (interprétation). - Lors de leur première visite, ils
19 n'en avaient pas la possibilité, mais par la suite oui. Ils ne tenaient pas
20 le seconde compte des maisons croates, ils
21
22 n'enregistraient que leurs maisons. Ils comptaient combien parmi leurs
23 maisons avaient été détruites, les maisons croates ne les intéressaient pas
24 du tout.
25 M. Nobilo (interprétation). - Comment avez-vous calculé le nombre
Page 5769
1 de maisons ? Vous avez dit : un certain nombre multiplié par trois, etc ?
2 M. Kajmovic (interprétation). - Non, pas des maisons croates, des
3 maisons bosniennes. A Donje Veceriska par exemple, on sait qu’il y a une
4 centaine de maisons à peu près, on sait qu’il y a une soixantaine de
5 maisons habitées, on sait qu’il y en a une quarantaine détruites. Il a
6 fallu confirmer quel était le nombre de Croates dans ces 60 maisons.
7 J'ai pris le nombre moyen des membres d’une famille de la
8 municipalité de Vitez en 1989, 1990 et 1991. J'ai découvert que le nombre
9 moyen des membres d'une famille dans la municipalité de Vitez était de
10 3,75. Si une maison de Vitez est habitée, une fois qu'il est confirmé
11 qu'elle est habitée, on prend le nombre de maisons, on le multiplie par
12 3,75 et on trouve le nombre des Croates qui habitent dans la communauté
13 locale de Veceriska ; c’est ce que j’ai fait et c’est un élément qui est
14 entaché, comme je l’ai dit, à mon avis, de 5 à 6 % d'erreur.
15 M. Nobilo (interprétation). - Encore une question. Quelle méthode
16 avez-vous employée pour vérifier les raisons des départs de Serbes ? De
17 quelle façon avez-vous confirmé la cause de ces départs ?
18 M. Kajmovic (interprétation). - Les Serbes constituent un cas à
19 part. Car c'est avant le conflit, pour la majorité d'entre eux, qu'ils sont
20 partis volontairement. Ils étaient 1377 sur le territoire de Vitez avant,
21 donc en nombre relativement limité dans cette municipalité. Sur ce total, à
22 Tolovice par exemple, il y avait 150 Serbes à peu près qui habitaient. Il y
23 avait un hameau qui était à moitié bosnien à moitié serbe. Le reste des
24 Serbes habitaient plutôt dans les parties urbaines, ainsi que dans une
25 partie de la communauté locale de Kruscice et dans une partie de Rijeka.
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1
2 Je le sais parce qu'à l'époque je communiquais assez largement
3 avec les Serbes. En tout cas, ils disaient que Radovan Karadzic leur avait
4 demandé de quitter cette région. C’est de cette façon organisée, en
5 trouvant des autobus, qu'ils ont déménagé, pour la majorité d'entre eux
6 avant le conflit, pour la majorité d'entre eux. Un très faible pourcentage
7 est resté.
8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que je vous ai bien compris
9 quand je dis que ce fait vous l'avez confirmé sur la base d'éléments que
10 vous connaissiez avant et pas sur la base de vos recherches ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - Lorsqu'on a une connaissance
12 particulière, on ne peut pas complètement la chasser pour parvenir à la
13 confirmer à nouveau par la suite.
14 Ces faits vous seront confirmés par tous les gens qui travaillent
15 avec vous. S'agissant des Serbes, vous pouvez poser la question à tout le
16 monde. Vous n'avez pas besoin de vous demander que ce fait vous soit
17 confirmé par moi-même ou d'autres Bosniens. Tout le monde vous le
18 confirmera chez vous.
19 M. Nobilo (interprétation). - Ne serait-il pas plus juste de
20 demander aux Serbes pourquoi ils sont partis ?
21 M. Kajmovic (interprétation). - Certains le pensent, mais alors il
22 faudrait le leur demander à eux ou plutôt s'adresser à Karadzic pour savoir
23 pourquoi il leur a donné cet ordre.
24 M. Nobilo (interprétation). - Pour vos tableaux, ce taux d'erreur
25 de 5 à 6 % est-il en plus ou en moins ?
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1 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai dit 5 à 6 %. En fait, je suis
2 personnellement convaincu qu'on pourrait diminuer de peut-être 4 à 5 %,
3 mais qu'il pourrait aussi y avoir, dans certains cas, une augmentation de
4 ce taux d'erreur, mais, disons en majorité une diminution.
5 M. Nobilo (interprétation). - Sur l'un des tableaux, vous nous
6 avez montré la structure nationale de la population, dans le secteur sous
7 contrôle du HVO en 1995, n'est-ce pas ?
8
9 M. Kajmovic (interprétation). - Oui.
10 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez comparé cette situation
11 avec celle de 1991. Comme les communautés locales sont réparties d'une
12 façon précise sur le plan géographique, ce qui m'intéresse c'est de savoir
13 si vous avez des données au sujet de 1991, quant au nombre de Croates et de
14 Bosniens qui vivaient à l'époque dans les régions qui sont aujourd'hui sous
15 le contrôle du HVO ?
16 M. Kajmovic (interprétation). - Si on prend le Journal officiel,
17 on voit que, sur le territoire de Vitez, il y avait officiellement 34 lieux
18 habités. Le recensement de 1991 s'est mené dans ces lieues habités, dans
19 ces hameaux. On sait exactement combien de hameaux dépendent de telle ou
20 telle communauté locale. Dans certaines communautés locales, comme Lupac
21 par exemple, il n'y a qu'un seul hameau où plus de 90 % de la population
22 est bosnienne.
23 Dans d'autres communautés locales comme celle de Jardol, on trouve
24 le hameau de Grbavica où il y a 700 et quelques Bosniens. Il faudrait aussi
25 voir combien il y a de Croates à Jardol. En tout cas, j'ai toujours disposé
Page 5772
1 de données exactes. Donc, rien n'est général, on sait exactement quel était
2 le nombre de hameaux dans chaque communauté locale. Selon le recensement,
3 on savait combien il y avait d'habitants de la première nationalité, de la
4 deuxième ou de la troisième à Jardol, par exemple. Vous savez que Grbavica
5 dépend de Jardol. On connaît la répartition de la population, donc ce
6 n'était pas compliqué.
7 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Je vous demanderai maintenant
8 de faire un commentaire sur les éléments que vous venez d'exposer, auxquels
9 malheureusement je n'ai pas pu me préparer et vérifier. En tant qu'expert,
10 vous avez dit qu'après les combats, les Croates sont 93,8 % de plus dans
11 les zones contrôlées par le HVO et que les Bosniens sont 95,8 % de plus
12 dans les zones contrôlées par la Bosnie-Herzégovine. Est-ce de la
13 propagande au sujet de telle ou telle force qui serait supérieure à
14 l'autre ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - Non, ne faites pas ce
16 raisonnement, je vous prie.
17
18 Les données sont exactes. Dans la zone contrôlée par la Bosnie-Herzégovine,
19 vous pouvez prendre les données statistiques et comparer à l'OPATS. Par
20 exemple, 400 personnes exclusivement bosniennes sont venues s'ajouter à
21 Sadovace où il n'y a que des Bosniens. C'est une zone contrôlée par la
22 Bosnie-Herzégovine.
23 Si vous prenez la communauté locale de Vrhovine, je ne prends que
24 les Bosniens. A Preocica par exemple, je pense qu'il y avait onze Croates
25 et peut-être le même nombre de Serbes. Dans la communauté locale de
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1 Preocica également, mais je ne sais plus exactement... Mais à Vrhovine, il
2 n'y avait que des Bosniens. On se rend compte que les transferts ethniques
3 ont été beaucoup plus importants dans les régions contrôlées par le HVO que
4 par celles contrôlées par l'armée de Bosnie-Herzégovine. D'ailleurs, c'est
5 là que se trouvaient les industries et les grands centres commerciaux.
6 M. Nobilo (interprétation). - Oui, mais êtes-vous d'accord que les
7 secteurs sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine sont à 3 % plus
8 propres ethniquement que les autres ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, mais cela n'aboutit pas à la
10 conclusion que vous venez de tirer, à savoir que le nettoyage ethnique dans
11 ces secteurs a été plus important qu'ailleurs. D'ailleurs, 1 200 personnes
12 ont été déplacées de ce secteur, alors que chez vous il y en a eu 6 000.
13 Donc si cette donnée vous prouve quelque chose quant à la gravité
14 de ce qui s'est passé dans un secteur ou dans l'autre, c'est à vous de le
15 conclure. Qu'est-ce qui est pire : 1 000 ou 6 000 ?
16 M. Nobilo (interprétation). - Ce n'est pas à moi d'en décider.
17 M. Kajmovic (interprétation). - Mais voyez aussi si ce sont les
18 mêmes méthodes qui ont été utilisées ou pas. Malheureusement, ce ne sont
19 pas les mêmes méthodes qui ont été utilisées.
20
21 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c'est de savoir
22 si vous savez quelles sont les méthodes qui ont été utilisées pour réaliser
23 ce que vous appelez le nettoyage ethnique des Bosniens. Autrement dit, ces
24 méthodes ont-elles été étudiées sur le plan statistique ? Combien de
25 Bosniens sont partis en raison d'actions criminelles ? Combien en raison
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1 d'opérations militaires ? Combien dans le cadre d'échanges d'appartement ?
2 Combien parce qu'ils ont été expulsés de leur maison ? Avez-vous fait cette
3 étude statistique ?
4 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, j'ai étudié ce problème, mais
5 de quels criminels pouvez-vous parler alors que ces personnes n'osaient pas
6 ouvrir la porte de leur maison ou de leur appartement ? Comment peut-on
7 parler de criminels si ces gens se trouvaient dans une cave à l'université
8 populaire là où on garde la chaudière et le charbon et que le HVO les
9 faisait sortir pour leur emmener creuser des tranchées sans qu'ils sachent
10 s'ils allaient revenir vivants ?
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne m'avez pas bien compris.
12 M. Kajmovic (interprétation). - Je vous ai bien compris. Quelles
13 sont les activités criminelles qu'ils pouvaient commettre dans le cadre de
14 telles opérations militaires ?
15 M. Nobilo (interprétation). - Je ne vous ai pas parlé de personnes
16 qui commettaient des actes criminels. Je vous ai demandé si certains
17 n'étaient pas partis en raison des viols, des vols, etc. que j'appelle des
18 actes délictueux et criminels. Combien sont-ils partis à cause de cela ?
19 M. Kajmovic (interprétation). - C'est absolument absurde. Ces gens
20 ne pensaient qu'à une chose : comment sauver leur tête. De quels viols, de
21 quels cambriolages, de quels délits peut-on parler dans ce cadre ? C'est
22 totalement absurde.
23 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande simplement si vous
24 avez étudié ce fait. L'avez-vous ou non étudié ? Cela me suffit.
25 M. Kajmovic (interprétation). - Pas une de ces personnes que j'ai
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1 officiellement interviewée, avec qui j'ai discutée, n'aurait l'idée, même
2 en rêve, de réfléchir et de raisonner de
3
4 cette façon et ce type de raisonnement n'a aucun rapport avec la situation
5 réelle. Vous ne pouvez pas établir de rapport.
6 M. Nobilo (interprétation). - Je vous ai demandé si vous aviez
7 mené une étude factuelle, descriptive des causes qui ont justifié le départ
8 de ces personnes.
9 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, je vous ai tout à fait bien
10 compris. C'est exactement comme si je vous demandai si vous étiez allé à
11 Hawaii pour vos vacances. Oui, votre question est tout à fait comparable à
12 cela.
13 M. le Président. - Essayons de calmer le débat, pas trop de
14 jugements ou d'opinions et pensez aux interprètes qui doivent quand même
15 commencer à très fatigués.
16 M. Nobilo (interprétation). - Je crois que nous ne nous comprenons
17 pas. Je vous demandais simplement si vous aviez réussi à confirmer, dans
18 vos interviews, par une autre méthode statistique, le nombre de personnes
19 qui avaient fui en raison de formes diverses de violence. Avez-vous donc
20 segmenté ces formes de violence ?
21 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai confirmé les formes de
22 violence qui ont été commises par le HVO contre ces personnes. Oui, j'ai
23 vérifié cela. Je sais qu'un certain nombre de moyens ont contraint ces
24 personnes à fuir.
25 M. Nobilo (interprétation). - Je vous repose la question : Avez-
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1 vous étudié quel est le nombre de personnes qui ont fui à cause d'attaques
2 de l'armée ? Combien de personnes ont fui parce qu'un groupe du HVO avait
3 fait irruption dans leur maison pour piller, chasser expulser ? Avez-vous
4 des données dans ce cadre-là ?
5 M. Kajmovic (interprétation). - J'ai toutes les données que vous
6 voulez.
7 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous les exposer ?
8 M. Kajmovic (interprétation). - 1500 personnes environ ont été
9 expulsées par le HVO des secteurs urbanisés, des quartiers des villes par
10 diverses manières : expulsions des appartements, menaces, etc.,
11
12 De Ahmici, 508 personnes ont fui ce matin-là, le matin du 16
13 avril.
14 Dans le secteur du 25 mai, dans la municipalité de la communauté
15 locale d'Ahmici, 117 personnes ont été tuées, une partie des habitants ont
16 été emmenés dans l’école de Dubravica, une autre partie a réussi à s'en
17 aller vers Ahmici-le-Haut et à passer les lignes sous le contrôle de
18 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
19 Dans la communauté locale de Gacice, une partie des civils, le 20
20 avril 1993, a réussi à passer par les montagnes pour aller vers
21 Novi Travnik, le reste de la population a été rassemblé par le HVO pour
22 être amené devant le grand magasin qui se trouve dans le centre de
23 Vitez ; là, le HVO leur a dit : "Maintenant, que l'armée de Bosnie-
24 Herzégovine vous tire dessus ". Plus tard, ils ont été dirigés vers
25 Novi Travnik et Zenica.
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1 M. Nobilo (interprétation). - N'ont-ils pas été ramenés à Gacice ?
2 M. Kajmovic (interprétation). - Ils ont été ramenés à Gacice, mais
3 seulement pour un, deux ou trois jours.
4 M. Nobilo (interprétation). - Et ensuite ?
5 M. Kajmovic (interprétation). - Aujourd'hui, vous ne trouvez plus
6 un Bosnien à Gacice, il n'y en a plus.
7 M. Nobilo (interprétation). - Combien de personnes sont parties de
8 cette façon de Gacice ?
9 M. Kajmovic (interprétation). - La totalité, 230.
10 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'une partie était
11 partie avec l'armée ?
12 M. Kajmovic (interprétation). - 30 ou 40 personnes ont réussi à
13 s'enfuir par les forêts.
14 M. Nobilo (interprétation). - De quelle armée parlez-vous là ?
15 M. Kajmovic (interprétation). - A Ahmici, j'ai déjà expliqué la
16 communauté locale du 25 mai qui se trouve juste à côté d'Ahmici, les deux
17 communautés locales sont frontalières.
18
19 Là, 320 personnes ce matin-là, avant l'attaque du HVO sont parties, soit,
20 elles ont réussi à fuir, soit elles ont été arrêtées et certaines ont
21 réussi à partir par Ahmici-le-Haut.
22 Dans la communauté locale de Dubravica, -je parle de la partie
23 inférieure de cette communauté locale qui se trouve près de la voie de
24 communication proche de la gare de chemin de fer- là encore les habitants
25 ont été regroupés et évacués grâce à l'aide de la FORPRONU.
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1 A Stari Vitez, autre communauté locale, là, les habitants ont
2 réussi à se défendre et 1100 d'entre eux n'ont pas été déplacés.
3 De la partie de Rijeka qui dépend de la communauté locale de
4 Rijeka, les habitants ont été expulsés de la partie urbaine et il en est
5 resté très peu.
6 Et une partie des habitants de Donje Veceriska étaient déjà partis
7 avant le 16 avril à l'arrivée des troupes du HVO.
8 Et puis, il y a Grbavica où les gens sont partis un peu plus tard,
9 il en est resté quelques-uns.
10 Au total, le nombre des Bosniens qui ont subi le nettoyage se
11 monte à 4611 personnes.
12 M. Nobilo (interprétation). - Encore une question : Dans vos
13 recherches, êtes-vous tombé sur un document ou sur un témoin qui vous
14 aurait dit ou qui vous aurait montré que le Général Blaskic a ordonné
15 l'expulsion de tel ou tel habitant par oral bien sûr ?
16 M. Kajmovic (interprétation). - Je n'ai pas eu à examiner un
17 document qui serait susceptible de prouver de façon tout à fait avérée que
18 ceci est le résultat de l'action de M. Blaskic. Je n'ai pas d'éléments de
19 ce genre.
20 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous en avons
21 fini. Monsieur, je vous souhaite plein succès dans votre travail.
22 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?
23 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas de questions à
24 répliques,
25
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1 Monsieur le Président.
2 M. Riad. - (interprétation. – Monsieur Kajmovic, j'aimerais que
3 vous nous donniez votre opinion sans équivoque au sujet de certaines des
4 questions qui viennent d'être évoquées. Vous avez parlé du nettoyage
5 ethnique, des moyens utilisés pour réaliser ce nettoyage ethnique. Vous
6 avez parlé d'irruption dans les maisons comme moyens de pression pour
7 expulser les gens, de l'utilisation de violence, de différentes formes de
8 violence exercée contre la population, de passage de la ligne entre les
9 différents secteurs sous le contrôle de différentes armées et de génocides
10 à Ahmici. Estimez-vous que le génocide a été utilisé comme un des moyens de
11 nettoyage ethnique à Vitez ?
12 M. Kajmovic (interprétation). - Dans mon travail, j'ai abordé le
13 problème de génocide à Ahmici. Je m'y suis donc intéressé dans mes
14 recherches. J'ai énuméré le nombre de victimes qui ont perdu la vie. J'ai
15 essayé de prouver pourquoi cela avait eu lieu et pourquoi cela a eu lieu
16 plus particulièrement à Ahmici. Bien entendu, outre les motivations
17 globales qui prévalaient, il existait également ce que l'on pourrait
18 appeler les causes concrètes locales et l'une de ces causes concrètes
19 consistait à commettre un génocide, à perpétrer un génocide, pourquoi ?
20 Parce que cette communauté locale où se trouvaient 508 Bosniens était
21 située sur la ligne de communication entre Vitez et Busovaca. C'était une
22 ligne de communication très importante sur le plan stratégique pour le HVO.
23 C'est seulement à cet endroit-là qu'existait un danger de couper cette voie
24 de communication et donc d'empêcher le HVO de continuer à l'utiliser.
25 Donc, ce souci a constitué l'un des motifs, à savoir la protection
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1 de cette voie de communication et là, je parle de motifs justifiés pour des
2 raisons absolument militaires.
3 Mais, en dehors de cela, il y a une autre raison du génocide qui
4 est liée à la précédente. Et cette raison, c'est la vengeance. En effet, ce
5 motif de la vengeance est dû au fait que le 18 octobre 1992 quand le HVO a
6 attaqué Novi Travnik, en vertu d'un ordre donné par le
7
8 commandant du troisième corps d'armée, Hadzihasanovic.
9 En vertu d'un ordre du commandant Hadzihasanovic, un barrage a été
10 établi à Ahmici. Il a été attaqué par le HVO et supprimé après une heure
11 d'échange de feu. Un jeune homme d'Ahmici est mort.
12 Donc, ce barrage a ralenti temporairement l'avance des troupes du
13 HVO de Busovaca, Kiseljak et Fojnica, qui se dirigeaient vers Novi Travnik
14 pour en prendre le contrôle et effectuer la jonction de leurs forces avec
15 celles de Gorni Vakuf. Le général Blaskic a même dit en public : « nous
16 vengerons la prise de ce barrage ».
17 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi, qui a dit qu'il y aurait
18 vengeance pour Ahmici ?
19 M. Kajmovic (interprétation). - Dario Kordic a dit à la télévision
20 qu'une vengeance serait prise pour la chute de ce barrage, créé le 18
21 octobre 1992.
22 M. Riad (interprétation). - Avez-vous vu cette émission à la
23 télévision, en personne ? Est-ce que le général Blaskic était avec lui,
24 quand il parlait ?
25 M. Kajmovic (interprétation). - Je ne peux pas affirmer s'il y
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1 était ou pas, je n'en suis pas sûr. Mais pour cette déclaration, je suis
2 sûr qu'elle a été prononcée sous la forme d'une menace.
3 Mais permettez-moi d'achever ma pensée. Il y a eu un moment de
4 vengeance à ce moment-là, lié à l'existence de ce barrage. Et puis
5 l'existence du génocide est lié à l'existence d'un axe militaire et de la
6 dénomination-même de cette action de l'armée, qui s'appelait « 48 heures de
7 cendres ». D'un point de vue militaire, cette opération aurait dû être
8 achevée au cours de 48 heures. Son effet aurait dû être une action
9 psychologique très rapide, qui aurait dû créer un état de choc chez tous
10 les Bosniens, dès lors qu'ils en auraient appris la survenue. Vous voyez,
11 sur le plan psychologique, cette opération aurait dû aboutir à un objectif
12 déterminé. C'est cet effet psychologique qui aurait dû permettre
13 l'achèvement de cette opération globale du
14
15 HVO.
16 Voilà, pour ce qui me concerne, les motifs proprement locaux que
17 j'ai pu déterminer, avec, bien sûr, un certain nombre d'éléments plus
18 généraux, des ordres, etc., qui sont liés à des dispositions politiques
19 plus vastes, qui sortent d'ailleurs du champ strict de la Bosnie-
20 Herzégovine. C’est ce qui permet d'expliquer pourquoi tout cela a eu lieu
21 précisément à Ahmici, en raison de ces motifs.
22 M. Riad (interprétation). - Vous venez de dire que l'opération
23 s'appelait « 48 heures de cendres ». C'était le nom de l'opération ?
24 M. Kajmovic (interprétation). - « 48 heures de cendres ».
25 M. Riad (interprétation). - « 48 heures de cendres », était-ce la
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1 dénomination militaire de cette action ou est-ce une expression qui s'est
2 développée de façon populaire ?
3 M. Kajmovic (interprétation). - D'après ce que j'ai appris de
4 façon précise, mais, bien sûr, je n'ai pas encore de bases suffisantes pour
5 le prouver, je ne dispose pas encore de données suffisamment avérées pour
6 le prouver, mais, en tout cas, j'ai eu l'occasion de tomber sur un certain
7 nombre d'éléments qui stipulent que cette opération portait bien ce nom-là.
8 A savoir que certains de nos officiers ont eu des contacts avec des
9 officiers du HVO et ont vu que ces officiers dénommaient cette action du
10 HVO en utilisant l'expression « 48 heures de cendres ». Ensuite, bien sûr,
11 parmi la population, la tendance s’est répandue à dire que c'était bien le
12 nom de l'opération.
13 Mais il y a ensuite un autre motif très fondamental, si l'on pense
14 à la mosquée Hazim Ahmic, qui était une mosquée construite par un
15 particulier à Ahmici, et qui a été détruite par le HVO (on en voit des
16 photographies). Les soldats du HVO ont inscrit des graffitis, qui disent la
17 chose suivante : « à partir du 16 avril 1993, il y aura 48 heures de
18 cendres ». Bien sûr, les journalistes ont photographié ces graffitis. Plus
19 tard, j'ai vu que d'autres photos de graffitis ont été publiées, après que
20 les graffitis initiaux aient été sans doute effacés par les
21
22 autorités du HVO.
23 Donc, je n'ai pas d'élément de fond pour prouver absolument que
24 cette action s’appelait effectivement ainsi. Mais j'ai disposé d'un certain
25 nombre d'éléments qui permettent de penser que c'était bien le cas.
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1 M. Riad (interprétation). - Merci. Vous avez dit également qu'il y
2 a eu des départs massifs et soudains de Bosno-Croates à la veille de cette
3 attaque. Je crois que vous avez parlé du 15 et du 16 avril. Vous avez
4 indiqué, en disant cela, qu'il s'agissait donc d'une action coordonnée et
5 massive, de départs coordonnés et massifs. Est-ce que votre conclusion
6 consisterait à dire que ces départs soudains ont été provoqués par des
7 instructions précises, ou ont-ils été dus au fait que les Bosno-Croates
8 étaient tellement terrorisés qu'ils ont décidé de partir ? D'après vous,
9 d’après votre évaluation, qu’en est-il ? Est-ce les Bosno-Croates étaient
10 menacés par les Musulmans ?
11 M. Kajmovic (interprétation). - Je dois vous corriger. Je n'ai pas
12 parlé de « massifs ». Il s'agissait tout simplement de 900 et quelques
13 Croates... 940. C'est un petit pourcentage de ces Croates qui, pendant
14 cette nuit, a quitté sa maison et est passé à une partie, toujours
15 contrôlée par le HVO, mais dont la sécurité était plus grande. Mais le
16 16 avril au matin, là, il s'agit d'un déplacement plus important de
17 Croates. Quand je dis « quelque peu plus important », disons que, sur ces
18 940 Croates, il y en avait à peu près 400 à Poculica qui ont été déplacés
19 vers un endroit qui se trouvait, à coup sûr, sous le contrôle du HVO. Là où
20 il n'y avait pas de contrôle militaire. Bien sûr, il était normal que le
21 HVO ait appliqué un principe tout simple. Des régions qu'il ne contrôlait
22 pas, il a appelé les Croates à passer dans le territoire qui était sous le
23 contrôle.
24 Donc, si on prend en considération ces 400 Croates, et qu'on
25 considère que c'est un exode en masse, ces gens vivaient à Poculica et, le
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1 premier matin du conflit, ils se sont retirés, pour se placer sous le
2 contrôle du HVO.
3
4 M. Riad (interprétation). - Ne pensez-vous pas que ceci a coïncidé
5 avec l'offensive ?
6 M. Kajmovic (interprétation). - Il s'agit ici de déplacements de
7 Croates qui sont une conséquence de l'offensive du HVO contre les Bosniens,
8 du fait que le HVO n'a pas été en mesure de contrôler l'ensemble de ces
9 territoires, c'est-à-dire que le HVO n'a pas été en mesure de contrôler la
10 communauté locale de Poculica c'est la raison pour laquelle, on a procédé
11 au déplacement de Croates.
12 Donc du côté bosnien, il n'y a pas eu de pression sur les Bosno-
13 Croates pour qu'ils soient acculés dans un territoire déterminé. Il y a
14 peut-être eu des cas individuels, cela peut toujours exister.
15 M. Riad (interprétation). - Ma dernière question : vous avez
16 mentionné -et j'espère que je vous ai bien compris- que dans la zone
17 urbaine de Vitez les gens qui ne pouvaient sortir ont été arrêtés et
18 détenus. Alors, j'aimerais savoir s'il s'agissait de civils, de
19 combattants, et par qui ont-ils été détenus ?
20 M. Kajmovic (interprétation). - Dans la partie urbaine de Vitez,
21 c'est-à-dire dans la ville qui se trouvait sous le contrôle du HVO, là il y
22 a deux Vitez : la nouvelle partie de la ville et la partie ancienne que
23 l'on appelle Stari Vitez (le Vieux Vitez), dans la partie nouvelle environ
24 1500 à 1600 Bosniens vivaient. Ils n'ont pas pu partir, ils n'ont pas pu se
25 déplacer nulle part. Donc cette partie doit être traitée à part.
Page 5785
1 Mais dans Stari Vitez, il y avait environ 1100 Bosniens, et encore
2 environ une quarantaine de Croates. Cette partie a également été encerclée.
3 Eux, non plus, n'ont pas pu se déplacer pendant les onze mois de ce siège,
4 puisqu'il y a eu un encerclement par le HVO. Mais là, il s'agit donc de la
5 partie Stari Vitez (le Vieux Vitez).
6 M. Riad (interprétation). - Mais s'agissait-il d'opérations de
7 combats ou pas ?
8 M. Kajmovic (interprétation). - Pour ce qui est de Stari Vitez, de
9 cette partie-là...
10
11 M. Riad (interprétation). - Non, les derniers mots que vous avez
12 prononcés. Vous avez dit qu’il n’y avait pas eu d'opérations de combats à
13 Stari Vitez ou pas ?
14 M. Kajmovic (interprétation). - Si.
15 M. Riad (interprétation). - Donc ce sont des militaires qui ont
16 arrêté ?
17 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, il y en a eus. Attendez, il
18 faudrait prendre une carte pour que je puisse vous expliquer de quoi il
19 s'agit, la carte de délimitation de ligne de front.
20 M. Harmon (interprétation). - C'est dans le deuxième dossier,
21 Monsieur Dubuisson.
22 M. le Président. - Est-ce la pièce 192 ?
23 M. Dubuisson. - Il pourrait s'agir de la pièce 195, voire 196.
24 M. Kajmovic (interprétation). - Il s'agit du Vieux Vitez, le
25 Stari Vitez, c'est cette partie ici. Ce territoire fait environ 0,3 km².
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1 Sur cette partie, il y avait environ 1100 habitants,
2 essentiellement de nationalité bosnienne. Eux aussi, le 16 avril au matin,
3 ont subi l'offensive du HVO, mais ils n'ont pas pu faire face. Cette partie
4 a donc été encerclée par le territoire du HVO et la ligne de front du HVO.
5 Cette partie est donc restée ainsi, dans un état de conflits armés jusqu'au
6 25 février 1994, mais ces gens habitent ici jusqu'à ce jour.
7 Et ici, dans cette petite partie que je vous indique ici, c'est
8 cette partie de la ville, il ne s'agissait pas d'un encerclement militaire
9 classique du HVO. Il était placé sous l'administration du HVO. Donc là on
10 pouvait les arrêter, les expulser de leur domicile, ce qui a été fait
11 d'ailleurs.
12 Mais à Stari Vitez le HVO n'a procédé à aucune arrestation.
13 Pourquoi ? Parce qu’il n'arrivait pas à passer cette ligne, à franchir
14 cette ligne de front.
15 Ici, il s'agit de civils, il n'y a pas d'armée à cet endroit. Il
16 s'agit là de gens que l'on a
17
18 arrêtés et qui ont été enfermés. Il s'agit du poste vétérinaire, de
19 l'université, etc, donc dans cette partie-ci. On ne voit pas sur la carte
20 qu'il s'agit de la nouvelle partie de la ville, mais c'est de cela dont il
21 s'agit.
22 M. Riad (interprétation). - Il s'agissait donc de civils ?
23 M. Kajmovic (interprétation). - Oui, de civils.
24 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.
25 M. le Président. - Je n'ai pas à proprement parler de question,
Page 5787
1 mais une observation.
2 J'ai un petit trouble dans la mesure où votre témoignage -je me
3 tourne en même temps vers M. le Procureur- est à la fois le fruit d'une
4 recherche d'ordre scientifique, statistique, et en même temps un témoignage
5 qu'on pourrait appeler politique en quelque sorte. Vous avez une thèse qui
6 correspond à vos engagements dans le SDA.
7 Je dois dire qu'en tant que Juge, je suis un petit peu gêné. Vous
8 avez cette thèse, qui est la vôtre d'ailleurs, qui est au service de
9 l'accusation, et en même temps vous présentez votre travail sous l'angle
10 scientifique comme un travail universitaire de haut niveau. En tout cas,
11 c'est comme cela que vous le présentez, aussi bien au service de
12 l'accusation qu'en réponse à la défense.
13 Alors, je vous fais part de cette gêne, vous savez que nous avons
14 le pouvoir de demander de faire produire ce travail. Evidemment, nous nous
15 posons aussi la question de savoir si cela ne vous gêne pas. Vous ne l'avez
16 pas encore soutenu. Avant de prendre une décision, que nous ne prendrons
17 pas ce soir, je voudrais d’abord vous poser la question de savoir si cela
18 vous gênerait, vous poserait un problème quelconque, de communiquer ce
19 travail, tel qu'il est, dans l'état où il est.
20 Encore une fois, ma préoccupation c'est que c’est à la fois un
21 travail scientifique, mais vous n'êtes pas tout à fait un expert comme les
22 experts que l'accusation cite ou les experts
23
24 qu'on a pu citer, des professeurs d'université, qui ne sont pas partie au
25 conflit. Vous, vous avez une thèse, c'est votre droit, ce n'est pas une
Page 5788
1 critique que je formule.
2 Ma question est celle-ci. Nous n'allons pas prendre de décision ce
3 soir. Bien entendu, les Juges vont en discuter. Mais est-ce que cela vous
4 poserait un problème par rapport à votre université, ou par rapport à
5 l'achèvement ou l'inachèvement de vos travaux, que cette thèse soit, dans
6 l'état où elle est, communiquée au Tribunal et en élément contradictoire à
7 la défense qui éventuellement vous fera revenir ou pourra produire un
8 mémoire complémentaire ou en réponse à vos arguments ?
9 Vous voyez, en tout cas, le fondement de ma préoccupation, c'est
10 que ce n'est pas tout à fait de la statistique. C'est une statistique au
11 service d'une thèse ; voilà ma préoccupation. C'est sur ce point que nous
12 aimerions avoir vos observations.
13 M. Kajmovic (interprétation). - Il n'y a aucun problème. Bien sûr,
14 je peux vous la communiquer. Mais vous devez savoir que du point de vue de
15 l'aspect scientifique, il faut se baser sur les sources. Il faut que les
16 thèses que l'on avance se fondent sur les sources. Donc, il est impossible
17 de mettre de côté toutes questions politiques. Il ne s'agit pas là de la
18 faculté de mathématiques. On pourrait avoir l'impression qu'il s'agit là de
19 quelque chose de politique, mais du point de vue de mon travail interne je
20 dois fonder mes affirmations sur les sources et pas sur des convictions
21 politiques.
22 M. le Président. - Ce qui me préoccupe, vous le comprenez bien,
23 j'ai entendu votre réponse, c'est que ce sont les droits de la défense et
24 le respect du contradictoire.
25 Non seulement ces tableaux n'ont pas été fournis à la défense en
Page 5789
1 temps voulu, mais évidemment -et c'est pour cela que ce contre-
2 interrogatoire a été long, je ne l'ai pas interrompu à dessein, alors que
3 bien souvent il n'était pas tout à fait dans le cadre de l'interrogatoire
4 mais je ne l'ai pas interrompu à dessein effectivement, je pense que pour
5 la défense elle est dans une situation un peu complexe, puisqu'en fin de
6 compte elle a à répondre à la fois sur un plan
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8 statistique et sur un plan politique. Si elle vous interroge sur le plan
9 politique, vous pouvez lui répondre mathématique et si vous parlez et si
10 elle vous interroge sur le plan statistique pour lequel elle n'a d'ailleurs
11 pas les éléments, évidemment vous défendez avec conviction votre thèse
12 politique.
13 Nous n'allons pas prendre de décision ce soir. Les juges vont y
14 réfléchir. J'ai noté qu'en tout ou partie vous ne seriez pas gêné, en tout
15 cas vis-à-vis de vos autorités universitaires, pour livrer le document, le
16 remettre au Tribunal qui peut vous l'imposer, mais vous savez qu'il est
17 d'usage d'essayer de réunir le plus large consensus autour des décisions,
18 en tout cas en ce qui concerne la conduite des débats.
19 Auriez-vous une observation, Monsieur le Procureur, sur cet aspect
20 de la question ?
21 M. Harmon (interprétation). - Non, monsieur le Président, je n'en
22 ai pas.
23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
24 attirer votre attention sur une pratique juridique et sur les normes qui
25 sont en vigueur dans le pays d'où je viens. L'expert est toujours une
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1 personne désignée. Mais s'il a des liens particuliers avec la matière
2 étudiée, les experts en principe sont des personnes indépendantes.
3 Je pense qu'ici, le Tribunal n'a pas statué pleinement sur ces
4 questions, mais je pense que l'on pourrait avoir une objection et dire que
5 le témoin est impliqué profondément dans le cas en question, parce qu'il
6 était à la tête du parti qui constituait l'armée à Vitez qui était opposée
7 au HVO. Il a été l'une des personnes qui combattait avec le HVO et ceci le
8 disqualifie comme expert objectif, comme témoin. Pourriez-vous en tenir
9 compte ?
10 M. Harmon (interprétation). - Dans le rapport statistique, il y
11 avait une analyse et nous avons procédé à un examen très près. Nous n'avons
12 pas essayé de cacher le fait que M. Kajmovic avait participé activement aux
13 affaires civiles et politiques de sa communauté. Je soumettrai à
14 Monsieur le Président qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui auraient pu
15 effectuer une étude sur les déplacements démographiques de la municipalité
16 de Vitez, étant
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18 donné les difficultés de circonstances. Nous avons essayé de présenter à
19 votre intention, monsieur le Président, un rapport d'une source qui était
20 anciennement le Président du SDA et vous pourrez juger de sa crédibilité en
21 évaluant son témoignage et l'exactitude des données statistiques qu'il vous
22 a présentées.
23 Par exemple, vous avez entendu, monsieur le Président, de source
24 indépendante, de source telle que la FORPRONU, qu'il n'y a pas de Musulmans
25 dans le village de Vitez, dans le village d'Ahmici, je veux dire. C'est
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1 quelque chose qui a été corroboré par les données statistiques qui ont été
2 présentées. Je vous demanderai, monsieur le Président, lorsque vous
3 tiendrez compte de la source de ce rapport de M. Kajmovic, de tenir compte
4 de son passé politique, mais également des autres témoignages que vous avez
5 entendus et dans ce cas, en ce qui concerne les événements des divers
6 villages, ce qui s'est passé du point de vue des méthodes décrites par les
7 autres témoins. C'est tout ce que je veux dire.
8 J'ai pris note de la remarque de Me Nobilo de récuser le témoin,
9 mais je m'adresse à vous en tant que juge professionnel, à savoir qu'il
10 faut tenir compte de l'intérêt des informations qui ont été fournies dans
11 ce contexte.
12 M. le Président. - Je voudrais ramener le débat à sa juste
13 proportion. Je dois dire d'abord qu'il n'y a eu aucune de loyauté de la
14 part du bureau du Procureur. Celui-ci a tout à fait indiqué, dans le résumé
15 du témoignage préalable à la déposition du témoin, qu'effectivement celui-
16 ci avait eu un engagement politique important dans la communauté musulmane.
17 Le débat est loyal sur ce plan-là. De ce point de vue, si l'objection de
18 Me Nobilo est valable en valeur absolue, en valeur relative dans le présent
19 débat, pour aujourd'hui, pour M. Kajmovic il n'y a eu aucune déloyauté.
20 Deuxième observation : comme nous avons eu l'occasion de le dire à
21 différentes reprises, c'est aux juges d'apprécier, compte tenu du contexte
22 et des circonstances, la véritable fiabilité, la véritable valeur probante
23 ou le poids d'un tel témoignage. C'est le travail des juges, ils
24
25 le feront.
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1 Mais pour que les juges -et c'est le troisième point et je
2 m'arrêterai là ensuite- puissent accomplir leur travail, je me posais la
3 question de savoir si le contradictoire avait pu s'exercer dans les
4 conditions optimales et je me permettais simplement de faire part de
5 quelques observations. Le Tribunal maintenant qu'il vous a entendu décidera
6 ce qu'il convient de faire par rapport à cette thèse. Il n'est pas besoin
7 d'introduire le témoin suivant. Nous avons fait une longue journée.
8 Désormais la présente Chambre aura l'intention -je le dis à
9 l'intention des interprètes- de débuter à 14 heures, sauf certaines
10 journées ou il peut y avoir des déjeuners plus longs, des invitations, ce
11 qui arrivera d'ailleurs mercredi, mais normalement la présente Chambre
12 siégera à partir de 14 heures et arrêtera ses travaux à 18 heures 30, en
13 essayant de faire une pause de 20 minutes au milieu. Nous essaierons de
14 nous tenir à cet horaire qui conviendra mieux pour les juges. J'espère que
15 cela ne perturbera pas trop le travail des interprètes. Merci. Nous
16 reprendrons demain à 14 heures.
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18 L'audience est levée à 18 heures 50.
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