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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
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4 Mercredi 21 janvier 1998
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6 L’audience est ouverte à 14 heures 30.
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8 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)
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10 L'audience est ouverte à 14 heures 30.
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12 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le greffier,
13 veuillez faire entrer l’accusé, s’il vous plaît.
14 Tout le monde m’entend ? Je suppose que la cabine est prête.
15 Interprètes. - Oui, nous sommes prêts, Monsieur le Président.
16 M. le Président. - Elle est rodée depuis tôt le matin, si je
17 comprends bien. Elle doit donc fonctionner de façon parfaitement
18 opérationnelle. Merci.
19 Tout le monde m’entend, je pense ?
20 Interprètes. - Bonjour, Monsieur le Président.
21 M. le Président. - Bonjour. Dans ces conditions, nous pouvons
22 reprendre.
23 Nous allons faire entrer à nouveau madame Smajla Sahman. Je crois,
24 Maître Harmon, que vous vouliez lui poser maintenant un certain nombre de
25 questions.
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1 M. Harmon (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,
2 bonjour Messieurs les Juges. Oui.
3 M. le Président. - Le témoin a fait une très longue déposition,
4 très claire. J
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6 pense donc quece sont uniquement des précisions qui n'auraient pas été
7 apportées par elle. Vous ne lui faites pas tout répéter. Je compte sur
8 vous, Maître Harmon.
9 M. Harmon (interprétation). - Vous pouvez compter sur moi,
10 Monsieur le Président.
11 M. le Président. - Merci. Notez que, maintenant, vous avez l’épée
12 de Damoclès suspendue au-dessus de vos têtes, c'est le nombre de jours. Si
13 vous voulez entendre un témoin pendant 60 jours, vous le faites si vous
14 voulez. C'est comme vous voulez.
15 (Le témoin est introduit dans la salle).
16 M. le Président. - Madame Sahman, m'entendez-vous ?
17 Mme Sahman (interprétation). - Oui, je vous entends.
18 M. le Président. - Etes-vous reposée, après votre longue
19 déposition d'hier ?
20 Mme Sahman (interprétation). - Oui, je vais bien.
21 M. le Président. - L'interrogatoire n'est pas terminé. Je crois
22 que c'est au Procureur de vous poser un certain nombre de questions, pour
23 préciser certains points de votre déposition, à l'intention des Juges.
24 Monsieur le Procureur, c'est à vous.
25 M. Harmon (interprétation). - Bonjour madame Sahman.
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1 Mme Sahman (interprétation). - Bonjour.
2 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous poser un
3 certain nombre de questions, qui nous permettront de nous concentrer sur
4 certaines parties de votre témoignage.
5 Je commencerai par vous référer à l'événement où la police est
6 venue chez vous, le 24 janvier 1993 et a demandé les armes à votre mari.
7 Pouvez-vous décrire, à l'intention de Messieurs les Juges, comment ces
8 hommes sont entrés dans votre maison et
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10 comment ils étaient habillés ?
11 Mme Sahman (interprétation). - Ils avaient un uniforme de
12 camouflage avec les insignes du HVO. Ils avaient des insignes sur leur
13 casquette. C'étaient des représentants de la police du HVO.
14 M. Harmon (interprétation). - Madame Sahman, vous avez dit, tout
15 au long de votre témoignage, que les gens qui venaient chez vous
16 cherchaient un sniper, un fusil sniper. Avez-vous jamais vu un fusil sniper
17 chez vous ? Votre mari en a-t-il possédé un ? Y en avait-il un dans votre
18 maison ?
19 Mme Sahman (interprétation). - Non, nous n'en avons jamais vu et
20 nous n'en avons jamais possédé.
21 M. Harmon (interprétation). - Aviez-vous des armes dans la
22 maison ?
23 Mme Sahman (interprétation). - Oui, nous en avions.
24 M. Harmon (interprétation). - Quel type d'armes aviez-vous chez
25 vous ?
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1 Mme Sahman (interprétation). - Nous avions un fusil de chasse,
2 appelé carabine, et nous avions cette arme depuis 7, 8 ans. Voilà.
3 M. Harmon (interprétation). - Votre mari et vous disposiez d'un
4 permis de port d'armes par la République fédérale de Yougoslavie, n'est-ce
5 pas ? C'est juste ?
6 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
7 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que l'on place la
8 pièce 213 sur le rétroprojecteur, avec l'assistance de l'huissier.
9 Madame Sahman, je vais vous montrer une copie du permis que vous m'avez
10 donné, avec l'original du permis. Je vais vous demander si la pièce 213 est
11 bien une copie de l'original que vous m'avez montré.
12 Mme Sahman (interprétation). - Oui, oui, c'est juste.
13 M. Harmon (interprétation). - Merci. Permettez-moi de passer maintenant
14 à la journée suivante, celle du 25 janvier 1993. Vous avez dit que, vers
15 6 heures du matin, des
16
17 sirènes se sont déclenchées près d'une usine. Est-ce bien juste ?
18 Mme Sahman (interprétation). - Oui. Effectivement, les sirènes se sont
19 déclenchées.
20 M. Harmon (interprétation). - Lorsque cette alarme a cessé, des tirs
21 ont-ils commencé ?
22 Mme Sahman (interprétation). - Oui, pendant deux jours, nous avons eu
23 des tirs énormes. Les balles n'ont pas touché notre maison, elles sont
24 passées au-dessus, près de là où il y avait le camp. Donc il y avait des
25 tirs de feux rouges très forts.
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1 M. Harmon (interprétation). - Ces balles volaient-elles de la direction
2 du camp vers le village de Strane ?
3 Mme Sahman (interprétation). - Oui, je ne sais pas si c'est du camp
4 exactement, mais oui, c'était la direction de Strane.
5 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous donc observé que ces tirs venant
6 des environs du camp allaient vers le village de Strane ? L'avez-vous
7 observé ?
8 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
9 M. Harmon (interprétation). - Bien. Après ces tirs de feu pendant deux
10 jours, vous avez dit que cela avait cessé. Ensuite, le HVO est venu dans
11 votre maison, à plusieurs reprises les jours suivants, et n'a cessé de vous
12 demander où était ce sniper. Est-ce bien cela ?
13 Mme Sahman (interprétation). - Oui effectivement, c'est bien cela.
14 M. Harmon (interprétation). - Comment étaient habillés ces gens qui sont
15 venus dans votre maison ??
16 Mme Sahman (interprétation). - Ils étaient tous en uniforme de
17 camouflage avec l'insigne du HVO, avec le damier.
18 M. Harmon (interprétation). - Quand ils venaient dans votre maison, se
19 saisissaient-ils de vos biens personnels ?
20
21 Mme Sahman (interprétation). - Oui, ils ont pris ce qui leur plaisait,
22 ce qui leur tombait sous la main et on leur a dit d'emporter tout cela.
23 Oui, ils ont emporté des choses.
24 M. Harmon (interprétation). - Leur avez-vous donné l'autorisation de
25 prendre ces biens ou alors les volaient-ils de votre maison ?
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1 Mme Sahman (interprétation). - On ne s'est posé aucune question. Ils
2 entraient et faisaient ce qu'ils voulaient. Nous, nous étions là debout.
3 Ils ne nous ont pas demandé l'autorisation, ils faisaient ce qu'ils
4 voulaient.
5 M. Harmon (interprétation). - Vous avez déclaré hier, madame Sahman, que
6 pour finir, votre mari s'est rendu au village de Strane et a parlé à un
7 homme du nom de Ivica Andrijasevic. Est-ce bien cela ?
8 Mme Sahman (interprétation). - Andrijasevic. Oui, il lui a parlé et il
9 lui a demandé protection. Il a dit à leur radio locale que, de notre
10 maison, il y avait un sniper et il a dit : allons voir un peu ce qui se
11 passe. Ils sont venus à cinq, tous vêtus de l'uniforme du HVO et ils lui
12 ont dit : assieds-toi là et personne ne te fera rien. Il est venu dans la
13 maison et voilà, on était assis là.
14 M. Harmon (interprétation). - M. Andrijacevic était membre du HVO n'est-
15 ce pas, pour autant que vous sachiez ?
16 Mme Sahman (interprétation). - Oui, oui, il l'était. Il tenait le
17 territoire de Kaonik et la région alentour s'était placée sous son
18 contrôle.
19 M. Harmon (interprétation). - Madame Sahman, j'aimerais appeler votre
20 attention sur le vol de votre voiture qui s'est produit quelques jours plus
21 tard. Vous avez déclaré qu'un certain nombre de personnes étaient venues à
22 votre maison et avaient pris votre voiture. Pouvez-vous décrire comment ils
23 étaient habillés ?
24 Mme Sahman (interprétation). - Là aussi, ils portaient des uniformes de
25 camouflage avec le damier, mais ils avaient sur les poignets quelque chose.
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1 Ce n'était pas le HVO,
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3 enfin je n'ai pas vu. Mais en tout cas, il y avait des damiers partout et
4 ils ont demandé la voiture. Ils savaient que nous en avions une. Ils
5 savaient tout. Tout se savait.
6 Mon mari est sorti, il a pris la voiture et, nous, nous entendions tout
7 ce qui se passait. Mon fils s'est mis à pleurer et nous lui avons dit : peu
8 importe, mon fils, nous allons en acheter une autre. Certains sont montés
9 dans la voiture. Ils étaient venus dans une Golf et donc on a emporté notre
10 Golf et eux-mêmes avaient une autre voiture, et ils sont tous partis.
11 M. le Président. - Tout ceci a été dit. Elle a reconnu les uniformes. Si
12 ceci est contesté par la défense, on y reviendra. Nous n'allons pas
13 recommencer le témoignage. Essayez d'aller sur les points qui n'ont pas été
14 précisés à nos yeux. Je vous signale que nous avons déjà entendu les points
15 sur la Golf, l'enfant qui pleurait.
16 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que l'on place la pièce 212 sur
17 le rétroprojecteur, s'il vous plaît.
18 Je vais vous poser quelques questions à propos des événements relatifs
19 au moment où le HVO a enlevé votre mari de la maison et l'a emmené au camp.
20 C'est une pièce que vous avez vue hier. Permettez-moi de vous poser
21 quelques questions à ce sujet.
22 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
23 M. Harmon (interprétation). - Il y a un cercle portant le N° 3 sur cette
24 pièce. Permettez-moi de vous demander si c'est un endroit que vous pouvez
25 voir depuis votre maison qui est encerclée par le N° 1.
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1 Mme Sahman (interprétation). - Oui, nous voyons cet endroit de la
2 maison.
3 M. Harmon (interprétation). - Pendant que votre mari se trouvait
4 emprisonné au camp de Kaonik, pouviez-vous voir, dans la région du n° 3,
5 des gens qui creusaient des tranchées ?
6
7 Mme Sahman (interprétation). - Oui, j'ai vu qu'ils faisaient
8 quelque chose et quand il a dit : "Voilà, nous avons dû creuser des
9 tranchées..."
10 M. Harmon (interprétation) - En fait, il a été escorté par un
11 soldat à votre maison ? Pendant qu'il était sous garde, c'est bien cela ?
12 Mme Sahman (interprétation). - Oui, il est venu, il a mis les
13 mains dans le dos avec quelqu'un qui était en uniforme de camouflage avec
14 un damier et les insignes du HVO, et il est revenu à la maison. Nous, nous
15 ne savions rien. On ne savait pas ce qu'il voulait. Tout ce qu'il a dit,
16 c'est qu'il n'allait pas bien et qu'il devait travailler voilà.
17 M. Harmon (interprétation) - Madame Sahman, vous voyez qu'il y a
18 une route qui va depuis Busovaca, le carrefour de Busovaca T, jusqu'au
19 cercle n 3 et qui se dirige ensuite ailleurs. Vous voyez cette route ?
20 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
21 M. Harmon (interprétation) - Est-ce, là, la route qui conduit vers
22 Busovaca et Kiseljak ?
23 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation) - Si vous deviez vous rendre de ce
25 village de Vitez, vous prendriez la route indiquée, ici, en bas, dans le
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1 coin droit, jusqu'au carrefour Busovaca T, vous tourneriez à droite, vous
2 passeriez devant ce qui figure au n° 3 et, ensuite, vous iriez dans la
3 direction de Busovaca et Kiseljak, est-ce juste ?
4 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'est bien cela.
5 M. Harmon (interprétation) - Bien. Votre mari a fini par être
6 relâché le 8 février 1993 du camp de Kaonik ?
7 Mme Sahman (interprétation). - Oui, il a été relâché.
8 M. Harmon (interprétation) - Pourrais-je avoir la pièce 214.
9 J'aimerais qu'on la place sur le rétroprojecteur. Madame Sahman, je vais
10 vous demander de bien vouloir
11
12 identifier ce que représente la pièce 214.
13 Pourriez-vous identifier la pièce 214 et dire à Messieurs les
14 Juges ce qu'elle est ?
15 Mme Sahman (interprétation). - Oui, je reconnais, il s'agit là
16 d'un certificat du relâchement de mon mari daté du 8 février 1993, lorsque
17 mon mari a été relâché. On dit qu'il a été placé sous protection mais, en
18 fait, pas du tout. Après, cela a été complètement autrement.
19 M. Harmon (interprétation) - Permettez-moi d'attirer votre
20 attention sur les événements qui ce que sont produits après l'assassinat de
21 votre mari. Vous avez dit qu'après l'assassinat de votre mari, vous êtes
22 allée voir un homme du nom de Maric. M. Maric faisait-il partie du HVO et,
23 si oui, dans qu'elle partie du HVO était-il ?
24 Mme Sahman (interprétation). - Oui, il était au HVO. Il était dans
25 la police. Il avait une ceinture blanche et, effectivement, il y avait
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1 aussi Maric, et ces deux-là étaient très forts. Enfin, on les a vus
2 plusieurs fois.
3 M. Harmon (interprétation) - Vous avez donc parlé à M. Maric des
4 événements qui s'étaient produits.
5 Mme Sahman (interprétation). - Oui, je suis venu et j'ai dit :
6 "J'ai besoin de protection". Je leur ai demandé protection. Et j'ai dit :
7 "La maison sera certainement pillée, détruite, regardez ce qui a été fait"
8 . Tandis que lui savait ce qui s'était passé, tout le monde le savait. Tout
9 le monde savait ce qui s'était passé. "On ne peut rien te donner, rien te
10 faire. On peut seulement t'autoriser à rester ici assise. Personne ne te
11 touchera".
12 Lui, après, il n'a rien dit. Je suis sortie. Je me suis dit que je
13 n'avais plus de choix et je suis rentrée à la maison.
14 M. Harmon (interprétation) - Madame Sahman, je vais vous montrer
15 maintenant deux photos dont nous avons déjà eu l'occasion de parler avant
16 devenir devant
17
18 le Tribunal. Vous m'avez dit que vous vous sentiez suffisamment forte pour
19 identifier les personnes figurant sur ces photos ? Est-ce bien correcte ?
20 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'est bien cela.
21 M. Harmon (interprétation) - Vous voulez donc que l'on montre ces
22 photographies au Tribunal, c'est bien cela ?
23 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
24 M. Harmon (interprétation) - Si je pouvais avoir, pour commencer,
25 la pièce 215... J'aimerais qu'on la place sur le rétroprojecteur, s'il vous
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1 plaît.
2 Madame Sahman, pouvez-vous identifier la personne indiquée par la
3 flèche ?
4 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'est mon mari.
5 M. Harmon (interprétation) - Merci. Madame Sahman, vous avez
6 également dit que vous aviez eu des membres de votre famille qui ont été
7 tués le 16 avril 1996, dans le village d'Ahmici. C'est bien cela ?
8 Mme Sahman (interprétation). - Oui, effectivement, ils ont été
9 tués.
10 M. Harmon (interprétation) - J'aimerais que l'on place sur le
11 rétroprojecteur la pièce 110/2 et je vais demander à Mme Sahman de bien
12 vouloir identifier les personnes votre famille qui ont été tuées le
13 16 avril.
14 Commençons par la photo du haut. Pourrions-nous avoir la photo du
15 haut, nette, s'il vous plaît ?
16 Mme Sahman (interprétation). - C'est mon père, Rametli*.
17 M. Harmon (interprétation) - Pourrait-on montrer les trois
18 portraits suivants ? Qui sont les trois hommes indiqués ici ?
19 Mme Sahman (interprétation). - Mon frère Nazif*, mon frère, Rasim,
20 qui est né en 1964 et mon frère, Asim né en 1954, mon premier frère étant
21 né en 1950.
22 M. Harmon (interprétation) - Toutes ces personnes ont perdu la vie
23 le 16 avril 1993 à Ahmici.
24 Mme Sahman (interprétation). - Oui et nous avons un autre un
25 cousin qui, lui, était en huitième. Lui aussi a également été tué par le
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1 HVO.
2 M. Harmon (interprétation) - Merci. J'ai une toute dernière
3 question à vous poser. Pouvez-vous dire à l'intention de Messieurs les
4 Juges pourquoi vous avez fui à Zenica ?
5 Mme Sahman (interprétation). - J'ai fui le HVO puisque je n'avais
6 plus personne de vivant autour de moi. Nous étions terrorisés, nous avons
7 supporté jusqu'à la dernière minute et, pour finir, j'ai tout laissé et je
8 suis parti à Zenica.
9 M. Harmon (interprétation) - Je vous remercie, madame Sahman de
10 votre témoignage.
11 Monsieur le Président, j'aimerais que l'on verse au dossier les
12 pièces 212 à 215, s'il vous plaît.
13 M. le Président. - Il n'y a pas d'observation. Donc nous versons
14 ces pièces au dossier. Merci.
15 Madame Sahman, comme certainement le Procureur a dû vous le dire,
16 il convient maintenant que vous receviez les questions des défenseurs de
17 l'accusé, c'est-à-dire du général Blaskic. Je pense que c'est
18 Maître Nobilo.
19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
20 Bonjour, Madame Sahman.
21 Mme Sahman (interprétation). - Bonjour.
22 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que votre mari
23 n'avait jamais possédé de sniper et qu'il n'avait qu'un fusil de chasse.
24 Madame Sahman, vous souvenez-vous que l'organisation qui s'appelait A.I.D a
25 effectué, le 10 mai, une déclaration. Vous souvenez-vous que vous leur avez
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1 donné une déclaration relative aux événements que vous nous avez relatés
2 hier ?
3 Mme Sahman (interprétation). - Peut-être.
4 M. Nobilo (interprétation). - Que signifie « peut-être » ?
5 Mme Sahman (interprétation). - J'ai fait une déclaration.
6 M. le Président. - Pouvez-vous préciser la question ? En ce qui me
7 concerne, je n'ai pas très bien compris votre question. Pouvez-vous la
8 préciser ?
9 M. Nobilo (interprétation). - J'ai posé la question suivante à
10 Madame Sahman : est-ce que le 10 mai 1993, sur les mêmes événements dont
11 elle nous a parlé ici devant le Tribunal, a-t-elle fait une déclaration à
12 une organisation qui s'appelle A.I.D et qui est le service secret de
13 Bosnie-Herzégovine ? Madame Sahman, avez-vous donné cette déclaration ?
14 Mme Sahman (interprétation). - Je ne sais pas de quelle
15 organisation il s'agissait. Nous avons fait une déclaration à quelqu’un,
16 mais je ne sais pas exactement à qui.
17 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous lire une partie de
18 cette déclaration, puis je vais vous montrer votre signature que vous
19 reconnaîtrez.
20 Mme Sahman (interprétation). - Possible.
21 M. Nobilo (interprétation). - Si vous pouvez vous en souvenir,
22 vous le confirmerez, sinon non. Vous avez dit, je cite : « mon mari, Fadil,
23 était membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il avait sur lui des armes
24 et des fusils de chasse et, à l'armée, il a reçu un fusil sniper » Avez-
25 vous déclaré cela ?
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1 Mme Sahman (interprétation). - Il avait un fusil de chasse. Avant,
2 nous avions un permis, une preuve pour cela. Depuis 8 ou 9 ans, je ne sais
3 pas exactement. A l'armée, je ne sais pas ce qu'il a reçu. Il est allé une
4 fois sur le front, contre les Chetniks, à
5
6 Turbe. Je ne sais pas ce qu’il lui a été donné. Alors, moi, j'ai parlé des
7 fusils sniper et j’ai dit non. Mais je ne sais pas, en fait, parce que nous
8 n'avons jamais rien vu. Et lui non plus n'a pas...
9 M. Nobilo (interprétation). - Je prierai l'huissier de bien
10 vouloir remettre l'exemplaire de cette déclaration à Madame Sahman, pour
11 qu'elle confirme que la signature est bien la sienne.
12 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'est bien ma signature.
13 M. Nobilo (interprétation). - Je demande le versement au dossier
14 de ce document et, pendant la pause, il pourra être photocopié en plusieurs
15 exemplaires. S'agissant de la source, je dirai que nous l'avons reçu du
16 bureau du Procureur.
17 M. Harmon (interprétation). - Pas d'objection,
18 Monsieur le Président.
19 M. Nobilo (interprétation). - Madame Sahman, à quelle distance, en
20 mètres, votre maison se trouvait-elle du barrage routier ?
21 Mme Sahman (interprétation). - Je ne sais pas, je n'ai pas mesuré.
22 Je ne sais pas.
23 M. Nobilo (interprétation). - Approximativement...
24 Mme Sahman (interprétation). - Je ne sais pas. Pas loin, mais je
25 ne sais pas exactement.
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1 M. Nobilo (interprétation). - A quelle distance se trouve-t-elle,
2 à peu près, du carrefour qui mène à Busovaca ?
3 Mme Sahman (interprétation). - Elle n'est pas loin non plus de ce
4 carrefour, tout cela est très près.
5 M. Nobilo (interprétation). - Quand les membres de la police
6 militaire sont venus chercher ces fusils, se sont-ils comportés
7 correctement ?
8 Mme Sahman (interprétation). - Ils ont sonné à la porte. Mon mari
9 a
10
11 demandé : « Qui est là ? » La réponse a été : « Police du HVO ! » Nous
12 avons ouvert, ou plutôt lui a ouvert. Moi, je n'ai pas ouvert. Ils lui ont
13 mis le canon sur la poitrine et ont dit : « Les armes ! » Il a dit : « Mais
14 quelles armes ? » Ils ont dit : « Les armes ! » Il a dit : « Ce que j'ai,
15 cela m'appartient depuis déjà longtemps. Je n'ai rien d'autre. ». Ils ont
16 dit : « Il nous faut aussi le reste ». Il lui tenait sans cesse le revolver
17 contre la poitrine et l'autre lui disait : « Mais allume-le ! Pourquoi tu
18 t’ennuies avec lui ? ». C'était déjà suffisamment effrayant. Il a demandé
19 qu'un document lui soit donné par écrit. Ils ont refusé et ont dit : « Dis-
20 leur simplement que c'est Miro de Kacuni qui a pris les fusils. »
21 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord avec mon
22 allégation, selon laquelle Ivica Andrijasevic était le commandant du HVO
23 pour le village de Jelinak ?
24 Mme Sahman (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Il y
25 avait différentes organisations, différentes structures, mais je ne les
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1 connais pas exactement.
2 M. Nobilo (interprétation). - Un peu plus tôt dans votre
3 déclaration, dans votre déposition, vous avez dit que Ivica Andrijasevic
4 était commandant du HVO, responsable du village de Jelinak.
5 Mme Sahman (interprétation). - Parce que mon mari lui a parlé.
6 L'autre a répondu : « Ne t'inquiète pas, personne ne te fera le moindre
7 mal, parce que c'est une personne qui a une position importante. » Quelque
8 chose de ce genre là.
9 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré au Procureur que
10 vous n'osiez pas aller voir votre mari qui creusait les tranchées, dans la
11 maison de Vlatko. Ma question est la suivante : pourquoi aviez-vous peur ?
12 Mme Sahman (interprétation). - Comment aurait-on osé marcher dans
13 cette direction, où il n'y avait personne ? Il n'y avait que les gens du
14 HVO en uniforme. J'avais peur, je n'osais pas, je n'avais pas le courage.
15 M. Nobilo (interprétation). - Que se passait-il ? Des coups de feu
16 étaient-ils
17
18 tirés ?
19 Mme Sahman (interprétation). - Avant, il y avait eu des coups de
20 feu et il n'y avait plus personne qui vivait dans le coin. Il n'y avait
21 plus âme qui vive, à part eux. Bien sûr, on avait peur !
22 M. Nobilo (interprétation). - Combien de jours votre mari est-il
23 resté à Kaonik ?
24 Mme Sahman (interprétation). - Dans le camp, quatre nuits. Nous
25 les avons comptées.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Pendant les événements survenus dans
2 le village de Strane, est-ce que le village est resté intact à la fin de
3 ces événements ?
4 Mme Sahman (interprétation). - Tous les hommes ont été emmenés
5 dans le camp de Kaonik. Tous les matins, il en arrivait dans le camp du
6 village de Strane, dans le camp de Kaonik.
7 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demanderai de confirmer, ou
8 d’infirmer si ce n'est pas exact. Vous avez dit que Maric était au
9 commissariat de police.
10 Mme Sahman (interprétation). - C'était le dispensaire avant, notre
11 dispensaire. Mais, depuis la maison, j'ai vu qu'ils étaient assis là, et
12 qu'ils circulaient souvent dans le coin. Moi, je voyais sans cesse des gens
13 qui entraient, qui sortaient. Je me suis dit : « il y a peut-être quelqu'un
14 que je connais, là. » C'est là que je l'ai trouvé et que je lui ai demandé
15 de m'aider. Mais lui...
16 M. Nobilo (interprétation). - A-t-il mené une enquête sur le lieu
17 où votre mari a été tué, au sujet des événements ?
18 Mme Sahman (interprétation). - Non. Non, personne ne l'a fait.
19 Rien.
20 M. Nobilo (interprétation). - Lui avez-vous demandé l'autorisation
21 de sortir de Busovaca ? Il ne vous l'a pas permis ?
22
23 Mme Sahman (interprétation). - Mais où aurait-on pu aller ? Nous
24 ne savions pas où aller.
25 M. Nobilo (interprétation). - Mais lui avez-vous demandé
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1 l'autorisation de sortir de Busovaca ?
2 Mme Sahman (interprétation). - Je ne lui ai pas demandé. Je ne
3 savais pas à qui demander.
4 M. Nobilo (interprétation). - Je prierai M. le greffier de me
5 remettre quelques instants la déclaration du témoin que nous avons versée
6 au dossier, il y a quelques minutes.
7 Non merci, ce n'est pas la peine.
8 Dans cette même déclaration, Madame Sahman, vous avez déclaré :
9 « Ils ne nous ont pas permis de déménager. »
10 Mme Sahman (interprétation). - Mais nous savions pas à qui
11 demander l'autorisation et nous ne l'avons pas fait. Je ne sais pas cela.
12 M. Nobilo (interprétation). - Donc, ce que vous avez dit dans
13 votre première déclaration était inexact ?
14 Mme Sahman (interprétation). - Il n'y avait rien à décider. En
15 fait, on décidait tous seuls, et comme cela.
16 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande si ce qui figure par
17 écrit dans votre première déclaration donnée à l’A.I.D. est exact ou pas.
18 Mme Sahman (interprétation). - Est-ce que nous avons demandé
19 l'autorisation ?
20 M. Nobilo (interprétation). - Oui. Avez-vous demandé
21 l'autorisation ? Vous ont-ils interdit de quitter Busovaca ?
22 Mme Sahman (interprétation). - Non, nous n'avons pas demandé, non.
23
24 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous déclaré le vol de votre
25 automobile, téléviseur, etc., à la police ?
Page 5900
1 Mme Sahman (interprétation). - Mais à qui, à qui ? Non, nous ne
2 l’avons pas fait.
3 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je
4 n'ai pas d'autres questions.
5 M. le Président. - M. le Procureur, avez-vous des questions
6 complémentaires ?
7 M. Harmon (interprétation). - Quelques questions, monsieur le
8 Président.
9 Madame Sahman, je vous ai demandé, dans l'interrogatoire
10 principal, si vous aviez jamais vu un fusil sniper dans votre maison et
11 vous avez répondu non.
12 Mme Sahman (interprétation). - Non, non.
13 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais vous poser une autre
14 question. Y avait-il un barrage du HVO près de votre maison ? C'est
15 d'ailleurs la question que vient de vous poser Me Nobilo.
16 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
17 M. Harmon (interprétation). - En venant de la ligne de front de
18 Turbe, si vous le savez, y avait-il un autre barrage du HVO sur la route
19 menant de Novi Travnik au carrefour en T de Busovaca ?
20 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'est là au carrefour qu'il y
21 avait un barrage.
22 M. Harmon (interprétation). - Si votre mari venait de Turbe avec
23 un fusil sniper, aurait-il dû passer le barrage du HVO qui se trouvait près
24 de votre maison ?
25 Mme Sahman (interprétation). - Oui, il y serait passé.
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1 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question.
2
3 M. le Président. - Merci. Je me tourne vers le juge Shahabuddeen.
4 M. Riad n'a pas de question.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Madame le témoin, j'ai une ou
6 deux questions à vous poser.
7 Mme Sahman (interprétation). - Oui.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Certaines personnes sont
9 venues chez vous pour vous demander si vous aviez un fusil sniper. Alors,
10 j'ai encore un doute à l'esprit à ce sujet. Vouliez-vous dire qu'ils vous
11 ont demandé si vous possédiez un fusil sniper ou si vous aviez une personne
12 qui utilisait un fusil sniper ? Quel était le sens exact de la question qui
13 vous a été posée ?
14 Mme Sahman (interprétation). - Ils nous ont posé la question au
15 sujet du sniper, si nous avions un sniper. Nous avons répondu que nous n'en
16 avions pas et nous n'en avions jamais eu, qu'ils pouvaient poser la
17 question aux voisins croates avec qui mon mari allait à la chasse. Ils ont
18 répondu : cela n'a pas d'importance. Mais plus tard, nous avons entendu que
19 certains racontaient que nous avions un fusil sniper qui tirait derrière
20 notre maison. C'est à ce moment-là que mon mari est allé avec Andrijasevic
21 regarder aux alentours. Il a dit que c'était un coup monté et il est revenu
22 à la maison.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Dois-je comprendre que vous
24 êtes en train de nous dire qu'ils vous demandaient si vous aviez un fusil
25 sniper dans votre maison ?
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1 Mme Sahman (interprétation). - Non, ce qu'ils cherchaient quand
2 ils sont venus à la maison, c'était un sniper.
3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, vous êtes d'accord, nous
4 nous sommes bien compris. Toutes les armes qui se trouvaient dans votre
5 maison ont donc été remises à un policier du HVO et, en particulier, à un
6 homme de Kacuni qui s'appelait Miro, est-ce bien cela ?
7
8 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'est exact.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Après la restitution de toutes
10 ces armes, les membres du HVO sont-ils encore revenus chez vous pour vous
11 demander un sniper ?
12 Mme Sahman (interprétation). - Oui, c'était toujours le premier
13 mot qu'ils prononçaient : donne-nous ce sniper, pourquoi refuses-tu de le
14 rendre, mais je ne l'ai pas. Cela continuait ainsi.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Très bien. J'aimerais demander
16 au greffier de bien vouloir vous montrer la pièce à conviction 203. Il y a
17 sans doute, sur cette pièce, quelque chose que vous pouvez m'aider à mieux
18 comprendre. Monsieur l'huissier, pouvez-vous mettre en route le
19 rétroprojecteur ?
20 (Mise en route du rétroprojecteur.)
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous demanderai de regarder
22 la partie inférieure gauche de ce document. La voyez-vous ? C'est la ligne
23 qui commence par le mot "calibre" et, à côté de ce mot, il y a quelque
24 chose d'inscrit, je ne sais pas ce que cela veut dire.
25 Mme Sahman (interprétation). - Il est écrit "carabine de chasse".
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Non, vous voyez la ligne qui
2 commence par le mot "calibre", la troisième ligne à partir du bas, la
3 partie inférieure gauche.
4 Mme Sahman (interprétation). - Là où il est écrit sniper, c'est
5 cela ?
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui. Ce mot se rapporte-t-il à
7 la même chose que le sniper dont il vient d'être question ou ce mot
8 signifie-t-il quelque chose d'autre ?
9 Mme Sahman (interprétation). - S'il avait un sniper, il y aurait
10 un tampon sur cette carte parce que vous voyez qu'ils ont tout inscrit,
11 d'abord fusil de chasse, ensuite carabine et ensuite, on pouvait choisir de
12 le prendre, mais nous ne l'avions pas. Nous
13
14 avons choisi de ne pas le prendre.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, ce qu'il convient de
16 comprendre, c'est que cette ligne sur laquelle on voit une barre oblique
17 signifie qu'il n'y a pas de sniper, est-ce bien ce que cela veut dire ?
18 Mme Sahman (interprétation). - C'est bien ce que cela veut dire
19 puisqu'il n'y a pas de tampon.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois, je vous comprends
21 mieux maintenant. Merci beaucoup.
22 M. le Président. - Madame Shaman, votre déposition est terminée.
23 Les juges vous remercient. Vous avez été très courageuse de répéter ces
24 événements tragiques dans votre existence. Vous allez pouvoir maintenant
25 rentrer chez vous. La division de protection des témoins va s'occuper de
Page 5904
1 vous. Alors comment voulez-vous que nous procédions, monsieur le greffier ?
2 Peut-être faut-il baisser les rideaux. Le témoin peut être accompagné tel
3 quel.
4 Mme Sahman (interprétation). - Merci.
5 M. le Greffier. - Nous devons baisser les rideaux pour permettre
6 au témoin de quitter la salle.
7 M. le Président. - Ne bougez pas et restez assise pour que votre
8 protection soit assurée totalement.
9 Mme Sahman (interprétation). - Oui, merci.
10 (Les rideaux sont baissés et le témoin sort de la salle.)
11 M. le Président. - M. Kehoe...
12 M. Kehoe (interprétation). - Oui, monsieur le Président, bonjour.
13 Bonjour à mes collègues de la partie adverse. Nous allons passer maintenant
14 à l'audition d'un autre témoin qui est également un témoin protégé. La
15 lettre qui sera utilisée pour le désigner est
16
17 la lettre U.
18 Maintenant, pour établir les fondements qui permettent de relier
19 cette personne à l'acte d'accusation, je dirai les choses suivantes. Je
20 voudrais revenir sur le point particulier de la protection de ce témoin U.
21 Le témoin U a demandé cette protection avant le début de l'audience. Nous
22 nous sommes mis d'accord avec la défense sur l'utilisation d'un pseudonyme
23 et la déformation de l'image du visage et du corps.
24 Comme vous l'avez entendu hier, monsieur le président, de la
25 bouche du témoin T, un certain nombre de détenus du camp de Kaonik ont
Page 5905
1 creusé des tranchées et ont subi des passages à tabac à partir de la fin de
2 janvier 1993 et ce, approximativement, jusqu'au 7 ou 8 février 1993.
3 Cela a concerné également le témoin U. Le témoin U a d'abord
4 participé au creusement des tranchées et, ensuite, a subi des coups. Sans
5 répéter ce qu'a déjà dit le témoin T, le témoin U vous parlera de ce qui
6 s'est passé concrètement parce qu'il n'a pas été seulement incarcéré,
7 enfermé dans le camp de Kaonik à partir du 30 janvier 1993, mais il a
8 également été emmené dans quatre lieux différents aux alentours de la
9 région de Busovaca/Kaonik où il a été contraint de creuser des tranchées
10 sous l'oeil vigilant des soldats du HVO commandés par l'accusé.
11 Il témoignera également des passages à tabac qui ont eu lieu en
12 ces lieux et, comme le témoin T vous l'a dit précédemment, il a souvent été
13 question de personnes qui ont subi des coups pendant qu'elles creusaient
14 des tranchées. Le témoin U, pour sa part, dira que, pendant la nuit, il
15 entendait les cris de ces personnes qui subissaient les coups.
16 Il parlera également dans sa déposition de la remise en liberté et
17 parlera du choix qui lui a été donné au moment de sa remise en liberté
18 quant au lieu où il pouvait se rendre à partir de la prison de Kaonik. Il a
19 eu le choix entre Zenica, Kacuni et Busovaca.
20 Mais le HVO lui a déclaré d'emblée que, s'il choisissait de se
21 rendre à
22
23 Busovaca, aucune garantie de sécurité ne pouvait lui être accordée.
24 Il a donc décidé, bien sûr, dans ces conditions d'aller à Zenica.
25 Il dira, ensuite, qu'il est allé dans le village où il réside actuellement
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1 mais sa famille, son père, sa mère, son grand-père, son frère, son cousin
2 sont restés dans la région de Busovaca.
3 En avril 1993, le 26 avril 1993, son père, un invalide, son grand-
4 père, son frère et son cousin ont été exécutés par un membre du HVO dénommé
5 Zoran Maric, également connu sous le nom de ce "Svabo". Sa mère a été
6 blessée. Par la suite, sa mère a été emmenée à Travnik.
7 S'agissant des chefs d'accusations qui sont reliés à ce témoignage
8 dans l'acte d'accusation, ils commencent bien entendu par les persécutions
9 infligées à la population musulmane, car ce témoin vous dira que pendant le
10 temps qu'il a passé dans le camp de Kaonik, c'est-à-dire entre la fin
11 janvier et le 8 février à peu près, 400 Musulmans environ ont été
12 incarcérés en ce lieu et emmenés creuser des tranchées, ce qui constitue un
13 travail forcé qui s'ajoutait aux coups subis par les détenus.
14 Les chefs d'accusation concernés sont également, bien sûr, les
15 traitements inhumains infligés à des civils que l'on voit au
16 paragraphe 6/2, 6/4 et 6/5 de l'acte d'accusation.
17 S'agissant des chefs particuliers, cette déposition portera sur
18 les chefs 5 à 10, homicides intentionnels de civils. Cette déposition
19 portera également sur les traitements inhumains infligés à des otages que
20 l'on trouve stipulés dans les chefs 15 à 20. Et je vous demanderai
21 Monsieur le Président, de vous concentrer sur le paragraphe 12 des chefs
22 d'accusation 15 à 20. Vous y verrez que le camp de Kaonik figure en
23 deuxième place dans la liste des lieux où ces personnes étaient détenues.
24 Et les chefs 13, 14, etc -en particulier les chefs 13 et 14- montrent bien
25 la façon dont cette personne a été traitée en contravention à la loi.
Page 5907
1
2 Les faits évoqués viendront donc à l'appui des chefs 15 à 20.
3 Voilà donc quelle sera la teneur générale de la déposition que
4 nous entendrons de la bouche de ce témoin qui nous parlera des événements
5 de Busovaca et de la suite de ces événements à partir de janvier 1993
6 M. le Président - Merci Monsieur le Procureur. Le débat est clair
7 maintenant. Monsieur le greffier, on peut le faire entrer, l'audience sera
8 publique. On remontrera les rideaux après qu'il ait prêté serment.
9 M. Kehoe (interprétation). - Une question préliminaire, si vous me
10 le permettez. Une pièce à conviction pourrait être discutée à présent. Il
11 s'agit d'une pièce qui n'a pas encore été versée au dossier. C'est une
12 carte de la région de Busovaca, j'en ai un exemplaire pour les conseils de
13 la défense. M. Dubuisson en a des exemplaires devant lui.
14 Cette pièce à conviction, je crois que c'est la pièce 216, n'est-
15 ce pas Monsieur Dubuisson ?
16 M. Dubuisson. - Oui.
17 M. Kehoe (interprétation). - Et une pièce à conviction entrant
18 dans le cadre de l'article 70 du règlement, fournie par le Royaume-Uni et
19 remise également au conseil de la défense préalablement en vertu de
20 l'article 70. Monsieur le Président, nous demandons le versement au dossier
21 de cette pièce à conviction n° 216.
22 M. Hayman (interprétation). - Pas d'autres commentaires sur cette
23 photo aérienne en dehors des commentaires généraux que nous avons déjà
24 formulés au sujet de toutes les photos aériennes Monsieur le Président.
25 M. le Président - On avait réservé la décision, me semble-t-il.
Page 5908
1 Pour l'instant, le Tribunal décidera le moment venu. Pour l'instant, nous
2 l'admettons. Simplement nous en discutons quand même. Il faut se rendre
3 bien compte que, quelle que soit la décision que prendra le Tribunal, on
4 est bien obligé de discuter sur cette pièce.
5 Je voudrais que l'on en soit bien conscient. On peut faire entrer
6 le témoin.
7
8 (Le témoin est introduit dans la salle.)
9 M. le Président. - M'entendez-vous, témoin U ?
10 Témoin U (interprétation). - Oui.
11 M. le Président. - Vous allez d'abord identifier votre nom sans le
12 prononcer sur la feuille que va vous montrer M. le greffier, pour bien
13 préciser votre identité. Mais vous ne prononcez pas votre nom. Vous allez
14 également rester assis pour faire votre déclaration qui est votre
15 prestation de serment. Vous pouvez y aller. Lisez.
16 Témoin U (interprétation). - Je déclare solennellement que je
17 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 M. le Président. - Merci. Nous allons vous appeler témoin U
19 puisque vous êtes sous les mesures de protection prises par le Tribunal, en
20 plein accord avec le Procureur et la défense. Après quelques questions
21 préliminaires que vous posera le Procureur puisque vous êtes cité par ce
22 dernier dans le procès contre le général Blaskic, l'accusé ici présent,
23 vous allez s'il vous plaît quand vous ferez votre déposition concentrer
24 l'attention des juges sur, premièrement, le creusement des tranchées et vos
25 conditions de détention dans les différents lieux où vous avez été détenu,
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1 deuxièmement les conditions de votre mise en liberté et, troisièmement, les
2 conditions dans lesquelles les membres de votre famille ont été assassinés.
3 Voilà, monsieur le Procureur, le débat est ainsi circonscrit. C'est à vous
4 de poser quelques questions préliminaires avant de laisser s'exprimer le
5 témoin.
6 M. Kehoe (interprétation). - Oui, monsieur le Président, merci.
7 Bonjour témoin U.
8 Témoin U (interprétation). - Bonjour.
9 M. Kehoe (interprétation). - Témoin U, quel âge avez-vous ?
10 Témoin U (interprétation). - 26 ans.
11
12 M. Kehoe (interprétation). - Etes-vous de religion musulmane ?
13 Témoin U (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Avant le 30 janvier 1993, viviez-vous
15 dans le village de Busovaca ?
16 Témoin U (interprétation). - Oui.
17 M. Kehoe (interprétation). - Viviez-vous dans le village de
18 Busovaca avec votre père, votre mère, votre grand-père, des cousins et
19 d'autres membres de votre famille ?
20 Témoin U (interprétation). - Oui.
21 M. Kehoe (interprétation). - Les combats ont commencé en Bosnie en
22 avril 1992 et ensuite, vous avez rejoint les rangs de la défense
23 territoriale et vous vous êtes battus sur les lignes de front.
24 Témoin U (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - Où vous êtes-vous battu ?
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1 Témoin U (interprétation). - A Visoko.
2 M. Kehoe (interprétation). - Combien de fois vous êtes-vous rendu
3 sur la ligne de front ?
4 Témoin U (interprétation). - Une fois.
5 M. Kehoe (interprétation). - Y êtes-vous retourné après cette
6 fois ?
7 Témoin U (interprétation). - Non.
8 M. Kehoe (interprétation). - Quand était-ce ?
9 Témoin U (interprétation). - Je pense que c'était au mois de
10 juillet 1992.
11 M. Kehoe (interprétation). - Témoin U, les combats ont-ils
12 commencé le 25 janvier 1993 à Busovaca ?
13 Témoin U (interprétation). - Oui.
14
15 M. Kehoe (interprétation). - Où vous trouviez-vous à ce moment-
16 là ?
17 Témoin U (interprétation). - Le 25 janvier 1993, je me trouvais
18 chez moi, avec ma famille et mes voisins.
19 M. Kehoe (interprétation). - Que faisiez-vous ?
20 Témoin U (interprétation). - Nous nous étions abrités.
21 M. Kehoe (interprétation). - Etiez-vous engagé dans les combats
22 contre le HVO le 25 janvier 1993 ?
23 Témoin U (interprétation). - Non.
24 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais appeler votre attention
25 sur le 30 janvier 1993. Les soldats du HVO sont-ils venus dans votre région
Page 5911
1 qui est à 2 kilomètres du centre de Busovaca, je crois ?
2 Témoin U (interprétation). - Oui, ils sont venus en effet entre
3 8 heures et 10 heures.
4 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous raconter, témoin U, à
5 l'intention des juges ce qui s'est passé, comment ils sont venus, comment
6 ils se sont emparés de vous et ce qui vous est arrivé ?
7 Témoin U (interprétation). - Le 30 janvier, vers midi, ils sont
8 venus à huit ou dix. Ils portaient des uniformes de camouflage et ils m'ont
9 demandé un fusil automatique puisqu'ils savaient que j'étais un membre de
10 la défense territoriale, mais je n'en avais pas. Les armes se trouvaient
11 sur la ligne de front.
12 C'est donc à ce moment-là qu'ils nous ont demandés si nous en
13 avions d'autres. Ensuite, ils nous ont mis en ligne. Nous étions dix-huit,
14 devant la maison et ils nous ont emmenés au centre de Busovaca. Puis, ils
15 nous ont entassés dans un minibus, dans la direction de Kaonik, ce après
16 une fouille devant le centre forestier.
17 On nous a emmenés et on nous a tous mis dans une seule cellule où
18 il y avait
19
20 déjà deux personnes. Ensuite, ils ont commencé à nous faire sortir, à nous
21 appeler par nos noms et ils nous ont emmenés dans une autre pièce qui se
22 trouvait dans le même bâtiment. Ils ont demandé si nous avions des armes et
23 l'interrogatoire a duré chaque fois de dix à quinze minutes. Puis on nous a
24 répartis dans d'autres cellules. Parmi nous, ce jour-là, personne n'est
25 parti. Ce n'est que le lendemain que l'on a commencé à nous appeler.
Page 5912
1 On était une trentaine. On nous a chargés à bord d'un camion de
2 couleur jaune et on nous a envoyés dans la direction de Prosje. Là, on nous
3 a demandé de creuser des tranchées jusqu'à très tard dans la soirée. On ne
4 nous a pas donné de nourriture ni d'eau. Donc, dans la même journée au
5 camp, on était à Prosje et pendant les huit jours que l'on a passés au
6 camp, je me suis rendu dans plusieurs endroits, Kula, Kovacevac...
7 La dernière nuit, en revenant des environs de Kula, j'ai entendu
8 parler d'un meurtre en la personne de Jasmin Elezovic. C'est dans la
9 caserne que je l'ai appris. Le même jour, le matin vers 8 heures, un
10 autobus de la Croix-Rouge est venu pour procéder à l'échange. Je suis allé
11 dans la direction de Zenica.
12 M. Kehoe (interprétation). - Si vous me permettez, avant de passer
13 aux événements d'avril, j'aimerais continuer sur cette période du mois de
14 janvier. Cela permettrait d'accélérer les choses.
15 M. le Président. - Allez-y.
16 M. Kehoe (interprétation). - Témoin U, vous avez déclaré que le 30
17 janvier, les soldats sont venus dans votre village et ont arrêté dix-huit
18 hommes. Est-ce juste ?
19 Témoin U (interprétation). - Oui.
20 M. Kehoe (interprétation). - S'agissait-il de soldats du HVO ?
21 Témoin U (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré qu'ils portaient un
23 uniforme de camouflage. Portaient-ils des insignes ?
24
25 Témoin U (interprétation). - Oui, ils portaient l'emblème du HVO.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Les dix-huit hommes arrêtés étaient-
2 ils tous musulmans ?
3 Témoin U (interprétation). - Oui.
4 M. Kehoe (interprétation). - Parmi les soldats du HVO qui vous ont
5 arrêté ainsi que les dix-sept autres hommes, en avez-vous reconnu ?
6 Témoin U (interprétation). - Oui, deux.
7 M. Kehoe (interprétation) - Qui étaient-ils ?
8 Témoin U (interprétation). - Lastro Dario qui était mon ami d'école.
9 Nous sommes allés à l'école ensemble et Marinko Jevrsak.
10 M. Kehoe (interprétation) - Puis-je appeler votre attention sur la pièce
11 à conviction 217 ? J'aimerais qu'on ne la mette pas sur le rétroprojecteur
12 parce qu'elle indique sa résidence. J'aimerais donc qu'on en donne un
13 exemplaire à Messieurs les Juges et un exemplaire au témoin.
14 Témoin U, avez-vous déjà vu cette photo ?
15 Témoin U (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation) - Dans le n° 1, à droite, en haut, c'est votre
17 résidence ?
18 Témoin U (interprétation). - Oui.
19 M. Kehoe (interprétation) - Si vous suivez la ligne verte vers le 2,
20 est-ce le chemin que vous avez emprunté quand les soldats du HVO vous ont
21 pris avec dix-sept autres hommes au centre-ville ?
22 Témoin U (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation) - A quel moment de la journée s'est produite
24 l'arrestation ?
25 Témoin U (interprétation). - Au début de l'après-midi.
Page 5914
1 M. Kehoe (interprétation) - Il faisait donc complètement jour à
2 l'extérieur ? C'est
3
4 bien cela, n'est-ce pas ?
5 Témoin U (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez dit qu'on vous a emmené dans le
7 centre-ville après qu'on ait effectué une fouille sur vous. Est-ce à
8 l'endroit indiqué n° 2 sur la route principale ?
9 Témoin U (interprétation). - Oui.
10 M. Kehoe (interprétation) - Ensuite, avez-vous suivi cette ligne verte
11 jusqu'au camp de Kaonik en minibus ?
12 Témoin U (interprétation). - Oui.
13 M. Kehoe (interprétation) - Lorsque vous êtes arrivé au camp de Kaonik,
14 avez-vous vu des soldats du HVO qui gardaient l'entrée ?
15 Témoin U (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation) - S'agissait-il de policiers militaires ?
17 Témoin U (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation) - Comment le saviez-vous ?
19 Témoin U (interprétation). - Ils portaient l'emblème.
20 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez dit qu'une fois entré, on a
21 commencé à vous interroger sur l'endroit où se trouvaient les armes ?
22 Témoin U (interprétation). - Oui, on était dans les cellules.
23 M. Kehoe (interprétation) - Qui vous a interrogé ?
24 Témoin U (interprétation). - Zarko Petrovic et Krilic Marko.
25 M. Kehoe (interprétation) - Etaient-ils également des membres du HVO ?
Page 5915
1 Témoin U (interprétation). - Probablement, oui, ils étaient en uniforme
2 de camouflage.
3 M. Kehoe (interprétation) - Après les interrogatoires, vous nous avez
4 dit que vous
5
6 avez été mis en cellule. Pouvez-vous décrire les cellules à l'intention des
7 Juges et combien de personnes étaient avec vous ?
8 Témoin U (interprétation). - La cellule était de 3 mètres sur 2, je
9 crois.
10 M. Kehoe (interprétation) - La cellule était donc de 3 mètres sur 2 ?
11 Témoin U (interprétation). - Oui.
12 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce que tout le monde pouvait se coucher
13 pour dormir la nuit ?
14 Témoin U (interprétation). - Non.
15 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce qu'ils recevaient du pain, de l'eau
16 et des couvertures pour vous aider à supporter le temps de janvier ?
17 Témoin U (interprétation). - Non, on n'avait pas de couverture. On
18 recevait de l'eau et du pain.
19 M. Kehoe (interprétation) - Vous me corrigerez. Il y avait donc environ
20 vingt personnes dans cette cellule de 3 mètres sur 2 avec vous ?
21 Témoin U (interprétation). - Parfois il y avait quinze personnes,
22 parfois vingt personnes, parfois cela allait jusqu'à vingt-cinq dans une
23 seule cellule.
24 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez également dit qu'on vous sortait
25 pour creuser des tranchées. Vous avez mentionné plusieurs endroits.
Page 5916
1 J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la pièce 218 qui est un
2 extrait de la pièce 29. Je ne sais pas si vous voulez qu'on indique une
3 lettre particulière sur cette pièce ou bien que nous lui donnions un autre
4 chiffre.
5 M. Dubuisson. - Il s'agit du n° 218.
6 M. Kehoe (interprétation) - Nous pouvons placer la pièce sur le
7 rétroprojecteur. Vous avez déjà vu cette carte et ces emplacements puisque
8 nous avons parlé de tous ces emplacements ensemble, n'est-ce pas ?
9
10 Témoin U (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez indiqué, dans votre témoignage,
12 qu'on vous a fait creuser des tranchées le jour d'après votre arrivée.
13 Témoin U (interprétation). - Oui, c'est cela, le jour suivant.
14 M. Kehoe (interprétation) - Où était-ce ? Est-ce que vous pouvez prendre
15 le pointeur et nous indiquer l'endroit s'il vous plaît ? Quel est le
16 village ?
17 Témoin U (interprétation). - Milavice.
18 M. Kehoe (interprétation) - Que faisiez-vous là-bas ?
19 Témoin U (interprétation). - On préparait les munitions, on préparait
20 les garde-manger souterrains.
21 M. Kehoe (interprétation) - C'était une installation militaire que vous
22 creusiez ?
23 Témoin U (interprétation). - Oui, c'était une structure militaire.
24 M. Kehoe (interprétation) - Et qui vous gardait ?
25 Témoin U (interprétation). - Des soldats gardaient la ligne.
Page 5917
1 M. Kehoe (interprétation) - C'étaient des soldats du HVO ?
2 Témoin U (interprétation). - Oui.
3 M. Kehoe (interprétation) - Je crois que vous avez noté qu'à cet
4 emplacement... Vous nous avez dit que vous travailliez toute la journée
5 sans recevoir de nourriture. Est-ce juste ?
6 Témoin U (interprétation). - Nous ne recevions pas de nourriture.
7 M. Kehoe (interprétation) - En utilisant cette carte et le pointeur,
8 indiquez l'endroit suivant où vous avez creusé des tranchées.
9 Témoin U (interprétation). - Prosio*.
10 M. Kehoe (interprétation) - Pouvez-vous nous indiquer où c'était et ce
11 que vous faisiez là-bas ?
12
13 Témoin U (interprétation). - Nous faisions la même chose qu'à Milavice.
14 Nous installions des garde-manger souterrains et les recouvrions.
15 M. Kehoe (interprétation) - C'est donc une autre installation militaire
16 à laquelle vous travailliez ?
17 Témoin U (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation) - A ce moment-là, est-ce que vous avez eu une
19 visite de la Croix-Rouge ou d'autres membres qui étaient en prison à
20 Kaonik ? Y a-t-il eu d'autres visites ?
21 Témoin U (interprétation). - Je crois qu'effectivement ils sont venus le
22 deuxième ou troisième jour.
23 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce qu'on a sorti les gens pour les faire
24 creuser des tranchées ce jour-là ?
25 Témoin U (interprétation). - Non.
Page 5918
1 M. Kehoe (interprétation) - Et le soir, une fois que la Croix-Rouge
2 était partie ?
3 Témoin U (interprétation). - Oui, il y a eu des appels. Ils sont allés
4 quelque part.
5 M. Kehoe (interprétation) - Mais pas vous, c'est bien cela ?
6 Témoin U (interprétation). - Non.
7 M. Kehoe (interprétation) - Le jour suivant, après que la Croix-Rouge
8 soit venue, avez-vous continué à creuser des tranchées ?
9 Témoin U (interprétation). - Oui.
10 M. Kehoe (interprétation) - Vous vous souvenez où cela s'est passé ?
11 Témoin U (interprétation). - Je ne sais pas si c'est à Milavice ou à
12 Kovacevac.
13 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez dit Milavice, mais parfois vous
14 est-il arrivé de creuser des tranchées à Kovacevac ?
15 Témoin U (interprétation). - Oui.
16
17 M. Kehoe (interprétation) - Pouvez-vous nous indiquer cet emplacement
18 sur la carte ?
19 (Le témoin U indique l'endroit).
20 M. Kehoe (interprétation) - Que faisiez-vous à Kovacevac ?
21 Témoin U (interprétation). - Nous creusions également des abris
22 souterrains.
23 M. Kehoe (interprétation) - C'est une autre installation militaire ?
24 Témoin U (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation) - Etes-vous allé à Milavice à plus d'une
Page 5919
1 reprise ?
2 Témoin U (interprétation). - Deux fois.
3 M. Kehoe (interprétation) - Et Kovacevac ?
4 Témoin U (interprétation). - Une fois.
5 M. Kehoe (interprétation) - Quant à ces trois emplacements, vous avez
6 mentionné aussi un quatrième emplacement où on vous a envoyé creuser des
7 tranchées. C'est juste ?
8 Témoin U (interprétation). - Oui, Kula.
9 M. Kehoe (interprétation) - Sur la base de la pièce à conviction 218,
10 pouvez-vous indiquer où est Kula ?
11 (Le témoin montre l'emplacement.)
12 M. Kehoe (interprétation) - Dites, à l'intention des Juges, ce que
13 vous creusiez à Kula, combien d'hommes le faisaient et quelles étaient les
14 conditions des prisonniers tel que vous, pour creuser à cet endroit ?
15 Témoin U (interprétation). - Nous sommes venus le soir à Kula, à
16 trente. Quand nous sommes arrivés, on nous a répartis pour creuser les
17 tranchées. J'étais dans les premiers, donc j'ai commencé. Il y avait un
18 emplacement de 5 à 10 mètres sur lequel nous avons creusé les tranchées. Il
19 y avait des gens qui étaient venus avant nous à cet endroit. Eux aussi, ils
20 ont été retirés, comme nous, après probablement. Le soir, tard, vers
21 minuit,
22
23 on a entendu des combats. On a creusé pendant environ deux ou trois heures,
24 puis un camion est venu nous chercher. Ils nous ont emmenés dans la
25 direction de Kaonik.
Page 5920
1 Tout d'abord, ils ont emmené un premier groupe au baraquement et
2 on a vu que ces gens avaient été passés à tabac. Ils étaient tout
3 ensanglantés. Mais on n'a pas pu s'arrêter, ils nous ont fait continuer
4 dans nos cellules. On a pu juste voir ce qui se passait, comme ça, très
5 rapidement. C'était notre dernière nuit à Kaonik.
6 M. Kehoe (interprétation) - Au cours de cette nuit, vous avez
7 entendu des hurlements. Avez-vous entendu un de ces hommes hurler ?
8 Témoin U (interprétation). - Oui.
9 M. Kehoe (interprétation) - Vous ont-ils dit comment on les avait
10 battus ?
11 Témoin U (interprétation). - Le lendemain, ils nous ont raconté
12 comment on les avait battus. Ils ont contraint un prisonnier à aller de
13 l'un à l'autre, avec un manche de pelle. Si le prisonnier ne frappait pas,
14 on leur a montré comment faire.
15 Ils nous ont parlé de la mort de Jasmin Sehovic et de Elezovic.
16 M. Kehoe (interprétation) - Etaient-ce les soldats du HVO qui vous
17 gardaient et qui gardaient ces prisonniers, qui vous ont relâchés ?
18 Témoin U (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.
19 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce que c'étaient des soldats du
20 HVO qui vous gardaient, lorsque vous avez creusé des tranchées à Kula ?
21 Témoin U (interprétation). - Je ne sais pas.
22 M. Kehoe (interprétation) - Mais quand vous creusiez les tranchées
23 à Kula, est-ce qu'il y avait des soldats du HVO sur la ligne ?
24 Témoin U (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation) - Etaient-ce un ou des soldats du HVO
Page 5921
1 qui contraignaient ces Musulmans de se battre entre eux à Kula, quand vous
2 avez entendu les
3
4 cris ?
5 Témoin U (interprétation). - Oui, probablement.
6 M. Kehoe (interprétation) - C'était la nuit avant que vous n'ayez
7 été remis en liberté, c'est cela ?
8 Témoin U (interprétation). - Oui.
9 M. Kehoe (interprétation) - Le jour où on vous a relâché, le
10 8 février 1993... C'était bien cela ? C'était bien le 8 février ?
11 Témoin U (interprétation). - Le 8 ou le 9, je ne suis pas sûr.
12 M. Kehoe (interprétation) - Le jour où on vous a relâché, avez-
13 vous vu combien d'hommes musulmans étaient détenus en prison, à Kaonik, au
14 moment de l'échange ? Avez-vous le nombre d’hommes musulmans dont il
15 s'agissait ?
16 Témoin U (interprétation). - Oui, j'ai vu qu'il y en avait une
17 masse énorme. Le chiffre était de 400 à 420 prisonniers.
18 M. Kehoe (interprétation) - Etaient-ils tous musulmans ?
19 Témoin U (interprétation). - Essentiellement musulmans.
20 M. Kehoe (interprétation) - A ce moment-là, avez-vous vu certains
21 des hommes qui avaient été battus la nuit précédente ?
22 Témoin U (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez dit aux Juges que vous étiez
24 allé à Zenica après avoir été remis en liberté. Le HVO vous a-t-il donné le
25 choix de votre destination ?
Page 5922
1 Témoin U (interprétation). - Oui, on avait le choix : Zenica,
2 Busovaca, Kacuni. Ils nous ont dit que notre sécurité serait garantie.
3 Comme ils ne pouvaient pas garantir notre sécurité à Busovaca, cela
4 signifiait que nous ne pouvions aller qu’à Kacuni ou Zenica.
5
6 M. Kehoe (interprétation) - Qui vous a dit que votre sécurité ne
7 pouvait pas être garantie à Busovaca ?
8 Témoin U (interprétation). - Une personne à la caserne.
9 M. Kehoe (interprétation) - C'étaient des gens du HVO ?
10 Témoin U (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez décidé d'aller à Zenica.
12 Connaissez-vous des hommes musulmans qui sont rentrés à Busovaca et qui ont
13 été blessés, une fois de retour à Busovaca ?
14 Témoin U (interprétation). - Je ne sais pas s'ils ont été blessés,
15 je sais que certains sont retournés à Busovaca.
16 M. Kehoe (interprétation) - Y sont-ils restés ou bien est-ce qu'en
17 définitive ils ont quitté Busovaca ?
18 Témoin U (interprétation). - A la fin, ils ont dû partir.
19 M. Kehoe (interprétation) - Je vous demanderai maintenant,
20 Témoin U, de passer aux événements du 27 avril 1993. Pouvez-vous dire ce
21 qui est arrivé aux membres de votre famille, ce 27 avril, bien que je sois
22 au courant du fait que vous n'étiez pas présent ?
23 Témoin U (interprétation). - Le 27 avril 1993, en fin d'après-
24 midi, dans la soirée, à 10 heures, 10 heures et demi, Zoran Maric, celui
25 qu'on appelle "Svabo", est arrivé dans ma maison avec un autre homme que je
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1 ne connais pas. Il a demandé le poste de radio à mes parents et a posé des
2 questions au sujet de Hamza Hodzic*. C'étaient les deux familles qui
3 étaient restées sur place. Il a aussi fouillé l'étage et a mis le feu à
4 l'étage. Il est sorti de la maison, toujours à la recherche de
5 Hamza Hodzic*.
6 Comme il ne l'a pas trouvé, il est revenu dans ma maison. Un peu
7 plus tard, avec une arme, il a tué mon père, mon grand-père, mon frère, ma
8 cousine, et il a blessé m
9
10 mère.
11 Une demi-heure plus tard, la FORPRONU est arrivée et ma mère, ma
12 cousine et mon frère ont été transférés au dispensaire de Busovaca, mon
13 père et mon grand-père restant sur place -ils étaient déjà morts. Dans le
14 dispensaire de Busovaca, mon frère est décédé. Ma mère et ma cousine ont
15 ensuite été transférées à Travnik. Le 28 mars, ma cousine est morte, mais
16 ma mère est restée vivante.
17 M. Kehoe (interprétation) - Témoin U, quel âge avait votre grand-
18 père ?
19 Témoin U (interprétation). - Il était de 1908.
20 M. Kehoe (interprétation) - Et votre père, quelle était son année
21 de naissance et dans quel état physique était-il à ce moment-là ?
22 Témoin U (interprétation). - Il était né le 14 février 1945 et
23 était totalement handicapé physique et invalide à 100 %.
24 M. Kehoe (interprétation) - Et votre frère ?
25 Témoin U (interprétation). - Mon frère est né le 21 avril 1977.
Page 5924
1 M. Kehoe (interprétation) - Connaissez-vous la date de naissance
2 de votre tante ?
3 Témoin U (interprétation). - Le 9 janvier 1975.
4 M. Kehoe (interprétation) - Tout cela s'est passé le 27 avril
5 1993. Cela s'est passé dans votre maison que vous avez déjà décrite à
6 l'aide de la pièce à conviction 217. Est-ce qu'à ce moment-là, la majorité
7 des Musulmans avaient déjà quitté la région ?
8 Témoin U (interprétation). - Il ne restait que deux familles, ma
9 famille à moi et la famille de Ramiz Hodzic. Tous les autres étaient
10 partis.
11 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez fait remarquer que l'homme
12 qui a fait tout cela s'appelait Zoran Maric. Est-ce que c'était
13 Zoran Maric ?
14 Témoin U (interprétation). - Zoran Maric surnommé "Svabo".
15
16 M. Kehoe (interprétation) - Le connaissiez-vous ?
17 Témoin U (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation) - Comment aviez-vous fait sa
19 connaissance ?
20 Témoin U (interprétation). - Son oncle habitait tout près de chez
21 nous à 100 ou 150 mètres à peine. Je le voyais donc dans le quartier et
22 autrement, je le connaissais aussi par son métier dans le centre-ville. Il
23 travaillait comme peintre en bâtiment.
24 M. Kehoe (interprétation) - A ce moment-là, saviez-vous si
25 Zoran Maric, surnommé "Svaba", était membre du HVO ?
Page 5925
1 Témoin U (interprétation). - Je l'ai vu quand il a escorté les
2 détenus à Prosijek. C'est la première fois que je l'ai vu porter un
3 uniforme.
4 M. Kehoe (interprétation) - En fait, témoin U, il vous a escorté
5 et a escorté d'autres détenus qu'il emmenait creuser des tranchées à
6 Prosijek, n'est-ce pas ?
7 Témoin U (interprétation). - Seulement en cet endroit à Prosijek ?
8 M. Kehoe (interprétation) - J'aimerais vous demander de regarder
9 maintenant la dernière pièce à conviction 218. Il s'agit de deux
10 photographies, la première étant la pièce à conviction 218/1 et la deuxième
11 la pièce à conviction 218/2.
12 Excusez-moi, il s'agit de la pièce à conviction 219.
13 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur le Président, le témoin étant
14 un témoin protégé, je voudrais simplement lui donner la possibilité de
15 regarder ces deux photographies et de nous dire quels sont les membres de
16 sa famille qui figurent sur ces deux photographies.
17 Il est tout à fait prêt à témoigner de l'identité des membres de
18 sa famille qui figurent sur ces photographies. Témoin U, je vous demanderai
19 de regarder la première photographie, pièce à conviction 219/1 sur cette
20 photographie figure plusieurs membres de votre famille ?
21
22 Témoin U (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce que certains des membres de
24 votre famille qui ont été exécutés le soir du 27 avril 1993 figurent sur
25 cette photographie ?
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1 Témoin U (interprétation). - Oui, mon père et mon frère, et ma
2 mère qui a été blessée.
3 M. Kehoe (interprétation) - En allant de la gauche vers la droite,
4 quelle est la personne qui est votre père ?
5 Témoin U (interprétation). - L'homme en pull-over rouge.
6 M. Kehoe (interprétation) - Et votre frère ?
7 Témoin U (interprétation). - Celui qui est devant lui et qui porte
8 une veste bleu clair et un sac sur le dos.
9 M. Kehoe (interprétation) - C'est le jeune garçon, n'est-ce pas ?
10 Témoin U (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation) - Derrière le jeune garçon et à côté de
12 votre père, en pull-over rouge, qui porte un pull-over rouge se trouve
13 votre mère n'est-ce pas ?
14 Témoin U (interprétation). - Oui.
15 M. Kehoe (interprétation) - Passons à la deuxième photographie, la
16 pièce à conviction 219/2. Est-ce que vous voyez des membres de votre
17 famille exécutés le 27 avril sur cette photographie ?
18 Témoin U (interprétation). - Oui, mon grand-père.
19 M. Kehoe (interprétation) - Et l'homme qui est en deuxième
20 position à partir de la gauche qui porte une veste brune, c'est bien lui ?
21 Témoin U (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation) - Mais, monsieur le Président, je n'ai
23 pas d'autres questions à poser à ce témoin. Je vous demande de pouvoir
24 consulter mes collègues un
25
Page 5927
1 instant.
2 Monsieur le Président, nous demandons le versement au dossier des
3 pièces à conviction 216, 217, 218 et 219. Et compte tenu du fait que ce
4 témoin est un témoin protégé, nous demandons que la pièce à conviction 217,
5 c'est-à-dire la photo aérienne sur laquelle se trouve la maison du témoin
6 ainsi que le pièce à conviction 219, bien sûr, soient placés sous scellés.
7 M. le Président - Maintenant, je donne la parole à la défense pour
8 le contre-interrogatoire Maître Nobilo.
9 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour témoin U. En réponse aux
10 questions de l'interrogatoire principal, vous avez dit que les combats du
11 25 mai 1993 ont donc commencé ce jour-là et ont duré jusqu'au 29 mai 1993.
12 A quel endroit se déroulaient ces combats, à quelle distance de votre
13 maison passait la ligne de confrontation ?
14 Témoin U (interprétation). - On entendait les combats du côté de
15 Kadica Strana, c'est-à-dire à deux ou trois kilomètres de ma maison.
16 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous donner lecture d'une
17 déclaration que vous avez faite précédemment devant le bureau du Procureur.
18 Vous me direz si c'est exact ou pas. Vous avez dit, je cite : "L'attaque a
19 commencé le 25 ou le 26 février 1993, le dimanche après-midi, à 3 heures"
20 Il y a une erreur dans la traduction, il ne s'agit pas du mois de
21 février, mais du mois de janvier. Je recommence : "L'attaque a commencé le
22 25 ou 26 janvier 1993, elle a commencé le dimanche après-midi à 3 heures.
23 Les Oustachis sont arrivés dans la ville de Busovaca et se dirigeaient vers
24 Kacuni dans un véhicule blindé. Nos défenseurs ont commencé à se défendre
25 en utilisant des lances roquettes légers. Il n'y a pas eu de conflit dans
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1 la ville de Busovaca, mais il y a eu des combats sur la ligne de front qui
2 se trouvait dans la forêt à une distance de 500 mètres à 5 kilomètres de la
3 ville.
4
5 Nos soldats ont opposé une résistance et dans l'endroit appelé
6 Kadica Strana, qui se trouve à 200 mètres environ du centre de Busovaca,
7 ils l'ont fait également". Tout cela est-il exact ?
8 Témoin U (interprétation). - Oui
9 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Combien de jours exactement
10 avez-vous passé à Kaonik ?
11 Témoin U (interprétation). - Du 30 janvier jusqu'au 8 ou 9, je ne
12 sais pas exactement. Je n'en suis pas sûr.
13 M. Nobilo (interprétation). - De la bouche de qui, avez-vous
14 entendu que Sehovic et Elezovic avaient été tués ?
15 Témoin U (interprétation). - Des détenus qui se trouvaient à
16 Kula ?
17 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous donnez des noms et
18 prénoms ?
19 Témoin U (interprétation). - Je ne souhaite pas le faire.
20 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que vous avez été
21 échangé. Vous avez parlé de relève. Quand vous releviez quelqu'un de qui
22 s'agissait il ? Qui remplaciez-vous ?
23 Témoin U (interprétation). - Il y avait des Croates qui avaient
24 été capturés dans la région de Kaculi.
25 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce des Croates civils ?
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1 Témoin U (interprétation). - Il y avait un peloton d'intervention.
2 C'est comme cela qu'on les appelait dans le camp.
3 M. Nobilo (interprétation). - Combien de Croates ont été
4 capturés ?
5 Témoin U (interprétation). - Je ne sais pas
6 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous creusiez ces abris
7 souterrains, dans le voisinage, voyiez-vous des soldats de Bosnie-
8 Herzégovine de l'armée ?
9
10 Témoin U (interprétation). - Nous ne les avons pas vus, mais on
11 nous a montré où se trouvait la ligne de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou
12 plutôt de la défense territoriale.
13 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous vu un quelconque soldat
14 dans cette direction ?
15 Témoin U (interprétation). - Oui, sur le territoire de Kovacevac.
16 M. Nobilo (interprétation). - Les soldats de l'armée de Bosnie-
17 Herzégovine ont-ils tiré sur vous ?
18 Témoin U (interprétation). - Non, pas à ce ce moment-là.
19 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que c'est Zoran Maric,
20 surnommé "Svabo", qui a tué les membres de votre famille, qui vous a décrit
21 cela ?
22 Témoin U (interprétation). - Ma mère.
23 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce le même Zoran Maric, surnommé
24 "Svabo", qui est mis en accusation pas ce Tribunal.
25 Témoin U (interprétation). - Oui.
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1 M. Nobilo (interprétation). - J n'ai pas d'autres questions,
2 Monsieur le Président.
3 M. le Président - Avez-vous des questions complémentaires
4 maître Kehoe ?
5 M. Kehoe (interprétation). - Une seule question Monsieur le
6 Président. Au cours du contre-interrogatoire, on vous a interrogé au sujet
7 du début de l'attaque, le 25 janvier. Vous n'étiez pas présent quand ces
8 attaques ont eu lieu, n'est-ce pas ?
9 Témoin U (interprétation). - Non, non.
10 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
11 M. Riad (interprétation). - Bonjour.
12 Témoin U (interprétation). - Bonjour.
13
14 M. Riad (interprétation). - Vous nous avez parlé de la tragique
15 exécution de votre père, de votre grand-père et de votre frère. A votre
16 connaissance, de quoi ont-ils été accusés ? Pourquoi ont-ils était
17 exécutés ? Pouvez-vous inscrire cela dans un cadre plus vaste et que
18 faisaient-ils ? Est-ce qu’ils résistaient ? Y a-t-il eu une bataille, un
19 combat contre Zoran Maric ou était-ce une exécution de sang-froid, et dans
20 ce cas, quelle pouvait en être la raison ?
21 Témoin U (interprétation). - La raison, je ne la connais pas. Eux-
22 mêmes ne la connaissaient pas. Pourquoi il est arrivé là ? Très
23 probablement parce que ces deux maisons étaient les deux seules qui étaient
24 restées debout.
25 M. Riad (interprétation). - Qu'est-il arrivé aux autres maisons ?
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1 Témoin U (interprétation). - Les autres familles étaient parties
2 avant. Elles avaient fui avant.
3 M. Riad (interprétation). - Et ce Zoran Maric, agissait-il seul à
4 votre avis ? Etait-ce une espèce de représentant officiel ou, en tout cas,
5 appliquait une méthode organisée d'exécution des gens ?
6 Témoin U (interprétation). - Je ne sais pas cela.
7 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
8 M. le Président - M. le juge M. Shahabuddeen.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'ai une question à vous
10 poser. Le Procureur vous a interrogé au sujet de certaines personnes qui
11 sont allées à Busovaca et qui, ensuite, ont dû quitter Busovaca. Il me
12 semble que ce qui l'intéressait, c'était que vous lui fassiez comprendre
13 pourquoi il leur a fallu quitter Busovaca. J'ai cru comprendre que, dans
14 votre réponse, vous avez dit la chose suivante, je cite : "A la fin, ils
15 ont du partir." Qu'entendiez-vous par là pourquoi ont-ils dû partir ?
16 Témoin U (interprétation). - Parce qu'ils les ont encore
17 rassemblés pour aller
18
19 creuser des tranchées, creuser des abris souterrains. C'est ce que je sais
20 en tout cas.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Qui les regroupait ?
22 Témoin U (interprétation). - Des soldats du HVO.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
24 M. le Président - Merci Témoin U, votre déposition est à présent
25 terminée. Le Tribunal vous remercie d'être venu jusqu'à La Haye pour
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1 relater ce que vous avez vécu. Ce qui, évidemment, est très souffrant pour
2 vous. Nous espérons que vous allez pouvoir revenir dans votre pays dans des
3 conditions sereines et que vous pourrez continuer à essayer de surmonter
4 tout cela.
5 Merci beaucoup. Vous n'allez pas bouger puisque vous êtes un
6 témoin protégé. Les juges vont lever leur séance
7 (La séance suspendue à 16 heures 20 est reprise à 17 heures.)
8 M. le Président. - Veuillez faire entrer le témoin.
9 Bien, Monsieur le Procureur, je vois qu'il s'agit toujours d'un témoin
10 protégé, c'est cela ?
11 M. Kehoe (interprétation). - Partiellement, Monsieur le Président. Le
12 témoin suivant est le docteur Zahid Beganovic, qui est directeur de
13 l'hôpital cantonal de Zenica. Il veut simplement que l'on cache son visage
14 et que l'on n'identifie pas son nom.
15 M. le Président. - Donc, docteur Beganovic : distorsion du visage.
16 Monsieur le Procureur.
17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
18 nous sommes en train de modifier les présentations, en ce moment. Nous
19 reviendrons à certains faits supplémentaires qui se sont produits à
20 Busovaca ultérieurement dans la semaine, car certains témoins doivent
21 partir et nous devons avancer.
22 M. le Président. - Quel est le programme pour la semaine ? Excusez-moi,
23 mais
24
25 puisque c'est vous qui abordez le problème, je vous rappelle que nous
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1 siégions demain matin de 10 heures à 13 heures et ensuite vendredi. Tous
2 vos témoins sont là pour la semaine ?
3 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
4 Le docteur Beganovic est à la tête d'un établissement hospitalier assez
5 important, donc il doit rentrer chez lui le plus rapidement possible. On
6 est en train d'essayer de modifier l'ordre pour couvrir le pilonnage qui
7 s'est produit à Zenica le 19 avril 1993.
8 Notre position est que le pilonnage de Zenica a donné lieu à beaucoup de
9 morts de civils et des blessés graves et légers. Ce pilonnage s'est produit
10 à peu près vers midi, le 19 avril 1993.
11 Le docteur Beganovic, qui était chirurgien de la gorge à l'hôpital à ce
12 moment-là, est devenu directeur de cet hôpital peu après. Il témoignera
13 devant messieurs les Juges des blessures graves que ces personnes ont
14 enduré, du nombre de ces blessures graves et il vous indiquera le nombre de
15 personnes blessées légèrement, sans entrer dans le détail des blessures. Il
16 effectuera également une estimation rapide des civils tués.
17 Un autre témoin, ensuite, vous indiquera des chiffres plus précis, quant
18 au nombre d’individus tués.
19 En ce qui concerne le contre-interrogatoire, ce témoignage et les
20 témoignages suivants porteront sur les tueries de civils, le pillage de
21 biens, tel que cela figure dans l'acte d'accusation.
22 Donc, M. Beganovic et les témoins suivants se pencheront là-dessus, à
23 savoir « attaque illicite contre des civils et contre des objets », soit
24 les chefs d'accusation 2 et 4. Ces témoignages porteront sur ces chefs
25 d'accusation. Ensuite, il s'agira des chefs d'accusation 5 à 10, « homicide
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1 intentionnel et atteinte grave à l'intégrité physique tels que décrits dans
2 l'acte d'accusation ». Tels sont les chefs d’accusation, Monsieur le
3 Président,
4
5 sur lesquels les témoins témoigneront. Je puis dire d'emblée que nous ne
6 suivons peut-être pas l'ordre des événements, puisque nous parlons du
7 pilonnage de Zenica. Mais nous souhaitons que le docteur Beganovic témoigne
8 en premier lieu, puisqu'il est directeur d'un grand hôpital et doit rentrer
9 chez lui très rapidement.
10 M. le Président. - D'accord.
11 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
12 nous n'avons pas d'autre commentaire à faire à ce stade et nous souhaitons
13 écouter M. Beganovic.
14 Il va nous parler des blessures graves de 18 personnes. Je pense
15 qu'étant donné ses qualifications, cela devrait prendre de 30 à 45 minutes.
16 Je ne pense pas que cela devrait prendre plus de temps.
17 M. le Président. - Bien. Monsieur le greffier, on peut demander à ce que
18 soit introduit M. le docteur Zahid Beganovic.
19
20 (Les stores sont baissés. Le témoin est introduit dans la salle.)
21 M. le Président. - M'entendez-vous ?
22 M. Beganovic (interprétation). - Je vous entends.
23 M. le Président. - Je crois que vous pouvez indiquer votre nom et votre
24 prénom au Tribunal.
25 M. Beganovic (interprétation). - Je m'appelle Beganovic, et mon prénom
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1 est Zahid.
2 M. le Président. - Veuillez rester debout et lire la déclaration que
3 vous tend l'huissier.
4 M. Beganovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai
5 la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
6 M. le Président. - Merci, docteur. Vous pouvez vous asseoir.
7 Vous avez accepté de venir témoigner à la demande du Procureur, dans le
8 cadre du procès qui est intenté devant ce Tribunal pénal international
9 contre l'accusé ici-présent, le général Blaskic. Vous avez assisté, en tant
10 que chirurgien à l'hôpital de Zenica, à des séries de pilonnages qui ont
11 entraîné des morts et des blessures dont vous allez nous parler.
12 Je pense que le Procureur vous posera quelques questions générales au
13 départ. Ensuite, vous ferez votre déposition en vous concentrant très
14 exactement sur les points essentiels -en tout cas, que vous jugez
15 essentiels, et que l'accusation juge essentiels.
16 Maître Kehoe, c’est à vous, si vous voulez poser quelques questions
17 préalables. Ensuite, vous laisserez le témoin déposer.
18 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le Président.
19 Bonjour, docteur. Une question pratique, tout d'abord : avez-vous vos
20 lunettes avec vous ?
21 M. Beganovic (interprétation). - Non, je ne les ai pas. Elles sont
22 restées dans mon manteau.
23 M. le Président. - Cela veut dire que le témoin ne peut pas témoigner
24 avec des documents sous les yeux, c'est peut-être pour satisfaire la
25 défense. Il témoignera sans se
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1
2 référer à des documents. Est-ce que c’est ce que vous aviez prévu,
3 Monsieur Kehoe ?
4 On va peut-être aller chercher les lunettes du témoin.
5 M. Beganovic (interprétation). - Mais si, je peux lire.
6 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je vais poser
7 quelques questions liminaires, relatives à la qualification du
8 docteur Beganovic et, d’ici là, M. Cayley sera de retour avec les lunettes
9 du docteur.
10 Docteur, pouvez-vous nous donner votre position maintenant et nous dire
11 quel a été votre cursus médical ? Où avez-vous fait vos études de
12 médecine ? Dans quelle spécialisation, pendant votre carrière ? Et que
13 faites-vous maintenant ?
14 M. Beganovic (interprétation). - J'ai terminé le lycée classique à
15 Sarajevo en 1965. Ensuite, je me suis inscrit à la faculté de médecine de
16 Zagreb et j'ai terminé en 1970. J'étais déjà praticien en 1978, après avoir
17 effectué un stage à Zenica. La guerre est survenue au moment où j'étais à
18 Zenica.
19 Ensuite, j'ai fait une spécialisation et des études post-universitaires
20 après mon diplôme, dans une branche particulière de la médecine. Lorsque
21 j'ai terminé ma spécialisation, après mon diplôme post-études, j'ai fait
22 une spécialisation de chirurgie de la gorge et j'ai terminé en 1980 à
23 Ljubljana. C'est en tant que chirurgien spécialisé du nez et de la gorge,
24 chirurgien ORL comme on dit, que j'ai travaillé.
25 Pendant la guerre, c'est dans ce service que je travaillais et
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1 dans la commission de crise qui a été constituée dans l'hôpital.
2 A partir de 1993, on m'a conféré les fonctions de directeur de
3 l'hôpital de Zenica. Quand il y a eu le pilonnage à Zenica, j'étais à la
4 tête de ce service. J'étais précisément de service ORL. J'étais à la tête
5 de cette cellule de crise ORL quand ce pilonnage a été effectué.
6 M. Kehoe (interprétation). - Le jour dont vous parlez était-il
7 bien le
8
9 19 avril 1993 ?
10 M. Beganovic (interprétation). - Oui. C'était le 19 avril 1993. Je
11 me souviendrais de cette date toute ma vie, précisément pour trois motifs :
12 tout d'abord, le pilonnage que nous avons évoqué a donné lieu à un grand
13 nombre de blessés civils. Ce jour est également le jour d'anniversaire de
14 mon fils. C'est la deuxième raison pour laquelle je m'en souviens. La
15 troisième raison est que ce jour-là, ma fille devait souhaiter
16 l'anniversaire à mon fils et elle devait passer la ligne où il y a eu le
17 pilonnage. Elle a été arrêtée par des collègues de la faculté qui l'ont
18 retenue, si bien qu'elle ne s'est pas trouvée à l'endroit du pilonnage, là
19 où tombaient les obus, sinon elle aurait été elle aussi blessée et peut-
20 être même pire.
21 Ce jour-là, nous avons accueilli un très grand nombre de patients
22 gravement blessés, les gravement blessés étant au nombre de dix-huit et les
23 blessés légers au nombre de trente-huit. Quinze sont morts. L'une des
24 personnes gravement blessées s'est trouvée entre mes mains parce qu'il
25 s'agissait d'une blessure grave, Velimir Sekerovic. Il s'agissait d'une
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1 blessure au cou. Il avait reçu un éclat d'obus et pratiquement, la partie
2 avant de la gorge, le larynx, était partie. Lorsqu'il nous a été amené dans
3 la salle d'opération, il était encore vivant. Nous avons immédiatement
4 procédé aux soins d'urgence et à toutes les installations pour respiration,
5 etc, mais il est resté invalide grave, puisqu'il est resté sans gorge,
6 c'est-à-dire sans larynx, donc la faculté de parler. Il lui est resté des
7 séquelles pour la respiration. Outre cela, cette partie a été très
8 difficile à opérer et c'est donc une personne gravement handicapée.
9 Etant donné qu'il avait des brûlures également, il a eu de très
10 grandes cicatrices, si bien qu'il a eu des difficultés et des séquelles
11 pour tourner la tête. C'est un patient que j'ai traité personnellement.
12 M. Kehoe (interprétation). - Le 19 avril 1993, vous n'étiez pas
13 directeur de
14
15 l'hôpital. Avez-vous occupé ce poste ultérieurement ?
16 M. Beganovic (interprétation). - Oui. Je suis devenu directeur
17 ultérieurement, mais à l'époque j'étais à la tête de la cellule de crise et
18 je m'occupais de l'organisation et de la rationalisation du traitement des
19 patients gravement blessés. Je travaillais également à la chirurgie
20 faciale, la chirurgie du nez et de la gorge.
21 M. Kehoe (interprétation). - Vous-même, docteur, vous vous êtes
22 occupé d'un des patients gravement blessés, mais vous avez établi une
23 distinction entre les blessés légers que vous comptiez aux environs de
24 trente et les gravement blessés que vous avez dénombré au nombre de dix-
25 huit. Pouvez-vous indiquer la différence entre les blessés graves et les
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1 blessés légers ?
2 M. Beganovic (interprétation). - Il y a une règle générale pour
3 évaluer le degré de la blessure, pour savoir s'il s'agit d'une blessure
4 grave ou légère. Une blessure légère indique qu'il s'agit d'une blessure où
5 il n'y a pas de blessures à un système organique. Donc ces patients sont
6 rarement retenus à l'hôpital et peuvent rentrer chez eux. La plupart des
7 blessés légers sont rentrés chez eux. Par contre, pour évaluer le degré de
8 la blessure grave, on sous-entend les patients chez qui les systèmes
9 fondamentaux vitaux sont ouverts et où il y a les cavités du corps à l'air,
10 qu'il s'agisse du crâne ou d'une autre partie du corps, comme la partie
11 abdominale. Une attaque au système osseux est également considérée comme
12 une blessure grave, de même que des brûlures très graves, par exemple sur
13 plus de 20 % du corps. Ce sont des blessures corporelles graves. Ces
14 blessures impliquent des conséquences plus ou moins grandes sur les
15 diverses fonctions vitales et elles sont donc considérées comme des
16 blessures graves.
17 M. Kehoe (interprétation). - Docteur, en tant que directeur de
18 l'hôpital, l'accusation vous avait demandé de compiler la liste des blessés
19 légers et des blessés graves pour venir témoigner à ce procès. Avez-vous la
20 liste de ces dix-huit personnes gravemen
21
22 blessées sous les yeux ?
23 M. Beganovic (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, messieurs les
25 juges, la liste a été préparée par le docteur Beganovic. Il s'agit de la
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1 pièce à conviction portant le numéro 220.
2 Le document que vous avez sous les yeux est-il le document que
3 vous avez préparé sur les 18 personnes gravement blessées ?
4 M. Beganovic (interprétation). - Oui, c'est exact.
5 M. Kehoe (interprétation). - Vous n'avez pas traité tous ces
6 patients mais en tant que directeur de l'hôpital, avez-vous eu la
7 possibilité de passer en revue les dossiers médicaux de ces dix-huit
8 personnes avant devenir ici devant le Tribunal ?
9 M. Beganovic (interprétation). - Oui, j'ai traité le patient N° 4,
10 Velimir Sekerovic. C'est moi qui l'ai opéré et qui l'ai traité pour ses
11 blessures. J'en ai déjà parlé. S'agissant des autres, j'ai regardé leur
12 dossier médical et les divers documents y afférents. Sur la base des
13 évaluations de mes collègues et de mon évaluation personnelle,
14 effectivement, il s'agit de blessés graves. Ils ont en général la poitrine
15 atteinte, diverses fractures et ont perdu des extrémités de leurs membres,
16 etc. Il s'agit de blessés graves.
17 M. Kehoe (interprétation). - Ces dix-huit personnes ont-elles été
18 des personnes qui ont souffert de blessures graves à la suite du pilonnage
19 du 19 avril 1993 ?
20 M. Beganovic (interprétation). - C'est juste. Effectivement, ce
21 sont des blessures dues au pilonnage, par explosif.
22 M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous, dans la liste, faire
23 référence à chacun de ces patients ? Pourriez-vous dire la date
24 approximative de leur naissance, si c'est un homme ou une femme et dire
25 exactement la nature des blessures dont ils ont souffert ?
Page 5941
1
2 M. le Président. - Si j'ai bien compris, la troisième colonne,
3 c'est peut-être la date de naissance, me semble-t-il ?
4 M. Kehoe (interprétation). - Oui Monsieur le Président, mais
5 j'aimerais que le Docteur Beganovic nous dise quelles sont les blessures
6 graves, parfois il s'agit d'amputations, parfois c'est autre chose et ce
7 n'est pas aussi radical qu'une amputation. Néanmoins, en ce qui concerne
8 l'acte d'accusation et le chef d'accusation particulier, je crois qu'il
9 serait important pour le Tribunal qu'il comprenne ce qu'ont subi et de quoi
10 souffraient ces dix-huit personnes.
11 M. le Président. - Vous faites comme vous voulez,
12 Monsieur le Procureur, mais d'après l'acte d'accusation, ce qui est
13 important c'est de faire le lien entre le pilonnage et les blessures subies
14 par ces dix-huit malades dont le témoin vient de nous dire qu'elles étaient
15 graves. Est-ce contesté par la défense ?
16 On ne va pas prendre le dossier médical de chacune des dix-huit
17 personnes. Est-ce que la défense conteste ? Le Docteur vient de vous le
18 dire, il s'agit de dix-huit blessés graves, je l'ai pris trois fois en
19 note, très graves même. Il nous a expliqué en quoi consistait la gravité de
20 ces blessures. Je ne sais pas. Est-ce que la défense veut des explications
21 supplémentaires ?
22 M. Hayman (interprétation). - Je ne pense pas que nous
23 contesterons aucun aspect de la déposition du Docteur Beganovic.
24 M. le Président. - Maître Kehoe, essayons d'avancer. J'espère que
25 le témoin comprend bien mon intervention, ce n'est pas du tout que nous ne
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1 voulions pas faire expliciter, mes collègues et moi, l'ensemble du
2 témoignage, mais je pense que ce qui est important dans l'accusation contre
3 le Général Blaskic, c'est quand même de faire le lien entre le pilonnage et
4 ces blessures. Le document qui nous est remis porte bien la date du 19
5 avril 1993. Voilà ce qu'est en train d'attester le témoin, il vient de nous
6 dire qu'il s'agit
7
8 de blessés graves.
9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin
10 particulier n'est pas là pour faire un lien. C'est un témoin qui va
11 expliquer au Tribunal en quoi consistent ces blessures graves, je crois que
12 le témoin pourrait passer en revue ces dix-huit personnes assez rapidement,
13 ce qui terminera le témoignage.
14 M. le Président. - Laissons faire le témoin, mais j'espère qu'au
15 moins vous comprenez mon objection. Un témoin est quand même là, à un
16 moment donné, pour apporter son témoignage. Il vient de vous l'apporter. Il
17 vous a dit qu'il s'agissait de blessures graves.
18 Maintenant évidemment, on peut se contenter de cette phrase. On
19 est en train de perdre du temps à cause de moi-même, mais je tiens à dire
20 mon point de vue. A ce moment-là, il n'y a pas de raison, les Juges peuvent
21 demander aussi que soient fournis en pièces à conviction les dix-huit
22 dossiers médicaux et vous seriez très embarrassés si on demandait les dix-
23 huit dossiers médicaux. Je crois qu'à un moment donné, le témoin prête
24 serment, il dit les choses qu'il a vues et constatées. Il était à la tête
25 de la cellule de crise, il a constaté en tant que médecin que les dix-huit
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1 personnes qui sont rentrées ce jour-là à l'hôpital en raison du pilonnage
2 étaient des blessés graves. Voilà c'est tout ce que j'ai à dire.
3 Maintenant, faites comme vous voulez. Laissons faire le témoin.
4 Mais le temps se décompte, je vous le dis et M. le Greffier
5 décompte le temps.
6 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
7 Docteur, pourriez-vous passer en revue ces dossiers et nous dire
8 brièvement quelles ont été les blessures graves de ces dix-huit patients
9 qui ont été accueillis à l'hôpital et qui figurent dans le document que
10 vous avez versé au dossier ?
11 M. Beganovic (interprétation). - Je serai très bref. Je vais
12 passer en revue cette liste :
13
14 - Numéro 1 : il s'agit de Biljana Francic, né en 1967 et là c'est
15 une blessure dans l'abdomen par explosif. Il y avait également une cavité
16 dont je n'ai pas parlée, mais j'ai expliqué en quoi cela consistait.
17 - Numéro 2 : il s'agit de Zehrudin Valentic, né en 1970, qui a
18 subi une blessure par explosif, c'est une blessure des extrémités et de la
19 cage thoracique.
20 - Numéro 3 : Goran Ilic, né en 1973, là aussi il s'agit d'une
21 blessure par explosif, blessures au cou, à la cage thoracique et à
22 l'abdomen. Il s'agit là de l'ouverture d'une cavité buccale.
23 - Numéro 4 : Velimir Sekerovic dont j'ai déjà parlé. Il s'agit
24 d'une très grave blessure au cou.
25 - Numéro 5 : Mario Jurcevic, né en 1971 qui a été blessé à la
Page 5944
1 mâchoire inférieure. Il a également eu une blessure par explosif au cou et
2 eu une opération d'amputation.
3 Ahmet Mutapcic, né en 1938.
4 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit du numéro 6.
5 M. Beganovic (interprétation). - Oui, c'est le numéro 6,
6 Mutapcic Ahmet, il s'agit également d'une blessure par explosif de la
7 mâchoire inférieure à plusieurs endroits et de blessures à la tête.
8 - Numéro 7 : Jasmin Hodzic, chez lui aussi, nous avons trouvé une
9 plaie due à des explosifs dans la région de la tête, maxillaire supérieur
10 et face ainsi que la région temporale. Donc, c'est une plaie due à
11 l'explosif avec atteinte de l'oreille. Egalement l'artère temporalis
12 superficialis à gauche a été atteinte avec effusion de sang et atteinte des
13 grandes artères en général.
14 - Numéro 8 : Ibrahim Muratovic, blessure due à des explosifs dans
15 la région des extrémités inférieures aux deux jambes, ainsi que la cuisse
16 droite et le mollet gauche.
17
18 - Numéro 9 : Veliboc Svijetinovic, né en 1968, nous lui avons
19 amputé le pied gauche, amputé le gros orteil du pied droit également et le
20 premier tarse du pied droit, blessure due à des explosifs à l'épaule gauche
21 également.
22 - Numéro 10 : Kadric Suada né en 1956 chez qui nous avons trouvé
23 une plaie due à des explosifs, des blessures à la hanche gauche et au
24 mollet gauche ainsi qu'à la hanche droite.
25 - Numéro 11 : Muhamed Zelenkic, né en 1961, blessures dues aux
Page 5945
1 explosifs, à la cuisse gauche et fracture compliquée du côté gauche.
2 - Numéro 12 : Zekira Muratovic, né en 1957, blessures dues aux
3 explosifs au pied gauche et au mollet gauche avec absence des premier et
4 second métatarses et donc amputation du pied.
5 - Numéro 13 : Slobodan Vukovic, né en 1966, fracture de l'avant-
6 bras gauche, blessures dues aux explosifs à l'épaule gauche, et fractures
7 multiples de l'avant-bras, fractures multiples des cotes également, les
8 cotes 1 à 3, donc, blessures à la poitrine.
9 - Numéro 14 : Nuno Pojskic né en 1914. Là encore, nous avons
10 trouvé des blessures à la poitrine sur le côté gauche, atteinte de
11 l'abdomen, et des parties latérales du corps des deux côtés.
12 - Numéro 15 : Muradif Dedic, né en 1948. Les blessures là sont
13 encore importantes avec amputation au niveau du mollet gauche, fracture de
14 la jambe gauche au-dessus de la zone d'amputation et blessure complexe à la
15 cuisse gauche en raison des éclats d'obus.
16 - Numéro 16 : Muharem Colak , blessure invasive du mollet gauche
17 et traumatisme, choc.
18 - Numéro 17 : Ivo Loncar
19 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Docteur, pouvons-nous
20 revenir à
21
22 Muharem Colak. Sa jambe gauche a-t-elle été amputée ?
23 M. Beganovic (interprétation). - Né en 1977, ce patient souffrait
24 de blessures dues aux explosifs au niveau du mollet gauche avec effusion de
25 sang, traumatisme, choc.
Page 5946
1 Ivo Loncar, né en 1914, amputation traumatique de la partie
2 inférieure de la jambe gauche, effusion de sang, hémorragie et choc,
3 traumatisme dû à l'hémorragie.
4 Numéro 18 : nous avons Asim Osmanagic, de Zenica, né en 1947,
5 également blessure importante due à une explosion dans la partie supérieure
6 de la jambe gauche, hémorragie et choc. Il a été admis à l'hôpital, en
7 chirurgie, en raison de ce choc.
8 M. Kehoe (interprétation). - Avant de terminer la lecture de cette
9 liste, Docteur, pourrions-nous revenir au patient appelé Ivo Loncar dont la
10 jambe gauche a été amputée. Je crois, Monsieur le Président, qu'en
11 interprétation anglaise, cela n'a pas été dit. Je crois que le patient,
12 Ivo Loncar, a eu sa jambe amputée au-dessus du genou. Pourriez-vous revenir
13 sur ce dossier médical de façon à ce que le compte rendu soit tout à fait
14 complet.
15 (L'interprète française : le témoin n'a pas parlé d'amputation.)
16 M. Beganovic (interprétation). - Au sujet de Ivo Loncar, qu'est-ce
17 qui vous intéresse ? Il s'agit d'une amputation traumatique en raison de
18 l'explosion. Il y a eu amputation de l'extrémité droite.
19 M. Kehoe (interprétation). - Merci Docteur.
20 M. Beganovic (interprétation). – Et d'une hémorragie avec choc.
21 M. Kehoe (interprétation). – Docteur, nous n'allons pas passer en
22 revue le dossier médical des 38 personnes qui ont été légèrement blessées.
23 Nous nous en tiendrons à ces 18 personnes, et 15 dossiers médicaux parmi
24 ces 18 patients seront abordés par un autre témoin.
25 Pour le moment, nous demandons le versement au dossier de la pièce
Page 5947
1 220.
2
3 Nous n'avons pas d'autres questions à poser à ce témoin.
4 Je vous remercie, Docteur Beganovic.
5 M. le Président. – Maître Nobilo, je crois que votre client…
6 M. Nobilo (interprétation). – Un instant, je vous prie.
7 Monsieur le Président, la défense n'a pas de questions à poser à
8 ce témoin.
9 M. le Président. – Pas de questions complémentaires ?
10 M. Kehoe (interprétation). – Non, Monsieur le Président.
11 M. le Président. – Le Juge Riad et le Juge Shahabuddeen n'ont pas
12 de questions. Je n'ai pas non plus de questions en ce qui me concerne
13 beaucoup.
14 On pourrait évidemment gloser et disserter beaucoup. Il s'agit
15 évidemment d'atteintes graves. Y a-t-il eu des rapports de médecine légale.
16 Je me tourne vers le Procureur cette fois-ci et non pas vers le témoin.
17 Monsieur Kehoe, y a-t-il eu des rapports de médecins légistes ?
18 Le chef d'accusation 8 parle d'atteintes graves, de grandes
19 souffrances. Y a-t-il des rapports médicaux légaux ?
20 M. Kehoe (interprétation). – D'autres témoins,
21 Monsieur le Président, viendront parler de ce qui s'est passé immédiatement
22 après le pilonnage. La seule raison, Monsieur le Président, comme je l'ai
23 dit au début de cette audience, pour laquelle nous avons déplacé l'ordre de
24 comparution du Docteur Beganovic était pour lui permettre de retourner à
25 l'hôpital de Zenica.
Page 5948
1 M. le Président. – Je vais en profiter pour remercier, au nom de
2 mes collègues et au nom du Tribunal tout entier, le Docteur Beganovic. Je
3 suppose qu'il a de grandes responsabilités à la tête de cet hôpital, où il
4 doit y avoir toujours des séquelles de ces grandes souffrances infligées au
5 cours de cette guerre.
6 Nous en profitons pour le remercier et lui dire qu'il peut
7 maintenant retourner
8
9 à ses occupations.
10 Merci, Docteur.
11 Monsieur le Greffier, pouvez-vous faire raccompagner le
12 Docteur Beganovic ?
13 M. Beganovic (interprétation). – Je vous remercie.
14 (Le témoin quitte la salle.)
15 M. le Président. – Maître Harmon, avant d'introduire le témoin
16 suivant, où en sommes-nous d'après la liste que vous nous aviez donnée ?
17 Comme il y a eu des témoins anonymes, je voudrais qu'on fasse le point.
18 Vous nous aviez annoncé treize témoins. Quel est le programme que vous
19 prévoyez ? Combien en avons-nous passé avec l'aide du Greffier ?
20 D'après Monsieur le Greffier, on en aurait entendu cinq.
21 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, nous avons
22 encore six témoins à entendre cette semaine.
23 M. le Président. – Vous terminerez dans les délais de la semaine,
24 Maître Harmon.
25 M. Harmon (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, tout à
Page 5949
1 fait.
2 M. le Président. – Nous pouvons introduire le témoin suivant qui
3 est également un témoin protégé.
4 M. Harmon (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, le
5 témoin suivant est également un témoin protégé qui sera désigné par un
6 pseudonyme et pour lequel il y aura déformation de l'image du visage. Nous
7 l'appellerons témoin V comme victoire.
8 Pour résumer, Monsieur le Président, mon collègue, Maître Kehoe a
9 déjà défini les sujets qui relèvent du pilonnage de Zenica, ce sera le cas
10 de ce témoin également, donc chef d'accusation numéro 1, paragraphe 6.1,
11 6.2, chefs d'accusation 2 à 4 : attaque illégale contre des civils et des
12 propriétés de civils, chef d'accusation paragraphe 8 et chefs
13
14 d'accusation 5 à 10 : homicide intentionnel et atteinte grave à l'intégrité
15 physique, paragraphe 9.
16 Pour résumer, Monsieur le Président, ce témoin a passé la majeure
17 partie de sa vie à Zenica et il parlera de lieux où différents obus sont
18 tombés le 19 avril 1993. Il a réagi immédiatement sur les lieux, il a pris
19 un certain nombre de photographies qu'il vous présentera dans le cadre de
20 sa déposition. Il identifiera également un film vidéo qui nous montrera la
21 scène du pilonnage. C'est la fin de mon récapitulatif,
22 Monsieur le Président.
23 M. le Président. – Témoin relativement bref, combien de temps ?
24 M. Harmon (interprétation). – Je pense qu'il lui faut identifier
25 environ 15 photographies et le film vidéo durera environ 11 minutes,
Page 5950
1 Monsieur le Président.
2 Monsieur le Greffier, on introduit le témoin V.
3
4 (Le témoin V est introduit dans la salle.))
5 M. le Président. – Témoin V, puisque nous allons vous appeler
6 ainsi, m'entendez-vous ?
7 Témoin V (interprétation). – Oui.
8 M. le Président. - Vérifiez l'identité sur la feuille de papier
9 qui vous est tendue par le Greffier, sans prononcer votre nom. Simplement,
10 vous vérifiez qu'il s'agit bien de votre identité.
11 Témoin V (interprétation). – Oui.
12 M. le Président. - Veuillez lire la déclaration qui vous est
13 tendue, qui est votre serment dans votre langue. Vous pouvez la lire.
14 Témoin V (interprétation). - Je déclare solennellement que je
15 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité
16 M. le Président. - Vous êtes un témoin qui fait l'objet de mesures
17 de protection prises en votre faveur. Nous vous appellerons témoin V. Vous
18 allez déposer sur l'ensemble de points dont nous a parlé le Procureur et
19 notamment sur ce que vous avez vécu au moment du pilonnage de Zenica le
20 19 avril 1993. Le Procureur va vous poser quelques questions. Ensuite, vous
21 déposerez librement, comme vous l'entendrez. Le Procureur vous fera
22 préciser un certain nombre de points à l'appui de son accusation, dans le
23 cadre du procès du général Blaskic, accusé ici présent.
24 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
25 M. Harmon (interprétation). - Témoin V, êtes-vous photographe
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1 indépendant et était-ce également votre profession le 19 avril 1993 ?
2 Témoin V (interprétation). - Oui.
3 M. Harmon (interprétation). - Vous trouviez-vous dans la ville de
4 Zenica le 19 avril 1993 ?
5
6 Témoin V (interprétation). - Oui.
7 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous entendu des détonations
8 qui provenaient d'un certain secteur de la ville de Zenica, ce jour-là ?
9 Témoin V (interprétation). - Oui.
10 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai à présent l'aide de
11 l'huissier pour montrer au témoin seize photographies qui feront partie
12 d'une seule et même pièce à conviction. Il s'agira de la pièce à
13 conviction N° 221.
14 Je dis, pour les juges, les conseils de la défense et ceux qui se
15 trouvent dans la galerie du public, que certaines des photographies qui
16 vont être montrées par le témoin dans quelques instants sont très
17 parlantes. Le film vidéo que nous verrons à la conclusion de l'audition de
18 cette déposition sera également très éloquent, très émouvant. J'en avertis
19 donc chacun d'emblée.
20 Monsieur l'huissier, je vous prierai, si vous le voulez bien, de
21 séparer les différents éléments de cette pièce et de placer chacune des
22 photographies, l'une après l'autre, sur le rétroprojecteur. La première
23 photographie, monsieur le Président, est la photo dont la cote est 221/1.
24 Témoin V, est-ce vous qui avez pris cette photographie ?
25 Témoin V (interprétation). - Oui.
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1 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux juges ce
2 qu'elle représente ?
3 Témoin V (interprétation). - C'est ce que l'on peut voir depuis ma
4 maison, quand on regarde dans la direction de l'endroit où sont tombés les
5 obus. A ce moment-là, je suis parti pour prendre les photos sur les lieux
6 car c'est mon travail.
7 M. Harmon (interprétation). - Donc vous êtes parti immédiatement
8 dans la direction de cet endroit d'où s'élevait la fumée ?
9 Témoin V (interprétation). - Oui.
10
11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur l'huissier, je vais
12 maintenant vous interrompre en vous demandant une autre pièce à conviction.
13 Je demande la pièce à conviction 222. Peut-on placer ce document sur le
14 rétroprojecteur ?
15 Témoin V, pouvez-vous d'abord décrire la zone dans laquelle aurait
16 eu lieu ce pilonnage et d'où montait la fumée ? Pouvez-vous décrire ce
17 secteur ?
18 Témoin V (interprétation). - La fumée provenait du point C. Elle
19 provenait d'une voiture qui avait pris feu après la chute de l'obus.
20 M. Harmon (interprétation). - Quelle était la nature de ce
21 secteur ?
22 Témoin V (interprétation). - C'était le centre de la ville où on
23 trouvait un grand nombre de passants, d'habitants locaux, de gens qui ne
24 travaillaient pas, d'étudiants, de retraités, de ménagères. C'est de cette
25 façon que sont structurées nos villes. Il y a toujours un centre-ville et
Page 5953
1 ce sont les activités qu'on y trouve, pour l'essentiel c'est un quartier
2 commerçant. On y trouve aussi les cafés, les petits restaurants et des
3 espaces réservés à la promenade avec des possibilités de s'asseoir.
4 M. Harmon (interprétation). - Dans un instant, je vais vous
5 montrer quelques photographies. C'est vous, n'est-ce pas, qui avez dessiné
6 ce plan, qui est la pièce à conviction 222 ?
7 Témoin V (interprétation). - Oui.
8 M. Harmon (interprétation). - Vous avez indiqué, en utilisant les
9 lettres A à E, les endroits où vous avez pris des photos que je vais vous
10 montrer maintenant, n'est-ce pas ?
11 Témoin V (interprétation). - Oui.
12 M. Harmon (interprétation). - Très bien, merci, monsieur
13 l'huissier. J'en ai fini avec cette pièce à conviction particulière.
14 Je voudrais maintenant commencer par vous demander de parler de
15 l'endroit
16
17 indiqué par la lettre A sur votre plan. Je vous montrerai plusieurs pièces
18 à conviction. D'abord la pièce à conviction 221/2. Peut-on placer cette
19 pièce sur le rétroprojecteur ? Reconnaissez-vous cette photographie ?
20 Témoin V (interprétation). - Oui, absolument.
21 M. Harmon (interprétation). - Cette photographie a-t-elle été
22 prise à l'endroit indiqué par la lettre A sur le plan qui est la pièce à
23 conviction 222 ?
24 Témoin V (interprétation). - Oui.
25 M. Harmon (interprétation). - Que montre cette photographie ?
Page 5954
1 Témoin V (interprétation). - C'est l'endroit où est tombé l'obus.
2 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais que nous passions
3 maintenant à la photographie suivante, pièce à conviction 221/3. Est-ce
4 vous qui avez pris cette photographie ?
5 Témoin V (interprétation). - Oui.
6 M. Harmon (interprétation). - A-t-elle également été prise dans le
7 secteur indiqué par la lettre A ou autour de ce secteur ?
8 Témoin V (interprétation). - Très près de l'endroit indiqué par la
9 lettre A. Ce sont des conséquences de la chute de l'obus. Ici se trouvaient
10 des kiosques qui vendaient des hot-dogs, de la nourriture. Ces kiosques se
11 trouvaient tout près.
12 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous
13 parlions du point indiqué sous la lettre B sur votre schéma et je
14 demanderai que l'on nous montre la photographie 221/4. Est-ce vous qui avez
15 pris cette photographie ? Donne-t-elle une description précise de l'endroit
16 où a eu lieu le pilonnage du 19 avril 1993 ?
17 Témoin V (interprétation). - Oui.
18 M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderai de bien vouloir
19 dire aux juges ce que représente exactement cette photographie.
20
21 Témoin V (interprétation). - On voit ici l'emplacement où est
22 tombé le deuxième obus et on voit les conséquences qu'a eu l'explosion de
23 cet obus sur une automobile. C'est ici qu'est tombé l'obus, l'endroit
24 indiqué par la lettre B.
25 M. Harmon (interprétation). - Nous voyons sur cette photographie
Page 5955
1 un certain nombre de corps de personnes qui sont mortes sur le lieu
2 d'impact ou à son voisinage proche, n'est-ce pas ?
3 Témoin V (interprétation). - Oui.
4 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Passons à la pièce 221/5
5 qui est une autre photographie du même lieu.
6 Témoin V (interprétation). - Oui, c'est la même voiture sous un
7 angle légèrement différent. On voit les victimes, les corps des personnes
8 de l'autre côté de la rue.
9 M. Harmon (interprétation). - Peut-on passer à la pièce 221/6 ?
10 Que représente cette photographie ?
11 Témoin V (interprétation). - Elle représente les corps des
12 victimes à quinze ou vingt mètres des endroits indiqués par les lettres A
13 et B, qui sont les points d'impact des deux obus.
14 M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderai d'utiliser le
15 pointeur pour nous montrer les corps des personnes décédées qui figurent
16 sur cette photographie.
17 (Le témoin désigne les corps des victimes.)
18 M. Harmon (interprétation). - En commençant par la gauche, on voit
19 deux corps. On en voit un autre au milieu de la photographie.
20 Témoin V (interprétation). - Mais il y a d'autres photographies où
21 on en voit davantage.
22 M. Harmon (interprétation). - Passons à la photographie suivante
23 dans ce cas, la pièce 221/7.
24
25 Pouvez-vous nous décrire ce que représente cette photographie ?
Page 5956
1 Est-ce une photo prise au même endroit au point B ?
2 Témoin V (interprétation). - Simplement un peu plus à droite que
3 la photo précédente. On voit nettement les corps. Les corps des victimes se
4 trouvent pour la majorité aux abords de ce mur, ici.
5 M. Harmon (interprétation). - Très bien. D'autres photographies
6 montreront peut-être mieux ces corps. Passons maintenant au point C, sur
7 votre plan, et je demanderai qu'on nous montre la photographie 221/8. Est-
8 ce une photo du point C et pouvez-vous dire aux juges ce que représente
9 cette photographie ?
10 Témoin V (interprétation). - Oui. C'est ici la photographie de
11 l'automobile qui était en flamme et qui m'a permis de voir ce qui venait de
12 se passer et de prendre la route pour me rendre sur les lieux. L'obus est
13 tombé ici et la voiture a brûlé suite à la chute de cet obus. On voit aussi
14 que les vitres en face ont été brisées.
15 M. Harmon (interprétation). - Où se trouve le cratère ?
16 Témoin V (interprétation). - Le cratère est ici, le cratère et les
17 traces de fragments
18 M. Harmon (interprétation). - Ce cratère figure-t-il sur la partie
19 gauche de la photographie près de la marche ?
20 Témoin V (interprétation). - Oui.
21 M. Harmon (interprétation). - Prenons la pièce 221/9. Est-ce que
22 nous y voyons mieux encore le cratère et le véhicule endommagé ?
23 Témoin V (interprétation). - Oui, tout à fait.
24 M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, témoin V. Prenons
25 maintenant la photographie suivante qui est la pièce 221/10. Ici nous avons
Page 5957
1 une série de quatre photographies qui montrent la grande rue, la zone
2 piétonnière sous un angle un peu
3
4 différent. Commençons par la pièce 221/10. Que montre cette photographie ?
5 Témoin V (interprétation). - Ici nous sommes exactement en face
6 des points A et B, les points d'impact des obus, et nous voyons les suites
7 de la chute de ces obus. Les blessés ont déjà été emmenés, les corps des
8 personnes décédées sont encore sur les lieux. Je suis arrivé un peu après
9 l'événement. Donc les lieux avaient déjà été un peu nettoyés. Je n'ai pas
10 osé venir immédiatement. Mais les blessés civils avaient déjà été emmenés.
11 Il y en avait eu un certain nombre en ce lieu.
12 M. Harmon (interprétation). - Quel est ce grand bâtiment qu'on
13 voit au centre de la photographie ?
14 Témoin V (interprétation). - Il s'agit du principal grand magasin
15 et devant le grand magasin, on voit une esplanade avec des bancs sur
16 lesquels les gens peuvent s'asseoir pour se reposer. Puis nous voyons ce
17 mur devant lequel se trouvent les corps des personnes décédées. Il y avait
18 là des étals sur lesquels des gens vendaient un certain nombre de choses,
19 notamment des cigarettes. Mais pour l'essentiel, c'était un lieu où les
20 gens se promenaient. C'était un lieu qui faisait la jonction entre un
21 quartier et un autre quartier de la ville. Les gens s'y retrouvaient, s'y
22 donnaient rendez-vous. Ici, c'est aux alentours de midi. Nous voyons la
23 mosquée qui n'est pas loin. Elle se trouve là. Au moment où a eu lieu ce
24 pilonnage, c'était l'heure où les gens vont à la mosquée.
25 Il y a également les ménagères qui circulent après être allées au
Page 5958
1 marché. Les gens qui ne travaillaient pas se retrouvaient là. C'était un
2 lieu où la vie était très intense.
3 M. Harmon (interprétation). - A peu près à combien de mètres de ce
4 lieu se trouvait la mosquée ?
5 Témoin V (interprétation). - A cinquante mètres des corps que nous
6 voyons sur cette photographie. Juste devant le grand magasin.
7 M. Harmon (interprétation). - Passons à la pièce à conviction
8 suivante, la
9
10 pièce 221/11. C'est une photo un peu différente, prise sous un autre angle.
11 Pouvez-vous nous décrire ce que montre cette photographie ?
12 Témoin V (interprétation). - On y voit ce secteur du centre-ville
13 qui s'ouvre sur un autre quartier. On y voit également les corps des
14 victimes, les kiosques, et l'emplacement des points A et B où sont tombés
15 les obus. On y voit également le véhicule incendié. Ici nous avons le
16 point B, là le point A et les conséquences de ce pilonnage se voient ici.
17 Je pense aux conséquences sur les êtres humains. S'il n'y avait pas eu de
18 voitures garées à cet endroit, il y aurait sans doute eu davantage de
19 victimes humaines. Je pense que le fait que des voitures aient été garées à
20 cet endroit a permis de préserver un certain nombre de vies humaines.
21 M. Harmon (interprétation). - Passons à la photographie suivante,
22 pièce à conviction 221/12, une autre photographie prise par vous. Nous y
23 voyons deux des victimes décédées suite à ce pilonnage, une victime en haut
24 à gauche, une victime au centre et une victime en bas de la photographie.
25 Témoin V (interprétation). - Oui, tout à fait. Ce lieu se trouve
Page 5959
1 exactement en face des points A et B. Les victimes décédées que nous voyons
2 ici sont la conséquence directe de la chute de ces deux obus.
3 M. Harmon (interprétation). - Passons à la dernière photographie,
4 pièce à conviction 221/13. Pouvez-vous nous dire ce que montre cette
5 photographie ?
6 Témoin V (interprétation). - Elle montre que se trouvaient en ces
7 lieux des petites tables qui servaient à ces petits commerces. On voit
8 également que c'est un lieu où les gens se promenaient sur cette esplanade
9 et on y voit les corps des victimes.
10 On y voit quelques traces de l'explosion des obus, car certaines
11 personnes ont déjà été emmenées. Je n'ai pu photographier que ce que j'ai
12 trouvé en arrivant et cet endroit se trouve exactement en face des points A
13 et B.
14
15 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais maintenant que nous
16 parlions du point D sur votre plan, la pièce à conviction 222. J'aimerais
17 que nous regardions la première photographie relative à ce point D, à
18 savoir la pièce à conviction 221/14. Avant de vous demander de décrire ce
19 que montre cette photographie, pouvez-vous dire aux juges dans quel
20 quartier nous nous trouvons ici ?
21 Témoin V (interprétation). - Ceci est une rue piétonne
22 exclusivement, où ne se trouvaient que des petits cafés, où les jeunes
23 venaient. L'obus a touché ce bâtiment à cet endroit. Il a donc touché ce
24 café. Le café occupait le rez-de-chaussée et le premier étage. Il y a une
25 autre photographie où l'on voit l'autre façade. Il n'y a pas de
Page 5960
1 circulation, ici. C'est une zone réservée exclusivement au piéton.
2 M. Harmon (interprétation) - Pour le compte rendu, cette
3 photographie, que vous venez de décrire... J'ai l'impression que je n'ai
4 plus de transmission sur mon écran informatique... Cela va.
5 Sur cette photographie, nous voyons un bâtiment qui a un trou. Ce
6 trou, dans le bâtiment du centre de la photographie, est-ce le point
7 d'impact de l'obus ?
8 Témoin V (interprétation). - Oui, c'est le point d'impact de cet
9 obus, c'est l'endroit où il a frappé le bâtiment.
10 M. Harmon (interprétation) - Prenons la photographie suivante,
11 pièce à conviction 221/15. Pouvez-vous nous dire ainsi qu'aux Juges ce que
12 représente cette photographie ?
13 Témoin V (interprétation). - Elle représente la même rue et vous y
14 voyez le nombre de cafés qui se trouvaient dans cette rue et le nombre de
15 tables que l'on voyait dans la rue.
16 En face, se trouve la station de télévision indépendante de
17 Zenica, ici, et l'impact de l'obus se trouve en face.
18
19 M. Harmon (interprétation) - Pouvons-nous arriver à la dernière
20 photographie de cette série ?
21 La pièce à conviction 221/16 et nous concentrer sur le point E.
22 Pouvez-vous dire aux Juges ce que représente cette photographie ?
23 Témoin V (interprétation). - Ici, nous voyons la station
24 d'autobus, on voit l'endroit où est tombé l'obus. Je vous montrerai où se
25 trouve la station de radio locale de Zenica. Ici, est tombé l'obus... Ici
Page 5961
1 se trouve l'abri bus en Plexiglas et, là, la station de radio. On voit sur
2 le bâtiment quelques traces dues aux éclats d'obus.
3 M. Harmon (interprétation) - Témoin, avez-vous eu la possibilité
4 avec moi de visionner une bande vidéo hier soir ?
5 Témoin V (interprétation). - Oui.
6 M. Harmon (interprétation) - Cette cassette-vidéo se divise en
7 trois parties, n'est-ce pas ?
8 Témoin V (interprétation). - C'est exact.
9 M. Harmon (interprétation) - La première séquence montre, de façon
10 générale, le quartier frappé par les obus, c'est-à-dire la zone piétonnière
11 dans laquelle se trouve le grand magasin, c'est bien cela ?
12 Témoin V (interprétation). - Oui.
13 M. Harmon (interprétation) - La deuxième séquence de ce film
14 montre une voiture en flammes qui se trouvait non loin du point C de votre
15 plan, n'est-ce pas ?
16 Témoin V (interprétation). - Oui.
17 M. Harmon (interprétation) - La troisième séquence du film montre
18 le secteur qui se trouve autour des petits cafés, l'endroit où l'obus a
19 frappé un café à l'étage.
20 Témoin V (interprétation). - Oui.
21 M. Harmon (interprétation) - On vous a montré ce film. Vous vous
22 trouviez
23
24 sur les lieux filmés le 19 avril 1993. Le film dépeint-il bien la scène
25 telle que vous l'avez vue et telle que vous vous la rappelez le 19
Page 5962
1 avril 1996.
2 Témoin V (interprétation). - Oui.
3 M. Harmon (interprétation) - Monsieur Dubuisson, ce film se
4 compose de trois séquences. Il y a d'abord la première séquence, puis un
5 champ bleu assez court, puis une deuxième séquence de 20 secondes environ,
6 ensuite, de nouveau un champ bleu et une troisième séquence un peu plus
7 longue durant 6 minutes environ.
8 Je vous renvoie à ces séquences de façon à ce que vous sachiez
9 comment les identifier. Il s'agit de la pièce à conviction 223, c'est la
10 pièce qui comprend les trois séquences. Elle est divisée en pièce 223/1,
11 223/22 et 223/3. Vous pouvez procéder comme vous le souhaitez.
12 Cependant, Monsieur le Président, Messieurs les collègues de la
13 défense et toutes les personnes de la galerie du public, je vous averti que
14 ce film est extrêmement émouvant et extrêmement éloquent. Maintenant, je
15 demande que l'on fasse l'obscurité dans la salle et que l'on diffuse cette
16 séquence.
17 (Passage du film vidéo.)
18 Témoin V (interprétation). - Nous voyons les marches d'escalier
19 qui se trouvent au rez-de-chaussée du grand magasin. Ici, ce sont les
20 emplacements A et B, les points d'impact des obus. Ici, nous voyons les
21 conséquences, les suites de l'explosion de ces obus. Ici, nous sommes
22 exactement en face des points A et B.
23 Là, nous voyons la prolongation de la rue et, là, nous sommes en
24 face et nous voyons encore des conséquences de ces explosions. Il y aurait
25 eu encore plus de victimes, mais le premier obus, qui est tombé, a tué ce
Page 5963
1 qu'il a pu tuer et ensuite les gens se sont enfuis comme ils ont pu ; sinon
2 c'est un endroit très fréquenté par les piétons.
3 Il y avait d'autres morts encore sur les lieux, mais un de mes
4 collègues, qui
5
6 était arrivé un peu avant à cet endroit, a pris un nombre de photographies
7 plus grand. Ici, nous sommes près de ce grand magasin qui s'appelle le
8 grand magasin Belgrade, juste en face des points A et B, points d'impact
9 des obus.
10 Ici, nous voyons ces petites tables utilisées par les vendeurs
11 avec leurs marchandises. Il y avait aussi des piétons, des passants et,
12 ici, le morceau d'un corps. Non loin de là, il y avait également une aire
13 de jeux pour les enfants et des tours d'habitation. Nous avons vu qu'il y
14 avait aussi la mosquée, le grand magasin, c'est un lieu où il y a de
15 nombreux cafés, où la jeunesse se rassemble en grand nombre. Là-haut, il y
16 avait le cinéma. Ici, se trouve cette esplanade où se réunissaient les
17 jeunes et puis les marches de l'escalier qui descend au sous-sol du grand
18 magasin.
19 Ici, nous sommes au point C où la voiture était en flammes. Ici,
20 nous voyons les suites de l’explosion au point D, là où se trouvaient la
21 télévision indépendante et les petits cafés.
22 Ici, nous voyons le petit café D. Au-dessus de la porte, nous
23 voyons le point d'impact de l'obus qui figure sous la lettre D, sur mon
24 plan. Nous voyons, là, le petit café qui recevait ses clients au rez-de-
25 chaussée et à l'étage. Donc, c'est l'endroit indiqué par la lettre D.
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1 Ici, les conséquences... Les blessés ont déjà été emportés.
2 Ici, l'intérieur du café; les conséquences de la chute de l'obus
3 au point D. Ce qu’on voit en face, c'est la télévision indépendante de
4 Zenica. C'est un lieu où se rencontraient les jeunes en grand nombre. On
5 peut constater l'importance des détonations d'après ces images.
6 Ici, une voiture qui appartenait à la télévision indépendante.
7 M. Harmon (interprétation). - On peut rallumer les lumières.
8 Merci, Témoin V.
9
10 Monsieur le Président, je demande le versement au dossier des
11 pièces à conviction de l’accusation 221 à 223. J'en suis arrivé au terme de
12 l’interrogatoire de ce témoin.
13 M. le Président. - Merci, Monsieur le Procureur. Je me tourne vers
14 la défense. Maître Nobilo.
15 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
16 Quelques questions, simplement. Bonsoir, Témoin V. Ce qui m'intéresserait,
17 ce serait de savoir si vous avez pris d'autres photographies que celles que
18 vous venez de montrer ici, à l'instant.
19 Témoin V (interprétation). - Vous savez comment cela se passe. Les
20 organes de la justice et les journaux, les médias, ne nous ont pas donné
21 l'autorisation de prendre des photos. Ou plutôt, la police ne nous a pas
22 donné le droit de prendre des photos. C'est déjà étonnant que j'ai pu
23 prendre celles que j'ai prises. Dès qu'ils ont remarqué ce que nous
24 faisions, ils nous ont demandé de nous écarter. Il y en a déjà pas mal.
25 Vous voyez que sur ces photos il n'y a pas encore de policier ni de
Page 5965
1 représentant de la justice. Dès qu'ils sont arrivés, nous avons dû partir.
2 Plus personne n'avait le droit de s'approcher des lieux, car il y avait ces
3 obus, ces explosions. Ce que nous avons réussi à prendre comme photos,
4 c'est déjà pas mal. Sinon, il y en aurait eu beaucoup plus.
5 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai pas bien compris. Dans votre
6 dossier personnel, y a-t-il d'autres photographies que celles remises au
7 bureau du Procureur ?
8 Témoin V (interprétation). - Non, je n'en ai pas plus. A l’époque,
9 d'ailleurs, je n'avais pas de matériel, en raison des pénuries. Et puis les
10 autorités judiciaires m'ont demandé de m'écarter. Il ne m'ont plus permis
11 de travailler.
12 M. Nobilo (interprétation). - Sur ce plan, pouvez-vous définir où
13 se trouve le nord ?
14 Témoin V (interprétation). - Oui, je le peux.
15
16 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on placer le plan sur le
17 rétroprojecteur ? Il s'agit de la pièce à conviction de l’accusation 222.
18 Est-ce que vous pouvez, à l'aide du pointeur, sur cette pièce à
19 conviction 222, nous montrer où se trouve le nord, nous dire, par rapport à
20 ce schéma, où se trouve le nord ?
21 Témoin V (interprétation). - L'ouest est ici...
22 M. Nobilo (interprétation). - Non, le nord seulement. C'est
23 l'habitude d'indiquer le nord sur les cartes.
24 Témoin V (interprétation). - Alors, l’est, l’ouest... Le nord est
25 ici.
Page 5966
1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous placer le pointeur dans
2 le sens du nord et le laisser posé sur le plan ?
3 Témoin V (interprétation). - Voilà. C'est une évaluation
4 personnelle que je fais, bien sûr.
5 M. Nobilo (interprétation). - Comment décririez-vous où se trouve
6 le nord, entre quel point et quel point, à partir du point D, par exemple ?
7 Témoin V (interprétation). - Entre le point D et, peut-être, le
8 point B. En tout cas, dans cette direction. A peu près comme ça.
9 M. Nobilo (interprétation). - Donc à partir du point D, en
10 diagonale vers...
11 Témoin V (interprétation). - ...Vers B, mais c'est une évaluation
12 qui n'est pas spécialisée. Je ne l'affirmerais pas à 100 %.
13 M. Nobilo (interprétation). - Merci beaucoup, Témoin V.
14 Témoin V (interprétation). - En tout cas, j'y associe quelques
15 réserves.
16 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question,
17 Monsieur le Président.
18 M. le Président. - Bien, il n'y a donc pas d'autre question.
19 Témoin V, le
20
21 Tribunal vous remercie de votre témoignage qui a consisté aussi à avoir
22 beaucoup de courage, en plein événement, d'arriver à recueillir ces photos
23 très parlantes. Nous allons vous faire raccompagner. Monsieur le greffier,
24 s’il vous plaît.
25 (Le témoin sort de la salle.)
Page 5967
1 M. le Président. - Monsieur le Procureur Harmon ?
2 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, voici qui
3 conclut l'audition des témoins pour aujourd'hui.
4 M. le Président. - Bien, nous ajournons. Nous allons laisser
5 partir le témoin. A demain matin, nous commencerons à 10 heures 15.
6 L'audience est levée.
7
8 L’audience est levée à 18 heures 30.
9
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