Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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5 Mercredi 28 janvier 1998

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9 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

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12 M. le Président. - Monsieur le Greffier, introduisez l'accusé.

13

14 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

15

16 M. le Président. - Nous allons reprendre nos travaux. La cabine

17 d'interprétation est-elle prête ? Je salue en même temps nos fidèles

18 interprètes.

19 L’Interprète. - Oui, Monsieur le Président, nous sommes prêts.

20 M. le Président. - Tout le monde m’entend ? Le Bureau du

21 Procureur ? Le banc de la défense ? Le Général Blaskic ? Les assistants

22 m’entendent ? Donc tout est prêt, Monsieur le Procureur. C'est à vous pour

23 un nouveau témoin, je suppose. Je regarde notre liste.

24 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

25 Messieurs les Juges, conseils de la défense.

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1 Le prochain témoin que nous allons demander à comparaître est

2 M. McLeod. Il parlera d'un rapport qu’il a préparé pour l’ECMM, la Mission

3 d'observation de la Communauté

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6 européenne en mai 1993.

7 J’aimerais d’abord dresser le décor et vous parler de M. McLeod.

8 Il a été nommé au poste d'observateur au sein de l’ECMM et il a passé une

9 année en tant que membre de la Délégation britannique de l’ECMM, alors

10 basée à Zagreb, en 1992. En décembre 1992, il a été envoyé à l'état-major

11 du Général Morillon à Kiseljak, où il était l'officier de liaison de

12 l’ECMM, entre l’ECMM et la FORPRONU.

13 A la suite des événements qui se sont produits dans la région de

14 la vallée de la rivière Lasva en 1993, Jean-Pierre Thebault, chef du

15 centre régional d'ECMM à Zenica, et Ole Brix-Andersen, qui était le

16 responsable de la Mission politique britannique, ont envoyé M. McLeod pour

17 faire le point de la situation en avril 1993. Il est arrivé à Zenica le

18 3 mai, il est resté jusqu’au 12 mai, période au cours de laquelle il a

19 rencontré plusieurs personnes, notamment plusieurs membres des partis

20 politiques, des dirigeants religieux et militaires.

21 Il s'est aussi rendu à Ahmici et à Loncari. Il a préparé un

22 rapport sur les violences interethniques à propos de Vitez, de Busovaca,

23 au nom de la section humanitaire de l’ECMM. Ce rapport a été distribué à

24 chacun des états membres de la communauté européenne notamment. En

25 juillet 1993, il a rejoint la conférence internationale sur l’ex-

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1 Yougoslavie en tant que conseiller politique et à travaillé à ce titre. Il

2 répondait devant l'ambassadeur Kai Eide, l’ambassadeur Knut Volebaek et

3 M. Stoltenberg, donc les représentants de M. Stoltenberg. Il va, dans son

4 témoignage, reprendre plusieurs aspects de ce rapport et notamment parler

5 des entretiens qu’il a eus avec Ivica Santic, Pero Skopljak, l’accusé

6 Tihomir Blaskic et Zlatko Aleksovski en particulier. Et, enfin, ce témoin

7 parlera des conclusions qu’il a tirées sur les événements qui se sont

8 déroulés dans cette région en avril 1993.

9 S'agissant de l'acte d'accusation, Messieurs les Juges, son

10 témoignage portera sur tous les chefs de l'acte d'accusation.

11 J’en ai ainsi terminé de mon sommaire, Monsieur le Président.

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13

14 M. le Président. - Très bien. Je vous remercie. Ce rapport dont

15 vous nous parlez, qu'il aurait rédigé, a-t-il été communiqué à la défense,

16 Maître Harmon ?

17 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

18 M. le Président. - Bien. Toutes les conditions du débat

19 contradictoire étant réunies, Monsieur le Greffier, nous pouvons

20 introduire M. McLeod.

21 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

22 M. Hayman (interprétation). - Aux fins du compte rendu, nous

23 voulons maintenir notre objection s’agissant du ouï-dire, puisqu'il s'agit

24 d'entretiens avec d'autres personnes dont va parler ce témoin, alors que

25 nous n'aurons pas, nous, la possibilité d’interroger ces autres personnes

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1 avec lesquelles il a eu des entretiens.

2 M. le Président. - La Chambre a pris une décision sur le ouï-

3 dire, Maître Hayman, je vous le rappelle. Vous ne pouvez pas continuer à

4 maintenir vos objections dès lors que la Chambre a décidé. Si vous voulez

5 le faire, ce sera inscrit au compte rendu. C'est une protestation morale,

6 si je comprends bien.

7 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

8 M. le Président. - D'accord. Si c’est moral, nous l'inscrivons

9 bien ainsi. Merci.

10 M'entendez-vous, Monsieur McLeod ?

11 M. McLeod (interprétation). - Oui, je vous entends, Monsieur le

12 Président.

13 M. le Président. - Bien. Pouvez-vous nous confirmer votre nom et

14 prénom, s’il vous plaît ?

15 M. McLeod (interprétation). - Je m’appelle Charles McLeod.

16 M. le Président. - Bien. Vous allez rester debout pendant que

17 vous allez lire la déclaration, qui est votre serment, que va vous tendre

18 l'huissier.

19 M. McLeod (interprétation). - Je déclare solennellement que je

20 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21

22

23 M. le Président. - Asseyez-vous.

24 (Le témoin s’exécute.)

25 Le Tribunal vous remercie d’être venu jusqu’à lui, à la

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1 convocation du Procureur, dans le cadre du procès intenté par le Tribunal

2 contre le Général Blaskic, ici présent.

3 Le Procureur nous a défini le cadre général de votre témoignage,

4 s'agissant d'un expert comme vous. Je ne reviendrai pas dessus, le

5 Procureur a dû vous expliquer ce que nous attendons de votre déposition,

6 qui doit donc se centrer sur les points exacts que veut souligner

7 l’accusation contre le Général Blaskic. Vous aurez peut-être quelques

8 questions préliminaires, après quoi vous déposerez librement devant le

9 Tribunal. Puis le Procureur vous posera quelques questions

10 complémentaires. Monsieur le Procureur, c’est à vous.

11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, je vais vous

12 poser plusieurs questions relatives au rapport que vous avez rédigé sur

13 les violences interethniques dans les régions de Vitez, Busovaca et

14 Zenica, en avril 1993.

15 Je vous demanderai de faire une petite pause entre les questions

16 et les réponses pour que les interprètes aient le temps d'interpréter,

17 faute de quoi il y aura chevauchement des questions et des réponses, et la

18 présentation perdra de son efficacité.

19 Avant d'entrer dans le vif du sujet de ce rapport, pourriez-vous

20 nous dire, et dire aux Juges, ce qu'il en est de votre éducation, en

21 insistant tout particulièrement sur votre formation en tant qu’officier

22 militaire et sur les expériences que vous avez glanées en tant que membre

23 de l’ECMM en ex-Yougoslavie.

24 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Je suis né à Londres

25 en 1963. J’ai été formé en Angleterre. Je me suis joint à l'armée

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1 britannique en 1982 et j'ai été sous-lieutenant d'infanterie en 1983. J'ai

2 été stationné avec mon unité en Allemagne. J’ai eu une mission de quatre

3 mois à Belfast ouest, en Irlande du Nord. Alors que j'étais toujours dans

4 l'armée, j'ai fréquenté des cours à l'université de Londres où j'ai obtenu

5 une licence en allemand après trois

6

7

8 ans d'études. J'ai rejoint mon unité en Angleterre et j’ai à nouveau passé

9 deux ans en Irlande du Nord. Puis, j’ai suivi un cours d’officier. Mon

10 dernier emploi dans l'armée était adjudant pour un concours de formation.

11 J’ai eu un certain nombre d’expériences : par exemple en tant

12 que représentant d'un procureur en cour martiale. J'ai participé à une

13 douzaine de procès en cour martiale sur une période de dix-huit mois.

14 Ensuite, j'ai quitté l'armée en 1992. Et aussitôt, je me suis retrouvé

15 membre d’une délégation de l’ECMM.

16 J'avais un contrat de deux mois et j’ai eu en tout six contrats.

17 Ensuite, je pourrai revenir plus dans le détail de mon action menée au sein

18 de l'ECMM. J'ai travaillé dans le cadre de la conférence internationale sur

19 l’ex-Yougoslavie en tant que conseiller personnel au député M. Stoltenberg,

20 l'Ambassadeur Knut Volebaek et l’Ambassadeur Kai Eide.

21 Nous étions responsables des négociations que nous essayions de

22 mener entre le gouvernement croate et les Serbes, qui occupaient alors la

23 partie de la Krajina serbe.

24 Suite à cela, j’ai fait une maîtrise en administration. Je vais

25 vous parler de façon plus détaillée de mon travail en tant que membre de

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1 l'ECMM.

2 Au départ, j'étais membre du Centre régional de Zagreb. Je

3 travaillais comme observateur et je travaillais à la question de la

4 séparation des forces en Croatie, entre les deux parties de la ligne de

5 contact, entre les Serbes et les Croates.

6 J'étais responsable de veiller à ce que les troupes soient

7 retirées de la ligne de front et qu'il y ait stockage des armes lourdes,

8 c'est-à-dire que je devais travailler avec les deux factions en présence et

9 très vite, je suis passé au quartier général de l’ECMM, dans la section

10 humanitaire.

11 En tant que membre de cette section humanitaire, j'avais pour

12 responsabilité d'essayer de mettre en oeuvre une politique humanitaire si

13 c’était possible. Mais nous avions peu de ressources pour mener à bien nos

14 actions. Nous avions des équipes sur le terrain qui se chargeaient

15 d’observations et nous avions des informations qui se posaient dans le

16 cadre humanitaire.

17 Une des choses que j'ai essayé de faire, c’est d’améliorer

18 l’information entre l'équipe et le terrain en créant un rapport

19 hebdomadaire sur les activités humanitaires, rapport diffusé à toutes les

20 agences humanitaires basées à Zagreb, qui pourraient tirer parti des

21 informations que nous avions récoltées à propos de la Croatie et de la

22 Serbie. Apparemment, cela était bien reçu.

23 En tant que membre de la section humanitaire, j'ai participé aux

24 tentatives menées par l’ECMM pour reprendre une position dans la Bosnie

25 contrôlée par les Serbes. Cela m'a amené à faire plusieurs missions à

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1 Banja Luka, quartier général de la Bosnie septentrionale contrôlée par les

2 Serbes.

3 A la suite de quoi, l’ECMM a été contacté par John Thompson, chef

4 de la conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, la CSCE. Il a

5 organisé la mission d’un rapporteur pour les camps de Trnopolje et de

6 Manjaka. Nous avions peu d'accès à Banja Luka et John Thompson nous a

7 demandé d'accompagner ce rapporteur, qu'il allait envoyer dans cette partie

8 de la Bosnie.

9 Etant donné que nous avions la liaison avec la CSCE, nous avons

10 été invités par cette dernière à être présents lorsque les détenus de ces

11 camps étaient évacués.

12 A Noël 1992, je me trouvais à l'état-major du général Morillon à

13 Kiseljak, à l’extérieur de Sarajevo, pour une période de quatre semaines.

14 Au cours de cette période, je suis allé de Kiseljak à Zenica pour voir les

15 conditions qui régnaient sur le terrain. J’ai vu ce qui se passait sur la

16 route pendant la période de Noël 92.

17 Au mois de mars 1993, une de mes activités principales consistait,

18 et je crois que j’y suis parvenu, à établir un processus de négociation

19 entre les Croates et les Serbes en Krajina. Cela afin de faciliter le

20 recueil des cadavres qui se trouvaient sur la ligne de confrontation, car

21 il y avait eu pas mal de combats autour du camp en janvier et des corps

22 avaient été empilés dans le no man's land. Cela créait de vives

23 préoccupations.

24 La direction danoise de l’ECMM a établi un programme de

25 négociations avec les Croates et les Serbes, afin de reprendre ces corps et

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1 de les rapatrier à travers le point de contrôle du barrage routier des

2 Nations Unies.

3 Effectivement, ceci créait de vives préoccupations.

4 En avril de cette année, vous connaissez les événements qui se

5 sont produits dans la région de Vitez et sitôt après, les événements des

6 16, 17 et 18 avril. Jean-Pierre Thebault, Ambassadeur de France qui

7 travaillait pour l’ECMM et chef de centre régional de Zenica est venu à

8 Zagreb, à l'état-major. Il a rencontré Ole Brix Andersen, le responsable de

9 la mission politique. C'était un diplomate danois. Il est venu le

10 rencontrer pour discuter des événements, pour faire part de ses inquiétudes

11 et il a suggéré que quelqu'un aille sur le terrain afin d'essayer d'établir

12 le plus clairement possible ce qui se passait.

13 Monsieur Thebault a dit qu'il pouvait laisser partir quelqu'un,

14 mais que tout le monde travaillait d'arrache-pied dans le cadre de réunions

15 trilatérales pour essayer d'atteindre une stabilisation de la situation.

16 Parallèlement Thomas Osorio, qui travaillait pour le Centre des

17 Droits de l'Homme a aussi approché l'ECMM pour dire qu’il allait

18 précisément à Ahmici voir ce qui se passait sur le terrain. Il a demandé si

19 quelqu’un pouvait y aller. Une décision a été prise par le quartier général

20 de l’ECMM. Puisque j'avais travaillé dans la partie humanitaire, je devrais

21 aller au centre régional de Zenica pour rapidement essayer d 'établir ce

22 qui s'était produit pour revenir ensuite dresser un rapport.

23 M. Harmon (Interprétation). - Merci de ces informations. Je

24 demanderai la pièce 242, Monsieur Dubuisson, que cette pièce soit attribuée

25 à qui de droit.

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1 M. le Président. - Cette pièce 242 est une copie du rapport rédigé

2 par Monsieur McLeod sur les violences interethniques à Vitez, Busovaca et

3 Kiseljak. Il y a une version française et une version anglaise également.

4 M. Harmon (interprétation). - Avant de parler de ce rapport

5 pourrais-je vous demander à qui ce rapport a été remis.

6 M. McLeod (interprétation). - Une fois rédigé, ce rapport a été

7 remis aux chefs de

8

9

10 délégation qui, eux-mêmes, l’ont envoyé à leur capitale respective,

11 capitales de l'Union européenne et d'autres.

12 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges à

13 quelle date vous êtes allé en Bosnie centrale pour préparer ce rapport.

14 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Je suis allé à Zenica

15 le 3 mai et j’y suis retourné le 12 mai 1993.

16 M. Harmon (interprétation). - Pour préparer ce rapport, avez-

17 vous eu des consultations avec les observateurs du terrain de l’ECMM et

18 avec du personnel de la FORPRONU ?

19 M. McLeod (interprétation). - Tout à fait. Dès mon arrivée, je

20 me suis chargé de rassembler tous les rapports déjà rédigés par l’ECMM et

21 la FORPRONU. J'ai passé une ou deux journées à lire tous ces rapports et à

22 faire un sommaire des événements, que l'on trouve d'ailleurs à la fin de

23 mon rapport.

24 J'ai essayé d'établir quelles étaient les localisations sur une

25 carte pour avoir une idée précise de ce que les Nations Unies avaient vu,

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1 pour avoir une idée la plus claire possible de ce que nous croyions s'être

2 passé, pour avoir le cadre des événements.

3 M. Harmon (interprétation). - Ce faisant, êtes-vous allé sur le

4 terrain dans des villages qui avaient été détruits ?

5 M. McLeod (interprétation). - Oui. Le 4 mai, je suis allé avec

6 M. l'Ambassadeur, Jean-Pierre Thebault, pour aller voir l'état-major du

7 bataillon britannique à Vitez et je suis allé avec le Colonel Bob Steward

8 au cours de la mission qu'il faisait à Ahmici.

9 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous allé au village de

10 Loncari ?

11 M. McLeod (interprétation). - Oui. D'abord Ahmici et puis à

12 Loncari.

13 M. Harmon (interprétation). - Dans le cadre de la préparation de

14 ce rapport, avez-vous aussi interrogé des dirigeants politiques et

15 militaires de la partie musulmane et du HVO ?

16 M. McLeod (interprétation). - Oui. Mon objectif, c’était, dans

17 la mesure du

18

19

20 possible, d’avoir une vue équilibrée des choses, de m'entretenir avec des

21 dirigeants politiques, par exemple les maires, mais aussi avec les

22 commandements militaires des deux côtés. Je voulais aussi rencontrer des

23 personnes qui soient vraiment des dirigeants civils des oppositions

24 respectives.

25 J'ai rencontré des dirigeants religieux parce que des deux

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1 côtés, dans les territoires contrôlés par une partie, il était important

2 de rencontrer les dirigeants politiques de l’autre partie pour avoir une

3 idée la plus objective possible.

4 M. Harmon (interprétation). - Dans votre rapport, il y a les

5 déclarations des différentes personnes avec qui vous vous êtes

6 entretenues ?

7 M. McLeod (interprétation). - C'est exact. J'ai pris des notes

8 détaillées au fil de ces entretiens. A la fin de mon séjour à Zenica et

9 dès mon retour à Zagreb, j'ai mis tout cela sur ordinateur. Vous trouverez

10 la plupart de ces entretiens en annexe de mon rapport.

11 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous, en peu de mots,

12 nous dire quelles sont les personnes que vous avez rencontrées ? Combien y

13 en avait-il, qui étaient ces personnes ?

14 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Si vous me le

15 permettez, je consulterai le rapport et je prendrai le sommaire, la

16 deuxième page du rapport. Vous y voyez les dates des réunions et mes

17 interlocuteurs. Vous verrez que j'ai rencontré le maire de Zenica, le

18 père Stjepan qui était prêtre catholique croate à Zenica, le responsable

19 de la Croix Rouge internationale, le commandant militaire de la région et

20 le lendemain j'ai rencontré le père Bozo.

21 M. le Président. - Il me semble que dans la version française,

22 il me manque les deux premières pages ?

23 M. Harmon (interprétation). - (inaudible)

24 M. le Président. - J'ai un rapport qui commence sur une

25 déclaration des maires des communes de Zenica et de Vitez. Je suppose

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1 qu'un rapport commence par une introduction. Je

2

3

4 ne sais pas qu'elle est... ?

5 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

6 Président, on m'avait dit que tout le rapport avait été traduit en

7 français, je l'ai reçu. Apparemment, le sommaire n'est pas repris dans la

8 version française.

9 M. le Président. - Il n’y a pas que la table des matières, il me

10 semble que l'essentiel est qu'il y ait une introduction.

11 (Lecture de l’intitulé de la première page de la version

12 anglaise.)

13 Dans ces deux pages, je suppose que le témoin y explique sa

14 mission ?

15 M. Harmon (interprétation). - Oui. Apparemment, Monsieur le

16 Président, dans la traduction française, les pages ne sont pas bien

17 classées dans le bon ordre. Je ne vois pas de table des matières.

18 M. McLeod (interprétation). - Je l'ai trouvée dans la version

19 française.

20 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous indiquer à

21 Monsieur le Juge Jorda où se trouve la table des matières dans la version

22 française ? Ce serait très utile, merci. Il semblerait, Monsieur le

23 Président que les pages aient été mal classées. Mais manifestement,

24 Monsieur le témoin a la possibilité de vous donner un petit coup de main.

25 M. le Président. - Je m'y retrouve effectivement. J’ai des

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1 schémas de pensée un peu archaïques, mais je préfère qu'un rapport

2 commence par un titre, qui s’intitule rapport ! Cela me va beaucoup mieux.

3 Je remercie le témoin d'être venu à mon secours. Je vous ai moins bien

4 écouté sur votre dernière réponse, si vous pouviez reprendre, je vous

5 remercie.

6 M. McLeod (interprétation). - Volontiers.

7 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous reprendre le début

8 de votre réponse, nous dire une fois de plus qui vous avez rencontré et

9 les personnes dont les déclarations se retrouvent dans le document.

10 M. McLeod (interprétation). - Vous trouverez dans la table des

11 matières les dates à

12

13

14 gauche et les précisions à propos des personnes que j'ai rencontrées à

15 droite. J'ai rencontré le maire de Zenica, le père Stjepan, prêtre croate

16 catholique vivant à Zenica, le responsable du CICR à Zenica et le

17 commandant du troisième corps d'armée de la BiH, le père Bozo, autre

18 prêtre croate catholique de Cajdras, juste en dehors de Zenica, dans une

19 partie contrôlée par les Musulmans.

20 J'ai rencontré également le maire de Vitez, le général Blaskic,

21 commandant de la zone opérationnelle de Vitez, qui était colonel à

22 l'époque. Le vice-commandant de la brigade Bicic, armée de la Bosnie-

23 Herzégovine qui se trouvait juste à l’extérieur de Vitez. J'ai rencontré

24 des membres du Britbat, j'ai rencontré le commandant en second. L’imam

25 Enver Hodza à Busovaca. De nouveau le maire de Zenica, diverses personnes,

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1 travaillant au centre des droits de l'homme à Zenica. Je me suis rendu à

2 la prison de Kaonik, prison croate jusqu'à l'extérieur de Busovaca.

3 J’ai rencontré un monsieur qui s’appelle Hasan Sadibasic,

4 Musulman vivant à Vitez et, enfin, j’ai eu une nouvelle réunion avec le

5 commandant du troisième corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

6 M. Harmon (interprétation). - Avant de parler de la tenue de ces

7 entretiens, pourriez-vous nous parler de la méthode que vous avez

8 adoptée ? Qu’avez-vous dit ? Qu’ont-ils dit ? Comment les choses se sont-

9 elles déroulées ?

10 M. McLeod (interprétation). - Ils avaient pour objectif de

11 recueillir des éléments les plus nombreux possibles pour savoir que ce qui

12 s'était passé. Au départ, je me suis équipé de ce que nous avions vu nous-

13 mêmes. J’ai expliqué que je venais de Zagreb, que la Communauté

14 internationale s'inquiétait vivement des événements qui venaient de se

15 produire, que j'avais été envoyé sur place pour rencontrer tout le monde,

16 pour parler à des gens, que j’avais toute une série de réunions

17 équilibrées reprenant les vues des deux factions.

18 Je leur ai demandé de me dire, en leurs propres termes, ce qui

19 s'était passé. Pour

20

21

22 faciliter cela, j’avais plusieurs cartes photocopiées, des feutres. Je

23 leur demandai de m'expliquer, à l’aide de la carte et d’un feutre de

24 couleur, ce qui s'était passé. Cela a facilité les choses parce qu'ils

25 parlaient de régions, d’endroits qui ne me disaient rien du tout. Alors

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1 que si c’était indiqué sur une carte, tout devenait beaucoup plus clair.

2 Dans la mesure du possible, j'ai essayé de ne pas contredire ce

3 qu’ils me disaient. Si je croyais qu’ils disaient quelque chose d’erroné,

4 j’attendais, j’essayais de voir ce qu'ils avaient comme points de vue.

5 J’espérais, en recueillant les points de vue de tout le monde, des deux

6 factions, aux niveaux politique, militaire et religieux, j’aurais une idée

7 plus précise de la façon dont eux voyaient les choses et que cela me

8 permettrait de comparer leur façon de voir avec la version des événements

9 que nous avions. Je pensais que cela nous donnerait la meilleure façon

10 possible de décrire les événements.

11 J'ai aussi expliqué que nous avions pour intention d'établir les

12 faits et pour éviter que cela ne se reproduise aussi. C'était un but assez

13 ambitieux, à ce moment-là comme aujourd'hui.

14 M. Harmon (interprétation). - Aviez-vous un interprète ou y

15 avait-il une tierce partie présente lors de ces entretiens ?

16 M. McLeod (interprétation). - Oui, l’ECMM avait pour politique

17 d’avoir des équipes de deux. Vous aviez toujours des personnes de deux

18 nationalités différentes pour chacune de ces réunions. Soit j’avais avec

19 moi l’ambassadeur Thebault, ou un observateur danois, Eric Friis-Pedersen,

20 qui était membre du Centre régional de Zenica.

21 Dans la mesure où mes connaissances en langue en serbo-croate à

22 la fin de deux années me permettaient de comprendre, c’était bien, mais je

23 ne pouvais pas pour autant assurer une réunion en langue serbo-croate avec

24 chacun des interlocuteurs. Nous avions donc un interprète. La plupart du

25 temps, j’utilisais un interprète offert par le Centre régional.

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1 Quelquefois, j'ai utilisé par les interprètes mis à disposition de la

2 réunion par les parties.

3 M. Harmon (interprétation). - Parlons de certains de ces

4 entretiens repris dans le

5

6

7 rapport. Commençons par Besim Spahic, maire de Zenica. Pouvez-vous dire

8 aux Juges ce qu'il en fut de cet entretien-là ?

9 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Pour mieux vous aider

10 à comprendre, messieurs les Juges, vous trouverez une synthèse de cet

11 entretien dans l’annexe A au rapport. Je suis sûr que vous la trouverez

12 dans sa version française.

13 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, je ne sais pas si

14 le Juge Jorda, le Président de cette Chambre, va pouvoir trouver cette

15 synthèse dans son rapport.

16 M. le Président. - Je l’ai trouvée, Monsieur Harmon. Je vous

17 remercie de votre sollicitude.

18 M. Harmon (interprétation). - Parfait, je vous remercie.

19 Monsieur McLeod, poursuivez je vous prie.

20 M. McLeod (interprétation). - J’ai rencontré M. Spahic, le maire

21 de Zenica en plusieurs occasions, mais c’est la première personne que j'ai

22 rencontrée à Zenica, une fois que j'ai commencé à organiser ces différents

23 entretiens avec les différentes parties en présence. J’étais accompagné

24 par Eric Friis-Pederson qui participait à cet entretien.

25 Le maire, M. Spahic, a parlé pendant un long moment des

Page 6360

1 différents événements qui s’étaient produits. Vous pouvez voir les notes

2 que j’aie prises au fur et à mesure que l'interprète parlait. En tout cas,

3 on peut les voir dans la version anglaise. Je ne suis pas assez bon en

4 français pour vous dire si on trouve exactement la même chose dans la

5 version française. L'interprète parlait et moi, au fur et à mesure, je

6 prenais des notes au fil de l’entretien.

7 Pour résumer, il disait que ce conflit avait eu lieu, que la

8 situation s'était beaucoup détériorée de façon spectaculaire au fil du

9 temps. Ils avaient tenté de stabiliser la situation à Zenica. Il a reconnu

10 que du côté musulman, à Zenica, certaines exactions avaient été commises

11 vis-à-vis de la population croates, certaines personnes avaient été

12 arrêtées, d’autres déplacées, des maisons avaient été incendiées.

13 Mais surtout, il essayait de souligner leurs efforts constants

14 pour essayer de stabiliser la situation et de faire en sorte que la

15 population croate puisse retourner chez elle, au cas où elle aurait dû

16 partir de son domicile.

17 Dans les cas où les personnes étaient victimes de certains

18 actes, les formations militaires et policières musulmanes étaient

19 supposées leur accorder une certaine protection.

20 Ils essayaient également de faire en sorte que les formations

21 militaires croates, qui se trouvaient à Zenica avant tout cela, prennent

22 la situation en main. Très clairement, ils reconnaissaient que les choses

23 ne s’étaient déroulées de façon absolument parfaite, mais qu'ils avaient

24 fait de leur mieux pour essayer de renouer avec une certaine normalité,

25 avec une situation plus ou moins normale.

Page 6361

1 Il a précisé que, par ailleurs, il y avait un grand manque

2 d'information quant à ce qui se produisait. Il était très préoccupé par ce

3 qui se passait à Vitez. Ils avaient eu vent des événements atroces qui

4 s’étaient déroulés à Ahmici. En effet, des réfugiés d’Ahmici étaient

5 arrivés au cours de l’entretien. Il m’a donné une liste des personnes dont

6 il pensait qu'elles avaient été arrêtées ou portées disparues à Vitez.

7 Cette liste, vous la trouverez en annexe 2 A du rapport dans mon

8 exemplaire de la version française.

9 Il m'a communiqué cette liste et il m'a dit : « M. McLeod, si

10 vous pouviez obtenir des informations sur ces personnes, nous vous en

11 serions très reconnaissants ». Il m'a vraiment donné l'impression d'être

12 quelqu'un qui essayait d'avoir une attitude raisonnable dans des

13 circonstances extrêmement complexes. Il reconnaissait très volontiers que

14 les choses n'avaient pas été menées de la meilleure façon possible, mais

15 que son objectif principal était d’en arriver à une communauté

16 multiethniques vivant en bonne harmonie.

17 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, vous a-t-il dit

18 ce qui était arrivé aux deux mille Croates qui vivaient dans la partie

19 sud-ouest de Zenica ?

20

21

22 M. McLeod (interprétation). - Oui, il a déclaré qu'au début des

23 hostilités, donc vers le 16 avril, une large proportion de la population

24 croate, pour des raisons quelconques, avait décidé de quitter les lieux.

25 Je crois qu'il y avait eu une grande campagne de propagande,

Page 6362

1 « propagande » n’étant peut-être pas tout à fait le terme adéquat, en tout

2 cas les médias Croates de Vitez avaient fortement incité la population à

3 partir.

4 Bon nombre de ces personnes avaient abandonné leur maison et

5 s’étaient rendues vers Vitez. Ensuite, elles avaient essayé de retourner

6 chez elles, mais, dans certains cas, elles n’avaient pas pu. Les personnes

7 qui se trouvaient dans les territoires contrôlés par les Croates n'ont pas

8 été à même de rentrer vers Zenica. Il y avait donc une grande proportion

9 de personnes déplacées.

10 M. Harmon (interprétation). - A-t-il dit qui empêchait les

11 Croates qui avaient été déplacés de revenir dans la municipalité de

12 Zenica ?

13 M. McLeod (interprétation). - D'après lui, les Croates

14 empêchaient ces personnes de quitter les territoires contrôlés par les

15 Croates pour aller chez eux, à Zenica.

16 M. Harmon (interprétation). - Bien. Vous avez dit qu'il essayait

17 de faire en sorte que la population croate soit en sécurité à Zenica. Ne

18 vous a-t-il pas également soumis deux décrets qui avaient été émis et qui

19 visaient à la protection de cette population ?

20 M. McLeod (interprétation). - Oui, absolument.

21 Malheureusement, je crois que nous aurons quelques difficultés

22 pour les trouver dans la version française.

23 M. le Président. - Ne cherchez pas, continuez à faire votre

24 déposition, je me débrouillerai. Si j’ai un problème, je l'indiquerai.

25 Continuez à faire votre déposition.

Page 6363

1 M. McLeod (interprétation). - En fait, c’est dans l’annexe 1 du

2 rapport « Décret pour le retour des réfugiés à Zenica ». Il m'a fourni

3 deux documents. Un premier document daté du 17 avril, c'est-à-dire un

4 décret visant l'établissement d’une présidence de guerre pour Zenica.

5

6

7 Ce document disait, en substance, que des postes de contrôle conjoints, en

8 l'occurrence « conjoints » veut dire entre Croates et Musulmans », soient

9 établis à Zenica.

10 Il prévoit aussi l'établissement de patrouilles visant à

11 empêcher que des exactions soient commises contre la population locale. Il

12 prévoit également l’établissement de barricades à l'intérieur même de la

13 ville, mais que celles-ci soient, en fait, démantelées. Il prévoit ce que

14 doit faire la police civile. Il faut que la police civile et que l'armée

15 s'assurent de la protection de la population. Il faut aussi prévoir

16 l'accès libre aux hôpitaux pour la population. Ces hôpitaux doivent être

17 protégés par des forces conjointes, à la fois croates et musulmanes. Il

18 prévoit un cessez-le-feu et l’arrêt de l’excavation des tranchées. Donc

19 tout cela pour Zenica même. Des deux côtés, musulman et croate, il fallait

20 absolument qu'il n'y ait plus de tranchées creusées dans la zone.

21 Le décret prévoit également la création d'une commission

22 conjointe constituée de la défense civile du HVO et d'une formation

23 militaire croate pour Zenica, composée également de certains membres de

24 l'ECMM. Cette commission conjointe est supposée se rendre au village

25 d’Obvjeno pour mettre un terme aux combats. On y parle de l'ECMM, de la

Page 6364

1 nécessité de faire se rencontrer les commandants militaires des deux

2 parties et d'obtenir l’accord sur certains villages de mettre un terme au

3 conflit ; les deux commandants sont supposés ordonner aux forces

4 militaires locales de mettre un terme à leurs actions.

5 Une première tentative de ce type d'action a été mise en place

6 en janvier de cette année lorsque le conflit a d’abord éclaté à Busovaca.

7 Nous essayons de refaire exactement la même chose dans la région. Il

8 s'agit d'une commission du même type que celle que je viens de décrire. Il

9 fallait qu’elle se rende dans ce village et qu’elle stabilise la

10 situation.

11 Le deuxième document qui m'a été transmis est daté du 18 avril.

12 Il précise qu'il doit y avoir un cessez-le-feu inconditionnel, le retrait

13 de toutes les unités de la ligne de front. Il faut que les policiers

14 civils et de la défense civile protègent tous les individus et leurs

15 biens. Il prévoit

16

17

18 aussi le retour des personnes déplacées à leur domicile. Il prévoit

19 également que les commissions d'habitants organisent des patrouilles, mais

20 non armées, pour assurer la sécurité des quartiers, des maisons, etc.

21 M. Harmon (interprétation). - Enfin, Monsieur McLeod, le maire

22 vous a-t-il communiqué une liste de treize hommes portés disparus pour la

23 communauté de Vitez ?

24 M. McLeod (interprétation). - Oui, absolument. Comme je l’ai

25 dit, il m'a transmis cette liste dans mon exemplaire du rapport, on la

Page 6365

1 trouve dans l'annexe 2. C'est la liste qu'il m'a transmise. C’est une

2 version en serbo-croate, il y a aussi une version en anglais.

3 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Maintenant venons-en à

4 une deuxième série d'entretiens, des entretiens que vous avez eus avec

5 deux prêtres catholiques, des Croates apparemment, qui étaient de la

6 paroisse de Zenica. Pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui s'est dit au

7 cours de ces entretiens ?

8 M. McLeod (interprétation). - Oui, bien sûr. Nous en sommes à

9 l'annexe B du rapport. C'est le résumé de mon entretien avec le

10 père Stjepan.

11 Je crois avoir compris qu’il était le responsable religieux à

12 Zenica pour ce qui est de la paroisse catholique. Je l’ai vu chez lui, en

13 compagnie de l’ambassadeur Thebault. Je lui ai dit qui j’étais, ce que je

14 faisais là et je lui ai demandé de me donner son aperçu de la situation.

15 Apparemment, il était vraiment très fatigué. Une pression énorme

16 s'exerçait sur lui, il était très préoccupé par la situation de ses

17 paroissiens. Il a décrit tout ce qu’avait subi la population croate à

18 Zenica, le fait que certaines personnes avaient vu leur maison mise à feu,

19 que d'autres maisons avaient été pillées, que des personnes avaient été

20 abattues. Il était extrêmement préoccupé par tout cela, bien évidemment.

21 Mais ce qu’il soulignait surtout c’est qu’en conjonction avec

22 les autorités musulmanes, il essayait d'arriver à une stabilisation de la

23 situation.

24 En fait, il avait demandé à ce qu'on n'hésite pas à recourir à

25 ses bons offices pour

Page 6366

1

2

3 essayer de rétablir, autant que possible, une situation calme et stable.

4 Il voulait absolument pouvoir continuer à communiquer avec ses

5 paroissiens. Il avait certains contacts avec des personnes qui se

6 trouvaient en prison. Cet accès aux prisonniers et à différentes personnes

7 est un des points qu'il a abordé en détail, avec nous, au cours de cet

8 entretien.

9 Il a précisé, lui aussi, que certains Croates étaient partis,

10 mais que nombre d'entre eux souhaitaient maintenant revenir à Zenica, et

11 qu'il essayait de tout faire pour que cela puisse se produire. Donc il

12 décrivait une certaine situation assez complexe, assez désagréable, mais

13 il précisait également que les autorités locales faisaient de leur mieux

14 pour essayer de rétablir une situation à peu près normale et ce dans des

15 circonstances extrêmement difficiles.

16 M. Harmon (interprétation). - N'est il pas précisé d'ailleurs

17 que toutes les autorités, sauf le MOS, font, je cite : « Tout ce qu'ils

18 peuvent, dans cette situation ils font tout ce qu'ils peuvent et ils

19 mettent beaucoup de volonté ». J'en suis à la page 3 au 3ème paragraphe de

20 votre rapport.

21 M. McLeod (interprétation). - Oui, il parlait des patrouilles

22 conjointes. Il disait qu'au vu de la situation il fallait absolument que

23 ces patrouilles conjointes continuent à être opérationnelles du fait de la

24 difficulté de la situation.

25 Il a dit que la population ne faisait pas confiance à la BiH,

Page 6367

1 c’est-à-dire à l’armée de la Bosnie-Herzégovine, ou au MUP, au Ministère

2 de l’Intérieur, c’était en fait la police, la police civile.

3 Je cite ce qu'il dit : « Tout ce que je peux dire à propos de

4 ces gens, à l'exception du MOS, c’est qu’ils accomplissent leur mission

5 aussi bien que possible et qu'ils se conduisent de façon extrêmement

6 convenable ». Il se trouvait chez lui, à sa table, et nous discutions

7 tranquillement entre nous.

8 M. Harmon (interprétation). - Le père Stjepan, d’après vous,

9 semblait-il être une personne modérée qui essayait de favoriser la

10 réconciliation ethnique plutôt que la division

11

12

13 ethnique ?

14 M. McLeod (interprétation). - Absolument. Il était soumis à une

15 pression extrême. Dans la mesure de ses moyens, il essayait de faire en

16 sorte que ses paroissiens puissent retourner chez eux, et qu'une réelle

17 intégration des différentes communautés ethniques puissent à nouveau être

18 établie dans la ville.

19 M. Harmon (interprétation). - Venons-en à votre entretien avec

20 le père Bozo, s’il vous plaît.

21 M. McLeod (interprétation). - Oui. On trouve le sommaire de cet

22 entretien à l'annexe C du rapport. Le père Bozo était lui aussi un prêtre

23 catholique du village de Cajdras, qui se trouve au sud-ouest de Zenica

24 lorsqu'on suit la colline et qu'on traverse la route de Zenica à Vitez.

25 Je l'ai rencontré le matin du 8 mai. J'étais accompagné par Eric

Page 6368

1 Friis-Pedersen. Nous l’avons rencontré chez lui. Ensuite, nous nous sommes

2 promenés dans le village, plus haut, dans la colline, dans des endroits où

3 les maisons avaient été incendiées. Puis, nous sommes redescendus vers sa

4 maison, vers l’église, et il se trouvait sur le seuil de l'église.

5 Il y a eu une espèce de réunion publique entre lui et ses

6 paroissiens. Il faisait part de ses préoccupations et de ses peurs. Je

7 crois qu'il faisait également partie de cette équipe de prêtres

8 catholiques qui travaillaient dans la région de Zenica. C'est lui qui

9 était responsable des visites aux prisonniers, c’est lui qui rendait

10 visite aux prisonniers croates qui étaient retenus dans les prisons

11 musulmanes, bien sûr.

12 Etant donné qu'il était hors de la ville, qu’il se trouvait très

13 près de la ligne de front, il avait peut-être des vues un peu plus

14 extrêmes que le père Stjepan. La population du village avait été exposée

15 aux combats, aux tirs.

16 Il a précisé tous les actes qui avaient été commis contre ses

17 paroissiens, contre la population locale. Il a donné une liste très

18 précise des maisons qui avaient été brûlées, des

19

20

21 personnes qui avaient fait l'objet de vols, de pillages, des personnes qui

22 avaient été tuées. On pouvait en conclure très clairement qu’un certain

23 nombre d'incidents avaient conduit à la situation telle qu'elle était

24 alors.

25 Lorsque la confrontation a commencé, il est apparu très

Page 6369

1 clairement qu’en fait, très peu de maisons avaient été incendiées. Dans

2 les semaines qui ont suivi, il me semble qu'il a parlé de quarante maisons

3 qui avaient été incendiées. Au fur et à mesure que les personnes étaient

4 chassées de leur maison, les Musulmans -a priori- venaient et incendiaient

5 les maisons.

6 La question se posait, bien sûr, de savoir comment ces personnes

7 pouvaient rentrer chez elles. Il était catégorique. Au début il y avait eu

8 très peu d'incidents, quatre ou cinq maisons seulement avaient été

9 incendiées lorsque ce conflit-là avait commencé.

10 Il a déclaré que, en tout cas au début, il avait pu rendre

11 visite aux Croates qui étaient détenus dans des prisons musulmanes. Il a

12 précisé qu'il n'avait cependant pas pu se rendre dans certaines prisons et

13 qu'à cette date, il n'avait plus la possibilité de rendre visite aux

14 prisonniers. Là aussi, il donnait un aperçu très clair de la situation.

15 C'était vraiment une situation très étrange de se trouver sous

16 le porche de l'église et de l'écouter raconter cela à ses paroissiens. Les

17 paroissiens exprimaient leurs doléances, parlaient de ceux qui manquaient,

18 de ceux qui étaient portés disparus ou avaient été abattus, c'était

19 vraiment une situation très étrange.

20 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur McLeod.

21 Nous en venons maintenant à votre entretien avec MM. Santic et Skopljak ,

22 à l'annexe F du rapport.

23 Tout d'abord, pouvez-vous nous dire comment ils se sont

24 présentés à vous ? Pouvez-vous expliquer aux Juges qui ils étaient et dans

25 quelles circonstances cet entretien a eu lieu ?

Page 6370

1 M. McLeod (interprétation). - Oui, bien sûr. Donc je me suis

2 rendu à Cajdras, où j’ai rencontré le père Bozo. Par la suite, nous sommes

3 redescendus vers Vitez. Le premier

4

5

6 entretien prévu nous permettait de rencontrer les autorités civiles et

7 politiques croates de Vitez. J'ai donc rencontré le maire et M. Skopljak,

8 qui m'a été présenté comme le chef de la police.

9 J'ai écrit d’ailleurs : « commandant de la police de Vitez »

10 dans mon rapport. Peut-être y a-t-il des imprécisions quant à son titre

11 officiel, en tout cas j’avais l'impression qu’il était un policier de haut

12 rang, c'est ce que j'ai compris.

13 Cet entretien a eu lieu en fin de matinée, vers la mi-journée,

14 le 8 mai. Il a duré un certain temps parce que M. Santic souhaitait

15 manifestement absolument tout me dire, tout me décrire, notamment ses

16 opinions politiques.

17 Il a commencé par m'expliquer qu'il fallait absolument que je

18 lise un livre qui pourrait tout m'expliquer et tout me faire comprendre.

19 Il a commencé par dire que les Croates et les Musulmans n’avaient aucune

20 raison de se battre, que rien ne justifiait l'éclatement d'un conflit

21 entre eux. En fait, et de toute façon, les Croates occupaient tous les

22 postes de pouvoir à Vitez, donc, d’après lui, quel besoin d'entrer en

23 conflit les uns avec les autres !

24 Puis il a poursuivi, il a donné sa perception des événements du

25 16 avril. Il m'a dit que les Musulmans avaient attaqué et que les Croates

Page 6371

1 de Vitez et des villages environnants avaient été pris totalement par

2 surprise. Ils avaient cependant réussi à rassembler leurs forces et à

3 faire face, à opposer une résistance et une défense.

4 Il m’a aussi expliqué qu'un certain nombre de Musulmans se

5 trouvant à Vitez avaient été arrêtés, suite à cela. Je crois qu'il m'a

6 donné un chiffre précis, je ne sais plus exactement lequel. Il a également

7 précisé que tous les Musulmans avaient été libérés, sauf treize qui

8 étaient retenus dans la prison de Kaonik et qui y étaient interrogés. Il

9 m’a déclaré que la situation était en voie de stabilisation.

10 Vers la fin de cet entretien qui a duré un certain temps, il m'a

11 expliqué ce qui allait se passer, vis-à-vis de la communauté

12 internationale, notamment de la FORPRONU. Il pensait qu'ils allaient créer

13 une espèce de zone tampon entre les deux communautés, entre les Croates et

14 les

15

16

17 Musulmans, à Zenica. Donc c’était vraiment de la responsabilité de la

18 communauté internationale que de créer cette zone tampon, qui allait

19 ensuite permettre -comme il l’a dit- la libre circulation de la population

20 et, en fait, l'évacuation d’une certaine partie de la population.

21 Il n'a pas parlé de nettoyage ethnique. Il était très clair

22 qu’il pensait que du coup, certaines personnes pouvaient choisir de

23 quitter Zenica. Tous les Musulmans allaient peut-être quitter Vitez et

24 tous les Croates quitter Zenica.

25 Puis il a conclu en disant qu'une fois que cela aurait été fait,

Page 6372

1 une fois qu'il y aurait eu cette espèce de circulation de la population,

2 de grand mouvement de la population, qui ne serait pas un nettoyage

3 ethnique, d’après ce qu’il a dit alors, on pourrait mettre en place le

4 plan Vance-Owen. Alors il pourrait y avoir une réelle démocratie dans la

5 région, mais l’établissement d’une zone tampon était une condition

6 préalable à des élections et à une démocratie dans l'ensemble de la

7 région.

8 Au cours de la conversation, il a indiqué certains endroits sur

9 une carte pour m'expliquer quelle était la situation tactique sur le

10 terrain. Malheureusement je n’ai plus cette carte, mais c'était vraiment

11 une conversation très intéressante.

12 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, à la page 2 de

13 cette même annexe, à la toute dernière phrase, une erreur apparaît-elle

14 dans votre rapport ? Pourriez-vous lire la phrase qui se trouve dans le

15 rapport anglais et ensuite faire part aux Juges de la correction qu’il

16 faut y apporter ?

17 M. McLeod (interprétation). - Oui. Elle se trouve en bas de la

18 page F/2. Il parle de la nécessité d'assurer la protection de la

19 population locale civile. Dans le rapport, j'ai indiqué qu'il y avait un

20 problème du fait que certaines personnes entrent dans le domicile d'autres

21 individus. Blaskic a donc ordonné qu'on ne pénètre pas dans les maisons

22 musulmanes. En fait, après, je suis revenu là-dessus, j'ai vérifié les

23 notes que j'avais prises de façon manuscrite pendant l'entretien.

24

25

Page 6373

1 M. le Président. - C’est à quel endroit dans la version

2 française, monsieur Harmon ? Quelle est la bonne version française ? Est-

3 ce le paragraphe qui commence par « ils ont véritablement fait quelque

4 chose dans le plan pour éviter le génocide... ». Est-ce cela, monsieur

5 McLeod ?

6 M. McLeod (interprétation). - Oui.

7 M. le Président. - 626 en version française.

8 M. McLeod (interprétation). - J’essaie moi-même de m’y retrouver

9 et de retrouver ma note de départ.

10 M. le Président. - C’est la version numérotée 626. Je tiens à

11 savoir quelle est la bonne correction. Il s’agit de l’avant-dernier

12 paragraphe du document version française numéroté 573-626. Ce paragraphe

13 commence, d’après ce que me dit M. Dubuisson, par :

14 « Ils ont véritablement fait quelque chose dans le plan pour

15 éviter le génocide, mais ils n’obtiennent pas de résultat jusqu’à

16 maintenant. Le gouvernement insiste sur le fait que la police militaire

17 locale doit être plus importante. Cela a été fait hier.

18 « Je pense que la situation à Vitez va s’améliorer de jour en

19 jour. Il y a des problèmes avec des personnes qui s’introduisent chez

20 d’autres personnes. Blaskic a ordonné à ses forces de ne pas entrer dans

21 les maisons des Musulmans. »

22 Je voudrais savoir quelle est la correction qui doit être

23 apportée. « Blaskic a demandé à ses forces de ne pas entrer dans les

24 maisons des Musulmans », y a-t-il une correction à cela ?

25 M. McLeod (interprétation). - Oui, absolument. La note que

Page 6374

1 j'avais prise au départ, pendant l’entretien, disait en fait « Blaskic

2 doit ordonner à ses forces de ne pas entrer dans les maisons musulmanes ».

3 M. le Président. - J’ai donc la bonne version. Quelle est votre

4 idée finale ? C’est ce que je voudrais savoir, finalement. Que dois-je

5 lire : « Blaskic doit ordonner à ses forces » ou

6

7

8 « Blaskic a ordonné à ses forces » ? Merci aux traducteurs de m’aider.

9 M. McLeod (interprétation). - Dans ma version de ce rapport,

10 j’ai dit « qu’il avait ». Mais à l’époque, j’ai écrit « qu’il devait le

11 faire. »

12 M. le Président. - « Blaskic doit ordonner à ses forces ». Votre

13 sentiment final, c’est ce qui m’intéresse.

14 M. McLeod (interprétation). - Oui, c'est quelque chose qu'il

15 devait faire, qu'il fallait qu'il fasse.

16 M. le Président. - Merci, excusez-moi.

17 M. Riad (interprétation). - Cela veut dire qu'il n'avait pas

18 donné cet ordre ?

19 M. McLeod (interprétation). - Oui. J'ai pris une note qui

20 correspondait à ce qui s'est dit à ce moment-là, pendant l'entretien.

21 M. Harmon (interprétation). - Poursuivons, si vous le voulez

22 bien, et attachons-nous tout particulièrement à ceci. Pourriez-vous dire

23 aux Juges si oui ou non M. Santic et M. Skopljak vous ont dit si la

24 population musulmane et la population croate pouvait coexister ? Est-ce

25 qu’ils parlaient de polarisation plutôt que de réconciliation ?

Page 6375

1 M. McLeod (interprétation). - Oui. A départ, ils exprimaient, un

2 avis tout d’abord très modéré. Par la suite, c’est devenu assez extrême,

3 radical.

4 Monsieur Santic disait : « il n’y a pas de raison qu’il y ait de

5 combats puisque nous détenons tout les postes de pouvoir ». Il disait

6 qu’ils avaient leur quartier général sur un tas d’immondices. J’avais

7 l’impression qu’il laissait entendre que la population musulmane était

8 inférieure.

9 Il disait aussi que des tensions s’étaient faites sentir,

10 s’étaient développées et qu’au moment où la guerre avait éclaté avec les

11 Serbes, au départ, en Bosnie, les Croates avaient dû se constituer en

12 force de défense. Beaucoup de Musulmans avaient quitté la région. Il

13 impliquait qu'ils s'étaient sauvés pour faire leurs affaires à Zagreb au

14 lieu de mener la lutte.

15

16

17 Puis, il a fait allusion au fait que la population musulmane

18 avait pris des vues religieuses extrêmes, que les Musulmans essayaient de

19 revenir au moment des Turcs, deux cents ans plus tôt, que les femmes des

20 dirigeants musulmans, à Vitez, avaient été forcées à porter le foulard. Il

21 avait dit qu’ils traversaient la ville dotée de haut-parleurs, qu’ils

22 faisaient des harangues à partir d’arrière de camions, qu’une polarisation

23 de la population musulmane devaient assez extrême.

24 Il laissait entendre que, pour les Croates, c’était une

25 situation de plus en plus intolérable et, qu’en partie, cela constituait

Page 6376

1 une justification pour ce qui s'était passé à l'égard de la population

2 musulmane.

3 A partir du sentiment général qui s'est dégagé de l'entretien,

4 de ces conversations, de ce qu'il a émis comme avis politique, sachant que

5 l’entretien a duré environ une heure, j’ai eu l'impression qu'il

6 n'accordait, qu'il n’envisageait aucune place possible pour les Musulmans

7 dans sa communauté.

8 C’était résumé comme tel en fin d’entretien. Il disait :

9 « voilà, nous voulons cette zone tampon établie par la Communauté

10 internationale ou la Communauté européenne, et nous pourrons ensuite être

11 démocratiques ». Mais il ne voyait pas la démocratie sans un état pur sur

12 le plan ethnique. C’est du moins l'impression que j'en ai tiré.

13 M. Harmon (interprétation). - « Après que la population aurait

14 été évacuée, on pourrait mettre en place le plan de paix Vance-Owen. »

15 Est-ce bien ce qu’il a dit ?

16 M. McLeod (interprétation). - Je ne dispose pas d’un exemplaire

17 de l’état du plan à l’époque, mais si je m’en souviens bien, on suggérait

18 qu’il y aurait division du pays en cantons et que les dirigeants

19 politiques et militaires de chacun des cantons se fondraient sur la

20 composition dudit canton à l’époque.

21 Donc s’il y avait un canton mixte, cela voulait dire que la

22 direction, politique et militaire, serait mixte, alors que s’il y avait

23 prédominance d’une conviction particulière, que cela

24

25

Page 6377

1 se serait cette direction-là qui serait assurée, qu’elle soit croate,

2 musulmane ou serbe.

3 Quant à ses aspirations personnelles, elles consistaient à

4 parvenir à une situation locale, équilibrée à ses yeux, pour pouvoir

5 mettre en place le plan Vance-Owen avant, effectivement, que les

6 conditions soient bonnes dans toute la Bosnie. C’est ce qu’il m’a dit.

7 M. Harmon (interprétation). - Il vous a aussi donné trois

8 documents ?

9 M. McLeod (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Pourrions-nous parler de ces trois

11 documents versés en annexe à l'entretien avec MM. Santic et Skopljak. Le

12 premier document a été signé par le Dr Hasen Mujezinovic et par Ivan

13 Santic. Est-ce exact ?

14 M. McLeod (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - Ils sont énumérés 5.10 ?

16 M. McLeod (interprétation). - Oui. Je vérifie une fois de plus

17 s'il y a conformité entre les deux versions.

18 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, pendant la

19 pause, nous veillerons à ce que la version française soit bien classée. Je

20 suis désolée, mais cela vous permettra d'avoir un meilleur aperçu de la

21 situation.

22 M. le Président. - Je comprends très bien qu’il puisse y avoir

23 des problèmes techniques. Les documents dont nous parlons actuellement

24 figurent dans cette version ?

25 M. Harmon (interprétation). - Oui, monsieur le Président.

Page 6378

1 M. le Président. - Ils sont répertoriés sous quels numéros ?

2 M. Harmon (interprétation). - Normalement, ils sont consécutifs

3 aux entretiens de MM Santic et Skopljak. Il devrait y avoir en tout trois

4 documents.

5 M. le Président. - Il est 11 heures 15. Je confie mon exemplaire

6 précieusement à M. le greffier. Je vous confie cela aussi pour faire que

7 cela ne bouge plus. Nous allons faire la pause et nous reprendrons dans

8 vingt minutes. Cela sera la meilleure solution.

9

10

11 L’audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 45.

12

13 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

14

15 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

16

17 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez reclassé mon

18 document, je vous en remercie.

19 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, maintenant

20 que votre document est bien classé, j'aimerais attirer votre attention sur

21 un point. J'ai pris la liberté d’apposer un Post-It à un certain moment de

22 la traduction en français. Lorsque nous l’avons reclassé, nous avons

23 remarqué qu'il y avait en fait une traduction incomplète.

24 J'ai indiqué par un chiffre romain « II », dans la version

25 française, que la dernière phrase est manquante. Je vais demander à

Page 6379

1 M. McLeod de lire à votre attention la dernière phrase du chiffre romain

2 « II ». De cette façon, vous serez au fait, s'agissant de cette pièce.

3 M. le Président. - Pour mon profit personnel, pouvez-vous me

4 lire cette dernière phrase ?

5 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. C’est donc la dernière

6 phrase du chiffre romain « I » qui commence après Zenica. On dit : « La

7 défense civile municipale est aussi obligée de veiller au retour des

8 réfugiés de Vadijda à Bilijvda ».

9 M. le Président. - Merci.

10 M. Harmon (interprétation). - Au moment de l'interruption,

11 j'attirais votre attention sur trois documents qui vous ont été fournis

12 par MM. Santic et Skopljak. Nous allons commencer par le premier :

13 déclaration conjointe annexes 1 à F, sans trop passer de temps car ce

14 document a déjà été versé au dossier. Pourriez-vous dire comment vous avez

15 reçu ce

16

17

18 document ?

19 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Monsieur Santic m’a

20 donné ces documents, car il est essayé de me prouver qu'il voulait assurer

21 le retour à la normalité à Vitez. Il m'a donc donné d'abord un document

22 signé, qu'il a présenté comme étant la preuve de ce que les autorités

23 croates et musulmanes à Vitez avaient déjà décidé d’en revenir à un état

24 de normalité. Si vous connaissez déjà le document, il est inutile de le

25 parcourir.

Page 6380

1 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Passons au document

2 suivant. Pourriez-vous le présenter et dire aux Juges ce qu'il

3 représente ?

4 M. McLeod (interprétation). - Annexe 2 : c'est un projet de

5 document qu'il m'a remis. Il m'a dit qu'il en était l'auteur, qu'il

6 l’avait envoyé à son interlocuteur de l'autre faction, le maire de Zenica,

7 en suggérant qu'il fallait qu’ils le signent conjointement.

8 Il m'a aussi présenté le troisième document, la réponse du maire

9 de Zenica, qui explique pourquoi ce projet de document ne pouvait pas être

10 signé sur-le-champ. Il y avait aussi des propositions de modification.

11 Permettez-moi de parcourir les sept points proposés par Vitez.

12 Ce document devait être signé à la fois par Vitez et Zenica.

13 D'abord il y a une déclaration conjointe, selon laquelle les

14 conflits entre les Musulmans et les Croates en Bosnie centrale n'étaient

15 pas la manifestation du souhait de ces deux nations, mais avaient été

16 provoqués par les Serbes qui avaient entraîné cette déstabilisation à

17 dessein. Il invitait les Croates et les Musulmans à cesser toute

18 hostilité, à en arriver à une paix immédiate, qu'une enquête devrait être

19 préparée pour punir tous ceux qui avaient commis des exactions et que tout

20 cela devait être jugé dans des tribunaux officiels.

21 Il y avait aussi une suggestion selon laquelle les nombreux

22 réfugiés devaient être soutenus et que les forces régulières de police

23 soient mises en branle pour arrêter toutes atrocités, qui apparemment

24 avaient été malencontreusement attribuées à des forces du HVO et

25

Page 6381

1

2 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

3 Etant donné qu'il y avait un blocus intégral à partir de la côte

4 et de Split, il y avait eu un traité conjoint des gouvernements croate et

5 musulman, des armées de Bosnie-Herzégovine et du HVO pour assurer la libre

6 circulation des marchandises depuis la côte vers la Bosnie centrale.

7 Le sixième point dit que, pour assurer la stabilisation et la

8 fin des hostilités, on demande aux médias de ne faire état que de choses

9 qui ont été corroborées, sans apporter de commentaire personnel. Il veut

10 donc avoir un contrôle absolu de la diffusion de l'information pour éviter

11 que ne se propagent des rumeurs, ou que des informations erronées soient

12 diffusées.

13 Enfin, la déclaration veut qu'il y ait une mise en oeuvre la

14 plus immédiate du plan Vance-Owen, dont j'ai déjà parlé pour la mise en

15 place de forces politiques et militaires en fonction de la composition

16 ethnique sur le terrain.

17 Il y a aussi une déclaration de Boban et Izetbegovic en date du

18 25 avril. Malheureusement, je n'ai plus de copie de cela.

19 M. Harmon (interprétation). - Pouvons-nous revenir à cette

20 proposition et à la réponse du maire de Zenica ?

21 M. McLeod (interprétation). - Bien sûr. J'avais reçu, sur place

22 à Vitez, une copie non signée de ce projet de texte et le maire de Zenica

23 a dit : « Oui, effectivement, il faudrait une déclaration conjointe. Mais

24 il en faut une qui reconnaisse les faits tels qu'ils se sont produits,

25 plutôt que de parler de choses qui ne se sont pas produites. » Il semblait

Page 6382

1 donc suggérer qu’en pratique, il y avait des troupes du HVO dans plusieurs

2 villages, notamment à Ahmici, à Gacice, à Veceriska et dans d'autres

3 villages, que s'il devait y avoir une déclaration conjointe, il fallait

4 qu’il y ait condamnation des crimes commis et que des forces neutres, une

5 tierce partie soit opposée aux forces de police locale, que ce soit les

6 forces régulières qui accomplissent le travail nécessaire dans ce cadre,

7 que dans la déclaration conjointe il ne soit pas suggéré que ce qui

8

9

10 s'était passé avait été l'oeuvre de personnes non contrôlées, mais avait

11 effectivement été organisé par les forces régulières des deux côtés des

12 deux factions en présence.

13 Le cinquième point me paraît assez obscur, je ne vois pas très

14 bien ce qu'il suggère. Il se contente de rappeler qu'il faut des enquêtes

15 avant qu'il ne puisse y avoir réconciliation.

16 Dans son sixième point, il revient à la charge pour dire qu'il

17 est inconcevable à ses yeux que des crimes évoqués dans la déclaration,

18 qu'il n'a pas signée, aient été commis par des extrémistes.

19 En conclusion, il se félicite de l'initiative et disait qu'il

20 fallait effectivement faire l'impossible pour mettre un terme à cette

21 situation.

22 M. Harmon (interprétation). - Après avoir terminé cet entretien

23 avec MM. Santic et Skopljak, où êtes-vous allé ?

24 M. McLeod (interprétation). - Nous avons quitté le bureau où

25 avait lieu la réunion. Nous sommes descendus et nous avons fait 200 mètres

Page 6383

1 à pied jusqu'à l'hôtel Vitez, où j'allais rencontrer le Colonel Blaskic.

2 J’avais essayé de rencontrer la direction politique, puis la direction

3 militaire de Vitez pour avoir leur version des faits.

4 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous raconter dans

5 quelles circonstances s'est déroulée cette réunion avec le

6 Colonel Blaskic ? Et ce la version des faits qu'il vous a donnée ?

7 M. McLeod (interprétation). - Oui. J'ai rencontré l'homme qui

8 était à l'époque colonel et qui est aujourd'hui général. Comme d'habitude,

9 en guise de présentation, j'ai dit que j'avais fait partie de l'armée.

10 Nous avons parlé de l’ex-JNA. Nous avons eu, à l'époque, ce que j'ai

11 ressenti comme une conversation tout à fait professionnelle entre

12 militaires.

13 L'interprète a travaillé pendant toute la première partie. Puis

14 elle a eu quelques difficultés avec la terminologie militaire. C’est son

15 interprète qui a pris la relève pour les deux tiers de la réunion,

16 puisqu’il avait une connaissance plus routinière des termes militaires.

17

18

19 Il m'a semblé être un homme assez direct. La réunion a été

20 bonne. Il a expliqué la situation tactique. Cela correspondait bien à ce

21 que m’avaient dit les officiers du Bribat. Il m’a indiqué sur la carte les

22 positions des différentes forces. Il a décrit ce qu'il pensait être

23 l'issue probable de la poursuite des conflits et cela correspondait tout à

24 fait à ce que m'avait dit le Bataillon britannique, le Bribat.

25 Il m'a laissé entendre que c'est uniquement à cause de

Page 6384

1 l'intervention de la FORPRONU que le conflit ne s'était pas envenimé. Il

2 m'a dit que, peu de temps après le 16 avril, l'action -où la réaction cela

3 dépend du point de vue des Musulmans- avait consisté en une attaque pour

4 isoler Vitez et que cette attaque aurait réussi si la FORPRONU n'avait pas

5 réussi à imposer le cessez-le-feu. C’est ce que la FORPRONU m'avait elle-

6 même dit. Donc cette partie de l’entretien me semblait assez cohérente.

7 S'agissant des détails précis quant à ce qui s'était passé

8 le 16, vous verrez ce que j'ai consigné comme notes dans le rapport. En

9 résumé, il a dit qu'il y avait eu une recrudescence de la tension

10 jusqu'au 16, que des tentatives avaient été effectuées pour essayer de

11 déplacer des troupes musulmanes la veille du 16, donc le 15, et que la

12 tension était donc vive.

13 Le 16, il a dit que, dès 5 heures 15 du matin, il avait été

14 réveillé par des tirs de mortiers. Il avait téléphoné à son quartier

15 général pour savoir ce qui se passait et que l'officier de garde lui avait

16 répondu qu’il ne savait pas ce qui se passait. Blaskic aurait indiqué :

17 « Eh bien, nous allons le savoir de la brigade locale ». Un coup de fils

18 avait été passé à l'état-major de la brigade locale. Son commandant était

19 manifestement toujours au lit. Ils avaient dit qu'ils avaient été tout à

20 fait pris par surprise par les événements.

21 Puis le Colonel Blaskic a dit qu'il avait rassemblé des forces

22 dans les meilleurs délais, qu’au cours de cette matinée il avait tout

23 d’abord essayé de renforcer la sécurité des principaux bâtiments de Vitez,

24 puis d'assurer la défense de Vitez. Finalement, dans les villages

25 avoisinants la situation s'était stabilisée. La guerre, du moins cet

Page 6385

1 affrontement local, avait été enrayée grâce

2

3

4 à l’intervention de la FORPRONU qui avait veillé à un cessez-le-feu. Pour

5 lui, il était clair que si cela ne s'était pas produit, les Musulmans

6 auraient réussi à couper les routes d'accès et de sortie de Vitez, et par

7 exemple à couper la route entre Vitez et Busovaca.

8 A la fin de notre réunion, il a dit qu'il pensait que les deux

9 factions pouvaient cohabiter, mais que s'il n'était pas possible d'avoir

10 une zone tampon des Nations Unies, il y avait peu de chance que ces

11 espoirs se réalisent étant donné la guerre qui se déroulait dans la

12 Krajina.

13 Après la réunion, il avait un autre engagement. J'ai vu

14 M. Santic descendre. Je pense qu'il devait avoir une réunion ensemble.

15 M. Harmon (interprétation). - Il vous a dit que le matin du 16,

16 à 5 heures 15, il a été tout à fait pris par surprise, qu’il a été

17 réveillé par un pilonnage et qu'il a été surpris de voir qu’un conflit

18 avait éclaté à Vitez, n’est-ce pas ?

19 M. McLeod (interprétation). - Oui. Pour lui, manifestement les

20 Musulmans avaient lancé une offensive coordonnée sur plusieurs positions à

21 Vitez et sur les villages avoisinants. Les soldats avaient été pris par

22 surprise, mais avaient réagi dans les meilleurs délais pour assurer la

23 défense.

24 M. Harmon (interprétation). - J’attire maintenant votre

25 attention sur certains passages de votre entretien avec le

Page 6386

1 Colonel Blaskic. Vous a-t-il dit combien de soldats professionnels

2 constituaient la brigade de Vitez ?

3 M. McLeod (interprétation). - Oui. Il parlait de 300 à

4 350 soldats professionnels. Il a précisé que le reste de la brigade de

5 Vitez était constituée par des réservistes qui étaient répartis sur les

6 villages environnants.

7 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous demandé au

8 Colonel Blaskic d'apposer certaines indications sur une carte ?

9 M. McLeod (interprétation). - Oui, en effet, comme je l’avais

10 fait d’ailleurs dans la plupart de mes entretiens. Je lui ai fourni

11 l’exemplaire de ma propre carte, je lui ai demandé d'y

12

13

14 inscrire certaines indications et de décrire la situation, telle qu’il l’a

15 percevait.

16 M. Harmon (interprétation). - Lui avez-vous demandé d'indiquer

17 l'emplacement de certains villages qui étaient occupés par les partis au

18 confit, les Musulmans, les Croates ?

19 M. McLeod (interprétation). - Oui. Il a utilisé des feutres

20 différents pour représenter la composition ethnique des différents

21 village.

22 M. Harmon (interprétation). - A-t-il indiqué le village d’Ahmici

23 sur cette carte ?

24 M. McLeod (interprétation). - Cela aurait été intéressant, je

25 m'en suis aperçu par la suite, quand j’ai regardé ce qu’il avait déjà

Page 6387

1 écrit sur la carte, mais il n'a pas parlé d’Ahmici, il n’a pas parlé de

2 Nadioci ni de Loncari.

3 M. Harmon (interprétation). - Donc ils n'ont pas été indiqués

4 par le Colonel Blaskic.

5 M. McLeod (interprétation). - Non, en effet.

6 M. Harmon (interprétation). - Parfait. Maintenant, j’attire

7 votre attention sur le commentaire qu'il a émis sur les événements de

8 Busovaca. Pouvez-vous dire aux Juges ce qu'il a dit précisément à propos

9 de Busovaca, s’il vous plaît ?

10 M. McLeod (interprétation). - Oui, bien sûr. Il a décrit ce qui

11 s’était passé à Busovaca. On le trouve au 3ème paragraphe de cette annexe.

12 Il a décrit ce qui s'était passé au mois de janvier lorsque le conflit a

13 éclaté pour la première fois. Il a dit qu’au mois de janvier, la route de

14 Busovaca à Kiseljak avait été bloquée, que Busovaca était occupée et avait

15 fait l'objet d'un nettoyage ethnique. Il a déclaré ensuite que si les

16 Nations Unies ne séparaient pas les forces, il était évident que le

17 conflit allait se poursuivre.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que cet entretien

19 avec le Colonel Blaskic avait duré environ une heure, n’est-ce pas ?

20 M. McLeod (interprétation). - Oui, 45 minutes, une heure

21 environ.

22 M. Harmon (interprétation). - Votre rapport fait bien état de la

23 teneur de cet

24

25

Page 6388

1 entretien, n’est-ce pas ?

2 M. McLeod (interprétation). - Oui, j'ai pris des notes très

3 détaillées lors de cet entretien. J’y ai apporté un certain nombre de

4 commentaires pour établir des distinctions. Pendant l’interview, à

5 certains moments nous avions un dialogue, à d’autres moments il commentait

6 librement tout ce qui s’était passé.

7 M. Harmon (interprétation). - A la fin de l'entretien, aviez-

8 vous l'impression que le Colonel Blaskic vous avait dit la vérité ?

9 M. McLeod (interprétation). - Oui. J’avais l’impression que sa

10 description de la situation tactique, qui me semblait tout à fait

11 correspondre à ce qui m’avait été dit par les soldats de la FORPRONU,

12 était précise et exacte.

13 A la fin de tous les entretiens, de toutes mes rencontres avec

14 les différents acteurs que j'ai rencontrés, j’ai pensé que s'il était la

15 personne dont je pensais qu'il s’agissait, c’est-à-dire le commandant

16 militaire de la région, je ne vois pas comment il aurait pu se trouver en

17 train de dormir à ce moment précis du matin. Cela ne correspondait pas du

18 tout avec tout ce qu'on m'avait dit par ailleurs ou tout ce que j’avais pu

19 voir par ailleurs.

20 M. Harmon (interprétation). - Je vais essayer de clarifier l’une

21 de vos observations. Vous avez parlé de la situation tactique. Pouvez-vous

22 nous dire exactement ce que vous entendez par là, pour que tout soit

23 clair ?

24 M. McLeod (interprétation). - Oui, bien sûr. Il m'a donné des

25 explications sur les événements qui se sont produits suite au 16 avril. Il

Page 6389

1 m'a décrit la description des bases de forces croates et musulmanes.

2 D'après lui, les forces musulmanes auraient réussi à couper les voies

3 d'accès à Vitez si les forces de la FORPRONU ne les avaient pas empêchées

4 de le faire. En fait, il me donnait une explication qui était presque

5 exactement celle qui m'avait été donnée par la FORPRONU.

6 M. Harmon (interprétation). - Je me porte maintenant sur une

7 autre partie de

8

9

10 l’entretien, la référence à des forces extérieures qui posaient, d’après

11 lui, certains problèmes.

12 M. McLeod (interprétation). - Oui, il a dit que d'après lui les

13 Musulmans ne cherchaient pas à séparer les forces en présence. Ils

14 souhaitaient une continuation du conflit. Il disait qu’il n’y avait pas

15 vraiment de lignes de distinction très nette entre les deux parties et que

16 c'était vraiment une guerre de voisins qui se battaient entre eux.

17 Le plus grand problème était posé par les forces de l'extérieur.

18 Il pensait que s'il ne s'agissait que de forces locales, alors il n’y

19 aurait pas de problème, on pourrait rétablir la paix. Mais à mon avis, il

20 pensait aux mujahedins ou aux forces musulmanes qui avaient été apportés de

21 l’extérieur, ces extrémistes, qui semblaient vraiment poser des problèmes.

22 Je crois que c'est à cela qu'il faisait référence.

23 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur McLeod.

24 Nous allons maintenant en venir à l'entretien que vous avez eu avec

25 Ramiz Dugalic. Pouvez-vous expliquer au juge qui était cette personne et

Page 6390

1 dans quelles circonstances vous l'avez rencontrée ?

2 M. McLeod (interprétation). - Oui, bien sûr. C'est donc

3 M. Dugalic, c'est ainsi qu'on prononce son nom... Pour ce qui est du côté

4 musulman, j'avais essayé de rencontrer les responsables du commandement

5 militaire et avec l’ambassadeur Thibault, j'avais déjà pu rencontrer le

6 commandant du troisième corps de brigade qui avait suggéré qu'il serait bon

7 de s'adresser à l'un de ses commandants adjoints, Ramiz Dugalic. Cependant,

8 je ne sais pas quel était exactement son grade. Il nous avait encore

9 expliqué ce qui, d'après lui, était la situation tactique pour les forces

10 musulmanes, et il nous avait décrit dans le détail ce qui, d’après lui,

11 s'était produit ou était en train de se produire à Vitez et dans les

12 environs.

13 Je ne sais pas vraiment que ce que vous attendez de moi. Il a

14 décrit les incidents qui s'étaient produits. Il a fourni un certain nombre

15 de détails sur ces événements. Il a dit notamment qu'ils avaient pris un

16 certain nombre de Croates qui avaient participé aux événements à Ahmici.

17 J’ai dit que je serais ravi de le rencontrer et quelques jours

18 plus tard, lorsque nous

19

20

21 sommes revenus sur ce sujet, il a déclaré que ces deux individus avaient

22 fait l'objet d'un échange de prisonniers officiers. C’est bien dommage,

23 parce qu'ils auraient bien sûr pu nous apporter des informations précieuses

24 sur ce qui s'était exactement passé.

25 M. Harmon (interprétation). - J’attire votre attention sur la

Page 6391

1 deuxième page de votre rapport, dans la version anglaise en tout cas. Il

2 décrit des unités qui faisaient partie du HVO. Pouvez-vous dire au juge ce

3 qu'il vous a indiqué sur ce point ?

4 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Il a dit que le HVO

5 était constitué de deux formations. Il y avait une formation officielle qui

6 était chargée de faire toute la sale besogne comme il l'a décrit lui-même.

7 Il a dit que c'était un homme appelé Darko qui était au commandement,

8 Darko Kraljevic. Il est maintenant colonel, je crois. Il a dit qu'il était

9 précédemment membre du HOS, qui était une formation militaire croate.

10 Par la suite, il a montré un permis qui avait été donné à certains

11 Musulmans pour qu'ils puissent sortir de chez eux. Une photocopie de ce

12 permis est d'ailleurs attachée au rapport. Ensuite, il a déclaré qu'il y

13 avait une autre organisation qui s'appelait les Jockeri. Il a dit que le

14 commandant de cette formation était un homme appelé Anto Furundzija, pardon

15 pour ma mauvaise prononciation.

16 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, a-t-il parlé du

17 camion qui avait explosé à Vitez ? Si c’est le cas, pouvez-vous dire aux

18 juges ce qu'il vous a dit ?

19 M. McLeod (interprétation). - Il a dit effectivement qu’il y avait

20 eu ce camion piégé qui avait explosé à Vitez. Il m’a dit que Blaskic avait

21 donné un ordre, celui de se saisir de l'homme qui avait conduit le camion

22 et Darko Krakjialevich avait mené l'attaque.

23 Il a dit que ses services de renseignements avaient suggéré que le

24 HVO essayait en fait de placer trois têtes d’explosif dans le camion, mais

25 qu’à la fin il n'avait utilisé que 700 kg d’explosifs. Il a dit que le

Page 6392

1 conducteur n'était pas un homme local, mais qu’il avait été pris parmi un

2 convoi humanitaire.

3 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi d’interrompre Monsieur

4 le Président, mais au vu de ce que nous avons dit dans le cadre de

5 l'ordonnance du ouï-dire, nous parlons maintenant d'un camion qui a été

6 conduit et cela a été rapporté par d'autres individus. Nous sommes

7 maintenant dans une situation de ouï-dire. Nous ne pouvons pas accepter que

8 ce genre d’élément de preuve soit présenté au Tribunal. Objection. Je

9 souhaite que cela figure très clairement dans le compte rendu.

10 M. le Président. - Cela figurera dans le compte rendu. Monsieur

11 McLeod peut continuer, s’il vous plaît.

12 M. Harmon (interprétation). - Vous avez précisé que Monsieur

13 Dugalic vous avait communiqué un document qui se trouve dans l'annexe 1 A

14 jusqu'à 1 I ? S’agit-il du document qui vous a été communiqué par Monsieur

15 Dugalic, s’il vous plaît ?

16 M. McLeod (interprétation). - Oui, tout à fait. C'est un document

17 d'une page très succinct.

18 M. Harmon (interprétation). - De qui émane ce document ?

19 M. McLeod (interprétation). - Je m'inspire de la version anglaise,

20 parce que de toute façon l'original s’y trouve. Il comporte les termes

21 suivants : certificat aux fins de transfert de propriété. Il y a également

22 l'entité à laquelle ce document est adressé, à savoir la République de

23 Bosnie-Herzégovine -cela apparaît en haut du document- ainsi

24 que : communiqué croate Garcen Gesnia, Département de la défense Unité de

25 Vitezovi, Vitez. Il porte la date du 24 avril 1993.

Page 6393

1 La teneur du document est la suivante. Le document confirme que

2 l'adresse est ¼.

3 (Les interprètes ne disposent pas de ce document. Elles ne peuvent

4 pas donner l'adresse précise.)

5 M. McLeod (interprétation). - Cette adresse est donnée pour que

6 Krizjana Cjako puisse habiter temporairement dans cet appartement et

7 l'ancien propriétaire de l’appartement est M. Mecic Faruk. Ce document est

8 signé par le colonel Darko Kraljevic

9 M. Harmon (interprétation). - Nous passons maintenant à un autre

10 entretien, celui que vous avez eu avec l'imam de Busovaca. Pouvez-vous

11 expliquer au juge quand cet entretien a eu lieu et dans quelles

12 circonstances, et quelle est la teneur de cet entretien ?

13 M. McLeod (interprétation). - Le 9 mai, nous avions eu déjà deux

14 entretiens avec les prêtres catholiques croates dans la région de Zenica.

15 Je voulais essayer de confronter leurs opinions avec celles des dirigeants

16 religieux musulmans. Je me suis donc rendu à Busovaca et j'ai essayé de

17 voir si l'imam s’y trouvait toujours. J'ai fini par trouver M. Enver Hodza

18 dans sa maison. En fait, j'étais d'abord passé à la mosquée, mais je ne

19 l'avais pas trouvé.

20 Au début, il n'a pas voulu me parler, mais quand je lui ai

21 expliqué d’où je venais et qui j’étais, il a fini par accepter que nous

22 discutions tous les deux. Nous sommes donc allés chez lui. Nous nous sommes

23 assis dans son salon. Sa femme et ses deux enfants étaient aussi présents,

24 un petit garçon et une petite fille.

25 J'ai, comme toujours, expliqué ce que je faisais là, ce que je

Page 6394

1 souhaitais obtenir de lui. Il m'a décrit ensuite dans le détail quelles

2 étaient les conditions de vie de ses paroissiens à Busovaca.

3 Il a commencé par dire qu'il y avait très peu de nourriture dans

4 la ville. Pendant ce temps-là, sa femme faisait la cuisine. Ensuite, un

5 repas nous a été offert. Ils nous ont dit qu'il fallait que nous mangions

6 absolument. Je lui ai dit que je ne mangeais pas s’il ne mangeait pas avec

7 nous. Nous avons en fait partagé un repas avec lui et Eric. Pendant ce

8 temps-là, sa femme et ses enfants nous regardaient manger. C’était très

9 gênant pour nous.

10 A la fin de la réunion, alors que nous étions sur le point de

11 partir, la police croate est arrivée. Elle est entrée dans la maison. Ils

12 avaient dû certainement voir notre véhicule garé à l’extérieur de la

13 maison. Ils voulaient savoir exactement ce que nous faisions là et de quoi

14 nous avions parlé. J'ai déclaré que je souhaitais mettre un terme à mon

15 entretien avec M. Hojan et qu'ensuite je serais tout à fait ravi de le

16 retrouver au poste de police, et c'est ce que nous avons fait.

17 Concernant la situation, M. Hojan a dit qu'ils étaient

18 complètement isolés, coupés de l'extérieur, sans aucune voie de

19 communication avec Zenica, que les approvisionnements en nourriture étaient

20 très mauvais et très difficiles et qu'il était impossible qu'ils quittent

21 leur domicile sans en avoir d'abord la permission. Il m’a d'ailleurs montré

22 un de ces permis qui lui donnait l'autorisation de circuler dans le

23 village. J’ai d'ailleurs pris un certain nombre de notes sur ce point.

24 Il m'a dit qu’ils n’avaient pas le droit de pratiquer leur

25 religion et, de fait, la mosquée était cadenassée et personne ne s'y

Page 6395

1 trouvait. Il a précisé cependant qu'ils avaient le droit d'enterrer les

2 morts. Il a notamment parlé -je crois que c'était un souvenir tout récent-

3 d'un certain nombre de personnes qu'ils venaient d’enterrer.

4 Dans le cadre de son explication, il a précisé qu'une femme avait

5 été violée la nuit précédente. C'était un événement qui le préoccupait

6 terriblement. Nous avons d’ailleurs, par la suite, reparlé de cet incident

7 lors de notre entretien avec les forces de police croates.

8 Il a déclaré qu'un certain nombre de familles musulmanes avaient

9 été chassées de leur domicile et s'étaient rendues à Zenica. Il a décrit

10 les combats qui ont eu lieu dans un certain nombre de villages au nord de

11 Busovaca. Il a expliqué comment les Croates avaient incendié les maisons et

12 comment les Musulmans avaient brûlé les maisons des Croates, alors que les

13 Croates brûlaient les maisons des Musulmans. Il n'essayait pas du tout de

14 dissimuler le fait que les Musulmans eux aussi, sur la ligne de front,

15 incendiaient des maisons.

16 Il n'a pas essayé de critiquer ce fait et c'était un peu gênant.

17 C'était vraiment une réunion très étrange, c’était vraiment très bizarre de

18 se retrouver là, avec sa famille, dans leur salon, en train d’entendre

19 parler d'événements qui s'étaient passés à des kilomètres de là, à Zagreb.

20 C'était vraiment très particulier de se trouver là.

21 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il dit que des Musulmans de

22 moins de 6O ans avaient dû aller creuser des tranchées pour le HVO ?

23 M. McLeod (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il également précisé que

25 les Musulmans n’avaient pas le droit de sortir de leur maison et que

Page 6396

1 certains ne pouvaient pas sortir de chez eux du fait des actes violents

2 perpétrés par le HVO ?

3 M. McLeod (interprétation). - Oui. Laissez-moi chercher.

4 M. Harmon (interprétation). - Au troisième paragraphe, si cela

5 peut vous aider.

6 M. McLeod (interprétation). - Je cite mes notes. Il dit qu’ils

7 étaient complètement isolés à Busovaca, qu'il y avait le blocus de

8 l'information, que les Musulmans de moins de 60 ans devaient creuser des

9 tranchées pour le HVO, qu'ils ne peuvent pas prier à Busovaca, que les

10 Musulmans n'ont pas le droit de sortir de chez eux, que certains d’entre

11 eux ont dû partir du fait de certains actes violents perpétrés par le HVO,

12 et que lui avait le droit d’enterrer les morts.

13 M. Harmon (interprétation). - Deux paragraphes plus bas, que dit-

14 il pour ce qui est des maisons musulmanes qui ont été vidées de leurs

15 propriétaires ?

16 M. McLeod (interprétation). - C'était dans le contexte qu’il avait

17 eu avec le Président de la municipalité de Busovaca, Zoran Maric. Il a dit

18 qu'il avait rencontré cet homme le jour précédent. Il avait demandé à faire

19 l'objet de mesures de protection. Il avait demandé aussi à ce que des

20 lignes téléphoniques soient rétablies et apparemment, il avait obtenu que

21 cela soit fait. Puis, il a poursuivi et a déclaré que toutes les maisons

22 musulmanes qui avaient été trouvées vides, avaient été reprises par les

23 Croates. Tout avait été volé et les réfugiés croates qui étaient partis de

24 Zenica s’appropriaient les maisons musulmanes.

25 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il dit que les civils qui

Page 6397

1 avaient été emmenés pour creuser des tranchées, ou que certaines personnes

2 parmi ces civils avaient été abattues alors qu’elles creusaient des

3 tranchées ?

4 M. McLeod (interprétation). - Oui, effectivement, il m'a parlé

5 d'un incident en particulier

6 M. Harmon (interprétation). - J'en suis à la deuxième page de

7 page de votre rapport, Monsieur McLeod, deuxième paragraphe.

8 M. McLeod (interprétation). - Il a dit qu'un homme appelé Kemal

9 avait été enterré le 24 avril. C'était en fait un chauffeur qui avait été

10 arrêté entre Vitez et Travnik. Plus de 90 chauffeurs avaient été arrêtés

11 et des tireurs isolés leur avaient tiré dessus alors qu’ils creusaient des

12 tranchées.

13 Il a ensuite parlé d’un autre homme (l’interprète n’arrive pas à

14 saisir le nom) qui avait enterré le jour précédent ma visite. C’était

15 également un chauffeur qui avait été abattu.

16 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie. J’attire

17 attention sur ce que vous dites un peu plus bas où il est écrit « Kordic

18 semble être l’homme qui a la situation en main ». Est-ce une citation de

19 l’imam ?

20 M. McLeod (interprétation). - Non. Il m’a montré qu'il avait

21 entre les mains. J’ai écris dans mon livre...

22 M. Harmon (interprétation). - Etait-ce le permis qui lui

23 permettait de se déplacer dans la municipalité de Busovaca ou aux

24 environs, n’est-ce pas ?

25 M. McLeod (interprétation). - Oui, en effet. Je crois que cela

Page 6398

1 lui permettait surtout de se déplacer dans la ville-même. Le permis

2 portait la date du 1er mai et était signé par Grubasic qui commandait la

3 brigade du HVO et par Zoran Maric, président du HVO à Busovaca. Puis, il y

4 a la signature de Dario Kordic, président du HDZ.

5 De mon côté, j’ai écrit, au vu de cet entretien, que Dario

6 Kordic semblait être l’homme qui dirigeait la situation. C’est ce que j’ai

7 écrit et j’avait vraiment l’impression que c’était le dirigeant politique

8 à Busovaca et qu’il décidait, lui, des événements.

9 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, pouvez-vous expliquer

10 aux Juges quel était le comportement de l’imam, celui de sa famille,

11 lorsque la police est arrivée ?

12 M. le Président. - Sur ce qui vient d’être dit, j’ai une

13 traduction française qui termine ce paragraphe, pour moi la

14 référence 642 : «Kordic semble être l’homme des fusillades ». Est-ce bien

15 cela, monsieur McLeod que vous avez dit.

16 Dans ce qui vient de m’être traduit, on disait que « Kordic

17 semblait être l’homme qui avait la situation en main ». J’ai, moi, une

18 traduction française où il est dit : « Kordic semble être l’homme des

19 fusillades ». Ce n’est pas tout à fait la même chose. Monsieur Harmon ou

20 M. McLeod, qui de vous peut me donner la réponse ?

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - C’est une expression

22 idiomatique anglaise, monsieur le Président.

23 M. Harmon (interprétation). - Je pense que peut-être la

24 traduction française du document que vous avez n'est peut-être pas la

25 bonne, celle reprenant l’expression utilisée par M. McLeod. En fait,

Page 6399

1 M. McLeod a utilisé là une expression typiquement anglaise.

2 Mais l’expression idiomatique anglaise, précise l’interprète,

3 signifie que « l’homme avait les rennes de la situation en main » et non

4 pas qu’il s’occupait des fusillades.

5 M. le Président. - Cela m’a surpris dans le contexte. Je

6 remercie mes deux collègues de m’avoir éclairé sur ce point-là. Je saurai

7 désormais que lorsqu’on dit que l’on est responsable des fusillades, cela

8 signifie qu’on a la situation en main. Merci. Vous pouvez poursuivre.

9 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, pouvez-vous me

10 dire quel était le comportement de l’imam et de sa famille lorsque les

11 forces de police croates sont arrivées ?

12 M. McLeod (interprétation). - C’est facile à imaginer. Ils

13 étaient effrayés. Il est bon de préciser qu'il ne s'agit pas de forces du

14 HVO, mais de police civile. Ils n'avaient pas l'uniforme du HVO. Il est

15 normal qu’ils aient été bouleversés de voir ces policiers débarquer dans

16 leur salon. Ils étaient effrayés.

17 M. Harmon (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

18 M. McLeod (interprétation). - Sincèrement, cela ne me plaisait

19 pas d'avoir un second entretien avec l’imam et les policiers dans son

20 salon. Dès lors que j'avais de toute façon terminé mon entretien avec

21 l’imam, j’ai dit aux policiers que je serais ravi de leur parler, mais que

22 je préférais que cela se passe au poste de police. C’est ce que nous avons

23 fait.

24 Les policiers sont remontés dans leur véhicule, nous sommes

25 remontés dans le

Page 6400

1

2

3 nôtre. Nous les avons suivis et sommes arrivés au poste de police. Tout de

4 suite après, nous nous sommes entretenus avec trois policiers dans le

5 poste de police de Busovaca.

6 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous pu identifier ces

7 hommes ? Savez-vous à quelles unités ils appartenaient ?

8 M. McLeod (interprétation). - En fait, je leur avais demandé qui

9 ils étaient. Je parlais avec Nikica Petrovic, qui m’a été présenté comme

10 étant le chef de la police civile à Busovaca, Zeljko Lastro de la police

11 régionale -j’ignore quel était selon rang, mais il faisait partie de la

12 police régionale et non pas locale ou autres-, puis avec un homme appelé

13 Zoran Vareskovic qui m’a été présenté comme étant commandant adjoint de la

14 police locale.

15 J’étais face à un policier civil, face à un policier régional et

16 à un policier militaire, mais je ne sais pas exactement quelle est la

17 distinction entre ces trois différentes sortes de police.

18 M. Harmon (interprétation). - Quelle était la teneur de votre

19 entretien ?

20 M. McLeod (interprétation). - Nous étions à l’étage du poste de

21 police, c'était une salle de réunions. Ils m’expliquaient ce qui, d'après

22 eux, était en train de se passer du point de vue de la police et des

23 activités de la police. Ils ont commencé par dire qu’ils avaient des

24 problèmes avec les tireurs isolés qui venaient d'abattre un policier

25 militaire. A priori, il s’agissait d’un tireur isolé musulman.

Page 6401

1 Puis, très rapidement, nous en sommes venus à discuter de cette

2 jeune fille qui avait été violée la veille. Je souhaitais à tout prix

3 parvenir à obtenir certains détails quant au fonctionnement du système

4 judiciaire. Compte tenu de mon expérience du fait de ma participation à

5 certaines cours martiales, j'avais une petite idée de ce devait se passer.

6 J’essayais de savoir quelle serait la sanction appliquée à une personne

7 qui se serait rendue coupable d'un tel acte.

8 Ils ont dit qu'ils avaient un certain nombre de suspects sous la

9 main. Je les ai interrogés. « Qu’adviendra-t-il de ces suspects ? Vont-ils

10 faire l’objet d’un procès ? Vont-ils

11

12

13 aller en prison ? Où iront-ils en prison ? Combien de temps y passeront-

14 ils ? ». Ils nous ont expliqué ce qui, selon eux, allait se passer.

15 Ils ont dit qu’il n’y avait qu’un Tribunal militaire à Travnik,

16 le seul tribunal en fonctionnement, et que la seule prison était celle de

17 Kaonik. Ils ont pris soin, du moins le policier civil a pris soin de se

18 distancer tout à fait de ce qui pouvait se passer à la prison de Kaonik.

19 Il a précisé qu’elle était dirigée par M. Aleksovski, et il a ajouté que

20 c’était une prison militaire et non pas civile.

21 Ensuite, nous avons abordé d'autres sujets.

22 En gros, c’était en fait un réunion assez technique. Les

23 policiers parlaient de sujets qui les intéressaient directement en tant

24 que policiers.

25 Vers la fin de l'entretien, j’ai expliqué que j'avais eu un

Page 6402

1 entretien avec le Père Stjepan et le Père Bozo. Visiblement, ils étaient

2 intéressés de savoir ce qui se passait de l’autre côté. Je leur ai

3 expliqué comment cela s’était passé, comment j’avais pu m’entretenir avec

4 ces deux personnes, quelle était la situation des Croates à Zenica d’après

5 ces deux prêtres croates que j’avais rencontrés.

6 Ils ont déclaré que le Père Bozo, parce qu’il avait permis le

7 retour de certains Croates chez eux et que ces derniers avaient ensuite

8 été torturés -du moins c’est ce qu’ils ont dit-, (le Père Bozo étant ce

9 père catholique de Zenica), devait être considéré comme un criminel parce

10 qu’il avait permis que des Croates soient passés à tabac parce qu’il avait

11 fait en sorte qu’ils puissent retourner chez eux à Zenica.

12 C’était sa réaction émotionnelle personnelle. Il était très

13 choqué d’avoir vu que l’église permettait que des personnes reviennent

14 chez elles, plutôt que de s’en tenir à ce qui était décidé par les hommes

15 politiques.

16 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, quand ces

17 officiers de police vous ont parlé de cette prison du HVO à Kaonik, vous

18 ont-ils également déclaré que cette

19

20

21 prison était placée sous la compétence du Tribunal militaire à Travnik ?

22 M. McLeod (interprétation). - Oui. Ils ont dit que Zatko

23 Aleksovski était responsable de la prison, que c’était une prison du HVO,

24 qu’elle n’était pas gérée par la police, mais qu’elle était sous la

25 juridiction du Tribunal militaire de Travnik.

Page 6403

1 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, après ces

2 entretiens, avez-vous eu la possibilité de vous rendre à la prison de

3 Kaonik et de rencontrer M. Aleksovski ?

4 M. McLeod (interprétation). - Oui, en effet. Le jour suivant,

5 j’ai accompagné l’ambassadeur Thibault à Kaonik. Alors que nous nous

6 trouvions là-bas, nous avons eu une longue réunion avec M. Aleksovski.

7 Vous en trouverez la description dans l'annexe O du rapport. Il faut

8 avancer un peu.

9 Monsieur Aleksovski a expliqué dans le détail quels étaient les

10 obstacles qu'il rencontrait pour ce qui était de la gestion de la prison.

11 Il expliquait le traitement de ses prisonniers.

12 Ensuite, il m'a emmené faire le tour des bâtiments de la prison.

13 Puis, nous sommes revenus dans son bureau pour poursuivre notre entretien.

14 C'était une réunion tout à fait particulière, très étrange. Il a

15 fait part de ses problèmes en matière de protection des prisonniers. Il

16 voulait que nous comprenions que comme certaines personnes avaient perdu

17 des proches et qu'elles s’enivraient par la suite, elles arrivaient dans

18 le camp et tentaient de battre les prisonniers. Il me disait -c’était très

19 rhétorique de sa part-, « si vous étiez ivre et que l’on avait tué votre

20 frère, vous hésiteriez à frapper un prisonnier ou à l’abattre ? ».

21 Visiblement, il aurait, lui, répondu non à la question. Cela ne l’aurait

22 pas gêné dans une telle situation.

23 Il a également expliqué, comme nous pouvions le voir, qu'aucun

24 des gardiens qui avaient des contacts avec les prisonniers n’était armé,

25 donc cela ne les mettait pas dans une situation difficile qui pourrait

Page 6404

1 aboutir à tirer sur quelqu'un pour empêcher que des gardes

2

3

4 frappent des prisonniers.

5 Il a parlé dans le détail de certaines difficultés survenues

6 dans la défense de Busovaca. Il a précisé qu'il n'y avait pas suffisamment

7 de personnes pour creuser des tranchées et c’est pourquoi les prisonniers

8 avaient dû sortir de la prison et aller creuser des tranchées. Il avait

9 déclaré qu’il savait que cela n’était pas conforme aux Conventions de

10 Genève, mais l’alternative étant de se faire battre par les Musulmans, il

11 pensait que c’était là le seul moyen de procéder.

12 Il a expliqué qu’il savait également que cela n’était pas

13 conforme au CICR, que ce dernier était venu et lui avait expliqué que ce

14 qu’il faisait n’était pas conforme aux normes. Il avait accompagné la

15 représentant du CICR au commandement de la Brigade locale à Busovaca et

16 avait recommandé que la situation soit clarifié.

17 Il a décrit un incident survenu au moment où les tranchées

18 étaient creusées. Une rixe a débuté et, après que tout se soit calmé, il

19 s’est aperçu que deux prisonniers s’étaient enfuis ou du moins avaient

20 disparu. Ils avaient profité de cet éclat pour s’échapper.

21 Pendant tout le temps que nous avions cette conversation, il

22 essayait d’obtenir une liste des prisonniers. Il avait commencé par

23 expliquer qu'il avait un ordinateur avec tous les fichiers des prisonniers

24 qui se trouvaient dans la prison. Je lui ai dit que cette liste pourrait

25 m’être très utile et lui en ai demandé un exemplaire. On a fini par

Page 6405

1 obtenir une liste qui a été imprimée.

2 Ensuite, nous avons rencontré un certain nombre de personnes qui

3 déambulaient dans le camp, qui allaient dans des cellules du camp. Dans la

4 plupart des cellules, il y avait six ou huit personnes. J’ai eu certaines

5 conversations avec des prisonniers.

6 Dans chacune des cellules, au moins un prisonnier a pris la

7 parole et a demandé si nous pourrions faire une déclaration sur la façon

8 dont ils étaient traités. Dans l’une des cellules, il y avait un homme âgé

9 qui a demandé s’il pouvait nous poser une question. J’ai répondu « bien

10

11

12 sûr ». Grâce à l’interprète, il a pu nous expliquer pourquoi il se

13 trouvait là. Moi, je ne savais pas du tout ce qu'il faisait là.

14 Aleksovski a dit qu'il savait pourquoi il se trouvait là parce

15 qu’il avait parlé aux personnes qui avaient amené ce prisonnier, la veille

16 au soir. En fait, le prisonnier avait été amené à la prison pour sa propre

17 protection. On l’avait trouvé tout près de la ligne de front. Donc on

18 l'avait amené à la prison pour le protéger.

19 J’ait dit, très tranquillement, que si j’avais voulu protéger

20 une personne, je ne l’aurais peut-être pas amenée dans une personne. Cela

21 ne me semblait pas être la réaction immédiate à avoir. En fait, j’ai dit

22 que si j’avais été à leur place, j’aurais amené cette personne à Zenica

23 car effectivement c’était un peu bête de se trouver en plein milieu de la

24 ligne de front. J’aurais dit à l’homme de se rendre à Zenica et de ne pas

25 revenir.

Page 6406

1 Aleksovski a répondu à cela, qu'effectivement, c'était tout à

2 fait exact, qu'il s'agissait d'un homme âgé et qu'il pouvait en fait

3 partir. Au début, donc, il a dit qu'il pouvait partir et qu'il voulait

4 profiter de notre véhicule. Finalement, il a déclaré qu'il allait prendre

5 des dispositions pour être emmené là-bas, exactement au point où on

6 l'avait trouvé. L'homme a pris son manteau, nous a serré la main, nous a

7 dit au revoir et est parti. Je crois qu'ils ont fait en sorte que

8 quelqu'un puisse l'emmener.

9 Lorsque nous avons quitté la prison, Aleksovski n'a pas été à

10 même de nous donner le nom de cet homme. Je ne sais pas si on l'a ramené

11 là où on l'a pris. En fait, il m'a paru bizarre qu'il ne sache pas tout

12 cela, parce que cela indiquait quel était le degré de contrôle qu'il avait

13 sur les prisonniers et sur la prison. Cet Aleksovski ne semblait pas être

14 tout à fait capable de dire qui faisait quoi, à quel moment. C'était

15 étrange.

16 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais apporter la

17 confirmation de certains points. La prison de Kaonik était une prison du

18 HVO, n'est-ce pas ? Est-ce correct ?

19 M. McLeod (interprétation). - Manifestement, c'était une prison

20 du HVO. Dans les

21

22

23 explications qu'il m'a fournies, M. Aleksovski nous a expliqué qu'il

24 n'opérait pas la sélection lui-même pour l'incarcération, que c'était le

25 HVO qui s'en chargeait, qu'il était sous les ordres des deux commandants

Page 6407

1 de brigade de Vitez et Busovaca et que c'étaient eux qui lui envoyaient

2 les prisonniers.

3 Nous avons eu une longue discussion sur la raison pour laquelle

4 il y avait cette personne -ce vieil homme-là- et nous avons parlé de la

5 nécessité de libération. Nous avons débattu de la différence qu'il y a

6 entre des prisonniers et des civils. Aleksovski estimait qu'effectivement

7 c'étaient des civils, mais que tout homme ayant entre 18 ans et 60 ans

8 était un soldat, ce qui veut dire que l'homme ou les hommes que nous

9 avions vus étaient des soldats, et que par conséquent ils ne pouvaient pas

10 être libérés. Il a fini par dire que la décision finale quant à la

11 définition d'un soldat ou d'un prisonnier revenait à la police et non pas

12 à lui.

13 M. Harmon (interprétation). - A-t-il reconnu que le fait

14 d'envoyer des prisonniers creuser des tranchées était une violation, une

15 infraction aux Conventions de Genève ? Il le savait ?

16 M. McLeod (interprétation). - Oui, il m'a dit très clairement

17 qu'il savait qu'il était dans son tort, mais que les circonstances étant

18 ce qu'elles étaient, il n'avait pas le choix. La solution de rechange

19 était qu'il n'y aurait pas de tranchées creusées et que s'il n'y avait pas

20 de tranchées, les Musulmans allaient s'emparer de Busovaca, "Et vous

21 savez" m'a-t-il dit, "ce qu'il nous arriverait alors." Il a expliqué qu'il

22 savait s’être mal comporté ainsi que l’avait dit le CICR. Je ne suis donc

23 pas très sûr qu'il savait ce qu'il en était exactement des Conventions de

24 Genève.

25 M. Harmon (interprétation). - Il a aussi parlé d'un exemple

Page 6408

1 particulier où le CICR a accompagné à Aleksovski à Busovaca, donc il

2 savait qu'il y avait infraction aux Conventions de Genève ?

3 M. McLeod (interprétation). - Oui.

4

5

6 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il dit combien il y avait

7 eu de prisonniers musulmans dans le camp de Kaonik en janvier 1993 ?

8 M. McLeod (interprétation). - Oui, il a dit qu'en janvier 1993,

9 il s'était trouvé à la prison lorsque 400 Musulmans avaient été arrêtés.

10 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-il dit combien de

11 prisonniers il y avait alors au moment où vous avez effectué cette visite,

12 ou aux alentours de cette date ?

13 M. McLeod (interprétation). - Il a dit qu'il y avait

14 79 prisonniers musulmans et qu'il y en avait eu plus. Le 16 avril, 107 ;

15 le 6 mai, 109 et le 9 mai, aussi 109.

16 Je ne suis pas sûr que leurs statistiques étaient parfaitement

17 exactes, car ils avaient quelques difficultés à faire concorder la liste

18 avec les personnes que nous avons vues.

19 M. Harmon (interprétation). - Votre visite au camp de Kaonik

20 avait été prévue !

21 M. McLeod (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous n'êtes pas apparu sur le

23 terrain... Vous n'avez pas simplement frappé à la porte pour dire : "Je

24 vais voir le commandant de la prison." !

25 M. McLeod (interprétation). - Non. Je ne sais pas exactement par

Page 6409

1 quelle filiale les messages sont passés, mais il était certain que nous,

2 ou du moins l'ECMM avait passé le message.

3 M. Harmon (interprétation). - A votre arrivée au camp, vous avez

4 eu l'occasion d'inspecter les cellules, n'est-ce pas ? Ou du moins

5 certaines d'entre elles ?

6 M. McLeod (interprétation). - Oui. Nous sommes allés vers un

7 bâtiment et dans celui-ci, nous avons quasiment vu toutes les cellules y

8 compris celles où des personnes étaient incarcérées. A ce moment, j'ai cru

9 comprendre qu'il y avait d'autres installations, un ou plusieurs autres

10 bâtiments plus loin, le long de la route. Nous aurions pu les inspecter

11 aussi, si tel avait été notre souhait. Nous n'en avons pas été empêchés,

12 mais à la fin de la visite, nous avions déjà effectué quelques progrès sur

13 la question de savoir si les civils prisonniers pouvaient être libérés.

14

15

16 Nous, nous voulions rentrer à Zenica pour essayer de faire avancer cette

17 question plutôt que d'inspecter le reste des installations.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que d'habitude il y

19 avait 6 à 8 personnes incarcérées dans une cellule. Nous parlons ici de 6

20 à 8 Musulmans dans une seule cellule ?

21 M. McLeod (interprétation). - Oui. Je suppose que les cellules

22 étaient conçues pour une ou deux personnes -c'est une estimation

23 personnelle-, mais je ne sais plus exactement combien il y avait de

24 prisonniers dans chacune des cellules, mais c'est à peu près ce chiffre.

25 Il y avait une cellule -j'en suis sûr- dans le même bâtiment ou le même

Page 6410

1 couloir, où deux militaires croates étaient prisonniers. Je ne sais pas

2 quelles étaient les accusations portées contre eux, mais il y avait un

3 contraste très marqué entre eux et les conditions d'incarcération des

4 autres personnes que nous avions vus. Peut-être auraient-ils placé

5 davantage de Croates dans une cellule s'il y en avait eu plus, en tout cas

6 ces deux personnages disposaient de nombreux biens personnels. En effet,

7 la pièce était remplie de sacs, de sacs à dos, de différents effets qui

8 leur appartenaient, alors que les autres prisonniers ne semblaient rien

9 avoir comme biens personnels.

10 M. Harmon (interprétation). - Aleksovski vous a-t-il dit que les

11 civils qui étaient incarcérés dans ces circonstances étaient sous

12 protection ?

13 M. McLeod (interprétation). - Oui. C'est l'explication qu'il

14 nous ont fournie pour la présence de ces prisonniers civils, même si nous

15 avons eu cette discussion, sur la question de savoir s'il y avait des

16 civils armés qui devenaient des soldats. Effectivement, ils étaient

17 apparemment, selon lui, protégés pour leur propre bien. Cela était

18 bizarre.

19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de ces soldats

20 croates qui, manifestement, avaient été accusés de certains actes, et

21 leurs conditions d'incarcération étaient de loin supérieures aux Musulmans

22 qui étaient protégés pour leur propre bien !

23 M. McLeod (interprétation). - Il y avait d'abord le nombre de

24 personnes dans une

25

Page 6411

1

2 cellule et le nombre de biens personnels dont ils disposaient ;

3 effectivement, cela fait une différence. Il se peut que les Musulmans

4 n'avaient rien en tant qu'effets personnels et qu'ils ne les aient pas

5 apportés à la prison, mais il y avait une différence très nette.

6 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu l'impression que les

7 prisonniers musulmans que vous avez vus dans cette prison étaient des

8 civils ? A votre avis ?

9 M. McLeod (interprétation). - Oui, ces personnes que j'ai vues

10 étaient toutes en vêtement civil. Je suis sûr de n'avoir vu aucun Musulman

11 en uniforme, peut-être un ou deux, mais je ne m'en souviens pas.

12 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de parler

13 à l'un de ces prisonniers et avez-vous eu l'occasion de les reconnaître

14 grâce aux personnes qui vous avaient été indiquées comme étant incarcérées

15 à la prison de Kaonik par les autorités musulmanes ?

16 M. McLeod (interprétation). - Alors que je passais d'une cellule

17 à l'autre, ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte que j'aurais

18 dû cocher sur la liste les personnes que j'avais effectivement vues.

19 Finalement, j'ai fini par me rendre compte que je devais annoter la liste,

20 et c'est ce que j'ai fait. J'ai vu quelques personnes dont les noms ont

21 été repris dans la liste fournie par M. Aleksovski et cela correspondait

22 aussi à la liste que j'avais reçue du maire de Zenica.

23 M. Harmon (interprétation). - Aleksovski vous a-t-il également

24 parlé de l'évacuation de la population du village de Jelinak ? Je parle

25 ici de la page 4 de votre rapport (version anglaise), vers le milieu de la

Page 6412

1 page.

2 M. McLeod (interprétation). - Oui. Il m'a dit comment à Jelinak,

3 les femmes les enfants avaient été rassemblés dans une maison pour les

4 protéger des autres Croates qui avaient perdu leurs frères. Puis, nous

5 leur avons dit d’aller à Zenica. Nous avons dû escorter ces personnes à

6 pied jusqu'à la station d'essence, celle-ci étant proche du carrefour de

7 Busovaca, à proximité de la ligne de confrontation entre les Musulmans et

8 les Croates.

9

10

11 M. Harmon (interprétation). - Que vous a-t-il dit à propos de ce

12 village de Jelinak et quand ce village a-t-il été incendié ?

13 M. McLeod (interprétation). - Il nous a dit que Jelinak était

14 contrôlé par le BiH, que le village avait très vite mis à feu, dès le

15 deuxième jour des combats, qu'il y avait d'un côté les Croates et de

16 l'autre les Musulmans, que les Musulmans avaient commencé le pilonnage,

17 que les Croates s'étaient retirés de ces positions et que les Musulmans

18 avaient mis à feu toutes ces maisons.

19 M. le Président. - Maître Harmon, si vous en avez terminé sur

20 la...Pardon...

21 (Maître Harmon consulte ses collègues)

22 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi,

23 Monsieur le Président, je ne vous ai pas entendu.

24 M. le Président. - Si vous avez terminé sur Aleksovski, nous

25 allons procéder à la pause, sauf si vous avez des questions sur

Page 6413

1 Aleksovski. Je vous fais d'ailleurs remarquer qu'il ne s'agit pas du

2 procès Aleksovski, mais du procès Blaskic, je me permets de vous le

3 rappeler, mais vous le savez certainement !

4 M. Harmon (interprétation). - Je comprends parfaitement,

5 Monsieur le Président. Je n'ai plus que quelques questions à poser.

6 M. le Président. - Toujours sur Aleksovski ?

7 M. Harmon (interprétation). - Non, mais ayant quand même un

8 rapport avec la prison de Kaonik.

9 M. le Président. - Tout à fait, vous faites bien de me le

10 rappeler. Je l'avais présent en tête, je sais que la prison de Kaonik fait

11 partie de l'acte d'accusation. Vous savez, je suis toujours à la recherche

12 de l'efficacité en matière de direction d'audience. Ce qui me frappe,

13 c'est qu'enfin de compte vos questions reviennent souvent à faire répéter

14 au témoin ce qui est dit dans ce rapport. Si on avait distribué ce rapport

15 avant, à la fois aux juges et à la défense, on aurait

16

17

18 peut-être pu en tirer autre chose. C'est un commentaire un peu

19 superfétatoire. Je voulais surtout qu'on arrête à l'heure présente notre

20 séance de la matinée. Nous la reprendrons à 15 heures.

21

22

23 L’audience est suspendue à 12 heures 45.

24

25 L’audience est reprise à 15 heures 05.

Page 6414

1

2

3 M. le Président. - Veuillez faire entrer l'accusé.

4

5 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

6

7 M. le Président. - Monsieur le Procureur, nous poursuivons avec

8 la déposition du témoin.

9 M. Harmon (interprétation). - C'est exact,

10 Monsieur le Président. Bonne après-midi.

11 Avant de poursuivre votre déposition, je vous demanderai

12 d’apporter une précision sur une partie du rapport dont vous avez fait

13 état ce matin. Il s'agissait d'une déclaration conjointe en annexe des

14 documents qui vous ont été remis par MM. Santic et Skopljak. Je parle de

15 l’annexe 2 à l’annexe F. Plus précisément, je parle du premier paragraphe.

16 Dans ce projet de texte conjoint, référence à la quatrième ligne du

17 premier paragraphe, il y a les lettres KOS et je parle de la phrase qui

18 suit : "Le conflit a été provoqué par des forces extrémistes assistées par

19 des membres du KOS, afin d'affaiblir la résistance à l'égard de

20 l’agresseur serbo-chetnik."

21 Pourriez-vous dire aux juges ce que signifient ces lettres pour

22 vous, KOS ?

23 M. McLeod (interprétation). - Volontiers. Je ne sais pas quelle

24 est la signification exacte de ces lettres, mais dans le contexte, il me

25 semble que ce seraient les services de renseignements serbes.

Page 6415

1 M. Harmon (interprétation). - Merci de cette précision.

2 J'en arrive à vos conclusions. Au vu des expériences glanées sur

3 le terrain en Bosnie centrale, au vu de vos entretiens avec les gens de

4 l’ECMM, de la FORPRONU et des protagonistes

5

6

7 des deux factions, pourriez-vous dire aux juges quelles sont les

8 conclusions que vous avez tirées ?

9 M. McLeod (interprétation). - Il convient de commencer par dire

10 que ce rapport a été rédigé à un moment où quatre personnes qui étaient

11 vraiment plongées dans la situation, qui avaient un accès incessant à tout

12 ce qui se passait, à toutes les informations, on peut comprendre que ces

13 quatre personnes connaissaient bien le contexte.

14 Les conclusions, je les ai faites succinctes à dessein, puisque

15 j'avais l'intention de verser en annexe des notes relatives aux réunions

16 que j'avais eues. Voici mes conclusions. Le 16 avril, les forces croates

17 dans la région de la vallée de la Lasva avaient lancé une série

18 d'offensives sur des positions musulmanes à Vitez et sur les villages de

19 la vallée. Parallèlement, elles avaient arrêté plusieurs hautes

20 personnalités musulmanes à Vitez, aux premières heures du 16 avril. J'ai

21 rencontré certaines de ces personnes à la prison de Kaonik. Je les ai

22 vues, de mes yeux vues.

23 L'attaque la plus violente semblait avoir été perpétrée dans le

24 village d'Ahmici, où comme je l'ai vu, la majorité des maisons occupées

25 par des Musulmans avaient été mises à feu. On m’a dit que beaucoup de

Page 6416

1 personnes avaient trouvé la mort. Je crois que c'est ce que l'on disait à

2 l'époque. Le village a été pratiquement rasé de la carte, et je pense que

3 c’est une attaque coordonnée qui est à l'origine de cela. Ce n'étaient pas

4 quelques incidents isolés, mais il y a eu une attaque coordonnée et forte.

5 Parallèlement, on a assisté à des tentatives pour déplacer la

6 population croate de Zenica. Il y a eu des indices. J'ai vu quelques-unes

7 des maisons incendiées après que les personnes en sont sorties. J'ai

8 recueilli l'impression que cela aussi avait été fait à l’instigation des

9 Croates de Vitez pour justifier ce qu'ils faisaient autant par eux que du

10 fait d'intimidations provoquées par les Musulmans. Ce mouvement de la

11 population croate de Zenica est différent des déplacements de population

12 musulmane à partir de Vitez.

13

14

15 M. Harmon (interprétation). - Vous parliez de « la population

16 musulmane qui sortait de Zenica ».

17 L'Interprète. - Votre interprète a corrigé, Monsieur le

18 Président. Effectivement, c'est la population croate sortant de Zenica.

19 M. McLeod (interprétation). - Merci pour la correction. Au

20 moment où je me trouvais dans la région, deuxième semaine de mai, trois

21 semaines après les événements, il semblait qu'une partie importante de la

22 population croate avait pu regagner ses foyers.

23 Il semblait y avoir des éléments de preuve selon lesquels... Les

24 personnes officielles musulmanes m'ont montré plusieurs choses mais... Le

25 prêtre croate de Zenica semblait dire que des mesures avaient été prises.

Page 6417

1 Si elles n'étaient pas parfaites, elles avaient au moins le mérite

2 d'exister et d’avoir permis aux Croates de regagner leurs maisons et de

3 recouvrir un semblant de normalité. Bien sûr, cela n'était pas parfait,

4 mais des progrès dans le bon sens avaient déjà été enregistrés.

5 Au moment où je suis arrivé à Vitez -la deuxième semaine- la

6 population musulmane semblait être concentrée, soit dans des villages

7 isolés au pourtour de Vitez ou à Stari Vitez, la vieille ville au centre

8 de la ville... Pour autant que je pouvais le voir, il n'y avait pas de

9 liberté de circulation, que ce soit au sortir de ces villages ou au sortir

10 de la vieille ville.

11 Je suis allé une fois à Stari Vitez et manifestement, on sentait

12 la peur. Les gens n'avaient pas le droit de sortir, ni d’entrer. Ils

13 n'étaient pas approvisionnés en nourriture. On m'a rapporté plusieurs

14 attaques qui se poursuivaient, même s’il n'y en a pas eu au moment où je

15 m’y trouvais, sans doute parce que nous nous trouvions dans cette partie-

16 là de la ville.

17 Toujours pour autant que je pouvais le voir -cela se base sur ce

18 que m'avait dit le colonel Blaskic, la FORPRONU et l’ECMM-, la réaction

19 des Musulmans aux offensives du 16 avril a été de mener une contre-attaque

20 pour couper les routes d'accès à Vitez, de façon à isoler Vitez et

21 Busovaca.

22

23

24 Je pense qu'ils ont réussi leur contre-attaque jusqu'au moment

25 où la communauté internationale est intervenue pour établir un cessez-le-

Page 6418

1 feu. Je ne sais pas jusqu’où on est allé, mais je crois que le

2 colonel Blaskic et l'évaluation de ce qu'il a donné à propos de ce qui se

3 serait passé, c'est qu'effectivement, la contre-offensive musulmane aurait

4 pu réussir et isoler Vitez s'il n'y avait pas eu intervention de la

5 communauté internationale.

6 Ce qui m'a frappé à la fin de ma visite et au moment où je suis

7 rentré à Zagreb, c'est que d'un côté, les Croates que j'avais rencontrés

8 m’ont donné l'impression nette qu'ils avaient essayé d'établir un état

9 croate en Bosnie centrale, qui soit lié à d'autres parties de Croatie à

10 l'ouest, plus près de la côte. Ils voulaient avoir un état à majorité

11 croate qu'ils auraient contrôlé et ils avaient essayé de forcer la

12 population musulmane à quitter les régions que eux voulaient contrôler

13 avec des méthodes assez extrêmes, c’est un peu un sous-entendu.

14 Effectivement, les incitations avaient été des plus musclées

15 pour forcer l’évacuation de la population.

16 Je ne sais pas si Ahmici a été un cas isolé qui devait servir

17 d'exemple pour terroriser la population ou si Ahmici s’est répété. Je ne

18 sais pas s'ils auraient détruit et incendié tous les villages comme ils

19 l'ont fait à Ahmici, mais je sais que cela a causé des dégâts

20 particulièrement lourds avec, à la clé, le fait que la population

21 musulmane avait été rassemblée dans des endroits isolés, ou bien avait

22 simplement été chassée et était partie, ce qui était l'objectif

23 apparemment recherché.

24 Leur réussite a été entravée par la réaction de l'armée

25 musulmane et l’intervention de la communauté internationale qui a assuré

Page 6419

1 une stabilisation de la situation ; ce qui fait que trois semaines plus

2 tard, j’ai trouvé la région dans l’état où je l’ai trouvée.

3 Comme j’ai essayé de le dire dans mon rapport, il serait juste

4 de penser que ce que j’avais vu, en microcosme (à Vitez, Busovaca et

5 Zenica), se répercutait en fait dans toute la Bosnie. Par conséquent,

6 l'impression que je me suis forgé à partir des rapports de l'ECMM et de

7

8

9 ce que j’ai vu, c'est que la même systématique se répétait. Des violences

10 extrêmes et la terreur étaient utilisées pour essayer de chasser la

11 population musulmane dans le but de créer un état monoethnique où il n’y

12 ait qu’une appartenance ethnique, une population n’ayant qu’une seule

13 religion ; c'est la quintessence de mes conclusions.

14 Il convient de remarquer aussi que la page d'introduction que je

15 vous ai lue, a été effectivement confirmée par l’ECMM et son état-major.

16 Effectivement, ce que j'ai écrit n'a pas été pris à la légère. Finalement,

17 nous avons modifié le détail précis de ce que j'avais écrit pour un peu

18 adoucir le ton : « c'est un homme jeune qui était sur les lieux qui a vu

19 des choses horribles et qui dépeint une situation peut-être de façon plus

20 extrême qu'elle ne l'est ! » Alors, finalement j'ai adouci un peu le ton.

21 Lors de la dernière révision, cela s’est fait rapidement parce

22 que cela s'est terminé le 15 mai, c’était l’avis le plus équilibré qui

23 puisse être obtenu et le plus équilibré que pouvait avoir l'ECMM. Il a été

24 publié et diffusé.

25 M. Harmon (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, je

Page 6420

1 demanderai le versement au dossier de la pièce 242. J'en ai ainsi terminé

2 de l'interrogatoire principal du témoin.

3 M. le Président. - Merci, Monsieur le Procureur.

4 L’interrogatoire principal du témoin étant terminé, Maître Hayman va

5 prendre le contre-interrogatoire.

6 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous

7 n'avons pas d’objection supplémentaire s'agissant du versement au dossier

8 de la pièce, si ce n'est les objections déjà enregistrées.

9 Bonne après-midi, Monsieur McLeod.

10 M. McLeod (interprétation). - Bonne après-midi.

11 M. Hayman (interprétation). - Combien de jours avez-vous passés

12 sur le terrain dans la région pour rassembler les éléments qui allaient

13 constituer votre rapport ?

14 M. McLeod (interprétation). - Je suis arrivé le 3 mai et j'ai

15 quitté la région le

16

17

18 12 mai, cela fait neuf jours.

19 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous travaillé chacun de ces

20 neuf jours ?

21 M. McLeod (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Au cours de cette période, vous

23 avez reçu des informations notamment du Bribat, n'est-ce pas ?

24 M. McLeod (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Et aussi de vos collègues de

Page 6421

1 l'ECMM, je suppose ?

2 M. McLeod (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - D'autres informations

4 d'organisations internationales ?

5 M. McLeod (interprétation). - J'ai eu des conversations avec des

6 membres du CICR, de même qu'avec le Haut-commissariat aux réfugiés.

7 M. Hayman (interprétation). - En sus des entretiens que vous

8 avez relatés et des documents versés en annexe, avez-vous reçu d'autres

9 documents ou avez-vous pu consulter d'autres documents des deux factions

10 en présence ?

11 M. McLeod (interprétation). - Je crois l’avoir déjà dit. Il y

12 avait aussi des cartes annotées par des personnes participant aux

13 entretiens, malheureusement je les ai perdues. S'agissant des documents

14 qui m'ont été remis, j’ai gardé tout ce qui m’avait été transmis et cela

15 est repris dans le rapport.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous n’avez donc pas reçu d’autres

17 documents militaires, ni d’autres documents que ceux qui se trouvent dans

18 le 242.

19 M. McLeod (interprétation). - Non, je crois les avoir tous

20 gardés et c’est repris dans le rapport.

21 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pu vous entretenir avec

22 des soldats de l’armée de la Bosnie-Herzégovine ou des commandants de

23 cette armée de la municipalité de

24

25

Page 6422

1 Vitez, dans le cadre de vos activités ?

2 M. McLeod (interprétation). - Oui et vous verrez le rapport d’un

3 entretien que j’ai eu.

4 M. Hayman (interprétation). - Avec un commandant à Kruscica ?

5 M. McLeod (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Avec d'autres ?

7 M. McLeod (interprétation). - Non, je n'ai parlé avec personne

8 d'autre. Je n'aurais pu parler avec d’autres personnes qu'à Stari Vitez,

9 mais là je n'ai parlé avec personne d'autre.

10 M. Hayman (interprétation). - Outre ce que vous avez dit dans

11 votre rapport, avez-vous recueilli d'autres informations sur la position,

12 le placement ou l’existence de forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine

13 dans la région de la vallée de la Lasva en avril 1993 ?

14 M. McLeod (interprétation). - Pourriez-vous m’expliquer ?

15 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit avoir été au

16 commandement de Kruscica de l’armée de Bosnie-Herzégovine.

17 M. McLeod (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous avez été à Stari Vitez.

19 M. McLeod (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il effectivement une

21 présence de l’armée de la Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez lorsque vous y

22 êtes allé ?

23 M. McLeod (interprétation). - J'essaie de me souvenir si j'ai vu

24 des personnes avec des fusils et des armes. Je suppose qu'il devait y

25 avoir quelques personnes avec des fusils, sinon il n'y aurait pas eu...

Page 6423

1 M. Hayman (interprétation). - Effectivement, c'est une logique

2 assez certaine.

3 M. McLeod (interprétation). - J'essaie de me souvenir des

4 personnes que j’ai vues. Lorsque nous sommes allés à Stari Vitez, une

5 réunion avait lieu. L’ambassadeur Thebault

6

7

8 assistait à cette réunion, mais, je n’y suis pas allé. J’étais assis sur

9 un véhicule et je regardais ce qui se passait.

10 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous rencontré Sefkija Djidic

11 au cours de cette visite à Stari Vitez ?

12 M. McLeod (interprétation). - Je ne pense pas.

13 M. Hayman (interprétation). - La question que je vous posais il

14 y a un instant, était celle-ci : outre ces expériences, dans le cadre de

15 vos études sur le sujet, avez-vous appris qu’il y avait une Armiya ou une

16 Défense Territoriale ? Par exemple, à Donja Veceriska, au moment où le

17 village a été attaqué vers la mi-avril 1993, auriez-vous collecté des

18 informations à ce sujet ?

19 M. McLeod (interprétation). - Je vais d’abord essayer de voir où

20 se trouve Donja Veceriska et puis je pourrais peut-être essayer de

21 répondre à la question.

22 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous quelque chose pour vous

23 aider ?

24 M. McLeod (interprétation). - J’ai une carte à la fin de mon

25 rapport. Peut-être pourrais-je trouver ce village sur la carte... Si vous

Page 6424

1 savez où il se trouve, peut-être pouvez-vous m’aider ?

2 M. Hayman (interprétation). - A l'ouest/sud-ouest de Vitez. Nous

3 avons une carte plus précise, ce serait peut-être plus utile.

4 Donja Veceriska est vraiment à l’ouest, alors que Gacice est au sud-ouest.

5 M. McLeod (interprétation). - Ah oui ! Pour m'aider, j’utilise

6 la carte annotée par le Colonel Blaskic. Je vois Veceriska, Gacice. Si

7 j’utilise les informations qu’il m’a données, il dit que c’est un village

8 mixte, donc je suppose qu’il y a eu des unités des deux factions dans ce

9 village, mais je ne sais pas si cette réponse vous convient.

10 M. Hayman (interprétation). - C'est une hypothèse, merci de

11 l'avoir énoncée. Pourriez-vous nous dire si, dans le cadre de votre

12 travail, vous avez essayé de recueillir des informations plus précises sur

13 les villages qui faisaient l'objet de conflits en avril 1993 ?

14

15

16 Lesquels, parmi ces villages, disposaient d’unités de l’Armiya ou de la

17 Défense territoriale au moment du conflit ?

18 M. McLeod (interprétation). - Non.

19 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais que vous repensiez à

20 l’entretien que vous avez eu avec M. Spahic, qui se trouve dans votre

21 rapport. C’est, je pense, le maire de Zenica. Cet entretien est consigné

22 dans votre rapport, qui commence à la page A/1 en version anglaise.

23 Pourriez-vous garder cette page ouverte, elle pourra nous aider.

24 M. McLeod (interprétation). - Volontiers.

25 M. le Président. - De quelle annexe s’agit-il ? De l’annexe A ?

Page 6425

1 M. Hayman (interprétation). - Cela devrait être l’annexe A-1. Il

2 s’agit de M. Besim Spahic, maire de Zenica.

3 Au cours de cet entretien, ou au cours d’un autre, vous avez

4 appris que quelques deux mille Croates, des civils, s'étaient enfuis de la

5 municipalité de Zenica lors du conflit qui avait éclaté à la mi-avril

6 1993, n’est-ce pas ?

7 M. McLeod (interprétation). - En effet.

8 M. Hayman (interprétation). - Quelqu’un vous a-t-il dit que

9 c’était principalement dû à une campagne de propagande menée par les

10 Croates eux-mêmes ?

11 M. McLeod (interprétation). - Effectivement, c'est l'impression

12 que j'ai eue.

13 M. Hayman (interprétation). - Qu’est-ce qui vous a poussé à

14 tirer cette conclusion ?

15 M. McLeod (interprétation). - J’ai tiré cette conclusion de mes

16 entretiens et de mes rencontres avec les personnes à Zenica, à savoir les

17 responsables musulmans et les prêtres auxquels j'ai parlé, ainsi qu’au vu

18 de ce que m’ont dit certains membres de l’ECMM.

19 M. Hayman (interprétation). - Quelqu’un vous a-t-il dit que ce

20 type de propagande émanait du colonel Blaskic, à l’époque ?

21

22

23 M. McLeod (interprétation). - Personne n'a précisé par qui cette

24 campagne de propagande était menée.

25 M. Hayman (interprétation). - Qui que ce soit a-t-il dit que

Page 6426

1 cette campagne était menée par le haut commandement de la zone

2 opérationnelle en Bosnie Centrale, c'est-à-dire l'état-major du commandant

3 Blaskic, en fait ?

4 M. McLeod (interprétation). - Non, personne ne précisait de qui

5 émanait cette propagande.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu des entretiens avec

7 une quelconque de ces deux mille personnes déplacées pour essayer de

8 savoir, grâce à elles, quelles étaient les raisons de leur fuite de la

9 municipalité de Zenica ?

10 M. McLeod (interprétation). - Non, je n'ai pas eu l'occasion de

11 le faire.

12 M. Hayman (interprétation). - Grâce à vos entretiens, avez-vous

13 pu apprendre si au cours de cette période du mois d'avril 1993, la

14 municipalité de Zenica était un secteur qui était sûr pour les Croates de

15 Bosnie ou était-ce plutôt le contraire ?

16 M. McLeod (interprétation). - Vous voulez parler de la période

17 qui a précédé le mois d’avril 1993 ?

18 M. Hayman (interprétation). - Non, le jour-même, les 15 et

19 16 avril 1995 et les jours qui ont suivi. Qu’en pensez-vous ?

20 M. McLeod (interprétation). - Je crois que ce n’était pas une

21 zone très sûre pour eux, par rapport à la situation qui régnait

22 auparavant. Je m'appuierai sur le fait que des personnes essayaient de

23 faire en sorte que la situation qui régnait auparavant soit rétablie.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d'un entretien

25 avec le Père Stjepan et le Père Bozo, n’est-ce pas ?

Page 6427

1 M. McLeod (interprétation). - Oui, le Père Bozo.

2 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous poser une question

3 qui porte sur un

4

5

6 deuxième entretien que vous semblez avoir eu avec le Père Stjepan qui

7 apparaît... Veuillez m’excuser, Monsieur le Président, une fois encore,

8 mais la meilleure façon pour moi de me repérer dans les pages, c'est

9 d'utiliser l’alphabétisation qui apparaît en bas de page, c'est-à-dire la

10 page E-2 dans ma version, la deuxième page de la version anglaise de vos

11 notes, Monsieur McLeod. Il s’agit d’une note qui porte sur votre entretien

12 avec le Père Bozo à Cajdras.

13 M. McLeod (interprétation). - Je vois bien à quoi vous vous

14 référez, je retrouve le passage.

15 M. Hayman (interprétation). - Au vu de vos entretiens, ce jour-

16 là... Ou plutôt n’avez-vous pas également rencontré le Père Stjepan, ce

17 jour-là ? Ne vous a-t-il pas fourni une liste des difficultés, des

18 obstacles que rencontrait la population croate dans la municipalité de

19 Zenica, difficultés présentes ou passées ?

20 M. McLeod (interprétation). - En effet.

21 M. Hayman (interprétation). - Parmi cette liste, n'y avait-il

22 pas une déclaration du Père Stjepan lui-même selon laquelle, je cite :

23 « nous sommes maintenant en danger » ?

24 Et enfin, je cite : « les MOS viennent la nuit à leur maison »

25 -il se réfère aux maisons des Croates de Bosnie ou aux maisons du HVO-

Page 6428

1 « et les craignent ».

2 Est-ce qu’il vous a déclaré cela précédemment ou à cet

3 entretien-là ?

4 M. McLeod (interprétation). - Oui, en effet. Je crois d'ailleurs

5 que si vous vous penchez sur l'annexe A, vous trouverez la traduction

6 anglaise de ce texte qui, à l’origine, était en serbo-croate. Vous

7 trouverez exactement ce qui m’a été communiqué.

8 M. Hayman (interprétation). - Bien. Deux paragraphes plus bas

9 dans votre déclaration, qui porte sur votre entretien avec le Père Bozo,

10 n’a-t-il pas dit : « Ils tuent des cochons, ils emmènent les vaches et

11 prennent de la nourriture... Les criminels prennent tout et détruisent

12 tout. »

13 N’est-ce pas là quelque chose que vous a dit le Père Stjepan ?

14

15

16 M. McLeod (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Quelques paragraphes plus bas,

18 toujours dans votre rapport, n’apparaît-il pas qu’il dit : « A ce jour »

19 -et cela doit être le 8 mai- « 65 à 70 maisons ont été incendiées ». Vous

20 a-t-il dit cela ?

21 M. McLeod (interprétation). - Oui, en effet. Mais il a précisé

22 qu’une seule maison avait été brûlée au cours du conflit. Pour la suite,

23 je pense qu’il parle des semaines qui ont suivi, au cours desquelles

24 65 maisons ont été brûlées.

25 M. Hayman (interprétation). - Donc suite aux événements des

Page 6429

1 15 et 16 avril 1993, 65 ou 70 maisons appartenant à des Croates de Bosnie,

2 dans la municipalité de Zenica, ont été incendiées. C'est bien cela que

3 vous pensez avoir compris ?

4 M. McLeod (interprétation). - En effet.

5 M. Hayman (interprétation). - Deux paragraphes plus loin, il

6 déclare : « de plus en plus, la situation, du point de vue de la sécurité,

7 se dégrade, donc de plus en plus de personnes partent. » Est-ce exact ?

8 M. McLeod (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Puis, une page plus loin, il donne

10 un certain nombre de statistiques quant aux morts, quant aux maisons qui

11 ont été pillées. Il parle notamment de douze civils qui auraient été tués

12 au cours du conflit. Est-ce exact ?

13 M. McLeod (interprétation). - En effet.

14 M. Hayman (interprétation). Précédemment, vous avez dit que le

15 Père Stjepan était en fait un homme d'opinion modérée, partisan d’une

16 réconciliation ?

17 M. McLeod (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Lors de votre entretien avec M. le

19 maire, M. Spahic, ne vous a-t-il pas dit en fait qu’il faisait tout ce

20 qu’il pouvait pour essayer d’empêcher qu’il y ait des violences et des

21 attaques perpétrées contre des Croates dans la municipalité de Zenica ?

22

23

24 M. McLeod (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - L’avez-vous cru ?

Page 6430

1 M. McLeod (interprétation). - En fait, j’ai mis ce qu’il m’a dit

2 en rapport avec ce que m’avaient dit d’autres personnes. Donc, oui, je

3 crois bien que c’est ce qu’il essayait de faire. Mais, comme je l’ai dit

4 précédemment, me semble-t-il, les circonstances qui prévalaient étaient

5 extrêmement complexes.

6 M. Hayman (interprétation). - Oui, elles étaient très complexes.

7 Donc en dépit du fait que les autorités déployaient tous les efforts

8 possibles dans la municipalité de Zenica pour remédier au problème,

9 quelques 70 maisons croates avaient été incendiées, douze Croates avaient

10 été assassinés. D’une façon générale, la zone n’était pas sûre. N’est-ce

11 pas exact ?

12 M. McLeod (interprétation). - Oui, c'est la conclusion que l'on

13 peut tirer de ce qui est dit là.

14 M. Hayman (interprétation). - Donc c'est une conclusion

15 logique ?

16 M. McLeod (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Parlez à haute et intelligible

18 voix pour que tout apparaisse dans le compte rendu, s’il vous plaît.

19 M. McLeod (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Le maire, M. Spahic, vous a montré

21 un décret émis par lui le 18 avril 1993 et que l'on trouve dans votre

22 rapport, page A-1/1 pour la version anglaise. Pour ce qui de la version

23 française, Monsieur le Président, cela figure dans l’annexe 1, celle qui

24 suit le rapport portant sur l’entretien de M. Spahic. Le décret est appelé

25 « ordre relatif au retour des réfugiés à Zenica ».

Page 6431

1 Dans cette déclaration, j'attire votre attention sur le

2 paragraphe portant le chiffre romain « I ». Est-ce que le maire demande la

3 mise en place de postes de contrôle conjoints et de patrouilles conjointes

4 réunissant des forces de l’armée de Bosnie-Herzégovine et des Croates ?

5 M. McLeod (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Grâce à votre observation de la

7 situation, avez-vous conclu qu’au moment de l’émission de ce décret, émis

8 le 17 avril et non pas le 18 avril comme dit plus haut, excusez-moi, avez-

9 vous donc conclu qu’en fait l’armée de Bosnie-Herzégovine avait attaqué le

10 HVO à Zenica et qu’il y avait en fait un conflit armé qui opposait les

11 deux forces en présence, n’est-ce pas ?

12 M. McLeod (interprétation). - Oui, tout à fait. En fait, ils

13 tentaient de mettre un terme à ce conflit. Je ne me souviens pas très bien

14 des détails, mais il me semble que dans un quartier de Zenica, il y avait

15 toujours des combats. Alors que dans d’autres quartiers, la situation se

16 stabilisait, était beaucoup plus calme.

17 Les quartiers où il n’y avait pas de combats étaient précisément

18 les quartiers où il y avait des patrouilles conjointes.

19 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes d'accord pour dire que

20 dans ces zones où l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO n’étaient pas en

21 conflit ouvert, c’est en fait parce que des membres du HVO avaient été

22 capturés et emprisonnés ?

23 M. McLeod (interprétation). - Je ne suis pas sûr qu'ils aient

24 été emprisonnés, mais il est bien certain qu'un certain nombre d’entre eux

25 avaient été pris par l’armée de Bosnie-Herzégovine, comme l’a dit

Page 6432

1 d’ailleurs le prêtre auquel j’ai parlé.

2 M. Hayman (interprétation). - Nous passons à la page suivante

3 qui est un décret différent. Il ne porte aucun titre précis, si ce n’est

4 l’annotation « conclusion ». Il porte le chiffre romain « I », puis le

5 chiffre romain « II » et est daté du 18 avril 1993. J'attire, tout

6 d’abord, votre attention sur la page A-1/2 de ce document.

7 Dans ce document, M. Spahic, au paragraphe I, demande aux

8 quartiers généraux respectifs des parties en présence de donner

9 immédiatement des ordres visant à l’établissement d'un cessez-le-feu

10 inconditionnel. Vous voyez cela ?

11

12

13 M. McLeod (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - La pièce D/76 pourrait-elle être

15 présentée au témoin, monsieur le greffier ?

16 Pendant que nous préparons la pièce à conviction, pouvez-vous

17 nous dire si au cours de votre observation dans la région, le colonel

18 Blaskic a émis un ordre, en ce même jour 18 avril 1993, ordre visant à

19 l’établissement d’un cessez-le-feu et appelant le HVO à mettre un place un

20 cessez-le-feu ?

21 (Le greffier présente la pièce D/76 au témoin.)

22 J’attire, notamment, votre attention sur le paragraphe I de cet

23 ordre. Avez-vous, au cours de votre observation, appris que le colonel

24 Blaskic avait émis un ordre le jour où le maire de Zenica avait demandé

25 qu’il soit émis, c'est-à-dire le 18 avril 1993 ?

Page 6433

1 M. McLeod (interprétation). - Non, mais apparemment, il

2 travaillait en étroite collaboration. Je jette un coup d'oeil à l’adresse

3 du destinataire, je suppose que c'est là le produit d'une des commissions

4 conjointes dirigée à l'époque par le colonel Stewart et par l'ambassadeur

5 Thebault. Le fait que l'on ait les deux éléments au même moment des deux

6 côtés, c'est surtout le résultat de la même réunion. C'est du moins ce que

7 je suppute.

8 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si le commandement de

9 l’armée de Bosnie-Herzégovine...

10 M. le Président. - Vous ne devez pas mettre cette pièce sur le

11 rétroprojecteur. Je suis désolé.

12 M. Hayman (interprétation). - Oui, bien sûr. C’est un oubli de

13 ma part.

14 M. le Président. - Je pense que c'est une pièce que vous avez

15 déjà produite, si mes souvenirs sont exacts.

16 M. Hayman (interprétation). - Oui, en effet. Il existe une

17 traduction en français qui est disponible. J'attirais l'attention du

18 témoin sur le paragraphe I.

19

20

21 Pouvons-nous avoir un gros plan de cet ordre, s'il vous plaît ?

22 Peut-on obtenir un élargissement de la partie centrale du texte, s’il vous

23 plaît ? Je vous remercie.

24 J’attire, Monsieur le Président, l'attention du témoin sur le

25 paragraphe I, dont je vais donner lecture afin que les interprètes

Page 6434

1 puissent faire une traduction à vue :

2 « J’ordonne, un, que toute les unités subordonnées du HVO

3 mettent immédiatement un terme à toutes les offensives lancées contre les

4 unités de l’armée de Bosnie-Herzégovine. »

5 Je posais une question relative à ce premier paragraphe. Avez-

6 vous, au cours de votre étude dans la région, appris si le commandement de

7 l’armée de Bosnie-Herzégovine avait délivré un ordre similaire visant à

8 l’établissement d’un cessez-le-feu, le 18 avril 1993, ou n’êtes-vous pas

9 au courant de cela ?

10 M. McLeod (interprétation). - Dans la traduction anglaise de ce

11 document daté du 18 avril, on ne voit pas la liste des destinataires.

12 Alors que sur l'original qui se trouve quelques pages plus loin, A-1-6, au

13 bas du document, je pense qu'il est possible de voir la liste des

14 destinataires.

15 M. Hayman (interprétation). - Donc un exemplaire de ce décret du

16 18 avril 1993, exemplaire qui fait partie de votre rapport, a été envoyé

17 au HVO à Zenica ?

18 M. McLeod (interprétation). - Oui, effectivement, c’est envoyé

19 au 3ème Corps de l’armée de Bosnie-Herzégovine.

20 Voulez-vous que je mette ceci sur l’autre projecteur, Monsieur

21 le Président ?

22 M. Hayman (interprétation). - Oui, s’il vous plaît.

23 J'attire votre attention sur le côté inférieur gauche qui est

24 une indication en serbo-croate, n'est-ce pas ?

25 M. McLeod (interprétation). - Oui, je crois que ce que nous

Page 6435

1 pouvons voir ici, c'est qu’il s’agit du document signé par le maire de

2 Zenica destiné au 3ème Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'au

3 HVO de Zenica. Autrement dit, il diffuse le même ordre ou le

4

5

6 même décret dans la région soumise à contrôle et je suppose que ce

7 document, ou le document original que vous m’avez montré, aura été diffusé

8 du côté de Vitez.

9 M. Hayman (interprétation). - Cependant, ce document correspond

10 en fait à la suite des conclusions tirées par le maire, à savoir qu'il

11 faut demander aux responsables des deux parties, d’établir un cessez-le-

12 feu, n’est-ce pas ?

13 M. McLeod (interprétation). - Oui, je conclurai la chose

14 suivante : le contrôle politique disait « arrêtez le combat », je

15 l’imagine, mais je n’ai pas de copie qui tendrait à prouver qu’il y aurait

16 eu un ordre diffusé par le 3ème Corps.

17 M. Hayman (interprétation). - En fait, vous vous seriez attendu

18 à ce que le 3ème Corps émette un ordre similaire, visant à l’établissement

19 d’un cessez-le-feu, ce même jour, c'est-à-dire le 18 avril 1993, n’est-ce

20 pas ?

21 M. McLeod (interprétation). - Effectivement, s'il y a une

22 réunion tripartite de la Commission conjointe et qu’ils se mettent

23 d'accord, de chacun des côtés on aurait la dissimulation de l’information.

24 M. Hayman (interprétation). - Ils l’auraient, s’ils avaient été

25 en train de travailler avec les forces politiques du HVO...

Page 6436

1 M. McLeod (interprétation). - Tout à fait.

2 M. Hayman (interprétation). - Bien. Pour ce qui concerne votre

3 entretien avec le Père Stjepan qui commence à la page B-1 de la version

4 anglaise, à savoir l’annexe B, Monsieur le Président, au paragraphe 4.

5 Il semble que le Père Stjepan a déclaré : « un processus de

6 réactions en chaîne », dont il a dit qu’il était en train de se produire

7 en Bosnie centrale. Par exemple, il a décrit que le fait de chasser une

8 famille de Vitez a des conséquences sur ce qui se passe ici, à Zenica.

9 D’autres personnes ont-elles fait référence à ce type de

10 processus. Par exemple, quand l’imam de Busovaca a décrit que des menaces

11 avaient été émises à l’encontre de résidents

12

13

14 musulmans de Busovaca par des réfugiés croates de villages environnants et

15 qu’ils en avaient été chassés et qu’ils se trouvaient à Busovaca, parlait-

16 il du même processus ?

17 M. McLeod (interprétation). - Oui, parce que même s'il n'y avait

18 plus de communication, en pratique les gens communiquaient quand même.

19 Nombreux sont les exemples pour savoir ce qui se passait chez des

20 personnes, à leur domicile, mais aussi par rapport à ce qui se passait

21 dans la prison. Effectivement, il y a eu pas mal de cet effet-là.

22 M. Hayman (interprétation). - A la page suivante de votre

23 rapport, qui traite toujours de ce même entretien avec le Père Stjepan, ne

24 parle-t-il pas d'un problème de discrimination exercée contre les Croates

25 de Bosnie à Zenica, notamment en direction d’anciens ouvriers

Page 6437

1 sidérurgistes d’appartenance ethnique croate ou dont on pensait qu’ils

2 étaient devenus membres du HVO n’avaient pas reçu de nourriture qui, à

3 l’époque, était en fait un substitut de salaire ou de retraite ?

4 M. McLeod (interprétation). - Non pas la justification, mais

5 l’explication qu’il avait reçue, c’est que ces personnes étaient désormais

6 en prison et de ce fait, parce qu’ils étaient prisonniers, ils ne

7 travaillaient pas et n’avaient donc pas droit à leur ration de nourriture.

8 Effectivement, c'était le cas.

9 M. Hayman (interprétation). - D’autres, qui se battaient ou qui

10 n’avaient pas d’emploi, étaient nourris par l’entreprise, n’est-ce pas ?

11 M. McLeod (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - J’attire votre attention sur

13 l’entretien suivant qui se trouve dans votre rapport, entretien avec le

14 responsable du CICR à Zenica. Je ne le citerai pas pour éviter les

15 problèmes.

16 Vous avez donc rencontré le responsable du CICR à Zenica, le

17 7 mai 1993, n’est-ce pas ?

18 M. McLeod (interprétation). - Oui.

19

20

21 M. Hayman (interprétation). - Lui avez-vous demandé quel type

22 d'accès le CICR avait aux prisons proches de Zenica et aux prisonniers

23 croates qui s’y trouvaient.

24 M. McLeod (interprétation). - J’avais travaillé dans la section

25 humanitaire et j’étais conscient de la nécessité qu’il y a à travailler en

Page 6438

1 étroite collaboration avec le CICR. Comme vous le verrez, j’ai très tôt

2 voulu les rencontrer. Ils ont dit effectivement faire l’impossible pour

3 que tout le monde respecte les engagements.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il dit combien de prisons

5 à Zenica retenaient des prisonniers croates à la date du 7 mai 1993 ? Cela

6 apparaît au paragraphe II de votre rapport. J’attire votre attention sur

7 ce point.

8 M. McLeod (interprétation). - Il a parlé de trois prisons. Il

9 avait accès à une des trois.

10 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner leur nom,

11 s’il vous plaît ?

12 M. McLeod (interprétation). - Oui, ils ont dit qu’ils avaient

13 accès à la prison principale. Je ne sais pas comment on l’appelait. Mais

14 ils n’ont pas pu aller au MUP, je suppose que le poste de police et

15 l’école de musique.

16 M. Hayman (interprétation). - Le MUP, c’est en fait le ministère

17 de la Sécurité intérieure, n’est-ce pas ?

18 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas exactement ce que

19 signifient les initiales, mais c’est à peu près cela.

20 M. Hayman (interprétation). - Bien. L’école de musique dont vous

21 avez parlé, saviez-vous à l’époque qu’il s’agissait en fait du quartier

22 général de la 7ème brigade musulmane ?

23 M. McLeod (interprétation). - Je ne les savais pas nommément,

24 mais j’avais compris quand même qu’il s’agissait d’une installation

25 contrôlée par cette entité-là.

Page 6439

1 M. Hayman (Interprétation). - A présent, venons-en à votre

2 entretien avec le

3

4

5 père Bozo, qui se trouve dans l'annexe E de votre rapport. Je suppose que

6 c'est lors de cet entretien, que vous vous trouviez sous le porche d’une

7 église, et qu’un certain nombre de paroissiens vous entouraient.

8 M. McLeod (interprétation). - Oui. Je l’ai dit. Nous avons

9 commencé chez lui, puis nous sommes allés faire un tour pour voir la

10 partie haute du village et nous sommes revenus à l'église.

11 M. Hayman (Interprétation). - Il vous a décrit, comme cela

12 apparaît au paragraphe 2 de votre rapport, le fait que certains

13 paroissiens de son secteur, de Cajdras, avaient quitté leur maison après

14 avoir été soumis à des pressions externes, après quoi leur maison avait

15 été incendiée.

16 M. McLeod (interprétation). - Oui. J'ai noté que 80 % des

17 personnes sont restées chez elles, après de fortes pressions ont été

18 exercées, des maisons ont été brûlées, des menaces ont été proférées et

19 d'autres personnes sont parties.

20 M. Hayman (Interprétation). - Deux paragraphes plus loin, il

21 semble décrire un incident de pillage. Les pilleurs semblent porter des

22 uniformes militaires. Lorsque la police militaire du 3ème Corps de l'armée

23 arrive, elle laisse les pilleurs s'échapper, mais fait prisonnière une

24 équipe de télévision australienne qui essaye de filmer les événements.

25 C’est exact ?

Page 6440

1 M. McLeod (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (Interprétation). - Pouvez-vous décrire l'état des

3 paroissiens qui vous entouraient à ce moment-là ? Etaient-ils anxieux ?

4 M. McLeod (interprétation). - Ils tenaient absolument à savoir

5 ce qui ce passait. Ils étaient préoccupés, ils voulaient savoir ce qui

6 était advenu de certains membres de leur famille et ce qui allait se

7 passer à l'avenir.

8 M. Hayman (Interprétation). - Et vous aviez l'impression que

9 leurs angoisses étaient bien réelles ?

10 M. McLeod (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (Interprétation). - Nous avançons un peu dans votre

12 rapport pour en arriver à l’annexe F. Il s'agit du rapport concernant

13 votre entretien avec MM. Santic et Skopljak.

14 En bas de la page 1 de ce rapport, il semble qu’il y ait une

15 allusion, faite je suppose par M. Santic, à des informations concernant

16 une offensive probable du 16 avril 1993. Pouvez-vous nous apporter des

17 informations sur ce point ? Que vous a dit exactement M. Santic sur ce

18 point ?

19 M. McLeod (interprétation). - Ici, nous avons mes notes exactes.

20 Peut-être que j'ai raté quelques détails à l'époque. Mais voici mes notes.

21 Voici ce qu'il disait : « Le 15 avril, la veille des événements, il y

22 avait une rumeur qui circulait, selon laquelle il y aurait une attaque de

23 Zenica vers Vitez ». Donc les gens étaient très agités. Voilà comment je

24 qualifierais la situation.

25 M. Hayman (Interprétation). - Au cours de votre séjour, avez-

Page 6441

1 vous eu connaissance d'autres événements qui se seraient produits le

2 16 avril 1993 et qui pourraient corroborer ce type de déclaration ? Par

3 exemple, une attaque menée par les commandants du HVO ?

4 M. McLeod (interprétation). - Non, je ne pense pas.

5 M. Hayman (Interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

6 qu'à l'époque l’armée de Bosnie-Herzégovine était tout à fait à même de

7 lancer une offensive assez importante sur Vitez ou Zenica au vu des

8 troupes qu'elle avait dans le secteur ?

9 M. McLeod (interprétation). - Je pense que oui. On peut le voir

10 dans ce qui s'est passé quelques jours plus tard. Que ce soit une attaque

11 ou une contre-attaque, ils étaient capables d'avancer.

12 M. Hayman (Interprétation). - De fait, il y a eu une telle

13 opération militaire.

14

15

16 M. McLeod (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (Interprétation). - Tournez la page, s'il vous plaît.

18 On y voit que M. Santic vous a dit qu'étant donné qu'il y avait une

19 entreprise d'explosifs dans Vitez, une grande proportion d’individus

20 disposaient de beaucoup d'explosifs à leur domicile.

21 M. McLeod (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (Interprétation). - Ne vous a-t-il pas dit qu'il y

23 avait une entreprise d’explosifs juste à côté de Vitez ?

24 M. McLeod (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (Interprétation). - J’attire maintenant votre

Page 6442

1 attention sur le bas de la page F/1 dans le rapport anglais. Il s'agit de

2 la déclaration de M. Santic dont vous avez dit qu'elle ne correspondait

3 pas à vos notes. Selon vos notes, Blaskic a ordonné à ses troupes de ne

4 pas entrer dans les maisons des Musulmans ou aurait dû ordonner à ses

5 forces de ne pas y entrer. Vous trouvez ce passage ?

6 M. McLeod (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (Interprétation). - Lorsque vous avez établi votre

8 rapport, vous êtes-vous appuyé simplement sur vos notes, ou avez-vous fait

9 appel à vos souvenirs concernant ces entretiens et ce qui avait été dit au

10 cours de ces entretiens ?

11 M. McLeod (interprétation). - Pour l'essentiel, j'ai

12 dactylographié les notes manuscrites que j'avais consignées. C'est pour

13 cela que la grammaire est quelquefois boiteuse. Vous verrez que j'ai aussi

14 émaillé ceci de commentaires, basés sur les souvenirs que j'avais et sur

15 les notes que j’avais prises.

16 M. Hayman (interprétation). - Après avoir tapé vos notes, avez-

17 vous repris toutes ces notes pour voir si elles correspondaient à vos

18 souvenirs de ces entretiens ?

19 M. McLeod (interprétation). - Oui. C'est pour cela que j'ai pu

20 avoir des commentaires supplémentaires. J’ai consigné mes notes à

21 l'ordinateur. A la relecture, j'ai ajouté

22

23

24 mes commentaires émaillés ci et là pour marquer la différence entre mes

25 notes et mes propres réflexions.

Page 6443

1 M. Hayman (Interprétation). - En laissant de côté ces

2 commentaires, au moment où vous écriviez ce rapport sur les entretiens,

3 faisiez-vous également appel à vos souvenirs pour vérifier ce que vous

4 étiez en train d'écrire ou pour le compléter ?

5 M. McLeod (interprétation). - Je l'ai fait là où il me manquait

6 certains maillons. D'abord dans ce cas j'avais l'original et c'était assez

7 clair, je ne crois pas avoir fait d'erreur.

8 M. Hayman (Interprétation). - Et aujourd'hui, vous rappelez-vous

9 qu'elle était la teneur de ces entretiens ou devez-vous faire appel à vos

10 notes ?

11 M. McLeod (interprétation). - Mes notes.

12 M. Hayman (Interprétation). - Vous avez des souvenirs précis sur

13 ce qui a pu être dit au cours de ces entretiens et sur ce sujet précis à

14 ce moment-là ? Je parle d'une date qui remonte à quatre ans.

15 M. McLeod (interprétation). - Non. Je ne pourrais pas dire avec

16 certitude sur tel ou tel élément que c'était tel ou tel temps ou tel autre

17 temps.

18 M. Hayman (Interprétation). - La pièce D 43 pourrait-elle être

19 soumise au témoin ? Je pense qu’il serait bon qu'elle soit placée sur le

20 rétroprojecteur ? Cela nous aiderait tous.

21 (L’huissier s’exécute.)

22 M. Hayman (Interprétation). - Peut-on avoir un agrandissement du

23 préambule et du paragraphe 1. Il s'agit d'un ordre du 22 avril 1993. Je

24 cite, c'est un ordre du colonel Blaskic : « Afin d'empêcher que des

25 incidents se produisent, au cours desquels des maisons et des commerces

Page 6444

1 pourraient être incendiés et pillés, je délivre l'ordre suivant :

2 J’interdis strictement que des maisons et des commerces soient

3 mis à feu et j'interdis qu'il y ait des pillages dans la zone de

4 responsabilité du commandement de la zone

5

6

7 opérationnelle de Bosnie centrale qui est contrôlée par les unités du

8 HVO. »

9 Vous voyez le paragraphe que je viens de lire ?

10 M. McLeod (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (Interprétation). - Voici ma question. Cela

12 rafraîchit-il vos souvenirs, quant à une discussion avec M. Santic

13 relative au fait qu'un tel ordre ait été émis par le Colonel Blaskic

14 portant sur la protection de domiciles et de commerces musulmans ?

15 M. McLeod (interprétation). - Si on replace cela dans le

16 contexte et en regardant la phrase précédente, il y a peut-être une erreur

17 ou une inexactitude dans mon rapport. Si je lis la phrase qui précède :

18 « Le gouvernement insiste pour que la police militaire locale soit plus

19 importante à Vitez qu’elle ne l’était hier, je crois que la situation

20 s'améliorerait à Vitez de jour en jour ».

21 Dans ce contexte, manifestement la situation était loin d'être

22 parfaite, manifestement c'est un ordre qui a été émis avant que je ne

23 rencontre le Colonel.

24 M. Hayman (interprétation). - Effectivement, on imagine aisément

25 une situation dans laquelle l’ordre est donné. L'ordre est clair et non

Page 6445

1 ambigü. Soit il n'a pas été exécuté ou il y a peut-être une autre raison

2 qui fait qu'il y a eu de nouveau une révision de la situation. Mais je

3 crois qu'il me disait effectivement : « il faut encore améliorer les

4 choses ».

5 M. Hayman (interprétation). - D'après vous, à quel type d'ordre

6 M. Santic pensait-il lorsqu’il vous a dit cela ? Pensez-vous qu'un ordre

7 aurait pu être émis qui dirait : « Aucun soldat ne doit pénétrer dans un

8 domicile musulman pour quelque motif que ce soit, y compris le fait que ce

9 domicile abrite des tireurs », à savoir un tireur isolé par exemple ? Est-

10 ce le genre d'ordre auquel M. Santic aurait pu faire référence ? Ou bien

11 cela n'avait-il aucun sens pour vous à l'époque ?

12 L’Interprète. - Monsieur le Président, est-il possible de

13 demander une petite pause entre les questions et les réponses -les

14 interprètes ne parviennent pas à suivre- et de reprendre à

15

16

17 la question précédente ?

18 M. le Président. - Essayez de faire une petite pause entre la

19 question et la réponse. Vous pouvez reprendre à la précédente question,

20 Maître Hayman.

21 L’Interprète. - Merci, Monsieur le Président.

22 M. Hayman (interprétation). - Oui. Ma question est la suivante :

23 d'après vous, M. Santic désirait en fait qu'un ordre soit émis, ordre qui

24 empêcherait les soldats du HVO de s'attaquer à des Musulmans ou à leur

25 maison, et que des personnes pillent ou incendient leur maison. Pensez-

Page 6446

1 vous que c'est cela qu'il avait à l'esprit ?

2 M. McLeod (interprétation). - Etant donné le contexte de mes

3 notes, je l’ai compris comme cela : il disait que les soldats du HVO

4 devraient avoir pour instruction de ne pas entrer dans les maisons des

5 Musulmans, plutôt que de dire d'empêcher des soldats du HVO de tirer sur

6 une maison musulmane d'où on tirerait sur eux.

7 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. Qu'est-ce qui

8 vous a entraîné à comparer votre rapport et vos notes sur ce point

9 précis ?

10 M. McLeod (interprétation). - Vous l’imaginez aisément ! Avant

11 de venir comparaître ici, j'ai essayé de rafraîchir mes souvenir, j’ai

12 vérifié ce que j'avais écrit, et là, c'est un détail où j’ai constaté

13 qu’il y avait une différence. On peut dire raisonnablement qu'il faut être

14 le plus précis possible, donc relever cette erreur.

15 M. Hayman (interprétation). - Donc vous relisiez vos notes pour

16 avoir des souvenirs aussi précis que possible au moment de votre

17 témoignage, n’est-ce pas ?

18 M. McLeod (interprétation). - Effectivement, cinq ans se sont

19 écoulés ou pratiquement cinq ans.

20 M. Hayman (interprétation). - Oui. J’attire maintenant votre

21 attention sur une autre partie de votre rapport. Il s’agit de l’annexe D.

22 Elle porte sur votre entretien avec M. ou peut-être le

23 Général Hadzihasanovic. A l’époque, son poste était celui de commandant du

24

25

Page 6447

1 3ème Corps de l’armée de Bosnie-Herzégovine, n’est-ce pas ?

2 M. McLeod (interprétation). - Oui, c’est ce que j’ai cru

3 comprendre.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous l'avez rencontré, vous avez

5 eu un entretien avec lui, n’est-ce pas ?

6 M. McLeod (interprétation). - J’ai eu une réunion très courte,

7 en fait qui était dirigée par l’ambassadeur Thebault.

8 L’ambassadeur Thebault avait comme élément que j’étais là avec lui. Il

9 demandait au commandant de lui recommander une personne avec qui il

10 pourrait s’entretenir.

11 M. Hayman (interprétation). - Et j’en déduis qu’au cours de cet

12 entretien, il y a eu, n’est-ce pas, une discussion nourrie sur un certain

13 nombre de points. Vous avez consigné cela dans votre rapport.

14 M. McLeod (interprétation). - Tout à fait

15 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous conclu de cet entretien

16 avec le Général Hadzihasanovic qu’il avait été sincère et qu'il vous avait

17 tout dévoilé sur les points que vous aviez abordés ?

18 M. McLeod (interprétation). - Etant donné que la réunion avait

19 été tout à fait courte, pour autant que je puisse juger, il nous disait ce

20 qu’il disait. Quant à savoir s’il disait la vérité ou pas, je ne le sais

21 pas.

22 M. Hayman (interprétation). - Parmi les choses dont il vous a

23 parlé, il vous a précisé qu’en dépit du fait qu'il était commandant du

24 3ème Corps, il n'avait pas connaissance d'une quelconque prison du MUP, ou

25 d'une quelque autre prison qui se trouverait à l'école de musique, n'est-

Page 6448

1 ce pas exact ?

2 M. McLeod (interprétation). - Si.

3 M. Hayman (interprétation). - Et vous l'avez cru ?

4 M. McLeod (interprétation). - A l'examen de mes notes, je

5 constate une disparité,

6

7

8 si je puis dire, entre ce que je vois là et l’accès. L’école de musique

9 n'est pas un problème. Il suffirait de passer un coup de fil. Donc,

10 pratiquement, oui, il connaissait la situation.

11 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi, vous vouliez ajouter

12 quelque chose peut-être, Monsieur McLeod ?

13 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas si j'ai pris des

14 notes très détaillées de cette réunion. Je travaille depuis mes souvenirs

15 plutôt que de notes vraiment détaillées, c’est pour ça que le rapport est

16 court là-dessus.

17 M. Hayman (interprétation). - Je n’essaie pas de suggérer que le

18 Général Hadzihasanovic vous a dit, à ce moment-là, qu’il ne savait pas

19 qu'il y avait une prison dans l’école de musique. Je vous demande si sa

20 déclaration selon laquelle il ne savait pas qu'une prison existait, où des

21 Croates étaient retenus contre leur volonté à l'école de musique, je vous

22 demande si lorsqu'il vous a dit cela vous l'avez cru ?

23 M. McLeod (interprétation). - Quand on voit la ligne suivante,

24 quand on parle d’accès à l'école de musique, là je suis assez sûr

25 qu'effectivement il parlait d'accès à une prison plutôt que de la

Page 6449

1 possibilité d’aller à l’école de musique. Donc là, il y a une certaine

2 disparité entre le deuxième paragraphe et ce que j'ai écrit au troisième

3 paragraphe. Je m'en excuse d'ailleurs, mais il y a cinq ans de cela.

4 M. Hayman (interprétation). - S'il a dit qu'il ne savait pas

5 qu'une prison avait été établie dans l’école de musique, n'aurait-il pas

6 été normal de dire : « Mais, je vous en prie, allez-y, parce que l’accès

7 n’est en aucun cas restreint » ? Cela n'aurait-il pas été logique ?

8 M. McLeod (interprétation). - Cela aurait été possible.

9 M. Hayman (interprétation). - Le Général Hadzihasanovic a

10 également déclaré, n’est-ce pas, qu’il devait avancer progressivement

11 parce qu’il voulait obtenir le contrôle de la 7ème brigade musulmane,

12 plutôt que de ne pas réussir à en assurer le contrôle ? N’a-t-il pas dit

13 cela ?

14

15

16 M. McLeod (interprétation). - Si.

17 M. Hayman (interprétation). - Et n’a-t-il pas dit que les

18 Mujahedin n’étaient pas sous contrôle et qu’il y avait nombre d'autres

19 éléments qui n'étaient pas sous contrôle ? N’a-t-il pas dit cela ?

20 M. McLeod (interprétation). - Si.

21 M. Hayman (interprétation). - Et vous l’avez cru lorsqu’il l’a

22 dit ?

23 M. McLeod (interprétation). - Au moment de la fin de

24 l’entretien, je n’étais pas très sûr de la structure de la chaîne de

25 commandement au sein de cette 7ème Brigade, donc je n’avais pas vraiment

Page 6450

1 d’avis arrêté sur la question. Manifestement, cette entité existait, je

2 parle ici de la 7ème Brigade musulmane. Mais quelle était la chaîne de

3 commandement, là je ne suis pas sûr.

4 M. Hayman (interprétation). - J’attire à présent votre attention

5 sur l'annexe I qui porte sur votre entretien avec le commandant Dugalic.

6 Dans votre rapport, vous avez écrit que Ramiz Dugalic était le commandant-

7 adjoint du 3ème Corps de l’armée de Bosnie-Herzégovine. Savez-vous quelles

8 étaient exactement ses responsabilités dans le cadre du 3ème Corps ?

9 M. McLeod (interprétation). - Je crois qu’il était responsable

10 des renseignements.

11 M. Hayman (interprétation). - En haut de la seconde page dans la

12 version anglaise, il apparaît qu'il vous a dit qu'une formation du HVO, je

13 cite : « faisait la sale besogne » (fin de citation). Il précise que cette

14 unité est sous le contrôle de Darko Kraljevic, n’est-ce pas ?

15 M. McLeod (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (interprétation). - Et il ajoute que M. Kraljevic

17 était en fait un toxicomane, n'est-ce pas ?

18 M. McLeod (interprétation). - C’est ce qu’il a dit.

19 M. Hayman (interprétation). - Suite à cela, il vous a donné un

20 document qui est inclue dans votre rapport.

21

22

23 M. McLeod (interprétation). - C’est exact.

24 M. Hayman (interprétation). - Bien. Venons-en précisément à ce

25 document, à savoir le document I.1/1. On voit qu'il est signé. Le titre de

Page 6451

1 l'individu qui signe ce document est colonel Darko Kraljevic. Donc, suite

2 à vos observations dans la région, avez-vous conclu que Tihomir Blaskic à

3 l'époque était colonel ?

4 M. McLeod (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous appris, suite à ce que

6 vous avez su, quelle était la nature des rapports entre le Colonel Blaskic

7 et le Colonel Kraljevic dans le cadre de la chaîne de commandement du

8 HVO ?

9 M. McLeod (interprétation). - Non.

10 M. Hayman (interprétation). - En vous basant sur votre

11 expérience en matière de structure militaire, est-il possible qu'il y ait

12 deux colonels travaillant sur le même secteur et dans la même structure de

13 commandement ?

14 M. McLeod (interprétation). - Oui. Pour compliquer un peu les

15 choses, dans l'armée britannique, vous pouvez avoir deux colonels, mais

16 l’un est vraiment colonel et l’autre est lieutenant-colonel. Je ne sais

17 pas si la même différence se retrouve, alors que les titres semblent les

18 mêmes. J'imagine qu'il est possible d'avoir deux personnes du même rang.

19 Cela existe au Royaume-Uni actuellement. Au sein du commandement

20 domestique, vous avez deux personnes du même rang, dont l’une est

21 supérieure à l'autre.

22 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous parlez du

23 commandement domestique, comme vous venez de dire, qu'entendez-vous

24 exactement ?

25 M. McLeod (interprétation). - Cela fait cinq ans que je ne suis

Page 6452

1 plus dans l’armée, presque six, mais je crois que pour le moment au

2 Royaume-Uni, l’armée est structurée de telle sorte qu’il y a deux

3 personnes du même rang, l’une ayant affaire à l’autre, donc l’une est

4 supérieure à l’autre.

5

6

7 M. Hayman (interprétation). - Serait-ce vrai sur le terrain ou

8 bien seulement à un poste de commandement central ? Etes-vous en mesure de

9 répondre à cette question ?

10 M. McLeod (interprétation). – Je ne suis pas sûr. Alors que vous

11 me posez la question, je pense à un exemple dont me parlait un ami, il y a

12 quelques semaines, où il trouvait que c’était étonnant d’avoir deux

13 personnes du même rang. Il décrivait les difficultés qu'ils rencontraient

14 effectivement. Je pensais à cela quand vous avez posé la question. Vous

15 m’avez demandé si c’était possible, effectivement c’est le cas maintenant

16 au Royaume-Uni.

17 M. Harmon (interprétation). - Pour ce qui est de la situation

18 qui nous intéresse maintenant où il y a apparemment le Colonel Blaskic et

19 le Colonel Kraljevic, avez-vous appris quelle était la nature de leurs

20 rapports dans la structure du commandement du HVO ?

21 M. McLeod (interprétation). - Non.

22 M. Harmon (interprétation). – Au coin supérieur gauche de cet

23 ordre dont nous parlons, nous voyons que sont mentionnés les titres.

24 D’ailleurs, Monsieur le Président, je vais demander si vous disposez de ce

25 document parce que si ce n'est pas le cas nous allons le placer sur le

Page 6453

1 rétroprojecteur.

2 C’est un document qui apparaît dans l'annexe I, et c’est un

3 ordre signé par Kraljevic.

4 M. le Président. – Ce serait le certificat de l’appartement ?

5 M. Harmon (interprétation). - Voilà, exactement, Monsieur le

6 Président, je vous remercie. Nous pouvons donc poursuivre.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous voyez apparaître au coin

8 supérieur gauche l'indication suivante : « République de Bosnie-

9 Herzégovine, communauté croate d’Herceg-Bosna, département de la Défense,

10 unité des Vitezovi, Vitez ». Vous voyez ces indications ?

11 M. McLeod (interprétation). - Oui. Savez-vous où se trouvait le

12 département de la Défense dans le cadre de la communauté croate d’Herceg-

13 Bosna ?

14 M. McLeod (interprétation). - Non.

15 M. Hayman (interprétation). - Etait-il basé à Vitez ou

16 ailleurs ? Le savez-vous ?

17 M. McLeod (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

18 M. Hayman (interprétation). - Sans être un expert, je pense que

19 le département de la Défense… Enfin, si je vois la liste des

20 destinataires, je suppose qu'on parle du HVO, par contraste avec… Chez

21 nous, ce serait une entité séparée, ce serait à Washington ou à Londres

22 par exemple.

23 M. Hayman (interprétation). - Donc vous vous attendriez à voir

24 figurer les mêmes indications sur d’autres ordres émis, par exemple, par

25 le Colonel Blaskic ou par des commandants de brigades au sein de la zone

Page 6454

1 opérationnelle du HVO, n'est-ce pas ?

2 M. McLeod (interprétation). - Oui, quelque chose dans ce goût-

3 là.

4 M. Hayman (interprétation). - Le sceau qui apparaît sur la

5 version originale de cet ordre n'a pas été traduit dans la version

6 anglaise. Je ne sais pas s’il a été traduite dans la version française.

7 Vous avez dit que vous aviez appris quelques notions de serbo-

8 croate au cours de vos activités en ex Yougoslavie. Si vous êtes à même de

9 le faire, pouvez-vous nous aider à traduire le sceau ?

10 M. McLeod (interprétation). – Si on y regarde de plus près, on

11 verra que les termes, les mots que l’on retrouve sur le sceau, sont

12 exactement les mêmes que ceux que l’on trouve dans l’adresse. Tout du

13 moins, il est assez clair dans la copie que j’aie. Je ne sais pas combien

14 de fois cette copie a été photocopiée.

15 M. Hayman (interprétation). - Je vais demander à mon collègue,

16 dont la prononciation sera celle d'un natif, de nous lire ce qui figure

17 sur ce sceau, en commençant par le haut, en descendant progressivement et

18 en progressant de l'intérieur du cercle vers l'extérieur du cercle.

19 M. Nobilo (interprétation). – Le cercle extérieur porte

20 l'indication : « République

21

22

23 de Bosnie-Herzégovine ». En dessous de cela, on voit : « Communauté

24 croate ». A la fin de la ligne suivante apparaît : « Herceg-Bosna ».

25 Ensuite, il apparaît l'indication « Vitez », puis il y a l’unité, puis

Page 6455

1 « P.N » qui veut dire « Activité spéciale ». A la fin , il y est marqué

2 « département de la Défense ».

3 M. McLeod (interprétation). - Je crois que ce sont pratiquement

4 les mêmes mots que dans l'adresse.

5 M. Hayman (interprétation). - Cela confirme, si vous avez

6 entendu l'interprète, que le sceau est la réplique exacte des indications

7 qui figurent dans le coin supérieur gauche de cet ordre de ce certificat,

8 n’est-ce pas ?

9 M. McLeod (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Je souhaiterais que la pièce D/74

11 soit soumise au témoin, s'il vous plaît. Monsieur le Président, je crois

12 qu'il serait nécessaire de placer cette pièce sur le rétroprojecteur.

13 Pour vous mettre dans le contexte, il s'agit d'un ordre

14 conjoint. Je souhaiterais que le sceau apparaisse sur votre

15 rétroprojecteur. Le sceau se trouve au dos du document. Il s’agit donc

16 d’un ordre conjoint, comme je le disais, émis par le HVO et par l’armée de

17 Bosnie-Herzégovine Il a été contresigné par Jeremy Flemming, le Président

18 de la commission conjointe de l’ECMM.

19 J’attire votre attention sur les deux sceaux. Je souhaiterais

20 d’ailleurs obtenir un agrandissement de ces deux sceaux. Je vous remercie.

21 Là encore je vais demander à mon collègue de lire, comme il l’a

22 fait tout à l’heure, les indications qui apparaissent dans le sceau du

23 HVO.

24 M. Nobilo (interprétation). – Du côté gauche, où se trouve la

25 signature du Colonel Blaskic, un sceau apparaît. La première ligne

Page 6456

1 indique : « République de Bosnie-Herzégovine ». Ensuite, on voit :

2 « Communauté croate ». Et à la troisième ligne : « Herceg-

3

4

5 Bosna ». Pour ce qui est de la partie inférieure du sceau, il est écrit :

6 « numéro 1, Travnik ». En dessous de Travnik, il est indiqué : « Zone

7 opérationnelle de Bosnie centrale » et en dessous « département de la

8 Défense ».

9 M. Harmon (interprétation). - Pouvons nous conclure que le sceau

10 qui apparaît sur l’ordre de Kraljevic est différent de celui de la pièce

11 de la défense D/74, dans la mesure ou celui de la pièce D/74 fait

12 référence à la zone opérationnelle de Bosnie centrale, tandis que le sceau

13 sur la page I/1.1 du rapport mentionne l'unité spéciale des Vitezovi ?

14 M. McLeod (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - Avez vous abordé dans le détail,

16 lors de votre entretien avec M. Dugalic, la question consistant à savoir

17 qui était le supérieur hiérarchique de cette unité ? S’agissait-il de

18 M. Kraljevic ?

19 M. McLeod (interprétation). - Non, pas du tout.

20 M. Harmon ((interprétation). - J'en reviens maintenant à la

21 teneur de l’entretien avec M. Dugalic. Est-il juste de dire que M. Dugalic

22 a essayé de vous convaincre qu'il avait des preuves que le HVO avait

23 attaqué Ahmici le 16 avril 1993 ?

24 M. McLeod (interprétation). - Oui, je l'ai déjà dit. Il avait

25 affirmé qu'il avait des prisonniers du HVO qui avaient été pris à Ahmici.

Page 6457

1 J’ai déjà dit tout à l’heure que je tenais à voir ces deux hommes. Au

2 moment où j’ai réussi à le convaincre de me les laisser voir, il a dit

3 qu’ils avaient été libérés. Il m’a montré des écussons d'uniforme, des

4 insignes d'épaulette. Je lui ai fait remarquer qu’il pouvait les avoir

5 obtenus n’importe où.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il montré les deux

7 insignes du HVO avant d’avoir déclaré que deux membres du HVO étaient sous

8 sa garde, des hommes qui avaient été interpellés au cours du conflit

9 d’Ahmici à mi-avril 1993 ? Je vous renvoie à votre commentaire sur la

10 question page 2 de votre rapport sur cet entretien.

11 M. McLeod (interprétation). - Je suis assez sûr qu'il a d'abord

12 parlé de ces

13

14

15 personnes. Puis il a essayé de montrer ce qu'il considérait comme étant

16 des éléments de preuve. C’est un des cas où j'ai été assez direct, car je

17 croyais que cette personne me racontait des sornettes. Mais cela ne prouve

18 rien du tout. Je voulais voir les personnes, en pratique je n’ai pas été

19 en mesure de les voir.

20 M. Hayman (Interprétation). - Je vais d’abord vous demander si

21 votre commentaire est précis ou pas. Votre commentaire à cette page du

22 rapport est le suivant : « Après certains efforts de persuasion, Dugalic a

23 déclaré qu'il savait que le HVO avait été présent, parce qu'il avait des

24 écussons qui leur avaient été enlevés ».

25 M. McLeod (interprétation). - Il a produit des écussons que j’ai

Page 6458

1 rejetés parce qu'ils pouvaient provenir de n'importe où. Puis il a dit

2 qu'ils avaient capturé deux membres du HVO. Je ne sais pas si c'était une

3 façon de me mener en bateau, parce qu'il ne m'a jamais permis de voir ces

4 personnes.

5 M. Hayman (Interprétation). - C'est dans cet ordre que vous vous

6 souvenez des choses ? D'abord vous a-t-il montré les écussons et après que

7 vous ayez rejeté ces écussons, vous a-t-il d’abord dit qu’il avait deux

8 prisonniers ?

9 M. McLeod (interprétation). - Etant donné que cela a été tapé

10 peu de temps après la réunion, je pense que c'est sûrement dans cet ordre

11 que cela s'est produit. Mais aujourd'hui, je ne me souviens plus de ce qui

12 a été dit.

13 M. Hayman (Interprétation). - Vous avez exprimé votre intérêt le

14 9 mai 1993. Vous vouliez voir des personnes que vous n'avez pas pu voir à

15 ce moment-là.

16 M. McLeod (interprétation). - C'est exact.

17 M. Hayman (Interprétation). - Le 11 mai, deux jours plus tard,

18 vous êtes rentré et vous avez vu M. Dugalic une deuxième fois. C'est

19 vrai ?

20 M. McLeod (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (Interprétation). - Cette réunion a été décrite dans

22 l'annexe Q de votre

23

24

25 rapport. Durant cette réunion, avez-vous encore une fois demandé à voir

Page 6459

1 ces deux prisonniers du HVO qui ont été arrêtés dans le village d'Ahmici ?

2 M. McLeod (interprétation). - Effectivement, car cela me

3 semblait très important d'être en mesure de voir des personnes qui

4 auraient été sur le terrain, de leur demander leur avis, leur version des

5 faits.

6 M. Hayman (Interprétation). - Il vous a dit qu'il les avait

7 libérées au sein d'un échange. C’est vrai ?

8 M. McLeod (interprétation). - Il a dit que ces prisonniers

9 avaient été libérés, que lui les avait libérés. Mais le résultat, c'est

10 que je n'ai pas pu les voir.

11 M. Hayman (Interprétation). - Dans la même période, des

12 autorités différentes, y compris les autorités militaires de Zenica,

13 insistaient dans leur demande pour avoir plus d'informations sur ce qui

14 s'est passé précisément à Ahmici. Est-ce exact ?

15 M. McLeod (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (Interprétation). - Trouvez-vous incroyable que s'il y

17 avait eu deux prisonniers capturés à Ahmici pendant ce conflit-là,

18 soupçonnés d'avoir participé à ce massacre, ils aient été libérés par la

19 suite au cours d'un échange ?

20 M. McLeod (interprétation). - J'imagine comment cela aurait pu

21 se passer. Voyez les commentaires que j'ai apportés à propos de la réunion

22 précédente. Etant donné les circonstances, je ne savais pas s'il avait

23 vraiment eu ces deux personnes dans sa prison ou s'il essayait simplement

24 de m'envoyer sur une voie de garage en disant : « Oui nous avions des

25 personnes », alors que ce n’était pas le cas.

Page 6460

1 Etant donné le temps qui s’est écoulé depuis les événements, je

2 ne sais pas si ces deux personnes ont effectivement existé. Il m'a donné

3 le nom de personnes dont il a dit qu’elles avaient été sur le terrain au

4 moment des événements. Mais je ne sais pas si ces personnes existent et

5 s'il est possible de retrouver leur trace.

6

7

8 Pour le moment, je ne sais pas ce qui est meilleur, mes notes ou

9 mes souvenirs.

10 M. Hayman (Interprétation). - Je suppose que finalement vous ne

11 saviez pas.

12 M. le Président. - Vous avez encore un certain nombre de

13 questions ?

14 M. Hayman (Interprétation). - Oui.

15 M. le Président. - Nous allons faire une pause. Nous reprendrons

16 à 16 heures 45.

17

18 L’audience, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 55.

19

20

21 M. le Président. - Veuillez introduire l'accusé.

22

23 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

24

25 M. le Président. - Maître Hayman, vous pouvez poursuivre le

Page 6461

1 contre-interrogatoire.

2 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

3 pense que je vais terminer dans environ 15 minutes, avec l’accord de la

4 Chambre.

5 Je souhaite parler de votre entretien avec le colonel Blaskic.

6 Outre M. Friis-Pedersen et les interprètes, y avait-il d’autres personnes

7 présentes ?

8 M. McLeod (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

9 M. le Président. - Quelle annexe, s'il vous plaît, Maître

10 Hayman ?

11 M. Hayman (interprétation). - Annexe G, Monsieur le Président.

12 Est-ce qu’à un moment, pendant cet entretien, M. Blaskic a

13 exprimé une sorte d'animosité ethnique par rapport à quelque groupe

14 ethnique que ce soit ?

15 M. McLeod (interprétation). - Non, je pense qu'il me disait que

16 selon son sentiment, tout le monde devrait pouvoir coexister. Je ne sais

17 pas si ce qu’il disait correspondait

18

19

20 à ce qui se passait, mais c’est du moins ce qu’il disait.

21 M. Hayman (interprétation). - C’est ce qu’il disait. Lui, il

22 souhaitait que cela se passe ainsi ?

23 M. McLeod (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - A-t-il fait des commentaires selon

25 lesquels il suggérait que l'on organise un déplacement des populations en

Page 6462

1 termes de solution. Votre rapport ne le mentionne pas, mais vous souvenez-

2 vous qu'il aurait peut-être dit quelque chose de ce genre ?

3 M. McLeod (interprétation). - Ce qu'il a sûrement dit, c’est

4 qu’il était nécessaire de retirer des forces, de les séparer. Je ne sais

5 pas s'il est allé jusqu'à dire qu'il fallait qu'il y ait les mêmes

6 déplacements de population, aussi clairement que ne l'a dit le maire de

7 Vitez. Ce dernier était très explicite. Le colonel Blaskic, lui, ne

8 l'était pas.

9 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Blaskic ne l’a pas

10 exprimé implicitement non plus. Il disait que les Croates et les Musulmans

11 devaient vivre en paix et qu'il fallait séparer les forces militaires.

12 Est-ce cela qu’il l’a dit ?

13 M. McLeod (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Je suppose que ses commentaires à

15 ce sujet-là étaient différents des propos de M. Santic ou de ceux de

16 M. Skopljak ? La différence était grande.

17 M. McLeod (interprétation). - Oui. J’ai fait un commentaire sur

18 le fait que ce qu’il disait était un peu différent de ce que j’avais

19 entendu.

20 M. Hayman (interprétation). - Il a répondu en disant qu’il y

21 avait une différence entre son opinion, l'opinion de militaire de Vitez,

22 et celle des hommes politiques ?

23 M. McLeod (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous lui avez demandé d'annoter la

25 carte.

Page 6463

1

2

3 M. McLeod (interprétation). - J’ai la carte avec moi. J'ai

4 l'original, je vais la mettre sur le rétroprojecteur.

5 M. Hayman (interprétation). - Merci. Pouvez-vous placer la carte

6 sur le rétroprojecteur.

7 Monsieur le Président, j’ai parlé avec M. Harmon et nous sommes

8 d’accord, je pense, pour demander que l’on utilise une photo en couleur en

9 tant que carte, plutôt que d'utiliser la carte dessinée à la main qui

10 constitue la pièce à conviction n° 242. Je vous prie de bien vouloir

11 placer la carte sur le rétroprojecteur. Merci.

12 Pouvez-vous nous dire, concrètement si possible, quelle est la

13 demande que vous avez faite auprès du colonel Blaskic par rapport à cette

14 carte ?

15 M. McLeod (interprétation). - J’ai placé cette carte avec les

16 feutres sur la table et je lui ai demandé d’illustrer sur la carte les

17 explications qu'il me fournissait. Je ne me souviens pas s'il a dessiné

18 une autre carte avec des flèches indiquant les différentes lignes

19 d'attaque. Peut-être l’a-t-il fait, mais je n’en suis pas sûr.

20 En tout cas, ce qui est indiqué sur cette carte-ci, c’est la

21 façon dont il concevait la composition ethnique des villages entourant

22 Vitez. Si je déplace quelque peu la carte, vous pourrez voir la légende

23 que j'ai ajoutée. Vous voyez qu'il y a une légende de couleurs :

24 « orange » pour les villages surtout croates ou les centres où se

25 trouvaient ces populations, « vert » pour les Musulmans, villages ou

Page 6464

1 centres de population à majorité musulmane et « rose » pour les zones

2 mixtes.

3 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous déplacer quelque peu

4 la carte et peut-on agrandir la partie où les villages sont marqués par

5 des couleurs ? Merci.

6 Maintenant, en regardant sur cet carte, même s’il est difficile

7 de voir cela sur le rétroprojecteur, voyez-vous deux villages qui ne sont

8 ni «orange » ni « vert » ni « rose », mais définis par une autre couleur ?

9

10

11 M. McLeod (interprétation). - Comme vous le voyez, j’ai indiqué

12 ici les villages d’Ahmici et de Nadioci qui sont en « jaune » et en

13 « bleu ». C’est la seule annotation qui a été apposée consécutivement à

14 mon entretien avec le colonel Blaskic. J’ai indiqué ces deux villages pour

15 marquer qu’il avait oublié d’indiquer une couleur sur ces deux villages.

16 Ceci aura son incidence sur le texte du rapport, comme vous le

17 constaterez.

18 M. Hayman (interprétation). - Outre ces deux villages, c'est

19 lui-même qui a fait des annotations en couleur. Est-ce exact ?

20 M. McLeod (interprétation). - Oui. Pendant l'entretien, il

21 parlait du renforcement des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine à

22 Travnik, une semaine à peu près avant le 15 avril 1993. Est-ce exact ?

23 M. McLeod (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Cela correspondait-il aux autres

25 informations que vous avez recueillies pendant votre enquête ?

Page 6465

1 M. McLeod (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - Je souhaite maintenant attirer

3 votre attention sur la partie inférieure de la page 1. Il vous a parlé

4 aussi d’une brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine. A Zenica, il y avait

5 trois brigade de l’armée de Bosnie-Herzégovine, et la 7ème Brigade. Est-ce

6 exact ?

7 M. McLeod (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - Il y avait aussi le bataillon de

9 la 3ème brigade de l'armée de Bosnie. Est-ce exact ?

10 M. McLeod (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Cela correspondait aussi aux

12 autres informations que vous avez recueillies pendant votre enquête.

13 M. McLeod (interprétation). - Je n’ai pas vérifié avec d’autres

14 pour voir quels

15

16

17 étaient les déploiements de troupes. Effectivement, il y avait des troupes

18 à ces endroits ou à proximité. Ce n’est donc pas incohérent. Mais

19 s’agissant de ces unités particulières, telles qu'il les a énumérées, je

20 ne sais pas.

21 M. Hayman (interprétation). - Vous n’avez pas vérifié les

22 chiffres, les numéros de brigades.

23 M. McLeod (interprétation). - Non.

24 M. Hayman (interprétation). - Voulez-vous regarder le troisième

25 paragraphe en bas de page commençant par « le 20 janvier, la route entre

Page 6466

1 Kiseljak et Busovaca a été coupée ». Vous l’avez trouvé ?

2 M. McLeod (interprétation). - La phrase suivante est la celle-

3 ci : « le nettoyage ethnique a eu lieu à Busovaca ».

4 Quand il vous a déclaré cela, avez-vous pensé qu'il parlait de

5 la route entre Busovaca et Kiseljak qui était coupée et reprise par le HVO

6 vers le 23 janvier 1993 ?

7 M. McLeod (interprétation). - Je ne serais pas aussi précis que

8 vous, mais effectivement j’ai appris qu’il y avait eu une coupure entre

9 les deux centres principaux de Busovaca.

10 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous aussi compris qu'il

11 disait que cette partie de la municipalité de Busovaca était occupée et

12 sous le contrôle de l’armée de Bosnie-Herzégovine pendant le mois de

13 janvier 1993 ? Avez-vous compris qu’il disait que cette région-là était

14 nettoyée ethniquement des Croates ?

15 Est-ce ainsi que vous l'avez compris où l'avez-vous compris

16 d'une autre manière ?

17 M. McLeod (interprétation). - Etant donné le contexte et la

18 compréhension des événements que j’avais à Busovaca, dans la ville même,

19 soit qu'il y a une mauvaise interprétation, soit qu’il devait faire

20 allusion aux territoires pris par l’armée de Bosnie-Herzégovine, je ne

21 pense pas qu'il m'aurait dit que le HVO avait en fait opéré le

22

23

24 nettoyage ethnique de Busovaca.

25 M. Hayman (interprétation). - A l'époque, vous avez donc compris

Page 6467

1 qu'il parlait du nettoyage ethnique effectué par les forces de l’armée de

2 Bosnie-Herzégovine.

3 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas. Au moment où j'ai

4 tiré la conclusion ici ou assis dans ce Tribunal aujourd'hui, logiquement

5 c’est l’une ou l’autre de ces conclusions. Soit il y avait une mauvaise

6 interprétation, soit une mauvaise traduction par l’interprète, ce qui fait

7 que j’aurais consigné par écrit quelque chose d'autre que ce qu'aurait dit

8 le Colonel Blaskic, ou bien il faisait allusion à un territoire nettoyé

9 ethniquement par l’Armiya. Je suppose qu'il ne disait pas que le HVO avait

10 opéré le nettoyage ethnique de Busovaca.

11 M. Hayman (interprétation). - Merci. Veuillez maintenant revenir

12 sur vos notes et le rapport concernant votre entretien avec le commandant

13 Dugalic qui figure à l’annexe I.

14 Vous nous avez dit que vous avez parlé avec M. Dugalic qui était

15 l'officier chargé des renseignements au sein du 3ème Corps d'armée,

16 concernant l’explosion d'un camion à Stari Vitez le 18 avril 1993.

17 M. McLeod (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Il vous a dit, alors, que

19 Kraljevic avait effectué cette attaque, Blaskic l'avait commandée. Et,

20 avant cela, vous avez rencontré M. Halilovic. Est-ce exact ?

21 M. McLeod (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - C’est lui qui vous a dit que c’est

23 Blaskic qui a commandé l’explosion du camion ?

24 M. McLeod (interprétation). - Non, ce sujet n’a pas été évoqué

25 dans la conversation.

Page 6468

1 M. Hayman (interprétation). - Auparavant, vous aviez rencontré

2 Hadzihasanovic, est-ce exact ?

3

4

5 M. McLeod (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il dit, pendant cet

7 entretien, que c’était Blaskic qui avait commandé l’explosion ?

8 M. McLeod (interprétation). - Non, pas que je m’en souvienne.

9 M. Hayman (interprétation). - Le commandant chargé des

10 renseignements, Dugalic, vous a-t-il donné la source de cette

11 information ?

12 M. McLeod (interprétation). - Non.

13 M. Hayman (interprétation). - Lui avez-vous demandé quelle était

14 sa ou ses sources ?

15 M. McLeod (interprétation). - Non, comme cela avait été le cas,

16 je me contentais de prendre des notes de ce que me disaient les gens, sans

17 leur poser des questions pour préciser ce qu’ils avaient dit. Je

18 n’insistais pas en disant : « C’est ridicule ce que vous me dites, dites-

19 moi autre chose », ou je n’aurais pas demandé : « Comment le savez-

20 vous ? », à l’exception du cas des deux prisonniers croates qui me

21 semblait particulièrement intéressant.

22 M. Hayman (interprétation). - Donc, pour résumer, en fait, dans

23 votre entretien, vous n’avez pas remis en question ses sources

24 d’informations qui lui permettaient de faire ces allégations, n’est-ce

25 pas ?

Page 6469

1 M. McLeod (interprétation). - C’est exact.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on dit si le Bureau du

3 Procureur ou des enquêteurs, avait cherché à s’entretenir avec le

4 commandant Dugalic pour confirmer ou infirmer ce qu’il avait dit, -ses

5 allégations-, pour voir s’il y avait des fondements à ces allégations ?

6 Avez-vous appris quoi que ce soit à ce sujet ?

7 M. McLeod (interprétation). - Non.

8 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre présence sur

9 place, avez-vous fait des efforts visant à infirmer, corroborer ou

10 approfondir ces allégations ?

11

12

13 M. McLeod (interprétation). - Non.

14 M. Hayman (interprétation). - Pendant cette même période, avez-

15 vous obtenu des éléments de preuve quelconques émanant d’une autre source

16 qui aurait permis d’étayer ces allégations, selon laquelle le

17 Colonel Blaskic avait donné l’ordre de faire exploser un camion piégé à

18 Stari Vitez ?

19 M. McLeod (interprétation). - Non.

20 M. Hayman (interprétation). - Cette allégation est le seul

21 élément d'information que vous ayez recueilli au cours de votre étude de

22 neuf jours qui ait un rapport avec le Colonel Blaskic ?

23 M. McLeod (interprétation). - C’est exact.

24 M. Hayman (interprétation). - A ce jour, avez-vous obtenu des

25 éléments de preuve quelconques d’une source quelconque qui permettrait

Page 6470

1 d'étayer ou de corroborer cette allégation ?

2 M. McLeod (interprétation). - Depuis, je n'ai pas du tout suivi

3 la question, donc non.

4 M. Hayman (interprétation). - Je suppose qu'à la fin de votre

5 entretien vous n'étiez pas à même d'évaluer quelle était la crédibilité ou

6 la validité de ces éléments d’informations, de ces allégations, selon

7 lesquelles le Colonel Blaskic avait ordonné l'explosion de ce camion

8 piégé, n’est-ce pas ?

9 M. McLeod (interprétation). - Comme je vous l’ai dit, dans

10 chacun des cas je me contentais de consigner ce que les gens me disaient.

11 M. Hayman (interprétation). - A présent, j’attire votre

12 attention sur votre entretien avec l'imam de Busovaca qui apparaît dans

13 l'annexe K. Je crois qu'il vous a déclaré qu'il avait un certain nombre de

14 contacts avec Zoran Maric qui était une autorité civile du HVO. C'est bien

15 ce que vous avez compris de ce qu'il vous a dit ?

16

17

18 M. McLeod (interprétation). - Si nous examinons le quatrième

19 paragraphe, il y a là la description qui m’a été donnée, à savoir qu'il

20 était, pour le moment, avec le président du HVO de Busovaca, Zoran Maric.

21 Je ne sais donc pas si le président du HVO était un civil ou un militaire,

22 mais puisque, de manière générale, le HVO est une entité militaire...

23 M. Hayman (interprétation). - Bien. Je ne ferai aucun

24 commentaire sur la question, je m'en tiens à votre réponse.

25 Est-il exact de dire que l'imam vous a déclaré, au cours de

Page 6471

1 votre interview, que Zoran Maric avait promis la protection de la

2 communauté musulmane ? Cela apparaît à la page 5. Par ailleurs, il a été

3 dit que Maric voulait vraiment aider, mais il pensait qu'il ne pourrait

4 pas le faire. L’imam vous a-t-il bien dit ces choses-là ?

5 M. McLeod (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il dit, et cela apparaît

7 au troisième paragraphe en partant du bas de la première page, que des

8 réfugiés croates arrivaient à Busovaca et menaçaient des Musulmans ?

9 M. McLeod (interprétation). - Je regarde le

10 troisième paragraphe, avant la fin de la troisième page.

11 M. Hayman (interprétation). - Troisième paragraphe à partir du

12 bas de la page 1, c’est la toute dernière ligne de ce troisième

13 paragraphe.

14 M. McLeod (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Deux paragraphes plus haut, il

16 donne un certain nombre de détails lorsqu'il décrit l'arrivée d'une

17 famille réfugiée qui arrive en ville, étant donné que des maisons ont été

18 brûlées dans un certain nombre de villages, dans la municipalité de

19 Busovaca. Il décrit ensuite comment cette famille s’approprie une maison

20 musulmane.

21 M. McLeod (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - J’attire maintenant votre

23 attention sur la page

24

25

Page 6472

1 suivante. Vous avez déclaré, dans cette page, que Kordic semblait être

2 l’homme qui avait le contrôle de la situation. Vous avez employé pour se

3 faire une expression anglaise idiomatique. Vous écrivez donc que vous

4 émettez un commentaire, au lieu de faire simplement figurer la teneur de

5 l’entretien. Lorsque vous écrivez ce genre de commentaire, notamment celui

6 relatif à M. Kordic, est-ce quelque chose que vous a dit l'imam, ou est-ce

7 vous qui formulez cela, ou bien êtes-vous à même d’affirmer cela ?

8 M. McLeod (interprétation). - C'est dans mes notes, notes que

9 j'ai prises à l'époque. Si vous voulez, on peut les examiner et voir

10 comment cela s’inscrit dans le cours de la conversation. Ce sont des notes

11 prises à l’époque de la réunion, je précise.

12 Etant donné le fait et l'endroit où cela s'inscrit dans la

13 conversation, ils m'ont montré ce permis. J'avais indiqué dans mes notes

14 qu'il avait signé ce permis. J’examinais ce document et je ne prenais plus

15 de notes très détaillées, et étant donné les termes utilisés, j’ai peine à

16 imaginer que ce seraient les termes utilisés par l’imam. Je suppose que

17 c'est moi qui reprenais le cours de mes notes en disant ce que j'ai dit.

18 Maintenant, rétrospectivement, c’est sans doute le résumé que j'ai fait de

19 la situation par contraste avec le fait de consigner précisément les

20 propos de l’imam. Cela s'est passé il y a quatre ans et demi, il est

21 difficile d'apporter des précisions.

22 M. Hayman (interprétation). - Dites-vous cela en partie parce

23 que vous pensez que cette expression idiomatique, qui veut dire : « avait

24 contrôle de la situation », ne se retrouve pas dans la langue serbo-

25 croate ?

Page 6473

1 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas du tout si cela

2 existe. Je suppose qu’ils ont un équivalent. Il se peut que l’interprète

3 ait pris une expression idiomatique bosniaque et traduit justement par le

4 fait « d’avoir la situation en mains » (calling the shots), mais je ne

5 sais plus.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous utilisé vos notes pour

7 savoir s'il s'agissait d'un de vos propres commentaires ou au contraire de

8 quelque chose dit par l’imam ?

9 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas si vous voulez que

10 je le fasse. J'ai effectivement vérifié mes notes. C'est inscrit dans le

11 cadre des notes que j'ai prises, ce qui semble suggérer que c'était soit

12 moi qui reprenait ce qui s’était dit dans le cadre de la conversation,

13 soit... On pourrait faire le tour de la question plusieurs fois, je ne

14 sais pas si on résoudrait cela.

15 M. Hayman (interprétation). - Non, ne nous étendons pas trop sur

16 ce point, ce n’est pas nécessaire.

17 Nous en venons à votre entretien avec le chef de la police à

18 Busovaca, à l'annexe L. Je crois qu'il vous a dit que les suspects, dans

19 cette histoire de viol, allaient être jugés dans le seul tribunal en

20 fonctionnement à ce moment-là, à Travnik, n’est-ce pas ?

21 M. McLeod (interprétation). - Comme je l’ai déjà expliqué,

22 j’essayais de savoir comment opérait le système judiciaire. J’ai posé des

23 questions à propos de ce qu’ils feraient des suspects s’ils les

24 arrêtaient, où ils allaient les juger, s’ils allaient être mis en prison

25 et combien de temps. J’ai effectivement posé ce genre de questions.

Page 6474

1 M. Hayman (Interprétation). - A présent, venons-en à vos

2 conclusions en général, qui apparaissent aux pages 1 et 2 de votre

3 rapport. Au paragraphe 5, vous dites que la réaction musulmane à Zenica

4 par rapport aux événements du 16 avril a été de lancer des offensives sur

5 les voies de communication clés, à l'est de Vitez et au nord de Busovaca.

6 Vous vous référez, n'est-ce pas, à deux voies de communication

7 différentes, deux segments de route différents.

8 M. McLeod (interprétation). - Oui, je pense au carrefour en

9 « T » de Busovaca, je parle de la route qui va de Zenica à Vitez où il y a

10 un carrefour en « T », avec une bifurcation vers le sud, vers Busovaca. Je

11 pense qu'effectivement, ils essayaient de couper la route à cet endroit-

12 là, soit des deux côtés de la route, ou au carrefour lui-même.

13 M. Hayman (Interprétation). - Je vous pose la question, parce

14 que vous utilisez le mot « carrefour » au pluriel dans votre rapport.

15 Alors, est-ce que vous nous dites aujourd'hui que vous faites allusion à

16 un seul carrefour ou à plusieurs carrefours ?

17 M. McLeod (interprétation). - Il y a un carrefour. Je ne me

18 rappelle plus aujourd'hui exactement ce que j'avais en tête à l'époque ou

19 quelle était la situation tactique, comment elle était décrite. Ce qu'ils

20 essayaient de faire, c'était de couper la route pour isoler à la fois

21 Busovaca et Vitez. Cela est certain. C'était l'intention qu'ils avaient.

22 M. Hayman (Interprétation). - Vous voulez dire qu'ils essayaient

23 de couper Vitez et Busovaca de Zenica ou essayaient-ils d’isoler Vitez et

24 Busovaca l’une de l'autre ?

25 M. McLeod (interprétation). - L’une de l’autre, parce qu'il

Page 6475

1 était possible d'aller d'un endroit à l'autre et je crois que l'Armiya

2 essayait de couper cette artère de communication pour avoir deux poches

3 plutôt qu'une.

4 M. Hayman (Interprétation). - La poche Vitez-Busovaca avait déjà

5 été coupée de l’enclave de Kiseljak dès le mois de janvier 1993 ?

6 M. McLeod (interprétation). - Je crois que cette route avait été

7 rouverte. Quand je suis parti, j'ai emprunté cette route. Je ne me

8 souviens plus qui contrôlait la partie centrale. Je crois qu'elle était

9 sous le contrôle croate, mais je peux me tromper.

10 M. Hayman (Interprétation). - Le compte rendu est très clair sur

11 ce point. Pour ce qui est de la route en lacet Vitez-Busovaca, cet axe

12 absolument fondamental, êtes-vous en train de dire que l'objectif des

13 Musulmans était de couper ce cordon ombilical qui reliait Vitez à

14 Busovaca ?

15 M. McLeod (interprétation). - Oui. C'est ainsi que j'ai compris

16 leur intention.

17 M. Hayman (Interprétation). - Etait-ce là une stratégie

18 militaire pure et claire sur laquelle il y avait une véritable réflexion

19 sur le plan stratégique ?

20 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas si je suis le mieux

21 placé pour faire des commentaires de haute stratégie militaire. Si c’est

22 ce qu'ils essayaient de faire, s'ils essayaient d'assurer la défaite de

23 l'armée croate, en assurant une division du territoire contrôlé par les

24 Croates en petites portions, cela semblait assez logique.

25

Page 6476

1

2 M. Hayman (Interprétation). - De fait, si on coupait cette voie

3 de communication entre Vitez et Busovaca, il est vrai que le HVO ne serait

4 plus à même de rassembler ses troupes en les faisant circuler sur cette

5 route. Il ne pourrait plus les rassembler en un point précis pour assurer

6 une défense.

7 M. McLeod (interprétation). - Oui. S'il voulait déplacer les

8 troupes d’une poche à l’autre, cela aurait été l'effet obtenu.

9 M. Hayman (Interprétation). - Vous avez déclaré que le 16 avril,

10 il y avait eu une attaque coordonnée.

11 M. McLeod (interprétation). - Exact.

12 M. Hayman (Interprétation). - Elle a eu lieu vers 5 heures 30 du

13 matin, n'est-ce pas ?

14 M. McLeod (interprétation). - Le conflit a éclaté dans les

15 premières heures de la matinée, entre 5 heures et 6 heures 30. Les

16 rapports diffèrent selon les endroits, mais la qualité de l’information

17 diffère aussi. Les observateurs internationaux parlent des premières

18 heures, mais effectivement, dans ces heures-là, le conflit a éclaté dans

19 plusieurs endroits.

20 M. Hayman (Interprétation). - Pas dans tous les villages. A

21 Gacice, le conflit n'a éclaté que quelques jours plus tard.

22 M. McLeod (interprétation). - C'est vrai.

23 M. Hayman (Interprétation). - Savez-vous quelles sont les unités

24 du HVO qui ont pris part au conflit en certains points géographiques

25 précis ?

Page 6477

1 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas.

2 M. Hayman (Interprétation). - Avez-vous été capable de

3 comprendre quels ordres avaient été émis, à quel niveau de la structure de

4 commandement du HVO, par rapport aux événements qui ont eu lieu le

5 16 avril 1993 ?

6 M. McLeod (interprétation). - Non.

7

8

9 M. Hayman (Interprétation). - Avez-vous pu savoir quel type de

10 rapport avait été émis vers les degrés supérieurs de la structure de

11 commandement pendant ces événements ?

12 M. McLeod (interprétation). - Non.

13 M. Hayman (Interprétation). - Vous ne pouviez pas découvrir ce

14 type d’information au cours de votre étude sur place ?

15 M. McLeod (interprétation). - Manifestement pas.

16 M. Hayman (Interprétation). - Pouvez-vous nous rappeler quel

17 était l’objectif de votre mission sur place ?

18 M. McLeod (interprétation). - Rencontrer de façon équilibrée des

19 personnes des deux factions présentes, à la fois au niveau politique,

20 militaire, religieux, pour apprendre de ces personnalités ce qu’elles

21 pensaient, quelle était leur version des événements ; puis, de comparer

22 cela avec ce que la FORPRONU, l'ECMM, la communauté internationale avaient

23 comme avis sur la situation.

24 Après ce processus de réunion, je voulais tirer certaines

25 conclusions. Etant donné les circonstances à l'époque, le temps que

Page 6478

1 j'avais à ma disposition, étant donné que j'essayais d'avoir un aperçu de

2 la situation au lieu de mener une enquête très fouillée, il ne me semblait

3 pas approprié de poser des questions sur ceux qui avaient donné des

4 ordres, quels rapports étaient faits aux parties.

5 M. Hayman (Interprétation). - Avez-vous fait circuler vos

6 rapports ? Avez-vous demandé que des commentaires soient faits sur vos

7 rapports ?

8 M. McLeod (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (Interprétation). - Avez-vous fait passer vos rapports

10 à l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

11 M. McLeod (interprétation). - Non.

12 M. Hayman (Interprétation). - L'huissier peut-il m'aider à

13 donner au témoin un

14

15

16 exemplaire de la pièce que je souhaite maintenant lui soumettre ? Je

17 souhaite qu'un exemplaire de ce document soit donné au témoin, à la

18 défense, aux membres du Bureau du Procureur et aux Juges, s'il vous plaît.

19 Je viens de vous donner la feuille de garde de votre rapport qui

20 ne fait pas partie de la pièce 242. Ma question est très simple. Sous le

21 titre « Distribution externe », la troisième entité mentionnée est le

22 quartier général de la BiH ou du commandement de la BiH. A qui cela fait-

23 il référence ?

24 M. McLeod (interprétation). - Vous constatez que je parlais du

25 quartier général de la FORPRONU à Kiseljak. Je n'avais pas du tout

Page 6479

1 l’intention de le diffuser à l’Armiya.

2 M. Hayman (Interprétation). - J’en déduis également que cela n'a

3 pas été communiqué au colonel Blaskic, ni à personne d’autre au sein du

4 HVO, n’est-ce pas ?

5 M. McLeod (interprétation). - Votre conclusion est logique.

6 M. Hayman (Interprétation). - Je vous remercie. Je n’ai plus de

7 questions à poser, Monsieur le Président.

8 M. le Président. - Maître Harmon, vous voudrez peut-être poser

9 des questions complémentaires dans les limites du contre-interrogatoire ?

10 Alors allez-y.

11 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

12 Simplement quelques points que j’aimerais élucider.

13 M. le Président. - Je souhaiterais savoir si Maître Hayman

14 souhaite que nous versions la page de garde du rapport de Monsieur McLeod.

15 Je suppose que oui ? Cette pièce doit être identifiée par le témoin

16 puisque cela est la page de garde de son propre rapport.

17 M. Hayman (Interprétation). - Oui, nous demandons que cette

18 pièce soit versée au dossier, Monsieur le Président.

19 M. le Président. - Sous quel numéro, Monsieur le Greffier ?

20 M. Dubuisson. - Il s’agit de la pièce D84.

21

22

23 M. le Président. - Merci. C'est à vous Monsieur le Procureur.

24 M. Harmon (interprétation). - Monsieur McLeod, j'aimerais

25 attirer votre attention sur votre réunion avec le père Bozo de Cajdras.

Page 6480

1 C'est l'annexe 9. Plusieurs questions vous ont été posées à propos de

2 cette réunion et vous avez déclaré que le père Bozo et le père Stejpan

3 vous ont dit que plusieurs maisons appartenant à des Croates de Bosnie ont

4 été incendiées, endommagées. Est-ce exact ?

5 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

6 M. Harmon (interprétation). - Puis, je vous renvoie aussi à la

7 dernière page de vos commentaires, E3. Le Père Bozo vous a donné aussi une

8 copie d'une lettre adressée au 3ème Corps de Zenica dans laquelle il

9 disait que la situation s'était stabilisée. Est-ce exact ?

10 M. McLeod (interprétation). - Tout à fait.

11 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous expliquez aux juges

12 ce qu'il entendait par là, ce qu'il vous a dit à ce propos, à propos du

13 fait que la situation s’était stabilisée ?

14 M. McLeod (interprétation). - Comme vous pouvez le voir en

15 consultant l'annexe 1, qui est la traduction originale, qui d’ailleurs se

16 trouve également dans cette annexe, il a commencé par dire... Le texte

17 anglais est assez flou. Il dit : « nous sommes heureux que certaines

18 personnes aient cessé de mettre le feu aux maisons. Nous remercions Dieu

19 et ces bonnes personnes qui ont mis une fin aux tueries. Nous leur donnons

20 toute notre gratitude. Nous émettons toute notre gratitude vis-à-vis de

21 cette entité précitée. Il s’agit de la BiH ».

22 En fait, il dit que la situation s’est stabilisée grâce à

23 l’intervention de la BiH et de la police. Ensuite, il liste en détail ce

24 qui s'est passé.

25 M. Harmon (interprétation). - Parlons de votre entretien avec

Page 6481

1 M. Dugalic, annexe I.

2 M. McLeod (interprétation). - Oui.

3 M. Harmon (interprétation). - Parlons plus précisément de la

4 deuxième page de la

5

6

7 traduction en anglais qui se concentre sur Dario Kraljevic, un des

8 colonels des formations croates du HVO et plus précisément de la formation

9 qui faisait la sale besogne pour le HVO. Voyez-vous ce paragraphe ?

10 M. McLeod (interprétation). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - S’agissant de votre entretien

12 avec Ramiz Dugalic, il vous a alors remis une ratification à propos de

13 laquelle nous avons déjà eu beaucoup de témoignages. C’était signé par le

14 colonel Dario Kraljevic. Est-ce exact ?

15 M. McLeod (interprétation). - Oui, tout à fait.

16 M. Harmon (interprétation). - Dans la liste des destinataires,

17 au coin supérieur gauche du document, on indique de quelle unité émanait

18 cet ordre. Est-ce exact ?

19 M. McLeod (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Il est indiqué « Unité des

21 Vitezovi »; Est-ce exact ?

22 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

23 M. Harmon (interprétation). - Avec l’aide de M. l’huissier,

24 j’aimerais que l’on voit les pièces 42 et 42 A de la défense, qu'on les

25 place sur le rétroprojecteur et que l'on remette aussi à l’huissier,

Page 6482

1 M. Dubuisson, la 42 A, 77 et 43 A.

2 Monsieur l’huissier, pourriez-vous d'abord placer la pièce de la

3 défense 42 A sur le rétroprojecteur ? Pourrions-nous faire un gros plan

4 sur le coin supérieur droit, les destinataires.

5 Tout d’abord, plusieurs questions vous ont été posées à propos

6 de la chaîne de commandement entre le colonel Blaskic et Darko Kraljevic.

7 Vous souvenez-vous de ces questions ?

8 M. McLeod (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - S’agissant de la pièce de la

10 défense 42A, ceci vous semble-t-il être un ordre signé par le colonel

11 Blaskic ? Je crois qu’il faut voir le verso.

12 M. McLeod (interprétation). - Oui, enfin il semble être signé

13 par lui.

14

15

16 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous le retourner ? Voyez

17 les destinataires de cet ordre. Y voyez-vous l’unité spéciale des

18 Vitezovi ?

19 M. McLeod (interprétation). - Oui, très clairement c’est à

20 l'attention des brigades et des forces d’activité spéciale des Vitezovi.

21 M. Harmon (interprétation). - Quelle est la date ? Est-ce bien

22 le 17 mars 1993 ?

23 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

24 M. Harmon (interprétation). - Monsieur l’huissier, pourriez-vous

25 placer la pièce 77 de la défense sur le rétroprojecteur ?

Page 6483

1 Ceci vous semble-t-il également être un ordre émis par Tihomir

2 Blaskic ?

3 M. McLeod (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - On y voit aussi les unités

5 auxquelles cet ordre était adressé. Y voyez-vous une référence qui

6 corresponde à cette unité spéciale des Vitezovi ?

7 M. McLeod (interprétation). - Oui, elle apparaît effectivement.

8 M. Harmon (interprétation). - La date est bien le 21 avril

9 1993 ?

10 M. McLeod (interprétation). - Tout à fait.

11 M. Harmon (interprétation). - Enfin, je vous renvoie à la

12 pièce 43 A de la défense. Cet ordre est en français, me semble-t-il ?

13 M. McLeod (interprétation). - Je peux le lire.

14 M. le Président. - (hors micro)

15 M. Harmon (interprétation). - Pas du tout, Monsieur le

16 Président, c’est une vertu. Je pensais au témoin, Monsieur le Président.

17 Etes-vous en mesure de voir cet ordre ? Est-ce apparemment un

18 ordre émis par le M. Blaskic ?

19 M. McLeod (interprétation). - En effet. On voit ici l’endroit de

20 la signature.

21 M. Harmon (interprétation). - Pourrions-nous voir le recto que

22 l’on placerait sur le

23

24

25 rétroprojecteur ?

Page 6484

1 Vous voyez si cet ordre était aussi adressé à l'unité spéciale

2 des Vitezovi ?

3 M. McLeod (interprétation). - Oui, il apparaît clairement que

4 c’est destiné aux Vitezovi.

5 M. Harmon (interprétation). - Voilà donc trois ordres que vous

6 venez de voir. A votre avis, vous qui êtes un ancien militaire, l’Unité

7 des Vitezovi se trouvait sous le contrôle et le commandement de qui ?

8 M. McLeod (interprétation). - S’il s’agit de documents réels et

9 fiables, il semble que le colonel Blaskic se trouvait parmi les

10 responsables devant qui ces unités répondaient.

11 M. Harmon (interprétation). - C’est bien l’unité du colonel

12 Darko Kraljevic, n’est-ce pas ?

13 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

14 M. Harmon (interprétation). - Je n’ai plus de question à poser,

15 Monsieur le Président. Je vous remercie, Monsieur McLeod.

16 M. le Président. - Je me tourne à présent vers Monsieur le Juge

17 Riad.

18 M. Riad (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Bon

19 après-midi, Monsieur McLeod.

20 M. McLeod (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

21 M. Riad (interprétation). - Vous avez déclaré que le 16 avril,

22 des forces croates (je fais un résumé de ce que vous avez dit à plusieurs

23 reprise) ont attaqué des positions musulmanes dans la vallée de la Lasva.

24 Et, entre autres choses, qu’ils ont arrêté des personnalités musulmanes,

25 que des civils ont été tués et des maisons ont été rasées de la carte.

Page 6485

1 Cela a-t-il été rendu nécessaire par une quelconque nécessité

2 militaire ? Ou est-ce que cela a été provoqué de telle sorte qu’il a fallu

3 le faire ?

4 M. McLeod (interprétation). - Selon les différents objectifs de

5 l'armée croate, je ne

6

7

8 vois aucune raison à part le fait qu'ils essayaient peut-être de chasser

9 la population musulmane et de la terroriser. Si leur objectif était

10 militaire, non, je ne vois pas pourquoi ils auraient eu besoin de raser un

11 village comme ils l’ont fait à Ahmici, par exemple.

12 M. Riad (interprétation). - Au cours de la réunion que vous avez

13 eue avec Santic, ne vous a-t-il pas dit qu’il n’y avait pas de place pour

14 les Musulmans et que ceux-ci devaient partir pour qu’une démocratie puisse

15 être créée comme celle en place en Europe occidentale ?

16 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

17 M. Riad (interprétation). - C’était le 15 avril ?

18 M. McLeod (interprétation). - Mon entretien avec lui a eu lieu

19 le 10 mai, me semble-t-il. Mais il décrivait la situation telle qu’il

20 l’avait perçue. Il s'étendait un peu sur ses opinions politiques, à mon

21 avis, et sur sa perception de la façon dont les choses devaient évoluer.

22 J'avais l’impression qu’il disait que pour avoir la démocratie, pour

23 pouvoir mettre en place le plan Vance-Owen, il fallait s'assurer que la

24 majorité des votes irait dans la bonne direction, « dans la direction que

25 nous souhaitons », là je le cite.

Page 6486

1 M. Riad (interprétation). - Dans votre rapport, vous dites de

2 façon catégorique que les Croates utilisent des mesures extrêmes de

3 génocide et de terreur pour évacuer et évincer la population musulmane.

4 Ils n'ont été empêchés d'un succès total que parce qu’ils ont mal calculé

5 les militaires musulmans.

6 Dans le dernier paragraphe, vous dites que les événements dans

7 toute la Bosnie centrale a suivi la même systématique que dans la région

8 de Vitez et qu'il est difficile de s'imaginer que dans chaque cas, les

9 événements étaient causés par des provocateurs ou des agents travaillant

10 pour les Serbes.

11 Donc vous pensez que c’était tout un schéma d’opérations qui

12 avait pour but -vous le dites de façon assez catégorique- le génocide de

13 la population musulmane ?

14 M. McLeod (interprétation). - Oui, c’est la conclusion à

15 laquelle je suis arrivée.

16

17

18 M. Riad (interprétation). - C’est donc votre conclusion ?

19 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

20 M. Riad (interprétation). - Vous avez également déclaré que le

21 Général Blaskic avait donné un ordre qui interdisait qu’on empiète sur les

22 propriétés musulmanes, ainsi qu’on mette le feu à ces maisons ou qu’on les

23 pille. Mais, cela n'a pas enrayé toutes ces exactions, n'est-ce pas ?

24 M. McLeod (interprétation). - Non.

25 M. Riad (interprétation). - Est-ce que le Général Blaskic

Page 6487

1 n'était pas le commandant légitime de la région ?

2 M. McLeod (interprétation). - Lorsque je l'ai rencontré, j'ai

3 compris qu'il était le commandant militaire pour la zone opérationnelle de

4 Bosnie centrale. Je n'ai pas de raison de douter que l’ordre dont vous

5 parlez était un ordre bien réel. Sur place, à ce moment-là, j'étais en

6 plein milieu des événements, donc je ne sais pas si l’ordre a été mis en

7 place ou si les événements se sont détériorés par la suite.

8 M. Riad (interprétation). - Son autorité était-elle contestée

9 par les commandants inférieurs dans cette région, d’après ce que vous avez

10 pu en juger ? Etait-elle contestée ?

11 M. McLeod (interprétation). - Je n’ai pas de raison de penser

12 qu’elle l’était. Et je suis allé le voir parce que mes collègues de l’ECMM

13 m’ont dit que c’était l’interlocuteur désigné, dans le cadre des

14 entretiens qu’ils mettaient en place pour essayer de stabiliser la

15 situation. C’était lui le commandant militaire, c’est ainsi qu’il était

16 présenté lors de ces réunions.

17 M. Riad (interprétation). - Ses ordres étaient censés être

18 obéis ?

19 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

20 M. Riad (interprétation). - Et, effectivement, on devait prendre

21 des mesures ?

22 M. McLeod (interprétation). - Oui, je pense.

23 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé aussi de la prison

24 qui se trouvait sous le contrôle de M. Aleksovski. Vous avez dit que

25 c’était une prison du HVO. Ai-je bien compris ?

Page 6488

1 M. McLeod (interprétation). - Oui, tout à fait, c’était une

2 prison militaire du HVO.

3 M. Riad (interprétation). - Une prison militaire de Kaonik. Et

4 il vous avait dit qu'il n'opérait pas une sélection des prisonniers, qu'il

5 ne les choisissait pas ?

6 M. McLeod (interprétation). - Non, Monsieur. Il expliquait que

7 les prisonniers lui étaient envoyés et qu'il n'était pas du tout en mesure

8 d’accepter ou de refuser qui que ce soit.

9 M. Riad (interprétation). - Mais c’étaient des civils ?

10 M. McLeod (interprétation). - Les personnes, ou les Musulmans,

11 que j’ai pu voir, semblaient être des civils. Certains d’entre eux ont

12 parlé de leur emploi. Ils agissaient et réagissaient comme des civils.

13 M. Riad (interprétation). - Cette prison se trouvait sous le

14 commandement du HVO ?

15 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

16 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu’il y avait

17 68 Musulmans dans les cellules individuelles. Combien y avait-il de

18 personnes par cellule ?

19 M. McLeod (interprétation). - Entre 6 et 8 personnes dans chaque

20 cellule, je ne sais pas exactement, mais ils étaient assez nombreux. Ils

21 étaient vraiment très serrés, c’était de tous petits espaces.

22 M. Riad (interprétation). - Très serrés, donc.

23 M. McLeod (interprétation). - Oui.

24 M. Riad (interprétation). - Et le MOS ? Les patrouilles, les

25 autorités mixtes essayaient du mieux qu’elles pouvaient de stabiliser,

Page 6489

1 sauf le MOS. Avez-vous la moindre idée de qui ils étaient ?

2 M. McLeod (interprétation). - Je crois que c’était une des

3 unités irrégulières. Je ne sais pas exactement ce que veut dire « MOS ».

4 Peut-être que quelqu’un peut me le dire ? Je ne

5

6

7 sais pas de quelle unité il s’agit exactement

8 M. Riad (interprétation). - Etait-ce un groupe puissant, fort ?

9 M. McLeod (interprétation). - Je n'en ai aucune idée, je suis

10 désolé.

11 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur McLeod.

12 Puis-je vous appeler Lieutenant ?

13 M. McLeod (interprétation). - Et bien, voilà cinq ans que j’ai

14 retrouvé la vie civile.

15 M. Riad (interprétation). - Eh bien, merci, Monsieur McLeod.

16 M. McLeod (interprétation). - Merci, Monsieur.

17 M. le Président. - Monsieur le Juge Shahabuddeen.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur McLeod, je reviens

19 sur le résumé que vous avez fait de votre entretien avec MM. Santic et

20 Skopljak. Je m'attache tout particulièrement à une phrase dans laquelle

21 vous dites que tel que c'est écrit, cela ne traduit pas nécessairement

22 votre intention, je parle ici de F/2.

23 M. McLeod (interprétation). - Oui, Monsieur.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Voici la phrase : « Il y a

25 un problème avec certaines personnes qui s'introduisent dans les maisons

Page 6490

1 d'autres personnes, donc Blaskic a ordonné à ses forces de ne pas pénétrer

2 dans des maisons de Musulmans ». Je suppose que, là, vous avez simplement

3 consigné ce qui vous a été dit.

4 M. McLeod (interprétation). - En effet.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - En réponse à la question

6 posée par le Juge Riad, vous avez dit que le Colonel Blaskic avait le

7 pouvoir d’émettre des ordres dont on pouvait s’attendre à ce qu’ils soient

8 exécutés.

9 M. McLeod (interprétation). - En effet.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le Colonel Blaskic avait-il

11 déjà émis des ordres qui interdisaient à ses propres troupes de pénétrer

12 dans des maisons appartenant à des

13

14

15 Musulmans ? Si cela avait été le cas, vous attendiez-vous à ce que votre

16 interlocuteur vous dise qu’il y avait un problème ?

17 M. McLeod (interprétation). - S’il avait émis un ordre et que

18 cet ordre avait été exécuté, alors je crois que l’orateur aurait dit qu’il

19 y avait eu un problème.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et vous avez dit qu’on

21 pouvait s'attendre à ce que tout ordre décrété par le Colonel Blaskic,

22 soit exécuté ?

23 M. McLeod (interprétation). - Oui, il devrait, je le crois.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous eu l'impression

25 que celui qui vous parlait, vous disait d'une façon ou d'une autre que le

Page 6491

1 Colonel Blaskic disposait du pouvoir lui permettant de donner de tels

2 ordres, interdisant ces actions ?

3 M. McLeod (interprétation). - Oui.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque vous faisiez état de

5 l'entretien que vous avez eu avec MM.Santic et Skopljak, au dernier

6 paragraphe situé en F/4 vous avez fait part de votre commentaire personnel

7 et définitif. Vous avez dit que tout cela avait été dit avec beaucoup de

8 sérieux, mais peut-être avec un certain sourire. Vous avez suggéré-là que,

9 du fait de l'attaque musulmane, il y avait une défense chaotique de Vitez

10 et que des Musulmans avaient été déplacés des villages.

11 M. McLeod (interprétation). - Oui.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - C’était l’impression

13 définitive que vous avez eue de l'entretien ?

14 M. McLeod (interprétation). - En effet.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque vous faites état de

16 votre entretien avec le Colonel Blaskic, ce dont je me souviens c’est que

17 vous avez dit qu’à votre avis il avait été assez direct avec vous ?

18 M. McLeod (interprétation). - Pendant les parties de l'entretien

19 qui étaient

20

21

22 consacrées à la situation militaire, pendant lesquelles il décrivait ce

23 qui s’était passé après le 16 avril, les descriptions qu’il donnait

24 correspondaient presque exactement à ce qui m'avait été communiqué par les

25 membres de la FORPRONU sur ces mêmes événements. Donc toutes les parties

Page 6492

1 de la conversation qui portaient sur ces points étaient parfaitement

2 logiques et semblaient tout à fait claires. L'endroit où j'ai eu dû mal à

3 le croire, c'est le moment de la conversation où il décrivait les

4 événements qui s'étaient produits le 16 avril au matin.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ah, le 16 ! En d’autres

6 termes, lorsque vous dites que cet homme était un homme assez direct, vous

7 parliez de la façon dont il décrivait la situation militaire, à la suite

8 de la contre-attaque menée par l’armée de Bosnie-Herzégovine et leur

9 tentative de couper ces deux routes.

10 M. McLeod (interprétation). - Oui.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Leur tentative de couper ces

12 deux routes ?

13 M. McLeod (interprétation). - Absolument.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Fort bien. Revenons à ce

15 matin du 16 avril, où il vous a dit avoir été surpris dès les premières

16 heures du matin par le bruit qu'il avait entendu. Il s'est donc réveillé à

17 ce moment-là et il a donné des ordres. C'était lui l'officier qui

18 commandait la zone opérationnelle, y compris Vitez et Ahmici ?

19 M. McLeod (interprétation). - C’est ce que j’ai cru comprendre,

20 Monsieur.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ne fut-ce qu'à Vitez, et

22 uniquement à Vitez, si je vois l'annexe G-1, la brigade de Vitez disposait

23 de 300 à 350 hommes de métier. C’est ce que vous avez dit ?

24 M. McLeod (interprétation). - C’est ce qu’il m’a dit.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le reste des hommes était

Page 6493

1 constitué de réservistes.

2 M. McLeod (interprétation). - Oui.

3

4

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous qui avez été officier

6 militaire, est-ce que vous vous attendriez à ce qu'un commandant, qui a

7 quelque 300, 350 hommes de métier sous son contrôle direct, qu’un tel

8 homme soit surpris d'apprendre qu'un événement de cet ordre se produisait

9 à Vitez et à Ahmici ?

10 M. McLeod (interprétation). - Je crois que s'il était en train

11 de suggérer qu'il y avait eu une attaque surprise lancée par la BiH, à

12 l'aurore de ce matin-là, oui il aurait pu alors être surpris. Mais la

13 raison pour laquelle j'ai finalement déduit de cela que je ne le croyais

14 pas vraiment, c'est qu'un certain nombre d'événements se sont produits au

15 même moment, notamment l’arrestation d'un certain nombre de personnes clés

16 à Vitez.

17 Je ne peux pas m'expliquer logiquement comment, quatorze ou

18 quinze personnes, des Musulmans de tout premier ordre, ont été arrêtées

19 chez eux aux toutes premières heures du 16 avril. Sur la base de ce que

20 j'ai pu voir en Irlande du Nord, c’était à mon avis une opération

21 coordonnée qui visait à les rassembler toutes au même moment.

22 J'ai vu certaines de ces personnes en prison d’ailleurs. Si

23 l’opération s’est passée de la façon dont il l’a décrit, je ne vois

24 comment un nombre important de personnes auraient pu être arrêtées de

25 façon coordonnée. Cela ne colle pas.

Page 6494

1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous parlez donc de

2 plusieurs personnes qui lancent une attaque coordonnée. A ce moment-là,

3 vous parleriez de la façon dont plusieurs personnes se sont comportées

4 s'agissant de Stari Vitez et de Ahmici ?

5 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas exactement quel

6 nombre de personnes il aurait utilisées. A sa place, j'aurais utilisé

7 pratiquement la totalité de mes troupes parce que j'aurais souhaité, d'une

8 façon générale, avoir sous mes ordres trois fois plus de personnes

9 combattantes que de personnes attaquées.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - C’est là la vieille sagesse

11 militaire, n’est-ce pas ?

12

13

14 M. McLeod (interprétation). - Oui, dans l'armée britannique.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Les mots que vous avez

16 utilisés dans votre rapport pour faire état de l'entretien que vous avez

17 eu avec le colonel Blaskic sont les suivants :

18 « par la suite, nous avons découvert » -je suppose que votre

19 rapport a été écrit à la personne première personne, à J1, quatrième

20 paragraphe à partir de la fin de la page- « qu’il y avait de lourds

21 combats à Vitez et dans les villages environnants ».

22 A-t-il parlé des forces engagées dans ces combats très lourds ?

23 M. McLeod (interprétation). - Je crois que c'était la BiH et le

24 HVO qui combattaient. En tout cas, c'est ce que j'ai conclu. Au fur et à

25 mesure que je prenais mes notes, au fur et à mesure que mon interprète

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1 traduisait ce qu’il me disait, j’ai entendu dire : « vers la fin de la

2 matinée, nous avons vu qu’il y avait encore des combats en cours et nous

3 avons réagi à cela. »

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - A-t-il utilisé ces termes ?

5 A-t-il dit que les combats avaient lieu entre l’armée de Bosnie-

6 Herzégovine et d’autres ?

7 M. McLeod (interprétation). - Je ne sais pas s'il était vraiment

8 très précis sur ce point. Mais nous en aurions tous conclu que...

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lui avez-vous posé des

10 questions sur l’identité des forces en présence ?

11 M. McLeod (interprétation). - Je crois avoir été assez clair à

12 son moment-là, tout comme lui d’ailleurs, sur le fait qu'il s'agissait

13 d'un conflit opposant l’armée de Bosnie-Herzégovine au HVO.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ainsi donc, en conclusion de

15 ma petite enquête que je suis en train de mener, lorsque vous avez dit

16 qu’il vous donnait l'impression d'être un homme assez direct, vous ne

17 pensiez pas à ce moment-là à l'attitude qu'il a eue lorsqu'il a parlé des

18 événements qui se sont produits le 16 avril 1993 ?

19

20

21 M. McLeod (interprétation). - Non.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.

23 M. le Président. - J’ai une seule question. Votre rapport a-t-il

24 fait l’objet de commentaires de la part des destinataires, ou ceux qui

25 l'ont lu et qui en ont été réellement destinataires, de critiques ou de

Page 6496

1 toute sorte d'autres observations ?

2 M. McLeod (interprétation). - Le seul commentaire réel que nous

3 ayons obtenu émanait de la délégation allemande qui s'opposait à mon

4 emploi du mot « totalitaire ». Nous n’étions pas tout à fait d’accord sur

5 la définition de ce terme. C'était le seul commentaire vraiment important

6 qui ait été émis au sein de l’ECMM.

7 M. le Président. - Parmi tous vos commentaires qui sont à la

8 fois d'ordre diplomatique, stratégique, vous avez couvert un large champ

9 d'observations à travers vos commentaires et souvent sur des domaines dont

10 nous n’aviez pas une totale perception, une perception globale -on l’a vu

11 à travers l’interrogatoire et le contre-interrogatoire-, des supérieurs,

12 vos chefs, ceux qui vous avaient envoyé en mission ont pu vous dire : là,

13 vous avez procédé par prétérition, par allusion, peut-être par déduction

14 trop rapide ? Ou finalement ce rapport n'a fait l'objet d'aucune

15 observation particulière ? Tel était le sens de ma question ?

16 M. McLeod (interprétation). - Dès que nous avons mis la dernière

17 main à ce rapport et que nous avons commencé à le diffuser, j'ai tout de

18 suite commencé à travailler avec le chef-adjoint de la mission et avec

19 son conseiller politique qui écrivait un rapport rassemblant des

20 informations. Ce rapport a été transmis à la mission diplomatique de

21 l'Union européenne. Je crois que cette mission était précisément était en

22 train de se réunir à Mostar, où des événements avaient également eu lieu.

23 Sans me tromper, je crois pouvoir dire que les conclusions que

24 j'avais émises ont été immédiatement adoptées par l’ECMM et incorporées

25 dans tout autre rapport qui a pu être envoyé dans la structure de

Page 6497

1 commandement au-delà de l’ECMM.

2

3

4 M. le Président. - Avez-vous l'impression qu’il y ait des

5 interlocuteurs, des hauts dignitaires militaires ou politiques, que vous

6 n’auriez pas rencontrés et que vous avez regretté ne pas avoir

7 rencontrés ?

8 M. McLeod (interprétation). - La seule personne que je n'ai pas

9 rencontrée, dont le nom apparaissait dans la liste que j'avais dressée au

10 début et que j’aurais aimé rencontrer, est Dario Kordic. En effet, nous

11 avions l’impression que c’était un acteur-clé de tous ces événements.

12 J’aurais dû le rencontrer à la fin de tous mes entretiens, mais

13 les circonstances ont joué contre moi et j'ai dû abandonner l’idée de le

14 rencontrer. D’après moi et d'après l'ambassadeur Thebault, il aurait été

15 très utile de pouvoir s'entretenir avec lui.

16 M. le Président. - Un de vos interlocuteurs, Santic ou Skopljak

17 ou un autre, a semblé dire que si on pouvait mettre le plan Vance-Owen en

18 application, cela sauverait la situation. Comment avez-vous interprété

19 cela à la lumière de ce que vous connaissez de ce plan ? Il s’agit d’un

20 commentaire de l’un de vos interlocuteurs, commentaire que vous notez dans

21 votre rapport. Je ne sais plus exactement qui vous a dit cela ? Santic

22 peut-être ?

23 M. McLeod (interprétation). - Oui, c’est bien Santic qui

24 suggérait qu'il devrait mettre en place le plan Vance-Owen pour la région

25 de Bosnie centrale. Je crois qu'il était partisan de cette idée parce que

Page 6498

1 le plan Vance-Owen aurait permis la mise en place de structures politiques

2 et militaires reflétant la composition ethnique du territoire.

3 Je crois qu'il pensait que si la composition ethnique du

4 territoire correspondait à ses désirs, à savoir si elle était dominée par

5 les Croates, alors il serait capable d'établir avec une certaine

6 légitimité des structures militaires et politiques qui auraient reflété

7 cette composition ethnique, à savoir des structures militaires et

8 politiques dominées par des Croates.

9 M. le Président. - Avez-vous pu en déduire, en quelque sorte,

10 que les acteurs que vous avez rencontrés poussaient d'une façon un peu

11 ferme, et pour ne pas dire plus, à la

12

13

14 réalisation de cet aspect du plan Vance-Owen, c'est-à-dire prenaient des

15 méthodes qui leur permettaient d'anticiper pour montrer que là était la

16 voie d'une purification ethnique quasi officiellement admise par la

17 Communauté internationale ? Ou n'avez-vous pas d'autres observations à

18 faire ?

19 M. McLeod (interprétation). - D'après moi, l'objectif du plan

20 Vance-Owen était de refléter la composition ethnique originelle, par

21 opposition à toute composition ethnique qui aurait été le résultat de la

22 guerre qui avait cours dans toute la Bosnie. Donc que c’était en fait une

23 interprétation partielle du plan Vance-Owen, à laquelle il fallait ajouter

24 quelques éclats de violence extrême.

25 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues car je n'ai

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1 pas d'autres questions. Pas d’autres questions ? (Non)

2 Nous avons terminé avec votre déposition. Le Tribunal vous

3 remercie. Nous allons lever notre audience et nous la reprendrons demain

4 pour notre dernière journée de cette quinzaine qui a été consacrée au

5 procès du général Blaskic. Nous reprendrons à 10 heures. L'audience est

6 levée.

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8 L’audience est levée à 17 heures 55.

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