Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-95-14-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3  

  4   Jeudi 19 février 1998

  5  

  6   L'audience est ouverte à  10 heures 20.

  7   M. le Président. - Asseyez-vous. Faites entrer l'accusé.

  8   (L'accusé est introduit dans la salle.)

  9   M. le Président. - Tout le monde m'entend ? Tout le monde est

 10   prêt ? Le Bureau du Procureur, s'il vous plaît ? La défense ?

 11   La Chambre a rendu une décision datée de ce jour que je vais

 12   lire :

 13   « Vu l'article 21 du Statut du Tribunal, les articles 54,

 14   65 bis, 71 et 75 du règlement de procédure et de preuve,

 15   « Vu la conférence de mise en état, qui s'est tenue le 18

 16   février 1998,

 17   « Vu la requête du Procureur déposée confidentiellement le 18

 18   février 1998,

 19   « Vu la requête de la défense déposée le 18 février 1998,

 20   « Vu l'accord verbal du général Blaskic lors de la conférence de

 21   mise en état, accord reproduit au compte rendu de ladite conférence,

 22   « Attendu que le Juge Fouad Riad, membre de la Chambre de

 23   première instance I, actuellement saisi de la présente affaire est

 24   temporairement indisponible pour des raisons de santé, attendu que cette

 25   indisponibilité ne doit en aucun cas porter atteinte aux droits de


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  1  

  2   l'accusé à être jugé sans retard excessif tel que prévu à l'article 21 4/C

  3   du Statut du Tribunal,

  4   « Attendu que l'article 74 A du règlement autorise la Chambre de

  5   première instance, en raison de circonstances exceptionnelles dans

  6   l'intérêt de la justice, et à la demande d'une des parties, à ordonner le

  7   recueil de dépositions  devant un officier instrumentaire dûment mandaté,

  8   « Attendu que les dépositions prévues à l'article 71 du

  9   règlement sont dans la forme en tous points comparables aux dépositions

 10   reçues par la Chambre en cours de procès et qu'il y est notamment procédé

 11   au contre-interrogatoire du témoin,

 12   Il convient de noter que conformément à l'article 71 E, le

 13   dossier affairant à ces dépositions devra être transmis à la Chambre de

 14   première instance composée de tous ces membres.

 15   « Attendu que la Chambre est d'avis que l'indisponibilité de

 16   l'un de ses membres constitue une circonstance exceptionnelle et qu'il est

 17   dans l'intérêt de la justice que les auditions en cours du procès contre

 18   le général Blaskic ne soient pas suspendues,

 19   « Attendu que les parties se sont accordées sur les recours à la

 20   procédure de déposition prévue à l'article 71 du règlement, sous réserve

 21   pour la défense,

 22   d'une part, que les Juges Claude Jorda et Mohamed Shahabuddeen

 23   soient mandatés en qualité d'officiers testamentaires et, d'autre part,

 24   que ladite procédure ne s'applique qu'à quatre témoins spécifiques,

 25   enfin que l'accusé a consenti à la mise en oeuvre de ladite


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  1   procédure, attendu que les parties se sont entendues sur le fait que les

  2   mesures de protection des témoins qui avaient été prises par la Chambre de

  3   première instance, conformément à l'article 75 du règlement, s'appliquent

  4   à la procédure par voie de dépositions, par ces motifs, fait droit aux

  5   deux requêtes présentées par les parties, ordonne en conséquence que les

  6   audiences prévues les jeudis 19 février 1998 et vendredi 20 février 1998

  7   donnent lieu au recueil des dépositions des quatre

  8  

  9   témoins concernés selon les formes de l'article 71 du règlement, mandatent

 10   à cet effet les Juges Jorda et Shahabuddeen, pour agir en tant

 11   qu'officiers testamentaires, ordonnent que la procédure de déposition se

 12   déroule selon les modalités suivantes : les officiers instrumentaires,

 13   ainsi que les parties,  siégeront en civil.

 14   L'audience sera publique sous réserve de toute mesure de

 15   protection des témoins en vigueur.

 16   Troisièmement le dossier sera transmis à la Chambre de première

 17   instance composée des trois Juges conformément à l'article 71 E du

 18   règlement.

 19   Fait en français et en anglais, la version française faisant

 20   foi".

 21   Signé : le Président de la Chambre de première instance.

 22   C'est en conséquence de cette ordonnance que nous siégions.

 23   J'espère, Monsieur Mark Harmon, que vous l'avez expliqué à votre témoin

 24   pour qu'il ne soit pas surpris.

 25   M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je


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  1   l'ai fait.

  2   M. le Président. - Dans ces conditions, si tout le monde est

  3   d'accord, s'il n'y a aucune observation, nous pouvons reprendre le cours

  4   de nos travaux, étant entendu que de tout ceci il sera fait rapport au

  5   Juge Riad. Si le Juge Riad formulait des observations, soit au vu de notre

  6   rapport, soit à la lecture du compte rendu, nous n'hésiterions pas à

  7   rappeler le témoin dans les semaines à venir.

  8   Monsieur le Procureur, c'est à vous. Je pense que le témoin est

  9   protégé.

 10   M. Harmon (interprétation). - Oui, effectivement. Bonjour,

 11   Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Juge Shahabuddeen. Bonjour, au

 12   conseil de la défense.

 13   Le témoin suivant, qui vient déposer ici, est un témoin protégé.

 14   Les traits de son visage seront déformés, sa voix également. Nous

 15   parlerons de ce témoin sous le pseudonyme de Témoin AA.

 16   Pour résumer, Monsieur le Président, le Témoin AA est un

 17   Musulman de Bosnie,

 18  

 19   retraité, qui résidait dans la municipalité de Kiseljak et plus

 20   précisément dans le village de Visnjica, village qui abritait à la fois

 21   des Croates et des Musulmans.

 22   Pouvez-vous allumer le rétroprojecteur, s’il vous plaît,

 23   Monsieur l’huissier.

 24   Monsieur le Président, Monsieur le Juge Shahabuddeen, pour vous

 25   aider à localiser les événements qui vont être présentés, j’ai placé sur


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  1   le rétroprojecteur la pièce 29D (à l'écran maintenant). Nous voyons donc

  2   les villages de Rotilj et de Visnjica. Ce témoin, qui parlera de l'attaque

  3   lancée contre Visnjica au matin du 18 avril 1993, était à l'époque un

  4   civil, mais aussi un Musulman. Il décrira la façon dont le village s'est

  5   défendu, peu malheureusement, et la manière dont le village a été pris

  6   très rapidement par le HVO.

  7   Il racontera également que les 19 et 20 avril les soldats du HVO

  8   sont rentrés dans le village et ont systématiquement mis le feu à la

  9   plupart des maisons musulmanes du village. Il détaillera le meurtre par

 10   des soldats du HVO d'un civil non armé. Il indiquera la façon dont, après

 11   l'attaque, lui et d'autres civils musulmans ont été emmenés du village

 12   jusqu’à ce qu'il appelle les silos ; il y est resté jusqu'au lendemain,

 13   ainsi que d'autres Musulmans civils.

 14   Pendant qu'ils étaient là-bas, les soldats du HVO ont forcé des

 15   hommes qui se trouvaient aux silos à aller creuser des tranchées. Il dira

 16   également que le lendemain il est revenu dans son village et qu'il y a

 17   découvert les cadavres de son neveu et de la femme de son neveu qui

 18   avaient été tués par le HVO ; tous les deux étaient des civils et des

 19   Musulmans.

 20   Il parlera également du fait qu'il a enterré ces deux personnes,

 21   ainsi que cinq autres civils musulmans. Il signalera aussi qu'il est resté

 22   par la suite dans le village Visnjica jusqu'en septembre 1993, lorsque

 23   deux soldats du HVO l’ont expulsé de chez lui, ont incendié sa maison,

 24   ainsi que celle de son fils. On l'a ensuite emmené à la caserne de

 25   Kiseljak où il est resté deux semaines.


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  1   Il décrira les conditions de vie dans la caserne de Kiseljak. Il

  2   dira que, chaque jour, pendant qu'il se trouvait là-bas, des détenus

  3   musulmans ont été emmenés par le HVO pour aller

  4  

  5   creuser des tranchées. On l'a informé que l'une de ces personnes a été

  6   tuée et que trois autres ont été blessées ; il pourra identifier ces

  7   personnes.

  8   Après ces deux semaines, il a été emmené par le HVO au village

  9   de Rotilj où il est resté jusqu'au 22 avril 1994. Il y décrira les

 10   conditions et il dira que tous les jours le HVO emmenait des Musulmans de

 11   ce village et les forçait à aller creuser des tranchées ou à faire

 12   d'autres types de travaux forcés. Il y a également participé.

 13   Enfin, Monsieur le Président, Monsieur le Juge Shahabuddeen, il

 14   dira que lorsqu'il se trouvait à Kiseljak, lorsqu'il devait ramasser des

 15   ordures (ce qui faisait aussi partie des travaux forcés), il a vu des

 16   soldats du HVO passant dans le village avec la tête d'un Musulman au bout

 17   d'une pique. Il se souvient d’un soldat du HVO qui jouait de la musique,

 18   dans cette procession, en suivant cette tête sur une pique. Et cela s'est

 19   passé en plein jour bien entendu, au milieu de la ville, en présence de

 20   policiers du HVO et d'autres personnes.

 21   Il s’agit donc du résumé du témoignage de ce témoin, Monsieur le

 22   Président. Ce témoignage a trait au chef d'accusation 1, paragraphes 6-1 à

 23   7, chefs 2 à 4, attaque illégale sur des civils et sur des biens

 24   appartenant à des civils, chefs d'accusation 5 à 7, à savoir meurtre, qui

 25   correspond au paragraphe 9 de l'acte d'accusation, chefs d'accusation 11 à


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  1   13, destruction et pillage de biens, paragraphe 10, chef d'accusation 14,

  2   destruction d'institution de la pratique de la religion, paragraphe 11,

  3   chefs d'accusation 15 à 18, traitements inhumains de prisonniers et

  4   d'otages, paragraphes 12 à 15.

  5   M. le Président. - Monsieur le juge Shahabuddeen, je voudrais

  6   demander que vous receviez la pièce 75. J'en ai fourni un exemplaire à

  7   M Dubuisson. Il s'agit d'une vue aérienne qui donne une idée de toute la

  8   zone à laquelle va se référer le témoin, Visnjica, Rotilj et la caserne de

  9   Kiseljak. Puisque vous l'avez sous les yeux, je crois qu'elle vous

 10   permettra de mieux comprendre le témoignage du témoin.

 11   Enfin, Monsieur le Président, puisque ce témoin est un témoin

 12   protégé, je lui ai

 13  

 14   donné l'instruction de ne pas donner le nom de ses parents ou de ses

 15   proches qui ont été assassinés par le HVO. Il est prêt à le faire en

 16   audience à huis clos partiel, mais en audience publique il ne devra parler

 17   de ces personnes qu'en termes de “ neveu ” ou “ femme de son neveu ”. Il

 18   parlera également de sa fille sans prononcer son nom.

 19   Mais si le conseil de la défense veut que le témoin identifie

 20   ces personnes par leur nom, nous pourrons le faire en audience à huis clos

 21   partiel. Voilà mes commentaires d'introduction.

 22   M. le Président. - Je vous remercie. Nous allons introduire le

 23   témoin AA. J'insiste particulièrement pour que vous ne repreniez pas dans

 24   vos questions tout ce qu'aura dit le témoin. Ce qu'il aura dit, il l'aura

 25   dit. Les juges l’auront entendu et je voudrais que nous essayions


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  1   d'accélérer le cours de cette procédure.

  2   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

  3   M. le Président. - Vous m'entendez ?

  4   Témoin AA (interprétation). - Oui.

  5   M. le Président. - Nous allons vous entendre à titre de témoin.

  6   Nous vous appellerons témoin AA, n’en soyez pas étonné. Vous allez

  7   vérifier votre identité sur le document que va vous tendre le Greffier.

  8   Vous ne prononcez pas votre nom, vous vous contentez de nous faire signe

  9   s'il s'agit bien de votre identité.

 10   Vous avez accepté de venir témoigner devant ce Tribunal qui

 11   siège aujourd'hui en civil pour des raisons que le Procureur a dû vous

 12   expliquer. Cela ne change rien à votre déposition. Vous allez d'abord

 13   prêter un serment, comme tout témoin. Vous ne vous levez pas, et vous

 14   lisez dans votre langue le document qui vous est donné.

 15   Témoin AA (interprétation). - Je n'ai pas mes lunettes.

 16   M. le Président. - Allez-y, lisez le serment.

 17   Témoin AA (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 18   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   M. le Président. - Merci. Après quelques questions

 20   préliminaires, le Procureur et les Juges vous laisseront déposer sur les

 21   événements dont le Procureur nous a donné une substance et un résumé

 22   général, notamment sur les événements dont, malheureusement, vous avez été

 23   témoin quand vous n'en avez pas été victime, à Kiseljak. Monsieur le

 24   Procureur ?

 25   M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Témoin AA.


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  1   Témoin AA (interprétation). - Bonjour.

  2   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, s'il vous plaît, au

  3   cours des témoignages je voudrais simplement que vous vous détendiez.

  4   Restez calme et si jamais vous avez besoin d'une pause, faites-le savoir

  5   aux Juges ou à moi. Je vais commencer par des questions brèves et, par la

  6   suite, je vous demanderai de nous exposer vos réponses de façon très libre

  7   sur un certain nombre de questions.

  8   Mais d'abord quelques questions d’ordre général. Quel âge avez-

  9   vous, témoin AA ?

 10   Témoin AA (interprétation). - J’ai 73 ans.

 11   M. Harmon (interprétation). - Etes-vous citoyen de Bosnie ?

 12   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 13   M. Harmon (interprétation). - Etes-vous musulman ?

 14   Témoin AA (interprétation). - Oui,  musulman.

 15   M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, étiez-vous à la

 16   retraite ?

 17   Témoin AA (interprétation). - Oui, effectivement.

 18   M. Harmon (interprétation). - Viviez-vous dans la municipalité

 19   de Kiseljak, dans le village de Visnjica ?

 20   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 21   M. Harmon (interprétation). - Jusqu’en 1993, aviez-vous vécu

 22   toute votre vie à Visnjica ?

 23   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 24   M. Harmon (interprétation). - Etiez-vous membre de la Défense

 25   territoriale ?


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  1   Témoin AA (interprétation). - Non.

  2   M. Harmon (interprétation). - Votre village était-il à la fois

  3   constitué de Musulmans et de Croates ?

  4   Témoin AA (interprétation). - Oui, c'était un village mixte.

  5   M. Harmon (interprétation). - Votre village a fait l'objet d'une

  6   offensive par le HVO, le 18 avril 1993, est-ce bien exact ?

  7   Témoin AA (interprétation). - Oui. A 5 heures du matin.

  8   M. Harmon (interprétation). - Avant d'arriver aux événements à

  9   proprement parler de l'attaque, pourriez-vous dire aux Juges si vous avez

 10   observé quoi que ce soit d'inhabituel avant le début de l'attaque, le 18

 11   avril 1993 ? Des activités inhabituelles qui auraient pu suggérer qu'une

 12   attaque pourrait être lancée ?

 13   Témoin AA (interprétation). - Oui. J'ai vu, trois ou quatre

 14   jours avant l'offensive, des gens qui portaient des uniformes, deux à

 15   trois soldats. Ils portaient des fusils automatiques.

 16   M. Harmon (interprétation). - Veuillez continuer, s'il vous

 17   plaît, et dire aux Juges qui étaient ces personnes, quel type d'uniforme

 18   elles portaient et quelles étaient leurs activités ?

 19   Témoin AA (interprétation). - Ils portaient des uniformes

 20   militaires et sur le bras, ils avaient l'insigne du HVO. Mais je ne me

 21   rappelle plus si c'était le bras droit ou le bras gauche. Ils passaient,

 22   ils allaient et venaient. Puis, je les ai vus creuser des tranchées justes

 23   au-dessus du village.

 24   M. Harmon (interprétation). - Quelle a été la réponse, la

 25   réaction des Musulmans lorsqu'ils ont vu les soldats du HVO creuser des


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  1   tranchées au-dessus du village ?

  2   Témoin AA (interprétation). - Certaines personnes allaient

  3   négocier pour que ces tranchées soient rebouchées, mais les soldats ont

  4   dit qu'elles allaient rester là à l'avenir. Ils ont ajouté que c'était une

  5   simple formalité, rien de plus.

  6   M. Harmon (interprétation). - Combien de jours avant l'attaque

  7   les soldats du HVO ont-ils commencé à creuser des tranchées ?

  8   Témoin AA (interprétation). - Cinq à six jours.

  9   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit avoir vu des hommes

 10   en uniforme du HVO traverser le village. Qui étaient ces hommes et quels

 11   étaient leurs postes au sein du HVO ?

 12   Témoin AA (interprétation). - Ils allaient et venaient. Je les

 13   ai vus. J’ai vu quelqu'un appeler Nikica Pravdic surnommé « Braco »,

 14   Jelenko Pravdic et Drmac Mladen également. Ce sont les hommes que j'ai vus

 15   en uniforme et qui portaient des armes automatiques au bras.

 16   M. Harmon (interprétation). - L'un ou l'autre de ces hommes

 17   était-il le commandant local des forces du HVO ?

 18   Témoin AA (interprétation). - Oui. Nikica Pravdic, connu

 19   également comme étant « Braco », était le commandant des forces du HVO

 20   pour le village de Visnjica.

 21   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, pourriez-vous nous

 22   décrire brièvement, et nous dire tout d'abord s'il y avait une Défense

 23   territoriale dans votre village, si c'était une unité importante ou non,

 24   si elle était dotée d'armes ou non ?

 25   Témoin AA (interprétation). - Il y avait quelques soldats comme


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  1   un détachement de Jakivoci. Combien de soldats ? Je ne sais pas. Je n'y

  2   participais pas, je n'étais pas membre. Il y en avait peut-être dix,

  3   quinze ou vingt. Cela je ne peux pas vous le dire. Le commandant était

  4   Zijo Karahmet, capitaine 1ère classe dans la JNA.

  5   M. Harmon (interprétation). - Comment pourriez-vous d'écrire

  6   leurs armes et la quantité de munitions dont ils disposaient ?

  7   Témoin AA (interprétation). - Ils n'avaient que très peu

  8   d'armes. Si quelqu'un s'achetait une arme avec son propre argent, à ce

  9   moment-là il avait une arme, mais...

 10   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, j'aimerais passer

 11   maintenant au 18 avril 1993. Pourriez-vous dire aux Juges, avec vos

 12   propres mots et selon votre propre rythme, comment s'est produite

 13   l'attaque lancée contre votre village. Allez-y.

 14   Témoin AA (interprétation). - Le 18 avril 1993, je me suis

 15   réveillé. Je dors généralement assez mal et donc je n'arrête pas de me

 16   réveiller. Ce jour-là, je me suis réveillé à 4 heures et demi, j'ai fumé

 17   deux cigarettes et (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée). J'ai

 21   donc frappé à la porte, il s'est levé, et m'a demandé : "Mais qu'y-a-t-il

 22   papa ?" J'ai dit : "Mon fils, tu n'entends pas les coups de feu ?" Il

 23   s'est mis à courir dans la pièce

 24   M. le Président. - C'est son fils ou son neveu ?

 25   M. Harmon (interprétation). - Nous parlons de son fils, Monsieur


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  1   le Président. Monsieur le Président, si vous me le permettez… Témoin AA,

  2   lorsque vous parlez de vos proches, s'il vous plaît, dites simplement mon

  3   fils, ou ma fille. Je pense que ce sera suffisant.

  4   M. le Président. - Merci.

  5   Témoin AA (interprétation). - Mon fils s'est donc levé, il avait

  6   une arme. Je crois qu'il appelait cela une Singela, mais je ne me

  7   rappelais plus exactement le nom de cette arme, et il s'est mis à courir

  8   vers son poste ou sa position. Je ne l'ai pas revu par la suite, en tout

  9   cas, pas avant avril 1994 lorsque je suis arrivé à Volnjica. Je ne l'est

 10   pas revu entre-temps et je n'ai pas entendu parler de lui non plus.

 11   M. Harmon (interprétation). - Veuillez poursuivre, s'il vous

 12   plaît.

 13   Témoin AA (interprétation). - Puis après, la chose suivante

 14   s'est produite : une attaque a été lancée contre le village, le 18, le 19.

 15   J'étais chez moi pendant toute la journée. Je

 16   suis sorti dans l'après-midi pour prendre un peu l'air, puis l'obus est

 17   tombé juste devant la maison, sur la route goudronnée. Deux éclats d'obus

 18   m'ont touché dans le dos. Ils n'étaient pas très gros, mais pour moi

 19   c'était quand même quelque chose. Ma fille m'a transporté à l'intérieur de

 20   la maison et elle a pansé mes blessures.

 21   Avant la tombée de la nuit, tout le village, les jeunes hommes,

 22   les femmes et les enfants se sont dirigés vers Zrnice, c'est, la

 23   municipalité de Kresevo. Moi, je suis resté seul dans la maison. Personne

 24   n'est venu. Le matin suivant, alors je fumais une cigarette, j'ai entendu

 25   quelqu'un qui courait. Lorsque j'ai regardé, je me suis rendu compte que


Page 6648

  1   c'était (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée) Où vas-tu ?" Mais il a

  8   sauté par-dessus la barrière. Il n'avait pas parcouru 10 à 12 mètres,

  9   lorsque j'ai entendu quelqu'un dire :"Alors, je m'en débarrasse ?" Une

 10   autre personne a répondu : "Vas-y débarrasse-toi de lui, l'enculé de sa

 11   mère". Une balle l'a alors touché sur sa droite et il est tombé sur la

 12   gauche.

 13   Je n'ai pas vu à quel endroit il avait été touché, mais c'était

 14   sur sa droite. La personne qui l'a touché est allée vers lui, a fouillé

 15   ses poches et en a pris quelque chose qu'il a mis dans sa poche à lui. Ce

 16   que c'était ? Je ne sais pas, je ne l'est pas vu. Il a tiré le corps,

 17   peut-être sur 25 ou 30 mètres, à l'opposé de chez moi. Il l'a laissé sur

 18   le côté et l'a couvert de sa veste et il est parti.

 19   Moi, je suis rentré dans ma Chambre, et quelqu'un est venu

 20   frapper à la porte. "Qui est-ce ?", a-t-on dit. Alors, j'ai répondu :

 21   "C'est moi". La voix a dit : "Sors d'ici". J'ai alors dit : "Mais je suis

 22   blessé, je ne peux pas me lever". Alors il a répété : "Sors de là", en

 23   hurlant.

 24   Alors, j'ai commencé à me lever du canapé sur lequel je me

 25   trouvais, et j'ai vu le barillet de son arme juste à la porte. Quand j'ai


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  1   vu son arme,  évidemment je me suis levé. J'ai vu sa tête qui est apparue

  2   dans l'embrasure de la porte. Il portait un casque. Je l'ai regardé et je

  3   lui ai dit la chose suivante : "Dusko, attention je suis blessé". Il a

  4   recommencé à prononcer des jurons, il a dit : "Ne m'appelle pas Dusko, tu

  5   ne sais pas qui je suis". Mais je savais très bien qui il était et d'où il

  6   venait.

  7   Il m'a donc forcé à sortir de chez moi. Il m'a dit : "Tu

  8   descends à la mosquée". il y avait 50 à 60 mètres entre chez moi et la

  9   mosquée. Il a dit : "Une voiture va venir et va t'emmener". Lorsque je

 10   suis sorti de chez moi, je lui ai dit que j'avais un neveu qui était juste

 11   derrière chez moi. Il m'a donc autorisé à aller chercher mon neveu. J'y

 12   suis allé mais, en fait, il pointait son arme sur moi. J'ai ouvert la

 13   porte de la maison de mon neveu, et je l'ai appelé. Je lui ai dit : "Viens

 14   avec moi. On me force à aller à la mosquée, alors allons-y ensemble. Il

 15   nous emmènerons aussi en voiture".

 16   Mon neveu a alors répondu : "Mon oncle bonne chance, je ne peux

 17   même pas me lever". Il était malade, il avait des problèmes de colonne

 18   vertébrale. Cet homme, ce Dusko qui était derrière moi, m'a dit : "Allez,

 19   viens". Mon neveu m'a demandé de lui laisser une cigarette si j'en avais

 20   une. J'en avais trois ou quatre sur moi, combien exactement ? Je ne sais

 21   plus. Je les ai donc mises sur la table. Il m'a dit aussi qu'il n'avait

 22   rien pour les allumer. Je lui ai donc laissé des allumettes, et je suis

 23   parti avec Dusko derrière moi, Dusko Prajo.

 24   Il portait encore cette arme qu'il pointait vers moi. Après

 25   avoir parcouru 20 à 25 mètres, il m'a dit : "Tu vois ces gens là-bas ?


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  1   Juste à côté de la mosquée ? Toi, tu y vas aussi, tu vas les rejoindre

  2   parce que je vais en chercher d'autres. Ne regarde pas autour de toi, ni à

  3   droite ni à gauche".

  4   Alors lentement avec une canne, j'ai continué ma route, et lui

  5   m’a laissé. Je me suis retourné un peu, bien sûr, et je l'ai vu qui

  6   rentrait dans la cour de la maison de mon neveu. Je me

  7   suis arrêté pour allumer une cigarette, j'ai entendu un coup de feu, comme

  8   si ce coup de feu avait été tiré dans un environnement fermé, pas comme si

  9   cela avait été tiré en plein air.

 10   J'ai continué mon chemin jusqu'à la mosquée. La voiture est

 11   venue, on nous a chargés dans cette voiture, si je puis dire, et nous

 12   avons été emmenés au silo.

 13   A l'arrivée, lorsque nous sommes descendus du véhicule, les

 14   soldats du HVO sélectionnaient les plus jeunes et leur disaient qu'il

 15   fallait qu'ils aillent creuser des tranchées. Ils ne me l'ont pas demandé,

 16   et ils ne m'ont pas choisi parce que j'étais âgé. Mais tous les jeunes ont

 17   été choisis.

 18   J'ai passé la nuit là-bas, et le matin, à l'aube, je ressentais

 19   des douleurs physiques, et j'ai vu que des soldats du HVO étaient de

 20   garde. Je suis allé en voir un, et lui ai demandé : “ Puis-je vous

 21   demander quelque chose ? ” Il a répondu : “ Oui, allez-y ”. Je lui ai dit

 22   que j’étais blessé, et que je souhaitais voir un médecin qui puisse

 23   extraire les éclats d'obus parce que cela me faisait mal. Il a répondu :

 24   “ Vas-y grand-père, mais je ne peux pas te transporter. ”

 25   Alors je suis parti. J'avais parcouru vingt à trente mètres


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  1   lorsque j'ai entendu quelqu'un qui disait : “ Stop, arrête ! ” J'ai fait

  2   semblant de ne pas avoir entendu, j'ai alors entendu une arme automatique,

  3   chargée évidemment. Je me suis arrêté tout de suite et il a commencé à

  4   jurer, à dire : “ Mais où crois-tu partir ? C'était Jozo Prankovic, connu

  5   sous le surnom de Brico, qui était derrière moi. Le garde a couru vers moi

  6   et il a dit : “ Brico, je l'ai laissé partir afin qu'il puisse aller voir

  7   un médecin, parce qu’il est blessé. Il faut que le médecin lui donne les

  8   premiers soins. ”

  9   L'autre a répondu : “ Mais moi je n'ai rien demandé, reviens ici

 10   toi. ” Alors j'ai été obligé de revenir, je me suis assis là où se

 11   trouvaient les autres personnes. Je n'avais pas de montre, je ne sais pas

 12   combien de temps tout cela a duré. Peut-être jusqu’à midi.

 13   J'ai enfin pu rentrer vers la maison. Je n'ai rien demandé à

 14   personne, je suis juste parti. Il fallait que je m'étende, je ne pouvais

 15   plus rester debout. J'ai donc pris la route principale,

 16   et les voitures qui passaient à côté de moi semblaient aller dans ma

 17   direction. Je suis entré dans un champ, mais j'ai suivi la route, et je

 18   suis arrivé jusqu'à ma maison.

 19   Une fois sur place, je suis allé voir mon neveu immédiatement

 20   pour voir comment il se sentait et lorsque j'ai ouvert la porte, sa

 21   couverture était à moitié par terre et à moitié sur lui. Je l'ai appelé de

 22   la porte, je lui ai dit : “ Viens, lève-toi, on va fumer une cigarette. ”

 23   Il ne m'a pas répondu. Lorsque je suis rentré, j’ai vu que mon neveu était

 24   mort ; et sa femme aussi. Il était déjà raide.

 25   J'ai vu que son œil gauche avait été arraché et que son bras


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  1   gauche était tout enflé, on aurait dit une grosse poire. J'ai défait les

  2   boutons de sa chemise, j'ai vu qu’une balle avait été tirée dans sa

  3   poitrine, et je suis sorti.

  4   Je suis allé voir les voisins, (expurgée).

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   Il m’a dit : “ Veux-tu aller au cimetière pour enterrer les morts ? Où

 15   veux-tu enterrer ton neveu ? Si cela dépend de moi, je peux aller dire où

 16   il peut être enterré. ”

 17   Il m'a donné la permission de l'enterrer. Je suis allé jusqu'au

 18   cimetière avec Slavo. Six personnes étaient déjà sur place. Elles étaient

 19   là en train de creuser et m'attendaient pour que je leur dise où mon neveu

 20   et son épouse devaient être enterrés. Ils ont effectivement commencé à

 21   creuser, ils ont creusé jusqu'aux genoux. A ce moment-là, Nikica Pravdic

 22   est arrivé en disant : “ Cela suffit maintenant. ” J'ai répondu : “ Braco,

 23   les animaux pourront les déterrer. Il m'a dit :

 24   “ Je ne veux pas en discuter, cela suffit maintenant. ”

 25   Ils sont partis pour les ramener et ils les ont ramenés sur des


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  1   planches. Nous les avons enveloppés, comme c'est la coutume, et nous les

  2   avons posés dans le trou où ils sont restés.

  3   Plus tard, des médecins sans frontière sont arrivés. Ils ont

  4   entendu parler de moi. Je ne sais pas qui leur a parlé de moi. Ils sont

  5   arrivés, ils ont frappé à la porte. Ils étaient trois. L'un d'entre eux

  6   parlait ma langue et les deux autres ne parlaient pas ma langue. Celui qui

  7   connaissait ma langue m'a demandé ce que j'avais. Je lui ai répondu. Ils

  8   ont mis leurs vêtements de médecin, ils ont fait en sorte que je

  9   m'allonge. Ils ont effectué leur opération et leurs soins ont duré pendant

 10   cinq jours.

 11   Ils m’apportaient de la nourriture tous les matins, pour que je

 12   puisse manger pendant toute la journée. Je suis resté à la maison jusqu'au

 13   27 août 1993. Quelqu'un a frappé à la porte...

 14   M. Harmon (interprétation). – Monsieur AA, avant de parler de ce

 15   27 août 1993, je souhaiterais vous poser quelques questions afin

 16   d’apporter quelques précisions à votre témoignage.

 17   Vous avez dit que les soldats du HVO sont entrés d'abord dans

 18   votre village le 19 et que plusieurs autres sont arrivés le 20. Les dates

 19   du 19 et du 20, sont-elles exactes ?

 20   Témoin AA (interprétation). - Oui, tout à fait.

 21   M. le Président. - Il a été répondu, Maître Harmon. Je vous

 22   préviens, j’interromprai. Vous ne pouvez pas lui dire : «Vous avez dit

 23   ceci, est-ce exact ?». Le témoin est sous serment, une fois qu’il l’a dit,

 24   il l’a dit. Le Tribunal est informé de cette question-là. Je vous demande

 25   de n'apporter de précisions que sur les éléments qui n'ont pas été abordés


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  1   par le Témoin, sinon j’interromprai. C'est incompatible avec les règles

  2   judiciaires. Le Témoin l’a dit, il a prêté serment. Ne posez que des

  3   questions qui sont nécessaires au débat.

  4   M. Harmon (interprétation). - Très bien, je vais reformuler mes

  5   questions.

  6   Monsieur AA, lorsque les soldats du HVO sont arrivés dans votre

  7   village le 19 et le 20, qu’avez-vous vu, que faisaient-ils aux maisons que

  8   les Musulmans avaient quittées auparavant ?

  9   Témoin AA (interprétation). - J'ai, personnellement, vu qu’ils

 10   ont mis tout d’abord les meubles dans une voiture. Ils ont ensuite pris un

 11   liquide et ont versé ce liquide. Puis, ils ont jeté une allumette allumée.

 12   Là, le feu a démarré tout de suite, la maison a été incendiée. J’ai moi-

 13   même vu cinq ou six maisons sur lesquelles ils ont versé un liquide, je ne

 14   sais pas de quoi il s'agissait. Ils versaient le liquide, puis jetaient

 15   une allumette et la maison était tout de suite en feu. Cependant,

 16   auparavant, ils prenaient les meubles, les mettait dans un véhicule ; mais

 17   je ne sais pas où ils les envoyaient.

 18   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu les soldats du HVO

 19   qui incendiaient délibérément des maisons croates ?

 20   Témoin AA (interprétation). - Aucune maison croate n'a été

 21   incendiée dans mon village. Aucune ! Juste deux étables croates l’ont été.

 22   Mais, en ce qui concerne les maisons, aucune. J'ai vu les maisons en feu

 23   de Selim Bulic, Mehmed Selman, Mujo Palavlija, Enes Begovic, Dzevad Celic,

 24   Meho Begovic, Mahmut Begovic et Bajro. J’ai vu leurs maisons en train de

 25   brûler. Par la suite, je les ai vu incendier aussi ma propre maison.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Peu après votre retour dans votre

  2   village, avez-vous eu la possibilité, après l’attaque, de compter le

  3   nombre de maisons musulmanes, d’étables et de cuisines d'été qui avaient

  4   été incendiées ?

  5   Témoin AA (interprétation). - Pas tout de suite, mais environ

  6   vingt jours plus tard. On était trois ou quatre, nous nous sommes

  7   regroupés, nous avons pris un papier et un stylo, nous avons fait le

  8   compte. Nous avons pensé à chaque maison du village et nous avons marqué

  9   toutes les maisons, les étables et les cuisines d'été qui avaient été

 10   incendiées. Nous avons

 11   comptabilisé le nombre de 103. Pour faire ce compte, il y avait moi-même,

 12   Ahmet Topalovic, Hamid Merdzanic et une autre personne (Sacir...).

 13   C'étaient des personnes âgées, comme moi. Nous en avons donc fait le

 14   compte et nous avons noté nos résultats.

 15   M. Harmon (interprétation). - Donc 103 maisons, étables et

 16   cuisines d'été avaient été incendiées. Elles étaient toutes musulmanes ?

 17   Témoin AA (interprétation). - Oui, effectivement, elles étaient

 18   musulmanes.

 19   M. Harmon (interprétation). - Maintenant, je souhaiterais

 20   reparler de la partie où vous avez mentionné le meurtre de

 21   Bajro Palavlija. Etait-il Musulman ?

 22   Témoin AA (interprétation). - Bajro Palavlija était un Musulman.

 23   Il portait des vêtements civils. Il était pas du tout armé. Il était sorti

 24   de chez lui pour aller chercher sa mère.

 25   M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous identifier le soldat


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  1   du HVO qui l’a tué ?

  2   Témoin AA (interprétation). - Je le connais personnellement,

  3   c'était Dusko Prajo, fils de Jozo de Kiseljak.

  4   M. Harmon (interprétation). - Vous avez mentionné votre neveu et

  5   son épouse. Etaient-ils tous les deux Musulmans ?

  6   Témoin AA (interprétation). - Dusko Prajo, fils de Jozo, m'a

  7   chassé et est ensuite revenu dans la maison de mon neveu et de son épouse.

  8   M. Harmon (interprétation). - Monsieur AA, votre neveu et son

  9   épouse étaient-ils deux les deux Musulmans ?

 10   Témoin AA (interprétation). - Oui, ils étaient tous les deux

 11   Musulmans.

 12   M. Harmon (interprétation). - Quand vous avez vu votre neveu

 13   pour la dernière fois, était-il armé ?

 14   Témoin AA (interprétation). - Non, il n'était pas armé, il était

 15   immobile, il ne pouvait pas se déplacer. Il n'avait rien du tout, il était

 16   allongé, c’est tout.

 17   M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé du fait qu’on vous

 18   avait emmené jusqu’au silo. Où se trouvait-il par rapport au village de

 19   Visnjica ?

 20   Témoin AA (interprétation). - Au fond du village de Visnjica,

 21   dans la partie qui s'appelle Visnjica Polje. C'est là que se trouvait le

 22   silo, au fond du village.

 23   M. Harmon (interprétation). - Donc vous êtes entré dans la

 24   maison de votre neveu, vous avez découvert que votre neveu et sa femme

 25   étaient morts. Avez-vous aussi vu l'enfant de votre neveu et si c'est le


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  1   cas, dites aux Juges ce que vous avez vu.

  2   Témoin AA (interprétation). - Oui, je l'ai vu. Il était sous le

  3   sofa, il est sorti et il m’a dit : « oncle, on a tué ma maman et mon

  4   papa. » Il avait cinq ans. C'était son fils. Quand un ami de Mostar nous a

  5   entendus, il est venu, il l'a ramené. Moi, par la suite, je ne l'ai plus

  6   revu. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé.

  7   M. Harmon (interprétation). - Pour le procès-verbal, veuillez

  8   préciser un point : la personne que vous avez vue chez Bajro Palavlija,

  9   c'est-à-dire la personne qui l’a tué, était-ce une personne différente par

 10   rapport à celle qui est arrivée jusqu'à votre maison en vous disant

 11   d'aller jusqu'à la mosquée ?

 12   Témoin AA (interprétation). - Ils étaient tous en uniforme, mais

 13   Dunsan Prajo, le fils de Jozo, c’était le seul qui est arrivé après. Je

 14   n’ai pas vu d’autres soldats arriver.

 15   M. Harmon (interprétation). - Merci. Veuillez maintenant

 16   reparler de la partie de votre témoignage, quand vous parliez des

 17   personnes qui s'occupaient de l'enterrement de votre neveu et de sa femme,

 18   qui était sur place ?

 19   M. le Président. - Excusez-moi. Je voudrais que nous repartions

 20   sur de bonnes bases. Le témoignage a été déposé. Le Témoin AA a fait sa

 21   déposition. S’il y a des contestations, ou vous apportez des précisions

 22   complémentaires, à l’appui de l’acte d’accusation, ou alors le Tribunal

 23   s’estime suffisamment informé.

 24   S’il y a des contestations de la part de la défense, la défense,

 25   dans son contre


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  1   interrogatoire, les posera et vous aurez votre droit de réplique. Je

  2   considère que sauf si vous avez une ou deux précisions à apporter, comme

  3   vous l'avez fait par exemple sur l'enfant du neveu et de sa femme, qui est

  4   un fait nouveau ; mais si c'est pour lui demander de nous reparler de ce

  5   qu’il a vu au moment de l’enterrement, M. le Juge Shahabuddeen et moi-même

  6   l'avons entendu. Il n'est donc pas question que nous y revenions. Sauf à

  7   doubler, voire tripler les témoignages. Ne nous étonnons pas ensuite que

  8   nous y passions beaucoup de temps.

  9   Je suis désolé, Témoin AA, c’est une question de méthodologie.

 10   Dans la mesure où j’ai la présidence de l’audience, je me dois d’assurer

 11   ce procès dans des conditions convenables. Nous passons. Soit vous passez

 12   à la séquence suivante. Vous nous avez dit en résumé de ce que vous

 13   attendiez de ce témoin. Je l’ai noté, je le note. Pour l'instant, tout ce

 14   que vous avez annoncé a été dit. Il n’est donc pas question de faire

 15   reparler le témoin. Vous ne pouvez qu'apporter des précisions. Bien

 16   entendu, vous aurez votre droit de réplique si le contre-interrogatoire

 17   devait montrer d'autres questions.

 18   Témoin AA, poursuivez votre témoignage après l'enterrement.

 19   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, avec tout

 20   le respect que je vous dois, je souhaitais que le témoin apporte la

 21   précision sur les personnes qui ont été enterrées ensemble, avec son neveu

 22   et sa femme. Je voudrais préciser qu'il s'agissait d'encore cinq personnes

 23   qui devaient être enterrées avec son neveu et sa femme qui étaient

 24   musulmanes eux aussi. Cela n'avait pas été mentionné pendant son

 25   témoignage. Je pense qu’il est important que cette précision fasse parie


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  1   du témoignage.

  2   M. le Président. - Témoin AA, répondez à la question.

  3   Témoin AA (interprétation). - Quelle est la question ? Faut-il

  4   que je dise quelles étaient les personnes qui ont été enterrées ce jour-

  5   là ?

  6   M. le Président. - Ma question est celle-ci : les personnes qui

  7   ont été enterrées avec votre neveu et sa femme étaient-elles des

  8   Musulmans ? Répondez à cette question. Ensuite, le

  9   Procureur vous demandera de passer aux événements suivants.

 10   Témoin AA (interprétation). - Il y avait donc mon neveu et sa

 11   femme, ensuite Bajro Palavlija qui était la troisième personne, Senad

 12   Begovic la quatrième personne, Hajro Palavlija est la cinquième personne, 

 13   Ismet Begovic la sixième, la septième personne était quelqu’un de

 14   Visegrad. Il était venu rendre visite à sa famille. Je ne connais ni son

 15   prénom ni son nom, mais je sais qu’il était de Visegrad.

 16   M. Harmon (interprétation). - Toutes ces personnes étaient-elles

 17   des Musulmans ?

 18   Témoin AA (interprétation). - Ils étaient tous Musulmans.

 19   M. Harmon (interprétation). - Etaient-ils tous des civils.

 20   Témoin AA (interprétation). - Oui. Ils étaient tous en vêtements

 21   civils. Personne ne portait d’uniforme.

 22   M. Harmon (interprétation). - Vous avez également mentionné le

 23   nom de Nikica Pravdic, qui était le commandant du HVO à Visnjica. L'avez-

 24   vous vu en train de conduire des voitures musulmanes volées ?

 25   Témoin AA (interprétation). - Oui. Il roulait dans une voiture


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  1   de marque Lada blanche. Tous les jours, il changeait de voiture, mais je

  2   le voyais le plus souvent dans une voiture de marque Lada blanche. Sa

  3   maison était juste à côté de la mienne.

  4   M. Harmon (interprétation). - L’huissier pourrait-il m'aider

  5   pour que la pièce à conviction n° 73 soit placée sur le rétroprojecteur ?

  6   Il s'agit d'une photographie.

  7   Témoin AA, vous verrez cette photographie sur le rétroprojecteur

  8   et je vous demande de nous dire de quoi il s'agit. Pourriez-vous

  9   identifier cela ?

 10   Témoin AA (interprétation). - C'est la mosquée de Visnjica.

 11   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce qui

 12   s'est passé avec la mosquée de Visnjica ? Qu’avez-vous vu ?

 13   Témoin AA (interprétation). - J'ai vu quand ils ont forcé la

 14   porte et qu'ils ont pris

 15   tout ce qui se trouvait à l’intérieur de la mosquée. Ils ont d’abord

 16   frappé sur la porte, mais ils ne pouvaient pas la forcer parce que c'était

 17   une porte en fer. Ensuite, ils ont pris des fusils automatiques et ils ont

 18   tiré sur la porte, sur la serrure aussi, après quoi ils ont réussi à

 19   enfoncer la porte et ils ont tout enlevé, tout ce qui se trouvait dans la

 20   mosquée. Ils ont mis tout cela dans un camion. J’ignore où ils ont emmené

 21   tout cela.

 22   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, quand vous dites

 23   « eux », de qui parlez-vous ? Pouvez-vous les identifier de manière

 24   générale ou en particulier ?

 25   Témoin AA (interprétation). - Je sais que celui qui frappait


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  1   avec son pied était Franjo Skoro. Il courait et ensuite il poussait la

  2   porte, il frappait la porte de manière très forte. C'était Franjo Skoro.

  3   Je le connaissais personnellement. Quant aux quatre autres, je ne les

  4   connaissais pas. Ils portaient des uniformes et ils avaient des insignes

  5   du HVO, mais je ne sais pas qui ils étaient.

  6   M. Harmon (interprétation). - Merci. Pourriez-vous poursuivre

  7   votre témoignage, maintenant. Vous avez dit que quelque chose s'était

  8   produit le 27 août. Des soldats sont arrivés et ont frappé à la porte,

  9   chez vous. Pouvez-vous poursuivre le témoignage à partir de ce moment-là ?

 10   Témoin AA (interprétation). - Oui. Le 27 août 1993, j'était

 11   seul, assis devant la maison. Vers 10 ou 11 heures, je suis allé dans ma

 12   Chambre pour dormir. Je me suis endormi tout de suite. Ensuite, j'ai

 13   entendu quelqu'un frapper à la porte. On frappait de plus en plus

 14   fortement. J'ai répondu. J'ai dit : « oui, qui est-ce ? » On a dit :

 15   « ouvre ». J’ai répondu : « A cette heure-ci, je n'ouvre pas la porte. »

 16   La voix m’a alors répondu : « tu ne dois pas ouvrir, mais donne nous ta

 17   fille. Réveille la, on veut qu’elle sorte ».

 18   J’ai répondu qu’elle n’était pas là. Ils m’ont demandé où elle

 19   était. J’ai répondu qu’elle était partie à une fête, que je ne savais pas

 20   où elle était et que de toute façon qu’elle n’était pas dans la maison. On

 21   m’a dit : « ouvre, ouvre, on veut voir ça ».

 22   J’ai pensé qu’ils allaient enfoncer la porte. J’ai pris le

 23   risque d’ouvrir. J’ai donc ouvert la porte. Dès qu’il est entré il a

 24   allumé une torche électrique, il n’y avait pas de lumière. J’ai vu tout de

 25   suite qui c’était. Nenad Pravdic, fils de Mico. « Où est ta fille ? » Il


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  1   est allé tout de suite dans sa chambre à elle.

  2   Il a vu que le lit n'était pas défait, et m'a dit : "Où est ta

  3   fille ?" "Je ne sais pas ? Elle est partie chez des amis, mais je ne sais

  4   pas où elle est. De toute façon, elle n'est pas dans la maison". "Dis, où

  5   est-elle ?" "Je ne sais pas, je ne peux pas te le dire Nenad. Je ne peux

  6   pas te dire où elle est parce que je ne le sais pas moi-même. Elle est

  7   partie en fin d'après-midi". "Sors avec nous".

  8   Je suis sorti avec eux. Ils m'ont fait sortir à l'extérieur et

  9   quand j'étais dehors, j'ai vu sur la route qui passe par Visnjica, la

 10   voiture de Mico, jaune, sans plaque d'immatriculation. A l'intérieur, la

 11   porte était ouverte, il y avait un homme qui fumait. Il a dit : "Nenad,

 12   enculé, on va nous capturer nous aussi". Je ne sais pas de qui il parlait.

 13   Il s'est tourné vers moi, il a injurié ma mère, il m'a donné un coup de

 14   pied et m'a dit : "Tu vas à la maison".

 15   Eux sont entrés dans la voiture, ils sont partis et moi, je suis

 16   resté. Je n'osais pas entrer dans la maison. J'ai fui dans une petite

 17   forêt derrière ma maison. C'est là que j'ai passé la nuit. J'y suis resté

 18   jusqu'au matin, et elle est arrivée le matin. Le 29, ils sont venus de

 19   nouveau, ils ont encore frappé à la porte. Je ne sais pas qui c'était.

 20   J'ai répondu. Eux disaient : "Donne-nous ta fille". J'ai

 21   répondu : "Elle n'est pas là. Je vous ai déjà dit qu'elle ne dormait pas

 22   ici. Je ne sais pas où elle est". Ce soir-là, je savais où elle était.

 23   "Ouvre, ouvre" disaient-ils. J'ai ouvert de nouveau. Ils sont entrés. Tous

 24   les deux sont entrés dans sa Chambre et ils ont vu qu'elle n'était pas là.

 25   Ils ne m'ont pas maltraité. Ils sont partis tout de suite.


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  1   Le matin, je me suis levé, je suis allé la chercher là où elle

  2   avait passé la nuit. Dès que j'ai ouvert la porte, elle m'a dit : "Papa,

  3   qu'as-tu ?" J'ai répondu : "Je n'ai rien". "Si, tu as

  4   quelque chose". J'ai dit : "Non, rien".

  5   Cette femme, chez qui ma fille avait dormi, s'est elle aussi

  6   levée. Alors que son mari Fadil Topalovic, lui, avait été emprisonné, elle

  7   m'a dit : "Dis-nous ce que tu as".

  8   Moi, j'ai répondu. J'ai dit ce qui se passait. Elle s'est mise à

  9   pleurer, à s'arracher les cheveux. Elle disait : "Papa, cache-moi quelque

 10   part, fais quelque chose pour moi". Je lui ai dit : "Viens, rentre à la

 11   maison avec moi". Elle m'a répondu non. Je lui ai dit : "Rentre à la

 12   maison, viens".

 13   La femme chez qui ma fille avait passé la nuit lui a dit, elle

 14   aussi, : "Viens, moi je vais t'accompagner". On est donc allé à la maison

 15   tous les trois. Je lui ai dit : "Ma fille, choisis tes vêtements, tes

 16   belles robes, on va prendre un sac de voyage et on va partir". Elle a donc

 17   choisi des vêtements, je ne sais pas ce qu'elle a choisi, cela ne

 18   m'intéresse pas. A un moment, j'ai entendu quelqu'un pleurer. Je me suis

 19   retourné vers la porte, et j'ai vu ma fille aînée qui me disait : "Père,

 20   qu'est-il arrivé ?" J'ai répondu que je ne savais pas.

 21   Elle a dit : "Ils sont arrivés, ils cherchaient ta fille chez

 22   moi". "Qui ?", ai-je dit. Elle a dit : "Ceux qui l'ont cherchée ici

 23   aussi". Je suis donc allé avec elle jusqu'au commandant Nikica Pravdic,

 24   "Braco". Il n'était pas là. C'est sa femme qui est arrivée à la porte. Je

 25   lui ai dit : "Vas chercher Braco", ce qu'elle a fait. Il est arrivé


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  1   jusqu'à la porte et m'a dit : "Qu'as-tu fait ?"

  2   Je lui ai dit : "Ecoute, je veux que tu me donnes un document

  3   pour que ma fille puisse aller jusqu'à Sajce". Il m'a dit : "Ne sois fou,

  4   que demandes-tu ?" Et il est rentré de nouveau dans sa maison.

  5   J'ai traversé le village avec elle, jusqu'à un autre commandant,

  6   Luka Drmac. Je me suis adressé à lui, et il a répondu : "Mais ce sont des

  7   enfants, ils plaisantent". J'ai dit : "Ils ne peuvent pas plaisanter,

  8   c'était Nenad, le fils de Mico". Lui est rentré chez lui. C'était donc le

  9   deuxième, Luka Drmac.

 10   Ensuite, je suis arrivé à Franjo Skoro, qui était le commandant

 11   supérieur aux deux

 12   autres, j'ai vu sa soeur à l'extérieur, je lui demandé si Franjo était

 13   levé. Elle m'a répondit que oui et qu'il était en train de boire un café.

 14   "Peux-tu aller le chercher ?", lui ai-je demandé. Elle a répondu : "Oui,

 15   je peux".

 16   Elle est donc partie et, quelque temps plus tard, elle est

 17   revenue en disant : "Il arrive". Il est effectivement arrivé. Il était

 18   derrière elle. Il était à la porte et m'a dit : "Que t'arrive-t-il

 19   maintenant ?" J'ai répondu : "Franjo, donne-moi un certificat pour que ma

 20   fille puisse aller chez des amis dans la direction de Visoko". "C'est pour

 21   cela que tu es venu ?", m'a-t-il demandé. J'ai répondu que oui. Alors il a

 22   fermé la porte et est rentré dans la maison.

 23   J'étais à une distance de 20 à 25 mètres de sa maison. Je lui

 24   priais de rentrer à la maison, je lui disais : "Rentre à la maison, ma

 25   fille." Elle répondait : "Papa, vas-y toi. Je te souhaite tout le


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  1   bonheur",  et elle pleurait.

  2   On s'est séparé, je l'ai quittée. On était à une distance

  3   d'environ 15 mètres. Elle m'a appelé, elle m'a dit : "Papa, attends". Je

  4   me suis arrêté, elle est venue à moi et m'a dit : "Veux tu réaliser un

  5   souhait pour moi ?" J'ai dit : "Oui, si je le peux". "Viens avec moi à

  6   Kiseljak", m'a-t-elle demandé. "Où veux-tu aller ma fille à Kiseljak,

  7   puisque Kiseljak est plein des soldats du HVO".

  8   Elle portait elle-même des vêtements noirs, une jupe noire. Moi,

  9   pour lui faire plaisir, je suis allé avec elle vers Kiseljak. Personne ne

 10   nous a maltraités, je dois le dire. Nous sommes arrivés à Kiseljak, il y

 11   avait beaucoup de soldats du HVO en uniforme dans ce village. J'ai

 12   traversé le village. Je savais où se trouvait la police. Je suis allé

 13   directement à la police.

 14   Il y avait un policier à la porte, je lui ai dit : “ Bonjour. ”

 15   Il m'a dit : “ Bonjour le vieux. ” J'ai demandé si je pouvais parler au

 16   commandant. Il est entré à l'intérieur, il est revenu et a dit : “ Je vous

 17   en prie, entrez tous les deux, toi et ta fille. ” Nous sommes entrés, un

 18   homme était là, debout. J'ai commencé à raconter ce qui m'était arrivé et

 19   pourquoi j'étais venu. Il a appelé un soldat pour demander si certains

 20   hommes étaient disponibles. La réponse a été

 21   positive, et le commandant a donné l'ordre suivant au soldat : “ Emmène

 22   cet homme et sa fille à la caserne, dans la pièce numéro 9 ”.

 23   A ce moment-là, j'ai pris la parole pour dire : “ J'aimerais

 24   vous poser une question. ” Il m’a dit : “ Vas-y, pose ta question. ” J'ai

 25   dit : “ Vous n'avez pas besoin de me conduire en voiture, vous n'avez qu'à


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  1   me dire où je dois aller et à qui il faut que je parle. ” Il a dit :

  2   “ Non, non, tu y vas en voiture. ”

  3   Ils nous ont fait monter dans la voiture et nous ont emmenés

  4   jusqu'à la caserne, le bâtiment où se trouvent les soldats. La voiture

  5   s'est arrêtée, nous sommes sortis, et on m'a dit : “ Tu vois ce banc, tu

  6   t'assieds là, tu ne regardes personne et tu ne bouges pas d'ici. ” Et il

  7   est parti. Nous nous sommes assis, ma fille n'arrêtait pas de pleurer et

  8   me demandait tout le temps ce qui allait nous arriver. Je disais : “ Ma

  9   fille, je n'en sais pas plus que toi. ”

 10   Le bâtiment était tout prêt, à deux mètres de l'endroit où nous

 11   étions assis. Il y avait une fenêtre avec des barreaux, et derrière les

 12   barreaux, on voyait un visage, quelqu'un qui essayait de regarder à

 13   l'extérieur.

 14   L'homme est revenu, et il m'a dit : “ Assieds-toi, ne regarde

 15   rien, ne regarde pas autour de toi, un soldat va venir vous chercher dans

 16   quelques instants. ” Il est parti vaquer à ses occupations. Nous sommes

 17   restés tous les deux. Il s'est écoulé cinq ou six minutes et un soldat

 18   avec une arme automatique est arrivé. Il a dit : "Le vieux lève-toi et ta

 19   fille aussi". Nous nous sommes levés, nous avons pris notre sac de voyage.

 20   Je le portais comme cela, à bout de bras, et nous sommes entrés dans un

 21   couloir.

 22   J'ai eu l'impression que ce couloir était très long. Nous avons

 23   fait quelques mètres dans ce couloir, et on nous a dit : “ Première porte

 24   à gauche. ” Nous sommes entrés dans cette pièce, il y avait trois soldats,

 25   en uniforme du HVO. Deux étaient assis à une table, et le troisième à une


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  1   autre table.

  2   L'un d'eux me dit : “ Toi le vieux, tu t'assieds devant cette

  3   table, à côté de toi ta

  4   fille, et le sac de voyage à côté d'elle. Je me suis assis, elle s'est

  5   assise aussi. Il y avait un silence, personne ne disait rien. Tout d'un

  6   coup, l'un d'entre eux prend la parole et me dit : “ Fumes-tu, le vieux ?"

  7   J'ai dit : “ Quand j'ai des cigarettes, je fume. ” Il a ouvert un paquet

  8   de cigarettes, m’en a offert une. Il m’a donné une allumette, j'ai donc

  9   allumé ma cigarette et je l’ai éteinte.

 10   Il n'a rien dit. Il a vu que je l'éteignais ; il m'en a offert

 11   une autre. J'ai dit : “ Mais monsieur, je viens d'éteindre cette

 12   cigarette. ” Il m’a dit : “ Non, non, prends en quand même une autre".

 13   J'ai pris une deuxième cigarette et je l’ai allumée. J'en ai fumé la

 14   moitié, peut-être moins, je n'ai pas mesuré. A ce moment-là, il m’a dit :

 15   “ As-tu repris tes esprits ? ” J'ai répondu : “ Je suis normal. ” Il m'a

 16   dit : “ Nous n'allons pas en discuter, nous n'allons pas parler de cela,

 17   mais c'est une très bonne chose qu’on t’ait amené à moi. ”

 18   Les deux autres soldats étaient là, à leur table, je ne sais pas

 19   ce qu'ils faisaient. Ils écrivaient peut-être quelque chose. Enfin, il a

 20   commencé à me poser des questions. Je lui ai raconté toute l'histoire,

 21   comment et pourquoi j'étais arrivé jusqu'à lui.

 22   L'un des soldats assis à côté prend à ce moment-là la parole et

 23   dit : “ Le commandant peut-il poser une question au vieux ? ” L'homme lui

 24   répond : “ Oui, d'accord. ” Le soldat dit : " Te souviens-tu de celui qui

 25   est entré, qui a frappé à la porte, qui a essayé de la défoncer et qui a


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  1   crié ? Te souviens-tu de la couleur de ses cheveux, et comment était sa

  2   coiffure ?" J'ai dit : “ Je m'en souviens. Il faisait un peu sombre, cet

  3   homme se servait d’une lampe de poche, mais je crois qu'il avait les

  4   cheveux un peu rares sur le devant, avec une raie sur le côté. Je dirai

  5   que c'est Pravdic. ”

  6   A ce moment-là, il s'est adressé à ma fille. Il a dit : “ Vois-

  7   tu quelqu'un comme cela dans le voisinage ? As-tu de la famille dans le

  8   voisinage ? ” Elle a répondu : “ J'ai deux membres de ma famille dans un

  9   village tout près, à Visoko. ” Il s’agissait des frères de sa mère, ses

 10   oncles. C'est comme cela qu'on les appelle chez nous. Ce village se trouve

 11   à peu près à deux

 12   kilomètres du nôtre.

 13   On lui a demandé : “ Aimerais-tu aller chez tes oncles ? ” Elle

 14   a commencé à pleurer, et m’a demandé : “ Mais toi, papa où vas–tu aller ?"

 15   J'ai dit : “ Ne t'inquiète pas, ne t’en fais pas. ” L'homme s'est alors

 16   levé, lui a mis la main sur les cheveux et lui a dit : “ Jeune fille, ne

 17   pleure pas. Ce que Mario peut faire, il le fera pour toi. ”

 18   A ce moment-là, lorsqu'il a dit cela, je l'ai reconnu tout d'un

 19   coup, c'était Mario Bradara. Je le connais bien, je connais sa mère, je

 20   connais ses tantes et toute sa famille. Il a repris la parole en lui

 21   redemandant si elle voulait aller chez ses oncles et il m'a demandé ce que

 22   j'allais faire. J'ai dit : “ Ne vous inquiétez pas, ne pensez pas à moi,

 23   décidez simplement ce que vous allez faire pour elle. ”

 24   A ce moment-là, la porte s'est ouverte et un homme est entré en

 25   vêtements civils, avec une cravate. Il avait une cigarette aux lèvres et


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  1   il était sur le point de fermer la porte quand il m'a vu. (expurgée)

  2   (expurgée). A ce moment-là, Mario lui a fait un

  3   signe de la main en lui montrant qu'il devait sortir et il est ressorti.

  4   L'homme a alors donné son laissez-passer à ma fille, il nous a

  5   serré la main, et a souhaité bonne chance à ma fille. Nous sommes sortis,

  6   il a couru derrière nous, et m’a appelé. Nous nous sommes arrêtés. Il a

  7   dit : “ Faites attention de ne pas rencontrer de soldats qui vous veulent

  8   du mal parce qu'il y en a qui peuvent vous emmener dans un endroit où vous

  9   ne voudriez pas aller. ”

 10   Nous avons continué notre chemin, nous sommes arrivés jusqu'au

 11   barrage, jusqu'à l’endroit où il y avait la barrière qui monte et qui

 12   descend. Un soldat a levé la barrière, elle est sortie, elle est partie,

 13   et je n'ai plus jamais entendu parler d'elle. Je ne savais même pas si

 14   elle était vivante ou morte, jusqu'au 2 avril 1994. Je n'ai pas eu le

 15   moindre renseignement à son sujet, jusqu'à cette date.

 16   Je suis resté à la maison le premier, le 2, le 3 et le 4. Le 4

 17   au soir, de nouveau on

 18   frappe à la porte. En même temps que j'entendais les coups, j'ai vu que

 19   l'on enfonçait la porte d'entrée. Je me suis levé, j'ai vu une lampe de

 20   poche, et cet homme me demande : “ Et alors, où est ta fille ? ” J'ai

 21   dit : “ Elle est partie à Visoko. ”

 22   Il commença à insulter ma mère, parce que je l'avais fait

 23   partir, je l’avais chassée. J’ai dit : “ Non, je ne l'ai pas chassée, ce

 24   n'est pas moi qui l’ai fait partir, c’est Bradara qui lui a donné des

 25   papiers. ” Derrière lui, il y en avait un autre, ils étaient deux, et à ce


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  1   moment-là ils ont commencé à me frapper. Je ne peux pas vous dire ce

  2   qu'ils m’ont fait. Ils m'ont frappé, frappé, tabassé, et l'un des deux

  3   criait à l'autre : “ Tue-le. ”

  4   Au bout d'un moment, ils m'ont fait sortir, Nenad Pravdic était

  5   devant la maison et il a dit : “ Mets le feu. ” J'avais une cuisine d'été,

  6   qui se trouvait de l'autre côté de la maison, et l'un des deux a tiré une

  7   balle incendiaire sur cette cuisine d'été. J'étais monté un peu plus haut,

  8   et j'ai dit à Nenad : “ Ne mets pas le feu à toute la maison, ne la

  9   détruit pas complètement. ”

 10   Juste à ce moment-là, Nenad a utilisé son briquet et j'ai vu la

 11   flamme qui naissait.

 12   Moi je n'ai plus tellement réfléchi. Je me suis dit : « qu'est-

 13   ce que je risque, il ne peut que me tirer dessus, me tuer ou alors je me

 14   sauve ». Il y a une espèce de petite haie sur le côté de la maison qu’on

 15   appelle le « gradj », je ne sais pas comment vous l’expliquer, mais enfin

 16   on peut passer à travers. Je me suis  donc mis à courir. J'ai traversé

 17   cette espèce de petite haie et je suis arrivé de l'autre côté où j'ai

 18   passé la nuit.

 19   Le lendemain matin, le 5 septembre au matin, je suis passé chez

 20   moi. J'ai vu quelle était la situation. Que pouvais-je faire ? J'ai vu que

 21   tout était brûlé. Tout à coup, sous mon pied, j'ai senti quelque chose.

 22   J'ai regardé et j'ai vu que c'était le briquet qui avait été utilisé la

 23   veille. J’ai vu que quelque chose était écrit dessus. Je l'ai mis dans ma

 24   poche. Au bout de 10 minutes, 20 minutes, peut-être une demi-heure, je ne

 25   sais pas exactement, Nikica Pravdic, surnommé « Brado », est arrivé avec


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  1   trois soldats.

  2   Nikica Pravdic me demande : « que t’est-il arrivé ? » Je lui

  3   dit : « regarde ce qui est

  4   arrivé ? » « Qui a mis le feu ? ». Je lui réponds : « mais comment puis-je

  5   le savoir après toute la nuit ? ». Dans la poche intérieure de ma veste,

  6   j’avais une demi-cigarette je crois, pas plus. J’ai pris cette demi-

  7   cigarette pour essayer de l’allumer. J’ai voulu l’allumer avec le briquet

  8   dont j'ai parlé et Nikica Pravdic me l’a arraché des mains. Je lui ai

  9   dit : « mais pourquoi me reprends-tu ce briquet, c’est moi qui l’ai

 10   trouvé. » Il m’a dit : « je te le prends tout simplement pour vérifier

 11   quelque chose, je te le rendrai après. »

 12   Plus rien ne s'est passé ce jour-là. Je suis donc allé me

 13   promener dans le village, et le lundi, le lundi 6 je suis allé chez un

 14   voisin.

 15   M. Harmon (interprétation). - Un instant, témoin AA.

 16   M. le Président. - Oui, je discutais avec mon collègue. Il

 17   conviendrait de faire une pause, ne serait-ce que pour nos interprètes. Je

 18   voudrais savoir si, avant vos propres questions, si le récit du témoin va

 19   prendre encore quelques minutes ou si nous faisons la pause tout de suite.

 20   Monsieur le Procureur.

 21   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai deux

 22   questions d'éclaircissement à demander à ce témoin, avant de passer à une

 23   autre partie de sa déposition. Mais il faudra encore sans doute 35 à

 24   40 minutes.

 25   M. le Président. - Non, nous ferons pas 35 à 40 minutes,


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  1   monsieur le Procureur. Si je peux raccourcir, je raccourcirai. Nous allons

  2   faire la pause pendant vingt minutes  pour les interprètes.

  3   L’audience est levée.

  4   L’audience, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 12 heures 15.

  5   M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

  6   (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)

  7   M. le Président. - Monsieur le Procureur, c’est à vous.

  8   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, deux questions

  9   d'éclaircissements, je vous prie. Connaissez-vous le poste qu’avait

 10   Mario Bradara au sein du HVO ?

 11   Témoin AA (interprétation). - J'ai entendu dire qu'il était

 12   adjoint du commandant Rajic.

 13   M. Harmon (interprétation). - Les hommes qui sont venus dans

 14   votre maison et y ont mis le feu le 4 septembre portaient-ils des

 15   uniformes du HVO ?

 16   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 17   M. Harmon (interprétation). - Passons maintenant au 6 septembre.

 18   Pouvez-vous dire aux Juges ce qui vous est arrivé, à vous, aux hommes

 19   âgés, aux femmes et aux enfants dans le village de Visnjica ? Où vous a-t-

 20   on emmenés ?

 21   Témoin AA (interprétation). - Oui. Puis-je continuer ?

 22   M. Harmon (interprétation). - Oui, je vous en prie.

 23   Témoin AA (interprétation). - Le 6 septembre 1993 au matin, aux

 24   alentours de 9 heures, deux autobus sont arrivés dans le village de

 25   Visnjica. Ils ont rassemblé tous les Musulmans et ont fait sortir des


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  1   maisons ceux qui y restaient, les femmes et les enfants. Cette foule a été

  2   entassée dans les autobus. On nous a ensuite emmenés jusqu'à Kiseljak.

  3   Au moment où nous avons pris la route de Rotilj, les autobus se

  4   sont arrêtés. Deux policiers sont entrés et ont mis les hommes de côté.

  5   Ils les ont fait descendre des autobus. Les

  6   femmes et les enfants ont poursuivi leur route jusqu'à Rotilj où il y

  7   avait un camp pendant que les hommes étaient emmenés à la caserne.

  8   Dans cette caserne, il a été décidé que les jeunes hommes

  9   aillent creuser des tranchées. Comme j'étais âgé, il ne m'y ont pas

 10   emmené. Eux, tous les matins, y allaient. Du 6 au 20 septembre 1993, je

 11   suis resté dans la caserne.

 12   Un jour, une automobile est arrivée. La porte de la pièce dans

 13   laquelle je me trouvais a été ouverte. Je n'ai pas compté exactement

 14   combien nous étions dans cette pièce, mais au moins une vingtaine.

 15   Un jour donc, la porte s'est ouverte et on m'a appelé. On m'a

 16   fait monter dans cette voiture. Les portes se sont fermées et nous sommes

 17   partis pour Rotilj. Nous sommes arrivés dans un endroit où était

 18   Atif Hodzic. La voiture s'est arrêtée, la porte s'est ouverte. On m'a

 19   dit : “Cherche-toi un endroit pour habiter”. La voiture est partie, moi je

 20   suis resté. Depuis ce jour-là, j'ai cherché un logement. Chaque fois que

 21   j'arrivais dans une maison et que je posais la question, on me disait que

 22   la maison était pleine. Finalement, j'ai trouvé une place dans la cave de

 23   la maison du fils de Dzina. Je lui ai demandé si je pouvais habiter chez

 24   lui. Il m’a répondu : “Oh, mais bien sûr !” et je suis resté dans cette

 25   cave.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, avant que nous parlions

  2   des événements de Rotilj, j'aimerais vous poser quelques questions

  3   précises au sujet des conditions en vigueur dans la caserne de Kiseljak,

  4   où vous avez été enfermé avec d'autres Musulmans.

  5   Pouvez-vous dire aux Juges, avec une certaine précision, quelles

  6   étaient les conditions d'existence dans cette caserne ? Combien y avait-il

  7   de prisonniers, combien recevaient-ils de nourriture, y avait-il

  8   suffisamment de pièces et d'espace, quelles étaient les conditions pour

  9   passer la nuit, des gens ont-ils été tués en allant creuser des tranchées,

 10   la Croix-Rouge internationale est-elle venue visiter la caserne ?

 11   Pourriez-vous répondre à ces questions avec une certaine précision, je

 12   vous prie ?

 13   Témoin AA (interprétation). - Oui. Du 6 au 20 septembre 1993,

 14   c'est-à-dire pendant la durée de mon séjour dans la caserne, nous étions

 15   dans des pièces. Cela dépendait un peu. Dans certaines pièces, il y avait

 16   une vingtaine d'hommes, dans d'autres une trentaine. Je ne sais pas

 17   combien il y en avait exactement par pièce.

 18   S'agissant de l'alimentation d’un jour, un pain de 750 grammes

 19   était partagé entre 12 ou 14 hommes et un petit pâté de foie de volaille

 20   pour quatre hommes. C'est tout ce que nous recevions. La nourriture était

 21   de mauvaise qualité et terriblement insuffisante.

 22   Un jour, un représentant de la Croix-Rouge est entré dans la

 23   pièce et a posé des questions. Il a demandé si on nous emmenait

 24   travailler, comment nous étions alimentés, comment nous dormions. Pour

 25   dormir, certains avaient une espèce de litière, d'autres n'avaient rien.


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  1   Certains mettaient sous leur tête une veste, s'ils en avaient une. S'ils

  2   n'avaient rien, ils ne mettaient rien.

  3   Cet homme de la Croix-Rouge m'a demandé comment nous étions

  4   nourris et si on nous emmenait creuser des tranchées. Un prisonnier a dit

  5   que la nourriture était mauvaise. Le représentant de la Croix-Rouge l’a-t-

  6   il noté ou pas, je ne le sais pas. Mais en tout cas, après le départ du

  7   représentant de la Croix-Rouge, cet homme a été frappé et passé à tabac

  8   très sévèrement parce qu'il avait dit que la nourriture n'était pas bonne.

  9   Les jeunes allaient tous les jours creuser des tranchées, mais

 10   pas moi. On ne m'emmenait pas, je peux vous le dire.

 11   Mais parmi les jeunes qui allaient creuser des tranchées, je

 12   sais que Hasan Karahmet est mort. Lui est mort. Salko Sejdzic et

 13   Avdo Palavlija ont été blessés en creusant des tranchées et

 14   Hassan Karahmet a été tué.

 15   M. Harmon (interprétation). - Merci. Maintenant, pourriez-vous

 16   dire aux Juges ce que vous avez vécu dans le village de Rotilj ?

 17   Témoin AA (interprétation). - J'ai vécu a Rotilj du 20 septembre

 18   jusqu'au 21

 19   avril 1994. Pendant toute la durée de mon séjour à Rotilj, Caritas a

 20   distribué 5 kilos de farine et une boîte de conserve assez grande par

 21   personne plus un savon. Cette distribution a eu lieu deux fois jusqu'au 21

 22   avril 1994.

 23   La nourriture était absolument insuffisante. Ce que nous

 24   mangions le plus était des pomme de terre. Le 20 avril 1994, à la radio de

 25   Kiseljak, il a été annoncé que les personnes les plus âgées pouvaient


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  1   rentrer dans leur famille.

  2   Immédiatement, je suis allé au barrage routier, au poste de

  3   contrôle où se trouvait Simo Komcic, du village de Borni. Il m'a demandé 

  4   où j'allais. J'ai répondu  que j'avais entendu que les personnes les plus

  5   âgées pouvaient rentrer dans leur famille. Il m'a dit que c'était exact.

  6   J'ai donc dit : "Je dois partir". Il m'a dit : "Je t'en prie, mais

  7   simplement fait le savoir à la police". Je suis allé à la police de

  8   Kiseljak et l'agent de garde m'a dit : "Que voulez-vous ?"

  9   M. Harmon (interprétation). - Témoin AA, avant de parler de

 10   votre départ de Rotilj, j'aimerais vous demander de décrire plus en

 11   détail, à l'intention des Juges, les événements que vous avez vécus a

 12   Rotilj. Plus précisément, j'aimerais que vous parliez des conditions de

 13   logement mises à la disposition des Musulmans et que vous disiez si les

 14   Musulmans étaient autorisés à quitter le village.

 15   Témoin AA (interprétation). - Les conditions de logement étaient

 16   nulles et personne n'avait le droit de partir. On avait le droit de

 17   circuler simplement d'une maison à une autre, mais personne n'avait le

 18   droit de sortir du village.

 19   Quant aux conditions de logement, comme je vous l'ai dit, cela

 20   dépendait de l'endroit où on trouvait une place. Quelqu'un nous donnait de

 21   temps en temps une couverture ou un édredon, mais cela dépendait. C'est

 22   comme cela que les choses se sont passées jusqu'à la fin de mon séjour à

 23   Rotilj.

 24   M. Harmon (interprétation). - Les lieux d'habitation étaient-ils

 25   surpeuplés ?


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  1   Témoin AA (interprétation). - Il arrivait qu'il y ait 30 ou

  2   40 personnes dans une

  3   seule maison. Les maisons n'avaient qu'un étage. Il n'y avait donc pas de

  4   place et pour faire la cuisine et pour dormir. On faisait la cuisine à

  5   l'extérieur, dehors. On cuisait des légumes la plupart du temps.

  6   M. Harmon (interprétation). - Y avait-il de l'électricité, du

  7   chauffage dans les maisons ou un tel luxe était inconnu ?

  8   Témoin AA (interprétation). - Il était impossible de se

  9   chauffer, sauf si on trouvait du bois à la rigueur, mais sinon rien du

 10   tout.

 11   M. Harmon (interprétation). - Pendant votre séjour dans le

 12   village de Rotilj, le HVO venait-il tous les jours dans le village ?

 13   Forçait-il les Musulmans à creuser des tranchées et à accomplir d'autres

 14   travaux forcés ?

 15   Témoin AA (interprétation). - Ils venaient tous les jours, le

 16   matin à partir de 6 heures et demi et, le soir, ils restaient jusqu'à 6

 17   heures et demi. A 6 heures et demi du soir, ils rentraient chez eux. Mais

 18   tous les jours, des hommes allaient creuser des tranchées, qu'il pleuve ou

 19   pas, qu'il fasse froid ou pas. Tous les jours, ils y allaient.

 20   M. Harmon (interprétation). - Etait-ce le HVO qui empêchait les

 21   Musulmans de sortir du village de Rotilj ?

 22   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas, on ne pouvait

 23   aller nulle part. Il était impossible de sortir, et surtout personne

 24   n'osait sortir du village de Rotilj. Il fallait qu'un échange soit

 25   organisé pour pouvoir sortir.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce qui

  2   est advenu du cheptel qui était dans le village et de l'argent que les

  3   différents prisonniers possédaient.

  4   Témoin AA (interprétation). - Dans tout le village de Rotilj, il

  5   n'y avait plus une seule vache ni un autre animal, poulet, cheval. Ils ont

  6   tout pris.

  7   M. Harmon (interprétation). - Les résidents musulmans du village

  8   de Rotilj ont-ils subi des attaques physiques ou non ?

  9   Témoin AA (interprétation). - Ils venaient le soir. Les soldats

 10   du HVO venaient le soir. Ils cherchaient de l'argent et des femmes. Ils

 11   ont pris de l'argent de certaines personnes, pas le mien parce que je n'en

 12   avais pas. Oui, ils venaient.

 13   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous été forcé à des tâches

 14   de travaux forcés par des soldats du HVO ?

 15   Témoin AA (interprétation). - Oui, Pendant trois ou cinq jours,

 16   je ne me rappelle plus très bien, on m'a forcé à ramasser des ordures et à

 17   les charger dans un véhicule. Le 3 janvier 1994, j'étais à Kresevo, enfin

 18   au carrefour, et j'ai entendu un groupe de soldats qui arrivait de la

 19   caserne. J'ai vu, quand ils se sont approchés, qu'ils étaient huit et

 20   portaient des uniformes. Un avait un accordéon et en jouait. Les trois

 21   autres avaient des guitares et les autres chantaient.

 22   Un autre, dont le surnom était Piuk, avait une tête plantée sur

 23   un pic. Lorsque j'ai vu cela, j'ai eu une attaque. On m'a emmené chez le

 24   médecin, Pero Lovric, c'était son nom. Après cela, on ne m'a plus forcé à

 25   exécuter des travaux forcés.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Ces soldats dont vous venez de

  2   parler, et qui étaient en procession avec cette tête plantée sur ce pic,

  3   étaient-ils en train de le faire en plein jour ?

  4   Témoin AA (interprétation). - Oui, c'était en plein jour. Ils

  5   ont traversé Kiseljak d'un bout à l'autre de la ville. Je ne sais pas d'où

  6   ils venaient, d'où venait cette tête. En fait, ils l'ont amenée de

  7   Kresevo, d'un endroit qui s'appelait Debeli Brijeg, mais je n'avais jamais

  8   entendu parler de cet endroit avant.

  9   M. Harmon (interprétation). - Savez-vous si cette tête était

 10   celle d'un Musulman ? L'ont-ils dit ?

 11   Témoin AA (interprétation). - Ils ont dit que c'était un

 12   "balja", un Musulman.

 13   M. Harmon (interprétation). - Ces soldats, que vous avez vus

 14   dans cette procession, essayaient-ils de dissimuler cette tête du public

 15   ou de la police ou d'autres personnes

 16   de la ville, ou bien la montraient-ils ?

 17   Témoin AA (interprétation). - Non. Ils étaient très fiers. Ils

 18   ont traversé Kiseljak, ils jouaient de la musique. Ils brandissaient cette

 19   tête. Ils tiraient des coups de feu. Ils ne cachaient rien en tout cas.

 20   M. Harmon (interprétation). - Les autorités militaires ou la

 21   police ont-elles tenté de les arrêter, de confisquer cette tête ?

 22   Témoin AA (interprétation). - Je n'ai pas vu, on m'a emmené chez

 23   le médecin alors je n'ai pas vu si oui ou non on a essayé de les arrêter.

 24   M. Harmon (interprétation). - Très bien. Puis, finalement -et

 25   vous pouvez répondre par oui ou par non à cette question-, vous avez


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  1   quitté Rotilj avec un laissez-passer qui vous permettait de rendre visite

  2   à des proches et vous n’êtes jamais revenus à Rotilj par la suite, n’est-

  3   ce pas ?

  4   Témoin AA (interprétation). - Non, non, c’est exact. Lorsque je

  5   suis allé voir la police et que j'ai demandé si je pouvais rendre visite à

  6   ma famille, on m'a demandé ma date de naissance. J'ai donc dit que j'étais

  7   né en 1927. On m’a répondu que je pouvais effectivement aller rendre

  8   visite à la famille. On m'a demandé où je voulais aller. J'ai répondu

  9   « Visoko ». Ils ont dit non. J’ai demandé : « mais alors, où puis-je

 10   aller ? ».

 11   M. Harmon (interprétation). - Après cette conversation, vous

 12   avez quitté la municipalité de Kiseljak pour ne jamais y revenir n'est-ce

 13   pas ?

 14   Témoin AA (interprétation). - Non. Oui, c’est exact. Je n'y suis

 15   jamais retourné.

 16   M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie beaucoup pour

 17   votre témoignage. Monsieur le Président, j'en ai terminé.

 18   M. le Président. - Merci, monsieur le Procureur. Je suppose que

 19   vous demandez le versement de cette pièce, de cette photo ?

 20   M. Harmon (interprétation). - C'est déjà fait, Monsieur le

 21   Président, elle a déjà été

 22   versée. Il s’agit de la pièce 75.

 23   M. le Président. - Je me tourne vers la défense. Maître Nobilo ?

 24   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 25   Bonjour Témoin AA. Je voudrais vous poser certaines questions quant au


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  1   village de Visnjica. Combien y avait-il de maisons croates et musulmanes,

  2   approximativement ?

  3   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas, c'était un village

  4   mixte. Je n'ai jamais compté combien il y avait de maisons. Elles étaient

  5   mélangées, mais il y avait plus de Musulmans que de Croates.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait dix,

  7   quinze ou vingt soldats de la Défense territoriale dans votre village.

  8   Cependant, dans une déclaration antérieure vous avez dit qu'il y avait

  9   trente personnes dans cette unité.

 10   Témoin AA (interprétation). - Excusez-moi, je ne m'en souviens

 11   pas parce que je n'étais pas membre de la Défense territoriale ou de tout

 12   autre unité armée, donc je ne les ai pas comptés. Je ne pourrais pas vous

 13   aider sur ce point, je ne sais pas.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous avoir dit qu'il

 15   y avait trente soldats lorsque vous avez parlé à l'enquêteur du Bureau du

 16   Procureur ?

 17   Témoin AA (interprétation). - Peut-être qu'il y en avait, vingt,

 18   trente ou vingt-cinq. Je ne les ai pas comptés.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Avant ce conflit, y avait-il des

 20   réfugiés de Vilalovci, de Pozetva, près de Konjic qui sont venus vivre

 21   dans votre village ?

 22   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Combien environ ?

 24   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas combien de Pozetva,

 25   mais je sais qu'il y avait un homme avec sa famille.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Des Musulmans sont-ils venus de

  2   l'Est de la Bosnie,

  3   de Foca ?

  4   Témoin AA (interprétation). - La personne qui est venue de

  5   Visegrad est venue rendre visite à sa famille.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Mais y avait-il d'autres Musulmans

  7   réfugiés dans votre village ?

  8   Témoin AA (interprétation). - Oui, il y en avait quelques-uns de

  9   Rakovica.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Vous souvenez-vous si en juillet

 11   1993, certains Croates expulsés sont venus de Fojnica, environ cinq mille

 12   Croates qui seraient venus de cet endroit ?

 13   Témoin AA (interprétation). - Cinq mille ? Cela, je ne m’en

 14   rappelle pas.

 15   M. Nobilo (interprétation). - En juillet 1993, qui venaient de

 16   Fojnica.

 17   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas combien de

 18   personnes sont venues à ce moment-là.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous combien de soldats

 20   croates il y avait dans votre village ?

 21   Témoin AA (interprétation). - Non, je ne sais pas.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire avec

 23   précision, en avril 1993, lorsque les combats au débuter, quand les

 24   combats ont-ils véritablement débuté, à quelle date précisément ?

 25   Témoin AA (interprétation). - Les combats ont commencé en avril


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  1   1993. Pour la première, j'ai vu des soldats du HVO portant des armes et

  2   entrant dans la ville au crépuscule du 19 avril, puis le 20 ils sont tous

  3   arrivés.

  4   M. Nobilo (interprétation). - A quelle heure les combats ont-ils

  5   commencé ?

  6   Témoin AA (interprétation). - A 5 heures du matin.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'avant la tombée

  8   de la nuit, le 19, des

  9   civils musulmans sont sortis du village des membres de la Défense

 10   territoriale. Pouvez-vous nous dire dans quelle direction ils sont allés ?

 11   Témoin AA (interprétation). - Ils sont allés vers Crnjici dans

 12   la municipalité de Kresevo.

 13   M. Nobilo (interprétation). - En janvier 1993, dans ce fameux

 14   silo dont vous avez parlé, un Musulman appelé « Fejzic » a monté un

 15   barrage à ce moment-là, afin de contrôler l'entrée du village. Le savez-

 16   vous ?

 17   Témoin AA (interprétation). - Je connais l'existence du silo,

 18   mais je ne connaissais pas l'existence de cette barrière.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Mais y avait-il une barrière ici ?

 20   Témoin AA (interprétation). - Oui, mais elle était un peu plus

 21   éloignée, un peu plus au-dessus du silo, environ 40 mètres.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Etait-elle occupée par des membres

 23   de la Défense territoriale ?

 24   Témoin AA (interprétation). - Par des Musulmans ? Non.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Alors, qui la contrôlait ?


Page 6684

  1   Témoin AA (interprétation). - C’était le HVO qui la contrôlait.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de Begovic, cet

  3   homme de Visegrad qui a été enterré dans ce cimetière. Savez-vous dans

  4   quelles circonstances il a été tué, ainsi que les autres personnes ? En

  5   avez-vous entendu parler ?

  6   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas comment ils ont été

  7   tués, je ne l'ai pas vu. J'ai vu simplement comme Bajro Palavlija a été

  8   tué.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Oui, vous l'avez dit.

 10   Témoin AA (interprétation). - Les autres, je n'ai pas vu comment

 11   ils ont été tués.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que ce commandant du

 13   HVO conduisait

 14   une voiture volée, une Lada volée. Comment le savez-vous ?

 15   Témoin AA (interprétation). - Je sais à qui elle a été volée, de

 16   Ibrahim Begovic. C’est à lui qu’elle a été volée.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de Rotilj et vous

 18   avez dit que c'était un camp.

 19   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Ce camp était-il entouré d'une

 21   barrière ou d'une barricade qui empêchait les gens de sortir ? Comment

 22   arrivez-vous à la conclusion que c'était bien un camp ?

 23   Témoin AA (interprétation). - J’en suis arrivé à cette

 24   conclusion parce que je ne pouvais pas quitter le village. Il y avait des

 25   soldats partout, tout autour. Je ne pouvais pas le quitter.


Page 6685

  1   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que la personne qui

  2   était surnommée « Pijuk » portait une tête sur une lance.

  3   Témoin AA (interprétation). - Oui.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous s'il était membre

  5   de Maturice ?

  6   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas. Je sais qu'il

  7   était de Brjnak, mais je ne peux pas vous dire très exactement le nom de

  8   l'endroit.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Mais vous savez qu'il appartenait

 10   à l'unité de Maturice ?

 11   Témoin AA (interprétation). - Oui.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous déjà vu Tihomir

 13   Blaskic ? Savez-vous quoi que ce soit sur lui  ?

 14   Témoin AA (interprétation). - Je ne l'ai jamais vu, je ne le

 15   connais pas du tout.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qu'il est jugé ici ?

 17   Témoin AA (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je

 18   ne sais rien sur lui. Je ne le connais pas, il ne me connaît pas et je ne

 19   peux rien dire sur lui.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Mais savez vous qu'il est jugé

 21   ici, maintenant ?

 22   Témoin AA (interprétation). - Je ne le sais pas.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, ceci

 24   conclut mon contre-interrogatoire.

 25   M. le Président. - Monsieur Harmon, voulez-vous préciser un


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  1   point ?

  2   M. Harmon (interprétation). - Oui. Témoin AA, au cours de votre

  3   interrogatoire principal, vous avez dit que les combats avaient commencé

  4   le 18 avril 1993 au matin dans votre village. Lorsque vous avez répondu à

  5   la question de Me Nobilo, vous avez dit que les combats avaient commencé

  6   le matin du 19 avril.

  7   Pourriez-vous simplement vous concentrer une minute sur ce point

  8   pour éclaircir cette date pour nous ? Quel jour les combats ont-ils

  9   commencé ? Le 18 ou le 19 ?

 10   Témoin AA (interprétation). - Le HVO a attaqué le village de

 11   Visnjica le 18 avril et non le 19.

 12   Certains sont arrivés au village, mais pas tous.

 13   M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, Témoin AA, je n'ai

 14   plus de questions.

 15   M. le Président. - Monsieur le juge Shahabuddeen n’a pas de

 16   question. Je n'ai pas non plus de question. Vous avez été très précis,

 17   témoin AA, très complet pour relater ces événements qui évoquent de

 18   grandes souffrances pour vous. Le Tribunal tient à vous remercier d’être

 19   venu jusqu’ici.

 20   Vous allez à présent pouvoir rentrer chez vous et essayez de

 21   trouver le calme et la sérénité, si vous le pouvez. Vous ne bougez pas

 22   pour l'instant. Nous allons donc lever notre séance.

 23   Cet après-midi nous la reprendrons à 16 heures puisque nous

 24   avons une conférence ex parte que nous fixons à 14 heures 45. Ensuite,

 25   nous reprendrons les dépositions à 16 heures.


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  1   J'indique que demain après-midi, il n'y aura pas d'audience. Je

  2   souhaiterais donc, je le dis pour les interprètes, commencer demain matin

  3   à 9 heures si c'est possible, pour vraisemblablement essayer d'aller

  4   jusqu'au bout de nos travaux à 12 heures 30. J'invite monsieur le

  5   Procureur à faire en sorte que les quatre témoins n’aient pas à passer le

  6   week-end ici.

  7   L’audience est levée.

  8   L’audience est suspendue à 12 heures 45.

  9   L’audience est reprise à 17 heures 30.

 10   M. le Président. - L'audience est reprise. Nous introduisons

 11   l'accusé, monsieur le greffier.

 12   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

 13   M. le Président. - Je désirerais d'abord, dans premier temps,

 14   rassurer nos amis interprètes, je ne vais pas leur faire subir un régime

 15   tyrannique mais je trouvais convenable, à l'égard du général Blaskic,

 16   l'accusé, qui a attendu tout l'après-midi, de commencer au moins cet

 17   après-midi.

 18   Je vous propose d'aller jusqu'à 18 heures. Demain, nous

 19   reprendrons à 9 heures 15 et non pas 9 heures.

 20   Sans plus attendre, monsieur le Procureur, vous avez la parole.

 21   M. Harmon (interprétation). - Merci. Bonjour, Monsieur le

 22   Président, bonjour au conseil de la défense, bonjour monsieur le Juge.

 23   Le témoin suivant, monsieur le Président, est un témoin protégé.

 24   Il sera désigné par le pseudonyme BB et a demandé une déformation de son

 25   image sur l'écran. Le témoin BB est un Musulman de Bosnie qui habitait


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  1   dans la municipalité de Busovaca.

  2   M. le Président. - Je croyais que c'était AB. Vous allez faire

  3   CC, DD, mais c'est votre choix et ce n'est pas capital.

  4   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je me

  5   conforme au désir du greffe qui m'a proposé BB et j'ai eu grand plaisir à

  6   me soumettre.

  7   M. le Président. - Monsieur MD, nous ferons comme vous l'avez

  8   voulu. (rires) Alors témoin BB…

  9  

 10   M. Harmon (interprétation). - Monsieur BB est un Musulman de

 11   Bosnie. Il vient de la municipalité de Busovaca, du village de Jelinak. Il

 12   témoignera sur quatre points, monsieur le Président.

 13   Premièrement, sur le fait qu'en janvier 1993, le HVO a désarmé

 14   les résidents du village de Zonak en les assurant qu'ils seraient protégés

 15   en cas d'encerclement.

 16   Deuxièmement, il témoignera des événements survenus le

 17   15 avril 1993, lorsque lui-même et d'autres Musulmans du village de

 18   Jelinak ont été arrêtés et emmenés dans le camp de Kaonik.

 19   Troisièmement, il témoignera du fait qu'il a été maintenu en

 20   détention dans le camp de Kaonik depuis le 15 avril jusqu'au 19 juin 1993.

 21   Il décrira les conditions dans lesquelles il a été détenu par le HVO et

 22   identifiera un grand nombre de localités où lui-même et d'autres civils

 23   hommes bosniaques ont été forcés de creuser des tranchées.

 24   Enfin, il témoignera du fait qu'il a vu Dario Kordic dans le

 25   camp de Kaonik à un certain moment au cours de sa captivité.


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  1   Voilà donc en résumé, les domaines sur lesquels il témoignera.

  2   Monsieur le Président et monsieur le Juge Shahabuddeen :

  3   le chef d'accusation n° 1, "Persécutions", paragraphe 6/4, 6/5

  4   sont concernés, le chef "Traitements inhumains de civils", paragraphe 6/7,

  5   ainsi que "Le transfert de civils", puis les chefs d'accusation 15 et 16,

  6   "Traitements cruels et inhumains de détenus", paragraphe 13 et 14, les

  7   chefs 17 et 18, "Otages", paragraphe 15, les chefs 19 et 20, "Boucliers

  8   humains", paragraphe 16.

  9   Voilà la conclusion de mes remarques liminaires, monsieur le

 10   Président.

 11   M. le Président. - J'ai tout noté. Je surveillerai,

 12   maître Harmon, les quatre points que vous avez indiqués.

 13   Nous pouvons donc introduire le témoin BB, protection de la voix

 14   et du visage ?

 15  

 16   Très bien, alors allons y.

 17   M. Harmon (interprétation). - Simplement, la déformation du

 18   visage, monsieur le Président, pas de la voix.

 19   M. le Président. -  Merci, on peut  commencer.

 20   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

 21   M. le Président. -  M'entendez-vous ? Témoin BB, le président

 22   vous parle. Vous m'entendez ?

 23   Témoin BB (interprétation). - Oui, je vous entends.

 24   M. le Président. - Nous allons vous désigner par les lettres BB.

 25   Auparavant, vous allez identifier votre nom sans le prononcer sur le


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  1   document que va vous tendre M. le greffier. C'est bien votre nom ? Ne le

  2   prononcez pas ?

  3   Témoin BB (interprétation). - Oui.

  4   M. le Président. -  Vous allez prêter serment dans votre langue.

  5   Vous lisez le serment. Allez-y.

  6   Témoin BB (interprétation). - Je déclare solennellement que je

  7   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  8   M. le Président. - Merci, vous avez accepté de témoigner à la

  9   demande du Procureur dans le procès intenté contre l'accusé le

 10   général Blaskic, ici  présent.

 11   Vous allez répondre à quelques questions préalables

 12   d'identification du Procureur sans dévoiler, bien entendu, les éléments

 13   cachées et occultés que le Tribunal a accepté, à votre bénéfice, de

 14   prendre comme mesure. Vous allez nous parler sur quatre points, notamment

 15   le désarmement par le HVO des habitants de Jonak, le camp de Kaonik, vos

 16   conditions de ce camps après les conditions d'arrestation et, enfin,

 17   comment et dans quelles conditions vous avez

 18   vu Dario Kordic. Encore que je rappelle qu'il ne s'agit pas du procès de

 19   Dario Kordic mais de celui du général Blaskic.

 20   Monsieur le Procureur, quelques questions préalables, nous avons

 21   un quart d'heure et vous reviendrez probablement demain. Nous allons

 22   commencer le témoignage. Monsieur le Procureur, allez-y…

 23   M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 24   Bonjour, Témoin BB..

 25   Témoin BB (interprétation). – Bonjour.


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  1   M. Harmon (interprétation). – Je vais maintenant vous poser

  2   quelques questions préliminaires. Quel âge avez-vous ?

  3   Témoin BB (interprétation). – Trente et un ans.

  4   M. Harmon (interprétation). – Etes-vous ressortissant de

  5   Bosnie ?

  6   Témoin BB (interprétation). - Oui.

  7   M. Harmon (interprétation). – Etes-vous de confession

  8   musulmane ?

  9   Témoin BB (interprétation). - Oui.

 10   M. Harmon (interprétation). – En avril 1993, viviez-vous dans le

 11   village de Jelinak, dans la municipalité de Busovaca ?

 12   Témoin BB (interprétation). - Oui.

 13   M. Harmon (interprétation). – En fait, vous viviez à la

 14   périphérie du village, n'est-ce pas ?

 15   Témoin BB (interprétation). - Oui.

 16   M. Harmon (interprétation). – En avril 1993, faisiez-vous partie

 17   de la Défense territoriale ?

 18   Témoin BB (interprétation). - Oui.

 19   M. Harmon (interprétation). – J'aimerais maintenant vous

 20   interroger au sujet de

 21   quatre grandes questions.

 22   D'abord sur l'ultimatum de janvier 1993, la restitution des

 23   armes par les Musulmans du village de Jelinak : pouvez-vous, je vous prie,

 24   en utilisant vos mots à vous, expliquer aux juges dans quelles conditions

 25   les Musulmans de Jelinak ont rendu leurs armes.


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  1   Témoin BB (interprétation). - Oui, en janvier, en tout cas au

  2   moment où le conflit a eu lieu, je devais me rendre à mon entreprise pour

  3   toucher mon salaire. Mais j'ai entendu des détonations très fortes, des

  4   coups de feu, de sorte que je n'ai pas eu le courage de poursuivre mon

  5   chemin. Ces coups de feu se rapprochaient de plus en plus de l'endroit où

  6   je me trouvais. J'étais donc assez terrorisé.

  7   Certains des nôtres, des Musulmans, sont venus chez moi parce

  8   qu'il était prévu de tenir une réunion dans le village de Jelinak. J'y

  9   suis allé, et cette réunion portait sur la restitution des armes. En fait,

 10   jusqu'à ce moment-là je ne savais pas qu'il était question de rendre les

 11   armes. J'ai vu un certain Mario, je ne me rappelle pas son nom de famille,

 12   qui a dit qu'il fallait rendre les armes et qu’eux-mêmes nous

 13   garantissaient la sécurité.

 14   La réunion a eu lieu. Nous ne savions vraiment pas quoi faire,

 15   mais finalement la majorité s'est prononcée en faveur de la restitution

 16   des armes. Moi-même et un certain Jasmin n'étions pas d'accord. Il

 17   possédait un fusil automatique qu'il avait reçu à Zenica. C'était en fait

 18   la propriété de la Défense territoriale. Le mien, je l'avais trouvé dans

 19   une maison serbe, sous le lit, sur le lieu des combats à Maglaj.

 20   J'ai donc vu arriver Mario, accompagné de deux soldats. Ils

 21   étaient dans une voiture dont je ne me rappelle pas la marque, et quelques

 22   armes, peu nombreuses, ont été regroupées sur une route.

 23   Je suis rentré chez moi et j'ai été arrêté dans un lieu appelé

 24   Meraja. Ce sont des soldats du HVO qui m’ont arrêté et qui m'ont dit que

 25   normalement j'aurais dû porter sur moi un laissez-passer qui me permettait


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  1   d'aller d'un village à un autre. Cela m'a paru ridicule parce que

  2   jamais nous n'avions eu besoin d'un laissez-passer de ce genre.

  3   Stipo Andrijasevic est arrivé à ce moment là. C'était aussi un

  4   habitant de Jelinak, qui avait un certain rôle de direction dans le

  5   village. Il a dit : “ Il n'y a pas de problème, vous pouvez le laisser

  6   passer. ”

  7   Excusez-moi...

  8   Il nous a dit ensuite que nous nous en étions bien sortis. J'ai

  9   vu à ce moment-là que le village de Kovacevac était déjà en flammes. Il

 10   avait déjà été investi. D'après les mots que cet homme a prononcés,

 11   j'étais censé croire à une certaine sécurité, mais je n'y croyais pas

 12   beaucoup. Il nous a donc dit que nous nous en étions bien sortis, que nous

 13   avions bien fait de remettre les armes parce que cela nous éviterait de

 14   vivre le même sort que le village de Kovacevac. Nous n'avons pas fait de

 15   commentaires et nous avons poursuivi notre chemin. Nous sommes rentrés

 16   chez nous.

 17   M. Harmon (interprétation). – J'aimerais vous poser quelques

 18   questions à titre d'éclaircissement : vous avez parlé d'un homme que vous

 19   avez appelé Mario et vous avez dit qu'il était arrivé accompagné de deux

 20   autres hommes. Mario était-il un soldat du HVO ? Quels vêtements portait-

 21   il ?

 22   Témoin BB (interprétation). - Il portait un uniforme de

 23   camouflage sur lequel il y avait un insigne, l'insigne du HVO, sur le bras

 24   gauche. Il avait un fusil automatique, il avait des grenades, en fait tout

 25   l'équipement de guerre au complet.


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  1   A ce moment-là, il y avait encore des coups de feu dans le

  2   village de Putis et de Nedan. J'étais seul à la maison, ma mère était à

  3   Jelinak, dans le village, chez sa mère à elle. Mon frère, ma soeur et mon

  4   frère cadet étaient partis, ils étaient allés à Nemila, après Zenica.

  5   M. Harmon (interprétation). – Après être parti du village

  6   Jelinak, vous avez été arrêté par Stipo Andrijasevic, et par des soldats,

  7   dans un lieu appelé Meraja. Combien y avait-il de soldats à cet endroit-là

  8   et comment étaient-ils habillés ?

  9   Témoin BB (interprétation). - Il y avait une trentaine de

 10   soldats à cet endroit-là.

 11   Je ne me souviens pas du nombre exact, mais c'est à peu près

 12   cela. J'ai remarqué seulement trois soldats qui portaient l'insigne HV.

 13   Ils venaient de la municipalité de Busovaca et portaient l’insigne HV,

 14   c'est-à-dire l'insigne de l'armée de Croatie. Il y avait déjà des soldats

 15   d’Herceg-Bosna à cet endroit-là. Par la suite, j'ai appris

 16   qu'effectivement un grand nombre des soldats d’Herceg-Bosna avaient

 17   participé aux opérations. J'ai même entendu dire qu'il y avait eu des

 18   meurtres sur le territoire de Kula. Tout cela, je l'ai attendu au moment

 19   de la trêve. J'ai entendu dire que le frère d’Ismet Medjusezjac, mon

 20   professeur, avait été tué ; je ne connais pas son nom.

 21   M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que nous parlions du

 22   15 avril 1993. Pouvez-vous, je vous prie, dire aux Juges quelles ont été

 23   les circonstances de votre arrestation et de celle des autres Musulmans du

 24   village de Jelinak ?

 25   Témoin BB (interprétation). - Le 15 avril, les coups de feu ont


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  1   commencé aux alentours de 18 heures 30, 19 heures. A ce moment-là, je me

  2   trouvais dans le village de Loncari. Quand j'ai entendu les coups de feu,

  3   j'ai pris le chemin du retour pour rentrer chez moi. A la maison, j'ai

  4   regardé la télévision et j'ai vu qu'un certain Totic avait disparu. Moi,

  5   je ne le connais pas personnellement. Je ne peux pas affirmer si ce fait

  6   était vrai ou faux mais, en tout cas, c'est ce qui a été dit.

  7   A la maison, je n'ai pu boire qu’un café, je n'ai même pas pu

  8   dîner, quelqu'un a frappé à la porte. Ma soeur s'est dirigée vers la porte

  9   et elle est revenue en larmes en disant : «Il faut sortir, il y a des

 10   soldats qui te demandent». Je suis sorti, je n'ai pas pu les reconnaître

 11   parce qu'ils portaient des bas sur le visage. Certains portaient le bonnet

 12   de laine avec des trous pour les yeux et une ouverture pour le nez.

 13   Je n'ai pas reconnu Pero, dont je ne me rappelle pas exactement

 14   le nom de famille, et Predrag surnommé Predo qui représentait le MUP à

 15   Busovaca. Pero, lui, c'était un voisin de

 16   Jelinak. Predo s'est adressé à moi et il m’a dit qu'il fallait que j'aille

 17   à Busovaca pour avoir une conversation avec le fils d’Andrijasevic, Ivica,

 18   qui lui aussi avait des fonctions de commandement. Alors je les ai suivis,

 19   mon frère aussi parce qu'ils ont aussi arrêté mon frère.

 20   Nous sommes arrivés sur la route qui se trouvait devant la

 21   maison où ils ont pris le chemin des autres maisons environnantes pour

 22   rassembler d'autres hommes qui se trouvaient eux aussi dans leur maison.

 23   Mais la majorité d'entre eux n'étaient pas chez eux à ce moment-là puisque

 24   certains s'étaient déjà cachés et d’autres déjà enfuis. Ils ont donc

 25   réussi à attraper Nesib Osmancevic, Kadir, Adil, un invalide qui est sorti


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  1   par ses propres moyens, et il m’a dit plus tard qu'il y avait des gens qui

  2   étaient cachés dans la cave chez lui, donc lui il est sorti tout de suite.

  3   Ils l'ont pris, ils nous ont tous fait entrer dans la voiture.

  4   Ils nous ont emmenés dans la caserne de l'ex JNA à Kaonik. Là-

  5   bas, immédiatement, nous avons été fouillés. Ils nous ont alignés contre

  6   le mur, le visage contre le mur, les bras en l'air et appuyés contre le

  7   mur avec les doigts écartés.

  8   M. Harmon (interprétation). - Témoin BB, avant que nous ne

  9   parlions des événements survenus à Kaonik, puisqu'il ne reste que quelques

 10   minutes, j'aimerais vous poser quelques questions pour éclaircir un petit

 11   peu ce que vous avez déjà dit dans votre déposition.

 12   Les hommes, qui vous ont arrêtés, vous, votre frère et les

 13   autres hommes, étaient-ils des soldats du HVO ?

 14   Témoin BB (interprétation). - Oui.

 15   M. Harmon (interprétation). - Comment étaient-ils habillés ?

 16   Témoin BB (interprétation). - Ils portaient des vêtements de

 17   camouflage avec l'insigne du HVO.

 18   M. Harmon (interprétation). - Vous avez identifié un certain

 19   nombre d’hommes qui ont été arrêtés. Les hommes arrêtés étaient-ils tous

 20   des Musulmans ?

 21   Témoin BB (interprétation). - Oui.

 22   M. Harmon (interprétation). - La zone dans lesquelles vous avez

 23   vu des soldats croates arrêtant ces Musulmans se situait sur la route

 24   entre Jelinak et la grande route. Ces maisons étaient-elles sur cette

 25   route qui se trouve entre Jelinak et la grande route ?


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  1   Témoin BB (interprétation). - Oui.

  2   M. Harmon (interprétation). - Combien de soldats du HVO sont

  3   venus chez vous vous arrêter ?

  4   Témoin BB (interprétation). - Cinq à six soldats.

  5   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, il est

  6   18 heures et je suis arrivé au terme des questions que je voulais poser au

  7   témoin aujourd'hui.

  8   M. le Président. - Je vous félicite, Maître Harmon, pour avoir

  9   été parfaitement concis. Comme je ne le félicite pas parfois, il est

 10   normal que je le fasse maintenant. C’est ainsi qu’il convient de faire

 11   l’interrogatoire ; il faut lui faire préciser, confirmer et au besoin

 12   préciser.

 13   Nous ajournons. Demain, je le dis aux interprètes nous ne

 14   commencerons qu'à 9 heures 15.

 15   L’Interprète. - Merci, Monsieur le Président, pour le quart

 16   d’heure de grâce.

 17   M. le Président. - L'audience est levée.

 18   L’audience est levée à 18 heures.

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