Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Mardi 21 avril 1998

5

6 LE PROCUREUR

7 c/

8 TIHOMIR BLASKIC

9

10 L'audience est reprise à 14 heures 45.

11

12 M. le Président. – Faites entrer l’accusé.

13 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)

14 Maître, nous allons introduire à nouveau le témoin.

15 Maître Cayley, vous essayez de rester sur votre sommaire dans

16 vos questions. Nous nous en écartons parfois et il est vrai que si le

17 lieutenant-colonel veut nous détailler tous les mois qu'il a passés sur le

18 territoire, ce sera très long. Ce n'est pas parce qu'un témoin est jugé

19 capital par vous qu'il doit être forcément long. Il doit dire ce qu'il a à

20 dire. Vous essayez d'aller sur les points essentiels. Merci.

21 M. Cayley (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, je

22 comprends tout à fait. J'ai parlé au témoin et je lui ai dit qu'il devait

23 être le plus concis possible. Mais il est vrai qu'il a participé à un très

24 grand nombre d'événements et il est difficile de séparer les choses et de

25 ne mentionner que les plus pertinentes, mais il fera de son mieux.

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1 M. le Président. - Merci beaucoup, le Tribunal vous fait

2 confiance.

3 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

4 M. le Président. - Lieutenant-colonel, vous allez vous

5 réinstaller. Veuillez vous asseoir. Nous allons poursuivre sur

6 l’interrogatoire principal.

7 M. Cayley (interprétation). - Bonjour colonel. Comme nous

8 l'avons déjà dit, lorsque vous répondez à une de mes questions, je me

9 rends compte que vous avez beaucoup de choses à dire et que vous avez

10 participé à de nombreux événements, mais je vous demanderai à nouveau de

11 rester le plus concis possible, ainsi nous pourrons terminer votre

12 témoignage le plus rapidement possible, sans oublier quoi que ce soit,

13 bien entendu.

14 J'aimerais que nous revenions là où nous nous sommes arrêtés

15 hier. Nous parlions de la commission mixte de Busovaca. Je voudrais passer

16 à un point suivant, à savoir la question des qualités des infrastructures

17 de communication du HVO, des forces croates de Bosnie et de l'armée de

18 Bosnie. Quand je dis "communication", je ne parle pas seulement des

19 communications radio mais également des voies de communication, des routes

20 et des réseaux qui ont pu s'installer entre les différentes factions sur

21 le terrain. J'aimerais donc que vous nous parliez de cela brièvement.

22 M. Landry. - Il était apparent à l'époque de mars, avril et mai,

23 que la situation tactique sur le terrain semblait favoriser les troupes

24 HVO. Il faut rappeler que beaucoup d'éléments bosniaques musulmans étaient

25 encerclés, isolés et il était donc beaucoup plus facile à ce moment-là

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1 pour les HVO de pouvoir communiquer avec leurs troupes que pour les forces

2 bosniaques.

3 Je me rappelle qu'à plusieurs occasions M. Merdan devait

4 s'absenter pour un jour ou deux de façon à pouvoir communiquer des

5 instructions précises à certaines de ses sous-unités, ce qui ne semblait

6 pas être aussi difficile pour les unités et sous-unités HVO en Bosnie

7 centrale.

8 M. Cayley (interprétation). – Pourriez-vous rappeler qui était

9 M. Merdan ?

10 M. Landry. - M. Merdan était à ce moment-là commandant adjoint

11 du 3ème Corps et le représentant officiel du 3ème Corps à la commission de

12 Busovaca.

13 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'il y a une petite

14 erreur de traduction. Il était commandant-adjoint du 3ème Corps d'armée de

15 l’armée de Bosnie-Herzégovine, c'est bien cela.

16 M. Landry. – Oui, c'est cela.

17 M. Cayley (interprétation). - Très bien. Pour ce qui était des

18 voies de transports qui permettaient l'approvisionnement, pourriez-vous

19 dire aux juges qui avait l'avantage, qui contrôlait ces voies de

20 communication et pourquoi un tel contrôle était important.

21 M. Landry. - Encore une fois, lorsque vous regardez le

22 déploiement tactique des forces bosniaque musulmanes, vous vous apercevez

23 que ces derniers étaient en Bosnie centrale et étaient isolés. Au nord,

24 vous aviez les Serbes et au sud les HVO.

25 Les principales routes d'accès en Bosnie centrale étaient soit

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1 sous le contrôle serbe, soit sous le contrôle HVO.

2 M. Cayley (interprétation). – Pourrais-je donc dire qu'il était

3 plus simple pour le HVO d'approvisionner ses troupes que pour l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Landry. - Effectivement il était beaucoup plus facile pour

6 eux de se faire réapprovisionner. Et il faut comprendre également que la

7 majorité du ravitaillement ou de l'aide humanitaire qui devait être

8 acheminé pour la Bosnie centrale et la région de Tuzla devait passer pas

9 les régions sous contrôle HVO.

10 M. Cayley (interprétation). - Passons maintenant un autre sujet.

11 Et notamment au 12 avril 1993. Je crois qu'à ce moment là, vous avez eu la

12 possibilité de vous rendre à Travnik. Je vois que vous avez vos notes

13 devant les yeux Monsieur le Président, le témoin dispose d'un certain

14 nombre de carnets de notes. C'est ainsi d'ailleurs qu'un officier de

15 police utilise parfois ses notes pour se rafraîchir la mémoire, je crois

16 que le témoin fera de même. Je n'ai pas lu ces notes, le témoin les

17 utilisera simplement afin d'améliorer la qualité de ses souvenirs s'il a

18 besoin de le faire.

19 M. Hayman (interprétation). - Nous voulons que le Lieutenant-

20 colonel rafraîchisse sa mémoire afin de nous donner le témoignage le plus

21 précis possible lorsque je lui poserai des questions, je lui demanderai

22 comment il a utilisé ces notes car il se pourrait qu'effectivement ces

23 notes aient été lues au Bureau du Procureur et à ce moment là, nous

24 dirons que la défense devrait aussi avoir accès à ces notes au cours du

25 contre-interrogatoire mais je n'ai aucune objection pour cette marche à

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1 suivre pour l'instant.

2 M. le Président. - Monsieur le Procureur, avez-vous utilisé

3 vous-même ces notes du témoin ?

4 M. Cayley (interprétation). - Non. Je viens de vous le dire,

5 Monsieur le Président.

6 Monsieur Niemann ne me croit peut-être pas, il pourra le

7 demander au témoin mais je n'ai pas lu ces notes. Par conséquent il n'y a

8 pas de problème.

9 M. le Président. - Il y a pas d'objection à ce que le témoin

10 consulte ces notes et qu'ensuite la défense bien entendu ait l'occasion de

11 contre-interroger le témoin sur ce qu'il aura dit de ces notes, mais il

12 est acquis que le bureau du Procureur jusqu'à démonstration contraire, n'a

13 pas utilisé ces notes qui sont les notes personnelles du témoin. Bien.

14 Allez-y alors répondez aux questions.

15 M. Cayley (interprétation). - Lieutenant-colonnel, pourriez-vous

16 dire brièvement aux Juges, quels ont été les événements produits le

17 12 Avril 1993 et le 13 avril 1993 à Travnik ?

18 M. Landry. - Je vais chercher à être très bref mais je vais tout

19 de même devoir mentionner que la situation à Travnik commençait à se

20 détériorer aux alentours du 8 avril. C'est environ la période à laquelle

21 les bosniaques musulmans ont décidé d'adhérer au plan Vance-Owen, et à ce

22 moment la Travnik devenait la capitale de la province numéro 10 qui devait

23 être sous le haut contrôle des bosniaques Croates. A partir du 8 avril, il

24 y a eu des incidents qui se sont produits entre autres, des incidents qui

25 ont un rapport avec des drapeaux croates qui ont été levés à la mairie.

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1 Cela a dégénéré en des manifestations de la part des Musulmans. On a brûlé

2 ces drapeaux et deux Bosniaques musulmans ont été assassinés.

3 Du 8 au 12 ou 13 avril, les incidents ont déboulé. Suite à cela

4 il y a eu intervention de la police du côté HVO qui a fait des

5 représailles contre ces gens. On a voulu à voir des excuses, et en

6 l'espace de quelques jours, la situation à Travnik était tous simplement

7 incontrôlable. On nous a demandé de nous rendre sur les lieux pour bien

8 réaliser que la situation était tout à fait hors de contrôle. Les civils

9 avaient érigé des barrages routiers ; on détenait des gens de l'une ou

10 l'autre des ethnies. Il semblait que la ville de Travnik allait être

11 l'objet d'émeutes.

12 A ce moment là, avec l'aide dès Britbat, on a essayé d'établir

13 un genre de couvre-feu on a essayé d'avoir une présence de véhicules

14 blindés pour apaiser la situation, mais je dois vous avouer que la soirée

15 du 12 Avril s'est terminée aux petites heures lorsqu'on se promenait tard

16 du côté des militaires HVO des militaires bosniaques et du côté des

17 civils. Et je dois vous avouer que lors de cette rencontre, j'ai été

18 agréablement surpris de réaliser qu'il y avait un excellente relation

19 entre les militaires HVO et les militaires bosniaques. Rendez-vous compte

20 que Travnik était tout simplement sur la frontière Serbe, du moins à

21 l'intérieur du territoire bosniaque. Les relations entre les divers

22 éléments militaires étaient excellentes.

23 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à Travnik

24 le 12 avril, quelle était la position adoptée par les responsables

25 musulmans élus ?.

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1 M. Landry. - Ce qui n'aidait pas la situation c'est que les

2 Musulmans élus de la ville de Travnik venaient d'apprendre qu'il était

3 impossible qu'ils puissent demeurer dans cette position étant donné que

4 Travnik était supposé devenir la capitale de la province 10 qui était

5 croate, c'était tout simplement inacceptable que la mairie de Travnik soit

6 musulmane. On avait dit aux autorités qui avaient été légalement élues

7 musulmanes, de sortir de la mairie et de laisser les postes vacants à des

8 Croates.

9 M. Cayley (interprétation). - Avez vous tenté de négocier avec

10 le HVO sur ce point, sur le fait que le maire et son personnel avaient été

11 effectivement limogés par le HVO

12 M. Landry. - Il y a eu des discussions faites entre

13 l'ambassadeur Thebault et les représentants politiques de Travnik. A ce

14 moment là, on nous a dit simplement que c'était le Vance-Owen plan qui

15 avait été accepté et il était inacceptable que la capitale d'une province

16 croate ait une municipalité gérée par des Musulmans. C'est ce dont je peux

17 me rappeler de l’attitude et du comportement des autorités à ce moment-là,

18 bosniaque croate, de la ville de Travnik, ou de la province en devenir

19 numéro 10.

20 M. Cayley (interprétation). - Et pour éclaircir un point qui

21 apparaît dans la traduction, c'est le HVO qui a dit qu'il était tout à

22 fait acceptable d'avoir une autorité musulmane dirigeant la ville de

23 Travnik ? C'est cela ?

24 M. Landry. - Les autorités bosniaques croates ont dit qu'il

25 était inacceptable d'avoir la ville de Travnik, qu’elle soit gérée par des

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1 Musulmans.

2 M. Cayley (interprétation). - Allons de l'avant et passons au 14

3 avril. Je crois qu'à cette date, une plainte a été formulée par le HVO à

4 l'égard de la commission mixte de Busovaca. Elle avait pour objet

5 l'enlèvement d'officiers du HVO, de quatre officiers.

6 Je sais que les Juges ont déjà entendu parler de cette question,

7 mais je sais que vous avez participé de façon directe à ce qui s’est passé

8 à ce moment-là et je voudrais savoir si vous pouvez résumer quel a été

9 votre rôle, quelle a été l'enquête que vous avez menée et comment vous

10 avez réussi à obtenir la libération de ces officiers. Je voudrais

11 également que vous exprimiez votre opinion sur cet enlèvement,

12 l'enlèvement de ces quatre officiers.

13 M. Landry. - Effectivement, à cette période, mes notes révèlent

14 bien qu'il y a eu un protêt rapporté par les représentants HVO à la

15 commission à l'effet que des officiers croates avaient été enlevés de la

16 région du nouveau Travnik et par la suite, que le général commandant une

17 des brigades HVO à Zenica avait été enlevé aussi, un enlèvement qui avait

18 abouti aussi à la mort de quatre ou cinq de ses hommes de main qui le

19 protégeaient.

20 Naturellement, suite à ce protêt, tout a été fait pour essayer

21 de trouver où ces officiers HVO avaient été ou étaient. A cet effet, on a

22 pris contact avec les autorités bosniaques de Zenica pour nous donner le

23 droit de passage de façon à pouvoir faire les investigations sur

24 l'enlèvement de ces officiers.

25 A cette époque, on croyait que c'était des Mudjahidin qui

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1 avaient fait l'enlèvement et on était convaincu que les Mudjahidin avaient

2 une relation privilégiée avec la brigade musulmane qui était sous le

3 contrôle du 3ème Corps.

4 Ensuite, en étant conscient que Merdan, le commandant-adjoint du

5 troisième corps, avait des relations bien précises avec la brigade

6 musulmane, les quelques jours qui ont suivi ont été dédiés à essayer de

7 tracer la route qu'on croyait que les Mudjahidin avaient prise avec les

8 officiers en question. Cette route nous a amenés à Bogonjo, qui se trouve

9 être légèrement au sud-ouest de Zenica, au sud-ouest de Travnik, et pour

10 les deux ou trois jours qui ont suivi, j'ai été directement impliqué à

11 essayer de retracer ce qui s'était passé.

12 Malheureusement, nous n'avons eu aucun succès, nous n’avons pas

13 été en mesure de trouver les Mudjahidin, ou d’être en mesure de faire

14 libérer les officiers croates.

15 Il faut tout de même se rappeler et garder à l'esprit

16 qu'auparavant, à la fin du mois de mars, il y avait eu les mêmes protêts

17 de la part des Musulmans à l'effet qu'il y avait des Musulmans étrangers

18 de l'extérieur de la Bosnie qui avaient été capturés et étaient gardés

19 illégitimement par le HVO dans la prison militaire de Kaonik à l'intérieur

20 de Busovaca. C'est arrivé à deux occasions, lorsque deux petites groupes

21 de Musulmans avaient été capturés.

22 Toujours est-il qu'au mois de mai, on a été contacté par des

23 Mudjahidin. Etant donné que j'étais le seul qui parlait Français à ce

24 moment-là, à l'exception de l'Ambassadeur Thebault au centre régional,

25 c'est moi qui ai servi de traducteur et qui ai agi en tant que négociateur

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1 avec le Mudjahidin. Ce dernier venait d'Algérie. Finalement, on a appris

2 que ces gens-là avaient capturé les officiers croates et, en retour de

3 l'échange de cinq officiers croates, exigeaient la libération de dix ou

4 onze Musulmans qui étaient détenus à Kaonik. Toujours est-il qu'avec

5 l'aide de la Croix-Rouge, avec l'aide de la Forpronu, on a réussi à faire

6 libérer les Croates en échange des Musulmans.

7 Etant donné que le quartier général de cette opération de

8 négociation était Zenica, les officiers croates ont été libérés à Zenica

9 et j'étais présent à ce moment-là lorsque les officiers Croates ont été

10 libérés en échange des officiers musulmans.

11 M. Cayley (interprétation). - Merci colonel. Pourrait-on montrer

12 au témoin la pièce 290 qui est votre rapport sur cette affaire ?

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Je pense qu'il s'agit d'un résumé de ce que vous nous avez déjà

15 dit, peut-être un peu plus détaillé. Pourriez-vous concentrer votre

16 attention sur le paragraphe 9, s'il vous plaît, et le lire ?

17 M. Landry. - "Le colonel Blaskic a accepté de libérer

18 11 prisonniers étrangers, emprisonnés à la prison de Kaonik, en échange

19 des cinq officiers du HVO. Il a déclaré qu'ils étaient tous sous le

20 contrôle du HVO."

21 M. Cayley (interprétation). - Ces étrangers musulmans

22 emprisonnés -je crois qu'on trouve leur nom dans l'annexe C. Connaissiez-

23 vous ces personnes, ou aviez-vous des informations sur ces individus ?

24 M. Landry. - Les seules informations qu'on avait sur ces

25 individus nous ont été communiquées lors des protêts que nous avions reçus

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1 au mois de mars et au début du mois d'avril, par le BiH, le fait que des

2 étrangers musulmans avaient été capturés. Par la suite, on était à même de

3 connaître ces individus, suite au rapport que la Croix-Rouge nous avait

4 communiqué à l'époque.

5 Ce que j'ai pu comprendre de cette situation -car je n'ai pas

6 été à même de parler à ces individus- c'est qu'ils avaient été arrêtés par

7 le HVO à des points de contrôle sur la route, certainement dans les

8 secteurs contrôlés par le HVO. Compte tenu de leur nationalité, ils

9 avaient été dépouillés de leur biens, capturés, et mis en détention dans

10 la prison militaire de Busovaca.

11 Par la suite, des arrangements spécifiques ont été faits avec la

12 Croix-Rouge pour qu'ils soient éventuellement extradés en direction de

13 leur pays. Donc, à ma connaissance, ils ne sont pas restés en Bosnie après

14 leur libération.

15 M. Cayley (interprétation). - Et pensez-vous que les officiers

16 d'état-major du HVO ont été enlevés par les Mudjahidin, afin de les

17 échanger contre ces Musulmans étrangers détenus dans la prison de Kaonik ?

18 M. Landry. - A mon avis, oui, c'est exactement ce qu'il s'est

19 passé. Encore une fois, je vous rappelle que nous avions eu des protêts

20 demandant la libération de ces gens-là. Ils n'ont pas été libérés et il y

21 a tout lieu de croire qu'effectivement, les officiers croates ont été

22 enlevés de façon à exiger, éventuellement, la libération de ces Musulmans.

23 M. Cayley (interprétation). - Merci. Passons maintenant à un

24 autre point, si vous le voulez bien, Colonel.

25 En fait, nous revenons un peu en arrière dans le temps, parce

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1 que la libération de ces officiers d'état-major du HVO et de ces Musulmans

2 étrangers a eu lieu en mai mais je crois qu'au cours de votre enquête sur

3 ce point, vous vous êtes retrouvé à Vitez le 9, ou plutôt le 15 avril,

4 n'est-ce pas ?

5 M. Landry. - Oui, c'est bien cela. Le 15 avril, j'étais à Vitez.

6 Il faut comprendre qu'à cette époque, aux alentours du 15 avril, les

7 activités de Travnik nous inquiétaient énormément. Les tâches que mon chef

8 de mission m'avait confiées étaient d'essayer le plus possible de mener

9 des investigations sur les protêts croates à l'effet des officiers qui

10 avaient été enlevés. A ce moment-là, j'avais été mis sur une mission

11 spéciale pour visiter la région de Bogonjo, de façon à pouvoir trouver ces

12 officiers.

13 M. Cayley (interprétation). - Très bien. Vous nous avez déjà

14 parlé de cela mais je voudrais que vous nous disiez... Par exemple, au

15 matin du 16 avril, vous vous êtes trouvé au quartier généra de l'ECMM à

16 Vitez. J'aimerais que vous expliquiez aux Juges, de façon très concise, ce

17 qu'il s'est produit ce jour-là, les événements qui ont eu lieu. Pour vous

18 aider, je voudrais que l'on vous soumette la pièce 291, qui est une carte

19 que vous avez dessinée à mon intention, et sur laquelle on a placé

20 certaines annotations par ordinateur -qui correspondent à celles que vous

21 aviez vous-même placé sur la carte.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 M Landry. - La commission jointe de Busovaca, depuis quelques

24 semaines, avait été déménagé tout près du quartier général du Bridbat

25 bataillon dans l'extrémité Nord-Ouest de Vitez. C'est là que nous avions

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1 notre résidence de façon à ce que la commission puisse, si besoin en

2 était, siéger 24 heures par jour.

3 Le matin du 16, je suis parti avec notre véhicule blindé, ainsi

4 qu'un de mes collègues et le chauffeur, de façon à pouvoir retourner à

5 Zenica. Depuis déjà quelques semaines, nous n'avions aucun problème pour

6 circuler sur cette route et utiliser la route de montagne. C'est la même

7 chose que l'on a faites le matin de bonne heure, entre 7 heures 30 et à

8 9 heures, nous avons pris la route et à cet endroit-là.

9 M. Cayley (interprétation). - Vous indiquez le cercle numéro 2

10 et vous suivez l'itinéraire bleu qui portent la lettre A, cela ?

11 M Landry. - Oui, c'est cela.

12 M. Cayley - Pourriez vous nous indiquer les différentes marques

13 qui sont apposées sur la carte afin que cela figure dans le compte rendu ?

14 Cela permettra de clarifier les choses.

15 M Landry. - La route A en bleu est la route que nous avons

16 utilisée le matin. La route jaune est la route que nous avons utilisée la

17 nuit du 16.

18 Le point 1 est la région de la ville de Vitez ou la localité du

19 haut Vitez, là où une poche musulmane était située. Le point 2 est le

20 point où nous avons fait une rencontre de civils qui étaient forcés de se

21 coucher au milieu de la rue et lorsqu'on les a vus il a fallu les

22 contourner. On a ralenti le véhicule, on les a contournés et j'ai demandé

23 à mon chauffeur de rebrousser chemin parce que la situation était assez

24 inusitée, ce n'est pas tous les jours que vous trouvez cinq civils couchés

25 face sur la route. On est retourné on les a croisés de nouveau et on ne

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1 comprenait pas ce qui se passait car je n'étais pas en mesure, ni mes

2 collègues, de voire qui forçait ces personnes à se coucher sur la route

3 sauf que leur regard montrait bien que ces personnes étaient dans une

4 situation assez difficile.

5 La troisième fois que nous sommes passés devant ce groupe nous

6 nous sommes aperçus qu'il y avait des militaires, moins des gens habillés

7 en uniforme noir, avec de l'armement léger qui étaient cachés en arrière

8 des maisons et qui à ce moment-là se sont présentés, on a pu les voir et

9 ils ont commencé à tirer sur nous. J'ai alors demandé à mon chauffeur

10 d'accélérer et de quitter les lieux.

11 Je dois vous avouer que le visage des gens qui étaient sur la

12 route était très touchant, ils nous demandaient de l'aide, il était

13 vraiment difficile de les laisser alors qu'on aurait dû être en mesure de

14 leur porter secours.

15 Suite à cet incident, on a continué. Je dois vous dire que notre

16 attention avait été légèrement attirée par les tirs de mitraillette et les

17 tirs d’armes antichars qui provenaient du centre de Vitez. C'est

18 d'ailleurs pour cette raison que j'ai demandé qu'on l'identifie. Il y

19 avait des tirs de mitraillette et d'antichars qui avaient lieu ce matin-là

20 en provenance de cette région.

21 On a donc continué sur la route et lorsqu’on est arrivé à cet

22 endroit, où habituellement les HVO avaient un point de contrôle du trafic,

23 un point de vérification, on s'est aperçu que ce point de vérification,

24 contrairement à ce dont on avait été habitué les jours précédents, était

25 renforcé. Au lieu d'avoir la mitrailleuse habituelle, qui souvent n'avait

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1 personne à côté d'elle pour la manipuler, on pouvait voir au contraire

2 trois à cinq personnes du HVO qui faisaient la circulation et qui

3 empêchaient toute circulation.

4 On s'est arrêté, on a essayé de parlementer avec ces gens-là, en

5 leur disant que l'ECMM avait conclu des ententes avec les parties

6 belligérantes et qu'on devait nous laisser passer. On nous a dit que

7 c'était impossible, que des combats avaient lieu sur la route de montagne.

8 On a dit qu’on allait prendre la route jaune, la route de la vallée qui

9 fait le tour de la série de montagnes pour rejoindre Zenica. On nous a dit

10 une fois encore que c’était impossible et qu’on ne pouvait pas passer car

11 des opérations militaires avaient lieu.

12 A ce moment-là, on a décidé de rebrousser chemin, de retourner à

13 Vitez. On a essayé de communiquer avec le quartier général HVO pour parler

14 à des personnes ayant une autorité. J'ai essayé de communiquer avec le

15 commandant du HVO, le colonel Blaskic. On m'a dit qu'il n'était pas

16 disponible.

17 Par la suite, on a passé la journée dans notre maison à Vitez.

18 Au cours de la journée, il y a eu des combats ou du moins des tirs de

19 mitrailleuse, des tirs de mortier, d'armes antichars toujours en

20 provenance de Vitez et, même dans notre secteur, il semblait que le

21 Britbat, ainsi que nous, étions entre les deux positions de tir des forces

22 BiH et HVO.

23 En soirée, à 7 heures, on a décidé à nos risques d'essayer à

24 nouveau de rejoindre Zenica. On s'est aperçu, à ce moment là, qu'au

25 point 3, les HVO ne bloquaient que la route en direction de la montagne en

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1 nous disant qu'elle était impraticable, que des combats avaient lieu et

2 que la route était minée. Donc, on a continué sur la route jaune en

3 direction de Zenica.

4 A la hauteur de la section quatre qui, en fait, était tout près

5 du village dont on a appris qu'il s'agissait du village Ahmici, on s'est

6 aperçu qu'il était en flamme, on s'est approché du village pour voir la

7 mosquée qui avait été détruite, qui était cassé en deux et voir que les

8 flammes illuminaient le ciel. On avait eu la nette impression que le

9 village au complet était en feu, avait été détruit. On a poursuivi notre

10 route et à l'intérieur de ce secteur, on a été en mesure de voir que

11 quatre corps jonchaient la route, des cadavres ou des corps qui étaient

12 sans vie. Les instructions que l'on avait ne nous permettaient pas de nous

13 arrêter, on a ralenti pour s'apercevoir que quatre corps humains

14 jonchaient les deux côtés de la route. Par là suite, on à tout simplement

15 continué et on est retourné à Zenica, à notre quartier général.

16 M. Cayley (interprétation). - J'ai quelques questions à poser

17 afin d'apporter un petit éclaircissement sur ce que vous venez de dire

18 lieutenant-colonel.

19 Lorsque vous êtes arrivé au poste de contrôle du HVO, dont vous

20 avez parlé au point 3 sur la carte, au matin du 16 avril, avez-vous trouvé

21 des soldats du HVO ? C'est eux qui s'occupaient de ce poste de contrôle ?

22 M. Landry. - C'était les soldats du HVO qui s'occupaient de

23 contrôler ce poste de trafic et en même temps c'était plus qu'un poste de

24 trafic, cela donnait plutôt l'impression d'être un genre de poste en

25 mesure d'arrêter tout trafic pour essayer de joindre Zenica, soit par la

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1 route du Nord, soit par la route de la vallée.

2 M. Cayley (interprétation). - Pensez-vous que les quatre

3 cadavres que vous avez vus sur la route, dont vous venez de nous parler,

4 étaient des soldats ou des civils ?

5 M. Landry. - C'était des civils. Encore une fois l'image est

6 assez vivante, même si c'était la nuit ces personnes étaient habillées non

7 pas avec la tenue militaire que l'on connaissait bien tant du côté du BiH

8 que du HVO mais étaient vêtus de vêtements civils.

9 M. Cayley (interprétation). - Vous êtes un officier de carrière

10 depuis bien longtemps déjà, pourriez-vous très brièvement expliquer aux

11 juges quelles sont les conclusions auxquelles vous êtes arrivé à l'époque,

12 quant à ce qui s'était produit à Vitez et à Ahmici ce jour là.

13 M. Landry. - Les conclusions que j'étais en mesure de partager

14 avec mes collègues militaires du centre régional de Zenica sont

15 qu'éventuellement il y avait eu une opération militaire orchestrée autour

16 du village d’Ahmici. La raison pour laquelle je parle d'opération

17 militaire c’est qu'il était évident qu'Ahmici était un objectif tactique.

18 Ahmici était dans une zone de contrôle à prédominance HVO et il semblait

19 qu'on avait fait comme pour toute opération de ce genre, qu'on appelle une

20 opération de nettoyage, on avait établi un cordon à l'extérieur du

21 village.

22 Autrement dit, on avait établi des points de contrôle sur les

23 routes amenant à Ahmici pendant que des troupes plus légères, plus

24 mobiles, faisaient le nettoyage du village.

25 Par la suite, nous avons assumé le fait que les troupes HOS que

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1 nous avions rencontrées le matin était tout simplement des troupes qui

2 terminaient la tâche de nettoyage en essayant de faire disparaître toute

3 preuve de ce qui s'était passé dans le village d’Ahmici.

4 M. Cayley (interprétation). - Vous avez déclaré que tout le

5 village était en flammes lorsque vous y étiez arrivé dans la soirée, c'est

6 bien cela n'est-ce pas ?

7 M. Landry. – Oui, c'est cela, c'était évident on pouvait voir

8 des milles à la ronde qu'il y avait un immense feu dans cette région.

9 M. Cayley (interprétation). – Est-il coutumier, dans une

10 opération de ce genre, de raser un village ?

11 M. Landry. - Habituellement non. Plusieurs choses peuvent se

12 passer. Dans ce type d'opération de nettoyage, si le morceau de terrain a

13 une signification tactique, on va définitivement nettoyer, on va détruire

14 certaines maisons qui pourraient nuire à l'observation ou à la

15 prédisposition d'armement militaire. Mais en règle générale, il est assez

16 peu habituel de brûler un village et de ne pas l'occuper par la suite. Du

17 côté militaire il est assez difficile pour moi d'essayer de comprendre

18 quelle était la raison strictement militaire de ce carnage.

19 Par la suite, on était à même d'aller visiter ce village,

20 quelques jours plus tard, avec l'ambassadeur Thebault et sous une escorte

21 armée du bataillon du Bridbat des forces Forpronu, et on s'est aperçu

22 finalement que... moi, j'ai remarqué qui n'y avait aucune position

23 défensive dans ce village à l’effet que ce village n'avait jamais été

24 préparé, soit par les Bosniaques, soit par les HVO pour se défendre.

25 Ce que j'ai pu voir, c'est que c'était tout simplement un

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1 village sans défense qui avait tout simplement été détruit pour des

2 raisons qui n'étaient aucunement de tactique militaire.

3 Si le village avait eu quelque signification tactique militaire,

4 cela aurait été dans l'intérêt des forces HVO de consolider cette

5 position-là de façon à pouvoir maintenir une observation ou s’en servir

6 comme point d'arrêt pour toute autre opération militaire.

7 M. Cayley (interprétation). - Et d'ailleurs, au cours de la

8 soirée du 16 avril, avez-vous découvert des membres d'unités d'infanterie

9 du HVO dans le village qui aurait occupé une quelconque position à

10 l'intérieur du village ?

11 M. Landry. - Pour être plus précis, est-ce que vous parlez du

12 soir du 16, lorsqu'on est passé devant le village en soirée ?

13 M. Cayley (interprétation). - Précisément.

14 M. Landry. - Lorsqu'on est passé près du village le 16, il n'y

15 avait aucune présence militaire près du village alors qu’encore une fois,

16 si cela avait été un objectif militaire, ce village-là aurait dû au moins

17 avoir une présence militaire pour confirmer la victoire, ou du moins

18 l'objectif militaire. Il n'y avait absolument rien.

19 Et puis c’est la même chose aussi, encore une fois, je réitère,

20 au point de contact 3 que vous avez sur vos graphiques. Le nombre de

21 militaires HVO qui se trouvaient là le matin avait été diminué en soirée.

22 Il y avait beaucoup moins de militaires HVO qui maintenaient ce poste de

23 vérification-là en soirée.

24 Encore une fois, j'avais de la difficulté à comprendre que ce

25 type d'objectif militaire soit même un objectif militaire car ce n'est

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1 pas la façon dont, habituellement, on va opérer pour ce genre

2 d'opérations, en la détruisant complètement et en ne laissant aucun

3 personnel militaire pour l'occuper par la suite.

4 M. Cayley (interprétation). - Merci, lieutenant-colonel. Je

5 crois que nous pouvons passer à une autre série de questions. Ce soir-là,

6 lorsque vous êtes enfin parvenu à traverser la route qui longeait la

7 vallée, vous êtes retourné à Zenica, je crois, et il me semble que vous

8 avez alors découvert que la brigade du HVO qui, jusqu'alors, avait été

9 basée à Zenica, avait quitté la ville, et je me demande si vous pourriez

10 expliquer brièvement aux juges ce qui était arrivé à la brigade du HVO de

11 Zenica. Que s’était-il passé ?

12 M. Landry. - Il semble qu’au cours de la soirée du 16 au 17, il

13 y ait définitivement eu une réaction de la part des troupes bosniaques

14 dont le quartier général et la majorité des troupes étaient

15 prépositionnées dans la ville de Zenica. Il semble que des actions ont été

16 faites à ce moment-là pour arrêter, ou pour essayer de contrer, les

17 éléments des brigades HVO qui se trouvaient à ce moment-là à l'embouchure

18 de la route de montagne.

19 Vous devez comprendre que la route de montagne qui allait de

20 Vitez à Zenica, à l'entrée de Zenica... c'est principalement là que les

21 brigades HVO avaient leur lieu de résidence.

22 En arrivant, j'ai appris que des combats avaient eu lieu en

23 soirée et qu'il y avait des combats principalement, sur cette route de

24 montagne, entre les éléments HVO et bosniaques.

25 Par la suite, j'ai été à même d'apprendre que plusieurs hommes

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1 croates, résidents de la ville de Zenica, dont la majorité des militaires

2 avait été désarmée, arrêtée et se trouvait dans la prison de Zenica.

3 M. Cayley (interprétation). - Peut-on faire passer au témoin la

4 pièce 292, s'il vous plaît, ainsi que la traduction en français de cette

5 pièce, à savoir la pièce 292(a) ?

6 (L'huissier s'exécute.)

7 Il s'agit d'une lettre de protestation provenant apparemment du

8 colonel Blaskic. Elle porte la date du 18 avril. Elle a été reçue par la

9 Forpronu à Bila et par l'ECMM à Zenica. Vous souvenez-vous de cette

10 lettre ? Vous rappelez-vous avoir reçu ce document au quartier général de

11 Zenica ?

12 M. Landry. - Oui, tout à fait.

13 M. Cayley (interprétation). - Nous allons revenir sur ce point

14 un peu plus tard, mais il me semble qu'il y a eu une réaction de l'ECMM à

15 cette lettre de protestation, qu'en fait l'ECMM a mené une enquête sur les

16 allégations citées dans la lettre. N'est-ce pas exact ?

17 M. Landry. - Effectivement, il faut se rappeler, encore une

18 fois, qu'une des raisons d'être de l'ECMM était d'agir en médiateur. On

19 essayait aussi, lorsqu'on avait un protêt de cette nature, de mener des

20 investigations dans les plus brefs délais sur la nature de ce protêt, de

21 façon à s'assurer que le protêt était fondé. Etant donné que les systèmes

22 de communication, de radio et de télévision ne fonctionnaient pas

23 tellement bien, il était pratique courante d'initier des rumeurs. Ces

24 dernières, tout au long de mon séjour, ont été dévastatrices pour les

25 populations tant croates que musulmanes. Les gens étaient très craintifs,

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1 les rumeurs circulaient et, par la suite, nous empêchaient de pouvoir,

2 d'essayer de ramener les choses à une situation normale. Souvent, ces

3 rumeurs avaient également comme effet négatif d'inciter les gens des

4 diverses ethnies à prendre des actions par eux-mêmes contre l'autre

5 ethnie.

6 Lorsqu'on a reçu ce protêt, M. Thebault, à ce moment-là, nous a

7 demandé de mettre sur pied un comité d'investigation, de façon à pouvoir

8 déterminer si c'était vrai ou faux.

9 M. Cayley (interprétation). - Avant de lancer cette enquête, je

10 crois qu'un ou deux événements sont survenus. Je voudrais d'abord que nous

11 en parlions. Peut-on passer au témoin la pièce 293, s'il vous plaît ?

12 (L'huissier s'exécute.)

13 Il s'agit d'un ordre de cessez-le-feu, apparemment signé par le

14 colonel Blaskic. C'est un ordre destiné à tous les commandants des unités

15 du HVO, adressé également au commandant du bataillon britannique, à

16 l'ECMM, au quartier général du troisième corps. C'est le résultat, n'est-

17 ce pas, d'un accord passé entre le chef de l'état-major du HVO en Herceg-

18 Bosna et, a priori, la communauté internationale. Pourriez-vous nous

19 expliquer quelle a été votre réaction, lors de la réception de cet ordre à

20 Zenica ?

21 M. Landry. - On a réagi d'une façon très positive.

22 Effectivement, il semblait que les ordres étaient communiqués de l'échelon

23 supérieur au commandement central. Nous étions optimistes, à ce moment-là,

24 en pensant que ces ordres seraient communiqués au niveau inférieur, aux

25 brigades HVO et, éventuellement, aux commandants locaux de ces brigades,

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1 de façon à cesser toute activité.

2 M. Cayley (interprétation). - Je sais que, malheureusement, les

3 choses se sont un peu détériorées. Lorsque vous êtes arrivés à Kiseljak,

4 vous avez quelque peu déchanté, n'est-ce pas, au vu de la situation qui

5 prévalait sur place. Mais avez-vous eu l'impression que cet ordre a été

6 mis en oeuvre sur le terrain, peu de temps après son émission ?

7 M. Landry. - Je dois vous avouer qu'à partir du 18 avril, et au

8 moins pour deux jours, j'ai surtout dû mener des investigations sur la

9 situation des Croates dans les villages tout près de Zenica. Ce que j'ai

10 pu voir, à ce moment-là, c'est qu'effectivement...

11 M. le Président. - Pouvez-vous vous tourner vers le Tribunal,

12 s'il vous plaît ?

13 M. Landry. - Excusez-moi.

14 Il semblait y avoir une diminution de cessez-le-feu mais, tout

15 de même, mes notes révèlent que les choses n'allaient pas mieux, qu'il y

16 avait toujours des combats -du moins, on entendait des tirs sporadiques

17 ici et là- et des rapports de bombe nous était communiqués régulièrement.

18 Donc, oui, il y a peut-être eu un effort de vouloir diminuer les

19 combats. Mais c'était difficile, compte tenu des nouvelles qui circulaient

20 tant d'un côté que de l'autre, des ravages ou des atrocités d'Ahmici, des

21 atrocités qui s'étaient passées aussi -du moins, c'est ce que l'on

22 croyait- dans les villages croates autour de Zenica. Il était très

23 difficile, je crois, de pouvoir implanter, ou de mettre en pratique cet

24 ordre de cessez-le-feu aussi immédiatement. Donc, je dirais que les choses

25 se sont peut-être améliorées, mais les combats continuaient de façon

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1 sporadique à certains endroits.

2 M. Cayley (interprétation). - Je crois que suite à la lettre de

3 protestation que vous aviez reçu du colonel Blaskic, lettre de

4 protestation relative a des atrocités qui auraient été commises contre des

5 Croates dans la région de Zenica, suite à cela, vous avez eu une réunion

6 avec M. Merdan, Commamdant-adjoint du 3ème Corps, n'est-ce pas ?

7 M. Landry. - Oui c'est cela. Il faut comprendre que de façon à

8 pouvoir visiter ou investiguer les divers villages auxquels on prétendait

9 qu'il y avait eu des atrocités commises, il nous fallait absolument la

10 permission des autorités du BiH de façon à pouvoir circuler librement.

11 A ce moment la, les militaires étaient opérés et tous ces petits

12 villages étaient sous le contrôle militaire de l'armée bosniaque. Donc

13 avant de pouvoir me diriger vers ces villages, je devais avoir les

14 autorités requises et c'est pour cette raison que je suis allé visiter le

15 commandant adjoint du 3ème Corps bosniaque.

16 M. le Président. - Excusez-moi Monsieur le Procureur, il y a des

17 choses que je ne comprends pas très bien. Sur la lettre de protestation

18 dans ma traduction française, il y a une date manuscrite dont le chiffre

19 est indistinct. Qu'est-ce que c'est que ce 9 août 1996 ? Je ne comprends

20 pas très bien .Ce sont des pièces du bureau du Procureur je suppose ?

21 M. Cayley (interprétation). - Je peux tout expliquer

22 Monsieur le Président. Il s'agit simplement du fait que lorsque ce

23 document était reçu par le bureau du Procureur par M. Landry, il a été

24 signé et daté par le colonel au moment ou celui-ci a fait sa déposition.

25 M. le Président. - Je m'en doutais mais je préférais que vous le

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1 confirmiez. Merci continuez.

2 M. Cayley (interprétation). - Lieutenant-colonel je crois que

3 vous avez chronométré la durée de la réunion que vous avez eu avec

4 M. Merdan. Peut-on passer la pièce 294 au témoin s’il vous plait, et

5 également la traduction en français de 294 (a). Il s'agit du procès-verbal

6 que vous avez dressé lors de cette réunion il me semble.

7 M. Landry. - Compte tenu de l'information que nous avions reçu

8 de la part du commandant-adjoint du 3ème Corps bosniaque, je croyais qu'il

9 était approprié de faire un bref résumé pour essayer de comprendre un peu

10 mieux ce qui s'était déroulé lors des jours précédents, du moins d'avoir

11 l'avis des belligérants.

12 M. Cayley (interprétation). - Et je crois pouvoir dire qu'il

13 vous a fait part d'un certain nombre d'allégations relatives à des

14 atrocités commises contre la communauté musulmane à Vitez et Ahmici,

15 n'est-ce-pas ? Et il a également parlé de certains villages qui avaient

16 été détruits parmi lesquels Ahmici et Veceriska.

17 M. Landry. - C'est bien cela. Je ne l'ai peut-être pas mentionné

18 tout à l'heure, mais le matin du 17 mai, je pouvais facilement voir de ma

19 chambre d’hôtel, des villages brûlés et des colonnes de personnes en

20 majorité Musulmanes, qui fuyaient ces endroits là pour intégrer la ville

21 de Zenica.

22 M. Cayley (interprétation). - Vous avez fait part à M. Merdan

23 des allégations qui avaient été formulées par le HVO, et je crois que vous

24 lui avez demandé son aide afin de mener à bien une enquête notamment

25 concernant les villages aux alentours de Zenica. Pourriez-vous en

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1 utilisant vos propres mots, nous dire exactement ce qui s'est passé. Je

2 vais faire passer la pièce 295. Il s'agit d'une copie du rapport spécial

3 que vous avez établi concernant les Croates à Zenica.

4 Pièces 295 et 295(a) et sa traduction en français.

5 M. Landry. - Je vais encore une fois essayer d'être bref, mais

6 vous devez comprendre que cette investigation à duré un peu plus de deux

7 jours. Il y a eu énormément de témoignages qui ne sont pas toujours

8 faciles à réitérer, des images qui parfois ont laissé des mauvais

9 souvenirs chez moi. Je vais essayer d'être le plus bref possible.

10 Pour donner de la crédibilité à notre enquête nous devions avoir

11 avec nous quelqu'un de fiable, quelqu'un d'objectif qui serait en mesure

12 de pouvoir facilement passer l'information de nos trouvailles en ce qui

13 concerne notre investigation. Je connaissais, où du moins j'avais entendu

14 parler du prêtre Stéphane, qui était un des prêtres d'une de la plus

15 grosse église catholique de Zenica. A ce moment là, une fois que j'ai eu

16 l'aide qui m'avait été confirmée de Merdan à l'effet que lui même, le

17 commandant adjoint du 3ème Corps allait nous escorter dans tous les

18 endroits que l'on voulait investiguer, j'ai été rencontrer le prêtre

19 Stéphane pour lui demander s'il voudrait bien nous accompagner. Lors de ma

20 visite au prêtre Stéphane, je dois vous avouer qu'il régnait à l'intérieur

21 du presbytère une atmosphère assez douloureuse. Prêtre Stéphane avait

22 décidé de donner asile à plusieurs personnalités HVO de Zenica. Les gens

23 étaient inquiets avaient peur, ils avaient déjà en leur possession les

24 sens des rumeurs qui concernaient ces villages, à l'effet que d'énormes

25 atrocités avaient eu, lieu et il semblait que les troupes bosniaques

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1 étaient hors contrôle et qu'on avait effectivement commis d'énormes

2 crimes.

3 Avec l'aide du prêtre Stéphane ainsi que de M. Merdan, nous

4 avons commencé notre visite par les prisons la prison principale de

5 Zenica. C'est alors qu'on s'est aperçu qu'il y avait effectivement

6 plusieurs centaines de Croates La majorité d'entre eux était je dirais des

7 hommes, c'était tous des hommes en âge de combattre. Il y avait en

8 revanche certaines personnes âgées. Notre rapport révèle que les

9 conditions, compte tenu de la situation semblaient être normales. Certains

10 détenus qu'on avait pu rencontrer seuls avec le prêtre Stéphane,

11 semblaient avoir certaines ecchymoses sur le visage. Ils nous ont dit que

12 ces blessures avaient été faites principalement lors de leur transport

13 vers la prison. En général, les gens avaient au moins un repas par jour,

14 il était évident qu'il y avait beaucoup trop de prisonniers pour les

15 capacités de la prison mais en règle générale les conditions, compte tenue

16 de ce que j'avais visité avant semblaient être raisonnable pour le moment.

17 Lors de la même journée, voyant un vieil homme qui avait été

18 arrêté, on a fait pression auprès des autorités musulmanes pour libérer ce

19 vieil homme qui a mon avis ne représentait absolument aucune menace pour

20 les bosniaques ce qui avait été fait en fin de journée. Le lendemain ou

21 l'après-midi on a commencé à faire la visite de divers villages. Je dois

22 vous avouer qu'il n'y avait pas de plan préparé, c'est le frère Stéphane

23 qui me nommait les villages, car finalement c’est lui qui connaissait la

24 communauté catholique et où les Croates étaient situés autour de Zenica.

25 Durant la journée et demie qui a suivi, on a fait le tour de ces villages,

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1 nous basant sur les informations que le prêtre nous donnait. On s'est

2 aperçu que le secteur au complet était définitivement sous la tutelle, la

3 protection et la garde des forces bosniaque. Plusieurs villages étaient

4 déserts. Il était évident qu'il y avait eu des combats, certaines maisons

5 brûlaient, certains civils avaient été blessés ou tués lors du conflit. A

6 l'exception d'un village, si ma mémoire est bonne, ce qu’on a vu ne

7 semblait pas aussi alarmant que ce qu'on nous avait laissé entendre.

8 Vous devez comprendre qu'on avait vu Ahmici, on avait vu le

9 degré de violence et de destruction qui avait été fait à Ahmici. On a

10 surtout trouvé plusieurs maisons inhabitées avec quelques maisons brûlées

11 et nous avons recueilli les commentaires de bosniaques et de Croates qui

12 étaient encore là.

13 Certaines violences avaient été pratiquées contre les Croates.

14 On a eu des témoignages indiquant que des civils musulmans avaient mis

15 leur vie en danger pour sauvegarder celle de leurs voisins Croates.

16 Les détails des visites sont dans le compte rendu, mais ce

17 n'était définitivement pas ce à quoi on s'attendait. Je me rappelle très

18 bien que le frère Stéphane semblait très soulagé de voir que les dommages

19 n'étaient pas aussi étendus que ce qu’on lui avait dit.

20 M. Cayley (interprétation). - Le 3ème Corps de l'armée bosniaque

21 a-t-il entièrement coopéré avec vous dans la conduite de cette enquête ?

22 M. Landry. - Oui effectivement. Comme je l'ai dit, le

23 commandant-adjoint du 3ème Corps nous a escortés toute la journée et

24 suivant les lieux que le père Stéphane voulait visiter, on y allait. Je me

25 rappelle qu’à certaines occasions, M. Merdan a dû utiliser son rang pour

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1 nous permettre de passer car les gens voyaient bien qu'on était escorté

2 par les prêtres catholiques.

3 M. Cayley (interprétation). – Suis-je en droit de dire que le

4 commandant local bosniaque, Meraga, avait reçu des ordres stricts en ce

5 qui concerne la sécurité des civils dans la région ?

6 M. Landry. - Je me rappelle très bien que lorsqu'on avait reçu

7 les allégations en ce qui concerne le protêt du HVO, M. Thebault avait

8 parlé au commandant du 3ème Corps en lui signifiant qu'il était de sa

9 responsabilité, comme chef militaire, d'assurer la sécurité des gens et

10 des biens de tous les civils qui étaient à l'intérieur des territoires

11 qu'il contrôlait.

12 M. Cayley (interprétation). – Est-ce que ces ordres émanaient du

13 commandant du troisième corps ?

14 M. Landry. – Effectivement, je crois bien. Comme le rapport le

15 mentionne, lors d’une des visites, au cours de cette investigation, on est

16 arrivé sur les lieux et on était à même de voir qu'il y avait déjà à

17 l'oeuvre des bandits qui pillaient ces maisons et lors d'une situation

18 bien précise, on a même vu des éléments de police spéciale du 3ème Corps

19 qui arrêtaient certains individus en train de piller. Des ordres avaient

20 été disséminés jusqu'au plus bas échelon et des actions étaient menées,

21 compte tenu de la situation, pour essayer de minimiser ce genre d'action.

22 Par la suite également, on s'est aperçu que d'autres types

23 d'actions étaient faites par les autorités du troisième corps, il faut

24 bien comprendre qu'à ce moment là, tout le monde avait un uniforme

25 militaire chez lui il était facile de prendre son uniforme d'aller

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1 commettre un crime et éventuellement on pouvait d'huile c'est soit le HVO

2 ou le bis aille à ce que parce qu'on a vu des gens en uniforme.

3 A partir de ce moment-là, le 3ème Corps a décidé d'initier des

4 cartes d'identification. Chaque militaire bosniaque avait une

5 identification propre à lui, chaque corps et unité aussi bosniaque du

6 moins à l’intérieur du 3ème Corps avait ce que l'on appelle des écussons

7 d'épaules qui identifiaient bien que l'individu servait avec le 3ème Corps

8 de façon à pouvoir exercer un meilleur contrôle sur leurs troupes.

9 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que l'on pourrait remettre

10 au témoin la pièce à conviction 296, je vous prie ?.

11 (l'huissier s'exécute.)

12 Pouvez-vous confirmer, Lieutenant-colonel, que ce sont bien les

13 villages que vous avez visités avec le père Stéphane lors de votre visite

14 avec M. Merdan ?

15 M Landry. - Oui, ces villages sont les villages dont nous avons

16 parlé dans notre rapport écrit. Nous avons pris ces noms de village que

17 nous avons encerclés sur une carte de Zenica.

18 M. Cayley (interprétation). - Enfin, Lieutenant-colonel sur ce

19 sujet, tout décès nous atteint et pas mal de personnes ont été tuées, mais

20 lorsque l'on voit les rapports censés avoir été signés par le

21 colonel Blaskic et qui provenaient de la zone opérationnelle centrale de

22 Bosnie, lorsqu'on lit après coup ce qui est écrit, que peut-on en dire,

23 que pouvez-vous dire au sujet de cette lettre de protestation ?

24 M Landry. - On peut tout simplement en déduire que le ton de ce

25 protêt était très exagéré. Le ton du protêt semblait également, encore une

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1 fois, vouloir communiquer à l'ensemble de la communauté internationale

2 qu'il y avait eu des atrocités commises contre l'ensemble de la population

3 HVO ou croate qui demeurait sous le contrôle des troupes bosniaques, et

4 c'était à ce moment-là un autre élément pour forcer les autorités à

5 éventuellement libérer ou laisser partir l'ensemble des citoyens

6 Bosniaques croates de cette région de façon qu'ils puissent réintégrer les

7 régions qui étaient sous dominance croate.

8 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu une personne qui

9 aurait été jetée sous un tank à Zenica ou en avez-vous entendu parler ?

10 M Landry. - J'ai vu un véhicule, un char d'assaut qui circulait

11 dans Zenica mais je ne me rappelle pas, à aucun moment, avoir vu un

12 rapport ou même être amené à aller investiguer sur le fait qu'un citoyen

13 ou qu'un soldat HVO avait été écrasé par un char.

14 Il faut bien comprendre qu'à partir du moment où les combats ont

15 commencé au sud-ouest de Zenica, Zenica étant une garnison militaire, il

16 est normal qu'il y ait eu une sorte de branle-bas de combat ou que des

17 unités aient été regroupées, qu'il y ait eu énormément d'activités

18 militaires. Je dois avouer aussi qu'il y a eu des instances de brutalité

19 faites contre les citoyens ou des Bosniaques croates. Et, je ne peux pas

20 le dénier, des gens ont été tués également, comme le rapport l'indique.

21 Je ne veux pas diminuer non plus le manque de contrôle ou la

22 violence qui a été commise contre ces gens-là, c'est une violence tout

23 simplement inacceptable, mais compte tenu de la situation, je peux vous

24 dire qu'honnêtement, cet état de violence, même s'il était inacceptable,

25 n'était définitivement pas à l'échelle à laquelle on nous avait informés

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1 qu'il serait.

2 M. Cayley (interprétation). - Plus précisément sur le sujet de

3 la violence que vous avez vu à Ahmici et sur le sujet des actualités

4 militaires à Ahmici, avez-vous reçu une aide du HVO pour procéder à une

5 enquête complète au sujet de ce qui s'était passé à Ahmici et à Vitez le

6 16 avril ?

7 M. Landry. - Plusieurs enquêtes ont été faites à Ahmici par la

8 suite, mais je peux vous dire que les quelques jours qui ont suivi où j'ai

9 été à même d'aller visiter Ahmici ; cela a dû être fait sous escorte armée

10 du Bridbat. J'ai quelques souvenirs très clairs ; on n'était pas en mesure

11 de rentrer à volonté dans le village d'Ahmici, cela a été fait sous

12 escorte du Britbat. C'est d'ailleurs sous l'invitation du commandant du

13 Britbat que l'ambassadeur Thebault a été à même de pouvoir visiter

14 personnellement le village d'Ahmici.

15 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous répondre précisément

16 à ma question : le HVO vous a-t-il fourni une quelconque aide dans

17 l'enquête que vous avez menée au sujet des événements survenus à Ahmici et

18 à Vitez ?

19 M. Landry. - Non.

20 M. Cayley (interprétation). - Vous avez quitté la Bosnie-

21 Herzégovine en août 1993 ; avez-vous jamais reçu un rapport du HVO au

22 sujet de ce qui s'était passé à Ahmici et à Vitez, et dans les villages

23 environnants le 16 avril ?

24 M. Landry. - Pas à ma connaissance. Si un tel rapport avait

25 circulé, j'aurais dû l’avoir et comme j'ai fait avec l'ensemble de tous

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1 les rapports qui ont circulé à ce moment-là et dont j'ai eu connaissance,

2 je les aurais avec moi. Aucun rapport, à ma mémoire, que j'ai présentement

3 ne circulait à cet effet.

4 Je dois vous avouer, Monsieur le Président, que lors de mon

5 séjour en Bosnie, tous les rapports que j'ai faits, tous les rapports que

6 je trouvais, qui avaient une certaine importance sur ce que je faisais, je

7 les ai gardés avec moi, c'est pour cela que je peux vous dire avec autant

8 de confiance et de certitude que je ne me rappelle pas avoir vu ce genre

9 de rapports.

10 M. Cayley (interprétation). - Lieutenant-colonel, avez-vous, en

11 fait, vu le moindre rapport du HVO au sujet d'atrocités qu'il aurait

12 commises dans la vallée de la Lasva pendant le temps que vous y avez

13 passé ?

14 M. Landry. - Non.

15 M. Cayley (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous

16 avancions dans le temps et que l'on remette au témoin la pièce à

17 conviction D 33 qui concerne la mise en place du centre d'opérations

18 mixtes ou conjointes.

19 (Le document est remis au témoin).

20 M. le Président. - C'est une pièce de la défense, Monsieur le

21 Procureur ?

22 M. Cayley (interprétation). - C'est un document que nous avons

23 remis à la défense et que la défense a versé au dossier, Monsieur le

24 Président.

25 M. le Président. - Merci.

Page 7601

1 M. Cayley (interprétation). - J'aimerais que ce document soit

2 montré au témoin en même temps que le document D 34 et D 34(a).

3 Lieutenant-Colonel, c'est donc la mise en place du centre

4 opérationnel mixte qui, encore une fois, a été le résultat d'un accord

5 entre la Forpronu et l'ECMM, qui n'a pas été respecté. Je voudrais que

6 vous expliquez brièvement au Tribunal le poste auquel vous avez trouvé

7 M. Franjo Nakic le 18 avril 1993 lorsque vous lui avez rendu visite chez

8 lui.

9 M. le Président. - Monsieur le Procureur, la question que vous

10 posez est fondée sur le document présenté au témoin ou pas ? Parce que le

11 Tribunal n'a rien, non plus que sur le rétroprojecteur. Il est possible

12 que votre question soit indépendante.

13 M. Cayley (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, il y a

14 un document à l'appui qui a un lien avec le document précédent.

15 M. le Président. - Merci.

16 M. Landry. - Puis-je répondre, Monsieur le Président ?

17 M. le Président. - Je vous en prie.

18 M. Landry. - Lors de cette période, comme vous pouvez sans doute

19 le réaliser, énormément d'actions ou d'activités ont eu lieu ; j'étais à

20 même d'apprendre le 18 avril que M. Nakic n'était plus le commandant

21 adjoint des forces HVO de la zone opérationnelle centrale mais qu'il était

22 devenu le chef d'état-major du quartier général, et lors des incidents

23 entre le 16 et le 18 avril, j'ai appris de source sûre que M Nakic n'était

24 pas à son quartier général mais était plutôt à son domicile.

25 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous avez parlé avec lui,

Page 7602

1 que vous a-t-il dit ?

2 M. Landry. - D'après mes notes et tout ce dont je suis en mesure

3 de me rappeler, car cela fait cinq ans que les choses se sont passées et

4 c'est un incident parmi une multitude d'autres, je dois strictement me

5 fier à mes notes, ce qu'elles me disent ici, ce que j'ai mis dans mes

6 notes personnelles et dans mon journal, c'est que M. Nakic n'agissait plus

7 comme commandant adjoint et était à son domicile. C'est la seule chose que

8 je peux dire. Je ne voudrais pas en dire plus parce que je ne me rappelle

9 pas. Excepté que M. Nakic n'était pas à son poste de commandement mais

10 qu'il était chez lui.

11 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous tiré une conclusion à

12 l'époque s'agissant des raisons pour lesquelles M. Nakic se trouvait chez

13 lui, à la maison, à cette heure-là ?

14 M. Landry. - J'ai été grandement surpris car au cours des

15 derniers mois pratiquement, on avait eu d'excellentes relations avec

16 M. Nakic. Il me donnait l'impression d'être un homme très raisonnable. La

17 seule raison que je pouvais comprendre, c'est que son commandant avait

18 décidé tout simplement de lui enlever son poste de commandant adjoint pour

19 des raisons militaires, de désobéissance ou pour des raisons de

20 divergences sérieuses d'opinions entre les deux.

21 Vous devez comprendre que cette période à compter du 16 jusqu'au

22 20 ou 22 avril, était une période très intense en activités militaires,

23 et voir que votre commandant adjoint est chez lui, cela indique que

24 quelque chose ne va définitivement pas. Le rôle d'un commandant adjoint

25 n'est pas d'être chez lui en période de crise mais d'être auprès du

Page 7603

1 commandant et de l'aider dans la mesure du possible.

2 Par la suite, lorsque j'ai vu que le nom de M. Nakic refaisait

3 surface pour être présent dans un autre type de commission, soit, cette

4 fois-ci, un quartier général conjoint où des éléments des deux corps en

5 présence, des éléments bosniaques et des éléments HVO, allaient tenter de

6 travailler conjointement, voir que l'on avait toujours le nom de M. Merdan

7 comme commandant adjoint, et voir que le poste et le titre de M. Nakic

8 étaient changés, il n'était plus commandant adjoint mais chef du quartier

9 général - une chose encore très inusitée pour un militaire comme moi,

10 c'est qu'habituellement, le rôle du chef d'état-major ou le rôle du "chief

11 of staff" est de demeurer avec le quartier général pour voir la bonne

12 conduite des opérations de votre quartier général, là, j'apprenais que

13 M. Nakic avait ce titre mais passait la longueur de ces journées avec ce

14 nouveau quartier général conjoint bosniaque et croate.

15 M. Cayley (interprétation). - Ce document D33 montre comme vous

16 venez de le dire que M. Nakic est chef d'état-major du HVO dans ce centre

17 opérationnel conjoint mixte. Pourriez-vous me dire ce que vous avez pensé

18 de cet homme ce jour-là, comparé à ce que vous pensiez de lui quelque

19 temps avant, lorsqu'il était commandant adjoint avant les événements du

20 16 avril ?

21 M. Landry. - Vous devez comprendre que depuis pratiquement deux

22 mois, tous les jours de 9 heures à souvent 6 ou 7 heures le soir, on

23 travaillait en étroite collaboration avec ces individus dont M. Merdan et

24 M. Nakic. Je crois donc qu'il est tout à fait normal de développer une

25 relation extra professionnelle avec ces gens-là, de développer des liens

Page 7604

1 d'amitié, et définitivement avec M. Nakic et sa famille, j'avais développé

2 de bons liens d'amitié. M. Nakic n'était pas intime au point de me donner

3 des secrets militaires mais on avait développé une bonne relation

4 d'amitié.

5 Et j'ai été très surpris de voir son attitude, sa physionomie,

6 de voir M. Nakic. Il semblait être un homme tout simplement abattu. Un

7 homme qui avait reçu des fonctions mais qui semblait ne pas réellement en

8 assumer pleinement toute l'autorité pour être capable d'exercer le rôle

9 qu'on voulait bien qu'il exerce.

10 Les événements, quelques semaines plus tard à Kakanj -où l'on a

11 dû intervenir pour faire de la médiation entre les commandants de

12 brigades, Musulmans et HVO qui étaient dans cette région-, ont confirmé

13 mes dires. A ce moment-là, M. Nakic, au lieu de prendre un rôle de chef en

14 ce qui concerne les troupes HVO, avait plutôt un rôle d'observateur. Les

15 négociations ou les discussions avaient lieu entre M. Merdan et le

16 commandant de cette brigade HVO dans la région de Kakanj.

17 Toujours est-il que, à partir de ce moment-là, M. Nakic ne me

18 semblait plus être l'homme que j'avais connu lors des deux mois où il

19 avait siégé d'une façon quotidienne avec nous, comme commandant adjoint

20 des troupes HVO de la zone centrale.

21 M. Cayley (interprétation). - Lieutenant-colonel, vous avez tiré

22 des conclusions, je pense, au sujet de l'avis qu'avait M. Nakic sur les

23 événements du 16 avril. J'aimerais que vous les partagiez avec les Juges,

24 si vous le voulez bien.

25 M. Landry. - Je crois qu'il y a seulement quelques possibilités

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1 qui ont pu arriver : soit M. Nakic a fait preuve d'incompétence donc, à ce

2 moment-là, on l'a tout simplement relevé de son commandement -si c'est le

3 cas, cela expliquerait le peu de confiance que les troupes HVO avaient

4 dans les ententes de cessez-le-feu, en nous donnant tout simplement comme

5 représentant un individu dans lequel ils n'avaient pas confiance- ; soit,

6 pour d'autres faits, des faits de divergence d'opinions sur les stratégies

7 alors en cours à l'intérieur des troupes HVO, on avait tout simplement

8 décidé de l'écarter, compte tenu du fait que ce dernier n'était pas

9 d'accord avec les agissements qu'on avait, ou que le HVO avait à ce

10 moment-là en Bosnie centrale.

11 Par la suite, on a réintégré officieusement M. Nakic comme chef

12 d'état-major. Je dois vous avouer qu'on ne nous avait pas annoncé

13 officiellement qu'il avait été démis de ses tâches. Donc, on a peut-être

14 cru que cela pouvait passer plus facilement en nous disant que, pour des

15 raisons opérationnelles, on avait décidé de donner une nouvelle tâche à

16 M. Nakic.

17 Mais, définitivement, quelque chose s'est passé et l'attitude du

18 HVO vis-à-vis de M. Nakic me semble tout à fait incorrecte, compte tenu

19 des circonstances, d'une façon ou d'une autre.

20 M. Cayley (interprétation). - Pourrions-nous avancer pour en

21 arriver au 22 avril, jour qui a été marqué par ce qu'on appelle

22 aujourd'hui, je crois, l'incident de Bilalovac. J'aimerais que l'on montre

23 au témoin la pièce à conviction 297.

24 (L'huissier s'exécute).

25 Suis-je en droit de dire, Lieutenant-colonel, que Bilalovac se

Page 7606

1 trouve sur la route de Kiseljak à Busovaca ?

2 M. Landry. - Oui c'est bien cela, c'est environ à mi-chemin.

3 M. Cayley (interprétation). - Je me permettrai de résumer le

4 début de votre voyage de façon à gagner du temps. Vous vous rendiez à

5 Kiseljak en empruntant cette route et lorsque vous êtes arrivé à Bilalovac

6 vous avez été défié par un certain nombre de soldats musulmans de l'armée

7 bosniaque, qui vous ont expliqué que des atrocités avaient eu lieu à

8 Kiseljak. Pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui s'est passé à Bilalovac

9 ce jour la ?

10 M. Landry. - La journée était terminée au centre à Vitez. On

11 avait eu une rencontre avec les représentants bosniaques croates et les

12 représentants bosniaques musulmans. On nous avait demandé d'aller porter

13 des informations à des gens dans la région de Kiseljak.

14 Habituellement, on n'avait aucun problème à circuler dans cette

15 région, c'est pour cela d'ailleurs que contrairement à nos habitudes, on

16 n'a pas été escortés par des représentants bosniaques et croates nous

17 sommes seulement allés à cet endroit avec des véhicules blindés

18 britanniques pour être en mesure de pouvoir se déplacer en sécurité.

19 On a été tout simplement arrêtés à Bilalovac, on a été menacés.

20 Je dois vous avouer qu'il n'eut été de l'intervention d'un contact de la

21 police de Kacuni, on aurait probablement eu des blessés. On était accusés

22 d'amener des munitions de mortier aux Croates de la région de Kiseljak. Il

23 y avait eu d'énormes massacres qui avaient été commis dans plusieurs

24 villages et les troupes bosniaques étaient assemblées tout simplement, en

25 état de choc, incontrôlables. Il n'y avait aucun moyen de pouvoir

Page 7607

1 dialoguer avec ces gens . Toujours est-il qu'on nous a fait état d'une

2 série de villages où il y avait eu des massacres. Et comme je le disais,

3 n'eut été l'arrivée imprévue du chef de police de Kacuni, je ne serais

4 probablement pas ici aujourd'hui pour vous faire le compte-rendu de cette

5 situation.

6 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la pièce

7 à conviction 299 et la pièce à conviction 300 ? Je crois que la pièce 299

8 est un rapport qui narre votre visite à Rotilj, suite aux informations

9 fournies par les soldats de Bilalovac au sujet des atrocités survenues à

10 Kiseljak.

11 (L'huissier s'exécute.)

12 Peut-on placer la carte sur le rétroprojecteur je vous prie ?

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Pourriez vous redire aux Juges comment se déroulait votre visite

15 à Rotilj le 25 avril et en expliquer les détails ?

16 M. Landry. - Rotilj était un des villages où l'on nous avait

17 mentionné certaines atrocités. On avait eu un protêt spécifiquement pour

18 Rotilj. A ce moment la, on a décidé avec le chef des opérations à l'époque

19 d'aller faire une enquête sur ce qui s'était passé.

20 Encore une fois on est partis avec une Jeep. La situation était

21 un peu plus normale dans l'ensemble du secteur. On était en mesure de se

22 rendre à Kiseljak. Mais à ce moment-là, on n'a pas été en mesure

23 d'utiliser la route pour se rendre à Rotilj, un village légèrement en

24 retrait de Kiseljak. Pour s’y rendre habituellement la route principale

25 est à travers Kiseljak pour se rendre à Rotilj. On nous a empêchés de nous

Page 7608

1 rendre à Rotilj et étant donné qu'on n'était pas escorté et qu'on n’avait

2 pas de représentant HVO avec nous, il a fallu laisser tout simplement le

3 véhicule dans les hauteurs et descendre à travers des terrains pour se

4 rendre à Rotilj.

5 Arrivé à Rotilj, on s'est aperçu qu'il y avait définitivement eu

6 certaines atrocités qui avaient été commises. On pouvait voir que des

7 maisons spécifiques avaient été brûlées, maisons brûlées entre deux

8 maisons qui n'avaient en aucune façon été atteintes par le feu. On a

9 rencontré des Musulmans de Rotilj qui nous ont fait visiter l'ensemble des

10 maisons où des atrocités avaient été commises.

11 On a appris entre autres qu'aux alentours du 21 ou du 22, des

12 gens habillés de noir, avec des masques, avaient fait du nettoyage dans

13 cette partie du village. Rotilj, encore une fois si je peux me permettre,

14 a une partie qui comporte des maisons où a ce moment-là les Musulmans ou

15 Croates vivaient ensemble et un autre secteur, plus vers le sud où la

16 majorité des Musulmans s'étaient réfugiés.

17 Mais on était à même de faire des investigations dans la partie

18 que les Musulmans et les Croates partageaient ensemble, où il y avait une

19 maison croate, une maison musulmane, une maison croate. Il était évident

20 que les maisons musulmanes avaient été brûlés, au moins une femme, qui

21 n'avait pas pu s'échapper à temps, avait été violentée et tuée par rafale

22 de mitraillette.

23 Je dis cela parce qu'on était en mesure d'aller dans la maison

24 où cela avait eu lieu, la maison n'avait pas pu être brûlée, on pouvait

25 voir les traces de balles sur le mur et les vêtements de la femme déchirés

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1 par terre et la table sur laquelle elle avait été violentée.

2 Par la suite, sur le bord de la route, on a pu être en mesure

3 également de voir les restes, ou du moins des taches, sur la route de

4 terre où semble-t-il un Musulman avait été tué, la tête fendue en deux et

5 les éléments de sa cervelle avaient été répandus autour de lui.

6 On a visité les restes d'une autre maison où un couple de

7 vieillards avait, semble-t-il, été brûlés vivants.

8 Ensuite, on s'est rendu au cimetière du village pour bien

9 constater qu'effectivement, cinq ou six nouvelles tombes avaient été

10 fraîchement creusées, on pouvait voir que la terre avait été fraîchement

11 remuée.

12 On nous a dit que le reste des Musulmans était confiné à l'autre

13 bout du village et qu'on les empêchait de circuler librement. C'est

14 d'ailleurs sans doute pour cette raison qu'on nous avait empêchés de

15 circuler avec notre véhicule à travers la route de Kiseljak pour se rendre

16 à ce village.

17 M. Cayley (interprétation). - Je crois que ce rapport a été

18 dressé par vous-même et je ne vais pas vous demander de le lire. Vous

19 dites simplement à la fin de votre rapport qu’il y avait six cents

20 habitants environ qui vivaient dans la partie sud-est du village, qu'ils

21 sont assignés, qu'ils doivent rester dans leur village, entouré par le

22 HVO, et l'approvisionnement en eau, en électricité et en nourriture est

23 réduit au minimum. Ils ont besoin, et c'est très urgent, d'un docteur ou

24 d'une infirmière. Ils ont des enfants qui souffrent de fièvre et qui n'ont

25 pas de médicaments. Parmi ces habitants, il y avait environ cent cinquante

Page 7610

1 personnes qui venaient de Vizoko. Est-ce bien exact ?

2 M. Landry. – Oui, c'est bien exact.

3 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'il y a un certain

4 nombre de villages dont le nom a été souligné par un feutre rose, que par

5 la suite d'autres moniteurs ont visité ces villages, outre Rotilj et qu'il

6 a été fait rapport à l'ECMM et son quartier général que le HVO avait

7 commis des atrocités également dans ces villages, n’est-ce pas ?

8 M. Landry. - C'est bien cela.

9 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'il faut insister et

10 dire que le village de Bilalovac se situe en haut, à gauche de la carte

11 est c'est là que vous avez été arrêté pas des soldats musulmans au départ.

12 M. Landry. – Oui, c'est bien cela.

13 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

14 pas si c'est maintenant un moment opportun pour prendre une pause, mais je

15 pense que je vais en arriver à la fin de l’interrogatoire principal du

16 colonel Landry.

17 M. le Président. - Combien de temps estimez-vous pour terminer

18 l'interrogatoire principal du témoin s'il vous plaît ?

19 M. Cayley (interprétation). - J'irai le plus rapidement possible

20 et je pense que j'aurais besoin de quarante cinq minutes à une heure à peu

21 près.

22 M. le Président. - Je propose qu'on fasse la pause à

23 16 heures 30. Nous interromprons jusqu'à 16 heures 50 et ce soir on

24 essaiera d'aller jusqu'à 18 heures 3, 18 heures 45, et midi serait une

25 bonne heure. Nous continuons encore 10 minutes et nous faisons la pause.

Page 7611

1 Cela ira ?

2 M. Cayley (interprétation). - Vous êtes le Président, Monsieur

3 le Président !

4 M. le Président. - Je suis le Président, et quand il faut faire

5 preuve d'autorité, je fais preuve d’autorité, mais quand on peut essayer

6 de se concerter, c'est aussi très bien. On va essayer d'aller jusqu'à

7 16 heures 30. Encore une ou deux questions.

8 M. Cayley (interprétation). - Je suis tout à fait prêt à le

9 faire, Monsieur le Président.

10 M. le Président. - Alors allons-y.

11 M. Cayley (interprétation). - Colonel Landry, pouvons-nous

12 passer maintenant au 28 avril 1993 et au détournement d'un convoi par le

13 HVO à Busovaca ? Pourrait-on soumettre au témoin la pièce 301 ?

14 (Le document est soumis au témoin).

15 La découverte du détournement de convoi à Busovaca vous a été

16 communiqué lors de la réunion entre le colonel Blaskic, le brigadier

17 général Petkovic, qui était colonel, et Jean-Pierre Thebault, n’est-ce

18 pas ?

19 M. Landry. - Oui, c'est bien cela.

20 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire ce qui s'est

21 passé ce jour-là en restant le plus concis possible ?

22 M. Landry. - Je vais essayer. Vous devez bien comprendre qu'au

23 cours de cette période, il y a eu d’énormes efforts de faits par la

24 communauté internationale de façon à regrouper les chefs militaires pour

25 essayer éventuellement d'arriver à toutes sortes d'ententes, de cessez-le-

Page 7612

1 feu, mais il semble que chaque fois qu'on faisait un pas dans la bonne

2 direction, d'autres incidents survenaient.

3 Toujours est-il que le 28 avril était une de ces journées où

4 M. Thebault avait organisé une rencontre avec les chefs d'état-major des

5 deux armées, ainsi que les commandants des deux corps en présence en

6 Bosnie centrale. A ce moment-là, je ne participais pas à la réunion, mais

7 j'étais l'officier en devoir du quartier général de la région et j'ai reçu

8 un appel téléphonique du commandant du Britbat qui était à Vitez me disant

9 que la brigade HVO de Busovaca avait pris en otage un convoi d'une

10 trentaine de véhicules d’UNHCR et que si la brigade du HVO ne libérait pas

11 ce convoi, il prendrait de ces véhicules blindés pour effectivement aller

12 libérer ce convoi.

13 Donc j'ai fait rapport à M. Thebault, qui est venu parler au

14 commandant du Britbat. Par la suite, les personnes responsables du HVO,

15 soit le colonel Plavcic et le général Petkovic, sont venus dans le bureau.

16 On a essayé de communiquer avec diverses personnes. Je me rappelle très

17 bien qu'effectivement, le général Petkovic a réussi à travers, je suppose,

18 des représentants du gouvernement HVO, à rejoindre éventuellement

19 M. Kordic, et éventuellement d'ordonner que le convoi militaire soit

20 libéré et remis aux instances du Britbat de la région de Vitez.

21 M. Cayley (interprétation). - Cette rencontre a-t-elle provoqué

22 certaines morts, ou des victimes ?

23 M. Landry. - Pas de mémoire, je ne me rappelle pas. Il faudrait

24 que je lise le rapport au complet, mais de mémoire, il n'y a pas eu de

25 blessés ou de morts.

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1 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on montrer au témoin les

2 pièces 301 et 301(a), s'il vous plaît ?

3 (Les documents sont présentés au témoin).

4 M. le Président. - C'est une autre série de questions, Monsieur

5 le Procureur, ou c'est relatif au même incident ?

6 M. Cayley (interprétation). - C'est un autre sujet, mais c'est

7 une partie très courte du témoignage du témoin, je pense que nous en

8 aurons fini très rapidement.

9 M. le Président. - Alors allons-y.

10 M. Cayley (interprétation). - Ce document, je crois, colonel

11 Landry, est en fait un appel lancé par le colonel Blaskic. En fait, il

12 parle des activités possibles dans la région des forces bosniaques, et en

13 date du 14 mai. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez pensé que ce

14 document a été envoyé et qu'à ce moment-là, il reprenait la position

15 tactique sur le terrain entre le HVO et le BIH et pourquoi avez-vous

16 pensé que ces positions avaient changé à l'époque ?

17 M. Landry. - Si ma mémoire est bonne, il faut que l’on comprenne

18 qu'à partir de l'ensemble du mois de mars, en fin de compte, de

19 l'hiver 1993 jusqu'au printemps et même au début de mai, les forces

20 opérationnelles HVO avaient réellement un avantage tactique dans les

21 diverses localités où elles étaient en Bosnie centrale. On a vu à partir

22 de la mi-mai, et cela s’est confirmé à la mi-juin, que, progressivement,

23 les Musulmans changeaient cette situation tactique.

24 Cette région est la région qui est complètement à l'Est de Vitez

25 et se trouve à l'Est aussi de Zenica. On pouvait voir ici

Page 7614

1 qu'effectivement, les autorités HVO nous demandaient de prévenir des

2 agressions de la part des Musulmans qui semblaient progresser

3 favorablement, tactiquement, et éventuellement, qui pourraient prendre en

4 charge certaines municipalités qui étaient présentement sous le contrôle

5 HVO.

6 M. Cayley (interprétation). - Colonel, pourquoi pensez-vous que

7 ce document a été envoyé à l'époque ? Pourquoi le HVO a-t-il lancé un tel

8 appel ?

9 M. Landry. - Je crois encore une fois que l’on essayait

10 d'alarmer la communauté internationale à l'effet que les Musulmans

11 devenaient de plus en plus dangereux et que c'était à notre avantage,

12 l'avantage de la communauté internationale d'intervenir et d'empêcher ce

13 genre d'opérations offensives. Et que le tout devrait se faire de façon,

14 encore une fois, à minimiser les vies qui pourraient être mises en danger

15 lors de telles opérations.

16 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, le moment

17 est arrivé.

18 M. le Président. - Nous suspendons l’audience pendant

19 vingt minutes environ.

20 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

21

22 L'audience, suspendue à 16 heures 30, est reprise à

23 17 heures 50.

24 M. le Président. - La séance est reprise. Introduisez l’accusé.

25 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)

Page 7615

1 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

2 Nous reprenons avec la fin de l’interrogatoire principal du

3 colonel Landry.

4 M. le Greffier. - Monsieur le Président, si vous le permettez,

5 j'aimerais donner une petite précision quant à la numérotation des

6 derniers documents, futures pièces à conviction.

7 M. le Président. - Il y a toujours un chiffre qui se perd, j'ai

8 l'impression.

9 M. le Greffier. - Au départ de la pièce 297 et 297(a) pour la

10 version française, il s'agit du rapport spécial sur l'incident de

11 Bilalovac du 22 avril 1993.

12 Pour le document 298 et 298(a), il s'agit d'un rapport spécial

13 sur des présomptions de nettoyage ethnique daté du 25 avril 1993.

14 Le document 299, il s'agit d'une carte où certains villages sont

15 surlignés.

16 Ensuite, le document 300 et 300(a), il s'agit d'un document qui

17 a pour objet le processus de paix en Bosnie centrale daté du

18 28 avril 1993.

19 Enfin, le dernier document soumis est le 301 et le 301(a), il

20 s'agit d'un avis relatif aux activités probables des forces de la BIH daté

21 du 15 mai.

22 Ainsi, la rectification est apportée.

23 M. le Président. - Nous pouvons donc continuer.

24 M. Cayley (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi je suis

25 seul mais je suis sûr que mes collègues nous rejoindront rapidement.

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1 Colonel Landry, passons maintenant au mois de juin 1993.

2 Pourriez-vous décrire aux Juges brièvement les événements qui ont eu lieu

3 et qui avaient trait au convoi de Tuzla ?

4 M. Landry. - Ainsi que j'en ai déjà fait état, il faut

5 comprendre que la région de la Bosnie centrale et la région de Tuzla

6 étaient encerclées soit par les Serbes, soit par les autorités HVO.

7 La principale route de ravitaillement pour les Musulmans de la

8 Bosnie centrale, les Musulmans et les HVO de la région de Tuzla, était la

9 route qui provenait de la côte et qui avait été construite principalement

10 par les unités des Nations Unies, on l'appelait "la route de la montagne".

11 Etant donné que cette route était en territoire HVO, plusieurs

12 convois de ravitaillement n'avaient pu être acheminés pour toute sorte de

13 raisons de contrôle, et sur le terrain, à partir de la mi-avril jusqu'au

14 début de juin, la population générale était affamée. Il se faisait de

15 moins en moins de ravitaillements en pétrole. Il faut comprendre que les

16 centrales électriques de la région de Zenica et de Tuzla fonctionnaient

17 avec du charbon, charbon qui nécessitait d'être convié, donc on avait

18 énormément besoin de pétrole.

19 La raison que l'on donnait pour empêcher le cheminement de ces

20 vivres, même si elles étaient escortées par des convois humanitaires des

21 Nations Unies et par la Forpronu, est que ce ravitaillement-là pouvait

22 servir aux troupes bosniaques pour les renforcer et leur permettre d'être

23 plus performantes contre les troupes HVO. Donc, il y avait un besoin de

24 ravitaillement.

25 Suite à une initiative du commandant du deuxième corps avec les

Page 7617

1 troupes HVO de Tuzla, suite à une série de visites à Zenica, il avait été

2 entendu que les autorités HVO, les autorités bosniaques, allaient

3 permettre à un convoi civil non escorté par la Forpronu et non mandaté par

4 l'UNHCR de se rendre sur la côte de façon à pouvoir acheter des vivres,

5 acheter de l'essence de façon à pouvoir approvisionner la Bosnie centrale

6 et la région de Tuzla.

7 Donc, vers le début de juin, un convoi d’environ cinq cents

8 véhicules a rejoint Zenica et s'est dirigé vers la côte pour faire le

9 ravitaillement.

10 Le convoi a pu se rendre sur la côte sans trop de problèmes,

11 même s'il y a eu certains arrêts, même s'il avait été entendu que le

12 convoi serait escorté par les troupes qui contrôlaient les territoires à

13 l'intérieur desquels le convoi devait circuler, bref le convoi s'est rendu

14 sur la côte. Les problèmes ont commencé lorsque le convoi a réussi à se

15 réorganiser, lorsque les achats de vivre, de denrées, de biens et

16 d'essence ont été faits et que les camions ont été capables d'être

17 regroupés pour revenir à leur destination de départ. Cela a pris environ

18 près de treize jours pour que ce convoi puisse revenir. Au cours de cette

19 période, les véhicules ont été arrêtés pendant longtemps, principalement

20 et surtout dans les zones contrôlées par le HVO. Plusieurs véhicules ont

21 été vidés de leur contenu. Des véhicules ont aussi été purement et

22 simplement volés. Des gens ont été arrêtés, des personnes ont été tuées.

23 Toujours est-il que, sur un convoi de 500 véhicules, à peine 50 % d'entre

24 eux ont pu retourner à leur point de départ avec la cargaison pour

25 laquelle les civils avaient eux-mêmes payé.

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1 M. Cayley (interprétation). - Où l'attaque principale à l'égard

2 de ce convoi a-t-elle eu lieu ?

3 M. Landry. - Principalement dans la région de Nova Bila, qui se

4 trouve entre la jonction qui mène à Travnik et qui se dirige vers Vitez.

5 C'est principalement là, je crois, qu'une bonne partie du convoi aurait

6 été dépouillée de ses biens. Il y a eu environ une dizaine de personnes

7 tuées lors de ces événements-là.

8 M. Cayley (interprétation). - Qui était chargé de la sécurité,

9 dans cette zone ?

10 M. Landry. - Les responsables du territoire que le convoi devait

11 traverser étaient responsables. Nous étions en territoire HVO à ce moment-

12 là. Donc, les responsables HVO devaient assumer, ou assurer la protection

13 du convoi.

14 M. Cayley (interprétation). - L'attaque lancée contre le convoi

15 était-elle une attaque organisée, ou s'agissait-il plutôt d'un groupe

16 désorganisé qui a lancé cette attaque, en juin 1993, à Nova Bila ?

17 M. Landry. - Les rapports que nous avons eus et que nous avons

18 pu observer, parce que le convoi était escorté tout du long par des

19 équipes de l'ECMM. On s'est aperçu qu'à la hauteur de Bilalovac, ce sont

20 principalement des groupes de civils qui ont arrêté le convoi, qui ont

21 volé et qui, éventuellement, ont tué certains des chauffeurs qui étaient à

22 bord du convoi, ainsi que certains passagers qui étaient à bord d'autobus

23 suivant le convoi.

24 M. Cayley (interprétation). - Le convoi a-t-il subi des attaques

25 entre son point de départ et Bila ?

Page 7619

1 M. Landry. - Le convoi avait principalement subi des arrêts, à

2 divers endroits ou points clef sur cette route -on peut parler de la ville

3 de Prozor, où il y a eu des délais indus, on peut parler de la ville de

4 Gornji Vakuf, où il y a eu des délais indus, et où certains véhicules ont

5 disparu, où les citernes ont été vidées de leur contenu, où il y a eu

6 certains gestes d'agression contre les chauffeurs... Mais, principalement,

7 l'endroit où le taux le plus élevé de crimes a été commis, si ma mémoire

8 bonne, est dans le bout de Nova Bila, tout près de Vitez.

9 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit que ces attaques

10 avaient eu lieu à Prozor et Gornji Vakuf. Ces deux zones étaient-elles

11 contrôlées par le HVO ?

12 M. Landry. - Elles étaient effectivement contrôlées par le HVO.

13 M. Cayley (interprétation). - Le HVO s'était-il déclaré prêt à

14 assurer la sécurité de ce convoi ?

15 M. Landry. - C'était la seule raison pour laquelle l'ECMM de

16 Zenica avait décidé d'entériner une telle initiative. Avant que le convoi

17 ne se mette en marche, avant qu'il n'atteigne Zenica de Tuzla, il y avait

18 eu des ententes. Des éléments représentant le HVO de la région de Tuzla

19 étaient venus visiter les autorités de Vitez, pour éventuellement avoir

20 les autorisations requises. Sans cela, on n'aurait pas autorisé ce convoi

21 à circuler, en étant conscient qu'à l'époque où cela se faisait, il y

22 avait certaines animosités.

23 On parlait tout à l'heure d'actions offensives musulmanes plus

24 corsées à cette époque-là. Vous m'avez montré, il y a quelques instants,

25 un rapport demandant aux Nations Unies ou aux agences internationales de

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1 protéger les Croates de la région centrale. Donc, il est évident que la

2 situation n'était pas celle d'un cessez-le-feu bien appliqué à l'intérieur

3 de ce secteur-là.

4 Mais il faut bien comprendre que les raisons pour lesquelles on

5 organisait ce convoi étaient des raisons humanitaires. Lisez les rapports

6 de l'UNHCR de l'époque : il était évident qu'en Bosnie centrale, et

7 principalement dans la région au nord de Vitez, les gens étaient affamés.

8 L'UNHCR ne pouvait pas augmenter sa capacité de convois et c'est

9 strictement pour ces raisons, à ces fins humanitaires, qu'il avait été

10 décidé d'entériner cette initiative d'escorter ce convoi qu'on appelait

11 "le convoi de la joie de Tuzla".

12 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit que les mesures de

13 sécurité n'étaient pas adaptées, notamment à Bila. Qui était le commandant

14 du HVO à Bila, qui s'était déclaré prêt à assurer la sécurité du convoi ?

15 M. Landry. - A ma connaissance, c'était toujours le

16 colonel Blaskic, à l'époque.

17 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on maintenant aller de

18 l'avant et je souhaiterais que les pièces 302 et 302 (a) soient soumises

19 au témoin.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 Je voudrais apporter une correction à ce qui apparaît dans le

22 compte-rendu. Il est dit que vous avez dit que c'était le convoi de choix

23 de Tuzla, mais pouvez-vous nous répéter quel était le nom véritable de ce

24 convoi ? S'agissait-il du convoi de choix ?

25 M. Landry. - Non c'était le convoi de la joie.

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1 M. Cayley (interprétation). - Nous passons maintenant à un sujet

2 particulier, à savoir la participation des forces armées croates sur le

3 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Pourriez-vous résumer la teneur du

4 rapport que vous avez reçu au centre régional de Zenica en Juin 1993, et

5 qui portait plus particulièrement sur la participation des forces armées

6 croates dans le conflit entre les Musulmans et les Croates qui étaient en

7 cours à l'époque ?

8 M. Landry. - Dès mon arrivée au centre régional de Zenica au

9 début mars, il y avait des rumeurs qui circulaient. Les troupes croates de

10 Croatie, aidaient les troupes HVO de la Bosnie dans leur projet ou dans

11 leur stratégie militaire, soit en leur fournissant du matériel logistique,

12 soit en impliquant des unités qui venaient de la Croatie. Donc, dès mon

13 arrivée, le quartier général de l'ECMM tenait absolument à ce que tout le

14 personnel travaillant dans cette zone, principalement la zone sous

15 domination croate et bosniaque à l'intérieur de la Bosnie, soit en mesure

16 de bien identifier les véhicules.

17 Les militaires ont une façon bien à eux d'identifier leur

18 véhicule, chaque véhicule est identifié avec un numéro, chaque véhicule à

19 une codification qui l'identifie à un régiment, à une brigade ainsi qu'à

20 une armée, une nationalité. On nous avait donc demandé d'être très

21 prudents, et d'essayer de vérifier, lorsque qu'on croisait des convois

22 militaires de vérifier ces numéros, de façon à les communiquer à la

23 section des renseignements du Quartier Général des ECMM à Zagreb.

24 Ce rapport fait état, -je le regardais brièvement,-

25 qu'effectivement à cette époque, on est au mois de juin, ce rapport fait

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1 état que des troupes logistiques opéraient en territoire bosniaque pour

2 supporter des opérations HVO en territoire bosniaque. De plus, il avait

3 été identifié, et même avoué par des éléments de la chaîne de commandement

4 de Croatie qu'en plus d'avoir des unités de logistique, il y avait un

5 nombre indéfini ou indéterminé, d'individus qui volontairement avaient

6 décidé de rejoindre les rangs HVO.

7 Je dois vous avouer que c'était difficile pour nous d'identifier

8 les éléments HV des éléments HVO pour deux raisons simples : la majorité

9 des déplacements se faisaient la nuit, ce qui est normal en opération

10 militaire, vous déplacez vos éléments la nuit parce qu'il est plus

11 difficile de les détecter, alors que nos instructions de sécurité nous

12 empêchaient, nous, les membres du ECMM, de nous déplacer la nuit ou de

13 nous mettre en position d'observation. Nous n'avions pas les équipements

14 pour le faire et nous n'étions pas armés.

15 Deuxièmement, la majorité des troupes de combat pour lesquelles

16 on suspectait les troupes croates d'aider les troupes HVO en Bosnie

17 centrale se faisaient surtout dans la région entre Prozor et Fojnica.

18 Pendant plusieurs semaines nous ne pouvions circuler dans cette région.

19 Nous ne pouvions pas circuler sur la route qui joignait Prozor à travers

20 Jablanica pour se diriger vers Fojnica. Il nous était impossible de

21 circuler dans cette région alors que les renseignements que l'on avait

22 reçus de diverses sources nous disaient que c'était principalement là que

23 les troupes HV combattaient auprès des troupes HVO.

24 Finalement, c'est un peu ce que le bout de papier nous dit, les

25 Croates nous disaient qu'effectivement, il y avait des troupes ou des

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1 éléments des forces armées HV qui opéraient en territoire bosniaque.

2 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous été vous-même le témoin

3 oculaire de mouvements de troupes de la HV en Bosnie ?

4 M. Landry. - Lors d'une visite, à cette époque ou peut-être

5 légèrement plus tard, dans la région du sud où nous avions des

6 détachements, avec à l'époque le commandant ou le commandant adjoint du

7 centre de Zenica, j'étais à même à Prozor de voir des véhicules avec des

8 identifications qui n'étaient pas HVO mais qui provenaient bien du HV, des

9 unités logistiques.

10 Il faut bien comprendre que les unités logistiques en jargon

11 militaire sont des unités de support qui permettent aux formations

12 combattantes de pouvoir faire leur travail, autrement dit qui fournissent

13 munitions, essence et transport. Donc sans unités logistiques, vous ne

14 pouvez pas opérer.

15 M. le Président (interprétation). - Nous pensions l'avoir

16 compris. Répondez aux questions et essayons d'avancer, s'il vous plaît. Je

17 pense que le Tribunal sait ce qu'est une unité logistique par rapport à

18 une unité combattante.

19 Maître Cayley, continuez, si vous voulez bien, pour en terminer

20 avec l'interrogatoire et après passer à l'interrogatoire principal. Merci.

21 M. Cayley (interprétation). - Peut-on passer au témoin les

22 pièces 303 et 303(a) s'il vous plaît, il s'agit d'un autre rapport, nous

23 n'allons pas l'étudier dans le détail mais c'est un rapport qui confirme

24 bien quels étaient les avis de l'ECMM quant à la présence de l'armée

25 croate en Bosnie. L l'armée de Croatie apportait effectivement une aide

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1 aux unités du HVO dans le cadre de ses offensives contre l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine.

3 Pourriez-vous simplement nous confirmer que vous avez bien vu

4 ces documents auparavant ?

5 M. Landry. - Oui, je les ai bien vus, j'ai même contribué à leur

6 rédaction. Comme je le mentionnais, j'étais entre autres lors d'une visite

7 avec le commandant adjoint à l'époque le DH, Deputy Head Regional Center

8 of Zenica, lors d’une de ses visites, quand il a écrit ce rapport par la

9 suite.

10 M. Cayley (interprétation). - Nous allons maintenant en venir à

11 l'examen des tout derniers documents, 306 et 307, et afin de gagner du

12 temps, je ne m'attacherai pas aux documents 304 et 305. Donc pour mettre

13 les choses au point maintenant, je m'attache aux documents 306 et 307. Il

14 s'agit des deux cartes. Je précise que les deux dernières cartes ne sont

15 pas 306 et 307, mais 304 et 305.

16 Lieutenant-colonel, en guise de conclusion, quelle forme a

17 revêtu la campagne militaire dont vous avez été le témoin, campagne

18 militaire qui était menée par le HVO dans les municipalités contrôlées par

19 ce même HVO ?

20 Peut-on passer la carte 304 sur le rétroprojecteur, s'il vous

21 plaît ?

22 M. Landry. - J'ai les cartes 306 et 307.

23 M. Cayley (interprétation). - Absolument, Monsieur le

24 lieutenant-colonel, mais elles s'appellent désormais les pièces 304 et

25 305, cela nous permet de gagner du temps.

Page 7625

1 M. le Président. - 304 et 305 car je crois que l'accusation a

2 renoncé à deux documents.

3 M. le Greffier. - Vous renoncez à l'autre document ?

4 M. Cayley (interprétation). - Absolument. Je voudrais gagner du

5 temps, donc je ne m'attacherai pas à ces deux documents.

6 M. le Président. - La carte 304 est celle où il y a le moins

7 d'indications et la 305 est la même carte, mais où il y a les dix ou douze

8 provinces indiquées ? C’est cela, Maître Cayley ?

9 M. Cayley (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.

10 M. le Président. - 304 ?

11 M. Cayley (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

12 Lieutenant-colonel, je vais répéter la question parce que je

13 veux absolument obtenir une réponse précise. Quel était le type de

14 campagne militaire qui était menée par le HVO et dans quelles

15 municipalités ? Fondez-vous sur ce que vous avez vu sur le terrain,

16 fondez-vous sur ce que vous avez pu lire dans les rapports qui ont été

17 reçus par vous à la fois des officiers chargés des opérations et par le

18 commandant adjoint de Zenica.

19 M. Landry. - C'est une stratégie à double objectif que j’ai été

20 à même d'observer, et qui était partagée par l'ensemble des gens qui

21 opéraient à l'intérieur du ECMM de la zone de Zenica.

22 Double stratégie à l’effet que, d'une stratégie, on semblait

23 approuver les ententes Vance-Owen, on semblait signer divers cessez-le-

24 feu, une stratégie d'un côté où on voulait absolument gagner l'estime et

25 gagner l'approbation internationale ; on jouait un jeu à ce niveau de

Page 7626

1 façon à montrer que les HVO voulaient coopérer avec les instances

2 internationales pour mettre un terme le plus tôt possible au conflit qui

3 ravageait la Bosnie, et d'un autre côté, une stratégie beaucoup plus

4 subtile qui, à mon idée, consistait à provoquer par toutes sortes de

5 moyens les Musulmans, stratégie qui était principalement axée dans tous

6 les territoires des provinces qui avaient été données au HVO, stratégie

7 qui cherchait à éventuellement créer un nettoyage ethnique où on serait en

8 mesure de pouvoir laisser partir les Musulmans de façon à pouvoir intégrer

9 les populations croates qui vivaient à extérieur de ces zones-là et qui,

10 principalement, vivaient dans les zones dites « provinces musulmanes », ou

11 serbes.

12 A l'époque, on avait des preuves qu'il y avait des ententes non

13 écrites entre Serbes et Croates, à l’effet qu'il y avait des échanges de

14 prisonniers, des échanges de civils qui avaient lieu sur les frontières

15 serbes et croates à l'intérieur de la Bosnie centrale.

16 M. Cayley (interprétation). - Lieutenant-colonel, toutes les

17 municipalités qui apparaissent sur ce document avec une flamme rouge à

18 leurs côtés sont-elles les municipalités à propos desquelles vous avez

19 reçu des rapports qui portaient sur les provocations dont vous venez de

20 parler ?

21 M. Landry. - Majoritairement, ce sont les villes où les

22 principales activités HVO ont été observées, se faisant dans l'atmosphère

23 et l'esprit de la stratégie que je viens d'expliquer, soit de créer des

24 incidents de façon à provoquer les Musulmans à réagir et avoir toute

25 latitude de poursuivre leur stratégie de long terme qui était, pour toutes

Page 7627

1 fins pratiques, de nettoyer ces régions-là des Musulmans.

2 M. Cayley (interprétation). - De façon générale, qui ces

3 provocations visaient-elles ?

4 M. Landry. - Les provocations étaient faites contre les forces

5 bosniaques. C’était des provocations qui se faisaient toujours sous

6 l'atmosphère que, oui, on acceptait les cessez-le-feu, oui, on était

7 d'accord pour mettre en avant les plans, mais finalement, sur le terrain,

8 c'était autre chose qui se passait. On retardait. Toutes les excuses

9 étaient bonnes pour retarder la mise en place de certains plans. Les

10 convois qui passaient à travers les régions contrôlées par les HVO qui

11 auraient dû se rendre au secteur bosniaque étaient toujours retardés pour

12 toutes sortes de raisons.

13 Eventuellement, cela aurait provoqué la réaction que l'on

14 cherchait. Vers la fin de mai, le début de juin, effectivement, les

15 Bosniaques ont réagi.

16 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que ces provocations

17 comprenaient entre autres des violations du droit humanitaire

18 international ?

19 M. Landry. - Oui, comme il a fait état lors de certains exemples

20 que vous avez été à même d'apporter et que j’ai été à même de commenter.

21 M. Cayley (interprétation). - Peut-on faire passer au témoin la

22 pièce 305, s’il vous plaît ? Il s'agit d'un transparent qui permet de voir

23 quelle a été la conséquence du plan Vance-Owen sur la région. Nous allons

24 placer ce transparent sur la carte que vous venez de décrire, Monsieur le

25 lieutenant-colonel.

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1 Vous connaissez bien ce plan Vance-Owen, n’est-ce pas ?

2 M. Landry. - Je le connais très bien parce que dès l'approbation

3 de ce plan par les Bosniaques, vers la fin du mois de mars, la communauté

4 européenne a décidé de s'impliquer directement pour faciliter la

5 transition vers ce plan.

6 C’est à la même époque que le centre régional de Zenica a

7 pratiquement doublé ses effectifs, de façon à pouvoir faciliter cette

8 transition. Nous avions le rôle d'expliquer aux diverses municipalités et

9 aux divers gouvernements provisoires les détails de ce plan.

10 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux juges ce

11 que nous montre ce transparent et quelle est l'importance que revêtent ces

12 lignes jaunes qui apparaissent ; soyez aussi succinct que possible, s'il

13 vous plaît.

14 M. Landry. - Les lignes rouges représentent les frontières des

15 provinces, les triangles rouges représentent les divers endroits où des

16 activités étaient générées, activités des conflits, des atrocités, de la

17 violence contre les populations civiles musulmanes avaient eu lieu.

18 La route jaune vous montre la seule route disponible pour

19 apporter le ravitaillement en Bosnie centrale vers les provinces 9 et 7.

20 Le contrôle de cette route, ainsi que la domination des provinces 10 et 8

21 par le HVO lui donnaient, pour toute fin pratique, le contrôle de toutes

22 les provinces musulmanes concernant le ravitaillement.

23 Il faut bien comprendre aussi que le plan Vance-Owen, même s'il

24 a été utilisé pour éventuellement permettre cette épuration ethnique,

25 reconnaissait le gouverneur des provinces 10 et 8 comme devant être des

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1 Bosniaques-Croates. Par contre, compte tenu des populations que ces

2 provinces contenaient de minorités ethniques, serbes ou croates, le

3 gouvernement de ces provinces devait être représentatif de ces minorités,

4 et permettre aux minorités de ces provinces d’être représentées

5 politiquement à toutes les instances des gouvernements provinciaux.

6 M. Cayley (interprétation). – Permettez-moi de vous interrompre,

7 parce qu'il faut apporter une modification d'importance dans le compte

8 rendu. Ai-je raison de dire que ce sont les provinces 8 et 10 qui devaient

9 fait être placées sous le gouvernement des Croates de Bosnie, d’après le

10 plan Vance-Owen, mais avec la réserve que c'était la communauté

11 internationale qui devait veiller à ce qui se passait dans le secteur ?

12 M. Landry. – Oui, 8, 10 et 3 devaient être passées sous le

13 contrôle des populations croate parce que ces régions contenaient une

14 certaine majorité de Croates.

15 M. Cayley (interprétation). – Pensez-vous que le HVO a

16 interprété le plan Vance-Owen à sa façon du moins au vu de la façon dont

17 ils ont mis les choses en œuvre ?

18 M. Landry. - Comme je l'ai déjà dit, il était évident qu'on

19 essayait de tout faire pour récupérer les Croates qui vivaient à

20 l'extérieur de ces villes, de ces provinces et de chasser par tous les

21 moyens voulus l'ensemble des populations musulmanes qui étaient là.

22 Sinon les chasser, d'exiger que les troupes militaires

23 bosniaques tombent sous le contrôle des troupes militaires HVO. Encore une

24 fois, cela faisait partie du sentiment partagé à cette époque, à savoir

25 qu'il y avait eu une entente tacite entre les Serbes et les Croates, de

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1 façon à ce que cette partie appartienne, où ait la possibilité, dans un

2 futur immédiat, de se rattacher à la Croatie.

3 M. Cayley (interprétation). – Quelques questions encore et j’en

4 aurai terminé. J'en ai pour dix minutes, tout au plus. Lorsqu'il était

5 commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, est-ce que le

6 colonel Blaskic vous a informé, vous ou un autre membre de l’ECMM, du fait

7 qu'il y avait certaines entités qui échappaient à son contrôle, à son

8 commandement et qui menaient des opérations militaires de leur propre

9 initiative, sans supervision des supérieurs ?

10 M. Landry. - Pas à ma connaissance.

11 M. Cayley (interprétation). - Vous avez décrit aux Juges ce qui

12 était en fait des opérations menées de façon systématique dans un certain

13 nombre de municipalités et vous avez fait apparaître ces municipalités sur

14 la carte. Serait-il possible que des gangs criminels armés échappant au

15 contrôle de qui que ce soit aient été les responsables de cette campagne

16 militaire armée ou est-ce que d'après vous, c'était bien une campagne

17 systématique et bien organisée ?

18 M. Landry. - A mon avis, il était impossible que tout au cours

19 de la période où j'étais en Bosnie, des gangs armés puissent profiter de

20 cette durée de temps pour amplifier leurs activités en bénéficiant

21 d'équipements militaires au long de cette période. Je pourrais concevoir

22 qu'un, deux ou trois incidents puissent avoir été l'œuvre de gangs armés,

23 mais pas de cette façon systématique. Vous devez comprendre que ce plan

24 s'est fait au cours de toute la période où j'étais là d'une façon

25 progressive.

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1 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, pour parler

2 spécifiquement des municipalités de Vitez, Busovaca et Kiseljak, parce que

3 ce sont les municipalités que vous connaissez le mieux, que vous êtes à

4 même de vous prononcer très précisément sur ce qui s'y est passé, pouvez-

5 vous nous dire qui était le responsable supérieur hiérarchique du HVO dans

6 ce secteur ?

7 M. Landry. - Durant la période où j'étais là, le responsable HVO

8 militaire était le colonel Blaskic.

9 M. Cayley (interprétation). - Bien. Vous avez eu une carrière

10 professionnelle en tant que soldat, vous avez trente ans de carrière à

11 votre actif, sur la base de ce que vous avez vu, sur la base de tout ce

12 dont vous avez été témoin, pourriez-vous dire que le colonel Blaskic

13 n'avait pas le contrôle de tout ce qui s'est passé ?

14 M. Landry. - Deux possibilités à mon avis.

15 La première, c'est que le colonel Blaskic assumait le rôle de

16 chef militaire au cours de cette période, ne faisait que figure de proue

17 lors de cette période et fermait les yeux sur les activités qui incluaient

18 certaines de ses unités. Ce dont je doute très fort.

19 Au cours de cette période, il n'y a aucune hésitation de ma

20 part, le colonel Blaskic aurait eu définitivement le temps et devait en

21 tant que chef responsable, prendre toutes les mesures pour s'assurer que

22 ses troupes répondaient bien à son autorité et mettre en place des

23 systèmes lui garantissant une certaine homogénéité d'une chaîne de

24 commandement.

25 Le colonel Blaskic était déjà là quand je suis arrivé, il avait

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1 pleine connaissance de ses commandants de brigade et de ses troupes. A mon

2 avis, il aurait été tout simplement impossible qu'un chef militaire assume

3 une position pour une telle durée de temps en nous disant pour toutes fins

4 pratiques qu'il n'avait pas le contrôle de ses soldats. C'est une chose

5 que je ne peux pas accepter, que je ne peux pas reconnaître.

6 M. Cayley (interprétation). - Aux fins de clarification, c'est

7 quelque chose qui apparaît dans le compte rendu et qui a à voir avec

8 l'incident qui s'est produit quand vous alliez de Bila vers Ahmici via

9 Vitez. Et je crois qu'à cette occasion, vous avez vu un certain nombre de

10 soldats revêtus d'uniforme noir. Est-ce qu'à cette occasion, vous avez été

11 la cible de certains tirs provenant de ces soldats ?

12 M. Landry. - Oui, c'est pour cette raison d'ailleurs que l'on a

13 dû fuir la scène, on nous a tiré dessus.

14 M. Cayley (interprétation). - Merci, Lieutenant-colonel, tout

15 est clair à présent.

16 Je vais simplement demander maintenant le versement au dossier

17 de plusieurs documents, je ne vais pas tous les citer, mais il s'agit des

18 pièces 282 à 305 et je comprends parmi ces documents toutes les

19 traductions qui portent les lettres a ou b selon les documents pertinents.

20 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, pour ce qui

21 est de deux documents, nous ne les avions jamais vus avant aujourd'hui et

22 je n'ai pas eu le temps de les lire dans leur intégralité, la pièce 290 et

23 la pièce 303. Je n'ai pas d'objections quant aux autres pièces, mais

24 j'aimerais lire ces deux autres documents pour pouvoir me prononcer

25 demain. Je répète, les documents 290 et 303.

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1 Mais bien sûr, notre objection vaut toujours pour ce qui est de

2 l'ouï-dire et de choses qui n'ont pas été vues ou constatées directement

3 par le témoin.

4 M. le Président. - Le Tribunal a définitivement tranché sur

5 cette décision.

6 Au sujet des pièces, il s'agit de pièces qui analogiquement sont

7 un peu similaires à celles qui ont été présentées différemment. Vous

8 voulez attendre demain ? Vous voulez les lire en détail ? Vous êtes un

9 professionnel, Maître Hayman, vous voyez bien de quoi il s'agit quand

10 même. Je parle sur l'identification de la pièce. Que vous contestiez le

11 contenu est une autre affaire.

12 Il me semble que ce n'est pas très compliqué à voir, cette pièce

13 a été identifiée par le témoin, je vous le rappelle. Vous pouvez la

14 contester sur le fond, mais elle a été identifiée par le témoin, vous

15 connaissez la jurisprudence de la Chambre.

16 Je veux bien vous laisser réfléchir jusqu'à demain.

17 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-

18 moi un commentaire sur ce point. Je sais bien que vous n'aimez pas les

19 débats qui se prolongent mais tout de même.

20 M. le Président. - Quand il faut un débat, il faut un débat.

21 Maître Cayley, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas.

22 M. Cayley (interprétation). - Toute cette question remonte au

23 tout début de ce procès quand la défense a choisi pour des raisons

24 stratégiques qui lui sont propres de ne pas s'engager dans des

25 communications réciproques avec le bureau du Procureur. C'est pour cela

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1 qu'ils n'ont pas reçu ces documents, c'est la raison pour laquelle

2 M. Hayman n'a pas pu les lire à l'avance. De même, le bureau du Procureur

3 ne dispose d'aucun des documents que M. Hayman pense soumettre aux Juges

4 pendant la présentation de ses témoins.

5 Pour ce qui est maintenant de l'objection sur l'ouï-dire, la

6 question a été tranchée il y a plusieurs mois et cependant M. Hayman

7 objecte encore et toujours.

8 M. le Président. - Maître Cayley, vous n'avez pas besoin de me

9 souffler la réponse, l'ouï-dire a été tranché, ne revenons pas dessus. Il

10 s'agit de la pièce 290 qui nous ramène effectivement à un débat que nous

11 avons également tranché. Il me semble personnellement, mais je vais

12 consulter mes collègues, que cette pièce est identifiée par le témoin, je

13 ne vois pas d'objection à la verser comme pièce. Je vais consulter mes

14 collègues.

15 (Les Juges se consultent sur le siège)

16 La pièce est versée comme pièce à conviction. Le contre-

17 interrogatoire commence tout de suite, maître Hayman.

18 M. Hayman (interprétation). - Lieutenant colonel, il y a

19 quelques minutes dans le cadre de votre déposition, vous avez déclaré que

20 lors d'une réunion qui s'est tenue le 28 avril 1993, le colonel de brigade

21 Petkovic avait donné l'ordre à des troupes du HVO de relâcher un convoi

22 qui avait fait l'objet d'un détournement. Vous vous rappelez avoir dit

23 cela ?

24 M. Landry. - J'ai mentionné que le général Petkovic a été en

25 mesure de communiquer avec les instances politiques du HVO, HDZ, et

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1 éventuellement d'avoir ces personnes-là, entre autres M. Kordic, donner

2 les instructions pour qu'on puisse libérer ces véhicules ou ce convoi-là.

3 M. Hayman (interprétation). - Donc vous êtes en train de dire

4 maintenant que M. Petkovic a émis un ordre à l'égard de M. Kordic pour que

5 celui-ci permette au convoi de partir libre ? C'est ce que vous êtes en

6 train de dire ? Quelle est la nature de l'ordre émis par M. Petkovic ?

7 Pouvez-vous le préciser ?

8 M. Landry. - Je ne comprends pas tellement la nature de votre

9 question, mais ce que je peux comprendre, c'est que dans mon armée, les

10 forces militaires sont sous le contrôle des politiciens. Des instructions

11 qui venaient de l'appareil politique ont été communiquées à une brigade à

12 Busovaca, ces instructions devaient être une fois encore données par les

13 mêmes instances politiques pour permettre de libérer le convoi, parce que

14 le commandant de la brigade de Busovaca disait que les ordres qu'il avait

15 reçu venaient de l'aile politique du HDZ.

16 Etant donné qu'on était à même d'avoir une rencontre avec les

17 chefs d'état-major des deux armées qu'il semblait que l'élément de contact

18 avec le gouvernement HDZ était le chef d'état-major des troupes HVO qui

19 siègent avec le gouvernement HDZ. Il était naturel que cet individu, en

20 conséquence le général Petkovic, soit en mesure de parler aux instances

21 politiques pour leur dire "on est en train de faire un cessez-le-feu

22 présentement et les actions que vous ordonnez à nos gens sur le terrain

23 vont à l'encontre de ces actions. Veuillez s'il vous plaît relâcher les

24 véhicules ou passer des instructions à cet effet-là. C'est ce que je me

25 rappelle de cette soirée-là et je ne sais pas dans quel autre ce terme

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1 vous voulez que je les exprime.

2 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec ce qui a

3 été écrit par l’ambassadeur Thebault ? Je cite un passage de la pièce

4 300 .

5 M. Landry. - Est-ce que je pourrais avoir cette pièce, s'il vous

6 plaît ?

7 M. Hayman (interprétation). - Certainement.

8 (L'huissier s'exécute)

9 Monsieur Thebault écrit page 2, paragraphe 3, je cite : « Un

10 convoi du HCR de 40 convois accompagné de deux véhicules transporteurs de

11 troupes a été détourné alors qu'il se dirigeait vers Zenica. Les troupes

12 du HVO responsables de cet acte ont déclaré qu'elles se souciaient peu des

13 ordres émis par le colonel Blaskic et par le colonel de brigade Petkovic.

14 Leurs ordres émanaient de M. Kordic, la personne de plus haute autorité

15 au sein du HVO en Bosnie-Herzégovine, ordre selon lequel ils avaient le

16 droit de pratiquer la fouille du convoi et son détournement. »

17 Est-ce que ceci va bien dans la ligne de l'information dont vous

18 disposez dans cette affaire ?

19 M. Landry. - Oui je n'ai pas été à l'encontre de cela à aucun

20 moment donné.

21 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également déclaré il y à

22 quelques instants, que jamais, à aucun moment, vous n'avez eu

23 d'information selon laquelle il y avait un élément du HVO en zone

24 opérationnelle de Bosnie centrale qui échappait au contrôle du colonel

25 Blaskic. Vous rappelez-vous avoir dit cela ?

Page 7637

1 M. Landry. - Oui, et je continue à le dire. C'est ce que le

2 colonel Blaskic a continué à nous dire, même après cet incident. Je ne me

3 rappelle pas avoir vu des mesures spécifiques prises par le colonel

4 Blaskic pour remédier à cette situation, soit pour relever de son

5 commandement le commandant de brigade, soit pour éventuellement prendre

6 des actions pour que ce genre d'incidents ne se produisent plus. Ce que

7 j'ai compris, c'est qu'étant donné que le colonel Blaskic n'était pas

8 disponible, étant donné que M. Kordic était dans cette région et qu'il

9 semblait avoir une certaine attitude face aux éléments de stratégie qui

10 étaient développés par les troupes HVO, qu'il avait pris bon d'indiquer au

11 commandant de brigade de prendre ce genre d'attitude. Par la suite, une

12 fois que le colonel Blaskic ainsi que le général Petkovic ont été mis au

13 courant, on est retournés à la source politique qui avait initié ce genre

14 d'action pour y remédier. Par la suite, à aucun moment le Général Blaskic,

15 ne nous a dit que le commandant de la Brigade de Busovaca n'était pas sous

16 son contrôle. J'ai toujours cru qu'une armée est sous le contrôle

17 politique de ses chefs politiques, l'un ne va pas sans l'autre.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous en arriveriez à

19 changer d'opinion si un commandant suprême limogeait un commandant de

20 brigade, qui par la suite reprendrait le pouvoir, suite au soulèvement des

21 unités composant cette brigade ?

22 Est-ce que cela modifierait vos opinions concernant le contrôle

23 des forces armées ?

24 M. Landry. - On parle d'une situation hypothétique, je vous dis

25 que le colonel Blaskic avant même que j'arrive au mois de mars,

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1 s'affichait comme étant le commandant en chef de tous les troupes HVO sur

2 son territoire.

3 Suite à cet incident du 28 avril, le colonel Blaskic a encore

4 une fois à plusieurs occasions, s'est affiché comme étant le commandant en

5 chef de toutes les troupes HVO sur son territoire .Cela indique pour moi

6 deux choses :

7 Cela indique qu'il y a eu un malentendu entre lui et les chefs

8 politiques et qu'effectivement la situation a été remédiée. Sinon cela

9 indique que le colonel Blaskic s'affichait comme grand responsable des

10 troupes du HVO en sachant qu'il ne l'était pas. Il assumait un poste pour

11 lequel il n'était pas en mesure de prendre les mesures de contrôler : donc

12 je suis responsable, mais quand je ne suis pas crédible je ne suis pas je

13 suis responsable du groupe, mais par contre, si des actions sont prises

14 par ce groupe, à l'encontre de mes opinions, je ne suis pas responsable.

15 Dans mon armée ces deux choses là ne fonctionnent pas ; où bien vous êtes

16 responsable où bien vous ne l'êtes pas

17 M. le Président. - Je crois que ceci est très clair. C’est votre

18 opinion, essayons de passer à d'autres questions. On ne va pas tourner en

19 rond autour de ces situations hypothétiques ou qui représentent les

20 opinions du témoin, qu'il a déjà manifestées et que le Tribunal a entendu.

21 Maître Hayman, poursuivez.

22 M. Hayman (interprétation). - Je vais poursuivre, mais je tiens

23 à faire noter que dans le cas de témoignage, les expressions d'opinions

24 hypothétiques sont sans doute la seule façon de procéder, mais le témoin

25 n'a pas répondu à ma question.

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1 Paragraphe 4, nous trouvons une déclaration, je cite : "Il est

2 rapporté par le Britbat que même après l'autorisation donnée au convoi de

3 poursuivre son chemin, les forces locales du HVO ont continué à insister

4 sur leur opposition à l’ordre du colonel Petkovic, en prétendant que seul

5 M. Kordic pouvait leur donner des ordres spéciaux au sujet de ce convoi."

6 Vous voyez ce passage ; êtes-vous d'accord avec son contenu ?

7 M. Landry. – Sur ce qui s’est passé le 28 avril, tout à fait.

8 Par la suite, rien ne s'est fait de concret pour remédier à cette

9 situation et le colonel Blaskic continuait.

10 M. le Président. - Nous l'avons entendu colonel, nous

11 connaissons votre opinion sur la question. Je voudrais qu'on passe à la

12 question suivante, s'il vous plaît.

13 M. Hayman (interprétation). – Pourriez-vous m’aider à comprendre

14 exactement quelles étaient vos fonctions, vos devoirs, dans le temps ? A

15 partir de quel moment avez-vous été moniteur sur le terrain en Bosnie-

16 Herzégovine, responsable d'actions sur le terrain ? Pouvez-vous me citer

17 une date ? Je crois que la date doit se situer en mars 1993, jusqu'au 22

18 avril 1993. Pouvez-vous me confirmer la période pendant laquelle vous avez

19 fait du travail d’inspection sur le terrain ?

20 M. Landry. – Je dois vous avouer que dès mon arrivée, au mois de

21 mars, on m'a placé comme membre de la commission de Busovaca et j'ai été

22 membre de cette commission jusqu'à la fin, qui s'est située aux alentours

23 de cette période de mi-avril.

24 M. Hayman (interprétation). – Oui, mais pouvez-vous me dire à

25 quel moment vous avez été moniteur, à partir de quelle date du mois de

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1 mars et jusqu'à quelle date du mois d'avril ? Le savez-vous ?

2 M. Landry. - Si vous me donnez le temps, je vais regarder plus

3 précisément dans mes notes, mais la première journée où je suis arrivé à

4 Zenica, on m'a appointé pour être responsable sur la commission de

5 Busovaca et le rôle de cette commission exigeait qu'en même temps je sois

6 responsable d'une équipe sur le terrain. Cela a duré jusqu'aux alentours

7 du 22 avril. Je ne comprends pas la nature de votre question.

8 M. Hayman (interprétation). - Donc, le 22 avril, vous avez cessé

9 d'être moniteur sur le terrain, est-ce exact ?

10 M. Landry. - On est toujours moniteur. Je vous ai dit qu'à

11 partir de cette date, la majorité de mes travaux ont été faits à partir du

12 quartier général de Zenica, mais il est arrivé que j'aie dû aller sur le

13 terrain pour faire des investigations sur certaines actions, comme la

14 libération des officiers croates. Je continuais à avoir une fonction de

15 quartier général, d'officier d'état-major et en même temps j’étais

16 impliqué dans les arrangements sur le terrain pour cette situation-là.

17 Je ne sais pas si cela répond question mais je ne vois pas

18 exactement où vous voulez en venir.

19 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre qu'avant le

20 22 avril, date à laquelle vous êtes devenu officier des opérations à

21 Zenica au quartier général, vous n'aviez pas pour fonction de passer en

22 revue, d'examiner les rapports provenant d'autres équipes de moniteurs ou

23 d'autres régions ?

24 M. Landry. – Ce n'est pas tout à fait cela. J’étais membre de la

25 commission de Busovaca et je devais donc être en mesure d'avoir en main

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1 tous les rapports concernant la situation en Bosnie centrale. Même si je

2 n'étais pas moniteur spécifiquement à tel ou tel endroit je devais, du

3 fait de mon appartenance à cette commission, avoir accès à tous ces

4 rapports.

5 Régulièrement, la commission répondait à la commission jointe et

6 nous devions nous rendre au quartier général de Zenica, de façon à nous

7 préparer pour cette rencontre. Nous devions avoir une bonne connaissance

8 des activités qui ce que passaient à l'intérieur de l'ensemble du

9 territoire de Zenica.

10 M. Hayman (interprétation). - Nous nous sommes rencontrés en

11 avril 1997, vous avez eu l'amabilité de nous accorder un entretien, n’est-

12 ce pas ?

13 M. Landry. – C’est vrai.

14 M. Hayman (interprétation). - Nous avons procédé à cet entretien

15 en langue anglaise, n'est-ce pas ?

16 M. Landry. - Oui c'est vrai.

17 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous demander à nouveau si

18 vos tâches, vos devoirs, ont changé de façon significative le 22 avril,

19 date à laquelle vous êtes devenu officier du quartier général de l'état-

20 major, par rapport à l'époque où vous passiez en revue régulièrement des

21 rapports de l'ECMM provenant d'autres équipes de moniteurs et d’autres

22 régions de la Bosnie-Herzégovine.

23 M. le Président. - Vous avez déjà posé la question,

24 Maître Hayman.

25 M. Hayman (interprétation). - Je laisse le soin aux Juges de

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1 décider si cette question a reçu une réponse, avec tout le respect que je

2 dois au témoin et au Tribunal. Je n'essaie pas de créer des problèmes pour

3 qui que ce soit ici, le temps bien sûr est une denrée assez précieuse,

4 mais je crois que j’ai droit à une réponse.

5 M. le Président. – Colonel, voulez-vous essayer de répondre,

6 personnellement je dirai pour la troisième fois, mais puisqu’on a invoqué

7 les droits de la défense, je ne voudrais pour rien au monde qu’il y soit

8 porté atteinte. C'est la dernière fois qu'on répond à cette question.

9 M. Landry. - Je vais essayer de formuler ma réponse d’une autre

10 façon. Si l'avocat de la défense veut dire qu'à compter du 22 avril

11 j'avais accès à une information beaucoup plus détaillée, beaucoup plus

12 quotidienne sur ce qui se passait dans l'ensemble du secteur de Zenica, je

13 dois dire oui.

14 Par contre, je dois lui répéter que lors de mon séjour, compte

15 tenu du statut spécifique que j'avais sur la commission de Busovaca,

16 j’avais accès à cette même information, mais sur une base moins

17 quotidienne, plus hebdomadaire.

18 M. Hayman (interprétation). - Merci.

19 Vos tâches ont-elles changé encore une fois lorsque vous êtes

20 devenu adjoint du chef de mission ? Je parle toujours du même problème, à

21 savoir recevoir régulièrement des rapports de l'ensemble des régions de

22 Bosnie-Herzégovine ?

23 M Landry. - Chaque rapport écrit par le centre des opérations

24 devait être entériné soit par le commandant adjoint du centre, soit par

25 l'ambassadeur Thebault.

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1 Donc, à partir du moment où je suis devenu le commandant adjoint

2 mes tâches spécifiques étaient à deux niveaux : supervisez le chef des

3 opérations, m'assurer que les rapports quotidiens et hebdomadaires étaient

4 encore en accord avec notre perception de la situation et garantir la

5 conduite des opérations quotidiennes du centre ou du quartier général.

6 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais que l'on remette au

7 témoin la pièce à conviction 283.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Cette pièce à conviction rend compte d'une réunion d'information

10 qui s'est déroulée à Zagreb, si je ne m'abuse, n'est-ce pas ?

11 M Landry. - C'est cela.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez constaté,

13 après votre arrivée en Bosnie, que les forces du HVO était organisées de

14 façon comparable à la façon dont l'organisation des forces du HV est

15 décrite dans ce document ?

16 M Landry. - Je vais devoir relire le document, si vous le

17 permettez.

18 Encore une fois, j'essaie de comprendre la nature de votre

19 question, je peux dire que, oui, d'une certaine façon les troupes HVO,

20 comme les troupes HV, répondaient au gouvernement en place, donc j'assure

21 que les troupes HVO devaient répondre au gouvernement, je crois qu'on

22 l'appelait HDZ, qui se situait dans la région de Mostar. Ces troupes

23 étaient constituées d'un état-major, comme avec les HVO, ainsi que des

24 groupes opérationnels qui opéraient sur le territoire HVO.

25 M. Hayman (interprétation). - S'agissant du paragraphe 7 de

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1 cette pièce à conviction, j'ai une question à vous poser. C'est le HV,

2 c'est-à-dire l'armée de Croatie qui y est décrite, et cette armée est

3 décrite comme étant organisée en plusieurs secteurs, d'abord l'armée

4 régulière, ensuite les gardes de la patrie, les domobranis et les

5 réservistes.

6 Il est dit que les domobranis et les réservistes sont en nombre

7 supérieur aux troupes régulières dans une proportion de cinq à un, avez-

8 vous trouvé le même genre d'organisation de structure dans les forces du

9 HVO pendant la période où vous étiez en charge en Bosnie ?

10 M Landry. - De mémoire, je ne me rappelle pas avoir vu de

11 troupes, de milices, non, pas à mon avis.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que cela signifie que le

13 HVO ne comptait que des troupes régulières ou que toutes ces personnes,

14 tous ces groupes se retrouvaient rassemblés dans un seul même groupe à

15 savoir le HVO ?

16 M Landry. - Je comprends mieux la nature de votre question, et

17 je vais essayer d'y répondre assez succinctement.

18 Il était très difficile à ce moment-là de pouvoir faire la

19 différence entre un soldat régulier et un soldat de milice, d'un policier,

20 et même d'un civil. Une chose était certaine, c'est qu'il semblait que ces

21 personnes, peut importe le statut qu'elles avaient ou l'uniforme qu'elles

22 portaient, répondaient à une structure militaire. Cette structure en tous

23 temps faisaient partie intégrante des brigades HVO parce que, lorsque j'ai

24 rencontré des commandants locaux de la brigade de Busovaca, ils

25 répondaient au commandant de la brigade qui, lui, répondait au commandant

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1 du HVO et en tous temps ces personnes n'étaient pas toujours habillés

2 d'uniformes, étaient souvent des résidents de certains villages mais à

3 aucun moment ces personnes m'ont laissé savoir qu'elles faisaient partie

4 d'une autre structure militaire. Sans cela, je n'aurais pas eu besoin de

5 rencontrer ces gens-là. J'appliquais les ordres du cessez-le-feu signés

6 par le colonel Blaskic en février, dont j'avais remis une copie au

7 commandant de la brigade de Busovaca, qui acceptait. On m'avait signé des

8 ordres à cet effet, pour donner aux commandants locaux des villages avec

9 lesquels on avait affaire. Souvent, ces commandants étaient habillés en

10 civil, c'étaient des gens de la place.

11 M. Hayman (interprétation). - Donc, il est permis de dire que la

12 présence ou l'absence d'un uniforme en Bosnie centrale, pendant la période

13 de temps dont nous parlons, nous donne très peu d'informations quant au

14 fait de savoir si une personne est un soldat ou non. Etes-vous d'accord

15 avec cela ?

16 M. Landry. - Je suis d'accord. C'est pour cela, d'ailleurs, que

17 je vous ai dit que, pour remédier à cette situation, les troupes

18 bosniaques, à partir de mai, ont décidé d'instaurer des shoulder patch,

19 ainsi que des cartes d'identité, de façon à nous garantir que ces gens-là

20 faisaient bien partie de l'armée BiH.

21 M. Hayman (interprétation). - Dans certains documents de l'ECMM,

22 une distinction est établie entre des informations confirmées et des

23 informations non-confirmées, n'est-ce pas ?

24 M. Landry. - Oui. Lorsqu'on faisait nos rapports, on énumérait

25 des faits. Par la suite, ces faits étaient résumés par une estimation de

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1 la situation. Et souvent, cette estimation n'était pas confirmée, comme

2 vous venez de le dire. Mais c'était notre connaissance du terrain qui nous

3 poussait à croire qu'effectivement ces faits-là étaient reliés à cette

4 stratégie ou à cette estimation de la situation.

5 M. Hayman (interprétation). - Cette pièce à conviction, la

6 pièce 283, ne fait pas de distinction entre informations confirmées et

7 non-confirmées. Je vous prierai de bien vouloir examiner le paragraphe 27,

8 et notamment la première phrase, qui dit ce qui suit : "Le conseil de

9 Défense croate, le HVO, est censé être sous le contrôle de l'armée HV,

10 l'armée croate de Zagreb, depuis Zagreb." Voyez-vous cette phrase ?

11 M. Landry. - Oui, je la vois très bien.

12 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

13 cette information est présentée de façon non-confirmée, à savoir que, s'il

14 s'agissait d'une information confirmée, elle serait présentée dans ce

15 document d'une façon différente, selon des modalités différentes ?

16 M. Landry. - Vous avez raison et j'apprécie le fait que vous le

17 mentionniez. Je dois vous dire qu'un quartier général de l'ECMM, qui est

18 un quartier stratégique, avant de faire circuler ce genre de suppositions,

19 devait avoir énormément de détails et d'informations pour les inciter à

20 mentionner ce genre de choses et à le communiquer à tous leurs moniteurs.

21 Avant de faire circuler ce genre d'informations, l'ensemble des

22 gens de l'ECMM croyait que c'était ce qu'il se passait. Mais compte tenu

23 du fait qu'on manquait d'évidence, cette phrase-là a été écrite dans le

24 contexte de ce que vous avez dit en anglais.

25 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si, pendant

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1 la durée de vos responsabilités en Bosnie, vous avez obtenu des

2 informations personnelles qui permettaient de penser que le HVO se

3 trouvait dans le cadre de la structure de commandement du HV, c'est-à-dire

4 de l'armée de la République de Croatie ? Avez-vous personnellement obtenu

5 des informations allant dans ce sens, au cours de la période où vous étiez

6 responsable ?

7 M. Landry. - Je n'ai jamais été invité à un groupe d'ordre du

8 colonel Blaskic, ou à un groupe d'ordre du général Petkovic. Donc, pour

9 répondre avec certitude à vos propos, je dois vous dire que non, mais

10 étant personnellement un officier de renseignements, je dois vous dire que

11 des évidences qui sont sur le terrain nous amènent à croire

12 qu'effectivement, il y avait une relation.

13 J'ai énormément de difficultés à comprendre et à accepter que

14 l'armée HV enverrait des éléments de logistique pour supporter des

15 opérations en sol bosniaque simplement par amour patriotique. Je crois que

16 ces ressources logistiques, qui sont souvent très minimes, sont gardées

17 précieusement par des quartiers généraux stratégiques et ne sont utilisés

18 qu’à des fins purement militaires dans des buts bien précis.

19 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez déjà dit que les

20 Musulmans de Bosnie, en Bosnie centrale, devaient utiliser des routes de

21 communication qui passaient par les territoires croates de la Bosnie,

22 n'est-ce pas ? Est-ce que c'est exact ? Par exemple, en Herzégovine ?

23 M. Landry. - Les seules routes d'accès qui étaient acceptables

24 pour les Musulmans de la Bosnie centrale étaient principalement les routes

25 qui avaient été construites par les Nations Unies et sur lesquelles le

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1 ravitaillement circulait fréquemment.

2 Mais j'étais à courant qu'il y avait d'autres routes, des routes

3 de montagne. Je vous ai mentionné à un moment donné que Merdan, le

4 commandant-adjoint du troisième camp, à un certain moment, a dû s'absenter

5 pour quelques jours parce que je savais fort bien que, pour rejoindre

6 certaines unités, on devait prendre des routes de montagne. Je savais que

7 c'était possible pour ces gens-là de pouvoir aller ravitailler ou chercher

8 de l'information au niveau du camp bosniaque qui était dans la région de

9 Mostar parce qu'il y avait une route qui, effectivement, s'y rendait, mais

10 ce n'était pas une route qui pouvait être utilisée pour ravitailler en

11 biens une population d’un million et demi qui constituaient Zenica et

12 Tuzla.

13 M. Hayman (interprétation). - Je ne parlais pas des camps de

14 Bosnie dans la région de Mostar, mais de la région de Bosnie centrale.

15 Seriez-vous d'accord pour dire que, dans cette région, pratiquement toutes

16 les munitions, toutes les fournitures obtenues, devaient pratiquement

17 passer par les territoires contrôlés par le HVO et la Croatie en

18 Herzégovine ?

19 M. Landry. - Je vais répéter en partie ce que je viens de dire.

20 Je vous ai dit qu'il y avait des routes de montagne qui existaient, qui

21 permettaient de relier les diverses unités et formations de la Bosnie

22 centrale. Mais les seules routes acceptables, les seules routes qui

23 pouvaient accommoder du transport routier devaient se faire par la route

24 qui passait à travers le secteur qui était sous contrôle intermittent du

25 HVO. Oui, c’est cela.

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1 M. Hayman (interprétation). - Et de la République de Croatie,

2 n'est-ce pas ? S'agissant de la sortie qui permettait de quitter la

3 Bosnie-Herzégovine ? Cette route mène à la Dalmatie, qui se trouve bien en

4 République de Croatie, n’est-ce pas ?

5 M. Landry. - Oui, c’est cela.

6 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention

7 sur le paragraphe 33 de ce document d'information, qui stipule, s'agissant

8 du HVO, en Bosnie, qu'il était bien équipé en artillerie et en armes.

9 J’aimerais vous poser la question suivante : est-ce que vous

10 avez jamais vu le HVO en possession de véhicules blindés dans la poche de

11 Busovaca ou dans la région de Busovaca pendant la durée de vos

12 responsabilités sur les lieux ?

13 M. Landry. - Je ne me souviens pas.

14 M. Hayman (interprétation). - Il n'en n'avait aucun, de ces

15 véhicules blindés, n'est-ce pas ? Pas de chars, pas de transport de

16 troupes ? Le HVO n'en possédait pas, dans l'enclave de Busovaca-Vitez ?

17 Etes-vous d'accord avec cela ?

18 M. Landry. - Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous m'avez demandé

19 si j'en avais vu, j'ai dit non.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous ne vous

21 rappeliez pas et je vous ai demandé à ce moment de nous dire si vous étiez

22 d'accord pour déclarer qu'en fait, le HVO n'en possédait pas. Seriez-vous

23 d'accord pour dire que le HVO, dans la poche Vitez-Busovaca ne possédait

24 aucun véhicule blindé, aucun char, aucun transport de troupes ? Pensez-

25 vous qu'ils en possédaient ?

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1 M. Landry. - Je serais plutôt prêt à dire qu'il y a peut-être

2 une certaine possibilité qu'ils aient eu certains de ces véhicules-là,

3 mais de la main, je ne suis pas prêt à dire qu'ils n'en avaient pas. J’ai

4 vu des équipements d’artillerie, j'ai vu des canons antiaériens qui

5 circulaient sur certains véhicules qui pouvaient peut-être me laisser

6 présager qu'il y avait peut-être d'autres types de véhicules que les

7 troupes HVO avaient au centre. C’est ce que je pourrais dire pour

8 l’instant, mais je ne peux pas affirmer d’une façon ou d’une autre qu’ils

9 en avaient ou n’en avaient pas.

10 J'ai vu d’autres types d'équipements, comme je viens de vous

11 dire, qui me laissent présager que, lorsque vous avez des pièces

12 d’artillerie lourde, il est peut-être possible d'avoir des transporteurs

13 de troupes, et peut-être, d'avoir un ou deux chars d'assaut. C'est peut-

14 être possible.

15 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que la pièce à

16 conviction 285 pourrait être mise entre les mains du témoin, je vous

17 prie ?

18 (Le document est remis au témoin).

19 C'est un document de l'ECMM qui est annexé aux ordres écrits en

20 date du 13 février 1993 qui ont donné lieu à la création de la commission

21 mixte de Busovaca. Est-ce exact ? Dans ces documents, nous trouvons les

22 documents fondateurs de cette commission conjointe mixte de Busovaca,

23 n’est-ce pas ?

24 M.Landry. - Oui, c'est bien cela.

25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais vu les originaux

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1 de ces documents qui portent la signature du général Hadzihuseinovic et du

2 colonel Blaskic ?

3 M. Landry. - Oui, je les ai vus, mais encore une fois, ces

4 copies originales-là, ce n’est pas moi qui les avait, mais tous les

5 nouveaux membres de la commission de Busovaca recevaient un exemplaire de

6 ce que j'ai pu garder au cours des années, celui que j’ai présentement.

7 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous seriez d'accord,

8 mais nous parlons de façon résumée pour ne pas lire le détail de chacun de

9 ces documents, pour accepter que ces ordres écrits prévoient la séparation

10 des forces, la garantie de sécurité pour les personnes qui retournent à

11 leur domicile, si elles ne sont pas des criminels, la suppression des

12 barrages routiers, la création d’une commission mixte, le comblement des

13 tranchées et des bunkers et la garantie de libre circulation pour les

14 convois d'aides humanitaires et d'autres transports ? Est-ce que vous

15 seriez d'accord pour dire que cette série d’ordres écrits par le colonel

16 Blaskic et le général Hadzihuseinovic prévoyaient donc ces différentes

17 mesures ?

18 M. Landry. - Oui, en résumé, c'est bien cela.

19 M. Hayman (interprétation). - Parce que vous ne vous trouviez

20 pas encore en Bosnie au moment où ces ordres écrits ont été émis, n'est-ce

21 pas ? Est-ce exact ? Il faudrait que vous donniez une réponse audible.

22 M. Landry. - Je n'étais pas là quand ces ordres ont été écrits,

23 c'est d’ailleurs pour cette raison-là que je m'en suis procuré une copie

24 qui m'accompagnait régulièrement lors des séances de la commission.

25 M. Hayman (interprétation). - Merci. Est-ce que l'on vous a

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1 informé quant au fait de savoir qu'il y avait eu ou qu’il n’y avait pas eu

2 de demandes de la part de l'ECMM lors de ces négociations menées à Kakanj

3 en février 1993 ? Est-ce qu’il y a eu des demandes qui n'ont pas été

4 satisfaites par le colonel Blaskic ? Autrement dit, est-ce qu’il a refusé

5 de satisfaire à une quelconque demande, à une quelconque requête émanant

6 de l'ECMM, à ce moment-là, ou est-ce que vous n'êtes pas au courant ?

7 M. Landry. - Je ne suis pas réellement au courant de ce dont

8 vous discutez présentement. La chose avec laquelle je travaillais, c'est

9 ce document-là et j'ai assisté à deux rencontres conjointes où les chefs

10 des deux camps armés étaient présents pour faire état de la situation sur

11 la mise en pratique de ces ententes de cessez-le-feu du 13 février.

12 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous qui étaient les

13 représentants de l'ECMM, s'il y en avait, qui étaient présents lors de ces

14 négociations du 13 février à Kakanj ?

15 M. Landry. - Aucune idée.

16 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'un des représentants

17 de l'ECMM vous a jamais dit estimer que ces ordres écrits qui constituent

18 la pièce à conviction 285 ont été émis de mauvaise fois, mauvaise fois de

19 la part du colonel Blaskic ou du général Hadzihuseinovic ?

20 M. Landry. - Ce que j'ai fait, lorsque je suis arrivé, on m'a

21 mis sur la commission Busovaca et on m'a dit que la commission devait voir

22 la mise en pratique de ces ententes de cessez-le-feu. Par la suite, à

23 aucun autre moment on ne m'a donné à croire que ces attentes étaient plus

24 ou moins applicables.

25 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, personne au sein

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1 de l'ECMM ne vous a dit que soit de la part de l'armée de Bosnie-

2 Herzégovine, soit de la part du HVO, que ces ordres avaient été émis de

3 mauvaise foi, à savoir qu'ils avaient été émis, mais que l'intention était

4 de ne pas les respecter ?

5 M. Landry. - Au mois de mars, j'ai réellement cru à un moment

6 donné, tant la part du côté du BiH que du côté du HVO qu'on semblait

7 vouloir mettre ces ententes de cessez-le-feu en pratique. C'est ce que

8 j'ai pu réaliser au mois de mars. Mais comme vous l'avait entendu

9 aujourd'hui et hier, ça a légèrement changé au fur et à mesure qu'on

10 avançait dans le temps.

11 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que M. Nakic a fait

12 tout ce qui était en son pouvoir pour veiller à ce que ces ordres contenus

13 dans la pièce 285 soient appliqués sur le terrain ?

14 M. Landry. - C'était pas la responsabilité de M. Nakic

15 d'appliquer les ordres du commandant, c'était la responsabilité du

16 commandant d'appliquer ces ordres. M. Nakic représentait le commandant et

17 devait siéger avec nous et écouter les protêts faits par l'autre armée,

18 visiter avec nous la teneur de ces protêts pour confirmer qu'ils étaient

19 vrais ou pas et par la suite, rapporter à son quartier général la

20 situation. M. Nakic n'était pas commandant du centre opérationnel, de la

21 zone opérationnelle centrale, il était le commandant adjoint.

22 M. Hayman (interprétation). - Je vais répéter ma question.

23 pensiez-vous que M. Nakic a fait tout ce qui était en son pouvoir pour

24 s'assurer que ces ordres de la pièce 285 ont bien été appliqués ?

25 M. Landry. - Durant le mois de mars, je crois qu'effectivement

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1 il y avait d'excellentes communications entre les représentants de la

2 commission et leurs quartiers généraux. M. Nakic n'était pas seul. Il

3 était accompagné de deux ou trois membres de l'état-major du colonel

4 Blaskic et j'assure qu'il y avait des rapports réguliers qui se faisaient

5 et puis les commissions jointes qu'on a eues lors de cette période

6 semblent me confirmer que l'information circulait très bien. Mais encore

7 une fois, je tiens à réitérer que ça n'était pas ma perception que

8 M. Nakic devait appliquer ces ordres-là.

9 M. Hayman (interprétation). - Je ne vous ai pas demandé si oui

10 ou non M. Nakic avait la responsabilité-là, je voulais vous demander si à

11 votre avis, il avait fait tout ce qui était en son pouvoir, tous les

12 efforts possibles au cours de la période d'existence de cette commission

13 afin que les ordres de la pièce 285 soient bien appliqués.

14 M. Landry. - Ce que je peux vous dire, c'est que vers la fin du

15 mois de mars, début d'avril, il était évident qu'il y avait un manque de

16 coopération de la part des représentants du HVO à savoir que c'était leur

17 manque de coopération à eux ou de le quartier général, mais il semblait

18 que toutes les excuses étaient bonnes pour retarder la mise en place des

19 ententes du cessez-le-feu.

20 M. Hayman (interprétation). - Qui a présenté toutes ces excuses,

21 tous ces prétextes, où les avez-vous trouvés ? Sur le terrain ?

22 M. Landry. - En ce qui concerne entre autres la mise en place

23 des communications qu'on a dû installer pour essayer de rétablir le réseau

24 de communications entre Kiseljak et Kacuni, c'était pas Nakic qui était

25 sur la commission, c'était un autre officier. Il faudrait que je vérifie

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1 mes notes. Il était évident, à ce moment-là que ce n'était pas strictement

2 le travail de M. Nakic, mais qu'il y avait de l'information qui circulait

3 pas jusqu'en bas, entre autres le temps énorme que ça lui a pris avant

4 qu'on puisse avoir les ordres écrits par les commandants de brigade pour

5 remplir les tranchées. Je ne vois pas ce que vous voulez que je vous dise

6 de plus.

7 M. Hayman (interprétation). - En conséquence, vous êtes en train

8 de me dire que pour ce qui est du comblement des tranchées dans la

9 municipalité de Busovaca, c'était le commandant de brigade qui

10 représentait l'obstacle, parce qu'il fallait que le commandant de brigade

11 émette des ordres écrits aux niveaux inférieurs de commandement. C'est

12 bien ce que vous êtes en train de nous dire ?

13 M. Landry. - Ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'un

14 commandant de brigade va ses ordres de son commandant de formation. Le

15 commandant adjoint a une autorité limitée à l'effet que le commandant

16 adjoint, dans les circonstances qu'il avait été nommé représentait le

17 commandant. Il était dans ma façon d'interpréter.

18 C'est d'ailleurs pour cette raison-là qu'à deux occasions, entre

19 le mois de mars et début avril, il y a eu des rencontres de la commission

20 jointe, puisqu'à ce moment-là, les commandants Hadzihuseinovic et le

21 colonel Blaskic lui-même ont participé à ces réunions qui étaient

22 présidées par M. Thebault. Mais oui, effectivement, si vous avez un

23 commandant de brigade qui n'applique pas des ordres qui ont déjà été

24 disséminés le 13 février et que ce commandant de brigade-là est à quelques

25 kilomètres de votre quartier général de Vitez, je crois que c'est votre

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1 responsabilité comme commandant d'aller vérifier vos brigades et de vous

2 assurer que ces brigades-là obtempèrent à vos ordres.

3 M. Hayman (interprétation). - Concernant la brigade de Busovaca

4 et son commandant, je suppose qu'il y a eu une réunion entre lui-même et

5 son homologue de l'armée de Bosnie-Herzégovine, avant la signature de

6 l'ordre joint, qui est une des pièces versées au travers de votre

7 témoignage.

8 M. Landry. - Oui. Suite à la demande des commandants locaux, ces

9 commandants locaux nous ont dit : "Avant de remplir les tranchées, ce

10 qu'on aimerait faire, c'est avoir des ordres écrits de nos commandants."

11 Ce qu'on a fait à ce moment-là, c'est qu'on a initié une série de

12 rencontres avec les deux commandants pour éventuellement initier cette

13 procédure-là. Je me rappelle très bien qu'à Busovaca, le commandant de la

14 brigade de Busovaca et celui de la brigade de Kacuni sont venus au moins à

15 une occasion à Busovaca.

16 M. Hayman (interprétation). - Ce commandant de la brigade de

17 Bosnie-Herzégovine avait-il émis, lui, un ordre écrit destiné aux

18 commandants de niveau inférieur afin de combler les tranchées ?

19 M. Landry. - A mon avis, il ne faut pas nécessairement un ordre

20 écrit pour réaliser des choses. La seule chose dont je me rappelle très

21 bien, c'est que du côté des commandants locaux du HVO, on revenait souvent

22 à la charge en nous demandant avec des ordres écrits. Les militaires n'ont

23 pas besoin d'ordres écrits pour exécuter des ordres, surtout lorsque ces

24 ordres datent pratiquement d'il y a deux mois.

25 M. Hayman (interprétation). - Ils ne devraient pas, c'est ça ?

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1 M. Landry. - Je me rappelle très bien que la demande provenait

2 surtout du HVO. A ce moment-là, de façon à ne pas créer de préjudice ni

3 pour l'un, ni pour l'autre, on exigeait des ordres conjoints, dans le même

4 type d'ordres initiés initialement par le colonel Blaskic et le général

5 Hadzihuseinovic.

6 M. Hayman (interprétation). - Avant l'émission de cet ordre

7 conjoint à Busovaca, aviez-vous vu une des tranchées creusées par l'armée

8 de Bosnie-Herzégovine être comblée, dans la municipalité ?

9 M. Landry. - Dans quelle municipalité ? Parce qu'il y en avait

10 plusieurs.

11 M. Hayman (interprétation). - Dans la municipalité de Busovaca,

12 c'est-à-dire la zone de Kacuni, je crois que c'est là que vous avez eu le

13 plus de contacts avec l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la municipalité

14 de Busovaca.

15 Des tranchées de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont-elles été

16 comblées avant l'émission de l'ordre conjoint ?

17 M Landry. - Non, pour la raison qu'avant de remplir les

18 tranchées les deux commandants des deux organisations voulaient eux-mêmes

19 se diriger sur les tranchées et il fallait que cela se fasse

20 conjointement. C'est l'entente qui avait été faite, et aussi longtemps

21 qu'une faction ne voulait pas remplir ces tranchées, il était évident que

22 l'autre faction ne remplirait pas non plus ces tranchées.

23 M. Hayman (interprétation). - Parce qu'ils n'avaient pas

24 confiance l'un dans l'autre, c'est cela ?

25 M Landry. - C'est un peu cela.

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1 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, ils faisaient

2 traîner les choses, le commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine et le

3 commandant de brigade du HVO ? Est-ce que vous seriez d'accord avec moi ?

4 M Landry. - Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Je peux vous

5 dire que si je me souviens des travaux que j'ai faits à ce moment-là, tant

6 avec les commandants locaux de la région de Donje Polje, que les

7 commandants locaux de la région de Gornji Sacuvici, je peux vous dire qu'à

8 la fin, avant même que les tranchées soient remplies, les commandants

9 locaux des deux côtés avaient visité les tranchées de l'autre et qu'ils

10 faisaient des rencontres.

11 Je me souviens au moins que deux rencontres, qui ont eu lieu

12 entre les commandants locaux ennemis, s'est faite sans l'escorte et sans

13 la présence des initiés eux-mêmes. La question que l'on se posait à ce

14 moment, de chaque côté, principalement les revendications HVO, était

15 qu'avant de remplir les tranchées on voulait avoir un ordre écrit de façon

16 à pouvoir se protéger si jamais il y avait eu des conséquences néfastes à

17 cet acte de remplir les tranchées.

18 Donc, à mon idée les commandants locaux avaient déjà un certain

19 niveau de confiance lorsque ces ordres-là ont été écrit et leur ont été

20 communiqués par la suite.

21 M. Hayman (interprétation). - L'ordre qui porte la cote 285 ou

22 les ordres, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que...

23 M. Cayley (interprétation). - Je fais objection Monsieur le

24 Président, je crois que nous avons déjà largement couvert ce domaine et je

25 crois que le colonel Landry a répondu à toutes ces questions, en tout cas

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1 aux questions portant sur les ordres.

2 M. le Président (interprétation) - Je suis désolé de vous

3 décevoir Maître Cayley, mais je n'ai pas bien participé à la question

4 parce que je voulais consulter mes collègues sur l'heure de la pause.

5 Donc, je demanderai à Maître Hayman de répéter sa question et

6 j'essaierai de mieux comprendre votre objection, mais je souhaite d'abord

7 consulter mes collègues.

8 (Les Juges se consultent sur le siège.)

9 Nous allons aller jusqu'à 18 h 45. N'ayant pas écouté la

10 question de Maître Hayman, je m'en excuse, et je lui demande de répéter sa

11 question, ce qui me permettra de mieux comprendre l'objection de Maître

12 Cayley.

13 Maître Hayman, pouvez-vous répéter votre question, s'il vous

14 plaît ?

15 M. Hayman (interprétation). - Je n'avais pas formulé la totalité

16 de ma question, je vais le faire maintenant.

17 D'après vous colonel, les ordres, qui constituent la pièce 285,

18 ont-ils été émis en réponse au conflit qui avait lieu dans la municipalité

19 de Busovaca et qui a débuté à la fin du mois de janvier 1993 ?

20 M. Landry. - Oui c'est bien cela, entre autres, principalement

21 pour les conflits, ou du moins la violence qui avait eu lieu dans la

22 région de Busovaca.

23 M. Hayman (interprétation). - Et la commission elle-même avait

24 pour objectif de surveiller, d'observer les circonstances qui prévalaient

25 dans la municipalité de Busovaca et voir si les ordres étaient bien

Page 7660

1 respectés ?

2 M. Landry. - C'était plus que la ville de Busovaca, du moins ma

3 compréhension ainsi que celle de mes camarades lors du mois et demi où

4 j'ai siégé sur cette commission, ne concernait pas uniquement Busovaca,

5 mais oui effectivement, il y avait une emphase mise sur Busovaca mais

6 comme vous pouvez lire les sens du cessez-le-feu, cela couvre l'ensemble

7 de la zone opérationnelle du centre.

8 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais que la pièce 286 soit

9 présentée au témoin, s'il vous plaît.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 Il s'agit de la Charte du comité de coordination de la

12 commission mixte de Busovaca., et je voudrais attirer votre attention sur

13 le deuxième paragraphe qui commence par les mots suivants : Objectif.

14 Ensuite il est dit : « L'objectif de la commission de coordination

15 conjointe de Busovaca, est de superviser, d'observer la situation dans la

16 municipalité de Busovaca pour ce qui est du respect des ordres conjoints

17 émis par le commandement conjoint de l'armée de Bosnie-Herzegovine et du

18 HVO ». Etes-vous d'accord avec cette affirmation ?

19 M. Landry. - Je n'ai pas de problèmes avec cela mais je vais

20 vous demander de dire qui a signé ceci, et que ce document a été

21 principalement fait pour les Britanniques ; je ne répondais pas à la

22 chaîne de commandement du colonel Steward .Je répondais à la chaîne du

23 commandement ECMM. Ce document a été présenté pour donner une idée de la

24 structure que la Commission avait, mais regardez qui a signé ce document

25 qui n'est pas signé.

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1 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes en train de dire qu'il

2 s'agit de l'opinion du Britbat mais pas de l'opinion de l' ECMM ?

3 M. Landry. - Ce que je vous dis c'est que c'était très important

4 pour le Britbat de normaliser la situation à Busovaca. C'était leur Centre

5 d'opération. Britbat n'avait rien à faire dans la région de Kiseljak qui

6 était sous le contrôle du Canada, Britbat n'avait absolument rien à faire

7 dans la région de Kakanj qui était sous le contrôle du Frenchbat alors

8 qu'à plusieurs occasions nous avons dû intervenir dans la région de Vizoko

9 et dans la région de Kakanj, soit avec les Français, soit avec les

10 Canadiens.

11 Je ne veux pas vous dire que cela allait en l'encontre de

12 Britbat, mais la zone

13

14 d'intérêt des Britbat était le secteur que la Forpronu avait donné. Je

15 vous ai parlé d'action qui avaient eu lieu à Kiseljak et d'actions qui

16 avaient eu lieu à Kakanj, ces actions étaient à l'extérieur du territoire

17 Britbat. Ce n'était pas leur responsabilité. Ce document a été fait par le

18 commandant du Britbat dans un but promis de nous dire, que pour lui, la

19 commission de Busovaca devait, dans un premier temps, s'occuper de

20 normaliser la situation dans sa zone d’intérêt. Mais expliquez-moi,

21 pourquoi la commission se déplaçait dans d'autres secteurs qui étaient

22 sous le contrôle d'autres Forpronu ?

23 Je crois qu'il ne faut pas regarder ce document comme étant un

24 document qui vient limiter le cessez-le-feu. Je vous dis que le cessez-le-

25 feu était pour l'ensemble de la zone opérationnelle, et c'est ce que nous

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1 avons fait? on s'en est occupé pour l'ensemble de cette zone? en incluant

2 toutes les unités de la Forpronu qui faisaient partie de cette zone

3 personnelle

4 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre visite en

5 Bosnie, de vos différentes visites, avez-vous appris ce qui a exacerbé le

6 conflit à Busovaca à la fin du mois de janvier 1993, l'avez-vous jamais

7 su ?

8 M. Landry. - Je l'ai su, oui, le conflit m'a été dit par entre

9 autres, l'interprète croate, qui était mon interprète principal qui venait

10 de Busovaca, et qui avait perdu deux de ses frères, lors de ce fameux

11 conflit. Puis j'ai entendu aussi de l'avis de certains de mes interprètes

12 qui étaient musulmans sur ce qui s'était passé. Oui, j'avais une certaine

13 idée de ce qui s'était passé mais mon intention, quand j'étais arrivé,

14 était non pas de construire sur le passé, mais d'essayer de construire à

15 partir d'une entente de cessez-le-feu. Je savais que ce serait difficile

16 parce qu’il y avait des animosités qui étaient très présentes lorsque les

17 gens des diverses ethnies se rencontraient ; il y avait une confiance qui

18 n'était plus là.

19 M. Hayman (interprétation). - Au cours de ces réunions

20 d'information et de différentes réunions avez-vous jamais appris si au

21 cours du conflit de Busovaca qui a commencé fin janvier 1993, le colonel

22 Blaskic était à Busovaca ou s'il avait été isolé et se trouvait dans

23 l'enclave de Kiseljak, de l'autre côté de cette partie de territoire

24 s'étendant de Bilalovac à Kacuni, contrôlée par l'armée de

25 Bosnie Herzégovine ? Avez-vous jamais obtenu réponse à cette question ?

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1 M. Landry. - Non.

2 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais maintenant attirer

3 votre attention sur l'annexe de la pièce 286 que vous devez avoir sous les

4 yeux, c'est la dernière page du document. Est-ce bien un document précis

5 ou contient-il des erreurs ?

6 M. Landry. - Je peux vous dire qu'effectivement, il y a

7 certaines erreurs qui se sont, si on regarde effectivement ce qu'on avait

8 sur le terrain, ce document a évolué lors de toute la période où la

9 commission a siégé.

10 Il a évolué mais en essence, je dis bien en essence, c'est ce

11 qui se passait. Je peux vous dire entre autres que le fameux major Britbat

12 n'était pas toujours là, vers la fin, il n'était plus du tout là. Vers la

13 fin les troupes qui représentaient les Britanniques n'étaient pas des

14 troupes qui venaient spécifiquement du Britbat, mais des troupes qui

15 venait du contingent britannique.

16 Il y a eu effectivement des changements. La raison pour laquelle

17 j'ai présenté ce document à l'avocat qui m'a posé la question est que je

18 croyait que ça nous donnait rapidement une idée de la façon dont la

19 commission était structurée.

20 M. Hayman (interprétation). - Au niveau du comité de

21 coordination et de la commission mixte, était-il crucial qu'il y ait

22 certains traits similaires, une certaine égalité entre les représentants

23 de l'armée de Bosnie Herzégovine et les représentants du HVO ?

24 M. Landry. - Oui, c'est ce qu'on voulait faire : s'assurer que

25 les gens qui étaient sur la commission aient autant d'autorité que l'autre

Page 7664

1 partie.

2 M. Hayman (interprétation). - L'armée de Bosnie Herzégovine et

3 ses représentants au sein de la commission, ou plutôt le représentant de

4 l'armée de Bosnie Herzégovine était M. Merdan ?

5 M. Landry. - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Quel était son grade ? Etait-il

7 général ?

8 M. Landry. - Je l'ai toujours rappelé M. Merdan, mais je crois

9 que c'était le général, je crois qu'il était général de brigade, je crois.

10 M. Hayman (interprétation). - Quel était le grade de M. Nakic au

11 sein du HVO ?

12 M. Landry. - Aucune idée. J'ai appris par la suite que M. Nakic

13 n'était pas un officier professionnel, que c'était un individu, mais ce

14 qui était important pour moi, comme je savais entre autres que la carrière

15 du colonel Blaskic, parce que je la comparais à celle du général

16 Hadzihuseinovic, n'était pas la même. Quand le conflit a commencé le

17 colonel Blaskic était capitaine, alors que le général Hadzihuseinovic

18 était déjà sur le point d'être général.

19 Je ne portais pas beaucoup d'importance à cela, mais c'était

20 surtout le fait qu'on avait en présence deux individus avec le même niveau

21 d'autorité au sein de leur organisation soit celle d'être commandant

22 adjoint.

23 M. Hayman (interprétation). - Le général Merdan en revanche

24 était-il officier de carrière dans la JNA, c'est-à-dire l'ex armée

25 yougoslave ?

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1 M. Landry. - J'ai appris, je crois, que le général Merdan était

2 non pas un officier d'infanterie ou de l'armée de terre, mais le général

3 Merdan avait fait une carrière à un moment donné dans la marine

4 yougoslave. C'est ce qu'on m'a dit à moment donné.

5 M. Hayman (interprétation). - En tant qu'officier ?

6 M. Landry. - Oui définitivement en tant qu'officier.

7 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais maintenant vous poser

8 quelques questions sur votre venue à Skradno. Vous avez bien ce sujet à

9 l'esprit ?

10 M. Landry. - Je me rappelle très bien de l'ensemble des

11 activités qui ont eu lieu à Skradno. Si vous me parlez de dates, je vais

12 devoir vérifier les rapports ou mes documents, mais si vous me parlez

13 seulement des activités, je me rappelle très bien.

14 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des soldats du HVO qui

15 gardaient le village quand vous avez visité ce village ?

16 M. Landry. - La raison de ma visite c'est que, je dois vous dire

17 honnêtement qu'il y avait des personnes en uniforme qui gardaient le

18 village, ces gens se disaient de la police, mais autant le BiH que le HVO

19 se servaient de polices militaires. Je n'étais pas capable de faire la

20 différence entre une police militaire et une police civile, mais il y

21 avait des gendarmes qui gardaient l'entrée du village de Skradno.

22 M. Hayman (interprétation). - Je suppose que vous ne pouvez pas

23 nous dire aujourd'hui s'ils s'étaient des membres de la police militaire

24 ou de la police civile, c'est cela ?

25 M. Landry. - C'est vrai, mais je peux vous dire que les

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1 représentants du HVO qui ont visité avec nous ce village ne m'ont jamais

2 laissé sous-entendre qu'ils n'étaient pas responsables de ces gens-là ou

3 que d'une façon ou d'une autre, ils ne pouvaient pas influencer ces gens-

4 là. C'est cela qui est important, c'est ça que je considérais important.

5 S'il y avait un problème, s'il y avait un manque d'autorité, je

6 m'attendais à ce que les gens qui représentaient les autorités HVO me

7 disent que "ces gens-là ne sont pas sous notre contrôle", mais ça n'a

8 jamais été fait. J'ai donc toujours assumé lorsque je visitais un protêt

9 au village de Skradno, que les autorités militaires vont me dire s'il ont

10 une façon ou non de contrôler ces policiers. Cela n'a jamais été fait et

11 il y a eu plusieurs protêts faits sur Skradno, ça ne nous a jamais été

12 rapporté par la suite que Skradno était un secteur dont on ne s'occupait

13 pas. Au contraire, j'ai vu des améliorations qui me laissaient présager

14 qu'il y avait une certaine chaîne de commandement ou qu'une certaine

15 partie d'information était diffusée à ces gens-là.

16 Je vous ai dit que quand j'y suis allé la première fois, qu'on

17 avait forcé les gens à s'aligner sur les murs de leur maison et à procéder

18 à un semblant d'exécution. De mémoire, je crois que ces incidents-là ne se

19 sont pas reproduits. Pour moi, il y avait donc une amélioration et un

20 signe évident qu'il y avait une partie d'informations qui se dirigeaient

21 là.

22 M. le Président. - Encore une question Maître Hayman, parce que

23 nous allons interrompre.

24 M. Hayman (interprétation). - Je crois qu'effectivement c'est un

25 bon moment pour nous arrêter, Monsieur le Président.

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1 M. le Président. - L'audience reprendra demain à 14 heures 30,

2 mais nous avons une audience préalable sur un autre aspect du procès

3 Blaskic et dans la foulée, nous continuerons avec le contre-interrogatoire

4 du colonel. Merci.

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6 La séance est levée à 18 heures 40.

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