Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Lundi 11 Mai 1998

5

6 LE PROCUREUR

7 c/

8 TIHOMIR BLASKIC

9

10 L'audience est ouverte à 11 heures 30

11

12 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Monsieur le

13 Procureur ?

14 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

15 Bonjour? Monsieur le Juge Riad. Nous allons revenir un peu en arrière pour

16 procéder au contre-interrogatoire de M. Vulliamy qui a été reporté à une

17 date ultérieure, le 24 avril 1998

18 M. le Président. - Allez-y.

19 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense qui a la

20 parole. L'huissier pourrait peut-être introduire M. Vulliamy dans le

21 prétoire.

22 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

23 M. le Président. - Monsieur Vulliamy, bonjour.

24 M. Vulliamy (interprétation). - Merci. Bonjour, Monsieur le

25 Président.

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1 M. le Président. - Vous m'entendez ? Merci d'être revenu. Vous

2 êtes toujours sous serment. On a dû vous expliquer les conditions dans

3 lesquelles nous siégions aujourd'hui. Vous allez recevoir les questions de

4 la défense. Cela ne change absolument rien sur le plan de votre

5 interrogatoire et de votre contre-interrogatoire. C'est une question

6 procédurale qui a été réglée préalablement, en plein accord avec l'accusé,

7 la défense et l'accusation, de siéger en civil, en l'absence d'un Juge,

8 sous forme de déposition, avec des officiers instrumentaires qui se sont

9 auto désignés, le Juge Riad et moi-même, mais cela ne change rien sur le

10 plan de la consistance du projet.

11 Vous êtes toujours sous serment et vous recevez maintenant les

12 questions de M. Hayman, l'un des défenseurs du général Blaskic. C'est à

13 vous, Maître Hayman.

14 M. Vulliamy (interprétation). - Je comprends très bien,

15 Monsieur le Président.

16 M. Hayman (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

17 Bonjour, Monsieur Vulliamy.

18 M. Vulliamy (interprétation). - Bonjour.

19 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact que vous ayez

20 témoigné devant les responsables du Bureau du Procureur dans

21 l'affaire Tadic ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, en effet.

23 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous accepté de déposer dans

24 d'autres affaires sans donner le nom du procès ? Est-ce également exact ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je peux dire qu'il est fort

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1 probable qu'il y en ait encore un.

2 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention

3 sur cette partie de votre déposition. En réponse aux questions de

4 l'interrogatoire principal, vous avez parlé de Mate Boban. Vous avez parlé

5 de votre rencontre avec Mate Boban le 15 août 1992. Si vous voulez vous

6 référer au compte rendu de votre déposition antérieure, cela devrait être

7 possible.

8 M. Vulliamy (interprétation). - Je vais faire de mon mieux pour

9 ne pas empiéter sur le temps à la disposition du Tribunal, mais j'ai les

10 mêmes notes sur moi que celles que j'avais lors de ma déposition

11 précédente et je vais essayer de m'en servir.

12 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous de cette

13 réunion avec Mate Boban en août 1992 ? Quelqu'un d'autre était-il

14 présent ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, un journaliste d'Associated

16 Press était présent avec lequel j'étais allé au camp de Dretelj.

17 M. Riad (interprétation). - Pouvez-vous vous tourner vers les

18 Juges ?

19 M. Vulliamy (interprétation). - Bien sûr, excusez-moi.

20 M. le Président. - Excusez-moi, il y a une panne de système de

21 compte rendu, une fois encore. Comme vous témoignez dans beaucoup de

22 procès dans ce Tribunal, on vous fait utiliser beaucoup de systèmes, y

23 compris les pannes... !

24 M. Vulliamy (interprétation). - Tout va bien,

25 Monsieur le Président.

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1 M. le Président. - Pour vous.

2 M. Vulliamy (interprétation). - Pour vous aussi, finalement.

3 M. le Président. - C’est rétabli. Allez-y.

4 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

5 Monsieur Vulliamy, qui était le journaliste d'Associated Press

6 qui était avec vous en août ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Son nom est Mold Biman. Il y

8 avait aussi un (ou une) interprète d'Associated Press, mais je ne me

9 rappelle pas son nom.

10 M. Hayman (interprétation). - Est-il permis de dire que

11 Mate Boban, au cours de cette rencontre, a exprimé son appui à un système

12 de gouvernement fédéral en Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Vulliamy (interprétation). - Il souhaitait une forme de

14 gouvernement qu'il a qualifié comme étant un "gouvernement de canton ou de

15 province". Je ne me souviens pas qu'il ait utilisé le terme "fédéral".

16 Mais, je repense à un passage de cette discussion et je sais qu'à ce

17 moment-là, il a parlé de "canton", de la difficulté d'inclure ce concept

18 dans la Constitution de Bosnie-Herzégovine en ce qui concerne

19 l'indépendance du pays.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact qu'il n'a jamais dit

21 que l'Herceg-Bosna devrait légalement faire partie de la Croatie, c'est-à-

22 dire être annexée à la Croatie ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Il n'a pas utilisé le terme

24 "annexer", pour autant que je me souvienne. Il a dit que l'Herceg-Bosna

25 était culturellement, spirituellement et économiquement une partie de la

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1 Croatie, mais qu'elle avait été séparée de la Croatie par ce qu'il a

2 appelé "des circonstances historiques regrettables".

3 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

4 qu'il n'a jamais déclaré, à quelque moment que ce soit, que l'Herceg-Bosna

5 devrait légalement faire partie de la Croatie ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne me souviens pas qu'il ait

7 utilisé le terme "légalement" mais il était tout à fait clair qu'il

8 n'avait pas l'intention qu'il y ait une très importante frontière entre

9 les deux. D'ailleurs, à l'époque, il n'y avait pas de frontière.

10 M. Hayman (interprétation). - Je vais ménager une pause après

11 vos réponses, si vous voulez bien, pour faciliter le travail des

12 interprètes. Je vous dis cela à titre d'information. Permettez-moi

13 maintenant d'attirer votre attention sur Travnik, en septembre 1992. A peu

14 près à cette date, y avait-il des réfugiés qui entraient dans Travnik ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, absolument, des milliers de

16 réfugiés.

17 M. Hayman (interprétation). - D'où provenaient-ils ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - Principalement des régions

19 situées autour de Prijedor, Sanski Most, Banja Luka et du nord-ouest,

20 c'est-à-dire la Krajina bosniaque comme on l'appelle. Ils empruntaient

21 pour se faire une route que je connaissais bien.

22 La partie de ma déposition antérieure n'a pas abordé un

23 événement au cours duquel j'ai rejoint un de ces convois avec un

24 journaliste de Reuters, un de ces convois utilisés par les Serbes pour

25 émigrer. A Smet, les participants à ce convoi étaient assez terrifiés. Ils

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1 arrivaient dans Travnik au mois d'août et cela a duré pendant tout le mois

2 de septembre et même pendant l'automne. Ils ont continué à entrer dans la

3 ville.

4 M. Hayman (interprétation). - En septembre quand vous avez

5 voyagé avec ces réfugiés, étaient-ils en majorité Croates ou Musulmans ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Ils étaient en majorité

7 Musulmans mais il y avait également quelques Croates.

8 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous estimer s'il y avait

9 1 000 ou 5 000 réfugiés en septembre 1992 quand vous avez voyagé avec

10 eux ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Pour autant que je me souvienne,

12 et je dis bien au mieux de mon souvenir, quand j'ai réalisé ce voyage en

13 août 1992, il y avait près de 36 000 à 40 000 réfugiés qui avaient utilisé

14 cette route par Prijedor. Et quand je suis revenu en septembre même, c'est

15 peut-être une date un peu ultérieure mais je crois que c'était en

16 septembre, je me rappelle de 76 000 réfugiés. Donc oui, on parle de

17 plusieurs dizaines de milliers de réfugiés, en effet. Je crois que sur la

18 base de mon expérience des convois, les deux nuits où j'ai séjourné à

19 Travnik et où des réfugiés sont arrivés, il en est arrivé sans doute 2 000

20 à 3 000.

21 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire que ce nombre

22 de réfugiés dépassait la population de Travnik par le passé ? Connaissez-

23 vous cette population ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne la connais pas exactement.

25 Il était impossible de l'évaluer mais la seule chose que je sais, c'est

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1 que le nombre de réfugiés a réellement fait énormément gonfler la

2 population de Vitez et de Travnik et que ces chiffres n'ont cessé

3 d'augmenter au cours du mois de septembre et pendant tout l'automne.

4 Certains sont repartis vers Zenica et d'autres villes mais la plupart ont

5 dû rester sur place.

6 M. Hayman (interprétation). - Est-il permis de dire que ces très

7 grands nombres de réfugiés qui entraient en Bosnie-Herzégovine créaient un

8 fardeau très important pour les infrastructures et les services sociaux

9 disponibles ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, effectivement, les gens

11 essayaient de faire au mieux pour apporter la réponse la plus appropriée à

12 la situation. A l'évidence, les autorités de Travnik, de Vitez et d'autres

13 villes de Zenica, notamment, éprouvaient quelques difficultés à faire face

14 à des nombres aussi importants, notamment, si l'on pense au fait que

15 Travnik subissait encore un siège.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit précédemment qu'en

17 septembre 1992 vous avez rencontré à Travnik un commandant du HVO appelé

18 Pokrajcic.

19 M. Vulliamy (interprétation). - Joko Pokrajcic, effectivement.

20 M. Hayman (interprétation). - Et qu'il vous a dit qu'il n'avait

21 pas l'intention de céder, je cite : "aux pressions de quelque partie que

22 ce soit", pages 77-58 du compte rendu ? Savez-vous quelle partie exerçait

23 des pressions sur lui ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Au mieux de mon souvenir il a

25 dit très clairement qu'il parlait de sa propre armée qui exerçait des

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1 pressions sur lui pour le contraindre à participer à une situation hostile

2 à l'égard des Musulmans. Il y avait également des pressions de la part des

3 Musulmans et lui essayait de s'opposer à ces pressions. Au mieux de mon

4 souvenir il a dit : "Je suis ici pour combattre dans l'intérêt des

5 victimes et des morts de cette guerre et je le ferai même si pour cela il

6 faut qu'on me passe sur le corps."

7 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'il vous a dit

8 précisément qui exerçait ces pressions sur lui du côté Musulman ou du côté

9 Croate ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Non, il n'a pas cité de nom mais

11 il n'y avait de place dans ces propos pour aucune autre déduction que

12 celle consistant à penser qu'il faisait l'objet de pressions des deux

13 côtés.

14 M. Hayman (interprétation). - Je suppose donc qu'il ne vous a

15 pas dit si ces pressions venaient de Mostar, des hommes politiques locaux,

16 des commandants régionaux ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Non, il ne l'a pas précisé.

18 M. Hayman (interprétation). - Merci. J'aimerais maintenant

19 attirer votre attention sur le mois suivant, le mois d'octobre 1992. Vous

20 avez déclaré avoir entendu dire que Mate Boban était allé à Travnik le

21 20 octobre 1992.

22 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Où avez-vous eu cette

24 information ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - A Split, dans le journal.

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1 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous le titre du

2 journal ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Je crois que c'est peut-être

4 Slobodna Dalmacija, mais peut-être pas, peut-être que c'était un autre

5 journal Croate.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous si c'était un

7 journal en langue croate ou en langue anglaise ?

8 M. Vulliamy (interprétation). - En langue croate.

9 M. Hayman (interprétation). - Lisez-vous la langue croate ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Non, mais nous avions des

11 interprètes qui lisaient ces journaux pour nous tous les jours.

12 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais parlé à quelqu'un

13 à Travnik qui vous a dit avoir vu Mate Boban à Travnik en octobre 1992 ?

14 M. Vulliamy (interprétation). - Je n'ai parlé à personne à

15 Travnik qui l'ai vu, mais j'ai parlé à quelqu'un à la station de radio de

16 Vitez qui me l'a effectivement dit et cela s'est passé le lendemain soir.

17 M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce que cette personne vous

18 a dit au sujet de Boban, qu'il était ou qu'il n'était pas à Travnik en

19 octobre 92 ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Ils m'ont confirmé que Boban y

21 était mais ils ne m'ont pas dit grand-chose de plus.

22 M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce qu'ils ont dit

23 exactement ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Je crains de ne pas pouvoir me

25 le rappeler avec précision.

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1 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit également que le

2 21 octobre 1992 il y a eu des coups de feu ou un conflit dans une station-

3 service au sujet de l'approvisionnement en essence.

4 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Qui vous en a parlé ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - D'abord mon interprète qui était

7 également cameraman et plus tard lorsque nous sommes allés à Vitez j'ai

8 entendu des gens en parler à la station de radio. C'étaient des Musulmans

9 et des Croates qui parlaient de cet incident à la radio qui évoquait cet

10 incident à la station-service.

11 M. Hayman (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il dit qui

12 avait attaqué ? Qui avait un rapport avec cet incident à la station-

13 service ?

14 M. Vulliamy (interprétation). - D'après le récit que j'ai

15 entendu et qui m'a été fait par le responsable de l'émission, il y aurait

16 eu une dispute au sujet de la distribution d'essence, et les représentants

17 du HVO auraient dit aux Musulmans qu'ils n'allaient pas obtenir leur

18 quote-part, ce qui a donné lieu à une dispute et à un échange de coups de

19 feu.

20 M. Hayman (interprétation). - Mais à Travnik savez-vous s'il y

21 avait déjà un historique de l'incident au sujet de cette station-service ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - Quand je suis rentré en

23 septembre, c'est à ce moment-là que j'ai entendu parler pour la première

24 fois de dissensions ou de tensions qui ont été perpétrées par

25 M. Pokrajcic, le commandant dont j'ai parlé tout à l'heure. Mais jusqu'à

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1 ce jour je n'avais jamais entendu parler d'incidents liés à la station-

2 service.

3 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais entendu dire

4 qu'il y avait en fait, au niveau local, une histoire de plusieurs mois

5 d'incidents qui ont abouti à ces violences à Travnik ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Non, je n'avais rien entendu de

7 particulier au sujet de cette station-service jusqu'à ce soir là. J'avais

8 entendu parler d'incidents et de dissensions au sujet d'une usine

9 d'armements, mais pas au sujet de la station-service.

10 M. Hayman (interprétation). - En réponse aux questions de

11 l'interrogatoire principal vous avez également dit qu'en octobre 1992 vous

12 aviez entendu une émission à la radio à laquelle participait

13 Pero Skopljak.

14 M. Vulliamy (interprétation). - En fait, il s'agissait de la

15 même radio qui se trouvait dans une maison à Vitez et il était là, il

16 était présent.

17 M. Hayman (interprétation). - Et vous y étiez également ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, nous étions assis avec lui,

19 nous avions un dialogue.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit également qu’au

21 cours de cette discussion, Pero Skolpjak avait déclaré être la seule

22 autorité légale à Vitez ou quelque chose dans ce genre ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’est en gros le sens de ce

24 qu’il a dit lorsqu’il a parlé de la nouvelle situation du nouvel état de

25 fait dans la région à ce moment-là.

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1 M. Hayman (interprétation). - Quel était le poste de Pero

2 Skokpjak à ce moment-là ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne sais pas.

4 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si c'était un poste

5 militaire ou un poste civil ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Il représentait le HVO.

7 M. Hayman (interprétation). - Représentait-il les éléments

8 civils ? Le savez-vous ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne sais pas. Il m'a été

10 présenté comme étant le représentant du HVO au moment de ce débat, ou de

11 ce forum, quel que soit le nom qu’on lui donne. Le HDZ y était représenté

12 par le HVO, le Parti musulman également, le SDA. L’Armée bosniaque n’y

13 était pas représentée. Lui, il était le représentant du HVO.

14 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il qui que ce soit qui

15 participait à ce forum, comme vous l’avez appelé, et qui portait un

16 uniforme ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Pour autant que je m’en

18 souvienne, tout le monde était en civil, sauf quelques assistants qui

19 étaient en arrière-plan et les gens qui gardaient les postes ; mais les

20 participants au débat étaient habillés en civil.

21 M. Hayman (interprétation). - Page 7 : on nous a dit qu’un

22 ultimatum avait été posé par le HVO à Mostar à l’Armée musulmane. Qui donc

23 avait demandé cet ultimatum ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - D’après ce que j’ai entendu

25 dire, c’est à Split que je l'ai entendu, l'ultimatum avait été

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1 effectivement posé.

2 M. Hayman (interprétation). - Auriez-vous l’amabilité de me dire

3 si c’était le commandement local, national, d'Herceg-Bosna ou du HVO ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Dans tous les cas, c’est le HVO

5 à Mostar qui avait lancé l’ultimatum. Nous avons vu également un certain

6 nombre d’événements à Vitez, à Novi Travnik. J’ai entendu parler également

7 que Boban en avait parlé à l’époque. Par conséquent, c’est le commandement

8 suprême qui avait pris la décision dans ce sens.

9 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous entendu dire qu’à Vitez

10 on avait pris la décision que l’Armée bosniaque se mette sous le

11 commandement du HVO ?

12 M. Vulliamy (interprétation). - Non, il ne l’a pas dit.

13 M. Hayman (interprétation). - En avez-vous entendu parler à la

14 radio ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Non, il avait dit que le HVO

16 était l’autorité suprême.

17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez une bonne mémoire.

18 L'ultimatum était-il similaire à celui dont vous avez parlé le 23 octobre

19 1992 ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Non, je ne me souviens pas qu’on

21 ait parlé d’un ultimatum de désarmement. Mais ce dont je me souviens c’est

22 qu’il avait parlé du HVO comme d’une autorité suprême par rapport aux

23 autres.

24 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

25 l’ultimatum, dont vous avez parlé et qui a donc été énoncé à Mostar, était

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1 l’ultimatum qui a été lancé par le HVO ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Non, à Mostar, il a été dit de

3 cette manière-là, mais le HVO prenait le pouvoir partout où il était, ce

4 n’était pas l’Armée bosniaque.

5 M. Hayman (interprétation). - Par exemple, à Busovaca comment

6 cela s’est-il passé ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne sais pas, je suis passé

8 tout simplement par Busovaca.

9 M. Hayman (interprétation). - Mais comment l’ultimatum a-t-il

10 été posé à Kiseljak par exemple ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire, je

12 ne le sais pas exactement. Je sais qu’il y avait un certain nombre

13 d’éléments de l’Armée bosniaque qui y étaient.

14 M. le Président. - Pouvez-vous parler un peu plus lentement,

15 s'il vous plaît, pour les interprètes.

16 M. Vulliamy (interprétation). - Nous avons pu remarquer

17 ultérieurement qu’en quarante-huit heures des opérations armées se sont

18 déroulées en ville. Elles étaient organisées. Il ne s’agissait donc

19 d’ultimatums qui étaient généralisés. Je n’étais pas dans toutes les

20 villes, par conséquent je ne peux pas parler de tout ce qui s’est passé

21 dans chaque ville, je ne peux pas dire s’il y avait des affiches, si on

22 avait annoncé à la radio l’ultimatum, etc. Ce que je veux dire, c’est que

23 le HVO était effectivement le pouvoir légal, unique, à Vitez. C’était

24 aussi le cas à Mostar et dans d’autres villes également. Je ne peux pas,

25 ici, me prononcer de manière très stricte et donner des conclusions

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1 définitives. Je sais ce qui a été dit à Prozor, à Mostar, etc.

2 M. Hayman (interprétation). - Une fois que la radio a annoncé

3 l’ultimatum, Kiseljak, etc, vous avez dit que vous n’avez pas vu partout.

4 Pouvez-vous nous dire si des ultimatums ont été annoncés à l’Armée de

5 Bosnie-Herzégovine, à Vitez, le 23 octobre 1992, bien qu’ils devaientt

6 être soumis au HVO ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - J’ai déjà décrit la situation

8 et, d’après ce que je me souviens, j’ai déjà fait ma déposition. En ce qui

9 concerne M. Skopljak, il était en civil, il n'était pas en uniforme. Je

10 l'ai déjà décrit concernant l'ultimatum à Vitez. Ce sont les paroles que

11 j’ai notées. Je pense qu’à partir du moment où on avait échangé des coups

12 de feu notamment et surtout qu’on avait tiré sur l’enclave musulmane, on

13 pouvait en tirer une conclusion sur ce qu’étaient les objectifs. On avait

14 beaucoup tiré à cette époque-là et cela je l’ai bien précisé.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez dit qu’il y avait

16 des barricades de l’Armée de Bosnie à côté de Vitez et surtout à la sortie

17 de la ville.

18 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, on nous a dit que les

19 Musulmans à Stari-Vitez avaient monté des barricades. Je n'avais pas du

20 tout de raison de ne pas y croire. Des coups de feu ont été échangés,

21 comme nous avons pu le constater par la suite. Ce n'est pas sûr à 100%, de

22 toute façon c'était mon impression et mon sentiment, je l'ai déjà dit dans

23 ma déposition, la mobilisation autour de Vitez a été assez importante et

24 par conséquent pratiquement tous les obstacles sur lesquels nous sommes

25 parvenus le premier jour, les autres jours également, étaient les

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1 obstacles et les barricades organisés notamment par le HVO. Il y avait un

2 certain nombre d'incidents isolés. La mobilisation était organisée par le

3 HVO.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit les conflits que

5 vous avez vus, dont vous avez entendu parler à Travnik, à Vitez etc. Vous

6 avez également parlé d'ultimatums du mois d'octobre 1992, page 77-65.

7 Selon vous, le conflit a commencé en octobre 1992 entre le HVO et l'armée

8 bosniaque ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Personnellement, j'ai essayé de

10 me dire : "Mais ce n'est pas possible, ce sont les alliés, ce n'est pas le

11 conflit, le véritable conflit armé" ; ce que j'ai vu à Prozor quelques

12 jours après avoir quitté Mostar, où un conflit s'est effectivement ouvert

13 entre le HVO et la population musulmane civile à Prozor et, comme je l'ai

14 déjà dit lors de ma dernière déposition, on a tiré sur ces gens pour

15 qu'ils quittent la ville. Au moment des accords de Washington, il y avait

16 le conflit armé dans l'est de la ville de Mostar. Cela me paraît évident.

17 M. Hayman (interprétation). - Vous venez de dire qu'il

18 s'agissait d'une situation permanente et d'un conflit de guerre permanent.

19 M. Vulliamy (interprétation). - On peut dire que c'était une

20 guerre qui était interrompue de temps à autres, mais c'est le 20 octobre

21 que la guerre a commencé jusqu'à la fin de l'encerclement de l'est de la

22 ville de Mostar. Ce n'étaient pas les échecs, c'était le conflit.

23 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

24 dire que s'agissant de Travnik qu'en juin 1993 il y a eu véritablement un

25 conflit armé et permanent qui a duré ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. Travnik était en permanence

2 en guerre contre les Serbes en ce qui concerne les Musulmans et les

3 Croates, personnellement je dirai que c'était l'été 1993, peut-être un peu

4 plus tôt.

5 M. Riad (interprétation). - Quand vous parlez du 20 octobre et

6 de la guerre, il y a quelque chose que j'aimerais quand même mettre au

7 clair. Le siège autour de Mostar, c'était la guerre, ou la guerre entre

8 les deux armées, ou avec la population civile ? Voulez-vous bien utiliser

9 les termes très précis.

10 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, nous avons en permanence

11 hésité à dire les termes. On a parlé des armées en conflit parce qu'en

12 effet tout ce qui s'est passé en Bosnie entre les Croates et les

13 Musulmans, entre les Musulmans et les Serbes, c'est une guerre, un conflit

14 armé pour parler très précisément. Il y avait également beaucoup de

15 violences de la part des soldats vis-à-vis de la population civile. La

16 plupart des blessés et des victimes étaient les civils, exception faite

17 bien évidemment d'un certain nombre d'incidents.

18 Merci d'avoir posé cette question Monsieur le Juge, car

19 effectivement on cherche un autre terme.

20 M. Riad (interprétation). - Vous pouvez appeler cela le

21 massacre.

22 M. Vulliamy (interprétation). - Quand on jette les obus sur la

23 population civile et quand il y a des femmes et des enfants, quand on tire

24 vers les gens qui se trouvent dans la maison, c'est pire que la guerre à

25 mon avis. C'est comme cela que je le conçois. Quand il y a un conflit

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1 entre deux armées c'est autre chose. Par conséquent, entre les Musulmans

2 et les Croates, il y avait un conflit armé. On ne peut pas effectivement

3 parler du conflit armé entre octobre 1992 et février 1994. Il y avait

4 également des échanges de coups de feu entre les armées, entre les soldats

5 mais comme je le dis, la plupart des atrocités, la plupart des massacres

6 ont été commis sur la population civile et par les tirs d'artillerie.

7 C'était la caractéristique de cette guerre, de tout ce qui s'est passé en

8 Bosnie d'ailleurs.

9 M. Riad (interprétation). - La question était si les civils

10 avaient répondu ou non.

11 M. Vulliamy (interprétation). - Oui effectivement, il y avait un

12 certain nombre de groupes de civils qui essayaient de répondre mais ne

13 réussissaient pas toujours. Bref, je répète que la plupart des atrocités

14 ont été commises par les armées qui se trouvaient sur les collines, par

15 les snipers ou obus jetés également sur la population civile. Il y avait

16 des unités paramilitaires qui rentraient dans les villages. C'était la

17 situation à Bosanska Krupa, Ahmici, Zepa, partout où se trouvait la

18 population civile, les civils ont été tués et à proximité, il y avait

19 également des violences et des atrocités qui ont été commises vis-à-vis

20 des réfugiés. On a parlé des convois tout à l'heure, on a parlé des

21 réfugiés. Par exemple quand nous avons suivi le sentier de Travnik en

22 partant de Prijedor, les Serbes tiraient sur les réfugiés. Il s'agissait

23 d'une guerre contre la population civile. Nous parlons des réfugiés comme

24 d'un effet secondaire de la guerre, du conflit armé qui a eu lieu entre

25 les deux armées. Mais en effet, la population civile était la matière

Page 8672

1 première de cette guerre. L'objectif était de faire déplacer la

2 population. C'est la raison pour laquelle on avait effectivement organisé

3 cette guerre contre les civils. C'est très brièvement ce que j'ai tenu à

4 vous dire.

5 M. Hayman (interprétation). - Nous allons parler donc du conflit

6 à Prozor mais restons encore à Travnik. Etes-vous d'accord pour dire que

7 tout ce que vous avez vu à Travnik en octobre 1992 n'était pas le conflit

8 entre le HVO et la population civile, mais entre le HVO et l'armée

9 bosniaque au sujet de l'équipement ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, à Travnik, il n'y avait pas

11 de guerre entre le HVO et la population civile. Il n'y avait pas de

12 conflit entre l'armée bosniaque et les civils. Excusez-moi, c'est assez

13 complexe. A Travnik, il y avait un conflit entre les deux armées.

14 M. Hayman (interprétation). - Entre les deux armées ? Vous êtes

15 bien d'accord ? Avant de passer à Prozor, on parle de Travnik. Une fois de

16 plus, je vous rappelle votre rencontre avec Mate Boban le 24 octobre 1992,

17 donc la page 77-72. Mate Boban vous a dit qu'il y avait une plate-forme

18 politique et que ceux qui n'étaient pas d'accord devaient se retirer d'une

19 façon ou d'une autre. Avez-vous compris que Mate Boban, à cette époque,

20 pensait tout simplement à ceux qui étaient employés et fonctionnaires en

21 Bosnie-Herzégovine pour se retirer, à ceux du HDZ qui n'étaient pas

22 d'accord avec lui.

23 M. Vulliamy (interprétation). - J'ai pensé à tous ceux qui

24 n'approuvaient pas cette plate-forme au sein du HDZ ou du HVO ou d'un

25 autre groupement. Je pense que c'est une bonne conclusion de ma part car

Page 8673

1 le HVO et le HDZ, à un moment donné, étaient très intimement liés. Par

2 conséquent, on ne pouvait pratiquement pas faire la distinction entre les

3 deux groupements, le HVO et le HDZ.

4 M. Hayman (interprétation). - Cela voulait-il dire : "Vous êtes

5 d'accord avec ma plate-forme où vous n'avez qu'à partir" ? Le HVO était-il

6 en fait le bras armé du HDZ ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Non. C'était, comme je l'ai dit,

8 un groupement incorporé à l'armée croate.

9 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

10 l'expression : "Quelqu'un doit se retirer s'il n'est pas avec la plate-

11 forme politique" s'applique à chaque personne du parti politique ?

12 M. Vulliamy (interprétation). - Ce commandement, le même après-

13 midi, avait utilisé l'expression "des autorités civiles et militaires". Il

14 n'y avait effectivement pas une très grande distinction entre l'aspect

15 politique, l'aspect civil et le militaire. Ainsi, le HVO devait mettre en

16 place tout ce qui relevait de l'objectif politique. Ce n'était pas du tout

17 un manifeste pour le choix à faire.

18 M. Hayman (interprétation). - Le 24 octobre 1992, Mate Boban a-

19 t-il déclaré que l'Herceg-Bosna devait légalement faire partie de la

20 Croatie, être annexée à la Croatie ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Il n'a pas utilisé le terme

22 "légal".

23 M. Hayman (interprétation). - Nous pouvons maintenant passer au

24 conflit que vous avez ensuite vu, le conflit à Travnik et celui qui a eu

25 lieu à Prozor, le 27 octobre 1992.

Page 8674

1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - C'est après le conflit armé que

3 vous êtes arrivé ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, effectivement.

5 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

6 le conflit à Prozor est arrivé après le conflit du HVO et l'armée de

7 Bosnie, sur la route vers Prozor et vers la Bosnie centrale ?

8 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Je ne

9 peux pas vous répondre mais je pense que c'est une explication. Je peux

10 dire qu'il s'agissait d'une route qui était fort importante pour le HVO,

11 en raison du contrôle également qui a été organisé pour la Bosnie

12 centrale, pour Sarajevo, etc. Je considère que c'était extrêmement

13 important également pour tous ceux qui n'étaient pas au HVO. Vous avez

14 parlé des conflits -même si je ne pense pas que ce soit le terme exact,

15 les Juges m'ont posé la question à propos du terme. J'insiste pour dire

16 que des obus ont été lancés, les Musulmans et les civils ont été obligés

17 de quitter les lieux.

18 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la

19 déclaration qui, cette fois-ci, porte sur Prozor : "Quand le jour s'est

20 levé -c'est la page 222 de votre livre- les gens sont partis de leur

21 ville, les bandes sont rentrés dans la ville, ils ont commencé à piller, à

22 nettoyer la ville" ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, bien sûr. Je suis

24 parfaitement d'accord avec ce que j'ai dit. Le jour suivant, nous les

25 avons rencontrés également. Ils se sont sauvés en passant par les

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1 montagnes et ils nous ont dit qu'il y avait d'abord eu des tirs d'obus à

2 partir des collines, au sud-ouest de la ville. Cela s'est passé dans la

3 nuit. Les gens sont rentrés en ville. Par la suite, ils ont commencé à

4 piller et ils ont tiré. Personnellement, je ne l'ai pas vu de mes propres

5 yeux. Je ne peux pas dire s'ils m'ont dit la vérité ou non, mais je le

6 crois.

7 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec ce que

8 vous avez écrit dans votre livre ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - La pièce à conviction 29L, s'il

11 vous plaît. Je vous remercie de poser la carte sur le chevalet.

12 Monsieur Vulliamy, je vais vous rappeler la pièce à conviction 29L, la

13 carte de la région de Bosnie-Herzégovine. Si je me souviens bien, lors de

14 votre déposition, vous avez parlé de la route des diamants, pour les

15 convois humanitaires pour la Bosnie centrale. Est-ce vrai ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Je pense que vous avez dit, entre

18 les pages 77 à 80, que le HVO avait contrôlé Prozor pour assurer la route

19 par laquelle on faisait acheminer le matériel vers la Bosnie centrale.

20 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous considéré qu'il était

22 indispensable de préserver le contrôle ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. C'était un sentier qui

24 passait par la montagne pour acheminer l'aide vers la Bosnie centrale et

25 vers Sarajevo. Deux routes -qui ne sont pas indiquées ici- étaient très

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1 dangereuses car les Serbes tiraient. Pour le HVO, cette route des diamants

2 avait deux objectifs, deux fonctions : la première, celle de contrôler

3 cette route et automatiquement contrôler l'aide humanitaire, c'était de

4 plus en plus clair, ils ne l'ont pas caché ; c'était aussi un moyen

5 d'emmener leurs forces vers la Bosnie centrale, ce qu'ils ont fait en

6 permanence. En effet, sans ce sentier, cette route, le HVO à Vitez et

7 Busovaca aurait été coupé par les voies terrestres. Les autres routes

8 auraient été beaucoup plus difficiles.

9 M. Hayman (interprétation). - Les autres auraient été

10 difficiles ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, ces routes étaient les plus

12 faciles. Un autre sentier passait par Tacin et par Kiseljak, mais il était

13 beaucoup plus dangereux.

14 M. Hayman (interprétation). - Est-il vrai que cette route a été

15 empruntée pour aller de Kiseljak jusqu'à Busovaca pour arriver à Vitez ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - La route par Tacin, oui. Si vous

17 vouliez aller à Vitez en passant par Tacin, il fallait passer par

18 Busovaca. Vous avez raison. C'était un problème pour le HVO parce que

19 cette route avait été coupée par l'armée bosniaque.

20 M. Hayman (interprétation). - Par l'armée bosniaque ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, par l'armée bosniaque.

22 M. Hayman (interprétation). - Prozor a-t-elle été contrôlée en

23 octobre ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est vrai, à ma

25 connaissance.

Page 8677

1 M. Hayman (interprétation). - Pouvaient-ils empêcher l'aide

2 humanitaire de se rendre en Bosnie centrale, tout au moins jusqu'à Vitez

3 et Busovaca ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Non, pas empêché véritablement

5 mais ils pouvaient décider à quel moment cette aide pouvait y passer. Par

6 moment, les Nations Unies devaient également payer le passage sur la route

7 alors que ce sont eux qui l'ont construite.

8 M. Hayman (interprétation). - Pendant que les bataillons

9 britanniques étaient en Bosnie centrale entre le mois de novembre 1992

10 jusqu'en octobre 1993, chaque convoi du HCR est donc arrivé à

11 destination ?

12 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne sais pas si tous les

13 convois sont parvenus à s'y rendre mais la plupart, la majorité, oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Ils n'étaient pas arrêtés ? Vous

15 souvenez-vous qu'un article a été publié dans le Guardian

16 le 2 avril 1996 ? C'est vous qui l'avez écrit, tout du moins, c'est ce que

17 j'ai pu apprendre : "En novembre 1993, l'équipe du HCR a quitté ces lieux.

18 Il y a encore cinquante Croates et de vingt à trente Musulmans qui ont été

19 victimes mais tous ceux qui se sont rendus là-bas ont pu se sauver et sont

20 arrivés jusqu'à la ville."

21 M. Vulliamy (interprétation). - Je n'ai pas bien suivi tous ce

22 que vous avez dit.

23 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il en octobre 1992, à

24 Prozor, des tensions de plus en plus accrues entre les Croates et les

25 Musulmans, notamment en Bosnie centrale, à Vitez, à Busovaca, à Kiseljak ?

Page 8678

1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. Nous pouvons revenir à la

2 question qui m'a été posée par les Juges. Il y avait un conflit ouvert.

3 Qu'est-ce que ceci voulait dire ? Comme je l'ai dit, d'abord des obus ont

4 été tirés. Les Croates n'ont pas quitté Prozor. Les Musulmans ont été

5 obligés de quitter Prozor. Par conséquent, les tensions étaient fortes et

6 accrues.

7 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous renvoyer à la

8 pièce 29/L. A un moment donné, après le mois d'octobre 1992, quand le HVO

9 a pris le contrôle sur le terrain... il y avait la route des diamants dont

10 on a parlé. Ma question est de savoir si ceci s'est passé après que le HVO

11 avait pris le contrôle à Prozor ? Avez-vous également su que l'armée

12 bosniaque avait contrôlé un certain nombre de portions de cette route des

13 diamants ? L'avez-vous appris ou non ?

14 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, bien évidemment, je l'ai

15 appris. Je sais qu'il y avait également un certain nombre de points de

16 contrôle surveillés par l'armée bosniaque. Tout de suite après Travnik, il

17 y avait un tournant abrupt. Je me souviens que l'armée bosniaque l'avait

18 contrôlé ainsi que les bois, les forêts au-dessus de Gornji Vakuf.

19 M. Hayman (interprétation). - L'armée a donc pu jeter des obus ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, les deux ont pu et les deux

21 ont tiré des obus sur Gornji Vakuf.

22 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quand cette

23 partie de la route est passée sous le contrôle de l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Autant que je sache, la partie

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1 au nord de cette forêt était toujours entre leurs mains, du moins, c'est

2 ce que je crois. Si ce n'était pas le cas, alors c'est un moment où

3 j'aurais quitté le pays. Des parties de la route des diamant plus vers

4 Vitez -j'essaie de me souvenir- étaient détenues par l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine dès le mois d'octobre ; elles n'avaient pas été perdues au

6 mois d'octobre et elle les a conservées jusqu'en 1993, probablement

7 jusqu'en février 1993, moment où elle a perdu la route -ce tournant dont

8 j'ai parlé. Je n'ai pas de noms de villages à vous donner, mais lorsque

9 vous sortez de la forêt et que vous allez vers Novi Travnik, il y a un

10 tournant. Un barrage routier se trouvait à cet endroit en janvier 1993.

11 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

12 qu'après février 1993, à d'autres endroits de la route des diamants,

13 l'armée Bosnie-Herzégovine maintenait ses positions et avait le contrôle

14 de la route des diamants jusqu'à l'accord de Washington en 1994 ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - En juillet 1993... Je ne peux

16 répondre à cette question en fait. En février 1993, les combats étaient si

17 violents sur cette route des diamants qu'il fallait utiliser une autre

18 route comme je vous l'ai dit. Je n'ai pas vu de barrage routier de l'armée

19 de Bosnie-Herzégovine en juillet 1993, mais cela ne signifie pas qu'ils

20 n'ont peut-être pas occupé des endroits où il n'y avait pas de barrages

21 routiers. Il y avait là-bas un "gang", un groupe, qu'on ne souhaitait pas

22 forcément rencontrer, mais il n'y avait pas de barrages routiers. Je crois

23 qu'il n'y avait pas de barrages spéciaux à ce moment-là.

24 M. Hayman (interprétation). - En résumé -et ce sera ma dernière

25 question-, autant que vous sachiez que d'octobre 1992 jusqu'à l'accord de

Page 8680

1 Washington, l'armée de Bosnie-Herzégovine avait la possibilité de couper

2 la route des diamants. Est-ce exact ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Honnêtement je ne peux pas vous

4 parler de toute la période car je n'ai pas emprunté la route des diamants

5 sur toute la période jusqu'à l'accord de Washington.

6 M. Kehoe (interprétation). - Permettez au témoin de finir les

7 réponses aux questions.

8 M. Vulliamy (interprétation). - Je vais essayer de vous répondre

9 du mieux que je peux. Des parties de la route des diamants étaient

10 contrôlées par l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'est sûr -jusqu'en

11 janvier 1993- parce qu'il y avait des barrages routiers. Certaines parties

12 de la route des diamants étaient dites être contrôlées en juillet 1993,

13 mais il n'y avait pas de barrages routiers visibles. Peut-être qu'il n'y

14 en avait pas ou peut-être qu'ils étaient tout simplement dans la forêt.

15 Donc je ne peux vous parler que de la période qui va jusqu'à l'été 1993.

16 M. Hayman (interprétation). - Après cela, vous ne savez pas ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Après cela, je ne sais pas,

18 exactement.

19 M. le Président. - Maître Hayman, pensez-vous connaître la durée

20 de votre contre-interrogatoire ? Jusqu'à quand ? C'est simplement pour

21 fixer un peu...

22 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'en suis

23 environ à la moitié.

24 M. le Président. - Je vous propose qu'on suspende parce que le

25 débit est très rapide. Nous allons suspendre cinq à dix minutes et nous

Page 8681

1 reprendrons.

2

3 L'audience, suspendue à 12 heures 05, est reprise à 12 heures 40.

4

5 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Veuillez

6 introduire l'accusé.

7 Maître Hayman, ce n'est pas très pratique, je me mets tout à

8 fait à votre place, mais nous allons essayer, nous en avons discuté avec

9 mon collègue, de siéger jusqu'à 13 heures 15 pour que vous ne soyez pas

10 interrompu dans votre contre-interrogatoire et nous reprendrons à

11 14 heures 45. L'accusé n'est pas là, Monsieur ? Si ?

12 Nous pouvons faire sans compte-rendu, Monsieur le Greffier, nous

13 pouvons presque faire sans huissier, sans vous on ne peut rien faire, on

14 peut faire sans l'accusation sans la défense mais il nous faut l'accusé.

15 (L'accusé est introduit dans le prétoire)

16 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur Vulliamy, j'aimerais attirer votre attention sur la chute de

18 Jajce. Est-elle intervenue fin octobre 1992 ?

19 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, fin octobre et début

20 novembre.

21 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déposé, je crois, et dis

22 que la chute de Jajce, au cours cette période, a entraîné un exode

23 d'environ 40 000 personnes.

24 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est exact.

25 M. Hayman (interprétation). - Certains d'entre eux étaient des

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1 combattants mais une majorité étaient des réfugiés civils ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est exact.

3 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que la plupart des réfugiés

4 étaient Croates ou Musulmans ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Une majorité. Je dirais 50/50,

6 peut-être un peu plus de Musulmans mais une grande partie de Croates une

7 plus grande proportion de Croates que les réfugiés dont nous avons parlé

8 précédemment qui venaient dans la zone de Prijedor.

9 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que ces réfugiés arrivaient

10 également à Travnik ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Précédemment, dans votre

13 déposition vous avez dit que certains soldats avec qui vous vous êtes

14 entretenu ont dit qu'ils s'étaient retirés de Jajce suite à un accord

15 entre les Serbes et les Croates.

16 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je me souviens de ces

17 témoignages et je me souviens d'avoir entendu cela.

18 M. Hayman (interprétation). - Aviez vous discuté de la question

19 avec des commandants de brigade du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine

20 à l'époque à Travnik ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Oui et si mes souvenirs sont

22 bons ils ne partageaient pas ce point de vue, à la fois le HVO et l'armée

23 de Bosnie-Herzégovine estimaient que la défense de Jajce était devenue

24 intenable. L'idée d'un accord est venue des troupes elles-mêmes.

25 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

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1 dire que cette déclaration a été prononcée ? Je lis un article qui vous

2 est attribué dans le Guardian du 2 novembre 1992. Le Colonel Haso Vibo de

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui en l'espace d'un mois, est passé d'un

4 personnage sympathique à un commandant désespéré, a dit, et je le cite :

5 "Nous avons subi des pressions militaires incroyables, et très simplement

6 il y avait un risque de voir Jajce coupée et que le corridor soit coupé

7 par l'hiver et qu'un massacre allait intervenir." Vous souvenez-vous d'une

8 telle déclaration du Colonel Ribaud ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je m'en souviens. Je me

10 souviens du corridor que lui-même et ses alliés Croates utilisaient pour

11 essayer de défendre Jajce. C'était sa position et, si mes souvenirs sont

12 bons, c'étaient plus ou moins les arguments du HVO. Un compte-rendu

13 différent émanait des soldats qui défendaient la ville.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous souvenez-vous du

15 Colonel Filipovic du HVO à Travnik qui vous a dit au même moment, je

16 cite : "C'était une bataille inégale et cela s'est de plus en plus

17 accentué. L'ordre de se retirer est venu des pouvoirs locaux et civils

18 avec l'approbation tacite des deux commandements."

19 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je reconnais cette

20 déclaration. Comme je l'ai dit, le HVO était d'accord avec le

21 Commandant Ribaud. Le Commandant Filipovic était d'accord avec le

22 Commandant Ribaud, c'est-à-dire que la défense de Jajce n'était plus

23 possible par le biais de ce corridor étroit. C'est ce qu'ils ont affirmé

24 et c'est ce que les soldats disaient. Ils disaient des choses différentes

25 et j'ai fait état des deux.

Page 8684

1 M. Hayman (interprétation). - Alors, sur le fond, le

2 Colonel Filipovic a-t-il fait cette déclaration dont je viens de vous

3 donner lecture ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, exactement, dans une

5 interview.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit un barrage

7 routier à Ramboci au sud-ouest de Prozor où vous vous êtes rendu en

8 octobre 1992, je crois, et à un moment donné, des soldats apportaient des

9 uniformes du HOS et ensuite des uniformes du HVO. Vous souvenez-vous de

10 cela ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je suis passé par ce

12 barrage routier plusieurs fois.

13 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la

14 déclaration suivante sur cette question à la page 214 de votre livre :

15 "Pendant longtemps, la région était une somme de milices qui combattaient

16 entre elles et cela entraînait la violence." Est-ce exact ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, cela fait référence à la

18 zone de Mostar en août 1992 où il y avait une lutte intestine entre le HOS

19 et le HVO. Le chef du HOS a été tué par le HVO. C'était à l'époque où il y

20 avait des bagarres entre des milices diverses plus ou moins sous le

21 commandement du HVO. C'était quelques mois avant la période dont nous

22 parlons, c'était en août 1992 et cela concernait Mostar, comme cela

23 ressort clairement du livre, je crois. C'est un chapitre qui est intitulé

24 la "Règle de la folie", si je ne m'abuse. L'imposition de l'autorité du

25 HVO est intervenue par la suite. Autant que j'ai pu le constater, c'était

Page 8685

1 déjà le cas au moment où nous sommes arrivés à ce tournant d'octobre mais

2 ce que vous avez dit est exact pour la zone de Mostar en août.

3 M. Hayman (interprétation). - Votre témoignage est donc le

4 suivant : les choses avaient changé par rapport à la description du livre

5 d'ici à octobre 1992.

6 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, les choses ont énormément

7 changé. Elles allaient encore plus changer dans les semaines à venir. Les

8 petites unités, les francs-tireurs ou je ne sais comment il faut les

9 appeler, venaient sous le contrôle hiérarchique de Mate Boban et du HVO et

10 d'ici à la fin du mois d'octobre, il ressortait que cette autorité plus

11 homogène, plus monolithique, était plus ou moins installée.

12 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des renseignements

13 précis que vous pouvez fournir au Tribunal sur la manière dont le HOS, les

14 unités du HOS ou une unité du HOS, dans la municipalité de Vitez, ont été

15 absorbées dans le HVO, c'est-à-dire si elles sont passées sous le

16 commandement de la zone opérationnelle ou si elles dépendaient comme

17 unités spéciales du ministère de la défense à Mostar ? Avez-vous des

18 renseignements précis sur cette question que vous pourriez fournir au

19 Tribunal ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Non, j'en ai bien peur. Je ne

21 connais pas la situation du HOS à Vitez, l'unité du HOS qui s'occupait du

22 barrage routier Rumbovci nous la connaissions car elle y avait un barrage

23 routier et il fallait se présenter et on pouvait lire HOS sur eux. Ils

24 n'avaient pas d'uniforme. Ils avaient un pantalon et un T-shirt noir et

25 ils sont passés sous l'autorité du HVO pendant la dernière ou l'avant-

Page 8686

1 dernière semaine du mois d'octobre. Je ne peux pas vous en dire plus sur

2 d'autres groupes du HOS. Il y avait d'autres groupes à Vitez dont nous

3 avons en entendu parler qui sont passés sous le commandement du HVO mais

4 pas le HOS.

5 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la thèse

6 selon laquelle les premiers conflits vraiment violents entre les Croates

7 et les Musulmans en Bosnie-Herzégovine sont intervenus à Prozor en

8 octobre 1992 ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Les premières évictions de

10 civils musulmans systématiques, les premières attaques systématiques de

11 civils de la part d'une armée, se sont déroulés à Prozor en octobre 1992.

12 Selon ce que j'ai vu, vous parlez de combat comme s'il s'agissait de deux

13 armées rivales, j'ai vu le pilonnage d'une ville et le pillage qui a

14 chassé 5 000 civils d'une ville.

15 M. Hayman (interprétation). - Mais vous serez d'accord pour dire

16 que ce qui s'est produit à Prozor dépassait en intensité ce qui s'était

17 passé en Bosnie-Herzégovine jusque là entre les Croates et les Musulmans ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'était la première

19 occurrence du nettoyage ethnique, ce n'est pas un terme que j'aime, et

20 c'était si vous voulez, une mise à l'essai.

21 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

22 ce type de conflit très intense entre les Croates et les Musulmans s'est

23 produit tout d'abord dans les municipalités de Busovaca, Vitez et Kiseljak

24 et dans la municipalité de Busovaca en janvier 1993 ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Vitez, Busovaca et Kiseljak ?

Page 8687

1 M. Hayman (interprétation). - Oui, dans les enclaves de Vitez et

2 Kiseljak. Les premiers conflits intenses se sont-ils produits dans la

3 municipalité de Busovaca en janvier 1993 ? Etes-vous d'accord pour dire

4 que c'est exact ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Busovaca et Stari Vitez,

6 j'ignore où cela a commencé mais dans ces deux là, oui. Kiseljak

7 comprenait moins de Musulmans et par conséquent l'intensité était moindre.

8 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous être d'accord pour

9 dire comme vous le dites à la page 255 de votre livre, je cite : "A

10 Busovaca, dans la vallée de la Lasva c'est l'armée de Bosnie-Herzégovine

11 qui est descendue des collines et qui a "nettoyé" les Croates ". Etes-vous

12 d'accord ?

13 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, pour les villages qui sont

14 à l'est de Busovaca. Je n'essaie pas de dire que la circulation n'allait

15 que dans un sens. Il est bien clair que le HVO contrôlait la situation

16 mais je ne dis pas que cela n'allait que dans un sens. Les Musulmans ont

17 également attaqué. Je ne le nie pas.

18 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous parlez des villages à

19 l'est de Busovaca, est-ce de Dusina et de Lasva ou est-ce de Gusti Grab et

20 de Kacuni Lalavac ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Je parle d'une zone au sud-est

22 où l'armée de Bosnie-Herzégovine a établi un barrage routier peu de temps

23 après. Je ne souhaite pas entrer sur un débat sur des villages précis car

24 cela m'entraînerait hors de mes connaissances.

25 M. Hayman (interprétation). - Si vous avez bien compris ce

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1 barrage routier coupait la route principale entre Busovaca et Kiseljak.

2 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, pendant un moment l'armée

3 de Bosnie-Herzégovine avait un barrage routier à cet endroit.

4 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous également décrit le

5 conflit qui a suivi à Busovaca et autour de Busovaca comme "la nature du

6 conflit a amené à la circulation de rumeurs qui ont enflammé le conflit".

7 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

8 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Revenons maintenant à Travnik et

10 au Colonel Filipovic, le Commandant du HVO dont vous avez parlé et dont

11 vous avez décrit la rencontre. Vous lui avez rendu visite en janvier 93,

12 c'est ce là ?

13 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le

15 Colonel Filipovic ne souhaitait pas la guerre de Boban avec l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous parler de son désir de coopération avec

17 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - Il s'agit d'un épisode dont j'ai

19 déjà parlé pour un risque considérable pour lui-même et pour nous-mêmes.

20 Nous sommes allés à quelques centaines de mètres des lignes de feu serbes

21 et il a mis en scène un petit épisode : il s'est assis à côté de son

22 homologue de l'armée en Bosnie-Herzégovine, le Commandant Kulinovic et ils

23 ont plaisanté, ils ont dit : "Nous pouvons nous dire que nous ne nous

24 faisons pas confiance mutuellement et il a dit qu'il pratiquait, qu'il

25 était extrêmement malheureux de cette situation".

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1 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire que le

2 Colonel Filipovic n'a pas essayé de cacher sa coopération active avec

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine mais plutôt qu'il a essayé de rendre public

4 son point de vue là-dessus ? Seriez-vous d'accord avec cela ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Je crois, si je l'ai bien

6 interprété, que ce qu'il essayait de dire c'est que le fait de remonter la

7 vallée jusqu'à Travnik représentait des pressions sur lui pour adopter une

8 attitude belliqueuse vis-à-vis des alliés musulmans. Il ne souhaitait pas

9 le faire et je suis d'accord avec vous, il a dit clairement que ce n'était

10 pas le cas.

11 M. Hayman (interprétation). - A-t-il fait publiquement état de

12 ses vues ?

13 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Dans vos entretiens avec lui,

15 lorsqu'il a dit qu'il était sur la sellete...

16 M. Vulliamy (interprétation). - Nos entretiens étaient... Enfin,

17 ils sont intervenus soit en remontant ou en redescendant. Nous attendions

18 un camion qui devait nous emmener près d'une cabane. A-t-il expressément

19 dit ce qu'il entendait lorsqu'il a dit qu'on le forçait à "agir sur le fil

20 du rasoir" ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, il a parlé de pressions qui

22 remontaient la vallée. C'est à l'époque où j'ai entendu mentionner le nom

23 du colonel Blaskic et de Mate Boban. Oui, il l'a dit ; il a été très

24 direct là-dessus.

25 M. Hayman (interprétation). - Qu'a-t-il dit sur le

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1 colonel Blaskic ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Qu'il le forçait à agir sur le

3 fil du rasoir. Ce que j'ai compris comme un exercice d'équilibriste entre

4 deux choses qu'il ne souhaitait pas.

5 M. Hayman (interprétation). - A l'époque, le colonel Filipovic

6 encourageait-il une coopération avec l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, certainement.

8 M. Hayman (interprétation). - Alors, a-t-il dit ce que le

9 colonel Blaskic souhaitait qu'il fasse, qu'il ne souhaitait pas faire ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Non, il ne l'a pas précisé. Il a

11 englobé le colonel Blaskic avec Mate Boban et il a dit qu'il était sur le

12 fil du rasoir. La manière dont j'ai compris ses dires -je peux essayer

13 d'interpréter ses paroles d'une autre manière mais je crois qu'il n'y en a

14 pas-, il y avait deux choses qu'il ne souhaitait pas faire : il ne

15 souhaitait pas quitter le HVO car il était un homme du HVO, un Croate

16 fidèle, mais il ne souhaitait pas non plus faire ce sur quoi on exerçait

17 dépression sur lui, c'est-à-dire adopter une attitude hostile vis-à-vis de

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine, ce qui se produisait pratiquement partout,

19 sauf à Travnik et dans d'autres zones comme Tuzla.

20 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire qu'on

21 ne l'a pas forcé à adopter une attitude hostile vis-à-vis de l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Il a fait savoir que des

24 pressions considérables pesaient sur lui.

25 M. Hayman (interprétation). - A-t-il attaqué l'armée de Bosnie-

Page 8691

1 Herzégovine à Travnik, en janvier 1993 ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Non, je ne le pense pas. Pas que

3 je sache.

4 M. Hayman (interprétation). - En mars 1993 ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - J'ignore pendant combien de

6 temps il est resté commandant, au cours de ce printemps. J'aimerais

7 pouvoir vous aider mais je ne souhaite pas faire de supposition. Des

8 combats ont continué plus tard, au printemps, mais je n'étais pas présent

9 et je souhaiterai pas témoigner quant à qui a commencé. Je ne sais pas

10 s'il était encore commandant.

11 M. Hayman (interprétation). - Mais vous croyez savoir que, en

12 fin de compte, au printemps ou peut-être en juin 1993, c'est l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine qui a évincé le HVO de Travnik ?

14 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Au fait, êtes-vous encore en

16 contact avec le général Filipovic ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Non.

18 M. Hayman (interprétation). - Mais vous êtes bien conscient

19 qu'on l'a promu au rang de général au sein du HVO ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Je savais qu'il avait été promu.

21 Je ne savais pas qu'il était général et je ne peux que supposer qu'il est

22 passé d'un côté du rasoir et pas de l'autre côté. Je pense qu'il ne

23 souhaitait pas retomber sur le rasoir et je ne lui en jette pas la pierre.

24 Mais non, je n'ai pas de contact avec lui, pour répondre à votre question,

25 mais je respectais sa position.

Page 8692

1 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce un homme attaché à ses

2 points de vue ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, il croyait à l'alliance.

4 M. le Président. - Veuillez regarder dans ma direction, s'il

5 vous plaît.

6 M. Vulliamy (interprétation). - Veuillez m'excuser,

7 Monsieur le Président.

8 M. le Président. - Quand vous répondez, ce sont les Juges qui,

9 en fin de compte, délibèrent et jugent. Merci.

10 M. Vulliamy (interprétation). - Je le ferai,

11 Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser. Il s'agit d'un homme qui

12 pouvait croire, au début de la guerre, à l'alliance entre l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine et le HVO comme prévu. Nous le pensions à tort. C'est

14 la raison pour laquelle je le respectais. Nous avions assisté à des

15 violences énormes perpétrées par les Serbes vis-à-vis des deux peuples et,

16 comme groupe de journalistes chargés de couvrir la guerre, nous espérions

17 que cette alliance tiendrait. Cela n'a pas été le cas.

18 C'était agréable de rencontrer des Croates qui y croyaient et

19 qui étaient prêts à s'exprimer contre ces ordres. Je pensais que c'était à

20 mettre à son crédit que d'avoir essayé au moins, même si cela n'a pas

21 réussi.

22 M. Hayman (interprétation). - En résumé, vous l'estimiez comme

23 quelqu'un d'honnête et d'intègre ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. Les Croates et les

25 Musulmans s'étaient battus ensemble, contre cette violence des Serbes.

Page 8693

1 Nous avions constaté que, ensemble, alliés à Mostar, ils ont réussi dans

2 une situation difficile. Et voilà que Mate Boban et sa structure de

3 commandement ont rompu cette alliance. J'ai parlé d'un coup de poignard

4 dans le dos dans mon livre, je crois que c'était cela. Voilà un homme qui

5 n'était pas prêt à accepter ce coup de poignard dans le dos. C'est la

6 raison pour laquelle je l'admire et j'estime qu'il est courageux. Ce qui

7 s'est produit par la suite, je l'ignore.

8 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on présenter la pièce à

9 conviction 173 sur le chevalet ? Je vous pose quelques questions pendant

10 ce temps. Vous avez quitté la Bosnie-Herzégovine en février 1993 et vous

11 n'y êtes pas revenu jusqu'en juillet 1993. Est-ce exact ?

12 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est exact.

13 M. Hayman (interprétation). - En juillet 1993, vous êtes-vous

14 rendu dans la zone de Vitez ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

16 M. Hayman (interprétation). - Dans votre témoignage

17 précédemment, vous avez dit que, au cours de cette visite à Vitez en

18 juillet 1993, votre attention a été attirée sur le fait qu'il y avait un

19 sniper de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui tirait sur le jardin de la

20 maison où vous étiez, depuis une colline près du quartier général du

21 bataillon britannique.

22 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est exact.

23 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous examiner la pièce à

24 conviction 173 ? Peut-être pourrait-on la mettre sur le rétroprojecteur ?

25 Je vous prie de m'excuser. Pourriez-vous montrer de quelle colline le

Page 8694

1 sniper de Bosnie-Herzégovine tirait sur l'endroit où vous avez résidé ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. J'ai appris par la suite

3 qu'il était dans l'armée de Bosnie-Herzégovine. Le drapeau montrait le

4 croissant de lune.

5 M. Hayman (interprétation). - Sur cette pièce à conviction

6 numéro 173, Monsieur Vulliamy, reconnaissez-vous la zone sous le 1 ?

7 Reconnaissez-vous cela comme une partie de la base du bataillon

8 britannique ? Pouvez-vous nous dire où était la colline où se trouvaient

9 le tireur embusqué qui tirait sur vous ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - J'essaie de retrouver ce que

11 l'on appelait l'allée de la télévision où il y avait tout Televisia Ulisa,

12 comme on l'appelait, où il y avait tous les bâtiments de la télévision de

13 BBC.

14 M. Hayman (interprétation). - Voyez-vous le pont, la rivière,

15 au-dessus du chiffre 3(A) ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Si vous remontez la photographie

18 jusqu'à 4(A) et 4, c'est une colline qu'on appelle Girboviza. Cela vous

19 aide-t-il à vous orienter ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, quelque peu. J'essaie de

21 retrouver la maison d'abord et, une fois que j'aurai la route et la

22 maison, je saurai exactement où c'est.

23 M. Hayman (interprétation). - Je vous en prie.

24 M. Vulliamy (interprétation). - Si je ne m'abuse, l'allée de la

25 télévision, comme on l'appelait, se trouve ici. Soit ici, soit là. Oui,

Page 8695

1 c'est bien cela... Nous sommes donc ici, le jardin est là et lui tire

2 depuis ici.

3 M. Hayman (interprétation). - Il y a quelque chose qui cache une

4 partie de l'écran. Monsieur l'huissier, il faut éviter de recouvrir la

5 partie supérieure du rétroprojecteur car cela nuit au fonctionnement de ce

6 rétroprojecteur. Très bien. Donc, sur la partie inférieure de la pièce à

7 conviction 73, pouvez-vous me dire...

8 M. Vulliamy (interprétation). - C'est bien ici que se trouve la

9 route principale et c'est bien là que se trouvent les maisons ? C'est là

10 que se trouve la BBC, n'est-ce pas ?

11 M. Hayman (interprétation). - Mon avis, et si mon confrère n'est

12 pas d'accord, qu'il le dise, c'est que la route ici est la route

13 principale utilisée par le Bataillon britannique et que, en haut de la

14 photographie, on trouve le segment de la route qui va vers le sud-est. La

15 portion que vous venez de montrer est celle qui va dans la direction

16 ouest-nord-ouest en sortant de Vitez.

17 M. Vulliamy (interprétation). - Dans ce cas, c'est ici que se

18 trouve l'allée de la télévision, comme on l'appelait. Le jardin se trouve

19 quelque part par ici. Quant à la colline, elle est ici, et le tireur isolé

20 aurait tiré vers le jardin à partir de là.

21 M. Hayman (interprétation). - Et donc, c'est à peu près au

22 niveau du cercle correspondant au numéro 4, sur la pièce à conviction 73,

23 que se trouverait le tireur ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Je crois, en fait, tout dépend

25 de l'endroit où se trouve cette allée de la télévision. Excusez-moi

Page 8696

1 d'utiliser ce terme, mais c'est comme cela qu'on l'appelait. Si j 'étais

2 sûr de la localisation de cette allée de la télévision, je pourrais vous

3 répondre plus précisément ; mais la maison était dans une zone située à

4 côté de la route principale, derrière le Bataillon britannique. Et le

5 tireur isolé tirait à partir d'un endroit situé derrière le Bataillon

6 britannique, dans cette direction-ci. Je suis donc près à dire que c'est

7 bien cela la colline. Si j'ai eu raison dans la localisation de la route,

8 alors c'est bien là que se trouvait la colline.

9 M. Hayman (interprétation). - Merci. Nous en avons fini avec

10 cette pièce à conviction, monsieur l'huissier.

11 Vous avez également décrit votre visite dans l'est de Mostar en

12 juillet 1993.

13 M. Vulliamy (interprétation). - Non.

14 M. Hayman (interprétation). - Non, il n'y a pas eu de visite à

15 Mostar est en juillet 1993 ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - Non.

17 M. Hayman (interprétation). - Mais vous y êtes allé plus tard ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - En septembre 1993, c'est ma

19 première visite dans l'est de Mostar.

20 M. Hayman (interprétation). - Merci. Savez-vous quelle était, à

21 ce moment-là, la dimension de l'armée ou des unités de Bosnie-

22 Herzégovine ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre en

24 vous donnant la dimension exacte. Ces unités étaient sur les lieux,

25 étaient très peu armés et, pour revenir à ce que nous avons dit

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1 précédemment, il ne s'agissait pas de réels combats, car ces unités

2 étaient totalement encerclées. Il y avait simplement une route qui venait

3 de Jablanica par laquelle l'armée pouvait se procurer des armes à dos de

4 mulet, mais c'est tout.

5 M. Hayman (interprétation). - Donc il y avait un siège, n'est-ce

6 pas ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - Aviez-vous la moindre idée du

9 nombre de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Mostar ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Non, je ne sais pas, mais le

11 nombre de soldats n'avait guère d'importance, car il y avait de très

12 nombreux soldats qui avaient chacun une ou 2 balles. Mais vous parlez de

13 siège et là je dis oui, effectivement, il y avait un siège, de nombreux

14 mortiers, de nombreux obus tombaient sur la zone tous les jours. Les

15 blessés étaient nombreux, femmes et enfants principalement.

16 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si des civils ont été

17 invités à quitter l'est de Mostar à quelque moment que ce soit pendant la

18 durée du siège ?

19 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne nais pas entendu parler de

20 cela, non.

21 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit dans votre

22 déposition, page 77/89 du compte rendu, qu'à partir des événements

23 d'octobre 1992 vous avez conclu qu'il existait une seule chaîne de

24 commandement placée sous le commandement de Mate Boban et qui

25 fonctionnait ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations

3 précises, destinées au Tribunal, s'agissant de la façon dont Mate Boban

4 exerçait son contrôle sur les unités du HVO ? Autrement dit, est-ce qu'il

5 donnait des ordres qui passaient par des commandants du HVO ou est-ce

6 qu'il utilisait les canaux du HDZ ? De quelle façon exerçait-il le

7 contrôle dont vous avez parlé sur le HVO ?

8 M. Vulliamy (interprétation). - Je dois dire que j'ai vu Mate

9 Boban dans plusieurs quartiers généraux et il n'y avait pas toujours de

10 haut responsables du HVO sur les lieux. Mais il y avait des représentants

11 du HVO avec lui. Il parlait du HVO en tant qu'exécutant de ce que lui

12 avait l'intention de réaliser. Il parlait beaucoup plus d'ailleurs du HVO

13 que du HDZ dont il était un représentant de haut niveau. Il utilisait en

14 fait les sigles HVO et HDZ de façon interchangeable. Il a très souvent

15 affirmé, à notre intention, l'autorité du HVO sur l'ensemble du

16 territoire. C'est en tout cas ce que j'ai entendu de sa bouche lorsque je

17 me suis trouvé dans ces quartiers généraux.

18 Au vu de ce que moi j'ai vu sur le terrain, je crois qu'il est

19 permis de dire que tout, ce que Mate Boban a déclaré faire, a ensuite

20 était réalisé par le HVO. S'il disait : "Nous allons maintenant affirmer

21 notre autorité de cette façon", et c'est ce qu'il a fait en octobre, nous

22 l'avons vu exécuter sur l'ensemble du territoire, à Vitez, à Mostar, à

23 Travnik et ailleurs, la même remarque porte pour les mobilisations sur les

24 routes. Donc ceci est davantage qu'une anecdote.

25 C'est une chose de vous dire ce que j'ai vu au quartier général

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1 de Mate Boban, les hommes que j'y ai vus, c'est une autre chose que de

2 vous dire ce que j'ai vu réaliser sur le terrain. Il disait : "Voilà, nous

3 souhaitons telle et telle chose" et la réponse était immédiate sur le

4 terrain. La chose en question était exécutée.

5 M. Hayman (interprétation). - Je crains que vous n'avez pas bien

6 répondu à ma question, vous avez répondu à une autre question.

7 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, si le conseil de la

8 défense à une autre question il peut la poser. Quant au fait de commenter

9 cette réalité, je fais objection.

10 M. Hayman (interprétation). - Ma question était tout à fait

11 claire. Monsieur le Président, la réponse du témoin n'apportait pas

12 réponse à ma question. Il importe que le compte rendu en rende compte. Je

13 voudrais que le témoin se recentre sur la question posée de manière à y

14 apporter une réponse appropriée.

15 M. Kehoe (interprétation). - La réponse était une réponse

16 apportée à la question posée. Si le conseil de la défense n'apprécie pas

17 la réponse, c'est autre chose. Mais le fait que le conseil de la défense

18 fasse des commentaires au sujet de la nature de la réponse apportée à ces

19 questions me paraît impropre.

20 M. le Président. - Je regrette, Maître Kehoe. Cela ne m'était

21 pas apparu comme un commentaire. Je fais très attention aux commentaires,

22 qui sont naturels dans votre esprit et celui du conseil de la défense, qui

23 peuvent intervenir. Cela ne m'était pas apparu comme particulièrement

24 pesant.

25 Mais vous me donnez ainsi l'occasion, car peut-être avons-nous

Page 8700

1 tous besoin d'un peu de détendre après tous ces incidents techniques, de

2 suspendre. Ce qui permettra au témoin d'aller se restaurer. Nous nous

3 retrouvons à 14 heures 45.

4

5 L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 45.

6

7 M. le Président. - Maître Hayman, c'est à vous.

8 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

9 Monsieur Vulliamy, j'ai encore deux ou trois domaines à couvrir avec vous,

10 si cela vous convient.

11 M. Vulliamy (interprétation). - Tout à fait.

12 M. Hayman (interprétation). - Lorsque nous nous sommes séparés

13 pour le déjeuner, la question que j'essayais de formuler était la

14 suivante : est-il exact que vous ne connaissiez pas intimement les

15 communications internes entre le HVO et le HDZ qui pourraient jeter

16 quelque lumière sur la nature des ordres émis, sur les destinataires de

17 ces ordres, sur la nature de la chaîne de commandement à laquelle ces

18 ordres étaient émis vis-à-vis de M. Mate Boban ou du HVO.

19 M. Vulliamy (interprétation). - Effectivement, le HVO ne me

20 montrait ni à moi, ni d'ailleurs à qui que ce soit d'autre à ma

21 connaissance les détails de leur commandement interne. M. Boban ne m'en

22 informait pas non plus. Je n'avais donc pas accès à leurs documents

23 confidentiels. Maintenant ce dont je n'étais pas informé mais que j'ai vu,

24 dont j'ai été témoin, ce sont les déclarations de Mate Boban, aussi bien

25 vis-à-vis du HDZ que du HVO, ainsi que le fait qu'il considérait le HVO et

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1 le HDZ comme disponibles pour mettre en oeuvre ses intentions. J'ai pu

2 voir également que ces instances étaient considérées comme ses exécutants

3 sur le terrain. Je n'avais donc pas besoin d'avoir accès aux documents.

4 J'ai vu ce qu'ils faisaient aux gens.

5 M. Hayman (interprétation). - Quels étaient ses intentions pour

6 la municipalité de Travnik, si vous le savez ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Pour autant que je le sache, ses

8 intentions pour la municipalité de Travnik étaient les suivantes :

9 Travnik, en dépit de sa situation au nord et de sa population à majorité

10 musulmane était sensée être intégrée à l'Herceg-Bosna. C'est ce qu'il a

11 dit. Ce que sous-entendait le fait de faire partie de l'Herceg-Bosna a pu

12 être constaté dans les événements qui ont suivi à Prozor, Novi Travnik,

13 Vitez, Mostar et d'autres localités. Ce que je dis maintenant, c'est ce

14 que j'ai déjà essayé de dire précédemment, à savoir qu'avec réticence, on

15 finissait par se rendre compte que l'intention de Mate Boban était de ne

16 plus avoir un seul Musulman résidant dans la région.

17 M. Hayman (interprétation). - Votre conclusion est donc que

18 Mate Boban avait l'intention d'exclure, d'expulser tous les Musulmans de

19 la municipalité de Travnik, n'est-ce pas ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Je pense que Mate Boban

21 souhaitait que la population d'Herceg-Bosna soit le plus exclusivement

22 croate possible et que si des Musulmans devaient demeurer sur ce

23 territoire, il estimait que ces Musulmans auraient dû avoir formulé une

24 promesse d'allégeance ou en tous les cas être aussi proche que possible de

25 ses intentions pour ne plus constituer une menace. Je ne suis pas en train

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1 de dire qu'il avait l'intention d'avoir une région totalement exempte de

2 Musulmans, mais je dis qu'il souhaitait sous son commandement une région

3 qui ne pourrait poser aucun problème politique ou militaire que ce soit.

4 Travnik faisait partie de cette région.

5 M. Hayman (interprétation). - A part cet incident survenu à la

6 station-service et ce que vous en avez dit, vous avez dit que vous n'étiez

7 pas au courant d'une série d'incidents ayant conduit à cet incident, mais

8 en dehors de cela, pourriez-vous nous dire quoi que ce soit sur ce que le

9 HVO aurait fait à Travnik en octobre 1992 pour contraindre l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine à se plier à son commandement ou à être asservie au

11 commandement du HVO ? Pourriez-vous dire aux Juges quels événements

12 éventuels en octobre 1992 ont pu être une forme d'exécution de l'intention

13 exprimée par Mate Boban à cet égard.

14 M. Vulliamy (interprétation). - Non, c'est précisément ce que je

15 voulais dire : Mate Boban présentait le HVO de Travnik comme faisant

16 partie d'une chaîne de commandement qui était déjà développée en

17 octobre 1992. C'est un élément très important, je pense, une différence

18 importante dans la guerre par rapport à la guerre contre les Serbes. Il y

19 avait donc une certaine expérience acquise des combats côte à côte parmi

20 les soldats des deux parties, contrairement à ce qui s'est passé en

21 Herzégovine et à Mostar. Mate Boban a donc été capable de mobiliser

22 derrière le HVO et en dépit des intentions qu'il a déclarées pour Travnik,

23 Vitez, Mostar, il n'a pas pu réaliser cela à Travnik parce qu'il n'avait

24 pas le commandement adéquat.

25 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes d'accord que les

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1 événements locaux dépendaient des conditions en vigueur, des rapports

2 entre le HVO, l'armée de Bosnie-Herzégovine et d'autres facteurs locaux ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Non, ce n'est pas ce que je

4 dirais, je dirais qu'il y avait des exceptions à la règle qui étaient

5 faciles à identifier et qui étaient rares. Une exception se situe à

6 Travnik et l'autre à Tuzla où une tradition de tolérance existait et il y

7 a une petite région entre Zenica et Tuzla, une région avec des villages où

8 le HVO a refusé d'adopter une position hostile par rapport à l'armée de

9 Bosnie-Herzégovine, mais je ne dirais pas qu'il y avait un puzzle dans

10 lequel chacun prenait ses décisions à son propre gré. Simplement des

11 traditions existaient dans certaines régions avec des commandements un peu

12 spécifiques en certains endroits qui ont créé une différence par rapport à

13 ce qui se passait à Mostar, Vitez, Tomislavgrad, Prozor, Novi Pravnik,

14 etc, et dans le gros de l'Herzégovine.

15 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi. Vous parlez des

16 commandants du HVO ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. A Travnik et à Tuzla en

18 particulier. A Travnik la situation était un peu moins spectaculaire qu'à

19 Prozor par exemple et à d'autres endroits, mais en tout cas à Travnik,

20 comme Filipovic l'a dit pour la vallée, il y avait des pressions exercées

21 pour s'engager dans une guerre contre les Musulmans et Tuzla est un autre

22 endroit dont j'ai parlé, tout à fait au nord de la zone où les Croates

23 sont demeurés loyaux au gouvernement local.

24 M. Hayman (interprétation). - Il n'y a pas eu de massacres dans

25 ces endroits ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Non.

2 M. Hayman (interprétation). - A Zecpe, pour autant que vous le

3 sachiez, en octobre 1994, est-ce que le HVO a adopté une position hostile

4 ou non hostile à l'égard de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne suis jamais allé à Zepce

6 parce que c'était une zone qui était coupée de l'extérieur. Je ne sais pas

7 exactement ce qui s'est passé en octobre 1992, sur ce point je ne peux pas

8 vous répondre, je le crains, mais je sais qu'à Zepce et à Zadovici un

9 autre village qui est tout près de Zepce, en 1993, d'après la presse, des

10 alliances infâmes, ignominieuses se sont conclues entre le HVO et les

11 Serbes pour tenter d'isoler et d'exclure les Musulmans. Zepce en

12 particulier a été le théâtre d'une situation tout à fait ignominieuse.

13 M. Hayman (interprétation). - En 1992 ou au premier semestre de

14 1993, pour autant que vous le sachiez, est-ce que le HVO de Zepce a adopté

15 une position opérationnelle contre l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce

16 qu'il y a eu des agressions contre l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'il en était

18 en 1992, mais au cours de l'été 1993, comme je l'ai déjà dit à Zepce, le

19 HVO, d'après les articles parus dans la presse, a fait ce que je viens de

20 dire. Je ne crois pas que cela se soit fait fréquemment ailleurs.

21 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si, à Vares, au

22 nord-est ou à l'est de Zenica en octobre 1992, le HVO a adopté une

23 position de coopération ou d'agression vis-à-vis de l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Merci de me rappeler cette

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1 situation. A Vares, quelque chose de très regrettable s'est produit. Vares

2 se trouve dans la partie orientale de la Bosnie centrale et le HVO, à cet

3 endroit, souhaitait coopérer avec l'armée gouvernementale bosniaque. Des

4 unités sont arrivées de Kiseljak pour déposer en fait des éléments du HVO

5 qui avaient chercher une coopération avec l'armée de Bosnie-Herzégovine.

6 M. Hayman (interprétation). - Il s'agissait des forces et des

7 unités d'Iviza Rajic qui sont venues de Kiseljak pour prendre

8 effectivement le contrôle de Vares, n'est-ce pas ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, le HVO de Vares avait

10 essayé de coopérer avec ses alliés comme l'avait fait M. Filipovic avec

11 qui nous avons parlé à Travnik. M. Rajic a envoyé ses bataillons depuis

12 Kiseljak pour casser les dirigeants de Vares qui essayaient de coopérer

13 avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. C'est encore un exemple de ce qui

14 devait se passer tout le long de cette vallée, à l'encontre de toute

15 personne désireuse de coopérer avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Là

16 encore, c'est un putsch regrettable qui a été réalisé contre les Croates

17 plus modérés qui souhaitaient coopérer avec l'armée de Bosnie-Herzégovine.

18 M. Hayman (interprétation). - Pour résumer, à l'automne de 1992,

19 Vares était une exception à ce que vous avez dit, Zepce et Travnik

20 également, n'est-ce pas ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Effectivement mais, dans aucune

22 de ces situations exceptionnelles, il n'y a eu survivance de la situation

23 exceptionnelle à Travnik. Par exemple, les Musulmans l'ont emporté, à

24 Vares -comme je viens de le dire- les modérés ont été exclus et à Zepce,

25 la même chose. Donc, effectivement, en octobre, aucune dissension n'était

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1 plus tolérée. Boban avait laissé entendre qu'il n'y aurait pas de

2 dissension et cette dissension, lorsqu'elle a existé, a été rayée de la

3 carte. Si ces hommes avaient encore un poste de commandement à l'été 1993,

4 ce n'était plus le cas.

5 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas parlé de Busovaca où

6 vous avez déjà décrit la situation en janvier 1993, en disant que l'armée

7 de Bosnie-Herzégovine avait attaqué la première. Incluez-vous Busovaca à

8 cette municipalité dans les exceptions que vous venez de citer, étant

9 donné que c'est l'armée de Bosnie-Herzégovine qui a attaqué la première,

10 en janvier 1993, à cet endroit ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Pour être honnête avec vous, je

12 ne connais pas le HVO de Busovaca mais, à partir de ce que j'ai entendu

13 dire au sujet de Busovaca, je ne tiens pas à déclarer devant un tribunal

14 que les dirigeants de Busovaca comptaient au nombre des modérés dont je

15 viens de parler. En effet, j'ai entendu parler de très nombreux événements

16 très laids qui se sont déroulés à cet endroit.

17 M. Hayman (interprétation). - Ne seriez-vous pas d'accord pour

18 dire que, si l'armée de Bosnie-Herzégovine a attaqué la première le HVO en

19 janvier 1993, cette situation est contraire à la thèse fondamentale que

20 vous avez défendue devant ce Tribunal et qu'il serait approprié de compter

21 Busovaca au nombre des exceptions à votre thèse ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne suis pas sûr que ce soit

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ait attaqué la première à Busovaca.

24 Je crois savoir que c'est le HVO qui a attaqué le premier. Dans

25 les villages environnants les Musulmans ont attaqué mais ont subi des

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1 revers. Des événements très désagréables se sont produits. Je sais que les

2 Musulmans ont attaqués dans les villages du sud-est parce que j'ai vu les

3 barrages routiers qui ont été créés sur une partie de la route. Je ne suis

4 pas en train de dire que cela n'a eu lieu nulle part. Je ne crois pas que

5 l'on puisse considérer Busovaca comme une exception à la situation

6 générale. Peut-être que Busocava essayait. Il y avait Travnik, Tuzla qui

7 est une exception qui n'est d'ailleurs pas revendiquée par la Herceg-Bosna

8 et puis vous m'avez rappelé Vares.

9 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il une unité du HVO à

10 Zenica si vous le savez ? Qu'est-ce qui se passait à Zenica avec les

11 unités du HVO, y en avait-il peu ?

12 M. Vulliamy (interprétation). - Ils ont pratiquement coopéré en

13 octobre 1992. Je n'étais pas à Zenica à cette époque-là et je ne peux pas

14 vous donner la réponse.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous avez écrit à la page 258 que

16 Zenica a été la région la plus musulmane en Bosnie dans l'ensemble.

17 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. Je le pense.

18 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous qu'à la fin de 1992,

19 les forces armées musulmanes, dans lesquelles ils y avait énormément

20 d'extrémistes, étaient de plus en plus présentes dans la ville ? C'est

21 donc à la page 258.

22 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. C'est effectivement cela.

23 M. le Président. - Dans le cadre de l'interrogatoire, on ne va

24 pas passer tout l'après-midi à discuter des mérites comparés de telle ou

25 telle phrase. Je comprends que ce soit important. Je ne vous ai pas

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1 arrêté, mais je ne voudrais pas quand même que nous nous écartions trop de

2 l'interrogatoire. Je prends des notes, je vous suit. Jusqu'à présent c'est

3 très logique mais la déstabilisation du témoin, à supposer qu'il le soit,

4 doit se cantonner dans une certaine limite. Je ne voudrais pas que l'on

5 passe tout l'après-midi à essayer d'isoler des phrases d'un livre à savoir

6 s'il a dit vrai, s'il a dit faux, si c'est contradictoire, pas

7 contradictoire. Nous sommes devant un témoin qui a dit un certain nombre

8 de choses lors de son audition du 24 avril 1998, essayons de nous centrer

9 sur ce qu'il a dit, autant que possible et ne vous arrêtez pas à chaque

10 phrase. Cela fait au moins, cinq, six, sept fois que l'on cite telle ou

11 telle phrase du livre de M. Vulliamy, ce doit être un exercice un peu

12 compliqué mais indépendamment de cela je ne suis pas là pour protéger le

13 témoin. Ce sont les Juges que je voudrais protéger parce que nous allons y

14 passer tout l'après-midi. Nous ne sommes pas dans une conversation d'un

15 Institut d'études politiques, nous sommes devant un témoin qui a dit un

16 certain nombre de choses le 24 avril. Il s'agit maintenant de faire le

17 contre-interrogatoire de ce qu'il a dit. Merci.

18 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

19 n'essaie pas de déstabiliser le témoin.

20 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne suis pas déstabilisé.

21 M. Hayman (interprétation). - Ce qu'il nous avait dit était en

22 relation avec ce qu'il nous avait dit. Je voulais tout simplement qu'il

23 confirme sur la base de sa mémoire et ceci pour faciliter la tâche par la

24 suite au Procureur. Je voulais tout simplement citer un certain nombre de

25 choses qui ont été écrites.

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1 M. le Président. - Dans votre livre, vous l'avez écrit ce

2 livre ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Si, bien évidemment je l'ai

4 écrit, mais j'ai écrit un livre qui est très long. Il y a 99.999.

5 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Vulliamy, le

6 24 février 1994, vous avez dit qu'il y avait un accord sur le cessez-le-

7 feu qui a été signé et que c'était le cessez-le-feu qui concernait

8 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.

9 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, j'étais à cette époque à

10 Mostar. C'est un fait que le cessez-le-feu a été respecté à Mostar mais,

11 quand j'étais sur le point de retourner à Split, j'ai pu me rendre compte,

12 et surtout en discutant avec mes collègues, que c'était à peu près le cas

13 dans toutes les autres villes.

14 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce le cessez-le feu qui a

15 été ordonné par le général Petkovic, le 18 octobre 1992 ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - Je pense qu'il y avait d'autres

17 cessez-le feu mais c'était l'un des premiers cessez-le-feu qui,

18 normalement, devaient concerner l'ensemble de la Bosnie et qui s'est

19 effectivement maintenu.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous souvenez-vous d'autres

21 cessez-le-feu qui auraient été maintenus, par exemple le 21 octobre 1992

22 et le 9 novembre à Novi Travnik, le 24 janvier 1993 à Gornji, à Vakuf, le

23 27 janvier 1993 dans la Bosnie centrale, le 30 janvier 1993 dans la zone

24 opérationnelle de la Bosnie centrale, le 18 avril 1993 dans la zone

25 opérationnelle de la Bosnie centrale, entre Izetbegovic... Ensuite

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1 le 25 avril 1993 à Petkovic Alilovic, le 9 juin 1993 à Travnik également

2 entre M. Blaskic et l'armée du HVO, en juin... Blaskic et

3 Hadzihuseinovic ? Savez-vous si d'autres cessez-le-feu ont été maintenus ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Certains se sont maintenus,

5 d'autres pas du tout. Par exemple, pour la dernière date que vous venez de

6 citer, je sais que c'était bien avant un certain nombre de combats qui se

7 sont poursuivis. Je ne sais pas si les cessez-le-feu se sont maintenus. Je

8 sais, par exemple, que les Britbat qui appartenaient à la Forpronu avaient

9 compté les jours et le temps du cessez-le-feu. Ils plaisantaient à ce

10 propos : "Je pense que, treize secondes, c'est le record".

11 Quand on parle véritablement des cessez-le-feu, tout du moins

12 pour toutes les dates que vous avez citées, il y avait des intervalles

13 entre les cessez-le-feu qui n'ont effectivement pas duré longtemps parce

14 que les combats et la guerre se sont poursuivis. A Mostar, par exemple,

15 des atrocités considérables ont été commises. Quand j'ai parlé de

16 février 1994 et du cessez-le-feu, ce cessez-le-feu a été imposé et

17 maintenu un peu partout. Il ne s'agissait pas véritablement -je ne sais

18 pas comment vous l'expliquer- de quelque chose qui durait plusieurs heures

19 ou plusieurs jours. La guerre se poursuivait et était pratiquement

20 permanente.

21 J'ai entendu parler, par exemple, du colonel Blaskic par

22 quelqu'un du HCR. Quelques officiers britanniques m'en ont aussi parlé.

23 Ils m'ont dit qu'on leur imposait le cessez-le-feu car, au cours des

24 négociations, ils ne pouvaient pas le refuser. C'était donc une situation

25 plutôt confortable mais ce n'était pas terminé.

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1 M. Hayman (interprétation). - Vous souvenez-vous d'une fois où

2 le cessez-le-feu n'a pas duré ? Pouvons-nous en conclure que, si le

3 cessez-le-feu n'était pas maintenu par le HVO, la ligne de commandement du

4 HVO ne travaillait pas dans de telles occasions ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne vous ai pas bien compris.

6 M. Hayman (interprétation). - Au moment où les cessez-le-feu

7 n'ont pas été respectés par les soldats du HVO, les lignes de commandement

8 ne fonctionnaient pas d'une manière cohérente, efficace, comme vous l'avez

9 précisé. C'est votre déclaration dans le compte-rendu.

10 M. Vulliamy (interprétation). - Une fois de plus, je maintiens

11 ce que j'ai déjà dit. Je suis désolé de ne pas aller tout à fait dans le

12 sens dans lequel vous le pensez, et ce n'est peut-être pas tout à fait

13 correct de ma part mais, comme je l'ai déjà dit, lorsque les cessez-le-feu

14 avaient lieu, ce n'était pas tout à fait dans les termes de l'accord.

15 C'est un fait, par exemple, que, le 24 février, pour l'accord signé à

16 Washington par les diplomates américains, ce cessez-le-feu avait un poids

17 totalement différent.

18 A mon avis, des cessez-le-feu n'ont pas eu une telle importance.

19 Simplement, on avait pratiquement conditionné une partie à l'autre,

20 surtout pour permettre que la milice soit déplacée d'un endroit à un

21 autre.

22 Je considère que les cessez-le-feu, en gros, ne pouvaient pas

23 être attribués à Mate Boban. Ce n'est probablement pas lui qui avait

24 demandé, à partir de Grude, de respecter les cessez-le-feu. C'étaient tout

25 simplement des arrangements temporaires, transitoires, et pas

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1 véritablement des cessez-le-feu comme celui du 24 février, en accord avec

2 l'accord de Washington. Je ne sais pas si je me suis expliqué clairement.

3 M. Hayman (interprétation). - Une fois de plus, sur le même

4 sujet, je veux que vous puissiez m'éclaircir sur ce point : les ordres de

5 cessez-le-feu n'étaient-ils pas véritablement sincères ? N'étaient-ce pas

6 les commandants ou les hommes politiques qui ont donné des ordres précis

7 ou voulez-vous dire que l'importance des accords de Washington et la

8 dimension de cet accord entre le président Clinton et les autres donnait

9 du poids à cet accord pour qu'il puisse être appliqué...

10 M. le Président. - Monsieur Vulliamy, je crois que vous avez

11 répondu. Allez-y.

12 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je pense qu'il y avait des

13 intervalles dont on a profité pour des raisons diverses, militaires, etc.,

14 mais que l'ordre du cessez-le-feu durable est venu de Zagreb. Comme vous

15 l'avez bien précisé, c'était au moment où l'on avait menacé la Croatie de

16 sanctions. C'est à ce moment-là que le cessez-le-feu a pu être mis en

17 application effective.

18 M. Hayman (interprétation). - Au moment de votre interrogatoire

19 principal, vous avez parlé de l'ultimatum des Croates bosniaques leur

20 demandant de se mettre sous le contrôle du HVO dans le cadre du plan

21 Vance-Owen. Je vais demander à l'huissier la pièce à conviction 25, pour

22 que le témoin puisse s'y référer.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 Monsieur Vulliamy, auriez-vous des informations au sujet de cet

25 ultimatum en dehors de ce que vous avez déjà pu lire dans les informations

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1 émanant de l'agence Reuters ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Non, c'est tout ce que j'ai vu

3 là-bas, ce que j'ai entendu à la radio, etc.

4 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu la pièce à

5 conviction 25 ? C'est un autre article où on parle exactement de ce sujet.

6 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, j'ai vu cet article, mais

7 pas à l'époque où j'ai écrit mon livre.

8 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi (vous

9 direz non si vous ne le savez pas) pour dire qu'il n'a pas été fixé de

10 délai concernant le respect du plan Vance-Owen ? Si vous ne vous en

11 souvenez pas, je peux vous en donner lecture.

12 M. Vulliamy (interprétation). - Non, ce n'est pas indispensable.

13 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations à

14 donner devant les Juges concernant l'ultimatum ordonné par les autorités

15 du HVO dans la vallée de la Lasva ou à Kiseljak, en août 1993, en

16 connexion avec la pièce 25 ?

17 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

18 Président...

19 M. le Président. - Avec plaisir, allez-y.

20 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président.

21 Une question a été posée au sujet de la pièce à conviction 25A Au moment

22 où on voulait en donner lecture au témoin, la défense ne l'a pas permis,

23 mais si elle veut encore lui poser des questions à ce sujet, il faut au

24 moins lui donner l'occasion de la lire.

25 M. le Président. - Objection accordée. Vous pouvez prendre

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1 connaissance rapidement de la pièce soumise, Monsieur Vulliamy.

2 M. Vulliamy (interprétation). - Je vais essayer de lire aussi

3 vite que possible.

4 (Le témoin s'exécute.)

5 Je vais pouvoir me référer au texte, éventuellement.

6 M. Hayman (interprétation). - Maintenant que vous l'avez lu,

7 pouvez-vous nous dire s'il y avait un délai fixe déterminé comme date pour

8 la mise en application du plan Vance-Owen ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - Je pense que c'est le point 2,

10 deuxième page (excusez-moi de paraphraser) : "Vous allez partir de nos

11 territoires et, nous, nous allons partir des vôtres". On parle donc d'un

12 délai fixe de trois jours.

13 M. Hayman (interprétation). - Ceci ne concerne peut-être pas ces

14 forces-là mais les forces qui sont en dehors de la province, de la région.

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, je pense effectivement

16 qu'il y a eu une clarification, par la suite, qui rajoutait que ceci porte

17 notamment sur les régions que les Croates souhaitaient prendre. Il s'agit

18 du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui sont des forces armées

19 extérieures.

20 M. Hayman (interprétation). - Je suis étonné par la réponse, que

21 c'est un accord auquel ils sont parvenus. Pensez-vous qu'il y avait un

22 ordre pour retirer les forces armées de la Bosnie centrale ? Auriez-vous

23 été surpris dans ce cas-là ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, j'aurais été surpris de

25 voir que l'armée de Bosnie-Herzégovine accepte de se retirer de toutes ces

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1 régions, étant donné que le HVO avait bien évidemment prétendu y rester.

2 Mais ceci n'était pas tellement important étant donné que quelque chose

3 était sous-entendu : "Si la partie musulmane ne signe pas ce document,

4 nous avancerons quand même avec nos propres forces. Par conséquent, tous

5 ceux qui ne sont pas d'accord avec nous seront obligés de se taire, de ne

6 pas faire de commentaire". Ce document a été signé par M. Weigel que j'ai

7 eu l'occasion de rencontrer ultérieurement à Mostar. Il a donc été le

8 porte-parole de l'ensemble du HVO.

9 M. Hayman (interprétation). - Le point 4, dans lequel on parle

10 du délai pour mettre également en place un commandement conjoint entre le

11 HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine.

12 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne comprends pas tout à fait

13 où ce commandement aurait dû avoir lieu.

14 M. Hayman (interprétation). - Quand on parle du commandement

15 conjoint, à ce moment-là ce ne sont pas des hostilités à mon avis, ce

16 n'est pas...

17 M. Vulliamy (interprétation). - Non, vous avez raison, mais il

18 est quand même assez bizarre de voir qu'ils ont dissout ce commandement

19 conjoint. Je ne sais pas jusqu'à quand nous allons discuter de cette

20 question. De toute façon le point 3 précise que le HVO et l'armée de

21 Bosnie-Herzégovine -dans les régions 1, 5 et 9, alors qu'il y en avait

22 très peu- devaient se mettre sous le contrôle de l'armée bosniaque alors

23 que les régions 3, 8 et 10, donc l'Herceg-Bosna, devaient se mettre sous

24 le contrôle du HVO. Par conséquent, je ne vois pas très clairement ce

25 qu'il fallait entreprendre ensemble.

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1 M. Hayman (interprétation). - La question n'est pas celle-là,

2 Monsieur Vulliamy.

3 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, parce qu'on dit ici que

4 l'Herceg-Bosna se mettra sous le contrôle du HVO. Cela n'a donc pas été

5 contesté. Même si les Musulmans ne le signent pas, cela se fera quand

6 même. Ceux qui ne respectent pas doivent, de toute façon, se taire.

7 M. Hayman (interprétation). - Quel est le délai fixe, d'après-

8 vous ? Le point numéro 3 ? Vous connaissez mieux le document que moi...

9 M. Vulliamy (interprétation). - Non, il n'y a pas de délai. Je

10 ne vois pas le délai.

11 M. Hayman (interprétation). - Comme je l'ai déjà précisé tout à

12 l'heure, une motion a donc été soumise concernant l'ultimatum. Auriez-vous

13 des informations spécifiques particulières que vous pourriez indiquer aux

14 Juges concernant les ultimatums qui ont été ordonnés ou répétés de la part

15 du HVO, soit dans la vallée de la Lasva, soit à Kiseljak, et ceci bien

16 évidemment pour la période du mois d'avril 1993 ?

17 M. Vulliamy (interprétation). - Non. M. Vega a parlé au nom du

18 HVO dans son ensemble. Par conséquent, je ne vois pas quels étaient les

19 changements auxquels on aurait éventuellement parvenir ou quels étaient

20 les changements indispensables. Il était le porte-parole pour l'ensemble

21 du HVO. Il était au sommet.

22 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé de la stratégie du

23 HVO, de la stratégie offensive. Nous avons bien fait la distinction entre

24 les deux. Etes-vous d'accord que la stratégie du HVO, dans cette poche

25 Vitez-Busovaca, était tout d'abord défensive en 1993 ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Il y a deux étapes différentes.

2 Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous car je considère que Vitez

3 était fort important pour le HVO et ceci pour des périodes différentes, et

4 sous deux aspects différents. Tout d'abord, la première étape était, à mon

5 avis, une étape cruciale, fin 1992, début 1993. Vitez était le point le

6 plus avancé d'Herceg-Bosna. Par conséquent, c'était une période cruciale.

7 C'était le dernier point sur lequel Boban pouvait compter. Par la suite,

8 en dehors de Zenica, les Croates étaient de moins en moins... penchaient

9 vers Mate Boban. Vitez était donc également cruciale pour le HVO.

10 C'était cette première étape. C'était le point le plus au nord,

11 le point sur lequel Mate Boban pouvait compter Vitez et Novi Travnik. Là,

12 je pense que le rôle du HVO était offensif.

13 Après la contre-attaque de la part des Musulmans en été 1993,

14 comme vous l'avez d'ailleurs déjà précisé lors de vos questions, Vitez

15 s'est trouvée en danger et aurait pu être coupée d'Herceg-Bosna. Ce

16 n'était pas véritablement une poche mais elle faisait un peu moins partie

17 intégrante de l'ensemble de la région d'Herceg-Bosna. C'est la raison pour

18 laquelle Vitez était devenue beaucoup plus importante et avait un rôle

19 également important sur le plan défensif pour les opérations militaires.

20 Vitez a effectivement subi la pression dans cette deuxième partie à

21 laquelle vous vous intéressez alors qu'auparavant Vitez avait un rôle

22 offensif.

23 Je m'excuse, je suis peut-être quelque peu complexe et je

24 complique un petit peu la réponse, mais il y avait, comme je l'ai dit, une

25 approche défensive ; il y a eu également l'incident avec ce camion, avec

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1 la bombe dont une importante population civile a été la victime.

2 En été 1993, je le répète, Vitez avait un rôle de commandement

3 fort important du point de vue défensif et offensif.

4 M. Hayman (interprétation). - Le Général Halagic vous a parlé.

5 Que vous a-t-il dit à propos de l'armée bosniaque et des opérations

6 offensives qui étaient envisagées ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - J'avais eu une recontre avec

8 Halagic. Il voulait établir un triangle, lier Tuzla, Sarajevo et Travnik.

9 Cela aurait été un triangle musulman. Je pense que, selon lui, c'était une

10 base pour des combats contre les Croates et contre les Serbes. C'était un

11 des entretiens que j'avais eus avec Halagic.

12 M. Hayman (interprétation). - C'était une stratégie qui

13 comprenait également le déploiement des forces du HVO en dehors de la

14 vallée de la Lasva ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, effectivement.

16 M. Hayman (interprétation). - La vallée de la Lasva était une

17 communication critique entre Sarajevo et Travnik.

18 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, car, en février-mars 1993,

19 les Musulmans croyaient qu'ils allaient pouvoir trouver une stratégie, se

20 débrouiller. C'était la stratégie d'Halagic. A l'époque, on parlait de la

21 brigade de réfugiés.

22 M. Hayman (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine

23 était-elle persuadée qu'il fallait mettre en application cette stratégie ?

24 M. Vulliamy (interprétation). -... avec quelques changements au

25 niveau géographique. Je pense qu'ils comptaient dessus parce que c'était

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1 fort important pour eux, pour pouvoir survivre dans cette région. Je vous

2 ai déjà précisé que dans un certain nombre d'endroits, de régions, ils

3 étaient pratiquement dans la situation d'être complètement expulsés.

4 M. Hayman (interprétation). - Une dernière question : après le

5 massacre d'Ahmici, vous avez également parlé de l'officier Johns. Je pense

6 que les officiers britanniques se sont rendus en avril 1993 à Ahmici et je

7 pense que c'est lui qui avait dit : "Il n'y a pas eu une seule maison

8 musulmane qui n'ait pas été détruite. Il y avait une cinquantaine de

9 personnes armées qui ont bu beaucoup d'eau-de-vie et qui étaient dans ce

10 groupe."

11 M. Vulliamy (interprétation). - Je ne peux pas dire exactement

12 si c'était cette situation-là. Je n'ai pas fait cette interview, c'est un

13 collègue qui travaillait pour le Guardian qui l'a faite. Je pense que vous

14 avez trouvé cette précision dans mon livre et je considère que vous devez

15 savoir que ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est par conséquent une annexe,

16 quelque chose que j'ai cité. C'est un collègue.

17 M. Hayman (interprétation). - Est-ce un journaliste

18 professionnel ?

19 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est un collègue qui

20 travaille à Berlin.

21 M. Hayman (interprétation). - Qui est Slimovica ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - C'est quelqu'un que j’ai cité,

23 c’était un collègue.

24 Me Hayman (interprétation). - C’est un journaliste

25 professionnel ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’est un collègue qui

2 travaille à Berlin.

3 Me Hayman (interprétation). - Qu’est-ce que slimovica ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - C’est de l’eau de vie de

5 pruneau.

6 Me Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur Vulliamy, je n’ai

7 plus de questions.

8 M. le Président. - Merci. Monsieur Kehoe, vous voulez

9 répliquer ?

10 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie Monsieur le

11 Président. J’ai quelques questions.

12 J’aimerais revenir sur ce dernier point. Vous devinez ce qui

13 s’est passé à Ahmici suite à cette dernière question du conseil de la

14 défense. Vous avez examiné ce qui s’est passé à Ahmici et vous connaissez

15 ce qui s’est produit dans la vallée de la Lasva ainsi que dans d’autres

16 endroits en Herceg-Bosna.

17 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - Tous ces événements peuvent-ils

19 être attribués à un groupe de quinze à vingt soldats qui étaient ivres

20 parce qu’ils avaient bu un certain alcool ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Ce que j’essaie de vous dire

22 depuis le début, c’est que nous étions entre Mate Boban, différents

23 commandants et ce qui se passait sur le terrain. La guerre contre les

24 civils s’est accélérée à mesure que les objectifs politiques et militaires

25 se sont précisés. Il ne fallait même pas voir les villages, il suffisait

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1 de voir la route entre ces villages. Il y avait une mobilisation. Il y

2 avait énormément de slimovica également, mais pas quinze à vingt soldats :

3 à Vitez, à Mostar, il y avait une armée entière.

4 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense vous a

5 posé des questions sur une série de réunions entre Mate Boban et des

6 individus sur le terrain. Essayons de resituer ces réunions dans leur

7 contexte. Tout d’abord, il vous a parlé d’août 1992 avec Mate Boban où des

8 Musulmans et le HVO venaient de chasser les Serbes hors de Mostar. Est-ce

9 exact ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’est exact. Environ un

11 mois après cela, ils ont rassemblé leurs forces à Mostar.

12 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu’au cours de cet

13 entretien, l’hostilité de Boban visait les Serbes ou les Musulmans ?

14 M. Vulliamy (interprétation). - Le gouvernement à Sarajevo, les

15 Musulmans... Oui, à ma grande surprise.

16 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce cet entretien où Boban vous

17 a dit qu’il ne pouvait accepter la Constitution de la Bosnie et que "nous

18 étions prêts à défendre notre liberté" ?

19 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

20 M. Kehoe (interprétation). - Après cela, vous avez parlé d’un

21 entretien que vous avez eu avec un commandant à Travnik qui s’appelle

22 Pokrejcic. C’est exact ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, Pokrejcic.

24 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on dire que le conseil vous a

25 posé un certain nombre de questions sur cet entretien avec Pokrejcic ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

2 M. Kehoe (interprétation). - Dans vos réponses, vous avez dit

3 que Pokrejcic estimait qu’il faisait l’objet de pressions.

4 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, il m’a parlé de pressions.

5 En fait, la première fois que j’ai entendu parler de tensions entre les

6 Musulmans et les Croates, c’était de la bouche de M. Pokrejcic, le

7 commandant, qui disait qu’il ressentait des pressions et qu’il ne

8 souhaitait pas y céder.

9 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez eu cet entretien avec

10 Mate Boban fin octobre 1992, environ un mois après cet entretien avec

11 Pokrejcic. C’est exact ?

12 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c'est cet entretien très

13 important.

14 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cet entretien a précisé

15 les choses en termes de ce que Boban souhaitait voir en Herceg-Bosna ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, on voyait le même argument

17 se poursuivre, un argument qui a été esquissé et exprimé en termes très

18 modérés et vagues, et qui est devenu déterminé et plus précis.

19 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit, en réponse à une

20 question du conseil de la défense, qu’au cours de cet entretien, Boban

21 avait estimé qu’il n’accepterait pas d’opposition, que les gens devraient

22 partir s’ils décidaient de s’opposer à lui.

23 M. Vulliamy (interprétation). - Il a dit qu’il ne devrait pas y

24 avoir d’opposition dans les rangs croates.

25 M. Kehoe (interprétation). - Diriez-vous que cette pression

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1 faisait partie de celle ressentie par Filipovic, en 1993, lorsqu’il a

2 accusé Boban ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’est ce que j’ai essayé de

4 dire. Lorsque je parle de pressions -c’est très évident pour moi, cela le

5 reste-, la pression s’exerçait sur les Croates modérés comme Pokrejcic,

6 Filo Filipovic. La pression visait à ce qu'ils se battent contre leurs

7 alliés. Ils ne souhaitaient pas le faire et les pressions venaient

8 manifestement de Mate Boban et du HVO auquel ils appartenaient.

9 M. Kehoe (interprétation). - Dans cet entretien, en octobre,

10 Mate Boban vous a dit qu'aucun écart ne serait toléré ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, il a dit qu'il devrait se

12 retirer ou être évincé d'une autre manière, ce qui comportait bien des

13 menaces.

14 M. Kehoe (interprétation). - Le 4 avril 1993, pièce à

15 conviction 25, à l’article de Vega, dernière partie de la deuxième page et

16 en haut de la troisième page, M. Vega, au nom du HVO, dit que les

17 opposants devraient être réduits au silence...

18 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

19 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce cohérent avec l'entretien

20 que vous avez rapporté lors du contre-interrogatoire, en octobre 1993,

21 avec Mate Boban ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Cela vous surprend-il, suite à cet

24 entretien, que Filopovic ait pris une décision de rejoindre le HVO ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - J'ai dit que je ne savais pas

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1 qu'il avait été promu. Je ne peux pas lui rejeter la faute. Je ne sais pas

2 ce qui lui est arrivé depuis. Etre évincé représente une menace et il a

3 manifestement décidé d'obéir aux ordres pour sauver sa peau.

4 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous en conclure, après cet

5 entretien avec Filipovic et de ce que vous savez de vos entretiens avec

6 Boban, que l'accusé Blaskic avait décidé de se rallier à l'idée de

7 Mate Boban ?

8 M. Hayman (interprétation). - Cela dépasse la portée...

9 M. Kehoe (interprétation). - Vous venez de poser des questions

10 pendant 45 minutes.

11 Lors du contre-interrogatoire, vous avez parlé d'un entretien

12 avec Mate Boban ; vous avez parlé d'un entretien, fin février 1993, avec

13 Filipovic, où il a accusé Mate Boban et l'accusé. En avez-vous conclu, de

14 ce que vous avez vu et entendu, que l'accusé avait décidé de se rallier

15 aux idée de Mate Boban ?

16 M. Hayman (interprétation). - Cela va au-delà de ce qu'il a dit.

17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, le conseil

18 de la défense a essayé d'aborder ces entretiens qui avaient été exposés

19 comme non liés par le témoin et, compte tenu de cela, l'accusation a le

20 droit de demander au témoin de compléter ce qui a été soulevé lors du

21 contre-interrogatoire sur ces différentes réunions. C'est tout.

22 M. le Président. - Poursuivez votre question, Monsieur Kehoe.

23 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez répondre à la question,

24 Monsieur Vulliamy...

25 M. Vulliamy (interprétation). - Ce que j’ai compris de ce que

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1 m’a dit M. Filipovic, c’est que si vous ne souhaitiez pas vous battre

2 contre les Musulmans, vous vous retrouviez dans une situation impossible :

3 soit vous abandonniez votre carrière et vous rejoigniez les Musulmans,

4 soit, de l’autre côté, vous rejoigniez cet horrible programme, ou vous ne

5 faisiez rien et vous vous retrouviez sur le fil du rasoir. Oui, je crois

6 que si vous étiez quelqu’un comme Filipovic, vous étiez face à un cruel

7 dilemme.

8 Ma réponse à votre question est oui. Je ne sais pas ce qui se

9 passait dans l’esprit du Colonel Blaskic, mais de ce que m’a dit

10 M. Filipovic, j’ai compris clairement que Boban remontait la vallée.

11 Blaskic était mentionné dans la foulée et il faisait partie de la pression

12 pour qu’il se retourne contre les alliés musulmans. Oui, cela me ramène à

13 la conversation avec Boban. Il était difficile de tirer une autre

14 conclusion.

15 M. Kehoe (interprétation). - Maître Hayman vous a lu une phrase,

16 page 222, qui était liée aux combats à Prozor : "Puis, à l’aube, les gens

17 ont commencé à fuir et des troupes sont entrées dans le village et ont

18 commencé à piller et à nettoyer la ville". Vous souvenez-vous de cette

19 phrase ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

21 M. Kehoe (interprétation). - Je vous lis ce qui précède : "Des

22 unités étaient arrivées de Tomislavgrad et ont soumis la ville à des tirs

23 d’artillerie". Etaient-ce des soldats du HVO ?

24 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, ils avaient un uniforme, et

25 je vous ai parlé du ruban rouge sur leurs épaulettes. Comme je vous l’ai

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1 dit, nous sommes arrivés après les combats, après le pillage, après le

2 pilonnage. Le pillage se poursuivait. Je crois avoir déjà dit qu’ils

3 pillaient les biens. C’étaient des soldats du HVO.

4 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je n’ai pas

5 d’autres questions.

6 M. le Président - Monsieur le Juge Riad ?

7 M. Riad (interprétation). - Monsieur Vulliamy, nous avons écouté

8 avec énormément d’intérêt votre témoignage. Vous avez dit clairement que

9 l’objectif ultime du nettoyage ethnique a été décidé, voire précisé, par

10 la direction politique, Mate Boban ou quiconque l’entourait. Vous avez dit

11 cela très clairement.

12 Vous avez dit aussi qu’aucun Musulman n’était censé rester dans

13 la zone. Est-ce que cette direction politique parlait également de la

14 manière dont il fallait mener ce nettoyage ethnique, ou cela était-il

15 confié au jugement de chaque commandement de veiller au nettoyage

16 ethnique, que ce soit par le biais du transport, des massacres, des

17 pillages ou encore de mettre le feux aux habitations ? Compte tenu de

18 votre expérience sur le terrain, s’agissait-il également de directives ou

19 d’ordres de la direction politique de procéder de la sorte ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Il semble qu’il y ait eu

21 plusieurs variantes. Aucune n’était agréable.

22 M. Riad (interprétation). - Il y a eu des variations ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’est cela. Lorsque je vous

24 ai dit qu’aucun Musulman ne devait demeurer en Herceg-Bosna, j’en ai

25 déduit cette conclusion de ce que j’ai vu suite au pilonnage à Prozor,

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1 puis à Sabliniak qui a été nettoyée des Musulmans, ainsi que de l’est de

2 Mostar. Je crois toutefois que si on examine ces variantes, à Mostar

3 notamment, il s’agissait d’expulser les gens de leur maison, de les

4 envoyer de l’autre côté de la rivière par le biais de pilonnages et de

5 tireurs isolés.

6 Ailleurs, il s’agissait de mettre les hommes dans des camps, au

7 sud de Mostar, et il s’agissait de déporter en masse les gens dans des

8 pays tiers par le biais de camps de transit, alors que les femmes et les

9 enfants se trouvaient dans une poche à l’Est de Mostar et avaient subi des

10 pilonnages intenses. Dans la vallée de la Lasva et autour de Prozor, il

11 semblait s’agir de fusils et de pilons de mortier. Ou alors, on expulsait

12 les gens de leur maison et on y mettait le feu. Il s’agissait d’un

13 objectif systématique.

14 En revanche, j’ignore qui a décidé où on allait mettre le feu

15 aux maisons, où on allait créer des camps et où on allait envoyer des gens

16 à l’Est de Mostar et leur faire subir des pilonnages. Cela s’est déroulé

17 sur une période plus longue que l’équivalent serbe qui s’est produit dans

18 la vallée de la Drina et autour de Prijedor et de Banja Luka en 1992,

19 lorsqu’un nombre plus important de personnes ont été déplacées ou détenues

20 dans des camps, plus rapidement.

21 M. Riad (interprétation). - Dans l’une de vos déclarations, vous

22 avez dit également que Boban avait déclaré que la politique émanait de

23 lui, mais que sa mise en oeuvre était confiée aux militaires.

24 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, il parlait de la

25 représentation aux pourparlers de paix à Genève et il a déclaré qu’il

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1 s’agirait de lui ou de ceux que l’on pouvait voir avec lui et de personne

2 d’autre.

3 Quant au HVO, il en parlait comme de l’unique autorité et, tout

4 comme d’autres personnes à Vitez ou à Mostar, comme étant l’autorité

5 légale, la seule « autorité civile », comme on le disait à Mostar. Boban

6 parlait du HVO comme étant la seule autorité. J’ai compris cela comme

7 signifiant qu’il se devait d’exécuter ces décisions politiques.

8 « Militaire du Parti » est un terme qui a également été utilisé

9 auparavant. Je ne sais pas si c’était exact. Il voyait essentiellement

10 l’Herceg-Bosna comme un petit Etat, lui-même comme chef de l’Etat et le

11 HVO comme une armée. C’est ainsi qu’il voyait son lien avec le HVO.

12 M. Riad (interprétation). - Mais il y avait des variantes au

13 sein du HVO, dans la mise en oeuvre de la politique, comme vous l’avez

14 dit ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, sur les détails. Dans une

16 zone, on insistait davantage sur le pilonnage, sur le fait de mettre le

17 feu aux maisons. Dans une autre zone, il s’agissait de mettre des hommes

18 dans les camps. Il n’y avait pas énormément de variantes. Il s’agissait

19 toujours, selon moi, du même message grotesque, de la même inspiration

20 grotesque qui visait à expulser des civils innocents.

21 M. Riad (interprétation). - Certaines régions étaient plus

22 enthousiastes que d’autres dans cette procédure de nettoyage ethnique ?

23 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’est bien le cas.

24 Certaines ont tenté de l’éviter comme Tuzla et Vares.

25 M. Riad (interprétation). - Où situez-vous la zone du général

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1 Blaskic sur cette carte ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Comparativement ?

3 M. Riad (interprétation). - Oui.

4 M. Vulliamy (interprétation). - D'une part, Mostar était la pire

5 situation qui n'était pas dans la zone du général Blaskic. C'est là que la

6 cruauté a été la plus dure, que les pires camp ont été établis. D'autre

7 part, je crois qu'Ahmici n'est pas en reste sur cette échelle de

8 l'horreur. Je n'ai pas vu cela, je dois donc me reposer sur ce que disent

9 les collègues et les journaux. Il y a eu apparemment des échanges de corps

10 à Vitez entre Musulmans et Croates. Les Croates ont rendu environ

11 92 corps, surtout des enfants.

12 M. Riad (interprétation). - Où était-ce ?

13 M. Vulliamy (interprétation). - A Vitez. Un incident d'une

14 voiture piégée près du quartier musulman de Vitez, très connu, a tué des

15 civils. Comme je vous l'ai dit dans ma déposition, j'ai essayé d'éviter

16 les comparaisons mais, dans la vallée de là Lasva, on n'était pas aussi

17 zélé et aussi violent qu'à Mostar. A ma connaissance il n'y a pas eu de

18 camp comme Dretelj. Je pense que cet échange de 90 corps contre 4 corps

19 n'est pas remis en question. Il y a également la voiture piégée. Tout cela

20 se situe assez haut sur l'échelle de la barbarie.

21 M. Riad (interprétation). - Un éclaircissement, je vous prie.

22 Vous avez parlé de la position de Boban vis-à-vis du HVO et du HDZ. Vous

23 avez dit qu'il ne suffisait pas de voir les documents internes mais ce

24 qu'ils faisaient aux gens. Qu'entendez vous par documents internes ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Le conseil de la défense m'a

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1 posé une question et m'a demandé si j'avais vu des ordres internes. Je

2 pense que l'idée était de savoir si j'avais vu des instructions précises

3 et des commandements précis.

4 M. Riad (interprétation). - Des instructions de Boban au

5 commandement, c'est cela ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

7 M. Riad (interprétation). - Et non pas des instructions des

8 commandants aux soldats.

9 M. Vulliamy (interprétation). - Je n'ai vu aucune des deux.

10 M. Riad (interprétation). - Mais qu'est-ce que vous entendiez ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Je n'ai vu ni des instructions

12 de Boban aux commandants, ni des instructions des commandants aux soldats,

13 et je n'ai donc eu aucune connaissance de documents internes. Mais si vous

14 voyez des pilonnages des maisons brûlées, des gens qui courent, qui

15 essaient de se cacher des soldats qui les poursuivent, pour dire les

16 choses de manière personnelle, je dirais que je n'ai pas vraiment besoin

17 de voir les ordres si j'assiste à cela. Et de la même manière, à Mostar

18 est-ce que j'ai besoin de voir les ordres de Mostar si je cours à travers

19 les rues et si je vois des obus qui atterrissent sur l'hôpital.

20 M. Riad (interprétation). - Vous voulez dire que les événements

21 parlent de même ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, selon moi c'est le cas

23 parce que vous voyez cela tous les jours, tous les mois.

24 M. Riad (interprétation). - C'était donc fait de manière

25 organisée et systématique ?

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1 M. Vulliamy (interprétation). - Oui et comment pourrait-il en

2 être autrement ! Je ne vois pas comment cela aurait pu se produire

3 autrement. En raison de la vitesse avec laquelle cela a commencé fin

4 octobre. Et plus précisément, j'en ai parlé, la vitesse avec laquelle cela

5 a été éteint le 24 octobre.

6 M. Riad (interprétation). - Si cela avait été une manifestation

7 d'une poignée de milices, il n'y aurait pas eu de guerre à Vitez, à Vares,

8 et de siège ou plutôt de massacres à Mostar le 23 février, plus rien le

9 24 février, sans qu'il y ait eu des ordres et sans qu'on y ait obéis.

10 C'est ce que j'essaie de dire.

11 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.

12 M. le Président. - Merci. Deux ou trois précisions. J'ai cru

13 comprendre que vous ne mettiez pas M. Boban parmi les Croates modérés.

14 M. Vulliamy (interprétation). - Non, certainement pas.

15 M. le Président. - A travers ces conversations, vous pouvez

16 estimer que le Colonel Blaskic pouvait faire partie des Croates modérés,

17 eu égard à son niveau de commandement ? Ou bien du fait de sa position de

18 commandement, par hypothèse, vous pouvez estimer qu'il ne pouvait pas être

19 un Croate modéré, par le niveau de responsabilité qui lui était accordé ?

20 Bien entendu, à travers vos conversations avec Mate Boban, je ne vous

21 demande pas une opinion personnelle, je vous demande ce que vous avez pu

22 ressentir à travers vos conversations.

23 M. Vulliamy (interprétation). - Nous avons suffisamment parlé

24 des entretiens avec le Colonel Filopovic, je n'ai pas besoin d'y revenir,

25 à moins que vous le souhaitiez. Pour ce qui est des entretiens avec Mate

Page 8732

1 Boban, il n'a jamais mentionné le Colonel Blaskic avec moi. Vitez lui

2 tenait à cœur, il parlait de Vitez. Mais il n'a pas parlé de M. Blaskic en

3 citant son nom. Je crois donc qu'il ne serait pas approprié de ma part

4 d'essayer de lire dans ce qu'il pensait de M. Blaskic. Il a certainement

5 occuper une position d'autorité dans une zone militaire importante. Et le

6 conseil de la défense a dit combien Vitez était important, à la fois sur

7 le plan offensif au début et défensif après la contre-offensive. Le

8 Colonel Blaskic s'était vu confié le commandement d'une zone cruciale.

9 Cela n'aurait pas eu de sens, compte tenu de mon deuxième entretien avec

10 M. Boban, où il a dit qu'il n'allait tolérer aucune opposition, pour un

11 opposant que de rester dans une zone aussi importante et que de rester un

12 personnage de cérémonie.

13 M. le Président. - Monsieur Vulliamy, vous avez dit qu'il y

14 avait eu beaucoup de cessez-le-feu. Vous en avez donné une liste, avec

15 l'aide de Me Hayman d'ailleurs. Il y en avait qui vous paraissait comme de

16 vrais cessez-le-feu, je caricature un peu votre phrase, et d'autres qui ne

17 pouvaient pas tenir par la force des choses. Ma question est celle-ci,

18 avez-vous, dans toute cette longue série de cessez-le-feu, eu le sentiment

19 qu'il y en avait qui étaient conclu en pleine responsabilité par Mate

20 Boban et Tihomir Blaskic, d'une part, première question ? Et, par la voie

21 corrollaire, qui étaient rompus par eux ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - Je sais que l'un des cessez-le-

23 feu avait été conclu par Mate Boban et que l'un d'entre eux avait été

24 conclu directement par le Colonel Blaskic, en raison du malaise de

25 l'officier britannique dont j'ai parlé et qui a donc dû signer ce cessez-

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1 le-feu particulier qui, je crois, se situe à la fin de 1992, même si je ne

2 saurais plus duquel il s'agirait sur la liste lue par Me Hayman. Je ne

3 connaissais pas tous ces cessez-le-feu. Je savais que des cessez-le-feu

4 étaient conclu aux fins de des prisonniers, très souvent lorsque les

5 prisonniers traversaient les lignes de feu, c'était très fréquent. Chaque

6 partie négociait un cessez-le-feu temporaire pour permettre le transfert

7 des prisonniers. Le cessez-le-feu était toujours très utile car il nous

8 permettait d'aller sur les lignes de front lorsque les Serbes étaient

9 impliqués, car c'était la seule occasion que nous avions d'approcher. Le

10 sens du mot "cessez-le-feu" n'est peut-être pas très claire. J'ai parlé de

11 cessez-le-feu, qu'il y en avait eu un ou peut-être plusieurs, mais il y

12 avait des interruptions de combats qui étaient organisées pour des raisons

13 différentes et je ne vais pas prétendre expliquer les raisons de chaque

14 cessez-le-feu cité par Me Hayman, mais parfois c'était peut-être avec de

15 bonnes intentions sur le plan local. Les échanges de prisonniers étaient

16 une raison fréquente. Le cessez-le-feu, dont je parle, en février 1994

17 était une cessation des hostilités. C'est ce que j'appelle un cessez-le-

18 feu, lorsqu'on arrête de tirer. Toutes les dates, la liste, que nous avons

19 entendues, ont été suivies de violences atroces. Malheureusement, j'ai

20 bien peur de ne pas pouvoir vous donner de rupture éventuelle de cessez-

21 le-feu de la part du Général Blaskic , je l'ignore tout simplement.

22 M. le Président. - Avez-vous pu identifier, à travers vos

23 conversations, des liens politiques, institutionnelles, militaires entre

24 Mate Boban et la Croatie dans le cadre de ce conflit ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, très fréquemment.

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1 Quelquefois, il s'agissait d'éléments très anecdotiques, par exemple des

2 bus. D'autres fois, des autobus étaient chargés d'hommes provenant de la

3 côte adriatique, passant par Tomislavgrad pour se diriger vers la Bosnie

4 centrale.

5 Et puis -plus déterminant me semble-t-il-, au cours du siège de

6 Mostar, j'ai eu l'occasion de faire la connaissance d'un observateur

7 danois des Nations Unies, observateur militaire dont le rôle consistait à

8 identifier les chars utilisés pour pilonner l'est de Mostar. Il nous a dit

9 que de nombreux T55 étaient des chars de la HV, c'est-à-dire de la Croatie

10 à proprement parler, et non pas des chars du HVO. Ce sont d'ailleurs des

11 chars relativement anciens.

12 Je me souviens l'avoir déjà dit : à Zagreb, un bataillon de

13 soldats de la HV combattait en Bosnie-Herzégovine avec les Croates de

14 Bosnie.

15 A part cela, en ce qui concerne Boban lui-même, non, il avait

16 une affection tout à fait évidente et des liens avec la Croatie, mais cela

17 s'arrêtait là.

18 La frontière dont j'ai parlé était une frontière très

19 symbolique. Il y avait un soldat bosniaque au niveau de ce passage de la

20 frontière jusqu'à octobre 1992. Après, je n'ai plus vu de présence

21 bosniaque à la frontière. Il n'y avait que des Croates et des Croates de

22 Bosnie à ce niveau-là.

23 M. le Président. - Une dernière question, Monsieur Vulliamy :

24 dans cette carte de l'horreur, en réponse à une question de mon collègue,

25 vous avez dit que Mostar occupait certainement la première place. Pour le

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1 conflit qui nous occupe, dans la vallée de la Lasva, avez-vous

2 l'impression que, pour le haut état-major et pour les hommes politiques,

3 Mostar était comme un exemple qu'il fallait suivre, l'exemple de la

4 reconquête de la patrie, etc., ou, au contraire, quelque chose à repousser

5 comme étant trop horrible, un prix trop fort à payer ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Je pense que Mostar était

7 absolument au coeur du projet de l'Herceg-Bosna. Mostar était censée être

8 la grande capitale. Mate Boban a dit que c'était la seule ville qui avait

9 une université, un aéroport et des industries. Et je crois que le HVO

10 était prêt à se battre beaucoup plus durement et davantage jusqu'à la fin

11 pour Mostar que pour quelque autre territoire envisagé comme devant faire

12 partie d'Herceg-Bosna.

13 Mais Mostar, très certainement, n'était pas quelque chose contre

14 quoi on était censé réagir. C'était, en fait, une entité somative. Ce

15 n'était pas non plus quelque chose qui était censé être un élément

16 souhaité. Je parle bien de quelque chose qui n'a cessé de grandir, de

17 croître, depuis août 1993 jusqu'à février 1994. Il s'agit donc d'une ligne

18 entière qui se déroule en plusieurs instances. Si on parle de Mostar comme

19 du modèle de quelque chose qui n'a jamais voulu céder, alors oui, je crois

20 effectivement que Mostar pouvait être considérée comme une étoile au

21 firmament, l'étoile la plus brillante. Mais je ne pense pas que le reste

22 d'Herceg-Bosna ait regardé vers Mostar comme un exemple dont il convenait

23 de tirer des leçons. Je pense que les habitants de Tomislavgrad, de Vitez

24 ou de Kiseljak, n'étaient pas non plus censés regarder vers Mostar en se

25 disant : "C'est un exemple sanglant de ce qu'il ne faut pas faire". Non,

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1 pas du tout, mais c'est ce qui était destiné à faire en sorte que le HVO

2 réussisse à faire ce qu'il voulait faire.

3 M. le Président. - Merci, Monsieur Vulliamy.

4 M. Vulliamy (interprétation). - Merci.

5 M. le Président. - Vous êtes venu à plusieurs reprises et je

6 tiens vraiment, au nom du Tribunal tout entier, à m'excuser auprès de vous

7 pour ces différents contretemps. Vous avez fait preuve d'une grande

8 patience et vous avez apporté au Tribunal un témoignage important dont

9 chacune des parties ici présentes essaiera de tirer ce qu'il convient pour

10 la défense de sa cause et, bien entendu, également les Juges.

11 En principe, vous en avez terminé, je dis bien "en principe".

12 Alors, permettez-moi encore de vous renouveler toute notre gratitude.

13 Vous n'allez pas bouger. Nous allons lever l'audience pour une

14 interruption d'une vingtaine de minutes environ. L'audience est suspendue.

15 M. Vulliamy (interprétation). - Merci à vous, Monsieur le

16 Président.

17 L'audience est suspendue à 16 heures 05.

18

19 L'audience est reprise à 16 heures 35.

20

21 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

22 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)

23 Monsieur le Procureur ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour une nouvelle fois, Monsieur

25 le Président. Nous allons maintenant démarrer le contre-interrogatoire du

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1 témoin NN. Rappelons que des mesures de protection s'appliquent au

2 témoin NN qui a déjà témoigné à la fin de la semaine dernière, et l'une de

3 ces mesures est la déformation de la voix. Monsieur le Président, Monsieur

4 le Juge Riad, j'ai été informé du fait qu'il était impossible de déformer

5 la voix d'un témoin dans cette salle d'audience avec les équipements

6 disponibles. J'en ai parlé avec les conseils de la défense et le Procureur

7 demande donc que pour le contre-interrogatoire du témoin NN, nous passions

8 en huis clos étant donné que la déformation de la voix n'est pas

9 disponible.

10 M. le Président. - Ecoutez, je crois que nécessité fait loi,

11 comme on dit dans tous les systèmes judiciaires du monde. Nous allons donc

12 procéder comme cela. J'ai consulté Me Hayman qui a opiné de la tête. Nous

13 allons donc procéder comme cela. Monsieur le greffier, procédons au huis

14 clos total et nous demandons à l'huissier d'introduire pendant ce temps...

15 Comment faites-vous le huis clos total, Monsieur le greffier ? Vous n'avez

16 plus à vous lever pour baisser les rideaux ?

17 Audience à huis clos

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

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12 Pages 8738-8755 expurgées en audience à huis clos

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25 L'audience est levée à 17 heures 10.