Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                           Affaire IT-95-14-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3  

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   Tihomir BLASKIC

  7   Mardi 30 juin 1998

  8   L’audience est ouverte à 10 heures 00.

  9   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

 10   faites entrer l'accusé.

 11   (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

 12   M. le Président. - Nous reprenons nos travaux.

 13   Désormais nous reprenons tous les jours à 9 heures 45. Maître

 14   Cayley, bonjour. C'est à vous.

 15   M. Cayley (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,

 16   Messieurs les Juges et conseils de la partie adverse.

 17   Le témoin suivant est un témoin protégé. Il sera le témoin UU et

 18   s'exprimera donc en audience à huis clos. J'ai parlé à M. Nobilo qui a

 19   donné son accord. Nous nous réunirons à huis clos car il n'y a pas la

 20   possibilité, dans cette salle, de déformer la voix du témoin. J'en arrive

 21   au résumé de la déposition du témoin. (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   M. Dubuisson (interprétation). - Nous sommes en audience

 25   publique. Il est peut-être nécessaire d'entrer en séance à huis clos pour


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  1   faire votre résumé.

  2   M. le Président. - Cela paraît judicieux.

  3   M. Cayley (interprétation). - En effet.

  4   M. le Président. - Nous passons en huis clos avec l'accord de la

  5   défense.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Oui.

  7   (Audience à huis clos)

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 13   Pages 9640 – 9662 expurgées en audience à huis clos

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 21   (Audience publique.)

 22   M. Harmon (interprétation). - Non ce n'est pas distorsion du

 23   visage, mais de la voix.

 24    M. le Président. - J’ai compris. Vous pouvez nous faire votre

 25   résumé. Nous avons commencé pratiquement à 10 heures, je pense que nous


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  1   pouvons commencer l’audition de ce témoin jusque vers 11 heures 20,

  2   11 heures 30…, on verra. Allez-y maître Harmon ?

  3   M. Harmon (interprétation). - Oui, je vous remercie

  4   Monsieur le Président. Le témoin suivant est un musulman de Bosnie, ancien

  5   membre de l’armée de Bosnie. Il appartenait à une unité de cette armée qui

  6   était stationnée près de Mostar, tout près de la ligne de confrontation

  7   avec les serbes. Il dira dans son témoignage que des luttes ont eu lieu à

  8   Mostar en mai 1993, entre le HVO et les Serbes.

  9   Il dira, de plus, que le 13 juin 1993, le HVO a ordonné que son

 10   unité soit démantelée. Il y a eu une résistance à cet ordre donné par le

 11   HVO. Le HVO a alors menacé de tuer les membres de la famille des personnes

 12   qui refusaient de se rendre. Le témoin…

 13   M. le Président. - … Je n’ai pas bien compris. Pouvez-vous

 14   répéter s'il vous plaît ? C’est le HVO qui a demandé le démantèlement de

 15   l'unité de l'armée de Bosnie, n'est-ce pas ?

 16   M. Harmon (interprétation). - Oui, c'est bien cela. On a demandé

 17   que cette unité dépose les armes. Du 13 juin 1993 jusqu’au 23, 24 mars de

 18   l’année suivante, le témoin a été prisonnier. Il était techniquement

 19   prisonnier de guerre et avec d'autres, comme lui emprisonnés dans un lieu

 20   près de Mostar connu sous le nom de heliodrome.

 21   Le témoignage de ce témoin portera essentiellement sur ses neuf

 22   mois de captivité à l’heliodrome. Il décrira le travail forcé,

 23   systématique auquel étaient soumis les civils et les prisonniers de

 24   guerre, le creusement des tranchées qui allaient conduire à de nombreux

 25   décès et à des blessures multiples chez les détenus. Il décrira également


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  1   la présence d'unités militaires croates qu’il a observées dans les

  2   environs de Mostar, y compris la présence de la première

  3   brigade de gardes de Zagreb connue sous le nom des Tigres, ainsi que la

  4   présence de la deuxième brigade de gardes de Zagreb connue sous le nom des

  5   Eclairs.

  6   Il dira, dans son témoignage, qu’il a été obligé de faire toute

  7   sorte de choses, obligé de travailler à la demande de ces unités croates.

  8   Il dira qu’il a vu ces unités croates engager des combats avec l'armée de

  9   Bosnie-Herzégovine.

 10   Il décriera enfin, monsieur le Président, comment lui et

 11   d'autres prisonniers, y compris des civils, ont été utilisés comme

 12   boucliers humains.

 13   Pour ce qui est des chefs d'accusation, nous verrons que

 14   certains des actes mentionnés dans la liste des chefs d'accusation sont

 15   généralisés et systématiques, ce qui vaut pour l’accusation contre les

 16   crimes contre l'humanité, particulièrement paragraphe 5, point 2 de l’acte

 17   d’accusation.

 18   Pour ce qui est du chef d’accusation n° 1, le témoignage fait

 19   référence aux allégations générales 5.0, 5.1, 5.3, ainsi qu'aux violations

 20   de la Convention de Genève 5, 8, 11, 15, 17 et 19. Voilà qui conclut mon

 21   résumé des chefs d’accusation.

 22   M. le Président. - Comme je l'ai fait pour M. Cayley, que je

 23   félicite pour sa concision, il n’est pas là, vous lui transmettrez donc

 24   mes félicitations. Si j'ai bien compris, ce témoin a donc passé un certain

 25   nombre de mois en captivité. Je vous demanderais, maître Harmon, de


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  1   concentrer vos questions sur les trois points qui nous paraissent

  2   essentiels, sous réserve de ce que dira le témoin évidemment : la

  3   captivité, l’engagement des armées croates et les boucliers humains.

  4   Essayez de vous concentrer sur ces points-là. Evidemment, si

  5   vous trouvez qu’il y a d’autres points importants, n’hésitez pas à lui

  6   poser des questions. D'après votre résumé, ces trois points paraissent

  7   être ce que vous attendez de votre témoin.

  8   Monsieur le greffier, nous pouvons introduire le témoin VV.

  9   (Le témoin est introduit dans la salle.)

 10   M. le Président. - Vous m'entendez témoin VV. Nous allons vous

 11   appeler témoin VV. Vous faites objet de mesure de protection. D'abord vous

 12   allez identifier votre nom sur le document que va vous présenter

 13   l’huissier. Présentez le document, ne le prononcez pas. C'est bien votre

 14   nom ?

 15   Vous allez rester debout quelques instants de prêter serment.

 16   Vous allez relire le document que vous présente à nouveau l’huissier, à

 17   haute et intelligible voix dans votre langue.

 18   Témoin VV (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 19   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 20   M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Installez-vous

 21   bien, décontractez-vous. Nous allons vous appeler témoin VV parce que vous

 22   êtes un témoin protégé à votre demande et avec l’accord de toutes les

 23   parties. Vous avez accepté de venir témoigner à la demande du Procureur.

 24   Nous connaissons de façon globale ce que le procureur attend de votre

 25   témoignage.


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  1   Vous allez répondre à quelques une de ces questions et nous dire

  2   très simplement ce que vous avez vécu. M. Harmon vas vous poser quelques

  3   questions préalables. Monsieur le Procureur, c'est à vous. Ensuite, vous

  4   déposerez librement, avec vos mots devant les Juges. Relâchez vous. Sentez

  5   vous bien. Monsieur Harmon, c'est à vous.

  6    M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur VV. Est-ce que

  7   vous êtes citoyen bosniaque et musulman de confession ?

  8   Témoin E (interprétation). - Oui.

  9   M. Harmon (interprétation). - En juin 93, vous étiez membre de

 10   l'armée BH ?

 11   Témoin VV (interprétation). - Oui.

 12   M. Harmon (interprétation). - Dites aux Juges à peu près à quel

 13   mois les combats ont commencé entre le HVO et l’armée BH à Mostar ?

 14   Témoin VV. (interprétation). - Les combats ont commencé en mai

 15   1993 ?

 16   M. Harmon (interprétation). -  Le HVO vous a-t-il emprisonné en

 17   juin 93 et est-ce exact que vous entiez en détention jusqu'au 22/23 mars

 18   1994 ?

 19   Témoin VV.(interprétation). - C'est exact.

 20   M. Harmon (interprétation). -  Avant de déposer, je prierai

 21   l'huissier de m'aider et que les preuves d'accusation 401 soient mises au

 22   rétroprojecteur. C'est une carte sur laquelle le témoin VV a marqué

 23   certains sites pertinents pour sa déposition. Lorsqu'il aura cité certains

 24   sites, vous pourrez les voir sur la carte. Mettez cette carte sur le

 25   rétroprojecteur, s'il vous plaît.


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  1   Monsieur VV, regardez cette carte et dîtes au Tribunal si ce

  2   sont les destinations ou les emplacements que vous avez montrés, que j'ai

  3   moi-même notés après coup ?

  4   Témoin VV (interprétation). - C'est cela.

  5   M. Harmon (interprétation). -  Monsieur VV, veuillez raconter

  6   votre récit.

  7   Je vous prierai tout d'abord de raconter aux Juges ce que vous

  8   savez sur l'unité de l'armée BH à laquelle vous apparteniez. Où étiez-vous

  9   situé et comment vous êtes devenu prisonnier de guerre ? Je vous en prie,

 10   faites votre récit ?

 11   Témoin VV. (interprétation). - Mon unité se trouvait dans la

 12   localité de Rotlje, à la frontière entre Mostar et Polja, en position face

 13   aux unités serbes, de concert avec les unités HVO à gauche et à droite de

 14   notre position. Ils étaient également tournés contre les unités serbes.

 15   Après le début des combats à Mostar, le 13 juin, ces unités HVO se sont vu

 16   renforcées et avaient l'ordre de désarmer notre unité.

 17   Au bout d'un bref repos, une partie de l'unité a réussi à se

 18   retirer vers Mostar et à se joindre à l'armée BH. L'autre partie de

 19   l'unité est restée bloquée suite aux menaces du HVO de tuer nos familles

 20   qui se trouvaient dans les autocars. Il s'est avéré que ces menaces

 21   étaient réelles. Cette partie de l'unité s'est rendue. Moi aussi, j'étais

 22   dans cette unité. Dans la même journée, nous avons été déplacés vers la

 23   prison de Gabela, puis vers celle de Heliodrome.

 24   M. Harmon (interprétation). -  Très brièvement, s'il vous plaît.

 25   Quel a été votre rôle dans l'armée BH ? Quelles étaient vos fonctions ?


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  1   Témoin VV (interprétation). - Cette unité était en cours de

  2   formation. Les grades formels n'étaient pas distribués. A cette époque-là,

  3   je commandais 4 ou 5 personnes, chargées des liaisons.

  4   M. Harmon (interprétation). -  Pourriez vous dire au Tribunal où

  5   vous étiez vous détenu et dans quelles conditions ? Décrivez-nous ce qui

  6   vous est arrivé et ce qui est arrivé aux autres détenus ? Parlez-nous de

  7   vos contacts avec les membres de l'armée croate à partir du moment où vous

  8   avez été fait prisonnier jusqu'à votre relâchement ?

  9   M. le Président. -  Pourriez-vous nous accorder une seconde,

 10   s'il vous plaît ?

 11   Avant que le témoin ne commence le récit de sa captivité nous

 12   allons faire une pause d'une vingtaine de minute.

 13   L’audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.

 14   (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

 15   (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)

 16   M. le Président. - Maître Harmon, et Témoin VV vous pouvez

 17   poursuivre le récit de votre captivité.

 18   M. Harmon (interprétation). - Témoin VV, avant la pause je vous

 19   demandais de décrire aux Juges les conditions de votre captivité, où vous

 20   aviez été détenu ? Pouvez-vous nous parler de votre expérience et de celle

 21   des hommes qui vous accompagnaient, ainsi que de vos contacts avec des

 22   soldats de l’armée croate. Je vous prierais surtout d’identifier les

 23   unités de l’armée croate en question.

 24   Témoin VV (interprétation). - Immédiatement après la prise en

 25   captivité, nous avons été emmenés à Gabela, l’ex-entreprôt de l’armée de


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  1   l’ex-Yougoslavie. Nous y avons été détenus pendant plusieurs heures après

  2   lesquelles nous avons été transférés à l’Héliodrome. Héliodrome, c’est

  3   ainsi que l’on nommait un centre qui, dans le temps, était un centre de

  4   formation des cadres militaires de l’ex-armée yougoslave. Il y avait

  5   beaucoup de bâtiments, dont un gymnase, etc. L’un des bâtiments a été

  6   transformé en prison. Nous l’appelions « prison ».

  7   Nous avons été installés là-dedans, dans les sous-sols du

  8   bâtiment où nous sommes restés pendant vingt jours.

  9   Peu après, une percée de l’armée BH a eu lieu vers le nord. A

 10   cette occasion, on a libéré les zones de Polje et de Sjeverni Logor.

 11   Immédiatement après, dans notre prison, dans la salle du gymnase ou dans

 12   les salles de classe, on a amené les civils de la ville de Mostar.

 13   Peu de jours après, nous avons été contraints de faire les

 14   premiers travaux. C’est ainsi que j’ai passé environ 9 mois. De jour en

 15   jour, quotidiennement, différents camions de différentes unités du HVO

 16   venaient pour emmener les détenus en nombre nécessaires, en nombre requis

 17   pour les travaux. Ils les emmenaient dans les sites requis, là où étaient

 18   les positions contrôlées par le HVO. Le soir, les hommes étaient remmenés

 19   à la prison.

 20   Dans certains cas, il est arrivé que nous restions pendant

 21   plusieurs jours, voire plusieurs semaines sur place, là où nous étions

 22   emmenés.

 23   Plus on était jeune et vigoureux, pendant 9 mois, plus on était

 24   en situation d’être contraint à travailler quotidiennement, jour après

 25   jour. Les travaux étaient différents de ceux qui étaient effectués sur la


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  1   première ligne, sur la ligne de front. Il s’agissait de creuser des

  2   tranchées, de porter des sacs de sable ou de décharger des cargaisons de

  3   munitions ou autres, ou encore de transporter du bois. C’était ce genre de

  4   travaux.

  5   Le premier contact avec les membres de l'armée croate, du HVO,

  6   datait d’août 1993 dans le village de Bijelo Polje. Le groupe des détenus,

  7   dont je faisais partie, a été emmené par le

  8   HVO à Bijelo Polje où nous avons passé sept jours, une semaine. Au cours

  9   d’une journée de cette semaine, oui j'ai creusé les tranchées à un endroit

 10   le long de la route principale qui relie Sarajevo à Mostar.

 11   Cette position était contrôlée, ce jour-là, par l’unité de

 12   l’armée croate Cini Voda. Plus exactement, je ne sais pas de quelle unité

 13   de l'armée croate provenait ces soldats. Ils ont causé avec nous. Ils

 14   étaient originaires de Slavonie, en Croatie. Ils étaient soldats de

 15   l’armée croate qui étaient emprisonnés en Slavonie, lors des combats entre

 16   le HVO et l’armée ex-yougoslave. Après que des échanges aient été opérés,

 17   ils sont redevenus soldats du HVO.

 18   Il a été intéressant de comparer leur expérience de prisonniers

 19   de guerre à la nôtre. Ce jour-là, il y a eu des échanges de coups de feu,

 20   d'infanterie sporadiquement.

 21   La rencontre suivante a eu lieu à la montagne Kicin, près de la

 22   bourgade de Blagaj, fin septembre ou début octobre 1993. Comme il n’y a

 23   pas de routes pratiquables sur cette montagne, on nous a contraints de

 24   porter les caisses de munitions d’artillerie vers le sommet de cette

 25   montagne, de grimper jusqu'à cette position qui était également contrôlée


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  1   par les unités de HVO, mais je ne saurais vous dire exactement quelle

  2   unité.

  3   J'ai escaladé cette montagne à trois reprises avec une caisse

  4   d’environ 30 kilos. Les soldats de cette unité nous ont dit qu’un officier

  5   de l'armée crotte avait été fait prisonnier par l'armée BH.

  6   A peu près 7 jours plus tard, on nous a emmenés sur les

  7   positions de lance-roquettes contrôlées par l’armée croate, la 2ème brigade

  8   de garde « les Eclairs ». C’était une position de lance-roquettes d’un

  9   calibre de 82 mm et de 120 mm.

 10   Je me suis rendu à cet endroit à cinq ou six reprises au cours

 11   des dix jours suivants. Chaque fois, on nous prenait dans la prison

 12   Heliodrome dans laquelle on nous ramenait chaque soir, une fois les

 13   travaux effectués.

 14   Les trois derniers mois de mon séjour en camp de détention, je

 15   travaillais dans le

 16   cadre d’Heliodrome, dans les salles où se tenaient les soldats de l'armée

 17   croate, les gardes de la 2ème Brigade « Les Eclairs » de Zagreb, la Brigade

 18   « Tigre ». Là, je travaillais dans la cuisine ou au nettoyage des

 19   baraquements, etc.

 20   Entre ces différents événements, presque tous les jours, on

 21   effectuait des travaux pour le compte du HVO. Tous ces travaux

 22   comportaient des risques. Nous étions sur la ligne de front le premier

 23   jour. Pendant les premiers jours de détention à Héliodrome, nous nous

 24   rendions pour effectuer des travaux, nous seulement, les membres de

 25   l’armée BH et nous devions enlever nos uniformes de l’armée BH et endosser


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  1   des uniformes bleus de l’ex-armée yougoslave. De cette manière, c’était

  2   une convention, on savait que nous étions membres de l’armée BH. Nous

  3   étions facilement repérables, que ce soit en ville ou ailleurs.

  4   Toutefois, une fois les civils ayant rejoint la prison, dans la

  5   mesure où il y avait peu de soldats et de grands besoins en travaux, tout

  6   le monde peu à peu a commencé à effectuer des travaux. On construisait

  7   ainsi des bunkers dans des appartements délaissés en ville, là où il y

  8   avait des combats de rue. On trouvait des objets et des vêtements tels que

  9   des maillots, des pantalons, etc.

 10   Cela a duré pendant un mois. Cela nous a permis d’enlever les

 11   uniformes progressivement pour nous habiller en civil et nous noyer dans

 12   la masse des civils.

 13   A partir du deuxième mois de notre séjour, il n’y avait

 14   pratiquement plus de différence quant à notre statut de prisonniers de

 15   guerre, prisonniers de l’armée BH et ces civils.

 16   En mars 1993, j’ai été échangé.

 17   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez été

 18   échangé en mars 1994.

 19   Témoin VV (interprétation). - Excusez-moi, c'était mars 1994.

 20   M. Harmon (interprétation). - Avant de passer à un autre sujet,

 21   je vais vous poser quelques questions pour éclaircir certains points. Vous

 22   avez évoqué des pièces à conviction. La

 23   légende est-elle marquée en orange sur les pièces à conviction 402 et

 24   désignée par la baguette ?

 25   Témoin VV (interprétation). - Oui, il y a le nom de Jesenica, au


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  1   sud de Mostar, sur la rive droite de la Neretva. C'est là que se trouve la

  2   caserne Heliodrome.

  3   M. Harmon (interprétation). - Dites aux Juges environ combien de

  4   détenus il y avait dans l'Heliodrome pendant votre séjour de neuf mois ?

  5   Témoin VV (interprétation). - Nous autres prisonniers

  6   l'estimions aux alentours de trois à quatre mille.

  7   M. Harmon (interprétation). - Combien d'entre eux, à votre

  8   connaissance, étaient prisonniers de guerre et combien étaient des

  9   civils ?

 10   Témoin VV (interprétation). - Il y avait au maximum une centaine

 11   de prisonniers de guerre.

 12   M. Harmon (interprétation). - Les autres étaient-ils des

 13   civils ?

 14   Témoin VV (interprétation). - Au moins cent personnes ont été

 15   emprisonnées en uniforme BH. Les autres étaient des civils, conscrits

 16   potentiels.

 17   M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si les

 18   gens détenus avec vous et les autres étaient des Musulmans ?

 19   Témoin VV (interprétation). - Ils étaient principalement

 20   Musulmans et il y avait deux Serbes.

 21   M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des femmes détenues ?

 22   Témoin VV (interprétation). - Oui, au dernier étage, il y avait

 23   quelques femmes détenues.

 24   M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges l'âge

 25   des hommes détenus ?


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  1   Témoin VV (interprétation). - Cela allait de 16 ou 17 ans

  2   jusqu'à 60 ans et au-delà.

  3   M. Harmon (interprétation). - Vous venez de décrire comment vous

  4   avez été emmené pour creuser les tranchées. Vous et les autres ont-ils été

  5   emmenés à Mostar où les combats avaient lieu, non seulement sur les lignes

  6   de front ?

  7   Témoin VV (interprétation). - Quand je dis ligne de front, je

  8   pensais à Mostar et à ses environs. La ligne de front était plutôt large.

  9   A Mostar, il y avait des combats de rue. C'étaient les endroits les plus

 10   dangereux.

 11   M. Harmon (interprétation). - Maintenant, permettez-moi

 12   d'attirer votre attention sur cet endroit décrit sur la carte comme

 13   Bijelo Polje. Vous nous avez dit que c'est là où vous avez eu les premiers

 14   contacts avec les membres du HVO. Pourriez-vous dire aux Juges s'ils

 15   avaient des uniformes ou des insignes, vous permettant de conclure qu'ils

 16   étaient des membres du HVO ?

 17   Témoin VV (interprétation). - Pour cette unité, je ne me

 18   souviens pas des insignes, mais je me souviens des entretiens que j'ai eus

 19   avec eux, pendant lesquels ils m'ont dit qu'ils étaient des membres HVO.

 20   Ils m'ont parlé de leur détention en Slavonie par les Serbes et des

 21   échanges, etc.

 22   M. Harmon (interprétation). - A cet endroit particulier, de

 23   combien vous et les autres détenus avaient été éloignés de la ligne de

 24   front de l'armée bosniaque ?

 25   Témoin VV (interprétation). - Entre 100 et 200 mètres.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez à

  2   cet endroit, les membres de HVO luttaient-ils contre les membres de

  3   Hotbina ?

  4   Témoin VV (interprétation). - Il y avait des échanges de coups

  5   de feu d'infanterie.

  6   M. Harmon (interprétation). – Maintenant, j'aimerais attirer

  7   votre attention sur le deuxième endroit où vous avez vu des soldats

  8   croates. C'est la localité de Blagaj. Cette unité avait-elle l'air d'une

  9   unité organisée ?

 10   Témoin VV (interprétation). - Oui, elle avait son commandement,

 11   une structure.

 12   M. Harmon (interprétation). - Avaient-ils des insignes qui

 13   permettaient de comprendre qu'ils étaient de la Croatie ?.

 14   Témoin VV (interprétation). - Pour ce groupe, non plus je ne me

 15   souviens plus des insignes. Je me souviens des insignes de l'officier qui

 16   est venu les voir. Il portait des insignes de l'armée croate.

 17   M. Harmon (interprétation). - Vous souvenez-vous de ces

 18   insignes ? Avez-vous vu plus tard cet officier à un autre endroit ?

 19   Saviez-vous à quelle unité il appartenait ?

 20   Témoin VV (interprétation). - Oui, plus tard, quand j'ai

 21   travaillé dans la cuisine chez les Tigres, j'ai vu que cet officier était

 22   leur supérieur. Son grade était celui de colonel.

 23   M. Harmon (interprétation). - Concrètement, vous souvenez-vous

 24   que cet officier a rendu visite à l'unité qui était en place à Blagaj ?

 25   Témoin VV (interprétation). - Blagaj était un endroit sous


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  1   contrôle de l'armée BH, mais dans le cas présent, il s'agit de la

  2   montagne Kicin, près de Blagaj.

  3   M. Riad (interprétation). - Les Tigres étaient-ils une unité

  4   croate ?

  5   M. Harmon (interprétation). - Oui, je pense avoir commis une

  6   erreur. Les Tigres étaient une brigade de gardes de l'armée croate.

  7   Témoin VV (interprétation). - Oui, c'était la première brigade

  8   de gardes de l'armée croate.

  9   M. Harmon (interprétation). - Maintenant, j'aimerais que l'on

 10   puisse passer à la pièce à conviction 401.

 11   Vous avez dit que c'était la deuxième brigade de gardes connue

 12   sous les noms des Eclairs. De quel endroit étaient-ils originaires ?

 13   Témoin VV (interprétation). - La deuxième brigade de gardes

 14   était originaire de Zagreb.

 15   M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous étiez aux côtés

 16   de la brigade

 17   Eclairs, quels travaux étiez-vous forcé de faire ?

 18   Témoin VV (interprétation). - Nous avons nettoyé des mortiers,

 19   chargé des munitions.

 20   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous personnellement pu voir

 21   comment les membres des Eclairs de l'armée croate utilisaient les mortiers

 22   pour faire des tirs sur les positions de l'armée croate ?

 23   Témoin VV (interprétation) - A deux reprises, j'ai assisté aux

 24   tirs d'artilleries vers l'armée bosniaque lorsque j'étais là.

 25   M. Harmon (interprétation) - Est-ce que vous avez vu quel impact


Page 9678

  1   cela a eu, quelles conséquences ?

  2   Témoin VV (interprétation) - J'ai vu une maison touchée,

  3   atteinte.

  4   M. Harmon (interprétation) - Vous avez dit qu'on vous faisait

  5   retourner à l’Héliodrome et que le matin, on vous prenait pour vous

  6   emmener sur différents emplacements, y compris celui-ci, c'est exact ?

  7   Témoin VV (interprétation) - Oui, c'est exact.

  8   M. Harmon (interprétation) - Pourriez-vous décrire le véhicule

  9   utilisé pour vous faire transférer de l’Héliodrome jusqu'à cet emplacement

 10   près de Blagaj.

 11   Témoin VV (interprétation) - C'étaient des véhicules de

 12   l'ex armée yougoslave, ils en avaient l'immatriculation.

 13   M. Harmon (interprétation) - Les soldats que vous avez vus, qui

 14   étaient membres des Eclairs, avaient-ils des insignes de l'armée croate ?

 15   Témoin VV (interprétation) - Oui, des Eclairs.

 16   M. Harmon (interprétation) - Maintenant, permettez-moi d'évoquer

 17   cette quatrième occasion lorsque vous trouviez aux côtés des soldats de

 18   l'armée croate. Vous avez dit que c'était au moment où vous travailliez

 19   dans la cuisine, à l’Héliodrome. Vous avez donc travaillé aux côtés de la

 20   première brigade, c'est-à-dire les Tigres originaires de Zagreb, comme

 21   vous avez dit. Vous ont-ils semblé être une unité organisée ?

 22   Témoin VV (interprétation) - Oui, complètement organisée.

 23   M. Harmon (interprétation) - Et vous avez été en leur présence

 24   pendant trois mois environ, c'est bien cela ?

 25   Témoin VV (interprétation) - Oui, trois mois à peu près. Tous


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  1   les matins, j'allais y travailler et je rentrais à la prison pour y dormir

  2   tous les soirs.

  3   M. Harmon (interprétation) - A votre connaissance, témoin VV,

  4   est-ce que les membres de l'unité des Tigres ont engagé des combats contre

  5   des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

  6   Témoin VV (interprétation) - Je n'ai jamais vu cela, mais j'ai

  7   entendu des soldats de leur armée, des soldats de l'unité des Tigres, qui

  8   expliquaient qu'ils avaient joué un rôle très important en tant qu'unité

  9   d'intervention, pour permettre à l'armée de Bosnie-Herzégovine de prendre

 10   la colline de Hum qui domine la ville de Mostar.

 11   M. Harmon (interprétation) - Donc vous avez eu la possibilité

 12   d'entendre des soldats croates qui parlaient d'activités de combats dans

 13   lesquels ils étaient eux-mêmes engagés, c'est bien cela ?

 14   Témoin VV (interprétation) - Oui, j'ai entendu parler de ces

 15   opérations sur la colline de Hum.

 16   M. Harmon (interprétation) - J'aimerais vous poser une autre

 17   question. Vous avez dit qu'on vous avait emmené dans divers lieux pour

 18   vous contraindre à des travaux forcés et que des civils se voyaient

 19   contraints à ces mêmes travaux forcés. Est-ce que vous mêmes, les

 20   prisonniers de guerre, ou les civils, ont subi des blessures en raison de

 21   ces travaux dangereux. ?

 22   Témoin VV (interprétation) - J'ai vu à plusieurs reprises des

 23   civils se faire blesser ou mourir.

 24   M. Harmon (interprétation) - Mais qui étaient-ils ? Pouvez-vous

 25   nous dire dans votre propre langage qui vous emmenait sur les lieux,


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  1   qu'est-ce qui se passait exactement ?

  2   Témoin VV (interprétation) - L'une des situations les plus

  3   difficiles à laquelle j'ai assisté, s'est déroulée dans la rue Santivica

  4   de Mostar. A Mostar, le plus souvent, il s'agissait de combats de rue. Il

  5   arrivait très souvent que les positions du HVO et celles de l'armée de

  6   Bosnie-Herzégovine se trouvent même dans le même bâtiment.

  7   Un jour, les unités du HVO nous ont emmenés travailler à cet

  8   endroit. Je parle de moi-même et quatre autres prisonniers. Nous avons

  9   tous les cinq été contraints de transporter des débris par une fenêtre

 10   vers les positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et la distance que

 11   nous avons dû couvrir était d'environ 15 mètres. Cette carcasse

 12   d'automobile qu'il nous a fallu transporter n'avait pas de moteur. On a

 13   donc pu retourner le véhicule.

 14   J'ajouterai que, puisqu'il nous est apparu manifestement que ce

 15   travail était impossible à réaliser, personne n'a même essayé de le

 16   réaliser. A ce moment-là, les soldats du HVO tiraient au-dessus de nos

 17   têtes en nous menaçant de mort si nous et n'effectuions pas cette tâche.

 18   Lorsque nous avons essayé de retourner cette carcasse d'automobile pour la

 19   première fois, des coups de feu ont commencé à venir depuis le bunker de

 20   l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 21   Un prisonnier est resté sur place, tué, et deux autres ont été

 22   grièvement blessés. L'un des ces deux prisonniers grièvement blessés était

 23   un civil, j'en suis certain parce qu'il dormait au même endroit que moi.

 24   Pour ce qui concerne le deuxième prisonnier blessé, je ne le connaissais

 25   pas.


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  1   M. Harmon (interprétation) - Vous avez dit qu'il dormait dans la

  2   même pièce que vous. Mais combien y avait-il d'autres prisonniers dans

  3   cette pièce ? Et parmi eux, combien ont été blessés ou tués en raison des

  4   activités qu'ils étaient contraints d'effectuer sur les lignes de front.

  5   Témoin VV (interprétation) - Dans la pièce où je me trouvais, il

  6   y avait d'après mes souvenirs, de 80 à 100 personnes. Aujourd'hui, je me

  7   rappelle quatre ou cinq d'entre eux qui ont été blessés ou tués.

  8   M. Harmon (interprétation) - Pouvez-vous dire aux Juges ce qui

  9   s'est passé au moment où des boucliers humains ont été pris autour du

 10   village de Rastani ?

 11   Témoin VV (interprétation) - En 1993, l'armée de

 12   Bosnie-Herzégovine a pris le village de Rastani, qui se trouve au nord de

 13   Mostar. Dès le lendemain, des unités du HVO ont essayé de reprendre cet

 14   endroit. Au cours de ces combats, les membres du HVO ont eu des pertes,

 15   des blessés et des tués. Cette tentative de reprendre Rastani, s'est

 16   déroulée dans des conditions particulièrement difficiles, de sorte qu'il a

 17   été impossible d'évacuer tous les blessés et tous les morts. Ils ont donc

 18   organisé un groupe de prisonniers dont je faisais partie, et nous ont

 19   emmenés dans la direction des combats. Ils surveillaient nos mouvements à

 20   partir de positions situées dans notre dos.

 21   Au moment où nous nous sommes approchés de la ligne de

 22   confrontation, nous sommes entrés en contact avec deux groupes du HVO qui

 23   ont décidé de diviser notre groupe en deux. Ils nous ont donc déployés par

 24   groupe de quatre sur les lieux et ont constitué un mur humain qui leur

 25   permettait d'avancer derrière nous pour chercher un endroit où s'abriter


Page 9682

  1   en toute sécurité.

  2   Au cours de ces déplacements, eux se cachaient derrière le mur

  3   que nous formions. Néanmoins, dans le groupe dont je faisais partie,

  4   personne n'a été blessé ou tué. Quant au deuxième groupe, quelques

  5   prisonniers ont été déclarés plus tard disparus. Pour certains d'entre

  6   eux, nous ne savons rien de leur destin, même encore à l'heure actuelle,

  7   mais d'autres ont réussi, ce jour-là, à passer du côté de l'armée de

  8   Bosnie-Herzégovine.

  9   M. Harmon (interprétation). - Pour finir, Monsieur VV, vous avez

 10   passé neuf mois en captivité. Combien de kilos avez-vous perdu en raison

 11   de cette captivité ?

 12   Témoin VV (interprétation). - Je pesais environ 90 kilos lors de

 13   mon arrestation et à la fin de ma captivité, je n'en pesais plus que 72.

 14   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

 15   d'autre question à adresser au témoin VV et je demande le versement au

 16   dossier de la pièce à conviction de l'accusation 401.

 17   M. le Président. -  Merci. Témoin VV, vous allez maintenant être

 18   interrogé par les conseils du général Blaskic, l'accusé, ici présent. Il

 19   s'agit de M. Nobilo.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Témoin VV.

 21   Témoin VV (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit avoir été membre de

 23   l'armée de Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous me dire s'il est exact que

 24   votre unité dépendait du HVO, sur cette partie du front nord ?

 25   Témoin VV (interprétation). - Je ne pourrais pas dire avec


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  1   exactitude qu'elle dépendait du HVO. Il est exact que, dans ce secteur,

  2   notre unité a déterminé ses positions après avoir obtenu une autorisation

  3   du HVO. Suite aux pourparlers, une solution de compromis a été élaborée.

  4   M. le Président. - Pour les questions posées, vous écoutez bien

  5   sûr Maître Nobilo, à votre gauche, mais pour y répondre, vous vous tournez

  6   vers les Juges.

  7   Témoin VV (interprétation). - Je vous prie de m'excuser.

  8   M. Nobilo (interprétation). - J'en arrive à ma deuxième

  9   question. La municipalité de Stoljas était-elle contrôlée par les Serbes ?

 10   Témoin VV (interprétation). - Au début de la guerre, c'était le

 11   cas.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Apparemment, une erreur de

 13   traduction a été commise. Je reprends donc ma question. Je vous demandais

 14   si la municipalité de Stoljas était sous le contrôle des Serbes ?

 15   Témoin VV (interprétation). - Au début de la guerre, oui.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré qu'au mois de

 17   mai, des conflits ont commencé entre le HVO et l'armée de Bosnie-

 18   Herzégovine, à Mostar, là même où un ultimatum avait été lancé exigeant la

 19   restitution des armes et où certains combats ont commencé un mois plus

 20   tard, est-ce exact ? Entre le mois de mai et juin, tout était-il

 21   tranquille, à l'endroit où vous vous trouviez ?

 22   Témoin VV (interprétation). - Aucun conflit entre l'armée de

 23   Bosnie-Herzégovine et le HVO n'est apparu.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que des menaces

 25   ont été proférées contre les familles des combattants. Je n'ai pas très


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  1   bien compris de quoi il s'agissait. Pourriez-vous le préciser ?

  2   Témoin VV (interprétation). - Il a été confirmé que ces menaces

  3   n'étaient pas authentiques, mais elles ont eu une affluence sur les

  4   membres de mon unité.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous étiez membre de l'armée

  6   de Bosnie-Herzégovine, vous apparteniez à un groupe chargé des

  7   transmissions, mais à quel niveau, celui de la brigade, du corps d'armée ?

  8   Témoin VV (interprétation). - Mon unité s'appelait une brigade

  9   mais, étant donné le nombre de ses éléments, elle n'avait rien d'une

 10   brigade.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que des civils, y

 12   compris des femmes, ont été transférés à l'Héliodrome. Ces personnes sont-

 13   elles restées à l'Héliodrome ou sont-elles retournées à Mostar ?

 14   Témoin VV (interprétation). - Elles sont restées longtemps à

 15   l'Héliodrome.

 16   M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne les civils

 17   arrêtés, pouvez-vous nous dire si nous sommes en droit de les définir

 18   comme des civils en âge de combattre, en âge de porter les armes ?

 19   Témoin VV (interprétation). - Pas tous.

 20   M. Nobilo (interprétation). - A votre avis, à quel âge un homme

 21   peut-il porter les armes ?

 22   Témoin VV (interprétation). - Certains hommes étaient mineurs et

 23   d'autres, d'après l'estimation que nous pouvions faire de leur âge et de

 24   leur condition physique, auraient en aucun cas pu porter les armes.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous au courant de l'offre


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  1   émanant du HVO, faite aux personnes arrêtées à l'Héliodrome, selon

  2   laquelle les prisonniers auraient pu sortir, à condition de s'éloigner de

  3   la guerre et de la Bosnie-Herzégovine ?

  4   Témoin VV (interprétation). - Je suis au courant.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Cette offre a-t-elle été acceptée

  6   par quiconque ?

  7   Témoin VV (interprétation). - Certains détenus l'ont acceptée.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Pour préciser les choses, votre

  9   brigade faisait bien partie de votre 4e Corps d'armée, n'est-ce pas ?

 10   Témoin VV (interprétation). - Oui.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré être entré en

 12   contact avec des soldats qui affirmaient faire partie des Tigres, mais

 13   vous n'avez pas vu leur insigne. Pouvez-vous nous dire si la conversation

 14   a porté sur le fait qu'ils étaient venus de force ou s'ils étaient venus

 15   en tant que volontaires ? Savez-vous quoi que ce soit sur les conditions

 16   dans lesquelles ils sont arrivés en Bosnie-Herzégovine ?

 17   Témoin VV (interprétation). - Je ne sais pas de quel contact

 18   vous parlez. Les trois derniers mois de mon séjour, lorsque je travaillais

 19   auprès des Tigres, j'ai vu les insignes très clairement.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Je pensais à votre premier

 21   contact, mais cela n'a pas d'importance. Au cours de vos conversations

 22   avec les membres des Eclairs ou des Tigres, ces soldat vous ont-ils fait

 23   savoir, d'une manière ou d'une autre, que ces soldats étaient volontaires

 24   sur le front ?

 25   Témoin VV (interprétation). - Je n'ai pas pu tirer cette


Page 9686

  1   conclusion.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Leur avez-vous posé la question ?

  3   Témoin VV (interprétation). - Un prisonnier n'est pas en mesure

  4   de poser ce genre de question.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez, par la suite, cité un

  6   certain nombre de lieux, dans lesquels vous avez creusé des tranchées.

  7   Vous avez dit avoir vu, dans certains de ces endroits, des membres de

  8   l'armée croate. Pouvez-vous nous dire à quelle distance se trouvaient les

  9   positions serbes, par rapport à ces lieux ?

 10   Témoin VV (interprétation). - Les positions serbes se trouvaient

 11   à 3 ou 4 kilomètres de Hotbina.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Et Blagaj ?

 13   Témoin VV (interprétation). - Hotbina est tout près de Blagaj.

 14   Les Serbes ne pouvaient pas avoir de positions à Blagaj, puisque c'était

 15   sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Quelle était la position la plus

 17   près de Blagaj ?

 18   Témoin VV (interprétation). - Elle se trouvait à quelques

 19   kilomètres.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Avant d'être arrêté lorsque vous

 21   étiez encore avec le HVO, sur les lignes de front contre les Serbes, avez-

 22   vous vu des officiers ou des soldats de l'armée croate ?

 23   Témoin VV (interprétation). - Non.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Combien pesez-vous aujourd'hui ?

 25   Témoin VV (interprétation). - 93 kilos.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions,

  2   Monsieur le Président.

  3   M. le Président. -  Avez vous des précisions, Maître Harmon ?

  4   M. Harmon (interprétation). -  Non, Monsieur le Président.

  5   M. le Président. -  Monsieur le Juge Riad, avez-vous des

  6   questions ?

  7   M. Riad (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  8   Bonjour, Témoin VV

  9   Témoin VV (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

 10   M. Riad (interprétation). - J'aimerais vous poser des questions

 11   pour éclaircir mes idées. Vous avez parlé des Eclairs. S'agit-il d'une

 12   brigade croate ou de Bosnie ?

 13   Témoin VV (interprétation). - C'est une brigade de l'armée

 14   croate.

 15   M. Riad (interprétation). - Elle l'est totalement, n'est-ce

 16   pas ? Vous avez déclaré qu'elle tirait sur les positions de l'armée

 17   bosniaque, mais d'où tirait-elle ? Tirait-elle depuis la Croatie ou depuis

 18   les positions qui se trouvaient en Bosnie ?

 19   Témoin VV (interprétation). - Ces positions se trouvaient sur le

 20   territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 21   M. Riad (interprétation). - Vous avez également mentionné les

 22   Tigres que vous avez vu lorsque vous travailliez dans la cuisine. Où cela

 23   se passait-il, à Mostar ?

 24   Témoin VV (interprétation). - Cela se passait à l'Héliodrome,

 25   dans l'enceinte de la caserne. L'Héliodrome a été transformé en caserne à


Page 9688

  1   Mostar.

  2   M. Riad (interprétation). - C'était donc une caserne du HVO.

  3   Témoin VV (interprétation). - Oui.

  4   M. Riad (interprétation). -  Les tigres étaient-ils bien des

  5   Croates ?

  6   Témoin VV (interprétation). - Oui, c'était une unité de l'armée

  7   de Croatie

  8   M. Riad (interprétation). - Les unités du HVO et celles de

  9   Croatie se trouvaient-elles au même endroit ?

 10   Témoin VV (interprétation). - Oui, dans l'enceinte de cette

 11   grande caserne.

 12   M. Riad (interprétation). - Je vois. Vous avez déclaré également

 13   avoir entendu dire que les Tigres avaient empêché l'armée de Bosnie-

 14   Herzégovine de reprendre la colline de Hum. Où cela se situe-t-il ?

 15   Témoin VV (interprétation). - La colline d'Hum est une colline

 16   aride qui domine la ville et le centre de Mostar.

 17   M. Riad (interprétation). - Lorsque vous parlez des Tigres, vous

 18   parlez bien d'une unité croate ?

 19   Témoin VV (interprétation). - Je pense à une unité de l'armée de

 20   Croatie.

 21   M. Riad (interprétation). - Vous avez déclaré également que les

 22   soldats devaient se cacher derrière les corps des prisonniers pour

 23   atteindre un lieu sûr et que vous avez été utilisé comme bouclier humain.

 24   Ces soldats étaient-ils des soldats croates ou du HVO ?

 25   Témoin VV (interprétation). - C'étaient des soldats du HVO.


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  1   M. Riad (interprétation). - Du HVO ?

  2   Témoin VV (interprétation). - Oui.

  3   M. Riad (interprétation). - Pour finir, vous dites avoir perdu

  4   une vingtaine de kilos. Vous faisiez 90 kilos et, lorsque vous êtes sorti,

  5   vous faisiez 72 kilos. Les conditions de captivité étaient-elles si

  6   mauvaises ? Ne vous alimentait-on pas ? Pourquoi et comment avez-vous

  7   perdu autant de poids ?

  8   Témoin VV (interprétation). - On ne peut pas dire qu'on mourrait

  9   de faim à l'Héliodrome, mais je crois que j'ai perdu tout ce poids à cause

 10   du travail pénible qu'on nous faisait faire sur les lignes de front.

 11   M. Riad (interprétation). - Y avait-il des passages à tabac, des

 12   mauvais traitements ?

 13   Témoin VV (interprétation). - J'ai reçu quelques coups à

 14   plusieurs reprises, mais les autres prisonniers n'ont pas eu la même

 15   chance.

 16   M. Riad (interprétation). - Il y a donc eu pire que cela. Ils

 17   ont reçu davantage de coups. Que leur est-il arrivé ?

 18   Témoin VV (interprétation). - Un ami à moi a été obligé de

 19   garder les mains sur la tête et les yeux ouverts, de rester assis sur le

 20   sol, pendant qu'un groupe de soldats se défoulait en le frappant. Il en

 21   est sorti complètement violet.

 22   M. le Président. - Merci, monsieur le témoin VV. Je n'ai moi-

 23   même pas de questions. Le Tribunal vous remercie de votre témoignage. A

 24   présent, vous pouvez rejoindre votre domicile, s'il vous en reste un.

 25   Monsieur le Procureur va demander maintenant à l'huissier de


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  1   raccompagner le témoin VV.

  2   Vous allez ensuite nous exposer  la suite de votre programme

  3   d'audition.

  4   (Le témoin quitte la salle.)

  5   M. Kehoe (interprétation). - Nous avons encore deux témoins pour

  6   la journée d'aujourd'hui. Je ne pensais pas commencer l'audition du

  7   troisième témoin avant le déjeuner. Nous pouvons le faire car il est là.

  8   M. le Président. -  Je vous félicite pour vos qualités et vos

  9   capacités d'effort de synthèse. Vous êtes synthétique et donc vous voyez

 10   qu'on va beaucoup plus rapidement. Vous ne croyez pas en vous. Cela veut

 11   dire que nous n'avons plus de témoins à l'heure actuelle. Nous allons

 12   suspendre. Ce sera très bien pour les interprètes. Nous terminerons

 13   vendredi en fin de matinée.

 14   Essayez de vous organiser. Je tiens à vous féliciter. Vous avez

 15   pu mener votre interrogatoire comme vous le souhaitiez, en allant à

 16   l'essentiel par rapport au résumé. Je vous demande de continuer dans cette

 17   voie. Je remercie également la défense qui a essayé de concentrer ses

 18   questions par rapport à l'interrogatoire principal. Nous reprendrons à

 19   14 heures 30. L'audience est suspendue.

 20   L’audience est suspendue à 12 heures 25.

 21   L’audience est reprise à 14 heures 30.

 22   M. le Président. - L’audience est reprise. Introduisez l’accusé.

 23   (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

 24   M. le Président. - Maître Kehoe, c’est vous qui poursuivez pour

 25   l’accusation.


Page 9691

  1   M. Kehoe (interprétation). - C’est exact, Monsieur le Président,

  2   merci.

  3   Monsieur le Président, bon après-midi, messieurs les Juges. Le

  4   témoin suivant sera un témoin non protégé. Il ne sera pas protégé du tout.

  5   Il va parler d'une zone située aux environs de Mostar et, si vous me

  6   permettez de me servir du rétroprojecteur un instant, il s'agit de la

  7   pièce à conviction 306, vous verrez que la zone de Mostar est indiquée en

  8   vert et juste à gauche, vous voyez une ville qui s'appelle  Rodoz. Vous

  9   avez entendu cette zone décrite par les termes « Héliodrome », ce matin.

 10   Quand on parlait de l’Héliodrome, c’était situé dans cette région-là.

 11   M. le Président. - Rodoz, se prononce comment pour nous ?

 12   M. Kehoe (interprétation). - Rodoz, Monsieur le Président.

 13   M. le Président. - Merci.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Si nous continuons d'aller vers le

 15   sud-est de Rodoz, il y a une autre ville qui s'appelle Citluk. C’est un

 16   autre lieu dont nous allons parler.

 17   Le témoin que vous allez entendre, Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges, s’appelle Dragan Becirovic. Au moment des événements

 19   dont il vous parlera, il avait à peu près 14 ans, lui et son frère jumeau.

 20   Nous allons, par son truchement, parler d’un certain nombre d’événements

 21   qui ont eu lieu juste avant l’éclatement des hostilités entre le HVO et

 22   l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ont commencé en mai 1993.

 23   On va vous parler de la présence de forces de la République de

 24   Croatie, les troupes connues ici même sous les noms de troupes « HV ». Il

 25   vous dirait qu'il avait vu des soldats HV,


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  1   dans des cafés, à l’Héliodrome. Qu’il avait vu des plaques

  2   d'immatriculation HV sur des voitures et des camions circulant dans la

  3   zone de Mostar. Il vous parlera ensuite d'événements survenus après

  4   l'éclatement des hostilités, le 9 mai 1993, l'arrestation de plusieurs

  5   milliers de Musulmans de Bosnie. On a même dit que huit ou neuf mille

  6   d’entre eux avaient été arrêtés dans la zone de l’Héliodrome où la plupart

  7   d’entre eux avaient été détenus près de Mostar.

  8   Il vous parlera aussi du blocus de la région de Mostar entre le

  9   9 mai 1993 et le 30 juin 1993. Ensuite, il vous parlera de ce qui est

 10   intervenu après le 30 juin 1993, lorsque la purification ethnique

 11   affectant les Musulmans de Bosnie à l’ouest de Mostar a commencé de

 12   manière systématique.

 13   Il vous parlera, notamment, de la manière dont le HVO, au départ

 14   les unités de police militaire essentiellement, ont rassemblé tous les

 15   hommes en faisant du porte à porte, en allant les chercher dans leurs

 16   appartements et maisons de la région de Mostar.

 17   Au cours d’un de ces événements, le 30 mai, vers 17 heures, le

 18   père de ce témoin allait être pris par ces troupes. Ce soir-là d’ailleurs,

 19   vers 10 heures du soir -il est assez ironique d’ailleurs de noter que cela

 20   fait cinq ans, jour pour jour, que les faits sont intervenus-, la police

 21   militaire HV et non pas HVO, la police militaire de la République de

 22   Croatie est venue à l’appartement et a pris son frère aîné, sa mère.

 23   Dragan et son frère jumeau, Goran, ont été placés dans un véhicule et

 24   menés dans un dépôt d’ordures dans la zone de Citluk. C’est alors qu’on a

 25   commencé à exécuter les victimes à bout portant. Peut-être non pas


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  1   vraiment à bout portant, mais à quelques mètres à peine.

  2   La mère a été exécutée par ces troupes HV, le frère a été

  3   exécuté par ces mêmes troupes HV et le frère, Goran, avait été grièvement

  4   blessé. Dragan, tout en étant blessé, avait réussi à se sortir de la

  5   décharge d’ordures et à aller chercher de l’aide, ce qu’il réussit à

  6   faire. Il vous expliquera comment il a fait pour obtenir de l’aide et

  7   comment on a sauvé la vie de son frère en l’amenant dans un hôpital à

  8   Mostar.

  9   Le témoin vous parlera également des visites qu’ont continué de

 10   lui faire les troupes HV, une fois qu’elles ont appris que les deux

 11   jumeaux, Goran et Dragan, n’avaient pas péri la nuit du 30 juin. Il est

 12   assez intéressant d'ailleurs de voir qu'il y a eu une visite d'un colonel

 13   des services secrets de l'armée de Croatie qui est venu à l’hôpital pour

 14   poser des questions à ces deux garçons.

 15   Outre ces questions-là, nous parlerons aussi avec le témoin des

 16   prisonniers qui étaient amenés à l’hôpital au cours de la période où

 17   Dragan Becirovic  a séjourné à l’hôpital.

 18   Le témoin de ce matin avait parlé d’une rue de Mostar qui porte

 19   le nom de « Santiceva ». C’est là que beaucoup de Musulmans étaient

 20   arrêtés et fusillés. Les deux garçons étaient à l’hôpital, se remettant

 21   des blessures qu’ils avaient reçues, lorsque certains de ces Musulmans de

 22   Bosnie, qui avaient été pris dans les camps et à qui on avait demandé de

 23   creuser des tranchées dans la rue Santiceva, sont entrés à l’hôpital, eux-

 24   mêmes blessés.

 25   Le témoin vous parlera de discussions qu’il a eues avec certains


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  1   de ces individus, dont certains étaient arrivés de Blagaj et donc ne

  2   venaient pas simplement de la région de Mostar.

  3   Il vous parlera aussi des Tigres, cette unité HV dont on a parlé

  4   ce matin, et de la participation des Tigres à la reprise de ce point du

  5   relief qui porte le nom « Mont Hum » dont vous avez entendu parler ce

  6   matin et qui avait été attaqué par l’armée de la Bosnie-Herzégovine.

  7   Les Tigres ont participé à la reprise de Hum.

  8   Enfin, le témoin vous parlera du départ de Mostar, de la manière

  9   dont il s’est échappé de Mostar, en passant par Zagreb, avec l’aide du

 10   HCR, et de son départ, à terme, pour un pays tiers. Les éléments auxquels

 11   fera référence ce témoin feront référence à divers points de l'acte

 12   d'accusation. On parlera du chef d'accusation 1 qui parle de « la

 13   persécution généralisée de la population musulmane de Bosnie ». Il parlera

 14   de l’aspect systématique et généralisé de la

 15   persécution subie par la population musulmane.

 16   Comme mon collègue, M. Harmon, l’a dit ce matin, le chef

 17   d'accusation 2 parle de « conflit armé international » et la participation

 18   des troupes HV de la République de Croatie contribue à affirmer le

 19   caractère international du conflit dont il s’est agit.

 20   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voici pour le

 21   résumé succinct du témoignage que vous allez entendre et la mention des

 22   chefs d’accusation dont il sera question et auquel il sera fait référence.

 23   M. le Président. -  Je vous remercie, Maître Kehoe. Je vérifiais

 24   le problème du serment. Ce témoin est majeur à l'heure actuelle, n'est-ce

 25   pas Monsieur le Greffier ?


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Oui, il avait 14 ans au moment des

  2   faits, il y a cinq ans. Il est donc majeur aujourd'hui, à supposer que la

  3   majorité soit à 18 ans.

  4   M. le Président. - Quel est le texte ? C'est la disposition

  5   générale.

  6   M. Dubuisson. - En ce qui concerne l'âge des témoins, je ne

  7   pense pas qu'il soit précisé.

  8   M. le Président. - Il s'agit de l'article 90. Cet article

  9   prévoit que l'enfant qui ne comprend pas, peut témoigner sans cette

 10   formalité mais nous n'avons pas de disposition. Maître Nobilo, dans l'ex-

 11   Yougoslavie, quel est l'âge de la majorité ?

 12   M. Nobilo (interprétation). - 18 ans, Monsieur le Président.

 13   M. le Président. - Quel âge a ce garçon, aujourd'hui ?

 14   M. Kehoe (interprétation). - Je crois, Monsieur le Président,

 15   que le témoin est âgé de 19 ou près de 20 ans. Il a en tous cas plus de

 16   18 ans.

 17   M. le Président. - Il prêtera serment dans des conditions tout à

 18   fait normales. Nous pouvons introduire M. Becirovic. Nous sommes en

 19   audience publique.

 20   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

 21   M. le Président. - Bonjour. Etes-vous Monsieur Dragan

 22   Becirovic ?

 23   M.  Becirovic (interprétation) - Oui, Monsieur le Président.

 24   M. le Président. - Quel âge avez-vous ? Quelle est votre

 25   profession ?


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  1   M.  Becirovic (interprétation) - J'ai 20 ans et je suis

  2   étudiant.

  3   M. le Président. - Avant de vous asseoir, vous allez lire la

  4   déclaration solennelle qui est le serment que vous devez prêter devant ce

  5   Tribunal.

  6   M.  Becirovic (interprétation) - Je déclare solennellement que

  7   je dirai la vérité, toute la vérité rien que la vérité.

  8   M. le Président. - Vous êtes venu à la demande du Bureau du

  9   Procureur pour témoigner, pour l'accusation, dans le cadre du procès

 10   intenté devant le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie

 11   contre le général Blaskic, l'accusé ici présent.

 12   Parlez sans haine et sans crainte. Détendez-vous. Les événements

 13   dont vous avez souffert, sont difficiles. Si vous avez besoin de vous

 14   interrompre, n'hésitez pas à le demandez. Faites votre déposition

 15   librement. Le Procureur nous a expliqué quelle est la trame générale de

 16   ces événements. Sentez-vous très libre pour parler avec vos mots, votre

 17   sensibilité de ce qui s'est passé. Le Procureur va vous poser quelques

 18   questions. Ensuite, vous témoignerez. Après le Procureur, bien entendu,

 19   vous le savez, les avocats de l'accusé vous poseront vraisemblablement des

 20   questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Les Juges également

 21   seront certainement amenés à vous poser des questions. Monsieur le

 22   Procureur, c'est à vous.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie,

 24   Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur Becirovic.

 25   Vous venez de dire à Monsieur le Président, que vous étiez âgé


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  1   de 20 ans, est-ce exact ?

  2   M.  Becirovic (interprétation) - Oui.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Etes-vous un Musulman de Bosnie ?

  4   M.  Becirovic (interprétation) - Oui, c'est bien cela.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Avant que la guerre n'éclate en

  6   mai 1993, vous habitiez à Mostar avec votre mère, votre père, votre frère

  7   aîné et votre frère jumeau Goran, n'est-ce pas ?

  8   M.  Becirovic (interprétation) - Oui.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges en

 10   utilisant vos propres mots ce qui vous est arrivé juste avant que

 11   n'éclatent les hostilités à Mostar., ainsi que du 9 mai au 30 juin, date à

 12   laquelle les hostilités ont éclaté. Puis ce qui s'est passé le 30 juin,

 13   jusqu'au moment où vous avez quitté la ville de Mostar ? Pouvez-vous

 14   regarder les Juges et leur raconter cela ?

 15   M.  Becirovic (interprétation) - Le 9 mai, une attaque de la

 16   part des unités croates contre les unités de l'armée de Bosnie a eu lieu

 17   le matin. A l'époque, j'étais avec ma famille dans notre appartement.

 18   L'attaque a débuté vers 5 heures du matin. Vers 9 heures, la population

 19   musulmane, les Bosniaques, ont commencé d'être extirpés de leurs

 20   appartements et regroupés au stade. Du stade, on les a emmenés vers le

 21   camp de l'Héliodrome. Notre immeuble était protégé par un individu dont

 22   j'ignore le nom. Le résultat est que personne n'a été pris dans notre

 23   immeuble. En revanche, d'autres immeubles de Mostar ont ainsi été visités

 24   et plus de 8 000 personnes ont été regroupées.

 25   Par la suite, les unités de Croatie se sont rendu compte que


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  1   même les malades avaient été ainsi rassemblés. Au cours des deux ou trois

  2   jours suivants, on a commencé à relâcher les personnes pour lesquelles

  3   aucune preuve de leur appartenance à l'armée BH ou de leur résistance aux

  4   forces croates n'était fondée.

  5   M. Riad (interprétation). – Je voudrais sa      voir de la bouche du

  6   témoin, s’il

  7   s'agissait d'unité HVO ou de forces croates.

  8   M. Kehoe (interprétation). - J'allais poser la même question.

  9   Avez-vous compris ce que le Juge Riad vient de vous demander ? Nous

 10   voudrions que vous fassiez, dans la mesure du possible, la distinction

 11   entre troupes HVO et troupes HV ?

 12   M. Becirovic (interprétation). – L'attaque était le fait des HVO

 13   qui venaient du côté occidental de la rivière. Et elles attaquaient les

 14   armées de Bosnie-Herzégovine qui étaient dans le centre-ville. Lorsque le

 15   commandement de l’armée de Bosnie-Herzégovine est tombé, l'attaque a fini

 16   par concerner toute la ville de Mostar, de telle sorte qu'on a vu

 17   apparaître des lignes de front et on a commencé à assister à des tirs de

 18   snipers. Nombreux étaient ceux qui ignoraient qu'on en était arrivé à ce

 19   stade-là. La plupart d'entre eux ont, bien entendu, été tués par des

 20   snipers. La plupart d’entre eux étaient des Croates qui n'avaient pas

 21   conscience de ce qui se passait. C’était une situation totalement absurde.

 22   Donc, l'attaque était menée par les troupes HVO. Dans les

 23   quelques jours qui ont suivi, ils se sont rendus compte qu'ils ne

 24   pouvaient pas prendre Mostar sans encourir des pertes très importantes.

 25   Ils leur fallait des renforts et c’est à ce moment-là qu’ils ont adopté


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  1   une nouvelle tactique. La partie orientale de Mostar, contrôlée par

  2   l’armée de Bosnie-Herzégovine était bloquée. C'était une forme de

  3   pression. On voulait exercer des pressions pour que cette armée se rende

  4   sans qu’il y ait forcément des combats. Par la suite, ils ont ramassé la

  5   population musulmane de la partie occidentale de la ville qu’ils

  6   contrôlaient. Ces personnes ont été regroupées dans des camps puis triés

  7   en catégories, en fonction de critères adoptés par ces troupes

  8   elles-mêmes. Certaines de ces personnes étaient alors envoyées en prison.

  9   Il s'agissait essentiellement de membres de l'armée de

 10   Bosnie-Herzégovine, dans des prisons militaires, le reste de la population

 11   civile a été placé dans des hangars sur les terrains de l’Héliodrome.

 12   Comme je l’ai dis, au cours des jours qui ont suivi, certaines personnes

 13   ont été relâchées, des personnes qui étaient malades qui avaient besoin de

 14   traitements médicaux. Ces

 15   personnes ont été relâchées, on les a laissées rentrer chez elles, rentrer

 16   en ville. Par la suite, sous la pression de la communauté internationale,

 17   et d'autres événements, peu à peu, le reste de la population a également

 18   été relâché.

 19   Je ne peux pas vous dire exactement quels étaient les chiffres

 20   exacts. Mais à peu près 7 000 personnes sur 8 000 ont été relâchées.

 21   Pendant cette période, ma famille ne savait plus très bien comment s’y

 22   retrouver. Tout à coup, nous devions cacher le fait que nous étions

 23   musulmans parce que nous risquions gros à ce que cela se sache. C'était un

 24   peu une situation semblable à celle des juifs sous le troisième Reich.

 25   Nous avons continué, mon jumeau et moi-même, à aller à l'école. Nous


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  1   devions parler croate, il y a des différences entre le Croate et la langue

  2   que je parle en tant que langue maternelle - de manière à ne pas être

  3   repérés. Et cette situation s'est poursuivie jusqu'au 30 juin. C'est à ce

  4   moment-là, que des membres de la police militaire sont venus…

  5   M. Kehoe (interprétation). - Avant que vous ne commenciez à nous

  6   parler du 30 juin. Vous aviez dit que vous deviez cacher le fait que vous

  7   étiez musulmans. Pouvez-vous dire aux Juges pourquoi vous deviez cacher le

  8   fait que vous étiez musulmans ?

  9   M. Becirovic (interprétation). – Oui. Nous devions cacher ce

 10   fait, parce que, montrer que nous étions musulmans avait pour conséquence

 11   de se faire tuer d'un instant à l'autre par des personnes qui

 12   bénéficiaient d'une impunité considérable et qui n’allaient être tenues de

 13   faire de rapport à personne. A l'époque, rien ne marchait plus. La police

 14   ne marchait plus. Ces personnes pouvaient faire tout ce qu'elles

 15   voulaient. Il y avait des apparences de fonctionnement de la police, mais

 16   ce n’était pas un véritable fonctionnement de la police. Je vais vous

 17   donner un exemple : à un moment donné, ils sont venus pour prendre notre

 18   automobile, ils ont dit qu’ils avaient besoin de notre voiture. Et lorsque

 19   la police est venue pour nous enlever notre bien, elle n'a en fait rien

 20   fait, c'est là une preuve de dysfonctionnement de la police. Par la suite,

 21   cette situation avec les musulmans est devenue absolument intenable. On ne

 22   pouvait plus vivre

 23   comme ça. On ne peut pas, sans arrêt, vivre cacher. C'est vraiment tout à

 24   fait comparable avec ce qu’ont vécu les juifs. Je ne peux même pas vous

 25   décrire cette situation. Il n'y a pas eu de mauvais traitements infligés


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  1   mais il fallait se cacher. Par la suite, vers le milieu de cette période,

  2   qui a donc couru du 9 mai jusqu'au 30 juin, deux officiers de la police

  3   militaire sont venus voir quelqu'un, dont ils avaient compris qu'il était

  4   membre de la police militaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  5   Ils ont appris de cette personne que mon frère aîné, qui était

  6   un membre de la MUP de Bosnie-Herzégovine, qui donc dépendait du ministère

  7   de l'Intérieur, travaillait au vieux pont. Mon frère aîné travaillait là

  8   en tant qu’interprète. Il pilotait les journalistes en ville. Il leur

  9   expliquait comment avait été la ville. Il avait eu ce travail grâce à ma

 10   mère.

 11   M. le Président. - Votre frère jumeau ou votre frère aîné ? La

 12   traduction a dit « mon frère aîné ».

 13   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est bien cela, je

 14   parlais de mon frère aîné. Mon frère jumeau avait 14 ans à l’époque.

 15   M. le Président. - Vous aviez donc un autre frère encore, c’est

 16   cela ?

 17   M. Becirovic (interprétation). - Oui.

 18   M. le Président. - Je vous remercie. Excusez-moi.

 19   M. Becirovic (interprétation). - Mon frère avait dû rejoindre

 20   l'armée parce que les personnes qui n'étaient pas mobilisées étaient

 21   envoyées directement au front. Comme ma mère travaillait au ministère de

 22   l'Intérieur, elle avait réussi à lui trouver un emploi ailleurs qu'au

 23   front, dans un bureau, pour éviter qu'il ne se fasse tuer. C'était

 24   beaucoup plus difficile d'être au front. C'est ainsi que mon frère a

 25   trouvé ce travail d'interprète au service du ministère de l'Intérieur. Il


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  1   travaillait au point de contrôle, au barrage qui était situé au vieux

  2   pont.

  3   Je reviens à mon histoire. Cette personne qui a dit que mon

  4   frère travaillait pour le ministère de l'Intérieur, a été arrêtée avec mon

  5   frère. Je ne sais pas quelle était la date exacte,

  6   mais c’était vers le milieu de cette période qui coure du 9 mai au

  7   30 juin.

  8   Ce même jour où a été arrêté mon frère, il a été mené au siège

  9   de la police militaire de Mostar, c’était à l’université. Il a été détenu

 10   en ce lieu et comme mon père connaissait, à titre personnel, un certain

 11   nombre de personnes, c’étaient des amis de la famille qui travaillaient en

 12   ces lieux, qui étaient membres de la police militaire du Conseil de la

 13   Défense de Croatie, il est intervenu. Mon frère n’étant qu’interprète, ce

 14   n’était pas une personne importante pour la police militaire du HVO, il a

 15   été relâché et on lui a donné le droit de rentrer à la maison.

 16   Nous en arrivons maintenant à la date du 30 juin. Le 30 juin a

 17   commencé l’attaque de l’armée de Bosnie-Herzégovine. Ils ont attaqué les

 18   positions du HVO dans la partie nord de Mostar, le camp nord afin de lever

 19   le siège et de permettre à nouveau les communications avec Sarajevo. Les

 20   personnes qui vivaient dans la partie orientale de Mostar étaient en train

 21   de mourir de faim.

 22   M. Kehoe (interprétation). - J’aimerais éclaircir un point. La

 23   partie orientale de Mostar, à l’époque, était une zone essentiellement

 24   musulmane de la ville de Mostar ?

 25   M. Becirovic (interprétation). - Non, ce n'est pas exact. Toute


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  1   la ville de Mostar était caractérisée par une population musulmane

  2   bosniaque, de l'ordre de 70 %. Ce sont les zones avoisinantes qui étaient

  3   tenues par les Croates. Les villages des environs étaient des villages où

  4   le pourcentage de Musulmans et de non Musulmans était à peu près

  5   équivalent.

  6   Dans le centre de la ville, c’étaient essentiellement des

  7   Musulmans. Je prendrai mon immeuble comme exemple. Dans cet immeuble

  8   vivaient douze familles, dont deux étaient des familles croates, quatre

  9   étaient serbes, les autres étaient toutes des familles musulmanes. Donc la

 10   ville de Mostar, le centre ville de Mostar était un endroit à majorité

 11   musulmane.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous passer maintenant aux

 13   événements du 30 juin 1993, s’il vous plaît ?

 14   M. Becirovic (interprétation). - Le 30 juin, l’armée a lancé une

 15   attaque et,

 16   subséquemment, lorsque certaines unités du Conseil de défense croate sont

 17   passées de l'autre côté, du côté tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine,

 18   le premier bataillon, c’était plutôt une brigade, responsable de la partie

 19   nord de Mostar, où il y avait une population à 70 % musulmane, un peu plus

 20   ou un peu moins, a trouvé une population qui a volontairement traversé

 21   pour rejoindre le côté armée bosniaque et ensuite, il y a eu la libération

 22   de Bijelo Polje. Cela, c’est au nord de Mostar, côté droit, dans la zone

 23   de Rastani. Tout ceci a pris deux ou trois heures.

 24   Ensuite, les forces croates ont stabilisé l’opposition et ont

 25   commencé vraiment à définir des lignes de front. Lorsque ces lignes de


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  1   front ont été elles-mêmes stabilisées, on a une fois de plus fait des

  2   rafles, des rassemblements de personnes. Mais cette fois-ci, le processus

  3   s’est avéré plus sélectif. Il n’intéressait que la population musulmane.

  4   Les personnes de plus de 16 ans et de moins de 68 ans étaient ainsi

  5   enlevées et cela même si les personnes en question appartenaient au

  6   conseil de défense de la Croatie, ou à quelqu’autre organisme avec des

  7   affiliations de ce type.

  8   Le 30 juin, notre immeuble n’a plus fait exception. On a

  9   commencé de rassembler des gens qui habitaient dans notre immeuble. Nous

 10   n’avons plus été épargnés. Comme nous savions que mon frère aîné avait

 11   déjà été arrêté une fois par la police militaire du Conseil de défense de

 12   la Croatie. Mon père et ma mère l'ont caché, ce frère aîné, sur notre

 13   balcon, dans une espèce de remise, de placard, sur le balcon. Nous

 14   voulions lui éviter une nouvelle arrestation. S’il avait été arrêté à

 15   nouveau, il risquait fort de ne plus nous être rendu.

 16   Ainsi, nous deux -je dis « nous deux » car il s'agissait de mon

 17   jumeau et de moi-même- ayant 14 ans, n’avons pas été emportés. Nous avions

 18   nos certificats de naissance avec nous, nous les avons montrés aux membres

 19   de la police militaire qui sont venus à notre porte. C’est seulement notre

 20   père qui est ainsi parti. Non pas mon père, mais les autres personnes, ont

 21   été accablées d’injures ou brutalisées. Certaines personnes se sont vues

 22   découper les oreilles.

 23   J’ai vu cela du balcon de la fenêtre. On leur a coupé les oreilles.

 24   Il y avait des gens groupés au pied des immeubles. A ce moment-

 25   là, des cars sont arrivés et les personnes y sont montées et ont été


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  1   emmenées jusqu'à la zone de l'Héliodrome. Comme je le disais à l'instant,

  2   mon père a ainsi été emmené, et nous quatre, ma mère, mon frère jumeau,

  3   mon frère aîné et moi-même sommes restés dans notre appartement. C'était

  4   ce même jour, le 30 juin. La rafle s'était produite entre 15 et 17 heures

  5   dans notre quartier. Dans d'autres quartiers, le processus a duré jusque

  6   vers minuit. Comme il s'agissait de près de 8 000 personnes, c'est

  7   beaucoup de personnes pour un même jour.

  8   Le même jour, vers 22 heures, nous quatre, qui étions dans une

  9   pièce, avons entendu du bruit qui provenait de devant l'immeuble. Nous

 10   avons regardé par la fenêtre et nous avons vu quatre soldats dont nous ne

 11   distinguions pas les insignes, étant donné que nous étions au sixième

 12   étage, donc trop loin pour voir leurs insignes. On a frappé à la porte de

 13   l'immeuble voisin, le 35. Le nôtre était le n° 35-a. Ils ont dû faire

 14   erreur pensant que c'était l'immeuble qu'ils cherchaient. Ils n'ont pas vu

 15   le "a" ajouté au n° 35. Ils ont continué de frapper. La porte a été

 16   ouverte. Quelqu'un ensuite a ouvert, je ne sais pas qui, la porte de notre

 17   immeuble et les a fait entrer.

 18   Après quoi, ils sont entrés et sont directement montés au

 19   sixième étage où nous habitions. Cela veut dire qu'ils avaient une adresse

 20   en main. Ils ont tout de suite cherché le sixième étage, sans chercher

 21   ailleurs. Ils savaient d'avance l'étage où nous vivions. Notre mère nous a

 22   dit de nous coucher dans le lit et de faire semblant de dormir. Elle a

 23   ouvert la porte de notre appartement. Ces quatre hommes ont fait irruption

 24   pendant que nous nous trouvions dans la chambre. Quand ils y sont entrés,

 25   ils ne nous ont pas permis d'allumer. Ils étaient munis de leur propre


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  1   lampe de poche.

  2   C'est ce qui leur permettait d'avancer. Quand ils sont entrés

  3   dans notre chambre avec leur fusil, prêts à tirer, ils nous ont dit de

  4   nous lever. Nous avons demandé si nous

  5   pouvions allumer, et ils nous ont permis de le faire. C'étaient quatre

  6   jeunes gens âgés entre 20 et 25 ans avec les cheveux coupés en brosse. Ils

  7   avaient des insignes de la police militaire non pas HVO, mais police

  8   militaire HV. Ils avaient des brassards blancs. Cela indique qu'ils

  9   appartenaient à la police militaire HV.

 10   Quand ils nous ont dit de nous habiller, j'ai reconnu l'accent

 11   de Split qui se distingue beaucoup de la prononciation bosniaque ou des

 12   autres accents. C'est ainsi que j'ai pu comprendre qu'ils n'étaient pas

 13   originaires de Mostar. Quand je dis l'accent de Split, je parle de

 14   l'accent dalmate. Cela pouvait être Split ou une autre ville de Dalmatie.

 15   Bref, ils nous ont dit de nous habiller, étant donné que soi-

 16   disant on dormait, et de nous chausser. Après quoi, il a fallu chercher, à

 17   leur place, minutieusement dans l'appartement, s'il n'y avait pas une

 18   bombe. Ils avaient peur de l'explosion d'une bombe.

 19   Il nous a fallu perquisitionner en quelque sorte et tout sortir

 20   des placards. Ensuite, ils ont aussi cherché de l'argent, des

 21   deutsche marks. Ils nous ont demandé où étaient nos deutsche marks. Etant

 22   donné que nous n'en avions pas, nous avons répondu que nous n'avions pas

 23   de deutsche mark. Après quoi, ils nous ont dit de nous chausser. Ils nous

 24   ont ordonné de sortir. Ma mère a demandé à l'un de ces soldats si je

 25   pouvais emporter avec moi mes médicaments, ceux que je prenais à l'époque.


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  1   Ma mère se disait qu'on allait subir un interrogatoire. Après

  2   nous être habillés, nous sommes sortis de l'immeuble et nous sommes

  3   arrivés à une voiture avec une plaque d'immatriculation jaune. Ce sont les

  4   plaques d'immatriculation HV croate parce que les plaques HVO sont

  5   blanches. Les HV étaient des insignes de la police militaire de l'armée

  6   croate, VPHV. On pouvait le lire sur des vignettes collées sur ces

  7   véhicules.

  8   Lorsque nous sommes montés à bord du véhicule, l'un de ces

  9   quatre soldats est resté avec nous, tandis que les trois autres

 10   repartaient vers l'immeuble. Je ne sais pas si c'était exprès. De toute

 11   façon, au bout de vingt minutes, ils sont revenus. Une fois de retour, ils

 12   ont demandé à

 13   celui qui était resté avec nous : “ où les emmène-t-on, localité nord ou

 14   localité sud ? Plus tard, j'ai compris que la localité nord, pour eux,

 15   était les mines de charbon, là où on tuait les gens, la localité sud où,

 16   effectivement, nous nous sommes rendus.

 17   Eux se sont décidés pour la localité sud. Une fois tout le monde

 18   dans la voiture, ils ont voulu aller à la faculté où était le siège de

 19   leur police militaire HV.

 20   Comme ils ignoraient le chemin pour aller jusqu'au siège de la

 21   police militaire, ils nous ont demandé de leur indiquer l'itinéraire.

 22   C'est nous qui leur avons expliqué l'itinéraire à prendre. Une

 23   fois devant la police militaire du HVO, l'un d'entre eux a quitté le

 24   véhicule, ne voulant pas assister à cet acte-là. Il s'est dirigé vers

 25   l'immeuble de la faculté où était le siège de la police HVO.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Encore quelques questions avant que

  2   vous continuiez.

  3   Vous avez dit que les plaques d'immatriculation que vous avez

  4   vues sur le véhicule, étaient des plaques d'immatriculation de couleur

  5   jaune, donc la police militaire du HV. Est-ce exact ?

  6   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact parce que par

  7   où nous sommes montés, nous avons pu le voir. Nous étions en mesure de le

  8   voir, c'était très visible.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Dragan, aviez-vous vu ces plaques

 10   d'immatriculation jaune de la police du HV à Mostar, avant le

 11   30 juin 1993 ?

 12   M. Becirovic (interprétation). - Oui, j'avais vu différents

 13   véhicules ainsi immatriculés dans la partie ouest de Mostar, parce que les

 14   Musulmans avaient la permission de se déplacer par là. Néanmoins, nous

 15   n'avions pas la permission de sortir de la ville. D'ailleurs, j'ai vu

 16   aussi les membres de l'armée croate qui étaient en vacances, en repos. Je

 17   les voyais dans les cafés que je connais. Ils étaient en permission. Ils

 18   étaient dans les cafés.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Pendant cette période, avez-vous vu

 20   des militaires HV à Mostar, de même que des véhicules immatriculés HV ?

 21   M. Becirovic (interprétation). - Oui. Ils ne s'en cachaient pas

 22   d'ailleurs. Tout le monde le savait. Ce n'était pas un secret à l'époque.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Dragan, le 30 juin, vous avez dit

 24   aux Juges qu'entre 15 et 17 heures, dans la zone où vous vous trouviez,

 25   les Musulmans ont été arrêtés, y compris votre père. Est-ce exact ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact. Mon frère

  2   n'est pas resté pour des raisons que j'ai déjà mentionnées, à savoir qu'il

  3   était caché par notre père et notre mère.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Les arrestations de l'après-midi du

  5   30 juin, étaient-elles effectuées par des soldats du HVO ?

  6   M. Becirovic (interprétation). - C'étaient des soldats de la

  7   police militaire HVO. Ils avaient des armes lourdes et rentraient dans

  8   l'immeuble. Après, derrière eux, entraient des forces de policiers normaux

  9   de Herceg-Bosna. Ce faisant, ils voulaient éviter le conflit et la

 10   résistance à leur égard. Je répète donc : les unités lourdement armées et

 11   ensuite la police.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Dragan, vous avez dit que la police

 13   militaire HV a pris part à l'arrestation de votre père. Avez-vous dit HV

 14   ou HVO ?

 15   M. Becirovic (interprétation). - Pouvez-vous répéter la

 16   question, s'il vous plaît ?

 17   M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais éclaircir une réponse

 18   que vous avez donnée. Lorsque votre père a été arrêté dans l'après-midi du

 19   30 juin, est-ce la police militaire du HVO qui l'a arrêté ?

 20   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est la police militaire

 21   HVO qui l'a arrêté.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Quand vous et les autres membres de

 23   votre famille avez été arrêtés ce soir-là, était-ce la police militaire du

 24   HV ou du HVO ?

 25   M. Becirovic (interprétation). - C'était la police militaire HV


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  1   de l'armée croate à l'accent dalmate dans leur façon de parler. C'est à

  2   mon avis une preuve supplémentaire que leur lieu d'origine était la

  3   Croatie et non pas la Bosnie-Herzégovine.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Une dernière question à ce sujet

  5   avant de reprendre votre récit. Au moment où votre père et les autres

  6   personnes étaient arrêtés et lorsqu'ils sont montés dans les autres

  7   véhicules, les gens arrêtés dans les autocars étaient-ils tous des

  8   Musulmans ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - Ils étaient tous Musulmans, ils

 10   avaient entre 16 et 68 ans.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Continuons avec votre récit. Je

 12   vous ai interrompu au moment où le véhicule HV, avec ces quatre hommes,

 13   arrivaient à la station de police à l'université de Mostar.

 14   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact. C'était pour

 15   qu'un des soldats puisse sortir de ce véhicule. Nous avons continué à

 16   rouler jusqu'aux endroits hors de la ville de Mostar. Il y avait trois

 17   points de contrôle, je ne sais pas exactement leur nombre, mais nous

 18   n'avons pas été arrêtés par les soldats qui assuraient la garde à ces

 19   points de contrôle. La voiture simplement ralentissait. Les occupants de

 20   la voiture saluaient les soldats qui étaient de garde. Ils devaient se

 21   connaître de toute évidence. Ils ne leur montraient pas leur pièce

 22   d'identité. Ils continuaient à rouler ainsi. Lorsque nous avons commencé à

 23   sortir de la ville de Mostar, nous nous sommes dirigés vers Citluk, vers

 24   Prkanovo Brdo, ou plutôt au-delà de Prkanovo Brdo.

 25   Nous sommes arrivés à un tournant qui est à mi-chemin environ


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  1   entre Mostar et Citluk. Là, nous sommes arrivés sur une route en macadam.

  2   Jusque là, nous n'étions pas bouleversés, inquiets. Nous ne savions pas de

  3   quoi il s'agissait. Nous pensions qu'ils nous emmenaient pour un

  4   interrogatoire. Nous savions n'avoir rien fait contre les unités croates.

  5   Il n'y avait aucune raison qu'ils nous fassent quelque chose.

  6   C'est à partir de ce tournant que nous avons su ce qui nous

  7   attendait. Il faisait noir, il était à peu près 22 heures. Il n'y avait

  8   aucune installation à l'horizon, même sur un kilomètre près. On se doutait

  9   de ce qui nous attendait. La panique nous a pris. On leur a demandé où ils

 10   nous emmenaient, ce genre de question. Cette route en macadam menait à un

 11   dépôt d'ordures, une espèce de précipice, une fosse. A dix mètres de cette

 12   décharge, nous nous sommes arrêtés. On nous a ordonné de descendre du

 13   véhicule et d'aller à pied vers cette décharge d'ordures.

 14   La panique, à ce moment-là, nous a prise. Dès que vous voyez

 15   qu'il fait noir, vous vous doutez de ce qu'il va se passer. Mon frère

 16   jumeau a demandé à l'un d'entre eux : “ Pourquoi vous nous faites cela ? ”

 17   Il lui a dit : Je suis allé en classe hier et maintenant, vous

 18   voulez m'assassiner. Que faites-vous ? Le soldat lui a brutalement

 19   répondu : “ Nous vous faisons cela à cause de la Bosnie centrale ”. En

 20   effet, dans les médias croates à l'époque, la Bosnie centrale était

 21   d'actualité. La propagande disait qu'en Bosnie centrale, les Croates

 22   étaient égorgés, ce qui était loin d'être vrai.

 23   Lorsque nous sommes arrivés à cette décharge, ils nous ont

 24   ordonné de nous asseoir, plutôt de nous agenouiller, de prendre cette

 25   position des gens qui vont être fusillés. Ils se sont éloignés de nous, à


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  1   deux ou trois mètres. Ils discutaient et cela a duré à peu près cinq

  2   secondes.

  3   Après quoi, l'un d'entre eux a préparé son fusil automatique et

  4   a tiré deux rafales sur nous quatre, avec l'intention de nous tuer tous

  5   les quatre. Mon frère aîné et ma mère, quand ils les ont vu se préparer à

  6   faire feu, se sont tournés vers eux et ont reçu toutes ces balles. En

  7   quelque sorte, avec leurs corps, ils nous ont sauvé la vie. Le reste de

  8   ces balles nous a frappé. Nous sommes tombés dans le précipice de cette

  9   décharge. Ma mère et mon frère aîné sont restés en haut du précipice.

 10   C'est pourquoi ils ne sont pas tombés dans le précipice. Je ne peux pas me

 11   l'expliquer, j'ai perdu conscience pendant cinq secondes, mais dès que

 12   j'ai repris conscience, je me demandais où était mon frère jumeau, et il a

 13   eu le même geste pour moi. J'avais le sentiment que mon frère jumeau était

 14   vivant. Ainsi, nous nous sommes appelés l'un l'autre. Après quoi, nous

 15   avons commencé à grimper vers le haut du précipice.

 16   Il fallait grimper une dizaine de mètres. Le temps de reprendre

 17   conscience, les soldats qui avaient perpétré ce crime avaient déjà quitté

 18   les lieux du crime, nous croyant morts. Personne ne pouvait se douter que

 19   nous étions vivants.

 20   Nous avons donc grimpé. Nous avons, en quelque sorte, foulé les

 21   cadavres de mon frère et de notre mère, mais nous n'avons pas regardé. Si

 22   j'avais pu voir tout cela, je ne serais pas ici. Un homme normal ne peut

 23   pas facilement survivre à la vision de quelqu'un qui lui est le plus

 24   proche, baigné de sang et mort. Nous n'avons donc pas regardé. Nous avons

 25   pris le chemin vers la route principale. Après 10 mètres, mon frère est


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  1   tombé car il avait été blessé par cinq balles dans les jambes. Pendant

  2   quelques secondes, il était capable de marcher, pendant que ces plaies

  3   étaient chaudes, il ne ressentait pas la douleur. Mais après quelques

  4   minutes, il ne pouvait plus marcher.

  5   Etant donné que je n’avais été blessé que dans la partie des

  6   reins par une balle, j'étais capable de continuer à marcher. J'ai commencé

  7   à chercher de l'aide, du secours. Comme la route la plus proche était

  8   celle qui menait à Citluk, je me suis dirigé vers cette route. J'ai été

  9   pris par un véhicule qui n’avait aucune immatriculation. J'étais en sang,

 10   mon pantalon était ensanglanté. J’ai montré la blessure au conducteur. Je

 11   lui ai dit que mon frère, un peu plus bas, gisait à mon avis mort, par

 12   terre. Je ne savais pas s'il était blessé ou mort.

 13   Alors je l'ai prié de m'aider et d'appeler du secours. A quoi,

 14   il m'a répondu brutalement : ”Tu es encore vivant, ordure musulmane ! ”

 15   voilà ce qu’il m’a dit, et il a repris son chemin. J'ai vu que cela

 16   n'avait pas de sens d'arrêter d'autres véhicules et ainsi de s’exposer au

 17   danger de voir un de ces gens terminer la besogne entreprise par les

 18   premiers tueurs. Je me suis dirigé vers le sommet de cette montagne. Je

 19   pouvais difficilement m'orienter pour savoir dans quelle direction se

 20   trouvait Mostar. Une fois que j'ai compris, je me suis dirigé vers Mostar.

 21   Pendant que je descendais, j'ai entendu mon frère qui appelait

 22   au secours. Donc, à une voiture passant sur la route principale, ce que

 23   mon frère pouvait voir de l’endroit où il était

 24   couché par terre, il demandait : ”Aidez-moi, aidez-moi ! ”. J'ai entendu

 25   ses appels à l'aide, cela me permettait de savoir à quel moment passaient


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  1   les voitures, pour pouvoir me cacher face à ces voitures.

  2   J'ai mis une heure pour descendre avant d'atteindre un faubourg,

  3   une banlieue de Mostar. J'ai vu la lumière devant une maison. Les gens

  4   festoyaient, buvaient, mangeaient pendant que je mourrais. Il festoyaient,

  5   je les ai abordés, je leur disais qui je suis, ce qui m'était arrivé. Je

  6   leur ai dit que j'étais membre des unités de l'armée BH et que je venais

  7   de la ville. Je ne savais pas exactement ce que je disais, je balbutiais à

  8   moitié. Ils ont envoyé un garçon au contrôle de la police villageoise.

  9   Ce n'est pas la police normale. Ce sont des gens auto-organisés

 10   pour défendre leur village, c'était leur sentinelle, leur police si vous

 11   voulez. Ils ont donc envoyé un garçon, après quoi, deux hommes nous ont

 12   rejoint dix minutes plus tard. Ils m'ont emmené avec eux, ils m'ont

 13   dit : ”Descendons jusqu’au point de contrôle. ”

 14   Quand nous y sommes descendus, ils ont appelé les soins

 15   d'urgence. Ils m'ont aidé dans la mesure du possible. Ils ont appelé les

 16   soins d’urgence et 10, 15 minutes plus tard, les soins d’urgence nous ont

 17   rejoints. C’était une ambulance et le conducteur m’a demandé si je voulais

 18   qu’ils m’emmènent dans le nouvel hôpital ou dans l’ancien hôpital. Etant

 19   donné que la doctoresse qui travaillait dans l'ancien hôpital était une

 20   connaissance de la famille, j'ai opté pour l'ancien hôpital. J'ai oublié

 21   de vous dire quelque chose.

 22   Dans la période entre le 9 mai et le 30 juin, après relâchement

 23   de la majeure partie de la population musulmane des camps de détention,

 24   une nouvelle tactique se fait jour de la part du HVO. A savoir, les gens

 25   des villes se rassemblent, ils étaient d'un côté, les hommes de l'autre


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  1   côté, les vieillards, les personnes qui ne sont pas en âge de porter les

  2   armes.

  3   Cette incapacité à se battre, les personnes qui faisaient partie

  4   de ce groupe étaient emmenées du côté gauche de Mostar, de façon à

  5   accélérer le processus d’encerclement, parce

  6   que cela ne créait aucun obstacle pour eux.

  7   Quant à ceux qui étaient aptes à porter les armes, ils étaient

  8   ramenés à l’Heliodrome, en dépit des protestations émises par la

  9   communauté internationale.

 10   Au moment de ces passages de la droite vers la gauche, il

 11   arrivait que les gens qui traversent, qui passent de droite à gauche,

 12   reçoivent des balles, se fassent tirer dessus. Ces événements ont provoqué

 13   pas mal de morts, ce qui a suscité une terreur assez généralisée car

 14   chacun pensait que si l’on se trouvait à un barrage routier, on allait

 15   avoir à passer de droite à gauche au niveau de la ligne, et que l’on

 16   risquait d’y trouver la mort.

 17   En tant que famille, lorsqu’ils sont arrivés dans le bâtiment où

 18   nous étions et qu’ils nous ont dit qu’il fallait aller du côté gauche,

 19   nous nous sommes cachés chez une femme médecin qui travaillait dans

 20   l'ancien hôpital, comme je viens de le dire. Cette femme médecin avait

 21   quelques rapports avec le Conseil croate de la défense et en fait, son

 22   appartement était sous protection du HVO.

 23   Nous nous y sommes cachés pendant cinq jours, après quoi la

 24   situation à Mostar s'est améliorée et il nous a été à nouveau possible de

 25   revenir chez nous, dans nos appartements.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Dragan, ces événements dont vous

  2   venez de parler, à savoir aller sur la rive gauche, sur la rive droite, et

  3   l'aide procurée par cette femme médecin, se situent dans la période qui se

  4   situe autour du 9 juin, n’est-ce pas ?

  5    M. Becirovic (interprétation). - Je préciserai que nous ne

  6   sommes pas allés sur la rive gauche, mais sur la rive droite, chez cette

  7   femme médecin qui avait des rapports avec le HVO et dont l’appartement

  8   était protégé par le HVO. Nous ne risquions donc rien dans cet

  9   appartement. Effectivement, ces événements se sont déroulés entre le 9 mai

 10   et le 30 juin.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Cette femme médecin travaillait

 12   dans l’ancien hôpital et c’est l’une des raisons pour laquelle vous avez

 13   opté, vous, pour l’ancien hôpital, après avoir reçu un coup de feu le

 14   30 juin, c’est bien cela ?

 15   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est exact. Il est tout à

 16   fait logique, évidemment, de se rendre à nouveau chez quelqu’un qui vous a

 17   déjà aidé une fois.

 18   Quand je suis arrivé dans l’ancien hôpital, le personnel médical

 19   m’a accueilli et on m’a fourni des soins médicaux pour mes blessures.

 20   Après cela, les responsables de la sécurité de cet hôpital, qui pour

 21   l’essentiel étaient des habitants de Mostar, sont arrivés. Ils refusaient,

 22   eux, de tirer sur leur peuple, c’est-à-dire sur des gens qu’ils

 23   connaissaient et qui vivaient sur la rive gauche. C’étaient des Croates,

 24   je le précise. Ils refusaient de tirer sur des gens qui avaient vécu toute

 25   une vie avec eux.


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  1   Ces soldats qui étaient chargés de la sécurité étaient, pour

  2   l’essentiel, des habitants de Mostar. J’en ai reconnu un qui était

  3   d’ailleurs un ami de mon frère aîné. Après que je lui ai expliqué ce qui

  4   s’était passé, après que je lui ai dit que mon frère gisait toujours sur

  5   les lieux où s’étaient produits les événements, bien que n’ayant plus le

  6   moindre espoir que mon frère survive à cet événement, j’ai tout de même

  7   expliqué à quel endroit il gisait sur le sol. Pour ma part, je connaissais

  8   mal les environs de la ville, je n’ai pu que décrire l’aspect de cet

  9   endroit. Lui en a déduit quelle pouvait être la situation géographique de

 10   cet endroit.

 11   Il est alors parti avec deux de ces amis qui, eux aussi, étaient

 12   chargés de la sécurité de l’hôpital. Ils ont pris une ambulance et ils

 13   sont partis à la recherche de mon frère.

 14   A quelle heure mon frère est-il arrivé à l'hôpital ? En fait, je

 15   crois qu'il s'est à peine écoulé une demi-heure quand il est arrivé dans

 16   cet ancien hôpital où je me trouvais également. Dès que je l'ai vu, c'est

 17   seulement à ce moment-là que je me suis évanoui. C'est seulement à ce

 18   moment-là que j'ai perdu mes forces. Je ne sais pas comment dire, tout

 19   s’est écroulé en moi. Mon frère, comme il était blessé plus grièvement, a

 20   été placé dans une pièce qui était réservée aux blessés graves alors que

 21   moi, on m’a placé dans une salle normale, réservée aux blessés légers.

 22   Pendant tout le temps, mon frère qui à ce moment-là était dans

 23   un camp est resté

 24   dans l’ignorance de ce qui arrivait aux autres membres de la famille.

 25   Puis, il s’est rendu compte qu’ils venaient chercher des patients dans


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  1   l'hôpital pour les emmener sur la ligne de front creuser des tranchées.

  2   Quand je dis « ils », je pense aux membres du HVO, mais en tout cas, une

  3   commission médicale a été mise sur pied pour tenter de faire libérer les

  4   gens sur la base d'un diagnostic précis. Soit ils les envoyaient vers un

  5   autre hôpital, soit ils les renvoyaient chez eux.

  6   Cette commission a reçu mon père, mon père qui a été envoyé à

  7   l'hôpital à partir du camp. Une fois à l'hôpital, il a été libéré et, bien

  8   sûr, il est allé immédiatement à la maison, chez nous, pour voir ce qui

  9   était arrivé à ses proches.

 10   Devant l’entrée de la maison, il a vu un grand nombre de femmes

 11   dont les maris ou les fils avaient également été emmenés par des unités

 12   croates. Ces femmes s’intéressaient bien sûr, elles voulaient savoir ce

 13   qui était arrivé à leur mari ou à leur fils. Elles ont donc interrogé mon

 14   père à ce sujet. Lui, il voulait éviter cela car dès qu’il y avait un

 15   regroupement de plusieurs personnes, de plusieurs Musulmans au même

 16   endroit, cela créait un danger. Dans ce cas précis, cela aurait créé un

 17   danger pour lui, mais aussi pour ces femmes si s'adressaient à lui.

 18   Il a donc décidé d’entrer dans le bâtiment voisin du nôtre, il

 19   n’est pas entré directement dans notre bâtiment. Il est entré dans le

 20   bâtiment voisin pour essayer de vérifier que la porte de notre bâtiment

 21   était bien verrouillée. Dans ce cas-là, il serait retourné chez cette

 22   femme médecin qui nous avait cachés entre le 9 mai et le 30 juin. Si la

 23   porte de l'appartement était ouverte, il aurait su que l'appartement avait

 24   été pillé.

 25   Il s’est adressé à cette voisine du bâtiment d’à côté pour lui


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  1   demander de vérifier. Elle lui a dit que l'appartement était fermé à clé

  2   et que personne ne répondait quand on sonnait.

  3   Mon père a cru, à ce moment-là, en prenant un peu ses désirs

  4   pour des réalités, que nous étions en sécurité, que nous étions retournés

  5   nous cacher chez cette femme médecin. Puisqu'elle travaillait dans

  6   l’ancien hôpital, il est parti à sa recherche sur son lieu de travail.

  7   Quand il est arrivé en bas, il a appris de sa bouche toute

  8   l’histoire, c’est-à-dire qu’il

  9   a appris ce qui nous était arrivé à nous.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Jusqu'à ce moment-là, votre père

 11   savait-il que votre frère aîné et votre mère avaient été assassinés ?

 12   M. Becirovic (interprétation). - Il n’a appris la mort de mon

 13   frère et de ma mère que de la bouche de cette femme médecin parce qu’elle

 14   travaillait au moment où nous avons été accueillis à l’hôpital. Cela veut

 15   dire que cela s’est passé cinq jours après ces atroces événements.

 16   M. Kehoe (interprétation). -  Au cours de cette période de 5

 17   jours entre le crime et l'arrivée de votre père à l'hôpital, avez-vous

 18   ainsi que votre frère reçus la visite de soldats du HV, vous recherchant.

 19   M.  Becirovic (interprétation) - Au cours de cette période de

 20   5 jours, du fait de ce que savait la femme médecin et de son opposition

 21   mais aussi parce que mon frère avait vu et reconnu un des soldats de ces

 22   unités, venus nous chercher le 30 juin afin de nous faire fusiller et

 23   revenu finir sa tâche, ils n'ont pu faire ce qu'ils voulaient . Des

 24   témoins étaient sans doute présents. Ils ont donc du remettre leur

 25   décision à un jour ultérieur. Par conséquent, dans ce même laps de temps,


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  1   ils sont venus nous chercher pour terminer qu'ils avaient laissé

  2   inachevée. Notre père a su ce qui s'était passé de la bouche de la femme

  3   médecin et comme la commission médicale du camp lui avait donné un papier

  4   qui le faisait admettre officiellement à l'hôpital, il a été accueilli en

  5   tant que patient à l'hôpital. Nous nous sommes retrouvés dans la même

  6   pièce. 20 jours plus tard, un soldat des unités croates est encore venu

  7   dans la salle de consultations de l'hôpital.

  8   M. Riad (interprétation). -  Veuillez m'excuser une nouvelle

  9   fois, parlons-nous de soldat croate ou du HVO ?

 10   M. Kehoe (interprétation). -  Qui est entré dans la pièce ? A

 11   quelle force appartenaient-ils ?

 12   M.  Becirovic (interprétation) - Il s'agissait des mêmes hommes

 13   que ceux qui étaient venus commettre le crime, le 30 juin. C'était donc

 14   des membres de la police militaire de l'armée de Croatie.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Du HV ?

 16   M.  Becirovic (interprétation) - Oui, de l'armée de Croatie.

 17   20 jours après cet événement, l'un d'entre eux est arrivé encore

 18   une fois, mais personne ne le connaissait. C'était un soldat des unités

 19   croates qui portaient un uniforme noir. Dès qu'il est arrivé sur le seuil

 20   de la porte, il a vu mon père et a pointé le doigt sur mon père en disant

 21   à l'infirmière qui a accouru dans la pièce :"Si celui-là disparaît, c'est

 22   toi qui sera responsable". Il parlait de mon père. Ensuite, il est

 23   ressorti de la pièce pour sans doute prendre contact avec les médecins.

 24   Plus tard, des gens nous ont dit, parce qu'un médecin avait

 25   demandé à mon père s'il voulait aller à l'enterrement...


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  1   M. Kehoe (interprétation). -  L'enterrement de qui ?

  2   M.  Becirovic (interprétation) - L'enterrement de ma mère et de

  3   mon frère aîné puisqu'eux avaient été retrouvés morts et leurs corps

  4   reposaient dans le nouvel hôpital. En tous cas, ce médecin, je ne connais

  5   pas son nom, a demandé à mon père s'il voulait assister aux funérailles et

  6   s'il voulait venir. Mon père savait bien que ce n'étaient pas des

  7   funérailles selon le rite musulman et qu'aucune odja ne serait pratiquée.

  8   Il ne voulait pas nous quitter puisqu'il l'avait déjà fait une fois et

  9   qu'après son départ, ce malheur est arrivé. Pour toutes ses raisons, il a

 10   renoncé. Et plus tard, il s'est avéré que ces gens attendaient mon père et

 11   nous attendaient. A notre sortie de l'hôpital, il aurait été plus facile

 12   de nous enlever. Quand ils se sont aperçus que nous ne rendrions pas aux

 13   funérailles, ils sont venus à l'hôpital pour essayer de nous emmener. Les

 14   médecins sont de nouveau intervenus. Entre temps, des policiers avaient

 15   été appelés et sont arrivés en quelques minutes. Les policiers se sont

 16   heurtés aux gens qui étaient venus nous

 17   chercher. La police à l'époque n'accomplissait pas cette tâche parce que

 18   n'importe quel policier normal aurait arrêté ces personnes. Les policiers

 19   de l'époque ne savaient pas ce qu'ils faisaient, en fait ils acceptaient

 20   tout. Si quelqu'un tuait un musulman, par exemple, la police n'intervenait

 21   jamais. En tous cas, pour des raisons que j'ignore, ces policiers ont

 22   écarté ces hommes de l'hôpital.

 23   M. Kehoe (interprétation). -  Ces hommes étaient-ils des soldats

 24   du HVO ?

 25   M.  Becirovic (interprétation) - Il s'agissait des membres


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  1   réguliers des forces du HVO.

  2   M. Kehoe (interprétation). -  Ils ont donc écarté de l'hôpital

  3   des membres du HVO ?

  4   M.  Becirovic (interprétation) - Non je crois qu'il y a un

  5   malentendu, ces gens, encore une fois, venaient nous chercher. Ces membres

  6   venaient du HVO. Ces hommes n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient

  7   commis le crime. Effectivement, des membres de la police régulière

  8   d'Herceg-Bosna sont arrivés en même temps. Enfin, cet incident s'est

  9   terminé, plus tard.

 10   M. Kehoe (interprétation). -  Monsieur Becirovic, n'avez-vous

 11   jamais reçu à ce moment là, une visite d'un membres des Services de

 12   Renseignements de la république de Croatie.

 13   M.  Becirovic (interprétation) - Effectivement, j'ai oublié

 14   d'aborder ce sujet. Entre la première et la deuxième arrivée de ces

 15   soldats qui voulaient nous emmener avec eux, un représentant du SIS est

 16   arrivé. Dans un premier temps, il nous a demandé à tous les deux de

 17   l'accompagner dans le couloir de l'hôpital. Lorsque nous sommes sortis de

 18   la pièce, il nous a annoncé qu'il était colonel de la police du Services

 19   de Renseignements. Il nous a montré une plaque. Je ne me rappelle pas son

 20   nom. Il nous a demandé si nous avions des information au sujet du crime

 21   qui avait eu lieu. Je suppose puisque ce crime a, sans doute, été commis

 22   par l'armée de Croatie, (enfin, ce n'est pas que je suppose j'en suis

 23   convaincu) qu'ils avaient envoyé un officier de cette armée pour voir si

 24   nous étions dangereux.

 25   Maintenant, était-ce un officier de l’armée de Croatie parce


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  1   qu’à l’époque, les médias parlaient beaucoup du fait que des membres des

  2   forces de Croatie se trouvaient en Bosnie.

  3   Ils Ilssont venus vérifier s’il s’agissait de soldats de l'armée

  4   de Croatie.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Quand vous dites « soldats de

  6   l’armée de Croatie », vous voulez dire des soldats du HV ?

  7   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est exact. Je veux

  8   parler de membres du HV. Mais après cela, quand je lui ai dit que cela

  9   n’aurait servi à rien que je lui dise qu’il s’agissait de soldats du HV de

 10   l’armée de Croatie, parce que s’il y avait aveu du fait que des soldats de

 11   Croatie se trouvaient sur les lieux, cela aurait été dangereux pour eux et

 12   n’aurait rien d’avantageux.

 13   J’ai dit que c’étaient des soldats incontrôlés qui avaient

 14   commis ce crime, que je ne savais pas exactement de qui il s’agissait, que

 15   c’étaient simplement des soldats qui n’en faisaient qu’à leur tête, en

 16   dehors de tout commandement.

 17   Il a eu l’impression, au travers des réponses que je lui ai

 18   fournies, que je ne savais rien. Alors que la situation était exactement

 19   l’inverse. Il a eu l’air satisfait et il m’a dit, il nous a dit : « les

 20   jeunes, si nous apprenons quoi que ce soit au sujet de l’auteur de ce

 21   crime, nous vous informerons. » Il est parti et c’est ainsi que cette

 22   rencontre a pris fin.

 23   Vingt jours plus tard, je parle à partir de cette deuxième

 24   visite, quand ils sont venus pour essayer de nous chercher afin d'achever

 25   le travail inachevé, 20 jours plus tard un grand nombre de Musulmans


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  1   blessés sont arrivés dans l'hôpital où nous nous trouvions.

  2   M. le Président. - Maître Kehoe, le récit à été long. Ce sont

  3   des événements extrêmement douloureux pour ce garçon. Nous allons peut-

  4   être arrêter et nous reprendrons vers

  5   16 heures 30.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

  7   L’audience, suspendue à 16 heures 05, est reprise à

  8   16 heures 40.

  9   M. le Président. - L’audience est reprise, introduisez l'accusé.

 10   (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

 11   M. le Président. - Monsieur Dragan Becirovic, vous vous sentez

 12   bien ?

 13   M. Becirovic (interprétation). - Oui.

 14   M. le Président. - Vous vous êtes reposé un peu ?

 15   M. Becirovic (interprétation). - Oui.

 16   M. le Président. - Maître Kehoe, allez-y.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges.

 19   Monsieur Becirovic, vous étiez sur le point de nous parler du

 20   moment de l’arrivée massive d’un certain nombre de blessés musulmans dans

 21   l’hôpital, mais avant d’aborder ce sujet, j'aimerais vous poser quelques

 22   questions qui émanent de mes collègues. La première est la suivante.

 23   Vous avez dit qu'après votre arrestation, celle de votre frère

 24   aîné, de votre frère Goran et de votre mère, vous avez traversé un certain

 25   nombre de barrages routiers. Avez-vous remarqué que ceux qui tenaient ces


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  1   barrages connaissaient bien les membres du HVO puisque le passage était

  2   assez aisé ?

  3   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’est exact.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Les soldats qui étaient au barrage

  5   routier étaient-ils des soldats du HVO ou du HV ?

  6   M. Becirovic (interprétation). - C’étaient des soldats du

  7   Conseil croate de la

  8   défense qui travaillaient main dans la main avec des membres de la police

  9   d’Herceg-Bosna.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Encore un éclaircissement, si vous

 11   le voulez bien. Il s'agit du fait que des soldats du HVO se sont dirigés

 12   en voiture vers le siège de la police à Mostar. S’agissait-il du quartier

 13   général de la police du HV ou du HVO ?

 14   M. Becirovic (interprétation). - C’était le quartier général de

 15   la police militaire du HVO, pas le quartier général du HVO, mais de la

 16   police militaire du HVO.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Mais c’était bien le quartier

 18   général de la police militaire du HVO ?

 19   M. Becirovic (interprétation). - Oui.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Encore un dernier éclaircissement

 21   mineur qui a à voir avec la camionnette et la décharge où l'on vous a

 22   fusillé. La distance était-elle de cent mètres ? C’est ce que vous avez

 23   dit, je crois, dans votre déposition ?

 24   M. Becirovic (interprétation). - J’ai dit cent mètres, mais

 25   j’avais à l’esprit une distance de dix mètres.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Revenons maintenant à votre récit,

  2   Monsieur. Est-il arrivé qu’à un moment, un grand nombre de blessés étant

  3   arrivés à l’hôpital, que l’on vous ait transféré dans un autre secteur de

  4   ce même hôpital ?

  5   M. Becirovic (interprétation). - A ce moment-là, alors que nous

  6   étions encore dans notre ancienne pièce, celle où nous sommes arrivés le

  7   30 juin, un grand nombre de blessés est arrivé à l’hôpital. On les a

  8   installés, y compris dans les couloirs parce qu’il n’y avait pas assez de

  9   lits pour tous ces blessés. Plus tard, sur propositions des médecins parce

 10   que c’était plus sûr pour nous et que cela leur permettait de disposer de

 11   quelques lits supplémentaires, nous savons été transférés dans un secteur

 12   qui n’était pas utilisé dans cet hôpital . C’était une partie de l’hôpital

 13   qui était plus exposée aux pilonnages. On nous a donc transférés dans

 14   cette partie de l’hôpital.

 15   Ce vendredi, nous l’avons appelé le « vendredi noir » parce que

 16   trente à trente-cinq blessés sont arrivés ce jour-là, voire davantage. On

 17   soignait les blessés, y compris dans les couloirs. Il n’y avait pas assez

 18   de médecins. Les infirmières travaillaient dans les couloirs, elles

 19   s’occupaient de ces patients. Ils sont arrivés dans l’hôpital, on s’est

 20   occupé d’eux.

 21   Plus tard, tous ceux qui avaient été blessés plus légèrement,

 22   qui avaient reçu des éclats d’obus, par exemple, ont été ramenés à

 23   l’Héliodrome, alors que les blessés graves ont dû rester à l’hôpital.

 24   Nous, nous avons observé tous ces faits de très près puisque

 25   nous pouvions même converser avec les prisonniers. Ces prisonniers nous


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  1   ont expliqué qu’ils avaient creusé ou plutôt qu’ils n’avaient pas creusé,

  2   mais qu’ils créaient les fortifications des premières lignes dans la rue

  3   Santiceva où les combats se menaient au porte à porte.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Dragan, que les choses soient bien

  5   claires. Les prisonniers qui ont été amenés, qui étaient blessés, était-ce

  6   des prisonniers musulmans de Bosnie qui avaient fait ce genre de travail

  7   et avaient été blessés en raison de ce  travail ?

  8   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’étaient des Bosniens,

  9   des Musulmans exclusivement. Plus tard, ces prisonniers ont été emmenés

 10   dans la rue Santiceva.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Encore un éclaircissement. Je lis

 12   le compte rendu et je vois qu’ils avaient construit des espèces d’abris

 13   pour les soldats. Etait-ce pour des soldats du HVO qu’ils construisaient

 14   ces abris, lorsqu’ils ont été blessés ?

 15   M. Becirovic (interprétation). - Oui, parce qu'au début, l’armée

 16   de Bosnie-Herzégovine acceptait que les prisonniers construisent des abris

 17   pour les soldats croates. Ils pouvaient créer ces fortifications sans

 18   subir de perte parce qu'ils étaient à l'abri. Lorsqu’ils se sont rendus

 19   compte que les soldats croates pouvaient avancer plus vite de cette façon,

 20   ils ont commencé à blesser les prisonniers. Ce qu'ils voulaient, c'était

 21   simplement les blesser. Ils leur tiraient dans les bras et les jambes et

 22   il n’y avait de blessures graves.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Dragan, le mot qui apparaît au

 24   compte rendu est l’expression « soldats croates ». Mais était-ce des

 25   soldats du HVO qui utilisaient des prisonniers pour construire les abris ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). - C’étaient des soldats du

  2   Conseil croate de la Défense parce que les lignes étaient tenues dans la

  3   ville de Mostar par des soldats du HVO, du Conseil croate de la Défense.

  4   Autrement, les membres de l’armée de Croatie étaient utilisés quand il

  5   fallait des renforts. C’est ce que m'a appris un patient à l'hôpital qui

  6   avait un cousin qui venait lui rendre visite à l'hôpital. Le cousin de ce

  7   blessé était policier dans les forces de police de le Herceg-Bosna.

  8   Il se vantait du fait que les Tigres, qui étaient membres d'une

  9   unité spéciale de l'armée de Croatie et qui étaient venus de Zagreb, les

 10   Tigres avaient pris une colline en 20 minutes alors que l’armée de

 11   Bosnie-Herzégovine avait pris cette même colline précédemment.

 12   C'est de cette façon que j’ai appris que des membres de l’armée

 13   de Croatie étaient présents également. Que non seulement ils étaient

 14   présents dans Mostar, mais qu’ils avaient participé aux combats, à Mostar.

 15   Il était possible de constater que ces soldats n’étaient utilisés que pour

 16   des tâches spéciales.

 17   Lorsque les soldats du Conseil croate de la défense ne pouvaient

 18   pas à eux seuls accomplir tel ou tel tâche, prendre une position ou

 19   assurer leur défense, dans ces cas là, des membres de l’armée de Croatie

 20   arrivaient en renfort. Je pense donc aux HV. Pour l’essentiel, il

 21   s’agissait d’unités spéciales.

 22   M. Kehoe (interprétation). - C'est une de ces unités spéciales

 23   qui était venue en aide au HVO, aux Tigres

 24   M. Becirovic (interprétation). – Oui les Tigres venaient de

 25   Zagreb. Il ne se sont pas seulement battus à Mostar. Ils se sont battus


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  1   aussi ailleurs en Bosnie, partout où c'était

  2   nécessaire, partout où l'armée du HVO se battait avec l'armée de

  3   Bosnie-Herzégovine. Mais pour revenir à mon histoire, concernant les

  4   prisonniers, les soldats du HVO se servaient des prisonniers de cette

  5   manière-là. Ils prenaient les gens bâtiment après bâtiment.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Vous dites qu'ils se servaient de

  7   prisonniers comme des boucliers ou pour se protéger derrière eux, comme

  8   abri ?

  9   M. Becirovic (interprétation). – Ils se servaient des

 10   prisonniers essentiellement pour construire des abris. Mais, lorsque

 11   l'armée attaquait des bâtiments qui étaient contrôlés par l'armée du HVO,

 12   à ce moment-là, les prisonniers étaient utilisés comme boucliers humains

 13   pour empêcher la prise des bâtiments en question.

 14   Je peux vous donner un exemple : il y avait un hôtel qui portait

 15   le nom de Ero où des personnes âgées habitaient. Cela servait d'hospice

 16   plus ou moins et c'est en se servant d'un bouclier humain qu'ils ont

 17   réussi à garder vers eux ce bâtiment, l'hôtel Ero. Autrement, les

 18   prisonniers servaient à construire des fortifications pendant qu'il y

 19   avait des affrontements avec l'armée BH. Des quantités de gens ont perdu

 20   la vie dans ce processus, sans parler de ceux qui ont simplement été

 21   blessés, dans les affrontements entre l'armée du HVO et l'armée BH.

 22   Les gens se connaissaient au demeurant d'un côté et de l'autre.

 23   Ils savaient qu'après, ils devraient revivre ensemble. C’est à ce moment-

 24   là que les militaires ont commencé à se servir de gens venus d'ailleurs,

 25   de Blagaj par exemple. J'ai appris d'ailleurs qu'il y avait, quand j'ai


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  1   parlé avec les gens à l'hôpital, des gens qui venaient de Blagaj. J'ai dit

  2   tout à l'heure Blagaj, en fait, j'ai fait erreur, il s’agissait de Blagaj.

  3   Blagaj est un endroit complètement autre.

  4   Ces endroits avaient été pris par des soldats serbes qui se

  5   battaient sur le front de Blagaj. Ensuite, ces prisonniers, pour des

  6   raisons que j'ignore, ont été remis aux soldats du HVO. Le HVO a transféré

  7   ces personnes vers les camps de l’Héliodrome ou dans d'autres encore, en

  8   Bosnie Occidentale. Ces personnes n'étaient pas encore enregistrées auprès

  9   de la Croix-Rouge. Il n'y avait pas encore de moyen de les retrouver.

 10   C'est surtout pour ces personnes, que l'on a beaucoup employé les

 11   boucliers humains. Cette pratique a cependant été poursuivie par la suite.

 12   L'hôpital était situé à 200 ou 300 mètres de la première ligne

 13   de front. Dans la rue Santiceva, on se servait donc de ces blessés, que

 14   l’on emmenait directement à l'hôpital, côté Mostar occidental. Par la

 15   suite, il n’y a plus eu d’attaque.

 16   M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous demander des

 17   éclaircissements sur ces questions, si vous le permettez. Les personnes

 18   qui étaient utilisées comme des boucliers humains étaient des Musulmans de

 19   Bosnie ?

 20   M. Becirovic (interprétation). – Oui. Il s'agissait de Musulmans

 21   de Bosnie. Par la suite, on s'est aussi servi de personnes qui venaient de

 22   Blagaj, qui étaient également des Musulmans de Bosnie.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Le HVO s'est servi de toute sorte

 24   de moyens pour être sûr que ces Musulmans n'allaient pas s'évader alors

 25   qu'ils travaillaient sur les lignes de front.


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  1   M. Becirovic (interprétation). – Il y avait toujours un risque

  2   de voir les prisonniers s'échapper, rejoindre les rangs de l'armée BH.

  3   C'est la raison pour laquelle il y avait des soldats croates à 10 mètres

  4   derrière les prisonniers. C'est d'ailleurs pour cette raison que les

  5   soldats croates ont inventé la chose suivante : ils avaient des chaînes et

  6   les gens portaient des chaînes autour de leur cou. On les sommait de

  7   construire ces abris, mais ils ne pouvaient pas s'échapper étant donné

  8   qu'ils étaient maintenus par ces chaînes.

  9   Je vais vous donner un exemple. Il y a un prisonnier qui s'était

 10   évadé, il avait réussi à se débarrasser de la chaîne qu’il avait autour du

 11   cou. Il a placé cette chaîne autour d'un arbre et il s'est éloigné. Le

 12   soldat croate avait l'impression que le prisonnier était encore attaché

 13   par sa chaîne, parce qu’il sentait une tension dans la chaîne et c’est

 14   comme ainsi que ce prisonnier a réussi à s’échapper.

 15   Dans d'autres cas, on se servait d'un couple père-fils pour être

 16   sûr qu'il n’y aurait pas

 17   de prisonniers qui s’échappent. C'est ainsi que l’on gardait dans le camp

 18   le fils, et on envoyait le père creuser des tranchées ou faire des abris.

 19   On savait qu’il y avait un membre de la famille qui restait en otage.

 20   C'est par toute sorte de procédés de ce type que les Croates

 21   essayaient d’éviter que les prisonniers ne s’échappent et ne rejoignent la

 22   partie adverse. Vous venez de dire que certains Musulmans de Bosnie, de

 23   Blagaj, avaient eux aussi été blessés alors qu’ils creusaient sur les

 24   lignes de front. Vous ai-je bien compris ?

 25   M. Becirovic (interprétation). - Oui, pendant la première


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  1   période, lorsqu'ils ont commencé à se servir de ces boucliers humains, il

  2   s'agissait essentiellement de gens de Mostar. Par la suite, ils se sont

  3   servis de personnes venant de Blagaj et ils ont épargné les gens de

  4   Mostar. Les gens que venaient de Blagaj venaient à l'hôpital et nous

  5   racontaient ces histoires. C'est ainsi que j'ai su ce qui passait sur les

  6   lignes de front, comment les gens s'en sortaient, comment ils

  7   s'échappaient.

  8   Il y avait l'histoire du soldat croate qui lançait un morceau de

  9   pain parmi les prisonniers et ces derniers se battaient autour de ce

 10   morceau de pain pour essayer de se l'accaparer.

 11   C'est là que j'ai appris toutes ces histoires de tortures

 12   d'êtres humains. Tous ces prisonniers n'avaient plus de droits en tant

 13   qu'être humains. Ils n'étaient pas enregistrés auprès de la Croix-Rouge.

 14   On pouvait faire d'eux ce que l'on voulait.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des informations de

 16   la part de ces Musulmans de Blagaj qui avaient été blessés et qui étaient

 17   à l'hôpital ? Avez-vous appris d'eux qu'ils creusaient des tranchées pour

 18   le HV ?

 19   M. Becirovic (interprétation). - Les prisonniers, quand ils

 20   arrivaient, étaient sales, leurs vêtements étaient souillés de sang. Comme

 21   nous étions en bonne santé, nous les aidions à se changer. Nous leur

 22   donnions des vêtements et des sous-vêtements propres. Eux nous racontaient

 23   ce qu'ils avaient vu, ce qui se passait. Toute l'information que j'ai, en

 24   ce qui concerne la pratique des boucliers humains, est une information que

 25   j'ai obtenue de ces personnes.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Vous ont-ils jamais dit qu'ils

  2   creusaient des tranchées pour le HV ?

  3   M. Becirovic (interprétation). - Non seulement ils me l'on dit,

  4   mais ils m'ont même donné des détails sur la manière dont ils creusaient

  5   ces tranchées, sur la manière dont ils étaient utilisés par le HVO comme

  6   bouclier humain ou pour fabriquer des abris pour les soldats croates, afin

  7   que ceux-ci puissent ensuite tirer sur les soldats de l'armée de Bosnie-

  8   Herzégovine.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Avant votre départ, pendant cette

 10   période où vous étiez encore dans l'autre aile de l'hôpital, la police

 11   militaire du HVO est-elle venue vous voir concernant une enquête sur le

 12   meurtre de votre frère aîné et de votre mère ? Si oui, que s'est-il

 13   passé ?

 14   M. Becirovic (interprétation). - Je ne sais pas exactement quel

 15   jour cela s'est produit, mais c'était le matin. Deux policiers sont entrés

 16   dans notre chambre. C'étaient des policiers de la police militaire du HVO.

 17   Ils avaient une sorte d'ordre selon lequel il fallait que nous les

 18   suivions pour aller témoigner. Mais nous ne savions pas dans quel contexte

 19   ou à quel propos.

 20   Par la suite, avec notre père, nous avons découvert ce qu'ils

 21   voulaient. Mais nous avons convenu, avec notre père, que s'il y avait

 22   procès, il fallait que nous y allions parce qu'une personne serait

 23   accusée, entre autres choses, du meurtre de deux soldats HVO sur la ligne

 24   de front. Cette personne était également membre du HVO. Ils voulaient

 25   qu'elle soit reconnue coupable du crime qui avait frappé notre famille.


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  1   Mais ce n'était pas cette personne qui avait commis le crime. C'est

  2   pourquoi nous devions aller avec eux à ce tribunal militaire qui se

  3   réunissait au siège de la police militaire à l'université.

  4   Avant de partir, nous avions convenu avec notre père que, si

  5   nous reconnaissions en

  6   cette personne celle qui avait commis le crime, de dire que ce n'était pas

  7   elle. En effet, si nous étions convoqués en tant que témoin, au moment

  8   même où la guerre continuait, personne ne pourrait garantir notre

  9   sécurité. Nous avons donc décidé que même si nous reconnaissions la

 10   personne, de dire que ce n'était pas elle et que nous ne la connaissions

 11   pas.

 12   Voilà ce que nous avions décidé de faire en accord avec notre

 13   père, avant même d'aller au Tribunal. Nous sommes ensuite allés au

 14   Tribunal. On nous a montré quelqu'un que nous voyions pour la première

 15   fois de notre vie. Selon eux, nous devions témoigner séparément. Cela

 16   revenait à dire que l'un d'entre nous devait rester dans le couloir, à

 17   l'extérieur de la salle du tribunal, tandis que l'autre devait dire si la

 18   personne en question était celle qui avait commis le crime ou non. J'ai

 19   parlé aux soldats et ils m'ont dit que lorsque mon frère a témoigné alors

 20   que j'attendais dehors, les soldats qui me gardaient m'ont dit que le

 21   soldat qui était dans la salle avait tué deux autres soldats.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Des soldats HV ou HVO ?

 23   M. Becirovic (interprétation). - Des soldats HVO. Au nord de

 24   Mostar, deux soldats avaient été tués par cette personne.

 25   Ils ont dit que cette personne avait commis plusieurs autres


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  1   meurtres de Musulmans et de Serbes. Il y avait aussi un Serbe qui

  2   attendait et qui allait devoir témoigner. Quant à savoir si c'était la

  3   personne qui avait commis le crime contre la famille serbe, en tout état

  4   de cause, cette personne n'était pas accusée pour avoir tué des Musulmans

  5   et des Serbes, mais exclusivement pour avoir tué deux soldats.

  6   Il y avait des pressions internationales sur le côté croate pour

  7   résoudre ces cas de meurtres. On voulait en faire porter la responsabilité

  8   à une seule personne pour montrer des résultats à la communauté

  9   internationale, donner l'impression que l'on avait trouvé des coupables et

 10   qu'on avait entrepris de les punir.

 11   La personne qui nous a été présentée n'était pas la personne qui

 12   avait commis ces

 13   crimes contre ma famille. Ce crime contre ma famille avait été, de toute

 14   façon, le fait de trois personnes et non pas d'une seule. Je ne sais pas

 15   quel était le nom de la personne qui était accusée de ce crime, mais mon

 16   père le connaît.

 17   Lorsque nous avons dit que nous ne reconnaissions pas, en la

 18   personne qui nous était présentée, le meurtrier de notre frère et de notre

 19   mère, on nous a laissé repartir. Nous sommes retournés à l'hôpital.

 20   Ce procès était une farce, une parodie de justice qui n'avait

 21   lieu que parce qu'il s'agissait de montrer à la communauté internationale

 22   que l'on faisait quelque chose pour satisfaire ses attentes, mais on

 23   essayait de faire porter la responsabilité de toute sorte d'autres crimes

 24   à une personne, le plus rapidement possible. Il s'agissait de condamner

 25   cette personne à perpétuité ou de la condamner à mort, et de lui faire


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  1   porter toutes les responsabilités.

  2   Lorsque nous avons témoigné et que nous avons dit que la

  3   personne n'était pas la personne en question, on nous a renvoyé à

  4   l'hôpital. Entre-temps, notre père nous a attendu quatre heures durant.

  5   Pendant ce temps-là, il a traversé cette inquiétude propre à tout parent :

  6   où sont mes enfants, pourquoi ai-je laissé partir mes enfants ? Il a vécu

  7   tout cela.

  8   Il ne nous a pas accompagnés parce qu'il pensait que, si on nous

  9   emmenait pour nous tuer et si lui était avec nous, il n'y aurait plus de

 10   témoin.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, je vais vous

 12   interrompre. Lorsque vous êtes revenu à l'hôpital, y êtes-vous resté

 13   jusqu'au 27 septembre ?

 14   M. Becirovic (interprétation). - Jusqu'au 27 septembre à peu

 15   près. Je ne peux pas me souvenir de la date exacte.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi de vous poser une

 17   autre question, Dragan. Très peu de temps avant cela, le HVO avait-il

 18   décidé que les malades de l'hôpital allaient être, une fois de plus,

 19   emmenés à l'Héliodrome ?

 20   M. Becirovic (interprétation). - Les patients de l'hôpital

 21   comprenaient non

 22   seulement ces blessés qui avaient servis de boucliers humains, mais aussi

 23   des personnes simplement malades, comme on en trouve dans les hôpitaux,

 24   des personnes qui souffraient, par exemple, de calculs rénaux. Tous les

 25   prisonniers qui étaient amenés à l'hôpital pour y être soignés ont alors


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  1   été repris par le conseil de défense de la Croatie. Ils n'étaient pas du

  2   tout protégés par les médecins. On les traitait comme des prisonniers.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que l'on avait

  4   rassemblé les malades pour les envoyer ailleurs.

  5   M. Becirovic (interprétation). - C'est la raison pour laquelle

  6   nous avons quitté l'hôpital, parce que pour nous, l'hôpital était un peu

  7   la maison d'Anne Franck.

  8   C'est là que nous nous sommes cachés des soldats croates parce

  9   que, dès que nous quitterions l'hôpital, nous serions certainement

 10   rattrapés par ces personnes ayant commis les crimes.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Sachant que les malades ont été

 12   renvoyés à l'Héliodrome, avez-vous décidé, avec votre père et votre frère

 13   jumeau, qu'il était temps de quitter Mostar ?

 14   M. Becirovic (interprétation). - Ce déplacement des prisonniers

 15   n'a pas été fait en masse, c'était vraiment une opération de nettoyage.

 16   M. le Président. - Pour que les juges puissent mieux vous

 17   suivre, essayez de répondre de façon précise. Par exemple, vous avez eu

 18   une question précise, essayez d'y répondre. Je sais que c'est difficile,

 19   que ces histoires ont été très dures pour vous. Toutefois, pour que les

 20   Juges et le conseil de la défense puissent vous suivre, répondez

 21   précisément aux questions posées. Vous avez fait votre récit, on vous pose

 22   une question, vous répondez à cette question. Si vous avez besoin d'une

 23   explication, vous la donnez. Mais autant que possible, vous essayez de

 24   répondre à la question. D'accord ?

 25   Maître Kehoe, vous avez posé une question sur la manière dont


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  1   eux ont quitté

  2   l'hôpital. Veuillez reformuler votre question. Merci.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Vous avez vu que ces prisonniers

  4   avaient été envoyés à l'Héliodrome alors qu'ils avaient été à l'hôpital.

  5   Est-ce à ce moment-là que, vous, votre père et votre frère jumeau, avez

  6   décidé de quitter Mostar ?

  7   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est bien cela. Je

  8   voulais simplement dire quelque chose. Les prisonniers qu'on envoyait à

  9   l'Héliodrome, on les envoyait immédiatement. Le nettoyage de l'hôpital a

 10   eu lieu en un jour. On a vraiment fait le nettoyage de tous les patients,

 11   de tous les malades musulmans. Mais on envoyait des gens à l'Héliodrome.

 12   Mais ce jour-là, c'est la première fois que tous les patients

 13   musulmans ont été rassemblés et envoyés à l'Héliodrome, même ceux qui

 14   étaient sur des civières, qui avaient des perfusions et qui étaient très

 15   malades.

 16   Je connais même une personne qui a été emmenée à l'Héliodrome

 17   alors qu'on l'avait opérée la veille. Il avait encore une blessure

 18   ouverte. C'étaient tous les Musulmans qui étaient dans l'hôpital et qui

 19   ont, ce jour-là, été emmenés à l'Héliodrome, la seule exception étant nous

 20   trois, moi-même, mon père et mon frère, et un autre jeune dont des parents

 21   travaillaient à l'hôpital. La raison pour laquelle nous sommes restés à

 22   l'hôpital, c'est que des médecins étaient intervenus pour nous. C'est

 23   pourquoi on ne nous a pas emmenés.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Donc le 27 septembre, vous avez

 25   quitté Mostar. Vous avez été à Zagreb avec l'assistance du HCR. Ensuite,


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  1   votre père, votre frère et vous-même avez émigré vers un pays tiers. Est-

  2   ce exact ?

  3   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Je n'ai plus de questions.

  5   M. le Président. - Je me tourne vers le banc de la défense.

  6   Maître Nobilo...

  7   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez fait une déposition

  8   relativement longue. Je vais vous poser une question d'ordre général. De

  9   ce que vous nous avez dit cet après-midi, l'avez-vous appris à l'époque

 10   en 1993, lorsque vous étiez âgé de treize ans ? Le saviez-vous avant ou

 11   avez-vous ajouté des choses par la suite ?

 12   M. Becirovic (interprétation). - Toutes les connaissances que

 13   j'ai présentées relèvent de l'expérience vécue. Aucune de ces

 14   connaissances n'est le fruit d'un tiers. Pour ce qui est d'autres

 15   événements auxquels je n'étais pas présent, je les ai appris de témoins

 16   directs oculaires.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Vous dites que les civils ont été

 18   relâchés sous la pression de la communauté internationale qui demandait

 19   que 7 000 civils soient relâchés. Vous aviez 14 ans, l'âge d'Anne Franck

 20   et comme elle, vous vous cachiez dans des appartements. D'où savez-vous

 21   que les autorités croates de Mostar ont pris une décision suite à la

 22   pression internationale ? Comment savez-vous que 7 000 civils ont été

 23   relâchés ?

 24   M. Becirovic (interprétation). - 7 000 personnes ont été

 25   relâchées, c'était une proportion par rapport à 8 000. Mais je ne connais


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  1   pas le chiffre exact, mais 7 000 ont été relâchés. C'est ce que j'ai dit.

  2   C'était la proportion par rapport aux gens relâchés.

  3   M. Nobilo (interprétation). -  Comment connaissez-vous le nombre

  4   des personnes relâchées et comment savez-vous que c'était sous pression de

  5   la communauté internationale ?

  6   M.  Becirovic (interprétation) - Ce fut sous pression parce que

  7   c'était la télévision espagnole qui enregistrait de quelle façon les gens

  8   étaient emmenés vers le stade et ensuite vers l'Heliodrome, le 9 mai. Ce

  9   qui a constitué une pression de la communauté internationale pour que ces

 10   personnes soient renvoyées vers leur foyer. C'était uniquement des

 11   musulmans et pas parce qu'ils constituaient un péril pour la Croatie. Je

 12   ne peux pas vous donner le chiffre exact. Les Croates ne le savent pas.

 13   Ils raflaient les gens. Tous ceux qui ne leur convenaient pas, y compris

 14   les malades, je peux donc être précis. Les gens pouvaient rentrer chez eux

 15   au bout de dix jours parfois au bout de cinq jours. C'était proportionnel.

 16   Huit milles personnes étaient renvoyées chez elles et mille autres étaient

 17   maintenues en prison, parce qu'ils étaient déclarés

 18   danger potentiel pour le HVO.

 19   M. Nobilo (interprétation). -  Vous vous êtes fait une opinion

 20   de la décision des autorités croates, d'après ce que vous avez vu à la

 21   télévision.

 22   M.  Becirovic (interprétation) - Ce n'est pas par la télévision

 23   mais c'est ma manière de conclure. Il est normal en voyant à la télévision

 24   des gens emmenés dans des camps vers un avenir incertain, que la

 25   communauté internationale exerce une pression contre les agissements de la


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  1   partie croate Il est clair que des pressions existaient parce que Hitler

  2   faisait ce que nous avons fait en 1941, vous le savez C'est ainsi, mais ne

  3   confondez pas.

  4   M. le Président. -  Si vous voulez bien, quand vous formulez vos

  5   réponses à Maître Nobilo, tournez-vous vers les juges. C'est aux juges que

  6   vous répondez.

  7   M.  Becirovic (interprétation) - Très bien. Toutes ces pressions

  8   de la part de la communauté internationale s'exerçaient parce que tout

  9   cela était officiel. Les caméras de la télévision espagnole

 10   enregistraient. C'était sur toutes les chaînes européennes, même aux

 11   Etats-Unis. Ce sont les raisons de la pression faite sur le gouvernement

 12   afin de relâcher ces gens. Sinon pourquoi les autorités croates auraient-

 13   elles relâchées ces gens précédemment emmenés vers les camps ? Cela n'a

 14   aucun de sens. En principe, ils voulaient les garder plus longtemps pour

 15   les contrôler plus facilement. C'est pourquoi des camps de détention ont

 16   été organisés.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Vous dites que ces images étaient

 18   sur toutes les chaînes d'Europe et d'Amérique. Avez-vous vu cela à l'âge

 19   de 14 ans dans la ville de Mostar, en guerre ?

 20   M.  Becirovic (interprétation) - C'était également à la

 21   télévision croate.

 22   M. le Président. -  Messieurs, je voudrais intervenir dans les

 23   débats. J'éprouve un petit trouble. Je voudrais l'éclaircir. Vous êtes

 24   convoqués par le Procureur pour témoigner de ce que vous avez vécu. J'ai

 25   conscience du traumatisme. Vous êtes étudiant en quoi, à l'heure


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  1   actuelle ?

  2   M.  Becirovic (interprétation) - Je ne suis pas encore étudiant.

  3   Je suis en classe préparatoire pour l'étude des sciences économiques. Ce

  4   qui me permet d'obtenir un certificat et ensuite de commencer des études

  5   supérieures

  6   M. le Président. -  Je souhaite que vous réussissiez dans vos

  7   études.

  8   Néanmoins, ce qui aiderait les juges, parce que vous aidez les

  9   juges par votre témoignage, et je sais que c'est difficile, ce serait

 10   d'essayer d'autant que faire se peut, d'isoler les jugements que vous

 11   portez, bien qu'ils soient respectables et respectés. Vous ne pouvez pas

 12   apporter un témoignage devant un tribunal quel qu'il soit, ici, ailleurs

 13   demain, dans votre pays qui ne soit pas ce que vous avez vécu ou perçu.

 14   Que de temps en temps, vous donniez votre opinion est tout à fait normal

 15   mais il faut autant que possible que vous restiez dans ce que vous avez

 16   vécu. Vous représentez ici le témoin de quelque chose. Avez-vous compris ?

 17   Vous essayez ?

 18   Vous allez continuer le contre-interrogatoire en essayant de

 19   différencier ce que vous avez vécu de ce que vous avez envie de dire sur

 20   le conflit. Pour l'instant, vous êtes un témoin de certains événements,

 21   c'est la raison de votre venue.

 22   J'ai perdu un peu de temps à vous l'expliquer, c'est dans votre

 23   intérêt et dans celui de la Justice. Continuons.

 24   M. Nobilo (interprétation). -  Merci Monsieur le Président. Dans

 25   l'interrogatoire direct face au Procureur, vous avez dit que vous suiviez


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  1   les classes du secondaire où vous cachiez d'être musulman et vous vous

  2   efforciez de parler croate .Avez-vous suivi la même classe avec le même

  3   professeur ou bien avez-vous changé d'école ?

  4   M.  Becirovic (interprétation) - J'ai continué la classe dans ce

  5   qu'on appelle la cinquième école primaire qui se trouve à l'autre bout de

  6   la ville, à l'école normale, je ne peux pas vous donner son nom. Elle est

  7   tout près de la ligne de front, et a donc été fermée. C'est pourquoi j'ai

  8   rejoint école primaire. Dans cette école, il ne fallait pas suivre les

  9   cours de Croate,

 10   une fois, les conflits éclatés, il m'a fallu suivre les cours de croate.

 11   Il m’a fallu parler croate.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Mais question est de savoir si les

 13   mêmes élèves sont devenus vos condisciples ? Etaient-ce les mêmes

 14   condisciples et les mêmes professeurs ?

 15   M. Becirovic (interprétation). - Oui, les mêmes.

 16   M. Nobilo (interprétation). - De quelle manière fallait-il s’en

 17   cacher puisqu’ils vous connaissaient tous ? Tel est le sens de la

 18   question.

 19   M. Becirovic (interprétation). - Je ne me cachais pas des

 20   professeurs. Nous nous connaissions. Mais je me cachais des autres élèves.

 21   Lors du passage dans cette nouvelle école, j’ai connu d’autres élèves

 22   aussi. C’est pourquoi il me fallait cacher le fait que j’étais musulman,

 23   pour éviter certaines choses désagréables.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit au Procureur que

 25   tout un chacun pouvait tuer un Musulman sans répondre de cet acte. Comment


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  1   le savez-vous ? Avez-vous quelques exemples d’assassinats ou de meurtres

  2   dont on savait qui en était l’auteur de l’assassinat sans pour autant

  3   qu’il en réponde ?

  4   M. Becirovic (interprétation). - Personnellement, je n’ai vécu

  5   aucun assassinat, aucun meurtre directement. Mais je sais que cette

  6   théorie était en pratique, théorie selon laquelle chaque Croate pouvait

  7   tuer un Musulman sans en rendre compte. Je connais cette théorie à partir

  8   des exemples survenus entre le 9 mai et le 30 juin. Certains Musulmans se

  9   trouvaient dans la décharge. J’étais, moi aussi, dans la décharge. On

 10   disait que même si les assassins étaient connus, ils étaient en liberté

 11   non pas parce qu’ils étaient inaccessibles par la police, mais parce que

 12   cette dernière ne voulait pas l’arrêter parce qu’ils vivaient à Mostar et

 13   que leur adresse était connue. Personnellement, j’ai oublié les auteurs de

 14   cet événement.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Vous ignorez tant le nom des tués

 16   que celui des assassins ?

 17   M. Becirovic (interprétation). - Oui, j'ai oublié. On a vécu

 18   tant d’événements que j’ai oublié cela. J’ai oublié cela, par exemple.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que votre frère

 20   travaillait dans la police d’avant la guerre. Pouvez-vous dire, à

 21   l’intention des Juges, s’il s’agissait du ministère des Affaires

 22   étrangères, appelée MUP, la police de Bosnie-Herzégovine avant la guerre ?

 23   Que faisait votre père ?

 24   M. Becirovic (interprétation). - Mon père travaillait dans le

 25   génie civil, une firme d’ingénierie.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - S’agissant de l’événement du

  2   30 juin, à savoir que les gens à Mostar avaient faim, souffraient de la

  3   famine, d’où le savez-vous ?

  4   M. Becirovic (interprétation). - Pourquoi sinon les avions

  5   lâcheraient-ils des colis au-dessus de Mostar s’ils avaient de la

  6   nourriture ?

  7   M. Nobilo (interprétation). - Avaient-ils faim après avoir

  8   recueilli ces colis ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - Ces colis n’étaient pas

 10   suffisants pour 50 à 60 000 habitants.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous combien de

 12   colis ont été parachutés ?

 13   M. Becirovic (interprétation). - Ces avions qui parachutaient

 14   les colis, je l’ai vécu personnellement, ne parachutaient pas des colis en

 15   grande quantité. Ils ne suffisaient pas pour couvrir les besoins de la

 16   population sachant qu’il y avait 50 à 60 000 habitants. Les avions ne

 17   pouvaient donc pas tout assurer.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce la seule source

 19   d’approvisionnement ou y avait-il des convois de HCR ou autres ?

 20   M. Becirovic (interprétation). - Les convois pouvaient passer si

 21   le HVO le permettait. Quand il voyait qu'il n'y avait pas assez d'aliments

 22   pour survivre et quand les pressions de la communauté internationale

 23   étaient grandes, les convois avaient alors la permission de passer. Mais

 24   c’était contre leur gré.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous que c’était


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  1   malgré eu, contre leur gré ?

  2   M. Becirovic (interprétation). - Parce que Mostar subissait un

  3   blocus, les gens ne pouvaient pas sortir.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez décrit la situation

  5   comme quoi un régiment de HVO, et que les Musulmans passaient sous le

  6   contrôle de l’armée BH et que c’est ainsi qu’on a pu libérer Bijelo Polje.

  7   De qui tenez-vous ces informations ? Vous avez appris cela à Mostar, au

  8   moment où vous étiez caché ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - Ces informations, je les

 10   connais parce qu’un Musulman, qui était dans les unités du HVO, se

 11   trouvait pendant les attaques dans le camp nord qui était la cible des

 12   attaques Bosnie-Herzégovine et qui a réussi à regagner de nouveau la rive

 13   droite. C’est son récit qui m’a permis de savoir que beaucoup de gens

 14   passaient dans l’autre camp.

 15   Il nous a rejoint le 30 juin, le même jour. C’est son récit qui

 16   m’a permis d’apprendre que beaucoup de soldats de nationalité musulmane

 17   passaient dans les rangs de l’armée BH. Cela a permis de casser ce blocus

 18   en ce laps de temps de trois heures.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Une fois que ce blocus a été

 20   percé, la liaison avec Sarajevo a-t-elle été rétablie ?

 21   M. Becirovic (interprétation). - Je crois que oui.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qu’en Bosnie-

 23   Herzégovine, la mobilisation générale a été proclamée ?

 24   M. Becirovic (interprétation). - Oui, c’était la guerre que je

 25   sache.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous quelles sont les

  2   classes d’âge couvertes ?

  3   M. Becirovic (interprétation). - A partir de 18 ans jusqu'à un

  4   certain âge. Je ne connais pas la limite supérieure.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit aussi que dans la

  6   nuit du 30 juin jusqu'à minuit, on a raflé 8 000 Musulmans. De qui tenez-

  7   vous ces informations et comment savez-vous que cette action a pris fin à

  8   minuit ? Comment savez-vous que c’est 8 000 et non pas 7 000 ou 6 000 ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - C’était le même chiffre au

 10   9 mai. Je sais que cette rafle a duré parce que le long de la route de

 11   Citluk il y avait des autocars où se trouvaient les détenus. Etant donné

 12   que je descendais en ville après ce crime, j’ai vu alors ces autocars

 13   passer. Cela m’a permis de comprendre que cela a duré jusqu'à minuit.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que ces policiers

 15   militaires qui vous ont raflés, vous, votre mère et votre frère, avaient

 16   les insignes de la police militaire de HV. Comment sont ces insignes ? Où

 17   se trouvaient-ils ?

 18   M. Becirovic (interprétation). - Ils étaient de couleur. Ils

 19   étaient posés sur l’épaule où il était possible de lire « police militaire

 20   HV », ils avaient des insignes sur lesquels on pouvait lire qu’ils étaient

 21   policiers et cet insigne leur permettait de se présenter comme des

 22   policiers militaires de HV.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que ces policiers

 24   militaires du HV étaient de Dalmatie, que vous avez reconnu leur accent.

 25   Quel est mon accent ? Pouvez-vous reconnaître mon pays d’origine en


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  1   entendant mon accent ?

  2   M. Becirovic (interprétation). - Je ne peux pas le reconnaître

  3   avec certitude, mais je le suppose. Je reconnais le dialecte stokavien.

  4   Mais à Mostar, il y avait beaucoup de gens qui provenaient de Split. Des

  5   amis de notre famille, notamment le frère d’une voisine était originaire

  6   de Split. Grâce à sa connaissance, je peux conclure. Mais je ne peux pas

  7   répondre à votre question.

  8   Je suis né à Split et je suis moi-même à Split. Je ne le sais

  9   pas. Je suis de Split.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, vous avez dit que leur

 11   propagande, la propagande HV, disait qu’en Bosnie Centrale, on tuait, on

 12   assassine les Croates et que cela n’était pas vrai. Vous dites vous-même

 13   ce que vous savez sur la Bosnie Centrale. Depuis un an, nous essayons

 14   d’établir cela.

 15   M. Becirovic (interprétation). - Je sais ce que j’ai appris par

 16   les médias, mais je n’ai jamais séjourné en Bosnie centrale. Je le

 17   suppose. Non, je ne le suppose pas, je sais que ces crimes commis à une

 18   telle échelle ne pouvaient pas être comparables aux crimes perpétrés

 19   contre la population musulmane parce que si tel avait été le cas, nous

 20   Musulmans d’Herzégovine, nous n’existerions plus. Il ne resterait plus

 21   aucun d’entre nous.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Le conducteur du camion qui s'est

 23   arrêté après qu'on ait tué une partie de votre famille et que l’on vous a

 24   brutalisé, était-il un civil ou un militaire ?

 25   M. Becirovic (interprétation). - Le conducteur était un


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  1   militaire étant donné qu’à cette époque, un civil ne pouvait pas ce

  2   mouvoir à cause du couvre-feu.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que la police

  4   normale d’Herceg-Bosna, à l’hôpital vous a protégé en quelque sorte. Quand

  5   vous dites « normale », vous voulez dire « civile » ?

  6   M. Becirovic (interprétation). - Oui, je pense à la police

  7   civile. Elle m’a protégé parce qu’elle y était obligée. Elle a été témoin

  8   du fait que quelqu’un était conduit qui allait être tué. Toutes les

  9   polices du monde gèrent cela.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Ce colonel des renseignements

 11   généraux, comment s’est-il légitimé ?

 12   M. Becirovic (interprétation). - Il avait une pièce d'identité.

 13   Je ne peux pas la décrire. Nous étions des garçons de 14 ans. Je savais

 14   que c’était une carte d’un officier des renseignements secrets. C’est ce

 15   que j’ai conclu.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Il était gentil, aimable avec

 17   vous ?

 18   M. Becirovic (interprétation). - Oui, il l’était.

 19   M. Nobilo (interprétation). - A-t-il essayé d’établir avec vous

 20   qui était l’auteur de la chose ?

 21   M. Becirovic (interprétation). - Il a voulu savoir si c’étaient

 22   des militaires croates. Il a essayé d’établir les auteurs.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Je n’avais pas terminé la

 24   question. Pourquoi n’avez-vous pas conclu qu’il souhaitait faire une

 25   instruction ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). - Pourquoi un colonel des

  2   renseignements secrets viendrait-il chez nous, à l’hôpital, pour établir

  3   des liens ? Il y a d’autres services qui s’en occupent, notamment la

  4   police, et non pas un colonel des services secrets dont la fonction n’est

  5   pas la même. Ce dernier veut savoir ce qui est périlleux pour la nation

  6   croate. Excusez-moi de m’exprimer ainsi.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Que veut dire « SIS » ?

  8   M. Becirovic (interprétation). - SIS veut dire service de

  9   sécurité et d’information. La tâche principale du SIS, de ce service,

 10   c’est la protection de la sécurité des militaires.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Ils font des instructions sur les

 12   crimes commis par les militaires ?

 13   M. Becirovic (interprétation). - Comment les vies des militaires

 14   seraient-elles mises en péril ? C’étaient des crimes contre les civils.

 15   C’est la police, qui, à mon avis, devait faire une instruction et non pas

 16   lui.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Selon vous, ce n’était pas une

 18   instruction, mais autre chose.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, l’avocat de la défense

 20   voudra bien permettre au témoin de terminer sa réponse avant de poser la

 21   question suivante car nous n’avons pas pu avoir la fin de la réponse. Le

 22   transcript fait ressortir que le témoignage est interrompu. Je demanderai

 23   à l’avocat de permettre au témoin de finir sa réponse.

 24   M. le Président. - Laissez au témoin le temps de finir de

 25   répondre, s’il vous plaît.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, sans citer les noms, si

  2   dans votre rue, dans le cadre de votre voisinage, parmi vos connaissances,

  3   avait-il un quelconque autre cas d’une pareille exécution, telle que l’a

  4   subi votre famille ? L’un de vos voisins a-t-il péri de la même manière ?

  5   M. Becirovic (interprétation). - Les parents d’un ami de classe,

  6   ou plutôt ses grands-parents ont péri de la même manière, même pire. Il y

  7   a beaucoup d’exemples, mais je ne peux pas m’en rappeler de tous. Je me

  8   souviens de cet exemple parce que ce lycéen était mon condisciple.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

 10   pas s’il y a lieu de le faire, mais j’aimerais connaître quelques noms à

 11   titre d’identification des familles, etc., pour pouvoir faire notre

 12   instruction, car l’instruction du témoin nous n’avons pas pu la préparer.

 13   Nous ne l’avons pas faite éventuellement en vue de notre partie de la

 14   procédure, des contre-preuves. Si vous pensez que cela peut porter

 15   atteinte à quelqu’un, nous pourrions passer à huis clos pour établir les

 16   noms des familles.

 17   M. le Président. - Avez-vous une objection, monsieur le

 18   Procureur ?

 19   M. Kehoe (interprétation). - Je n’ai pas d’objection, mais il

 20   faudrait évidemment vider la salle du public à moins que nous passions en

 21   huis clos partiel. En huis clos partiel, je suppose qu’il n’est pas

 22   nécessaire de vider la salle des témoins ?

 23   M. Dubuisson (interprétation). - Dans cette salle, la private

 24   session n’est pas possible. Il faut passer nécessairement à huis clos.

 25   M. Kehoe (interprétation). - Donc ce sera une séance à huis clos


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  1   et il faut vider la salle des témoins.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, à la fin de

  3   ma déposition, je peux aborder ces questions si vous le voulez bien. Je

  4   propose que nous passions à huis clos à la fin de mon interrogatoire.

  5   M. le Président. - C’est la meilleure solution. Combien de temps

  6   vous reste-t-il, Maître Nobilo ?

  7   M. Nobilo (interprétation). - Pas très longtemps, mais quinze

  8   minutes sans doute me seront nécessaires.

  9   M. le Président. - C’est la meilleure solution. Nous passerons

 10   en huit clos total pour les dernières questions de votre contre-

 11   interrogatoire. Poursuivons en audience publique.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Vous nous avez parlé des boucliers

 13   humains dans la rue Santiceva, ainsi que dans le cadre de la défense de

 14   l’hôtel Ero. J’aimerais savoir d’où vous vient ce renseignement, qui vous

 15   l’a dit et qui a été utilisé en tant que bouclier humain.

 16   M. Becirovic (interprétation). - J’ai appris ces renseignements

 17   de personnes qui ont participé à ces structures de boucliers humains,

 18   notamment à l’hôtel Ero, qui ont donc été utilisés comme boucliers

 19   humains. Mais je ne connais pas leur nom car je n’avais pas de papier et

 20   je n’ai pas pris le soin d’inscrire leur nom à l’époque.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous que ceux qui

 22   ont été arrêtés à Blagaj n’ont pas été enregistrés par la Croix-Rouge ?

 23   M. Becirovic (interprétation). - Parce qu’ils me l’ont dit eux-

 24   mêmes.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Qui vous a parlé de l’utilisation


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  1   de cette chaîne pour s’assurer que les prisonniers ne s’évaderont pas ?

  2   M. Becirovic (interprétation). - Ce sont également les

  3   prisonniers qui me l’ont dit  parce qu’ils avaient besoin d’aide, ces

  4   prisonniers. Ils portaient des vêtements sales, donc nous leur avons donné

  5   nos propres vêtements pour qu’ils puissent se changer. C’est à cette

  6   occasion que nous avons parlé avec eux et que nous avons appris ces

  7   événements.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire le nom d’une

  9   personne qui vous a donné ces renseignements ou  le nom d’une personne qui

 10   a été attachée par une chaîne ?

 11   M. Becirovic (interprétation). - J’ai parlé à quelqu’un qui a

 12   été attaché par une chaîne, mais qui ne m’a pas donné son nom. Même si

 13   elle me l’avait donnée, je ne vous le donnerais pas.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Mais le fait que l’on utilise un

 15   père et un fils, l’un est toujours sous contrôle pendant que l’autre va

 16   creuser des tranchées, pouvez-vous nous donner des noms de ces personnes ?

 17   M. Becirovic (interprétation). - Ces hommes étaient inconnus

 18   pour moi, mais ce renseignement, je le tire des récits qu’ils m’ont faits

 19   eux-mêmes. Un fils est arrivé à l’hôpital grièvement blessé et il était

 20   dans la même pièce que moi. J’ai donc entendu son récit et c’est ainsi

 21   qu’il m’a dit comment il a été blessé et comment cette méthode père-fils

 22   était utilisée. Mais je ne peux pas vous dire leur nom car je ne les

 23   connais pas.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous allé témoigner dans un

 25   procès à Mostar ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). - Je reconnais que c'était un

  2   Tribunal militaire. Un procès qui se menait dans un bâtiment militaire,

  3   donc je pense qu’il ne peut s’agir que d’un tribunal militaire.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Vous déclarez que ces hommes

  5   avaient été jugés pour avoir tué deux Croates et non pour avoir tué deux

  6   Musulmans parce qu’il était possible de tuer les Musulmans en toute

  7   liberté à l’époque, selon ce que vous avez dit.

  8   Pourquoi avez-vous été appelé à identifier ces personnes et à

  9   les accuser du meurtre de votre famille ?

 10   M. Becirovic (interprétation). - D’abord, ce n’était pas

 11   plusieurs personnes, mais une seule personne, un homme qui était accusé du

 12   meurtre des membres de ma famille. Ensuite, on nous a appelé à identifier

 13   cet homme parce qu’il y avait encore pas mal d’instruction en cours et

 14   lorsqu’arrive un soldat croate qui a tué  deux soldats croates, il est

 15   facile d’établir le lien. C’était une très bonne occasion.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Mais qu’est-ce qui vous permet de

 17   savoir quelles étaient les intentions des juges dans ce procès ?

 18   M. Becirovic (interprétation). - D’abord, je n’avais pas

 19   d’avocat, je m’exprimais moi-même. Ensuite, on m’a demandé si je pouvais

 20   identifier cet homme ou pas. J’ai répondu par la négative parce que ce

 21   n’était pas lui. Mais en dehors de cela, quant de savoir qu’il avait tué

 22   deux hommes, c’est un autre soldat qui me l’a dit après la déposition

 23   faite par mon frère. Je ne le savais pas à ce moment-là.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si ce soldat a été

 25   libéré eu égard à l’accusation d’avoir tué les membres de votre famille ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). - Je ne sais pas quel a été le

  2   sort de ce soldat. Mais, parce que la chose m’intéressait, quand je suis

  3   allé à Mostar au cours de l’été, j’ai su qu’un prisonnier musulman qui

  4   était dans la même cellule que lui est resté enfermé dans cette même

  5   cellule par la suite. Donc ce sont les propos du prisonnier. C’est par ce

  6   prisonnier que j’ai eu ce renseignement en été, quand je suis retourné à

  7   Mostar.

  8   M. Nobilo (interprétation). - La conclusion que vous avez tirée,

  9   à savoir que ce procès était une mascarade et qu’il n’a eu lieu qu’en

 10   raison de la communauté internationale, qu’en savez-vous ? Que savez-vous

 11   de précis qui vous permet de dire qu’il s’agit de dire que ce procès était

 12   une mascarade menée en raison de l’avis de la communauté internationale ?

 13   M. Becirovic (interprétation). - Je dis que c’était une

 14   mascarade à cause de cet homme parce que cet homme ne pouvait pas avoir

 15   commis tous les crimes qui lui étaient imputés. Ces crimes ont

 16   véritablement été choisis. Je ne sais pas comment il aurait pu commettre

 17   ce crime. Il y avait trois hommes, comment aurait-il pu faire tout cela à

 18   lui tout seul.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si cet

 20   homme, à ce moment-là,

 21   quand vous êtes arrivé, a été officiellement accusé du meurtre de votre

 22   frère et de votre mère ?

 23   M. Becirovic (interprétation). - Nous sommes allés témoigner.

 24   Nous sommes allé identifier cet homme pour déterminer si ce dernier avait

 25   oui ou non commis le crime contre les membres de ma famille. Mais je ne


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  1   sais pas s’il a été mis en accusation pour cet acte.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que vous trouviez à

  3   l’hôpital comme « Anne Franck », à laquelle vous vous comparez souvent. Je

  4   suppose donc que ce que vous vouliez dire, c’est que vous vous cachiez

  5   dans l'hôpital. Pouvez-vous me dire comment vous pouviez vous cacher

  6   puisqu’un colonel des services de renseignements vient vous rendre visite,

  7   ainsi qu’un soldat en uniforme noir, des policiers ? Comment pouvez-vous

  8   dire que vous vous cachiez à l’hôpital ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - Je vais vous donner un exemple.

 10   Si vous êtes le dernier patient musulman dans un hôpital, un camion est

 11   arrivé plusieurs fois pour venir nous chercher, nous, c’est-à-dire ces

 12   trois ou quatre patients qui restaient. Pour cette raison, il nous a fallu

 13   nous cacher dans la salle de consultation du médecin pour qu’ils ne nous

 14   trouvent pas. S’ils nous trouvaient dans les salles réservées aux

 15   patients, ils nous auraient emmenés. C’est pourquoi je devais me cacher.

 16   J’ai donné l’exemple d’Anne Franck pour vous faciliter la tâche, pour que

 17   vous puissiez plus facilement vous rendre compte de quoi il s’agissait.

 18   Ce n’est pas une véritable comparaison avec Anne Franck parce

 19   que c’était bien pire. J’ai vu de mes yeux ce que j’appelle, moi, un

 20   crime. Comment pourrais-je l’appeler autrement ?

 21   M. Nobilo (interprétation). - Dans la dernière partie de votre

 22   déposition, vous avez dit que des patients étaient ramenés régulièrement à

 23   l’Héliodrome et que le dernier jour, ils ont pratiquement nettoyé tout

 24   l’hôpital et que les patients ont été emmenés, même sur des civières, en

 25   direction de l’Héliodrome.


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  1   Comment saviez-vous qu’on les emmenait à l’Héliodrome et pas

  2   dans un autre

  3   hôpital ?

  4   M. Becirovic (interprétation). - Ils n’ont pas été emmenés dans

  5   un autre hôpital parce qu’on les a jetés dans des camions et qu’on

  6   n’aurait pas agi ainsi pour les transférer dans un autre hôpital. On les

  7   aurait transférés dans des ambulances.

  8   Je ne comprends pas qu’on puisse emmener quelqu’un dans un

  9   hôpital en utilisant un camion. Je sais aussi que des personnes grièvement

 10   blessées ont été ramenées à l’hôpital à partir de l’Héliodrome. C’est

 11   comme cela que j’ai appris qu’ils étaient allés à l’Héliodrome, parce que

 12   certains, pas tous, mais un tiers des personnes réellement blessées ont dû

 13   revenir à l'hôpital.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Votre père vous a conseillé de ne

 15   pas dire la vérité quand vous êtes allé à ce fameux procès, de ne la dire

 16   sous aucun prétexte. Maintenant ce qui m'intéresse est la chose suivante.

 17   Après votre première conversation avec les représentants du Bureau du

 18   Procureur, quelqu’un vous a-t-il donné des conseils sur la manière de

 19   témoigner ici et de donner votre déposition ?

 20   M. Becirovic (interprétation). – Personne ne m'a conseillé.

 21   Simplement, il m'a été dit que j'allais comparaître devant le Tribunal,

 22   qu'il fallait que je prononce une déclaration solennelle, qu'il fallait

 23   que je m’exprime, mais on ne m’a rien dit au sujet du contenu de ma

 24   déposition. Simplement que j'étais un témoin de l'accusation. Cela a été

 25   mon seul rapport avec le Procureur.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Je ne parlais pas nécessairement

  2   du Procureur, mais je vous demandais si quelqu’un avait parlé avec vous

  3   avant votre rencontre avec les membres du Bureau du Procureur. Je sais

  4   que, eux, travaillent correctement.

  5   M. Becirovic (interprétation). – Je ne vois pas qui aurait pu le

  6   faire. Je peux vous parler de l'expérience que j’ai vécue avec mon frère

  7   qui a vécu la même expérience. Mais, en dehors de mon père, je ne vois pas

  8   qui aurait pu me conseiller de dire ceci ou cela.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Qui vous a contacté le premier

 10   pour vous demander d'être témoin, après votre départ de Mostar en 1993 ?

 11   M. Becirovic (interprétation). – Nous sommes allés à l’ambassade

 12   de Bosnie-Herzégovine qui est chargée de tenir des registres au sujet de

 13   ces crimes, car il est impossible d'oublier ces crimes. C'est cette

 14   ambassade qui a fait beaucoup pour que mon affaire soit entendue devant le

 15   Tribunal de La Haye aujourd'hui.

 16   M. Nobilo (interprétation). – Avez-vous parlé avec ce bureau

 17   chargé des crimes de guerre à l'ambassade ?

 18   M. Becirovic (interprétation). – J'ai quelques avantages pour

 19   obtenir un passeport mais je sais que tous ceux qui vivent en Croatie

 20   obtiennent un passeport très rapidement pour voyager à l’étranger. Moi, je

 21   ne sais pas…

 22   M. Nobilo (interprétation). - C'est donc votre réponse ?

 23   M. Becirovic (interprétation). – Oui, c'est ma réponse.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous donné votre

 25   dernière déposition au Procureur ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). – Mercredi dernier, à l’endroit

  2   où j’habite.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous eu votre premier

  4   contact avec le Bureau du Procureur ?

  5   M. Becirovic (interprétation). – Mardi dernier ou c'est peut-

  6   être lundi, je ne me souviens pas exactement.

  7   M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, j'aurais

  8   encore deux questions brèves à huis clos et j'en aurai fini.

  9   M. le Président - Monsieur le Greffier, nous passons à huis

 10   clos.

 11   (Audience à huis clos.)

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 18   (Audience publique)

 19   M. Riad (interprétation). – Monsieur Becirovic, bonjour…

 20   M. Becirovic (interprétation). – Bonjour. Excusez-moi, je n’ai

 21   pas entendu la suite de votre phrase. Pourriez-vous répéter s’il vous

 22   plaît ?

 23   M. Riad (interprétation). – Très bien. Vous avez dit que des

 24   soldats étaient arrivés dans le bâtiment où vous vous trouviez, pour vous

 25   emmener. Vous avez ensuite décrit l'horrible exécution de votre mère et de


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  1   votre frère. Vous avez décrit ces soldats comme étant des soldats du HV,

  2   comme des soldats de Croatie, l’un des signes de cela étant leur accent.

  3   Mais ces soldats étaient-ils vêtus comme des soldats de l’armée croate ou

  4   comme des soldats du HVO ?

  5   M. Becirovic (interprétation). - Comme les soldats du HV, ils

  6   avaient des insignes impossibles à confondre. Ils avaient des brassards

  7   jaunes que ne portent que les forces de l'armée de Croatie. Il y avait

  8   aussi le fait qu'ils ne connaissaient pas la ville de Mostar. Cela

  9   prouvait bien qu'ils venaient de l'extérieur. Par leur accent, j'ai

 10   supposé qu'ils venaient de Dalmatie, plus précisément de Split, parce que

 11   beaucoup de soldats venaient de Split.

 12   M. Riad (interprétation). - C'étaient donc des soldats de la

 13   police militaire qui portaient des insignes du HV. Y avait-il beaucoup de

 14   policiers militaires HV dans la région ou était-ce une situation

 15   exceptionnelle ?

 16   M. Becirovic (interprétation). - J'ai vu la police militaire de

 17   l'armée de Croatie pour la première fois quand ses représentants sont

 18   arrivés à notre porte. Mais j'avais déjà vu des soldats de l'armée de

 19   Croatie. Quant aux policiers militaires de l'armée de Croatie, c'était la

 20   première fois que je les voyais.

 21   M. Riad (interprétation). - Pourriez-vous dire qu'ils avaient

 22   une attitude

 23   dominatrice, qu'ils se comportaient comme les maîtres de la situation,

 24   qu'ils étaient obéis ?

 25   M. Becirovic (interprétation). - Quand quelqu'un vous dit :


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  1   "Habillez-vous, et fouillez chez vous vous-mêmes", évidemment ils étaient

  2   maîtres de la situation et ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient.

  3   M. Riad (interprétation). - Je ne parlais pas de vous. Je

  4   parlais des autres soldats. Vous avez déclaré qu'au passage du barrage

  5   routier, ils étaient respectés par les autres soldats. Ils occupaient une

  6   position dirigeante.

  7   M. Becirovic (interprétation). - La seule chose que j'ai

  8   constatée, c'est qu'ils traversaient les barrages sans aucun problème. Ils

  9   n'avaient pas besoin de montrer leur laissez-passer. Ils circulaient sans

 10   difficulté à ce moment-là, et lorsqu'ils étaient en fonction, ils

 11   n'avaient pas besoin de respecter toutes ces règles. Ma conclusion

 12   personnelle a été manifestement qu'ils connaissaient ces soldats qui

 13   contrôlaient les barrages routiers.

 14   M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé du nettoyage de

 15   l'hôpital. C'est ainsi que vous l'avez qualifié. Ce nettoyage a-t-il été

 16   également effectué par des membres de la police militaire du HV, par des

 17   soldats de l'armée de Croatie, ou par le HVO, pouvez-vous vous en

 18   rappeler ?

 19   M. Becirovic (interprétation). - Cet acte a été celui des

 20   soldats du HV, la 5e Brigade qui se trouvait dans la banlieue de Mostar.

 21   J'ai pu reconnaître cette 5e Brigade à cause des camions qu'elle

 22   utilisait. Il était écrit "5e Brigade" sur les camions.

 23   M. Riad (interprétation). - Je crois que ce sera tout. Je vous

 24   remercie.

 25   M. Kehoe (interprétation). - L'interprète souhaitait un


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  1   éclaircissement pour le compte-rendu. Je crois comprendre que

  2   l'interprète, Monsieur le Juge Riad, avec tout le respect qu'elle vous

  3   doit, a eu quelques difficultés à comprendre la teneur de votre question,

  4   s'agissant du HV ou du HVO.

  5   M. Riad (interprétation). - Pourriez-vous vous expliquer ?

  6   M. Becirovic (interprétation). - De quelle question s'agit-il ?

  7   M. Riad (interprétation). - La 5e Brigade dépendait-elle du HV

  8   ou du HVO ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - La 5e Brigade est une brigade

 10   du HVO.

 11   M. le Président. - D'accord, Maître Kehoe ?

 12   Je remercie le Juge Riad d'avoir posé ces questions que j'aurais

 13   moi-même posées. C'est vrai qu'il y a, depuis le début de ce témoignage,

 14   une certaine confusion entre HV, HVO, police militaire HV, police

 15   militaire HVO, troupe HV, troupe du HVO. Je remercie mon collègue d'avoir

 16   essayé d'éclaircir ces questions.

 17   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez évoqué des soldats

 18   qui avaient refusé de tirer sur leurs amis. Ces soldats étaient-ils des

 19   soldats du HV, de l'armée de Croatie, ou du HVO ?

 20   M. Becirovic (interprétation). - C'étaient des soldats du HVO

 21   puisqu'ils étaient les seuls à avoir des amis à Mostar. L'armée de

 22   Croatie, puisqu'elle venait de l'extérieur, ne pouvait pas avoir d'amis à

 23   Mostar.

 24   M. Shahabuddeen (interprétation). - Mon impression est-elle

 25   justifiée, selon laquelle il apparaît, sur la base de tout ce que vous


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  1   avez dit, qu'en certaines occasions, des Croates vous ont manifestée de la

  2   bonté, à vous et aux survivants de votre famille ?

  3   M. Becirovic (interprétation). - Si vous avez des amis, il est

  4   naturel qu'ils vous manifestent de la bonté. Tous ces crimes commis ne

  5   sont certainement pas l'oeuvre de mes amis. Nous n'étions pas une famille

  6   qui avait l'habitude d'attaquer qui que ce soit ou de se mêler à des

  7   querelles. Nous avions de nombreux amis. Je dirais que tous les médecins

  8   de l'hôpital étaient parmi nos amis. C'est grâce à eux que nous sommes

  9   restés vivants. Mon père et ma mère, en effet, lorsqu'ils étaient jeunes

 10   mariés, connaissaient tout Mostar. Ils s'étaient fréquentés longtemps

 11   avant cela. Cela consiste à se promener dans les rues. Ils connaissaient

 12   donc pratiquement tout le monde à Mostar.

 13   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je suis en droit de penser

 14   que ces Croates qui vous ont apporté leur aide, savaient que vous étiez

 15   Musulman ?

 16   M. Becirovic (interprétation). - Ce n'est pas seulement qu'ils

 17   le savaient, mais ils nous ont aidé parce que nous sommes Musulmans. Car

 18   ils étaient les seuls à pouvoir nous aider. A cette époque-là, toute aide

 19   nous était utile. Bien entendu, ils savaient que nous étions Musulmans.

 20   Tout le monde nous connaissait. Ceux qui nous aidaient nous connaissaient

 21   bien sûr, y compris les médecins. Je crois que c'est pour cela que les

 22   médecins nous ont aidés.

 23   M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous aider le

 24   Tribunal en nous disant si, à d'autres occasions, des Musulmans ont reçu

 25   de l'aide de Croates ?


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  1   M. Becirovic (interprétation). - Il y a eu de nombreux cas de ce

  2   genre. Des voisins à nous ont protégé des Musulmans, les ont cachés chez

  3   eux. Je parlerai de cette famille Culjak qui a agi ainsi au moment où les

  4   Musulmans étaient recherchés. De nombreux autres familles, les médecins en

  5   particulier... Enfin, nous connaissons beaucoup de personnes de ce genre.

  6   M. Shahabuddeen (interprétation). - Quels sont aujourd'hui vos

  7   rapports avec les Croates qui se sont avérés généreux à votre égard au

  8   moment où vous en aviez besoin ?

  9   M. Becirovic (interprétation). - Nos rapports sont excellents,

 10   comme ils l'étaient avant la guerre. Il n'y a eu aucune modification. Je

 11   dirais même que cette guerre a permis de prouver à quel point ils étaient

 12   véritablement nos amis, puisqu'ils nous ont aidés. Nous sommes

 13   reconnaissants envers toute personne qui nous a aidés.

 14   M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.

 15   M. le Président. - Je suis sûr que mon collège a d'autres

 16   questions à vous poser.

 17   M. Riad (interprétation). – J’aimerais simplement ajouter une

 18   question aux questions que vient de poser mon éminent collègue, le Juge

 19   Shahabuddeen. Vous êtes apparemment un jeune étudiant très éduqué ; avez-

 20   vous remarqué que le danger qui menaçait la population musulmane de Mostar

 21   provenait uniquement des troupes du HVO ou est-ce que des

 22   civils croates ont également participé à là diffusion de cette haine ?

 23   M. Becirovic (interprétation). – Je peux vous parler de quelque

 24   chose que j'ai appris parce que ce n'était pas seulement des menaces. J'ai

 25   appris que tous les Musulmans étaient sensés déménager à Zenica, c’est une


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  1   ville de Bosnie centrale surtout peuplée de Musulmans. Ce déménagement des

  2   Musulmans de Mostar à Zenica faisait partie d’un plan. Je ne dis pas que

  3   ce plan était exécuté, mais il existait. Les Croates discutaient de ce

  4   plan entre eux. Je les ai entendus en parler.

  5   Par ailleurs, il n’y avait pas de place pour les Musulmans à

  6   Mostar mais il y avait de la place pour des Croates islamisés, ce qui

  7   constitue une grande différence. Le symbole de la ville de Mostar, le

  8   vieux pont a été détruit par le Conseil croate de la défense parce qu’il

  9   représentait, parce ce qu’il symbolisait cet islam sur lequel a été bâti

 10   la ville de Mostar.

 11   M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

 12   M. le Président. - Voilà c’est terminé. Je n'ai pas moi-même de

 13   questions, elles ont été posées excellemment mes collègues. Monsieur

 14    Dragan Becirovic, c'est bien douloureux tout ce que vous avez vécu. Vous

 15   avez beaucoup de vie devant vous. Vous êtes, comme l’a remarqué le Juge

 16   Riad, en cours d’étude, vous avez donc beaucoup de jugement sur tous ces

 17   événements, votre tâche est grande. Essayez d’aller de l’avant.

 18   Voilà tout ce que le Tribunal vous souhaite. Nous vous

 19   remercions d’être venu jusqu’à nous à la demande du procureur. A présent,

 20   l'huissier va vous raccompagner.

 21   (Le témoin quitte la salle d’audience.)

 22   M. le Président. – Monsieur Harmon, nous arrivons à la fin de

 23   notre après-midi. J'aimerais savoir comment vous concevez la semaine

 24   compte tenu de ce que nous avions dit hier sur les témoins que vous devez

 25   produire. Nous terminons vendredi, en fin de matinée, vous le savez.


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  1   Comment se présentent les audiences, s'il vous plaît ?

  2   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

  3   un témoin, le

  4   Conseil de la défense est au courant, je ne cite pas son nom parce que

  5   c'est un témoin protégé et, éventuellement, un autre témoin après ce

  6   prochain témoin dont nous avons également discuté avec la défense.

  7   Ensuite, nous aurons une série de documents qui sera abordée par

  8   mon collègue, Me Cayley demain. Après quoi, nous aurons un autre témoin,

  9   qui sera interrogé par Me Harmon jeudi.

 10   Je pense que cette déposition se prolongera vendredi, mais je

 11   vais donner la parole à Me Harmon de façon à ce que sa réponse soit tout à

 12   fait précise.

 13   M. HARMON (interprétation). – Nous prévoyons d’en avoir fini

 14   vendredi comme cela était déjà indiqué sur le calendrier existant.

 15   M. le Président. – Je voudrais également…, je vous remercie

 16   M. Harmon, que vous essayiez d’utiliser votre temps, parce que sinon, il

 17   vous est décompté. Je ne le décompte pas quand il s'agit d'un quart

 18   d’heure, sinon il vous est décompté, vous le savez, tout en appliquant

 19   cette mesure avec nuance, comme nous l’appliquerons pour la défense le

 20   moment venu.

 21   Je voudrais aussi que vous réfléchissiez à la suite de vos

 22   travaux pour la fin du mois de juillet. Quand vous aurez terminé la fin de

 23   la présentation de vos preuves, normalement c'est le 29 juillet,

 24   monsieur Dubuisson, vous qui tenez nos comptes, notre calendrier.

 25   M. Dubuisson. – C’est bien cela, le 29 juillet.


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  1   M. le Président. - A présent, nous remercions les interprètes,

  2   comme on doit le faire chaque jour, comme on doit le fait particulièrement

  3   aujourd'hui.

  4   Nous nous retrouvons demain à 9 heures 45 puisque le Greffe nous

  5   a demandé désormais de commencer nos séance à cette heure-là pour des

  6   questions concernant la détention et la venue des différents accusés.

  7   Bonne soirée à tout le monde, l'audience est levée.

  8   L’audience est levée à 18 heures 10.

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