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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 Tihomir BLASKIC
7 Lundi 6 juillet 1998
8
9 L’audience est ouverte à 14 heures 35.
10 M. le Président. - Faites introduire l'accusé.
11 Nous aurons une semaine qui n'en sera pas une, théoriquement à
12 partir de mercredi…, encore que je ne sais pas si la plénière dure deux ou
13 trois jours. Nous aurons donc une petite semaine. C'est ainsi. Tout le
14 monde m'entend ?
15 Les interprètes. - Bonjour Monsieur le Président.
16 M. le Président. - Je salue les interprètes ainsi que les
17 avocats du Bureau du Procureur et ceux et de la défense. Est-ce que
18 l’accusé m’entend ? Monsieur Blaskic, m'entendez-vous ?
19 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, je
20 vous entends bien.
21 M. le Président - Bien. Je crois que le droit de réplique du
22 Procureur devait s’exercer maintenant à l’égard du lieutenant-colonel
23 Morsink. C'est donc Me Harmon.
24 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
25 M. le Président. - Bonjour Lieutenant-colonel. Vous vous êtes
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1 reposé ? Vous avez passé une bonne fin de semaine ?
2 Si tel est le cas nous allons continuer, non plus votre
3 interrogatoire ni votre contre-interrogatoire, mais le droit de réplique
4 qu'a tout témoin cité par l'accusation.
5 C'est donc Me Harmon qui va vous poser des questions.
6 M. Harmon (interprétation). - Merci. Bonjour Monsieur le
7 Président, bonjour messieurs les Juges, bonjour les conseils de la
8 défense.
9 J’aimerais que l'on mette sur le rétroprojecteur la pièce 296 et
10 que l’on remette au témoin la pièce 414.
11 Lieutenant-colonel Morsink, j'aimerais que nous revenions au
12 problème de la propagande HVO-HDZ qui était adressée aux Croates vivant
13 dans la zone de Zenica. Vous avez mené une enquête à ce sujet. Vous avez
14 conclu que les affirmations au sujet d’atrocités, de destructions et
15 d’incendies des maisons musulmanes étaient exagérées et fausses. Eu égard
16 à l'enquête que vous avez menée dans les villages croates et aux
17 destructions subies par ces villages, M. Hayman vous a posé la question
18 suivante. Je me réfère à la traduction anglaise du compte rendu officieux.
19 Page 99951, lignes 11 à 14, on vous a posé la question
20 suivante : " Vous nous avez dit que l’église de Gucja Gora n’avait pas été
21 touchée au cours de cette action. Est-ce exact ? ". Votre réponse a été :
22 " C’est exact, j’ai visité cette église moi-même, après être venu à
23 Gucja Gora par le sud ".
24 La question suivante que l’on vous a posée a été celle-ci : " La
25 population croate qui vivait dans le voisinage n’a pas subi de
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1 destructions ou d’attaques sur les bâtiments civils par l’armée de
2 Bosnie Herzégovine, ou une telle conduite s’est limitée à Gucja Gora ? "
3 Vous avez répondu qu’il n’y avait eu, selon vos collègues, ni de dommages
4 importants dans les populations croates ni à Zenica et autour de Zenica.
5 Vous rappelez-vous cette question et vos réponses ?
6 M. Morsink (interprétation). - Oui, je me le rappelle.
7 M. Harmon (interprétation). - Maître Hayman a ensuite attiré
8 votre attention sur la pièce à conviction 296 qui se trouve actuellement
9 sur votre droite, sur le rétroprojecteur. Il a fait référence au
10 paragraphe 1...
11 Oui, Monsieur le Président, je vous prie de m’excuser. Je prie
12 les interprètes de m’excuser également...
13 Lieutenant-colonel Morsink, on a ensuite fait référence à la
14 pièce à conviction 414, 1er paragraphe. Me Hayman a lu la phrase
15 suivante : " La FORPRONU a ensuite rendu compte du fait que le village
16 croate de Dolac avait été déserté et que plus d'un milliers de maisons
17 avaient été incendiées ". Vous rappelez-vous cette question ?
18 M. Morsink (interprétation). - Oui, je me rappelle également
19 cette question.
20 M. Harmon (interprétation). - On vous a ensuite demandé si ce
21 même jour, à savoir le 8 juin, la FORPRONU avait bien tenu compte du fait
22 que dans le village de Dolac, ces maisons avaient été incendiées.
23 Lieutenant-colonel Morsink, je vous prierai maintenant de
24 regarder la pièce à conviction 296, et à l’aide du pointeur d’indiquer le
25 village de Dolac qui se trouve sur cette pièce à conviction de
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1 l’accusation 296. Est-ce que le Dolac dont il est question dans la pièce à
2 conviction de l'accusation 414 est le village de Dolac où la FORPRONU a
3 dit que 400 maisons avaient été incendiées ?
4 M. Morsink (interprétation). - Ce n’est pas ce même Dolac.
5 M. Harmon (interprétation). - Est-ce le village de Dolac où plus
6 d’une centaine de maisons ont été considérées comme ayant brûlé dans la
7 municipalité de Zenica ?
8 M. Morsink (interprétation). - Non.
9 M. Harmon (interprétation). - Je vous réfère à nouveau à la
10 pièce à conviction de l’accusation 414. Je fais référence au paragraphe 1
11 de cette pièce. Pourriez-vous lire la phrase complète ? Je vous la lis :
12 " La FORPRONU a ensuite rendu compte du fait que le village croate de
13 Dolac (IJ 1399) avait été déserté et que plus de cent maisons avaient été
14 incendiées ". Dans quelle municipalité se trouve le Dolac qui correspond
15 aux coordonnées YJ 1399 ?
16 M. Morsink (interprétation). - C’est un village de Dolac qui se
17 trouve dans le voisinage de Travnik.
18 M. Harmon (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,
19 j'aimerais que cette pièce à conviction soit enregistrée, puis placée sur
20 le rétroprojecteur.
21 M. Dubuisson. - Il s'agit du document 429.
22 M. Harmon (interprétation). - Lieutenant-colonel Morsink,
23 auriez-vous l'amabilité d'expliquer aux Juges ce que représente la pièce à
24 conviction de l'accusation 429 ?
25 M. Morsink (interprétation). - Au voisinage de Travnik, on
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1 trouve deux villages de Dolac que nous considérions comme constituant un
2 village. L'un s'appelle Dolac et l'autre Dolac na Lasvi, c'est-à-dire
3 Dolas sur la Lasva. Pour les localiser, il faut lire les deux lettres qui
4 se trouvent ici, qui représentent 100 km dans le système UTM. Ensuite,
5 vous prenez l’ordonnée 1.3. et l’abscisse 99. Les coordonnées de ce Dolac
6 sont YJ 1399.
7 M. Harmon (interprétation). - C’est dans cette région qu'il a
8 été rendu compte du fait que cent maisons croates avaient été incendiées,
9 n'est-ce pas ?
10 M. Morsink (interprétation). - C'est exact.
11 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous maintenant regarder
12 la pièce à conviction 429 de l’accusation et expliquer aux Juges quelles
13 sont ses coordonnées ?
14 M. Morsink (interprétation). - Nous trouvons de nouveau deux
15 lettres YK, puis nous trouvons la verticale 27 et l’horizontale 01. Donc
16 ce Dolac est représenté par YK 27.10.
17 M. Harmon (interprétation). - YK 27.10 c’est donc le Dolac
18 auquel il est fait référence dans la pièce à conviction 296 de
19 l’accusation, n’est-ce pas ?
20 M. Morsink (interprétation). - C’est exact, c’est ce même Dolac.
21 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges,
22 Lieutenant-colonel Morsink, ce qui s’est passé le 8 juin dans Dolac et
23 autour du Dolac représenté par les coordonnées YJ 1399 ?
24 M. Morsink (interprétation). - Selon nos connaissances de
25 l'époque, il y avait des combats importants aux abords de Travnik. C’est
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1 exactement dans la zone de ce Dolac ici que le HVO a utilisé son contrôle
2 d’un barrage important situé sur la route principale qui va de Vitez à
3 Travnik. Les combats se déroulaient autour de ce barrage routier et de la
4 zone frontalière qui permet de pénétrer dans le village de Dolac. Il y
5 avait là des combats importants dans Dolac lui-même.
6 M. Harmon (interprétation). - C’est donc le Dolac où les cent
7 maisons ont été rapportées comme ayant brûlé, n’est-ce pas ? Elles se
8 situaient dans une zone de combat important. Est-ce exact ?
9 M. Morsink (interprétation). - Oui, en fait, plus tard, le Dolac
10 correspondant aux coordonnées YJ 1399 a été visité par l’ECMM qui a évalué
11 que quinze à vingt maisons avaient brûlé.
12 M. Harmon (interprétation). - L’évaluation a également concerné
13 l'église catholique qui se trouvait à Dolac, aux coordonnées YJ 1399 ?
14 M. Morsink (interprétation). - C’est exact, l’église se trouve
15 sur la carte. Elle a été frappée par un coup de mortier et en raison de
16 cet impact, elle a été endommagée. Le toit a été endommagé, une partie de
17 l’intérieur également. Toutefois, il n’y avait pas de signes de combats
18 ayant directement visé cette église.
19 M. Harmon (interprétation). - Il a été estimé que ce n’étaient
20 pas des dommages intentionnels, n’est-ce pas ?
21 M. Morsink (interprétation). - Ces dommages ont été estimés par
22 nous comme n’étant pas intentionnels.
23 M. Harmon (interprétation). - Lieutenant-colonel Morsink,
24 s’agissant des enquêtes de l’ECMM au sujet des événements survenus à Gucja
25 Gora et dans les environs le 8 juin 1993, vous en restez à votre
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1 déposition précédente et aux conclusions de l'ambassadeur Thébault, à
2 savoir que les allégations concernant des atrocités ou un nettoyage
3 ethnique de la part des Croates de Bosnie ont été intentionnellement
4 exagérés, sinon complètement erronés, n’est-ce pas ?
5 M. Morsink (interprétation). - C’est exact, je m’en tiens à
6 cette déclaration.
7 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, nous
8 demandons le versement au dossier de la pièce à conviction de
9 l’accusation 429.
10 M. le Président. - Pas d’opposition, pas de discussion. Cette
11 pièce est donc versée sous le numéro indiqué.
12 M. Harmon (interprétation). - Nous passons maintenant à un autre
13 sujet Lieutenant-colonel Morsink. On vous a posé des questions au sujet de
14 la pièce à conviction de l’accusation 418 qui est une lettre de Mate Boban
15 adressée au Général Morillon, en date du 22 juin 1993.
16 Dans cette lettre, Mate Boban affirme que les Croates de Bosnie
17 centrale...
18 M. le Président - Quel numéro de pièce, Monsieur Harmon ? Ah !
19 Excusez-moi, 418.
20 M. Harmon (interprétation). - C’est exact, Monsieur le
21 Président.
22 Dans la pièce à conviction de l’accusation 418, Mate Boban
23 affirme -je cite- que " Les Croates de Bosnie centrale sont sur le point
24 de s'éteindre, ayant été expulsés d’une région dans laquelle ils vivaient
25 depuis plus de treize siècles. La FORPRONU et vous-même avez assisté à la
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1 profanation des bâtiments de culte musulman et des bâtiments catholiques.
2 La même remarque s'applique à Gucja Gora et à d’autres localités ".
3 Pourriez-vous vous référer à nouveau à la pièce à conviction de
4 l’accusation 414, notamment à la première page de ce document, ainsi qu’au
5 rapport qui a été rédigé par Monsieur l’Ambassadeur Thébault ?
6 Est-ce que l’Ambassadeur Thebault fait référence à une
7 affirmation publique de la part de Mate Boban émise avant le 8 juin 1993
8 selon laquelle Mate Boban faisait appel à la Communauté internationale
9 pour sauver les Croates de l’extinction ?
10 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est ce que dit M. Thebault
11 dans son rapport spécial.
12 M. Harmon (interprétation). - Le ton de ce rapport de
13 M. l'ambassadeur Thebault, au sujet des déclarations de Mate Boban, et le
14 ton de Mate Boban dans la pièce à conviction de l’accusation 498
15 correspondent-ils au ton de l'appel à l'aide de Blaskic en date du 8 juin
16 1993 ?
17 M. Morsink (interprétation). - Toutes ces lettres s’intègrent
18 dans une même tentative qui, à mon avis, avait pour but de tromper
19 l'opinion publique internationale et l'opinion publique en général.
20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
21 maintenant que l’on parle de la pièce à conviction de la défense n° 145 et
22 que cette pièce soit remise au témoin.
23 Lieutenant-colonel Morsink, cette pièce à conviction est le
24 6ème rapport d’information du Conseil de l’Europe au sujet des dommages
25 subis par le patrimoine culturel en Bosnie-Herzégovine. C'est un rapport
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1 présenté par la Commission chargée de la culture et de l'éducation et
2 c’est un rapport qui fait suite à une mission qui a duré du 30 mai au
3 22 juin 1994, mission menée par le Dr Colin Kaiser.
4 Au cours de contre-interrogatoire, la défense a lu un paragraphe
5 de ce document. Ce paragraphe disait ce qui suit, je cite : « Gucja Gora :
6 les autorités de Bosnie-Herzégovine, civiles et militaires de Travnik, ont
7 autorisé la visite de ce site. Le village qui comportait un grand nombre
8 de fermes et de bâtiments traditionnels a été pris au HVO, peut-être par
9 des Moudjahidins et des affirmations ont porté sur un nettoyage ethnique.
10 Deux semaines plus tard, l’armée de Bosnie-Herzégovine a occupé le
11 monastère franciscain qui est toujours occupé. » (fin de citation)
12 Avez-vous déjà eu l’occasion de lire ce document, à savoir la
13 pièce à conviction n° 145 ?
14 M. Morsink (interprétation). - Il m’a été montré, effectivement.
15 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous pu lire le paragraphe
16 suivant ?
17 M. Morsink (interprétation). - Oui.
18 M. Harmon (interprétation). - Le paragraphe suivant indique,
19 n’est-ce pas, que si le Dr Kaiser n’a pas pu visiter l’intérieur de
20 l’église et les bâtiments du monastère, il a pu voir que les bâtiments
21 avaient subi des dommages insignifiants à l’extérieur. N’est-ce pas ?
22 C’est bien ce qu’il dit ?
23 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est ce qu’il dit.
24 M. Harmon (interprétation). - Dit-il également, plus loin, que
25 d’autres éléments de valeur (peintures et autres objets d’art) ont été
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1 évacué à Travnik pour être sauvegardés par les autorités locales ?
2 Affirme-t-il cela également ?
3 M. Morsink (interprétation). - Oui, effectivement.
4 M. Harmon (interprétation). - Vous avez visité ce site
5 particulier, ce monastère franciscain à plusieurs reprises, n’est-ce pas ?
6 M. Morsink (interprétation). - C’est exact.
7 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous pénétré à l’intérieur du
8 monastère ?
9 M. Morsink (interprétation). - J'y ai pénétré deux fois.
10 M. Harmon (interprétation). - Les deux fois où vous y avez
11 pénétré, avant la visite du Dr Kaiser, l'intérieur du monastère était-il
12 endommagé de quelque façon que ce soit ?
13 M. Morsink (interprétation). - Non, il était intact.
14 M. Harmon (interprétation). - L’extérieur était-il intact ou
15 endommagé quand vous l’avez vu ?
16 M. Morsink (interprétation). - Il était intact.
17 M. Harmon (interprétation). - Un peu plus bas, dans la pièce à
18 conviction de la défense 145, j’aimerais vous lire un paragraphe de ce
19 texte qui commence par le mot « Kruscica ». Je cite : « Kruscica ; mosquée
20 dont la construction n’est pas terminée, frappée sur la façade, peut-être
21 par un canon sans recul (HVO). Le toit est également endommagé, mais
22 réparé. Exemple de tirs délibérés sur la mosquée, puisque les maisons de
23 ce village très traditionnel, semblent n'avoir subi que peu de dommages en
24 raison du pilonnage. »
25 Lieutenant-colonel, étiez-vous au courant de cette attaque dont
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1 il est fait état dans le rapport du Dr Kaiser ?
2 M. Morsink (interprétation). - Oui, je crois que c’est la même
3 attaque que celle dont j’ai parlé à Mario Cerkez lorsque je me trouvais
4 dans la région. Je crois qu’elle s’est située au début du mois de mai
5 lorsque j’ai demandé à Mario Cerkez pourquoi les soldats du HVO avaient
6 lancé des roquettes contre la mosquée à Kruscica.
7 M. Harmon (interprétation). - Qu’a répondu Mario Cerkez ?
8 M. Morsink (interprétation). - Sa réponse, interprétée par mon
9 interprète, a été « je pourrais poser la même question à la partie
10 adverse ».
11 M. Harmon (interprétation). - Apparaissait-il préoccupé par
12 l’allégation que vous aviez faite quant au fait que la mosquée de Kruscica
13 avait été visée délibérément ?
14 M. Morsink (interprétation). - Non, pas le moins du monde.
15 M. Harmon (interprétation). - Nous passons maintenant à un autre
16 sujet abordé au cours du contre-interrogatoire. On vous a posé une
17 question sur votre tentative de vous rendre dans le village de Gomionica,
18 le 27 avril 1993, et vous avez dit que vous n’aviez pas pu pénétrer dans
19 le village pour l’inspecter. Mais selon un soldat du barrage routier, les
20 ordres étaient donnés par Ivica Rahic. Ivica Rahic était-il un commandant
21 de brigade du HVO à Kiseljak ?
22 M. Morsink (interprétation). - Il l’a été pendant un moment.
23 Après, on m’a dit qu’il avait été tué sur le front.
24 M. Harmon (interprétation). - Qui était le supérieur d’Ivica
25 Rahic ?
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1 M. Morsink (interprétation). - Je crois que M. Blaskic était le
2 supérieur d’Ivica Rahic.
3 M. Harmon (interprétation). - J’aimerais maintenant que nous
4 revenions sur Kruscica, et plus précisément sur ce que vous avez dit dans
5 votre déposition quant aux efforts que vous avez déployés pour distribuer
6 de l’aide humanitaire à Kruscica.
7 Au cours de l’interrogatoire principal, vous avez dit que vous
8 aviez tenté de livrer de l’aide humanitaire pendant environ cinq semaines
9 et que l’excuse qui vous a été fournie par les responsables du HVO
10 consistait à dire que la route menant à Kruscica était bloquée par des
11 civils en colère. Est-ce exact ?
12 M. Morsink (interprétation). - C’est exact.
13 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit ensuite, dans votre
14 déposition, que vous aviez informé le HVO, y compris M. Nakic, commandant
15 adjoint, quant aux efforts déployés par vous pour alimenter Kruscica. Est-
16 ce exact ?
17 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est exact à plusieurs
18 reprises et je me suis adressé à plusieurs représentants du HVO.
19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également dit dans votre
20 déposition que cinq semaines plus tard environ, vous êtes parvenu à
21 pénétrer dans le Kruscica, mais en utilisant une autre route, une route
22 parallèle qui était contrôlée par le HVO et dont vous ne connaissiez pas
23 l’existence. Est-ce exact ?
24 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est exact.
25 M. Harmon (interprétation). - Ma question est la suivante. Est-
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1 ce que cette autre route parallèle est celle qui avait été bloquée par des
2 civils en colère ou s’agit-il d’une route complètement différente ?
3 M. Morsink (interprétation). - Il s’agit d’une route
4 complètement différente. C’est la route principale qui avait été bloquée
5 par les civils en colère et celle-ci était une route parallèle.
6 M. Harmon (interprétation). - Lieutenant-colonel Morsink, à
7 votre avis, cette route parallèle aurait-elle pu être ouverte par le HVO,
8 à quelque moment que ce soit, au cours des cinq semaines qui ont précédé
9 le moment, le 21 juin 1993, où vous êtes parvenu à distribuer l’aide
10 humanitaire ?
11 M. Morsink (interprétation). - Oui, je suis sûr qu’elle aurait
12 pu être ouverte à n’importe quel moment.
13 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi affirmez-vous cela ?
14 M. Morsink (interprétation). - Parce que pendant cette période
15 de cinq semaines, le front n’a pas bougé beaucoup, il n’y a pas eu de
16 conflits importants dans les abords de Kruscica ou de Vitez. Donc je pense
17 qu’au début de ces cinq semaines, la situation était exactement identique
18 à ce qu’elle était à la fin de cette période de cinq semaines.
19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit brièvement dans
20 votre déposition ce qu’il était de la commission conjointe de Busovaca et
21 vous avez dit que cette commission avait été, en partie, créée en raison
22 de violations graves du droit humanitaire international survenues à
23 Busovaca en janvier 1993, violations dues en partie au HVO. Est-ce exact ?
24 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est ce que m’a dit mes
25 collègues observateurs de l’ECMM.
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1 M. Harmon (interprétation). - Maintenant si un commandant sait
2 que ses subordonnés ont tendance à commettre des violations sérieuses du
3 droit humanitaire international et qu’un commandant organise une opération
4 systématique et à grande échelle visant les villages musulmans dans la
5 région en question, que ferait ce commandant, à votre avis, pour garantir
6 que les violations du droit international humanitaire ne se reproduisent
7 pas ?
8 M. Hayman (interprétation). - En dehors du champ, Monsieur le
9 Président. Si le Conseil souhaite reprendre sa question, il le peut. Mais
10 nous sommes en dehors et il ne peut pas le faire sans l’accord de la
11 Chambre de première instance.
12 M. le Président. - Maître Harmon, vous pouvez soit reformuler
13 votre question, mais il est vrai que vous êtes un peu en dehors du champ
14 de l’interrogatoire. Vous refaites un interrogatoire principal, là.
15 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je
16 continue.
17 Zuti, c’est mon nouveau thème. Monsieur le colonel, vous avez
18 dit que Zuti était un élément non contrôle du HVO. C’est exact ?
19 M. Morsink (interprétation). - Oui.
20 M. Harmon (interprétation). - Vous l’avez rencontré une fois en
21 présence du commandant adjoint Nakic. Ma question est celle-ci : où cette
22 rencontre a-t-elle eu lieu ?
23 M. Morsink (interprétation). - A l’état-major de M. Léotard, du
24 commandant Léotard, dans un petit village de Blici.
25 M. Harmon (interprétation). - Etait-ce un état-major du
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1 commandement ?
2 M. Morsink (interprétation). - C’est exact.
3 M. Harmon (interprétation). - C’est là où Zuti avait été arrêté
4 par le HVO lorsque vous l’avez vu à l’état-major le 2 juin ?
5 M. Morsink (interprétation). - Je crois que oui, c’était une
6 région contrôlée par le HVO.
7 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais maintenant en venir à
8 l’aide humanitaire confisquée à Busovaca. Le chef de la police à l’époque,
9 vous l’avez rencontré et vous avez demandé la libération de l’aide
10 américaine à M. Ljubasic, mais il vous a répondu qu’il devait demander
11 d’abord la permission à Mostar. Est-ce correct ?
12 M. Morsink (interprétation). - Oui.
13 M. Harmon (interprétation). - Ensuite, on vous a demandé de
14 revenir le jour suivant et vous avez dit que vous aviez rencontré le
15 commandant de la brigade du HVO, du nom de Grbasic, et qu’il avait des
16 ordres qui venaient de l’état-major de Vitez et, qu’en ce qui concernait
17 l’aide humanitaire, celle-ci serait libérée si la menace contre Zenica
18 était levée. Est-ce exact ?
19 M. Morsink (interprétation). - Oui. Il y avait un lien avec le
20 blocage de la route, le blocus routier.
21 M. Harmon (interprétation). - La décision du HVO était que
22 l'aide humanitaire se libérerait si le blocus de la route était levé et
23 ceci a été fait sur l’ordre du colonel Blaskic.
24 M. Hayman (interprétation). - Je m'oppose à cette question.
25 C'est une question biaisée et ceci dépasse de loin tout ce que j’ai vu
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1 dans un Tribunal, dans une Cour. Je propose que l'on repose la question
2 autrement.
3 M. Harmon (interprétation). - Je ne pense pas que ma question
4 dépasse ce qui est permis dans une Cour.
5 M. le Président. - Essayez de reformuler la question, Maître
6 Harmon, pour ne pas donner l’impression à Me Hayman qu’il serait devant la
7 première juridiction sur laquelle son adversaire sortirait un peu du champ
8 du contre-interrogatoire. Essayez de reformuler votre question.
9 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Lieutenant-Colonel
10 Morsink, le 3 juillet, lorsque le commandant de la Brigade HVO vous a dit
11 qu’il y avait un lien entre la libération de l’aide humanitaire et la
12 levée de la menace sur Zenica...
13 M. le Président. - Attendez, nous sommes dans le champ du
14 contre-interrogatoire, Maître Hayman. Nous allons laisser poursuivre la
15 question. Pour l’instant, nous sommes tout à fait dans le champ. Vous êtes
16 d’accord, Maître Hayman ?
17 M. Harmon (interprétation). - Oui.
18 M. le Président. - Poursuivez.
19 M. Harmon (interprétation). - A votre avis, est-ce que cela
20 s’insérait bien dans le fait que le commandant Blaskic contrôlait...
21 M. le Président. - Attendez. Je suis en train d’essayer de voir
22 si votre objection est valable. Laissez-moi écouter jusqu’au bout la
23 question de Me Harmon. J’ai fait exprès de faire une séquence, une césure
24 au milieu. Pour la première partie de sa phrase, la question de Me Harmon
25 est tout à fait dans le champ de l’interrogatoire. Laissez-moi au moins
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1 écouter jusqu'à la fin.
2 Maître Harmon, reprenez. Nous sommes bien dans le champ du
3 contre-interrogatoire lorsqu’il s’agit de savoir si on parle de l’aide
4 humanitaire interrompue. Maître Harmon, poursuivez votre question.
5 M. Harmon (interprétation). - Ma question est la suivant,
6 Monsieur le Président, qui a été reprise par la défense, c’est le contrôle
7 tactique du commandant dans une zone d’opération. Ma question au colonel
8 Morsink est la suivante.
9 Le fait que l’on vous ait dit qu’il devait avoir l’autorisation
10 de Mostar et que vous devriez revenir le lendemain, on vous a dit, c’est
11 le commandant militaire qui vous a dit qu’il y avait un lien et que vous
12 ne pourriez pas récupérer l’aide humanitaire tant que la menace de Zenica
13 existait.
14 Cela veut dire que la permission reçue par le chef de la police,
15 en fait, a été remplacée et dépassée par la décision tactique par le
16 commandant responsable de la zone opérationnelle. Est-ce bien cela ?
17 M. Morsink (interprétation). - C’est exact. Cette question de
18 police, en fait, a été subordonnée à des questions militaires.
19 M. Hayman (interprétation). - Objection !
20 M. le Président. - La question était correcte. Vous voulez faire
21 une autre objection sur autre chose ?
22 M. Hayman (interprétation). - Je veux simplement dire, pour le
23 procès-verbal, pourquoi j’ai émis une objection : on pose au témoin des
24 questions nouvelles en contre-interrogatoire, et nous n’aurons jamais la
25 possibilité de poser une question à cette question du contre-
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1 interrogatoire.
2 M. le Président - Nous y faisons très attention. J’ai eu
3 l’occasion, à différentes reprises, de dire que le droit de réplique doit
4 s’exercer dans le cadre du contre-interrogatoire et d’autre part que cette
5 règle n’est pas mathématique, Maître Hayman. D’ailleurs, vous le verrez
6 quand vous-même aurez vos propres témoins. Ce n’est pas d’une telle
7 précision. Chaque fois, le juge est obligé d’écouter l’objection et de
8 décider en fonction. C’est une vérité qui n’est pas absolue.
9 D’ailleurs, sur certains points, j’éprouve le besoin moi-même de
10 consulter mes collègues. Mais il me semble qu’en l’occurrence, il s’agit
11 bien d’un champ qui avait été couvert par vos propres questions,
12 Maître Hayman.
13 Cela étant, vous avez satisfaction, tout ceci est inscrit au
14 transcript et vous en ferez l’usage qui conviendra, le moment venu. Mais
15 ceci n’altère pas la position des Juges.
16 Maître Harmon, continuez.
17 M. Harmon (interprétation). - Est-il normal qu'un responsable
18 d'une zone opérationnelle ait le contrôle décisionnel pour toutes les
19 questions ?
20 M. Morsink (interprétation). - Oui, il est normal qu’il ait le
21 contrôle tactique pour toutes les opérations.
22 M. Harmon (interprétation). - On vous a montré un film et on
23 vous a demandé d’identifier le bungalow où, la nuit avant, une attaque du
24 village d’Ahmici avait eu lieu, le 16 avril 1993.
25 Ma question est la suivante : vous connaissez bien les
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1 structures militaires. Est-ce qu'une unité de police militaire qui
2 participait à une attaque bien organisée et coordonnée pouvait ne pas être
3 soumise au contrôle tactique du commandant de la zone opérationnelle ?
4 M. Morsink (interprétation). - Je crois que c’est impossible.
5 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi ?
6 M. Morsink (interprétation). - Parce que le commandant qui
7 organise l’opération militaire, dans sa zone de responsabilité, a le
8 contrôle sur tous les éléments. Il doit avoir le commandement tactique de
9 tous les éléments et il ne peut pas y avoir d’exception. Donc tout cela
10 doit être placé sous le commandement d’une seule et unique personne,
11 commandement sur toutes les unités qui participent à toutes les opérations
12 dans cette zone.
13 M. Harmon (interprétation). - J’en ai terminé, Monsieur le
14 Président.
15 M. le Président. - Merci. Lieutenant-colonel, les Juges vont
16 vous poser eux-mêmes un certain nombre de questions ou demander des
17 précisions complémentaires qu’ils souhaitent voir éclairer de votre part.
18 Je me tourne vers le Juge Riad.
19 M. Riad (interprétation). - Bonjour. J’ai un certain nombre de
20 questions à vous poser. J’espère que vous pourrez nous apporter quelques
21 éclaircissements sur ces questions.
22 Vous avez été très clair dans votre déposition, et je ne veux
23 pas, en disant cela, insinuer que vous n'avez pas été clair. Mais il est
24 toujours possible de clarifier un peu plus. Je commencerai au
25 commencement, bien que cela remonte assez loin dans le temps.
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1 Vous avez parlé d'un M. Peterson qui aurait été chargé d'une
2 enquête après l'explosion d'un camion piégé à Vitez et Cerkez avait
3 accepté que cette enquête ait lieu. Ma question est la suivante : quelle
4 est la relation entre Cerkez et le Général Blaskic ?
5 M. Morsink (interprétation). - Si je suis bien informé,
6 M. Cerkez était un commandant HVO dont l'état-major était à Vitez. Il
7 était subordonné de M. Blaskic.
8 M. Riad (interprétation). - Donc il remplaçait M. Blaskic ?
9 M. Morsink (interprétation). - C’est exact.
10 M. Riad (interprétation). - Vous pensez que l'enquête aurait été
11 faite par M. Cerkez au nom du colonel Blaskic ?
12 M. Morsink (interprétation). - D’après les lois qui nous
13 régissent, le commandant de la brigade était responsable pour sa zone
14 d’opération. Dans ce cas, il s’agissait des environs de Vitez. Je suppose
15 que M. Mario Cerkez, s’il avait fait l’enquête, aurait d’abord fait
16 rapport à son supérieur, ou lui aurait demandé son autorisation.
17 M. Riad (interprétation). - Je vais vous poser une autre
18 question. Supposons qu'il n'ait pas pu faire rapport à son supérieur,
19 parce qu'il était si loin du Général Blaskic que celui-ci ne pouvait pas
20 le savoir ?
21 M. Morsink (interprétation). - Cette explosion a été tellement
22 bruyante qu’on l’a entendue très loin. M. Blaskic, dans son état-major,
23 l’aurait donc certainement entendue et en aurait entendu parler s’il ne
24 l’avait pas entendue lui-même.
25 M. Riad (interprétation). - En ce qui concerne ce camion piégé à
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1 Vitez, vous avez dit qu’il y avait environ 200 blessés, qu’il y a eu
2 évacuation et que le colonel Steward était furieux parce que le HVO
3 n’avait pas aidé les blessés, que c’est le bataillon anglais qui avait
4 procédé à l’aide aux blessés.
5 D’une manière générale, était-ce un principe de ne pas
6 participer aux opérations de sauvetage des civils ? Est-ce une manière de
7 procéder habituelle du HVO ?
8 M. Morsink (interprétation). - A ma connaissance, c’est la seule
9 fois que le HVO n’a pas aidé. Je ne sais pas si cela s’est produit
10 ailleurs. Ils étaient, en fait, organisés pour aider. A Vitez, c’étaient
11 les autorités locales, municipales, qui s’occupaient de l’organisation de
12 la Croix-Rouge, des pompiers. Ils disposaient donc des ambulances, des
13 camions. Si quelqu’un avait donc pu aider, c’était bien eux.
14 M. Riad (interprétation). - Ils ne l’ont jamais fait ?
15 M. Morsink (interprétation). - Non, jamais.
16 M. Riad (interprétation). - Je suis votre déposition et j’ai
17 maintenant une question qui n’est peut-être pas liée à celle que je viens
18 de vous poser. En ce qui concerne le blocus routier, on vous a refusé le
19 passage. On vous a même menacé. C’était un barrage routier HVO.
20 Y avait-il de l'animosité entre votre groupe, votre détachement,
21 et le HVO ? Y avait-il des rancunes, de l’hostilité ? Pourquoi auraient-
22 ils réagi de cette manière ?
23 M. Morsink (interprétation). - Parfois il y avait du
24 ressentiment, de l’animosité. On nous accusait de faire passer des
25 munitions à la partie adverse. On accusait la FORPRONU d’être partiale. On
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1 nous accusait parfois de ne pas tenir nos promesses, de libérer des
2 prisonniers ou de les menacer.
3 M. Riad (interprétation). - Il n’y avait pas d’autres raisons
4 pour vous empêcher l’accès ?
5 M. Morsink (interprétation). - La réponse qu’ils nous ont
6 donnée, en ce qui concerne ce barrage routier, c’est qu’on avait tiré deux
7 fois sur une femme qui se trouvait dans le jardin, derrière la maison, et
8 qu’elle avait été tuée avec un enfant, que c’était très regrettable.
9 Nous avons également considéré que c’était regrettable et que
10 c’était là la raison qui expliquait que des civils en colère bloquaient
11 cette route.
12 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que Mario Kordic avait
13 menacé de brûler Kruscica complètement en cas d'attaque ?
14 M. Morsink (interprétation). - C’était Mario Cerkez.
15 M. Riad (interprétation). - Pourquoi avait-il prononcé cette
16 menace ?
17 M. Morsink (interprétation). - Il a dit cela lors d’une réunion
18 de la commission locale de Vitez. Pendant cette réunion, le problème de
19 Kruscica a été soulevé et Mario Cerkez a dit que l’armée de la Bosnie-
20 Herzégovine amenait de nouvelles troupes par les montagnes, par une petite
21 piste, une piste de chevrier qui n’était pas normalement utilisée. Cela
22 voulait dire qu’il y avait une attaque qui visait Vitez par Kruscica. Je
23 ne suis pas très sûr.
24 M. Riad (interprétation). - Est-ce que Kruscica était un centre
25 militaire ?
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1 M. Morsink (interprétation). - Cela relevait de la brigade
2 musulmane de Kruscica, mais je n’en suis pas très sûr. Il y avait là un
3 bataillon ou un demi bataillon.
4 M. Riad (interprétation). - Est-il normal en temps de guerre,
5 lorsqu’il y a des troupes dans une ville, de brûler, d'incendier toute la
6 ville ?
7 M. Morsink (interprétation). - Non, ce n'est pas normal,
8 d'autant plus qu'environ 4 000 civils vivaient dans ce village.
9 M. Riad (interprétation). - Cela faisait-il partie de la
10 stratégie du HVO de brûler une ville lorsqu’il y avait des armes ?
11 M. Morsink (interprétation). - Ils disent que ce n’était pas le
12 cas, comme à Rotilj, mais c’était une menace en tout cas.
13 M. Riad (interprétation). - Etait-ce une méthode de guerre ?
14 M. Morsink (interprétation). - Pas vraiment.
15 M. Riad (interprétation). - De brûler les villes ?
16 M. Morsink (interprétation). - Cela ne correspond pas à nos
17 règles en matière de guerre.
18 M. Riad (interprétation). - Pensez-vous que Cerkez parlait au
19 nom du Général Blaskic ou en son propre nom ?
20 M. Morsink (interprétation). - Il aurait pu parler en son propre
21 nom, étant donné qu’il était le commandant de la brigade que tout le monde
22 connaissait.
23 M. Riad (interprétation). - Puisqu’on parle du commandement,
24 vous avez dit très catégoriquement que la structure du commandement du HVO
25 en Bosnie centrale était bien structurée, que les transmissions
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1 s’effectuaient bien et qu’il y avait bonne exécution des ordres. Qui
2 commandait cette région ? Qui commandait cette structure ?
3 M. Morsink (interprétation). - Monsieur Blaskic était considéré
4 comme le commandant.
5 M. Riad (interprétation). - Pas Mario Cerkez ?
6 M. Morsink (interprétation). - Mario Cerkez était son
7 subordonné. C’est M. Blaskic qui était le commandant suprême de la région
8 et Mario Cerkez était l’un des commandants de brigade. Il y avait
9 plusieurs commandants de brigade, évidemment, puisqu’il y avait cinq ou
10 six brigades dans la région allant de Travnik à Vitez, Busovaca; Kiseljak.
11 Si on élargit la région, il y avait encore plus de commandants
12 de brigade.
13 M. Riad (interprétation). - Ils étaient tous subordonnés par
14 rapport au commandant suprême ?
15 M. Morsink (interprétation). - Oui.
16 M. Riad (interprétation). - Et vous avez dit que la chaîne de
17 commandement était parfaite ?
18 M. Morsink (interprétation). - Parfaite, c’est peut-être un
19 petit peu...
20 M. Riad (interprétation). - Militairement parlant ?
21 M. Morsink (interprétation). - Militairement parlant, c'était
22 bien organisé.
23 M. Riad (interprétation). - Sur le sujet du commandement, vous
24 avez dit qu’il y avait une double politique, une double opération réalisée
25 par la partie militaire et la partie politique en même temps. Cette double
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1 opération consistait d’abord à effectuer le nettoyage ethnique des
2 Musulmans par la diffusion de la peur, les assassinats et les incendies.
3 Simultanément, une deuxième partie de cette politique consistait à
4 terroriser les minorités croates en d’autres lieux, de façon à les pousser
5 à émigrer vers les lieux nettoyés ethniquement.
6 S’agissait-il là d’une politique militaire ou d’une politique ?
7 Comment répartissez-vous les rôles militaires et politiques dans cette
8 opération ?
9 M. Morsink (interprétation). - Je suppose que les militaires
10 intervenaient pour créer les conditions préalables à cette situation. Le
11 fait de pousser les Croates hors de chez eux pour les faire rentrer dans
12 cette région était une action due aux politiques, à mon avis.
13 M. Riad (interprétation). - Selon vous, qui est le responsable
14 suprême, ultime ?
15 M. Morsink (interprétation). - C’est difficile à dire. Je ne
16 connais pas parfaitement les structures politiques supérieures.
17 M. Riad (interprétation). - Mais vous avez parlé, par exemple,
18 de l’incendie de Vitez. Pensez-vous que cet incendie de Vitez peut être
19 attribué à un commandant politique ?
20 M. Morsink (interprétation). - Non, à un commandant militaire.
21 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit ... Merdan était-il
22 général ? Qu’était-il exactement ?
23 M. Morsink (interprétation). - Il était commandant adjoint du
24 Troisième corps d’armée.
25 M. Riad (interprétation). - Il vous a dit à plusieurs reprises
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1 que la Septième brigade musulmane ne relevait pas de lui, et qu’à la fin
2 du mois de mai elle est tombée dans son champ de responsabilités. Avez-
3 vous reçu le même genre d’informations du HVO, à savoir que certains
4 bataillons ou certaines brigades n’étaient pas sous le contrôle du
5 commandant, c’est-à-dire quelque chose qui ressemble à ce que M. Merdan
6 vous a dit au sujet de sa septième brigade ?
7 M. Morsink (interprétation). - Le HVO a suggéré ce genre de
8 choses à plusieurs reprises, mais il existait toujours des éléments
9 incontrôlés et non définis. Il n’était donc pas question de bataillons
10 précis ou de brigades précises nommées en tant que tels. Il était question
11 d’éléments incontrôlés.
12 M. Riad (interprétation). - Mais que faisiez-vous lorsque vous
13 obteniez ce genre d’affirmation ?
14 M. Morsink (interprétation). - Chaque fois qu’il y avait des
15 allégations de crimes de guerre dans l’une ou l’autre des réunions, ils
16 blâmaient des éléments incontrôlés.
17 M. Riad (interprétation). - Pour se défendre ?
18 M. Morsink (interprétation). - Oui, pour se défendre.
19 M. Riad (interprétation). - Mais ce que Merdan vous a dit,
20 était-ce pour se défendre également ?
21 M. Morsink (interprétation). - Je ne suis pas sûr, je pense que
22 c’était peut-être au départ une manière de se défendre, mais je pense
23 également qu’il n’était pas très satisfait des actes de cette Septième
24 brigade musulmane. Il a donc essayé de dire qu’il voulait placer cette
25 brigade sous son contrôle.
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1 M. Riad (interprétation). - J’ai encore une question à vous
2 poser. Vous avez dit, en vous fondant sur la pièce à conviction D 151, que
3 c’était un ordre de M. Blaskic pour cesser certaines violations dues à des
4 unités placées sous son autorité. Un tel ordre aurait dû être suivi d'une
5 enquête ou d'une sanction. Avez-vous été informé des résultats d’une
6 quelconque enquête ?
7 M. Morsink (interprétation). - Non, je n’ai jamais été informé
8 des résultats d’une quelconque enquête.
9 M. Riad (interprétation). - L’ordre s’est donc arrêté là ?
10 M. Morsink (interprétation). - Je crois. Je ne suis pas sûr,
11 bien sûr, mais nous n’avons en tout cas jamais été informés d’une
12 quelconque enquête ou de quelque résultat d’une quelconque enquête que ce
13 soit.
14 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que même après la
15 conclusion d’un accord, à Strane, de la part de la commission militaire
16 conjointe, le creusement des tranchées s’est poursuivi. Ai-je bien compris
17 ou est-ce que ce creusement des tranchées s’est arrêté ?
18 M. Morsink (interprétation). - Non, vous avez bien compris. Les
19 allégations quant au fait que des gens étaient forcés de creuser des
20 tranchées ont continué. Je n’en ai pas vu d’exemple personnellement, par
21 la suite, mais les allégations, elles, ont continué à être entendues.
22 M. Riad (interprétation). - J’en arrive à ma dernière question.
23 Vous avez dit également que M. Mrkic était le représentant du colonel
24 Blaskic auprès du commandement militaire conjoint et qu’il avait demandé
25 un cessez-le-feu, mais que le commandant HVO local n’avait pas obéi à cet
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1 ordre. Des incidents se sont-ils produits au cours desquels des ordres
2 directs émanant du colonel Blaskic n’étaient pas obéis ?
3 M. Morsink (interprétation). - Il y a eu de nombreux exemples de
4 ce genre. En fait, toutes les réunions débutaient par des allégations
5 portant sur des violations du cessez-le-feu. Un cessez-le-feu avait été
6 ordonné à partir de la fin du mois d’avril. Donc chaque fois qu’il y avait
7 violation de ce cessez-le-feu, cela signifiait qu’un ordre n’avait pas été
8 respecté.
9 M. Riad (interprétation). - Des ordres provenant de qui ?
10 M. Morsink (interprétation). - Des ordres provenant de
11 M. Blaskic, mais également des ordres signés par le général Petkovic ou
12 par le général Halilovic, à savoir les deux dirigeants militaires suprêmes
13 qui signaient les premiers ordres de cessez-le-feu.
14 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que le HVO avait une
15 structure de commandement très organisée, que les ordres étaient exécutés.
16 Cela signifie donc que parfois ils n’étaient pas exécutés.
17 M. Morsink (interprétation). - Tous les ordres n’étaient pas
18 exécutés. Lorsqu’il y a un front et que des coups de feu sont tirés sur le
19 front, les soldats ont tendance à y répondre. Ils vont dire que c’est la
20 partie adverse qui a tiré la première, mais ils répondent.
21 M. Riad (interprétation). - Vous êtes témoin oculaire ici. Si
22 l’ordre est donné de ne pas tirer sur un village, cet ordre doit-il être
23 exécuté, obéi ?
24 M. Morsink (interprétation). - Oui, il doit l’être.
25 M. Riad (interprétation). - Mais alors, de quels ordres parlez-
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1 vous, qui avaient tendance à ne pas être obéis ?
2 M. Morsink (interprétation). - Des ordres concernant le cessez-
3 le-feu. Je crois qu’ils étaient obéis par l’artillerie, qui était bien
4 contrôlée, bien organisée au niveau de la zone opérationnelle. C’était une
5 artillerie opérationnelle qui tombait directement sous la responsabilité
6 du commandant de la zone opérationnelle, mais les ordres consistant à
7 cesser le feu dans des zones plus lointaines, plus isolées, sont plus
8 difficiles à être obéis. En fait, lorsqu’un soldat est dans sa tranchée et
9 a peur la nuit, il a tendance à tirer, à utiliser son arme, ce qui
10 signifie violation du cessez-le-feu.
11 M. Riad (interprétation). - Mais le soldat à quel niveau ?
12 M. Morsink (interprétation). - Au niveau du bataillon, de la
13 brigade et de la compagnie, à mon avis l’ordre devrait être obéi.
14 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
15 M. le Président - Merci, Monsieur le Juge Riad.
16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lieutenant-colonel, les deux
17 parties ont subi des pertes humaines et des dommages matériels, n’est-ce
18 pas ?
19 M. Morsink (interprétation). - Oui.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - L’une des deux parties a
21 souffert davantage que l’autre. Est-ce exact ?
22 M. Morsink (interprétation). - C’est également exact, oui.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous vous trouviez sur
24 place, sur le terrain et le Tribunal compte sur votre déposition pour
25 guider son jugement. Si vous étiez un Croate déplacé, qui envisage la
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1 possibilité de rentrer chez lui, qu’est-ce qui importerait davantage à vos
2 yeux ? Est-ce que la comparaison des degrés de l'importance des
3 destructions jouerait un rôle décisif dans votre esprit ou bien ce qui
4 serait plus important à vos yeux serait la perte de vies humaines et de
5 maisons croates ?
6 M. Morsink (interprétation). - Je crois que le fait que des vies
7 croates et des maisons croates aient été perdues aurait plus d'importance.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Passons à un autre sujet, si
9 vous le voulez bien ? Vous avez parlé d’exagération voulue,
10 intentionnelle. Par l'utilisation du mot « intentionnel », je crois
11 comprendre que vous voulez dire que les dirigeants croates savaient que
12 les histoires qu'ils diffusaient étaient exagérées ?
13 M. Morsink (interprétation). - En effet. Ils le savaient parce
14 que nous en rendions compte.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Diriez-vous que la même
16 remarque s’applique au général Blaskic ?
17 M. Morsink (interprétation). - Je ne sais pas s’il recevait des
18 rapports en personne, mais en tout cas nous nous rendions compte des
19 événements à ses représentants au cours des réunions auxquelles nous
20 assistions.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Certaines de ces
22 exagérations intentionnelles étaient reprises par les médias, n’est-ce
23 pas ?
24 M. Morsink (interprétation). - C’est exact, en effet.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - A votre avis, dans quelle
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1 intention cela était-il fait ?
2 M. Morsink (interprétation). - Je pense que l’intention
3 consistait à tenter de persuader les Croates qui vivaient encore dans
4 certaines de ces régions que la vie n’était plus sûre pour eux dans ces
5 régions et qu’il importerait qu’ils rejoignent les autres Croates de
6 Vitez, Nova Bila ou Busovaca.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si cette intention avait été
8 appliquée avec succès, cela aurait-il pu affecter considérablement la
9 configuration des deux forces ennemies en présence ?
10 M. Morsink (interprétation). - Je crois que oui, en effet, car
11 je crois que des civils ont été déversés dans la région de Vitez, mais il
12 y avait également la brigade Francopan* qui se trouvait dans la région et
13 qui a essayé de pénétrer dans la ville de Vitez, ce qui a modifié
14 l’équilibre des forces.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous êtes un militaire, ce
16 que nous ne sommes pas. Dites-moi une chose, dans les académies, dans les
17 écoles militaires, est-ce que l’on dispense des cours portant sur l’emploi
18 de la désinformation en tant que méthode de guerre ?
19 M. Morsink (interprétation). - Parfois au niveau supérieur, au
20 niveau des corps d’armée ou des divisions, l’information, pas seulement la
21 désinformation, mais l’information est utilisée également parfois pour
22 tromper l’ennemi, c’est-à-dire que l’on utilise aussi des informations que
23 l’on diffuse au sein d’une population donnée pour tromper l’ennemi. Bien
24 entendu, cette information n’est pas destinée à sa propre population.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous prierais de
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1 reprendre la pièce à conviction 417.C, je crois, Monsieur le Greffier ?
2 Pourriez-vous reprendre cette pièce 417.C qui porte la date du
3 14 juin 1993 ? Lieutenant-colonel, mon impression est-elle la bonne si je
4 dis que la guerre est passée par diverses étapes, et qu’au cours d'une
5 phase déterminée, il est possible que ce soit l’une des deux parties qui a
6 l’avantage alors qu’au cours d’une autre phase, c’est la partie adverse
7 qui aura l’avantage ?
8 M. Morsink (interprétation). - C'est exact.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ce 14 juin, quelle était la
10 position relative des deux forces en présence ?
11 M. Morsink (interprétation). - Je ne peux vous répondre quand me
12 fondant sur l'ouï-dire, Monsieur le Juge, car j'étais en permission le
13 14 juin. Le document porte sur la zone de Kakanj qui ne faisait pas partie
14 de ma zone de responsabilité, de ma zone d’opération.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous prierai de jeter un
16 coup d'oeil au document daté du 8 juin 1993. J’aimerais que l’on me
17 rappelle la cote de la pièce à conviction. Je crois qu’il s’agit du
18 n° 414, Monsieur Dubuisson. Vous avez ce document ? Il est daté du 8 juin
19 1993.
20 Où vous trouviez-vous à cette date ?
21 M. Morsink (interprétation). - A cette date, je me trouvais dans
22 la région de Travnik et de Gucja Gora.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous prierais de bien
24 vouloir regarder le dernier paragraphe qui se trouve au bas de la page 3.
25 Voulez-vous que je vous en donne lecture. Ce paragraphe stipule ce qui
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1 suit, je cite : « l’armée de Bosnie-Herzégovine apparaissait en bonne
2 position, le moral du groupe opération et du quartier général semblait
3 haut, ce qui contredit considérablement la situation du quartier général
4 de la zone opérationnelle du HVO. » (fin de citation)
5 Je poursuis la lecture.
6 « Le commandant de l’armée de Bosnie-Herzégovine semblait
7 conscient quant à ses gains, ses succès à venir dans la région de la
8 vallée de la Bila et déclarait qu’il rejoindrait la Forpronu pour boire un
9 verre au quartier général le lendemain sans avoir besoin d’escorte.
10 L’objectif ultime du 3ème Corps d’armée n’est pas connu, mais
11 l’avance se poursuit vers le sud et fournira le contrôle de l’itinéraire
12 Travnik-Zenica. » (fin de citation)
13 Vous voyez ce paragraphe ?
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - A ce moment-là, qui avait
15 l’avantage ?
16 M. Morsink (interprétation). - Il apparaît manifestement que les
17 forces de l’armée de Bosnie-Herzégovine étaient en train de l’emporter à
18 ce moment-là et qu’elles avaient pratiquement rempli leur objectif, en
19 tout cas l’objectif des attaques lancées par elle.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Nous parlons du 8 juin.
21 Voyez-vous le moindre rapport entre la situation qui prévalait en ce
22 8 juin et le fait que le 14 juin, soit une semaine plus tard, le colonel
23 Blaskic émette un document qui se présente sous le format de la pièce à
24 conviction 417-C dans lequel il déclare que les forces de la partie
25 adverse détruisent le peuple croate ? Voyez un rapport ?
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1 M. Morsink (interprétation). - Oui, je vois un rapport, Monsieur
2 le Juge, mais cette lettre du colonel Blaskic repose sur des informations
3 inexactes. Nous lui avons dit, après le 8 juin, que ces informations
4 étaient erronées et qu’il n’y avait pas eu de massacres dirigés contre la
5 population croate et que les destructions subies par les biens croates
6 étaient soit inexistantes, soit à petite échelle. Donc s’il fonde ce
7 document sur ses informations, les choses qu’ils disent sont inexactes car
8 ils parlent d’une autre région, de Kakanj et de Vares, qui se trouve tout
9 à fait ailleurs.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais est-ce que vous dites
11 devant le Tribunal que cette erreur du colonel Blaskic était
12 intentionnelle ?
13 M. Morsink (interprétation). - S’il fonde ses propos sur la
14 situation de Gucja Gora, alors je crois qu’il agit intentionnellement.
15 Parce qu’avant le 14 juin, nous l’avons informé que toutes les allégations
16 concernant la zone de Gucja Gora étaient inexactes, nous l’avons dit de
17 façon très claire.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - La question que je vous pose
19 avait pour but de me permettre de confirmer si oui ou non il existait un
20 rapport, un lien entre son exagération intentionnelle de la situation et
21 le fait qu’à cette époque à peu près, c’est l’armée de Bosnie-Herzégovine
22 qui avait l’avantage sur le plan militaire.
23 M. Morsink (interprétation). - Je comprends qu’ils pouvaient se
24 sentir mal puisqu’ils ne détenaient plus l’avantage, bien entendu. Mais
25 selon mon éducation, l’éducation que j’ai reçue à l’académie militaire,
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1 cela ne suffit pas à justifier que l’on trompe son propre peuple.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, je comprends bien. Je
3 vous demanderais maintenant de regarder, si vous le voulez bien, une
4 nouvelle fois la pièce à conviction 417 C qui porte la date du 14 juin. A
5 la première ligne, nous lisons, je cite : « Les forces musulmanes
6 persistent dans leur volonté d’extermination du peuple croate. » (fin de
7 citation)
8 Est-ce exact ?
9 M. Morsink (interprétation). - C’est inexact, Monsieur le Juge.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - A la quatrième ligne, il est
11 question de massacres.
12 M. Morsink (interprétation). - C’est inexact également.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - A la dernière ligne nous
14 lisons, je cite : « Au nom de l’ensemble des Croates, nous vous supplions
15 de mettre un terme à la JIAHD » Le document est signé « Colonel Tihomir
16 Blaskic » qui, par conséquent, s’exprimait au nom de l’ensemble des
17 Croates.
18 M. Morsink (interprétation). - Oui, je crois que c’est bien ce
19 que faisait M. Blaskic, Monsieur le Juge.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Que diriez-vous si l’on vous
21 annonçait que le colonel Blaskic, à peu près à cette même date, disait aux
22 Musulmans, ou en tout cas à certains d’entre eux, à un groupe de
23 Musulmans, que tout le monde devrait vivre ensemble et dans la paix, le
24 croiriez-vous ? Croiriez-vous qu’il était sincère ?
25 M. Morsink (interprétation). - Non, je ne crois pas qu’il était
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1 sincère.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Regardons maintenant la
3 pièce à conviction 422, qui est datée du 18 juin. C’est un document qui
4 émane du colonel Blaskic et c’est un ordre du commandement, n’est-ce pas ?
5 M. Morsink (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge.
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous invite à regarder le
7 8ème paragraphe qui évoque les prisonniers de guerre. C’est bien cela ?
8 M. Morsink (interprétation). - Oui, les prisonniers de guerre.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au paragraphe 9, comme vous
10 l’avez déjà remarqué, il est fait référence aux Conventions de Genève et
11 au droit de la guerre.
12 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est exact.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - En tant que militaire de
14 carrière, puisque vous lisez ce texte, diriez-vous que le colonel Blaskic
15 disait à ses soldats qu’en vertu des lois de la guerre, il pouvait être
16 tenu pour responsable de toute transgression de ces lois ?
17 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est bien ce que dit ce
18 texte.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Direz-vous qu’il disait à
20 ses soldats que les lois de la guerre s’appliquaient ?
21 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est exact.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Enfin, je vous prierai de
23 regarder la pièce à conviction de la défense n° 148. C’est un ordre du
24 commandement émanant du colonel Blaskic, n’est-ce pas, daté du 22 avril
25 1993 ?
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1 M. Morsink (interprétation). - Oui.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous demanderai de
3 regarder le premier paragraphe, je cite : « Sur le territoire de la zone
4 de responsabilité du commandement de la zone opérationnelle de Bosnie
5 centrale contrôlée par le HVO, j'interdis le plus strictement qui soit
6 l'incendie des maisons, etc. » (fin de citation).
7 En tant que militaire de carrière, une fois que vous lisez ce
8 texte pensez-vous qu'il s'agit d'une volonté d'assurer le contrôle
9 militaire sur la zone de Bosnie centrale ?
10 M. Morsink (interprétation). - C'est exact monsieur le Juge.
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous diriez
12 également, enfin je vous invite à regarder ce qui écrit en haut, à droite,
13 où l'on voit la liste des destinataires de ces documents, et j’attire
14 votre attention sur l'avant-dernière ligne, je lis : « Unité spéciale des
15 Vitezovi ». Vous voyez cette ligne ?
16 M. Morsink (interprétation). - Oui, je la vois.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous renvoie aussi au
18 paragraphe 2, je cite : « Les commandants de brigades et des unités
19 indépendantes sont tenues d’obéir à cet ordre ».
20 Vous le voyez également ?
21 M. Morsink (interprétation). - Oui, je le vois également.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous invite aussi à lire
23 le paragraphe 5, je cite : « Cet ordre prend effet immédiatement et les
24 commandants des brigades des unités indépendantes de la zone de Bosnie
25 centrale sont responsables devant moi pour l'exécution de cet ordre ».
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1 Diriez-vous que l’auteur de cet ordre déclare que les unités
2 indépendantes, y compris l’unité des Vitezovi, sont responsables devant
3 lui ?
4 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est ce que je dirais.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quelle serait la façon de
6 comprendre la signification du terme « indépendants » dans ce cas-là ?
7 Indépendants du comité du HVO, mais indépendants du commandement suprême ?
8 M. Morsink (interprétation). - Dans notre structure, les unités
9 indépendantes sont des unités situées directement sous le contrôle du
10 niveau suprême, comme par exemple la Compagnie des transmissions qui
11 figure au bas de cette liste. Ce sont des unités qui ne sont pas sous le
12 contrôle des brigades, la brigade étant un niveau intermédiaire mais
13 directement placée sous la responsabilité du commandement opérationnel.
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais vous poser encore
15 une question et je vous prierai de vous resituer dans le temps et dans
16 l’espace. Vous vous rappelez ce que vous avez dit dans votre déposition, à
17 savoir qu’un commandant militaire du HVO vous avait autorisé à visiter
18 certains lieux, à un certain endroit, mais qu'en route vers ce lieu, vous
19 avez été arrêté, si je ne m’abuse, par un soldat, un seul homme, qui vous
20 a donné un ordre, n'est-ce pas ?
21 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’était à Gomionica.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - La question que je vous pose
23 est la suivante : cet événement vous laisse-t-il à penser qu'il existait
24 deux lignes d'autorité, de pouvoir indépendant au sein du HVO ? Vous vous
25 souvenez que l’on vous a interrogé à ce sujet, dans l’interrogatoire ?
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1 M. Morsink (interprétation). - Oui, je me souviens, Monsieur le
2 Juge.
3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je pense que vous avez
4 déclaré que vous étiez habitué à ce genre de chose, recevoir une
5 permission et puis entamer votre voyage vers un lieu particulier, et
6 rencontrer quelqu’un qui, en fait, agit comme il le veut ?
7 M. Morsink (interprétation). - Cela n’arrivait pas toujours.
8 Quelquefois c'est ce qui se passait, effectivement.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Comment interprétez-vous le
10 système ? Pensez-vous qu’il y avait deux lignes de pouvoir, d’autorité
11 indépendante, ou bien pensez-vous que les autorités qui vous avaient
12 accordé l’autorisation savaient qu’en toute vraisemblance vous seriez
13 arrêté au cours de votre voyage ?
14 M. Morsink (interprétation). - C’est exactement cela, Monsieur
15 le Juge. Je crois qu’ils cherchaient une excuse. Ils ne voulaient plus que
16 le débat se poursuive au quartier général. Ils accordaient donc
17 l’autorisation, sachant pertinemment que nous serions arrêtés, en tout
18 état de cause.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous compreniez
20 que, toute chose prise en considération, il existait néanmoins une seule
21 filière de pouvoir, d’autorité ?
22 M. Morsink (interprétation). - Oui, c’est ce que je pense.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
24 M. le Président.- Vous avez répondu à beaucoup de questions,
25 Lieutenant-colonel. Il me reste une seule préoccupation, après les
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1 interventions de mes collègues, justement sur ces ordres, en écho à une
2 question posée par mon collègue, le Juge Shahabuddeen.
3 Je voudrais que vous vous reportiez respectivement à trois
4 documents D147, D148, D149... peut-être un quatrième d’ailleurs. J’ai
5 groupé ces trois documents. Ce sont les ordres par lesquels le
6 colonel Blaskic, commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale,
7 donne des instructions pour que le droit international humanitaire soit
8 respecté. Vous êtes d’accord ?
9 Vous n'avez pas encore vu ces documents ? Nous allons vous les
10 montrer.
11 Ces documents ne sont pas admis, comme le rappelle fort
12 opportunément M. le greffier. Mais vous avez été amené à répondre à des
13 questions. D’ailleurs, mes questions sont d’ordre général. Ces documents
14 n’ont pas été admis tout simplement parce vous n’en avez pas eu
15 connaissance. Sommes-nous d'accord ?
16 M. Morsink (interprétation). - Oui.
17 M. le Président - Et vous n’en avez pas eu connaissance parce
18 qu’ils sont strictement confidentiels. L’un des thèmes était de dire qu’en
19 fin de compte, ces documents montrent que le colonel Blaskic avait certes
20 des préoccupations sur le plan de la protection du droit international
21 humanitaire, mais qu’au fond ces préoccupations n’étaient pas suivies
22 d’exécution. Me suivez-vous ?
23 M. Morsink (interprétation). - Oui.
24 M. le Président - Dans une armée comme l'armée néerlandaise,
25 quand des ordres de cette nature sont donnés, si on était en état de
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1 guerre, est-ce que les sanctions prises en cas de manquement à ces ordres
2 sont publics, ou publiés ou connus ? Vous comprenez ma question ?
3 M. Morsink (interprétation). - Oui, je comprends votre question,
4 Monsieur le Président.
5 Je dirai qu'étant donné que ces ordres portent tous sur le droit
6 international humanitaire et les violations de ce droit humanitaire et des
7 Conventions de Genève, c'est là une question d'une telle importance, qu'il
8 ne s'agit plus d'ordres confidentiels. Ces ordres doivent être discutés
9 ouvertement et tous les représentants de la communauté internationale dans
10 cette région doivent se rendre compte que le commandant de cette zone fait
11 tout pour qu'il y ait respect de ce droit international.
12 Mais nous n'avons jamais rien vu de ce genre. A aucun moment
13 nous n’avons eu connaissance de ces ordres ou d’informations selon
14 lesquelles ils auraient donné des ordres pour respecter le droit
15 international humanitaire.
16 En ce qui concerne l’armée néerlandaise, oui je pense que tout
17 le monde saurait que le commandant a donné des ordres pour respecter le
18 droit international humanitaire.
19 M. le Président - Des commissions conjointes... Le colonel
20 Blaskic ou ses représentants vous disaient verbalement, puisque ces ordres
21 écrits sont confidentiels, que toutes les mesures étaient prises pour
22 faire cesser les violations graves au droit international humanitaire ?
23 M. Morsink (interprétation). - Lorsqu’il y avait parfois des
24 allégations, il disait : " On s’en occupe ". Mais dans la plupart des cas,
25 des allégations étaient suivies par des contre-allégations. Il n’y avait
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1 donc pas, dans la plupart des cas, de réactions claires.
2 M. le Président - Merci. Je vous demande de faire appel à votre
3 mémoire, ou éventuellement à vos notes. Ces trois documents (D147, D148,
4 D149) qui n’ont pas été admis, sont quand même groupés sur une période de
5 temps très restreinte : 22 et 24 avril. Le 24 avril même, il y en a un de
6 10 heures 20 du matin et l’autre de 11 heures. Avez-vous le souvenir, à
7 défaut de vous montrer ces documents confidentiels, que la question a été
8 débattue ? Au besoin, faites appel à vos notes.
9 M. Morsink (interprétation). - Le 23, nous avons eu la première
10 réunion de la commission conjointe. Au début de cette réunion, il y a eu
11 nombre d’allégations : stopper la participation des civils à creuser des
12 tranchées, etc... allégations des deux côtés, pas de réponses claires à
13 ces allégations.
14 Le 24, autre réunion. Ensuite, je suis allé à Grahovcici pendant
15 trois jours. Je ne me trouvais donc pas à Vitez pendant ces trois
16 journées.
17 Le 27, je vais à Kiseljak. Là s’est posé le problème d’empêcher
18 l’accès à Grahovcici.
19 Le 28, nouvelle réunion à Vitez : même problème, des gens qui
20 s'occupaient des réfugiés du HCR disent qu’il y a encore des civils
21 expulsés. Le HVO s’engage à prendre en compte ces allégations.
22 M. le Président - Comment interprétez-vous que dans ces
23 commissions conjointes, le représentant du Colonel Blaskic n’ait pas dit,
24 à un moment donné : " Nous prenons toutes les dispositions, nous avons
25 d’ailleurs, moi-même ou bien le colonel, pris toutes les mesures. Nous ne
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1 pouvons pas vous en parler davantage, mais nous avons pris toutes les
2 mesures et nous en rendons compte ".
3 Comment interprétez-vous le fait qu’on n’en ait pas parlé à vos
4 commissions ?
5 M. Morsink (interprétation). - Monsieur le Président, il est
6 difficile de répondre. C’est justement ce qui m’a frappé lorsque M. Hayman
7 m’a montré ces ordres. Je ne les avais jamais vus auparavant. C’est ce qui
8 est étrange. Nous discutions de toutes ces questions dans ces commissions
9 mixtes. C’est pour cela qu’elles avaient été créées, pour instaurer la
10 confiance avec la communauté internationale, pour montrer ce qu’elles
11 faisaient à la suite de telles allégations.
12 Or je n’ai pas eu connaissance de tout cela. Il n’y a pas eu de
13 réponse positive à ces allégations. C’est nous qui faisions rapport à
14 Zagreb et à Bruxelles. Qu’est-ce que nos hommes politiques pouvaient faire
15 s’il n’y avait de réponse positive et s’ils ne nous donnaient pas de
16 réponse positive ?
17 M. le Président - Je vous remercie, Lieutenant-colonel Morsink.
18 Vous avez accepté de revenir, vous avez subi beaucoup de questions. Le
19 tribunal vous en est très reconnaissant et vous renvoie maintenant à
20 l'exercice de vos activités militaires.
21 Nous allons vous faire raccompagner et ensuite le Tribunal
22 procédera à sa pause. Monsieur le greffier, faites raccompagner le témoin.
23 Merci.
24 Nous allons faire une petite pause d’une vingtaine de minutes.
25 L’audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 30.
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1 L’audience est reprise à 16 heures 30.
2 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez la parole
3 pour le programme de notre après-midi et peut-être de demain.
4 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, nous
5 n’avons pas d'autre témoin à ce point. Nous vous demandons la possibilité
6 de soulever certaines questions en huis clos avec la Chambre.
7 M. le Président - Nous passons donc en huis clos.
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
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1
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12 Pages 10133 – 10139 expurgées en audience à huis clos
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25 l'audience est levée à 16 heures 50.