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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 3 novembre 1998
4 (L'audience est ouverte à 10 heures 20.)
5 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président. - Je salue les interprètes.
7 L'interprète. - Bonjour, Monsieur le Président.
8 M. le Président. - Nous continuons pour l'audition du témoin de
9 la défense. Monsieur Dubuisson, faites introduire le père Pervan, s'il
10 vous plaît.
11 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
12 M. le Président. - Père Pervan, vous m'entendez ?
13 M. Pervan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Merci.
14 M. le Président. - Bien, asseyez-vous. Nous allons poursuivre
15 l'interrogatoire principal par Maître Nobilo qui, avec Maître Hayman, vous
16 a appelé à la barre de ce procès. Maître Nobilo, c'est à vous.
17 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
18 Père Pervan, bonjour.
19 Le premier sujet duquel j'aimerais m'entretenir avec vous, c'est
20 les activités de Caritas. Pouvez-vous dire au juste, s'il vous plaît,
21 quelle est cette organisation Caritas ?
22 M. Pervan (interprétation). - Monsieur le Président, tout
23 d'abord il faudrait peut-être dire quelque chose pour introduire le sujet.
24 Depuis 700 ans de ma communauté, de ma confrérie en Bosnie-
25 Herzégovine de l'ordre des Franciscains, il est connu que les pères
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1 s'occupaient des pauvres et de tous ceux qui ont été menacés d'une façon
2 ou d'une autre. C'est la raison pour laquelle, également, il est connu que
3 les prêtres tout au long de leurs activités avaient ouvert des écoles. Ils
4 apprenaient à lire, à écrire aux enfants, permettaient également aux
5 élèves de se scolariser en Autriche, dans l'Empire austro-hongrois,
6 ensuite en Italie et ailleurs.
7 Je ne sais pas si vous savez qu'il y a également un dicton, "le
8 pain de Saint-Antoine" et en effet, il s'agit d'une organisation
9 humanitaire à l'intérieur de notre ordre qui se charge des pauvres et de
10 ceux dont on doit s'occuper. C'est une organisation qui a des activités au
11 sein des ordres franciscains.
12 Au niveau de l'Eglise, il y a également beaucoup d'activités qui
13 visent les pauvres, les blessés, les malades et nous avons également une
14 organisation Caritas. Il y a un certain nombre de filiales dans des Etats
15 différents et chaque Etat également dispose de Caritas. Nous avons les
16 Caritas, cette organisation, au niveau de la paroisse, au niveau du
17 diocèse. Nous l'avons également au niveau de la Bosnie-Herzégovine.
18 Ensuite, nous avons les diocèses de Banja Luka, de Treblinje, de
19 Mostar, de notre paroisse de Kiseljak et sous la tutelle de l'Archevêché à
20 Sarajevo.
21 En 1992, outre cette organisation humanitaire de Kiseljak, c'est
22 une paroisse de Franciscains. A Zupa, Kiseljak, il y avait également
23 l'organisation de Caritas de l'Archevêché de Sarajevo qui a été formée.
24 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était votre fonction à
25 Caritas, dans la paroisse de Kiseljak ?
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1 M. Pervan (interprétation). - Moi-même, j'ai été directeur de
2 cette organisation.
3 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était votre première
4 activité, votre première action et comment avez-vous organisé l'aide ? A
5 qui l'avez-vous destinée ?
6 M. Pervan (interprétation). - Nous avons organisé cette cellule
7 en 1992. En Croatie, la guerre s'est déclenchée et notamment dans la
8 Croatie orientale, en Dalmatie également. C'est la raison pour laquelle au
9 niveau de notre paroisse de Kiseljak, nous avons réuni une certaine aide
10 pour l'envoyer à ceux qui en avaient besoin à Dubrovnik dans un premier
11 temps, à Zadar et à Sarajevo.
12 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce que
13 vous avez fait au moment où la République serbe avait encerclé Sarajevo et
14 quand elle l'avait attaqué ? A qui avez-vous envoyé cette aide, vous
15 personnellement ?
16 M. Pervan (interprétation). - Kiseljak a été coupé de Sarajevo
17 tout d'abord, mais nous avons réussi, en accord avec Preporoda -c'est une
18 société serbe humanitaire- à envoyer l'aide à Sarajevo ; mais nous avons
19 été obligés de donner 30 % à cette société Preporoda. C'est une société
20 serbe.
21 Nous avons également été obligés de cacher un certain nombre de
22 colis, étant donné que les soldats serbes cherchaient parmi les colis et
23 s'ils trouvaient les noms musulmans, ils enlevaient ce colis et le
24 mettaient à l'écart.
25 A cette époque-là, quand nous avons envoyé l'aide à Sarajevo et
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1 dans le cadre de nos activités, M. Ivo Komsic nous a aidés, il est devenu
2 membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine ultérieurement. A son
3 initiative, avec mon autorisation, et avec bien évidemment ma bonne
4 volonté, nous avons également envoyé des colis à MM. Alija Izetbegovic,
5 Jerko Doko, Stjepan Kljuic. Nous avons été obligés de cacher tout cela,
6 parce que les soldats serbes nous auraient enlevé ces colis. C'est la
7 raison pour laquelle nous avons mis des noms qui étaient autres.
8 A la place de Alija, on disait Père Alija, Père Stjepan, Père
9 Jerko, eux qui recevaient les colis, ils savaient que c'était bien à eux.
10 Je me dois de reconnaître que ce n'était pas tout à fait bien de mon côté,
11 c'est qu'il s'agissait de paquets remplis de produits d'une plus grande
12 qualité.
13 M. Nobilo (interprétation). - La guerre en Bosnie, on s'enfuit
14 de Sarajevo et à la porte de Sarajevo il y a des réfugiés qui arrivent
15 également. Est-ce que Caritas s'est organisé sur ce plan-là ? Quels
16 étaient les réfugiés ? De quelle nationalité ? Que s'est-il passé ?
17 Pouvez-vous nous raconter au juste ce qui s'est passé ?
18 M. Pervan (interprétation). - Il y avait beaucoup de réfugiés,
19 notamment de Sarajevo. Cela s'est passé dans la période d'avril 1992
20 jusqu'à la fin du mois de juin 1992. Donc pendant les trois mois entre
21 avril et juin, la majorité des réfugiés étaient les réfugiés de Sarajevo ;
22 ils sont venus à Kiseljak, parce que Kiseljak n'a pas été bloqué à cette
23 époque-là, nous avions des autobus et ceux qui voulaient poursuivre la
24 route pouvaient le faire et aller dans d'autres endroits mais la plupart
25 des réfugiés sont restés à Kiseljak.
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1 Bien évidemment, nous avons organisé l'accueil des réfugiés, pas
2 uniquement notre organisation Caritas mais l'ensemble de la population
3 entre Kobiljaca et Kiseljak, sur un territoire de dix kilomètres ; il y
4 avait beaucoup de gens qui sont sortis, qui mettaient à la disposition les
5 vêtements, les vivres, les boissons et toutes autres sortes de nourriture.
6 Il y avait également malheureusement des morts qui ont été
7 ramenés ; il y a eu une dame qui a eu une crise cardiaque à Kobiljaca
8 probablement parce qu'elle avait peur, toute cette peur l'avait bloquée et
9 elle a subi cette crise cardiaque et on l'a emmenée chez nous.
10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que les réfugiés étaient de
11 la même nationalité ou bien y avait-il des nationalités différentes parmi
12 les réfugiés ?
13 M. Pervan (interprétation). - Le nombre le plus restreint était
14 des Serbes mais la plupart étaient les Croates et les Musulmans. Si vous
15 voulez que je vous donne mon évaluation, à ce moment-là il y avait 50 % de
16 Croates ou de Musulmans.
17 M. Nobilo (interprétation). - Deuxième moitié de 1992, vous avez
18 organisé, ou plus particulièrement Caritas avait organisé un centre de
19 rassemblement, cet entrepôt que vous avez utilisé ?
20 M. Pervan (interprétation). - Oui, effectivement. Nous avions
21 déjà eu à Split un centre de rassemblement. Nous avons eu également un
22 entrepôt à Split et un autre également à Sarajevo ; c'est la raison pour
23 laquelle nous avons pu acheminer la nourriture de Split pour rapprocher
24 ces vivres à Vares, Kazepca*; Travnik, Krescevo, Fojnica, Busovaca et,
25 dans un premier temps, notre entrepôt était l'église qui se trouvait en
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1 haut à Kiseljak.
2 Vous n'êtes pas au courant mais nous avons les deux bâtiments :
3 nous avons la crypte et l'autre bâtiment. Donc, tous les vivres nous les
4 avons mis dans l'église qui trouvait en haut du village et c'est à partir
5 de cet entrepôt, de cette église, que nous avons acheminé les vivres.
6 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'étiez pas la même
7 organisation, il y avait la Croix-Rouge et Mehamet. Pouvez-vous dire
8 quelque chose au sujet de ces deux autres organisations ? Y avait-il
9 coopération ? Quel était le territoire que vous avez couvert avec vos
10 organisations ?
11 M. Pervan (interprétation). - La municipalité de Kiseljak, en ce
12 qui concerne la composition des nationalités, se composait de deux
13 communautés : 53 % de Croates, 46 % de Musulmans, 3 % de Serbes et il y
14 avait 1 % de ceux qui n'appartenaient pas à une communauté précise. Ils
15 avait opté pour se dire et se déclarer yougoslaves.
16 Comme la guerre s'est déclenchée, la guerre s'est enflammée
17 plutôt en Bosnie-Herzégovine, à Krajina, autour de Banja Luka. Nous avons
18 mis sur place Caritas, mais la communauté islamique a également organisé
19 une société humanitaire qui s'appelait Mehamet et il y avait également la
20 Croix-Rouge internationale qui existait. Ce sont les autorités civiles qui
21 l'organisaient.
22 En 1992, Caritas, Mehamet et la Croix-Rouge ont coopéré,
23 collaboré. Quand je dis que nous avons travaillé ensemble, ceci veut dire
24 que nous nous sommes mis d'accord que Caritas allait s'occuper des
25 catholiques, c'est-à-dire des Croates, que Mehamet allait s'occuper des
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1 Musulmans et que la Croix-Rouge allait coordonner les activités des deux
2 sociétés.
3 Par la suite, nous nous sommes mis d'accord, et cela a très bien
4 fonctionné, que Caritas et Mehamet se complètent en quelque sorte, et ce
5 qui manquait au moment où l'on distribuait la nourriture, on pouvait
6 l'obtenir de Mehamet et l'inverse se faisait également, Caritas mettait à
7 la disposition de Mehamet les vivres, les quantités dont on disposait bien
8 évidemment.
9 M. Nobilo (interprétation). - Quand Mehamet a-t-il cessé ses
10 activités et quand a-t-il cessé ses activités dans ce territoire de
11 Kiseljak ?
12 M. Pervan (interprétation). - Mehamet a cessé ses activités à la
13 fin de 1992. De toute façon, en 1992 ils ont fonctionné et ils ont eu un
14 certain nombre de problèmes. Ils n'étaient pas tout à fait en accord avec
15 la direction, ceux qui étaient les dirigeants de Mehamet, par conséquent
16 ils disposaient de moins en moins de donations, de moins en moins
17 également de nourriture.
18 Mehamet a développé ses activités en 1992, mais en 1993 je
19 pense, tout au moins à ma connaissance, ils ont cessé leurs activités. Je
20 ne sais pas quelles en étaient les raisons mais de toute façon c'était
21 comme ça.
22 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ça veut dire qu'à un
23 moment donné vous avez commencé à vous occuper également de la population
24 musulmane, par conséquent de ceux qui en avaient besoin ? Pouvez-vous
25 expliquer aux Juges quels étaient les villages vers lesquels vous avez
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1 acheminé les vivres, l'aide humanitaire ?
2 M. Pervan (interprétation). - Avant que Mehamet cesse ses
3 activités, un bon nombre de Musulmans se rendaient à l'église. Nous avons
4 l'entrepôt, ils se sont adressés à moi personnellement pour me demander
5 des vivres et, dans un premier temps, je leur ai recommandé d'aller à
6 Mehamet, alors qu'ils me disaient qu'il n'y avait rien, qu'ils ont tout
7 volé, qu'il y avait des pillages également et que, par conséquent, ils
8 voulaient s'adresser à moi et être chez moi.
9 C'est la raison pour laquelle j’ai aidé les Musulmans. Je dois
10 dire que pour moi, c'était presque plus facile de donner de la nourriture
11 que de me justifier, de dire que je n'ai pas le droit, que je ne peux leur
12 donner etc., il y avait un accord entre Caritas et Mehamet. Comme Mehamet
13 avait de moins en moins d’activités humanitaires, de plus en plus de
14 Musulmans s'adressaient à nous et avaient effectivement bénéficié de
15 l'aide humanitaire à cette époque-là.
16 Nous avons notamment donné l'aide aux Musulmans qui étaient plus
17 proches de l'église, ceux qui vivaient en ville ou bien à Rotilj ou bien à
18 Visnica et dans d’autres villages également dans lesquels ils habitaient à
19 Trnpole*, à Radanovic, à Vrhovci, à Ploce*, à Palez.
20 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous parlez de la ville,
21 vous parlez de la ville de Kiseljak ?
22 M. Pervan (interprétation). – Oui, Kiseljak.
23 M. Nobilo (interprétation). - A un moment donné, votre Caritas
24 s'est occupé de combien de personnes à peu près ?
25 M. Pervan (interprétation). - Vous ne parlez pas d'une période
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1 précise mais au moment où nous avons donné le plus d'aide ?
2 M. Nobilo (interprétation). - Oui, justement, je voulais savoir
3 quel était le nombre de personnes que vous avez nourries, que vous avez
4 aidées du point de vue humanitaire, indépendamment de la nation.
5 M. Pervan (interprétation). - Il y en avait 18 000 au total.
6 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous eu des problèmes ?
7 Nous savons qu'en Bosnie, il y avait des conflits entre les
8 communautés ethniques. Est-ce qu'il y avait des pressions qui ont été
9 exercées sur vous, compte tenu du fait que vous avez aidé également les
10 Musulmans, alors que vous êtes une organisation catholique ?
11 M. Pervan (interprétation). - Je vais essayer de vous répondre
12 de la manière suivante : avant le conflit entre l'armée de Bosnie-
13 Herzégovine et le HVO, dans l'ensemble de la municipalité, on savait que
14 la paroisse Caritas offrait l'aide aux Musulmans. Tout le monde était au
15 courant et personne des autorités officielles, que ce soit des militaires
16 ou des civils ou des politiques ne m'a jamais fait de reproche, ne m'a
17 jamais posé de questions, les raisons pour lesquelles j'agissais ainsi.
18 Certes, il y avait un certain nombre de personnes et notamment
19 au moment où le conflit s'est déclenché, quand la guerre était au plus
20 haut point, quand les gens ont perdu les membres de leur famille ou bien
21 qu'ils ont été blessés, ils murmuraient, ils se disait pour eux-mêmes :
22 "Pourquoi donner l'aide à ceux qui nous ont expulsés, à ceux qui mènent la
23 guerre contre nous, etc,".
24 En ce qui me concerne, j'avais effectivement dix ou quinze
25 enterrements et c'étaient les famille qui, par conséquent, n'étaient pas
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1 toujours très satisfaites de voir qu'on aidait ceux qui avaient, comme je
2 dis, tué ou éventuellement blessé ceux qui appartenaient à leur famille.
3 Donc, il y avait des rumeurs dans la ville.
4 M. Nobilo (interprétation). - Mais en ce moment même, nous
5 allons parler de Caritas. Pouvez-vous me dire si, compte tenu de vos
6 activités humanitaires, vous aviez un certain nombre d'entretiens, de
7 conversations avec le colonel Blaskic et notamment en ce qui concerne
8 l'aide que vous aviez fournie à la population ?
9 M. Pervan (interprétation). - En 1992, depuis le printemps
10 jusqu'à l'hiver, j'ai eu l'occasion à maintes reprises de contacter
11 M. Blaskic. Nous avons, à cette époque-là, parlé des choses différentes,
12 pas particulièrement de Caritas. Il savait bien évidemment ce que je
13 faisais, il savait que je répartissais l'aide aussi bien aux Musulmans
14 qu'aux Croates. Il a été à Kiseljak au moment où nous avons également
15 accueilli les Musulmans réfugiés de villages différents.
16 J'ai eu également un entretien avec lui au sujet de Caritas.
17 C'était la deuxième moitié du mois de mai et c'était au moment de
18 l'enterrement de Mato Lucic qu'on appelait "Matulica" à Kiseljak. Tous les
19 deux, nous étions entourés d'autres personnes mais nous étions tous les
20 deux, nous avons échangé un certain nombre de phrases. Je lui ai demandé
21 ce qu'il y avait de neuf, s'il y avait des problèmes, etc.. Je lui ai dit
22 que j'étais très triste, que j'étais fatigué et que Caritas allait me
23 manger totalement. Je lui ai dit également que nous allions avoir
24 certainement des problèmes, des problèmes assez graves, notamment avec des
25 Musulmans qui restaient à Kiseljak parce qu'ils n'avaient aucune
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1 organisation et qu'ils viendraient certainement s'adresser à moi, pour
2 demander mon aide.
3 Lui, il a dit : "Toi, tu es prêtre, tu es Franciscain, tu sais
4 très bien quelle est ta vocation, ce qui veut dire que tu dois donner
5 l'aide à tout le monde."
6 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'il y avait une révolte
7 au moment où Maturica a été tué ? Est-ce que vous pouvez dire également
8 quelle était sa renommée parmi les Croates ? Est-ce qu'il y avait des
9 entretiens à ce sujet-là ? Est-ce que vous auriez pu vous attendre à un
10 certain nombre de problèmes ?
11 M. Pervan (interprétation). - Mato Lucic... Maturica, c'est un
12 jeune homme que je connaissais depuis 1983, car j'ai été capelane dans la
13 paroisse, dans son village. Il a été soldat à la JNA. Par conséquent il
14 était au parti. Il ne pouvait pas dire de quelle confession il était, il
15 ne pouvait pas baptiser ses enfants, il ne pouvait pas se marier à
16 l'église. Moi je le savais et au moment où j'étais prêtre, tout jeune
17 prêtre, nous l'avons confessé et nous lui avons permis la communion, mais
18 c'était en secret.
19 Quand la guerre a commencé, il était officier de la JNA et il
20 s’est rendu à Kiseljak. C'était quelqu'un de très bien, honnête, quelqu'un
21 de très gai. Il avait beaucoup de renommée et effectivement au niveau de
22 l'armée il avait une renommée assez grande, les soldats l’appréciaient, il
23 a été adjoint des formations militaires à Kiseljak.
24 Il a été tué le 10 mai, à ma connaissance, et ceci au moment où
25 il y avait un cessez-le-feu, où nous avons espéré également que la guerre
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1 allait s'arrêter, que ceux qui décidaient de la guerre allaient se mettre
2 d'accord. Il a été tué. Il y avait deux soldats également avec lui, et à
3 ce moment-là effectivement cela a fait beaucoup de bruit parce que
4 l'enterrement était très grand : il y avait beaucoup de personnes, il y
5 avait des soldats également qui se sont saoulés, parce que c'est la
6 révolte qui leur a fait prendre la boisson. Ils ont dit : "Voilà, ils ont
7 tué quelqu'un qui était le meilleur parmi nous".
8 M. Nobilo (interprétation). - A ce moment-là, vous avez ressenti
9 le besoin de parler avec Tihomir Blaskic de l'aide ?
10 M. Pervan (interprétation). - Oui, effectivement. C'est la
11 raison pour laquelle je me suis entretenu avec Blaskic. Moi aussi, je suis
12 un être humain et moi aussi je ressens l'angoisse et la peur.
13 M. Nobilo (interprétation). - Avant de parler des réfugiés, je
14 vais demander au Greffier de bien vouloir nous dire le numéro sous lequel
15 nous allons enregistrer les listes de Caritas, et notamment quand il
16 s'agit de l'aide qui a été acheminée vers les villages musulmans et qui a
17 été donnée aux Musulmans.
18 M. Dubuisson. - N° D423/1 jusque /18.
19 M. Nobilo (interprétation). - Je vais demander à l'Huissier de
20 distribuer les listes.
21 M. Dubuisson. - Excusez-moi, je vous interromps, je répète qu'il
22 s'agit de D423.
23 (L'Huissier et le Greffier distribuent les listes.)
24 M. Nobilo (interprétation). - Pendant que la distribution se
25 fait, voulez-vous bien, s'il vous plaît, père, voir un petit peu les
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1 listes ?
2 Père Ivan, pouvez-vous me dire d'où je possède ces documents ?
3 M. Pervan (interprétation). - C'est moi-même qui vous les ai
4 donnés.
5 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ce sont les copies qui
6 correspondent aux originaux ?
7 M. Pervan (interprétation). - Oui, ce sont les copies qui
8 correspondent aux originaux.
9 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire ce
10 que représentent ces listes ? Il y en a dix-huit.
11 M. Pervan (interprétation). - Ce sont les noms et les prénoms
12 des personnes qui recevaient l'aide de la part de Caritas et qui sont de
13 nationalité musulmane, de confession islamique.
14 Je me dois de rajouter tout simplement qu'au sein de Caritas on
15 n'avait pas la colonne " nationalité ". Mais c'est très facile de
16 reconnaître, selon les noms et les prénoms, qu'il s'agissait véritablement
17 de Musulmans.
18 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous allons par conséquent
19 maintenant dire quelques mots au sujet des réfugiés à Kiseljak. Savez-vous
20 combien votre paroisse avait de personnes qui étaient des Catholiques
21 avant la guerre ?
22 M. Pervan (interprétation). - Avant la guerre, c'étaient
23 4 300 Catholiques, des Croates bien évidemment.
24 M. Nobilo (interprétation). - En 1992, les réfugiés sont arrivés
25 d'où, s'il vous plaît et pourquoi sont-ils arrivés à Kiseljak ?
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1 M. Pervan (interprétation). - En 1992, jusqu'au mois de juin, la
2 majorité des réfugiés sont arrivés de Sarajevo, des villes aux alentours
3 de Sarajevo parce que c'est l'armée serbe qui avait occupé ce territoire.
4 La majorité, c'étaient les Croates, les Musulmans, quelques Serbes
5 également de mariage mixte et, à partir du mois de juin, la majorité des
6 réfugiés viennent de Banja Luka, de Travnik, de Zenica, de Konjic, de
7 Ratkovici, de toutes les villes qui ont été prises par l'armée serbe.
8 M. Nobilo (interprétation). - Il y en avait combien au total,
9 s'il vous plaît ?
10 M. Pervan (interprétation). – Je pense qu'au mois de septembre
11 les réfugiés qui avaient pris la décision de rester dans la paroisse de
12 Kiseljak étaient au nombre de 1 500, par conséquent jusqu'à la fin de
13 1992, un peu plus de 2 000.
14 M. Nobilo (interprétation). - Les 2 000 réfugiés étaient les
15 réfugiés qui sont partis parce qu'ils étaient expulsés par les Serbes. Que
16 se passe-t-il au mois de janvier 1993 et d'où venaient ces réfugiés ? De
17 quelle nationalité étaient-ils ?
18 M. Pervan (interprétation). – En janvier 1993, il y a eu ce
19 conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO sur le territoire
20 qui s'étendait de Kiseljak à Busovaca. C'étaient les villages de
21 Bilalovac, Kacuni, Poseliste, Vrhovci, Gusti Grab, Besici, Nezirovici et
22 Donje Polje qui ont été englobés dans ce conflit. Lors de ce conflit, le
23 HVO avait été battu par l'armée de Bosnie-Herzégovine et un grand nombre
24 de réfugiés, 2 000 à peu près au total, se sont retirés vers Kiseljak. Ils
25 étaient de nationalité croate. Ils sont arrivés en provenance de
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1 Bilalovac, de Kacuni, de Okolice*, de Poseliste, de Gusti Grab et ensuite
2 de tous les autres villages qui étaient au nord de la paroisse à
3 Brestovo*. Ils étaient au total 2 000.
4 M. Nobilo (interprétation). - 2 000 Croates qui se sont retirés
5 parce qu'il y avait la guerre pour ne pas répéter les noms des villages,
6 pour ne pas les montrer sur la carte, ces villages se trouvent entre
7 Bilalovac et Kacuni. Par conséquent, une partie est couverte par la
8 municipalité de Busovaca et une autre par la municipalité de Kiseljak,
9 est-ce vrai ?
10 M. Pervan (interprétation). – Oui, il y avait donc Bilalovac et
11 Klokoti, c'était la municipalité de Kiseljak, alors que Donje Polje et
12 quelques autres villages étaient dans la municipalité de Busovaca, étant
13 donné qu'il s'agissait en effet d'un conflit qui a eu lieu à la frontière
14 entre les deux municipalités, Busovaca et Kiseljak.
15 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, les Croates se
16 sont réfugiés et jusqu'au mois de mai 1993, il n'y avait pas véritablement
17 de tensions, de conflits.
18 Mais avant de parler du mois de mai, je vais peut-être vous
19 demander de donner lecture d'un texte qui a été rédigé par les prêtres
20 catholiques, vous avez également signé ce texte. C'est à peu près à ce
21 moment-là que ce texte a été rédigé. Je vais demander à l'huissier de bien
22 vouloir le distribuer.
23 Je m'excuse, mais l'original est en langue croate, nous avons un
24 seul exemplaire et pendant la pause je vais le faire photocopier. Le texte
25 est en anglais, la déclaration n'est pas très longue, donc les interprètes
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1 pourront la traduire.
2 M. Dubuisson. - D424 pour la version en BCS et D424 a pour la
3 version anglaise.
4 (L'huissier et le greffier distribuent les exemplaires)
5 M. Nobilo (interprétation). - Je vais donner lecture du texte en
6 question. Je cite le titre :
7 "Déclaration des prêtres catholiques de la Bosnie centrale :
8 Depuis treize siècles, il y a une tradition et la présence de
9 l'ordre franciscain, la responsabilité que nous ressentons à l'égard de
10 notre peuple nous donne le droit d'élever notre voix.
11 Nous considérons que c'est notre devoir d'attirer l'attention de
12 la communauté croate et de la communauté musulmane et de condamner les
13 événements tragiques qui se sont produits dans ce territoire,
14 indépendamment de la volonté des deux peuples. Nous ne souhaitons pas
15 créer la politique ni décider du régime politique quel qu'il soit et de la
16 manière dont il allait être mis en place. Nous nous employons pour les
17 droits de l'homme de chaque personne dans ce territoire saint.
18 Les crimes et l'absence de morale ne peuvent apporter du bien à
19 celui qui les commet et notamment à celui sur lequel ces actes sont
20 commis. La tradition de ce territoire unique, de ce peuple et notamment du
21 peuple croate, est de vivre dans l'esprit de tolérance, dans l'amour
22 chrétien, dans le respect de tout un chacun de sa liberté avec toutes les
23 autres personnes avec lesquelles nous partageons ce territoire, l'esprit
24 et l'âme, nous conduit à demander aux autorités civiles, aux autorités
25 militaires de demander à tous ceux qui commettent les crimes qui pillent,
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1 qui incendient, qui tuent, qui sèment la haine et la peur soient
2 découverts, soient isolés, et ceci au nom du droit fondamental à la vie, à
3 la liberté de tout un chacun.
4 Nous recommandons par ailleurs que tous ceux qui ont de la
5 renommée, qui sont fidèles à la vérité, mettent sur place des commissions
6 conjointes pour visiter tous les endroits sur notre territoire pour faire
7 revenir la conscience qui est mise en cause et ceci pour arrêter tous les
8 événements criminels, et tous ceux qui entendent cette voix, tous ceux qui
9 pensent différemment, nous leur demandons de penser à Dieu et de prier
10 pour la paix et pour la liberté".
11 La signature : Milicevic et, entre autres, vous-même, Père Ivan,
12 vous avez signé ce texte. Est-ce que vous pouvez me dire tout d'abord si
13 c'est bien vous qui nous avez donné cette déclaration ?
14 M. Pervan (interprétation). - Oui.
15 M. Nobilo (interprétation). - Dans quelles circonstances avez-
16 vous rédigé cette proclamation et comment l'avez-vous déclarée et
17 publiée ?
18 M. Pervan (interprétation). - C'était un besoin que nous avons
19 ressenti. C'était indispensable qu'à l'époque qui était très pénible, qui
20 était dure, on puisse véritablement appeler à la raison. C'était une voix
21 de la raison, de la dignité humaine des fidèles, de ceux qui croient en
22 Dieu et souhaitent véritablement que tous les hommes soient des frères.
23 C'est la proclamation qui a été rédigée avant les conflits du
24 mois de mai ; nous l'avons rédigée, nous l'avons publiée dans les mass
25 médias. Nous avons publié évidemment ce texte dans les quotidiens, à la
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1 télévision, à la radio, et les médias qui ne sont pas forcément à Kiseljak
2 mais ailleurs également, c'est Sloboda Dalmacja par exemple à Split qui
3 avait publié ce texte.
4 M. Nobilo (interprétation). - Au mois d'avril il y avait nombre
5 de réfugiés supplémentaires qui sont arrivés à Kiseljak à ma connaissance.
6 Je vais demander à l'huissier de bien vouloir nous aider et de
7 mettre cette carte sur le rétroprojecteur.
8 Je vais vous demander, Père Ivan, de bien vouloir nous montrer
9 les villages d'où sont arrivés des réfugiés vers votre municipalité, vers
10 la paroisse de Kiseljak ?
11 M. le Greffier. - La carte porte le numéro D425.
12 M. Nobilo (interprétation). - Non, j'ai parlé du
13 rétroprojecteur.
14 Bon, on va voir à ce moment-là la carte de dimension un peu plus
15 grande, sinon on ne voit pas.
16 Voulez-vous dire aux juges d'où sont arrivés les réfugiés en
17 avril 1993, et je parle de la municipalité de Kiseljak ? Quels étaient les
18 villages et combien ils étaient en nombre total ?
19 M. Pervan (interprétation). - En avril 1993, les réfugiés sont
20 arrivés de Brestoska, ceux qui sont restés en vie, et particulièrement en
21 provenance des villages qui sont au sud par rapport à Kiseljak, Pirin,
22 Topliza*, Mokrine, Zabrdje, Mevjedice, Bojakovac, et ensuite il y avait
23 également un certain nombre de réfugiés de Zezelvo et puis d'autres qui
24 sont arrivés de Zupa et de Tarcin.
25 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous voulez montrer où
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1 se trouve Kiseljak et ensuite tout simplement vous pointez le territoire
2 sans énumérer les villages.
3 (Le témoin l'indique.)
4 M. Nobilo (interprétation). - Et où est la région d'où les
5 réfugiés sont arrivés ?
6 M. Pervan (interprétation). - (hors micro)
7 M. le Président. - Monsieur l'huissier, pouvez-vous tendre le
8 micro ?
9 M. Nobilo (interprétation). - Vous répétez.
10 M. Pervan (interprétation). - Gornja Trae*, Brestoska, les
11 villages qui étaient à côté de l'église; et ensuite il y a la ligne de
12 front qui était à une centaine de mètres à peu près.
13 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous le montrer s'il vous
14 plaît ?
15 M. Pervan (interprétation). - Oui, il y avait Pirin et d'autres.
16 (Le témoin pointe les villages sur la carte.)
17 M. Nobilo (interprétation). - Le micro s'il vous plaît pour le
18 témoin.
19 M. Pervan (interprétation). - Bukovica, Mokrine, Zezelvo,
20 Zabrdje, Medvjedice...
21 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que c'était au sud-ouest de
22 la municipalité ?
23 M. Pervan (interprétation). - C'était au sud de la municipalité,
24 c'était la partie de la municipalité qui se rattache au territoire de
25 Sarajevo, donc c'est la voie qui mène vers Sarajevo.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, asseyez vous,
2 père.
3 Dites aux Juges quelle était la nationalité, le groupe ethnique
4 de ces réfugiés venant de ces villages que vous venez d'énumérer. Ils ont
5 fui devant qui ?
6 M. Pervan (interprétation). - Ils étaient tous réfugiés croates.
7 Il y en a environ 1 500 qui sont arrivés à Kiseljak, il y en a qui sont
8 restés à Jablanica, il y en a qui sont allés à Gromiljak et ils ont fui
9 devant l'armée de Bosnie-Herzégovine, donc l'armée musulmane.
10 M. Nobilo (interprétation). - Une nouvelle vague de réfugiés est
11 arrivée au mois de juillet 1993. Pourriez-vous expliquer aux Juges de
12 quelle municipalité sont arrivés ces réfugiés, quel était leur nombre,
13 leur groupe ethnique et devant qui est-ce qu'ils ont fui ?
14 M. Pervan (interprétation). - Au mois de juillet, dès les 3 et
15 4 juillet 1993, un grand nombre de réfugiés, environ 2 500 personnes, sont
16 arrivés dans la paroisse de Kiseljak en fuyant la municipalité de Fojnica
17 et Krescevo.
18 En ce qui concerne les réfugiés de Krescevo, il s'agissait de
19 villages de Dezevicaet en ce qui concerne la municipalité de Fojnica, il
20 s'agissait de tous les villages de Fojnica vers Gornji Vakuf, Sebesic et
21 le plateau de Vlaskic*. Eux aussi, ils ont fui suite au conflit de l'armée
22 de Bosnie-Herzégovine et le HVO, étant donné que leurs maisons ont été
23 incendiées. Il y a eu beaucoup de morts qui étaient tous des Croates. Je
24 veux dire ceux qui sont arrivés à Kiseljak.
25 Parmi eux, le prêtre du village est arrivé, étant donné qu'il
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1 n'a pas pu rentrer à Fojnica.
2 M. Nobilo (interprétation). - La vague de réfugiés suivante est
3 arrivée en novembre 1993. Pourriez-vous dire aux Juges, encore une fois,
4 en provenance de quelle municipalité ils sont arrivés ? Quel était leur
5 nombre et quelle était leur raison de se réfugier ?
6 M. Pervan (interprétation). - Aujourd'hui, c'est exactement le
7 cinquième anniversaire de cet événement. Donc ce même jour, il y a cinq
8 ans, à Kiseljak, environ 3 500 réfugiés sont arrivés dans cette région. Il
9 s'agissait de réfugiés en provenance de Catici, Kakanj, de tous les
10 villages de Kraljeva Sutjeska -si vous voulez je peux les énumérer- de
11 Zupa, de Borovica-le-Haut et Borovica le-Bas, Vares et tous les villages
12 autour de Vares. Ils sont arrivés après le conflit entre l'armée de
13 Bosnie-Herzégovine et le HVO et ils sont arrivés à Kiseljak via Brgul et à
14 Kiseljak 2 500 sont restés par la suite.
15 Mais ce que je sais avec certitude, c'est qu'un grand nombre de
16 ces réfugiés ont continué tout de suite leur route vers Capljina et
17 Stolac, et ils y sont encore aujourd'hui. Donc, 3 500 sont arrivés à
18 Kiseljak, 2 500 sont restés de manière permanente et 1 000 personnes ont
19 continué tout de suite leur route vers l'Herzégovine, et ils y vivent
20 encore aujourd'hui.
21 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, s'il vous plaît, si
22 nous nous concentrons sur les municipalités d'Etat et non pas sur les
23 paroisses, serait-il vrai de dire que ces réfugiés de novembre 1993
24 étaient les réfugiés des municipalités de Vares et de Kakanj ?
25 M. Pervan (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de paroisses dont
2 les réfugiés venaient. Mais si l'on se basait sur les municipalités, dont
3 les entités administratives d'Etat, serait-il exact de dire que ces
4 réfugiés qui sont arrivés en novembre 1993 étaient de la municipalité de
5 Kakanj et Vares ?
6 M. Pervan (interprétation). - Oui, les municipalités de Vares et
7 de Kakanj.
8 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous avez dit que votre
9 paroisse, avant la guerre, comportait 4 300 catholiques.
10 M. Pervan (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - Pendant la guerre, est-ce que le
12 nombre de personnes qui avaient vécu auparavant dans votre paroisse a
13 diminué ?
14 M. Pervan (interprétation). - Oui, le nombre de mes paroissiens
15 a chuté à 3 500. Entre 1991 et 1993, beaucoup d'entre eux ont quitté la
16 région pour chercher la sécurité, surtout en Europe occidentale et donc
17 en 1993, mes paroissiens n'ont jamais été plus nombreux que
18 3500 personnes.
19 M. Nobilo (interprétation). - Donc, dans votre paroisse, non pas
20 dans la municipalité de Kiseljak mais la paroisse qui est moins grande que
21 la municipalité, combien de réfugiés avez-vous accueillis dans cette
22 région ?
23 M. Pervan (interprétation). - Il est possible de prouver qu'à la
24 fin de l'année 1993, il y a eu 14 000 réfugiés dans ma paroisse, mais il
25 faut tenir compte du fait qu'il n'y a pas qu'une seule paroisse dans
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1 Kiseljak. Il existe également Brestoskor*, Gromiljak et Lepenica.
2 Gromiljak a reçu de nombreux réfugiés aussi et à un certain moment, on
3 pensait que dans la municipalité de Kiseljak il y avait plus de
4 30 000 réfugiés qui vivaient.
5 M. Nobilo (interprétation). - Donc, si l'on parle uniquement de
6 votre paroisse, étant donné que c'est celle que vous connaissez le mieux,
7 il y a eu environ 3 500 paroissiens catholiques locaux, et vous recevez
8 14 000 personnes sur le territoire de votre paroisse. Ils étaient des
9 Croates, des catholiques.
10 Donc, grande concentration de réfugiés, étant donné qu'il
11 n'était pas possible de leur fournir des logements, ni la nourriture
12 adéquate, est-ce que ceci a influencé les rapports entre les personnes et
13 surtout les rapports inter-ethniques ?
14 M. Pervan (interprétation). - La situation était catastrophique.
15 Il faut dire également que pendant cette période, lorsque les réfugiés
16 arrivent, il s'agissait de la municipalité de Kiseljak qui avait eu
17 auparavant 25 000 personnes, mais pendant la guerre il y a eu beaucoup de
18 destructions dans la municipalité de Kiseljak, beaucoup de bâtiments ont
19 été incendiés et détruits.
20 Lorsque ces réfugiés sont arrivés, même s'il s'agissait de
21 Croates et de catholiques, et parfois de cousins, il y a eu assez souvent
22 des litiges même assez violents concernant les logements. Bien sûr que
23 ceci a influencé également les rapports inter-ethniques dans la paroisse
24 et la municipalité de Kiseljak.
25 M. Nobilo (interprétation). - De nombreux Musulmans ont quitté
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1 la paroisse et la municipalité de Kiseljak. Pouvez-vous expliquer aux
2 Juges quelles étaient les conditions, les raisons pour lesquelles les
3 Musulmans ont quitté ce territoire, par exemple le territoire de votre
4 paroisse ?
5 M. Pervan (interprétation). - Dans toute la Bosnie-Herzégovine,
6 nous avions une même situation. Lorsque l'armée, parfois, perdait non pas
7 la guerre mais un combat, l'armée se retirait et ensemble, avec l'armée,
8 la population se retirait aussi. Ceci était typique pour les trois
9 peuples, pour les trois groupes ethniques et ceci était une situation
10 caractéristique dans chaque région où il y a eu des combats.
11 Une autre raison importante est la suivante. Je vais vous donner
12 un exemple. Lorsque les réfugiés de Fojnica sont arrivés, ils sont allés
13 dans le village musulman de Duhre et là-bas, ils disaient aux Musulmans
14 qui vivaient à Duhre : "Nous avons été chassés par les vôtres, les vôtres
15 Musulmans, nos maisons sont restées à Fojnica. Vous n'avez qu'à aller à
16 Fojnica et nous, nous allons vivre ici." et c'est ce qui s'est produit,
17 effectivement.
18 Par la suite, en temps de paix, de nombreuses maisons ont
19 continué à rester occupées, mais ces personnes se sont mises d'accord en
20 disant : "Toi, tu n'as qu'à continuer à vivre dans ma maison et moi, je
21 vais vivre dans la tienne." Il y a eu de nombreux exemples comme cela.
22 M. Nobilo (interprétation). - Cet exemple que vous avez donné
23 des accords entre les habitants de Fojnica et d'autres villages que vous
24 avez mentionnés, nous l'avons entendu ; mais y a-t-il eu d'autres
25 situations, d'autres exemples de situations où les Musulmans ou d'autres
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1 ont été chassés de manière violente par des extrémistes, par exemple par
2 des Croates extrémistes ?
3 M. Pervan (interprétation). - Oui, il y a eu parfois des
4 expulsions violentes de Musulmans faites par des extrémistes parmi les
5 Croates.
6 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne le village de
7 Rotilj, il y a eu de nombreux Musulmans dans ce village. Dites aux juges
8 qui a vécu dans ce village auparavant.
9 M. Pervan (interprétation). - En ce qui concerne le village de
10 Rotilj, c'est un village près de Kiseljak et la majorité de la population
11 était constituée de Musulmans. Cependant, il y a eu quelques maisons
12 croates, il y a eu des Croates également et les maisons croates étaient au
13 bord du village, à une distance de 50 à 100 mètres par rapport aux maisons
14 musulmanes.
15 Il s'agit là d'un village qui avait des routes modernes, le
16 système de téléphone, l'électricité et qui était autonome.
17 De nombreuses personnes du village travaillaient à Kiseljak,
18 donc il s'agissait d'un village assez puissant économiquement. De
19 nombreuses personnes pouvaient à la fois travailler dans la ville et
20 s'occuper de l'agriculture, ce qui est très important étant donné qu'il
21 faut savoir que 70 % de la population de Kiseljak continuent à utiliser le
22 bois pour le chauffage.
23 M. Nobilo (interprétation). - Pendant 1993, pendant le conflit
24 d'avril, un grand nombre de Musulmans venant d'autres villages sont
25 arrivés au village de Rotilj pour y vivre. Dites-nous pourquoi ces
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1 villageois, ces Musulmans ont quitté leur propre village.
2 M. Pervan (interprétation). - Les conflits entre l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine et le HVO ont commençé à Rotilj au début du conflit et
4 ce conflit s'est bientôt terminé, étant donné que le HVO a pris le dessus,
5 et la paix s'est installée dans cette région. Suite à ces premiers
6 conflits, il n'y a plus jamais eu de conflit à Rotilj.
7 Durant ces conflits, plusieurs maisons ont été incendiées à
8 Rotilj, cependant plusieurs maisons sont restées intactes. De nombreux
9 Musulmans qui ont été chassés par les réfugiés de leur propre maison ont
10 pensé que peut-être le conflit allait se terminer. Ils souhaitaient vivre
11 plus près de leur maison et sont donc allés à Rotilj pour vivre soit chez
12 des cousins, soit dans une maison abandonnée.
13 Par exemple je me rappelle un certain Mujkic, c'était un
14 boulanger. A l'époque, je ne vivais pas, je n'étais pas à Kiseljak. Il a
15 été chassé avec sa famille de sa maison et une autre famille constituée de
16 neuf personnes a pris leur place. Il est allé à Rotilj lui aussi, avec sa
17 femme et ses enfants, et moi, à mon retour, je suis allé chez lui et je
18 l'ai amené avec moi dans la maison de Sdravko* Lucic -c'est une maison
19 croate- et lui, avec sa famille, a passé toute la période de guerre dans
20 cette maison croate, cette maison de Lucic. Les autorités civiles et
21 policières étaient au courant et de nombreuses personnes ont fait la même
22 chose.
23 M. Nobilo (interprétation). - D'après vos informations, de quel
24 village étaient les Musulmans qui sont venus à Rotilj ?
25 M. Pervan (interprétation). - Pour autant que je sache,
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1 c'étaient des Musulmans des villages de Kiseljak, Palez, Donji Polje,
2 Palez Casupria*, Radanovic, etc.
3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé des expulsions
4 forcées de personnes effectuées par des réfugiés, donc par des réfugiés
5 qui ont quitté des villages musulmans. Mais dites-nous si vous savez si
6 des membres du HVO arrivaient au village et mettaient des personnes dans
7 des camions, et les expulsaient de cette manière-là ?
8 M. Pervan (interprétation). - Je n'en ai pas conscience.
9 M. Nobilo (interprétation). - A Rotilj, il y a eu une rampe qui
10 a été placée, un point de contrôle, à l'entrée du village. Qui l’a fait et
11 pourquoi ?
12 M. Pervan (interprétation). - Après le conflit à Rotilj, il y a
13 eu un barrage routier dans le village de Rotilj. Il s'agissait tout
14 simplement d'un morceau de bois qui a été placé sur la route.
15 M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi, j'ai l'impression
16 qu'il y a eu une erreur de traduction ; nous avons parlé d’obstacle, de
17 rampa, de rampe. En anglais, on a l'impression qu'il s'agit d'une
18 installation aérienne. Expliquez aux Juges de quoi il s’agit ?
19 M. Pervan (interprétation). - Par exemple, si nous avons une
20 route... Par exemple, lorsqu’on parle d'une rampe, je veux parler d'un
21 bois d’une largeur de 20 centimètres qui a été placé au milieu de la route
22 pour faire obstacle.
23 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi ceci a été fait ? Et par
24 qui ?
25 M. Pervan (interprétation). - Cet obstacle a été placé là à
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1 l'initiative des personnes vivants dans le village de Borna. Ceci a été
2 placé pour empêcher des personnes qui souhaitaient éventuellement se
3 rendre dans le village de Rotilj pour faire du mal à la population qui y
4 vivait, pour les piller ou les maltraiter ; c'était cela la raison.
5 Je me rappelle très bien qu'au début deux personnes âgées et non
6 armées étaient à côté de cette rampe. La raison pour laquelle elles
7 étaient là était de téléphoner à la police au cas où quelqu'un souhaitait
8 entrer dans le village. Je ne sais pas très exactement si elles devaient
9 téléphoner à l’armée ou à la police. Donc ce barrage était là pour éviter
10 d'avoir une situation désagréable dans la région.
11 M. Nobilo (interprétation). - Nous pourrions peut-être
12 maintenant distribuer les cartes que nous avons déjà versées au dossier.
13 Nous avons suffisamment de copies pour les collègues de l'accusation et
14 pour les Juges. C'est la même carte que tout à l'heure.
15 (L'huissier et le greffier s'exécutent.)
16 Asseyez-vous.
17 (Le témoin s’exécute.)
18 Nous allons approcher le rétroprojecteur de vous, cela va être
19 plus pratique et plus facile.
20 Veuillez répéter la cote de la pièce à conviction de la
21 défense ?
22 M. Dubuisson - En ce qui concerne la carte, il s'agit de la
23 pièce D425.
24 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, à votre connaissance,
25 est-ce que Rotilj a été un camp ou non ?
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1 M. Pervan (interprétation). - J’affirme que Rotilj n'était pas
2 un camp.
3 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi ?
4 M. Pervan (interprétation). - Ce barrage, cet obstacle se
5 trouvait à l'entrée du village de Rotilj, à l'endroit qui s'appelle
6 Privori. En allant du village de Rotilj à l’extérieur, il y a de
7 nombreuses autres routes qui sont liées à toutes les autres routes dans la
8 municipalité de Kiseljak et de Kresevo.
9 M. Nobilo (interprétation). - Arrêtons-nous sur ces routes.
10 Regardons sur la carte maintenant. Expliquez au Juges en l'utilisant, ce
11 qui est marqué par le numéro 1, et faites-le avec le pointeur ?
12 M. Pervan (interprétation). - C’est l'endroit où se trouvait le
13 barrage.
14 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous montrer la route
15 entre Kiseljak et Rotilj ?
16 M. Pervan (interprétation). - Oui. (Le témoin s s'exécute.)
17 M. Nobilo (interprétation). - Que représente les chiffres entre
18 9 et 8, les flèches marquées par les numéros 9 à 8 ?
19 M. Pervan (interprétation). - Les flèches marquées par les
20 chiffres 2 à 8 constituent les autres routes permettant d'entrer dans
21 Rotilj et de sortir de Rotilj.
22 M. Nobilo (interprétation). - Est-il possible d'utiliser une de
23 ces routes avec un tracteur ou une voiture ?
24 M. Pervan (interprétation). - Oui, encore aujourd'hui, même si
25 ces routes ne sont pas réparées depuis cinq ans, il est possible de sortir
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1 et d'utiliser ces routes par exemple en utilisant la voiture Golf.
2 M. Nobilo (interprétation). - Et s'agissant de ces autres routes
3 et du cercle autour du village de Rotilj, le cercle que l'on voit sur la
4 carte, y a-t-il eu des gardes à ces emplacements ? Y a-t-il eu des mines
5 posées ? Est-ce que les routes ont été gardées de quelque manière que ce
6 soit ?
7 M. Pervan (interprétation). - Autour du village de Rotilj, pour
8 autant que je sache, il n'y a pas eu d'obstacle, de barrière, de garde et
9 la route n'a pas été minée.
10 M. Nobilo (interprétation). - Mis à part ces barrages routiers
11 constitués par ce morceau de bois et ces deux soldats du HVO, était-il
12 possible d'arriver au village en évitant ce barrage routier ?
13 M. Pervan (interprétation). - Oui, mais c'était la route la plus
14 praticable, étant donné que c'était une route en asphalte. Mais il était
15 possible d'y arriver d'une autre manière.
16 De toute façon, le but de ce barrage était de protéger la
17 population du village.
18 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il eu des maisons croates et
19 des Croates vivant à Rotilj durant la guerre ?
20 M. Pervan (interprétation). - Pendant toute la période, à la
21 fois pendant le conflit et après le conflit, dans ce village de Rotilj à
22 majorité Musulmans, il y a eu des Croates.
23 M. Nobilo (interprétation). - Combien de Croates ont vécu dans
24 le village de Rotilj en 1993 ?
25 M. Pervan (interprétation). - Avant l'arrivée des réfugiés
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1 croates, qui sont arrivés dans le village de Rotilj et qui y vivent encore
2 aujourd'hui avec les Musulmans, il y a eu dix maisons croates en
3 permanence dans le village de Rotilj.
4 Je vais indiquer, encore une fois, les routes de Borina, Rotilj.
5 Autour de cette route, il y a toujours eu à la fois des Croates et des
6 Musulmans qui ont vécu et qui vivent encore aujourd'hui les uns à côté des
7 autres. Donc, entre ces deux routes, celle-ci et celle-là, les Croates et
8 les Musulmans vivent.
9 Pendant le conflit et après le conflit, plus loin par rapport à
10 ce barrage, les Croates ont commencé à y vivre et ont continué à y vivre.
11 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous si des Musulmans de
12 Rotilj venaient parfois dans votre église pour faire quelque chose.
13 M. Pervan (interprétation). - Oui, ils venaient parfois, ils
14 passaient par Borina et ils passaient à côté de ce cimetière.
15 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer la
16 route ?
17 M. Pervan (interprétation). - Ainsi. Je souhaite dire encore une
18 fois, s'agissant de cette obstacle, pendant que l'obstacle était là, à
19 Prijevori, et même par la suite, il y a eu un médecin croate qui était
20 dans le village, c'était une femme et ils consultaient ce médecin à tout
21 moment, jour et nuit. S'ils avaient des problèmes, ils se rendaient
22 jusqu'à l'obstacle, ils demandaient de consulter un médecin et je sais
23 moi-même qu'une ambulance se rendait à chaque fois, quand il était besoin,
24 à Rotilj.
25 M. Nobilo (interprétation). - La pause.
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1 M. le Président. - Nous allons suspendre jusqu'à 11 heures 50.
2 Nous allons profiter de cette nouvelle question sur Rotilj pour faire la
3 pause. La séance est suspendue.
4 (L’audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à
5 12 heures 12.)
6 M. le Président. - Introduisez l'accusé.
7 Je voudrais m'excuser du retard qui m'est imputable pour
8 d'autres affaires qui m'ont été soumises pendant la pause, puisque ce sont
9 les seuls moments où...
10 Par contre, je ne suis pas coupable de la carte qui tombe !
11 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Père Ivan, avant la pause,
12 nous parlions des axes routiers qui permettaient de sortir de Rotilj.
13 Personne ne les surveillait, il n'y avait pas de mines sur ces routes.
14 Donc j'aimerais vous demander de montrer sur la carte, si vous le pouvez,
15 s'il était possible, grâce à ces axes routiers ou à ces chemins, d'arriver
16 jusqu'au territoire de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
17 M. Pervan (interprétation). - Oui, en utilisant ces axes, il
18 était possible d'arriver sur le territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-
19 Herzégovine. Un certain nombre de chemins menaient dans la direction de ce
20 territoire et ces chemins passaient principalement par la forêt, mais il y
21 en avait aussi qui étaient plus directs.
22 Je vais vous montrer en tout cas un chemin qui permettait, en
23 sortant de Rotilj, d'arriver sur le territoire de l'armée de Bosnie-
24 Herzégovine, à savoir la flèche répondant au n° 3, sur la carte. On passe
25 par Catici, Putinj*, on arrive à Rakovo Noga*, on va dans la direction de
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1 Ramic*, Handzici*, Domac* et à partir de là on arrive à Coneski Kamenik*
2 qui à cette époque-là, et encore aujourd'hui, est sous le contrôle de
3 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
4 Je vais maintenant vous montrer le même chemin sur la carte qui
5 se trouve sur le chevalet.
6 M. Dubuisson. - Cette carte porte le n° D426.
7 M. Pervan (interprétation). - Ici, nous voyons le village de
8 Rotilj et le chemin ici va vers Suproga* dans ce sens et descend sur
9 Jelavske*. On peut utiliser le même chemin pour revenir. Ensuite, on
10 descend dans la direction de Viz*, puis dans Ravnik Grav* et à Jelacak*. A
11 partir de Jelecak, le chemin descend pendant un kilomètre et demi pour
12 atteindre Pupina puis Ravnici*.
13 Ensuite, il arrive à Hodzici* -je dois regarder d'un peu plus
14 près-, ensuite vers Domac*, puis Sovencki Kamenik, qui est un village
15 croate dans lequel on trouve une chapelle qui a été prise par l'armée de
16 Bosnie-Herzégovine. Tout le territoire qui se situe ici en bas était un
17 territoire tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'est toujours
18 aujourd'hui.
19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, vous pouvez-vous rasseoir.
20 Père Ivan, quand est-ce que vous êtes allé à Rotilj pour la
21 première fois ? Je vous demande en fait dans quelles circonstances vous y
22 êtes allé, pour quelles raisons ?
23 M. Pervan (interprétation). - Eh bien c'était au début du
24 conflit, je parle du premier conflit, un conflit qui était de moindre
25 importance par rapport aux conflits qui ont eu lieu par la suite.
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1 Et tout près de l'église à Kiseljak, se trouvaient mon
2 appartement et l'hôtel Dalmatie. Cet hôtel Dalmatie était la base de la
3 Forpronu. Un soir, à 22 heures, M. Daniel Formann*, représentant de la
4 Forpronu, est arrivé. Je ne sais pas exactement quelles étaient ses
5 fonctions au sein de la Forpronu mais nous nous rencontrions assez
6 souvent.
7 Plus tard, il m'a également emmené à bord d'un char à Fojnica,
8 puis à Visoko. Il est donc arrivé ce soir-là et m'a dit qu'à la Forpronu,
9 ils avaient des vivres pour les Musulmans, plus précisément pour les
10 enfants de Rotilj, mais qu'il y avait un obstacle sur la route et il me
11 demandait donc si je pouvais emporter ces vivres à Rotilj.
12 Je me suis préparé, j'ai pris mon véhicule personnel, je suis
13 allé à la base de la Forpronu. J'avais enlevé les sièges arrière de la
14 voiture. J'ai donc mis à bord de mon véhicule les vivres que j'ai reçus et
15 entre 22 heures 15 et 22 heures 45, j'ai fait le trajet jusqu'à Rotilj. Je
16 suis passé devant la maison de Salko Hodzic*, je lui ai remis une partie
17 de mon chargement et puis je suis ensuite allé dans d'autres maisons, des
18 maisons de Musulmans, pour leur demander qui était responsable des
19 affaires les concernant.
20 Ils m'ont répondu "Salko Hodzic". Je suis donc allé chez lui, je
21 lui ai remis les vivres et nous continuons à collaborer encore
22 aujourd'hui.
23 M. Nobilo (interprétation). - Mais donc, sur la base des
24 documents, nous constatons que vous avez, en fait, introduit le village de
25 Rotilj dans le circuit d'approvisionnement. Après être allé à Rotilj cette
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1 première fois, est-ce que vous vous êtes rendu à Rotilj régulièrement pour
2 y apporter de la nourriture ?
3 M. Pervan (interprétation). - Je n'ai plus apporté de nourriture
4 à Rotilj, mais j'y allais pour prendre un café et parler avec les
5 habitants.
6 Par contre, c'étaient les représentants de Caritas qui
7 approvisionnaient le village régulièrement par la suite.
8 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle est
9 votre perception personnelle et ce que vous avez pu apprendre dans les
10 conversations que vous avez eues avec des tiers ? Est-ce que quoi que ce
11 soit vous permettrait de conclure que Rotilj était un camp ou que des
12 Musulmans ont eu des raisons de se plaindre d'être dans un camp dans ce
13 village, donc privés de liberté ?
14 M. Pervan (interprétation). - Rotilj n'était pas un camp. Les
15 Musulmans de Rotilj ne se plaignaient pas de leurs conditions d'existence,
16 ils se plaignaient de l'absence de leurs proches et des coups de feu
17 qu'ils entendaient. Evidemment des gens se faisaient tuer, mais c'était la
18 guerre. Cela étant, à Rotilj personne n'était persécuté, notamment lorsque
19 les Croates arrivaient à Rotilj.
20 Mais j'ai souvent vu ce qui se passait dans le village, puisque
21 j'y suis souvent allé prendre un café et j'affirme que Rotilj n'était pas
22 un camp. Les habitants de Rotilj avaient tout ce que pouvaient avoir les
23 réfugiés provenant d'autres endroits. Bien entendu, je ne dis pas que la
24 vie était facile car la guerre faisait rage entre les Croates et les
25 Musulmans, et les habitants de Rotilj étaient musulmans, ce n'était pas
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1 facile pour eux sur le plan psychologique, la souffrance psychologique est
2 très pénible également, mais j'affirme une nouvelle fois que Rotilj
3 n'était pas un camp.
4 M. Nobilo (interprétation). - En 1993, lorsque vous alliez voir
5 les Musulmans et boire un café avec eux...
6 M. Pervan (interprétation). - Excusez-moi, je ne vous ai pas
7 entendu.
8 M. Nobilo (interprétation). - En 1993, quand vous alliez prendre
9 un café avec les Musulmans comme vous venez de le dire, est-ce que
10 quelqu'un vous a dit : "Ceci est un camp, nous sommes enfermés ici" ?
11 M. Pervan (interprétation). - Non, non, personne ne m'a jamais
12 dit cela.
13 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien maintenant, je vous
14 demande de dire aux juges si vous avez emporté de la nourriture à Rotilj
15 alors que d'autres réfugiés allaient à Caritas, à l'entrepôt de Caritas,
16 pour s'approvisionner. Donc, quelle était la raison de votre attitude
17 particulière ?
18 M. Pervan (interprétation). - Eh bien je vais vous dire, pendant
19 longtemps nous avons entassé de la nourriture dans la partie haute de
20 notre église. La cour de l'église est assez grande, elle peut contenir
21 trente automobiles, mais elle est tout de même plus petite
22 proportionnellement si on la compare à la taille de l'église qui, elle-
23 même, est vraiment grande.
24 Nous voulions éviter tous problèmes éventuels et nous avons donc
25 décidé d'emporter la nourriture à Rotilj plutôt que de laisser venir les
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1 gens dans cette cour de taille un petit peu réduite. Nous avons donc
2 emporté la nourriture en passant par Brnaci* et les Musulmans qui ont reçu
3 cette nourriture nous ont facilité la tâche en nous aidant à charger les
4 paquets et à les distribuer. Donc, les choses sont devenues un peu plus
5 faciles pour nous parce que l'organisation Caritas de Kiseljak avait
6 6 500 volontaires qui travaillaient tous les jours.
7 Le travail était assez difficile et nous voulions éviter tout
8 rassemblement qui pouvait provoquer des problèmes dans la cour. C'était
9 l'une des raisons et l'autre raison, Dieu m'en est témoin, c'est que nous
10 voulions éviter tout incident devant l'église, parce qu'il y avait des
11 pères de famille, des mères de famille qui se faisaient tuer à Kiseljak
12 pendant cette période en venant à l'église et c'est donc la raison pour
13 laquelle j'ai décidé que je pouvais organiser le transport de la
14 nourriture moi-même.
15 M. Nobilo (interprétation). - Mais quel était le mode
16 d'approvisionnement de Rotilj à l'époque ? Y avait-il plus de nourriture
17 ou moins de nourriture à Rotilj qu'à Visoko, par exemple, où vivaient les
18 Musulmans sous contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
19 M. Pervan (interprétation). - Je dois dire... Je tiens à mettre
20 l'accent sur un élément positif qui caractérisait Kiseljak et Visoko :
21 entre septembre et octobre, sur les lignes de front proches de Kiseljak et
22 de Visoko, il n'y a pas eu la moindre attaque, lorsque les Croates de
23 Kiseljak et les Musulmans de Visoko tenaient les lignes, il n'y a pas eu
24 de combat. Pas mal de gens de Kiseljak et de Visoko se connaissaient, il
25 n'y avait que treize kilomètres qui les séparaient et donc un grand nombre
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1 d'habitants de Kiseljak allaient à Visoko, avant la guerre notamment.
2 C'est la raison pour laquelle, lorsque l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine s'est trouvée d'un côté et que dans ses rangs, on trouvait un
4 grand nombre d'habitants de Visoko, et que de l'autre côté il y avait les
5 Croates de Kiseljak, eh bien, les combats sur le front se sont arrêtés,
6 les soldats de part et d'autre se parlaient, en criant bien sûr, mais se
7 parlaient les uns avec les autres d'une tranchée à l'autre qui étaient
8 séparées de dix à vingt mètres au maximum.
9 Et un jour, sur une certaine fréquence radio, un accord a été
10 conclu. Cette fréquence qui était utilisée était la fréquence 14 000 et
11 les gens commençaient à se parler sans se présenter nommément. Un soldat
12 du HVO a dit à un homme de l'autre côté : "Je sais qui tu es", et l'autre
13 a répondu : "Non, tu ne le sais pas". Le premier a dit : "Si, je le sais,
14 je connais ton père, je le vois tous les jours devant ma maison". Et c'est
15 ainsi qu'un message a été transmis au père, ainsi qu'un paquet dans la
16 ville de Visoko.
17 Donc, on peut conclure à partir de ce que je viens de dire que
18 les Musulmans de Visoko avaient peut-être moins de nourriture que les
19 Musulmans de Kiseljak, mais je sais avec certitude qu'un sac de farine est
20 arrivé à Visoko de cette façon, et les Musulmans avaient du mal à trouver
21 de la farine.
22 M. Nobilo (interprétation). - Nous vous avons entendu dire aux
23 juges que Rotilj était surpeuplé, qu'il y avait beaucoup de monde qui
24 vivait dans une maison par exemple. Quel commentaire feriez-vous à cet
25 égard ?
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1 M. Nobilo (interprétation). - Oui, en effet, c'est la vérité. A
2 Rotilj, comme je l'ai dit, des maisons avaient brûlé, donc le fond
3 immobilier était réduit. Un grand nombre de personnes sont arrivées à
4 Rotilj à ce moment-là et je sais que, par exemple, il y avait dix-sept
5 personnes qui vivaient dans la maison de Salko Hocic* que je connais bien.
6 Mais en général, lorsque j'allais y prendre un café, nous restions dehors
7 parce qu'il faisait chaud. Et puis il y avait aussi la maison de la
8 paroisse et 15 personnes ont habité dans cette maison ; ils y mangeaient,
9 ils y buvaient et ils y dormaient. Lorsque les réfugiés sont arrivés en
10 grand nombre, lorsqu'ils ont cherché un logement, les Musulmans ont essayé
11 de se loger dans les maisons les plus grandes.
12 Il y a un autre point que je voudrais souligner, puisque nous
13 parlions de nourriture. A Visoko, avant la guerre, j'avais un ami musulman
14 qui s'appelait Samir Topalovic. Son père vit à Kiseljak et travaille
15 comme travailleur de la mairie, il est employé des eaux. Il perçoit encore
16 son salaire qu'il a perçu pendant toute la guerre. Donc, Samir est arrivé
17 de Rotilj, il est venu me voir et il m'a dit qu’il avait mal aux reins,
18 que lorsqu'il allait aux toilettes, il urinait du sang et qu'il avait mal
19 aux reins. Il m'a donc demandé si je pouvais faire ce qu'il fallait pour
20 qu'il se rende à Visoko, puis de là à Zenica à l'hôpital, et je lui ai
21 rendu ce service. Au moment où il était sur le départ, il est venu me voir
22 pour me demander s'il pouvait emporter un paquet de vivres à Visoko en
23 provenance de Rotilj. Samir est parti, mais malheureusement il est ensuite
24 tombé au cours des combats de Zavrtaljka et il est donc décédé.
25 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous dites qu'il est mort,
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1 il est mort à ce moment-là ou plus tard ?
2 M. Pervan (interprétation). - Il est mort trois mois après son
3 départ.
4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait un
5 entrepôt de Caritas à Split. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges
6 qui approvisionnait cet entrepôt ? Et puis, ensuite, j’aimerais que vous
7 nous indiquiez sur la carte par quel chemin vous alliez dans cet
8 entrepôt ? Mais d'abord, je vous demanderai donc de nous montrer comment,
9 de nous dire comment s’approvisionnait, se remplissait cet entrepôt de
10 Caritas ?
11 M. Pervan (interprétation). - Le diocèse de Sarajevo a reçu des
12 vivres à Split, en même temps que ce grand entrepôt qui se trouvait à TTS
13 et qui était destiné à abriter ces vivres. Différentes organisations
14 humanitaires ont utilisé cet entrepôt et la nourriture provenait de
15 plusieurs pays, de France notamment, de Suisse, d'Autriche, d'Allemagne et
16 de Suède.
17 M. Nobilo (interprétation). - Mais les vivres se trouvaient en
18 Croatie.
19 Alors, vous voyez sur le chevalet en ce moment une carte sur
20 laquelle figurent les zones de responsabilité relevant de l'armée de la
21 Republika Srpska en rouge, des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine en
22 vert, et du HVO en jaune. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges par
23 quels territoires vous passiez et sur quelles routes vous circuliez pour
24 franchir les kilomètres qui vous séparaient de Split ? Vous pouvez vous
25 lever, Monsieur, pour le montrer sur la carte.
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1 M. le Président. – Maître Nobilo, sur la carte vous définissez
2 les zones d'influence de ces différentes armées ; encore faudrait-il que
3 vous précisiez le mois. Ces dépositions ont quand même varié. Vous avez
4 dit en bleu l’armée de Bosnie, c'est cela ?
5 M. Nobilo (interprétation). - Non, non. L'armée de Bosnie-
6 Herzégovine correspond à la couleur verte, le jaune correspond au HVO, le
7 rouge à l’armée de la Republika Srpska, et cette carte...
8 M. le Président. - Et le bleu, pardon ?
9 M. Nobilo (interprétation). - Non, il y a une erreur, il me
10 semble une erreur de concept, en tout cas c'était...
11 M. le Président. - Quand même, il y a du bleu ? Ma question est
12 double ; on est obligé de la poser tout de suite, excusez-moi, je n'aime
13 pas beaucoup interrompre, mais si vous voulez que l'exposé de votre témoin
14 soit clair, il faut savoir à quel moment vous définissez ces positions par
15 rapport au conflit, et deuxièmement quelles sont les couleurs ? Si j'ai
16 bien compris, le rouge, c'est l'armée serbe ?
17 M. Pervan (interprétation). - C'est la carte qui correspond à
18 l'époque des conflits.
19 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, le
20 jour de la signature des accords de Washington peut être utilisé comme
21 référence pour cette carte, donc les armées, à la fin de la guerre.
22 M. le Président. - A la fin de la guerre ?
23 M. Nobilo (interprétation). - Oui, à la fin de la guerre.
24 M. le Président. - Donnez-moi vos couleurs : le rouge c'est
25 l'armée serbe ?
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1 M. Nobilo (interprétation). – Oui, c'est exact.
2 M. le Président. - Tout le territoire en vert ?
3 M. Nobilo (interprétation). - C'est le territoire sous le
4 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
5 M. le Président. - Ensuite, en jaune, c’est ce que vous
6 appellerez les enclaves du HVO ?
7 M. Nobilo (interprétation). – Oui, c'est le territoire sous
8 contrôle du HVO.
9 M. le Président. - Et la tache bleue ?
10 M. Nobilo (interprétation). - Et le bleu devrait correspondre
11 aux zones contrôlées par les Nations Unies.
12 M. le Président. - Bien, merci.
13 M. Nobilo (interprétation). - Oui. Donc sur cette carte, ce qui
14 est important, c’est quelle montre quels étaient les territoires contrôlés
15 par qui et également par où passait la route qui allait de Kiseljak à
16 Split, où se distribuait l'aide humanitaire. Donc, père Ivan, je vous
17 demanderai de montrer aux Juges où se trouve l'enclave de Kiseljak et de
18 leur décrire le chemin que vous faisiez pour aller à Split et en revenir.
19 M. Pervan (interprétation). - L'enclave de Kiseljak se trouve
20 ici, au niveau de cette pointe. Cette zone était encerclée principalement
21 par l'armée de Bosnie-Herzégovine, et sur une petite portion, nous voyons
22 une zone de l'enclave de Kiseljak qui était sous le contrôle du HVO, avec
23 une frontière à ce niveau là, à Kobiljaca, avec les lignes de l'armée de
24 la Republika Srpska. Nous voyons ici la route Kiseljak, Ilidza, Sarajevo.
25 Nous sommes à ce moment-là au mois d'août. Au mois d'août, nous
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1 avions déjà un grand nombre de réfugiés et la catastrophe était imminente.
2 Les vivres commençaient à manquer, l'approvisionnement ne se faisait plus
3 et nous craignions donc grandement une catastrophe.
4 Les responsables à Kiseljak -je parle des responsables du
5 pouvoir civil, militaire et policier- ont donc établi des contacts avec
6 les autorités de la Republika Srpska et je crois qu'ils l'ont fait avec
7 l'autorisation de leurs autorités compétentes. Suite à quoi, des accords
8 ont été conclus quant au fait qu'en passant par le territoire contrôlé par
9 l'armée de Republika Srpska il était possible d'aller de Kiseljak jusqu'en
10 Croatie... Oui, c'est bien cela, jusqu'en Croatie puisque nous devions
11 aller jusqu'à Split pour nous approvisionner. Et il fallait payer pour
12 faire ce voyage.
13 J'ai pris le départ à Kiseljak, avec un convoi. Sur la petite
14 carte on voit mieux les endroits que nous avons traversés et il y en a un
15 certain nombre, je vais les énumérer dans l'ordre : Kiseljak Kobiljaca,
16 Rakovica, Ilidza, Semizovac, puis Vucja Luka, Pale, Han Pijesak,
17 Vlasenica, Zvornik, Bijeljna, Brcko, Samac, Modrica, Doboj, Derventa,
18 Prnojavor, Banja Luka, Prijedor, Glamoc, Bosansko Grahovo, Livno, Tril,
19 Split.
20 M. Nobilo (interprétation). - Et ce trajet fait combien de
21 kilomètres ?
22 M. Pervan (interprétation). - Ce trajet faisait 1196 kilomètres.
23 M. Nobilo (interprétation). - Et de Kiseljak à Split, quelle est
24 la distance normalement ?
25 M. Pervan (interprétation). - 289 kilomètres entre Kiseljak et
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1 Split.
2 M. Nobilo (interprétation). - Vous pouvez vous rasseoir,
3 Monsieur le Témoin, je vous remercie.
4 Vous avez dit que les autorités civiles et militaires ont donc
5 conclu un accord à votre intention pour vous permettre de faire ce trajet
6 en passant par les territoires contrôlés par l'armée de la
7 Republika Srpska. Vous avez à plusieurs reprises évoqué ce voyage, ainsi
8 qu'un autre voyage plus court, dont nous reparlerons. Mais pouvez-vous
9 nous dire quelle était la nature exacte de l'accord conclu avec les Serbes
10 pour permettre cet approvisionnement ?
11 M. Pervan (interprétation). - Entre 1995 et aujourd'hui, j'ai
12 dit au moins vingt fois que si je devais refaire ce voyage en utilisant la
13 même route, je ne le referais pas. Ce parcours, ce trajet était en effet
14 très pénible. La route était souvent asphaltée, mais souvent également
15 c'était simplement une piste et nous emmenions avec nous un camion qui
16 nous suivait et qui servait à aplanir le terrain, en cas de nécessité.
17 Et puis nous subissions de mauvais traitements de la part des
18 soldats serbes et il y a des mots que je ne peux pas répéter devant ce
19 Tribunal qui nous ont été dits, et des gestes qui ont été faits à notre
20 intention, que je ne referais pour personne, de très mauvais goût, très
21 vulgaires. On nous lançait des insultes, des injures, on insultait notre
22 appartenance nationale, notre religion dans des termes vraiment très
23 vulgaires.
24 Nous étions escortés par la police serbe et nous n'atteignions
25 jamais notre destination dans le même état que celui dans lequel nous
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1 étions au départ. En effet, ils retiraient les bâches des camions, il y
2 avait des coups de feu qui étaient tirés, ils nous faisaient passer tout
3 près de la ligne de démarcation, entre l'armée serbe et l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine. L'armée de Bosnie-Herzégovine attaquait souvent nos convois
5 et ouvrait le feu sur nous. Donc le voyage était particulièrement pénible.
6 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si vous avez
7 été pris comme otage pendant plusieurs jours sur le territoire serbe, lors
8 de l'un de ces voyages, et dans quelles conditions cela s'est passé ?
9 M. Pervan (interprétation). - Lorsque l'accord a été conclu, ce
10 n'était pas un accord fondé sur l'amour et l'époque était très difficile.
11 Un jour, nous avons été logés dans un camp, nous y avons été placés et,
12 une autre fois, nous avons dû attendre l'autorisation de passer, que nous
13 avons obtenue uniquement après 11 heures du soir.
14 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi est-ce qu'ils refusaient
15 de vous laisser passer ?
16 M. Pervan (interprétation). - Un jour, nous avons attendu
17 26 heures, enfermés, en état de détention. En effet, il fallait payer pour
18 passer, pour faire passer le convoi qui apportait des vêtements et de la
19 nourriture. Il fallait payer une certaine somme aux Serbes. Lorsque tout
20 n'allait pas tout à fait bien, les Serbes attendaient que l'argent soit
21 versé avant de nous libérer. Ils nous tenaient donc comme des otages. Je
22 me rappelle un jour où le prix du passage était six barils d'essence et
23 nous avons dû attendre pas mal de temps avant que cette essence soit
24 livrée. Nous avons donc attendu dans des conditions d'emprisonnement très
25 difficiles pour nous, je me sentais très, très mal, je pensais que je ne
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1 quitterais jamais cette prison. Et puis, un autre jour, le prix à payer a
2 été de 1 000 Deutsche Mark qu'il fallait payer à l'entrée du territoire de
3 la Republika Srpska pour passer, et si cette somme n'était pas payée à
4 temps, nous étions menacés de rester en prison très longtemps. Les hommes,
5 les soldats, portaient des fusils, ils avaient suffisamment de munitions,
6 j'ai eu donc très peur de perdre la vie.
7 M. Nobilo (interprétation). - Mais de votre point de vue, et
8 s'agissant des convois humanitaires, pensez-vous que cette coopération
9 était justifiée ?
10 M. Pervan (interprétation). - Oui, demain je recommencerai la
11 même chose et je justifie entièrement ce qui s'est passé puisqu'il
12 s'agissait d'aide à apporter à des habitants, et je le dis en toute âme et
13 conscience. Je ne peux pas dire combien d'habitants ont été sauvés grâce à
14 cette coopération. Donc quelles que soient les difficultés qu'il fallait
15 surmonter, je pense qu'une telle coopération avait une très grande valeur,
16 la plus grande valeur d'ailleurs, qui soit.
17 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était
18 l'importance de ces convois ? Quel était le nombre de tonnes de vêtements
19 et de vivres que vous apportiez au cours d'un trajet ?
20 M. Nobilo (interprétation). - Le maximum a été de 1 032 tonnes,
21 34 camions et un autobus emplis de nourriture et, malgré le fait que nous
22 payions notre passage, nous avons distribué de la nourriture aux soldats
23 serbes et aux habitants parce qu'ils ne nous laissaient pas passer si nous
24 ne payions pas une espèce de dîme, et j'ai été content ce jour-là de
25 pouvoir ne laisser sur place qu'un cinquième du convoi.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Mais pouvez-vous nous dire si, à
2 partir de Kiseljak, des convois commerciaux étaient organisés également ?
3 Je parle de convois qui donnaient lieu à achat, à paiement, et si tel est
4 le cas, pouvez-vous nous dire quelle était la nature de ces convois et de
5 quelle façon ils étaient organisés ?
6 M. Pervan (interprétation). - Eh bien, les autorités civiles et
7 militaires de la municipalité organisaient à ce moment-là ce que nous
8 appelions des convois commerciaux. Effectivement, je crois que le prix à
9 payer était plus cher pour les convois commerciaux que pour les convois
10 humanitaires, mais en outre, ils n'apportaient ni le sel, ni la farine, ni
11 le sucre parce que c'étaient nous qui apportions ces articles. Eux
12 allaient en Croatie et même en Europe pour acheter des articles de grand
13 prix qu'ils revendaient.
14 M. Nobilo (interprétation). - Quels articles ?
15 M. Pervan (interprétation). - Des cigarettes, de l'alcool, des
16 articles chers, des cigarettes, de l'alcool, des vêtements, des
17 chaussures, des montres, des bijoux.
18 M. Nobilo (interprétation). - A qui cela était-il vendu ?
19 M. Pervan (interprétation). - Ces articles étaient vendus à
20 Kiseljak même, mais la majeure partie de ces articles se revendaient sur
21 le territoire de Kiseljak et de Visoko, c'est-à-dire à des acheteurs
22 musulmans.
23 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que ces articles
24 étaient vendus également aux Serbes ou échangés avec eux ?
25 M. Pervan (interprétation). - Il était difficile de les vendre
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1 aux Serbes parce que les Serbes n'avaient pas d'argent, et si ces articles
2 étaient donnés aux Serbes, il s'agissait dans ce cas-là de troc.
3 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pensez qu'avec ce
4 commerce, par conséquent, vous avez parlé des autorités civiles et
5 militaires, il y avait un certain nombre de moyens qui a créé le pouvoir,
6 le pouvoir économique, ce n'était pas typique, c'était totalement
7 différent par rapport aux autres municipalités de la Bosnie centrale.
8 M. Pervan (interprétation). - Oui, c'est tout à fait vrai ce que
9 vous dites, parce que le commerce, justement avec la partie musulmane, car
10 il s'agissait des articles qui allaient jusqu'à Zenica et jusqu'à Tuzla,
11 par conséquent Kiseljak est devenu également un centre commercial,
12 Kiseljak pouvait vendre les articles et pouvait également obtenir des
13 bottes. Il y avait, par exemple, 4 000 bottes qu'ils pouvaient obtenir.
14 Par exemple, pour notre école, nous avons pu acheter également du charbon
15 et effectivement, c'est le charbon qui est arrivé de Visoko, de Bileca, et
16 notre école, à cette époque-là très difficile, pouvait se chauffer.
17 Pourquoi ? Je vais vous l'expliquer. Au moment où les réfugiés
18 sont arrivés, nous nous sommes mis d'accord pour que, pendant toute la
19 guerre, on puisse assurer le logement pour les réfugiés croates dans cette
20 école. Nous l'avons d'ailleurs même actuellement parce que nous n'avons
21 pas de fonds immobilier comme nous devrions l'avoir en ce moment.
22 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était la situation à
23 Kiseljak en ce qui concerne l'approvisionnement ? Est-ce que les boutiques
24 étaient ouvertes ? Est-ce que vous aviez des fruits, des bananes, des
25 oranges, tout ce qui n'était pas imaginable à cette époque-là pour la
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1 Bosnie-Herzégovine ?
2 M. Pervan (interprétation). - Oui, effectivement, à Kiseljak les
3 boutiques étaient ouvertes, les cafés également qui fonctionnaient
4 normalement. Personnellement, j'allais prendre un café, une boisson
5 également de manière régulière ; il y avait tout ce dont on manquait en
6 Bosnie en général et c'était même inimaginable d'avoir à d'autres endroits
7 de tels articles.
8 M. Nobilo (interprétation). - Vous personnellement, avez-vous
9 participé aux convois humanitaires ou bien éventuellement avez-vous
10 participé également dans le transport des convois commerciaux ?
11 M. Pervan (interprétation). - Uniquement au niveau de l'aide
12 humanitaire, dans les convois humanitaires ; je n'avais rien à faire avec
13 d'autres convois. Je savais bien évidemment que de tels convois
14 existaient, je savais quels étaient les prix, je ne savais pas ce qu'ils
15 vendaient, mais moi, je n'ai pas participé à de tels genres de convoi.
16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez donc indiqué le parcours
17 que vous avez traversé jusqu'à Split. Il y a une autre route également, il
18 y avait deux flèches. Est-ce que vous pouvez expliquer aux juges ce que
19 représente cette autre route ?
20 M. Pervan (interprétation). - Dans la deuxième étape de nos
21 déplacements, jusqu'à Split en Croatie, nous avons obtenu l'autorisation
22 de la part des Serbes de raccourcir ce parcours. Ils ont échangés un
23 certain nombre de
24 leurs territoires. C'était au niveau de Stolac, c'est la raison
25 pour laquelle nous avons pu donc abréger notre parcours. Nous avons
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1 emprunté cette autre route et cette route part de Kiseljak une fois de
2 plus, en passant par Kobiljaca, Rakovica, Ilidja, Srednje, Vucja Luka,
3 Pale, Lukavica, Trnovo, Dobro Polje, Miljevina. Je n'ai pas parlé de Foca,
4 mais on est passé par Foca également et ensuite à Gacko et de Gacko au
5 carrefour de Plana et de Plana à Berkovici, de Berkovici à Stolas et de
6 Stolas à Capljina et de Capljina, nous sommes allés à Citluk et de Citluk,
7 nous sommes allés à Grude et de Grude à Imocki et de Imocki à Senj ou bien
8 de Capljina à Batkovic et de Batkovic par la route du littoral jusqu'à
9 Split.
10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que nous pouvons donc dire
11 que cette route que vous venez de décrire mène vers le sud et il y a deux
12 flèches parallèles ?
13 M. Pervan (interprétation). - Oui.
14 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la défense a fait la
15 carte selon vos instructions ?
16 M. Pervan (interprétation). - Oui effectivement.
17 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, nous allons passer à
18 un nouveau sujet. On va parler donc du fait que Kiseljak a été coupé de
19 Vitez et de Busovaca.
20 D'après vous, quand était-ce pour la première fois que l'axe de
21 communication a été coupé entre Busovaca et Kiseljak ?
22 M. Pervan (interprétation). - A ma connaissance, c'était au mois
23 de janvier, à la fin du mois de janvier, au moment où il y a eu des
24 conflits entre Busovaca et Kiseljak, les dix derniers jours du mois de
25 janvier. Il s'agissait, par conséquent, de Klokoti, de Kacuni, de
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1 Gusti Grab, de Bukovci, de Nezirovici, de Besici et Donje Polje, c'est le
2 territoire que nous avons traversé.
3 M. Nobilo (interprétation). - Au moment où vous vous êtes rendu
4 pour la dernière fois à Busovaca, pouvez-vous nous expliquer ce qui
5 s'était passé ?
6 M. Pervan (interprétation). - J'étais pour la dernière fois à
7 Busovaca après les conflits du mois de janvier, après le premier conflit
8 qui a eu lieu à Klokoti, il y a eu le cessez-le-feu et le cessez-le-feu a
9 duré jusqu'au mois d'avril1993.
10 Déjà auparavant, je vous ai dit qu'on avait un entrepôt et que
11 nous avons acheminé l'aide humanitaire et cela se trouvait dans la cour de
12 l'église. J'avais l'intention d'aller, par conséquent, emporter les vivres
13 à Busovaca et, un jour, je suis allé à Bilalovac où j'ai trouvé M. Gania
14 et M. Sefer, qui étaient policiers à Kiseljak et c'est la raison pour
15 laquelle je les ai rencontrés. J'ai demandé l'autorisation à ces deux
16 personnes pour prendre les deux camions et les emmener jusqu'à Busovaca.
17 Ils m'ont répondu : "Nous pouvons te délivrer l'autorisation, nous le
18 ferons, mais tu dois te rendre dans la municipalité de Kacuni".
19 Et je dois me compléter, au moment où ils sont partis à
20 Bilalovac, ils ont créé la commune de Kiseljak.
21 M. Nobilo (interprétation). - Qui "eux" ?
22 M. Pervan (interprétation). - Les Musulmans et les Musulmans à
23 Kacuni ont créé la commune de Busovaca. Par conséquent, j'ai obtenu
24 l'autorisation et un de leurs policiers m'avait conduit jusqu'à Kacuni, il
25 m'avait demandé si je savais où se trouvait la maison de Enijad Mekic,
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1 alors qu'avant la guerre Enijad Mekic était Hodja, il a été président du
2 parti SDA.
3 Par conséquent, je me suis rendu dans sa maison, j'étais en
4 uniforme et j'ai trouvé Enijad, il était assis et il portait donc
5 l'uniforme de l'armée de Bosnie-Herzégovine, il était Président de la SDA.
6 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous parlez de l'uniforme,
7 vous parlez de quel genre d'uniforme que vous portiez ?
8 M. Pervan (interprétation). - Je parlais de l'uniforme des
9 Franciscains bien évidemment, que portent tous les Franciscains du monde
10 entier.
11 Par conséquent, je me suis rendu chez Enijad. Avant la guerre,
12 on se connaissait bien, on était en bons termes. Je lui ai parlé, on a eu
13 un certain nombre de conversations qui n'étaient pas tout à fait
14 agréables, mais, de toute façon, il m'avait délivré l'autorisation.
15 Je suis rentré à Kiseljak, j'ai chargé les deux camions et
16 ensuite, le lendemain matin, je suis parti à Kacuni : on avait fouillé les
17 camions, on n'a rien pris, on ne nous a pas touchés, on ne nous a pas
18 injuriés, on ne nous pas insultés et nous nous sommes rendus à Busovaca,
19 nous avons déchargé le camion et nous sommes retournés à Kiseljak. C'était
20 la dernière fois où je me suis rendu à Busovaca jusqu'au cessez-le-feu de
21 1994.
22 M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire de Busovaca ?
23 M. Pervan (interprétation). – Oui, de Busovaca.
24 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quelle
25 date cela s'est produit ?
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1 M. Pervan (interprétation). - Vous parlez du convoi, je pense
2 que c'était au début du mois de mars 1993.
3 M. Nobilo (interprétation). – Eh bien, quand est-ce que le
4 territoire a été coupé pour la deuxième fois et définitivement ? Je parle
5 de Busovaca et de Kiseljak. Quand l'avez-vous remarqué ? Quand la route a-
6 t-elle été coupée définitivement quand vous vous êtes trouvé à Kiseljak au
7 mois de mai 1993 ?
8 M. Pervan (interprétation). - Au moment du cessez-le-feu, après
9 le conflit du mois de janvier, après Pâques, je suis passé par Krescevo
10 Tarcin, Konjic et Mostar je suis allé en dehors de Croatie. Je me suis
11 rendu en Europe à cette époque-là. Après mon retour d'Europe, quand je me
12 suis rendu à Split, je ne pouvais plus me rendre à Kiseljak. J'ai attendu
13 un certain nombre de jours à Split et c'est à cette époque-là que j'ai
14 entendu qu'à Citluk également, il y avait des gens qui souhaitaient se
15 rendre en Bosnie centrale, à Kiseljak, à Zepce, à Vares.
16 Je me suis rendu à Citluk avec ma voiture personnelle, avec mon
17 conducteur également, j'ai demandé qui voulait partir avec moi, nous
18 allions partir et puis c'est Dieu qui nous aidera. Il y en a un certain
19 nombre qui m'ont demandé de Vares, de Zepce, de Fojnica également.
20 Il y avait un convoi, la plupart c'étaient des Croates, mais il
21 y avait également les deux Musulmans qui nous ont accompagnés : Fuad Curic
22 et Zecevic, je pense que son prénom était Osman.
23 Nous nous sommes mis d'accord, eux aussi d'ailleurs avaient
24 peur, mais nous avons dit que nous allions nous garder l'un à côté de
25 l'autre et que nous allions essayer de traverser le territoire.
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1 Nous sommes partis à une heure de l'après-midi, donc à
2 13 heures, de Citluk, nous nous sommes rendus à Posusje, de Posusje à
3 Duvno et à partir de Duvno à travers la montagne Vran Planina et ensuite
4 nous sommes arrivés le soir à peu près à Prozor. Nous avons passé la nuit
5 dans un monastère franciscain. Le lendemain matin, nous sommes partis à
6 Gornji Vakuf, il y avait encore le cessez-le-feu et il y avait encore
7 l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'armée du HVO qui se trouvaient dans la
8 ville.
9 Nous deux, mon conducteur et moi-même, ainsi que Fuad Curic et
10 Osman Zecevic, nous sommes allés voir le commandant de l'armée de Bosnie-
11 Herzégovine. C'est un commandant local. Nous avons parlé avec lui, nous
12 lui avons dit que nous voulions nous rendre chez nous, nous lui avons
13 demandé de nous aider. Effectivement, il nous a permis de nous rendre chez
14 nous.
15 Nous sommes partis de Gornji Vakuf, nous avons emprunté la route
16 qui traverse Travnik et Sebasic. Nous nous sommes donc rendus à Sebasic,
17 ensuite il y a une route qui mène vers Fojnica par Laska Ravan et en
18 dessous du lac Prokosko, alors qu'il y a une autre route qui mène vers
19 Travnik et Vitez. Nous avons choisi la première route et au moment où nous
20 nous sommes trouvés à Lasva Ravan, derrière les arbres il y avait des gens
21 de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui portaient les fusils à lunette qui
22 nous ont arrêtés. Ils nous ont maltraités, ils nous ont injuriés.
23 Fuad Curic et Zecevic sont allés à Fojnica deux heures plus
24 tard. Moi-même, je devais m'y rendre et quand je suis passé à côté de
25 Prokos, il y avait un jeune homme qui avait armé son fusil et qui l'avait
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1 pointé sur mon cou. Il était saoul et il m'a dit qu'il allait me tuer tout
2 simplement parce que je venais de Kiseljak. Ensuite, il y en avait un
3 autre : "Ne le touche pas, laisse-le tranquille".
4 Par conséquent, nous avons traversé la route et nous nous sommes
5 rendus à Kiseljak le soir.
6 M. Nobilo (interprétation). - C'était quelle date ?
7 M. le Président. - Nous reprendrons à 14 heures 45.
8 (L'audience, suspendue à 13 heures reprend à 14 heures 50.)
9 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
10 Dès que l'accusé est rentré, veuillez faire entrer le Père Ivan.
11 Si vous voulez bien nous reprenons, Maître Nobilo, au point où
12 nous nous étions arrêtés.
13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
14 Père Pervan, nous n'avons pas terminé encore. Une fois que vous
15 êtes retourné à Kiseljak, vous avez décrit également la route. Pouvez-vous
16 nous dire quelle était la date de votre retour ?
17 M. Pervan (interprétation). - C'était le 7 mai, dans la soirée à
18 peu près.
19 M. Nobilo (interprétation). - 7 mai 1993 ?
20 M. Pervan (interprétation). - Oui.
21 M. Nobilo (interprétation). - Et à quel endroit êtes-vous rentré
22 dans la municipalité de Kiseljak ?
23 M. Pervan (interprétation). - C'est à l'endroit qui s'appelle
24 Plocari car j'ai emprunté la route qui mène de Fojnica à Kiseljak et c'est
25 là où je suis entré à Kiseljak.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des dangers, quelques
2 incidents également ?
3 M. Pervan (interprétation). - Depuis Fojnica jusqu'à l'entrée de
4 la municipalité de Kiseljak, il n'y avait pas d'incident, mais au moment
5 où nous sommes arrivés dans le village Luka, nous étions obligés de nous
6 arrêter et on a été obligés de prendre une autre route, pas la route
7 asphaltée mais la route qui traversait le champ, parce qu'on ne voulait
8 pas passer par le carrefour entre Busovaca et Kiseljak étant donné que
9 c'était déjà la nuit et que la route n'avait pas été éclairée, il y avait
10 des échanges de coups de feu, je pense des mitrailleuses.
11 M. Nobilo (interprétation). - Donc c'est en provenance de
12 Gomionica qu'il y avait des coups de feu. Qui était de ce côté-là, s'il
13 vous plaît ?
14 M. Pervan (interprétation). - C'était l'armée de Bosnie-
15 Herzégovine qui se trouvait à Gomionica.
16 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges, s'il
17 vous plaît, une fois que vous êtes retourné à Kiseljak, après les
18 événements du mois de mai, s'il y avait des possibilités pour vous de vous
19 rendre à Busovaca Vavit* ? C'était une poche. Y avait-il une petite route
20 éventuellement ? C'était donc au mois d'avril, depuis le mois d'avril.
21 M. Pervan (interprétation). - Non, il n'y avait absolument
22 aucune route qu'on pouvait emprunter, ni publique, ni secrète, en
23 traversant par Fojnica. On ne pouvait pas passer, il y avait déjà l'armée
24 (je l'ai déjà précisé) de Bosnie-Herzégovine, ensuite Kiseljak. Busovaca a
25 été coupé au niveau de Bilalovac, par conséquent au niveau de l'église, à
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1 une centaine de mètres à peu près jusqu'à Donje Polje, de la municipalité
2 de Busovaca.
3 Je pense que c'est tout à fait facile d'ailleurs de vous décrire
4 en d'autres termes. Je dois dire que les combats étaient en cours entre le
5 HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine et chaque partie avait creusé les
6 tranchées...
7 M. le Président. - (début hors micro)... sauf si c'est très
8 important pour vous, Maître Nobilo, parce que sinon, on prend beaucoup de
9 temps ici. Excusez-moi. C'est vous qui voyez par rapport à votre
10 stratégie, Maître Nobilo, je ne veux pas du tout vous forcer, mais là nous
11 sommes vraiment dans beaucoup de détails.
12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous allons
13 terminer en 45 minutes, mais il y avait quand même une rupture de
14 communication entre Kiseljak et Busovaca. Je pense que c'est important.
15 Nous n'allons pas nous répéter. Par conséquent, on ne va pas parler des
16 routes asphaltées, des routes qui n'ont pas été asphaltées.
17 Pouvait-on donc se rendre entre Kiseljak et Busovaca par les
18 champs ?
19 M. Pervan (interprétation). - Non, parce que tout a été bloqué,
20 bloqué du côté des deux armées. Par conséquent, toute l'enclave de
21 Kiseljak a été encerclée, aussi bien d'un côté que de l'autre.
22 M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire par l'armée de
23 Bosnie-Herzégovine et par le HVO ?
24 M. Pervan (interprétation). - Oui, le HVO d'un côté et l'armée
25 de Bosnie-Herzégovine de l'autre.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvons-nous citer un exemple, à
2 titre d'illustration, pour montrer que les deux poches croates
3 fonctionnaient séparément par rapport à Kiseljak et par rapport à Vitez ?
4 Pouvez-vous nous dire quels étaient les prix des cigarettes et des vivres
5 à Busovaca et à Kiseljak ?
6 M. Pervan (interprétation). - Je ne peux pas, bien évidemment,
7 vous donner les réponses exactes, mais de toute façon il y avait des
8 différences qui étaient très grandes. Par exemple, un paquet de vingt
9 cigarettes à Kiseljak coûtait un deutsche mark alors qu'à Busovaca c'était
10 100 mark. Un litre d'huile à Kiseljak coûtait un mark à deux mark alors
11 qu'à Busovaca 70 mark à un ami, 100 mark à quelqu'un qui n'était pas un
12 ami. Donc, je veux dire qu'il y avait des personnes qui véritablement, si
13 elles pouvaient se rendre à Busovaca, auraient certainement donné 10 000
14 Deutsche Mark pour gagner là-dessus.
15 M. Nobilo (interprétation). - Mais il n'y avait pas de telles
16 personnes parce qu'elles ne pouvaient pas se rendre à Busovaca.
17 M. Pervan (interprétation). - Non, absolument personne n'avait
18 l'idée même de se rendre à Busovaca, tout le monde savait que c'était
19 impossible.
20 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire si à Kiseljak
21 il y avait suffisamment de fusils, d'armes, d'obus et comment c'était à
22 Busovaca et à Vitez ?
23 M. Pervan (interprétation). – A ma connaissance, et pour autant
24 que j'aie des informations, il y avait des armes à Kiseljak, alors qu'à
25 Vitez et à Busovaca, il n'y en avait pratiquement pas ;
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1 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez eu des
2 explosifs ?
3 M. Pervan (interprétation). – Non, on n'en avait pas, mais on en
4 achetait ou bien en Bosnie-Herzégovine ou bien des Serbes.
5 M. Nobilo (interprétation). - Pour ce qui est des prêtres de
6 Busovaca, comment avez-vous communiqué avec eux ?
7 M. Pervan (interprétation). – C'est par la FORPRONU qu'ils
8 m'envoyaient les lettres, l'argent. Moi, je répondais également et
9 j'envoyais aussi du café et des cigarettes en passant par la FORPRONU.
10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez utilisé la
11 station radio des amateurs ?
12 M. Pervan (interprétation). – Oui, je le savais, mais ce sont
13 les autres qui ont quand même pu m’aider de ce côté-là.
14 M. Nobilo (interprétation). - Et quel genre de conversation vous
15 aviez eu par la station radio ?
16 M. Pervan (interprétation). - Nous avons même été en contact
17 avec les amateurs de radios aussi bien à Jepce, à Mostar, à Sarajevo et
18 partout jusqu'à Belgrade.
19 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de
20 codages et de messages codés, de la personne qui avait été capable de
21 décoder les messages ?
22 M. Pervan (interprétation). – Oui, je me souviens parce qu'à
23 plusieurs reprises, je me suis rendu dans ces locaux où il y avait
24 Mijo Maso, Ivic, Joso Marjanovic et Mlle Progomet qui travaillait dans un
25 centre qui était au centre ville où je buvais du café. Ce sont eux qui
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1 envoyaient des messages par le code, par exemple "2ACC8" ; c'était, par
2 exemple, le code qui pouvait être déchiffré, décodé très facilement et les
3 soldats musulmans par la suite ont profité.
4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que Tihomir Blaskic
5 assistait à l'enterrement de Mate Lucic après le 10 avril, parce qu'il
6 avait été tué auparavant. Comment est-il arrivé ?
7 M. Pervan (interprétation). - Il est arrivé dans un transporteur
8 blindé accompagné par la FORPRONU.
9 M. Nobilo (interprétation). - Il est arrivé jusqu'au cimetière ?
10 M. Pervan (interprétation). - Non, il est arrivé jusqu'à la
11 maison des parents et ensuite, c'est par le transporteur blindé qu'il est
12 allé au cimetière. Après, depuis le cimetière, il est allé à Busovaca ou
13 Bilalovac, je ne peux pas vous dire exactement.
14 M. Nobilo (interprétation). - Après l'enterrement de Mate Lucic,
15 après le 10 avril 1993 et jusqu'à la fin de la guerre en 1994, avez-vous
16 entendu dire que Blaskic s'était rendu à Kiseljak ?
17 M. Pervan (interprétation). - Après l'enterrement de Mate Lucic,
18 quand il était pour la dernière fois à Kiseljak, M. Blaskic ne s'est
19 jamais rendu à Kiseljak jusqu'au cessez-le-feu jusqu'en 1994, je n'ai
20 jamais entendu parler de cela et je ne l'ai jamais vu.
21 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez enterré le père du
22 colonel Blaskic, n'est-ce pas ? C'était après l'enterrement de Mate Lucic,
23 par conséquent, le deuxième semestre de 1993. Est-ce que vous pouvez me
24 dire si Blaskic, à cette époque-là, s'était rendu à l'enterrement ? Est-ce
25 que vous pensez que lui se serait rendu à l'enterrement ?
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1 M. Pervan (interprétation). – M. Blaskic n'est pas venu à
2 l'enterrement de son propre père. C'est moi qui avais enterré son père.
3 S'il avait pu s'y rendre, certainement il y serait venu. Bien évidemment,
4 je pense qu'il avait aimé plus son père que sa mère.
5 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que, pendant l'enterrement,
6 vous avez entendu des échanges de coup de feu ?
7 M. Pervan (interprétation). – Oui, malheureusement à Kiseljak,
8 chaque fois que l'on enterrait quelqu'un, il y avait des échanges de coups
9 de feu et c'était depuis Visoko, il y avait des obus également qui
10 tombaient.
11 M. Nobilo (interprétation). – Pouvez-vous dire en quelques mots,
12 s'ils vous plaît, aux juges, vous avez rencontré au cours de 1992 le
13 colonel Blaskic et au début également de 1993. Pouvez-vous nous décrire
14 M. Blaskic en sa qualité d'être humain, de soldat ?
15 M. Pervan (interprétation). – Moi, j'ai connu pour la première
16 fois M. Blaskic en 1992 ; je savais qu'il était commandant. Nous nous
17 sommes rencontrés dans la rue à plusieurs reprises et il habitait le
18 centre ville. Nous nous sommes rendus souvent également dans des cafés
19 pour prendre une boisson. A cette époque-là, à Kiseljak, il n'y avait pas
20 de guerre, il n'y avait pas de conflit. Il se rendait également à l'église
21 pour les messes et il a laissé sûrement une impression de quelqu'un de
22 très calme, de très sérieux, d'un homme intègre et honnête, quelqu'un qui
23 tient aux principes, quelqu'un qui ne parle pas beaucoup, qui est très
24 paisible, qui montre par les gestes ce qu'il pense, pas violent du tout.
25 Par conséquent, un homme sur le plan psychique, sur le plan physique, un
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1 homme honnête et intègre.
2 M. Nobilo (interprétation). - A cette époque-là, bien
3 évidemment, en Bosnie on a parlé des tensions entre les communautés
4 ethniques différentes. Est-ce que vous pouvez me dire quelle était
5 l'attitude de M. Blaskic vis-à-vis des communautés ethniques ? Il était
6 extrémiste ? nationaliste ?
7 M. Pervan (interprétation). - A l'époque où M. Blaskic était à
8 Kiseljak, il n'y avait pas de conflit entre les deux communautés
9 ethniques, entre les Musulmans et les Croates, la situation était
10 totalement différente. Il y avait un conflit entre l'armée de la
11 Republika Srpska, mais moi, à cette époque-là, je n'ai jamais entendu
12 Blaskic prononcer des injures ou bien dire des choses qui n'auraient pas
13 été correctes vis-à-vis des autres. Personnellement, je n'ai jamais
14 entendu celaa de la bouche de M. Blaskic.
15 M. Nobilo (interprétation). - Au moment où il est venu à
16 Kiseljak, il est venu en provenance d'Autriche. Vous savez qu'il a été à
17 la JNA, vous savez qu'il est allé en Autriche et que les parents de son
18 épouse se trouvaient en Autriche. Est-ce qu’il vous avait expliqué quelles
19 étaient ses raisons pour venir d'Autriche ? Il a quand même quitté une vie
20 paisible pour se rendre à Kiseljak. Quelles étaient ses raisons, quelles
21 étaient ses intentions ?
22 M. Pervan (interprétation). - On n'a pas beaucoup parlé. Je sais
23 que Blaskic, bien évidemment, a terminé l'académie militaire, je sais
24 qu'il était soldat et officier à la JNA, je sais qu’il s’est rendu compte
25 également de ce qui allait se passer. Il a bien compris également que la
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1 majorité de cadres, enfin d'effectifs à la JNA, avant la guerre, étaient
2 des Serbes. Il avait pu comprendre également ce qui s'était passé avec la
3 Slovénie, avec la Croatie. Il a compris également ce qui se préparait pour
4 la Bosnie.
5 C’est pour des raisons patriotiques qu'il s'est rendu à
6 Kiseljak, car il savait très bien que les Musulmans et les Croates n'ont
7 pas d'officiers qui sont formés. Il s'est rendu dans la région où il est
8 né, où il a vécu. Il y avait un frère qui était là-bas. Et c’est pour des
9 raisons patriotiques, absolument, qu'il s'est rendu à Kiseljak, pour nous
10 aider, pour aider, pour que Kiseljak reste et que la Bosnie-Herzégovine
11 reste telle quelle.
12 M. Nobilo (interprétation). - Qui était l'ennemi à cette époque-
13 là, qui avait fait agression sur la Bosnie-Herzégovine au moment où il est
14 arrivé ?
15 M. Pervan (interprétation). - Au moment où M. Blaskic est arrivé
16 à Kiseljak, c'est l'armée de la Republika Srpska qui avait fait une
17 agression sur les Musulmans et sur les Croates.
18 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai déjà
19 parlé avec le conseil de la défense. Je vais vous proposer de passer à
20 huis clos partiel, s'il vous plaît, et je vais donc vous expliquer
21 pourquoi je le fais et je vous le demande.
22 M. le Président. - Vous vous êtes mis d'accord avec le conseil
23 de l'accusation, je suppose ; il y a eu une erreur de traduction.
24 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
25 M. le Président. - D'accord pour le huis clos partiel.
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé).
8 (expurgé)
9 M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
10 Messieurs les Juges.
11 Bien entendu, cela ne nous pose aucun problème. Nous repasserons
12 en audience à huis clos partiel lorsque cela sera nécessaire.
13 Pour ce qui est des pièces, Monsieur le Président, je n'ai pas
14 d'objection au versement de ces dernières, sauf pour la pièce 423, il
15 s'agit du document très volumineux qui contient une liste des
16 bénéficiaires à des donations de Caritas. Je crois qu'elle fait au moins
17 cent pages. Je voudrais pouvoir lire ce document, si cela est possible.
18 M. le Président. - Personne ne vous empêche de lire cet abondant
19 document, Maître Cayley. Vous préférez simplement conditionner votre
20 acceptation à votre lecture ?
21 M. Cayley (interprétation). - Oui. J'aimerais pouvoir lire ce
22 document avant de me prononcer sur l'admission de cette pièce. Je ne pense
23 pas avoir d'objection, mais je crois qu'il serait assez absurde d'accepter
24 un document sans l'avoir lu auparavant. Pour ce qui est des autres
25 documents, je n'ai pas d'objection.
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1 M. le Président. - C'est tout à fait à votre honneur, Maître
2 Cayley. Donc vous lirez ce document et dans les jours qui viennent, vous
3 n'oublierez pas simplement de nous en reparler, Maître Cayley, au cas où
4 ma mémoire serait défaillante.
5 M. Cayley (interprétation). - Oui, bien entendu, j'en
6 reparlerai.
7 M. le Président. - Moi, je ne le lirai pas comme vous
8 aujourd'hui, je le lirai plus tard, au moment du délibéré. Donc quand vous
9 voulez, vous nous en parlez.
10 Nous repassons en audience publique.
11 M. le Greffier. - Nous y sommes déjà.
12 M. le Président. - Maître Cayley, c'est vous qui assurez le
13 contre-interrogatoire.
14 Père Pervan, vous allez donc recevoir les questions de
15 l'accusation pour le contre-interrogatoire. Si vous voulez bien, Père,
16 quand vous écoutez les questions, il est naturel que vous vous tourniez
17 vers le Procureur, mais quand vous répondez, vous vous tournez vers les
18 juges. D'accord ? Maître Cayley.
19 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
20 Bonjour Père Pervan, je m'appelle M. Cayley, ce sont mes
21 collègues, Me Harmon et Me Kehoe, qui se trouvent à mes côtés. Je vous
22 appellerai M. Pervan au cours de ce contre-interrogatoire. Je pense que
23 ceci rendra le compte rendu plus clair et étant donné les raisons citées
24 par le Président hier.
25 Je voudrais tout d'abord aborder le rôle que vous jouiez dans
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1 l'organisation caritative Caritas. Vous avez déclaré qu'en fait, c'étaient
2 vos collègues qui se rendaient régulièrement à Rotilj, avec Caritas, pour
3 y convoyer de l'aide humanitaire et que vous, vous n'y alliez pas si
4 fréquemment, n'est-ce pas ?
5 M. Pervan (interprétation). - Je n'allais pas fréquemment à
6 Rotilj moi-même, mais j'y allais tous les sept ou dix jours quand même et
7 nous distribuions la nourriture en fonction de l'arrivage de la
8 nourriture, une fois par mois, ou plus souvent ou moins souvent, cela
9 dépendait.
10 M. Cayley (interprétation). - A quelle fréquence vos autres
11 collègues, les autres membres de l'organisation Caritas, se rendaient-ils
12 à Rotilj ?
13 M. Pervan (interprétation). - Ils s'y rendaient selon les
14 besoins et moi, parfois, j'y allais aussi en privé pour boire un café avec
15 quelqu'un et aussi à chaque fois quand on me proposait d'aller leur rendre
16 visite.
17 M. Cayley (interprétation). - Après le conflit du 18 avril 1993,
18 quand vous êtes-vous rendu à Rotilj pour la première fois ?
19 M. Pervan (interprétation). - Je suis allé à Rotilj au moment où
20 Danijel Furman m'a demandé d'acheminer de la nourriture dans le village.
21 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous me donner une date,
22 plus ou moins ?
23 M. Pervan (interprétation). - Je ne peux pas vous donner la date
24 en ce moment, étant donné qu'à ce moment-là j'étais très perturbé,
25 c'étaient les jours difficiles ; mais je sais tout à fait certainement
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1 qu'il s'agissait de la période du premier cessez-le-feu. C'était une
2 accalmie avant l'orage.
3 M. Cayley (interprétation). - Donc vous parlez du mois d'avril,
4 n'est-ce pas, avril 1993 ?
5 M. Pervan (interprétation). - Non, ce n'est pas possible, étant
6 donné que je suis rentré à la maison le 7 mai.
7 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, votre première
8 visite à Rotilj a eu lieu en mai ou a-t-elle été ultérieure à la date du
9 7 mai ?
10 M. Pervan (interprétation). - Après le 7 mai, oui.
11 M. Cayley (interprétation). - Et vous dites que vous vous êtes
12 rendu régulièrement, tous les sept à dix jours, à Rotilj après cela,
13 n'est-ce pas ?
14 M. Pervan (interprétation). - C'est ce que j'ai dit et il faut
15 que je complète cela. Je passais au-delà de cet obstacle, pratiquement
16 tous les jours ou tous les deux jours j'allais voir le docteur qui me
17 parlait de ces problèmes, des événements qu'elle vivait. Donc moi, je
18 passais par cet obstacle, ce barrage tous les deux jours.
19 M. Cayley (interprétation). - Vous dites donc maintenant que
20 vous vous êtes rendu à Rotilj à partir du 7 mai tous les deux jours,
21 n'est-ce pas ?
22 M. Pervan (interprétation). - Oui, mais je n'ai pas parlé avec
23 les Musulmans. Je passais à côté du barrage qui se trouvait à l'entrée et
24 avec eux, j'avais des discussions tous les sept jours ou tous les dix
25 jours et à chaque fois quand ils venaient dans mon bureau, dans la
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1 paroisse ou bien à chaque fois quand ils m'invitaient à me rendre chez
2 eux.
3 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous demandé d'être escorté
4 par des soldats du HVO lorsque vous vous êtes rendu à Rotilj ?
5 M. Pervan (interprétation). - Jamais.
6 M. Cayley (interprétation). - Vous avez donné aux juges une
7 liste très longue de bénéficiaires des dons de Caritas. Cette liste
8 indique le nom des individus et l'adresse de ces individus également.
9 Avez-vous des notes ou des documents vous permettant de savoir
10 la quantité d'aide humanitaire qui a été distribuée aux habitants de
11 Rotilj en 1993 et aux autres villages musulmans également ?
12 M. Pervan (interprétation). - La liste de l'organisation
13 Caritas, nous la faisions ensemble, étant donné que, selon notre
14 règlement, il n'était pas possible d'introduire les noms de personnes dans
15 une liste selon leur groupe ethnique. Donc la liste suivait soit la
16 logique de l'ordre alphabétique, soit selon les villages. D'après mes
17 dossiers, toutes les personnes vivant à Rotilj ont reçu 80 kilogrammes de
18 nourriture entre août 1993 et mars 1994.
19 Puis, d'après les documents, il est écrit que l'on a inscrit
20 chaque situation dans laquelle on donnait de la nourriture. C'est moi qui
21 apportais cette nourriture en voiture à Rotilj.
22 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous des documents nous
23 permettant de vérifier quelle était la quantité d'aliments et de biens
24 distribués aux habitants de Rotilj ?
25 M. Pervan (interprétation). - Ce dont je viens de parler, je
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1 pense que c'est la défense qui dispose des documents. Il faut les trouver.
2 M. Cayley (interprétation). - L'aide humanitaire distribuée au
3 village de Rotilj, à quelle fréquence était-elle distribuée aux
4 habitants ?
5 M. Pervan (interprétation). - L'aide humanitaire était acheminée
6 à Rotilj, comme je l'ai dit, chaque fois lorsqu'on répartissait la
7 nourriture à tout le monde. Donc, nous n'avons jamais fait exception par
8 rapport à Rotilj en ce qui concerne la distribution de la nourriture.
9 Il y a aussi l'exemple de la situation où uniquement les
10 réfugiés de Rotilj recevaient de la nourriture, alors que la population
11 locale n'en recevait pas. Chaque fois qu'on distribuait de la nourriture,
12 on donnait de la nourriture également aux gens vivant à Rotilj.
13 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous cependant être plus
14 précis ? Cette nourriture était-elle distribuée tous les mois, toutes les
15 six semaines, toutes les huit semaines ? Je parle de l'aide transmise et
16 distribuée par l'organisation Caritas.
17 M. Pervan (interprétation). - J'ai ici la liste où il est marqué
18 quand la nourriture a été distribuée. Donc en 1993, il s'agissait des
19 périodes entre le 18 et le 20 janvier. En février, il s'agissait de la
20 période entre le 22 et le 26, en mars, c'était entre le 30 mars et le
21 6 avril, en mai, c'était entre le 24 et le 31 mai, en juin c'était entre
22 le 7 et le 17, au mois d'août, il n'y en avait pas, au mois de septembre
23 entre le 6 et le 12, en octobre, il n'y en a pas eu. Ensuite, au mois de
24 novembre, c'était à partir du 25 novembre jusqu'au 3 décembre.
25 Et puis, il n'y a rien eu jusqu'en février 1994, donc cela
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1 dépendait de notre situation à nous, de la question de savoir si nous
2 disposions de la nourriture nous-mêmes ou pas.
3 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, si l'on fait
4 exception du mois d'octobre, la nourriture était distribuée tous les
5 mois ?
6 M. Pervan (interprétation). - Non, ce n'est pas exact. Il faut
7 voir précisément la situation concernant chaque mois. Vous pouvez me poser
8 la question directe concernant un mois précis et je vais vous répondre.
9 M. Cayley (interprétation). - Et bien, peut-être que pendant la
10 pause Maître Nobilo pourrait me communiquer une copie de cette liste et
11 nous pourrons ensuite en parler, parce que maintenant nous sommes en train
12 de parler d'un document que je n'ai pas sous les yeux.
13 M. le Président. - D'accord, Maître Nobilo ?
14 M. Nobilo (interprétation). - Tout à fait. Nous avons voulu
15 accélérer la procédure, c'est pour cela que nous n'avons pas voulu
16 apporter tous les documents. Nous en avons beaucoup.
17 M. le Président. – (hors micro) Nous devons interrompre
18 aujourd'hui… j'ai toujours le tort de vouloir aller un peu trop vite dans
19 une procédure qui est quand même très longue. Nous devons arrêter nos
20 travaux à 5 heures. Préférez-vous que nous fassions une pause tout de
21 suite, Maître Cayley pour vous permettre d'en prendre connaissance ? Sinon
22 je pensais faire la pause dans cinq ou six minutes. Que préférez-vous ? Je
23 ne décide plus rien, c'est vous qui décidez.
24 M. Cayley (interprétation). – Eh bien, cinq ou six minutes me
25 conviennent Monsieur le Président.
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1 Monsieur Pervan, vous saviez qu'il y avait d'autres
2 organisations qui distribuaient de l'aide humanitaire au village de Rotilj
3 et, bien entendu, dans d'autres parties nombreuses de la Bosnie ?
4 M. Pervan (interprétation). – Oui, je le savais, ils
5 acheminaient cette nourriture en dehors de nos activités à nous. Je le
6 savais et j'étais d'accord avec cela.
7 M. Cayley (interprétation). – Et je pense que l'une de ces
8 organisations étaient le HCR, n'est-ce pas ?
9 M. Pervan (interprétation). - Oui.
10 M. Cayley (interprétation). – Et je crois que, dans le village
11 de Rotilj, se trouvaient également la FORPRONU, certains bureaux de la
12 FORPRONU et des représentants de l'ECMM qui évaluaient la situation sur le
13 terrain et dans le village de Rotilj également. En avez-vous le souvenir ?
14 M. Pervan (interprétation). - Je pense que les personnes de la
15 FORPRONU y étaient, les médecins sans frontières, les pharmaciens sans
16 frontières et de nombreuses autres organisations, personne ne les
17 empêchait, personne n'avait le droit de les empêcher d'aider les gens.
18 M. Cayley (interprétation). – Vous souvenez-vous de la présence
19 de représentants de l'ECMM dans le village de Rotilj ? Il s'agit de la
20 mission d'observation et de contrôle de la communauté européenne.
21 M. Pervan (interprétation). - Je n'étais pas sur place au moment
22 où ils étaient là, mais je sais qu'ils étaient très souvent à Kiseljak.
23 M. Cayley (interprétation). – Peut-être avez-vous eu des
24 conversations avec certains de ces représentants au cours de 1993 ?
25 M. Pervan (interprétation). - Si j'ai parlé avec les personnes
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1 de la FORPRONU et les observateurs et les autres personnes qui sont venues
2 de l'extérieur -et je l'ai fait bel et bien- toutes ces discussions se
3 sont déroulées chez moi, dans ma maison, dans ma chambre.
4 M. Cayley (interprétation). – Vous avez dit en cours de votre
5 interrogatoire principal qu'il y avait également l'organisation ou la
6 fondation d'aide musulmane Mehamet. Vous souvenez-vous de cela ?
7 M. Pervan (interprétation). - Je m'en souviens très bien.
8 M. Cayley (interprétation). – Vous avez déclaré que cette
9 organisation distribuait également de l'aide humanitaire à Kiseljak,
10 n'est-ce pas ?
11 M. Pervan (interprétation). - Oui, au cours de 1992 jusqu'à ce
12 qu'un conflit ait éclaté parmi eux et jusqu'à ce moment-là, nous avons
13 travaillé ensemble avec eux. Et à l'époque, j'ai été ami, et je suis resté
14 ami, avec Mijo Muzinovic* qui s'occupait de cela à l'époque, et je le vois
15 encore aujourd'hui.
16 M. Cayley (interprétation). – Quand l'organisation Mehamet a-t-
17 elle cessé de fonctionner à Kiseljak ?
18 M. Pervan (interprétation). – Je pense que peut-être c'était dès
19 la fin 1992 et les activités ont cessé définitivement, au mois de janvier
20 suite au conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO dans
21 Klokoti, Kacuni et Bilalovac.
22 M. Cayley (interprétation). - Les Juges de cette Chambre ont
23 entendu, au cours de la déposition d'un autre témoin, que les locaux de
24 Merhamet à Kiseljak ont été pillés et incendiés. Avez-vous entendu parler
25 de cela ?
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1 M. Pervan (interprétation). - J'ai été à Kiseljak à l'époque et
2 ce que vous dites est vrai.
3 M. Cayley (interprétation). - Et c'est le HVO, n'est-ce pas, qui
4 était responsable de cet incident ?
5 M. Pervan (interprétation). - Ceci a été fait par des personnes
6 qui vivaient à Kiseljak, ces personnes sont des croates. Je n'ai pas vu
7 les personnes elles-mêmes. Je suppose que c'étaient des membres du HVO,
8 mais il s'agit d'un groupe restreint de personnes qui ont fait cette
9 action à l'encontre des locaux du Merhamet. Il s'agit d'une action bien
10 laide.
11 M. Cayley (interprétation). - Peut-être pourrions-nous nous
12 arrêter maintenant, Monsieur le Président, si vous le souhaitez.
13 M. le Président (interprétation). - Nous allons reprendre nos
14 travaux à 16 heures 15 jusqu'à 17 heures.
15 (L'audience, suspendue à 15 heures 48, est reprise à
16 16 heures 15.))
17 M. le Président. - Reprenons. Introduisez l'accusé.
18 Monsieur le Greffier, nous sommes très perturbés sur le plan des
19 horaires. Je constate que l'horloge de la salle d'audience avance et que
20 les horloges des bureaux du tribunal retardent. C'est bien compliqué tout
21 cela.
22 M. Dubuisson. - Je n'ai aucun commentaire à faire.
23 M. le Président. - Vous êtes responsable de tout cela, mon cher.
24 C'est vous là. Vous devez régler les horloges, le soir.
25 M. Dubuisson. - Nous n'y manquerons pas. Lesquelles devons-nous
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1 régler ?
2 M. le Président. - Toutes les horloges du tribunal.
3 Maître Cayley, c'est à vous.
4 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Pervan, avant la pause,
5 nous parlions de la destruction de l'entrepôt de l'organisation musulmane
6 de Merhamet. Vous souvenez-vous de ce passage de votre témoignage ?
7 M. Pervan (interprétation). - Oui, j'ai dit que l'entrepôt a été
8 incendié, détruit.
9 M. Cayley (interprétation). - Vous rappelez-vous la date de
10 cette destruction ? 1993 ? La date exacte ?
11 M. Pervan (interprétation). - Je pense que ceci s'est produit au
12 début du conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.
13 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, parle-t-on de
14 janvier 1993 ou d'avril 1993 ?
15 M. Pervan (interprétation). - Après avril 1993.
16 M. Cayley (interprétation). - Merci. Lorsque cet entrepôt a été
17 détruit, je suppose que cet événement a eu un impact très fort sur la
18 population musulmane de Kiseljak.
19 M. Pervan (interprétation). - Certainement, oui.
20 M. Cayley (interprétation). - La population avait très peur,
21 n'est-ce pas ?
22 M. Pervan (interprétation). - Je pense que oui.
23 M. Cayley (interprétation). - Vous nous dites que certains
24 membres du HVO ont été responsables de la destruction de cet entrepôt.
25 Savez-vous si, oui ou non, une enquête a été menée pas la police sur cet
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1 événement ?
2 M. Pervan (interprétation). - Je n'en sais rien.
3 M. Cayley (interprétation). - Savez-vous si une personne a été
4 poursuivie pour avoir détruit cet entrepôt, une personne de la
5 municipalité de Kiseljak par exemple ?
6 M. Pervan (interprétation). - Je ne le sais pas.
7 M. Cayley (interprétation). - Vous avez parlé, il y a quelques
8 instants, de votre rôle, à savoir de faire passer des convois à travers la
9 Bosnie, en partance de Croatie et à destination de Kiseljak.
10 M. Pervan (interprétation). - Oui, j'ai parlé de cela.
11 M. Cayley (interprétation). - Combien de passages de convois
12 avez-vous supervisés, convois qui allaient de Croatie en Bosnie ?
13 M. Pervan (interprétation). - Je pense que j'ai surveillé au
14 moins la moitié de ces passages de convois. Il faudrait que l'on regarde
15 le document concernant la distribution de la nourriture et c'est sur la
16 base de cette information-là que je pourrai constater quel est le nombre
17 de ces convois.
18 A partir de 1992, nous avons compté qu'entre cette période et la
19 fin de la guerre, nous avons acheminé la nourriture à Kiseljak 211 fois,
20 surtout au moment où il n'y a pas eu de conflit entre l'armée de Bosnie-
21 Herzégovine et le HVO.
22 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, vous avez
23 participé à peu près à 200 passages de convois, convois qui acheminaient
24 de la nourriture de Croatie vers Kiseljak ?
25 M. Pervan (interprétation). - Oui, il s'agissait de ce nombre-
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1 là.
2 M. Cayley (interprétation). - Et pendant combien de temps êtes-
3 vous resté à l'extérieur de Kiseljak au cours du passage de ces convois ?
4 Je suppose que vous alliez de Kiseljak en Croatie, puis de Croatie vers
5 Kiseljak. Combien de temps ce genre de chose durait-elle ?
6 M. Pervan (interprétation). - Pendant la période sans conflit
7 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, ces convois partaient tôt
8 le matin et rentraient le soir. La plupart de mes voyages s'effectuaient
9 durant ces périodes-là. Entre le mois d'août 1993 et la fin du conflit, je
10 suis parti beaucoup moins souvent, étant donné que moins de convois
11 partaient. Donc durant cette période, durant les périodes de conflits, il
12 y avait peut-être au moins quinze convois et moi, j'ai participé à sept.
13 Notre voyage a été long, mais après nous avons raccourci notre
14 voyage, nous passions par Stolac et nous passions trois jours dans les
15 deux directions, aller-retour, sauf dans les situations dans le cas où
16 nous n'avons pas payé la taxe à l'armée serbe et cette fois-ci, nous avons
17 dû rester quinze jours. Cela s'est produit au mois de juillet. Sinon, il
18 s'agissait d'une durée de trois jours maximum.
19 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, entre avril 1993
20 et janvier 1994, combien de convois, à votre avis, avez-vous supervisés,
21 convois venant de Croatie et allant vers la Bosnie ?
22 M. Pervan (interprétation). - Comme je l'ai dit, à partir du
23 mois d'août jusqu'à avril 1994, il y en a eu quinze au maximum, quinze à
24 dix-sept. Moi, j'ai surveillé la moitié, donc disons à peu près huit
25 convois.
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1 M. Cayley (interprétation). - Et en moyenne, la durée
2 d'acheminement de la nourriture durait environ trois jours, n'est-ce pas ?
3 M. Pervan (interprétation). - Non, dix jours et onze nuits. Moi,
4 j'ai passé 26 heures dans la prison de Bileca.
5 Je dois dire aux Juges et à vous-même que moi, je n'ai pas
6 participé à des convois commerciaux. Il s'agissait uniquement des convois
7 humanitaires qui partaient pendant des périodes plus longues, alors que
8 des convois commerciaux partaient plus souvent, mais moi je m'occupais
9 uniquement des convois humanitaires.
10 M. Cayley (interprétation). - Passons maintenant à un autre
11 sujet, si vous le voulez bien. Savez-vous qu'en juillet 1993 le village de
12 Rotilj s'est adressé à l'ECMM en signalant que le village était presque
13 privé de toute nourriture ?
14 M. Pervan (interprétation). - En ce qui concerne le rapport
15 envoyé à l'ECMM, je n'en sais rien. Mais en juillet 93, nous ne
16 distribuions de la nourriture à personne. Parfois nous pouvions seulement
17 distribuer des vêtements à des personnes qui venaient à Kiseljak, et au
18 début du mois de juillet, le 2, le 3 et le 5, nous avons eu des réfugiés
19 de Fojnica qui sont arrivés, et même à eux nous n'avons pas distribué de
20 nourriture, étant donné que nous n'en avions pas.
21 M. Cayley (interprétation). - Vous souvenez-vous vous être
22 entretenu personnellement avec des représentants de l'ECMM en août 93, et
23 au cours de ces entretiens vous auriez déclaré que le HVO n'approuvait pas
24 la distribution de nourriture par Caritas aux habitants de Rotilj ?
25 M. Pervan (interprétation). - Je ne me souviens pas de cette
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1 date ni de cette journée-là. Je ne pense pas que c'est ce que j'ai dit,
2 peut-être que la traduction n'a pas été bonne. Ce que j'ai dit, et c'est
3 vrai, c'est que certaines personnes en uniforme, dont les fils par exemple
4 ont été tués ou chassés, ces personnes-là étaient contre le fait que moi
5 je distribuais de la nourriture à Rotilj. Moi j'ai entendu parler de ces
6 reproches-là, mais j'ai continué à faire ce que j'avais fait malgré cela.
7 Je n'ai jamais reçu quelque chose d'officiel, ni par écrit ni verbalement.
8 Il ne m'a jamais été officiellement interdit de faire cela, mais je sais
9 bien qu'il y a eu des personnes qui disaient qu'il ne fallait pas
10 distribuer de la nourriture aux autres, mais nous, nous n'y prêtions pas
11 attention.
12 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit plutôt qu'en fait en
13 juillet 1993 vous n'avez pas distribué d'aide du tout à Rotilj, n'est-ce
14 pas ? En fait, non, vous avez dit que vous n'avez distribué d'aide à
15 personne, pour être plus précis. Est-ce bien exact ? Vous avez dit que
16 vous n'avez pas fourni d'aide à qui que ce soit en juillet 1993. Vous
17 souvenez- vous de cela ?
18 M. Pervan (interprétation). - Je n'acheminais pas de convois
19 jusqu'au mois d'août, c'est ce que je voulais dire, mais la nourriture
20 dont nous disposions, nous la distribuions. Je ne vous ai pas bien
21 compris, je pensais que vous parliez de convois entre Split et Kiseljak,
22 c'est mon erreur, je vous ai mal compris.
23 M. Cayley (interprétation). - Quelles étaient les quantités de
24 nourriture disponibles en juillet 1993 et que Caritas pouvaient
25 éventuellement distribuer ?
Page 14061
1 M. Pervan (interprétation). - Veuillez poser la question de
2 manière un peu plus précise, s'il vous plaît.
3 M. Cayley (interprétation). - Caritas avait-elle de la
4 nourriture à distribuer aux Musulmans qui se trouvaient à Rotikj en
5 juillet 1993 ?
6 M. Pervan (interprétation). - Nous n'avons pas eu suffisamment
7 de nourriture pour la distribuer, mais nous donnions tout ce que nous
8 pouvions donner. Pendant ce mois-ci, nous avions surtout beaucoup de
9 vêtements dont personne n'avait besoin, étant donné qu'il faisait très
10 chaud, il faisait même extrêmement chaud. Donc, tout ce qu'on a eu, nous
11 l'avons distribué.
12 M. Cayley (interprétation). - Je voudrais faire passer une pièce
13 qui malheureusement est en anglais, Monsieur Pervan. Je la lirai et le
14 conseil pourra suivre sur la pièce.
15 Monsieur l'huissier, pourriez-vous distribuer ce document s'il
16 vous plaît.
17 (L'huissier s'exécute.)
18 C'est un rapport émanant de la mission d'observation et de
19 contrôle de la communauté européenne datée du 27 août 1993. Je vais vous
20 lire des paragraphes pertinents.
21 M. Hayman (interprétation). - Peut-on attendre un instant, s'il
22 vous plaît ?
23 M. Dubuisson. – 540.
24 M. Cayley (interprétation). – Je vais vous lire le paragraphe 4
25 qui se trouve à la page 2 du document. C'est donc un rapport écrit par
Page 14062
1 Philip Sidos* et Oscar Milebown ?*. Pourrait-on placer ce document sur le
2 rétroprojecteur, s'il vous plaît, afin que les interprètes puissent
3 suivre.
4 "Nous avons visité Rotilj où la situation reste la même. Nous
5 nous sommes entretenus avec le directeur local de Caritas à Kiseljak, qui
6 nous a dit que le principal problème était le manque de provisions qui ne
7 nous arrivaient plus de Split depuis mars. Ils ont une liste des Musulmans
8 de la zone de Kiseljak et ils distribuent de l'aide à ces Musulmans. Ils
9 viennent de recevoir une autorisation officielle du maire du 14 août 1993
10 parce que je pense que ceci est jugé comme étant un mauvaise action par
11 certaines personnes."
12 Monsieur Pervan, ce directeur local dont il est question dans ce
13 rapport, est-ce vous ou une autre personne à Kiseljak ?
14 M. Pervan (interprétation). – Ici, on mentionne le directeur de
15 l'organisation Caritas du centre de recueil de Kiseljak, centre de
16 regroupement. J'ai déjà dit que Kiseljak était le centre de regroupement
17 où on rassemblait la nourriture avant de la distribuer. C'est
18 M. Bozo Boric, qui est prêtre lui aussi, qui était le directeur de ce
19 centre de collecte, et non pas moi.
20 M. Cayley (interprétation). – Si cette personne, M. Josip Boro,
21 le maire donc de Kiseljak n'a donné cette autorisation que le 14 août 1993
22 pour la distribution de nourriture, comment, avant cette date, avez-vous
23 pu opérer ? Comment avez-vous pu assurer la distribution de nourriture ?
24 M. Pervan (interprétation). – Bozo Boric est un homme qui avait
25 travaillé à Kiseljak. C'est une personne honnête qui critiquait souvent
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1 les autorités à cause des incidents auxquels les Musulmans faisaient face,
2 il voulait rendre cette situation officielle et il écrivait des lettres
3 souvent.
4 Moi-même, j'allais à Rotilj, je vous l'ai déjà dit, et lorsque
5 la FORPRONU m'a dit qu'à cause du barrage, ils ne pouvaient pas s'y
6 rendre, pendant la nuit, je n'ai pas demandé une autorisation et ceci
7 n'est pas la première fois où je ne me suis pas adressé à la municipalité
8 pour obtenir l'autorisation, étant donné que je me disais que l'Eglise est
9 séparée de l'Etat et que je pensais que l'Eglise pouvait faire ce qu'elle
10 voulait. Bozo souhaitait légaliser tout cela et je sais qu'il a fait
11 beaucoup de choses personnellement pour aider certains Musulmans, par
12 exemple, je connais l'exemple concret de la famille de Ago Ahmic.
13 M. Cayley (interprétation). – Le maire dont il est question est
14 Josip Boro, n'est-ce pas ?
15 M. Pervan (interprétation). – Oui.
16 M. Cayley (interprétation). – Et vous connaissez très bien cet
17 homme, n'est-ce pas ?
18 Je vais donc répéter ma question, mais en la précédant d'une
19 question préliminaire : Etait il possible de distribuer la nourriture de
20 Caritas sans obtenir au préalable l'autorisation de Josip Boro ?
21 M. Pervan (interprétation). – Je n'ai jamais demandé ce genre de
22 choses à Josip Boro.
23 M. Cayley (interprétation). – Pourquoi, Père Bozo lui a-t-il
24 demandé l'autorisation de distribuer de la nourriture dans le village de
25 Rotilj le 14 août 1993 ?
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1 M. Pervan (interprétation). - Je ne sais pas d'autres
2 motivations que le fait que Bozo était un peu hostile à la fois envers
3 Josip Boro et Ivica Rajic et, durant cette période, nous avons eu le
4 problème d'entreposer la marchandise que nous recevions et Boric
5 souhaitait avoir quelque chose par écrit là-dessus.
6 M. Cayley (interprétation). – Josip Boro était le Président du
7 HVO à Kiseljak n'est-ce pas ?
8 M. Pervan (interprétation). – Josip Boro était le Président du
9 HVO à Kiseljak, mais je pense qu'on ne s'adressait pas beaucoup à lui pour
10 lui poser des questions. Je pense que c'est ce dont j'ai parlé lorsque je
11 répondais aux dernières questions de Maître Nobilo.
12 M. Cayley (interprétation). – Vous dites par conséquent que
13 cette autorisation officielle n'avait aucun poids et aucune valeur ?
14 M. Pervan (interprétation). - Je pense que cette autorisation a
15 été obtenue lors de la réunion des autorités civiles et militaires et que
16 Josip Boro l'a signée. Aucune activité ne se passait sans Josip Boro qui
17 était à la tête de la municipalité, sans la présence du chef militaire et
18 puis je ne sais pas très exactement de quelle autre personnalité, mais
19 Josip Boro était toujours présent et important dans ces affaires.
20 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, cette autorisation
21 n'était possible que si les autorités militaires du HVO étaient également
22 d'accord, n'est-ce pas ?
23 M. Pervan (interprétation). - Je pense que, à la fois les
24 autorités militaires et civiles devaient donner leur accord.
25 M. Cayley (interprétation). - Alors, je vous demanderai pour la
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1 dernière fois comment il était possible d'acheminer de la nourriture à
2 Rotilj avant le 14 août 1993 sans en avoir obtenu l'autorisation auprès du
3 HVO.
4 M. Pervan (interprétation). - Moi-même j'ai pu les faire parce
5 que je n'ai pas demandé cela. Je n'ai jamais demandé, y compris jusqu'à
6 aujourd'hui, une autorisation pour mes activités humanitaires. Je n'ai
7 jamais permis à aucun des soldats ni des responsables de la municipalité,
8 je n'ai jamais permis à ces personnes-là de se rendre à l'entrepôt de
9 Caritas pour voir ce que j'avais. Je n'ai jamais permis, ni à la police,
10 ni à l'armée, ni à la municipalité de voir combien de marchandises on
11 avait et à qui on la distribuait.
12 M. Cayley (interprétation). - Alors pourquoi le Père Bozo a-t-
13 il, quant à lui, demandé l'autorisation de pouvoir acheminer de la
14 nourriture à Rotjil ?
15 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, c'est la
16 même question qui est posée et reposée plusieurs fois.
17 M. Pervan (interprétation). - Du point de vue juridique,
18 Bozo Boric n'était pas responsable pour le village de Rotilj, il n'aurait
19 pas dû demander l'autorisation ni recevoir l'autorisation concernant le
20 village de Rotilj ; il était le directeur du centre de collecte et à
21 partir du centre de collecte, on acheminait la nourriture jusqu'au centre
22 de paroisse, et c'est à partir de ce centre-là que la nourriture était
23 distribuée. Je connais Bozo Boric, c'est une personne honnête, mais il
24 aime écrire et il a commis des erreurs.
25 M. Cayley (interprétation). - Mais vous travailliez tous les
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1 deux pour la même organisation dans la même ville, n'est-ce pas ?
2 M. Pervan (interprétation). - Il s'agit de la même organisation
3 et il se trouve que le centre de collecte se trouvait à Kiseliak, mais par
4 hasard. Nous travaillions ensemble mais Bozo Boric était uniquement le
5 directeur de ce centre-là ; il n'était pas le directeur de l'organisation
6 de Caritas, de paroisses. Donc il n'était pas mon supérieur du tout. Donc,
7 si jamais il fallait obtenir une autorisation, c'était moi qui aurait dû
8 la demander, mais moi, je considérais qu'il ne fallait pas demander une
9 telle autorisation.
10 M. Cayley (interprétation). - Il y a quelques instants, vous
11 avez dit que Bozo Boric... Excusez-moi, peut-être que je prononce assez
12 mal son nom... bref, que Bozo Boric a exprimé un certain nombre de
13 critiques à l'égard des autorités du HVO à Kiseljak. De quel type de
14 critiques s'agissait-il ?
15 M. Pervan (interprétation). - Il s'agissait certainement de
16 critiques par rapport à ce qui s'est passé avec Merhamet et d'autres
17 organisations et certaines personnalités. Moi-même, j'ai émis publiquement
18 ce genre de critique. Ensuite, pendant plusieurs semaines j'ai parlé de ce
19 genre de chose durant la messe et je peux vous prouver cela ici et
20 maintenant par des documents. C'étaient des critiques à l'encontre de
21 destructions, de pillages, d'appropriation de biens personnels, de
22 meurtres. Moi-même, chaque semaine, j'émettais ce genre de critiques et je
23 peux vous prouver cela ici.
24 M. Cayley (interprétation). - Vous avez également parlé du fait
25 que des maisons ont été brûlées et que des Musulmans ont été assassinés,
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1 n'est-ce pas ?
2 M. Pervan (interprétation). - Oui, nos critiques concernaient
3 les soldats, les individus du HVO, tous ceux qui commettaient les crimes
4 et qui faisaient du mal dans notre paroisse à l'égard des Musulmans, mais
5 également à l'égard d'autres personnes et notamment vis-à-vis des réfugiés
6 de la même communauté ethnique.
7 M. Cayley (interprétation). - Et qu'ont fait les autorités du
8 HVO à Kiseljak lorsqu'elles ont entendu ces critiques à leur égard ?
9 M. Pervan (interprétation). - Moi je n'ai pas écrit au HVO de
10 Kiseljak ; j'avais adressé ces critiques publiquement depuis mon hôtel,
11 l'église même pendant la messe. J'ai tout simplement pensé qu'il était
12 bien que ceux qui l'avaient commis devaient l'entendre de leurs propres
13 oreilles. Je sais que Josip Boro et Ivica Rajic n'ont pas ordonné de tels
14 comportements. J'ai parlé aux parents, j'ai parlé aux frères, aux soeurs
15 des personnes qui l'ont fait pour leur dire que c'était du mal, qu'il ne
16 fallait pas commettre de tels actes de terreur, qu'il ne fallait pas
17 piller, qu'il ne fallait pas s'enrichir, et je voulais tout simplement que
18 cela vienne jusqu'à ceux qui avaient commis les crimes.
19 M. Cayley (interprétation). - Le Père Boric a-t-il formulé ses
20 plaintes devant les autorités du HVO eu égard aux pillages et aux
21 incendies des maisons musulmanes ? Savez-vous qu'au cours de 1993, les
22 femmes musulmanes de Rotilj se sont rendues à l'entrepôt de Caritas et
23 qu'elles avaient l'autorisation de se saisir de différents éléments,
24 nourriture entre autres ?
25 M. Pervan (interprétation). - Je ne sais pas, je ne suis pas au
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1 courant.
2 M. Cayley (interprétation). - Selon lequel des femmes musulmanes
3 avaient été frappées en chemin alors qu'elles se dirigeaient vers
4 l'entrepôt de Caritas. Avez-vous entendu parler de ce type d'incident ?
5 M. Pervan (interprétation). - Tout premièrement, je vais vous
6 dire qu'effectivement, il y avait un certain nombre de femmes musulmanes
7 qui se rendaient chez moi et qui s'adressaient à moi-même, à l'Eglise.
8 Elles n'ont jamais demandé l'autorisation pour s'adresser à moi ou pour
9 venir jusque chez moi. J'ai entendu effectivement qu'il y avait un certain
10 nombre d'incidents qui se sont produits à Kiseljak ; j'ai également appris
11 que des femmes ont été attaquées, des Musulmans hommes également.
12 M. Cayley (interprétation). - Nous reviendrons à cette
13 autorisation du HVO par la suite, mais pouvez-vous dire aux juges ce que
14 vous avez entendu au sujet des personnes frappées dans la ville alors
15 qu'elles allaient à l'entrepôt de Caritas ?
16 M. Pervan (interprétation). - J'ai appris qu'il y avait de tels
17 cas, qu'il y avait des cas où les Musulmans, soit les femmes, soit les
18 hommes qui étaient partis vers Kiseljak, qu'il y avait un certain nombre
19 d'incidents qui se sont produits, ça je l'ai appris, mais, une fois de
20 plus, je le répète, je l'avais condamné publiquement et je peux même vous
21 montrer ce que j'avais dit lors des messes.
22 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on soumettre la pièce
23 suivante à l'ensemble des personnes qui se trouvent dans ce prétoire, s'il
24 vous plaît Monsieur l'huissier ?
25 (L'huissier s'exécute.)
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1 M. Cayley (interprétation). - Pendant que ce document est
2 distribué...
3 M. Dubuisson. - C'est le document 541.
4 M. Cayley (interprétation). - C'étaient les autorités du HVO qui
5 fournissaient à Caritas son logement et ses locaux, n'est-ce pas ?
6 M. Pervan (interprétation). - Oui.
7 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous jeter un oeil au
8 document qui se trouve devant vous, c'est un document signé par Josip Boro
9 qui était Président du HVO, et pourriez-vous confirmer qu'il s'agit bien
10 du document qui autorisait Caritas à occuper certains locaux de Kiseljak.
11 M. Pervan (interprétation). - Je connais le document que j'ai
12 sous les yeux. C'est Josip Boro qui avait délivré ce document au
13 Père Bozo Boric. C'est lui-même ainsi que sa secrétaire qui se trouvaient
14 dans ce local, mais ce document ne porte pas sur la paroisse dans laquelle
15 je suis à Kiseljak.
16 M. Cayley (interprétation). - Ce document a été transmis à
17 quelle antenne de Caritas ?
18 M. Pervan (interprétation). - C'est un document qui porte sur le
19 centre de collecte à Kiseljak, c'est le numéro un, c'est le centre qui
20 portait le numéro un, et c'est père Bozo Boric qui l'avait rédigé au nom
21 de l'archevêché. Il s'agit, par conséquent, d'un centre de collecte pour
22 toutes les paroisses. De tels centres de collecte existent à Kiseljak
23 encore maintenant, à Tuzla également et dans toute autre paroisse, et le
24 maire de la ville en question avait signé, le document porte sur les
25 locaux qui sont occupés par le Père Bozo et sa secrétaire. Ils n'ont rien
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1 à voir avec la société Caritas de Kiseljak, par conséquent avec ma
2 paroisse.
3 M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, il y avait deux
4 Caritas à Kiseljak, c'est bien ce que vous êtes en train de dire aux
5 Juges, n'est-ce pas ?
6 M. Pervan (interprétation). - Au sein de la municipalité de
7 Kiseljak, il y avait les quatre Caritas, de la paroisse Vbrda*, de la
8 paroisse Kiseljak, de la paroisse de Grominjak, de la paroisse de
9 Brestosko. Toutes les trois société prenaient les vivres et l'aide de ce
10 centre de collecte à partir du moment où le Père Bozo avait cessé d'y
11 aller, c'est moi qui me suis approvisionné de ce centre et c'est moi qui
12 me suis occupé des trois autres sociétés Caritas.
13 Je vous ai dit que le centre de collecte était le centre qui
14 nous a approvisionnés, et Bozo était le directeur de ce centre de
15 collecte, alors qu'il n'avait strictement rien à voir avec la
16 distribution. Il pouvait bien évidemment, en tant que directeur, donner de
17 la nourriture, des vivres à un certain nombre de personnes.
18 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Pervan, pourriez-vous
19 parler un peu plus lentement s'il vous plaît ?
20 M. le Président - Je vous remercie.
21 M. Cayley (interprétation). - Je ne comprends pas tout à fait
22 quelle est votre position vis-à-vis de ce document. Suis-je en droit de
23 dire qu'en fait ces locaux étaient un centre de collecte où les
24 différentes antennes Caritas venaient chercher des biens et des aliments à
25 partir de ce centre, et que c'est à partir de cet endroit que les
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1 différents éléments (nourritures, vêtements, etc.) allaient être
2 distribués ? Est-ce bien ceci ?
3 M. Pervan (interprétation). - Non, ce n'est pas comme cela. Je
4 vais essayer de répéter ou plutôt d'éclaircir ce que j'ai dit tout à
5 l'heure. D'abord, il y a ce local. C'est une pièce de 5 sur 5 (24 mètres
6 carrés au total) que Bozo avait occupée. C'est le Père Bozo qui avait reçu
7 ce local, le 25 février 1993, au moment du cessez-le-feu. Le cessez-le-feu
8 était encore en cours, il n'y avait pas de conflit entre l'armée de
9 Bosnie-Herzégovine et les unités du HVO.
10 Père Bozo pensait bien évidemment distribuer les vivres.
11 Ensuite, la guerre s'est déclenchée. Père Bozo s'est rendu dans ce local,
12 mais sinon il vivait normalement à Lepenica qui était sa paroisse. Ici,
13 c'était un bureau. Il y avait quatre chaises, il y avait une machine à
14 écrire et il y avait quelques tasses de café.
15 M. Cayley (interprétation). - Je comprends, merci Monsieur
16 Pervan. Au cours de votre conversation avec les habitants de Rotilj, vous
17 ont-ils dit que le bétail du village avait été tué en avril ou bien qu'il
18 avait été par la suite volé ? Vous ont-ils raconté cela ?
19 M. Pervan (interprétation). - Oui, je l'ai appris.
20 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous donner plus de
21 précisions aux Juges ?
22 M. Pervan (interprétation). - Au moment où ce conflit s'est
23 produit à Rotilj, moi je n'étais pas à Kiseljak. J'ai appris que des
24 incidents se sont produits, qu'il y avait des conflits, j'ai appris
25 également qu'il y avait un certain nombre de maisons qui avaient été
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1 brûlées, un certain nombre de maisons incendiées, qu'il y avait le foin
2 également qui était incendié. J'ai appris également que le bétail avait
3 été touché. Cela, je l'ai appris, mais je n'y étais pas au moment où je
4 suis retourné à Kiseljak. C'était au mois de mai. A Rotilj, le conflit
5 s'était terminé. Il n'y avait plus de combats.
6 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je vais
7 passer à un autre domaine. Peut-être serait-il opportun de lever
8 l'audience.
9 M. le Président - Je vous rappelle que pour demain, nous
10 siégeons le matin de 10 heures à 13 heures. Demain après-midi, nous
11 reprendrons à 14 heures 30. Nous arrêterons vers 16 heures 45, je ne sais
12 pas exactement, j'attends d'avoir le détail, puisque les Juges sont requis
13 d'être dans une réunion, à l'occasion d'une visite qui nous est faite au
14 Tribunal pénal international. Je rappelle qu'après-demain matin, nous
15 n'avons pas audience, après-demain après midi, nous ne commencerons qu'à
16 15 heures. Vendredi matin, nous procèderons comme d'habitude. La semaine
17 prochaine, nous n'avons pas audience.
18 (L'audience est levée à 16 heures 55.)
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