Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL  AFFAIRE N° IT-95-14-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mardi 3 novembre 1998

  4   (L'audience est ouverte à 10 heures 20.)

  5   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

  6   M. le Président. - Je salue les interprètes.

  7   L'interprète. - Bonjour, Monsieur le Président.

  8   M. le Président. - Nous continuons pour l'audition du témoin de

  9   la défense. Monsieur Dubuisson, faites introduire le père Pervan, s'il

 10   vous plaît.

 11   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 12   M. le Président. - Père Pervan, vous m'entendez ?

 13   M. Pervan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Merci.

 14   M. le Président. - Bien, asseyez-vous. Nous allons poursuivre

 15   l'interrogatoire principal par Maître Nobilo qui, avec Maître Hayman, vous

 16   a appelé à la barre de ce procès. Maître Nobilo, c'est à vous.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 18   Père Pervan, bonjour.

 19   Le premier sujet duquel j'aimerais m'entretenir avec vous, c'est

 20   les activités de Caritas. Pouvez-vous dire au juste, s'il vous plaît,

 21   quelle est cette organisation Caritas ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Monsieur le Président, tout

 23   d'abord il faudrait peut-être dire quelque chose pour introduire le sujet.

 24   Depuis 700 ans de ma communauté, de ma confrérie en Bosnie-

 25   Herzégovine de l'ordre des Franciscains, il est connu que les pères


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  1   s'occupaient des pauvres et de tous ceux qui ont été menacés d'une façon

  2   ou d'une autre. C'est la raison pour laquelle, également, il est connu que

  3   les prêtres tout au long de leurs activités avaient ouvert des écoles. Ils

  4   apprenaient à lire, à écrire aux enfants, permettaient également aux

  5   élèves de se scolariser en Autriche, dans l'Empire austro-hongrois,

  6   ensuite en Italie et ailleurs.

  7   Je ne sais pas si vous savez qu'il y a également un dicton, "le

  8   pain de Saint-Antoine" et en effet, il s'agit d'une organisation

  9   humanitaire à l'intérieur de notre ordre qui se charge des pauvres et de

 10   ceux dont on doit s'occuper. C'est une organisation qui a des activités au

 11   sein des ordres franciscains.

 12   Au niveau de l'Eglise, il y a également beaucoup d'activités qui

 13   visent les pauvres, les blessés, les malades et nous avons également une

 14   organisation Caritas. Il y a un certain nombre de filiales dans des Etats

 15   différents et chaque Etat également dispose de Caritas. Nous avons les

 16   Caritas, cette organisation, au niveau de la paroisse, au niveau du

 17   diocèse. Nous l'avons également au niveau de la Bosnie-Herzégovine.

 18   Ensuite, nous avons les diocèses de Banja Luka, de Treblinje, de

 19   Mostar, de notre paroisse de Kiseljak et sous la tutelle de l'Archevêché à

 20   Sarajevo.

 21   En 1992, outre cette organisation humanitaire de Kiseljak, c'est

 22   une paroisse de Franciscains. A Zupa, Kiseljak, il y avait également

 23   l'organisation de Caritas de l'Archevêché de Sarajevo qui a été formée.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Quelle était votre fonction à

 25   Caritas, dans la paroisse de Kiseljak ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - Moi-même, j'ai été directeur de

  2   cette organisation.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Quelle était votre première

  4   activité, votre première action et comment avez-vous organisé l'aide ? A

  5   qui l'avez-vous destinée ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Nous avons organisé cette cellule

  7   en 1992. En Croatie, la guerre s'est déclenchée et notamment dans la

  8   Croatie orientale, en Dalmatie également. C'est la raison pour laquelle au

  9   niveau de notre paroisse de Kiseljak, nous avons réuni une certaine aide

 10   pour l'envoyer à ceux qui en avaient besoin à Dubrovnik dans un premier

 11   temps, à Zadar et à Sarajevo.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce que

 13   vous avez fait au moment où la République serbe avait encerclé Sarajevo et

 14   quand elle l'avait attaqué ? A qui avez-vous envoyé cette aide, vous

 15   personnellement ?

 16   M. Pervan (interprétation). - Kiseljak a été coupé de Sarajevo

 17   tout d'abord, mais nous avons réussi, en accord avec Preporoda -c'est une

 18   société serbe humanitaire- à envoyer l'aide à Sarajevo ; mais nous avons

 19   été obligés de donner 30 % à cette société Preporoda. C'est une société

 20   serbe.

 21   Nous avons également été obligés de cacher un certain nombre de

 22   colis, étant donné que les soldats serbes cherchaient parmi les colis et

 23   s'ils trouvaient les noms musulmans, ils enlevaient ce colis et le

 24   mettaient à l'écart.

 25   A cette époque-là, quand nous avons envoyé l'aide à Sarajevo et


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  1   dans le cadre de nos activités, M. Ivo Komsic nous a aidés, il est devenu

  2   membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine ultérieurement. A son

  3   initiative, avec mon autorisation, et avec bien évidemment ma bonne

  4   volonté, nous avons également envoyé des colis à MM. Alija Izetbegovic,

  5   Jerko Doko, Stjepan Kljuic. Nous avons été obligés de cacher tout cela,

  6   parce que les soldats serbes nous auraient enlevé ces colis. C'est la

  7   raison pour laquelle nous avons mis des noms qui étaient autres.

  8   A la  place de Alija, on disait Père Alija, Père Stjepan, Père

  9   Jerko, eux qui recevaient les colis, ils savaient que c'était bien à eux.

 10   Je me dois de reconnaître que ce n'était pas tout à fait bien de mon côté,

 11   c'est qu'il s'agissait de paquets remplis de produits d'une plus grande

 12   qualité.

 13   M. Nobilo (interprétation). - La guerre en Bosnie, on s'enfuit

 14   de Sarajevo et à la porte de Sarajevo il y a des réfugiés qui arrivent

 15   également. Est-ce que Caritas s'est organisé sur ce plan-là ? Quels

 16   étaient les réfugiés ? De quelle nationalité ? Que s'est-il passé ?

 17   Pouvez-vous nous raconter au juste ce qui s'est passé ?

 18   M. Pervan (interprétation). - Il y avait beaucoup de réfugiés,

 19   notamment de Sarajevo. Cela s'est passé dans la période d'avril 1992

 20   jusqu'à la fin du mois de juin 1992. Donc pendant les trois mois entre

 21   avril et juin, la majorité des réfugiés étaient les réfugiés de Sarajevo ;

 22   ils sont venus à Kiseljak, parce que Kiseljak n'a pas été bloqué à cette

 23   époque-là, nous avions des autobus et ceux qui voulaient poursuivre la

 24   route pouvaient le faire et aller dans d'autres endroits mais la plupart

 25   des réfugiés sont restés à Kiseljak.


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  1   Bien évidemment, nous avons organisé l'accueil des réfugiés, pas

  2   uniquement notre organisation Caritas mais l'ensemble de la population

  3   entre Kobiljaca et Kiseljak, sur un territoire de dix kilomètres ; il y

  4   avait beaucoup de gens qui sont sortis, qui mettaient à la disposition les

  5   vêtements, les vivres, les boissons et toutes autres sortes de nourriture.

  6   Il y avait également malheureusement des morts qui ont été

  7   ramenés ; il y a eu une dame qui a eu une crise cardiaque à Kobiljaca

  8   probablement parce qu'elle avait peur, toute cette peur l'avait bloquée et

  9   elle a subi cette crise cardiaque et on l'a emmenée chez nous.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que les réfugiés étaient de

 11   la même nationalité ou bien y avait-il des nationalités différentes parmi

 12   les réfugiés ?

 13   M. Pervan (interprétation). - Le nombre le plus restreint était

 14   des Serbes mais la plupart étaient les Croates et les Musulmans. Si vous

 15   voulez que je vous donne mon évaluation, à ce moment-là il y avait 50 % de

 16   Croates ou de Musulmans.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Deuxième moitié de 1992, vous avez

 18   organisé, ou plus particulièrement Caritas avait organisé un centre de

 19   rassemblement, cet entrepôt que vous avez utilisé ?

 20   M. Pervan (interprétation). - Oui, effectivement. Nous avions

 21   déjà eu à Split un centre de rassemblement. Nous avons eu également un

 22   entrepôt à Split et un autre également à Sarajevo ; c'est la raison pour

 23   laquelle nous avons pu acheminer la nourriture de Split pour rapprocher

 24   ces vivres à Vares, Kazepca*; Travnik, Krescevo, Fojnica, Busovaca et,

 25   dans un premier temps, notre entrepôt était l'église qui se trouvait en


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  1   haut à Kiseljak.

  2   Vous n'êtes pas au courant mais nous avons les deux bâtiments :

  3   nous avons la crypte et l'autre bâtiment. Donc, tous les vivres nous les

  4   avons mis dans l'église qui trouvait en haut du village et c'est à partir

  5   de cet entrepôt, de cette église, que nous avons acheminé les vivres.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Vous n'étiez pas la même

  7   organisation, il y avait la Croix-Rouge et Mehamet. Pouvez-vous dire

  8   quelque chose au sujet de ces deux autres organisations ? Y avait-il

  9   coopération ? Quel était le territoire que vous avez couvert avec vos

 10   organisations ?

 11   M. Pervan (interprétation). - La municipalité de Kiseljak, en ce

 12   qui concerne la composition des nationalités, se composait de deux

 13   communautés : 53 % de Croates, 46 % de Musulmans, 3 % de Serbes et il y

 14   avait 1 % de ceux qui n'appartenaient pas à une communauté précise. Ils

 15   avait opté pour se dire et se déclarer yougoslaves.

 16   Comme la guerre s'est déclenchée, la guerre s'est enflammée

 17   plutôt en Bosnie-Herzégovine, à Krajina, autour de Banja Luka. Nous avons

 18   mis sur place Caritas, mais la communauté islamique a également organisé

 19   une société humanitaire qui s'appelait Mehamet et il y avait également la

 20   Croix-Rouge internationale qui existait. Ce sont les autorités civiles qui

 21   l'organisaient.

 22   En 1992, Caritas, Mehamet et la Croix-Rouge ont coopéré,

 23   collaboré. Quand je dis que nous avons travaillé ensemble, ceci veut dire

 24   que nous nous sommes mis d'accord que Caritas allait s'occuper des

 25   catholiques, c'est-à-dire des Croates, que Mehamet allait s'occuper des


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  1   Musulmans et que la Croix-Rouge allait coordonner les activités des deux

  2   sociétés.

  3   Par la suite, nous nous sommes mis d'accord, et cela a très bien

  4   fonctionné, que Caritas et Mehamet se complètent en quelque sorte, et ce

  5   qui manquait au moment où l'on distribuait la nourriture, on pouvait

  6   l'obtenir de Mehamet et l'inverse se faisait également, Caritas mettait à

  7   la disposition de Mehamet les vivres, les quantités dont on disposait bien

  8   évidemment.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Quand Mehamet a-t-il cessé ses

 10   activités et quand a-t-il cessé ses activités dans ce territoire de

 11   Kiseljak ?

 12   M. Pervan (interprétation). - Mehamet a cessé ses activités à la

 13   fin de 1992. De toute façon, en 1992 ils ont fonctionné et ils ont eu un

 14   certain nombre de problèmes. Ils n'étaient pas tout à fait en accord avec

 15   la direction, ceux qui étaient les dirigeants de Mehamet, par conséquent

 16   ils disposaient de moins en moins de donations, de moins en moins

 17   également de nourriture.

 18   Mehamet a développé ses activités en 1992, mais en 1993 je

 19   pense, tout au moins à ma connaissance, ils ont cessé leurs activités. Je

 20   ne sais pas quelles en étaient les raisons mais de toute façon c'était

 21   comme ça.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ça veut dire qu'à un

 23   moment donné vous avez commencé à vous occuper également de la population

 24   musulmane, par conséquent de ceux qui en avaient besoin ? Pouvez-vous

 25   expliquer aux Juges quels étaient les villages vers lesquels vous avez


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  1   acheminé les vivres, l'aide humanitaire ?

  2   M. Pervan (interprétation). - Avant que Mehamet cesse ses

  3   activités, un bon nombre de Musulmans se rendaient à l'église. Nous avons

  4   l'entrepôt, ils se sont adressés à moi personnellement pour me demander

  5   des vivres et, dans un premier temps, je leur ai recommandé d'aller à

  6   Mehamet, alors qu'ils me disaient qu'il n'y avait rien, qu'ils ont tout

  7   volé, qu'il y avait des pillages également et que, par conséquent, ils

  8   voulaient s'adresser à moi et être chez moi.

  9   C'est la raison pour laquelle j’ai aidé les Musulmans. Je dois

 10   dire que pour moi, c'était presque plus facile de donner de la nourriture

 11   que de me justifier, de dire que je n'ai pas le droit, que je ne peux leur

 12   donner etc., il y avait un accord entre Caritas et Mehamet. Comme Mehamet

 13   avait de moins en moins d’activités humanitaires, de plus en plus de

 14   Musulmans s'adressaient à nous et avaient effectivement bénéficié de

 15   l'aide humanitaire à cette époque-là.

 16   Nous avons notamment donné l'aide aux Musulmans qui étaient plus

 17   proches de l'église, ceux qui vivaient en ville ou bien à Rotilj ou bien à

 18   Visnica et dans d’autres villages également dans lesquels ils habitaient à

 19   Trnpole*, à Radanovic, à Vrhovci, à Ploce*, à Palez.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous parlez de la ville,

 21   vous parlez de la ville de Kiseljak ?

 22   M. Pervan (interprétation). – Oui, Kiseljak.

 23   M. Nobilo (interprétation). - A un moment donné, votre Caritas

 24   s'est occupé de combien de personnes à peu près ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Vous ne parlez pas d'une période


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  1   précise mais au moment où nous avons donné le plus d'aide ?

  2   M. Nobilo (interprétation). - Oui, justement, je voulais savoir

  3   quel était le nombre de personnes que vous avez nourries, que vous avez

  4   aidées du point de vue humanitaire, indépendamment de la nation.

  5   M. Pervan (interprétation). - Il y en avait 18 000 au total.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous eu des problèmes ?

  7   Nous savons qu'en Bosnie, il y avait des conflits entre les

  8   communautés ethniques. Est-ce qu'il y avait des pressions qui ont été

  9   exercées sur vous, compte tenu du fait que vous avez aidé également les

 10   Musulmans, alors que vous êtes une organisation catholique ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Je vais essayer de vous répondre

 12   de la manière suivante : avant le conflit entre l'armée de Bosnie-

 13   Herzégovine et le HVO, dans l'ensemble de la municipalité, on savait que

 14   la paroisse Caritas offrait l'aide aux Musulmans. Tout le monde était au

 15   courant et personne des autorités officielles, que ce soit des militaires

 16   ou des civils ou des politiques ne m'a jamais fait de reproche, ne m'a

 17   jamais posé de questions, les raisons pour lesquelles j'agissais ainsi.

 18   Certes, il y avait un certain nombre de personnes et notamment

 19   au moment où le conflit s'est déclenché, quand la guerre était au plus

 20   haut point, quand les gens ont perdu les membres de leur famille ou bien

 21   qu'ils ont été blessés, ils murmuraient, ils se disait pour eux-mêmes :

 22   "Pourquoi donner l'aide à ceux qui nous ont expulsés, à ceux qui mènent la

 23   guerre contre nous, etc,".

 24   En ce qui me concerne, j'avais effectivement dix ou quinze

 25   enterrements et c'étaient les famille qui, par conséquent, n'étaient pas


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  1   toujours très satisfaites de voir qu'on aidait ceux qui avaient, comme je

  2   dis, tué ou éventuellement blessé ceux qui appartenaient à leur famille.

  3   Donc, il y avait des rumeurs dans la ville.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Mais en ce moment même, nous

  5   allons parler de Caritas. Pouvez-vous me dire si, compte tenu de vos

  6   activités humanitaires, vous aviez un certain nombre d'entretiens, de

  7   conversations avec le colonel Blaskic et notamment en ce qui concerne

  8   l'aide que vous aviez fournie à la population ?

  9   M. Pervan (interprétation). - En 1992, depuis le printemps

 10   jusqu'à l'hiver, j'ai eu l'occasion à maintes reprises de contacter

 11   M. Blaskic. Nous avons, à cette époque-là, parlé des choses différentes,

 12   pas particulièrement de Caritas. Il savait bien évidemment ce que je

 13   faisais, il savait que je répartissais l'aide aussi bien aux Musulmans

 14   qu'aux Croates. Il a été à Kiseljak au moment où nous avons également

 15   accueilli les Musulmans réfugiés de villages différents.

 16   J'ai eu également un entretien avec lui au sujet de Caritas.

 17   C'était la deuxième moitié du mois de mai et c'était au moment de

 18   l'enterrement de Mato Lucic qu'on appelait "Matulica" à Kiseljak. Tous les

 19   deux, nous étions entourés d'autres personnes mais nous étions tous les

 20   deux, nous avons échangé un certain nombre de phrases. Je lui ai demandé

 21   ce qu'il y avait de neuf, s'il y avait des problèmes, etc.. Je lui ai dit

 22   que j'étais très triste, que j'étais fatigué et que Caritas allait me

 23   manger totalement. Je lui ai dit également que nous allions avoir

 24   certainement des problèmes, des problèmes assez graves, notamment avec des

 25   Musulmans qui restaient à Kiseljak parce qu'ils n'avaient aucune


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  1   organisation et qu'ils viendraient certainement s'adresser à moi, pour

  2   demander mon aide.

  3   Lui, il a dit : "Toi, tu es prêtre, tu es Franciscain, tu sais

  4   très bien quelle est ta vocation, ce qui veut dire que tu dois donner

  5   l'aide à tout le monde."

  6   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'il y avait une révolte

  7   au moment où Maturica a été tué ? Est-ce que vous pouvez dire également

  8   quelle était sa renommée parmi les Croates ? Est-ce qu'il y avait des

  9   entretiens à ce sujet-là ? Est-ce que vous auriez pu vous attendre à un

 10   certain nombre de problèmes ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Mato Lucic... Maturica, c'est un

 12   jeune homme que je connaissais depuis 1983, car j'ai été capelane dans la

 13   paroisse, dans son village. Il a été soldat à la JNA. Par conséquent il

 14   était au parti. Il ne pouvait pas dire de quelle confession il était, il

 15   ne pouvait pas baptiser ses enfants, il ne pouvait pas se marier à

 16   l'église. Moi je le savais et au moment où j'étais prêtre, tout jeune

 17   prêtre, nous l'avons confessé et nous lui avons permis la communion, mais

 18   c'était en secret.

 19   Quand la guerre a commencé, il était officier de la JNA et il

 20   s’est rendu à Kiseljak. C'était quelqu'un de très bien, honnête, quelqu'un

 21   de très gai. Il avait beaucoup de renommée et effectivement au niveau de

 22   l'armée il avait une renommée assez grande, les soldats l’appréciaient, il

 23   a été adjoint des formations militaires à Kiseljak.

 24   Il a été tué le 10 mai, à ma connaissance, et ceci au moment où

 25   il y avait un cessez-le-feu, où nous avons espéré également que la guerre


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  1   allait s'arrêter, que ceux qui décidaient de la guerre allaient se mettre

  2   d'accord. Il a été tué. Il y avait deux soldats également avec lui, et à

  3   ce moment-là effectivement cela a fait beaucoup de bruit parce que

  4   l'enterrement était très grand : il y avait beaucoup de personnes, il y

  5   avait des soldats également qui se sont saoulés, parce que c'est la

  6   révolte qui leur a fait prendre la boisson. Ils ont dit : "Voilà, ils ont

  7   tué quelqu'un qui était le meilleur parmi nous".

  8   M. Nobilo (interprétation). - A ce moment-là, vous avez ressenti

  9   le besoin de parler avec Tihomir Blaskic de l'aide ?

 10   M. Pervan (interprétation). - Oui, effectivement. C'est la

 11   raison pour laquelle je me suis entretenu avec Blaskic. Moi aussi, je suis

 12   un être humain et moi aussi je ressens l'angoisse et la peur.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Avant de parler des réfugiés, je

 14   vais demander au Greffier de bien vouloir nous dire le numéro sous lequel

 15   nous allons enregistrer les listes de Caritas, et notamment quand il

 16   s'agit de l'aide qui a été acheminée vers les villages musulmans et qui a

 17   été donnée aux Musulmans.

 18   M. Dubuisson. - N° D423/1 jusque /18.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Je vais demander à l'Huissier de

 20   distribuer les listes.

 21   M. Dubuisson. - Excusez-moi, je vous interromps, je répète qu'il

 22   s'agit de D423.

 23   (L'Huissier et le Greffier distribuent les listes.)

 24   M. Nobilo (interprétation). - Pendant que la distribution se

 25   fait, voulez-vous bien, s'il vous plaît, père, voir un petit peu les


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  1   listes ?

  2   Père Ivan, pouvez-vous me dire d'où je possède ces documents ?

  3   M. Pervan (interprétation). - C'est moi-même qui vous les ai

  4   donnés.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ce sont les copies qui

  6   correspondent aux originaux ?

  7   M. Pervan (interprétation). - Oui, ce sont les copies qui

  8   correspondent aux originaux.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire ce

 10   que représentent ces listes ? Il y en a dix-huit.

 11   M. Pervan (interprétation). - Ce sont les noms et les prénoms

 12   des personnes qui recevaient l'aide de la part de Caritas et qui sont de

 13   nationalité musulmane, de confession islamique.

 14   Je me dois de rajouter tout simplement qu'au sein de Caritas on

 15   n'avait pas la colonne " nationalité ". Mais c'est très facile de

 16   reconnaître, selon les noms et les prénoms, qu'il s'agissait véritablement

 17   de Musulmans.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous allons par conséquent

 19   maintenant dire quelques mots au sujet des réfugiés à Kiseljak. Savez-vous

 20   combien votre paroisse avait de personnes qui étaient des Catholiques

 21   avant la guerre ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Avant la guerre, c'étaient

 23   4 300 Catholiques, des Croates bien évidemment.

 24   M. Nobilo (interprétation). - En 1992, les réfugiés sont arrivés

 25   d'où, s'il vous plaît et pourquoi sont-ils arrivés à Kiseljak ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - En 1992, jusqu'au mois de juin, la

  2   majorité des réfugiés sont arrivés de Sarajevo, des villes aux alentours

  3   de Sarajevo parce que c'est l'armée serbe qui avait occupé ce territoire.

  4   La majorité, c'étaient les Croates, les Musulmans, quelques Serbes

  5   également de mariage mixte et, à partir du mois de juin, la majorité des

  6   réfugiés viennent de Banja Luka, de Travnik, de Zenica, de Konjic, de

  7   Ratkovici, de toutes les villes qui ont été prises par l'armée serbe.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Il y en avait combien au total,

  9   s'il vous plaît ?

 10   M. Pervan (interprétation). – Je pense qu'au mois de septembre

 11   les réfugiés qui avaient pris la décision de rester dans la paroisse de

 12   Kiseljak étaient au nombre de 1 500, par conséquent jusqu'à la fin de

 13   1992, un peu plus de 2 000.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Les 2 000 réfugiés étaient les

 15   réfugiés qui sont partis parce qu'ils étaient expulsés par les Serbes. Que

 16   se passe-t-il au mois de janvier 1993 et d'où venaient ces réfugiés  ? De

 17   quelle nationalité étaient-ils ?

 18   M. Pervan (interprétation). – En janvier 1993, il y a eu ce

 19   conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO sur le territoire

 20   qui s'étendait de Kiseljak à Busovaca. C'étaient les villages de

 21   Bilalovac, Kacuni, Poseliste, Vrhovci, Gusti Grab, Besici, Nezirovici et

 22   Donje Polje qui ont été englobés dans ce conflit. Lors de ce conflit, le

 23   HVO avait été battu par l'armée de Bosnie-Herzégovine et un grand nombre

 24   de réfugiés, 2 000 à peu près au total, se sont retirés vers Kiseljak. Ils

 25   étaient de nationalité croate. Ils sont arrivés en provenance de


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  1   Bilalovac, de Kacuni, de Okolice*, de Poseliste, de Gusti Grab et ensuite

  2   de tous les autres villages qui étaient au nord de la paroisse à

  3   Brestovo*. Ils étaient au total 2 000.

  4   M. Nobilo (interprétation). - 2 000 Croates qui se sont retirés

  5   parce qu'il y avait la guerre pour ne pas répéter les noms des villages,

  6   pour ne pas les montrer sur la carte, ces villages se trouvent entre

  7   Bilalovac et Kacuni. Par conséquent, une partie est couverte par la

  8   municipalité de Busovaca et une autre par la municipalité de Kiseljak,

  9   est-ce vrai ?

 10   M. Pervan (interprétation). – Oui, il y avait donc Bilalovac et

 11   Klokoti, c'était la municipalité de Kiseljak, alors que Donje Polje et

 12   quelques autres villages étaient dans la municipalité de Busovaca, étant

 13   donné qu'il s'agissait en effet d'un conflit qui a eu lieu à la frontière

 14   entre les deux municipalités, Busovaca et Kiseljak.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, les Croates se

 16   sont réfugiés et jusqu'au mois de mai 1993, il n'y avait pas véritablement

 17   de tensions, de conflits.

 18   Mais avant de parler du mois de mai, je vais peut-être vous

 19   demander de donner lecture d'un texte qui a été rédigé par les prêtres

 20   catholiques, vous avez également signé ce texte. C'est à peu près à ce

 21   moment-là que ce texte a été rédigé. Je vais demander à l'huissier de bien

 22   vouloir le distribuer.

 23   Je m'excuse, mais l'original est en langue croate, nous avons un

 24   seul exemplaire et pendant la pause je vais le faire photocopier. Le texte

 25   est en anglais, la déclaration n'est pas très longue, donc les interprètes


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  1   pourront la traduire.

  2   M. Dubuisson. - D424 pour la version en BCS et D424 a pour la

  3   version anglaise.

  4   (L'huissier et le greffier distribuent les exemplaires)

  5   M. Nobilo (interprétation). - Je vais donner lecture du texte en

  6   question. Je cite le titre :

  7   "Déclaration des prêtres catholiques de la Bosnie centrale :

  8   Depuis treize siècles, il y a une tradition et la présence de

  9   l'ordre franciscain, la responsabilité que nous ressentons à l'égard de

 10   notre peuple nous donne le droit d'élever notre voix.

 11   Nous considérons que c'est notre devoir d'attirer l'attention de

 12   la communauté croate et de la communauté musulmane et de condamner les

 13   événements tragiques qui se sont produits dans ce territoire,

 14   indépendamment de la volonté des deux peuples. Nous ne souhaitons pas

 15   créer la politique ni décider du régime politique quel qu'il soit et de la

 16   manière dont il allait être mis en place. Nous nous employons pour les

 17   droits de l'homme de chaque personne dans ce territoire saint.

 18   Les crimes et l'absence de morale ne peuvent apporter du bien à

 19   celui qui les commet et notamment à celui sur lequel ces actes sont

 20   commis. La tradition de ce territoire unique, de ce peuple et notamment du

 21   peuple croate, est de vivre dans l'esprit de tolérance, dans l'amour

 22   chrétien, dans le respect de tout un chacun de sa liberté avec toutes les

 23   autres personnes avec lesquelles nous partageons ce territoire, l'esprit

 24   et l'âme, nous conduit à demander aux autorités civiles, aux autorités

 25   militaires de demander à tous ceux qui commettent les crimes qui pillent,


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  1   qui incendient, qui tuent, qui sèment la haine et la peur soient

  2   découverts, soient isolés, et ceci au nom du droit fondamental à la vie, à

  3   la liberté de tout un chacun.

  4   Nous recommandons par ailleurs que tous ceux qui ont de la

  5   renommée, qui sont fidèles à la vérité, mettent sur place des commissions

  6   conjointes pour visiter tous les endroits sur notre territoire pour faire

  7   revenir la conscience qui est mise en cause et ceci pour arrêter tous les

  8   événements criminels, et tous ceux qui entendent cette voix, tous ceux qui

  9   pensent différemment, nous leur demandons de penser à Dieu et de prier

 10   pour la paix et pour la liberté".

 11   La signature : Milicevic et, entre autres, vous-même, Père Ivan,

 12   vous avez signé ce texte. Est-ce que vous pouvez me dire tout d'abord si

 13   c'est bien vous qui nous avez donné cette déclaration ?

 14   M. Pervan (interprétation). - Oui.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Dans quelles circonstances avez-

 16   vous rédigé cette proclamation et comment l'avez-vous déclarée et

 17   publiée ?

 18   M. Pervan (interprétation). - C'était un besoin que nous avons

 19   ressenti. C'était indispensable qu'à l'époque qui était très pénible, qui

 20   était dure, on puisse véritablement appeler à la raison. C'était une voix

 21   de la raison, de la dignité humaine des fidèles, de ceux qui croient en

 22   Dieu et souhaitent véritablement que tous les hommes soient des frères.

 23   C'est la proclamation qui a été rédigée avant les conflits du

 24   mois de mai ; nous l'avons rédigée, nous l'avons publiée dans les mass

 25   médias. Nous avons publié évidemment ce texte dans les quotidiens, à la


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  1   télévision, à la radio, et les médias qui ne sont pas forcément à Kiseljak

  2   mais ailleurs également, c'est Sloboda Dalmacja par exemple à Split qui

  3   avait publié ce texte.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Au mois d'avril il y avait nombre

  5   de réfugiés supplémentaires qui sont arrivés à Kiseljak à ma connaissance.

  6   Je vais demander à l'huissier de bien vouloir nous aider et de

  7   mettre cette carte sur le rétroprojecteur.

  8   Je vais vous demander, Père Ivan, de bien vouloir nous montrer

  9   les villages d'où sont arrivés des réfugiés vers votre municipalité, vers

 10   la paroisse de Kiseljak ?

 11   M. le Greffier. - La carte porte le numéro D425.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Non, j'ai parlé du

 13   rétroprojecteur.

 14   Bon, on va voir à ce moment-là la carte de dimension un peu plus

 15   grande, sinon on ne voit pas.

 16   Voulez-vous dire aux juges d'où sont arrivés les réfugiés en

 17   avril 1993, et je parle de la municipalité de Kiseljak ? Quels étaient les

 18   villages et combien ils étaient en nombre total ?

 19   M. Pervan (interprétation). - En avril 1993, les réfugiés sont

 20   arrivés de Brestoska, ceux qui sont restés en vie, et particulièrement en

 21   provenance des villages qui sont au sud par rapport à Kiseljak, Pirin,

 22   Topliza*, Mokrine, Zabrdje, Mevjedice, Bojakovac, et ensuite il y avait

 23   également un certain nombre de réfugiés de Zezelvo et puis d'autres qui

 24   sont arrivés de Zupa et de Tarcin.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous voulez montrer où


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  1   se trouve Kiseljak et ensuite tout simplement vous pointez le territoire

  2   sans énumérer les villages.

  3   (Le témoin l'indique.)

  4   M. Nobilo (interprétation). - Et où est la région d'où les

  5   réfugiés sont arrivés ?

  6   M. Pervan (interprétation). - (hors micro)

  7   M. le Président. - Monsieur l'huissier, pouvez-vous tendre le

  8   micro ?

  9   M. Nobilo (interprétation). - Vous répétez.

 10   M. Pervan (interprétation). -  Gornja Trae*, Brestoska, les

 11   villages qui étaient à côté de l'église; et ensuite il y a la ligne de

 12   front qui était à une centaine de mètres à peu près.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous le montrer s'il vous

 14   plaît ?

 15   M. Pervan (interprétation). - Oui, il y avait Pirin et d'autres.

 16   (Le témoin pointe les villages sur la carte.)

 17   M. Nobilo (interprétation). - Le micro s'il vous plaît pour le

 18   témoin.

 19   M. Pervan (interprétation). - Bukovica, Mokrine, Zezelvo,

 20   Zabrdje, Medvjedice...

 21   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que c'était au sud-ouest de

 22   la municipalité ?

 23   M. Pervan (interprétation). - C'était au sud de la municipalité,

 24   c'était la partie de la municipalité qui se rattache au territoire de

 25   Sarajevo, donc c'est la voie qui mène vers Sarajevo.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, asseyez vous,

  2   père.

  3   Dites aux Juges quelle était la nationalité, le groupe ethnique

  4   de ces réfugiés venant de ces villages que vous venez d'énumérer. Ils ont

  5   fui devant qui ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Ils étaient tous réfugiés croates.

  7   Il y en a environ 1 500 qui sont arrivés à Kiseljak, il y en a qui sont

  8   restés à Jablanica, il y en a qui sont allés à Gromiljak et ils ont fui

  9   devant l'armée de Bosnie-Herzégovine, donc l'armée musulmane.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Une nouvelle vague de réfugiés est

 11   arrivée au mois de juillet 1993. Pourriez-vous expliquer aux Juges de

 12   quelle municipalité sont arrivés ces réfugiés, quel était leur nombre,

 13   leur groupe ethnique et devant qui est-ce qu'ils ont fui ?

 14   M. Pervan (interprétation). - Au mois de juillet, dès les 3 et

 15   4 juillet 1993, un grand nombre de réfugiés, environ 2 500 personnes, sont

 16   arrivés dans la paroisse de Kiseljak en fuyant la municipalité de Fojnica

 17   et Krescevo.

 18   En ce qui concerne les réfugiés de Krescevo, il s'agissait de

 19   villages de Dezevicaet en ce qui concerne la municipalité de Fojnica, il

 20   s'agissait de tous les villages de Fojnica vers Gornji Vakuf, Sebesic et

 21   le plateau de Vlaskic*. Eux aussi, ils ont fui suite au conflit de l'armée

 22   de Bosnie-Herzégovine et le HVO, étant donné que leurs maisons ont été

 23   incendiées. Il y a eu beaucoup de morts qui étaient tous des Croates. Je

 24   veux dire ceux qui sont arrivés à Kiseljak.

 25   Parmi eux, le prêtre du village est arrivé, étant donné qu'il


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  1   n'a pas pu rentrer à Fojnica.

  2   M. Nobilo (interprétation). - La vague de réfugiés suivante est

  3   arrivée en novembre 1993. Pourriez-vous dire aux Juges, encore une fois,

  4   en provenance de quelle municipalité ils sont arrivés ? Quel était leur

  5   nombre et quelle était leur raison de se réfugier ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Aujourd'hui, c'est exactement le

  7   cinquième anniversaire de cet événement. Donc ce même jour, il y a cinq

  8   ans, à Kiseljak, environ 3 500 réfugiés sont arrivés dans cette région. Il

  9   s'agissait de réfugiés en provenance de Catici, Kakanj, de tous les

 10   villages de Kraljeva Sutjeska -si vous voulez je peux les énumérer- de

 11   Zupa, de Borovica-le-Haut et Borovica le-Bas, Vares et tous les villages

 12   autour de Vares. Ils sont arrivés après le conflit entre l'armée de

 13   Bosnie-Herzégovine et le HVO et ils sont arrivés à Kiseljak via Brgul et à

 14   Kiseljak 2 500 sont restés par la suite.

 15   Mais ce que je sais avec certitude, c'est qu'un grand nombre de

 16   ces réfugiés ont continué tout de suite leur route vers Capljina et

 17   Stolac, et ils y sont encore aujourd'hui. Donc, 3 500 sont arrivés à

 18   Kiseljak, 2 500 sont restés de manière permanente et 1 000 personnes ont

 19   continué tout de suite leur route vers l'Herzégovine, et ils y vivent

 20   encore aujourd'hui.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, s'il vous plaît, si

 22   nous nous concentrons sur les municipalités d'Etat et non pas sur les

 23   paroisses, serait-il vrai de dire que ces réfugiés de novembre 1993

 24   étaient les réfugiés des municipalités de Vares et de Kakanj ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé de paroisses dont

  2   les réfugiés venaient. Mais si l'on se basait sur les municipalités, dont

  3   les entités administratives d'Etat, serait-il exact de dire que ces

  4   réfugiés qui sont arrivés en novembre 1993 étaient de la municipalité de

  5   Kakanj et Vares ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Oui, les municipalités de Vares et

  7   de Kakanj.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous avez dit que votre

  9   paroisse, avant la guerre, comportait 4 300 catholiques.

 10   M. Pervan (interprétation). - Oui.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Pendant la guerre, est-ce que le

 12   nombre de personnes qui avaient vécu auparavant dans votre paroisse a

 13   diminué ?

 14   M. Pervan (interprétation). - Oui, le nombre de mes paroissiens

 15   a chuté à 3 500. Entre 1991 et 1993, beaucoup d'entre eux ont quitté la

 16   région pour chercher la sécurité, surtout en Europe occidentale et donc

 17   en 1993, mes paroissiens n'ont jamais été plus nombreux que

 18   3500 personnes.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Donc, dans votre paroisse, non pas

 20   dans la municipalité de Kiseljak mais la paroisse qui est moins grande que

 21   la municipalité, combien de réfugiés avez-vous accueillis dans cette

 22   région ?

 23   M. Pervan (interprétation). - Il est possible de prouver qu'à la

 24   fin de l'année 1993, il y a eu 14 000 réfugiés dans ma paroisse, mais il

 25   faut tenir compte du fait qu'il n'y a pas qu'une seule paroisse dans


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  1   Kiseljak. Il existe également Brestoskor*, Gromiljak et Lepenica.

  2   Gromiljak a reçu de nombreux réfugiés aussi et à un certain moment, on

  3   pensait que dans la municipalité de Kiseljak il y avait plus de

  4   30 000 réfugiés qui vivaient.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Donc, si l'on parle uniquement de

  6   votre paroisse, étant donné que c'est celle que vous connaissez le mieux,

  7   il y a eu environ 3 500 paroissiens catholiques locaux, et vous recevez

  8   14 000 personnes sur le territoire de votre paroisse. Ils étaient des

  9   Croates, des catholiques.

 10   Donc, grande concentration de réfugiés, étant donné qu'il

 11   n'était pas possible de leur fournir des logements, ni la nourriture

 12   adéquate, est-ce que ceci a influencé les rapports entre les personnes et

 13   surtout les rapports inter-ethniques ?

 14   M. Pervan (interprétation). - La situation était catastrophique.

 15   Il faut dire également que pendant cette période, lorsque les réfugiés

 16   arrivent, il s'agissait de la municipalité de Kiseljak qui avait eu

 17   auparavant 25 000 personnes, mais pendant la guerre il y a eu beaucoup de

 18   destructions dans la municipalité de Kiseljak, beaucoup de bâtiments ont

 19   été incendiés et détruits.

 20   Lorsque ces réfugiés sont arrivés, même s'il s'agissait de

 21   Croates et de catholiques, et parfois de cousins, il y a eu assez souvent

 22   des litiges même assez violents concernant les logements. Bien sûr que

 23   ceci a influencé également les rapports inter-ethniques dans la paroisse

 24   et la municipalité de Kiseljak.

 25   M. Nobilo (interprétation). - De nombreux Musulmans ont quitté


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  1   la paroisse et la municipalité de Kiseljak. Pouvez-vous expliquer aux

  2   Juges quelles étaient les conditions, les raisons pour lesquelles les

  3   Musulmans ont quitté ce territoire, par exemple le territoire de votre

  4   paroisse ?

  5   M. Pervan (interprétation). - Dans toute la Bosnie-Herzégovine,

  6   nous avions une même situation. Lorsque l'armée, parfois, perdait non pas

  7   la guerre mais un combat, l'armée se retirait et ensemble, avec l'armée,

  8   la population se retirait aussi. Ceci était typique pour les trois

  9   peuples, pour les trois groupes ethniques et ceci était une situation

 10   caractéristique dans chaque région où il y a eu des combats.

 11   Une autre raison importante est la suivante. Je vais vous donner

 12   un exemple. Lorsque les réfugiés de Fojnica sont arrivés, ils sont allés

 13   dans le village musulman de Duhre et là-bas, ils disaient aux Musulmans

 14   qui vivaient à Duhre : "Nous avons été chassés par les vôtres, les vôtres

 15   Musulmans, nos maisons sont restées à Fojnica. Vous n'avez qu'à aller à

 16   Fojnica et nous, nous allons vivre ici." et c'est ce qui s'est produit,

 17   effectivement.

 18   Par la suite, en temps de paix, de nombreuses maisons ont

 19   continué à rester occupées, mais ces personnes se sont mises d'accord en

 20   disant : "Toi, tu n'as qu'à continuer à vivre dans ma maison et moi, je

 21   vais vivre dans la tienne." Il y a eu de nombreux exemples comme cela.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Cet exemple que vous avez donné

 23   des accords entre les habitants de Fojnica et d'autres villages que vous

 24   avez mentionnés, nous l'avons entendu ; mais y a-t-il eu d'autres

 25   situations, d'autres exemples de situations où les Musulmans ou d'autres


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  1   ont été chassés de manière violente par des extrémistes, par exemple par

  2   des Croates extrémistes ?

  3   M. Pervan (interprétation). - Oui, il y a eu parfois des

  4   expulsions violentes de Musulmans faites par des extrémistes parmi les

  5   Croates.

  6   M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne le village de

  7   Rotilj, il y a eu de nombreux Musulmans dans ce village. Dites aux juges

  8   qui a vécu dans ce village auparavant.

  9   M. Pervan (interprétation). - En ce qui concerne le village de

 10   Rotilj, c'est un village près de Kiseljak et la majorité de la population

 11   était constituée de Musulmans. Cependant, il y a eu quelques maisons

 12   croates, il y a eu des Croates également et les maisons croates étaient au

 13   bord du village, à une distance de 50 à 100 mètres par rapport aux maisons

 14   musulmanes.

 15   Il s'agit là d'un village qui avait des routes modernes, le

 16   système de téléphone, l'électricité et qui était autonome.

 17   De nombreuses personnes du village travaillaient à Kiseljak,

 18   donc il s'agissait d'un village assez puissant économiquement. De

 19   nombreuses personnes pouvaient à la fois travailler dans la ville et

 20   s'occuper de l'agriculture, ce qui est très important étant donné qu'il

 21   faut savoir que 70 % de la population de Kiseljak continuent à utiliser le

 22   bois pour le chauffage.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Pendant 1993, pendant le conflit

 24   d'avril, un grand nombre de Musulmans venant d'autres villages sont

 25   arrivés au village de Rotilj pour y vivre. Dites-nous pourquoi ces


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  1   villageois, ces Musulmans ont quitté leur propre village.

  2   M. Pervan (interprétation). - Les conflits entre l'armée de

  3   Bosnie-Herzégovine et le HVO ont commençé à Rotilj au début du conflit et

  4   ce conflit s'est bientôt terminé, étant donné que le HVO a pris le dessus,

  5   et la paix s'est installée dans cette région. Suite à ces premiers

  6   conflits, il n'y a plus jamais eu de conflit à Rotilj.

  7   Durant ces conflits, plusieurs maisons ont été incendiées à

  8   Rotilj, cependant plusieurs maisons sont restées intactes. De nombreux

  9   Musulmans qui ont été chassés par les réfugiés de leur propre maison ont

 10   pensé que peut-être le conflit allait se terminer. Ils souhaitaient vivre

 11   plus près de leur maison et sont donc allés à Rotilj pour vivre soit chez

 12   des cousins, soit dans une maison abandonnée.

 13   Par exemple je me rappelle un certain Mujkic, c'était un

 14   boulanger. A l'époque, je ne vivais pas, je n'étais pas à Kiseljak. Il a

 15   été chassé avec sa famille de sa maison et une autre famille constituée de

 16   neuf personnes a pris leur place. Il est allé à Rotilj lui aussi, avec sa

 17   femme et ses enfants, et moi, à mon retour, je suis allé chez lui et je

 18   l'ai amené avec moi dans la maison de Sdravko* Lucic -c'est une maison

 19   croate- et lui, avec sa famille, a passé toute la période de guerre dans

 20   cette maison croate, cette maison de Lucic. Les autorités civiles et

 21   policières étaient au courant et de nombreuses personnes ont fait la même

 22   chose.

 23   M. Nobilo (interprétation). - D'après vos informations, de quel

 24   village étaient les Musulmans qui sont venus à Rotilj ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Pour autant que je sache,


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  1   c'étaient des Musulmans des villages de Kiseljak, Palez, Donji Polje,

  2   Palez Casupria*, Radanovic, etc.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé des expulsions

  4   forcées de personnes effectuées par des réfugiés, donc par des réfugiés

  5   qui ont quitté des villages musulmans. Mais dites-nous si vous savez si

  6   des membres du HVO arrivaient au village et mettaient des personnes dans

  7   des camions, et les expulsaient de cette manière-là ?

  8   M. Pervan (interprétation). - Je n'en ai pas conscience.

  9   M. Nobilo (interprétation). - A Rotilj, il y a eu une rampe qui

 10   a été placée, un point de contrôle, à l'entrée du village. Qui l’a fait et

 11   pourquoi ?

 12   M. Pervan (interprétation). - Après le conflit à Rotilj, il y a

 13   eu un barrage routier dans le village de Rotilj. Il s'agissait tout

 14   simplement d'un morceau de bois qui a été placé sur la route.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi, j'ai l'impression

 16   qu'il y a eu une erreur de traduction ; nous avons parlé d’obstacle, de

 17   rampa, de rampe. En anglais, on a l'impression qu'il s'agit d'une

 18   installation aérienne. Expliquez aux Juges de quoi il s’agit ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Par exemple, si nous avons une

 20   route... Par exemple, lorsqu’on parle d'une rampe, je veux parler d'un

 21   bois d’une largeur de 20 centimètres qui a été placé au milieu de la route

 22   pour faire obstacle.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi ceci a été fait ? Et par

 24   qui ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Cet obstacle a été placé là à


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  1   l'initiative des personnes vivants dans le village de Borna. Ceci a été

  2   placé pour empêcher des personnes qui souhaitaient éventuellement se

  3   rendre dans le village de Rotilj pour faire du mal à la population qui y

  4   vivait, pour les piller ou les maltraiter ; c'était cela la raison.

  5   Je me rappelle très bien qu'au début deux personnes âgées et non

  6   armées étaient à côté de cette rampe. La raison pour laquelle elles

  7   étaient là était de téléphoner à la police au cas où quelqu'un souhaitait

  8   entrer dans le village. Je ne sais pas très exactement si elles devaient

  9   téléphoner à l’armée ou à la police. Donc ce barrage était là pour éviter

 10   d'avoir une situation désagréable dans la région.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Nous pourrions peut-être

 12   maintenant distribuer les cartes que nous avons déjà versées au dossier.

 13   Nous avons suffisamment de copies pour les collègues de l'accusation et

 14   pour les Juges. C'est la même carte que tout à l'heure.

 15   (L'huissier et le greffier s'exécutent.)

 16   Asseyez-vous.

 17   (Le témoin s’exécute.)

 18   Nous allons approcher le rétroprojecteur de vous, cela va être

 19   plus pratique et plus facile.

 20   Veuillez répéter la cote de la pièce à conviction de la

 21   défense ?

 22   M. Dubuisson - En ce qui concerne la carte, il s'agit de la

 23   pièce D425.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, à votre connaissance,

 25   est-ce que Rotilj a été un camp ou non ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - J’affirme que Rotilj n'était pas

  2   un camp.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi ?

  4   M. Pervan (interprétation). - Ce barrage, cet obstacle se

  5   trouvait à l'entrée du village de Rotilj, à l'endroit qui s'appelle

  6   Privori. En allant du village de Rotilj à l’extérieur, il y a de

  7   nombreuses autres routes qui sont liées à toutes les autres routes dans la

  8   municipalité de Kiseljak et de Kresevo.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Arrêtons-nous sur ces routes.

 10   Regardons sur la carte maintenant. Expliquez au Juges en l'utilisant, ce

 11   qui est marqué par le numéro 1, et faites-le avec le pointeur ?

 12   M. Pervan (interprétation). - C’est l'endroit où se trouvait le

 13   barrage.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous montrer la route

 15   entre Kiseljak et Rotilj ?

 16   M. Pervan (interprétation). - Oui. (Le témoin s s'exécute.)

 17   M. Nobilo (interprétation). - Que représente les chiffres entre

 18   9 et 8, les flèches marquées par les numéros 9 à 8 ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Les flèches marquées par les

 20   chiffres 2 à 8 constituent les autres routes permettant d'entrer dans

 21   Rotilj et de sortir de Rotilj.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Est-il possible d'utiliser une de

 23   ces routes avec un tracteur ou une voiture ?

 24   M. Pervan (interprétation). - Oui, encore aujourd'hui, même si

 25   ces routes ne sont pas réparées depuis cinq ans, il est possible de sortir


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  1   et d'utiliser ces routes par exemple en utilisant la voiture Golf.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Et s'agissant de ces autres routes

  3   et du cercle autour du village de Rotilj, le cercle que l'on voit sur la

  4   carte, y a-t-il eu des gardes à ces emplacements ? Y a-t-il eu des mines

  5   posées ? Est-ce que les routes ont été gardées de quelque manière que ce

  6   soit ?

  7   M. Pervan (interprétation). - Autour du village de Rotilj, pour

  8   autant que je sache, il n'y a pas eu d'obstacle, de barrière, de garde et

  9   la route n'a pas été minée.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Mis à part ces barrages routiers

 11   constitués par ce morceau de bois et ces deux soldats du HVO, était-il

 12   possible d'arriver au village en évitant ce barrage routier ?

 13   M. Pervan (interprétation). - Oui, mais c'était la route la plus

 14   praticable, étant donné que c'était une route en asphalte. Mais il était

 15   possible d'y arriver d'une autre manière.

 16   De toute façon, le but de ce barrage était de protéger la

 17   population du village.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il eu des maisons croates et

 19   des Croates vivant à Rotilj durant la guerre ?

 20   M. Pervan (interprétation). - Pendant toute la période, à la

 21   fois pendant le conflit et après le conflit, dans ce village de Rotilj à

 22   majorité Musulmans, il y a eu des Croates.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Combien de Croates ont vécu dans

 24   le village de Rotilj en 1993 ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Avant l'arrivée des réfugiés


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  1   croates, qui sont arrivés dans le village de Rotilj et qui y vivent encore

  2   aujourd'hui avec les Musulmans, il y a eu dix maisons croates en

  3   permanence dans le village de Rotilj.

  4   Je vais indiquer, encore une fois, les routes de Borina, Rotilj.

  5   Autour de cette route, il y a toujours eu à la fois des Croates et des

  6   Musulmans qui ont vécu et qui vivent encore aujourd'hui les uns à côté des

  7   autres. Donc, entre ces deux routes, celle-ci et celle-là, les Croates et

  8   les Musulmans vivent.

  9   Pendant le conflit et après le conflit, plus loin par rapport à

 10   ce barrage, les Croates ont commencé à y vivre et ont continué à y vivre.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous si des Musulmans de

 12   Rotilj venaient parfois dans votre église pour faire quelque chose.

 13   M. Pervan (interprétation). - Oui, ils venaient parfois, ils

 14   passaient par Borina et ils passaient à côté de ce cimetière.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer la

 16   route ?

 17   M. Pervan (interprétation). - Ainsi. Je souhaite dire encore une

 18   fois, s'agissant de cette obstacle, pendant que l'obstacle était là, à

 19   Prijevori, et même par la suite, il y a eu un médecin croate qui était

 20   dans le village, c'était une femme et ils consultaient ce médecin à tout

 21   moment, jour et nuit. S'ils avaient des problèmes, ils se rendaient

 22   jusqu'à l'obstacle, ils demandaient de consulter un médecin et je sais

 23   moi-même qu'une ambulance se rendait à chaque fois, quand il était besoin,

 24   à Rotilj.

 25   M. Nobilo (interprétation). - La pause.


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  1   M. le Président. - Nous allons suspendre jusqu'à 11 heures 50.

  2   Nous allons profiter de cette nouvelle question sur Rotilj pour faire la

  3   pause. La séance est suspendue.

  4    (L’audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à

  5   12 heures 12.)

  6   M. le Président. - Introduisez l'accusé.

  7   Je voudrais m'excuser du retard qui m'est imputable pour

  8   d'autres affaires qui m'ont été soumises pendant la pause, puisque ce sont

  9   les seuls moments où...

 10   Par contre, je ne suis pas coupable de la carte qui tombe !

 11   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Père Ivan, avant la pause,

 12   nous parlions des axes routiers qui permettaient de sortir de Rotilj.

 13   Personne ne les surveillait, il n'y avait pas de mines sur ces routes.

 14   Donc j'aimerais vous demander de montrer sur la carte, si vous le pouvez,

 15   s'il était possible, grâce à ces axes routiers ou à ces chemins, d'arriver

 16   jusqu'au territoire de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 17   M. Pervan (interprétation). - Oui, en utilisant ces axes, il

 18   était possible d'arriver sur le territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-

 19   Herzégovine. Un certain nombre de chemins menaient dans la direction de ce

 20   territoire et ces chemins passaient principalement par la forêt, mais il y

 21   en avait aussi qui étaient plus directs.

 22   Je vais vous montrer en tout cas un chemin qui permettait, en

 23   sortant de Rotilj, d'arriver sur le territoire de l'armée de Bosnie-

 24   Herzégovine, à savoir la flèche répondant au n° 3, sur la carte. On passe

 25   par Catici, Putinj*, on arrive à Rakovo Noga*, on va dans la direction de


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  1   Ramic*, Handzici*, Domac* et à partir de là on arrive à Coneski Kamenik*

  2   qui à cette époque-là, et encore aujourd'hui, est sous le contrôle de

  3   l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  4   Je vais maintenant vous montrer le même chemin sur la carte qui

  5   se trouve sur le chevalet.

  6   M. Dubuisson. - Cette carte porte le n° D426.

  7   M. Pervan (interprétation). - Ici, nous voyons le village de

  8   Rotilj et le chemin ici va vers Suproga* dans ce sens et descend sur

  9   Jelavske*. On peut utiliser le même chemin pour revenir. Ensuite, on

 10   descend dans la direction de Viz*, puis dans Ravnik Grav* et à Jelacak*. A

 11   partir de Jelecak, le chemin descend pendant un kilomètre et demi pour

 12   atteindre Pupina puis Ravnici*.

 13   Ensuite, il arrive à Hodzici* -je dois regarder d'un peu plus

 14   près-, ensuite vers Domac*, puis Sovencki Kamenik, qui est un village

 15   croate dans lequel on trouve une chapelle qui a été prise par l'armée de

 16   Bosnie-Herzégovine. Tout le territoire qui se situe ici en bas était un

 17   territoire tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'est toujours

 18   aujourd'hui.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Merci, vous pouvez-vous rasseoir.

 20   Père Ivan, quand est-ce que vous êtes allé à Rotilj pour la

 21   première fois ? Je vous demande en fait dans quelles circonstances vous y

 22   êtes allé, pour quelles raisons ?

 23   M. Pervan (interprétation). - Eh bien c'était au début du

 24   conflit, je parle du premier conflit, un conflit qui était de moindre

 25   importance par rapport aux conflits qui ont eu lieu par la suite.


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  1   Et tout près de l'église à Kiseljak, se trouvaient mon

  2   appartement et l'hôtel Dalmatie. Cet hôtel Dalmatie était la base de la

  3   Forpronu. Un soir, à 22 heures, M. Daniel Formann*, représentant de la

  4   Forpronu, est arrivé. Je ne sais pas exactement quelles étaient ses

  5   fonctions au sein de la Forpronu mais nous nous rencontrions assez

  6   souvent.

  7   Plus tard, il m'a également emmené à bord d'un char à Fojnica,

  8   puis à Visoko. Il est donc arrivé ce soir-là et m'a dit qu'à la Forpronu,

  9   ils avaient des vivres pour les Musulmans, plus précisément pour les

 10   enfants de Rotilj, mais qu'il y avait un obstacle sur la route et il me

 11   demandait donc si je pouvais emporter ces vivres à Rotilj.

 12   Je me suis préparé, j'ai pris mon véhicule personnel, je suis

 13   allé à la base de la Forpronu. J'avais enlevé les sièges arrière de la

 14   voiture. J'ai donc mis à bord de mon véhicule les vivres que j'ai reçus et

 15   entre 22 heures 15 et 22 heures 45, j'ai fait le trajet jusqu'à Rotilj. Je

 16   suis passé devant la maison de Salko Hodzic*, je lui ai remis une partie

 17   de mon chargement et puis je suis ensuite allé dans d'autres maisons, des

 18   maisons de Musulmans, pour leur demander qui était responsable des

 19   affaires les concernant.

 20   Ils m'ont répondu "Salko Hodzic". Je suis donc allé chez lui, je

 21   lui ai remis les vivres et nous continuons à collaborer encore

 22   aujourd'hui.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Mais donc, sur la base des

 24   documents, nous constatons que vous avez, en fait, introduit le village de

 25   Rotilj dans le circuit d'approvisionnement. Après être allé à Rotilj cette


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  1   première fois, est-ce que vous vous êtes rendu à Rotilj régulièrement pour

  2   y apporter de la nourriture ?

  3   M. Pervan (interprétation). - Je n'ai plus apporté de nourriture

  4   à Rotilj, mais j'y allais pour prendre un café et parler avec les

  5   habitants.

  6   Par contre, c'étaient les représentants de Caritas qui

  7   approvisionnaient le village régulièrement par la suite.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle est

  9   votre perception personnelle et ce que vous avez pu apprendre dans les

 10   conversations que vous avez eues avec des tiers ? Est-ce que quoi que ce

 11   soit vous permettrait de conclure que Rotilj était un camp ou que des

 12   Musulmans ont eu des raisons de se plaindre d'être dans un camp dans ce

 13   village, donc privés de liberté ?

 14   M. Pervan (interprétation). - Rotilj n'était pas un camp. Les

 15   Musulmans de Rotilj ne se plaignaient pas de leurs conditions d'existence,

 16   ils se plaignaient de l'absence de leurs proches et des coups de feu

 17   qu'ils entendaient. Evidemment des gens se faisaient tuer, mais c'était la

 18   guerre. Cela étant, à Rotilj personne n'était persécuté, notamment lorsque

 19   les Croates arrivaient à Rotilj.

 20   Mais j'ai souvent vu ce qui se passait dans le village, puisque

 21   j'y suis souvent allé prendre un café et j'affirme que Rotilj n'était pas

 22   un camp. Les habitants de Rotilj avaient tout ce que pouvaient avoir les

 23   réfugiés provenant d'autres endroits. Bien entendu, je ne dis pas que la

 24   vie était facile car la guerre faisait rage entre les Croates et les

 25   Musulmans, et les habitants de Rotilj étaient musulmans, ce n'était pas


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  1   facile pour eux sur le plan psychologique, la souffrance psychologique est

  2   très pénible également, mais j'affirme une nouvelle fois que Rotilj

  3   n'était pas un camp.

  4   M. Nobilo (interprétation). - En 1993, lorsque vous alliez voir

  5   les Musulmans et boire un café avec eux...

  6   M. Pervan (interprétation). - Excusez-moi, je ne vous ai pas

  7   entendu.

  8   M. Nobilo (interprétation). - En 1993, quand vous alliez prendre

  9   un café avec les Musulmans comme vous venez de le dire, est-ce que

 10   quelqu'un vous a dit : "Ceci est un camp, nous sommes enfermés ici" ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Non, non, personne ne m'a jamais

 12   dit cela.

 13   M. Nobilo (interprétation). -  Eh bien maintenant, je vous

 14   demande de dire aux juges si vous avez emporté de la nourriture à Rotilj

 15   alors que d'autres réfugiés allaient à Caritas, à l'entrepôt de Caritas,

 16   pour s'approvisionner. Donc, quelle était la raison de votre attitude

 17   particulière ?

 18   M. Pervan (interprétation). - Eh bien je vais vous dire, pendant

 19   longtemps nous avons entassé de la nourriture dans la partie haute de

 20   notre église. La cour de l'église est assez grande, elle peut contenir

 21   trente automobiles, mais elle est tout de même plus petite

 22   proportionnellement si on la compare à la taille de l'église qui, elle-

 23   même, est vraiment grande.

 24   Nous voulions éviter tous problèmes éventuels et nous avons donc

 25   décidé d'emporter la nourriture à Rotilj plutôt que de laisser venir les


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  1   gens dans cette cour de taille un petit peu réduite. Nous avons donc

  2   emporté la nourriture en passant par Brnaci* et les Musulmans qui ont reçu

  3   cette nourriture nous ont facilité la tâche en nous aidant à charger les

  4   paquets et à les distribuer. Donc, les choses sont devenues un peu plus

  5   faciles pour nous parce que l'organisation Caritas de Kiseljak avait

  6   6 500 volontaires qui travaillaient tous les jours.

  7   Le travail était assez difficile et nous voulions éviter tout

  8   rassemblement qui pouvait provoquer des problèmes dans la cour. C'était

  9   l'une des raisons et l'autre raison, Dieu m'en est témoin, c'est que nous

 10   voulions éviter tout incident devant l'église, parce qu'il y avait des

 11   pères de famille, des mères de famille qui se faisaient tuer à Kiseljak

 12   pendant cette période en venant à l'église et c'est donc la raison pour

 13   laquelle j'ai décidé que je pouvais organiser le transport de la

 14   nourriture moi-même.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Mais quel était le mode

 16   d'approvisionnement de Rotilj à l'époque ? Y avait-il plus de nourriture

 17   ou moins de nourriture à Rotilj qu'à Visoko, par exemple, où vivaient les

 18   Musulmans sous contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Je dois dire... Je tiens à mettre

 20   l'accent sur un élément positif qui caractérisait Kiseljak et Visoko :

 21   entre septembre et octobre, sur les lignes de front proches de Kiseljak et

 22   de Visoko, il n'y a pas eu la moindre attaque, lorsque les Croates de

 23   Kiseljak et les Musulmans de Visoko tenaient les lignes, il n'y a pas eu

 24   de combat. Pas mal de gens de Kiseljak et de Visoko se connaissaient, il

 25   n'y avait que treize kilomètres qui les séparaient et donc un grand nombre


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  1   d'habitants de Kiseljak allaient à Visoko, avant la guerre notamment.

  2   C'est la raison pour laquelle, lorsque l'armée de Bosnie-

  3   Herzégovine s'est trouvée d'un côté et que dans ses rangs, on trouvait un

  4   grand nombre d'habitants de Visoko, et que de l'autre côté il y avait les

  5   Croates de Kiseljak, eh bien, les combats sur le front se sont arrêtés,

  6   les soldats de part et d'autre se parlaient, en criant bien sûr, mais se

  7   parlaient les uns avec les autres d'une tranchée à l'autre qui étaient

  8   séparées de dix à vingt mètres au maximum.

  9   Et un jour, sur une certaine fréquence radio, un accord a été

 10   conclu. Cette fréquence qui était utilisée était la fréquence 14 000 et

 11   les gens commençaient à se parler sans se présenter nommément. Un soldat

 12   du HVO a dit à un homme de l'autre côté : "Je sais qui tu es", et l'autre

 13   a répondu : "Non, tu ne le sais pas". Le premier a dit : "Si, je le sais,

 14   je connais ton père, je le vois tous les jours devant ma maison". Et c'est

 15   ainsi qu'un message a été transmis au père, ainsi qu'un paquet dans la

 16   ville de Visoko.

 17   Donc, on peut conclure à partir de ce que je viens de dire que

 18   les Musulmans de Visoko avaient peut-être moins de nourriture que les

 19   Musulmans de Kiseljak, mais je sais avec certitude qu'un sac de farine est

 20   arrivé à Visoko de cette façon, et les Musulmans avaient du mal à trouver

 21   de la farine.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Nous vous avons entendu dire aux

 23   juges que Rotilj était surpeuplé, qu'il y avait beaucoup de monde qui

 24   vivait dans une maison par exemple. Quel commentaire feriez-vous à cet

 25   égard ?


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Oui, en effet, c'est la vérité. A

  2   Rotilj, comme je l'ai dit, des maisons avaient brûlé, donc le fond

  3   immobilier était réduit. Un grand nombre de personnes sont arrivées à

  4   Rotilj à ce moment-là et je sais que, par exemple, il y avait dix-sept

  5   personnes qui vivaient dans la maison de Salko Hocic* que je connais bien.

  6   Mais en général, lorsque j'allais y prendre un café, nous restions dehors

  7   parce qu'il faisait chaud. Et puis il y avait aussi la maison de la

  8   paroisse et 15 personnes ont habité dans cette maison ; ils y mangeaient,

  9   ils y buvaient et ils y dormaient. Lorsque les réfugiés sont arrivés en

 10   grand nombre, lorsqu'ils ont cherché un logement, les Musulmans ont essayé

 11   de se loger dans les maisons les plus grandes.

 12   Il y a un autre point que je voudrais souligner, puisque nous

 13   parlions de nourriture. A Visoko, avant la guerre, j'avais un ami musulman

 14   qui s'appelait Samir  Topalovic. Son père vit à Kiseljak et travaille

 15   comme travailleur de la mairie, il est employé des eaux. Il perçoit encore

 16   son salaire qu'il a perçu pendant toute la guerre. Donc, Samir est arrivé

 17   de Rotilj, il est venu me voir et il m'a dit qu’il avait mal aux reins,

 18   que lorsqu'il allait aux toilettes, il urinait du sang et qu'il avait mal

 19   aux reins. Il m'a donc demandé si je pouvais faire ce qu'il fallait pour

 20   qu'il se rende à Visoko, puis de là à Zenica à l'hôpital, et je lui ai

 21   rendu ce service. Au moment où il était sur le départ, il est venu me voir

 22   pour me demander s'il pouvait emporter un paquet de vivres à Visoko en

 23   provenance de Rotilj. Samir est parti, mais malheureusement il est ensuite

 24   tombé au cours des combats de Zavrtaljka et il est donc décédé.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous dites qu'il est mort,


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  1   il est mort à ce moment-là ou plus tard ?

  2   M. Pervan (interprétation). - Il est mort trois mois après son

  3   départ.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait un

  5   entrepôt de Caritas à Split. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges

  6   qui approvisionnait cet entrepôt ? Et puis, ensuite, j’aimerais que vous

  7   nous indiquiez sur la carte par quel chemin vous alliez dans cet

  8   entrepôt ? Mais d'abord, je vous demanderai donc de nous montrer comment,

  9   de nous dire comment s’approvisionnait, se remplissait cet entrepôt de

 10   Caritas ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Le diocèse de Sarajevo a reçu des

 12   vivres à Split, en même temps que ce grand entrepôt qui se trouvait à TTS

 13   et qui était destiné à abriter ces vivres. Différentes organisations

 14   humanitaires ont utilisé cet entrepôt et la nourriture provenait de

 15   plusieurs pays, de France notamment, de Suisse, d'Autriche, d'Allemagne et

 16   de Suède.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Mais les vivres se trouvaient en

 18   Croatie.

 19   Alors, vous voyez sur le chevalet en ce moment une carte sur

 20   laquelle figurent les zones de responsabilité relevant de l'armée de la

 21   Republika Srpska en rouge, des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine en

 22   vert, et du HVO en jaune. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges par

 23   quels territoires vous passiez et sur quelles routes vous circuliez pour

 24   franchir les kilomètres qui vous séparaient de Split ? Vous pouvez vous

 25   lever, Monsieur, pour le montrer sur la carte.


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  1   M. le Président. – Maître Nobilo, sur la carte vous définissez

  2   les zones d'influence de ces différentes armées ; encore faudrait-il que

  3   vous précisiez le mois. Ces dépositions ont quand même varié. Vous avez

  4   dit en bleu l’armée de Bosnie, c'est cela ?

  5   M. Nobilo (interprétation). - Non, non. L'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine correspond à la couleur verte, le jaune correspond au HVO, le

  7   rouge à l’armée de la Republika Srpska, et cette carte...

  8   M. le Président. - Et le bleu, pardon ?

  9   M. Nobilo (interprétation). - Non, il y a une erreur, il me

 10   semble une erreur de concept, en tout cas c'était...

 11   M. le Président. - Quand même, il y a du bleu ? Ma question est

 12   double ; on est obligé de la poser tout de suite, excusez-moi, je n'aime

 13   pas beaucoup interrompre, mais si vous voulez que l'exposé de votre témoin

 14   soit clair, il faut savoir à quel moment vous définissez ces positions par

 15   rapport au conflit, et deuxièmement quelles sont les couleurs ? Si j'ai

 16   bien compris, le rouge, c'est l'armée serbe ?

 17   M. Pervan (interprétation). - C'est la carte qui correspond à

 18   l'époque des conflits.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, le

 20   jour de la signature des accords de Washington peut être utilisé comme

 21   référence pour cette carte, donc les armées, à la fin de la guerre.

 22   M. le Président. - A la fin de la guerre ?

 23   M. Nobilo (interprétation). - Oui, à la fin de la guerre.

 24   M. le Président. - Donnez-moi vos couleurs : le rouge c'est

 25   l'armée serbe ?


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  1   M. Nobilo (interprétation). – Oui, c'est exact.

  2   M. le Président. - Tout le territoire en vert ?

  3   M. Nobilo (interprétation). - C'est le territoire sous le

  4   contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  5   M. le Président. - Ensuite, en jaune, c’est ce que vous

  6   appellerez les enclaves du HVO ?

  7   M. Nobilo (interprétation). – Oui, c'est le territoire sous

  8   contrôle du HVO.

  9   M. le Président. - Et la tache bleue ?

 10   M. Nobilo (interprétation). - Et le bleu devrait correspondre

 11   aux zones contrôlées par les Nations Unies.

 12   M. le Président. - Bien, merci.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Oui. Donc sur cette carte, ce qui

 14   est important, c’est quelle montre quels étaient les territoires contrôlés

 15   par qui et également par où passait la route qui allait de Kiseljak à

 16   Split, où se distribuait l'aide humanitaire. Donc, père Ivan, je vous

 17   demanderai de montrer aux Juges où se trouve l'enclave de Kiseljak et de

 18   leur décrire le chemin que vous faisiez pour aller à Split et en revenir.

 19   M. Pervan (interprétation). - L'enclave de Kiseljak se trouve

 20   ici, au niveau de cette pointe. Cette zone était encerclée principalement

 21   par l'armée de Bosnie-Herzégovine, et sur une petite portion, nous voyons

 22   une zone de l'enclave de Kiseljak qui était sous le contrôle du HVO, avec

 23   une frontière à ce niveau là, à Kobiljaca, avec les lignes de l'armée de

 24   la Republika Srpska. Nous voyons ici la route Kiseljak, Ilidza, Sarajevo.

 25   Nous sommes à ce moment-là au mois d'août. Au mois d'août, nous


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  1   avions déjà un grand nombre de réfugiés et la catastrophe était imminente.

  2   Les vivres commençaient à manquer, l'approvisionnement ne se faisait plus

  3   et nous craignions donc grandement une catastrophe.

  4   Les responsables à Kiseljak -je parle des responsables du

  5   pouvoir civil, militaire et policier- ont donc établi des contacts avec

  6   les autorités de la Republika Srpska et je crois qu'ils l'ont fait avec

  7   l'autorisation de leurs autorités compétentes. Suite à quoi, des accords

  8   ont été conclus quant au fait qu'en passant par le territoire contrôlé par

  9   l'armée de Republika Srpska il était possible d'aller de Kiseljak jusqu'en

 10   Croatie... Oui, c'est bien cela, jusqu'en Croatie puisque nous devions

 11   aller jusqu'à Split pour nous approvisionner. Et il fallait payer pour

 12   faire ce voyage.

 13   J'ai pris le départ à Kiseljak, avec un convoi. Sur la petite

 14   carte on voit mieux les endroits que nous avons traversés et il y en a un

 15   certain nombre, je vais les énumérer dans l'ordre : Kiseljak Kobiljaca,

 16   Rakovica, Ilidza, Semizovac, puis Vucja Luka, Pale, Han Pijesak,

 17   Vlasenica, Zvornik, Bijeljna, Brcko, Samac, Modrica, Doboj, Derventa,

 18   Prnojavor, Banja Luka, Prijedor, Glamoc, Bosansko Grahovo, Livno, Tril,

 19   Split.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Et ce trajet fait combien de

 21   kilomètres ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Ce trajet faisait 1196 kilomètres.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Et de Kiseljak à Split, quelle est

 24   la distance normalement ?

 25   M. Pervan (interprétation). - 289 kilomètres entre Kiseljak et


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  1   Split.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Vous pouvez vous rasseoir,

  3   Monsieur le Témoin, je vous remercie.

  4   Vous avez dit que les autorités civiles et militaires ont donc

  5   conclu un accord à votre intention pour vous permettre de faire ce trajet

  6   en passant par les territoires contrôlés par l'armée de la

  7   Republika Srpska. Vous avez à plusieurs reprises évoqué ce voyage, ainsi

  8   qu'un autre voyage plus court, dont nous reparlerons. Mais pouvez-vous

  9   nous dire quelle était la nature exacte de l'accord conclu avec les Serbes

 10   pour permettre cet approvisionnement ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Entre 1995 et aujourd'hui, j'ai

 12   dit au moins vingt fois que si je devais refaire ce voyage en utilisant la

 13   même route, je ne le referais pas. Ce parcours, ce trajet était en effet

 14   très pénible. La route était souvent asphaltée, mais souvent également

 15   c'était simplement une piste et nous emmenions avec nous un camion qui

 16   nous suivait et qui servait à aplanir le terrain, en cas de nécessité.

 17   Et puis nous subissions de mauvais traitements de la part des

 18   soldats serbes et il y a des mots que je ne peux pas répéter devant ce

 19   Tribunal qui nous ont été dits, et des gestes qui ont été faits à notre

 20   intention, que je ne referais pour personne, de très mauvais goût, très

 21   vulgaires. On nous lançait des insultes, des injures, on insultait notre

 22   appartenance nationale, notre religion dans des termes vraiment très

 23   vulgaires.

 24   Nous étions escortés par la police serbe et nous n'atteignions

 25   jamais notre destination dans le même état que celui dans lequel nous


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  1   étions au départ. En effet, ils retiraient les bâches des camions, il y

  2   avait des coups de feu qui étaient tirés, ils nous faisaient passer tout

  3   près de la ligne de démarcation, entre l'armée serbe et l'armée de Bosnie-

  4   Herzégovine. L'armée de Bosnie-Herzégovine attaquait souvent nos convois

  5   et ouvrait le feu sur nous. Donc le voyage était particulièrement pénible.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si vous avez

  7   été pris comme otage pendant plusieurs jours sur le territoire serbe, lors

  8   de l'un de ces voyages, et dans quelles conditions cela s'est passé ?

  9   M. Pervan (interprétation). - Lorsque l'accord a été conclu, ce

 10   n'était pas un accord fondé sur l'amour et l'époque était très difficile.

 11   Un jour, nous avons été logés dans un camp, nous y avons été placés et,

 12   une autre fois, nous avons dû attendre l'autorisation de passer, que nous

 13   avons obtenue uniquement après 11 heures du soir.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi est-ce qu'ils refusaient

 15   de vous laisser passer ?

 16   M. Pervan (interprétation). - Un jour, nous avons attendu

 17   26 heures, enfermés, en état de détention. En effet, il fallait payer pour

 18   passer, pour faire passer le convoi qui apportait des vêtements et de la

 19   nourriture. Il fallait payer une certaine somme aux Serbes. Lorsque tout

 20   n'allait pas tout à fait bien, les Serbes attendaient que l'argent soit

 21   versé avant de nous libérer. Ils nous tenaient donc comme des otages. Je

 22   me rappelle un jour où le prix du passage était six barils d'essence et

 23   nous avons dû attendre pas mal de temps avant que cette essence soit

 24   livrée. Nous avons donc attendu dans des conditions d'emprisonnement très

 25   difficiles pour nous, je me sentais très, très mal, je pensais que je ne


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  1   quitterais jamais cette prison. Et puis, un autre jour, le prix à payer a

  2   été de 1 000 Deutsche Mark qu'il fallait payer à l'entrée du territoire de

  3   la Republika Srpska pour passer, et si cette somme n'était pas payée à

  4   temps, nous étions menacés de rester en prison très longtemps. Les hommes,

  5   les soldats, portaient des fusils, ils avaient suffisamment de munitions,

  6   j'ai eu donc très peur de perdre la vie.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Mais de votre point de vue, et

  8   s'agissant des convois humanitaires, pensez-vous que cette coopération

  9   était justifiée ?

 10   M. Pervan (interprétation). - Oui, demain je recommencerai la

 11   même chose et je justifie entièrement ce qui s'est passé puisqu'il

 12   s'agissait d'aide à apporter à des habitants, et je le dis en toute âme et

 13   conscience. Je ne peux pas dire combien d'habitants ont été sauvés grâce à

 14   cette coopération. Donc quelles que soient les difficultés qu'il fallait

 15   surmonter, je pense qu'une telle coopération avait une très grande valeur,

 16   la plus grande valeur d'ailleurs, qui soit.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était

 18   l'importance de ces convois ? Quel était le nombre de tonnes de vêtements

 19   et de vivres que vous apportiez au cours d'un trajet ?

 20   M. Nobilo (interprétation). - Le maximum a été de 1 032 tonnes,

 21   34 camions et un autobus emplis de nourriture et, malgré le fait que nous

 22   payions notre passage, nous avons distribué de la nourriture aux soldats

 23   serbes et aux habitants parce qu'ils ne nous laissaient pas passer si nous

 24   ne payions pas une espèce de dîme, et j'ai été content ce jour-là de

 25   pouvoir ne laisser sur place qu'un cinquième du convoi.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Mais pouvez-vous nous dire si, à

  2   partir de Kiseljak, des convois commerciaux étaient organisés également ?

  3   Je parle de convois qui donnaient lieu à achat, à paiement, et si tel est

  4   le cas, pouvez-vous nous dire quelle était la nature de ces convois et de

  5   quelle façon ils étaient organisés ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Eh bien, les autorités civiles et

  7   militaires de la municipalité organisaient à ce moment-là ce que nous

  8   appelions des convois commerciaux. Effectivement, je crois que le prix à

  9   payer était plus cher pour les convois commerciaux que pour les convois

 10   humanitaires, mais en outre, ils n'apportaient ni le sel, ni la farine, ni

 11   le sucre parce que c'étaient nous qui apportions ces articles. Eux

 12   allaient en Croatie et même en Europe pour acheter des articles de grand

 13   prix qu'ils revendaient.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Quels articles ?

 15   M. Pervan (interprétation). - Des cigarettes, de l'alcool, des

 16   articles chers, des cigarettes, de l'alcool, des vêtements, des

 17   chaussures, des montres, des bijoux.

 18   M. Nobilo (interprétation). - A qui cela était-il vendu ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Ces articles étaient vendus à

 20   Kiseljak même, mais la majeure partie de ces articles se revendaient sur

 21   le territoire de Kiseljak et de Visoko, c'est-à-dire à des acheteurs

 22   musulmans.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que ces articles

 24   étaient vendus également aux Serbes ou échangés avec eux ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Il était difficile de les vendre


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  1   aux Serbes parce que les Serbes n'avaient pas d'argent, et si ces articles

  2   étaient donnés aux Serbes, il s'agissait dans ce cas-là de troc.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pensez qu'avec ce

  4   commerce, par conséquent, vous avez parlé des autorités civiles et

  5   militaires, il y avait un certain nombre de moyens qui a créé le pouvoir,

  6   le pouvoir économique, ce n'était pas typique, c'était totalement

  7   différent par rapport aux autres municipalités de la Bosnie centrale.

  8   M. Pervan (interprétation). - Oui, c'est tout à fait vrai ce que

  9   vous dites, parce que le commerce, justement avec la partie musulmane, car

 10   il s'agissait des articles qui allaient jusqu'à Zenica et jusqu'à Tuzla,

 11   par conséquent Kiseljak est devenu également un centre commercial,

 12   Kiseljak pouvait vendre les articles et pouvait également obtenir des

 13   bottes. Il y avait, par exemple, 4 000 bottes qu'ils pouvaient obtenir.

 14   Par exemple, pour notre école, nous avons pu acheter également du charbon

 15   et effectivement, c'est le charbon qui est arrivé de Visoko, de Bileca, et

 16   notre école, à cette époque-là très difficile, pouvait se chauffer.

 17   Pourquoi ? Je vais vous l'expliquer. Au moment où les réfugiés

 18   sont arrivés, nous nous sommes mis d'accord pour que, pendant toute la

 19   guerre, on puisse assurer le logement pour les réfugiés croates dans cette

 20   école. Nous l'avons d'ailleurs même actuellement parce que nous n'avons

 21   pas de fonds immobilier comme nous devrions l'avoir en ce moment.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Quelle était la situation à

 23   Kiseljak en ce qui concerne l'approvisionnement ? Est-ce que les boutiques

 24   étaient ouvertes ? Est-ce que vous aviez des fruits, des bananes, des

 25   oranges, tout ce qui n'était pas imaginable à cette époque-là pour la


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  1   Bosnie-Herzégovine ?

  2   M. Pervan (interprétation). - Oui, effectivement, à Kiseljak les

  3   boutiques étaient ouvertes, les cafés également qui fonctionnaient

  4   normalement. Personnellement, j'allais prendre un café, une boisson

  5   également de manière régulière ; il y avait tout ce dont on manquait en

  6   Bosnie en général et c'était même inimaginable d'avoir à d'autres endroits

  7   de tels articles.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Vous personnellement, avez-vous

  9   participé aux convois humanitaires ou bien éventuellement avez-vous

 10   participé également dans le transport des convois commerciaux ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Uniquement au niveau de l'aide

 12   humanitaire, dans les convois humanitaires ; je n'avais rien à faire avec

 13   d'autres convois. Je savais bien évidemment que de tels convois

 14   existaient, je savais quels étaient les prix, je ne savais pas ce qu'ils

 15   vendaient, mais moi, je n'ai pas participé à de tels genres de convoi.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez donc indiqué le parcours

 17   que vous avez traversé jusqu'à Split. Il y a une autre route également, il

 18   y avait deux flèches. Est-ce que vous pouvez expliquer aux juges ce que

 19   représente cette autre route ?

 20   M. Pervan (interprétation). - Dans la deuxième étape de nos

 21   déplacements, jusqu'à Split en Croatie, nous avons obtenu l'autorisation

 22   de la part des Serbes de raccourcir ce parcours. Ils ont échangés un

 23   certain nombre de

 24   leurs territoires. C'était au niveau de Stolac, c'est la raison

 25   pour laquelle nous avons pu donc abréger notre parcours. Nous avons


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  1   emprunté cette autre route et cette route part de Kiseljak une fois de

  2   plus, en passant par Kobiljaca, Rakovica, Ilidja, Srednje, Vucja Luka,

  3   Pale, Lukavica, Trnovo, Dobro Polje, Miljevina. Je n'ai pas parlé de Foca,

  4   mais on est passé par Foca également et ensuite à Gacko et de Gacko au

  5   carrefour de Plana et de Plana à Berkovici, de Berkovici à Stolas et de

  6   Stolas à Capljina et de Capljina, nous sommes allés à Citluk et de Citluk,

  7   nous sommes allés à Grude et de Grude à Imocki et de Imocki à Senj ou bien

  8   de Capljina à Batkovic et de Batkovic par la route du littoral jusqu'à

  9   Split.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que nous pouvons donc dire

 11   que cette route que vous venez de décrire mène vers le sud et il y a deux

 12   flèches parallèles ?

 13   M. Pervan (interprétation). - Oui.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la défense a fait la

 15   carte selon vos instructions ?

 16   M. Pervan (interprétation). - Oui effectivement.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, nous allons passer à

 18   un nouveau sujet. On va parler donc du fait que Kiseljak a été coupé de

 19   Vitez et de Busovaca.

 20   D'après vous, quand était-ce pour la première fois que l'axe de

 21   communication a été coupé entre Busovaca et Kiseljak ?

 22   M. Pervan (interprétation). - A ma connaissance, c'était au mois

 23   de janvier, à la fin du mois de janvier, au moment où il y a eu des

 24   conflits entre Busovaca et Kiseljak, les dix derniers jours du mois de

 25   janvier. Il s'agissait, par conséquent, de Klokoti, de Kacuni, de


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  1   Gusti Grab, de Bukovci, de Nezirovici, de Besici et Donje Polje, c'est le

  2   territoire que nous avons traversé.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Au moment où vous vous êtes rendu

  4   pour la dernière fois à Busovaca, pouvez-vous nous expliquer ce qui

  5   s'était passé ?

  6   M. Pervan (interprétation). - J'étais pour la dernière fois à

  7   Busovaca après les conflits du mois de janvier, après le premier conflit

  8   qui a eu lieu à Klokoti, il y a eu le cessez-le-feu et le cessez-le-feu a

  9   duré jusqu'au mois d'avril1993.

 10   Déjà auparavant, je vous ai dit qu'on avait un entrepôt et que

 11   nous avons acheminé l'aide humanitaire et cela se trouvait dans la cour de

 12   l'église. J'avais l'intention d'aller, par conséquent, emporter les vivres

 13   à Busovaca et, un jour, je suis allé à Bilalovac où j'ai trouvé M. Gania

 14   et M. Sefer, qui étaient policiers à Kiseljak et c'est la raison pour

 15   laquelle je les ai rencontrés. J'ai demandé l'autorisation à ces deux

 16   personnes pour prendre les deux camions et les emmener jusqu'à Busovaca.

 17   Ils m'ont répondu : "Nous pouvons te délivrer l'autorisation, nous le

 18   ferons, mais tu dois te rendre dans la municipalité de Kacuni".

 19   Et je dois me compléter, au moment où ils sont partis à

 20   Bilalovac, ils ont créé la commune de Kiseljak.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Qui "eux" ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Les Musulmans et les Musulmans à

 23   Kacuni ont créé la commune de Busovaca. Par conséquent, j'ai obtenu

 24   l'autorisation et un de leurs policiers m'avait conduit jusqu'à Kacuni, il

 25   m'avait demandé si je savais où se trouvait la maison de Enijad Mekic,


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  1   alors qu'avant la guerre Enijad Mekic était Hodja, il a été président du

  2   parti SDA.

  3   Par conséquent, je me suis rendu dans sa maison, j'étais en

  4   uniforme et j'ai trouvé Enijad, il était assis et il portait donc

  5   l'uniforme de l'armée de Bosnie-Herzégovine, il était Président de la SDA.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous parlez de l'uniforme,

  7   vous parlez de quel genre d'uniforme que vous portiez ?

  8   M. Pervan (interprétation). - Je parlais de l'uniforme des

  9   Franciscains bien évidemment, que portent tous les Franciscains du monde

 10   entier.

 11   Par conséquent, je me suis rendu chez Enijad. Avant la guerre,

 12   on se connaissait bien, on était en bons termes. Je lui ai parlé, on a eu

 13   un certain nombre de conversations qui n'étaient pas tout à fait

 14   agréables, mais, de toute façon, il m'avait délivré l'autorisation.

 15   Je suis rentré à Kiseljak, j'ai chargé les deux camions et

 16   ensuite, le lendemain matin, je suis parti à Kacuni : on avait fouillé les

 17   camions, on n'a rien pris, on ne nous a pas touchés, on ne nous a pas

 18   injuriés, on ne nous pas insultés et nous nous sommes rendus à Busovaca,

 19   nous avons déchargé le camion et nous sommes retournés à Kiseljak. C'était

 20   la dernière fois où je me suis rendu à Busovaca jusqu'au cessez-le-feu de

 21   1994.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire de Busovaca ?

 23   M. Pervan (interprétation). – Oui, de Busovaca.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quelle

 25   date cela s'est produit ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - Vous parlez du convoi, je pense

  2   que c'était au début du mois de mars 1993.

  3   M. Nobilo (interprétation). – Eh bien, quand est-ce que le

  4   territoire a été coupé pour la deuxième fois et définitivement ? Je parle

  5   de Busovaca et de Kiseljak. Quand l'avez-vous remarqué ? Quand la route a-

  6   t-elle été coupée définitivement quand vous vous êtes trouvé à Kiseljak au

  7   mois de mai 1993 ?

  8   M. Pervan (interprétation). - Au moment du cessez-le-feu, après

  9   le conflit du mois de janvier, après Pâques, je suis passé par Krescevo

 10   Tarcin, Konjic et Mostar je suis allé en dehors de Croatie. Je me suis

 11   rendu en Europe à cette époque-là. Après mon retour d'Europe, quand je me

 12   suis rendu à Split, je ne pouvais plus me rendre à Kiseljak. J'ai attendu

 13   un certain nombre de jours à Split et c'est à cette époque-là que j'ai

 14   entendu qu'à Citluk également, il y avait des gens qui souhaitaient se

 15   rendre en Bosnie centrale, à Kiseljak, à Zepce, à Vares.

 16   Je me suis rendu à Citluk avec ma voiture personnelle, avec mon

 17   conducteur également, j'ai demandé qui voulait partir avec moi, nous

 18   allions partir et puis c'est Dieu qui nous aidera. Il y en a un certain

 19   nombre qui m'ont demandé de Vares, de Zepce, de Fojnica également.

 20   Il y avait un convoi, la plupart c'étaient des Croates, mais il

 21   y avait également les deux Musulmans qui nous ont accompagnés : Fuad Curic

 22   et Zecevic, je pense que son prénom était Osman.

 23   Nous nous sommes mis d'accord, eux aussi d'ailleurs avaient

 24   peur, mais nous avons dit que nous allions nous garder l'un à côté de

 25   l'autre et que nous allions essayer de traverser le territoire.


Page 14024

  1   Nous sommes partis à une heure de l'après-midi, donc à

  2   13 heures, de Citluk, nous nous sommes rendus à Posusje, de Posusje à

  3   Duvno et à partir de Duvno à travers la montagne Vran Planina et ensuite

  4   nous sommes arrivés le soir à peu près à Prozor. Nous avons passé la nuit

  5   dans un monastère franciscain. Le lendemain matin, nous sommes partis à

  6   Gornji Vakuf, il y avait encore le cessez-le-feu et il y avait encore

  7   l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'armée du HVO qui se trouvaient dans la

  8   ville.

  9   Nous deux, mon conducteur et moi-même, ainsi que Fuad Curic et

 10   Osman Zecevic, nous sommes allés voir le commandant de l'armée de Bosnie-

 11   Herzégovine. C'est un commandant local. Nous avons parlé avec lui, nous

 12   lui avons dit que nous voulions nous rendre chez nous, nous lui avons

 13   demandé de nous aider. Effectivement, il nous a permis de nous rendre chez

 14   nous.

 15   Nous sommes partis de Gornji Vakuf, nous avons emprunté la route

 16   qui traverse Travnik et Sebasic. Nous nous sommes donc rendus à Sebasic,

 17   ensuite il y a une route qui mène vers Fojnica par Laska Ravan et en

 18   dessous du lac Prokosko, alors qu'il y a une autre route qui mène vers

 19   Travnik et Vitez. Nous avons choisi la première route et au moment où nous

 20   nous sommes trouvés à Lasva Ravan, derrière les arbres il y avait des gens

 21   de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui portaient les fusils à lunette qui

 22   nous ont arrêtés. Ils nous ont maltraités, ils nous ont injuriés.

 23   Fuad Curic et Zecevic sont allés à Fojnica deux heures plus

 24   tard. Moi-même, je devais m'y rendre et quand je suis passé à côté de

 25   Prokos, il y avait un jeune homme qui avait armé son fusil et qui l'avait


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  1   pointé sur mon cou. Il était saoul et il m'a dit qu'il allait me tuer tout

  2   simplement parce que je venais de Kiseljak. Ensuite, il y en avait un

  3   autre : "Ne le touche pas, laisse-le tranquille".

  4   Par conséquent, nous avons traversé la route et nous nous sommes

  5   rendus à Kiseljak le soir.

  6   M. Nobilo (interprétation). - C'était quelle date ?

  7   M. le Président. - Nous reprendrons à 14 heures 45.

  8    (L'audience, suspendue à 13 heures reprend à 14 heures 50.)

  9   M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 10   Dès que l'accusé est rentré, veuillez faire entrer le Père Ivan.

 11   Si vous voulez bien nous reprenons, Maître Nobilo, au point où

 12   nous nous étions arrêtés.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 14   Père Pervan, nous n'avons pas terminé encore. Une fois que vous

 15   êtes retourné à Kiseljak, vous avez décrit également la route. Pouvez-vous

 16   nous dire quelle était la date de votre retour ?

 17   M. Pervan (interprétation). - C'était le 7 mai, dans la soirée à

 18   peu près.

 19   M. Nobilo (interprétation). - 7 mai 1993 ?

 20   M. Pervan (interprétation). - Oui.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Et à quel endroit êtes-vous rentré

 22   dans la municipalité de Kiseljak ?

 23   M. Pervan (interprétation). - C'est à l'endroit qui s'appelle

 24   Plocari car j'ai emprunté la route qui mène de Fojnica à Kiseljak et c'est

 25   là où je suis entré à Kiseljak.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des dangers, quelques

  2   incidents également ?

  3   M. Pervan (interprétation). - Depuis Fojnica jusqu'à l'entrée de

  4   la municipalité de Kiseljak, il n'y avait pas d'incident, mais au moment

  5   où nous sommes arrivés dans le village Luka, nous étions obligés de nous

  6   arrêter et on a été obligés de prendre une autre route, pas la route

  7   asphaltée mais la route qui traversait le champ, parce qu'on ne voulait

  8   pas passer par le carrefour entre Busovaca et Kiseljak étant donné que

  9   c'était déjà la nuit et que la route n'avait pas été éclairée, il y avait

 10   des échanges de coups de feu, je pense des mitrailleuses.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Donc c'est en provenance de

 12   Gomionica qu'il y avait des coups de feu. Qui était de ce côté-là, s'il

 13   vous plaît ?

 14   M. Pervan (interprétation). - C'était l'armée de Bosnie-

 15   Herzégovine qui se trouvait à Gomionica.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges, s'il

 17   vous plaît, une fois que vous êtes retourné à Kiseljak, après les

 18   événements du mois de mai, s'il y avait des possibilités pour vous de vous

 19   rendre à Busovaca Vavit* ? C'était une poche. Y avait-il une petite route

 20   éventuellement ? C'était donc au mois d'avril, depuis le mois d'avril.

 21   M. Pervan (interprétation). - Non, il n'y avait absolument

 22   aucune route qu'on pouvait emprunter, ni publique, ni secrète, en

 23   traversant par Fojnica. On ne pouvait pas passer, il y avait déjà l'armée

 24   (je l'ai déjà précisé) de Bosnie-Herzégovine, ensuite Kiseljak. Busovaca a

 25   été coupé au niveau de Bilalovac, par conséquent au niveau de l'église, à


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  1   une centaine de mètres à peu près jusqu'à Donje Polje, de la municipalité

  2   de Busovaca.

  3   Je pense que c'est tout à fait facile d'ailleurs de vous décrire

  4   en d'autres termes. Je dois dire que les combats étaient en cours entre le

  5   HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine et chaque partie avait creusé les

  6   tranchées...

  7   M. le Président. - (début hors micro)... sauf si c'est très

  8   important pour vous, Maître Nobilo, parce que sinon, on prend beaucoup de

  9   temps ici. Excusez-moi. C'est vous qui voyez par rapport à votre

 10   stratégie, Maître Nobilo, je ne veux pas du tout vous forcer, mais là nous

 11   sommes vraiment dans beaucoup de détails.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous allons

 13   terminer en 45 minutes, mais il y avait quand même une rupture de

 14   communication entre Kiseljak et Busovaca. Je pense que c'est important.

 15   Nous n'allons pas nous répéter. Par conséquent, on ne va pas parler des

 16   routes asphaltées, des routes qui n'ont pas été asphaltées.

 17   Pouvait-on donc se rendre entre Kiseljak et Busovaca par les

 18   champs ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Non, parce que tout a été bloqué,

 20   bloqué du côté des deux armées. Par conséquent, toute l'enclave de

 21   Kiseljak a été encerclée, aussi bien d'un côté que de l'autre.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Vous voulez dire par l'armée de

 23   Bosnie-Herzégovine et par le HVO ?

 24   M. Pervan (interprétation). - Oui, le HVO d'un côté et l'armée

 25   de Bosnie-Herzégovine de l'autre.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Pouvons-nous citer un exemple, à

  2   titre d'illustration, pour montrer que les deux poches croates

  3   fonctionnaient séparément par rapport à Kiseljak et par rapport à Vitez ?

  4   Pouvez-vous nous dire quels étaient les prix des cigarettes et des vivres

  5   à Busovaca et à Kiseljak ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Je ne peux pas, bien évidemment,

  7   vous donner les réponses exactes, mais de toute façon il y avait des

  8   différences qui étaient très grandes. Par exemple, un paquet de vingt

  9   cigarettes à Kiseljak coûtait un deutsche mark alors qu'à Busovaca c'était

 10   100 mark. Un litre d'huile à Kiseljak coûtait un mark à deux mark alors

 11   qu'à Busovaca 70 mark à un ami, 100 mark à quelqu'un qui n'était pas un

 12   ami. Donc, je veux dire qu'il y avait des personnes qui véritablement, si

 13   elles pouvaient se rendre à Busovaca, auraient certainement donné 10 000

 14   Deutsche Mark pour gagner là-dessus.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Mais il n'y avait pas de telles

 16   personnes parce qu'elles ne pouvaient pas se rendre à Busovaca.

 17   M. Pervan (interprétation). - Non, absolument personne n'avait

 18   l'idée même de se rendre à Busovaca, tout le monde savait que c'était

 19   impossible.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire si à Kiseljak

 21   il y avait suffisamment de fusils, d'armes, d'obus et comment c'était à

 22   Busovaca et à Vitez ?

 23   M. Pervan (interprétation). – A ma connaissance, et pour autant

 24   que j'aie des informations, il y avait des armes à Kiseljak, alors qu'à

 25   Vitez et à Busovaca, il n'y en avait pratiquement pas ;


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez eu des

  2   explosifs ?

  3   M. Pervan (interprétation). – Non, on n'en avait pas, mais on en

  4   achetait ou bien en Bosnie-Herzégovine ou bien des Serbes.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Pour ce qui est des prêtres de

  6   Busovaca, comment avez-vous communiqué avec eux ?

  7   M. Pervan (interprétation). – C'est par la FORPRONU qu'ils

  8   m'envoyaient les lettres, l'argent. Moi, je répondais également et

  9   j'envoyais aussi du café et des cigarettes en passant par la FORPRONU.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez utilisé la

 11   station radio des amateurs ?

 12   M. Pervan (interprétation). – Oui, je le savais, mais ce sont

 13   les autres qui ont quand même pu m’aider de ce côté-là.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Et quel genre de conversation vous

 15   aviez eu par la station radio ?

 16   M. Pervan (interprétation). - Nous avons même été en contact

 17   avec les amateurs de radios aussi bien à Jepce, à Mostar, à Sarajevo et

 18   partout jusqu'à Belgrade.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de

 20   codages et de messages codés, de la personne qui avait été capable de

 21   décoder les messages ?

 22   M. Pervan (interprétation). – Oui, je me souviens parce qu'à

 23   plusieurs reprises, je me suis rendu dans ces locaux où il y avait

 24   Mijo Maso, Ivic, Joso Marjanovic et Mlle Progomet qui travaillait dans un

 25   centre qui était au centre ville où je buvais du café. Ce sont eux qui


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  1   envoyaient des messages par le code, par exemple "2ACC8" ; c'était, par

  2   exemple, le code qui pouvait être déchiffré, décodé très facilement et les

  3   soldats musulmans par la suite ont profité.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que Tihomir Blaskic

  5   assistait à l'enterrement de Mate Lucic après le 10 avril, parce qu'il

  6   avait été tué auparavant. Comment est-il arrivé ?

  7   M. Pervan (interprétation). - Il est arrivé dans un transporteur

  8   blindé accompagné par la FORPRONU.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Il est arrivé jusqu'au cimetière ?

 10   M. Pervan (interprétation). - Non, il est arrivé jusqu'à la

 11   maison des parents et ensuite, c'est par le transporteur blindé qu'il est

 12   allé au cimetière. Après, depuis le cimetière, il est allé à Busovaca ou

 13   Bilalovac, je ne peux pas vous dire exactement.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Après l'enterrement de Mate Lucic,

 15   après le 10 avril 1993 et jusqu'à la fin de la guerre en 1994, avez-vous

 16   entendu dire que Blaskic s'était rendu à Kiseljak ?

 17   M. Pervan (interprétation). - Après l'enterrement de Mate Lucic,

 18   quand il était pour la dernière fois à Kiseljak, M. Blaskic ne s'est

 19   jamais rendu à Kiseljak jusqu'au cessez-le-feu jusqu'en 1994, je n'ai

 20   jamais entendu parler de cela et je ne l'ai jamais vu.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez enterré le père du

 22   colonel Blaskic, n'est-ce pas ? C'était après l'enterrement de Mate Lucic,

 23   par conséquent, le deuxième semestre de 1993. Est-ce que vous pouvez me

 24   dire si Blaskic, à cette époque-là, s'était rendu à l'enterrement ? Est-ce

 25   que vous pensez que lui se serait rendu à l'enterrement ?


Page 14031

  1   M. Pervan (interprétation). – M. Blaskic n'est pas venu à

  2   l'enterrement de son propre père. C'est moi qui avais enterré son père.

  3   S'il avait pu s'y rendre, certainement il y serait venu. Bien évidemment,

  4   je pense qu'il avait aimé plus son père que sa mère.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que, pendant l'enterrement,

  6   vous avez entendu des échanges de coup de feu ?

  7   M. Pervan (interprétation). – Oui, malheureusement à Kiseljak,

  8   chaque fois que l'on enterrait quelqu'un, il y avait des échanges de coups

  9   de feu et c'était depuis Visoko, il y avait des obus également qui

 10   tombaient.

 11   M. Nobilo (interprétation). – Pouvez-vous dire en quelques mots,

 12   s'ils vous plaît, aux juges, vous avez rencontré au cours de 1992 le

 13   colonel Blaskic et au début également de 1993. Pouvez-vous nous décrire

 14   M. Blaskic en sa qualité d'être humain, de soldat ?

 15   M. Pervan (interprétation). – Moi, j'ai connu pour la première

 16   fois M. Blaskic en 1992 ; je savais qu'il était commandant. Nous nous

 17   sommes rencontrés dans la rue à plusieurs reprises et il habitait le

 18   centre ville. Nous nous sommes rendus souvent également dans des cafés

 19   pour prendre une boisson. A cette époque-là, à Kiseljak, il n'y avait pas

 20   de guerre, il n'y avait pas de conflit. Il se rendait également à l'église

 21   pour les messes et il a laissé sûrement une impression de quelqu'un de

 22   très calme, de très sérieux, d'un homme intègre et honnête, quelqu'un qui

 23   tient aux principes, quelqu'un qui ne parle pas beaucoup, qui est très

 24   paisible, qui montre par les gestes ce qu'il pense, pas violent du tout.

 25   Par conséquent, un homme sur le plan psychique, sur le plan physique, un


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  1   homme honnête et intègre.

  2   M. Nobilo (interprétation). - A cette époque-là, bien

  3   évidemment, en Bosnie on a parlé des tensions entre les communautés

  4   ethniques différentes. Est-ce que vous pouvez me dire quelle était

  5   l'attitude de M. Blaskic vis-à-vis des communautés ethniques ? Il était

  6   extrémiste ? nationaliste ?

  7   M. Pervan (interprétation). - A l'époque où M. Blaskic était à

  8   Kiseljak, il n'y avait pas de conflit entre les deux communautés

  9   ethniques, entre les Musulmans et les Croates, la situation était

 10   totalement différente. Il y avait un conflit entre l'armée de la

 11   Republika Srpska, mais moi, à cette époque-là, je n'ai jamais entendu

 12   Blaskic prononcer des injures ou bien dire des choses qui n'auraient pas

 13   été correctes vis-à-vis des autres. Personnellement, je n'ai jamais

 14   entendu celaa de la bouche de M. Blaskic.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Au moment où il est venu à

 16   Kiseljak, il est venu en provenance d'Autriche. Vous savez qu'il a été à

 17   la JNA, vous savez qu'il est allé en Autriche et que les parents de son

 18   épouse se trouvaient en Autriche. Est-ce qu’il vous avait expliqué quelles

 19   étaient ses raisons pour venir d'Autriche ? Il a quand même quitté une vie

 20   paisible pour se rendre à Kiseljak. Quelles étaient ses raisons, quelles

 21   étaient ses intentions ?

 22   M. Pervan (interprétation). - On n'a pas beaucoup parlé. Je sais

 23   que Blaskic, bien évidemment, a terminé l'académie militaire, je sais

 24   qu'il était soldat et officier à la JNA, je sais qu’il s’est rendu compte

 25   également de ce qui allait se passer. Il a bien compris également que la


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  1   majorité de cadres, enfin d'effectifs à la JNA, avant la guerre, étaient

  2   des Serbes. Il avait pu comprendre également ce qui s'était passé avec la

  3   Slovénie, avec la Croatie. Il a compris également ce qui se préparait pour

  4   la Bosnie.

  5   C’est pour des raisons patriotiques qu'il s'est rendu à

  6   Kiseljak, car il savait très bien que les Musulmans et les Croates n'ont

  7   pas d'officiers qui sont formés. Il s'est rendu dans la région où il est

  8   né, où il a vécu. Il y avait un frère qui était là-bas. Et c’est pour des

  9   raisons patriotiques, absolument, qu'il s'est rendu à Kiseljak, pour nous

 10   aider, pour aider, pour que Kiseljak reste et que la Bosnie-Herzégovine

 11   reste telle quelle.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Qui était l'ennemi à cette époque-

 13   là, qui avait fait agression sur la Bosnie-Herzégovine au moment où il est

 14   arrivé ?

 15   M. Pervan (interprétation). - Au moment où M. Blaskic est arrivé

 16   à Kiseljak, c'est l'armée de la Republika Srpska qui avait fait une

 17   agression sur les Musulmans et sur les Croates.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai déjà

 19   parlé avec le conseil de la défense. Je vais vous proposer de passer à

 20   huis clos partiel, s'il vous plaît, et je vais donc vous expliquer

 21   pourquoi je le fais et je vous le demande.

 22   M. le Président. - Vous vous êtes mis d'accord avec le conseil

 23   de l'accusation, je suppose ; il y a eu une erreur de traduction.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 25   M. le Président. - D'accord pour le huis clos partiel.


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  1  

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 12   Pages 14034 – 14045 expurgées en audience à huis clos partiel

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  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé).

  8   (expurgé)

  9   M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

 10   Messieurs les Juges.

 11   Bien entendu, cela ne nous pose aucun problème. Nous repasserons

 12   en audience à huis clos partiel lorsque cela sera nécessaire.

 13   Pour ce qui est des pièces, Monsieur le Président, je n'ai pas

 14   d'objection au versement de ces dernières, sauf pour la pièce 423, il

 15   s'agit du document très volumineux qui contient une liste des

 16   bénéficiaires à des donations de Caritas. Je crois qu'elle fait au moins

 17   cent pages. Je voudrais pouvoir lire ce document, si cela est possible.

 18   M. le Président. - Personne ne vous empêche de lire cet abondant

 19   document, Maître Cayley. Vous préférez simplement conditionner votre

 20   acceptation à votre lecture ?

 21   M. Cayley (interprétation). - Oui. J'aimerais pouvoir lire ce

 22   document avant de me prononcer sur l'admission de cette pièce. Je ne pense

 23   pas avoir d'objection, mais je crois qu'il serait assez absurde d'accepter

 24   un document sans l'avoir lu auparavant. Pour ce qui est des autres

 25   documents, je n'ai pas d'objection.


Page 14047

  1   M. le Président. - C'est tout à fait à votre honneur, Maître

  2   Cayley. Donc vous lirez ce document et dans les jours qui viennent, vous

  3   n'oublierez pas simplement de nous en reparler, Maître Cayley, au cas où

  4   ma mémoire serait défaillante.

  5   M. Cayley (interprétation). - Oui, bien entendu, j'en

  6   reparlerai.

  7   M. le Président. - Moi, je ne le lirai pas comme vous

  8   aujourd'hui, je le lirai plus tard, au moment du délibéré. Donc quand vous

  9   voulez, vous nous en parlez.

 10   Nous repassons en audience publique.

 11   M. le Greffier. - Nous y sommes déjà.

 12   M. le Président. - Maître Cayley, c'est vous qui assurez le

 13   contre-interrogatoire.

 14   Père Pervan, vous allez donc recevoir les questions de

 15   l'accusation pour le contre-interrogatoire. Si vous voulez bien, Père,

 16   quand vous écoutez les questions, il est naturel que vous vous tourniez

 17   vers le Procureur, mais quand vous répondez, vous vous tournez vers les

 18   juges. D'accord ? Maître Cayley.

 19   M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 20   Bonjour Père Pervan, je m'appelle M. Cayley, ce sont mes

 21   collègues, Me Harmon et Me Kehoe, qui se trouvent à mes côtés. Je vous

 22   appellerai M. Pervan au cours de ce contre-interrogatoire. Je pense que

 23   ceci rendra le compte rendu plus clair et étant donné les raisons citées

 24   par le Président hier.

 25   Je voudrais tout d'abord aborder le rôle que vous jouiez dans


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  1   l'organisation caritative Caritas. Vous avez déclaré qu'en fait, c'étaient

  2   vos collègues qui se rendaient régulièrement à Rotilj, avec Caritas, pour

  3   y convoyer de l'aide humanitaire et que vous, vous n'y alliez pas si

  4   fréquemment, n'est-ce pas ?

  5   M. Pervan (interprétation). - Je n'allais pas fréquemment à

  6   Rotilj moi-même, mais j'y allais tous les sept ou dix jours quand même et

  7   nous distribuions la nourriture en fonction de l'arrivage de la

  8   nourriture, une fois par mois, ou plus souvent ou moins souvent, cela

  9   dépendait.

 10   M. Cayley (interprétation). - A quelle fréquence vos autres

 11   collègues, les autres membres de l'organisation Caritas, se rendaient-ils

 12   à Rotilj ?

 13   M. Pervan (interprétation). - Ils s'y rendaient selon les

 14   besoins et moi, parfois, j'y allais aussi en privé pour boire un café avec

 15   quelqu'un et aussi à chaque fois quand on me proposait d'aller leur rendre

 16   visite.

 17   M. Cayley (interprétation). - Après le conflit du 18 avril 1993,

 18   quand vous êtes-vous rendu à Rotilj pour la première fois ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Je suis allé à Rotilj au moment où

 20   Danijel Furman m'a demandé d'acheminer de la nourriture dans le village.

 21   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous me donner une date,

 22   plus ou moins ?

 23   M. Pervan (interprétation). - Je ne peux pas vous donner la date

 24   en ce moment, étant donné qu'à ce moment-là j'étais très perturbé,

 25   c'étaient les jours difficiles ; mais je sais tout à fait certainement


Page 14049

  1   qu'il s'agissait de la période du premier cessez-le-feu. C'était une

  2   accalmie avant l'orage.

  3   M. Cayley (interprétation). - Donc vous parlez du mois d'avril,

  4   n'est-ce pas, avril 1993 ?

  5   M. Pervan (interprétation). - Non, ce n'est pas possible, étant

  6   donné que je suis rentré à la maison le 7 mai.

  7   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, votre première

  8   visite à Rotilj a eu lieu en mai ou a-t-elle été ultérieure à la date du

  9   7 mai ?

 10   M. Pervan (interprétation). - Après le 7 mai, oui.

 11   M. Cayley (interprétation). - Et vous dites que vous vous êtes

 12   rendu régulièrement, tous les sept à dix jours, à Rotilj après cela,

 13   n'est-ce pas ?

 14   M. Pervan (interprétation). - C'est ce que j'ai dit et il faut

 15   que je complète cela. Je passais au-delà de cet obstacle, pratiquement

 16   tous les jours ou tous les deux jours j'allais voir le docteur qui me

 17   parlait de ces problèmes, des événements qu'elle vivait. Donc moi, je

 18   passais par cet obstacle, ce barrage tous les deux jours.

 19   M. Cayley (interprétation). - Vous dites donc maintenant que

 20   vous vous êtes rendu à Rotilj à partir du 7 mai tous les deux jours,

 21   n'est-ce pas ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Oui, mais je n'ai pas parlé avec

 23   les Musulmans. Je passais à côté du barrage qui se trouvait à l'entrée et

 24   avec eux, j'avais des discussions tous les sept jours ou tous les dix

 25   jours et à chaque fois quand ils venaient dans mon bureau, dans la


Page 14050

  1   paroisse ou bien à chaque fois quand ils m'invitaient à me rendre chez

  2   eux.

  3   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous demandé d'être escorté

  4   par des soldats du HVO lorsque vous vous êtes rendu à Rotilj ?

  5   M. Pervan (interprétation). - Jamais.

  6   M. Cayley (interprétation). - Vous avez donné aux juges une

  7   liste très longue de bénéficiaires des dons de Caritas. Cette liste

  8   indique le nom des individus et l'adresse de ces individus également.

  9   Avez-vous des notes ou des documents vous permettant de savoir

 10   la quantité d'aide humanitaire qui a été distribuée aux habitants de

 11   Rotilj en 1993 et aux autres villages musulmans également ?

 12   M. Pervan (interprétation). - La liste de l'organisation

 13   Caritas, nous la faisions ensemble, étant donné que, selon notre

 14   règlement, il n'était pas possible d'introduire les noms de personnes dans

 15   une liste selon leur groupe ethnique. Donc la liste suivait soit la

 16   logique de l'ordre alphabétique, soit selon les villages. D'après mes

 17   dossiers, toutes les personnes vivant à Rotilj ont reçu 80 kilogrammes de

 18   nourriture entre août 1993 et mars 1994.

 19   Puis, d'après les documents, il est écrit que l'on a inscrit

 20   chaque situation dans laquelle on donnait de la nourriture. C'est moi qui

 21   apportais cette nourriture en voiture à Rotilj.

 22   M. Cayley (interprétation). - Avez-vous des documents nous

 23   permettant de vérifier quelle était la quantité d'aliments et de biens

 24   distribués aux habitants de Rotilj ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Ce dont je viens de parler, je


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  1   pense que c'est la défense qui dispose des documents. Il faut les trouver.

  2   M. Cayley (interprétation). - L'aide humanitaire distribuée au

  3   village de Rotilj, à quelle fréquence était-elle distribuée aux

  4   habitants ?

  5   M. Pervan (interprétation). - L'aide humanitaire était acheminée

  6   à Rotilj, comme je l'ai dit, chaque fois lorsqu'on répartissait la

  7   nourriture à tout le monde. Donc, nous n'avons jamais fait exception par

  8   rapport à Rotilj en ce qui concerne la distribution de la nourriture.

  9   Il y a aussi l'exemple de la situation où uniquement les

 10   réfugiés de Rotilj recevaient de la nourriture, alors que la population

 11   locale n'en recevait pas. Chaque fois qu'on distribuait de la nourriture,

 12   on donnait de la nourriture également aux gens vivant à Rotilj.

 13   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous cependant être plus

 14   précis ? Cette nourriture était-elle distribuée tous les mois, toutes les

 15   six semaines, toutes les huit semaines ? Je parle de l'aide transmise et

 16   distribuée par l'organisation Caritas.

 17   M. Pervan (interprétation). - J'ai ici la liste où il est marqué

 18   quand la nourriture a été distribuée. Donc en 1993, il s'agissait des

 19   périodes entre le 18 et le 20 janvier. En février, il s'agissait de la

 20   période entre le 22 et le 26, en mars, c'était entre le 30 mars et le

 21   6 avril, en mai, c'était entre le 24 et le 31 mai, en juin c'était entre

 22   le 7 et le 17, au mois d'août, il n'y en avait pas, au mois de septembre

 23   entre le 6 et le 12, en octobre, il n'y en a pas eu. Ensuite, au mois de

 24   novembre, c'était à partir du 25 novembre jusqu'au 3 décembre.

 25   Et puis, il n'y a rien eu jusqu'en février 1994, donc cela


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  1   dépendait de notre situation à nous, de la question de savoir si nous

  2   disposions de la nourriture nous-mêmes ou pas.

  3   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, si l'on fait

  4   exception du mois d'octobre, la nourriture était distribuée tous les

  5   mois ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Non, ce n'est pas exact. Il faut

  7   voir précisément la situation concernant chaque mois. Vous pouvez me poser

  8   la question directe concernant un mois précis et je vais vous répondre.

  9   M. Cayley (interprétation). - Et bien, peut-être que pendant la

 10   pause Maître Nobilo pourrait me communiquer une copie de cette liste et

 11   nous pourrons ensuite en parler, parce que maintenant nous sommes en train

 12   de parler d'un document que je n'ai pas sous les yeux.

 13   M. le Président. - D'accord, Maître Nobilo ?

 14   M. Nobilo (interprétation). - Tout à fait. Nous avons voulu

 15   accélérer la procédure, c'est pour cela que nous n'avons pas voulu

 16   apporter tous les documents. Nous en avons beaucoup.

 17   M. le Président. – (hors micro) Nous devons interrompre

 18   aujourd'hui… j'ai toujours le tort de vouloir aller un peu trop vite dans

 19   une procédure qui est quand même très longue. Nous devons arrêter nos

 20   travaux à 5 heures. Préférez-vous que nous fassions une pause tout de

 21   suite, Maître Cayley pour vous permettre d'en prendre connaissance ? Sinon

 22   je pensais faire la pause dans cinq ou six minutes. Que préférez-vous ? Je

 23   ne décide plus rien, c'est vous qui décidez.

 24   M. Cayley (interprétation). – Eh bien, cinq ou six minutes me

 25   conviennent Monsieur le Président.


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  1   Monsieur Pervan, vous saviez qu'il y avait d'autres

  2   organisations qui distribuaient de l'aide humanitaire au village de Rotilj

  3   et, bien entendu, dans d'autres parties nombreuses de la Bosnie ?

  4   M. Pervan (interprétation). – Oui, je le savais, ils

  5   acheminaient cette nourriture en dehors de nos activités à nous. Je le

  6   savais et j'étais d'accord avec cela.

  7   M. Cayley (interprétation). – Et je pense que l'une de ces

  8   organisations étaient le HCR, n'est-ce pas ?

  9   M. Pervan (interprétation). - Oui.

 10   M. Cayley (interprétation). – Et je crois que, dans le village

 11   de Rotilj, se trouvaient également la FORPRONU, certains bureaux de la

 12   FORPRONU et des représentants de l'ECMM qui évaluaient la situation sur le

 13   terrain et dans le village de Rotilj également. En avez-vous le souvenir ?

 14   M. Pervan (interprétation). - Je pense que les personnes de la

 15   FORPRONU y étaient, les médecins sans frontières, les pharmaciens sans

 16   frontières et de nombreuses autres organisations, personne ne les

 17   empêchait, personne n'avait le droit de les empêcher d'aider les gens.

 18   M. Cayley (interprétation). – Vous souvenez-vous de la présence

 19   de représentants de l'ECMM dans le village de Rotilj ? Il s'agit de la

 20   mission d'observation et de contrôle de la communauté européenne.

 21   M. Pervan (interprétation). - Je n'étais pas sur place au moment

 22   où ils étaient là, mais je sais qu'ils étaient très souvent à Kiseljak.

 23   M. Cayley (interprétation). – Peut-être avez-vous eu des

 24   conversations avec certains de ces représentants au cours de 1993 ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Si j'ai parlé avec les personnes


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  1   de la FORPRONU et les observateurs et les autres personnes qui sont venues

  2   de l'extérieur -et je l'ai fait bel et bien- toutes ces discussions se

  3   sont déroulées chez moi, dans ma maison, dans ma chambre.

  4   M. Cayley (interprétation). – Vous avez dit en cours de votre

  5   interrogatoire principal qu'il y avait également l'organisation ou la

  6   fondation d'aide musulmane Mehamet. Vous souvenez-vous de cela ?

  7   M. Pervan (interprétation). - Je m'en souviens très bien.

  8   M. Cayley (interprétation). – Vous avez déclaré que cette

  9   organisation distribuait également de l'aide humanitaire à Kiseljak,

 10   n'est-ce pas ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Oui, au cours de 1992 jusqu'à ce

 12   qu'un conflit ait éclaté parmi eux et jusqu'à ce moment-là, nous avons

 13   travaillé ensemble avec eux. Et à l'époque, j'ai été ami, et je suis resté

 14   ami, avec Mijo Muzinovic* qui s'occupait de cela à l'époque, et je le vois

 15   encore aujourd'hui.

 16   M. Cayley (interprétation). – Quand l'organisation Mehamet a-t-

 17   elle cessé de fonctionner à Kiseljak ?

 18   M. Pervan (interprétation). – Je pense que peut-être c'était dès

 19   la fin 1992 et les activités ont cessé définitivement, au mois de janvier

 20   suite au conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO dans

 21   Klokoti, Kacuni et Bilalovac.

 22   M. Cayley (interprétation). -  Les Juges de cette Chambre ont

 23   entendu, au cours de la déposition d'un autre témoin, que les locaux de

 24   Merhamet à Kiseljak ont été pillés et incendiés. Avez-vous entendu parler

 25   de cela ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - J'ai été à Kiseljak à l'époque et

  2   ce que vous dites est vrai.

  3   M. Cayley (interprétation). - Et c'est le HVO, n'est-ce pas, qui

  4   était responsable de cet incident ?

  5   M. Pervan (interprétation). - Ceci a été fait par des personnes

  6   qui vivaient à Kiseljak, ces personnes sont des croates. Je n'ai pas vu

  7   les personnes elles-mêmes. Je suppose que c'étaient des membres du HVO,

  8   mais il s'agit d'un groupe restreint de personnes qui ont fait cette

  9   action à l'encontre des locaux du Merhamet. Il s'agit d'une action bien

 10   laide.

 11   M. Cayley (interprétation). - Peut-être pourrions-nous nous

 12   arrêter maintenant, Monsieur le Président, si vous le souhaitez.

 13   M. le Président (interprétation). - Nous allons reprendre nos

 14   travaux à 16 heures 15 jusqu'à 17 heures.

 15    (L'audience, suspendue à 15 heures 48, est reprise à

 16   16 heures 15.))

 17   M. le Président. - Reprenons. Introduisez l'accusé.

 18   Monsieur le Greffier, nous sommes très perturbés sur le plan des

 19   horaires. Je constate que l'horloge de la salle d'audience avance et que

 20   les horloges des bureaux du tribunal retardent. C'est bien compliqué tout

 21   cela.

 22   M. Dubuisson. - Je n'ai aucun commentaire à faire.

 23   M. le Président. - Vous êtes responsable de tout cela, mon cher.

 24   C'est vous là. Vous devez régler les horloges, le soir.

 25   M. Dubuisson. - Nous n'y manquerons pas. Lesquelles devons-nous


Page 14056

  1   régler ?

  2   M. le Président. - Toutes les horloges du tribunal.

  3   Maître Cayley, c'est à vous.

  4   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Pervan, avant la pause,

  5   nous parlions de la destruction de l'entrepôt de l'organisation musulmane

  6   de Merhamet. Vous souvenez-vous de ce passage de votre témoignage ?

  7   M. Pervan (interprétation). - Oui, j'ai dit que l'entrepôt a été

  8   incendié, détruit.

  9   M. Cayley (interprétation). - Vous rappelez-vous la date de

 10   cette destruction ? 1993 ? La date exacte ?

 11   M. Pervan (interprétation). - Je pense que ceci s'est produit au

 12   début du conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

 13   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, parle-t-on de

 14   janvier 1993 ou d'avril 1993 ?

 15   M. Pervan (interprétation). - Après avril 1993.

 16   M. Cayley (interprétation). - Merci. Lorsque cet entrepôt a été

 17   détruit, je suppose que cet événement a eu un impact très fort sur la

 18   population musulmane de Kiseljak.

 19   M. Pervan (interprétation). - Certainement, oui.

 20   M. Cayley (interprétation). - La population avait très peur,

 21   n'est-ce pas ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Je pense que oui.

 23   M. Cayley (interprétation). - Vous nous dites que certains

 24   membres du HVO ont été responsables de la destruction de cet entrepôt.

 25   Savez-vous si, oui ou non, une enquête a été menée pas la police sur cet


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  1   événement ?

  2   M. Pervan (interprétation). - Je n'en sais rien.

  3   M. Cayley (interprétation). - Savez-vous si une personne a été

  4   poursuivie pour avoir détruit cet entrepôt, une personne de la

  5   municipalité de Kiseljak par exemple ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Je ne le sais pas.

  7   M. Cayley (interprétation). - Vous avez parlé, il y a quelques

  8   instants, de votre rôle, à savoir de faire passer des convois à travers la

  9   Bosnie, en partance de Croatie et à destination de Kiseljak.

 10   M. Pervan (interprétation). - Oui, j'ai parlé de cela.

 11   M. Cayley (interprétation). - Combien de passages de convois

 12   avez-vous supervisés, convois qui allaient de Croatie en Bosnie ?

 13   M. Pervan (interprétation). - Je pense que j'ai surveillé au

 14   moins la moitié de ces passages de convois. Il faudrait que l'on regarde

 15   le document concernant la distribution de la nourriture et c'est sur la

 16   base de cette information-là que je pourrai constater quel est le nombre

 17   de ces convois.

 18   A partir de 1992, nous avons compté qu'entre cette période et la

 19   fin de la guerre, nous avons acheminé la nourriture à Kiseljak 211 fois,

 20   surtout au moment où il n'y a pas eu de conflit entre l'armée de Bosnie-

 21   Herzégovine et le HVO.

 22   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, vous avez

 23   participé à peu près à 200 passages de convois, convois qui acheminaient

 24   de la nourriture de Croatie vers Kiseljak ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Oui, il s'agissait de ce nombre-


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  1   là.

  2   M. Cayley (interprétation). - Et pendant combien de temps êtes-

  3   vous resté à l'extérieur de Kiseljak au cours du passage de ces convois ?

  4   Je suppose que vous alliez de Kiseljak en Croatie, puis de Croatie vers

  5   Kiseljak. Combien de temps ce genre de chose durait-elle ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Pendant la période sans conflit

  7   entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, ces convois partaient tôt

  8   le matin et rentraient le soir. La plupart de mes voyages s'effectuaient

  9   durant ces périodes-là. Entre le mois d'août 1993 et la fin du conflit, je

 10   suis parti beaucoup moins souvent, étant donné que moins de convois

 11   partaient. Donc durant cette période, durant les périodes de conflits, il

 12   y avait peut-être au moins quinze convois et moi, j'ai participé à sept.

 13   Notre voyage a été long, mais après nous avons raccourci notre

 14   voyage, nous passions par Stolac et nous passions trois jours dans les

 15   deux directions, aller-retour, sauf dans les situations dans le cas où

 16   nous n'avons pas payé la taxe à l'armée serbe et cette fois-ci, nous avons

 17   dû rester quinze jours. Cela s'est produit au mois de juillet. Sinon, il

 18   s'agissait d'une durée de trois jours maximum.

 19   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, entre avril 1993

 20   et janvier 1994, combien de convois, à votre avis, avez-vous supervisés,

 21   convois venant de Croatie et allant vers la Bosnie ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Comme je l'ai dit, à partir du

 23   mois d'août jusqu'à avril 1994, il y en a eu quinze au maximum, quinze à

 24   dix-sept. Moi, j'ai surveillé la moitié, donc disons à peu près huit

 25   convois.


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  1   M. Cayley (interprétation). - Et en moyenne, la durée

  2   d'acheminement de la nourriture durait environ trois jours, n'est-ce pas ?

  3   M. Pervan (interprétation). - Non, dix jours et onze nuits. Moi,

  4   j'ai passé 26 heures dans la prison de Bileca.

  5   Je dois dire aux Juges et à vous-même que moi, je n'ai pas

  6   participé à des convois commerciaux. Il s'agissait uniquement des convois

  7   humanitaires qui partaient pendant des périodes plus longues, alors que

  8   des convois commerciaux partaient plus souvent, mais moi je m'occupais

  9   uniquement des convois humanitaires.

 10   M. Cayley (interprétation). - Passons maintenant à un autre

 11   sujet, si vous le voulez bien. Savez-vous qu'en juillet 1993 le village de

 12   Rotilj s'est adressé à l'ECMM en signalant que le village était presque

 13   privé de toute nourriture ?

 14   M. Pervan (interprétation). - En ce qui concerne le rapport

 15   envoyé à l'ECMM, je n'en sais rien. Mais en juillet 93, nous ne

 16   distribuions de la nourriture à personne. Parfois nous pouvions seulement

 17   distribuer des vêtements à des personnes qui venaient à Kiseljak, et au

 18   début du mois de juillet, le 2, le 3 et le 5, nous avons eu des réfugiés

 19   de Fojnica qui sont arrivés, et même à eux nous n'avons pas distribué de

 20   nourriture, étant donné que nous n'en avions pas.

 21   M. Cayley (interprétation). - Vous souvenez-vous vous être

 22   entretenu personnellement avec des représentants de l'ECMM en août 93, et

 23   au cours de ces entretiens vous auriez déclaré que le HVO n'approuvait pas

 24   la distribution de nourriture par Caritas aux habitants de Rotilj ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Je ne me souviens pas de cette


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  1   date ni de cette journée-là. Je ne pense pas que c'est ce que j'ai dit,

  2   peut-être que la traduction n'a pas été bonne. Ce que j'ai dit, et c'est

  3   vrai, c'est que certaines personnes en uniforme, dont les fils par exemple

  4   ont été tués ou chassés, ces personnes-là étaient contre le fait que moi

  5   je distribuais de la nourriture à Rotilj. Moi j'ai entendu parler de ces

  6   reproches-là, mais j'ai continué à faire ce que j'avais fait malgré cela.

  7   Je n'ai jamais reçu quelque chose d'officiel, ni par écrit ni verbalement.

  8   Il ne m'a jamais été officiellement interdit de faire cela, mais je sais

  9   bien qu'il y a eu des personnes qui disaient qu'il ne fallait pas

 10   distribuer de la nourriture aux autres, mais nous, nous n'y prêtions pas

 11   attention.

 12   M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit plutôt qu'en fait en

 13   juillet 1993 vous n'avez pas distribué d'aide du tout à Rotilj, n'est-ce

 14   pas ? En fait, non, vous avez dit que vous n'avez distribué d'aide à

 15   personne, pour être plus précis. Est-ce bien exact ? Vous avez dit que

 16   vous n'avez pas fourni d'aide à qui que ce soit en juillet 1993. Vous

 17   souvenez- vous de cela ?

 18   M. Pervan (interprétation). - Je n'acheminais pas de convois

 19   jusqu'au mois d'août, c'est ce que je voulais dire, mais la nourriture

 20   dont nous disposions, nous la distribuions. Je ne vous ai pas bien

 21   compris, je pensais que vous parliez de convois entre Split et Kiseljak,

 22   c'est mon erreur, je vous ai mal compris.

 23   M. Cayley (interprétation). - Quelles étaient les quantités de

 24   nourriture disponibles en juillet 1993 et que Caritas pouvaient

 25   éventuellement distribuer ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - Veuillez poser la question de

  2   manière un peu plus précise, s'il vous plaît.

  3   M. Cayley (interprétation). - Caritas avait-elle de la

  4   nourriture à distribuer aux Musulmans qui se trouvaient à Rotikj en

  5   juillet 1993 ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Nous n'avons pas eu suffisamment

  7   de nourriture pour la distribuer, mais nous donnions tout ce que nous

  8   pouvions donner. Pendant ce mois-ci, nous avions surtout beaucoup de

  9   vêtements dont personne n'avait besoin, étant donné qu'il faisait très

 10   chaud, il faisait même extrêmement chaud. Donc, tout ce qu'on a eu, nous

 11   l'avons distribué.

 12   M. Cayley (interprétation). - Je voudrais faire passer une pièce

 13   qui malheureusement est en anglais, Monsieur Pervan. Je la lirai et le

 14   conseil pourra suivre sur la pièce.

 15   Monsieur l'huissier, pourriez-vous distribuer ce document s'il

 16   vous plaît.

 17   (L'huissier s'exécute.)

 18   C'est un rapport émanant de la mission d'observation et de

 19   contrôle de la communauté européenne datée du 27 août 1993. Je vais vous

 20   lire des paragraphes pertinents.

 21   M. Hayman (interprétation). - Peut-on attendre un instant, s'il

 22   vous plaît ?

 23   M. Dubuisson. – 540.

 24   M. Cayley (interprétation). – Je vais vous lire le paragraphe 4

 25   qui se trouve à la page 2 du document. C'est donc un rapport écrit par


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  1   Philip Sidos* et Oscar Milebown ?*. Pourrait-on placer ce document sur le

  2   rétroprojecteur, s'il vous plaît, afin que les interprètes puissent

  3   suivre.

  4   "Nous avons visité Rotilj où la situation reste la même. Nous

  5   nous sommes entretenus avec le directeur local de Caritas à Kiseljak, qui

  6   nous a dit que le principal problème était le manque de provisions qui ne

  7   nous arrivaient plus de Split depuis mars. Ils ont une liste des Musulmans

  8   de la zone de Kiseljak et ils distribuent de l'aide à ces Musulmans. Ils

  9   viennent de recevoir une autorisation officielle du maire du 14 août 1993

 10   parce que je pense que ceci est jugé comme étant un mauvaise action par

 11   certaines personnes."

 12   Monsieur Pervan, ce directeur local dont il est question dans ce

 13   rapport, est-ce vous ou une autre personne à Kiseljak ?

 14   M. Pervan (interprétation). – Ici, on mentionne le directeur de

 15   l'organisation Caritas du centre de recueil de Kiseljak, centre de

 16   regroupement. J'ai déjà dit que Kiseljak était le centre de regroupement

 17   où on rassemblait la nourriture avant de la distribuer. C'est

 18   M. Bozo Boric, qui est prêtre lui aussi, qui était le directeur de ce

 19   centre de collecte, et non pas moi.

 20   M. Cayley (interprétation). – Si cette personne, M. Josip Boro,

 21   le maire donc de Kiseljak n'a donné cette autorisation que le 14 août 1993

 22   pour la distribution de nourriture, comment, avant cette date, avez-vous

 23   pu opérer ? Comment avez-vous pu assurer la distribution de nourriture ?

 24   M. Pervan (interprétation). – Bozo Boric est un homme qui avait

 25   travaillé à Kiseljak. C'est une personne honnête qui critiquait souvent


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  1   les autorités à cause des incidents auxquels les Musulmans faisaient face,

  2   il voulait rendre cette situation officielle et il écrivait des lettres

  3   souvent.

  4   Moi-même, j'allais à Rotilj, je vous l'ai déjà dit, et lorsque

  5   la FORPRONU m'a dit qu'à cause du barrage, ils ne pouvaient pas s'y

  6   rendre, pendant la nuit, je n'ai pas demandé une autorisation et ceci

  7   n'est pas la première fois où je ne me suis pas adressé à la municipalité

  8   pour obtenir l'autorisation, étant donné que je me disais que l'Eglise est

  9   séparée de l'Etat et que je pensais que l'Eglise pouvait faire ce qu'elle

 10   voulait. Bozo souhaitait légaliser tout cela et je sais qu'il a fait

 11   beaucoup de choses personnellement pour aider certains Musulmans, par

 12   exemple, je connais l'exemple concret de la famille de Ago Ahmic.

 13   M. Cayley (interprétation). – Le maire dont il est question est

 14   Josip Boro, n'est-ce pas ?

 15   M. Pervan (interprétation). – Oui.

 16   M. Cayley (interprétation). – Et vous connaissez très bien cet

 17   homme, n'est-ce pas ?

 18   Je vais donc répéter ma question, mais en la précédant d'une

 19   question préliminaire : Etait il possible de distribuer la nourriture de

 20   Caritas sans obtenir au préalable l'autorisation de Josip Boro ?

 21   M. Pervan (interprétation). – Je n'ai jamais demandé ce genre de

 22   choses à Josip Boro.

 23   M. Cayley (interprétation). – Pourquoi, Père Bozo lui a-t-il

 24   demandé l'autorisation de distribuer de la nourriture dans le village de

 25   Rotilj le 14 août 1993 ?


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  1   M. Pervan (interprétation). - Je ne sais pas d'autres

  2   motivations que le fait que Bozo était un peu hostile à la fois envers

  3   Josip Boro et Ivica Rajic et, durant cette période, nous avons eu le

  4   problème d'entreposer la marchandise que nous recevions et Boric

  5   souhaitait avoir quelque chose par écrit là-dessus.

  6   M. Cayley (interprétation). – Josip Boro était le Président du

  7   HVO à Kiseljak n'est-ce pas ?

  8   M. Pervan (interprétation). – Josip Boro était le Président du

  9   HVO à Kiseljak, mais je pense qu'on ne s'adressait pas beaucoup à lui pour

 10   lui poser des questions. Je pense que c'est ce dont j'ai parlé lorsque je

 11   répondais aux dernières questions de Maître Nobilo.

 12   M. Cayley (interprétation). – Vous dites par conséquent que

 13   cette autorisation officielle n'avait aucun poids et aucune valeur ?

 14   M. Pervan (interprétation). - Je pense que cette autorisation a

 15   été obtenue lors de la réunion des autorités civiles et militaires et que

 16   Josip Boro l'a signée. Aucune activité ne se passait sans Josip Boro qui

 17   était à la tête de la municipalité, sans la présence du chef militaire et

 18   puis je ne sais pas très exactement de quelle autre personnalité, mais

 19   Josip Boro était toujours présent et important dans ces affaires.

 20   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, cette autorisation

 21   n'était possible que si les autorités militaires du HVO étaient également

 22   d'accord, n'est-ce pas ?

 23   M. Pervan (interprétation). - Je pense que, à la fois les

 24   autorités militaires et civiles devaient donner leur accord.

 25   M. Cayley (interprétation). - Alors, je vous demanderai pour la


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  1   dernière fois comment il était possible d'acheminer de la nourriture à

  2   Rotilj avant le 14 août 1993 sans en avoir obtenu l'autorisation auprès du

  3   HVO.

  4   M. Pervan (interprétation). - Moi-même j'ai pu les faire parce

  5   que je n'ai pas demandé cela. Je n'ai jamais demandé, y compris jusqu'à

  6   aujourd'hui, une autorisation pour mes activités humanitaires. Je n'ai

  7   jamais permis à aucun des soldats ni des responsables de la municipalité,

  8   je n'ai jamais permis à ces personnes-là de se rendre à l'entrepôt de

  9   Caritas pour voir ce que j'avais. Je n'ai jamais permis, ni à la police,

 10   ni à l'armée, ni à la municipalité de voir combien de marchandises on

 11   avait et à qui on la distribuait.

 12   M. Cayley (interprétation). - Alors pourquoi le Père Bozo a-t-

 13   il, quant à lui, demandé l'autorisation de pouvoir acheminer de la

 14   nourriture à Rotjil ?

 15   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, c'est la

 16   même question qui est posée et reposée plusieurs fois.

 17   M. Pervan (interprétation). - Du point de vue juridique,

 18   Bozo Boric n'était pas responsable pour le village de Rotilj, il n'aurait

 19   pas dû demander l'autorisation ni recevoir l'autorisation concernant le

 20   village de Rotilj ; il était le directeur du centre de collecte et à

 21   partir du centre de collecte, on acheminait la nourriture jusqu'au centre

 22   de paroisse, et c'est à partir de ce centre-là que la nourriture était

 23   distribuée. Je connais Bozo  Boric, c'est une personne honnête, mais il

 24   aime écrire et il a commis des erreurs.

 25   M. Cayley (interprétation). - Mais vous travailliez tous les


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  1   deux pour la même organisation dans la même ville, n'est-ce pas ?

  2   M. Pervan (interprétation). - Il s'agit de la même organisation

  3   et il se trouve que le centre de collecte se trouvait à Kiseliak, mais par

  4   hasard. Nous travaillions ensemble mais Bozo Boric était uniquement le

  5   directeur de ce centre-là ; il n'était pas le directeur de l'organisation

  6   de Caritas, de paroisses. Donc il n'était pas mon supérieur du tout. Donc,

  7   si jamais il fallait obtenir une autorisation, c'était moi qui aurait dû

  8   la demander, mais moi, je considérais qu'il ne fallait pas demander une

  9   telle autorisation.

 10   M. Cayley (interprétation). - Il y a quelques instants, vous

 11   avez dit que Bozo Boric... Excusez-moi, peut-être que je prononce assez

 12   mal son nom... bref, que Bozo Boric a exprimé un certain nombre de

 13   critiques à l'égard des autorités du HVO à Kiseljak. De quel type de

 14   critiques s'agissait-il ?

 15   M. Pervan (interprétation). - Il s'agissait certainement de

 16   critiques par rapport à ce qui s'est passé avec Merhamet et d'autres

 17   organisations et certaines personnalités. Moi-même, j'ai émis publiquement

 18   ce genre de critique. Ensuite, pendant plusieurs semaines j'ai parlé de ce

 19   genre de chose durant la messe et je peux vous prouver cela ici et

 20   maintenant par des documents. C'étaient des critiques à l'encontre de

 21   destructions, de pillages, d'appropriation de biens personnels, de

 22   meurtres. Moi-même, chaque semaine, j'émettais ce genre de critiques et je

 23   peux vous prouver cela ici.

 24   M. Cayley (interprétation). - Vous avez également parlé du fait

 25   que des maisons ont été brûlées et que des Musulmans ont été assassinés,


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  1   n'est-ce pas ?

  2   M. Pervan (interprétation). - Oui, nos critiques concernaient

  3   les soldats, les individus du HVO, tous ceux qui commettaient les crimes

  4   et qui faisaient du mal dans notre paroisse à l'égard des Musulmans, mais

  5   également à l'égard d'autres personnes et notamment vis-à-vis des réfugiés

  6   de la même communauté ethnique.

  7   M. Cayley (interprétation). - Et qu'ont fait les autorités du

  8   HVO à Kiseljak lorsqu'elles ont entendu ces critiques à leur égard ?

  9   M. Pervan (interprétation). - Moi je n'ai pas écrit au HVO de

 10   Kiseljak ; j'avais adressé ces critiques publiquement depuis mon hôtel,

 11   l'église même pendant la messe. J'ai tout simplement pensé qu'il était

 12   bien que ceux qui l'avaient commis devaient l'entendre de leurs propres

 13   oreilles. Je sais que Josip Boro et Ivica Rajic n'ont pas ordonné de tels

 14   comportements. J'ai parlé aux parents, j'ai parlé aux frères, aux soeurs

 15   des personnes qui l'ont fait pour leur dire que c'était du mal, qu'il ne

 16   fallait pas commettre de tels actes de terreur, qu'il ne fallait pas

 17   piller, qu'il ne fallait pas s'enrichir, et je voulais tout simplement que

 18   cela vienne jusqu'à ceux qui avaient commis les crimes.

 19   M. Cayley (interprétation). - Le Père Boric a-t-il formulé ses

 20   plaintes devant les autorités du HVO eu égard aux pillages et aux

 21   incendies des maisons musulmanes ? Savez-vous qu'au cours de 1993, les

 22   femmes musulmanes de Rotilj se sont rendues à l'entrepôt de Caritas et

 23   qu'elles avaient l'autorisation de se saisir de différents éléments,

 24   nourriture entre autres ?

 25   M. Pervan (interprétation). - Je ne sais pas, je ne suis pas au


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  1   courant.

  2   M. Cayley (interprétation). - Selon lequel des femmes musulmanes

  3   avaient été frappées en chemin alors qu'elles se dirigeaient vers

  4   l'entrepôt de Caritas. Avez-vous entendu parler de ce type d'incident ?

  5   M. Pervan (interprétation). - Tout premièrement, je vais vous

  6   dire qu'effectivement, il y avait un certain nombre de femmes musulmanes

  7   qui se rendaient chez moi et qui s'adressaient à moi-même, à l'Eglise.

  8   Elles n'ont jamais demandé l'autorisation pour s'adresser à moi ou pour

  9   venir jusque chez moi. J'ai entendu effectivement qu'il y avait un certain

 10   nombre d'incidents qui se sont produits à Kiseljak ; j'ai également appris

 11   que des femmes ont été attaquées, des Musulmans hommes également.

 12   M. Cayley (interprétation). - Nous reviendrons à cette

 13   autorisation du HVO par la suite, mais pouvez-vous dire aux juges ce que

 14   vous avez entendu au sujet des personnes frappées dans la ville alors

 15   qu'elles allaient à l'entrepôt de Caritas ?

 16   M. Pervan (interprétation). - J'ai appris qu'il y avait de tels

 17   cas, qu'il y avait des cas où les Musulmans, soit les femmes, soit les

 18   hommes qui étaient partis vers Kiseljak, qu'il y avait un certain nombre

 19   d'incidents qui se sont produits, ça je l'ai appris, mais, une fois de

 20   plus, je le répète, je l'avais condamné publiquement et je peux même vous

 21   montrer ce que j'avais dit lors des messes.

 22   M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on soumettre la pièce

 23   suivante à l'ensemble des personnes qui se trouvent dans ce prétoire, s'il

 24   vous plaît Monsieur l'huissier ?

 25   (L'huissier s'exécute.)


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  1   M. Cayley (interprétation). - Pendant que ce document est

  2   distribué...

  3   M. Dubuisson. - C'est le document 541.

  4   M. Cayley (interprétation). - C'étaient les autorités du HVO qui

  5   fournissaient à Caritas son logement et ses locaux, n'est-ce pas ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Oui.

  7   M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous jeter un oeil au

  8   document qui se trouve devant vous, c'est un document signé par Josip Boro

  9   qui était Président du HVO, et pourriez-vous confirmer qu'il s'agit bien

 10   du document qui autorisait Caritas à occuper certains locaux de Kiseljak.

 11   M. Pervan (interprétation). - Je connais le document que j'ai

 12   sous les yeux. C'est Josip Boro qui avait délivré ce document au

 13   Père Bozo Boric. C'est lui-même ainsi que sa secrétaire qui se trouvaient

 14   dans ce local, mais ce document ne porte pas sur la paroisse dans laquelle

 15   je suis à Kiseljak.

 16   M. Cayley (interprétation). - Ce document a été transmis à

 17   quelle antenne de Caritas ?

 18   M. Pervan (interprétation). - C'est un document qui porte sur le

 19   centre de collecte à Kiseljak, c'est le numéro un, c'est le centre qui

 20   portait le numéro un, et c'est père Bozo Boric qui l'avait rédigé au nom

 21   de l'archevêché. Il s'agit, par conséquent, d'un centre de collecte pour

 22   toutes les paroisses. De tels centres de collecte existent à Kiseljak

 23   encore maintenant, à Tuzla également et dans toute autre paroisse, et le

 24   maire de la ville en question avait signé, le document porte sur les

 25   locaux qui sont occupés par le Père Bozo et sa secrétaire. Ils n'ont rien


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  1   à voir avec la société Caritas de Kiseljak, par conséquent avec ma

  2   paroisse.

  3   M. Cayley (interprétation). - Par conséquent, il y avait deux

  4   Caritas à Kiseljak, c'est bien ce que vous êtes en train de dire aux

  5   Juges, n'est-ce pas ?

  6   M. Pervan (interprétation). - Au sein de la municipalité de

  7   Kiseljak, il y avait les quatre Caritas, de la paroisse Vbrda*, de la

  8   paroisse Kiseljak, de la paroisse de Grominjak, de la paroisse de

  9   Brestosko. Toutes les trois société prenaient les vivres et l'aide de ce

 10   centre de collecte à partir du moment où le Père Bozo avait cessé d'y

 11   aller, c'est moi qui me suis approvisionné de ce centre et c'est moi qui

 12   me suis occupé des trois autres sociétés Caritas.

 13   Je vous ai dit que le centre de collecte était le centre qui

 14   nous a approvisionnés, et Bozo était le directeur de ce centre de

 15   collecte, alors qu'il n'avait strictement rien à voir avec la

 16   distribution. Il pouvait bien évidemment, en tant que directeur, donner de

 17   la nourriture, des vivres à un certain nombre de personnes.

 18   M. Cayley (interprétation). - Monsieur Pervan, pourriez-vous

 19   parler un peu plus lentement s'il vous plaît ?

 20   M. le Président - Je vous remercie.

 21   M. Cayley (interprétation). - Je ne comprends pas tout à fait

 22   quelle est votre position vis-à-vis de ce document. Suis-je en droit de

 23   dire qu'en fait ces locaux étaient un centre de collecte où les

 24   différentes antennes Caritas venaient chercher des biens et des aliments à

 25   partir de ce centre, et que c'est à partir de cet endroit que les


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  1   différents éléments (nourritures, vêtements, etc.) allaient être

  2   distribués ? Est-ce bien ceci ?

  3   M. Pervan (interprétation). - Non, ce n'est pas comme cela. Je

  4   vais essayer de répéter ou plutôt d'éclaircir ce que j'ai dit tout à

  5   l'heure. D'abord, il y a ce local. C'est une pièce de 5 sur 5 (24 mètres

  6   carrés au total) que Bozo avait occupée. C'est le Père Bozo qui avait reçu

  7   ce local, le 25 février 1993, au moment du cessez-le-feu. Le cessez-le-feu

  8   était encore en cours, il n'y avait pas de conflit entre l'armée de

  9   Bosnie-Herzégovine et les unités du HVO.

 10   Père Bozo pensait bien évidemment distribuer les vivres.

 11   Ensuite, la guerre s'est déclenchée. Père Bozo s'est rendu dans ce local,

 12   mais sinon il vivait normalement à Lepenica qui était sa paroisse. Ici,

 13   c'était un bureau. Il y avait quatre chaises, il y avait une machine à

 14   écrire et il y avait quelques tasses de café.

 15   M. Cayley (interprétation). - Je comprends, merci Monsieur

 16   Pervan. Au cours de votre conversation avec les habitants de Rotilj, vous

 17   ont-ils dit que le bétail du village avait été tué en avril ou bien qu'il

 18   avait été par la suite volé ? Vous ont-ils raconté cela ?

 19   M. Pervan (interprétation). - Oui, je l'ai appris.

 20   M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous donner plus de

 21   précisions aux Juges ?

 22   M. Pervan (interprétation). - Au moment où ce conflit s'est

 23   produit à Rotilj, moi je n'étais pas à Kiseljak. J'ai appris que des

 24   incidents se sont produits, qu'il y avait des conflits, j'ai appris

 25   également qu'il y avait un certain nombre de maisons qui avaient été


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  1   brûlées, un certain nombre de maisons incendiées, qu'il y avait le foin

  2   également qui était incendié. J'ai appris également que le bétail avait

  3   été touché. Cela, je l'ai appris, mais je n'y étais pas au moment où je

  4   suis retourné à Kiseljak. C'était au mois de mai. A Rotilj, le conflit

  5   s'était terminé. Il n'y avait plus de combats.

  6   M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

  7   passer à un autre domaine. Peut-être serait-il opportun de lever

  8   l'audience.

  9   M. le Président - Je vous rappelle que pour demain, nous

 10   siégeons le matin de 10 heures à 13 heures. Demain après-midi, nous

 11   reprendrons à 14 heures 30. Nous arrêterons vers 16 heures 45, je ne sais

 12   pas exactement, j'attends d'avoir le détail, puisque les Juges sont requis

 13   d'être dans une réunion, à l'occasion d'une visite qui nous est faite au

 14   Tribunal pénal international. Je rappelle qu'après-demain matin, nous

 15   n'avons pas audience, après-demain après midi, nous ne commencerons qu'à

 16   15 heures. Vendredi matin, nous procèderons comme d'habitude. La semaine

 17   prochaine, nous n'avons pas audience.

 18   (L'audience est levée à 16 heures 55.)

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