Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL  Affaire IT-95-14-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3  

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   Tihomir BLASKIC

  7          Lundi 14 décembre 1998

  8  

  9   L’audience est ouverte à 10 heures 35.

 10  

 11   M. le Président. - Veuillez-vous asseoir. Je salue d'abord les

 12   interprètes.

 13   L'Interprète française. - Bonjour, Monsieur le Président.

 14   M. le Président. - Je salue les conseils de l'accusation.

 15   Monsieur le Juge Shahabuddeen ?

 16   M. Shahabuddeen (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

 17   j'aimerais vous présenter à tous mes excuses les plus sincères pour mon

 18   retard ce matin. Je pense que j'ai été trompé par le rythme habituel de

 19   nos procédures du lundi. Merci beaucoup.

 20   M. le Président. - Merci beaucoup, Monsieur le Juge. Nous avons

 21   tous, de temps en temps, des contretemps. Et, bien entendu, il est normal

 22   que chacun prenne sa part des excuses, mais j'y suis particulièrement

 23   sensible, Monsieur le Juge.

 24   Nous allons reprendre le cours de nos travaux. Nous devons

 25   entendre, sur les bases


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  1   de la décision qui a été prise vendredi, le Pr Vladimir-Djuro Degan. C'est

  2   cela ?

  3   M. Hayman (interprétation). - Effectivement, Monsieur le

  4   Président.

  5   M. le Président. - Vous voudrez bien, et ce sera l'utilité de

  6   votre résumé, qui cette fois-ci est beaucoup plus circonstancié, faire en

  7   sorte, je pense que vous en avez parlé au Pr Degan, de vous reporter à ce

  8   qui dans la version française représente la page 2 des questions qui

  9   pourront lui être posées.

 10   Nous pouvons introduire le témoin.

 11   Nous sommes d'accord, Maître Hayman ?

 12   M. Hayman (interprétation). - (Signe affirmatif de la tête.)

 13   Oui, en effet, nous l'avons informé. Il a appliqué le scalpel à

 14   ses notes et procédé à toutes les expurgations nécessaires. Je crois qu'il

 15   a fait un travail très intéressant. Et si par hasard il commettait une

 16   erreur, je suis sûr que nous pourrions le ramener à d'autres dispositions.

 17   M. le Président. - Le Procureur est arrivé avec son scalpel lui

 18   aussi, et puis nous-mêmes nous avons notre propre scalpel, mais je pense

 19   que cela devrait bien se passer.

 20   Nous avons tous intérêt, et je le demande au Procureur, sur la

 21   base qui a été indiquée ici, à écouter le Pr Degan dans ce qu'il pourra

 22   nous dire sur les informations que la défense lui a demandé de nous

 23   apporter.

 24   Le Pr Degan arrive. 

 25   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)


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  1   M. Degan. - Bonjour, Monsieur le Président.

  2   M. le Président. - Je suis très sensible à ce salut matinal en

  3   français, merci beaucoup puisque donc vous entendez le français.

  4   Avant de vous asseoir vous allez dire votre nom, votre prénom,

  5   votre qualité et puis vous resterez encore debout deux secondes pour

  6   prêter serment, ensuite vous vous installerez.

  7   M. Degan. - Merci, Monsieur le Président. Je m'appelle Vladimir-

  8   Djuro Degan. Je viens de Zagreb. Je suis installé maintenant en Croatie.

  9   Je suis né à Bosanski Brod qui, depuis le Traité de Dayton, s'appelle

 10   Srmski Brod en Republika Srpska. Je suis professeur ; j'enseigne à la

 11   faculté de Droit de Rijeka. J'enseigne le Droit international public. Je

 12   dirige en même temps un institut à Zagreb, qui s'appelle l'Institut

 13   Adriatique qui s'occupe du Droit maritime et du Droit de la mer.

 14   M. le Président. - Merci. Vous allez rester debout pour prêter

 15   serment, si vous le voulez bien, devant le Tribunal Pénal International.

 16   M. Degan. - Je le ferai en anglais.

 17   M. le Président. - Nous vous écoutons.

 18   M. Degan (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 19   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 20   M. le Président. - Merci, Monsieur le Professeur. Vous pouvez à

 21   présent vous asseoir. Le Tribunal est très sensible à votre venue, à la

 22   demande de la défense.

 23   Dans le cadre du procès que le Procureur a intenté devant le

 24   Tribunal Pénal International, à l'encontre du colonel Blaskic, général

 25   maintenant, l'accusé, ici présent, à votre gauche, nous avons par une


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  1   décision, qui a été prise par le Tribunal, dans cette présente Chambre,

  2   vendredi, circonscrit votre communication pour la rendre, la focaliser sur

  3   les points factuels qui sont ceux du procès qui nous occupe, et non pas

  4   d'un point de vue strictement juridique, les Juges étant qualifiés pour

  5   aborder, traiter et résoudre les questions juridiques qui sont posées

  6   devant ce Tribunal.

  7   Si tout ceci vous a bien été expliqué, il convient maintenant,

  8   sans plus tarder, de donner la parole à Me Hayman.

  9   M. le Président - Il est 11 heures moins le quart, nous ferons

 10   une pause d'ici une heure, une heure et demi ; Maître Hayman, c'est à

 11   vous.

 12   M. Hayman (interprétation). - Merci, M. le Président. Bonjour,

 13   Professeur Degan.

 14   M. Degan (interprétation) - Bonjour, Monsieur.

 15   M. Hayman (interprétation). - J'aimerais que soient distribués

 16   des exemplaires du curriculum vitae du témoin, en français et en anglais,

 17   ces documents pourraient constituer des pièces à conviction, donc se voir

 18   affecter une cote avec des sous-éléments A et B.

 19   Le français pourrait être la version A, et l'anglais la version

 20   B.

 21   M. Dubuisson -  Tout à fait. Le document porte le numéro D.468,

 22   A pour la version anglaise, B pour la version anglaise.

 23   M. Hayman (interprétation). - Professeur, pendant que l'on

 24   distribue votre curriculum vitae, j'aimerais vous prier de bien vouloir

 25   parler un peu plus lentement que vous ne venez de le faire, qui est votre


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  1   rythme de parole naturel, et je vous demanderai de ménager des pauses

  2   entre les questions et réponses de façon à faciliter l'interprétation.

  3   Puis, j'aimerais prier M. l'huissier de bien vouloir déplacer légèrement

  4   le rétroprojecteur.

  5   Professeur, votre curriculum vitae vient d'être distribué.

  6   Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire qu'elle a été votre carrière,

  7   les postes universitaires que vous avez tenus.

  8   M. Degan (interprétation) - Aujourd'hui, j'enseigne le droit

  9   international à l'université de Rijeka et je dirige un institut qui

 10   s'occupe du Droit maritime et de la mer à Zagreb. Je ne sais pas si mes

 11   diplômes vous intéressent. Ils figurent tous par écrit dans mon curriculum

 12   vitae.

 13   M. Hayman (interprétation) - En quelques mots, pourriez-vous

 14   nous dire quels sont les diplômes que vous avez obtenus ?

 15   M. Degan (interprétation) - J'ai passé mon diplôme à

 16   l'université de Ljubljana, ma thèse de doctorat qui portait sur

 17   l'interprétation des traités, je l'ai présentée d'ailleurs, il y a

 18   quelques années, à La Haye.

 19   M. Hayman (interprétation) - Bienvenue à La Haye, une nouvelle

 20   fois.

 21   M. Degan (interprétation) - Merci. Plus tard, j'ai obtenu ce que

 22   l'on appelle "habilitation" dans le système allemand qui était pratiqué en

 23   Croatie à l'université de Zagreb, et j'ai également publié un ouvrage en

 24   français intitulé "L'équité et le droit international".

 25   Equité étant entendu dans un sens un peu différent de celui


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  1   qu'on accorde à ce mot en custom law, d'habitude.

  2   J'ai ensuite suivi les cours de La Haye en droit international,

  3   à onze reprises entre 1959 et 1971.

  4   J'ai été deux fois membre du Centre de recherche et d'étude, ici

  5   à l'académie de droit international de La Haye, dans la section française.

  6   J'ai publié un certain nombre d'articles en croate, en français et en

  7   anglais. L'année dernière, Clawer a publié ici mon livre important,

  8   intitulé "Source de droit international" paru en anglais.

  9   M. Hayman (interprétation). - Professeur, à la page 2 de votre

 10   curriculum vitae, sous l'intitulé "activités professionnelles autres que

 11   l'enseignement", il est indiqué que vous avez été membre d'un droit

 12   d'expert sur la succession des Etats et membre également d'une délégation

 13   qui a négocié les problèmes liés à la sécession d'un certain nombre

 14   d'Etats de l'ex-Yougoslavie.

 15   Pourriez-vous nous décrire votre travail dans ce sens ?

 16   M. Degan (interprétation). - Effectivement, au début de la

 17   conférence qui a démarré ici à La Haye, en 1991, j'ai été membre d'abord

 18   du groupe de travail sur les droits de l'homme et les droits des

 19   minorités, au titre de la délégation croate. Puis, plus tard, dans le

 20   cadre de la même conférence, nous avons démarré un processus de

 21   négociations qui n'a pas débouché de façon définitive d'ailleurs, dont le

 22   sujet était la succession des Etats.

 23   Ce groupe existe toujours, mais je dois vous dire que les

 24   problèmes liés à la succession des Etats, de ce point de vue, les

 25   problèmes posés par la Croatie, la Bosnie, la Macédoine, la Slovénie sont


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  1   les mêmes...

  2   M. Hayman (interprétation). - Vis-à-vis de l'ex-République ?

  3   M. Degan (interprétation). - Vis-à-vis de l'ex-République de

  4   Yougoslave qui prétend assurer la continuité et la succession de

  5   l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie qui a disparu.

  6   De ce point de vue, dans mon travail actuel, qui est un travail

  7   d'expert, il n'y a aucune différence entre mon travail et les points de

  8   vue et opinions défendus par la République de Bosnie-Herzégovine.

  9   M. Hayman (interprétation). - Merci. J'aimerais également vous

 10   interroger sur ce qui figure à la fin de votre curriculum vitae, où il est

 11   stipulé que vous avez reçu deux décorations. Pourriez-vous décrire cela à

 12   l'intention des Juges ?

 13   M. Degan (interprétation). - Je me suis vu décerner par le

 14   gouvernement français pour mon enseignement du droit international en

 15   français, à l'université française de Nanterre, entre autres, également

 16   pour les conférences que j'ai données en anglais et en français dans un

 17   centre universitaire destiné aux étudiants de troisième cycle de

 18   Dubrovnik, j'ai donc reçu ces décorations.

 19   Je me flatte du fait que le gouvernement français m'a récompensé

 20   également pour mon enseignement du droit international en langue

 21   française. Cela étant, il ne s'agissait peut-être que d'un signe de

 22   courtoisie.

 23   M. Hayman (interprétation). - Merci. La défense vous a demandé

 24   de venir ici, et nous vous remercions de l'avoir fait, pour parler au

 25   Tribunal d'un sujet bien précis, à savoir les anciennes relations d'Etat à


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  1   Etat, entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine dans la période pertinente

  2   pour ce procès.

  3   Nous vous demandons de parler de la façon dont ces relations

  4   influent ou n'influent pas sur l'existence ou la non-existence d'un

  5   conflit international armé en Bosnie centrale au moment où le général

  6   Blaskic, l'accusé dans ce procès, était commandant de la zone

  7   opérationnelle.

  8   Pourriez-vous, je vous prie, dire aux Juges ce que vous avez

  9   préparé sur ce sujet ?

 10   M. Degan (interprétation). - Merci beaucoup. Eh bien, j'ai

 11   commencé à lire en anglais, mais je dois dire que je viens d'être victime

 12   d'un accident, mon bras est cassé. J'ai vécu cet accident à Zagreb et j'ai

 13   été soigné ici, à La Haye. Donc, je ne peux prendre aucune note à la main.

 14   Mais je pense que cela ne me gênera pas dans mon travail ici, aujourd'hui.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le problème dont je

 16   m'apprête à parler est les relations d'Etat à Etat entre la Croatie et la

 17   Bosnie-Herzégovine, ainsi que les conséquences de ces relations,

 18   s'agissant de savoir si le général Blaskic peut être accusé d'avoir commis

 19   des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, et notamment à

 20   leur article 2, en vertu de l'article 2, pardon, du Statut de ce Tribunal.

 21   Dans cette partie de son acte d'accusation, le Procureur allègue

 22   que dans la période située entre mai 1992 et janvier 1994, il existait un

 23   conflit armé international dans la vallée de la Lasva entre la Bosnie-

 24   Herzégovine et la Croatie.

 25   Les quatre Conventions de Genève de 1949, hormis l'article


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  1   commun 3, s'appliquent aux conflits armés internationaux. Une Chambre

  2   d'appel de ce Tribunal a fait remarquer dans sa décision du

  3   2 octobre 1995...

  4   M. Harmon.(interprétation) - Excusez-moi, Monsieur le

  5   Professeur, excusez-moi, Professeur Degan. Monsieur le Président, la

  6   décision de la Chambre de première instance consistait à limiter le

  7   Pr Degan à une narration des faits. Il n'était donc pas prévu qu'il rende

  8   des commentaires sur des décisions de ce Tribunal. C'est la raison pour

  9   laquelle je fais objection à son témoignage en ce moment.

 10   M. le Président. - Professeur, la décision de la Chambre a été

 11   très nette. Nous n'attendons pas de vous que vous nous donniez une

 12   interprétation, ni des Conventions de Genève, ni que vous nous disiez si

 13   le général Blaskic peut être poursuivi, peut être coupable,

 14   responsable en vertu de l'acte d'accusation qui a été décrit. Ceci est la

 15   mission des Juges.

 16   Je crois qu'il faudrait bien rester sur l'intitulé de la

 17   question qui vous a été posée par, d'ailleurs, Me Hayman, c'est-à-dire :

 18   est-ce que les anciennes relations d'Etat à Etat ont eu une influence, à

 19   votre sens, sur l'existence d'un conflit armé international ?

 20   Votre opinion sur l'interprétation des Conventions de Genève,

 21   toute pertinente, et surtout avec le curriculum vitae que vous nous avez

 22   exposé, bien entendu est très importante, mais il se trouve que ce n'est

 23   pas ce que demande la Chambre. Le débat a eu lieu vendredi, nous avons

 24   bien circonscrit les questions qui doivent être abordées par vous.

 25   Vous êtes ici comme expert pour nous parler des relations d'Etat


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  1   à Etat, leur influence sur l'existence, à votre avis, d'un conflit armé

  2   international. Les Juges ensuite, sauront le moment venu, interpréter les

  3   articles pertinents des Conventions de Genève. Je vous remercie.

  4   M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, si j'ai

  5   induit le témoin en erreur, je le prie de m'excuser. J'ai cru comprendre

  6   que la décision du Tribunal, de vendredi, l'autorisait à introduire son

  7   sujet en dépeignant le cadre dans lequel s'inscrivaient les faits

  8   pertinents. Or ce cadre est nécessairement juridique.

  9   Je crois comprendre qu'en mentionnant le Tribunal ou la Chambre

 10   d'appel du Tribunal, le professeur a peut-être appuyé sur un bouton très

 11   chaud pour le Procureur, mais je crois comprendre également que le

 12   Tribunal a autorisé le témoin à nous décrire le cadre dans lequel il

 13   inscrira sa relation des faits.

 14   M. le Président. - Je ne voudrais  pas qu'il y ait un incident à

 15   chaque phrase, c'est pourquoi je me suis permis d'intervenir un peu

 16   longtemps. Si vous voulons éviter des interruptions trop fréquentes, que

 17   brièvement le témoin fasse son introduction juridique, mais que très vite

 18   il passe à ce qui lui est demandé.

 19   M. Hayman (interprétation). - Professeur, je vais donc vous

 20   prier d'agir comme

 21   cela vient de vous être demandé. Je sais qu'il est difficile de parler

 22   spontanément sur ce genre de sujet sans s'appuyer sur des notes écrites,

 23   mais je vous prierai, si vous le voulez bien, de respecter la décision de

 24   la Chambre.

 25   M. Degan (interprétation). – Je trouve dans une situation très


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  1   difficile car il y a quelques confusions dans l'interprétation de

  2   certaines portions des quatre Conventions de Genève qui ont donné lieu à

  3   des théories doctrinales. En fait, je souhaitais décrire mon avis qui est

  4   lié de façon très étroite aux faits relatifs au général Blaskic. Je peux

  5   m'abstenir de le faire, mais je crois que ce serait regrettable.

  6   Je me contenterai de dire, si cela est indispensable, que le

  7   cadre dans lequel se situaient les définitions d'un conflit armé, avant

  8   1949 et après 1949, a changé. Mais je crois qu'il serait intéressant de

  9   rentrer davantage dans le détail devant ce Tribunal. Je peux parler de ce

 10   que pense sur le sujet la Cour internationale de Justice.

 11   M. Hayman (interprétation). - Je crois que le Tribunal, monsieur

 12   le Professeur, vous a prié d'aborder brièvement le cadre juridique, sans

 13   perdre du vue le gros de vos commentaires qui, je crois, se concentrera

 14   sur les faits.

 15   M. Degan (interprétation). - Avec votre permission, j'aimerais

 16   citer l'affaire Tadic, eu égard à ce que stipulent les quatre Conventions

 17   de Genève. Il est dit dans les textes relatifs à l'affaire Tadic, je

 18   cite : "Dans l'état actuel de l'évolution du droit, l'article 2 du Statut

 19   ne s'applique qu'aux infractions commises dans le contexte des conflits

 20   armés internationaux".

 21   A mon avis, il ne peut en être autrement en tout cas en droit

 22   pénal. Les infractions graves des Conventions applicables aux conflits

 23   armés internationaux ne s'appliquent qu'à des conflits armés

 24   internationaux et ne peuvent s'appliquer à des conflits non-internationaux

 25   ou à des situations caractérisées par des troubles internes à un pays.


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  1   Par conséquent, si le Procureur ne parvient pas à prouver, dans

  2   le procès auquel nous participons, que dans la période critique et dans la

  3   région critique de Bosnie-Herzégovine

  4   un conflit armé international se déroulait entre cet Etat et la Croatie,

  5   mon commentaire consiste à dire que le général Blaskic ne peut être

  6   poursuivi que pour violation des lois ou coutumes de la guerre et pour

  7   crimes contre l'humanité et ce en raison du fait que les articles 3 et 5

  8   du Statut du Tribunal s'appliquent également aux conflits armés internes.

  9   Je ne sais pas si le Procureur est d'accord avec ce commentaire

 10   que je viens de formuler.

 11   Je vais donc poursuivre. J'aimerais maintenant présenter le

 12   cadre dans lequel je situerai ma déposition qui sera axée sur la relation

 13   des faits survenus dans les relations entre la Bosnie-Herzégovine et la

 14   Croatie dans la période située entre mai 1992 et février 1994.

 15   Avant la publication des Conventions de Genève sur le droit

 16   humanitaire de 1949, le droit international classique ne connaissait que

 17   trois types de conflits armés. Il s'agissait, premièrement, de la guerre,

 18   deuxièmement de la guerre civile et, troisièmement, de l'emploi de la

 19   force en dehors d'une guerre, c’est-à-dire dans le cadre de représailles

 20   armées, d'opérations d'autodéfense ou d'autres types d'interventions

 21   armées telles que le blocus pacifique de certaines parties de la côte d'un

 22   Etat étranger, etc.

 23   Les règles conventionnelles qui sont aujourd'hui en vigueur

 24   distinguent entre, premièrement, les conflits armés internationaux,

 25   deuxièmement les conflits armés qui ne sont pas de nature internationale,


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  1   que l'on appelle également conflits non internationaux ou conflits

  2   internes et, troisièmement, des situations de perturbations et de tensions

  3   internes qui ne constituent pas des conflits armés.

  4   Mais cette répartition, comme je l'ai déjà dit, ne permet pas

  5   d'échapper à certaines confusions doctrinales dont j'aimerais discuter

  6   ici. Eu égard aux critères permettant d'expliquer l'existence de ces trois

  7   situations différentes, il y a également un certain nombre de choses à

  8   dire. C'est l'article commun 2 des quatre Conventions de Genève qui

  9   stipule les critères permettant de définir l'existence d'un conflit armé

 10   international, à savoir toutes les situations de

 11   guerre déclarées dans lesquelles entrent les hautes parties contractantes,

 12   c'est-à-dire entre des Etats souverains. Donc ces Conventions s'appliquent

 13   également à tout autre conflit armé susceptible de survenir entre deux ou

 14   plus Etats dans le cas où l'état de guerre n'est pas reconnu dans l'un de

 15   ces Etats.

 16   C'est mon interprétation en tout cas, et je crois que cette

 17   interprétation pourrait avoir une certaine utilité dans ce procès auquel

 18   nous participons devant ce Tribunal.

 19   Une partie de l'article 2, dans le paragraphe 1 notamment des

 20   Conventions de Genève, de la IVe Convention de Genève, signifie a

 21   contrario qu'il n'y a pas de conflit armé international si l'ensemble des

 22   parties belligérantes nie l'existence d'un état de guerre. A cet égard, la

 23   plupart des écrits doctrinaux ne tiennent pas compte de cette distinction,

 24   sans doute au vu de la pratique courante après la Deuxième Guerre mondiale

 25   consistant à nier l'état de guerre.


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  1   La troisième situation, le troisième type de conflit armé

  2   international est décrit au paragraphe 2 de l'article 2 qui stipule ce qui

  3   suit, je cite : "La Convention s'applique à tous les cas d'occupation

  4   partielle ou totale du territoire d'une haute partie contractante, même

  5   lorsque l'occupation en question ne se heurte à aucune résistance", fin de

  6   citation.

  7   Sous l'incidence de l'évolution récente du droit international

  8   général, le paragraphe 46 de l'article 1 du Protocole de 1977 aux

  9   Conventions de Genève permet d'assimiler aux conflits armés des combats

 10   armés qui, par le passé, étaient considérés comme des guerres civiles. Il

 11   s'agit de conflits dans lesquels les gens se battent contre la domination

 12   coloniale et contre une occupation étrangère ou contre des racistes...

 13   M. Harmon.(interprétation) - Excusez-moi, Professeur Degan,

 14   excusez-moi, Monsieur le Président, excusez-moi, Monsieur le Juge

 15   Shahabuddeen. Mais, encore une fois, je dois rappeler la décision de cette

 16   Chambre, à savoir que le Pr Degan était censé venir ici pour parler de

 17   faits, alors qu'en ce moment il nous donne son interprétation et son point

 18   de vue sur un certain nombre d'articles des Conventions de Genève. Or,

 19   c'est précisément sur ce point,

 20   croyais-je, que portait la décision de la Chambre. C'est précisément ce

 21   que la Chambre souhaitait éviter. Les Juges sont tout à fait capables

 22   d'interpréter le droit contenu dans les Conventions de Genève, c'est

 23   d'ailleurs le mandat des Juges.

 24   Donc, Monsieur le Président, je demanderai, si vous voulez bien

 25   une nouvelle fois, au Pr Degan de s'en tenir aux faits.


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  1   M. le Président. - Oui, Monsieur le Professeur. Objection

  2   accordée. Je demande de vous en tenir aux faits. Pour cela, je vous

  3   demande, par l'intermédiaire du conseil de la défense, de vous reporter à

  4   la page, version française du sommaire qu'a fait Me Hayman sur votre

  5   déposition. Je vais le répéter, puisque semble-t-il il faut le répéter :

  6   la majeure partie de sa déposition portera sur le cadre théorique

  7   permettant de répondre à la question de savoir si, pendant la période

  8   incriminée, Croates et Musulmans se livraient ou non à un conflit armé

  9   international en Bosnie centrale.

 10   Votre question est très simple : y a-t-il ou y aura-t-il, à

 11   votre avis, conflit armé international ou non ?

 12   La deuxième question, c'est : il décrira les circonstances

 13   permettant de conclure à l'existence d'un conflit international, sous la

 14   Convention de Genève telle que celle décrite à l'article 2 commun.

 15   Rien ne vous empêche de nous donner votre interprétation mais,

 16   de grâce, faites-le très brièvement. Les Juges le noteront comme un

 17   élément à verser au dossier du présent procès.

 18   M. Degan (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

 19   vais maintenant aborder les faits, pour plaire à l'accusation.

 20   M. le Président. - Non, il ne s'agit pas de plaire à

 21   l'accusation, Monsieur le Professeur, ni de plaire aux Juges. Il s'agit de

 22   faire simplement ce que chacun doit faire dans cette enceinte. Il ne

 23   s'agit pas de faire plaisir aux uns ou aux autres, nous ne sommes pas là

 24   pour cela. Donc veuillez maintenant poursuivre dans le cadre... et je dois

 25   dire d'ailleurs que c'est l'une des dernières observations que nous


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  1   pourrons faire sur ce point, sinon nous devrons reformater, redéfinir le

  2   cadre de votre intervention. Alors, s'il vous plaît, veuillez poursuivre.

  3   M. Degan. - Merci, Monsieur le Président.

  4   M. le Président. - Poursuivez.

  5   M. Degan (interprétation). - En fait, ce qui s'est passé dans la

  6   vallée de la Lasva, entre janvier 1993 et janvier 1994, n'était pas d'une

  7   intensité suffisamment faible pour pouvoir mériter le qualificatif de

  8   trouble interne ou de tension interne dans le cadre d'une opposition au

  9   pouvoir central de l'Etat. Je parle bien là de la situation factuelle.

 10   Pour qu'un conflit armé international existe, il importe de

 11   prouver que l'une ou l'autre des parties au conflit, à savoir donc la

 12   Bosnie-Herzégovine ou la Croatie, a officiellement déclaré la guerre à

 13   l'autre, ou -à défaut- que l'une de ces deux entités a admis qu'il existe

 14   un état de guerre, ou -en dernière possibilité- qu'il y a eu occupation

 15   partielle d'une fraction du territoire bosniaque par l'armée croate dans

 16   le cadre des dispositions sur l'occupation qui sont toujours en vigueur.

 17   Celles-ci sont stipulées aux articles 42 à 56 du Règlement relatif aux

 18   lois ou coutumes de la guerre terrestre de 1907.

 19   Mais, si tel n'était pas le cas, il y a d'autres critères qu'il

 20   est possible d'évoquer pour justifier l'existence de conflits armés

 21   internationaux. J'aimerais en dire quelques mots ici.

 22   Je ferai simplement remarquer que le recours à la force,

 23   lorsqu'il n'est pas autorisé par le Conseil de Sécurité, ou donc un crime

 24   d'agression, peut se composer d'actes singuliers, d'actes ponctuels. Cela

 25   ne crée pas, dans ces conditions, nécessairement un état de guerre ou un


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  1   état de conflit armé international, parce qu'il ne s'agit pas d'un conflit

  2   armé continu. Des exemples de ce type peuvent être trouvés dans le

  3   bombardement américain du territoire libyen pour participation à des actes

  4   terroristes en 1986, décision prise à Berlin. Un autre exemple peut être

  5   cité, celui des missiles de croisière qui ont été envoyés contre les

  6   installations utilisées par des terroristes en Afghanistan et au Soudan en

  7   1998.

  8   Mais, indépendamment de la situation de la vallée de la Lasva,

  9   nous allons maintenant tenter de voir si, à quelque moment que ce soit,

 10   entre 1992 et 1995, il a existé un état de guerre, c'est-à-dire une

 11   situation objective de conflit armé international opposant la Croatie et

 12   la Bosnie-Herzégovine.

 13   J'ai déjà dit qu'aucun de ces deux Etats ne s'est déclaré la

 14   guerre ; ceci est un fait. Aucun de ces deux Etats n'a reconnu qu'il

 15   existait un état de guerre entre eux. Et j'ai dit également qu'il

 16   n'existait aucune preuve que l'armée de Croatie aurait maintenu sous son

 17   occupation une partie quelconque de la Bosnie-Herzégovine. Ce sont, là

 18   encore, des faits qui peuvent être qualifiés sur le plan juridique. A cet

 19   égard, la situation donc se distingue considérablement de celle vécue par

 20   la République fédérale de Yougoslavie.

 21   Le 20 juin 1992, la Bosnie-Herzégovine proclamait un état de

 22   guerre. Est identifiée la Serbie, le Monténégro, l'armée yougoslave et le

 23   Parti démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine comme étant les agresseurs.

 24   Sur la base de la pratique des Etats en temps de guerre, de nouveaux

 25   critères ont fait leur apparition pour justifier l'existence d'un état de


Page 15534

  1   guerre et c'est à ces critères que j'aimerais accorder quelques instants

  2   d'attention.

  3   Premier point, l'éclatement d'une guerre a un effet immédiat

  4   consistant à rompre les relations diplomatiques et consulaires entre les

  5   Etats belligérants. Rien de ce genre ne s'est produit entre la Croatie et

  6   la Bosnie. Les ambassades des deux Etats, à Zagreb et à Sarajevo

  7   respectivement, ont continué à exercer sans obstacle l'ensemble de leurs

  8   fonctions depuis l'établissement de relations diplomatiques entre les deux

  9   Etats, dans la dernière période de 1992.

 10   Et j'espère que l'accusation ne va pas m'interrompre maintenant.

 11   Je peux ici fournir un certain nombre de détails recueillis auprès du

 12   ministère des Affaires étrangères de Croatie.

 13   Après que les deux Etats se sont officiellement reconnus en tant

 14   qu'Etats indépendants, le 7 avril 1992, quelques jours plus tard, ils ont

 15   convenu, le 14 avril, que leurs missions diplomatiques et consulaires à

 16   l'étranger seraient de défendre les intérêts des citoyens de l'autre Etat

 17   parti si un seul de ces Etats possédait une mission dans le pays en

 18   question.

 19   En vertu du paragraphe 9 de l'accord d'amitié et de coopération,

 20   signé le 21 juillet 1992, le 25 juillet, donc le 25 juillet suivant la

 21   signature de cet accord, les deux Etats ont conclu un accord

 22   d'établissement de relations diplomatiques entre eux. Le 29 septembre, le

 23   Président Tudjman a accrédité M. Zdravko Sancevic comme premier

 24   ambassadeur croate à Sarajevo.

 25   Monsieur Sancevic a présenté ses lettres de créance à


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  1   M. Izetbegovic, à Sarajevo, le 17 novembre 1992. Madame Bisera Turkovic a

  2   été accréditée par la présidence de Bosnie-Herzégovine comme étant le

  3   premier ambassadeur de Bosnie-Herzégovine en Croatie. Elle a été

  4   accréditée le 19 janvier 1993. Elle a présenté sa lettre de créance au

  5   Président Tudjman le 25 mars suivant.

  6   Le 14 juin 1993, le Président Tudjman a rendu une visite

  7   officielle à Sarajevo, assiégée, dans une tentative destinée à mettre un

  8   terme au conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  9   Par conséquent, dans la période située entre janvier 1993 et

 10   janvier 1994, période pendant laquelle le général Blaskic est accusé

 11   d'avoir commis des infractions graves aux Conventions de Genève, la

 12   Croatie et la Bosnie-Herzégovine n'ont pas interrompu leurs relations

 13   diplomatiques. Dans cette période, ils ont établi et développé leurs

 14   relations diplomatiques.

 15   Cependant, en raison de la pratique de certains belligérants qui

 16   consiste à maintenir des relations diplomatiques, même au cours

 17   d'hostilité de grande envergure, comme l'ont fait la Chine et le Japon

 18   jusqu'au 1er février 1938, comme l'ont fait par exemple l'Union soviétique

 19   et le Japon au cours des hostilités survenues en Sibérie et en Mongolie à

 20   la mi-38 et pendant l'année 1939 ou comme l'ont fait, par exemple, l'Iran

 21   et l'Irak pendant toute la durée de la guerre qui les a opposés entre 1980

 22   et 1988, d'autres preuves de l'existence d'un conflit armé international

 23   ont bien sûr leur importance. Je vais maintenant en parler.

 24   Point B, l'éclatement de la guerre a eu des effets considérables

 25   sur des traités conclus entre les Etats belligérants. Aucun traité en


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  1   vigueur entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie n'a été suspendu ou

  2   abrogé, même au cours de la période d'hostilité entre le HVO et l'armée de

  3   Bosnie en Bosnie-Herzégovine.

  4   A cet égard, je souhaiterais ajouter qu'il existe maintenant des

  5   règles qui n'ont pas reçu l'accord de tous sur les effets des conflits

  6   internationaux et des traités multilatéraux et bilatéraux conclus entre

  7   parties belligérantes. Cette question importante se trouve à l'extérieur

  8   du domaine envisagé par la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des

  9   traités. J'en ai parlé d'ailleurs dans mon livre relatif aux sources du

 10   droit international, aux pages 465 à 469. Dans cet ouvrage, j'analyse une

 11   résolution qui a été adoptée en 1985 sur ce sujet par l'Institut du droit

 12   international.

 13   Cependant, d'après les pratiques qui sont appliquées entre les

 14   Etats, nous pouvons conclure les choses suivantes : tout d'abord

 15   l'éclatement d'une guerre annule tous les traités bilatéraux sur la

 16   coopération politique ou militaire, ou toutes les alliances conclues

 17   préalablement entre belligérants. A cet égard, je tiens à signaler

 18   qu'aucune partie au conflit n'a annulé l'accord sur l'amitié et la

 19   coopération qui a été conclu le 21 juillet 1992.

 20   D'autre part, en temps de guerre, chacun des belligérants peut

 21   suspendre l'application de traités commerciaux et autres à moins que le

 22   Conseil de sécurité des Nations Unies n'en décide autrement. Ceci porte

 23   sur tous les traités bilatéraux conclu entre les belligérants, mais ceci

 24   ne s'applique pas aux partis multilatéraux desquels les belligérants font

 25   partie.


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  1   A cet égard, j'ai analysé la situation et l'existence de traités

  2   bilatéraux entre les deux Etats concernés avant janvier 1993. Dans une

  3   liste fournie par le ministère des Affaires

  4   étrangères croate, outre les accords sur la représentation diplomatique à

  5   l'étranger, dont j'ai parlé précédemment, accord sur l'amitié et

  6   l'établissement de relations diplomatiques, je n'ai pu trouver qu'un seul

  7   protocole sur les deux gouvernements préalables à la proclamation

  8   d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

  9   Il s'agit du protocole du 27 février 1992 portant sur la

 10   coopération dans le cadre de problèmes posés par les réfugiés en Bosnie-

 11   Herzégovine, ou plutôt réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine et se

 12   trouvant en Croatie.

 13   Cela veut dire que dans la période tragique d'occupation serbe

 14   d'un tiers du territoire croate, le nombre de personnes déplacées croates

 15   étant extrêmement élevé, chaque personne provenant de son propre

 16   territoire occupé, il s'agit notamment de Vukovar et autres régions

 17   encore, la Croatie a continué à recevoir des réfugiés venant de Bosnie-

 18   Herzégovine.

 19   Ce type de rapports basés sur des traités bilatéraux se sont

 20   encore améliorés après l'accord cadre de Washington sur les relations

 21   confédérales du 18 mars 1994.

 22   Cependant, rien ne prouve que soit la Bosnie-Herzégovine soit la

 23   Croatie a annulé ou suspendu la mise en oeuvre d'un quelconque désaccord

 24   dont je viens de parler. Tous ces accords ont été appliqués dans ces

 25   circonstances, même après janvier 1993.


Page 15538

  1   Enfin, l'éclatement des hostilités permet l'application de

  2   traités bilatéraux et multilatéraux qui prévoient explicitement leur

  3   application au cours de conflits armés. Pendant que le Comité

  4   international de la Croix-Rouge déployait tous ses efforts pour conclure

  5   des accords ad hoc sur l'application des Conventions de Genève et des

  6   protocoles additionnels entre la Croatie, la RSFY et la JNA, l'été 1992,

  7   je n'ai aucune information qui me pousse à penser que ces Conventions ont

  8   été appliquées à un quelconque moment dans le cadre des rapports entre la

  9   Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

 10   Point C. L'éclatement des hostilités a eu des effets

 11   significatifs sur les citoyens ennemis se trouvant sur le territoire d'un

 12   autre Etat belligérant. L'un des tests objectifs

 13   permettant de déterminer s'il existe un conflit international se trouve à

 14   l'article 4.2 de la quatrième Convention de Genève de 1949, qui porte sur

 15   la protection de civils en temps de guerre. Avec la permission de

 16   l'accusation, je souhaiterais citer cet article :

 17   "Les ressortissants d'un Etat neutre qui se trouvent sur le

 18   territoire d'un Etat belligérant et les ressortissants d'un Etat

 19   cobelligérant, ne sont pas considérés comme des personnes protégées si

 20   l'Etat dont ils sont ressortissants a une représentation diplomatique

 21   normale dans l'Etat aux mains desquelles il se trouve".

 22   Le fait est qu'aucun citoyen de la Bosnie-Herzégovine disposant

 23   d'un passeport, que cette personne soit réfugiée ou résidante en Croatie,

 24   aucun citoyen ne tombait sous la protection de la quatrième Convention de

 25   Genève. Aucune de ces personnes n'a été traitée par les autorités croates


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  1   comme citoyen ennemi, aucune n'a été rapatriée de force en Bosnie-

  2   Herzégovine, ou n'a été internée ou placée ou assignée à résidence en

  3   Croatie. Au contraire, toutes ces personnes ont été traitées comme

  4   ressortissantes de l'Etat cobelligérant et elles ont été placées sous la

  5   protection de leur ambassade à Zagreb.

  6   Par conséquent, à ma connaissance, la même situation existait

  7   pour les citoyens croates qui se trouvaient dans les régions de Bosnie-

  8   Herzégovine placées sous le contrôle de son autorité centrale. Nous

  9   pouvons parler alors de Sarajevo qui était assiégée à l'époque. Ces

 10   personnes étaient protégées par leur ambassade qui se trouvait à Sarajevo.

 11   Point D. Enfin, l'éclatement des hostilités a eu des effets

 12   importants sur les rapports commerciaux, notamment existant entre les

 13   parties belligérantes. A cet égard, les dispositions se trouvant dans les

 14   traités de paix conclus en 1919 et 1947 respectivement ne nous aident pas

 15   beaucoup. En effet, elles parlent de relations tout à fait inégales sur

 16   ces différentes questions entre Etats victorieux et leurs ressortissants

 17   d'une part, et les Etats vaincus et leurs ressortissants d'autre part,

 18   dans les deux guerres mondiales.

 19   Cependant, la pratique des belligérants au cours de ces

 20   deux guerres nous éclaire

 21   davantage. D'après les différentes législations et les pratiques du

 22   Royaume Uni, de la France, des Etats Unis, mais également de l'Italie et

 23   de l'Allemagne, sur les rapports commerciaux avec une partie ennemie, nous

 24   pouvons tirer certaines conclusions.

 25   Chacune des parties belligérantes a le pouvoir, par sa loi, son


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  1   droit, d'interdire tout rapport commercial entre ses propres

  2   ressortissants et les ressortissants de la partie belligérante. On peut

  3   également interdire ce type de rapports entre entreprises publiques.

  4   En vertu de ces différentes lois et dans le cadre des deux

  5   guerres mondiales, pratiquement toutes les relations commerciales et tous

  6   les contrats passés entre personnes résidant dans leur propre pays et dans

  7   un pays ennemi, ou avec des personnes se trouvant dans des pays neutres,

  8   tous les paiements adressés à ces personnes et toutes les relations

  9   commerciales, toutes les communications entre les différentes parties

 10   belligérantes, ont été interrompus. Tous les contrats signés avant

 11   l'entrée en vigueur des lois ont été abrogés. Tous les nouveaux contrats

 12   ont été déclarés nuls et non avenus et la signature de tels contrats

 13   constituait des délits de nature pénale. Seuls les contrats portant sur

 14   des droits de propriété, lorsqu'il s'agissait par exemple d'hypothèques ou

 15   bien de contrats de location, n'ont pas été abrogés, mais ils ont été

 16   suspendus jusqu'à la signature de traités de paix.

 17   D'autre part, tous les Etats belligérants ont saisi les biens

 18   qui étaient en fait la propriété d'ennemis sur leur propre territoire et

 19   également sur le territoire occupé. Il s'agissait notamment de ressources

 20   financières, de munitions, de stocks différents, par exemple de

 21   marchandises transportées par les chemins de fer de l'Etat ennemi.

 22   Toutes ces procédures ont été considérées par toutes les parties

 23   belligérantes comme étant conformes au droit de la guerre, et ceci n'a pas

 24   été modifié, même après 1945.

 25   Dans les rapports entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine,


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  1   pendant toute la période venant jusqu'à la conclusion des accords de

  2   Dayton vers la fin de 1995, le contraire s'est produit, tout comme dans le

  3   cadre des rapports diplomatiques et dans le cadre des traités

  4   signés entre les deux Etats.

  5   Suite aux Résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité des

  6   Nations Unies -757 et 787 en 1992, et 820 en 1993- les rapports

  7   commerciaux, industriels, financiers et autres ont été interrompus ou ont

  8   été déclarés interdits en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, seulement avec

  9   la République fédérale de Yougoslavie et avec les territoires occupés par

 10   les Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Mais ceci était le devoir

 11   de tous les membres des Nations Unies, que ce soient les Etats-Unis, la

 12   France ou d'autres. Je ne dispose pas d'informations et je ne peux pas

 13   témoigner dans ce sens sur ces différentes questions.

 14   Mais le conseil de la défense m'a informé qu'il dispose de

 15   documents selon lesquels même les cargaisons d'armes et de munitions, en

 16   contravention avec l'embargo imposé par le Conseil de Sécurité sur la

 17   livraison d'armes, en vertu de la Résolution 713 prise en 1991, ont

 18   traversé le territoire de la Croatie pour arriver à l'armée de Bosnie-

 19   Herzégovine.

 20   De même, la plupart des cargaisons de nourriture, de vêtements

 21   et de médicaments qui n'étaient pas transportées par voie aérienne, sont

 22   allés jusqu'à Sarajevo et d'autres parties de Bosnie-Herzégovine non

 23   occupées en traversant le territoire croate.

 24   Il s'agirait sans doute d'un cas unique dans l'histoire de la

 25   guerre, si une partie belligérante à un conflit armée international aidait


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  1   son ennemi en lui livrant des armes et des munitions dans une quantité

  2   telle de celle que la Croatie a livrée à la Bosnie-Herzégovine.

  3   Outre les rapports d'Etat à Etat, et -d'après ce que j'ai

  4   compris- dans la période critique s'étalant de janvier 1993 à

  5   janvier 1994, dans la zone de responsabilité du général Blaskic, aucune

  6   unité de l'armée de Croatie ne pouvait pénétrer dans cette région parce

  7   qu'elle était totalement encerclée par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  8   Par conséquent, dans cette région et au cours de cette période

  9   au moins, il n'y avait pas de conflit international. Et, par conséquent,

 10   il ne peut être condamné pour violation grave des Conventions de Genève

 11   de 1949.

 12   Il est dit que certaines unités de l'armée de Croatie se

 13   trouvaient à l'extérieur de la vallée de la Lasva, dans d'autres régions

 14   de Bosnie-Herzégovine. Ces unités étaient constituées principalement de

 15   soldats venant à l'origine de Bosnie-Herzégovine, tout comme moi, et leur

 16   présence temporaire ne peut, à mon avis, être assimilée à une intervention

 17   armée continue d'un Etat étranger.

 18   Enfin, aucune preuve n'existe selon laquelle dans leur zone

 19   d'opération, ils exerçaient les compétences d'une puissance d'occupation.

 20   Par ces motifs, j'en suis arrivé aux conclusions suivantes et je vais vous

 21   les lire.

 22   Les rapports d'Etat à Etat indiquent fortement qu'il n'y avait

 23   pas d'état de guerre ou une situation objective de conflit armé

 24   international entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, en 1993 ou par la

 25   suite. Au contraire, de nombreux éléments prouvent que ces deux Etats


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  1   étaient alliés dans le conflit contre les forces serbes et que le conflit

  2   entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine était un conflit armé

  3   regrettable. Merci, Monsieur le Président.

  4   M. le Président. - Merci, Monsieur le professeur, je crois

  5   qu'après cette déposition, vous voulez sans doute poser des questions, je

  6   suppose, Maître Hayman.

  7   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

  8   plus de question. Je voudrais simplement demander le versement de la pièce

  9   de la défense  468, il s'agit du curriculum vitae du professeur.

 10   J'aimerais rassurer le professeur sur un point, il arrive parfois qu'une

 11   partie interrompe une autre partie, tout comme dans certains cercles

 12   universitaires ou diplomatiques, mais sachez que lorsqu'une partie formule

 13   une objection, ils ne font que respecter leurs obligations vis-à-vis de

 14   leur client.

 15   M. le Président. - Les Juges ne peuvent qu'adhérer à ce qui

 16   vient d'être dit. C'est le jeu procédural, le jeu judiciaire normal.

 17   Monsieur le Procureur, vous avez beaucoup de questions à poser ?

 18   Voulez-vous qu'on fasse la pause maintenant ?

 19   M. Hayman (interprétation). -  J'aimerais qu'on fasse la pause

 20   maintenant.

 21   M. le Président. - Pause de vingt minutes et nous reprendrons

 22   pour le contre-interrogatoire.

 23   L'audience, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 12 heures.

 24   M. le Président. - L'audience est reprise. Vous introduisez

 25   l'accusé, s'il vous plaît.


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  1   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

  2   Monsieur le Procureur, vous me permettrez, avec tout le respect

  3   que je vous dois, de focaliser votre contre-interrogatoire sur

  4   l'interrogatoire principal. Ne faites pas de droit, vous non plus, ne nous

  5   faites pas de consultation juridique.

  6   M. Harmon.(interprétation) - Oui, Merci beaucoup, Monsieur le

  7   Président, Monsieur le Juge Shahabuddeen. Bonjour, conseil de la défense,

  8   bonjour Professeur Degan. Je suis désolé de vous avoir interrompu au cours

  9   de votre interrogatoire principal mais, comme vous l'a dit le conseil

 10   parfois, un membre du Procureur doit remplir ses obligations. Je ne

 11   voulais absolument pas vous manquer de respect en faisant cela.

 12   Je serai bref. Je voudrai vous poser un certain nombre de

 13   questions sur votre témoignage. Vous avez déclaré notamment que le facteur

 14   vous ayant mené à la conclusion qu'il n'existait pas de conflit armé

 15   international en Bosnie centrale en 1992 et en 1993 était, qu'en fait, il

 16   n'y avait pas eu de déclaration officielle de guerre. Vous ai-je bien

 17   compris ?

 18   M. Degan (interprétation). - Monsieur le Président, je crois que

 19   la période importante se situe entre janvier 1993 et janvier 1994. J'ai

 20   exposé un grand nombre de points de droit et de faits me permettant de

 21   conclure qu'il n'y avait pas de conflit armé international. Dans les

 22   rapports d'Etat à Etat entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, en tant

 23   qu'Etats souverains et en tant que membres des Nations Unies, et dans la

 24   région plus particulièrement de la vallée de la Lasva, il n'y avait pas de

 25   conflit armé international parce qu'il n'y avait pas de soldats de l'armée


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  1   de Croatie présents sur les lieux.

  2   M. Harmon.(interprétation) - Vous n'avez pas compris ma

  3   question, Professeur. J'ai bien compris votre témoignage, n'est-ce pas ?

  4   Les facteurs que les Juges doivent considérer lorsqu'ils devront

  5   déterminer s'il y avait conflit armé international ou non étaient qu'il

  6   n'y avait pas eu de déclaration de guerre entre la Bosnie-Herzégovine et

  7   la République de Croatie. Vous ai-je bien compris ?

  8   M. Degan (interprétation). - Oui, mais ce n'est là qu'un seul

  9   des éléments.

 10   M. Harmon.(interprétation) - Eh bien, nous allons nous

 11   concentrer sur cet élément-là en particulier. Nous passerons aux autres

 12   plus tard. Vous nous avez donné certains exemples dans lesquels il n'y

 13   avait pas eu de déclaration officielle de guerre, mais qu'en fait un état

 14   de guerre existait bel et bien : par exemple, la situation entre le Japon

 15   et la Chine en 1938. Vous ai-je bien compris sur ce point ?

 16   M. Degan (interprétation). - Oui.

 17   M. Harmon.(interprétation) - Alors, ma question suivante est

 18   celle-ci : y avait-il un conflit armé international entre la RFY et la

 19   République de Croatie ? Votre micro, s'il vous plaît, Professeur.

 20   M. Degan (interprétation). - J'ai analysé cette question avec

 21   minutie, ce rapport entre la Croatie et la République fédérale de

 22   Yougoslavie. Sur la base de tous les éléments dont j'ai parlé ici, il

 23   s'agit là de ma conclusion, je suis parvenu à la conclusion suivante : il

 24   n'y avait pas de conflit armé international entre la Croatie et la

 25   République fédérale de Yougoslavie au vu de nombreux éléments que je


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  1   pourrais expliquer ici.

  2   M. Harmon.(interprétation) - Mais la Croatie a-t-elle jamais

  3   déclaré la guerre à la République fédérale de Yougoslavie ?

  4   M. Degan (interprétation). - Non.

  5   M. Harmon.(interprétation) -  Je pense que, donc, vous avez dit

  6   la chose suivante : l'absence d'une déclaration officielle de guerre entre

  7   deux Etats souverains ne permet pas de déterminer de façon définitive s'il

  8   y a conflit armé international ou pas. Il s'agit simplement d'un élément

  9   parmi d'autres.

 10   M. Degan (interprétation). - Oui, excusez-moi, je n'ai pas eu la

 11   possibilité de parler de tous les éléments figurant dans l'article 2

 12   commun aux Conventions de Genève de 1949. Je voulais le faire afin,

 13   justement, d'empêcher ce type d'objection et de discussion. Mais je

 14   pourrai le faire dès maintenant, si vous le souhaitez.

 15   M. Harmon.(interprétation) - Mais, Professeur, en cas d'absence

 16   de déclaration officielle de guerre -c'était peut-être le cas dans la

 17   période et dans la région qui nous intéressent-, à votre connaissance, y

 18   avait-il une reconnaissance d'affrontement, d'hostilité armée entre la

 19   République de Croatie et le gouvernement de Bosnie-Herzégovine au cours de

 20   la période qui nous intéresse ?

 21   M. Degan (interprétation). - Entre la Croatie et la République

 22   de Bosnie-Herzégovine ?

 23   M. Harmon.(interprétation) - Oui. Y avait-il une reconnaissance

 24   de l'existence d'hostilité armée au cours de la période concernée ?

 25   M. Degan (interprétation). - A ma connaissance, dans le cadre


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  1   des rapports d'Etat à Etat, je ne crois pas qu'il y avait une telle

  2   reconnaissance.

  3   M. Harmon.(interprétation) - Avec l'aide de l'huissier,

  4   j'aimerais vous soumettre le document suivant, plusieurs documents

  5   d'ailleurs, Professeur.

  6   M. Dubuisson. - Numéros 556 et 556 A pour la version anglaise.

  7   M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous consulter ces

  8   documents, s'il vous plaît, quelques instants ?

  9   M. le Président. - Voulez-vous un peu de temps, Monsieur le

 10   Professeur ? Le

 11   document est assez long. C'est le Président qui vous parle, Monsieur le

 12   Professeur.

 13   M. Degan (interprétation). - C'est une déclaration du

 14   gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, à l'issue d'une

 15   réunion tenue le 13 mai 1993, au cours de laquelle le gouvernement étudie

 16   la situation dans la région de Mostar et dans la région de la Bosnie

 17   centrale. Certaines de ces conclusions figurent dans ces documents.

 18   J'aimerais notamment attirer votre attention dans la version

 19   anglaise, sur la dernière page, dernier paragraphe de la deuxième page qui

 20   dit la chose suivante, je cite : "Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine

 21   réitère son voeu de développer toutes les relations de coopération avec la

 22   République de Croatie, sur la base d'une confiance et d'un respect mutuel.

 23   Cependant, à moins que les attaques ne cessent immédiatement, et que les

 24   unités de l'Etat de Croatie soient retirées immédiatement du territoire de

 25   la Bosnie-Herzégovine, le gouvernement de la République de Bosnie-


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  1   Herzégovine se verra dans l'obligation de se tourner vers la communauté

  2   internationale et de demander protection vis-à-vis de cette agression".

  3   Ma question est la suivante : Professeur Degan, saviez-vous

  4   qu'au cours de la période qui nous intéresse, en 1993, le gouvernement de

  5   la République de Bosnie-Herzégovine formulait une plainte sur une

  6   agression armée sur le territoire de la République de la Bosnie-

  7   Herzégovine, agression menée par des soldats de Croatie ? Avez-vous

  8   entendu parler de ce type de plainte ?

  9   M. Degan (interprétation). - Monsieur le Président, je voulais

 10   expliquer, dans la première version de ma déposition, qu'il y a certaines

 11   différences entre l'agression armée et le conflit armé international. J'ai

 12   mentionné dans ma déposition, ce matin, que des interventions ponctuelles

 13   menées par les Etats-Unis en Libye, et cette année en Afghanistan et au

 14   Soudan, n'ont pas dégénéré en conflit international. De tels actes qui

 15   peuvent constituer des actes d'agression peuvent effectivement devenir un

 16   conflit armé international et, si c'est le cas, alors toutes les

 17   dispositions des Conventions de Genève s'appliquent. Et les deux parties,

 18   mêmes les

 19   victimes d'agression, peuvent être coupables de crimes internationaux.

 20   Mais ce que vous venez de citer, Monsieur le Procureur, est

 21   peut-être une preuve d'une intervention armée illégale par la Croatie dans

 22   le cadre d'un conflit interne en Bosnie-Herzégovine, agression ou

 23   intervention qui n'était pas autorisé par le Conseil de sécurité des

 24   Nations Unies. Mais de nombreuses interventions armées illégales ne mènent

 25   pas nécessairement à un conflit armé international...


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  1   Je suis toujours d'avis qu'il y a eu un conflit armé interne en

  2   Bosnie-Herzégovine entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine. Peut-

  3   être disposez-vous d'éléments selon lesquels au cours de certaines

  4   périodes, donc de façon ponctuelle, certaines fractions de l'armée de

  5   Croatie se trouvaient sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ; mais

  6   ceci est loin de constituer un conflit armé international.

  7   Dans le passage que vous avez cité, et dans lequel il est dit

  8   que le gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine se verra

  9   contraint de se tourner vers la communauté internationale et de demander

 10   sa protection contre cette agression, il n'est pas question de conflit

 11   armé international.

 12   Ce document date... d'ailleurs je ne vois pas de date... Peut-

 13   être avez-vous la date, Monsieur le Procureur ? Ah, ce document est daté

 14   du 13 mai 1993.

 15   Les déclarations et lettres des représentants permanents de

 16   Bosnie-Herzégovine aux Nations Unies sont également des actes d'Etat. Je

 17   peux d'ailleurs vous citer une lettre portant la date du 21 avril 1993,

 18   rédigée par le représentant permanent de la Bosnie-Herzégovine et adressée

 19   au Président du Conseil de Sécurité ; donc en date du 21 avril 1993, comme

 20   je vous l'ai dit. Je peux vous citer ce document ou en tout cas certaines

 21   parties de ce document.

 22   M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, peut-être allons-nous

 23   passer à ce document un peu plus tard, je vous demande donc de le garder.

 24   M. Degan (interprétation). - Oui, vous occupez une situation

 25   privilégiée ici, je me


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  1   plierai à votre demande.

  2   M. le Président. - Je voudrais que ceci soit très au point, ici.

  3   Ceux qui occupent une position privilégiée, ce sont les Juges. Cela fait

  4   la deuxième fois que vous estimez qu'une des parties occupe une position

  5   privilégiée. Je rappelle, ici, que nous sommes dans une procédure

  6   spécifique, celle du Tribunal Pénal International où se pratiquent des

  7   emprunts à différentes procédures.

  8   Nous sommes le gardien d'un débat équitable, Monsieur le

  9   Professeur. Je n'ai pas interrompu le Procureur, mais je ne peux pas

 10   accepter de dire qu'il occupe une position privilégiée. Ce sont les Juges

 11   qui occupent une position privilégiée.

 12   M. Degan. - Je m'excuse, Monsieur le Président.

 13   Mais, si vous me le permettez, je voudrais citer quelques

 14   parties de cette lettre.

 15   M. le Président. - Alors allez-y, citez les parties de cette

 16   lettre, mais n'oubliez pas que vous devez répondre aux questions du

 17   Procureur. Ce n'est pas lui donner un privilège, il pose des questions,

 18   vous y répondez, et bien entendu vous y répondez dans le temps qui vous

 19   paraît devoir apporter à la densité de votre réponse ce qui est

 20   convenable, sans excès.

 21   Allez-y, citez les parties de votre document.

 22   M. Degan. - Merci, Monsieur le Président.

 23   M. le Président. - Poursuivez.

 24   M. Degan (interprétation). - Je cite : "Des rapports récents

 25   quant à l'existence d'un conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le


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  1   Conseil de défense croate ont été grandement exagérés, lorsqu'ils parlent

  2   de conflits ethniques entre Musulmans et Croates. Ces combats ne sont pas

  3   un conflit reposant sur des motivations ethniques, mais plutôt un conflit

  4   qui résulte de l'embargo sur les armes par la communauté internationale

  5   contre la Bosnie-Herzégovine, et de l'échec de la communauté

  6   internationale dans son devoir de fourniture d'aides humanitaires

  7   suffisantes à la population assiégée de Bosnie-Herzégovine et de Bosnie

  8   centrale. Cet embargo

  9   sur les armes refuse aux Musulmans et aux Croates des capacités de défense

 10   suffisantes au vu d'une attaque barbare de la part de la Serbie et du

 11   Monténégro. L'embargo sur les armes est le défaut de moyen de contrôle

 12   suffisant contre le contrôle exercé par un voisin.

 13   Si les deux armées avaient des capacités de défense suffisantes,

 14   et si la population de Bosnie centrale avait reçu une aide, en aide

 15   humanitaire, les conflits entre les dirigeants locaux ne se seraient

 16   jamais passés". Fin de citation.

 17   Je crois que cela répond à la question qui vient de m'être

 18   posée.

 19   M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous présenter un autre

 20   document. Ce document, Professeur Degan, est daté du 4 septembre 1993.

 21   Vous en aurez un exemple entre les mains.

 22   Professeur Degan, il s'agit donc d'un document en date du

 23   4 septembre 1993 qui émane d'un membre de la Présidence de Bosnie-

 24   Herzégovine et qui est adressé au commandement de la Bosnie-Herzégovine de

 25   la Forpronu, ainsi qu'au quartier général de la Forpronu pour l'ex-


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  1   Yougoslavie. Je pense qu'il vous faudra quelques instants pour lire ce

  2   document.

  3   (Le témoin s'exécute.)

  4   Professeur Degan, au vu de ma question précédente, je vous

  5   demande si ce document montre l'existence d'un conflit d'hostilité entre

  6   les deux pays. Dans cette lettre, l'auteur de la lettre, qui est membre de

  7   la Présidence de Bosnie-Herzégovine, décrit le fait que certaines villes

  8   de la Bosnie-Herzégovine ont été attaquées par les forces du HVO et les

  9   forces de l'armée croate, n'est-ce pas ? J'attire votre attention sur le

 10   deuxième paragraphe du texte.

 11   M. Degan (interprétation). - Puis-je formuler un commentaire ?

 12   M. Harmon (interprétation). - Je vous en prie.

 13   M. Degan (interprétation). - Ici encore, ce qui est mentionné

 14   c'est une agression interne et pas un conflit armé international. Ce

 15   document est daté du 4 septembre 1993.

 16   Monsieur le Président, avec votre permission, je pourrais citer

 17   un autre document qui n'émane pas de l'une des deux parties à ce conflit

 18   interne, mais émane du Président Thovald Stoltenberg et qui est daté du

 19   10 janvier 1994. Ce document a été rédigé suite à des pourparlers...

 20   M. le Président. - Excusez-moi, c'est une question de procédure.

 21   Maître Hayman, votre témoin cite des documents que les Juges n'ont pas.

 22   Vous comptez quand même les produire, car il y a quelque chose qui n'est

 23   pas très équitable. Le témoin fournit une réponse en forme de document,

 24   c'est son droit. Simplement, évidemment, c'est lui qui connaît ce qu'il y

 25   a dans ces documents, il en connaît le contexte et nous, nous ne


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  1   connaissons rien du tout.

  2   Alors je voudrais savoir comment la défense considère cet appel

  3   à des documents qui sont, semble-t-il, très intéressants pour la défense

  4   de l'accusé, mais que les Juges devraient avoir ? Quelle est votre

  5   opinion, Monsieur Hayman ?

  6   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin a

  7   fait référence à un très grand nombre de documents dans sa déposition, que

  8   nous n'avons pas produits. En fait, ce serait prolonger considérablement

  9   les débats de ce procès que d'inonder le Tribunal avec de tels documents.

 10   Le Procureur demande au témoin de dire ce qu'il pense quant au

 11   fait que ce qui est contenu dans ces documents pourrait prouver

 12   l'existence d'un conflit armé international. C'est donc une question

 13   empirique sur le contenu des documents et je crois que le témoin répond de

 14   façon tout à fait appropriée en produisant des documents empiriques de

 15   même nature et en parlant de leur contenu.

 16   Je n'ai pas vu les documents auxquels le témoin fait référence,

 17   mais je pense que cela fait partie de la nature de la déposition du

 18   témoin.

 19   M. le Président. - Pas d'objection, Monsieur le Procureur ?

 20   M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, il est

 21   possible que j'élève une

 22   objection à tel ou tel moment. Je pose une question au témoin, il ne

 23   répond pas à ma question mais fait référence à d'autres documents. Or,

 24   j'aimerais qu'il se concentre sur la question que je lui ai posée.

 25   M. le Président. - Je voudrais que vous vous concentriez sur la


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  1   réponse. Maintenant, si vous avez besoin de faire appel à un document,

  2   vous le direz, mais en y faisant simplement appel. Mais, d'abord, vous

  3   fournissez votre réponse, Monsieur le Professeur.

  4   M. Degan.(interprétation) -  - Merci, Monsieur le Président. Ma

  5   réponse est la suivante : dans le document que le Procureur a présenté à

  6   cette Chambre de première instance, il est fait mention, entre autres, je

  7   cite : "Pour mettre un terme à l'agression contre notre pays dans les plus

  8   brefs délais", fin de citation.

  9   Il est allégué que certaines régions de la Bosnie-Herzégovine

 10   dont la population était musulmane ont été attaquées par 5 000 membres de

 11   l'armée croates et des forces du HVO. Ce document émane d'une partie au

 12   conflit armé interne et, y compris si les données présentées ici sont

 13   exactes, elles ne permettraient à personne de prouver qu'il existait un

 14   conflit armé international entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Car

 15   si ces données étaient exactes, elles ne permettraient de prouver -je le

 16   répète- que l'existence d'un conflit interne par intervention des unités

 17   de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine.

 18   Par exemple, les Etats-Unis sont intervenus dans un grand nombre

 19   de pays étrangers. Il est fort probable que la majorité de ces

 20   interventions armées constituent des actes d'agression. Mais ces

 21   interventions n'ont pas débouché en conflits armés internationaux. Merci,

 22   voilà, c'est ma réponse, Monsieur le Président.

 23   M. Harmon.(interprétation) - Professeur Degan, outre ces

 24   exemples qui sont fournis, dans lesquels le gouvernement de Bosnie-

 25   Herzégovine indique que des hostilités ont éclaté entre les forces de la


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  1   République de Croatie et les forces du gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

  2   il y a également le fait que les Etats-Unis ont exigé le retrait des

  3   troupes croates

  4   du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je vous renvoie très précisément à

  5   la résolution 752 en date du 15 mai 1992, et à la résolution du Conseil de

  6   sécurité 787 qui dit à peu près la même chose. Avez-vous vu ces

  7   résolutions ?

  8   M. Degan (interprétation). - Je connaissais ces résolutions.

  9   Mais elles ont un rapport avec la période qui précède la période critique

 10   de la mise en accusation du général Blaskic.

 11   M. Harmon.(interprétation) - Donc vous êtes d'accord, n'est-ce

 12   pas, vous ne remettez pas en cause le fait que les Nations Unies, dans

 13   deux résolutions, ont exigé des forces armées de la Croatie de se retirer

 14   de la République de Bosnie-Herzégovine ?

 15   M. Degan (interprétation). - Monsieur le Procureur, je suis

 16   d'accord, il existe la résolution 787 du 16 novembre 1992. Mais elle porte

 17   peut-être, cette résolution, sur le crime du général Blaskic ; cependant,

 18   je n'en suis pas sûr.

 19   M. Harmon.(interprétation) - Permettez-moi de vous montrer, si

 20   vous le voulez bien, la pièce à conviction de l'accusation 406/95.

 21   M. le Président. - Si vous n'avez pas un nombre d'exemplaires

 22   suffisant dans les langues, vous la mettez, si vous le voulez bien, sur le

 23   rétroprojecteur pour que les Juges puissent en prendre connaissance, car

 24   nous ne l'avons pas.

 25   M. Harmon.(interprétation) - Professeur Degan, il s'agit d'une


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  1   lettre en date du 28 janvier 1994 qui émane du représentant permanent de

  2   la Bosnie-Herzégovine aux Nations Unies et qui est adressée au Président

  3   du Conseil de sécurité. Vous verrez en annexe, en page 2, un texte

  4   adjoint : dans cette annexe, vous trouverez une description de

  5   l'intervention militaire due aux forces armées de la République de Croatie

  6   contre la République souveraine et indépendante de Bosnie-Herzégovine.

  7   Vous constaterez, en lisant ce document, daté du

  8   28 janvier 1994, qu'il décrit les unités de la République de Croatie qui

  9   sont engagées dans des combats sur le territoire de la

 10   République de Bosnie-Herzégovine.

 11   Vous constaterez, monsieur, vous lirez le dernier paragraphe que

 12   je cite : "Nous exprimons notre profonde préoccupation quant à

 13   l'importance de l'intervention militaire par la République de Croatie en

 14   République de Bosnie-Herzégovine et demandons au Conseil de sécurité de

 15   condamner fermement ces activités et de prendre toutes les mesures

 16   nécessaires conformément aux dispositions du chapitre VII de la Charte des

 17   Nations Unies et aux dispositions de toutes  les résolutions pertinentes

 18   du Conseil de Sécurité et de l'Assemblée générale."

 19   Professeur Degan, vous avez cité l'exemple de l'intervention en

 20   Libye qui, je crois, constituait un bombardement unique. Puis, vous avez

 21   cité également l'exemple de l'Afghanistan qui a été attaquée par les

 22   Etats-Unis en vertu d'allégations portant sur l'existence de camps

 23   terroristes en Afghanistan. Là encore, il s'agissait d'un raid aérien

 24   unique. Puis, vous avez entre les mains trois documents que je vous a fait

 25   remettre. Le premier est en date du 13 mai 1993 et le dernier, c'est une


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  1   lettre datée du 28 janvier 1994.

  2   Vous avez vu deux résolutions des Nations Unies, les

  3   résolutions 752 et 787 qui traitent de la présence des troupes croates sur

  4   le territoire de Bosnie-Herzégovine. La question que je vous pose,

  5   Professeur Degan est la suivante : y a-t-il eu, par conséquent,

  6   reconnaissance de la part de l'Etat, donc de la Bosnie d'une part, et de

  7   la part des Nations Unies d'autre part, quant au fait que des hostilités

  8   avaient éclaté entre deux Etats souverains ?

  9   M. Degan (interprétation). – Non, Monsieur le Procureur. La

 10   lettre était une lettre émanant de l'une des deux parties. Peut-être

 11   quelques troupes de l'armée croate étaient-elles présentes, mais je me

 12   suis efforcé de prouver devant ce Tribunal qu'un élément nécessaire pour

 13   prouver l'existence d'un conflit armé international, la durée dans le

 14   temps et l'intensité de ce conflit.

 15   Avec votre permission, Monsieur le Président, j'aimerais à

 16   présent citer le rapport

 17   de M. Stoltenberg qui est daté du même moment à peu près.

 18   M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, peut-on

 19   avoir un exemplaire de ce rapport avant que le Professeur Degan ne le cite

 20   car cela me permettrait peut-être de poser au professeur des questions au

 21   sujet de ce rapport. Je suis désavantagé en ce moment.

 22   M. Degan (interprétation). – Très bien. J'ajouterai, si vous le

 23   permettez, Monsieur le Président, un commentaire. Puis-je le faire ?

 24   M. le Président. – Oui, vous pouvez le faire. Je rappelle que

 25   les Juges n'ont pas, eux non plus, ce rapport et qu'ils désireraient


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  1   l'avoir. Peut-être faudrait-il suspendre pour que toutes les parties aient

  2   ce rapport ?

  3   M. Degan (interprétation). – Monsieur le Président, le général

  4   Blaskic a été accusé d'infractions graves aux Conventions de Genève et ce

  5   dans une zone très restreinte qui est la zone qui relevait de sa

  6   responsabilité qui a été assiégée par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Les

  7   troupes de l'armée croate n'étaient pas présentes dans cette zone de

  8   responsabilité du général Blaskic.

  9   Accuser le général Blaskic des conséquences de la présence des

 10   troupes croates dans d'autres parties de la Bosnie-Herzégovine reviendrait

 11   à l'accuser du crime d'agression. Et M. Blaskic était dans un poste de

 12   commandement de niveau si peu élevé qu'il ne peut pas être considéré comme

 13   coupable. Merci.

 14   M. le Président. - Je vous rappellerai, et je ne voudrais pas le

 15   rappeler plusieurs fois, que vous n'êtes pas ici le défenseur de l'accusé.

 16   L'accusé a deux défenseurs. Ils plaideront, le moment venu, au vu des

 17   pièces et des preuves qui ont été présentées dans ce procès. Vous êtes un

 18   témoin de la défense, je vous demande de rester dans le cadre de votre

 19   témoignage de la défense. Je referme la parenthèse.

 20   Par contre, si vous vous appuyez d'une façon importante sur ce

 21   rapport de M. Stoltenberg, il reste que l'accusation ne l'a pas, semble-t-

 22   il la défense non plus et les Juges

 23   non plus. Donc nous souhaiterions avoir ce rapport.

 24   M. Degan (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Je

 25   vous prie, une nouvelle fois, de m'excuser.


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  1   M. le Président. - Pas du tout. Simplement, si vous vous appuyez

  2   sur ce rapport, pouvez-vous le communiquer à l'accusation, à moins que

  3   vous y renonciez ?

  4   M. Hayman (interprétation). - Peut-être peut-on placer le

  5   document sur le rétroprojecteur et en lire des passages que chacun d'entre

  6   nous verra, Monsieur le Président. Nous pourrons suivre ainsi.

  7   M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, j'aimerais

  8   tout de même recevoir un exemplaire de tout rapport qui sera susceptible

  9   d'être cité par le témoin.

 10   M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, je tiens

 11   simplement à faire remarquer qu'en de nombreuses occasions, au cours de ce

 12   procès, le Procureur ou moi-même d'ailleurs, avons posé des questions et

 13   cité un document en tant que source. Il ne s'en suit pas automatiquement

 14   qu'il nous faut suspendre l'audience, faire des photocopies et les

 15   distribuer à tout le monde. Cela ne me pose aucun problème de fournir ce

 16   document. Je ne l'ai pas vu, je ne sais pas exactement de quel document il

 17   s'agit.

 18   Le professeur possède des connaissances factuelles très

 19   importantes. Je propose que l'on place le document sur le rétroprojecteur

 20   et que chacun puisse lire.

 21   M. le Président. – On peut placer le document sur le

 22   rétroprojecteur, mais ce document sera fourni à l'accusation et figurera

 23   sur le dossier des Juges, sous une cote que voudra bien indiquer le

 24   greffier. Pour l'instant, nous poursuivons les débats.

 25   Je demanderai au professeur, qui parle fort bien la langue


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  1   française et l'entend très bien, de peut-être mettre ses écouteurs car il

  2   m'est apparu que parfois il n'arrivait pas à entendre mes interventions.

  3   Je tiens à mes interventions. C'est mon petit privilège. Si vous le voulez

  4   bien, mettez les écouteurs. Vous connaissez très bien le français, mais

  5   parfois vous n'arrivez pas tout à fait à m'écouter. Mais vous n'y pouvez

  6   rien. Si cela ne vous dérange pas, mettez les écouteurs, cela facilitera

  7   le travail de tout le monde.

  8   Nous reprenons le cours de l'audience. Ensuite, ce rapport sera

  9   fourni à l'accusation et figurera dans le dossier des Juges.

 10   Nous vous écoutons, monsieur le professeur. Voilà, je suis sûr

 11   que vous m'entendez encore mieux.

 12   M. Degan (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 13   M. le Président. - Allez-y. Merci.

 14   M. Degan (interprétation). - Ce rapport est donc un rapport

 15   émanant de M. Stoltenberg en date du 10 janvier 1994, suite aux

 16   pourparlers qui se sont tenus à Bonn entre les Présidents Izetbegovic et

 17   Tudjman. Je citerai les paragraphes 3 et 4, le paragraphe 4 étant le plus

 18   important.

 19   Au paragraphe 3, nous lisons ce qui suit : "Le Président

 20   Tudjman, dans son projet de traité portant sur les relations futures entre

 21   les Croates et les Musulmans, a avancé l'idée d'une Confédération qui

 22   pourrait être créée entre la République de Croatie et les parties

 23   musulmanes et croates de la Bosnie-Herzégovine.

 24   Toutefois, il souhaite voir les frontières définies entre les

 25   zones affectées aux Croates de Bosnie et aux Musulmans de Bosnie. Il


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  1   souhaite donc que ces frontières soient définies.

  2   Le Président Izetbegovic, par ailleurs, n'est pas favorable à la

  3   détermination de ces frontières, mais il souhaite obtenir un accord selon

  4   lequel les deux composantes seraient en possession d'environ 51 % du

  5   territoire de la Bosnie-Herzégovine.

  6   Les deux parties maintiennent leur position sur point."

  7   J'en arrive au quatrième paragraphe qui est très important car

  8   il porte directement sur les responsabilités du général Blaskic. Je cite :

  9   "En Bosnie centrale, le Président Izetbegovic aimerait, à

 10   l'évidence, qu'existent des poches croates telles Vitez, Busovaca,

 11   Kiseljak, Krecevo, Vares, Novi Travnik, Fojnica et Gornji Vakuf. Il

 12   aimerait les voir incluses dans la zone à majorité musulmane.

 13   Le Président Tudjman, quant à lui, n'est pas prêt à accepter

 14   cette concession. Le problème est dû, en partie, à l'existence d'une usine

 15   de munitions à Vitez et celle de trois usines de munitions à Novi Travnik,

 16   usines que les deux parties souhaiteraient posséder.

 17   Le Président Izetbegovic a formulé ouvertement sa détermination

 18   à combattre pour obtenir l'usine de Vitez, alors que le Président Tudjman

 19   a dit, avec la même fermeté, qu'il ne pourrait pas l'obtenir.

 20   Les deux parties savent que les offensives en Bosnie-

 21   Herzégovine, actuellement, sont directement liées à ce point."

 22   J'aurais voulu faire encore une citation, c'est le paragraphe 7

 23   qui se trouve en page 2 de ce rapport. Il s'agit en fait de la conclusion

 24   de ce rapport. Je cite :

 25   "Les Musulmans ayant remporté des victoires en Bosnie centrale,


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  1   sachant que les Serbes subissent le fardeau des sanctions, se montrent

  2   confiants quant à leurs possibilités à conquérir des territoires grâce à

  3   des actions militaires.

  4   Des indications proviennent de diverses capitales quant au faits

  5   que toutes les parties doivent coopérer pour rechercher un règlement

  6   négocié. Ces indications sont arrivées en même temps que celles du sommet

  7   de l'OTAN qui demandait une action militaire plus vigoureuse."

  8   Ces citations sont toutes favorables à l'innocence du général

  9   Blaskic, mais je ne poursuivrai pas plus longtemps dans la voie de ces

 10   commentaires.

 11   M. Harmon (interprétation). – Professeur Degan, pendant la

 12   guerre qui s'est déroulée en 1993, en Bosnie, vous êtes-vous jamais rendu

 13   à Bosnie ?

 14   M. Degan (interprétation). - Malheureusement, non. Mais si ma

 15   situation

 16   personnelle vous intéresse, je peux vous dire que ma mère habitait à

 17   Sarajevo. Elle est décédée en janvier 1995, alors que la ville était

 18   toujours assiégée. Je n'ai pas pu pénétrer dans la ville pour assister aux

 19   funérailles de ma mère. Elle est l'une des victimes d'une agression qui

 20   est partie des montagnes entourant la ville et qui était le fait de la

 21   partie serbe.

 22   J'ai vécu d'autres malheurs liés à ma soeur dont le seul fils

 23   est mort dans la bataille de Herzégovine. Je pense qu'il est préférable

 24   que je ne rentre pas dans les détails. Je dirai simplement que je suis

 25   retourné pour la première fois à Sarajevo, il y a 2 ans.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Professeur, savez-vous quel était

  2   l'importance de la présence des troupes croates en Bosnie-Herzégovine.

  3   M. Degan (interprétation). - Uniquement sur la base de

  4   documents.

  5   M. Harmon (interprétation). - Connaissez-vous l'étendue

  6   géographique de la pénétration de ces troupes sur le territoire de Bosnie-

  7   Herzégovine ?

  8   M. Degan (interprétation). - Je connais mieux certaines régions

  9   de Bosnie-Herzégovine que d'autres. Je connais exceptionnellement bien la

 10   région de la vallée de la Lasva où j'avais l'habitude de passer...  où

 11   j'ai passé mes vacances d'été en 1946-1947, c'est-à-dire avant la

 12   naissance du général Blaskic. Je connais bien également la vallée de la

 13   Neretva dans laquelle j'ai circulé en voiture.

 14   M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous donnez votre avis,

 15   aujourd'hui dans votre déposition, vous ne connaissez pas les faits. Vous

 16   ne savez pas combien de soldats de l'armée croate ont été déployés sur le

 17   territoire de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et vous ne savez pas non plus

 18   quelle a été la profondeur de leur pénétration, à partir du Nord, sur le

 19   territoire de Bosnie-Herzégovine ?

 20   M. Degan (interprétation). - Je ne peux que qualifier

 21   juridiquement la présence des troupes croates en Bosnie-Herzégovine. Ma

 22   conclusion consiste à dire qu'il ne s'agissait pas d'un conflit armé

 23   prolongé entre deux Etats, mais bien d'une intervention armée illégale qui

 24   ne

 25   bénéficiait pas de l'autorisation du Conseil de Sécurité des Nations


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  1   Unies.

  2   M. Harmon (interprétation). - Je continuerai à vous

  3   interroger... Vous avez également parlé dans votre déposition d'un certain

  4   nombre d'accords conclus entre la République de Croatie et la République

  5   de Bosnie-Herzégovine et vous avez cité notamment un accord d'amitié et de

  6   coopération.

  7   M. Degan (interprétation). - Oui.

  8   M. Harmon (interprétation). - Mais était-ce un traité ou un

  9   accord ? Car cela est différent sur la plan du droit international.

 10   M. Degan (interprétation). - Pour autant que je l'ai compris, il

 11   s'agissait d'un traité régi par la Convention de Vienne de 1969 sur le

 12   droit des traités.

 13   Du point de vue du droit international public, la différence

 14   n'est pas grande entre accord et traité. Bien que dans la pratique

 15   américaine, il existe effectivement certaines différences, mais pas dans

 16   la pratique du droit international public.

 17   M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu un exemplaire de cet

 18   accord d'amitié et de coopération ?

 19   M. Degan (interprétation). - Oui, je l'ai lu.

 20   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges quels

 21   autres traités existaient entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, en

 22   1993 ?

 23   M. Degan (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai cité

 24   tous les accords existants. J'en ai trouvé la liste au ministère des

 25   Affaires étrangères.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Dites-moi de quoi il s'agit ?

  2   Quels sont ces textes ?

  3   M. Degan (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. Les

  4   deux pays ont subi une agression de la part de la République fédérale de

  5   Yougoslavie. Les deux pays ont accédé à l'indépendance pendant cette

  6   période très malheureuse pour les deux pays. En raison du fait que les

  7   traités de l'Etat prédécesseur ne permettaient pas de régir les rapports

  8   liant les deux

  9   Etats successeurs, de nouveaux traités ont dû être conclus entre tous les

 10   Etats successeurs.

 11   Je cherche un instant, s'il vous plaît... Il existait des

 12   traités très peu nombreux avant le mois de janvier 1993.

 13   M. Degan (interprétation). - J'ai fait référence à l'accord

 14   conclu entre les gouvernements de Bosnie-Herzégovine et de Croatie avant

 15   la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine et avant la

 16   proclamation de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc, il est facile

 17   de se faire une idée de la nature réelle de cet accord. C'est un accord

 18   qui portait sur les réfugiés en Croatie. Excusez-moi, je ne trouve pas ce

 19   que je cherche ici.

 20   Un accord existait en date du 14 avril, selon lequel les

 21   missions diplomatiques et consulaires de la Croatie et de la Bosnie-

 22   Herzégovine à l'étranger se chargeaient de défendre les intérêts des

 23   ressortissants de l'autre Etat partie lorsqu'il n'existait une mission que

 24   de l'un des deux Etats parties sur le territoire de ce pays.

 25   Je sais personnellement que cet accord a été appliqué car, dans


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  1   la période concernée, il se trouve que j'ai participé à la conférence sur

  2   l'ex-Yougoslavie à Bruxelles, et les représentants de la Croatie et de la

  3   Bosnie-Herzégovine étaient en coopération très étroite dans cette ville.

  4   Et puis, ensuite est arrivé l'accord sur l'amitié et la

  5   coopération du 21 juillet 1992 et, après cet accord, l'accord du

  6   25 juillet portant sur l'instauration de relations diplomatiques entre les

  7   deux Etats.

  8   Pour autant que je le sache, jusqu'au mois de janvier 1993, il

  9   n'existait aucun autre traité bilatéral. Mais, pour qu'il existe

 10   effectivement un conflit armé international, ce qui importe c'est le sort

 11   qui a été réservé à ces traités bilatéraux dans une situation de conflit

 12   armé comparable à celle qui est survenue en Bosnie-Herzégovine. Aucune des

 13   deux parties n'a abrogé l'un quelconque de ces accords.

 14   M. Harmon.(interprétation) - Par conséquent, en réponse à ma

 15   question, vous

 16   dites qu'il y avait très peu d'accords de ce type, peut-être deux ou

 17   trois, au plus.

 18   M. Degan (interprétation). - Peut-être quatre ou cinq,

 19   probablement.

 20   M. Harmon.(interprétation) - Ou cinq, d'accord. Vous avez dit

 21   qu'au début des hostilités, des relations diplomatiques normales et leur

 22   maintien permettent d'évaluer si oui ou non il y a conflit armé

 23   international. Saviez-vous, Professeur Degan, qu'après l'établissement de

 24   l'ambassade de Bosnie-Herzégovine à Zagreb, que les fonds destinés à cette

 25   mission diplomatique ont été saisis, confisqués ?


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  1   M. Degan (interprétation). - Je ne savais pas, je ne sais pas.

  2   M. Harmon.(interprétation) - Mais la saisie de fonds destinés à

  3   une mission diplomatique, est-ce une démarche normale en Croatie ? Est-ce

  4   là la preuve que les rapports diplomatiques entre deux pays fonctionnent

  5   tout à fait normalement ?

  6   M. Degan (interprétation). - Eh bien, si tel est le cas,

  7   effectivement, ceci serait une violation ou une infraction à la Convention

  8   de Genève de 1961 sur les relations diplomatiques.

  9   Je ne sais pas si votre affirmation est correcte mais, même si

 10   un acte illégal de ce type était commis, et si cet acte était

 11   effectivement commis, ceci ne mènerait pas nécessairement à

 12   l'interruption, n'a pas entraîné la rupture des relations diplomatiques.

 13   M. Harmon.(interprétation) - Vous avez dit également que les

 14   citoyens de Bosnie-Herzégovine, les Musulmans qui ont trouvé refuge sur le

 15   territoire de la République de Croatie n'ont pas été rapatriés de force.

 16   M. Degan (interprétation). - J'ai dit qu'ils n'ont pas été

 17   rapatriés de force vers la Bosnie-Herzégovine. C'était là la pratique des

 18   parties belligérantes dans les deux guerres mondiales, ou dans la guerre

 19   entre la France et la Russie en 1870-1871. La plupart de ces réfugiés

 20   voulaient se rendre dans des Etats tiers. Mais ceci ne permet pas

 21   d'évaluer le caractère belligérant d'un Etat si l'Etat leur permet

 22   d'aller, par exemple, en Allemagne ou en Suisse.

 23   M. Harmon (interprétation). - Peuvent-ils être forcés de fuir

 24   vers un Etat tiers ? Je vous parle d'Etat, un Etat peut-il emmener de

 25   force une personne qui cherche refuge, par exemple -en l'espèce en tout


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  1   cas- dans la République de Croatie, dans un Etat tiers ?

  2   M. Degan (interprétation). - Mais vous parlez de 1992 ou 1993 ?

  3   Pensez-vous que cela s'est produit en 1992 ou en 1993 ?

  4   M. Harmon (interprétation). - En 1993.

  5   M. Degan (interprétation). - Eh bien, en 1993, il y avait un

  6   nombre très important de réfugiés et de personnes déplacées en Croatie. La

  7   situation était critique. La Croatie a reçu un certain soutien pour régler

  8   le problème des réfugiés, mais ils étaient trop nombreux. Peut-être

  9   qu'effectivement la situation que vous venez de décrire s'est produite. Ce

 10   n'était pas l'acte d'un Etat belligérant.

 11   M. Harmon (interprétation). - Par conséquent, êtes-vous en train

 12   de dire que la Croatie n'a pas rapatrié de Musulmans en Bosnie-Herzégovine

 13   en 1993 ?

 14   M. Degan (interprétation). - A ma connaissance, non.

 15   M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que la Croatie a

 16   également assuré l'approvisionnement d'armes vers la Bosnie-Herzégovine.

 17   Et vous avez dit aussi que ceci indiquait que les relations d'Etat à Etat

 18   étaient normales.

 19   Professeur, saviez-vous que lorsque la guerre entre Musulmans et

 20   Croates a commencé en Bosnie-Herzégovine, le gouvernement de la République

 21   de Croatie a cessé d'envoyer des armes aux forces musulmanes de Bosnie-

 22   Herzégovine ?

 23   M. Degan (interprétation). - Le conseil de la défense m'a dit

 24   que deux des témoins, qui vont comparaître après moi, vont parler de cela.

 25   Je ne suis pas à même de parler de cette question.

 


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  1   M. Harmon (interprétation). - Eh bien, je vais vous distribuer

  2   deux documents, si vous le voulez bien. Pendant qu'ils sont distribués,

  3   Monsieur le Président peut-être pourrions-

  4   nous passer à huis clos partiel pour l'examen de ces documents ?

  5   M. le Président. - Très bien. Vous savez qu'il est 12 heures 45,

  6   vous avez encore, je suppose, beaucoup de questions à poser ?

  7   M. Harmon (interprétation). - Sur ce document, Monsieur le

  8   Président, il me faudra quelques minutes seulement, mais je pense qu'il

  9   faudra que nous passions en audience à huis clos partiel.

 10   M. le Président. - Très bien, nous passons à huis clos partiel.

 11   L'audience se poursuit en huis clos partiel.

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  7   L'audience est suspendue à 13 heures.

  8   L'audience est reprise à 14 heures 35.

  9  

 10   M. le Président. - Monsieur le Greffier, faites introduire

 11   l'accusé, s'il vous plaît, et puis vous introduisez le témoin, le

 12   Pr Degan.

 13   (L'accusé est introduit dans le prétoire, le témoin également.)

 14   M. le Président. - Bonjour, monsieur le Professeur, vous êtes

 15   reposé ? Nous poursuivons le contre-interrogatoire.

 16   M. Harmon (interprétation). - Merci. Rebonjour, monsieur le

 17   Président, Monsieur le Juge Shahabuddeen, conseil de la défense,

 18   rebonjour, professeur Degan.

 19   M. Degan (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

 20   M. Harmon (interprétation). -  Au cours de votre déposition,

 21   vous avez déclaré, et je vous cite à partir du compte rendu, à propos du

 22   point A : "L'éclatement de la guerre a eu des effets immédiats, à savoir

 23   l'interruption des rapports diplomatiques entre Etats belligérants". Or,

 24   rien ne s'est produit de ce type entre la Bosnie-Herzégovine et la

 25   Croatie. En effet, les ambassades de la Croatie et de la Bosnie-


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  1   Herzégovine ont continué à mener leurs activités de façon tout à fait

  2   libre pendant doute la période, et ceci depuis l'établissement de

  3   relations diplomatiques à la fin de 1992.

  4   Je demanderai à l'huissier de vous faire passer ce document.

  5   (L'huissier s'exécute).

  6   M. le Dubuisson. - Document 559.

  7   M. Harmon (interprétation). - Professeur Degan, ce document est

  8   en fait constitué de deux textes. Il s'agit d'une communication émanant de

  9   l'ambassadeur de Bosnie-Herzégovine en Croatie adressée au Président de la

 10   présidence, M. Izetbegovic. Dans cette lettre, l'ambassadrice indique :

 11   "Veuillez trouver en annexe des informations relatives à la saisie de

 12   fonds destinés à l'ambassade, ce qui rend le fonctionnement de l'ambassade

 13   totalement impossible". Ce document porte la date du 7  juin 1994.

 14   La deuxième partie de ce document...

 15   M. Degan (interprétation). - … Avez-vous le texte en anglais,

 16   s'il vous plaît ?

 17   M. Harmon (interprétation). - J'ai une traduction, mais qui

 18   n'est pas officielle.

 19   M. Degan (interprétation). - Je vais consulter l'original dans

 20   ce cas là.

 21   M. le Président. - Vous avez des parties pertinentes à faire

 22   lire ? Les Juges apprécieraient d'en avoir la traduction, Monsieur le

 23   Procureur, mais après que le témoin en a pris connaissance.

 24   M. Harmon.(interprétation) - Peut-être pourrait-il être placé

 25   sur le rétroprojecteur afin que les interprètes puissent lire cette


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  1   deuxième page, celle-ci, Monsieur l'Huissier.

  2   (L'huissier s'exécute.)

  3   Les interprètes peuvent-ils lire ce document en français et en

  4   anglais ? Est-ce possible ?

  5   M. Dubuisson. - Maître, aux fins du compte rendu, il serait

  6   préférable qu'une personne dans la salle d'audience lise le document. Si

  7   possible, nous pourrions demander au témoin de lire.

  8   M. Harmon.(interprétation) - Je vais demander votre assistance,

  9   monsieur le Témoin.

 10   M. Degan (interprétation). - D'accord.

 11   M. Harmon.(interprétation) - Professeur, allez-y. Pourriez-vous

 12   lire ce document ? Les deux documents, d'ailleurs.

 13   M. Degan (interprétation). - Mais j'ai deux documents, deux

 14   textes. Mais je pense qu'il s'agit d'un seul et même document, n'est-ce

 15   pas ?

 16   M. Harmon.(interprétation) -  Oui. Je vous invite à lire la

 17   première partie de ce

 18   document, la première lettre.

 19   M. Degan (interprétation). - "Le Président de la Présidence,

 20   M. Alija Izetbegovic, le gouvernement de la République de Bosnie-

 21   Herzégovine, ministre des Affaires étrangères, M. Irfan Ljubljankic"...

 22   M. Harmon.(interprétation) - Excusez-moi, il faut qu'un autre

 23   document soit placé sur le rétroprojecteur, en tout cas la première page

 24   de ce document. Voilà, maintenant, s'il vous plaît, pourriez-vous donner

 25   lecture de ce document ?


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  1   M. Dubuisson. - Il faudrait rappeler également au témoin de lire

  2   un peu plus doucement pour les interprètes. Merci.

  3   M. Degan (interprétation). - Donc je lisais simplement le nom

  4   des personnes à qui ce document était dirigé. "Le Président de la

  5   Présidence, M. Alija Izetbegovic, le Président de la République de Bosnie-

  6   Herzégovine et au ministre des Affaires étrangères qui était à l'époque

  7   M. Irfan Ljubljankic". Je vais donc poursuivre la lecture dans la langue

  8   d'origine, en croate ou en bosniaque.

  9   "Nous vous envoyons en annexe l'information sur le gel du compte

 10   de l'ambassade. De cette manière-là, on rend impossibles les activités de

 11   l'ambassade." Le document est daté : "le 7 janvier 1994".

 12   "L'ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine, Zagreb.

 13   L'objet : l'explication de l'impossibilité de disposition des moyens du

 14   compte non résidant de l'ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine

 15   à Zagreb, à cause du fait que les moyens ont été bloqués en date du

 16   6 janvier 1994. En date du 6 janvier 1994, l'ambassade de la République de

 17   Bosnie-Herzégovine a été informée de la part de la banque de Zagreb, rue

 18   Savska 60, le service chargé des opérations avec les personnes à

 19   l'étranger, que le conseil des juristes de la banque susmentionnée a pris

 20   la décision sur le fait de bloquer les moyens du compte de non résidents

 21   de l'ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine à l'ordre de

 22   260 202 deutsche marks. La décision a été prise sur la base de la décision

 23   du tribunal économique de district de Zagreb, référence R-1 162/93 et en

 24   se référant à l'affaire n° 39387/93 dont la procédure n'a pas encore été

 25   menée à fin."


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  1   "Du point de vue économique, l'ambassade de la République de

  2   Bosnie-Herzégovine, à Zagreb n'est pas dans la possibilité de disposer de

  3   ces moyens se trouvant sur le compte ni avec les moyens provenant des

  4   recettes éventuelles, ce qui lui rend impossible de développer des

  5   activités sur le territoire de la République de Croatie. Il faut, en même

  6   temps, souligner le fait que les paiements en devises et en espèces sont

  7   contraires aux dispositions légales de la République de Croatie dans ce

  8   domaine, alors que les paiements en espèces dans la monnaie de la

  9   République de Croatie, le dinar croate, rend impossible à l'ambassade de

 10   Bosnie-Herzégovine de profiter en tant que représentation diplomatique des

 11   facilités fiscales et des exonérations fiscales auxquelles elle a droit.

 12   C'est la raison pour laquelle toutes les sociétés ont le devoir

 13   de compter, quand il s'agit des paiements en espèces, les impôts et dans

 14   un certain pourcentage, même quand il s'agit des marchandises qu'elles

 15   achètent.

 16   Par ailleurs, quand il n'est pas question d'exonérations

 17   impossibles, il serait fort difficile d'assurer le changement de monnaies

 18   étrangères en monnaie de la République de Croatie auprès des agences de

 19   change. C'est la comptabilité de l'ambassade de la République de Bosnie-

 20   Herzégovine à Zagreb en date du 7 janvier 1994".

 21   M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup pour votre aide,

 22   monsieur. J'aimerais maintenant vous poser quelques questions au sujet de

 23   ce document, après quoi nous entendrons vos commentaires.

 24   Tout d'abord, ce document semble prouver qu'il existait une

 25   décision d'un tribunal national ?


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  1   M. Degan (interprétation). - Oui.

  2   M. Harmon (interprétation). - Qui portait sur les actifs de

  3   l'ambassade de Bosnie, et les aliénait d'une certaine façon, n'est-ce

  4   pas ?

  5   M. Degan (interprétation). - Ce document prouve qu'une banque a

  6   gelé les fonds en violation manifeste de la convention de Vienne de 1961

  7   portant sur les relations diplomatiques. Ce n'est pas l'acte d'un Etat.

  8   Puis, je pourrai formuler un autre commentaire, celui-ci : cela s'est

  9   passé le 7 janvier 1994, à savoir à une date antérieure aux accords de

 10   Washington qui ont permis l'arrêt du conflit armé en Bosnie-Herzégovine.

 11   M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderai maintenant si

 12   vous étiez au courant, qu'en dépit de demandes répétées de la part du

 13   gouvernement croate à l'ambassade de Bosnie, que ces fonds sont demeurés

 14   gelés pendant au moins 6 mois ?

 15   M. Degan (interprétation). - Je ne vois pas cela inscrit dans ce

 16   texte.

 17   M. Harmon (interprétation). - Je vous fournis cette information

 18   et vous demande, eu égard à l'information que je vous ai fournie, si cet

 19   acte n'apparaît pas comme étant l'acte d'un Etat ? Est-ce qu'un Etat n'est

 20   pas appelé à régler immédiatement un problème de cette nature lorsqu'il

 21   implique l'ambassade d'un Etat souverain distinct ?

 22   M. Degan (interprétation). - L'Etat avait pour obligation

 23   d'empêcher de tels actes. Mais si vous me permettez d'ajouter quelques

 24   mots, je ne vois pas quelle peut être la responsabilité personnelle de

 25   M. Blaskic dans la vallée de la Lasva, par rapport à cet acte illégal.


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  1   M. le Président. – Monsieur le Professeur, vous êtes très habile

  2   certainement, mais ce n'est pas tout à fait la question qui vous était

  3   posée.

  4   M. Degan (interprétation). - Je m'excuse.

  5   M. Harmon (interprétation). - Je vous assure que ce n'est pas

  6   lui qui a confisqué ces fonds.

  7   Maintenant, si vous le voulez bien, je vais me diriger dans un

  8   sens une peu différent. Je vous demanderai, Professeur Degan, si en 1993,

  9   il y avait effectivement une guerre en cours dans la vallée de la Lasva

 10   entre les forces du gouvernement bosniaque et le HVO ?

 11   M. Degan (interprétation). – Oui, c'était un conflit armé

 12   interne qui opposait l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

 13   M. Harmon (interprétation). - La Croatie était-elle aux côtés du

 14   HVO ? Dans ce conflit, était-elle alliée au HVO ?

 15   M. Degan (interprétation). - Je crois qu'elle s'est trouvée,

 16   malheureusement, impliquée dans ce conflit armé interne. Elle était

 17   probablement impliquée dans deux des composantes, mais majoritairement

 18   dans sa composante HVO.

 19   M. Harmon (interprétation). – Je vous demanderai, maintenant, ce

 20   qui suit. Dans ce conflit, entre Croates de Bosnie et Musulmans de Bosnie,

 21   si la République de Croatie a soutenu le HVO ?

 22   M. Degan (interprétation). - On m'a dit que, y compris à ce

 23   moment-là, une certaine aide a été fournie, au moins pour autoriser le

 24   passage d'armes et de munitions sur le territoire de Croatie à destination

 25   de l'autre partie au conflit.


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  1   M. Harmon (interprétation). – Mais savez-vous, ou vous a-t-on

  2   dit quelle était la partie au conflit qui avait été soutenue par la

  3   République de Croatie ?

  4   M. Degan (interprétation). – C'est sans doute entre les deux,

  5   mais elle était sans doute majoritairement amicale à l'égard du HVO.

  6   M. Harmon (interprétation). – Je vous demanderai alors si vous

  7   savez qui était le général Bobetko ?

  8   M. Degan (interprétation). – Oui.

  9   M. Harmon (interprétation). – Le général Bobetko était un

 10   général croate qui a été nommé au poste de commandant du front sud. Il

 11   commandait des unités croates sur le front

 12   sud, n'est-ce pas ?

 13   M. Degan (interprétation). – Oui.

 14   M. Harmon (interprétation). – J'aimerais vous montrer la pièce à

 15   conviction 406/10.

 16   (L'huissier s'exécute)

 17   Monsieur Dubuisson, pendant que l'on place ce texte sur le

 18   rétroprojecteur, je vous demanderai de préparer les pièces à conviction

 19   406/16 et 406/20.

 20   Professeur, vous avez entre les mains la pièce à conviction de

 21   l'accusation 406/10. Il s'agit d'un ordre daté du 20 avril 1992 émanant du

 22   général Bobetko. Dans ce texte, vous verrez que le général Bobetko nomme à

 23   leur poste un certain nombre d'officiers du HVO ?

 24   M. Degan (interprétation). - Oui.

 25   M. Harmon (interprétation). – J'apprécierais beaucoup de


Page 15581

  1   connaître votre position sur ce document particulier, compte tenu du fait

  2   qu'il s'agit d'un général croate qui nomme, à leur poste, des Croates de

  3   Bosnie et les nomme à des postes qui se trouvent dans les rangs d'une

  4   armée d'un Etat souverain distinct. Quel est votre point de vue ?

  5   M. Degan (interprétation). – Mon point de vue consiste à dire

  6   que cela s'est produit à un moment où se menaient des opérations

  7   conjointes entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'armée de

  8   Croatie contre les forces serbes. Ce document est daté du 20 avril 1992.

  9   Dans la liste que j'ai sous les yeux? je ne vois pas figurer le nom de

 10   M. Blaskic.

 11   M. Harmon (interprétation). – J'aimerais que l'on vous remette

 12   les pièces à conviction de l'accusation 406/16 et 406/20.

 13   (L'huissier s'exécute.)

 14   M. Harmon (interprétation). – Professeur, nous commencerons par

 15   la pièce 406/16, document daté du 19 mai 1992.

 16   M. Degan (interprétation). – Avant la période critique.

 17   M. Harmon (interprétation). – Permettez-moi de vous demander,

 18   professeur, ce qui suit. Ce document établi un commandement en Bosnie

 19   central, à Gornji Vakuf, par nomination du général de brigade Zarko Tole

 20   au poste de commandant de ce quartier général particulier.

 21   Le deuxième document, Professeur, est daté du 14 juin 1992.

 22   C'est un document qui émane également du général Bobetko. Si vous vous

 23   référez au paragraphe 3.1 de ce document, vous constaterez qu'il s'agit

 24   d'un ordre ordonnant le démarrage d'activités offensives. Dans cet ordre,

 25   le général Bobetko donne l'ordre aux forces du HVO de se déplacer dans une


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  1   certaine direction et d'entamer des actions particulières dans le cadre

  2   d'une campagne militaire. Quelle est votre réaction à ce document ?

  3   M. Degan (interprétation). – Ma réaction est la même que

  4   précédemment. Je dis que ceci s'est passé avant la période critique en

  5   référence à laquelle le général Blaskic est mis en accusation, à savoir

  6   une période pendant laquelle l'armée de Bosnie-Herzégovine, le HVO et

  7   l'armée de Croatie étaient alliés dans le combat contre l'ennemi serbe.

  8   C'est le commentaire que je formule et… J'ai oublié ce que je voulais

  9   dire.

 10   M. Harmon (interprétation). – Professeur, les soldats croates

 11   ont-ils combattu contre les forces de l'armée bosniaque en Bosnie en

 12   1993 ?

 13   M. Degan (interprétation). – J'ai vu des documents qui prouvent

 14   que certaines unités de l'armée croates étaient présentes non pas dans la

 15   vallée de la Lasva, mais dans quelques autres parties de l'Herzégovine et

 16   dans les régions frontalières entre la Bosnie et l'Herzégovine.

 17   M. Harmon (interprétation). - Ma question ne porte pas

 18   uniquement sur la présence des soldats croates, ce que je vous demandais,

 19   c'est si des soldats croates se sont engagés dans un conflit armé ?

 20   M. Degan (interprétation). - Oui.

 21   M. Harmon (interprétation). - Contre les forces du gouvernement

 22   légitime de Bosnie-Herzégovine ?

 23   M. Degan (interprétation). - Oui, sur la base de ces documents,

 24   il apparaît qu'ils étaient engagés dans les combats. Mais la question

 25   complexe consiste à se demander si, avant ce malheureux conflit armé, les

 


Page 15583

  1   deux armées se reconnaissaient mutuellement. La question qui se pose

  2   consiste à se demander si, y compris le gouvernement de Bosnie-

  3   Herzégovine, avait reconnu le HVO et vice-versa.

  4   Mais je me vois contraint de convenir que la présence de

  5   certaines unités de l'armée croate, même si ces unités provenaient

  6   probablement de Bosnie-Herzégovine, comme j'en suis originaire moi-même et

  7   même s'il était difficile de les distinguer du HVO, la question qui se

  8   pose consiste à se demander si leur présence constituait une intervention

  9   armée illégale dans ce conflit armé interne regrettable.

 10   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, maintenant,

 11   j'ai besoin de montrer au témoin des documents sous scellés, donc je

 12   demanderai que l'on passe à huis clos partiel, pour lui montrer ces

 13   documents et lui demander ses commentaires.

 14   M. le Président. - Monsieur Dubuisson ?

 15   M. Dubuisson. - Pas d'objection.

 16   M. le Président. - Nous passons à huis clos partiel.

 17   (L'audience se poursuit en huis clos partiel)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

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 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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 12   Page 15584 – 15593 expurgées en audience à huis clos partiel

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  1   (expurgée)

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  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (L'audience se poursuit en audience publique)

  9   M. le Président. - Prenez votre temps, il s'agit de votre temps,

 10   d'ailleurs.

 11   M. Hayman (interprétation). - Professeur, l'accusation vous a

 12   posé certaines questions sur le conflit entre le Japon et la Chine en 1938

 13   et il vous a été demandé s'il y avait eu déclaration officielle de guerre

 14   en 1938.

 15   Au cours de ce conflit, les autres facteurs dont vous avez parlé

 16   et qui permettent de déterminer l'existence d'un conflit armé

 17   international, ces autres facteurs étaient-ils présents ?

 18   M. Degan (interprétation). - Oui, effectivement. C'était un

 19   conflit armé continu qui, en fait, a commencé en 1928, lorsque les

 20   Japonais ont bombardé la ville de Shanghai. Par la suite, il y a eu action

 21   d'invasion, d'occupation de la Mandchourie et la création d'un Etat

 22   fantoche. Et si je me souviens bien, en 1937, une offensive de grande

 23   envergure a été lancée par l'armée japonaise dans le Nord de la Chine. Ils

 24   sont arrivés au pont de Pékin. L'armée japonaise s'est alors arrêtée et

 25   les deux Etats ont alors reconnu qu'un état de guerre existait à ce


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  1   moment-là.

  2   Dans ce conflit, en particulier, les deux parties avaient

  3   intérêt au départ à ne pas reconnaître l'état de guerre. Le gouvernement

  4   chinois avait acheté certaines armes des Etats-Unis et, s'il reconnaissait

  5   l'état de guerre étant donné la politique isolationniste des Etats-Unis, à

  6   ce moment-là ces approvisionnements en armes auraient été arrêtés.

  7   D'autre part, le Japon ne voulait pas reconnaître cet état de

  8   guerre parce qu'il ne voulait pas être considéré comme un agresseur. Il

  9   s'agissait donc d'une situation tout à fait inhabituelle. Je peux prouver

 10   que le conflit armé international existant entre le Japon et la Chine a

 11   véritablement commencé dès 1937.

 12   M. Hayman (interprétation). - Merci. Avec l'aide de l'huissier,

 13   je souhaiterais distribuer un document. Monsieur le Président, il s'agit

 14   de la lettre du 21 avril 1993 à laquelle a fait référence le professeur au

 15   cours de son témoignage et j'aimerais que ce document figure au dossier

 16   d'audience et qu'il reçoive une cote.

 17   M. le Président. - Nous aurons aussi à déterminer la cote du

 18   rapport de Stoltenberg qui a été demandé, notamment, par la Chambre.

 19   Monsieur le greffier, vous donnerez une cote, une cote défense bien

 20   entendu.

 21   M. Dubuisson. – Concernant ce document, rapport Stoltenberg, il

 22   s'agit du document D469. Le présent document, lui, porte le numéro D470.

 23   M. le Président. – Merci.

 24   M. Hayman (interprétation). – Professeur, est-ce bien la lettre

 25   dont vous avez parlé au cours de votre témoignage, au cours de votre


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  1   interrogatoire ?

  2   M. Degan (interprétation). – Oui.

  3   M. Hayman (interprétation). – Vous serez d'accord qu'au

  4   paragraphe 4 de cette lettre, le représentant permanent de la Bosnie-

  5   Herzégovine aux Nations Unies, de l'époque, parle du conflit en Bosnie

  6   centrale et le qualifie de conflit entre dirigeants locaux ?

  7   M. Degan (interprétation). – Oui.

  8   M. Hayman (interprétation). – Merci.

  9   M. Degan (interprétation). – Je l'ai cité.

 10   M. Hayman (interprétation). – Vous avez répondu à des questions

 11   faisant référence à des interventions militaires parfois illégales, par

 12   opposition à un état de conflit armé international. Les deux exemples

 13   donnés par l'accusation étaient le bombardement par les Etats Unis de la

 14   Libye et, par ce même pays, de l'Afghanistan.

 15   Pouvez-vous donner au Tribunal d'autres exemples d'interventions

 16   militaires, parfois illégales, par opposition à un état de conflit armé

 17   international ?

 18   M. Degan (interprétation). – Bien sûr. Par exemple,

 19   l'intervention de l'Union Soviétique à Prague, en Tchécoslovaquie, en

 20   1968. Cette intervention a évolué en une occupation du pays, qui n'a pas

 21   duré très longtemps parce qu'il y a eu de nouveaux accords avec le régime

 22   tchécoslovaque fantoche. Il y a eu également une intervention en

 23   République dominicaine, en 1965. Je crois que c'est une intervention de

 24   six Etats membres de l'organisation des Etats américains où, notamment,

 25   l'armée des Etats-Unis est intervenue.


Page 15597

  1   Il y a eu également une intervention de l'armée américaine à

  2   Grenade qui a duré plusieurs semaines. C'était au cours du gouvernement

  3   Reagan. Je crois que c'est l'intervention américaine armée qui a été la

  4   plus sanglante. Il s'agissait de celle de Panama en 1980, qui d'ailleurs a

  5   duré un certain temps. Panama city a été bombardée et il y a eu de

  6   nombreuses victimes parmi les civils.

  7   M. Hayman (interprétation). – Merci par ces exemples. On vous a

  8   également parlé d'aide militaire. Dans quelle mesure l'aide ou l'absence

  9   de ce type d'aide militaire pourrait indiquer la présence ou l'absence

 10   d'un conflit armé international ? Pourrait-on également considérer que le

 11   fait qu'un Etat vende des munitions à un autre Etat ou que cet Etat

 12   permette le transport, au travers de son territoire de munitions à un

 13   autre Etat, ce fait-là serait-il un indice

 14   de l'existence d'un conflit armé international ?

 15   M. Degan (interprétation). – Ceci prouverait l'inverse.

 16   M. Hayman (interprétation). – C'est-à-dire ?

 17   M. Degan (interprétation). – Par exemple, les Etats-Unis ont

 18   aidé de façon très significative Israël par le biais d'armes et de fonds.

 19   Israël a commis certains actes d'intervention illégale contre des pays

 20   tiers, par exemple contre le Liban. Cependant, il n'y a pas eu d'actes de

 21   la part du gouvernement américain.

 22   M. Hayman (interprétation). – Laissez-moi vous poser la question

 23   inverse. Si la Croatie, par exemple, en 1993, n'avait pas donné d'armes à

 24   l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais si le gouvernement croate avait permis

 25   que le territoire de la Croatie soit traversé vers l'armée de Bosnie-


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  1   Herzégovine, et si ce gouvernement avait vendu des armes à la Bosnie-

  2   Herzégovine, ceci serait-il un indice de l'existence d'un conflit armé

  3   international entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ?

  4   M. Degan (interprétation). – Ceci prouverait la non existence

  5   d'un conflit armé international entre ces deux Etats souverains.

  6   M. Hayman (interprétation). – Merci, Professeur. Je n'ai plus de

  7   questions, Monsieur le Président.

  8   M. le Président. – Je vous remercie beaucoup, maître Hayman.

  9   Je me tourne vers mon collègue, monsieur le Juge, Shahabuddeen

 10   qui va vous poser les questions qu'il juge souhaitable de vous poser.

 11   Monsieur le Juge

 12   M. Shahabuddeen (interprétation). – Professeur, je souhaiterais

 13   vous souhaiter la bienvenue, à titre personnel, et vous remercier de votre

 14   concours que vous êtes venu apporter à la Chambre et qui nous permet de

 15   mieux comprendre un grand nombre de questions complexes dans un domaine

 16   relativement obscur du droit. Merci.

 17   Suis-je en droit de dire, monsieur, et de comprendre ainsi votre

 18   témoignage.

 19   M. Degan (interprétation). - Pardon ?

 20   M. Shahabudden (interprétation). – D'interpréter ainsi votre

 21   témoignage.

 22   M. Degan (interprétation). – Mais je ne sais pas comment cela

 23   fonctionne.

 24   M. Shahabudden (interprétation). – Parce que je dois dire que je

 25   ne parle pas très fort, et je m'en excuse. Ai-je raison d'interpréter


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  1   ainsi votre témoignage ? Je crois que votre témoignage se base

  2   essentiellement sur la distinction entre un conflit armée international et

  3   une intervention armée ?

  4   M. Degan (interprétation). - Oui. En fait, l'intervention armée

  5   est un acte illégal si elle n'est pas autorisée par le Conseil de sécurité

  6   ou si elle n'est pas une intervention de légitime défense. J'ai tenté

  7   d'expliquer que si certaines interventions armées peuvent évoluer et

  8   devenir des conflits armés internationaux, mais que ce n'est pas toujours

  9   le cas.

 10   Excusez-moi, c'est mieux ainsi.

 11   M. Shahabudden (interprétation). - Je vous donne du temps pour

 12   réfléchir à votre réponse. Ce n'est pas que vous en ayez besoin, notez.

 13   M. Degan (interprétation). - Nous devrions également aborder les

 14   différents degrés d'intervention en droit international.

 15   M. Shahabudden (interprétation). – Professeur, serais-je

 16   également en droit de penser que votre utilisation et que votre

 17   application de cette distinction au fait de l'affaire qui nous intéresse

 18   ont pour effet de dire : "oui, la Croatie avait effectivement déployé des

 19   forces armées en Bosnie-Herzégovine", mais que ce déploiement ne

 20   constituait pas un conflit armé international, mais seulement une

 21   intervention armée ? Est-ce bien ce que vous dites ?

 22   M. Degan (interprétation). - Oui. J'ai dit qu'il s'agissait

 23   probablement d'une intervention armée illégale.

 24   M. Shahabudden (interprétation). - Alors vous ai-je bien

 25   compris ? Pour déterminer s'il existe un conflit armé international, il


Page 15600

  1   faut tenir compte de deux critères ; le premier étant la durée de l'état

  2   d'hostilité ou de conflit et le second étant l'intensité des hostilités ?

  3   M. Degan (interprétation). - J'ai tenté d'expliquer qu'il y a de

  4   nombreux éléments dont il faut tenir compte. Certains éléments

  5   déterminants l'existence d'un conflit armé international figurent dans

  6   l'article 2 des Conventions de Genève de 1949, et un autre élément figure

  7   dans l'article 1 du protocole de 1977. J'ai ajouté d'autres critères.

  8   Ainsi, certains critères ou tous ces critères, appliqués à des

  9   situations précises, peuvent permettre de conclure si oui ou non, il

 10   existait un conflit armé international.

 11   M. Shahabudden (interprétation). - J'accepte votre position,

 12   mais je vais reformuler mon propos. Votre présentation a suggéré que deux

 13   des critères les plus applicables dans cette affaire étaient, d'un part la

 14   durée temporelle des hostilités et, deuxièmement, l'intensité des

 15   hostilités ?

 16   M. Degan (interprétation). – Oui, ce sont deux critères parmi

 17   d'autres critères. J'ai essayé, également, de prouver sur la base d'autres

 18   critères issus de la pratique, qu'il ne s'agissait pas d'un conflit armé

 19   international.

 20   M. Shahabudden (interprétation). - En d'autres termes, je

 21   comprends tout à fait votre position, je pense que tout le monde sera du

 22   même avis, qu'en fait donc, la conclusion finale dépend des faits, des

 23   éléments caractéristiques de chaque affaire ?

 24   M. Degan (interprétation). – Oui, mais il y a un autre problème

 25   épineux qui se pose devant un Tribunal pénal de ce type. La question se


Page 15601

  1   pose de la culpabilité personnelle de l'accusé.

  2   M. Shahabudden (interprétation). – Oui, mais parfois le problème

  3   se complique effectivement par une question supplémentaire. Souvent des

  4   termes sont utilisés par une partie ou par une autre, et ces termes ne

  5   correspondent pas très exactement à la réalité des faits ?

  6   M. Degan (interprétation). – Oui, c'est parfois le cas, mais je

  7   ne crois pas que ceci soit très fréquent vis-à-vis de la Bosnie-

  8   Herzégovine et de la Croatie. D'après certaines déclarations, il peut être

  9   conclu qu'il n'y avait pas de conflit armé international.

 10   M. Shahabudden (interprétation). – Oui, mais il s'agit bien d'un

 11   facteur qui complique la question, n'est-ce pas ?

 12   M. Degan (interprétation). - Heureusement pour nous, juristes,

 13   notre profession n'existerait pas si tous les faits étaient si simples.

 14   M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, effectivement.

 15   Malheureusement, et ceci m'a posé problème, je n'ai pas pris note de la

 16   cote d'une des pièces qui a été présentée au cours de votre témoignage  ;

 17   je vais donc la montrer à notre greffier et j'espère qu'il pourra

 18   retrouver son numéro.

 19   C'est une déclaration. Une déclaration émanant du

 20   gouvernement.... Je vois 556.A. Le greffier pourrait-il placer cette pièce

 21   devant le témoin, s'il vous plaît ?

 22   (L'huissier s'exécute).

 23   M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous

 24   plaît, consulter le paragraphe 3 de la page 2. Il s'agit d'une déclaration

 25   en date du 13 mai 1993. Au paragraphe 3, vous verrez que la Bosnie-


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  1   Herzégovine fait référence à la division de la Bosnie-Herzégovine, à sa

  2   confédéralisation, etc. En d'autres termes, la Bosnie-Herzégovine accuse

  3   la Croatie de formuler ce type de déclaration. Vous voyez ceci ?

  4   M. Degan (interprétation). - Oui.

  5   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je ne vous demande pas si

  6   vous êtes d'accord pour dire si ce type de déclaration a été faite, mais

  7   je vous demande simplement quelle est votre réaction devant la distinction

  8   suggérée entre division de la Bosnie-Herzégovine et sa confédéralisation,

  9   etc. Voyez-vous une distinction ?

 10   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je ne pourrais pas affirmer

 11   que de telles

 12   déclarations que je connais déterminent qu'il y avait bien une situation

 13   objective de conflit armé international, mais je dois dire

 14   qu'effectivement, c'était une politique malheureuse de la part des Croates

 15   qui n'a pas contribué à instaurer une confiance mutuelle, non seulement

 16   entre les Croates et les Musulmans de Bosnie en Bosnie-Herzégovine, mais

 17   également avec la population serbe.

 18   M. Shahabuddeen (interprétation). - Puis-je tester votre fertile

 19   intelligence, si je puis dire. Cette référence faite, d'une part, à la

 20   partition ou à la division de la Bosnie-Herzégovine et à la

 21   confédéralisation, d'autre part, signifie-t-elle la chose suivante ?

 22   Dans le cas d'une confédéralisation, les éléments constitutifs

 23   de la Bosnie-Herzégovine seraient maintenus dans le même Etat. Mais en cas

 24   de partition ou de division, cela ne serait pas le cas, l'Etat se

 25   diviserait en deux Etats différents, n'est-ce pas ?


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  1   En droit international, est-ce bien la façon dont je dois

  2   comprendre les choses ?

  3   M. Degan (interprétation). - Si je me souviens bien des

  4   déclarations officielles croates, ce n'est pas le terme de "partition" ou

  5   de "division" qui a été utilisé dans les déclarations officielles, mais le

  6   terme de "confédéralisation" ou "fédéralisation" ; sans doute, d'après le

  7   droit international, la confédération ou la fédération sont des unités

  8   très différentes parce que la confédération est constituée d'Etats

  9   souverains sur la base d'un traité international. La fédération, en

 10   revanche, se fonde sur une constitution fédérale.

 11   Je ne peux pas dire -ou plutôt je ne peux pas dire- que ces

 12   différents termes utilisés et ces différents desseins n'ont pas aidé à

 13   mettre un conflit en Bosnie-Herzégovine.

 14   M. Shahabuddeen (interprétation). - Par conséquent, vous dites

 15   que même dans le cas de la confédéralisation, chacun des éléments

 16   constitutifs serait un Etat souverain en vertu du droit international ?

 17   M. Degan (interprétation). - Oui.

 18   M. Shahabuddeen (interprétation). - Par conséquent, dites-vous

 19   que ces deux concepts, la division ou la confédéralisation, amèneraient à

 20   la fin de l'intégrité à la fois, ou à la fin de l'intégrité de l'Etat de

 21   Bosnie-Herzégovine ?

 22   M. Degan (interprétation). - Oui, tout d'abord, la situation a

 23   été réglée par l'accord de Washington au début de 1994 et ensuite par les

 24   accords de Dayton. Par conséquent, il y a eu certaines solutions avec

 25   lesquelles je ne suis pas forcément d'accord, mais qui ont permis de


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  1   mettre un terme au conflit armé interne et qui n'a pas évolué en un

  2   conflit armé international. J'espère que la même chose se produira au

  3   Kosovo. L'évolution peut être tout à fait similaire, d'ailleurs.

  4   M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, je vous proposerai,

  5   si vous le voulez bien, de nous limiter les uns et les autres s'agissant

  6   de toute mention du Kosovo pour des raisons qui vous apparaîtront de façon

  7   tout à fait évidentes en tant qu'éminent expert en droit international.

  8   Mais parlons, si vous le voulez bien, de la partition. Avez-vous

  9   jamais entendu parler d'un accord qui aurait été conclu entre la

 10   République de Croatie, d'une part, la Serbie et le Monténégro, d'autre

 11   part, aux fins de diviser la Bosnie-Herzégovine entre ces deux Etats ?

 12   M. Degan (interprétation). - Monsieur le Juge, j'ai lu de très

 13   nombreux articles dans la presse croate à ce sujet et ces articles étaient

 14   critiques. J'ai également lu dans la presse ce que mon ancien collègue,

 15   M. Bilancic, un universitaire, a dit ici même lorsqu'il a témoigné au

 16   sujet des pourparlers qui auraient donné lieu à cet accord. Mais je n'ai

 17   pas de connaissances personnelles de ce sujet car je n'étais pas présent à

 18   Karadjordjevo. Et contrairement au collègue que je viens de mentionner, je

 19   n'ai même pas participé, en qualité d'expert, à la délégation serbe qui a

 20   travaillé à l'élaboration des cartes. Et c'est une situation que j'ai

 21   appréciée, d'ailleurs.

 22   M. Shahabuddeen (interprétation). - Professeur, je ne sais pas

 23   qui exactement était présent à Karadjordjevo et, bien sûr, j'accepte ce

 24   que vous dites quant au fait que vous n'y

 25   étiez pas présent. Mais je vous demande si vous avez entendu parler d'un


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  1   accord conclu à Karadjordjevo entre les Présidents de Croatie, d'une part,

  2   de Serbie Monténégro, d'autre part, aux fins de diviser la Bosnie entre

  3   les deux Etats représentés par ces Présidents. En avez-vous entendu

  4   parler ?

  5   M. Degan (interprétation). - Des accusations ont été portées par

  6   l'opposition croate. Je parle d'opposants à la politique de la Croatie du

  7   Président croate sur ce point. Ils se sont exprimés, mais je n'ai aucune

  8   donnée, aucun document qui permette de prouver que cela s'est réellement

  9   produit ou que cela ne s'est pas produit.

 10   M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, permettez-moi de

 11   m'exprimer de la façon suivante : au cas où -je dis bien au cas où- le

 12   Tribunal découvrirait qu'un accord a effectivement été conclus entre la

 13   Croatie d'une part, la Serbie Monténégro de l'autre, aux fins de se

 14   partager la Bosnie-Herzégovine, diriez-vous qu'un tel accord aurait une

 15   incidence sur la position que vous défendez lorsque vous dites que la

 16   présence de forces armées croates en Bosnie-Herzégovine n'est assimilable

 17   qu'à une intervention armée et pas à un conflit armé international ?

 18   M. Degan (interprétation). - Il est probable que je dirais que

 19   ce fait a constitué une cause, et même une cause importante du conflit.

 20   Mais je continuerai à dire que le conflit est demeuré au niveau d'un

 21   conflit armé interne.

 22   M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, dans ce cas, je

 23   vous poserai une autre question de fait : avez-vous entendu parler d'une

 24   quelconque allégation quant au fait que la République de Croatie aurait

 25   planifié l'annexion de l'Herceg-Bosna pour en faire une partie


Page 15606

  1   constitutive de la République de Croatie, une fois que l'Herceg-Bosna

  2   aurait réussi à briser les liens qui l'unissaient à Sarajevo ?

  3   M. Degan (interprétation). - Personnellement, je ne sais rien de

  4   cela, mais ce que je sais c'est que, y compris avant l'agression de

  5   l'armée yougoslave contre la Bosnie-

  6   Herzégovine, des fractions de la population croate en Herzégovine

  7   uniquement souhaitaient une jonction de leur territoire avec la Croatie.

  8   Mais, comme vous le savez, ma situation personnelle est très différente

  9   car ma famille résidait à Sarajevo où les Croates sont minoritaires. Ma

 10   mère est morte à Sarajevo et je suis né à Bosanski Brod, qui est une

 11   petite ville qui se trouve sur la frontière avec la Croatie, au bord de la

 12   rivière Sava.

 13   Et la population de la Bosanska Posadina et de Sarajevo ne

 14   souhaitait pas que les frontières de la Bosnie-Herzégovine soient

 15   modifiées. En tout cas, je parle au nom d'une majorité de la population

 16   car, bien sûr, il peut toujours exister des extrémistes. Mais je ne sais

 17   pas exactement ce que souhaitaient la majorité des Croates d'Herzégovine,

 18   je ne sais pas s'ils souhaitaient véritablement une jonction avec la

 19   Croatie.

 20   M. Shahabuddeen (interprétation). - Professeur, je ne

 21   connaissais pas vos difficultés personnelles, les difficultés personnelles

 22   que vous avez vécues et qu'a vécues votre famille et je saisis l'occasion,

 23   d'ailleurs, pour vous transmettre ma compassion la plus sincère. Je vous

 24   le dis du fond du coeur.

 25   Mais je vous demande à présent si, à votre avis, l'analyse de la


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  1   situation ne se trouve pas légèrement compliquée du fait de l'opposition

  2   de deux forces. Ce que je veux dire par là, c'est ce qui suit : n'est-il

  3   pas exact que la République de Croatie défendait deux objectifs

  4   contradictoires en Bosnie-Herzégovine ? D'une part, la République de

  5   Croatie souhaitait sans doute collaborer avec le gouvernement de Bosnie-

  6   Herzégovine dans la défense d'une cause commune contre la Serbie

  7   Monténégro. D'autre part, la République de Croatie s'opposait au

  8   gouvernement de Bosnie-Herzégovine dans la mesure où elle soutenait le HVO

  9   dans la lutte que menait le HVO sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.

 10   N'est-ce pas ainsi qu'on peut définir la situation, par une opposition

 11   entre deux forces ?

 12   M. Degan (interprétation). - Monsieur le Juge, il est probable

 13   que la situation politique qui prévalait en Bosnie-Herzégovine... il est

 14   probable que les relations entre la

 15   Croatie et la Bosnie-Herzégovine étaient même plus complexes que ce que

 16   vous venez de définir. En effet, il existait des points de vue très

 17   différents, des ambitions différentes s'exprimaient quant à l'avenir de

 18   ces deux Etats et aux rapports entre ces deux Etats. Des points de vue

 19   extrémistes étaient exprimés, notamment en faveur d'une partition de la

 20   Bosnie-Herzégovine.

 21   Mais, du côté de l'armée de Bosnie-Herzégovine, il est probable

 22   aussi qu'il existait des extrémistes, des intégristes qui ont également

 23   commis des crimes au cours de cette guerre malheureuse.

 24   Si je me rappelle mon expérience personnelle, l'expérience que

 25   j'ai acquise au cours de ma vie en Bosnie-Herzégovine, je dirais qu'encore


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  1   aujourd'hui on peut trouver des Croates qui sont plus amicaux à l'égard

  2   des Serbes qu'à l'égard des Musulmans, et vice versa : il existe des

  3   Musulmans qui sont plus amicaux à l'égard des Croates qu'à l'égard des

  4   Serbes et vice versa. La même chose s'applique aux Serbes.

  5   Il est intéressant de constater que, dans certaines parties de

  6   la Bosnie-Herzégovine, l'amitié entre les trois groupes a survécu, y

  7   compris en dépit de cette guerre désastreuse. Par exemple, dans la petite

  8   ville de Visoko et en d'autres lieux, c'est le cas. Mais en raison

  9   d'événements historiques dans d'autres parties de la Bosnie-Herzégovine,

 10   notamment dans la partie orientale de l'Herzégovine, des heurts ont opposé

 11   des Serbes et des Musulmans au début de la Première Guerre mondiale, à la

 12   fin de la Première Guerre mondiale, tout au long de la Deuxième Guerre

 13   mondiale, etc.

 14   Malheureusement, si j'ai bien compris, ce qui s'est passé dans

 15   ces régions de la Bosnie-Herzégovine où les Croates constituent une espèce

 16   de majorité, le sentiment qui prévalait était plus amical à l'égard des

 17   Serbes qu'à l'égard des Musulmans. J'ai également constaté que de nombreux

 18   Musulmans de Mostar étaient hostiles aux Croates d'Herzégovine. Donc, la

 19   situation était très complexe et tout le monde en a souffert. Peut-être

 20   cette réponse ne

 21   vous satisfera-t-elle pas mais l'image n'est pas noir et blanc.

 22   M. Shahabudden (interprétation). – Je me rends bien compte de

 23   cela et ce n'est pas d'ailleurs le moindre des problèmes auxquels les

 24   juges ont à faire face. L'image n'est pas en noir et blanc et nous devons

 25   naviguer avec la plus grande attention entre toute une série de faits


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  1   qu'il est parfois difficile de concilier.

  2   Mais, monsieur, j'en arrive à ma dernière question. Ce sera la

  3   dernière fois que je vous demanderai votre aide. Je vous ai dit, et j'ai

  4   le sentiment que vous avez accepté ce que j'ai dit sur le fond, avoir le

  5   sentiment que la République de Croatie poursuivait deux objectifs

  6   concurrents en Bosnie-Herzégovine. Car, d'une part, elle était alliée à

  7   Sarajevo dans la lutte commune contre les Serbes et, d'autre part, elle

  8   s'opposait à Sarajevo dans la mesure où elle soutenait le HVO dans sa

  9   lutte contre Sarajevo.

 10   La question que je vais vous poser à présent est la suivante :

 11   diriez-vous, dans la mesure où la République de Croatie a proposé son aide

 12   militaire à Sarajevo, que cette aide a été fournie dans le cadre de la

 13   poursuite du premier objectif, à savoir aider Sarajevo dans la réalisation

 14   de la cause commune défendue par les deux gouvernements contre les

 15   Serbes ? Cela n'avait rien à voir avec l'aide fournie par la Croatie au

 16   HVO, n'est-ce pas ?

 17   M. Degan (interprétation). – Monsieur le Juge, au sein du

 18   gouvernement croate se trouvaient certains représentants de l'Herzégovine

 19   qui se sont probablement alignés sur les tendances au conflit avec la

 20   Bosnie-Herzégovine, les tendances favorables à sa partition peut-être,

 21   donc la situation est si complexe que j'hésiterais à vous donner mon

 22   opinion sur ce sujet.

 23   M. Shahabudden (interprétation). – Professeur, ce qu'il me reste

 24   à dire, c'est combien j'ai apprécié vos réponses et je vous souhaite tout

 25   ce que vous souhaitez vous-même.


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  1   M. Degan (interprétation). – Merci, monsieur le Juge.

  2   M. le Président. – Professeur, je joindrai mes remerciements aux

  3   vôtres, pour la contribution du Juge Shahabudden à ce débat qui, comme il

  4   l'a dit, avec la foi et la compétence qui le caractérisent et sa modestie

  5   est un débat très complexe où le noir et le blanc se disputent au gris le

  6   plus souvent. Je n'aurai donc que très peu de questions, monsieur le

  7   Professeur.

  8   Peut-être partirai-je également, pour mes deux ou trois

  9   questions, sur votre distinction pour caractériser la situation qui est

 10   celle que nous avons à juger, votre distinction entre le conflit armé

 11   international, juridiquement bien constitué, pour lequel d'ailleurs je

 12   salue les compétences que vous avez manifestées, et puis ce que vous

 13   appelez l'intervention légale d'une certaine durée, d'une certaine

 14   intensité.

 15   Alors, je ne vais pas reprendre les questions du Procureur ou de

 16   mon éminent collègue, le Juge Shahabudden, je voudrais savoir si dans le

 17   concept d'intensité, vous y incluez la constitution de l'Herceg-Bosna et,

 18   par voie de conséquences, celles du HVO ? Et comment caractériseriez-vous,

 19   par rapport aux critères du conflit armé international, l'aide, le soutien

 20   de la constitution d'une sorte de confédération, qui s'appelle une entité

 21   politique administrative qui s'appelle l'Herceg-Bosna et est-ce que vous

 22   la réintégrez dans la durée et l'intensité qui sont, pour vous, les deux

 23   critères majeurs du conflit armé international ?

 24   M. Degan. - Monsieur le Président, je ne suis pas très heureux

 25   parce que je n'ai pas eu la chance, ici, d'exposer tout mon texte qui


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  1   comprend 40 pages discutant des différents problèmes qui ont été l'objet

  2   de maintes questions posées par l'accusation.

  3   Mais j'ai discuté les problèmes de l'intensité seulement par

  4   rapport à l'existence des conflits armés internationaux. Le même critère

  5   devrait être présent dans un conflit interne, dans le cadre d'un seul

  6   pays.

  7   J'ai trouvé ce que cet élément était présent dans le conflit

  8   armé entre le HVO et l'armée de la Bosnie-Herzégovine, y compris dans la

  9   vallée de la Lasva.

 10   En ce qui concerne la création de l'Herceg-Bosna, c'était peut-

 11   être en 1990 et 1991, c'était une initiative de la population locale

 12   majoritairement de l'Herzégovine de l'Ouest qui a voulu joindre à la

 13   République de Croatie qui était en cours d'acquérir sa pleine souveraineté

 14   indépendance. Alors, ce n'était peut-être pas tellement les ambitions des

 15   dirigeants croates, mais les désirs de la population locale croate d'une

 16   partie de la Bosnie-Herzégovine. J'ai déjà dit qu'à Sarajevo, à Bosanska

 17   Posavina, la majorité des Croates ont voulu sauver l'intégrité de la

 18   Bosnie-Herzégovine. Je ne sais pas si ma réponse vous satisfaits.

 19   M. le Président. – Elle me satisfait en partie, bien sûr mais

 20   peut-être pourrais-je compléter en vous demandant si une situation comme

 21   celle que nous connaissons est-elle unique ? Est-elle sans précédent ou

 22   est-ce que vous arriveriez à la rattacher à d'autres conflits de type

 23   international ?

 24   M. Degan (interprétation) – Probablement. Le plus semblable est

 25   le conflit libanais probablement puisqu'au Liban, il y a quatre religions


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  1   et dans le cadre de chaque communauté religieuse, des factions se sont

  2   combattues l'une contre l'autre, il y avait des sortes de chrétiens, des

  3   sortes de chiites et des sortes de sunnites, et seul le quatrième groupe

  4   était unis, les druz. La situation au Liban était vraiment compliquée.

  5   J'étais heureux d'avoir un confrère parmi les membres de l'Institut de

  6   droit international venant de Beyrouth et, lorsque le conflit en ex-

  7   Yougoslavie a commencé, je lui ai demandé quoi faire dans les conditions

  8   d'un conflit armé interne ou international.

  9   M. le Président. - Je vous remercie. Une autre et seule

 10   question. Vous avez fait allusion et plus qu'allusion... Vous avez dit

 11   qu'une intervention d'une telle nature engagerait certainement la

 12   responsabilité pénale des dirigeants. Moi qui suis juge pénal, cela m'a

 13   vivement intéressé, je voudrais savoir de quel dirigeant il s'agit.

 14   Deuxième question  : à quel moment, vous arrêtez la chaîne de

 15   commandement et la chaîne des dirigeants ? Pouvez-vous nous faire un

 16   commentaire sur cette phrase ?

 17   M. Degan (interprétation) - Malheureusement, Monsieur le

 18   Président, les crimes contre la paix ont été prévus seulement dans le

 19   Statut du Tribunal de Nuremberg et du Tribunal de Tokyo. Nous avons

 20   ensuite une définition du crime d'agression dans le Code international,

 21   dans le Code qui était préparé par la Commission de droit international,

 22   je l'ai citée ici. On sait ce qui s'est passé au cours de la Conférence de

 23   Rome. En adoptant le statut de la future Cour internationale pénale, on a

 24   prévu dans un article, la juridiction de cette nouvelle Cour, de punir les

 25   crimes d'agression, mais on n'a pas prévu la définition de l'agression ;


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  1   on a ajourné ce problème pour la Conférence qui aura lieu 7 ans après

  2   l'entrée en vigueur...

  3   M. le Président. - Je vous arrête tout de suite... Ma question

  4   vous a égaré dans votre réponse. Ce n'est pas du tout à cela que je

  5   pensais. Je sais que vous voulez terminer sur la Cour pénale

  6   internationale, mais moi, c'est un autre problème que je voudrais vous

  7   poser. Mais terminez, votre grande science m'autorise tout à fait à vous

  8   redonner la parole sur ce point, en étant assez bref, s'il vous plaît. 

  9   M. Degan (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Alors

 10   les Etats parties n'ont pas voulu donner la compétence à la Cour pour ce

 11   crime. A mon avis, des définitions des crimes contre la paix et des crimes

 12   de l'agression, ils proviennent du fait que ce sont seulement les

 13   dirigeants politiques et militaires, aux plus hauts niveaux, qui peuvent

 14   être accusés au cas où une juridiction pénale a une telle compétence. Ce

 15   qui n'est pas le cas maintenant.

 16   M. le Président. - Je vous pose donc cette dernière question,

 17   car nous nous sommes un peu écartés, mais c'est ma question qui était mal

 18   posée. J'avais mal interprété certainement ce que vous disiez.

 19   Vous disiez : "Il ne s'agit pas d'un conflit international, mais

 20   d'une intervention illégale", sous-entendu de la part des dirigeants

 21   croates, je suppose, d'une certaine durée et intensité, mais durée et

 22   intensité qui ne caractérisent pas le conflit international, mais de

 23   telles initiatives pourraient entraîner une responsabilité pénale. J'avais

 24   cru comprendre que vous écartiez l'article 2, mais que vous laissiez

 25   ouvert tout le champ des autres articles du statut du Tribunal qui n'est


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  1   pas, certes, la grande Cour pénale internationale que nous attendons tous

  2   de nos vœux, mais qui existe quand même dans la présente institution où

  3   vous venez aujourd'hui.

  4   Je me suis trompé peut-être, vous ne pensiez qu'au crime d'agression ?

  5   M. Degan (interprétation). - Oui, j'ai pensé exactement au crime

  6   d'agression et j'ai comparé la situation avec l'affaire du Nicaragua

  7   devant la Cour de La Haye qui n'a pas eu la juridiction de châtier le

  8   Président des Etats-Unis. C'était mon intention.

  9   M. le Président. - Nous laisserons méditer les autres

 10   institutions du Tribunal sur vos propos. En ce qui me concerne, j'en ai

 11   terminé. Je dois vous dire et cela a dû peut-être vous étonner, nous ne

 12   siégions pas en robe parce que l'indisponibilité d'un de nos collègues

 13   fait que nous agissons avec l'accord de l'accusé et de la défense, en tant

 14   qu'officiers instrumentaires, en quelque sorte, pour recueillir vos

 15   dépositions.

 16   Il va de soi que cela implique une conséquence juridique et

 17   judiciaire, c'est que notre troisième collègue, qui se rétablit

 18   d'ailleurs, aurait peut-être, au vu de la lecture du transcript, à vous

 19   poser éventuellement des questions, ce qui vous amènerait à revenir parmi

 20   nous et nous donnerait à nouveau le plaisir de vous entendre, mais

 21   certainement aussi le désagrément de vous voir revenir. Pour l'instant, je

 22   ne peux pas vous en dire davantage.

 23   Il me reste à me faire l'interprète du Juge Shahabuddeen pour

 24   vous remercier d'être venu jusqu'à nous, à m'excuser auprès des

 25   interprètes, mais je n'ai pas voulu interrompre le témoignage du Pr Degan


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  1   et, de ce point de vue, nous allons essayer de compenser en nous ajournant

  2   pour 30 minutes et non pas pour 20 minutes.

  3   Je vois que le Greffier me fait signe, j'ai donc dû oublier

  4   quelque chose. Monsieur le Greffier ?

  5   M. Dubuisson. - Non, pas du tout, j'aimerais simplement

  6   connaître le sort réservé aux différentes pièces soumises à ce témoin ?

  7   M. le Président. - Oui, Monsieur le Procureur ?

  8   M. Harmon (interprétation). - Je demanderai un huis clos partiel

  9   pour quelques instants, eu égard à certains des documents qui ont été

 10   soumis au témoin, Monsieur le Président

 11   M. le Président. - Nous proclamons le huis clos partiel et

 12   ensuite nous ferons une pause jusqu'à 16 heures 45. Donc huis clos partiel

 13   pour quelques minutes et ensuite nous passons à la pause.

 14   (L'audience se poursuit à huis clos partiel)

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  7   (L'audience se poursuit à huis clos.)

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 12   Pages 15618 – 15637 expurgées en audience à huis clos

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 25   L'audience est levée à 17 heures 30.