Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 Tihomir BLASKIC

7 Jeudi 14 janvier 1999

8

9 L’audience est ouverte à 10 heures 10.

10 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

11 vous introduisez l'accusé.

12 (L'accusé est introduit dans la salle.)

13 Est-ce que tout le monde m'entend ? Je salue les interprètes.

14 Mme l'Interprète. - Bonjour, Monsieur le Président.

15 M. le Président. - Pour l'organisation de nos travaux, à deux

16 heures et demie, quand nous reprendrons nos travaux, nous ferons une

17 conférence de mise en état. Le Juge a été mis au courant de notre

18 entretien d'avant-hier. Et donc, nous recueillerons vos observations et

19 nous discuterons à nouveau à huis clos de la situation. Dans ces

20 conditions, pour ce matin, nous reprenons l'audition des témoins de la

21 défense.

22 Maître Nobilo, c'est vous qui prenez l'interrogatoire principal

23 du témoin suivant

24 qui, si j'ai bien compris, ne nécessite pas de mesures de protection

25 particulières. C'est cela ?

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1 M. Nobilo (interprétation). - C'est exact. En effet, il n'a pas

2 demandé de mesures de protection.

3 Mais, Monsieur le Président, j'ai une requête à vous adresser.

4 Hier, nous n'avons pas travaillé et, à l'évidence, nous allons consacrer

5 également deux parties aux conférences de mise en état qui sont très

6 utiles, bien entendu. Donc, le temps des audiences a été un peu raccourci

7 et nous avons encore cinq témoins qui n'ont pas été entendus, qui sont

8 présents à la Haye. Je vais essayer d'être très bref et de me concentrer

9 sur l'essentiel dans les questions que je poserai à chacun des témoins.

10 S'il était possible, par conséquent, que cela se passe pour tous

11 les témoins et dans tous les domaines, je ne demanderai pas au témoin de

12 parler de toute l'époque concernée, mais simplement des événements

13 principaux relatifs à la chaîne de commandement. Nous ne travaillons pas,

14 comme vous le savez, pendant le week-end ni vendredi après-midi, donc,

15 compte tenu des dépenses qu'implique la présence des témoins à la Haye, il

16 serait préférable que leur audition soit terminée avant la fin de la

17 semaine.

18 M. le Président. - Je vais consulter mon collègue sur un point.

19 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

20 Merci, Maître Nobilo. La réponse des Juges est la suivante : le

21 temps du contre-interrogatoire sera en principe identique au temps de

22 l'interrogatoire principal, avec néanmoins une flexibilité, à charge pour

23 l'accusation de nous démontrer si nous devons lui donner un peu plus de

24 temps. Est-ce que nous sommes bien d'accord ?

25 C'est-à-dire, je répète : le temps qui sera donné au Procureur

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1 pour le contre-interrogatoire sera en principe identique, ne pourra pas

2 excéder le temps de l'interrogatoire principal.

3 Néanmoins, les Juges souhaitent introduire une notion de

4 flexibilité. Ce sera au

5 Procureur de nous dire, en fonction de tel ou tel témoin, qu'il a besoin

6 d'un peu plus de temps et ce seront les Juges qui apprécieront. Le

7 principe est que le contre-interrogatoire sera égal en temps à

8 l'interrogatoire principal pour tous les témoins jusqu'à la fin de la

9 semaine prochaine, c'est-à-dire tous les témoins qui passent en

10 article 71.

11 Sur ces entrefaites, Maître Nobilo, vous introduisez le nouveau

12 témoin.

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

14 crois que l'interrogatoire principal de ce témoin sera le plus long de

15 tous. Je crois qu'il me faudra environ une heure et demie pour mener à

16 bien cet interrogatoire principal.

17 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

18 M. le Président. - Vous m'entendez, Monsieur ?

19 M. Strukar (interprétation). - Oui, je vous entends.

20 M. le Président. - Vous allez nous donner, à mon collègue et à

21 moi-même, votre nom, votre prénom, votre date et votre lieu de naissance,

22 votre profession et votre lieu de résidence actuel.

23 Ensuite, vous prêterez serment.

24 M. Strukar (interprétation). - Je m'appelle Marijan Strukar, je

25 suis né le 6 mai 1956 à Travnik. Je réside actuellement dans la ville de

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1 Vitez et je travaille pour une compagnie d'assurances qui se trouve dans

2 cette ville.

3 M. le Président. - Merci. Vous pouvez prêter serment en lisant

4 la formule qui vous est tendue par l'huissier.

5 M. Strukar (interprétation). - Je déclare solennellement que je

6 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Vous avez accepté

8 de venir témoigner à la demande de la Défense dans le cadre du procès

9 intenté contre le général Blaskic, colonel à l'époque des faits, qui est

10 ici sur votre gauche. Vous allez répondre aux questions de Me Nobilo,

11 ensuite à celle des Procureurs et ensuite, peut-être, à celles des Juges.

12 Maître Nobilo, c'est à vous.

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

14 Monsieur Strukar, vous avez déjà expliqué aux Juges que vous étiez né à

15 Travnik en 1956. Pourriez-vous nous dire quel a été votre parcours

16 scolaire, quelles études vous avez suivies et ce que vous faisiez avant

17 que le conflit n'éclate en Bosnie-Herzégovine ?

18 M. Strukar (interprétation). - Je suis né à Travnik, mais tout

19 de suite après ma naissance, je suis parti pour Vitez, c'est là que j'ai

20 suivi les cours de l'école primaire. Ensuite, j'ai suivi les cours d'une

21 école secondaire en mécanique qui se trouvait à Novi Travnik et après

22 avoir accompli cette formation, je suis allé travaillé dans

23 l'entreprise Junis qui se trouve à Vitez dans le quartier Vitezit. En

24 fait, c'est le nom de l'entreprise : Vitezit.

25 Je travaillais dans la section chargée de l'entretien des

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1 machines et, par la suite, j'étais chef de l'unité de production. J'étais

2 notamment responsable du conditionnement des engins explosifs. C'est un

3 département qui était composé d'une section d'imprimerie, d'emballage dans

4 des boîtes de carton et il y avait également une unité de mécanique.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que vous

6 résidiez à Vitez. Pourriez-vous nous expliquer où se trouvait votre

7 maison ? Ensuite, si vous le voulez bien, vous nous montrerez

8 l'emplacement exact de cette maison sur le tableau que vous avez eu

9 l'obligeance de nous dresser.

10 M. Strukar (interprétation). - A Vitez, on appelle le quartier

11 où se trouve ma maison : Vitez-le-Haut ou Gorni Vitez, en fait c'est deux

12 cents mètres avant d'arriver à l'église catholique, de l'autre côté de la

13 route. Cela veut dire que nous sommes à deux cents mètres du Mahala, entre

14 l'église et le Mahala.

15 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on dire que votre maison

16 était située sur ce qui est devenu plus tard la ligne de front qui

17 séparait les forces croates et musulmanes à Vitez ?

18 Entre le Mahala et Vitez ?

19 M. Strukar (interprétation). - Effectivement, c'est bien dans ce

20 quartier que se trouvait ma maison et c'est là que, par la suite, la ligne

21 de démarcation a été tracée.

22 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie. Jetons un coup

23 d'oeil sur le chevalet et sur le plan qui apparaît. Qui a fait ce plan et

24 qui voyons-nous ? Aidez-nous à nous orienter. Où se trouve le Mahala, où

25 se trouve votre maison , où se trouve l'église ?

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1 M. Strukar (interprétation). - C'est moi-même qui ai fait ce

2 tableau, afin de me rappeler plus précisément où se trouvaient les maisons

3 qui existaient encore avant le début du conflit.

4 Sur ce plan, on voit les maisons croates et musulmanes. Les

5 maisons colorées sont les maisons qui ont été incendiées au tout début du

6 conflit. Permettez-moi de me lever pour les explications.

7 M. Nobilo (interprétation). - Certainement, veuillez nous

8 expliquer les symboles que vous avez utilisés et montrez-nous quelles sont

9 les maisons croates et quelles sont les maisons musulmanes, s'il vous

10 plaît.

11 M. Strukar (interprétation). - Voici ma maison. Les maisons

12 musulmanes, je les ai indiquées de la façon suivante...

13 M. Nobilo (interprétation). – Veuillez, s'il vous plaît,

14 utiliser ce feutre pour indiquer d'une flèche votre maison.

15 M. Strukar (interprétation). - Voici ma maison, ou plutôt

16 l'endroit où se tenait ma maison. Voici l'église catholique, ici en haut,

17 et puis ici en bas on voit le quartier que l'on appelait le Mahala.

18 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît, il

19 faut que tout soit bien clair dans le compte rendu. Vous venez de placer

20 une flèche orange à côté de votre maison, n'est-ce pas ?

21 M. Strukar (interprétation). - C'est parfaitement exact.

22 M. Nobilo (interprétation). - Parfait. Continuez s'il vous

23 plaît.

24 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, pour que tout soit clair

25 dans le compte rendu, je précise que j'ai montré sur le plan toutes les

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1 maisons musulmanes. Ces maisons sont indiquées par un triangle... ou

2 plutôt par un carré, alors que les maisons croates sont symbolisées par un

3 triangle. Donc les maisons musulmanes sont bien celles symbolisées par un

4 carré ou rectangle.

5 M. Shahabuddeen (interprétation) - Excusez-moi, il y a un petit

6 problème qui se pose. Je ne pouvais pas voir clairement ce que faisait le

7 témoin parce qu'il y avait le projecteur qui me bouchait la vue. Ne

8 changez rien à la disposition des choses mais, Maître Nobilo, peut-être

9 pourriez-vous demander au témoin d'être un tout petit peu plus précis

10 lorsqu'il parle notamment de l'emplacement de sa maison et quelle est la

11 position de sa maison par rapport à : a) l'église catholique, b) au

12 quartier Mahala, parce que je n'ai pas tout à fait suivi.

13 M. Nobilo (interprétation). - Bien. Pourriez-vous s'il vous

14 plaît nous indiquer une fois de plus l'emplacement de votre maison, mais

15 placez bien le bout du pointeur à côté de l'emplacement de la maison ?

16 Ainsi, nous pourrons vous suivre plus précisément. Gardez le pointeur à

17 l'emplacement de votre maison pendant quelques instants. La deuxième chose

18 que je voudrais vous demander, c'est de forcer un petit peu le trait,

19 notamment d'épaissir un petit peu le trait de votre flèche, parce que moi-

20 même je ne vois pas très bien et je pense que les juges, eux non plus, ne

21 voient pas très bien cette flèche.

22 Bien, veuillez à nouveau nous indiquer l'emplacement de votre

23 maison.

24 M. Strukar (interprétation). - Elle est ici.

25 M. Nobilo (interprétation). - Où se trouve l'église catholique ?

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1 Indiquez-là nous s'il vous plaît.

2 M. Strukar (interprétation). - Voici la rue. En haut à gauche,

3 donc à l'un des bouts

4 de cette rue, on voit l'église catholique. Voici la rue qui descend tout

5 droit et voici où commence le quartier du Mahala, ce que nous appelons le

6 Mahala. Donc ma maison est à mi-chemin, si vous voulez, entre le quartier

7 du Mahala et l'église catholique.

8 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Eh bien nous allons laisser

9 cette carte sur le chevalet pour le moment, mais Monsieur Dubuisson, je

10 vous demanderai de bien vouloir attribuer une cote à ce document, parce

11 que nous en demanderons le versement au dossier par la suite.

12 Monsieur le témoin, une semaine avant l'éclatement du conflit à

13 Vitez -je rappelle qu'il a éclaté le 16 avril 1993-, avant le conflit à

14 Vitez est-ce que vous travailliez ?

15 M. Strukar (interprétation). - Oui, je travaillais à cette

16 époque-là. Je n'ai pas cessé de travailler, même s'il est vrai qu'au cours

17 des derniers mois qui ont précédé le conflit, il n'y avait pas

18 suffisamment de travail pour que tous les employés de l'usine soient

19 occupés. Par exemple dans le département dont j'étais responsable, et je

20 n'étais pas un cas unique, nous ne disposions que du nombre minimum de

21 personnel, ce qui nous permettait de mener à bien les tâches qui devaient

22 être réalisées.

23 Mais en fait, notre travail était de 20 % inférieur...., la

24 proportion du travail que nous avions à accomplir était de 20 % inférieure

25 à celle à laquelle nous devions faire face auparavant. Et nous essayions

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1 en fait de savoir quand nous aurions plus de travail à faire.

2 M. Nobilo (interprétation). - Donc vous étiez chez vous à ce

3 moment-là ?

4 M. Strukar (interprétation). - Oui.

5 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des Musulmans

6 ou des Croates qui ont été licenciés des usines de Vitez à l'époque ?

7 M. Strukar (interprétation). - Est-ce qu'ils ont été expulsés

8 par la force, vous voulez dire ?

9 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien oui, est-ce qu'ils ont été

10 expulsés, démis de

11 leurs fonctions ?

12 M. Strukar (interprétation). - Non, je n'ai pas connaissance

13 d'un cas de ce genre. Nous tous, les Serbes, les Croates, les Musulmans,

14 nous avons tous gardé notre emploi à cette époque-là. Nous attendions

15 simplement de voir comment la situation allait évoluer. Ensuite, lorsqu'il

16 arrivait qu'il n'y ait pas assez de travail, nous passions quinze ou vingt

17 jours à la maison et ensuite nous attendions d'être rappelés dans les

18 locaux de l'entreprise.

19 M. Nobilo (interprétation). - La veille du début du conflit, le

20 15 avril 1993 et avant cette date, est-ce que vous étiez un soldat ?

21 Quel était exactement votre statut ? Pourriez-vous l'expliquer

22 exactement aux juges ?

23 M. Strukar (interprétation). – Là où je résidais, il n'y avait

24 que très peu de soldats. Très peu. En fait, moi, pendant vingt ans, avant

25 le début de la guerre, j'ai fait partie de la brigade des pompiers

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1 volontaires. Au cours des cinq ou six dernières années, j'étais en fait

2 chef de cette brigade de pompiers volontaires. Dans le courant d'octobre

3 1992, j'ai reçu un ordre de mobilisation émanant de la Défense

4 territoriale et du Conseil de la défense croate. Nous avons reçu des

5 ordres conjoints de mobilisation nous demandant d'intégrer l'unité qui

6 visait à protéger l'ensemble de la ville des incendies.

7 M. Nobilo (interprétation). – Je voudrais que ces ordres de

8 mobilisation soient passés au témoin et j'aimerais également que des cotes

9 soient attribuées à ces documents.

10 Pendant que tout cela se fait et que l'on cherche ces ordres de

11 mobilisation, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer si votre

12 unité de pompier était une unité croate, une unité musulmane ou une unité

13 mixte ?

14 M. Strukar (interprétation). – Elle était mixte parce qu'elle se

15 composait d'individus qui, sur une base volontaire, acceptaient de

16 travailler au sein de la brigade de pompiers. Ils n'étaient pas rémunérés

17 pour ce travail. Il y avait des Serbes, des Croates, des

18 Musulmans qui constituaient la brigade des pompiers. Les personnes qui

19 travaillaient dans cette brigade ont été appelées à prendre leur fonction

20 au sein de cette unité du fait des événements qui se produisaient en

21 Croatie et dans d'autres régions de la Bosnie-Herzégovine, dans certaines

22 région d'Herzégovine.

23 M. Nobilo (interprétation). – Pendant combien de temps cette

24 unité a-t-elle préservé ce caractère mixte et multinational ?

25 M. Strukar (interprétation). – Cet état s'est prolongé jusqu'à

Page 16229

1 la veille du conflit. Oui, je ne crois pas me tromper, jusqu'à la veille

2 du conflit. La dernière équipe constituée était constituée d'un Croate,

3 d'un Musulman et d'un Serbe. Tous trois ont participé à cette équipe.

4 M. Nobilo (interprétation). - J'ai entre les mains ces deux

5 ordres de mobilisation. Je n'ai pas malheureusement pas de version en

6 anglais de ces documents. Le premier émane de l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine. Je vais les lire.

8 Quelles sont les cotes, monsieur Dubuisson, attribuées à ces

9 documents ?

10 M. Dubuisson. – Pour la carte, il s'agit du document D513. Pour

11 le premier document, où la date est reprise (23.11) à l'extrémité gauche

12 supérieure, il s'agit du D514 et pour le suivant, D515.

13 M. Nobilo (interprétation). – Pourrions-nous essayer de définir

14 de quel document vous parlez, monsieur Dubuisson ? Est-ce un document qui

15 émane de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du Conseil croate de la défense,

16 celui du 23 11 ? Les deux dates sont identiques sur ces documents.

17 M. Dubuisson. – Le n° D515 est celui sur lequel il est indiqué,

18 sur le coin supérieur gauche, Armija BIH, celui-ci.

19 M. Nobilo (interprétation). - Parfait. Merci.

20 Je vais commencer par lire à haute voix le document D515 qui

21 émane de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 "Armée de Bosnie-Herzégovine, quartier général de Vitez, ordre

23 de mobilisation. Service au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine, adressé

24 au mécanicien Marijan Strukar, né en 1956 dans la ville de Vitez."

25 Les autres d'éléments d'information qui apparaissent sont

Page 16230

1 l'adresse et le numéro de la maison où habite la personne concernée. Il y

2 a également d'autres éléments d'information qui, eux, n'apparaissent pas,

3 notamment le lieu de l'emploi.

4 La date du 23 novembre 92, il est indiqué qu'à cette date, il

5 faut se présenter au quartier général de la brigade des pompiers. Cet

6 ordre de mobilisation est signé. Il porte également un sceau et la

7 signature est à peine lisible.

8 Pour le deuxième document, le D514, l'en-tête est "République de

9 Bosnie-Herzégovine, communauté croate d'Herceg-Bosna, Conseil de défense

10 croate". C'est l'en-tête qui apparaît sur ce document. Ensuite, on voit le

11 nom de la localité "Vitez". Ensuite, on voit le n° référence "SL". La date

12 d'émission est le 23 novembre 1992. Il s'agit bien d'un ordre de

13 mobilisation adressé à Marijan Vladimir Strukar. La date de naissance

14 apparaît "6 mai 1956". Le grade n'apparaît pas.

15 On voit que la personne concernée habite à Vitez. Le nom de la

16 municipalité n'apparaît pas. Le numéro de la rue n'apparaît pas. Le numéro

17 de téléphone n'apparaît pas. L'adresse des locaux de l'entreprise

18 n'apparaît pas non plus.

19 Il est indiqué que la personne concernée doit, lors de la

20 réception de cet ordre de convocation, se rendre immédiatement au quartier

21 général de la Défense civile et, notamment, au quartier général de la

22 brigade de pompiers. Il faut que la personne se rende au centre des

23 pompiers qui se trouve à Vitez. Et l'on voit que c'est le représentant de

24 la Défense qui a signé ce document, Dragan Strbac -pour autant que je

25 puisse le lire.

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1 Et puis, il y a la petite indication, entre parenthèses, sous la

2 signature, qui indique que : "Si l'individu concerné ne se conforme pas

3 aux indications qui sont données dans cette convocation, il sera considéré

4 comme coupable et passible de sanctions que la communauté croate d'Herceg-

5 Bosna est en droit de prendre".

6 Monsieur Strukar, est-ce que ces papiers sont bien les papiers

7 qui correspondent à ceux que vous avez reçus le 23 novembre 1992 ? Est-ce

8 que ce sont les documents authentiques ?

9 M. Strukar (interprétation). - Parfaitement, ces photocopies

10 sont des photocopies de documents authentiques. Les originaux sont ici

11 même.

12 M. Nobilo (interprétation). - Le quartier général dont vous

13 dépendiez se trouvait, n'est-ce pas, dans le centre de la brigade des

14 pompiers, dans les locaux du centre de la brigade des pompiers ? Est-ce

15 que ce n'est pas là aussi que le quartier général de la police musulmane

16 se trouvait ?

17 Pourriez-vous nous expliquer comment la situation se

18 présentait ? Est-ce que vous avez eu des problèmes avec les membres de

19 cette police, justement ? Est-ce que vous avez eu des problèmes avec les

20 Musulmans qui composaient cette force à Stari Vitez ?

21 M. Strukar (interprétation). - Il y avait donc le bâtiment où se

22 trouvait la brigade des pompiers. Ce bâtiment avait toujours été le même,

23 en tout cas il a toujours été le même pendant les vingt années que j'ai

24 passées moi-même au sein de cette brigade. Il est constitué de deux

25 étages. Il y a des appartements à l'étage et au rez-de-chaussée il y a des

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1 boutiques, des magasins.

2 A l'époque, ils ont commencé à chercher des locaux. A ce moment-

3 là, des membres des forces musulmanes ont choisi de s'installer dans ces

4 bureaux et ces magasins qui se trouvaient au rez-de-chaussée. C'était

5 effectivement là que se trouvait basée leur police. Il y avait d'un côté

6 la police civile, de l'autre côté la police militaire. Je ne sais pas

7 exactement comment vous décrire la situation. Mais...

8 M. Nobilo (interprétation). - Ces formations, qu'elles soient

9 civiles ou militaires,

10 appartenaient bien aux forces musulmanes de Bosnie, n'est-ce pas ?

11 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est bien ce que j'ai dit.

12 Il s'agissait de forces de police musulmanes.

13 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, est-ce qu'il y a eu des

14 incidents, des affrontements qui vous ont opposé à vos voisins ?

15 M. Strukar (interprétation). - Eh bien oui. Il y a eu quelques

16 incidents qui se sont produits. J'aimerais notamment vous parler de l'un

17 d'entre eux dans lequel j'ai été impliqué et dans lequel a été impliquée

18 la brigade de pompiers. C'était un lundi -je n'ai plus la date précise à

19 l'esprit-, mais ce lundi-là le bâtiment de la banque a pris feu. Nous nous

20 sommes rendus sur place pour essayer d'éteindre l'incendie. Les pompiers

21 qui se sont rendus sur place ont été faits prisonniers par les policiers

22 musulmans. Est-ce que vous voulez que j'entre dans les détails de cet

23 incident ?

24 Toujours est-il que les policiers musulmans sont sortis en armes

25 et ont renvoyé les pompiers et les camions de pompiers au garage.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu d'autres

2 incidents de ce type ?

3 M. Strukar (interprétation). - Près du magasin de

4 Nikola Krizanac, il y a eu effectivement un incident de ce genre.

5 J'aimerais vous montrer où cela s'est passé sur la carte. Vous verrez

6 l'emplacement du magasin. J'indique d'abord ma maison, et le magasin dont

7 je parle est situé ici, en contrebas. Le bâtiment qui abrite la brigade

8 des pompiers est à 200 ou 300 mètres de ce magasin, mais ce bâtiment

9 n'apparaît pas sur la carte.

10 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. Vous

11 savez, tout ce que nous disons est pris par des sténotypistes, tous les

12 gestes que vous faites et toutes les indications que vous faites ne

13 peuvent pas apparaître sur le compte rendu si nous ne mettons pas des mots

14 dessus. Donc, votre maison apparaît en dessous de la flèche orange, n'est-

15 ce pas ?

16 M. Strukar (interprétation). - Oui.

17 M. Nobilo (interprétation). - Et le magasin de Nikola Krizanac

18 est symbolisé par un triangle à moitié coloré en rouge. Et le troisième

19 bâtiment à partir du bas de la route est ce magasin, n'est-ce pas ?

20 M. Strukar (interprétation). - Oui.

21 M. Nobilo (interprétation). - Et le bâtiment de la brigade des

22 pompiers est en dehors de ce que nous pouvons voir sur cette carte ?

23 M. Strukar (interprétation). - Oui. Effectivement, ce bâtiment

24 était à 200 ou 300 mètres du magasin dont je viens de parler. Jusqu'à ce

25 jour, je suis incapable de trouver une explication à ce qui s'est passé.

Page 16234

1 Mais en fait, apparemment, la police avait reçu une espèce de rapport qui

2 stipulait qu'il s'était passé quelque chose.

3 La police est venue sur place avec des hommes en armes. Elle est

4 entrée dans ce magasin et ils ont coupé une citerne du service public

5 d'approvisionnement en eau. Tout cela s'est prolongé pendant tout

6 l'après-midi et toute la nuit. Cela a tout bloqué. Il n'y avait pas de

7 circulation entre ma maison et le bâtiment de la brigade des pompiers. Ma

8 maison est dans le voisinage et n'est tout de même pas trop éloignée du

9 magasin. Pendant la nuit, j'avais un peu peur, je me demandais ce qui se

10 passait et j'essayais de garder l'œil ouvert. J'observais ce qui se

11 produisait. Au cours de la nuit, j'ai vu que le magasin était pillé. J'ai

12 appelé mes hommes qui se trouvaient dans le bâtiment des pompiers,

13 certains Musulmans se trouvaient parmi eux et j'ai dit : "Dites au

14 commandant que les jeunes hommes qui se trouvent près du magasin sont en

15 train de piller le magasin ! Ils sont un peu nerveux !".

16 M. Nobilo (interprétation). - De qui parlez-vous ? Qui est

17 nerveux ?

18 M. Strukar (interprétation). - Je parle de mes voisins Croates.

19 C'est eux qui étaient nerveux, ils voyaient eux aussi ce qu'il se passait.

20 Il n'y avait pas de coups de feu échangés, certes, mais dans une telle

21 situation, on ne sait pas trop comment se comporter. On voyait très bien

22 ce qui se passait dans le magasin.

23 Don, j'ai informé mes collègues de la brigade des pompiers de ce

24 qui se passait et j'ai demandé à un de mes collègues de s'adresser au

25 commandant qui se trouvait sur place. Mon collègue m'a dit qu'il avait

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1 déjà dit au commandant ce qui se passait mais, le lendemain, quand tout a

2 été terminé, le magasin était absolument vide, il n'y restait plus rien.

3 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien, disons qu'il s'agissait

4 d'un exercice militaire qui consistait à prendre des positions croates.

5 Quand cela s'est-il passé exactement ?

6 M. Strukar (interprétation). - Je suis incapable de vous le dire

7 avec exactitude, mais c'était juste avant le début de l'année 1992,

8 pardon, pardon, j'ai dit 1992, mais bien sûr je parle du début de l'année

9 1993, puisque nous étions en décembre 1992. Je m'excuse.

10 M. Nobilo (interprétation). - Très bien. Venons en aux

11 événements qui nous intéressent et qui sont au centre même de votre

12 témoignage. Le conflit a éclaté à Vitez le 16 avril 1993. Pourriez-vous

13 nous expliquer ce qui s'est passé dans le courant du 15 avril 1993 ? Quand

14 avez-vous pris conscience du fait qu'il se passait quelque chose ? Quand

15 avez-vous pris conscience qu'un certain événement s'est produit, événement

16 dont, par la suite, vous vous êtes aperçu qu'il avait des liens directs

17 avec ce qui s'est passé le 16 avril 1993 ?

18 M. Strukar (interprétation). - Afin de pouvoir répondre à la

19 question que vient de poser Me Nobilo, je dois préciser que, dès que la

20 guerre a éclaté en Croatie et en République de Bosnie-Herzégovine, nous

21 avions décidé que des patrouilles de sécurité allaient se déplacer dans

22 nos quartiers. Ces patrouilles étaient constituées de personnes qui ne

23 dormaient pas de la nuit, et pour une raison quelconque, nous avons décidé

24 que nous ne ferions pas cela conjointement. Nous avons décidé que les

25 Musulmans garderaient les maisons musulmanes, et les Croates les maisons

Page 16236

1 croates. Nous nous succédions au sein de ces patrouilles, mais parfois il

2 n'y en avait pas car quelqu'un appelait pour dire que tout était calme.

3 Mais vers cette époque-là, vers le 16 avril, il n'y avait pas de

4 patrouilles de ce type, donc on pensait que la situation était tout à fait

5 stable. Et puis, je ne sais pas, environ vers

6 19 heures 30, un de mes amis est arrivé...

7 M. Nobilo (interprétation). - Vous parlez bien du 15 avril,

8 n'est-ce pas ?

9 M. Strukar (interprétation). - Oui, je parle bien du 15 avril et

10 je parle de ce qui s'est passé ce jour-là vers 19 heures 30. Un ami est

11 arrivé, il a dit -je ne pourrais pas vous dire exactement ce qu'il a dit-

12 que les Musulmans étaient en train de se préparer à lancer une action. Il

13 a dit qu'il faut que nous nous préparions pour pouvoir agir. Moi, je

14 n'étais pas tellement surpris, cette situation s'était produite

15 auparavant. Enfin, je suis sorti et je me suis dirigé vers l'église

16 catholique.

17 Devant cette église, il y a une petite place. Nous avions

18 l'habitude, enfants déjà, de nous rassembler sur cette petite place, de

19 bavarder et d'y jouer. Voici où se trouve cette place.

20 Lorsque je suis arrivé sur cette place, il y avait déjà quinze

21 ou vingt de mes voisins qui s'y trouvaient réunis et qui ne comprenaient

22 absolument pas ce qui se passait. Immédiatement, nous nous sommes dit

23 qu'il fallait réinstaurer le système de patrouilles, ce qui nous

24 permettraient de protéger nos maisons. Mais étant donné que rien ne se

25 produisait, étant donné que nous n'avions connaissance d'aucun élément

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1 d'information, apparemment quelqu'un avait entendu quelque chose, mais en

2 dépit du peu d'information dont nous disposions, nous nous sommes dit

3 qu'il serait peut-être bon que quelqu'un reste de garde. Mais nous

4 n'arrivions pas à nous mettre d'accord.

5 Nous nous sommes dit que peut-être certains d'entre nous

6 pouvaient rentrer chez eux et dormir. Quant à ceux qui n'avaient plus

7 envie de se recoucher, ils pouvaient rester debout et patrouiller dans le

8 quartier. S'ils en avaient assez par la suite, ils pourraient aller

9 réveiller les autres. Moi, j'ai eu de la chance et j'ai pu rentrer chez

10 moi.

11 Je suis donc rentré chez moi. J'ai l'habitude de me coucher très

12 tard, donc je suis resté un moment à bavarder avec ma femme. Mes enfants

13 sont allés se coucher. Mais vers 23 heures 30 ou minuit, l'un de mes amis

14 a dit : "Ecoute, ce serait une bonne idée que tu sortes

15 parce que j'ai l'impression qu'il se passe quelque chose d'étrange."

16 Je ne voulais pas que ma femme s'inquiète car il y avait déjà eu

17 des situations de ce genre. Lorsque je suis remonté en direction de la

18 place, je me suis aperçu qu'il y avait là un attroupement. Les personnes

19 qui composaient ce groupe n'avaient aucun élément d'information, mais il y

20 avait quelque chose dans l'air. Il était évident qu'il se passait quelque

21 chose de bizarre.

22 Lorsque les menaces se sont précisées, tous ceux qui comme moi

23 vivaient à côté du Mahala, cet endroit que j'ai indiqué sur la carte, dans

24 une telle situation, les personnes résidant dans ce quartier-là,

25 emmenaient leur femme et leurs enfants en direction des maisons qui se

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1 trouvaient un peu plus loin de ce quartier.

2 Puisque personne n'était sûr de ce qui se passait, j'ai reçu le

3 conseil de réveiller mon épouse et de lui demander de mettre les enfants

4 en sécurité parce qu'en République de Bosnie-Herzégovine, l'expérience

5 acquise au cours de la guerre était qu'en général c'étaient les gens qui

6 vivaient dans les maisons les plus proches qui souffraient le plus.

7 C'est dont ce que j'ai fait. Je suis rentré à la maison, j'ai

8 réveillé ma femme. Je lui ai dit ce qui se passait. Je lui ai dit de

9 partir avec les enfants. Mes parents habitent dans la maison voisine de la

10 mienne –je la montre ici, sur le plan. Ma mère, mon père, ma sœur et son

11 enfant vivent dans la maison voisine de la mienne. Cette maison était

12 pleine. C'est dans la maison de Nikola Banic, dans cette maison ici que

13 j'ai placé les membres de ma famille, après quoi je suis revenu chez mes

14 parents.

15 Mon père a dit : "Moi, je ne veux rien entendre de tout cela.

16 Cela fait plusieurs fois qu'il y a eu des situations un peu confuses dans

17 cette guerre, moi je n'en veux pas." Il n'a rien voulu entendre. Quant à

18 ma sœur et son fils, j'ai réussi à les convaincre de partir tout de même.

19 Tout cela a duré jusqu'à 2 heures et demie ou 3 heures du matin.

20 Parmi mes voisins les plus proches, il y en a qui ont également

21 fait partir de leur famille. Après cela, plus rien ne s'est passé. Nous

22 étions là, les hommes, et nous essayions

23 d'obtenir des renseignements pour informer nos familles. Dans la maison où

24 se trouvaient mes parents, il y avait déjà plus de vingt personnes et la

25 maison n'est pas bien grande. Mais nous ne savions rien. Nous n'avions

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1 qu'une seule information, à savoir que les Musulmans préparaient quelque

2 chose. Nous sommes restés dans ces maisons où nous étions à tourner en

3 rond, à fumer une cigarette, à bavarder. Cela a duré toute la nuit.

4 Jusqu'à l'aube, il faisait encore sombre, Bien entendu, nous

5 continuions à essayer de recueillir des informations. Je me rappelle très

6 bien que quelqu'un a dit à un certain moment que nous n'avions plus besoin

7 de nous inquiéter. Parce que nous nous inquiétions pour nos familles. Nous

8 n'avions donc plus besoin de nous inquiéter.

9 Il y a des jeunes qui sont arrivés de Bila, un endroit non loin

10 de Travnik. Ils nous dit que nous n'avions pas besoin d'avoir peur. Ils

11 parlaient comme s'ils avaient de l'expérience parce qu'ils allaient tous

12 nous défendre.

13 Nous avons donc commencé à parler de cela, entre nous. Mais la

14 nervosité était sensible. C'était la première fois que quelqu'un arrivait

15 en uniforme et en arme chez nous. Nous sentions donc une certaine tension.

16 Certains échanges verbaux ont été assez tendus. Je me rappelle quelqu'un

17 est arrivé à ce moment-là et a vu deux hommes qui discutaient avec un peu

18 animation. Ce nouveau venu a dit : "Mais que faites-vous ici, devant cette

19 maison, circulez."

20 C'est ainsi que depuis la maison où se trouvait ma famille, nous

21 avons emprunté ce chemin, que je montre sur le plan, à partir de la maison

22 d'Ivica Blasic.

23 M. Nobilo (interprétation). – Vous montrez les maisons croates

24 qui se trouvent à droite du plan, qui figurent sur le plan sous la forme

25 de triangle ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Oui. Nous avons donc pris ce

2 chemin dans ce secteur.

3 M. Nobilo (interprétation). - Et que s'est-il passé après cette

4 même nuit ? Comment est-ce que les choses ont commencé ? Est-ce que vous

5 pouvez le décrire au Tribunal ?

6 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, aux abords de l'aube, il

7 y avait un petit peu de lumière mais il faisait encore assez sombre, nous

8 avons entendu des explosions assez faibles provenant de Vitez. Nous avons

9 pensé que des jeunes gens s'amusaient avec des grenades. Mais en fait,

10 ensuite une explosion plus violente a eu lieu, plus violente que les

11 explosions précédentes. Je ne suis pas expert en explosifs, bien sûr, mais

12 je connais tout de même la détonation qui provient d'une explosion de ce

13 genre et je peux dire que je l'ai entendue depuis chez moi.

14 Donc le bruit a traversé la rivière Lasva. J'ai pensé qu'il y

15 avait peut-être des risques au niveau du poste d'essence, en particulier.

16 Mais nous ne savions pas ce qui se passait. Ensuite, il y a eu du silence

17 pendant deux ou trois minutes après l'explosion. Après cela, après ce

18 silence, nous avons entendu deux ou trois coups de feu et puis de nouveau

19 le silence.

20 Mais à ce moment-là, nous avons entendu des coups de feu qui

21 venaient de la rue dans laquelle se trouve ma maison. Je ne savais pas ce

22 qui se passait exactement, mais j'avais peur parce que nous ne savions pas

23 qui tirait, contre quoi, pour quelles raisons, et cela a duré une dizaine

24 de minutes, ces coups de feu. Et puis chacun d'entre nous est allé voir

25 les membres de sa famille là où ils se trouvaient pour se rassurer et

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1 tenter de les défendre.

2 Quand je me suis approché de la maison de Nikola Banic, où se

3 trouvaient les membres de ma famille, ici, en haut à droite du plan, des

4 familles musulmanes étaient en train d'arriver, des hommes, des femmes et

5 des enfants. Les jeunes gens de Bila les expulsaient de leurs maisons à

6 eux pour les envoyer vers les maisons où nos familles à nous étaient

7 installées, où les civils étaient installés.

8 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous dites "les civils",

9 vous voulez dire les civils croates ?

10 M. Strukar (interprétation). - Oui, je pense aux membres de nos

11 familles. Parce que c'étaient surtout les membres de nos familles qui se

12 trouvaient ici, qui y avaient trouvé

13 refuge.

14 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'il y a eu des coups de

15 feu nourris dans cette partie de Vitez, à ce moment-là ?

16 M. Strukar (interprétation). - Moi j'appellerais ça des coups de

17 feu nourris parce que nous les avons entendus. C'étaient des coups de feu

18 provenant de fusils. J'avais déjà entendu ce son particulier. Ensuite, le

19 bruit est devenu plus fort que ce que nous avions entendu pendant la

20 journée. Un canon, par exemple, a tiré aussi. Il se trouvait sur un

21 camion, sur la plate-forme d'un camion. C'est un canon antiaérien, avec

22 des tubes de 20 mm de calibre, trois tubes en fait de 20 mm.

23 Et puis de la maison j'ai pu voir aussi un lance-grenades et des

24 fusils-mitrailleurs qui tiraient. Donc ils ont atteint les toits, ils les

25 ont fait exploser, les toits sont tombés dans les cours. Ces tirs ont duré

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1 assez longtemps.

2 M. Nobilo (interprétation). - Mais quelle a été votre

3 conclusion ? Avez-vous pu conclure d'où provenaient ces tirs de grenade ?

4 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, je pense qu'ils venaient

5 du quartier du Mahala, je le pense.

6 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu le

7 sifflement des balles ? Est-ce que vous avez entendu les tirs provenant de

8 Mahala ? Je parle de tirs d'armes de petit calibre également, d'armes

9 légères.

10 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, nous étions protégés par

11 les maisons qui se trouvaient devant nous. Mais il y a des balles qui ont

12 frappé les tuiles des toits. Et puis les grenades aussi ont frappé les

13 toits, comme je l'ai déjà dit, et les débris tombaient dans les cours de

14 nos maisons à nous.

15 M. Nobilo (interprétation). - Mais que s'est-il passé ensuite ?

16 Vous étiez avec votre père, n'est-ce pas ?

17 M. Strukar (interprétation). - Oui, j'avais emmené ma mère et ma

18 soeur dans les maisons qui se trouvent en haut du plan, mais mon père

19 avait refusé de partir. C'était pour moi une source d'angoisse. Donc, je

20 ne suis pas allé plus haut que la moitié... je n'ai pas atteint la partie

21 supérieure du plan que vous voyez ici, parce que de la fumée provenait

22 déjà de ce quartier.

23 Je voyais aussi de la fumée et des flammes du côté de la rue qui

24 faisait face à ma maison. Et puis, nous voyions des Musulmans qui

25 sortaient de chez eux, qui hurlaient, se lamentaient en disant que leur

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1 maison avait été incendiée.

2 Donc tous ces bruits, toutes ces détonations ont commencé à

3 semer une très grande peur chez nous. Moi, j'avais plus que peur pour mon

4 père et pour sa vie. J'étais très inquiet au sujet de ma maison également,

5 de ce qui lui était arrivé parce qu'elle aussi, elle a brûlé. J'ai

6 consulté mes collègues, je leur ai demandé ce que je devrais faire. Un

7 ami, qui s'appelle Mlakic, Darko Mlakic, un ami donc qui habite dans la

8 maison en face de la mienne, dans la direction du quartier de Mahala, a

9 dit que son père était aussi resté chez lui parce qu'il était diabétique

10 et que son frère était resté s'occuper de son père qui ne pouvait pas

11 rester seul.

12 Nous avons décidé de descendre dans ce quartier pour voir ce

13 qu'il en était de nos parents. Je me rappelle qu'en plusieurs occasions

14 nous avons essayé de partir, mais nous n'étions pas des tireurs

15 expérimentés, nous n'étions même pas des tireurs du tout et nous avions

16 très peur.

17 Donc nous faisions quelques mètres, une dizaine de mètres disons

18 et puis, nous avions tellement peur que nous retournions vite à notre

19 point de départ parce que les balles volaient un peu partout. Et puis,

20 nous avions honte évidemment de ne pas faire preuve d'un courage plus

21 grand que cela. Notre orgueil était blessé, alors nous ressortions. Cet

22 ami a dit qu'il était convaincu qu'il devrait utiliser son fusil de chasse

23 parce que c'était un chasseur. Il avait donc un fusil de chasse à deux

24 canons et il avait deux balles, je crois. Nous avons pris son

25 fusil pour descendre la rue.

Page 16244

1 M. Nobilo (interprétation). - Combien de balles aviez-vous, en

2 fait ?

3 M. Strukar (interprétation). - Deux.

4 M. Nobilo (interprétation). - Deux balles ?

5 M. Strukar (interprétation). - Oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - Mais votre collègue, celui qui est

7 venu avec vous ?

8 M. Strukar (interprétation). - Il n'avait rien du tout.

9 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivez, je vous prie.

10 M. Strukar (interprétation). - Cela peut vous paraître bizarre,

11 mais cette carabine nous a causé plus de soucis qu'elle ne nous a aidés

12 parce qu'on nous a interrogés à son sujet. Tous les deux nous sortions,

13 nous rentrions, nous ressortions, mais nous avons réussi à partir en

14 circulant entre les maisons.

15 M. Nobilo (interprétation). - Donc de ce côté de la rue, qui est

16 plus près de la rivière Lasva ?

17 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est là que se trouvent ma

18 maison et la maison de Darko également. Nous nous cachions derrière les

19 maisons, comme on peut le voir à la télévision, par exemple. A un certain

20 moment, nous nous sommes rendus compte qu'il s'était déjà passé pas mal de

21 temps et que nous n'avions pas encore réussi à atteindre la maison de mon

22 père. Mais nous y sommes finalement arrivés, nous l'avons trouvé dans la

23 cave.

24 M. le Président. - Vous vous tournez vers les Juges lorsque vous

25 répondez, merci.

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1 M. Strukar (interprétation). - Je vous prie de m'excuser. Donc

2 il était resté dans la maison mais il était descendu dans la cave. Il a

3 dit : "Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que vous savez ce qui se passe ?".

4 Je me rappelle que je lui ai répondu : "Eh bien, les gens en tout cas sont

5 vivants", parce que jusqu'à ce moment-là j'avais vu tous mes voisins

6 croates et tous les Musulmans aussi. Tout le monde était vivant : tous ces

7 civils donc, nos voisins musulmans et

8 croates étaient restés dans ces maisons. Je ne connais personne qui a été

9 tué. J'ai pensé qu'il serait très difficile pour moi de voir des maisons

10 incendiées parce que cela faisait tellement d'années que je faisais partie

11 de la brigade des sapeurs-pompiers.

12 Mon père m'a dit : "Mais qu'est-ce que tu veux dire en disant

13 que personne n'a été tué ? Regarde le mort qui se trouve là, devant la

14 maison !" Je lui ai demandé de qui il parlait et il a dit : "Notre voisin,

15 Becko!".

16 M. Nobilo (interprétation). - Et quel est son nom de famille ?

17 M. Strukar (interprétation). - Il s'appelle Sulejman Sadibasic,

18 mais on l'appelle "Becko" en général. J'ai demandé où il était et je l'ai

19 vu juste devant sa maison. Nous étions dans la cave de notre maison et

20 cette cave avait une porte qui faisait face au quartier de Mahala, et donc

21 à la porte de la maison de Sulejman, notre voisin.

22 J'ai donc regardé dans la direction de la porte de sa maison et

23 j'ai vu Becko qui était allongé dans la rue. Bien sûr, j'ai réalisé plus

24 tard qu'il était mort. Bien sûr, Darko et moi-même avons été horrifiés par

25 ce que nous avions vu : c'était un de nos amis. Moi, je pensais que

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1 personne n'avait été blessé ni tué.

2 Après cela, mon père a ajouté que, lorsqu'il descendait dans la

3 cave, il avait vu que Basic avait été appelé et que le fils de cet homme,

4 de Sulejman et des réfugiés de Jajce se trouvaient là. Il a dit qu'il

5 avait eu peur. Mais nous n'avons pas pu connaître les détails parce que

6 mon père n'a pas voulu rester dans la cave et Darko et moi-même sommes

7 repartis.

8 M. Nobilo (interprétation). - Mais décrivez, si vous voulez,

9 aux Juges les problèmes qui se sont passés autour de votre voiture ? Que

10 s'est-il passé avec votre voiture ? Comment a-t-elle disparu ?

11 M. Strukar (interprétation). - Au cours de cette explication,

12 pendant que mon père m'expliquait ce qui s'était passé avec notre voisin

13 Sulejman et me disait qu'il avait été tué, j'ai dit : "Mais comment cela

14 s'est-il passé ?". Il a dit : "Je ne sais pas mais il y avait aussi un

15 garçon de Nova Bila qui s'est fait tuer, lui aussi." Et puis, devant la

16 maison de mon père, il y a un garage où se trouvait ma voiture.

17 Mon père m'a dit que cet homme s'était fait blesser à cet

18 endroit-là, mais qu'il l'avait ensuite vu mort. Nous pensions qu'il

19 n'était peut-être que blessé, nous sommes donc allés voir dans le garage.

20 La porte du garage était entrouverte et je n'y ai pas vu ma voiture.

21 M. Nobilo (interprétation). - Quelques éclaircissements si vous

22 le voulez, dans l'intérêt des Juges.

23 Dites aux Juges, s'il vous plaît, ce que vous avez entendu par

24 la suite quant aux circonstances dans lesquelles Becko, son fils et ce

25 soldat du HVO de Nova Bila ont été tués ? Comment les choses se sont-elles

Page 16247

1 passées ?

2 M. Strukar (interprétation). - Au moment où j'ai vu Sulejman, la

3 seule chose que je savais c'est ce que mon père m'avait dit. Il est normal

4 de se poser des questions et d'essayer de s'informer au sujet des

5 événements qui se produisent. De sorte que deux ou trois jours plus tard,

6 j'ai parlé avec un autre de mes voisins, un voisin qui habite de l'autre

7 côté de la rue. Je montre l'emplacement de sa maison sur le plan : il

8 habitait cette maison. Le propriétaire est Pero Milosevic, un Serbe, si

9 cette information est pertinente. Donc, quand les maisons brûlaient, ce

10 matin-là, lui ne savait pas ce qui se passait parce que personne n'avait

11 fait appel à lui, ni les Musulmans ni les Serbes.

12 M. Nobilo (interprétation). - Ni les Croates !

13 M. Strukar (interprétation). - Ni les Musulmans ni les Croates,

14 excusez-moi. Il était chez lui, il regardait ce qui se passait par la

15 fenêtre de sa maison. C'est lui qui m'a dit qu'il avait vu ces hommes en

16 uniforme qui couraient dans tous les sens sur la route et qu'à un instant

17 déterminé, à partir de la fenêtre de sa maison -bien entendu, il n'a pas

18 ouvert la fenêtre pour se pencher à l'extérieur, il se protégeait derrière

19 le rideau et regardait à une certaine distance de la vitre-, mais en tout

20 cas, il a donc dit qu'en regardant par la fenêtre il a vu le fils aîné de

21 Sulejman et il a vu ces jeunes gens de Nova Bila qui sont arrivés en

22 courant.

23 A ce moment-là, le fils de Sulejman est sorti avec un fusil, et

24 dans la maison de Sulejman Sadibasic, les jeunes gens de Nova Bila sont

25 entrés par ici. Son fils est sorti de la maison, il a dévalé la pente en

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1 dessous de la maison qui mène au torrent -il y a une pente qui descend,

2 là- et puis, il a trouvé un abri naturel, il a commencé à tirer contre ces

3 jeunes gens de Nova Bila et c'est entre sa maison et la mienne -c'est à

4 dire à cet endroit-là à peu près- qu'il a tué ce jeune homme de Nova Bila.

5 M. Nobilo (interprétation). - Mais quelques détails pour

6 éclaircissements, si vous le voulez bien. Sulejman Sadibasic qui est mort

7 et ses fils sont des Musulmans, n'est-ce pas ?

8 M. Strukar (interprétation). - Oui.

9 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivez, que s'est-il passé

10 ensuite ?

11 M. Strukar (interprétation). - Ce que je dis donc, c'est que

12 c'est Pero Milosevic qui m'a renseigné sur tout cela. Le fils de Sulejman

13 -je crois que son prénom était Safet- a donc tiré sur les jeunes gens de

14 Nova Bila et en a blessé un. Après quoi, la fusillade est devenue très

15 intense et il y en a pas mal qui sont morts. Car, ce que je n'ai pas

16 encore dit, c'est qu'au cours des événements qui ont précédé tout ce qui

17 s'est passé, nous étions tous entre nous. Nous parlions la même langue.

18 Les jeunes gens qui sont arrivés, eux, portaient un brassard blanc pour se

19 reconnaître. C'est là que Sulejman, son fils et quelqu'un d'autre qui

20 était venu de Jajce -je ne sais pas comment il s'appelait-, et puis

21 Brasa Sadibasic aussi ont été tués.

22 M. Nobilo (interprétation). - D'après ce que ce Milosevic vous a

23 raconté, est-ce que vous pourriez utiliser le stylo rouge pour nous

24 indiquer où Sulejman Sadibasic et son fils sont morts ? Et puis, je vous

25 demanderai d'utiliser un marqueur d'une autre couleur éventuellement pour

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1 nous indiquer l'emplacement où vous avez vu le corps de ce soldat de

2 Nova Bila qui s'est fait tuer.

3 M. Strukar (interprétation). - Oui, d'accord.

4 M. Nobilo (interprétation). - Nous n'avons pas de marqueur vert,

5 nous n'en avons qu'un bleu, donc c'est en bleu, si vous le voulez bien.

6 Ah, je vois que mon collègue... mais le mien est mieux.

7 C'est en bleu que nous allons indiquer l'endroit où Sadibasic et

8 son fils sont morts et en rouge, nous indiquerons où l'homme de Nova Bila

9 a été tué. En vert, tout de même, nous allons indiquer les directions à

10 partir desquelles les soldats de Nova Bila tiraient, c'est-à-dire

11 l'emplacement où se trouvaient les soldats de Nova Bila qui tiraient.

12 Je vous demande d'abord d'indiquer l'emplacement où a été tué

13 Sadibasic, où ont été tués Sadibasic et les Musulmans que vous avez cités,

14 mentionnés. Je vous demanderai de l'indiquer en bleu.

15 M. Strukar (interprétation). - Je vais donc maintenant indiquer

16 l'emplacement où j'ai vu Sulejman allongé au sol et ensuite le fils de

17 Sulejman et cet autre homme. C'est là que j'ai vu Sulejman.

18 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous avez dessiné un cercle,

19 mais je vous demanderai d'agrandir ce cercle de façon à ce que ce soit

20 tout à fait clair. Le cercle bleu indique l'emplacement où vous avez vu le

21 corps de Sadibasic.

22 Montrez-nous maintenant les autres emplacements où les Musulmans

23 ont été tués.

24 M. Strukar (interprétation). - J'ai dit que ce jour-là je n'ai

25 vu que Sulejman et c'est à cet emplacement que je l'ai vu, mais ils sont

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1 restés sur place deux ou trois jours car personne ne pouvait s'approcher

2 des corps.

3 Donc c'est seulement plus tard que j'ai appris, sans l'avoir vu

4 ce jour-là, que le fils de Sulejman a été tué ici, de ce côté là, et puis

5 qu'il y a eu un autre cadavre -c'est plus tard que j'ai réussi à le

6 savoir-, un autre cadavre qui se trouvait quelque part ici. En fait, il y

7 en avait deux à cet emplacement.

8 Donc je n'ai pas pu voir cela sur le moment, mais je l'ai appris

9 plus tard. En tout

10 cas, c'est à cet endroit qu'il se trouvait.

11 M. Nobilo (interprétation). - Je vous prierai maintenant

12 d'utiliser le marqueur rouge pour inscrire un cercle, à l'emplacement où

13 vous avez entendu dire que le soldat de Nova Bila avait été tué.

14 M. Strukar (interprétation). - C'est un emplacement qui m'a été

15 mentionné par mon père, parce que moi je n'ai pas vu et ce corps a été

16 emporté rapidement. Mais il se trouvait ici.

17 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, je vous prierai

18 d'utiliser le marqueur vert que nous avons reçu de notre collègue de

19 l'accusation, pour indiquer le sens des coups de feu tirés par les autres

20 Croates après la mort de leur collègue. Ou se trouvaient-ils à peu près ?

21 Et dans quelle direction tiraient-ils ? En vert donc.

22 M. Strukar (interprétation). - Cela, ça m'est un peu difficile.

23 Ce n'est pas difficile à cause du marqueur, mais parce que je n'ai pas vu

24 ces hommes au moment où ils tiraient, j'en ai entendu parler plus tard,

25 mais selon ce que j'ai entendu dire, ils se trouvaient quelque part ici,

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1 aux abords des maisons croates qui se trouvent ici. Et puisque Pero m'a

2 dit où se trouvait le corps de Safet, je peux supputer, mais ce ne sont

3 que des supputations. Donc le corps de Safet se trouvait ici et on peut

4 penser qu'ils tiraient à partir de ces maisons-là.

5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je fais

6 objection à cette partie de la déposition du témoin qui parle de quelque

7 chose qu'il n'a pas vu. Il donne des supputations et je ne crois pas que

8 les supputations puissent aider à la découverte des faits. Je fais donc

9 objection, Monsieur le Président.

10 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin

11 raconte ce qu'un témoin oculaire lui a raconté. Malheureusement le témoin

12 oculaire est mort et c'est donc la seule déposition valable que nous

13 puissions entendre.

14 (Les juges se consultent sur le Siège.)

15 M. le Président. - Vous allez poursuivre, Maître Nobilo. Je vous

16 réponds, Maître Harmon. Les juges estiment que c'est une question de

17 poids, de pertinence qu'ils évalueront. C'est un très ancien débat, le

18 problème du ouï-dire, qui avait été d'ailleurs évoqué par les spécialistes

19 de la Common Law, que suit notamment Maître Hayman.

20 Chacune des parties a laissé parler chacun de ses témoins qui,

21 par la force des choses, rapportent des propos dont ils n'ont pas toujours

22 été témoins. Le témoin a pris la précaution de dire que c'était pour lui

23 une supposition, d'après ce qu'il avait vu. Ce sera une question de poids

24 et de pertinence qu'évalueront les juges, comme cela avait toujours été

25 dit.

Page 16252

1 Poursuivez, Maître Nobilo, et poursuivez Monsieur Strukar.

2 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demanderai donc

3 d'indiquer, à l'aide de flèches vertes, l'emplacement à partir duquel

4 tiraient ces soldats de Nova Bila au moment où les quatre Musulmans ont

5 été tués par eux et dans quelle direction ils tiraient. Donc des flèches

6 de couleur verte.

7 M. Strukar (interprétation). - D'après ce qu'on m'a dit, c'est

8 la direction exacte.

9 M. Nobilo (interprétation). - Nous allons maintenant reprendre

10 la chronologie et parler de ce que vous avez vu de vos yeux. Donc vous

11 êtes retourné chez votre père, qui était resté dans sa maison, et ensuite

12 vous êtes allé plus loin, dans la direction de l'église catholique, c'est-

13 à-dire dans la direction d'un quartier où il y avait un nombre de maisons

14 croates plus important. Que s'est-il passé ensuite ?

15 M. Strukar (interprétation). - Quand je me suis rapproché de ces

16 maisons, toutes les maisons qui sont en rouge sur la carte étaient déjà en

17 feu. On entendait les balles voler. A ce moment-là j'avais l'impression

18 qu'elles volaient très bas, et d'ailleurs c'était peut-être le cas. Darko

19 et moi avons couru pour arriver jusque là haut et pouvoir dire aux gens ce

20 que nous avions vu, tout simplement. Evidemment, quand nous sommes arrivés

21 là haut, puisqu'il y avait là haut des Musulmans et des Croates, nous

22 avons dit ce que nous avions vu, nous avons dit que nous avions vu des

23 morts et qu'apparemment on était en pleine guerre, mais une vraie guerre.

24 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'à un certain moment, ces

25 jeunes gens de Nova Bila se sont retirés ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Eux s'attendaient en fait à ce

2 que nous revenions en bas, parce qu'il y avait aussi le père de Darko et

3 son frère dans la maison et donc nous pensions revenir pour voir si eux

4 aussi étaient vivants.

5 Alors que nous étions en train de faire le chemin de retour, une

6 fusillade a éclaté. Je ne sais plus tellement quels mots utiliser parce

7 qu'évidemment un grand nombre de balles étaient déjà tirées jusqu'à ce

8 moment-là, mais c'est seulement plus tard, lorsque la fusillade est

9 devenue beaucoup plus nourrie, que je me suis rendu compte que les balles

10 qui étaient tirées jusque là l'étaient de façon assez sporadique et une

11 balle peut faire beaucoup de mal.

12 J'ai vu un homme qui se trouvait de l'autre côté de la maison,

13 dans la rue. Je lui ai dit : "Qu'est-ce que qui se passe ?" Et il m'a

14 répondu non. Je n'en suis pas revenu, je n'ai pas considéré cela comme une

15 réponse valable. On est arrivé jusqu'à la maison de Mlakic, un peu plus

16 tard, et tout à coup on a vu que les jeunes gens de Nova Bila avaient

17 disparu.

18 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous dites "les jeunes

19 gens de Nova Bila", ce sont les soldats ?

20 M. Strukar (interprétation). - Oui, les jeunes gens qui

21 circulaient entre les maisons voisines de la mienne et la mienne.

22 Tout simplement, ils n'étaient plus là. Quand je suis retourné

23 ensuite dans les maisons où se trouvaient les civils, on m'a dit qu'ils

24 étaient montés à bord de voiture et qu'ils étaient partis.

25 M. Nobilo (interprétation). – Cela se passait aux environs de

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1 3 heures, n'est-ce pas ?

2 M. Strukar (interprétation). - Peut-être même un peu plus tôt.

3 M. Nobilo (interprétation). - En tout cas, dans les heures de

4 l'après-midi du 16 avril, je vous demande quelle était la situation du

5 point de vue de la défense de Vitez, de votre côté. Qui défendait les

6 positions, les emplacements situés entre la rivière Lasva et la route ? Et

7 qui défendait les positions, les emplacements situés de l'autre côté de la

8 rue ?

9 M. Strukar (interprétation). - A ce moment-là, du côté de la rue

10 où se trouve ma maison, lorsque les jeunes gens de Nova Bila sont partis,

11 il n'y avait que mon ami Darko, moi-même et quelques personnes restées

12 dans les maisons.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vous aviez ce fusil de chasse avec

14 deux balles ?

15 M. Strukar (interprétation). – Oui, ce fusil de chasse avec deux

16 balles. De l'autre côté de la rue, nous n'avons plus rien vu se produire.

17 Je pense à ce côté-ci de la rue parce que nous n'avions même pas le

18 courage suffisant pour appeler quelqu'un de l'autre côté. Mais un peu plus

19 tard, nos voisins, Ljuban Pavlovic et ses fils, Ivica Tihi, Zdravko

20 Pavlovic, nous avons vu qu'ils étaient encore de l'autre côté de la rue et

21 ils nous ont dit qu'ils étaient seuls.

22 Ivan Pavlovic est aussi un chasseur. Il avait donc des fusils de

23 chasse, de sorte que quelques fusils de chasse étaient à leur disposition.

24 J'ai demandé ce qui se passait avec les autres voisins et ils m'ont

25 répondu que leurs voisins musulmans, à eux, s'étaient retirés dans la

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1 maison de Ivan Tihi. Je la montre ici.

2 Ils avaient trouvé refuge dans cette maison. C'est de leur

3 bouche que j'ai entendu qu'ils étaient donc quatre ou cinq hommes dans

4 cette maison et qu'ils s'étaient cachés dans la cave pour se mettre à

5 l'abri.

6 M. Nobilo (interprétation). – Donc voilà la défense telle que

7 vous l'avez décrite. Cependant, le 16 avril, vous avez que vous avez été

8 aidés.

9 M. Strukar (interprétation). – Je dois dire que nous étions

10 assez inquiets car cela ne correspondait pas à ce que nous imaginions être

11 la situation. Il y avait une guerre autour de

12 nous. J'étais moi-même réserviste pour la… Nous étions terrifiés.

13 Puis les hommes de Nova Bila sont arrivés, ils tiraient. Ils ont

14 mis les maisons en feu. Nous avons alors réalisé que vraiment nous étions

15 en plein milieu d'un conflit. Nous étions terrifiés.

16 Donc c'était la première fois que j'ai vu ces hommes, Darko

17 Kraljevic.

18 Me Nobilo (interprétation).- Donc, voilà la défense telle que

19 vous l’avez décrite. Cependant, le 16 avril, avez-vous reçu de l’aide?

20 M. Strukar (interprétation).- Je dois dire que nous étions très

21 inquiets, car nous ne pouvions pas imaginer à quoi ressemblait cette

22 guerre qui sévissait partout - je pense notamment à la Croatie et à la

23 Bosnie-Herzégovine. Nous étions effrayés. Ces jeunes gens de Nova Bila

24 sont arrivés, ils ont commencé à tirer, ils ont incendié quelques maisons

25 et puis ils sont repartis. Nous étions conscients que nos voisins

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1 pouvaient croire que c’ est notre faute, ce qui venait d’arriver. Nous

2 étions inquiets, car nous n’avions aucune aide, alors que les Musulmans

3 étaient armés, ils avaient leur police. On se demandait ce qui allait

4 arriver.

5 Le soir, au crépuscule, Darko Kraljevi} est arrivé avec ses

6 Vitezovi, et c'était la première fois que je l'ai vu. Avant, j'avais juste

7 entendu parler des Vitezovi.

8 Me Nobilo (interprétation).- Si vous résumez la journée du 16,

9 quelles sont vos conclusions? Qu'avez-vous compris? Y avait-il, de l'autre

10 côté, chez les Musulmans à Mahala, une sorte de défense plus importante

11 que celle qui existait de votre côté? Quelles conclusions pouvez-vous

12 tirer?

13 M. Strukar (interprétation).-C'était effectivement ce que je

14 pensais. Lorsque les jeunes gens de Nova Bila sont arrivés, ils se sont

15 mis à tirer, les autres ripostaient et lorsque un des leurs a été tué, ils

16 se sont retirés, et ils ont compris qu'il y avait une sorte de ligne là-

17 bas tenue par quelqu'un.

18 Me Nobilo (interprétation).- La nuit du 16 au 17 a été plutôt

19 calme, sans combats importants?

20 M. Strukar (interprétation).- La nuit était plutôt calme dans

21 mon quartier, d'après ce que j'ai appris plus tard. Nous aurions aimé

22 qu'il n'y ait plus de tirs du tout, bien sûr. Mais il y a eu quelques

23 tirs, des rafales, mais rien de grave. Je sais que les chars de la

24 FORPRONU montaient et descendaient la rue, donc la nuit était mouvementée

25 en quelque sorte, mais il n'y a pas eu de combats. D'ailleurs les Vitezovi

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1 avaient été sur le front de Vla{i}, face aux Serbes, et pour eux, une

2 rafale tirée en l'air ne signifiait pas grand' chose. Donc, rien de

3 spécial ne s'est produit, mais la nuit n'était pas tout à fait calme non

4 plus.

5 Me Nobilo (interprétation).- Dites-moi, dans la période qui a

6 suivi, à partir du 17, quels sont les événements que vous avez

7 particulièrement retenus?

8 M. Strukar (interprétation).- Afin de vous expliquer cela, il

9 faudrait revenir sur cette nuit qui était relativement calme, comme je

10 l'ai dit, quand mon ami et moi avons décidé d'essayer de nous rendre à la

11 maison où se trouvait son père.

12 M. le Président. - La première partie a été un peu longue, nous

13 pourrions peut-être faire la pause maintenant, n'est-ce pas, pour une

14 vingtaine de minutes?

15 L'audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 50

16

17 M. le Président. - La séance est reprise. Introduisez l'accusé.

18 Merci, Monsieur le Greffier d'avoir fait augmenter le chauffage de cette

19 salle, sinon bientôt c'est tous les Juges qui finiront par être malades

20 puis les lawyers, puis l'accusé, puis les témoins, puis les interprètes.

21 Nous reprenons.

22 Me Nobilo (interprétation).- Merci. Nous en étions à la nuit du

23 16 au 17 avril 1993. Vous aviez dit que vous vouliez ajouter quelque chose

24 à votre description des événements du 16 avril.

25 M. le Président. - Excusez-moi, Maître Nobilo.

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1 Me Nobilo (interprétation).- J'ai dit que nous en étions aux

2 événements de la nuit du 16 au 17 avril 1993, mais j'avais le sentiment

3 que le témoin voulait ajouter quelque chose sur les événements du 16

4 avril.

5 M. Strukar (interprétation).- Oui. En fait, je voulais ajouter

6 quelque chose sur cette nuit et sur mon comportement durant cette nuit du

7 16 au 17 avril, qui était, comme je l'ai déjà dit, relativement calme. Le

8 père de mon ami se trouvait dans la maison devant cette ligne de front

9 imaginaire, avec son fils, qui le soignait parce qu'il était malade. Nous

10 deux avions décidé d'essayer de nous rendre à cette maison pour voir s'il

11 était en vie. Nous avons vu que la maison ne brûlait pas et qu'il y avait

12 des traces de balles et de grenades. A la tombée de la nuit, lorsque

13 c'était plus calme et sûr, nous avons décidé qu'il devrait prendre le

14 chemin derrière la maison. Je vais vous indiquer où se trouve la maison.

15 Nous nous trouvions chez moi, et sa maison se trouvait là.

16 Me Nobilo (interprétation).- C'était donc de votre côté de la

17 route. C'est le triangle derrière le carré qui indique la maison à moitié

18 brûlée, de couleur rose?

19 M. Strukar (interprétation).- Oui. Nous avons décidé de prendre

20 ce chemin - où il n'y avait pas de maisons, juste un ruisseau et des

21 buissons - pour essayer de nous rendre à la maison pour voir s'ils étaient

22 en vie. J'avais peur, car il ne s'agissait pas de mon père, et j'ai décidé

23 de rester derrière et de le laisser ramper devant. Mais, quand il est

24 arrivé au niveau de cette maison qui était à moitié brûlée, il a fait

25 demi-tour, il n'a pas osé aller plus loin. Lorsqu'il est revenu, il a dit

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1 qu'il avait remarqué une lumière dans cette maison à moitié brûlée.

2 Me Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer encore

3 une fois la maison à moitié brûlée. C'est la maison de Be}ko, n'est-ce

4 pas?

5 M. Strukar (interprétation). - Oui, de celui qui a été tué et

6 qui se trouvait au-dessous du ruisseau. Lorsqu'il est revenu, il a dit

7 qu'il avait eu l'impression d'avoir vu dans l'obscurité une faible lumière

8 à la fenêtre, et il est revenu, il n'a pas osé aller plus loin. Je

9 comprenais, je trouvais qu'il était normal qu'il ait peur et qu'il

10 rebrousse chemin.

11 C'était un événement intéressant lié à cette nuit-là, mais par

12 la suite, les choses ont évolué différemment.

13 Me Nobilo (interprétation).- Parlons à présent du 17 avril. De

14 quoi vous souvenez-vous à partir de cette date, quels étaient les

15 événements?

16 M. Strukar (interprétation) .- A l'aube, les tirs ont repris. Je

17 ne sais pas qui a commencé, mais ils tiraient des deux côtés. Nous étions

18 seuls, tous les deux, et mon père était avec nous. Nous ne pensions même

19 pas à traverser la rue, puisque les tirs étaient les plus intenses

20 justement des deux côtés de la rue, et on pouvait facilement se faire

21 tuer. Le commandant des Vitezovi, Darko Kraljevi}, est accouru vers nous

22 pour voir ce qui se passait. Il était courageux, donc il est accouru vers

23 nous, et on lui a dit, s'il pouvait, lui ou un de ses hommes, se rendre à

24 la maison de mon ami pour voir si son père et son frère étaient encore en

25 vie. Il a promis qu'il essayerait de faire quelque chose et il a de

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1 nouveau traversé la rue.

2 Au bout d'un certain temps - une demi-heure ou une heure - il

3 nous a appelé de l'autre côté de la rue pour nous dire qu'il avait vu le

4 frère de mon ami dans la maison, qu'il l'a appelé, qu'il a dit qu'ils

5 étaient vivants, mais qu'ils avaient peur de quitter la maison. Il a dit

6 qu'il était dangereux de circuler de notre côté de la rue, mais qu'il

7 allait faire ce qu'il pouvait pour les faire sortir de la maison.

8 Nous avons vu tout cela à partir de ma maison et celle de mon

9 père. Par la suite, nous avons appris que Darko lui avait dit de faire

10 sortir son père et, dès qu'il lui fera signe, de traverser la route, qu'il

11 le fasse. Nous avons vu tout cela, et à un moment, Mario s'est mis à

12 courir vers l'autre côté de la rue, mais son père, qui était vieux et

13 malade, est tombé au milieu de la route. Les tirs nourris ont repris des

14 deux côtés, et à cet instant - c'était comme dans les films - j'ai vu pour

15 la première fois un des membres des Vitezovi de Darko se lancer dans la

16 rue et les couvrir de son corps, tout en ripostant vers Mahala.

17 Mario est revenu pour aider son père à traverser la rue et ils

18 ont survécu. C'est l'un des événements qui ont marqué cette journée.

19 Me Nobilo (interprétation).- A un moment, votre maison a été

20 détruite. Pouvez-vous décrire devant ce Tribunal comment cela s'est

21 produit?

22 M. Strukar (interprétation).- Probablement le deuxième jour.

23 Me Nobilo (interprétation).- Continuez, je vous prie. Nous

24 regarderons en même temps un film vidéo sans son. Veuillez mettre en route

25 la vidéo.

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1 M. Strukar (interprétation).- Probablement le deuxième jour.

2 Lors de nos allées et venues, de mon ami et de moi, entre la maison et

3 l'endroit où se trouvaient nos familles, à un moment, nous avons entendu

4 une forte explosion, et nous avons vu la fumée venir de ma maison. J'avais

5 le pressentiment qu'il s'agissait de ma maison. J'ai eu très peur pour mon

6 père, car il s'y trouvait encore. Nous nous sommes mis à courir et nous

7 avons vu que la fumée venait effectivement de ma maison. J'ai vu quelque

8 chose de puissant avait touché ma maison, en provenance de Mahala.

9 Me Nobilo (interprétation).- C'est votre maison?

10 M. Strukar (interprétation).- Oui, c'est l'endroit où la maison

11 a été touchée. Comme la maison était pleine de fumée et que les murs

12 étaient fissurés, j'ai essayé d'entrer, car j'avais l'impression qu'elle

13 était en feu. Comme j'étais sapeur-pompier, je voulais éteindre le feu.

14 Mais je ne pouvais rien voir , à cause de la fumée. J'ai trébuché sur un

15 objet de forme bizarre, et lorsque la fumée s'est dissipée, j'ai constaté

16 qu'il s'agissait des restes d'une roquette provenant d'un lance-roquettes

17 multiple.

18 M. le Président.- Il y a peut-être un problème de coordination

19 entre ce que dit le témoin et la vidéo. Alors, ou bien vous faites

20 commenter la vidéo par le témoin, mais il faut qu'il commence sur les

21 images que nous voyons, ou bien il termine le récit qu'il avait envie de

22 terminer. Vous voyez ce que je veux dire, Maître Nobilo?

23 Me Nobilo (interprétation).- Oui, Monsieur le Président.

24 J'aimerais que l'on revienne sur la dernière image de la vidéo, en arrêt

25 sur image, s'il vous plaît. Donc, à partir de là, je vous poserais des

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1 questions. Remettez le magnétoscope en marche. Ce que nous voyons sur la

2 façade, ce sont les traces des balles?

3 M. Strukar (interprétation).- Ce sont des trous des balles.

4 Me Nobilo (interprétation).- Et ça, qu'est-ce que c'est?

5 M. Strukar (interprétation).- C'est la partie de la roquettes

6 qui est tombée dans ma maison. C'est ce qu'il en restait.

7 Me Nobilo (interprétation).- Avez-vous vu un marquage sur cette

8 roquette? Avez-vous pu déterminer de quel type d'arme il s'agissait?

9 M. Strukar (interprétation).- Oui, il y avait aussi la partie où

10 se trouve le moteur de la roquette, il s'agissait d'une roquette provenant

11 d'un lance-roquettes multiple de 128 mm.

12 Me Nobilo (interprétation).- Est-ce que c'était inscrit sur la

13 partie restante de la roquette?

14 M. Strukar (interprétation).- Oui, c'est inscrit sur la partie

15 inférieure, là où se trouve le moteur.

16 Me Nobilo (interprétation).- Dites-moi, le trou dans le mur fait

17 par la roquette, il se trouve de quel côté?

18 M. Strukar (interprétation).- Du côté de Mahala. Un champ se

19 trouve entre ma maison et Mahala, ensuite viennent les maisons où ils ont

20 établi leur ligne de défense, il y avait donc un champ.

21 Me Nobilo (interprétation).- Pouvez-vous indiquez la direction

22 d'où a été lancée la roquette en dessinant avec un marqueur rouge une

23 longue flèche?

24 M. Strukar (interprétation).- Je peux dessiner d'après ce que je

25 pense, mais je ne l'ai pas vu tomber.

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1 Me Nobilo (interprétation).- Mais en regardant par le trou...

2 M. Strukar (interprétation).- Oui, ça je peux le faire. Pouvez-

3 vous me donner le marqueur, s'il vous plaît? Ma maison a été touchée ici,

4 et le tir venait de cette direction.

5 Me Nobilo (interprétation).- Et où se trouve Mahala?

6 M. Strukar (interprétation).- Mahala commence ici.

7 Me Nobilo (interprétation).- Les traces des balles sur la façade

8 que nous avons vues... De quelle façade s'agit-il?

9 M. Strukar (interprétation).- Elle est aussi tournée vers

10 Mahala, là où est la flèche rouge. Ici.

11 Me Nobilo (interprétation).- Poursuivez votre description.

12 M. Strukar (interprétation).- C'est moi qui a filmé ça quelques

13 jours plus tard. Ma femme et mes enfants n'étaient pas là, donc j'ai pris

14 une caméra et j'ai filmé pour pouvoir leur montrer l'état dans lequel la

15 maison se trouvait. Cela les intéressait, mais ils n'osaient pas venir et

16 voir eux-mêmes. La roquette est tombée à une hauteur d'un mètre au-dessus

17 du sol, dans la chaudière. La chaudière se trouve à droite. C'est la

18 porte, tournée vers Mahala aussi. Il y a un couloir entre les deux pièces.

19 À gauche se trouve un abri. Voici la chaudière. La roquette est entrée du

20 côté gauche - vous pouvez voir une ouverture dans le mur, à une hauteur de

21 50 cm du sol - et elle est tombée sur le sol et elle a explosé.

22 Ce sont les dommages sur le plafond de la chaudière.

23 Me Nobilo (interprétation).- Et ce trou?

24 M. Strukar (interprétation). La roquette est passée par là, elle

25 a explosé sur le sol.

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1 Me Nobilo (interprétation).- Ce trou, se trouve-t-il du côté de

2 Mahala?

3 M. Strukar (interprétation).- Oui.

4 Me Nobilo (interprétation).- Merci. Nous pouvons continuer. On

5 peut rallumer la lumière.

6 Qu'est-il arrivé au fils de l'homme qui a été tué, Be}ko, le

7 fils de Sulejman? L'avez-vous vu ce soir-là?

8 M. Strukar (interprétation).- J'aimerais juste éclaircir un

9 point. Il avait trois fils. L'un a été tué le matin même. L'autre était

10 celui qui a tiré de la maison, c'est à lui que vous pensez, ou au

11 troisième fils?.

12 Me Nobilo (interprétation).- Au troisième.

13 M. Strukar (interprétation).- J'ai déjà dit que dans la soirée

14 nous deux avons essayé de nous rendre à la maison de @eljko Mlaki} et que

15 Darko avait rebroussé chemin parce qu'il avait vu une lumière. Le jour

16 suivant au soir, le troisième fils de Sulejman est venu, avec une femme et

17 deux enfants. Nous lui avons demandé : "D'où sors-tu, toi?", et il nous a

18 dit qu'il avait été dans la cave de cette maison qui était à moitié

19 brûlée, en rouge sur ce tableau. Cette maison est à trois niveaux. Il y a

20 un rez-de-chaussée, au niveau de la rue, un premier étage, et un sous-sol,

21 au-dessous du niveau de la rue. Il a dit qu'il s'était refugié dans la

22 cave, avec cette femme - réfugiée de Jajce et ses enfants, et qu'il a

23 survécu car personne ne savait qu'il était là.

24 Nous ne savions que faire de lui, parce que nous avions peur de

25 tous ces gens armés.

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1 Darko a rapidement trouvé une solution, il les a placé - lui, la

2 femme et les enfants - dans la maison qui se situait derrière la mienne.

3 Il y avait deux maisons, l'une appartenait à Slavko Batini}, et il était

4 là avec sa femme. Cette maison est solide et protégée par la maison

5 devant, et Darko leur avait dit de s'y réfugier car on ne savait pas ce

6 qui allait arriver. Il est donc resté dans cette maison deux ou trois

7 jours. Nous ne savions pas quoi dire, on était heureux de voir qu'il était

8 en vie, mais on avait peur qu'il se fasse tué à la fin. Il y est resté

9 donc deux ou trois jours.

10 Comme nous avions ce fusil à deux canons, Darko m'a dit : "Mais

11 lui, il avait un vrai fusil de l'armée, si on lui demandait où est son

12 fusil", et on est descendus à la cave lui demander où était le fusil. Il

13 nous a dit": "J'attendais que vous me posiez cette question". Et il nous a

14 dit que le fusil se trouvait dans sa maison, car sa maison n'était pas

15 achevée et il y avait un mont de sable, où il avait enterré le fusil et

16 les munitions. Darko et moi sommes allés, la nuit suivante, chercher le

17 fusil, et nous l'avons retrouvé dans le sable, avec les munitions, et

18 c'est ainsi que nous nous sommes armés.

19 Me Nobilo (interprétation).- Qu'est-il arrivé, à la fin, au

20 troisième fils de Be}ko?

21 M. Strukar (interprétation).- Je crois qu'il était dans la

22 maison de Slavko Batini}, je ne sais pas combien de temps il y a passé,

23 six, sept ou huit jours. Il était dans la maison avec d'autres personnes

24 et à un moment nous étions obligés de dire qui se trouvait là. La police

25 militaire est arrivée et ils les ont tous emmenés, la femme et les

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1 enfants. Il a été emmené dans le quartier que l'on appelait Kolonija.

2 Quelques jours plus tard, lorsqu'on nous a donné des jumelles, nous

3 l'avons vu à Mahala. Ils l'avaient probablement laissé partir à Mahala.

4 Me Nobilo (interprétation).- Sans avoir à décrire toutes les

5 escarmouches, peut-on dire qu'il y a eu des échanges de tirs les 17 et 18

6 avril 1993?

7 M. Strukar (interprétation).- Oui. Après cette première journée,

8 nous ne savions pas très bien ce qui se passait, les échanges de tirs

9 étaient réguliers. Les Vitezovi tiraient en direction de Mahala en

10 essayant de se frayer le chemin jusqu'aux maisons là-bas et puis ils

11 revenaient. Je ne l'ai pas vu, mais je sais que, du côté droit de la rue,

12 l'un des Vitezovi a été tué, et du côté gauche - c'est le côté où se

13 trouve ma maison - deux ont été tués, donc deux ont été tués à gauche et

14 un a été tué du côté droit. Il y a eu donc des échanges de tirs les 17 et

15 18 avril.

16 Me Nobilo (interprétation).- Le 18 avril 1993, il y a eu une

17 forte explosion à Stari Vitez. Pouvez-vous nous en parler?

18 M. Strukar (interprétation).- Quand vous dites "Stari Vitez",

19 vous pensez à Mahala, n'est-ce pas?

20 Me Nobilo (interprétation).- Oui.

21 M. Strukar (interprétation). - Lors de nos allées et venues - je

22 dois le répéter sans cesse - entre les maisons où se trouvaient nos

23 familles et nos maisons à nous, Darko et moi, nous nous arrêtions pour

24 manger ou boire...

25 Me Nobilo (interprétation).- Un moment je vous prie. Mon

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1 collègue demande de préciser un point. Il y a deux Darko, Darko Kraljevi}

2 et votre ami Darko. Vous pouvez peut-être signaler qu'il s'agit de votre

3 ami?

4 M. Strukar (interprétation).- Oui, Darko Kraljevi} était le

5 commandant des Vitezovi, alors que Darko Mlaki} est mon ami, il était avec

6 moi tout le temps. C'est un jeune homme de 22 ou 23 ans. Donc nous allions

7 dans les maisons où se trouvaient nos civils, nous allions manger ou boire

8 quelque chose. À un moment, un des nôtres est entré dans la maison où je

9 me trouvais et nous a dit de nous abriter car une forte explosion allait

10 se produire.

11 Me Nobilo (interprétation).- Qui a dit cela?

12 M. Strukar (interprétation).- La personne qui est entrée, je ne

13 sais pas qui c'était. Il y avait des informations de tous les côtés, et un

14 homme est entré et nous a dit : "Ne sortez pas, il y aura une forte

15 explosion." Et effectivement, 3 ou 4 minutes plus tard, une terrible

16 explosion s'est produite, les vitres sur les maisons près de l'église ont

17 été brisées. Nous étions effrayés et même les hommes qui étaient censés

18 être plus courageux, n'osaient pas sortir pendant 3 ou 4 minutes. À un

19 moment, j'ai vu qu'il y avait beaucoup de fumée du côté de ma maison, et

20 plus loin, vers Mahala. Ce n'est que quelques jours plus tard que j'ai

21 appris qu'il s'agissait de l'explosion.

22 M. Nobilo (interprétation). – Poursuivons et passons à un autre

23 sujet. Pourriez-vous énumérer les maisons des civils, croates et

24 musulmans, sur le plan. J'aimerais que vous donniez le nom des

25 propriétaires et que vous fassiez le rapprochement avec les maisons

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1 figurant sur la carte.

2 M. Strukar (interprétation). - Les maisons où se trouvaient mon

3 épouse, les enfants et pas mal de civils musulmans, le propriétaire de

4 cette maison est Nikola Banic. Cette maison se trouve ici. La maison est

5 assez petite, mais je crois qu'il y avait 60 à 70 personnes rassemblées

6 dans cette maison et je dis bien que ces personnes se composaient de

7 Croates et de Musulmans, mais je ne connais pas le chiffre exact. Il y a

8 avait une autre maison dont le propriétaire était croate, je crois que

9 toutes les autres personnes présentes dans cette maison étaient musulmanes

10 car la cave de cette maison est très solide et c'est Slavko Batinic, le

11 propriétaire de cette maison.

12 La troisième maison, du même côté que moi, c'est la maison de

13 Slavsko Batinic. Dans cette maison, il se trouvait avec son épouse et avec

14 le fils de Sadibasic et cette femme

15 dont je ne connais pas le nom qui était une réfugiée arrivée chez nous

16 avant les événements. La quatrième maison dont j'ai parlé se situe de

17 l'autre côté de la route, c'est la maison de Ivan Tihi. Le propriétaire

18 s'appelle Ivan Tihi, il y avait le propriétaire, son épouse et toutes les

19 autres personnes rassemblées dans cette maison étaient des Musulmans, des

20 réfugiés donc. Dans ces quatre maisons, les gens sont restés assez

21 longtemps, parfois jusqu'à un mois.

22 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pourriez dire aux

23 Juges ce que vous savez de l'incident qui s'est produit dans les jours

24 suivants, à savoir que les forces de la Forpronu sont arrivées jusqu'à

25 l'église catholique. Que s'est-il passé ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Ce qui s'est passé n'a rien de

2 très particulier, c'est assez normal. Enfin, voilà ce qui s'est passé.

3 Dans une maison, des civils sont restés alors que la maison était

4 incendiée, je parle de la maison d'Asim Topcic. C'est celle-ci. C'est une

5 maison qui a trois niveaux et donc, un frère célibataire habitait un

6 niveau, un autre frère marié avec ses enfants habitait au deuxième niveau

7 et le troisième niveau était habité par les parents.

8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que c'était une famille

9 musulmane ?

10 M. Strukar (interprétation). - Oui. Il y a une voisine qui s'est

11 trouvée dans leur maison. Je ne sais pas très bien comment, mais la maison

12 a pris feu. Parce qu'eux avaient peur des coups de feu, sans doute, qui

13 étaient tirés à l'extérieur. Ils n'ont pas eu le courage de sortir et il

14 ont pris le téléphone qui, à ce moment-là, fonctionnait.

15 La femme a appelé l'église par téléphone à partir de la maison,

16 le curé a répondu au téléphone. Elle lui a dit que la maison était en feu

17 et qu'ils étaient enfermés dans la maison sans oser sortir. A ce moment-

18 là, le curé est allé voir ces personnes chez elles. Il est allé dans cette

19 maison, il a eu le courage de le faire. Il a recueilli ces personnes et

20 les a emmenées en haut, là où le curé habite. Donc, c'est la maison qui

21 est juste à côté de l'église. La femme a demandé à utiliser le téléphone,

22 elle a reçu un téléphone. Elle a essayé d'appeler des gens à Vitez, elle

23 n'a réussi à obtenir personne au bout du fil. Elle a ensuite appelé des

24 gens à Zenica.

25 C'est peut-être comme cela que l'information s'est diffusée

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1 parce que, une demi-heure après cela, les forces de la Forpronu sont

2 arrivées et ont encerclé l'église car elles avaient été informées du fait

3 que des Croates avaient placé en détention des Musulmans dans ce bâtiment

4 situé à côté de l'église. Or, quand le soldats de la Forpronu sont

5 arrivés, le curé leur a expliqué qu'il n'était pas question de détentions,

6 mais bien d'avoir protégé ces gens qui avaient été recueillis.

7 M. Nobilo (interprétation). - Mais "Radio Zenica" a-t-elle

8 reproduit cette information ?

9 M. Strukar (interprétation). - Oui, nous avons entendu cette

10 information sur les ondes de "Radio Zenica" selon laquelle nos Croates à

11 Gornji Vitez auraient transformé l'église en un camp de détention dans

12 lequel des Musulmans étaient détenus et il est difficile de dire que cette

13 information était exacte.

14 M. Nobilo (interprétation). - Donc, ces civils musulmans vivent

15 aux côtés des civils croates, le temps passe, mais combien de temps sont-

16 il restés à cet endroit ? Est-ce que, à quelque moment que ce soit, telle

17 ou telle personne a été arrêtée, mise en détention, maltraitée ? Qu'est-ce

18 qui s'est passé ? Je parle bien des civils musulmans.

19 M. Strukar (interprétation). - Je ne peux pas vous dire combien

20 il y en avait au total, car ils n'étaient pas tous au même endroit. Ces

21 civils musulmans sont restés dans les maisons dont j'ai parlé,

22 pratiquement jusqu'au moment où la nourriture a disparu. Nous qui vivions

23 dans des maisons aux alentours, nous arrivions à leur apporter un peu de

24 vivres de chez nous, mais lorsque nous avons vu que les choses duraient,

25 cela s'est arrêté peu à peu. De sorte que, toute la nourriture qui se

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1 trouvait dans ces maisons... C'est d'ailleurs chez Nikola Banic que la

2 nourriture a été disponible le plus longtemps parce qu'il avait un

3 kiosque, lui. Donc, il pouvait s'approvisionner.

4 Une partie des Musulmans qui étaient dans la maison de Slavko

5 Blaz -je parle donc de la maison qui se trouve ici, sur le plan- se sont

6 entendus avec le propriétaire parce qu'en fait personne ne venait nous

7 voir pour nous dire ce qu'il fallait faire.

8 Mais l'un de ces civils musulmans qui se trouvaient dans la

9 maison de Blaz a posé la question. Il a demandé s'il était possible que

10 quelqu'un l'aide pour qu'il aille dans une autre maison parce que cet

11 homme, Blaz, avait une maison ici et une autre plus près de l'église. Donc

12 le Musulman a demandé s'il était possible pour lui d'être transféré dans

13 la maison qui se trouvait près de l'église pour être plus loin des coups

14 de feu.

15 Donc ce Musulman et les membres de sa famille sont partis à côté

16 de l'église et puis, finalement, il y en a qui sont partis à Zenica en

17 passant par Travnik. Je sais qu'il y en a cependant qui sont restés dans

18 ces maisons jusqu'à l'été.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais pendant toute cette période,

20 est-ce que quelqu'un les a privés de liberté ? Je veux parler de mettre en

21 détention, enfermer à clé.

22 M. Strukar (interprétation). - Non, non, je sais que dans les

23 maisons où ils se trouvaient, ils vivaient les mêmes conditions que ma

24 femme et mes enfants. Ma femme et mes enfants circulaient dans la maison,

25 se mettaient sur le dos ce dont ils avaient besoin pour se protéger du

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1 froid. Il n'y avait pas d'arrestation, il n'était pas question

2 d'arrestation.

3 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que de la violence a

4 été utilisée à leur encontre ? Les conditions de vie étaient un peu

5 particulières, mais est-ce qu'il y a eu de la violence ?

6 M. Strukar (interprétation). - Il n'y a pas eu de violence

7 particulière de la part de qui que ce soit... Enfin, je pense à un cas,

8 parce qu'il y avait des gens qui n'avaient pas de bons rapports les uns

9 avec les autres avant la guerre : une fois, il est arrivé qu'un homme

10 vienne chercher quelqu'un avec qui il s'était disputé par le passé, mais

11 en fait il n'est même pas arrivé à le localiser.

12 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a expulsé ces

13 civils musulmans ? Je veux parler de les regrouper, de les placer à bord

14 de camions et de les faire partir de cette façon. Ou bien est-ce qu'ils

15 sont partis par eux-mêmes ?

16 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, eux, quand ils ont

17 constaté qu'il n'y avait pas de quoi manger, qu'il n'y avait pas de quoi

18 s'habiller, ils ont cherché le moyen -d'ailleurs, ils se sont même

19 adressés à moi, mais moi je n'avais pas les moyens de les aider-, ils ont

20 cherché un moyen pour se rendre à Travnik ou à Zenica mais cela n'a pas

21 été possible pour la totalité d'entre eux parce qu'il fallait qu'il y ait

22 un cessez-le-feu, une trêve dans les combats pour qu'un départ soit

23 possible.

24 Chaque fois que les coups de feu cessaient, il y avait une ou

25 deux familles qui partaient. J'ai dit qu'une famille était restée jusque

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1 tard dans l'été, c'est Omer Topcic. Il est resté, il n'avait envie d'aller

2 nulle part parce qu'il n'avait aucun parent hors de la ville. Finalement,

3 certains lui ont dit qu'il faudrait que lui aussi essaie de partir car il

4 avait tout de même de la famille lointaine, et on lui a dit qu'il serait

5 bon qu'il essaie de partir. Alors, il est parti à Novi Travnik. Et après

6 la guerre, j'ai entendu dire qu'il était passé près d'un autobus où il y

7 avait eu un échange de personnes. Il était passé à côté de cet autobus

8 avec sa femme.

9 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez décrit la situation qui

10 prévalait donc dans ce quartier de Vitez. Mais dites-nous, s'il vous

11 plaît, si après ces premiers jours de chaos vous vous êtes organisés ?

12 Est-ce que vous êtes devenu soldat, est-ce que vos voisins sont devenus

13 soldats ? Est-ce que vous aviez un commandant ? Comment les choses se sont

14 développées ?

15 M. Strukar (interprétation). - J'ai décrit la situation. Je vous

16 ai dit comment j'ai réussi à obtenir des armes. Et puis, il y avait aussi

17 mon voisin qui avait enterré des fusils dans un tas de sable. Darko a

18 trouvé ces fusils et, tous les deux, Darko et moi, avons à un certain

19 moment disposé de ce que je peux appeler des fusils de l'armée, des fusils

20 militaires. Mais nous avions peur, nous étions terrorisés. Nous n'osions

21 pas dormir.

22 Et à ce moment-là, Darko Kraljevic, le commandant des Vitezovi,

23 a rebroussé chemin dans la direction de l'église pour aller chercher les

24 nôtres, pour qu'ils nous remplacent afin que nous, nous puissions nous

25 reposer. De sorte que, peu à peu, nous étions de plus en plus nombreux en

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1 bas et, au bout d'un certain moment, il a été question de déterminer de

2 façon un peu plus claire qui devait faire quoi.

3 Pour ce qui me concerne, de mon côté de la ville, dans mon

4 quartier, c'est Nikola Banic qui a été choisi comme commandant.

5 M. Nobilo (interprétation). - Mais Nikola Banic a été choisi

6 pour commander quel territoire ?

7 M. Strukar (interprétation). - Cela pourra vous paraître un peu

8 curieux, mais nous n'avions plus de contacts avec nos voisins qui étaient

9 de l'autre côté de la rue parce qu'il y avait toujours des balles qui

10 sifflaient dans tous les sens au milieu de la rue, et passer de l'autre

11 côté de la rue pouvait être dangereux.

12 Donc nous nous sommes entendus sur le fait que lui allait

13 commander la région située en dessous de ma maison et vers le bas du plan,

14 mais de mon côté de la rue. Il devait être une espèce de commandant. Plus

15 tard, nous avons appris que, de l'autre côté de la rue, ils se sont aussi

16 mis d'accord sur la nomination d'un homme qui devait être le chef.

17 Au cours des premiers jours des combats -je ne me rappelle plus

18 qui était le responsable principal, je crois que c'était un certain Vlado-

19 mais en tout cas, il y a eu quelques mesures d'organisation qui ont été

20 prises.

21 M. Nobilo (interprétation). - Donc c'étaient des unités auto

22 organisées. Mais, quand est-ce que vous avez reçu les papiers officiels

23 prouvant que vous étiez membre d'une unité militaire officielle ?

24 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, écoutez, ce sont des

25 gens qui connaissaient un peu mieux la chose militaire qui ont fini par

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1 nous dire qu'on ne pouvait pas continuer comme cela parce que les gens

2 tiraient un peu n'importe comment et nous savions que le commandement du

3 HVO était basé à l'hôtel, en ville.

4 Nous avons cherché à gagner le centre de la ville pour aller

5 leur parler et voir un petit peu ce qu'il convenait de faire. Je sais que

6 c'est dans la deuxième quinzaine du mois de mai que nous avons fini par

7 recevoir officiellement un document qui confirmait que nous faisions

8 partie d'une unité du HVO. Cela a été ma première rencontre avec une trace

9 écrite, si je puis dire.

10 M. Nobilo (interprétation). – Et vous êtes resté sur cette même

11 ligne de front toute la guerre ?

12 M. Strukar (interprétation). – Oui, je suis resté toute la

13 guerre sur cette ligne de front où se trouvait ma maison mais, par la

14 suite, lorsque le nombre des personne tuées aux alentours de Vitez a

15 augmenté, nos commandants nous ont envoyés l'ordre de nous rendre aussi

16 sur les lignes. Donc, ils nous emmenaient pendant deux ou trois jours et

17 ils nous ramenaient.

18 M. Nobilo (interprétation). – Bien, nous en avons terminé avec

19 l'interrogatoire principal mais avant de demander le versement au dossier

20 des éléments de preuve qui ont été évoqués, trois éléments de preuve, je

21 vous demanderai de préciser un peu plus ce que nous voyons sur cette

22 carte. Est-il exact que sur le plan, sur la carte, les maisons musulmanes

23 sont représentées par des carrés ou des rectangles ?

24 M. Strukar (interprétation). – Oui.

25 M. Nobilo (interprétation). – Et les maisons musulmanes par des

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1 triangles ?

2 M. Strukar (interprétation). – Oui, par des triangles.

3 M. Nobilo (interprétation). – Est-il exact que toutes les

4 maisons qui ont brûlé, qui ont été incendiées figurent sur ce plan avec la

5 couleur rose ?

6 M. Strukar (interprétation). – Oui, rouge ou plutôt rose. Donc

7 les maisons qui ont brûlé complètement sont complètement coloriées en

8 rose. Et lorsqu'une maison a brûlé à

9 moitié, elle est coloriée à moitié en rose.

10 M. Nobilo (interprétation). – Cette situation, donc marquée par

11 l'existence d'un certain nombre de maisons incendiées, où est-ce que vous

12 la situeriez dans le temps ? Quand est-ce que cette situation a prévalu ?

13 M. Strukar (interprétation). – Elle a prévalu dans les premiers

14 jours, dès le premier jour.

15 M. Nobilo (interprétation). – Donc, dès le 16 avril 1993 ?

16 M. Strukar (interprétation). – Oui, dès le 16 avril. C'est ce

17 que nous appelons le premier jour.

18 M. Nobilo (interprétation). – Et du point de vue des maisons

19 incendiées, est-ce que la situation est restée identique par la suite ?

20 M. Strukar (interprétation). - Elle est restée identique jusqu'à

21 la fin de la guerre. Evidemment, le nombre des maisons endommagées a

22 augmenté au cours de la guerre, mais s'agissant du nombre des maisons

23 incendiées, il n'a pas changé pas la suite parce que, après, il y avait

24 cette espèce de ligne qui nous séparait des Musulmans et qui passait par

25 là.

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1 M. Nobilo (interprétation). – Bien je demande le versement au

2 dossier des trois pièces qui ont été évoquées.

3 M. le Président. – Pas d'objection, monsieur le Procureur ?

4 M. Harmon (interprétation). – Non, monsieur le Président, pas

5 d'objection.

6 M. Dubuisson. – Monsieur le Président, j'aimerais juste ajouter

7 qu'il y a quatre pièces puisque nous avons également eu une cassette-

8 vidéo.

9 M. le Président. - D'accord, oui. Il y a donc la carte qui est

10 sur le chevalet, les deux ordres de service en quelque sorte de

11 convocation, et puis la vidéo.

12 M. Dubuisson. – Qui porte, elle, le numéro D516.

13 M. le Président. – D'accord. Monsieur Harmon, c'est vous qui

14 prenez le contre-

15 interrogatoire ?

16 M. Harmon (interprétation). – Oui, c'est moi.

17 M. le Président. – Monsieur le Greffier, l'interrogatoire

18 principal a duré combien de temps à peu près, s'il vous plaît ?

19 Flexibilité…

20 M. Dubuisson. - Une heure et 15 minutes et, maintenant

21 40 minutes, donc 1 heure 55.

22 M. le Président. – Près de deux heures. C'est le temps qu'il

23 vous faudra ou est-ce que vous pensez faire plus court, monsieur Harmon ?

24 Vous n'êtes pas obligé de prendre deux heures !

25 M. Harmon. – Je le sais et je ne le ferai sans doute pas,

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1 monsieur le Président.

2 M. le Président. – Ecoutez, nous avons encore environ 30 minutes

3 devant nous. Vous préférez commencer tout de suite, je suppose, maître

4 Harmon. Allez-y.

5 M. Harmon (interprétation). – Bonjour M. Strukar. Je m'appelle

6 Mark Harmon, et je vais procéder à votre contre-interrogatoire. A ma

7 droite est assis mon collègue, M Cayley du bureau du Procureur et, à sa

8 droite, Gregory Kehoe, un autre collègue.

9 Je vais commencer en vous parlant assez lentement, lorsque je

10 poserai mes questions parce que vous avez besoin d'un certain temps pour

11 entendre l'interprétation mais, si quoi que ce soit n'est pas clair,

12 n'hésitez pas à m'interroger à ce sujet.

13 D'abord, quelques questions au sujet de votre biographie. Est-ce

14 que vous avez servi dans les rangs de l'ex-JNA ?

15 M. Strukar (interprétation). – Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - A quel moment ?

17 M. Strukar (interprétation). - En 1976.

18 M. Harmon (interprétation). – Je vous prierai de vous rapprocher

19 un petit peu du micro, si vous le voulez bien, et pour répondre aux

20 questions que je vous pose, je vous

21 demanderai de faire face aux Juges et pas à moi, car c'est bien sûr moi

22 qui vous pose les questions mais vos réponses sont adressées aux Juges. Et

23 la question que je vous pose, monsieur Strukar, est donc la suivante, je

24 la reprends : à quel moments avez-vous servi dans les rangs de l'ex-JNA ?

25 M. Strukar (interprétation). – En 1976.

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1 M. Harmon (interprétation). – Dans quelle unité de l'ex-JNA

2 avez-vous servi ?

3 M. Strukar (interprétation). - J'ai servi dans les rangs de

4 l'unité qui était chargée de la lutte antiaérienne qui s'appelait Strela

5 SAM.

6 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous reçu également une

7 formation élémentaire de fantassin au cours de votre service ?

8 M. Strukar (interprétation). – Eh bien, cela vous paraîtra peut-

9 être un peu étonnant, mais non, ce n'est pas le cas parce que j'ai servi

10 de secrétaire pendant toute la durée de mon service.

11 M. Harmon (interprétation). – Mais est-ce que vous vous êtes

12 tout de même familiarisé avec les armes au cours de cette année passée

13 dans les rangs de la JNA ? Avez-vous suivi les classes du service

14 militaire ? Avez-vous appris comment remplir les fonctions qui vous

15 seraient dévolues en cas de guerre ou de menace de guerre par la JNA ?

16 M. Strukar (interprétation). – Oui, nous avons franchi cette

17 étape. Mais je dois ajouter qu'à l'époque, ces opérations étaient sensées

18 être menées contre un ennemi extérieur à la Yougoslavie.

19 M. Harmon (interprétation). – Vous avez quitté la JNA en 1976

20 et, si j'ai bien compris, vous êtes alors retourné à Vitez ?

21 M. Strukar (interprétation). – Toute l'année 1976 et le début de

22 1977, je l'ai passé au sein de la JNA car le service militaire durait

23 13 mois. C'est donc après, en 1977, que je suis rentré à Vitez.

24 M. Harmon (interprétation). – Très bien. Je crois avoir compris

25 que par la suite, vous avez donc trouvé un emploi dans l'usine Vitezit.

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1 C'est bien cela ?

2 M. Strukar (interprétation). – Oui.

3 M. Harmon (interprétation). – Quand vous étiez membre de la

4 brigade des sapeurs pompiers, vous avez dit d'ailleurs que vous étiez le

5 commandant de cette brigade de pompiers, avez-vous subi alors un

6 entraînement physique en particulier ? Aviez-vous des entraînements ? Est-

7 ce que vous deviez vous maintenir en forme pour être sapeur pompier à

8 Vitez ?

9 M. Strukar (interprétation). – Je faisais partie de la brigade

10 des sapeurs pompiers avant mon départ au service militaire déjà. En fait,

11 pour être précis, depuis 1973. De sorte que lorsque je suis rentré du

12 service militaire, j'ai repris mes fonctions au sein de cette brigade de

13 sapeurs pompiers. C'est six ou sept ans avant la guerre, dont nous sommes

14 en train de parler, que je suis devenu commandant de cette brigade de

15 sapeurs pompiers.

16 Et puis, si j'ai bien compris votre question, il n'y avait pas

17 nécessité de se mettre particulièrement en forme, ou de se maintenir en

18 forme. Simplement, après un certain temps, les sapeurs pompiers passaient

19 une espèce d'examen qui portait sur la connaissance des moyens destinés à

20 combattre le feu. Moi j'ai passé cet examen aussi.

21 Mais comme les sapeurs pompiers de cette brigade étaient des

22 volontaires, j'ai été choisi par mes pairs, par mes collègues pour

23 commander ce groupe.

24 M. Harmon (interprétation). – Comment s'appelle votre père ?

25 M. Strukar (interprétation). – Vladimir Stroka.

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1 M. Harmon (interprétation). – Est-ce qu'on le surnomme Vlado ?

2 M. Strukar (interprétation). – Oui.

3 M. Harmon (interprétation). – Etait-il un voisin de

4 M. Sadibasic, cet homme d'âge avancé dont vous avez dit qu'il s'était fait

5 tuer ?

6 M. Strukar (interprétation). – Oui.

7 M. Harmon (interprétation). – Eh bien, monsieur Strukar,

8 j'aimerais d'abord appeler votre attention sur la soirée du 15 avril 1993.

9 Monsieur le Président, j'entends quelque chose dans mes

10 écouteurs qui n'est sans doute pas une réponse à la question, mais peut-

11 être un passage d'une conversation intempestive entre les interprètes.

12 Monsieur Strukar, m'avez-vous entendu ?

13 M. le Président. - Nous avons été épargné. Je le regrette, au

14 demeurant. Poursuivez.

15 M. Harmon (interprétation). – Je poursuis. Vous avez dit dans

16 votre déposition que le soir du 15, un de vos amis est venu vous voir et

17 vous a dit, je cite : "Les Musulmans préparent quelque chose." Qui est cet

18 ami qui est venu vous voir, chez vous à la maison ?

19 M. Strukar (interprétation). – J'ai réfléchi à tout cela par la

20 suite parce que plusieurs voisins sont venus me voir. Mais le soir du 15,

21 après réflexion, je crois que c'était Ivica Blaz qui est venu me voir.

22 M. Harmon (interprétation). – Ivica Blaz était-il membre du

23 HVO ?

24 M. Strukar (interprétation). – Non, il était chauffeur d'un

25 camion des sapeurs-pompiers.

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1 M. Harmon (interprétation). – Très bien. Maintenant, est-ce que

2 des membres de la brigade des Vitezovi habitaient dans votre voisinage ?

3 Je vous demanderai de vous référer au plan que vous avez dessiné.

4 M. Strukar (interprétation). – A ce moment-là, avant le début de

5 la guerre… Je suis en train de penser à chacun des voisins, l'un après

6 l'autre.

7 (L'interprète se reprend : la question portait sur la brigade

8 des Viteska, la brigade de Vitez.)

9 M. Strukar (interprétation). – J'essaie de me rappeler, personne

10 par personne, si c'était le cas. Je pense à la zone proche de l'église

11 catholique, mais je ne me rappelle pas une seule personne qui appartenait

12 à cette unité. Non, non.

13 M. Harmon (interprétation). – Connaissez-vous Mario Cerkez ?

14 M. Strukar (interprétation). – Oui, je le connais. Je connais

15 Mario Cerkez. Nous travaillions dans la même usine.

16 M. Harmon (interprétation). – Etait-il membre de la brigade de

17 Vitez et si oui, quel rôle y jouait-il ?

18 M. Strukar (interprétation). – Vous vous efforcez de me renvoyer

19 à cette époque-là, moi en fait je ne le savais pas, c'est en écoutant les

20 rumeurs que…

21 M. Harmon (interprétation). – J'essaie de vous renvoyer à cette

22 période parce que vous avez parlé longuement de cette période dans votre

23 déposition en réponse à l'interrogatoire principal. Est-ce que vous

24 connaissiez Mario Cerkez et quel rôle jouait-il au sein de la brigade de

25 Vitez, la brigade Viteska ?

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1 M. Strukar (interprétation). – La seule chose que je puisse vous

2 répondre, c'est de vous dire que j'ai entendu dire qu'il commandait cette

3 brigade, mais je n'ai jamais personnellement eu l'occasion d'aller le voir

4 ou même de le voir agir en tant que commandant.

5 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous où se trouvait son

6 quartier général ?

7 M. Strukar (interprétation). - Je crois qu'il se trouvait dans

8 l'hôtel.

9 M. le Président. - Vous avez le droit de vous tourner vers le

10 Procureur quand il vous pose des questions, c'est normal, mais veuillez

11 répondre aux Juges, Merci.

12 M. Strukar (interprétation). - Je vous prie de m'excuser. Donc,

13 Me Harmon m'a demandé si je savais où Mario avait son quartier général et

14 j'ai répondu que nous savions qu'il se trouvait dans l'hôtel. Je savais

15 donc que ce quartier général se trouvait dans l'hôtel Vitez.

16 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes jamais

17 rendu dans l'hôtel

18 Vitez avant le début de la guerre ? Lorsque je dis : "avant le début de la

19 guerre", je pourrais peut-être être plus précis et vous dire : est-ce que

20 vous vous êtes jamais rendu dans l'hôtel Vitez au cours de la semaine ou

21 des deux semaines qui ont précédé le début de la guerre, en avril ?

22 M. Strukar (interprétation). - Au cours de la semaine qui a

23 précédé : non, ni des deux semaines qui ont précédé, mais je peux vous

24 parler sur la base de l'examen de ma vie quotidienne que, pendant toute ma

25 vie, pendant toute la période qui a précédé la guerre, lorsque le quartier

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1 général du HVO était à l'hôtel, j'y suis allé une fois sur l'invitation

2 d'un autre homme et je suis allé le voir dans son bureau.

3 M. Harmon (interprétation). - Qui était-ce ?

4 M. Strukar (interprétation). - C'était Pero Skopljak.

5 M. Harmon (interprétation). - Quel rôle jouait Pero Skopljak au

6 sein de la communauté ?

7 M. Strukar (interprétation). - Je crois qu'il avait des

8 fonctions dans la police civile. Il était peut-être le chef de la police

9 civile, je n'en suis pas tout à fait sûr.

10 M. Harmon (interprétation). - Le 15 avril 1993, est-ce que,

11 pendant la journée, vous êtes allé travailler à l'usine Vitezit ou est-ce

12 que vous avez passé la journée ailleurs ?

13 M. Strukar (interprétation). - Les quelques jours qui ont

14 précédé le 15 avril -et cela, j'en suis sûr- je n'allais pas au travail

15 car j'étais en stand-by.

16 M. Harmon (interprétation). - Donc, il est probable que vous

17 ayez passé la journée du 15 chez vous à la maison, n'est-ce pas ?

18 M. Strukar (interprétation). - C'est exact.

19 M. Harmon (interprétation). - Le 15 avril 1993, au sein de votre

20 communauté, est-ce que vous avez pu constater que des actions

21 inhabituelles se passaient, que des choses différentes se passaient par

22 rapport à ce qui se passait tous les jours ? Avez-vous vu des soldats

23 circuler ou se déplacer de façon différente ?

24 M. Strukar (interprétation). - Non. Si vous m'avez écouté quand

25 j'en ai parlé, j'ai dit qu'il y avait des permanences de nuit notamment,

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1 et nous avions ces patrouilles que nous faisions ensemble. Or, ces jours-

2 là, justement, il n'y avait pas de patrouilles.

3 M. Harmon (interprétation). - Donc, le 15 avril 1993, vous ne

4 vous rappelez rien d'inhabituel qui aurait eu lieu dans votre communauté

5 du point de vue de la présence ou du déplacement de soldats du HVO. C'est

6 bien ce que vous dites dans votre déposition ?

7 M. Strukar (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - J'ai cru comprendre que ce que

9 vous avez répondu à l'interrogatoire principal consistait à dire qu'après

10 que votre ami, sans doute Ivica Blaz, est venu vous voir chez vous pour

11 vous dire que les Musulmans préparaient quelque chose -et cela s'est passé

12 le soir du 15- après cela, vous-même et d'autres, une quinzaine ou

13 vingtaine de voisins vous êtes regroupés aux alentours de la place qui se

14 trouve près de l'église. Ces personnes regroupées étaient-elles toutes

15 croates ?

16 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'était des Croates.

17 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes-vous entretenu avec l'un

18 quelconque de ces quinze ou vingt voisins pour essayer de savoir ce qui

19 allait peut-être se produire ?

20 M. Strukar (interprétation). - Bien évidemment, nous avons

21 discuté de la situation. Ce n'est pas la première fois que nous nous

22 retrouvions dans ces situations où il apparaissait que quelque chose

23 allait se passer. Bien souvent, c'était comme de la fumée sans feu, en

24 fait il ne se passait rien. Effectivement, cette nuit-là, Ivica Blaz m'a

25 dit qu'il y avait quelque chose qui se passait de bizarre et il faisait

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1 partie de ce groupe de personnes qui parfois s'inquiète beaucoup pour peu

2 de choses.

3 M. Harmon (interprétation). - Je comprends bien, mais que vous

4 a-t-on dit à propos de ce que l'on pensait qui allait se passer ? Est-ce

5 que l'on vous a dit quoi que ce soit, d'ailleurs ?

6 M. Strukar (interprétation). - Il m'a dit, mot pour mot, il m'a

7 dit que ce serait une bonne idée que je me rende là-bas sur la place parce

8 qu'apparemment les Musulmans se préparaient à lancer quelque chose. Il a

9 dit à peu près cela.

10 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il vous a dit quel était

11 ce "quelque chose" auquel les Musulmans se préparaient, d'après lui ? Vous

12 a-t-il donné des détails ?

13 M. Strukar (interprétation). - Non, parce que cette situation

14 s'était présentée déjà à de nombreuses reprises, sans être suivie d'aucune

15 conséquence. Il y avait eu déjà des problèmes au cours de la journée avec

16 la citerne, il y avait eu des occasions au cours desquelles une personne

17 qui se trouvait à bord d'une voiture se faisait arrêter au plein milieu de

18 la circulation, il y avait eu des échanges de coups de feu parfois, mais

19 nous considérions ces incidents comme faisant partie de la vie normale, à

20 ce moment-là.

21 M. Harmon (interprétation). - Bon, vous étiez vraiment en état

22 d'alerte parce que vous aviez toujours peur qu'il se passe quelque chose.

23 Dans votre communauté, dans votre quartier, avez-vous remarqué quoi que ce

24 soit de particulier ? Un comportement particulier de la part des

25 Musulmans ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Non, je n'ai rien remarqué.

2 M. Harmon (interprétation). - Vous dites n'avoir pas vu des

3 Musulmans armés se déplacer dans votre quartier la veille de l'attaque,

4 c'est bien cela ?

5 M. Strukar (interprétation). - Effectivement.

6 M. Harmon (interprétation). - Pardon, est-ce que vous dites que

7 c'est exact ou que c'est inexact ?

8 M. Strukar (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, cela ne va pas. Est-

10 ce que vous avez aperçu, dans votre quartier, des Musulmans armés se

11 déplacer dans le courant de la nuit du 15 au 16 avril 1993, juste avant le

12 début de l'attaque ?

13 M. Strukar (interprétation). - Non, personnellement, je n'ai vu

14 personne.

15 M. Harmon (interprétation). - D'après ce que j'ai compris de ce

16 que vous avez dit, vous êtes rentré chez vous de 23 heures 30 à minuit, et

17 puis un ami est venu vous retrouver et vous a dit : "Ecoute, il se passe

18 quelque chose de bizarre". A ce moment-là, vous êtes reparti en direction

19 de la petite place, et, toujours d'après ce que vous avez dit, vous avez

20 retrouvé sur cette place un attroupement assez important. Je vous ai bien

21 saisi n'est-ce pas ?

22 M. Strukar (interprétation). - Parfaitement, vous avez

23 parfaitement compris. Simplement vous avez dit qu'il y avait un

24 attroupement assez important alors que tout à l'heure vous avez dit qu'il

25 y avait quinze ou vingt personnes. Mais comprenez bien que les personnes

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1 que j'ai retrouvées par la suite étaient les mêmes qui se trouvaient sur

2 la place à 19 heures 30.

3 M. Harmon (interprétation). - Donc les personnes qui se

4 trouvaient à 23 heures 30 sur la place étaient les personnes que vous

5 aviez retrouvées plus tôt à 19 heures 30 ? C'étaient les mêmes personnes ?

6 M. Strukar (interprétation). - Oui, j'ai précisé que nous nous

7 étions mis d'accord pour que la moitié d'entre nous retournent chez eux et

8 nous avions également précisé que ceux qui rentraient chez eux allaient

9 revenir vers minuit, pour remplacer le premier groupe.

10 Ce système, nous l'avions adopté dès le début du conflit entre

11 la Croatie et la Bosnie Herzégovine. Nous avions déjà établi qu'il fallait

12 qu'il y ait toujours quelqu'un d'éveillé pour surveiller les maisons.

13 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que lorsque vous êtes

14 revenu sur la place la seconde fois, vers 11 heures 30 ou minuit, il y

15 avait des Musulmans sur les lieux ?

16 M. Strukar (interprétation). - Non.

17 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé sur la

18 place la seconde fois, est-ce que vous avez demandé à vos amis ce qui se

19 passait ? Est-ce que vous avez obtenu des détails complémentaires sur la

20 situation qui se présentait ?

21 M. Strukar (interprétation). - Bien évidemment j'étais curieux

22 de savoir ce qui se passait, mais les éléments d'information dont nous

23 disposions étaient assez rares et nous arrivaient de façon assez

24 irrégulière. Quelqu'un commençait par dire que quelque chose de bizarre se

25 passait, mais il n'y avait aucun élément concret sur lesquels nous

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1 puissions nous appuyer.

2 M. Harmon (interprétation). - Sur la base de vos observations

3 personnelles, à ce moment-là, pouvez-vous nous dire qu'il vous est apparu

4 à vous qu'effectivement il se passait quelque chose d'étrange ou

5 d'anormal ?

6 M. Strukar (interprétation). - A ce moment-là non, je n'ai rien

7 remarqué de tel.

8 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous êtes revenu sur la

9 place, la seconde fois, d'après ce que j'ai pu comprendre de ce que vous

10 avez dit -et corrigez-moi parce que peut-être que j'ai tort- donc après

11 être revenu sur la place une seconde fois, vous êtes rentré chez vous pour

12 y chercher les membres de votre famille et ensuite vous êtes allé dans la

13 maison de vos parents pour y trouver vos parents et vous avez en chemin

14 essayer de rassembler des éléments d'informations supplémentaires. C'est

15 bien cela ?

16 M. Strukar (interprétation). - C'est à peu près exact. D'abord

17 je suis allé chercher ma femme et mes enfants chez moi. Ensuite, mes amis

18 m'ont dit : "Où sont tes parents, peut-être qu'eux aussi tu devrais les

19 mettre en sécurité ?" Moi je leur ai répondu que cette situation s'était

20 déjà présentée, situation au cours de laquelle nous avions peur pour la

21 sécurité de nos proches, de nos parents. J'ai également dit que dans le

22 courant de l'été 1992, il était arrivé à cinq ou six reprises que des

23 situations se présentent de la sorte. Nous faisions sortir les membres de

24 nos familles des maisons, nous les faisions coucher ailleurs alors qu'en

25 fait il ne se passait rien.

Page 16290

1 Moi, vraiment j'avais l'impression que cette situation était

2 semblable aux autres qui s'étaient déjà présentées.

3 M. Harmon (interprétation). - Au cours de la période de temps

4 qui nous intéresse en ce moment, quelqu'un vous a dit que vous ne deviez

5 pas vous faire de soucis parce que les hommes de Nova Bila étaient

6 arrivés. C'est ce qui vous a été dit. C'est cela ?

7 M. Strukar (interprétation). - On ne m'a pas dit cela à moi

8 directement, je ne crois pas l'avoir déclaré dans mon témoignage. Mais nos

9 femmes, nos enfants ne tenaient pas tous dans la maison. Donc nous

10 sortions parfois de la maison. Il y avait vraiment des allées et venues.

11 Et puis parfois il y avait de petits incidents : une personne trébuchait

12 dans l'escalier. Je ne sais plus qui a dit quoi, mais effectivement j'ai

13 entendu dire, et d'autres autour de moi, qu'il ne fallait pas que nous

14 nous inquiétions parce que des jeunes hommes étaient arrivés depuis

15 Nova Bila. Apparemment, il ne fallait pas que nous nous inquiétions.

16 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez compris que

17 ces jeunes hommes dont on vous disait qu'ils arrivaient de Nova Bila

18 étaient des soldats du HVO ?

19 M. Strukar (interprétation). - A ce moment-là, c'est

20 effectivement la pensée qui m'est venue.

21 M. Harmon (interprétation). - Vers quelle heure avez-vous reçu

22 cette information selon laquelle vous ne deviez pas vous inquiéter, selon

23 laquelle les hommes de Nova Bila étaient en train d'arriver ?

24 M. Strukar (interprétation). - C'est difficile d'être précis ou

25 de donner une heure bien précise, mais cela s'est passé dans le courant de

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1 la matinée, aux alentours de 4 heures du matin.

2 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie. Avec vos

3 proches, avec votre famille, vous vous êtes rendu dans une maison bien

4 précise.

5 M. Strukar (interprétation). - Oui, moi j'ai emmené les membres

6 de ma famille dans un endroit où ils seraient protégés. Moi, en tant

7 qu'homme, j'ai pensé qu'il n'était pas nécessaire que je me réfugie aussi

8 à l'intérieur de la maison. Les hommes étaient aux alentours

9 de la maison où étaient réfugiés les femmes et les enfants.

10 M. Harmon (interprétation). - Donc vous êtes resté à l'extérieur

11 de la maison avec vos amis, n'est-ce pas ?

12 M. Strukar (interprétation). - Effectivement. En fait il y avait

13 deux maisons et puis des petits appentis extérieurs. Donc en fait il était

14 facile de se déplacer à l'extérieur de ces bâtiments.

15 M. Harmon (interprétation). - Ayez l'obligeance de prendre le

16 pointeur et de nous indiquer sur la carte que vous avez dessinée où se

17 trouvait la maison où les membres de votre famille s'étaient réfugiés.

18 (indication du témoin).

19 M. Strukar (interprétation). - En fait, il y a deux maisons à

20 l'endroit que j'indique. Elles appartiennent toutes les deux à

21 M. Nikola Banic. Devant il y a une maison assez vieille et puis également

22 une maison plus moderne, dont la cave est beaucoup plus solide. On accède

23 à la maison plus ancienne de ce côté-ci et de l'autre côté on trouve

24 l'entrée de la maison plus moderne.

25 Les familles étaient rassemblées dans les vieilles maisons et

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1 dans la maison plus moderne, et nous, nous nous déplacions autour.

2 M. Harmon (interprétation). - Ces maisons sont donc à proximité

3 de l'église catholique de Vitez, n'est-ce pas ?

4 M. Strukar (interprétation). - En effet.

5 M. Harmon (interprétation). - Dans le cadre de l'interrogatoire,

6 vous avez déclaré qu'à ce moment-là vous aviez entendu une forte

7 détonation, une explosion. Vous rappelez-vous à quelle heure cette

8 explosion s'est produite ?

9 M. Strukar (interprétation). - Il est difficile d'être précis. Mais je

10 me souviens que c'était l'aube. Comme nous étions à la mi-avril, disons qu'il

11 pouvait être 6 heures du matin, parce que je me

12 souviens que c'était l'aube mais qu'il n'y avait pas suffisamment de clarté pour

13 que l'on puisse dire que le jour était vraiment levé. Vous savez, c'était encore

14 la pénombre qui régnait. Donc, je ne sais pas exactement à quelle heure le jour

15 se lève à cette époque de l'année, mais je dirais à peu près 6 heures du matin.

16 M. Harmon.(interprétation) - Où vous trouviez-vous lorsque vous avez

17 entendu cette explosion ?

18 M. Strukar (interprétation). - Je me tenais ici, à l'endroit que

19 j'indique sur le chevalet, à proximité des maisons où les familles s'étaient

20 réfugiées. Il y a une maison qui appartient ici à Mirko Blaz et il y a un certain

21 nombre de petits appentis à ce même endroit et moi, j'étais quelque part par là,

22 à côté de la maison de Mirko Blaz.

23 M. Harmon.(interprétation) - Vous étiez à l'intérieur d'un de ces petits

24 appentis ? Vous aviez trouvé un abri ?

25 M. Strukar (interprétation). - Non.

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1 M. Harmon.(interprétation) - Jusqu'au moment où vous avez entendu cette

2 explosion, à l'aube, est-ce que vous avez aperçu des Musulmans armés se déplacer

3 aux alentours de l'endroit où vous vous trouviez ?

4 M. Strukar (interprétation). - Non.

5 M. Harmon.(interprétation) - Est-ce que vous avez observé quoi que ce

6 soit d'inhabituel à l'intérieur ou à l'extérieur des maisons musulmanes avant

7 d'entendre cette explosion ?

8 M. Strukar (interprétation). - Non.

9 M. Harmon.(interprétation) - Vous avez entendu cette forte explosion. Si

10 vous êtes à même de nous le dire, pouvez-vous nous expliquer si c'est un obus qui

11 a explosé, si c'est un canon qui a tiré ? Est-ce que vous êtes à même de nous

12 décrire exactement ce que vous avez entendu ?

13 M. Strukar (interprétation). - Outre ce que vous m'avez demandé à propos

14 de ma carrière militaire ou de mon expérience en matière militaire, outre tout ce

15 que je vous ai expliqué, je peux ajouter

16 qu'à l'époque je n'avais aucune connaissance de ce qui avait pu provoquer cette

17 explosion.

18 Il y avait eu des explosions déjà, auparavant, des explosions de grenade

19 ou de roquette mais là, l'explosion était plus forte. La détonation était plus

20 importante et par la suite, au cours de la guerre, j'ai compris qu'en fait

21 c'était un obus de mortier qui était tombé.

22 M. Harmon.(interprétation) - Donc, à partir du bruit, par la suite, vous

23 vous êtes dit que ce qui avait été tiré, c'était un obus de mortier ? Je ne me

24 trompe pas, n'est-ce pas ? C'est par la suite que vous êtes arrivé à cette

25 conclusion ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon.(interprétation) - Est-ce que vous savez d'où provenait ce

3 projectile ? Est-ce que vous avez été à même, par la suite également, de

4 comprendre d'où provenait cet obus de mortier ?

5 M. Strukar (interprétation). - Non, non. Parce qu'à ce moment-là, là où

6 nous nous trouvions, personne -et moi moins que les autres- ne pouvait savoir

7 d'où cela provenait. Si nous avions été auparavant accoutumés à entendre des

8 bruits de ce genre, peut-être que nous aurions pu en arriver à certaines

9 conclusions, mais je ne peux dire qu'une chose : c'est que c'était une explosion

10 violente.

11 M. Harmon.(interprétation) - Aujourd'hui, devant la Chambre de première

12 instance, pouvez-vous dire si cet obus de mortier provenait d'armes du HVO ou

13 d'armes appartenant aux forces musulmanes de Bosnie ? Ou bien est-ce que vous ne

14 pouvez pas apporter de réponse à cette question ?

15 M. Strukar (interprétation). - Je ne sais pas.

16 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, il est 13 heures.

17 Monsieur Strukar, je vous remercie. Nous allons reprendre cette conversation

18 après le déjeuner mais, pour le moment, je n'ai plus de questions. Merci.

19 M. le Président. - Il faudrait essayer d'organiser nos travaux. On avait

20 dit que l'on ferait la conférence de mise en état après 14 heures 30, mais il

21 serait peut-être plus opportun que l'on termine avec M. Strukar.

22 Il vous reste combien de temps, à peu près, Monsieur Harmon ?

23 M. Harmon.(interprétation) - Nous avançons de façon tout à fait

24 satisfaisante, Monsieur le Président. Peut-être me faudra-t-il encore une heure,

25 mais je ne suis pas sûr d'en avoir entièrement besoin. Ce qui est certain, c'est

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1 qu'il me faut moins d'une heure et 55 minutes.

2 M. le Président. - Je vous remercie, Monsieur Harmon. Je vous propose

3 -peut-être êtes-vous d'accord, Monsieur le Juge Shahabuddeen- que nous libérions

4 le témoin. Nous allons reprendre à 2 heures et demie avec M. Strukar, et

5 pratiquement au bout d'une heure et demie, je pense que cela correspondra à la

6 pause de l'après-midi. Et avant d'écouter le témoin suivant, nous procéderons à

7 notre conférence de mise en état à huis clos.

8 Vous êtes d'accord, Maître Hayman ? Tout le monde est d'accord ? Bien.

9 Vous serez à nouveau là à 2 heures et demie, Monsieur Strukar.

10 L'audience est suspendue à 13 heures.

11 L'audience est reprise est reprise à 14 heures 35.

12 M. le Président. - L'audience est reprise. On introduit

13 l'accusé.

14 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

15 On introduit le témoin, Monsieur Dubuisson.

16 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

17 Monsieur Strukar, nous allons poursuivre avec le contre-

18 interrogatoire. Monsieur le Procureur Harmon ?

19 M. Harmon.(interprétation) - Merci, Monsieur le Président,

20 Monsieur Shahabuddeen.

21 Monsieur Strukar, nous allons donc reprendre le contre-

22 interrogatoire et je voudrais donc sortir un petit peu de l'ordonnancement

23 de votre témoignage pour revenir sur un point. Le 14 avril 1993 ou le

24 15 avril, est-ce que vous vous êtes rendu à la station des pompiers où

25 vous étiez chef de la brigade des sapeurs-pompiers ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Je pense que oui, et cela parce

2 que j'y faisais des visites régulières pour voir ce qui se passait de

3 nouveau et après cela je m'y rendais.

4 M. Harmon.(interprétation) - Vous avez déclaré que les forces de

5 défense musulmanes avaient pour siège un bâtiment près de la station,

6 n'est-ce pas ?

7 M. Strukar (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon.(interprétation) - Avez-vous remarqué une quelconque

9 activité inhabituelle dans le siège des forces de défense musulmanes dans

10 les dates précédant ces dates-là ?

11 M. Strukar (interprétation). - Non, je n'ai rien constaté parce

12 que je prenais la rue de ma maison jusqu'à la station et c'est une allée

13 droite.

14 M. Harmon.(interprétation) - Revenons donc à la question que

15 nous avions posée

16 juste avant l'interruption de l'audience. Donc, je pense que vous nous

17 aviez dit au cours de ce témoignage, nous en étions à l'explosion, vous

18 avez dit que vous aviez entendu des tirs. Est-ce que vous savez s'il

19 s'agissait de tirs provenant d'armes légères ou de fusils plus

20 importants ?

21 M. Strukar (interprétation). - J'ai parlé d'une explosion qui a

22 eu lieu au petit matin. Si vous faites référence à cette explosion, j'ai

23 dit que j'ai entendu des tirs, mais que c'était beaucoup plus éloigné.

24 M. Harmon.(interprétation) - Lorsque vous parlez de direction, à

25 quelle direction faites-vous référence ?

Page 16297

1 M. Strukar (interprétation). - Voilà la direction : venant donc

2 de cette maison où j'étais à ce moment-là, en direction de la gauche vers

3 la rivière de la Lasva. Voilà, cela se passait donc de ce côté-ci. A ce

4 moment-là, il m'était très difficile d'évaluer la distance.

5 M. Harmon.(interprétation) - Vous était-il possible de savoir

6 qui tirait, quelle était la faction qui tirait ?

7 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, je ne peux pas vous

8 donner d'évaluation de réponse exacte. Tout ce qu'on pouvait voir au-delà

9 des maisons, c'est qu'il y avait des actions au-delà de la rivière Lasva ;

10 et de l'autre côté de la Lasva, il y avait plusieurs maisons habitées par

11 des Croates et nous avions vu que les coups venaient de plus loin.

12 M. Harmon (interprétation). - Merci. Au cours de

13 l'interrogatoire principal, vous avez dit que vous vous êtes rendu à un

14 point précis et que vous avez vu des civils musulmans venir.

15 Ces civils musulmans vous ont déclaré qu'ils venaient de Bila et

16 qu'ils avaient été expulsés de leur domicile. Vous vous rappelez de cette

17 déclaration ?

18 M. Strukar (interprétation). - Je me rappelle de cette partie de

19 mon témoignage. Mais par rapport à ce vous venez de dire, j'ai dit que ces

20 gens venaient de Bila. Mais en fait, on ne sait pas qui avait fait ces

21 actes, qui avait commis ces actes. Je ne sais pas si vous pouvez

22 comprendre ce que j'entends par là. Tout le monde vous dit quelque chose,

23 en accusant une autre partie de l'avoir commis, mais c'est très difficile

24 en fait de savoir la réalité des choses.

25 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de me concentrer sur

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1 cette série d'événements. A quelle heure, pendant cette matinée là, vous

2 avez vu ces Musulmans arriver vers vous ?

3 M. Strukar (interprétation). - Disons, si on prend comme

4 référence chronologique l'explosion, eh bien je dirai que c'était 10 à

5 15 minutes après l'explosion.

6 M. Harmon (interprétation). - Et lorsque ces civils musulmans

7 sont arrivés, s'agissait-il d'hommes, femmes et enfants ? Pouvez-vous

8 décrire ces réfugiés musulmans, leur nombre, la composition du groupe que

9 vous avez rencontré ?

10 M. Strukar (interprétation). - J'ai vu ce groupe où se trouvait

11 ma famille. C'est ce groupe là que j'ai vu le plus souvent. Il y avait des

12 femmes, des enfants, des hommes de tous âges. J'ai vu également les

13 membres de ma famille. C'étaient les membres de ma famille, les membres de

14 familles d'autres personnes. Comme je l'ai dit, il y avait 60 à 70 civils

15 qui avaient trouvé refuge dans cette maison. Mais je ne peux pas dire sur

16 l'ensemble combien étaient Musulmans, combien étaient Croates. Je dirais

17 50/50.

18 M. Harmon (interprétation). - Ces Musulmans que vous avez vus

19 étaient-ils armés ?

20 M. Strukar (interprétation). - Non. Mais on m'a dit que les

21 jeunes hommes qui avaient saisi certaines maisons avaient cherché des

22 armes.

23 M. Harmon (interprétation). - Et ce groupe de Musulmans que vous

24 avez rencontrés, dont vous avez parlé, étaient-ils effrayés ?

25 M. Strukar (interprétation). - Oui, nous étions tous effrayés.

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1 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez eu l'occasion

2 de parler à certains de ces Musulmans qui se sont réfugiés dans la maison

3 où vous étiez ?

4 M. Strukar (interprétation). - Je leur ai parlé, mais je ne peux

5 pas vous dire exactement si cela a eu lieu immédiatement dans la matinée

6 ou plus tard dans la journée.

7 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire à la Chambre ce

8 que vous ont dit les Musulmans, ce qui leur était arrivé ?

9 M. Strukar (interprétation). - Ils avaient des réactions tout à

10 fait normales. Lorsqu'ils ont vu qu'ils pouvaient parler à quelqu'un

11 appartenant au groupe ethnique croate, ils m'ont demandé : "Qu'est-ce qui

12 se passe ? Qu'est-ce qui nous arrive ?" C'était le type de questions

13 qu'ils me posaient.

14 M. Harmon (interprétation). - Vous ont-ils dit si des membres du

15 HVO les ont attaqués et ont attaqué leur maison ?

16 M. Strukar (interprétation). - Cela n'a pas été formulé de cette

17 manière. Je ne peux pas vous l'affirmer, mais nous avons compris quelque

18 chose, ils n'ont pas donné les détails. Ils n'ont pas donné beaucoup

19 d'explications mais c'est ce que nous avons pu subodorer.

20 M. Harmon (interprétation). - Selon vos souvenirs, pourriez-vous

21 retrouver la formule qu'ils ont utilisée pour décrire ce qui leur était

22 arrivé ce matin-là ?

23 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, écoutez... Essayer de

24 retrouver peut-être... Vous êtes en train de généraliser un petit peu

25 comme s'ils étaient tous arrivés en même temps. En fait, ils venaient par

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1 petits groupes, par familles venant de maisons différentes. Ce n'était pas

2 un seul groupe, un mouvement continu. Certains m'ont dit que l'on avait

3 frappé à leur porte, qu'on leur a demandé des armes et qu'ils ont été

4 envoyés vers la maison où ils se trouvaient.

5 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites : "Les

6 Musulmans ont dit : ils ont", pour vous, à qui faisait référence ce "on",

7 ce "ils" ?

8 M. Strukar (interprétation). - Je pensais que les gens qui se

9 trouvaient avec moi... Vous savez, c'était très difficile à cette époque-

10 là, les temps étaient durs, on ne posait pas trop de questions surtout

11 lorsque l'on avait très peur. Il était tout simplement dans votre meilleur

12 intérêt de ne pas trop poser de questions. Si vous aviez vu une maison en

13 feu, vous saviez qu'il y avait beaucoup d'explications à cela.

14 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai pas l'impression que vous

15 avez bien saisi ma question. En fait, vous avez répondu à quelques-unes de

16 nos questions en disant : "Eh bien, on leur a demandé ce qui leur était

17 arrivé et ils ont dit que "ils" avaient frappé à leur porte".

18 Ma question était : qui était ce "ils" auquel les Musulmans ont

19 fait référence ?

20 M. Strukar (interprétation). - A l'évidence, ces réfugiés

21 avaient à l'esprit les gens qui étaient là-bas. C'était un événement

22 traumatique, leurs maisons étaient brûlées, il y avait des tirs, ils

23 avaient conscience que ce n'était pas de moi ni des gens qui étaient

24 autour d'eux, mais des gens de l'autre côté. Pas le groupe de gens, nous,

25 qui étaient avec eux.

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1 M. Harmon (interprétation). - Je vais changer de sujet.

2 Pourrais-je vous demander de nous montrer la pièce de l'accusation n° 105

3 et la montrer au témoin ?

4 Monsieur Strukar, pendant que l'on cherche la pièce, vous avez

5 dit que cette matinée du 16 avril vous avez vu une batterie antiaérienne

6 arriver dans votre région à bord d'un camion. Est-ce exact ?

7 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est exact. Je l'ai vue en

8 fin de matinée et c'était à côté de la maison de mon père.

9 M. Harmon (interprétation). - On doit changer, ce n'est pas mis

10 dans le bon sens. Je vais la montrer sur écran et la montrer donc à notre

11 témoin. Monsieur Strukar, permettez-moi de poser la question. S'agit-il de

12 ce que vous avez vu le matin du 16 avril 1993 ? S'agit-il bien du canon

13 antiaérien ?

14 M. Strukar (interprétation). - Oui, je pense que c'est cela car

15 vraiment, ça y ressemble.

16 M. Harmon (interprétation). - Merci Monsieur. Eh bien, est-ce

17 que cela n'appartenait pas au HVO ?

18 M. Strukar (interprétation). - Vous faites constamment référence

19 au HVO, mais à l'époque cela appartenait aux jeunes hommes qui étaient

20 arrivés ce matin, précisément.

21 M. Harmon.(interprétation) - Ne s'agissait-il pas de membres de

22 forces armées, de groupes armés ? Permettez-moi de revenir en arrière :

23 est-ce qu'ils portaient des uniformes croates ?

24 M. Strukar (interprétation). - J'ai dit que j'en ai rencontré

25 quelques-uns au cours de la journée. Effectivement, certains portaient les

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1 vestes, des gilets de camouflage, des pantalons kaki.

2 M. Harmon.(interprétation) - Est-ce qu'ils avaient des patches

3 ou des badges HVO sur le bras ?

4 M. Strukar (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre avec

5 certitude car ils portaient des insignes, mais on ne pouvait pas les voir.

6 On ne pouvait pas voir ce que certains portaient à l'avant-bras. Mais je

7 sais qu'ils portaient des brassards blancs.

8 M. Harmon.(interprétation) - A votre avis, est-ce qu'ils étaient

9 du côté musulman ou du côté croate ?

10 M. Strukar (interprétation). - J'ai pensé qu'ils étaient du côté

11 croate.

12 M. Harmon.(interprétation) - Eh bien, par rapport aux brassards

13 blancs que vous avez cités, est-ce que vous pourriez nous donner une

14 description plus exacte de ces brassards ? Où est-ce qu'ils étaient

15 portés ? Est-ce qu'ils étaient autour du bras, est-ce qu'ils étaient

16 accrochés à un bouton de l'uniforme ?

17 M. Strukar (interprétation). - Peut-être que cela me reviendra

18 demain ou le jour suivant... (L'interprète se corrige) J'ai mis du temps à

19 le voir. C'est dans les jours qui ont suivi que j'ai su ce que c'était

20 puisque j'en ai reçu un moi-même.

21 M. Harmon.(interprétation) - Le brassard blanc que vous avez

22 porté, quel sens avait-il ?

23 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, c'était l'équivalent

24 d'un permis de circuler. Cela permettait d'éviter de se faire tuer par les

25 forces croates.

Page 16303

1 M. Harmon.(interprétation) - Avez-vous vu des soldats portant

2 des rubans blancs sur leur uniforme ce jour du 16 avril ?

3 M. Strukar (interprétation). - Le 16, c'est-à-dire le premier

4 jour, oui, je crois que j'en ai vus.

5 M. Harmon.(interprétation) - Est-ce que vous saviez la

6 signification de ces rubans blancs qui se trouvaient sur l'épaule des

7 soldats ?

8 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, non. A ce moment-là, je

9 ne le savais pas. Mais après la guerre, au cours de la guerre, ces rubans

10 ont changé, ils changeaient de couleur. Parfois, ils étaient bleus,

11 d'autres fois ils étaient blancs. Cela dépendait en fait de la personne

12 aux commandes qui décidait de la couleur à porter. Ils changeaient de

13 manière à ce que l'ennemi ne puisse pas les utiliser, qu'il n'y ait pas de

14 risques de confusion.

15 M. Harmon.(interprétation) - Donc, à votre connaissance, il y

16 avait des rubans de couleur qui permettaient d'identifier les soldats

17 comme étant croates et non pas musulmans ?

18 M. Strukar (interprétation). - Oui, oui, c'était cela. C'était

19 un signe de reconnaissance, d'identification.

20 M. Harmon.(interprétation) - Quand avez-vous vu pour la première

21 fois dans la vallée Lasva ces rubans blancs portés par des soldats ?

22 Etait-ce le 16 avril ou aviez-vous vu cela avant le 16 avril 1993 ?

23 M. Strukar (interprétation). - Non, je ne les avais pas vus

24 auparavant.

25 M. Harmon.(interprétation) - Saviez-vous que dans d'autres

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1 parties de Vitez et dans d'autres villages de la vallée de la Lasva, y

2 compris à Ahmici, les soldats croates portaient des rubans très similaires

3 à l'épaule, le 16 avril 1993 ?

4 M. Strukar (interprétation). - Non, je ne le savais pas cela

5 parce que ce que nous avons vu au cours des deux premiers jours, et nous

6 étions dans une petite région, pas très loin de mon domicile.

7 M. Harmon.(interprétation) - Plus tard, au cours de cette

8 journée du 16 avril, d'après votre témoignage, j'ai cru comprendre que des

9 Musulmans sont venus de la zone où se trouve l'église catholique et vous

10 avez dit au cours de l'interrogatoire principal que vous aviez vu des

11 flammes montant des maisons qui se trouvaient dans cette zone et que les

12 Musulmans avaient dit que leurs maisons avaient été mises à feu. Vous

13 rappelez-vous de cela ?

14 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est à peu près exact. Il

15 s'agissait d'un groupe de civils musulmans qui sont venus, la maison où se

16 trouvait ma propre famille, ma femme et mes enfants.

17 M. Harmon.(interprétation) - Ont-ils dit qui avait mis le feu à

18 leurs maisons ?

19 M. Strukar (interprétation). - Il n'y avait pas de nom

20 mentionné. Ils ont simplement dit, ils ont simplement compris que nous

21 n'étions pas directement en cause, que nous allions les aider.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous ont-ils dit que d'autres

23 Croates avaient mis le feu à leur domicile ?

24 M. Strukar (interprétation). - Oui, à peu près.

25 M. Harmon (interprétation). - Vous ont-ils dit si les Croates

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1 portaient des armes au moment où ils ont mis le feu à leurs maisons ?

2 M. Strukar (interprétation). - Oui, ils ont dit qu'ils portaient

3 des armes et ils nous ont demandés qui étaient ces gens parce qu'ils ne

4 les connaissaient pas non plus et nous ne les connaissions pas, parce que

5 ce n'étaient pas nos voisins.

6 M. Harmon (interprétation). - En avez-vous conclu que les gens

7 qui ont mis le feu à ces domiciles appartenant à des Musulmans auraient pu

8 être des soldats de Nova Bila ?

9 M. Strukar (interprétation). - Mais nous n'avons su cela que

10 quelques jours plus tard, au fil des événements, lorsque nous avons enfin

11 compris de quoi il s'agissait, lorsque nous avons eu l'occasion de parler,

12 lorsque nous avons demandé si quelqu'un reconnaissait quelqu'un. Et c'est

13 là que nous avons su qu'ils venaient de Nova Bila.

14 M. Harmon (interprétation). - Plus tard dans la matinée, vous

15 avez dit que vous êtes allé retrouver votre père à son domicile. Quelle

16 heure était-il ?

17 M. Strukar (interprétation). - J'ai dit que c'était assez tard

18 dans la matinée, il était peut-être 10 heures - 10 heures 30, peut-être

19 même 11 heures grand maximum.

20 M. Harmon (interprétation). - Une minute, s'il vous plaît,

21 Monsieur le Président.

22 Lorsque vous êtes arrivé à la maison de votre père, un peu plus

23 tard ce matin-là, votre père habitait-il dans la maison immédiatement

24 voisine de celle de Sulejman Sadibasic ?

25 M. Strukar (interprétation). - Sulejman Sadibasic, oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - Et votre père avait-il une arme

2 dans sa maison, à votre connaissance ?

3 M. Strukar (interprétation). - Mon père ne possédait pas d'armes

4 militaires, d'armes de l'armée, mais je sais depuis mon enfance qu'il

5 possédait un revolver. Il avait un permis pour ce revolver, mais je n'en

6 sais pas plus. Il possédait ce revolver parce qu'il travaillait à

7 l'entreprise publique d'électricité.

8 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai que la pièce à

9 conviction de l'accusation 102 soit remise au témoin, s'il vous plaît.

10 Monsieur Strukar, je vais maintenant vous présenter quelques

11 photographies dont je vous demanderai de les identifier. Nous commencerons

12 par la première de ces trois photographies. Elles seront toutes placées

13 sur ce rétroprojecteur, la machine qui se trouve à côté de vous, de façon

14 à ce que le public puisse les voir. Mais je vous les présente d'abord sur

15 l'écran informatique car je crois que l'image est de meilleure qualité.

16 M. Dubuisson. - Il serait préférable de ne pas mettre ces photos

17 sur le rétroprojecteur, du fait qu'elles ont été admises sous le sceau de

18 la confidentialité.

19 M. le Président. - Est-ce que vous en avez un jeu pour

20 les Juges, s'il vous plaît ? Je ne vois pas très bien comment les Juges

21 peuvent contrôler le travail qui se fait dans la salle d'audience si c'est

22 un dialogue entre... Au moins une pour que le Juge Shahabuddeen et moi-

23 même puissions quand même vérifier ce que dit le témoin, au vu du document

24 qui est présenté.

25 M. Dubuisson. - Une fois choisie, on peut vous la présenter dans

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1 un premier temps et ensuite la présenter au témoin.

2 M. le Président. - Et il n'y a pas un autre exemplaire de cette

3 photo ? Eh bien, c'est Me Hayman qui va nous rendre service.

4 M. Hayman (interprétation). - Mais j'aimerais qu'on me la rende

5 après, Monsieur le Président.

6 M. le Président. - C'est promis, Maître Hayman.

7 M. Harmon (interprétation). - Monsieur l'Huissier, je vous

8 remercie de m'avoir rappelé ce fait. Nous ne montrerons donc pas la

9 photographie sur le rétroprojecteur, mais je vous demande, Monsieur

10 l'Huissier, de bien vouloir présenter ces photographies au témoin. Nous

11 commencerons par la première, Monsieur Strukar, qui porte

12 l'inscription 232.

13 M. Strukar (interprétation). - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - En fait, je vous demanderai de

15 regarder trois photographies sur lesquelles vous trouverez les

16 chiffres 232, 233 et 234. Regardez-les d'abord toutes les trois quelques

17 instants.

18 Vous reconnaissez ce corps comme étant celui de M. Sulejman

19 Sadibasic ?

20 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est le cadavre de Sulejman

21 Sadibasic.

22 M. Harmon (interprétation). - Et il se trouve devant une maison

23 qui semble avoir été incendiée. Est-ce sa maison ?

24 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est sa maison.

25 M. Harmon (interprétation). - A présent, si vous regardez en

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1 haut de la route, là où le canon est pointé, à côté de la maison de

2 M. Sadibasic, il y a une maison qui n'est pas incendiée. A qui appartient

3 cette maison ?

4 M. Strukar (interprétation). - Vous avez dit à côté de la maison

5 de Sadibasic ?

6 M. Harmon (interprétation). – Oui, ici.

7 M. Strukar (interprétation). – C'est la maison de Zeljko Mlakic.

8 Dans ma déposition, j'ai parlé de cet homme. J'ai dit qu'il était malade

9 et que son fils était à la maison avec lui.

10 M. Harmon (interprétation). – Zeljko Mlakic est-il croate ?

11 M. Strukar (interprétation). – Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Ensuite, nous continuons notre

13 chemin. A côté de la maison de Zeljko Mlakic, nous voyons une autre

14 maison. A qui appartient cette maison, le savez vous ?

15 M. Strukar (interprétation). - Je crois que c'est celle de

16 Marjian Mlakic.

17 M. Harmon (interprétation). – Ce M. Mlakic est également Croate,

18 n'est-ce pas ?

19 M. Strukar (interprétation). – Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Vous constaterez, je pense, que la

21 photo 233 est en fait identique à la photographie 232, mais prise sous un

22 angle différent. Le même commentaire peut être fait au sujet de la

23 photographie 234 qui est un gros plan de la photographie 232. Mais

24 j'aimerais maintenant vous interroger au sujet de ce moment où vous êtes

25 allé voit votre père, chez lui, et où vous avez vu le corps de Sulejman

Page 16309

1 Sadibasic.

2 Au cours de ce procès, nous avons entendu le témoignage de la

3 personne qui a pris ses photographies. Cette personne nous a dit que

4 M. Sadibasic avait la gorge tranchée. Vous êtes-vous approché du corps de

5 M. Sadibasic ? L'avez-vous regardé de plus près ?

6 M. Strukar (interprétation). – Non, cela je ne l'ai fait à aucun

7 moment.

8 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous vu ce qui semblait être

9 des blessures par balle sur le corps de Sulejman Sadibasic ?

10 M. Strukar (interprétation). – Non, cela je ne l'ai pas vu non

11 plus parce que je ne me suis à aucun moment approché de ce cadavre. Je me

12 trouvais à une trentaine de mètres puisque j'étais dans la maison de mon

13 père. En fait, je l'ai vu sur la gauche. Je voyais d'abord une cour. Je

14 l'ai vu sous un angle différent.

15 M. Harmon (interprétation). - Mais lorsque vous avez vu le

16 cadavre de M. Sulejman Sadibasic, avez-vous vu une arme quelconque à côté

17 de son corps ?

18 M. Strukar (interprétation). – Non.

19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également dit, dans

20 votre déposition jusqu'à présent… J'en ai terminé avec les photographies,

21 vous pouvez les rendre à l'huissier.

22 Donc vous avez déjà dit, au cours de votre déposition, en tout

23 cas c'est ce que j'ai compris, que plus tard, vous avez vu d'autres

24 cadavres dans la maison de M. Sadibasic ou autour de sa maison, mais je

25 n'ai pas bien compris à quel moment vous avez vu ces autres corps. Etait-

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1 ce le 16 avril ou plus tard ?

2 M. Strukar (interprétation). – Non, ce n'était pas le 16 avril,

3 mais un certain temps plus tard parce que le malheureux Sulejman

4 Sadibasic, ou plutôt son corps, est resté pas mal de temps sur la route.

5 Je ne me rappelle donc pas exactement combien de temps après, mais c'était

6 plusieurs jours après, au moins sept ou huit jours après.

7 Les rumeurs commençaient à circuler. Les gens commençaient à se

8 demander où les personnes dont j'ai vu le corps se trouvaient.

9 M. Harmon (interprétation). - Quel âge avait M. Sadibasic ? Je

10 parle de l'homme dont le corps est représenté sur la photographie ?

11 M. Strukar (interprétation). – Je suis désolé, je ne le sais pas

12 exactement. J'essaie

13 de voir en rapport avec mon père, environ 60 ans. Il faisait un peu plus

14 vieux que son âge.

15 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi de revenir sur point,

16 à votre avis combien de jours après le 16 avril avez-vous vu le corps du

17 fils de Sulejman et les deux autres corps que vous avez désigné par un

18 signe distinctif sur le schéma que vous avez annoté ? Combien de jours

19 après le 16 avril ?

20 M. Strukar (interprétation). - Je ne peux pas vous dire avec

21 certitude, mais je pense que les corps se sont trouvés à l'endroit où ils

22 se sont trouvés pendant sept, huit, neuf et peut-être même dix jours. Mais

23 on ne les voyait pas très distinctement. Nous avons discuté même avec

24 Darko pour savoir s'il était possible de nous rapprocher du corps

25 de Sulejman pour l'enterrer. Je crois pouvoir dire que ces corps sont

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1 restés sur place même dix jours. Certains Croates qui vivaient dans le

2 voisinage se sont adressés à la Forpronu pour voir de quelle façon il

3 serait éventuellement possible de s'approcher des corps et de faire

4 quelque chose. Mais je ne peux pas vous dire exactement combien de jours.

5 M. Harmon (interprétation). - Bien sûr, un certain nombre

6 d'années se sont écoulées, je ne vais pas vous demander une date

7 absolument exacte, mais je voulais vous demander une durée approximative.

8 Lorsque vous avez vu les corps du fils de Sulejman et des deux

9 autres hommes, est-ce que vous vous êtes approchés de ces cadavres pour

10 les examiner de plus près ?

11 M. Strukar (interprétation). – Non.

12 M. Harmon (interprétation). – Les avez-vous vus d'assez près

13 pour déterminer de quelle manière ils avaient été tués ?

14 M. Strukar (interprétation). – Non, non. En effet, après sept,

15 huit, neuf jours, il est absolument inconcevable de s'approcher de ces

16 cadavres.

17 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit à mon collègue,

18 Me Nobilo, avoir reçu des informations d'un tiers quant à la façon dont

19 M. Sadibasic s'était fait tuer. Je crois

20 même que vous avez parlé d'un Serbe. Est-ce que vous avez jamais eu

21 l'occasion de parler à l'épouse de M. Sadibasic pour vous enquérir de la

22 façon dont son mari avait été tué, et de la façon dont son fils avait été

23 tué ?

24 M. Strukar (interprétation). - Au jour d'aujourd'hui, je n'ai

25 pas eu cette occasion.

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1 M. Harmon (interprétation). - Connaissez-vous Mme Sadibasic ?

2 M. Strukar (interprétation). - Oui.

3 M. Harmon (interprétation). - Est-ce une femme honnête,

4 franche ?

5 M. Strukar (interprétation). - Moi, je pense que non.

6 M. Harmon (interprétation). - Très bien...

7 M. Strukar (interprétation). - Excusez-moi, vous avez semé

8 quelques confusions dans mon esprit. J'ajouterai que Sulejman et son fils,

9 celui qui s'est fait tuer, bénéficiaient d'une réputation assez bonne

10 parmi les voisins, alors que son épouse et un autre de ses fils ne

11 jouissaient pas d'une réputation aussi bonne. C'est la raison pour

12 laquelle j'ai répondu à votre question comme je l'ai fait au sujet de son

13 épouse.

14 M. Harmon (interprétation). - Madame Sadibasic a une idée

15 différente quant à la façon dont son mari et son fils ont été tués, un peu

16 différente de celle du Serbe que vous avez mentionné. Ce que dit

17 Mme Sadibasic, c'est que le matin du 16, des soldats sont arrivés jusqu'à

18 sa maison, ils ont frappé à la fenêtre et ils criaient : "Balija ! Vitez

19 est à nous !". Ils portaient un brassard blanc autour du bras et elle dit

20 que leurs uniformes étaient de couleur noire. Elle dit que ces soldats ont

21 emmené ses deux fils, Safet et Sifet, qu'ils les ont emmenés à

22 l'extérieur. A ce moment-là, ses deux fils étaient vivants. Ils sont donc

23 entrés par effraction dans la maison et ils ont emmené les deux fils. Ils

24 tenaient un fusil dans sa nuque, mais elle a pu identifier les hommes qui

25 ont fait cela.

Page 16313

1 Au moment où ces deux fils sont sortis de la maison, ils étaient

2 encore vivants sous la garde des soldats qui les avaient fait sortir de la

3 maison. Elle dit que les soldats qui gardaient

4 ses fils portaient un uniforme de camouflage et qu'ils ont donc emmené ses

5 deux fils. A ce moment-là, elle s'est enfuie. Elle a identifié un certain

6 nombre de maisons musulmanes qu'elle dit avoir vues en flammes.

7 Alors, à votre avis, est-il peu probable, où est-il fortement

8 probable que Mme Sadibasic en sache plus au sujet du sort réservé à son

9 mari et à ses fils que l'ami serbe dont vous avez parlé ? Quel est votre

10 avis à ce sujet ?

11 M. Strukar (interprétation). - Bien entendu, il est question de

12 sa maison, il est fort possible qu'elle en sache plus. Mais, ce que je

13 comprends mal, vous m'avez demandé tout à l'heure quel âge avait mon

14 voisin. Si eux ont tiré sur un homme âgé, comment est-il possible qu'elle

15 soit restée en vie, elle. Je vois mal comment elle a pu s'enfuir !

16 M. Harmon.(interprétation) - Eh bien, je ne suis pas ici pour répondre

17 à des questions. Les Juges réussiront certainement à tirer des conclusions quant

18 au fait de savoir comment elle est parvenue à survivre et comment son mari et

19 son fils ont été tués.

20 M. le Président. - (Hors micro)suggestion sur ce qu'aurait dû penser

21 untel et untel. C'est un peu compliqué.

22 M. Harmon.(interprétation) - Oui, je comprends. Mais je voudrais

23 maintenant passer à un autre sujet. Un jour, après le 16 avril, vous êtes

24 retourné dans votre maison. Vous nous avez montré une cassette vidéo tournée par

25 vous, je crois, sur laquelle nous avons vu des images des restes d'une roquette.

Page 16314

1 Je crois vous avoir entendu identifier cette roquette comme provenant d'un

2 lance-roquettes multiple, n'est-ce pas ?

3 M. Strukar (interprétation). - C'est à peu près cela. Mais je dois

4 expliquer aux Juges que plus tard, au cours de la guerre, j'en ai appris

5 davantage. Donc c'est une roquette qui provenait d'un lance-roquettes multiple.

6 Mais au cours de la guerre, il arrivait que sur un lance-roquettes multiple on

7 supprime un canon, c'est-à-dire que l'on n'utilise qu'un seul canon pour tirer

8 et que les autres canons soient enlevés.

9 Je ne sais pas exactement combien de roquettes il y avait, mais c'est

10 la raison pour laquelle je parle du canon d'un lance-roquettes multiple sans

11 insister sur le fait que le lance-roquettes multiples était complet. Cependant,

12 j'ai filmé cette cassette parce que, quelques jours après ces événements, je

13 suis allé dans ma maison, j'ai vu dans quel état elle était et j'ai décidé de

14 filmer quelques images pour montrer à ma famille quel était l'état des

15 dégradations subies par la maison.

16 M. Harmon.(interprétation) - Je demanderai maintenant à l'huissier de

17 remettre au témoin la pièce à conviction 82 de l'accusation, s'il vous plaît. Je

18 demanderai que ces photographies soient placées l'une après l'autre sur le

19 rétroprojecteur en commençant par Z2/461, qui est la première de ces

20 photographies.

21 Monsieur Strukar, quelques questions au sujet des photographies. Est-

22 ce que vous voyez bien ce que vous voyez sur l'écran devant vous ? Est-ce que

23 vous reconnaissez cette arme qui figure sur la photographie ?

24 M. Strukar (interprétation). - Je vois bien la photographie, je vois

25 que c'est une sorte de canon, mais je n'ai jamais vu un canon de ce genre de

Page 16315

1 visu.

2 M. Harmon.(interprétation) - Ces photographies ont été prises -pour

3 votre information- par des membres du bataillon britannique. Ce sont des armes

4 du HVO dont des témoins ont indiqué qu'elles étaient présentes dans la vallée de

5 la Lasva. Avez-vous jamais vu une arme comme celle que vous voyez sur cette

6 photographie dans la vallée de la Lasva ?

7 M. Strukar (interprétation). - Moi, non.

8 M. Harmon.(interprétation) - Eh bien, Monsieur l'Huissier, je voudrais

9 que nous passions à la photographie suivante.

10 Avez-vous jamais vu cette arme jusqu'à présent ?

11 M. Strukar (interprétation). - Ce n'est pas la même.

12 M. Harmon.(interprétation) - Je crois que ce n'est pas la même. C'est

13 la même ? Bon, nous verrons les témoignages à ce sujet. Si c'est le cas, passons

14 à la photographie suivante, Z2/463.

15 Avez-vous jamais vu ce type d'armes dans la vallée de la Lasva ?

16 M. Strukar (interprétation). - Je vois mal ce qui figure sur la

17 photographie. On voit très mal. Excusez-moi, mais je ne sais vraiment pas ce que

18 c'est.

19 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur l'Huissier, nous allons

20 maintenant passer à la photographie Z2/465. Ceci est un lance-roquettes

21 multiple. Avez-vous jamais vu une arme ressemblant à celle-ci dans la vallée de

22 la Lasva ?

23 M. Strukar (interprétation). - Vous me demandez tout le temps si j'ai

24 vu cela dans la vallée de la Lasva. J'ai déjà dit, s'agissant de la vallée de la

25 Lasva, que j'ai passé la plus grande partie de la guerre dans ma maison. Je suis

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1 allé quelques rares fois dans la vallée de la Lasva, mais j'étais un fantassin

2 et des armes de ce genre, je ne les ai pas vues à ce moment-là. Je les ai vues

3 après la guerre, mais sans savoir à qui elles appartenaient.

4 M. Harmon.(interprétation) - Très bien, pouvons-nous passer à la

5 photographie suivante, la photographie 468 ? Reconnaissez-vous cet homme ?

6 M. Strukar (interprétation). - Non.

7 M. Harmon.(interprétation) - Reconnaissez-vous ce type d'armes ?

8 M. Strukar (interprétation). - Je ne l'ai vu que dans les journaux.

9 M. Harmon.(interprétation) - Peut-on passer maintenant à la

10 photographie Z2/469 ? Reconnaissez-vous l'homme qui tient un long fusil dans la

11 main gauche sur cette photographie ?

12 M. Strukar (interprétation). - Je ne voudrais pas faire erreur. Je

13 connais celui qui porte un maillot bleu, un tee-shirt bleu, mais pour l'autre,

14 je ne suis pas sûr.

15 M. Harmon (interprétation). - Qui est celui qui porte le

16 sweat-shirt bleu ?

17 M. Strukar (interprétation). - C'est Jako Krizanac.

18 M. Harmon (interprétation). - S'agit-il de l'homme qui se trouve

19 sur la gauche sur cette photo ?

20 M. Strukar (interprétation). - Oui, il a un sweat-shirt bleu

21 foncé et un foulard

22 rouge.

23 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur l'Huissier. J'en

24 ai fini avec cette série de photographies.

25 Monsieur Strukar, les restes de cette roquette que vous avez

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1 trouvés dans votre maison, portaient-ils une indication quelconque qui eut

2 permis d'en attribuer la propriété à la partie musulmane ou à la partie

3 croate ?

4 M. Strukar (interprétation). - Non.

5 M. Harmon (interprétation). - Et avez-vous vu cette roquette

6 tirée dans la direction de votre maison ou est-ce que la seule chose que

7 vous avez vue est la fumée qui sortait de votre maison et vous avez

8 entendu une détonation ?

9 M. Strukar (interprétation). - C'est exactement ce que vous

10 venez de dire. Au moment où la détonation s'est fait entendre, j'ai

11 regardé dans la direction de ma maison et j'ai vu que de la fumée en

12 sortait.

13 M. Harmon (interprétation). - Au moment où la roquette a explosé

14 dans votre maison, est-ce qu'il y avait des combats dans Vitez et aux

15 alentours de Vitez ?

16 M. Strukar (interprétation). - Au moment exact où la roquette a

17 explosé, je vous ai dit que, faute d'expérience de la guerre, ce matin-là,

18 nous avons pensé des choses qui étaient un peu différentes. Nous avons

19 pensé que les coups de feu étaient très nourris, alors qu'aujourd'hui,

20 après tout ce qui s'est passé au cours de la guerre, je suis incapable de

21 dire si vraiment il y avait des coups de feu très nourris ou pas. Il y

22 avait des tirs, des coups de feu, il y avait des tirs de grenades et

23 autres.

24 Et puis, parmi les maisons incendiées, ce genre de choses se

25 passait assez souvent. De temps en temps, on voyait une maison flamber et

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1 on pensait qu'elle avait été bourrée d'explosifs.

2 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais vous rappeler certains

3 éléments des

4 réponses que vous avez apportées à l'interrogatoire principal. Vous avez

5 parlé d'un jeune homme notamment, dont le nom était Sadibasic. Vous avez

6 dit que c'était l'un des fils de l'homme dont nous avons vu le cadavre, il

7 y a quelques instants. Vous avez dit que le 16 avril, il avait été arrêté

8 et que vous l'avez vu peu de temps après à Mahala.

9 M. Strukar (interprétation). - Je n'ai pas dit qu'il avait été

10 arrêtée le 16. J'ai dit qu'il avait trouvé refuge dans la cave de la

11 maison avec sa future femme -il n'était pas encore marié- et ses enfants.

12 Quand il s'est rendu compte que la situation s'était un peu calmée, il est

13 sorti seul et s'est dirigé vers nous. A ce moment-là, il est resté quelque

14 temps, je dirai 6, 7, 8 jours dans la maison de Slavko Batinic après quoi,

15 la police l'a emmené quelque part en ville et c'est quelques jours après

16 cette date-là que nous l'avons vu à Mahala.

17 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous que les policiers l'ont

18 emmené dans la salle de cinéma où il a été maintenu en détention pendant

19 pas mal de temps et savez-vous qu'ensuite, il a été contraint d'aller

20 creuser des tranchées pour le HVO ? Connaissiez-vous ce fait ?

21 M. Strukar (interprétation). - Non, moi, en fait, je ne l'ai pas

22 vu personnellement, mais j'ai posé la question à un ami, je lui ai demandé

23 ce qui est arrivé avec cet homme. J'ai appris que les policiers l'avait

24 emmené et ensuite, je l'ai vu à Mahala. C'est ce que j'ai déjà dit.

25 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, j'aimerais, si vous le

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1 voulez bien, que nous parlions d'une explosion plus importante, celle à

2 laquelle nous faisions référence ne parlant de camion piégé.

3 Vous avez dit, au cours de votre déposition, qu'un homme est

4 arrivé chez vous peu de temps après cette explosion intense, peu de temps

5 après que vous avez entendu la détonation et qu'il vous a informé au sujet

6 d'une forte explosion. Qui était cet homme ?

7 M. Strukar (interprétation). - Je n'ai pas dit qu'il est venu

8 chez moi à la maison, mais il est arrivé à l'endroit où nous nous

9 trouvions. Vous savez, nous circulions pas mal. Nous

10 ne restions pas au même endroit. Il est arrivé là où j'étais allé pour

11 rendre visite à ma famille.

12 Ce qu'il m'a dit exactement, je ne me rappelle pas, mais

13 quelqu'un, à ce moment-là, a crié que nous devrions nous abriter, que

14 personne ne devait sortir des maisons. Cette situation a duré un jour,

15 deux jours, trois jours à peu près. Donc, nous étions un petit peu

16 inquiets et nous sortions rarement de la maison en tout cas. Nous avons

17 attendu sur place.

18 M. Harmon (interprétation). – Ma question consistait à vous

19 demander qui vous a informé de cette explosion du camion piégé ?

20 M. Strukar (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement

21 car nous n'étions pas simplement assis à attendre que quelqu'un vienne

22 nous dire telle ou telle chose ; ce que nous entendions, nous l'entendions

23 grâce à quelqu'un qui criait quelque chose. Les mots qui étaient utilisés

24 ne sont pas toujours "citables" devant un Tribunal. Il disait : "Foutez le

25 camp d'ici, rentrez à l'intérieur, rentrez." C'est comme cela que nous

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1 nous rendions compte que quelque chose se passait.

2 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez découvert

3 après l'explosion que d'autres Croates de la communauté avaient été

4 prévenus à l'avance, comme vous aviez été prévenus, qu'il y aurait une

5 explosion ?

6 M. Strukar (interprétation). – Non, nous n'en avons pas discuté

7 parce que s'agissant de certaines choses, il était préférable de se taire.

8 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi cela ?

9 M. Strukar (interprétation). – Eh bien parce qu'à partir du 16,

10 tout ce que nous avions pu voir jusqu'à cette date à la télévision sur

11 tout ce qui avait pu se passer en République de Croatie, à Gorazde ou où

12 que ce soit, nous voyions en fait que des gens se faisaient abattre.

13 Nous avions vu et compris qu'il était très facile de mourir.

14 Nous avions pu que des gens se livraient à toutes sortes d'actes. Nous,

15 nous avons essayé de sauver nos vies, c'est tout. En fait, on essayait

16 d'en dire le moins possible sur ce qui s'est passait.

17 M. Harmon (interprétation). - Après l'explosion, avez-vous

18 essayé de savoir qui était responsable de cet incident ?

19 M. Strukar (interprétation). – Non.

20 M. Harmon (interprétation). – N'est-ce pas l'explosion la plus

21 importante qui se soit produite à Vitez pendant toute la durée de la

22 guerre ?

23 M. Strukar (interprétation). - Je crois, en effet, que cela a

24 été le cas. En tout cas d'après ce que j'ai entendu.

25 M. Harmon (interprétation). - Mais vous n'avez pas mené une

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1 enquête pour savoir qui était responsable de cet attentat ?

2 M. Strukar (interprétation). - Franchement, je crois que vous ne

3 comprenez pas bien ce que je vous dis, vous ne comprenez pas bien dans

4 quel état nous nous trouvions, moi et tous les autres. Nous ne nous

5 regardions pas comme des soldats. En fait, moins nous posions de

6 questions, mieux nous nous portions.

7 Vous avez demandé ce qui se passait pendant la guerre. Vous avez

8 demandé ce qui s'était passé après la guerre. Dans le quartier de Mahala,

9 il y avait un certain nombre de maisons croates. Lorsqu'ils ont commencé à

10 se diriger vers nous, ils nous ont dit que c'était un camion citerne.

11 Nous, nous savions simplement que c'était un camion. Eux nous

12 ont dit alors qu'on leur avait dit que c'était un camion citerne qui était

13 bourré d'explosifs. Voilà comment nous en sommes arrivés à rassembler des

14 petits bouts d'information que nous avons essayé de faire concorder avec

15 celles dont nous disposions déjà. C'était comme un puzzle que nous

16 essayions de rassembler. Mais nous ne posions pas de question.

17 M. Harmon (interprétation). – Une dernière question sur ce

18 sujet, monsieur Strukar. Vous résidiez à peu de distance du lieu de

19 l'explosion. A un quelconque moment après cette explosion, un membre de la

20 police militaire du HVO, un membre d'une police quelle qu'elle soit, est-

21 il venu vous voir ou voir vos voisins pour vous demandez ce que vous

22 saviez le cas échéant à propos de l'explosion de ce camion piégé ?

23 M. Strukar (interprétation). – Non.

24 M. Harmon (interprétation). – Très bien, nous allons maintenant

25 aborder une autre partie de votre témoignage.

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1 Vous avez déclaré qu'après le 16 avril, un certain nombre de

2 Musulmans étaient restés dans votre quartier, aux alentours de cette

3 église catholique qui se trouvait à Vitez. De combien de Musulmans

4 parlons-nous approximativement ? Combien d'entre eux sont restés dans

5 votre quartier ?

6 M. Strukar (interprétation). - Vous savez, je crois que c'est la

7 deuxième ou troisième fois que vous me posez cette question, en tout cas

8 une question où vous me demandez de vous donner des chiffres précis. Mais

9 je ne peux pas le faire.

10 Depuis ma maison et en direction de l'église, toutes les

11 personnes qui se trouvaient à ce moment-là, hommes, femmes et enfants

12 étaient des Musulmans.

13 M. Harmon (interprétation). - Ensuite, vous avez déclaré -et

14 c'est pour cela que j'ai l'impression que vous pouvez nous donner quelques

15 chiffres- que pendant un mois environ certains des Musulmans qui se

16 trouvaient là étaient restés sur les lieux jusqu'à l'été. C'est pourquoi

17 je vous demande un chiffre parce que vous avez parlé de certains

18 Musulmans, vous a dit que certains étaient partis, que d'autres étaient

19 restés, en revanche.

20 M. Strukar (interprétation). – Oui, effectivement. Mais là, je

21 me suis rappelé de certains noms. Certains sont restés effectivement

22 jusqu'à l'état, ils étaient quatre ou cinq, et je peux peut-être donner

23 des noms.

24 M. Harmon (interprétation). - Dans le courant de l'été donc,

25 quatre ou cinq Musulmans ont décidé de rester dans votre quartier. C'est

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1 bien cela que vous dites ?

2 M. Strukar (interprétation). - Certain sont partis, d'autres

3 sont restés au-delà de

4 l'été. Ils sont encore sur place aujourd'hui.

5 M. Harmon (interprétation). - Sur le nombre de Musulmans qui

6 habitaient dans votre quartier de Vitez, est-ce que la majorité de ces

7 personnes sont parties de la ville avant le début de l'été ?

8 M. Strukar (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Et après l'été de 1993, est-ce que

10 d'autres Musulmans ont décidé de partir ? Est-ce qu'il n'est pas exact de

11 dire que seul un petit nombre de Musulmans restaient sur place pendant

12 toute la durée de la guerre ?

13 M. Strukar (interprétation). - Excusez-moi, peut-être ne vous

14 ai-je pas bien compris. Est-ce que vous dites qu'après l'été d'autres

15 Musulmans ont décidé de partir ? Vous parlez de cela n'est-ce pas, et de

16 l'été 1993 ?

17 M. Harmon (interprétation). - Oui, c'est ce que je vous demande.

18 M. Strukar (interprétation). - Non, le dernier c'était Topcic.

19 Il est parti avec sa femme et ses enfants. C'est le dernier à être parti.

20 Ensuite plus personne n'est parti.

21 M. Harmon (interprétation). - Les personnes musulmanes qui sont

22 restées dans votre communauté... dans votre quartier, avaient-elles peur

23 du HVO, avaient-elles peur des Croates, avaient-elles peur de la police

24 militaire ou avaient-elles peur de ces unités spéciales dont nous avons

25 déjà parlé ? Je pense aux Vitezovi, je pense aux Jokeri.

Page 16324

1 M. Strukar (interprétation). - Eh bien, laissez-moi vous dire

2 une bonne chose, nous avions tous peur. Je ne dis pas cela au hasard, je

3 parle bien de nous tous, je parle de moi, je parle des autres, je parle de

4 ma famille. Nous n'avions aucune idée de ce qui pouvait se produire. Il y

5 avait des échanges de coups de feu dans tous les quartiers de la ville,

6 qui provenaient des deux parties et nous savons que des personnes sont

7 mortes. Nous avions peur, ils avaient peur.

8 Eux aussi voulaient essayer de poser la question de savoir ce

9 qu'ils devaient faire.

10 Voilà ma réponse à votre question.

11 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais essayer, s'il vous

12 plaît, d'établir une distinction entre ce sentiment de terreur général

13 qu'ils pouvaient ressentir parce que de toute façon c'était la guerre, du

14 sentiment de terreur qui peut-être leur était spécifique à eux, Musulmans,

15 sentiment de terreur vis-à-vis du HVO, vis-à-vis des Croates.

16 Vous avez eu des contacts avec les Musulmans qui sont restés

17 dans votre quartier. Est-ce que ces Musulmans vous ont fait part d'une

18 peur ou d'un sentiment de peur tel que celui que je viens de décrire ?

19 M. Strukar (interprétation). - Après cela, ils n'avaient pas

20 peur de nous, Croates, nous voisins croates qui étions à leurs côtés, mais

21 ils avaient toujours peur que quelqu'un arrive de l'extérieur. Ils avaient

22 peur que quelqu'un qui ne les connaisse pas arrive. Ils voyaient bien

23 quelle était la situation. Ils ont bien vu que certains Croates ne

24 voulaient pas venir chez moi pour essayer de discuter de la façon

25 d'établir des groupes de défense. Ils voyaient bien que les Vitezovi par

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1 exemple forçaient les Croates en les menaçant et en leur tirant au-dessus

2 de la tête à ne pas tenter d'établir de telles choses. Ils voyaient bien

3 que l'on ne pouvait pas plaisanter avec des gens comme ça.

4 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Je vais vous poser

5 maintenant des questions relatives à un dernier sujet qui m'intéresse.

6 C'est vous qui avez établi cette carte qui se trouve sur votre gauche. Et

7 je crois que les maisons représentées par des triangles sont des maisons

8 croates, c'est bien cela, n'est-ce pas ?

9 M. Strukar (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Il semble que certaines maisons

11 croates ont été incendiées dans le courant de la journée du 16 avril 1993.

12 Je crois que ces maisons sont coloriées en rouge, n'est-ce pas ?

13 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est exact. Mais j'ai bien

14 précisé que cette

15 carte, je l'ai dressée en me fondant uniquement sur mes souvenirs de ce

16 qui s'est passé. Je l'ai dressée en me rappelant de ce qui s'est passé au

17 cours des deux ou trois premiers jours des événements.

18 Et pour ce qui est de cette période de temps, je peux dire en

19 toute certitude -et là je suis bien sûr de ce que je ressens- j'ai eu

20 l'impression que tous les événements qui se sont produits au cours de ces

21 trois premiers jours se sont fondus en un seul ensemble d'événements

22 continus. C'est comme si tout c'était passé en un seul jour.

23 M. Harmon (interprétation). - Je comprends. Voilà la question

24 qui m'intéresse cependant. Est-ce que vous avez quelqu'un mettre

25 intentionnellement le feu à ces maisons croates ?

Page 16326

1 M. Strukar (interprétation). - En une seule occasion.

2 M. Harmon (interprétation). - Vous pouvez élaborer un petit

3 peu ?

4 M. Strukar (interprétation). - C'était la maison de

5 Vojislav Mlakic. C'est cette maison là qui brûlait et je crois que c'était

6 le premier jour. Peu de temps après, l'incendie a été éteint. Peut-être

7 était-ce le lendemain ou le surlendemain, mais je ne suis pas exactement

8 certain de ce que je vous dis. De là où je me tenais, donc depuis ma

9 maison, j'ai pu voir des jeunes hommes qui jetaient quelque chose en

10 direction de la maison qui, ensuite, a pris feu. Quand je dis quelque

11 chose, en fait cela devait certainement être un liquide inflammable auquel

12 les jeunes hommes ont mis le feu. Donc la maison a brûlé, et de ma maison

13 j'ai vu ces jeunes hommes.

14 M. Harmon (interprétation). - Vous pourriez les identifier ?

15 M. Strukar (interprétation). - Non.

16 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous s'il s'agissait de

17 jeunes hommes musulmans ou croates ?

18 M. Strukar (interprétation). - Je ne peux pas le dire. Moi j'ai

19 cru que c'étaient des

20 Musulmans.

21 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous nous indiquer sur la

22 carte que vous avez dressée la maison à laquelle vous faites référence en

23 ce moment ?

24 (Indication du témoin.)

25 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Greffier, de quelle

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1 pièce parlons-nous en ce moment ? Quelle est cette pièce ?

2 M. Dubuisson. - D/513, si je ne m'abuse.

3 M. Harmon (interprétation). - Donc pour le compte rendu, le

4 témoin indique la maison triangulaire qui se trouve en bas à droite et qui

5 est coloriée en rouge. Cette maison apparaît en bas à droite de la pièce à

6 conviction de la défense 513. Merci beaucoup Monsieur Strukar.

7 Monsieur Strukar, une question encore.

8 Pour ce qui est des maisons musulmanes qui ont été incendiées

9 dans votre quartier, est-ce que vous avez vu de vos propres yeux des

10 personnes mettre le feu à ces maisons ou bien est-ce que vous savez dans

11 quelles circonstances ces maisons sont parties en flammes ?

12 M. Strukar (interprétation). - Sincèrement, je ne peux rien vous

13 dire là-dessus. Je ne sais rien sur ce sujet. De là où je me trouvais, je

14 n'ai rien pu voir. J'ai simplement vu l'incendie qui consumait les

15 maisons.

16 M. Harmon.(interprétation) - Après ces événements du 16 avril,

17 vous avez dit que vous étiez, à un stade ultérieur, devenu membre du HVO

18 et je crois que vous avez précisé que vous étiez devenu membre de

19 l'infanterie, n'est-ce pas ?

20 M. Strukar (interprétation). - Oui, c'est exact.

21 M. Harmon.(interprétation) - Je crois que vous étiez membre de

22 la brigade de Vitez, la brigade Vitezka.

23 M. Strukar (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon.(interprétation) - Qui était le commandant de cette

25 brigade, qui était votre supérieur hiérarchique ?

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1 M. Strukar (interprétation). - Vous parlez du commandant de la

2 brigade de Vitez ?

3 M. Harmon.(interprétation) - Je parle de votre supérieur

4 hiérarchique, votre commandant direct.

5 M. Strukar (interprétation). - Vous voulez dire l'officier le

6 plus gradé ?

7 M. Harmon.(interprétation) - Oui.

8 M. Strukar (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, nous

9 avons commencé par choisir parmi nous un commandant, c'était Nikola Banic.

10 Par la suite, nous avons appris que quelqu'un assurait le commandement de

11 toutes les maisons dont j'ai parlé précédemment. Ensuite, il y avait

12 Vlado Drmic.

13 Ceci dit, à un stade ultérieur, je crois que c'était dans la

14 deuxième quinzaine du mois de mai, la situation était extrêmement

15 troublée. Et donc, vers le milieu de l'été, un nouveau commandement a été

16 mis sur pied. Il y avait un nouveau commandant, et lui c'était Marko Blaz.

17 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur Strukar, je vous remercie

18 infiniment, merci de votre patience, merci de votre aide.

19 Monsieur le Président, j'en ai terminé de mon

20 contre-interrogatoire. Merci

21 M. le Président. - Maître Nobilo, vous avez les pièces

22 déposées ? Vous avez les photos ?

23 M. Harmon.(interprétation) - Les pièces que j'ai utilisées,

24 Monsieur le Président, avaient déjà été versées au dossier précédemment.

25 M. le Président. - Maître Nobilo ?

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1 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

2 Monsieur Strukar, je vais tâcher d'être extrêmement bref.

3 Commençons par la maison de M. Sadibasic qui a été à moitié brûlée.

4 Pourriez-vous nous donner le nom des propriétaires croates des maisons qui

5 ont été brûlées le 16 avril 1993 ou aux alentours de cette date, de votre

6 côté de la rue, c'est-à-dire à proximité de là où se trouvait votre

7 maison ?

8 M. Strukar (interprétation). - Vous parlez de ces maisons-ci, du

9 côté de Mahala ?

10 M. Nobilo (interprétation). - Précisément. Les maisons entre

11 celle de M. Sadibasic et le début du quartier de Mahala. Quelles sont les

12 maisons qui ont brûlé le 16 avril 1993 ?

13 M. Strukar (interprétation). - Cette maison-ci appartenait à

14 Marijan Mlakic. Le feu y a été mis de ce côté-ci et ensuite il a été

15 éteint. A côté, il y a un bâtiment un peu plus important qui appartenait à

16 Zorka Mlakic.

17 Sur la carte, j'ai dessiné deux bâtiments, mais il y en avait

18 plusieurs, peut-être trois ou quatre. Certains appartenaient à

19 Nikola Mlakic et d'autres appartenaient à Zorka. Donc, ces maisons étaient

20 des maisons croates.

21 M. Nobilo (interprétation). - Elles ont donc été brûlées ?

22 M. Strukar (interprétation). - Oui.

23 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous donner les noms

24 des propriétaires des maisons croates qui se trouvaient de l'autre côté de

25 la rue, toujours en direction du quartier de Mahala, mais de l'autre côté

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1 de la route, je le précise encore ?

2 M. Strukar (interprétation). - La première maison est celle de

3 Zvonko Mlakic. Ensuite, derrière cette maison, il y a une série de

4 bâtiments, un petit appentis, une maison d'été. Je sais que ces bâtiments

5 sont partis en fumée, mais qu'ensuite on a pu éteindre l'incendie. Et puis

6 il y a également, derrière, le magasin de Nikola Krizanac.

7 M. Nobilo (interprétation). - Vous aviez précisé que vous aviez

8 tous peur, vous et les Musulmans, les Musulmans qui avaient décidé de

9 rester dans le quartier. En vous fondant sur vos connaissances

10 personnelles, quand est-ce que les maisons musulmanes ont été

11 incendiées ? Je ne parle pas simplement de votre quartier, je parle de la

12 localité en général. Pour autant que vous le sachiez, quand est-ce que ces

13 incidents se sont produits, quand ces maisons ont-elles été incendiées ?

14 M. Strukar (interprétation). - Pour ce qui est de l'incendie des

15 maisons musulmanes, je parlerais d'un incident unique parce qu'en fait

16 pratiquement toutes les maisons musulmanes ont été incendiées au cours de

17 la même matinée.

18 M. Nobilo (interprétation). - Mais moi, je parle de la

19 municipalité de Vitez de façon générale. Dans le courant de 1993,

20 lorsqu'un incendie se déclarait dans une maison, que se passait-il et

21 comment réagissait-on de façon générale ?

22 M. Strukar (interprétation). - Je ne peux pas parler de la

23 réaction en général, je peux parler de ma réaction à moi.

24 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien, donnez-la nous.

25 M. Strukar (interprétation). - En fait, généralement, des

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1 individus pillaient telle ou telle maison et ensuite y mettaient le feu.

2 M. Nobilo (interprétation). - Je vois. Revenons-en à ce qui

3 s'est passé dans la soirée du 15 avril. Est-ce que, à un moment

4 quelconque, au cours de cette soirée, vous vous êtes rendu dans le

5 quartier de Mahala pour y faire un tour de reconnaissance ? Est-ce que

6 vous avez vu des Musulmans se préparer à des actions de défense ?

7 M. Strukar (interprétation). - Non, je ne suis pas allé dans le

8 quartier, je n'ai même pas envisagé cette possibilité.

9 M. Nobilo (interprétation). - Donc, j'en conclus que vous ne

10 savez pas si les Musulmans étaient en train de préparer quoi que ce soit

11 dans le quartier de Mahala ?

12 M. Strukar (interprétation). - Effectivement, on est en droit de

13 tirer cette conclusion.

14 M. Nobilo (interprétation). - Ces personnes qui sont arrivées de

15 Nova Bila,

16

17 combien étaient-elles ? Pouvez-vous nous le dire ?

18 M. Strukar (interprétation). - Eh bien non, pas du tout, je ne

19 sais pas. Tout ce que j'ai vu, c'est trois ou quatre personnes qui se

20 déplaçaient, qui allaient et venaient, mais je n'ai même pas une idée

21 approximative de la taille du groupe qu'elles constituaient.

22 M. Nobilo (interprétation). - D'après vous, pourquoi est-ce que

23 les soldats de Nova Bila ont envoyé des civils musulmans en direction de

24 maisons occupées par des civils croates ? Qu'est-ce que vous avez pensé de

25 cela à ce moment-là ou par la suite ?

Page 16332

1 M. Strukar (interprétation). - Je n'ai jamais très bien compris

2 ce qui s'était passé à ce moment-là. J'ai pensé, en fait, qu'ils

3 essayaient de les faire partir du secteur où eux se trouvaient.

4 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que vous entendez par

5 là : où se trouvaient-ils ? Est-ce qu'ils se trouvaient plutôt sur la

6 ligne de front ?

7 M. Strukar (interprétation). - Les Musulmans ?

8 M. Nobilo (interprétation). - Non, ces personnes de Nova Bila.

9 M. Strukar (interprétation). - Ils se déplaçaient en direction

10 de l'endroit où la ligne, par la suite, a été établie. Tous les Musulmans

11 qui se trouvaient dans les maisons qui se trouvaient aux alentours ont été

12 envoyés en direction de l'endroit où se trouvaient les civils croates.

13 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la grande majorité des

14 civils croates qui se trouvaient dans le même quartier avaient déjà évacué

15 leur domicile ?

16 M. Strukar (interprétation). - Oui.

17 M. Nobilo (interprétation). - A Vitez, à proximité de l'église,

18 il y avait la maison de Sadibasic. Vous avez dit que c'était un homme

19 parfaitement honnête qui était très apprécié de vous-même et d'autres.

20 Est-ce que vous avez déjà entendu dire, avant de l'entendre

21 aujourd'hui, qu'il avait

22 été massacré et égorgé ?

23 M. Strukar (interprétation). - Non. Je l'ai entendu ici pour la

24 première fois.

25 M. Nobilo (interprétation). - Parlez franchement et sans

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1 crainte. La femme de M. Sadibasic était-elle capable de mentir dans une

2 situation telle que celle dans laquelle elle s'est trouvée ? Vous la

3 connaissez, que pouvez-vous nous dire ?

4 M. Strukar (interprétation). - Je l'ai dit au Procureur tout à

5 l'heure, je n'aime pas beaucoup parler de cette femme, mais ce qui est

6 bien certain, c'est que je n'ai pas une très bonne opinion d'elle parce

7 que nous, ses voisins, nous pensions qu'en fait cette femme avait

8 tellement gâté ses fils qu'ils avaient mal tourné. Alors que le père de

9 ces garçons et les fils qui sont morts étaient vraiment aussi d'honnêtes

10 gens.

11 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous ne pensez pas que cette

12 femme, la femme de M. Sadibasic, était une femme honnête, une femme

13 vraiment honnête ?

14 M. le Président. - On ne va pas douter de la femme de quelqu'un

15 qui a été tué. On passe, on va plus vite.

16 M. Nobilo (interprétation). - Le Procureur citait les paroles de

17 cette femme, Monsieur le Président, et je pensais que c'était important

18 d'en savoir un peu plus sur le caractère de cette femme.

19 M. le Président. - J'aurais pu le faire au Procureur aussi.

20 N'oublions jamais que nous sommes ici dans le cadre du procès du

21 général Blaskic pour des crimes extrêmement graves. Essayons d'aller à

22 l'essentiel.

23 Vous avez fini, Maître Nobilo ? J'espère que je ne vous ai pas

24 couper la parole, quand même, Maître Nobilo ? Vous avez terminé ?

25 M. Nobilo (interprétation). - Oui, oui, Monsieur le Président.

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1 Je venais juste de terminer.

2 M. le Président. - Je me tourne vers mon collègue. Pas de

3 questions en ce qui me

4 concerne, non plus.

5 Monsieur Strukar, le Tribunal vous est très reconnaissant et

6 vous sait gré d'être venu jusqu'ici pour répondre le mieux possible sur

7 des événements difficiles et qui sont lointains dans le temps maintenant,

8 en tout cas, de plus en plus lointains. A présent, vous allez pouvoir

9 rentrer chez vous.

10 Vous n'allez pas bouger, nous allons lever l'audience. Nous la

11 reprendrons dans trente minutes sous forme d'une conférence de mise en

12 état à huis clos.

13 L'audience est levée à 15 heures 55.

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