Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 Tihomir BLASKIC

7 Mercredi 20 janvier 1999

8

9 L’audience est ouverte à 14 heures 10.

10 M. le Président. - Bonjour. Veuillez vous asseoir. Monsieur le

11 Greffier, vous introduisez l'accusé.

12 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

13 Je salue nos amis interprètes et traducteurs.

14 L'interprète (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

15 M. le Président. - Bonjour. Je salue les conseils de

16 l'accusation, les conseils de la défense, je salue l'accusé. Nous

17 reprenons le cours de nos travaux sur l'interrogatoire du témoin Jankovic.

18 C'est cela, Monsieur Dubuisson ?

19 M. Dubuisson. - C'est bien cela, Monsieur le Juge, Slobodan

20 Jankovic.

21 M. le Président. - Et M. Cayley, pour le Bureau du Procureur. Il

22 lui reste environ trente minutes, c'est cela ?

23 M. Dubuisson. -Oui, c'est cela, il lui reste environ trente

24 minutes.

25 M. le Président. - Il est 14 heures 10 et 30, 14 heures 50 donc,

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1 Maître Cayley, à condition que le témoin rentre tout de suite. Bon, ce

2 n'est pas à une minute près, Monsieur Cayley, vous le savez bien. C'est

3 approximativement trente minutes.

4 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

5 M. Jankovic. - Bonjour.

6 M. le Président. - Bonjour, Monsieur Jankovic. Asseyez-vous, je

7 vous rappelle que vous êtes toujours sous serment et que vous recevez les

8 questions de Me Cayley du Bureau du Procureur pour environ une demi-heure

9 de contre-interrogatoire.

10 Maître Cayley, c'est à vous.

11 M. Cayley (interprétation). - Merci. Bonjour, Monsieur le

12 Président. Bonjour Monsieur le Juge Shahabuddeen. Je salue également mes

13 collègues de la partie adverse. Bonjour, Monsieur Jankovic. J'espère que

14 vous avez passé une soirée agréable à La Haye la nuit dernière.

15 M. Jankovic. - Oui.

16 M. Cayley (interprétation). - Hier soir, vous avez déclaré qu'il

17 n'était pas possible d'évaluer la portée d'une arme simplement en

18 analysant le cratère provoqué par le projectile envoyé par cette arme.

19 Vous vous rappelez avoir dit cela ?

20 M. Jankovic. - Oui.

21 M. Cayley (interprétation). - Vous avez déclaré que ceci était

22 dû au fait qu'il est extrêmement difficile de mesurer de façon précise

23 l'angle de chute d'un obus. N'est-ce pas exact ?

24 M. Jankovic. - Cela dépend. Non, je n'ai pas dit cela. C'est-à-

25 dire que, si vous avez le début du trou où est entré le projectile, si

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1 vous l'avez -je ne sais pas si cela existait ou si cela a explosé, donc

2 s'il y avait un cratère ou s'il n'y en avait pas-, mais s'il y avait le

3 début de trou, alors on peut, à la base de l'axe de ce trou, dire d'où

4 vient ce projectile. Cela arrive très souvent. Mais je ne crois pas que

5 c'était le cas. Cela, c'est vrai.

6 M. Cayley (interprétation). - Vous affirmez donc que, dans ce

7 cas précis, le cratère ne permettait pas de calculer l'angle de chute du

8 projectile ?

9 M. Jankovic. - Oui, je pense comme ça.

10 M. Cayley (interprétation). - Très bien. Si c'est bien cette

11 situation qui s'est présentée et si l'angle de chute a été calculé de

12 façon erronée, on se trouverait dans une situation où les calculs que vous

13 avez réalisés pour le compte des avocats de la défense seraient très

14 différents, n'est-ce pas ?

15 M. Jankovic. - Nous entrons dans une discussion tout à fait

16 technique. Arrêtons-nous un petit moment, s'il vous plaît. J'ai dit que je

17 n'ai jamais vu l'effet sur l'asphalte et j'ai lu, dans le texte, qu'il y

18 avait des rayons très clairs, etc., des éclats sur l'asphalte. Cela, je ne

19 les ai jamais vus sur les photos, on ne peut pas les reconnaître. Mais il

20 est vrai que l'on pourrait...

21 Faisons la différence. Hier, ce dont j'ai parlé, c'était la

22 mathématique et ce sont les choses exactes. Maintenant nous parlons

23 d'opinion. Il est probable, je n'ai pas fait des calculs pareils...

24 M. le Président. – Maître Nobilo, vous souhaitez interrompre

25 votre témoin ? Excusez-moi, mais c'est le défenseur qui vous a fait venir.

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1 C'est pour cela que je lui donne la parole. Maître Nobilo ?

2 M. Nobilo (interprétation). - Nous parlons ici de termes

3 techniques, Monsieur le Président. J'ai bien peur que l'interprétation du

4 français vers l'anglais n'ait pas été parfaitement exacte.

5 Monsieur Jankovic parle de dispersion et de la direction d'où provenait

6 l'obus. Pour autant que je comprenne ce type de sujet, je crois qu'en

7 anglais, Me Cayley a parlé d'angle de chute. Il demande si l'on peut

8 calculer de façon précise cet angle de chute et le Pr Jankovic, lui,

9 apporte une réponse qui porte sur la dispersion des éclats d'obus.

10 Nous parlons là de deux choses totalement différentes.

11 Monsieur Jankovic me comprend parfaitement, puisque je m'exprime en langue

12 croate. Alors, essayons d'apporter des précisions sur ce point car la

13 différence est très importante, je le précise.

14 M. le Président. - Le temps de l'accusation est compté. Je ne

15 voudrais pas qu'on interrompe trop. Nous avons fixé environ trente

16 minutes. Voyons, Maître Cayley, pouvez-vous reformuler votre question ? Je

17 vous demanderai, Monsieur Jankovic, bien que ce soit un sujet très

18 technique, d'essayer de répondre au plus près à la question qui vous est

19 posée pour des questions de temps et d'équité entre l'accusation et la

20 défense.

21 M. Jankovic. - Oui, Monsieur le Président.

22 M. le Président. - Je vous en remercie. Alors, Maître Cayley,

23 pouvez-vous reformuler votre question en essayant autant que faire se peut

24 de tenir compte de l'observation de votre confrère ?

25 M. Jankovic. - J'ai compris la question, mais peut-être ai-je

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1 fait une introduction un peu longue.

2 M. le Président. - Si vous avez compris la question et que vous

3 êtes capable d'y répondre, alors allez-y.

4 M. Jankovic. - Les deux choses sont liées. On ne peut pas

5 répondre à ces questions en parlant comme cela. Cela demande une analyse

6 technique. Cela dure, je devrais faire des calculs, voir les choses,

7 étudier les choses. On ne peut pas donner les réponses comme cela, tout

8 simplement en parlant. Les deux choses peuvent être liées entre elles. Je

9 peux expliquer pourquoi mais cela durera. Je prendrai du temps si je

10 rentre dans les détails. Si vous permettez, je vais exposer tout.

11 M. le Président. - Ce n'est pas mon temps à moi,

12 Monsieur Jankovic. Je voudrais que ce soit Me Cayley qui décide de la

13 densité de la réponse qu'il attend. Il me semble qu'il avait posé une

14 question très simple.

15 M. Cayley (interprétation). - Je pensais qu'elle était simple,

16 Monsieur le Président. En fait, le témoin a répondu à ma question. Il a

17 essayé d'expliquer que lorsqu'un obus tombe sur le sol, il provoque cette

18 espèce de dessin en rayon, comme cela a été dit. J'ai bien compris, c'est

19 bien ce qui m'a été dit en interprétation.

20 Professeur, vous avez étudié des photos qui indiquent bien qu'il

21 aurait été difficile de mesurer précisément l'angle de chute de l'obus sur

22 le sol ?

23 M. Jankovic. - Sur les photos, on ne peut rien voir. Aucune

24 conclusion je n'ai pu tirer de ces photos, elles sont inutilisables.

25 M. Cayley (interprétation). - Si une imprécision s'est

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1 introduite dans le calcul de l'angle de chute, cela rendrait les tableaux

2 que vous avez apportés ici parfaitement inutilisables pour les Juges,

3 n'est-ce pas ?

4 M. Jankovic. - Non, je vous avais dit que j'ai fait ces calculs

5 sur la vitesse initiale de 735. Je vous avais dit que l'armée croate

6 n'avait pas ces tables, n'avait pas utilisé, n'avait pas cette charge. Je

7 vous ai quand même présenté ces résultats pour vous montrer. Même dans ces

8 résultats, les données ne sont pas concordantes. Elles sont

9 contradictoires. La chose la plus importante est que l'armée croate

10 n'avait pas ces tables, ne pouvait pas utiliser cette super charge, dans

11 le texte vous appelez cela la charge additionnelle. Il n'y avait pas

12 question de ces portées.

13 M. Cayley (interprétation). - Professeur, écoutez-moi

14 attentivement, s'il vous plaît. Pour le moment, moi je parle de la

15 précision de l'angle de chute. S'il y a eu une erreur de 10 degrés lors du

16 calcul de l'angle de chute au moment où l'obus est tombé sur le sol, en

17 quoi cela affecterait la portée de l'arme ? Et disons que l'obus est tombé

18 sur le sol à un angle de 54 degrés. Quel serait l'effet de cette

19 différence sur la portée de l'obus ?

20 M. Jankovic. - Je vous ai donné le tableau et les résultats, ce

21 n'est pas moi qui parle. Les résultats parlent. Je peux les sortir et les

22 montrer encore une fois.

23 M. le Président. - Attendez, il ne s'agit pas, si j'ai bien

24 compris la question de Me Cayley, de ressortir les mêmes résultats. Si

25 j'ai bien compris la question du Procureur, admettons qu'il y ait une

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1 erreur de 10 degrés, quelle est la résultante sur la portée ? J'espère que

2 le français est bien traduit. C'est cela votre question, Maître Cayley ?

3 M. Cayley (interprétation). - Précisément, Monsieur le

4 Président, c'est exactement la question que j'ai posée. Peut-on faire

5 passer au témoin la pièce D526 ?

6 Monsieur le Professeur, je vous demanderai de regarder le

7 tableau I s'il vous plaît.

8 M. le Président. - Mettez-le sur le projecteur afin que la

9 galerie du public puisse le voir. Ce sont des questions techniques mais

10 qui sont tragiques. Il s'agit du pilonnage d'une ville avec des morts et

11 des blessés.

12 Monsieur l'Huissier, vous mettez le tableau I. C'est celui-là,

13 Maître Cayley ?

14 M. Cayley (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

15 Bien, l'estimation avancée par le témoin W était de 44 degrés.

16 Je vous demande si une imprécision de 10 degrés s'est introduite dans la

17 mesure faite par le témoin W. Est-ce que cela aurait eu un effet sur la

18 portée ? C'est là ma deuxième question.

19 Nous voyons sur le tableau que l'angle d'impact était de

20 53,4 degrés.

21 Pourriez-vous expliquer aux Juges quelle était la portée de

22 l'arme si l'obus avait heurté le sol à un angle de 53,4 degrés ?

23 M. Jankovic - C'est bien inscrit sur ce tableau.

24 M. le Président. – C'est bien inscrit. Attention, maître Cayley,

25 à votre question telle qu'elle m'a été traduite en français. Vous avez

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1 répété deux fois 53,4 degrés, ce n'est pas cela. Le calcul est bien fait.

2 C'est 44 que vous vouliez dire. Je ne sais pas…

3 M. Cayley (interprétation). - Oui, disons 9,4 degrés de

4 différence. Peut-être que c'est cette erreur-là qui s'est introduite.

5 Professeur, s'il y avait eu une imprécision de 9,4 degrés dans la mesure

6 de l'angle, ce tableau s'appliquerait, n'est-ce pas ? Il serait exact et

7 la portée de

8 l'arme serait de 16 000 mètres.

9 M. Jankovic - Oui, cela se voit.

10 M. Cayley (interprétation). - Et à partir de ce tableau qui

11 représente la norme OF 462 avec une charge additionnelle, que pouvez-vous

12 ajouter ?

13 M. Jankovic - Quelle est la question ?

14 M. le Président. - Quelle est la question ?

15 M. Cayley (interprétation). - Le tableau fait référence à la

16 trajectoire d'un projectile standard OF 462. C'est un projectile russe qui

17 était, dans ce cas précis, présenté avec une charge additionnelle.

18 M. Jankovic - Oui, mais je répète, la Croatie n'avait pas les

19 tables de tir, n'avait pas cette vitesse. J'ai fait ce calcul puisque,

20 dans le texte, on parlait de cette charge additionnelle.

21 M. le Président. - Ne mélangeons pas les questions d'opinion et

22 les questions techniques. Pour l'instant, vous apportez la technique.

23 C'est vous-même qui avez dit qu'il ne fallait pas mélanger les opinions et

24 les techniques. Ne revenons pas sur la question historique de savoir si la

25 Croatie avait la charge. Essayez de reprendre l'hypothèse posée par

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1 Me Cayley.

2 M. Cayley (interprétation). - Professeur, veuillez vous pencher

3 maintenant sur le tableau C, s'il vous plaît. Nous parlons là d'un

4 projectile M76.

5 Si le témoin W avait fait une erreur de calcul au moment de

6 calculer l'angle de chute et si cette erreur était de 4 degrés, ou disons

7 4,1 degrés pour être précis, ce tableau s'appliquerait, n'est-ce pas ?

8 M. Jankovic - Oui.

9 M. Cayley (interprétation). - Et la portée de l'arme aurait été

10 de 16 000 mètres, n'est-ce pas ?

11 M. Jankovic - Oui, c'est marqué.

12 M. Cayley (interprétation). - Professeur, savez-vous quelle est

13 la portée maximale

14 d'un projectile OF 462, avec une charge complète ?

15 M. Jankovic - J'ai ici les tables dans ma serviette. Permettez

16 que je les regarde. Je vais vous le dire précisément.

17 M. Cayley (interprétation). - Je vous en prie, professeur,

18 n'hésitez pas à consulter vos notes personnelles.

19 Je parle donc de la portée maximale d'un projectile avec une

20 charge complète et dont l'angle d'élévation serait assez bas.

21 M. Jankovic – 15,3 kilomètres.

22 M. Cayley (interprétation). - Donc la portée maximale d'un

23 projectile OF 462 avec une charge complète serait de 15 300 mètres.

24 M. Jankovic - Oui.

25 M. Cayley (interprétation). – Très bien. Excusez-moi, je vais

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1 reformuler ma question.

2 Dans le cadre des documents qui vous ont été communiqués par la

3 défense, vous avez eu l'occasion de relire les comptes rendus d'audience

4 de certains témoins. Avez-vous trouvé, dans le cadre de ces documents, une

5 référence des coordonnées très précises permettant de localiser sur le

6 terrain la pièce d'artillerie qui a tiré ce projectile sur Zenica ?

7 M. Jankovic. – Non.

8 M. Cayley (interprétation). - Vous avez déclaré que le témoin W

9 avait affirmé que l'arme se trouvait à 16 000 mètres de Zenica. Est-ce que

10 vous vous rappelez avoir dit cela ?

11 M. Jankovic. – Oui, j'ai ici les notes indiquant la page et la

12 ligne où se trouvent ces données.

13 M. Cayley (interprétation). - N'ai-je pas raison de dire que

14 vous vous êtes conformé très précisément à ce chiffre de 16 000 mètres, au

15 moment d'effectuer vos calculs ?

16 M. Jankovic. - Oui.

17 M. Cayley (interprétation). - Si vous aviez lu très

18 attentivement la déclaration du témoin W, vous vous seriez aperçu qu'il

19 avait déclaré qu'en fait, l'arme se trouvait environ à 16 000 mètres de

20 Zenica. Vous vous rappelez avoir dénoté cette petite nuance ?

21 M. Hayman (interprétation). - Quelle est la référence de la

22 page ?

23 M. Cayley (interprétation). – Page 6 024, aux lignes 6 et 7.

24 M. Jankovic. – Oui, aussi à la page 6 029 ligne 7 et à la page

25 6 091 ligne 8.

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1 M. Cayley (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

2 dire qu'il est indiqué dans la déclaration du témoin W, je cite : "L'angle

3 de chute de cet obus nous permet de dire que l'arme d'artillerie utilisée

4 se trouvait à environ 16 000 mètres de la ville de Zenica."

5 A la page 6 029, il est indiqué aux lignes 7 et 8, je cite :

6 "M. Riad (interprétation). – C'est à quelle distance de Zenica ?

7 "Témoin (interprétation). – Cela se trouve à environ

8 16 000 mètres de Zenica, monsieur le Juge."

9 Professeur, est-ce bien ce compte rendu d'audience que vous avez

10 eu sous les yeux ?

11 M. Jankovic. – Oui.

12 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, pour que

13 tout soit bien clair, je crois qu'il est absolument nécessaire de lire la

14 partie du compte rendu qui nous permet d'avoir toutes ces informations

15 dans leur contexte. Je parle de la page 6025 du compte rendu. On pose au

16 témoin la question suivante :

17 "Est-ce que vous pensez que le projectile était doté d'une

18 charge additionnelle pour pouvoir couvrir cette distance.

19 "Témoin (interprétation). – Sur la base de nos analyses, nous

20 avons conclu qu'il était obligatoire que l'artilleur ait utilisé une

21 charge additionnelle avec ce projectile."

22 M. le Président. - Nous n'allons pas tourner, les uns et les

23 autres, autour de ces

24 comptes rendus. Les Juges sont capables de lire des comptes rendus. Pour

25 l'instant, nous écoutons le contre-interrogatoire de Me Cayley. Quand vous

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1 aurez à exercer votre droit de réplique, Maître Hayman, vous ferez

2 observer ce que vous souhaiterez faire observer.

3 Je vous rappelle qu'au moment de leurs délibérés, les Juges sont

4 capables de lire les 17 000 pages de transcript. C'est d'ailleurs leur

5 travail et leur fonction.

6 Alors Maître, ne plaidons pas déjà. Je vous en prie. Nous avons

7 un technicien ici et le contre-interrogatoire s'exerce normalement. Maître

8 Cayley, poursuivez.

9 M. Cayley (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

10 Professeur, vous êtes d'accord avec moi pour dire que le témoin

11 faisait part d'une estimation quant à la distance couverte par le

12 projectile ?

13 M. Jankovic. - Oui.

14 M. Cayley (interprétation). - Si vous aviez lu le témoignage du

15 commandant Baggesen, vous auriez observé qu'à la page 1 940, il déclarait

16 qu'il avait estimé la portée à quelque 14 ou 15 kilomètres dans une

17 direction sud-ouest par rapport à Zenica.

18 M. Jankovic. - J'ai lu ces pages hier soir. Je les ai reçues. Si

19 j'ai bien compris, il a dit que la portée de cette armée était de 14 à

20 15 kilomètres. Il a dit cela à la page 1939, ligne 21.

21 M. le Président. – Tout le monde est donc d'accord, donc on

22 avance.

23 M. Cayley (interprétation). - La référence que j'ai donnée est

24 la page 1 940.

25 Professeur, pourriez-vous me renvoyer à un tableau, parmi ceux

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1 que vous avez dressés, un tableau qui porte sur une portée inférieure à

2 14 000 mètres ou 14 kilomètres ?

3 M. Jankovic. – Pour le OF462, j'ai des tables de tir, je peux

4 répondre à toutes vos exigences là-dessus.

5 M. Cayley (interprétation). – Non, professeur, vous n'avez pas

6 compris. Ce qui m'intéresse, c'est la pièce 526. Est-ce que l'un des

7 tableaux que vous avez dressés à l'intention

8 des Juges porte sur un arme dont la portée est inférieure à 14 000 mètres.

9 M. Jankovic. - Je n'ai pas compris la question.

10 M. le Président. - Moi non plus, maître Cayley. Pouvez-vous

11 répéter votre question car je n'ai pas très bien saisi, moi non plus.

12 M. Cayley (interprétation). - Professeur, dans la pièce 526 vous

13 montrez, par le biais des tableaux, quelles sont les portées maximales

14 d'un obus de 122 mm en tenant compte de certaines variables dont l'angle

15 d'impact, d'élévation de l'arme, etc. Est-ce que l'un quelconque des

16 tableaux que vous avez préparé nous indique la portée maximale d'un tel

17 obus ? Et est-ce qu'il y a un tableau qui montre que la portée maximale de

18 cet obus est inférieure à 14 000 m ?

19 M. Jankovic. - D'abord, je ne sais pas ce que c'est la

20 pièce 229. Le début de votre question, je ne savais pas. Le diagramme que

21 j'ai présenté, j'ai les lettres.

22 M. le Président. - Oui, c'est par lettre Me Cayley.

23 M. Jankovic. - Aidez-moi, s'il vous plaît.

24 M. le Président. - Moi aussi, aidez-moi. J'ai cru comprendre que

25 c'étaient des lettres. Vous parlez de la pièce 526, Maître Cayley. Il faut

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1 que le débat soit très clair. Il est très technique mais il est très

2 important, nous le savons tous, pour chacune des parties. Le D 526

3 comporte plusieurs lettres. Attendez, Maître Hayman, je vais éclaircir

4 tout. Faites-moi confiance !

5 La pièce D 526, qui est la pièce de la défense, est composée de

6 plusieurs documents, mais qui sont répertoriés par lettre. Est-ce que vous

7 pouvez expliquer au témoin, et là je suis d'accord avec le témoin, il ne

8 peut pas répondre ; quel est le document, est-ce que c'est le document K,

9 le document L ?

10 M. Cayley (interprétation). - Je vais renvoyer directement le

11 témoin au document qui m'intéresse. C'est le document N.

12 M. le Président. - Le document N est un tableau pour une charge

13 d'un obus de OF 462.

14 M. Cayley (interprétation). - Quelle est la portée indiquée sur

15 ce tableau, Professeur ?

16 M. Jankovic. - 14 km, cela se voit.

17 M. Cayley (interprétation). - Pour être précis, 14 220 m.

18 Diriez-vous avec moi, Professeur, qu'à partir des tableaux B, C,

19 F, G, I et N, nous avons là la portée minimale, parmi toutes celles que

20 nous pouvons trouver, parmi les tableaux que vous avez dressés ?

21 M. Jankovic. - Oui.

22 M. le Président. - Avançons, Maître Cayley, tout ceci est

23 évident.

24 M. Cayley (interprétation). - A l'instant, vous avez déclaré aux

25 Juges qu'hier soir, on vous avait communiqué la déposition du

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1 commandant Baggesen dont l'estimation était que la portée était de 14 ou

2 15 km, n'est-ce pas exact ?

3 M. Jankovic. - Oui.

4 M. le Président. - Maître Cayley, le témoin vous l'a dit. Tout

5 cela a été dit. Avançons.

6 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, lorsque le

7 commandant Baggesen a été cité par Maître Cayley, il apparaît que ce qu'il

8 a dit était que la portée de ces projectiles de 122 mm est de 14 ou

9 15 000 m., mais c'est la portée possible, pas la portée qui avait...

10 M. le Président. - Attendez la fin du contre-interrogatoire.

11 Vous aurez toutes les occasions de faire vos observations. Ne troublez pas

12 Me Cayley dans sa démonstration. Et vous, Maître Cayley, essayez d'aller à

13 l'essentiel. Le témoin vous l'a dit, il a lu hier soir les comptes rendus.

14 Nous sommes ici sur 14 km 220 m. Quelle est votre question ?

15 M. Cayley (interprétation). - Je crois que Me Nobilo déforme les

16 propos du commandant Baggesen, mais je vais poursuivre comme vous me le

17 demandez Monsieur le Président.

18 Professeur, dites-moi, que pouvez-vous nous dire des

19 caractéristiques du projectile D 130 J. Est-ce que vous êtes coutumier des

20 caractéristiques de cette arme ? Est-ce que vous les connaissez bien ?

21 Excusez-moi, c'est la D 30 J qui m'intéresse, je viens de dire D 130 J, je

22 me suis trompé.

23 M. Jankovic. - Est-ce que j'ai bien compris ? Vous demandez les

24 caractéristiques de l'arme et non pas du projectile ?

25 M. Cayley (interprétation). - Précisément, Monsieur le

Page 16611

1 Professeur. C'est l'arme qui m'intéresse.

2 M. Jankovic. - Ecoutez, c'est difficile de parler sans la

3 documentation. Demandez-moi, si je le sais, je répondrai. Je peux ajouter

4 si cela vous intéresse et si c'est important, c'est mon père qui l'a

5 construit, la version yougoslave, donc je la connais depuis mon enfance.

6 M. le Président. - J'espère que dans votre enfance, on vous

7 donnait d'autres jouets Monsieur Jankovic !

8 M. Jankovic. - C'étaient des petits canons comme cela.

9 M. le Président. - Ce n'est pas parce qu'un papa connaît un

10 canon, que le fils le connaît également. Posez votre question

11 Maître Cayley. Allez-y.

12 M. Cayley (interprétation). - Le D 30 J est une arme extrêmement

13 mobile, n'est-ce pas ?

14 M. Jankovic. - Il est connu pour cela.

15 M. Cayley (interprétation). - Cette arme peut-être remorquée par

16 un véhicule motorisé, n'est-ce pas ?

17 M. Jankovic. - Oui, c'est évident.

18 M. Cayley (interprétation). - Il est tout à fait aisé de

19 déplacer cette arme sur 30 mètres, que ce soit en avant ou en arrière,

20 n'est-ce pas ?

21 M. Jankovic. - C'est relatif que c'est aisé ; que c'est facile,

22 c'est relatif.

23 M. Cayley (interprétation). - Cette arme peut être montée très

24 rapidement, n'est-ce pas, pour l'utiliser dans le cadre d'une attaque ?

25 M. Jankovic. - Cela, je ne sais pas par coeur quel temps est

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1 nécessaire pour déplacer une arme. Cela je ne sais pas. Ce n'est pas un

2 problème technique, il faut demander aux militaires. Je ne sais pas.

3 M. Cayley (interprétation). - Serait-il plus rapide de monter un

4 D30J de 122 mm que de monter, par exemple, un obusier de 155 mm ?

5 M. Jankovic. - Ecoutez, je vous avais dit : ces choses-là, je ne

6 sais pas.

7 M. le Président. - Nous sommes un peu dans la fiction, Maître

8 Cayley, là. Vous ne pouvez pas demander au témoin d'imaginer des

9 hypothèses. C'est un expert, votre témoin.

10 M. Cayley (interprétation). - Professeur, si je vous diffusais

11 des images d'un D30J, est-ce que vous seriez capable de reconnaître cette

12 arme sur ces images ? Je vais demander à ce que l'on tamise les lumières

13 de la salle et je vais demander à la cabine technique de bien vouloir

14 diffuser ces images vidéo.

15 C'est une bande vidéo, Monsieur le Président, sur laquelle nous

16 voyons M. Ivica Rajic. Et l'on voit également une période de temps au

17 cours de laquelle la ville de Kiseljak a été pilonnée. Mais l'on voit très

18 précisément la pièce d'artillerie dont nous parlons en ce moment. Tout

19 cela s'est passé dans le cadre de la zone de responsabilité de l'accusé.

20 Monsieur le Professeur, je vous demanderai d'être très attentif à ces

21 images.

22 (Diffusion de la vidéo.)

23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président...

24 M. le Président. - Attendez, Maître Cayley ?

25 M. Nobilo (interprétation). - Mon collègue, Me Hayman, ne reçoit

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1 aucune interprétation des propos de M. Rajic. Nous ne savons pas quand ces

2 images ont été enregistrées, nous ne savons pas ce que dit cet homme. Mon

3 collègue n'obtient rien, et les Juges n'obtiennent rien -ce qui est plus

4 important.

5 M. le Président. - Je pensais que ce n'était pas ce qui était

6 important pour Me Cayley.

7 M. Cayley (interprétation). - Ce n'est pas important, cela ne

8 l'est pas. J'ai une copie de cette cassette à la disposition de Me Hayman.

9 Moi, ce qui m'intéresse dans ces images, c'est le canon, l'obusier.

10 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous ne

11 savons pas quelle est la date à laquelle ces images ont été enregistrées.

12 Nous ne savons pas quand cette cassette a été réalisée. Nous ne pouvons

13 pas regarder cette cassette et écouter l'homme qui parle sans comprendre

14 ce qu'il est dit parce que nous ne pouvons pas le replacer dans son

15 contexte.

16 M. le Président. - Le problème n'est pas là, Maître Hayman. Le

17 problème c'est que l'accusation veut vous montrer la photo d'un canon pour

18 l'instant. Nous n'avons pas encore vu le canon, alors les propos de la

19 personne qui parle n'ont pas pour l'instant -pour l'instant- beaucoup

20 d'importance. Alors, si vous voulez bien, laissez passer la vidéo.

21 M. Hayman (interprétation). - Avec tout le respect que je vous

22 dois, Monsieur le Président, le Procureur a déclaré que cette cassette

23 vidéo allait permettre de voir que ce canon faisait partie de la zone de

24 responsabilité placée sous l'autorité de mon client.

25 M. le Président. - Maître Hayman, je vous rappelle que les

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1 personnes qui dirigent le débat c'est M. le Juge Jorda avec M. le Juge

2 Shahabuddeen ! Je viens de dire que la cassette vidéo allait passer. Vous

3 aurez la casquette vidéo. L'accusation a dit qu'elle passait cette

4 cassette vidéo pour montrer la vue d'un canon ! Voilà ! Vous ferez vos

5 objections dans votre droit de réplique. Le temps court pour l'accusation.

6 Et puis laissez-moi diriger les débats un peu, quand même ! Vous

7 croyez pas quand même que j'ai aussi quelque autorité, quelque possibilité

8 de diriger les débats ? Vous ne croyez pas que nous perdons beaucoup de

9 temps aussi ?

10 Je suis comptable du temps de ce procès, comme vous, Maître

11 Hayman. Alors, vous laissez faire pour l'instant l'accusation qui est dans

12 son contre-interrogatoire. Ne m'obligez pas encore une fois à intervenir;

13 et quand une décision est prise par les Juges, je demanderai aux parties

14 de s'y conformer.

15 Maître Cayley, vous poursuivez. Nous passons la vidéo. Les Juges

16 n'en ont pas besoin pour l'instant. C'est en fin de compte les Juges qui

17 tranchent. Maître Cayley, vous poursuivez la vidéo et vous nous montrez ce

18 canon. C'est assez incroyable, cela.

19 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

20 fournirai une copie de la vidéo. Si nous pouvons poursuivre la vidéo, s'il

21 vous plaît.

22 M. le Président. - Maître Hayman, vous pouvez vous asseoir.

23 (Diffusion de la cassette vidéo.)

24 M. Cayley (interprétation). - Nous arrivons là au moment

25 important de ce reportage.

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1 M. le Président. - C'est la question que vous posez,

2 Maître Cayley ?

3 M. Cayley (interprétation). - Si l'on peut faire une pause sur

4 la photo de cette arme à l'écran, s'il vous plaît ?

5 Monsieur le Professeur, reconnaissez-vous cette arme ?

6 M. le Président. – C'est la question posée par Me Cayley.

7 Monsieur Jankovic, reconnaissez-vous l'arme telle qu'elle a été dénommée

8 par le Procureur ?

9 M. Jankovic. - Je ne la reconnais pas. Est-ce que l'on peut,

10 pour voir s'il y a les caractéristiques pour l'obusier 122, voir s'il y a

11 le grand plateau pour tourner tout autour ? On ne le voit pas très bien.

12 Je ne reconnais pas. Je ne peux pas confirmer.

13 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous le reconnaîtriez

14 si vous pouviez voir

15 le double museau ? Le bout du canon est différent sur un D30J, n'est-ce

16 pas, Professeur ?

17 M. Jankovic. – Répétez-moi la question, s'il vous plaît.

18 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que le bout du canon d'un

19 D30J est différent à tel point que l'on puisse le distinguer ?

20 (Correction de l'interprète : Le D30 a-t-il un frein de bouche à

21 deux évents ?)

22 M. Jankovic. - Sur la bouche du canon se trouve l'anneau pour le

23 tirer. Je crois que je l'ai vu. Je ne suis pas sûr. Cela pouvait être sur

24 les autres canons aussi.

25 Ce sont plutôt les journalistes qui reconnaissent des choses

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1 pareilles. Nous, les techniciens, nous travaillons avec les données

2 techniques, pas avec les images.

3 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Professeur, j'en ai

4 presque terminé. Hier, vous avez déclaré que la Croatie n'a pas les tables

5 de tir et vous ne les avez jamais vues pour les projectiles M76. Vous vous

6 souvenez avoir dit cela ?

7 M. Jankovic. - Exact.

8 M. Cayley (interprétation). - Donc, comment avez-vous pu

9 utiliser les projectiles M76 à partir de 1996 ?

10 M. Jankovic. - Moi, je n'ai pas utilisé. Qui a utilisé ? Je n'ai

11 pas compris la question.

12 M. le Président. - La question est ambiguë, Maître Cayley, ou

13 alors c'est la traduction.

14 M. Cayley (interprétation). - Si vous n'avez pas les tables de

15 tir pour un projectile particulier, vous ne pouvez pas l'utiliser dans une

16 pièce ?

17 M. Jankovic. - Exact.

18 M. Cayley (interprétation). - Vous avez déclaré que la Croatie

19 n'a jamais eu les tables de tir pour les projectiles M76, n'est-ce pas ?

20 M. Jankovic. - Exact.

21 M. Cayley (interprétation). - Seriez-vous surpris de savoir que

22 la Croatie a parlé de son obusier D30 J, des projectiles M76 et en a fait

23 la publicité à la vente depuis 1996 ?

24 M. Jankovic. - Je le sais. A Abu Dhabi, on a présenté un

25 prospectus sur ces projectiles, mais on n'a pas les tables de tir. On a

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1 espéré, si on pouvait les vendre, à ce moment-là, de faire les tables de

2 tir.

3 M. Cayley (interprétation). - Comment un pays peut-il utiliser

4 les munitions que vous vendez sans les tables de tir ?

5 M. Jankovic. - C'est une compagnie qui a offert. J'ai dit encore

6 hier que nous avons la documentation, nous pouvons donc le produire. Si

7 jamais quiconque veut l'acheter, alors on peut le produire. Nous avons

8 maintenant la possibilité de faire des tables de tir. Nous allons le

9 faire. J'ajoute que maintenant nous ne sommes pas intéressés puisque nous

10 avons de meilleurs projectiles. Celui que j'ai construit est bien

11 meilleur.

12 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit également qu'après

13 le début de la guerre le gouvernement croate vous a demandé de devenir

14 expert technique au sein d'un institut à Zagreb. Quel était le nom de cet

15 institut ?

16 M. Jankovic. - Le nom croate est Brodaste Institute. La

17 traduction française est l'Institut de construction navale, jusqu'à ma

18 retraite.

19 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous aviez un certain

20 rang militaire avant de prendre votre retraite ?

21 M. Jankovic. – Dans l'ex-Yougoslavie, après mes études à

22 Bruxelles, j'étais officier de cette armée jusqu'en 1972. Quand j'ai

23 quitté l'armée, j'étais lieutenant-colonel, j'avais un poste de colonel. A

24 ce moment-là, je me suis décidé plutôt pour une carrière scientifique que

25 militaire.

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1 M. Cayley (interprétation). – Je n'ai plus de questions,

2 Monsieur le Président.

3 M. le Président. – Je me tourne maintenant vers la défense.

4 C'est avec plaisir que je vous donne la parole. En espérant que

5 l'accusation ne vous interrompra pas autant que vous l'avez interrompu.

6 Allez-y, maître Nobilo.

7 M. Nobilo (interprétation). - Je continuerai avec les bonnes

8 questions.

9 Professeur, pouvez-vous nous dire, au cas où vous vous seriez

10 trouvé à Zenica ce malheureux jour, pouvez-vous nous dire si vous auriez

11 pu calculer la trajectoire d'une chute de l'obus, c'est-à-dire le trajet

12 suivi par l'obus jusqu'au sol ? Est-ce que vous auriez pu le faire, si

13 vous vous étiez trouvé à Zenica ce jour-là ?

14 M. Jankovic. - Je crois que ce n'est pas si facile que cela.

15 A priori, il est difficile de répondre. Je peux dire ce que j'aurais fait

16 si j'avais été là.

17 En tout cas, ce qui m'a le plus surpris, j'analyserais les six

18 points d'impact, pas un, mais tous les six. Ainsi, si j'obtiens un

19 quelconque résultat, j'aurai six résultats que je peux comparer entre eux

20 et conclure quelle est la moyenne et quelle est la dispersion, donc quel

21 est l'écart probable de ce résultat, cela afin d'avoir une certitude quant

22 à ce résultat. C'est ce que je peux répondre, comme cela, a priori. A

23 posteriori, c'est tout ce que je peux dire, pas plus.

24 M. Nobilo (interprétation). - Le témoin W et le commandant

25 Baggesen, selon le souvenir que vous avez d'après ce que vous avez lu dans

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1 le compte rendu, combien de cratères ont-ils vu ?

2 M. Jankovic. - Si j'ai bien compris ce matériel, on s'est basé

3 sur un. Parfois, on parle des autres impacts, ici ou là. L'un est tombé là

4 ou là, mais j'avais l'impression qu'ils ont tiré les conclusions juste

5 pour un cratère.

6 M. Nobilo (interprétation). – Professeur, ai-je raison de dire

7 qu'à partir du cratère, on tente de déterminer la trajectoire de chute ?

8 C'est l'un des éléments importants. Mais ai-je raison de dire également

9 que les témoins ont tenté de se servir du cratère pour calculer ou, pour

10 être plus précis, pour déterminer la direction d'où venait l'obus. Pouvez-

11 vous dire aux Juges ce qui est le plus facile ?

12 M. Cayley (interprétation). - Je fais objection à ce stade car

13 c'est un point qui n'a jamais été traité. Nous parlons de la direction du

14 tir. Cela n'a jamais été abordé ni au cours de l'interrogatoire principal

15 ni au cours du contre-interrogatoire. L'angle de chute et la direction

16 d'où provient l'obus sont deux éléments différents, Monsieur le Président.

17 M. le Président. – Les questions sont tellement techniques. Nous

18 avons la chance d'avoir un technicien, laissons-le poser la question.

19 Maître Nobilo, poursuivez.

20 M. Nobilo (interprétation). – Merci Monsieur le Président. En

21 fait, ces questions sont toutes liées les unes aux autres.

22 Professeur, pouvez-vous dire aux juges, lorsqu'on voit l'aspect

23 du cratère, ce qu'il est plus facile de déterminer en premier. Est-il plus

24 facile de déterminer d'abord la trajectoire de chute ou est-il plus facile

25 de déterminer d'abord la direction d'où vient l'obus ?

Page 16620

1 M. Jankovic. – J'ai répété que j'ai vu beaucoup de cratères sur

2 le champ de tir. J'en ai fait rapport. Ce que j'ai vu, c'est que sur le

3 champ de tir, il est pratiquement impossible d'où et sous quel angle tombe

4 le projectile. Il est vrai que l'on peut appliquer les connaissances

5 sachant comment vont les fragments. On appelle cela en français "coups de

6 hache"; c'est-à-dire que les fragments d'un projectile, des parois de

7 l'obus, de côté, se dispersent et vont tout autour du projectile.

8 Il est exact que la fusée, normalement, reste entière. Il est

9 exact aussi que le culot est pratiquement aussi entier. Normalement, nous

10 reconnaissons toujours de quel projectile il s'agit par ces grands

11 fragments, donc par la fusée que nous trouvons sur le terrain, en entier

12 et normalement, on trouve le culot presque entier ou cassé en deux

13 parties. On reconnaît donc très facilement de quel projectile il s'agit.

14 Mais on n'a jamais essayé d'aller dans le sens inverse, comme je l'avais

15 dit, à partir de ces cratères, de voir quel est l'angle et quelle est la

16 direction.

17 Je n'ai jamais vu un travail là-dessus pour voir si quiconque a

18 fait cela.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais, Professeur, dans la

20 littérature spécialisée, où que ce soit dans le monde, vous est-il jamais

21 arrivé de lire que le calibre, la portée et la direction d'où est tiré le

22 projectile peuvent être déterminés sur la base de l'analyse du cratère

23 sans aucun autre instrument, notamment un compas ?

24 M. Jankovic. - Non, je n'ai jamais vu. Je ne sais pas.

25 M. Nobilo (interprétation). - Bien, vous avez dit que le calibre

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1 était déterminé en fonction des traces laissées par l'obus. Pouvez-vous

2 expliquer aux Juges ce que l'on fait dans la pratique ? Comment vous

3 parvenez à déterminer ces éléments ?

4 M. Jankovic. - J'avais déjà dit que les parois, donc les

5 morceaux, ces morceaux sont de différentes grandeurs. Normalement, il est

6 très intéressant de connaître la grandeur des morceaux d'un obus.

7 Pour cela, on fait des essais spéciaux. On met l'obus dans le

8 sable, dans un espace clos, on le fait exploser, on sépare les morceaux du

9 sable, on les mesure et on fait la courbe de la dispersion de la grandeur

10 des morceaux. C'est-à-dire que par exemple 80 % des poids des projectiles,

11 ce sont des morceaux plus faciles de 10 g. C'est très intéressant pour

12 savoir quels sont les effets des différents morceaux.

13 Aussi, comme j'avais dit, la fusée reste entière. On la trouve

14 sur le terrain, aussi le culot, puisqu'il est très épais, il reste presque

15 toujours entier, ou cassé en deux morceaux, en tout cas en grands

16 morceaux. Les autres morceaux sont très dispersés, de différentes

17 grandeurs. Je dis qu'il est intéressant d'examiner, il y a des effets

18 spéciaux pour connaître cette dispersion des pièces, combien de

19 pourcentage des morceaux sont plus grands et plus petits. C'est un

20 diagramme spécifique pour chaque projectile.

21 Quelque part dans le texte j'ai trouvé que ce sont des morceaux

22 qui étaient plus grands, ou plus petits, que ce devait être ce calibre.

23 C'est impossible. Vous pouvez trouver un calibre de toutes les grandeurs,

24 vous pouvez prendre comme vous voulez, vous trouverez plus petit ici, plus

25 grand ici. L'inverse ne va pas comme j'avais dit.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'en examinant les

2 fragments c'était impossible. Quelle est la façon la plus sûre de

3 déterminer le calibre ?

4 Vous avez parlé du culot de l'obus. Mais peut-être n'ai-je pas

5 reçu toute l'interprétation. Par le système d'allumage, est-ce que

6 l'allumeur, d'ailleurs, se trouve sur les lieux ?

7 M. Jankovic. - Oui, comme j'avais dit, après l'explosion,

8 normalement, je ne dis pas que c'est toujours, normalement, dans la

9 majorité des cas, la fusée est presque entière, et le culot est presque

10 entier ou cassé en deux ou trois morceaux. La fusée, quand elle est

11 entière, même sur la fusée, il est inscrit quelle est la fusée, on la

12 reconnaît. Normalement, nous savons que c'est le cratère de ce projectile

13 puisque sur le terrain il y a beaucoup de cratères. C'est une chose.

14 Quand vous trouvez le morceau de culot, la partie arrière du

15 projectile, qui est très épais, qui ne se casse pas, vous le reconnaissez

16 géométriquement.

17 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, Professeur, je

18 voudrais intervenir sur les conseils de mon collègue au sujet d'une

19 certaine ligne du compte rendu. Vous avez employé le terme "upaljac" et la

20 traduction anglaise a consisté à employer le terme "roquette". Est-ce que

21 c'est le bon terme ?

22 M. Jankovic. - "Upaljac" en français, c'est la fusée. En

23 anglais, c'est "fuse".

24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez donc parlé, vous parliez

25 de la fusée au sens système d'allumage, pas au sens de fusée spatiale.

Page 16623

1 Roquette étant une fusée spatiale, n'est-ce pas ? (commentaire de

2 l'interprète)

3 M. Jankovic. - Ici, on ne parle pas de roquette. Il n'y a pas ce

4 terme, il ne faut pas l'employer.

5 "Upaljac", c'est la fusée en français, en anglais c'est "fuse".

6 C'est en croate, "baza", en anglais c'est "base", en français, c'est le

7 culot.

8 M. le Président. - Je crois que les interprètes doivent

9 apprécier cette diversité de traductions.

10 M. Jankovic. - Ce sont des termes techniques pour les aider.

11 M. le Président. - Nous pouvons continuer, Maître Nobilo.

12 M. Nobilo (interprétation). - Merci Monsieur le Président, il

13 faut dire également que c'est peut-être l'erreur de la défense de ne pas

14 avoir remis peut-être aux interprètes à l'avance une liste de termes

15 techniques, ce qui leur eût permis éventuellement de se préparer pour

16 connaître mieux les termes techniques.

17 (Commentaire des interprètes : absolument !)

18 M. Nobilo (interprétation). - Selon le compte rendu qui a été

19 établi par les Juges présents sur les lieux, après les événements, une

20 fusée de 152 mm a été trouvée sur place. Avez-vous remarqué cet élément

21 dans le compte rendu que nous vous avons remis ?

22 M. Jankovic. - Si je me rappelle bien, on parle de la fusée, on

23 parle de 155, 150, je ne suis pas sûr que l'on parle de 122. J'avais dit

24 hier, je peux répéter aujourd'hui : une fusée, on en place sur plusieurs

25 projectiles. Ici, c'est caractéristique que cette fusée, RGN2, on

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1 l'utilise. C'est une fusée russe. Il y a aussi la version de l'ex-

2 Yougoslavie, c'est UDUI, je ne sais pas. Cette fusée, on l'utilise

3 sur 122, sur 130 mm et sur 152 mm, sur trois projectiles tout à fait

4 différents et trois systèmes tout à fait différents. Mais c'est la même

5 fusée, donc il faut faire attention.

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci. J'en suis presque arrivé à

7 la fin de mes questions. La pièce à conviction de l'accusation 230. Vous

8 avez vu ce schéma, n'est-ce pas ? Oui, c'est une pièce à conviction de

9 l'accusation. Est-ce que cette trajectoire balistique est exacte sur le

10 plan mathématique ? Je vous demanderai de regarder l'original de ce schéma

11 que

12 l'on peut placer sur le rétroprojecteur.

13 M. Jankovic. - Ce qui est fait exactement de mathématiques,

14 c'est ce que je vous avais montré. Il faut les comparer et chacun peut les

15 comparer pour voir la comparaison. Maintenant, autant que je peux voir

16 comme ça, en vitesse, cela ne correspond pas. Mais il me faut du temps

17 pour dire exactement : par exemple, cette hauteur n'est pas autant, ça

18 doit être autant ; cet angle n'est pas autant... Je dois regarder

19 maintenant et les comparer, mais je crois que ce n'est pas nécessaire.

20 M. le Président. - Attendez, dire que ce n'est pas nécessaire,

21 ce sont les Juges qui disent que ce n'est pas nécessaire. C'était la pièce

22 qui avait été fournie par qui, Maître Cayley ? C'est une pièce de

23 l'accusation, c'est vrai, dans le cadre du témoignage du major, c'est

24 cela ?

25 M. Nobilo (interprétation). - Du témoin W qui a été celui qui a

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1 parlé le plus longuement du pilonnage de Zenica.

2 M. le Président. - Je voudrais consulter mon collègue, pardon.

3 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

4 Bien, écoutez, les Juges décident que après les questions que

5 poseront les Juges, après le droit de réplique exercé et les questions

6 exercées par les Juges, ce schéma sera donné au témoin. Ce témoin,

7 Monsieur le Greffier, s'il le peut, se retirera dans un endroit isolé et

8 reviendra ensuite pour nous faire une comparaison, parce que là nous avons

9 quand même deux comparaisons de graphiques.

10 Le témoin nous dit que cela ne correspond pas. Moi, je ne sais

11 pas ce que cela veut dire : "Cela ne correspond pas" -pour vous, cela veut

12 dire quelque chose, Monsieur Jankovic. Non, je ne vous demande pas

13 d'explication maintenant. Si vous voulez bien, nous ferons revenir le

14 témoin pour qu'il nous donne quand même la critique de ce schéma tel qu'il

15 l'a conçoit. Continuez, ou vous avez peut-être terminé, Maître Nobilo ?

16 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Mais

17 j'ai simplement

18 encore deux questions. D'abord, on vous a montré l'obusier D30J d'un

19 calibre de 122 mm sur la pièce à conviction 565 où la portée maximale est

20 citée comme étant de 17 300 m. Et dans un autre document de l'accusation,

21 à savoir la pièce 564, la portée maximale citée est de 17 133 m.

22 La question que je vous pose est la suivante : est-ce que cette

23 différence entre 17 133 et 17 300 entraînerait une modification très

24 importante du résultat de vos calculs en ce qui concerne la portée de

25 l'obusier ?

Page 16626

1 M. Jankovic. - Puisque j'ai le modèle avec moi, j'ai mon

2 ordinateur, hier soir j'ai refait les calculs avec cette autre donnée pour

3 pouvoir répondre à cette question. Voilà, j'ai les données exactes et les

4 nouveaux chiffres.

5 M. le Président. - Vous aviez prévu la question ? Attendez, je

6 ne comprends pas très bien : vous aviez prévu qu'on vous poserait la

7 question ?

8 M. Jankovic. - Non, c'est moi-même qui... puisque hier, j'ai dit

9 que cela ne changera rien. Alors je me suis préparé pour défendre ce que

10 j'ai dit.

11 Donc c'est le diagramme F : la portée ne serait pas 15,141 km,

12 mais aurait été 15,302 km.

13 Le diagramme C : l'angle de départ, l'angle d'élévation ne sera

14 pas 30,1 mais sera 29,4.

15 L'angle de chute, angle of fall, ne serait pas 48,1 mais

16 serait 47,4.

17 Sur le diagramme D, l'angle de départ, elevation, ne serait

18 pas 27,7 mais serait 27,5.

19 L'angle de chute reste le même mais le vent n'est pas de 13,5 m

20 mais de 11 m.

21 A la base de ces chiffres, je dirai la même chose que ce que

22 j'ai dit hier.

23 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Professeur. Mais dites-

24 nous, selon vos connaissances, quel est le chiffre le plus exact ? Est-ce

25 que c'est le chiffre de 17 133 m ou celui qui est publié dans le manuel

Page 16627

1 commercial, à savoir 17 300 m ? Selon vous, lequel se rapproche

2 davantage de la réalité ?

3 M. Jankovic. - Je ne doute pas que la donnée de source c'est

4 17 km 133. Donc comme j'avais dit puisque c'est un document officiel.

5 L'autre est un document secondaire. Ce sont toujours les

6 documents officiels qui sont la source de notre information. J'ajoute

7 encore une explication. Cela arrive très souvent, même à nous, même à moi,

8 quand nous développons une arme, nous calculons la portée. Nous publions

9 la documentation pour réclamer cette arme et nous donnons ces données.

10 Ensuite, en finissant le développement, il nous manque un peu de ce que

11 nous avons voulu.

12 Ainsi, par exemple, je crois que, dans le même document, il est

13 marqué pour ce projectile qu'il a 20 kilomètres. Avec les essais que nous

14 avons fait par la suite, il y avait plus de 20 kilomètres, 20,5 kilomètres

15 Donc, cela arrive. C'est à cause de cela que les tables de tir

16 sont toujours le premier document, le plus important et le plus exact. Le

17 livre que je vous ai présenté doit certainement être un accord avec les

18 tables de tir. C'est un livre officiel comme les tables de tir. C'est tout

19 ce que je peux dire.

20 M. Nobilo (interprétation). - C'est véritablement la dernière

21 question, monsieur le Président.

22 Professeur, si l'on est face à un expert, je dis bien un expert,

23 un spécialiste des éléments que vous venez de citer, si l'on parle à

24 quelque expert que ce soit, en faisant le même calcul que vous, est-ce

25 qu'il aboutira aux mêmes conclusions ?

Page 16628

1 M. Jankovic - Absolument. J'ajoute quelques détails. J'ai

2 utilisé le coefficient aérodynamique russe de l'année 1943 et j'ai utilisé

3 le plan normal de projectiles 122 explosifs, puisque même dans le texte,

4 on dit que c'est le projectile du point normal. Chaque spécialiste doit

5 calculer les mêmes résultats que j'ai présentés ici.

6 M. Nobilo (interprétation). – Merci, monsieur le Président.

7 M. Shahabudden (interprétation). – Professeur, le conseil vous a

8 sûrement dit que nous ne sommes pas des experts militaires, nous, les

9 Juges. Donc, nous dépendons beaucoup d'assistance technique fournie par

10 des personnes qui auraient votre expérience et votre parcours. Donc je

11 suis sûr que vous m'excuserez si je vous pose une question qui vous

12 semblera peut-être très simpliste.

13 Permettez-moi d'abord de vous poser la question suivante : est-

14 il vrai que la trajectoire d'un obus n'a pas forcément le même angle de

15 départ que l'angle de chute ?

16 M. Jankovic - Elle n'a jamais le même angle de départ et l'angle

17 de chute s'ils sont à la même hauteur. L'angle de chute est toujours plus

18 grand que l'angle de départ.

19 M. Shahabudden (interprétation). - Professeur, suis-je en droit

20 de comprendre alors que l'angle de chute pourrait indiquer deux facteurs,

21 plus précisément la portée de l'obus et deuxièmement, la direction de

22 laquelle provenait cet obus ?

23 M. Jankovic - La direction, à peu près oui. C'est-à-dire qu'il y

24 a encore un effet qui s'ajoute, c'est connu sous le nom de déviation,

25 dérivation. Mais ce n'est pas tellement grand, un ou deux degrés. J'ai

Page 16629

1 même analysé ce cas pour voir s'il faut l'introduire dans ce débat. C'est

2 peu d'importance. L'angle de chute ne peut pas dire exactement l'angle de

3 départ puisque l'angle de chute influence non seulement l'angle de départ,

4 mais énormément la vitesse initiale, ainsi que le vent comme vous pouvez

5 le voir de ces images que je vous ai présentées ici.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Professeur, peut-être me

7 suis-je fais mal comprendre. Ma question n'était pas de savoir si l'angle

8 de chute indiquerait l'angle de départ, mais si l'angle de chute

9 indiquerait la portée et la direction d'origine de l'obus ?

10 M. Jankovic. - La même réponse.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Professeur, soyez encore

12 patient, vous êtes un expert et nous ne sommes certainement pas des

13 experts. Nous avons entendu parler de la publication "Jane's". Cela dit,

14 pour être tout à fait honnête, je ne l'ai jamais lue. Quel est le titre

15 exact de cette publication, le savez vous ?

16 M. Jankovic. - Quelle publication dites-vous ? "Jane's" ?

17 M. Shahabuddeen (interprétation). – Oui, la publication Jane's.

18 M. Jankovic. – Ce n'est pas moi qui l'ai citée. Ce sont ces

19 messieurs qui l'ont citée et qui l'ont montrée. Je la connais et très

20 souvent je la regarde. C'est une source d'informations, mais pas

21 scientifiques. C'est plutôt commercial. Pour moi, pour un homme technique

22 et de la science, comme pour mes collègues, ce n'est pas une source

23 d'informations.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Encore une fois, je vous

25 présente mes excuses, Professeur, si j'ai suggéré que vous aviez fait

Page 16630

1 mention de cette publication, mais on en a parlé et j'en demandais

2 simplement le titre exact.

3 Pourrais-je me permettre de supposer que cette publication

4 existe déjà depuis fort longtemps, peut-être plusieurs décennies même ?

5 M. Jankovic. – Je ne sais pas. Je m'excuse.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). – Est-ce que cette publication

7 est composée de publicité pour de nouvelles armes ou s'agit-il

8 d'évaluations menées à bien par des experts, évaluations d'armes de

9 plusieurs Etats ?

10 M. Jankovic. - Comme je vous avais dit, ce n'est pas une

11 publication qui nous intéresse beaucoup, nous, les hommes de technique et

12 de science. Je peux vous dire ce que je pense là-dessus, mais c'est mon

13 opinion et je ne suis pas sûr que tout est exact. Si je me souviens, c'est

14 une compagnie en Suisse ou quelque part comme cela, qui publie cela. Cela

15 sert surtout aux hauts fonctionnaires militaires pour voir ce que l'on

16 peut acheter, quelles sont les possibilités pour savoir quelles sont les

17 compagnies, quels sont les pays, ce qu'ils produisent, etc.

18 Ces livres sont assez chers, très grands, plein d'informations,

19 très intéressants pour les militaires, surtout pour ceux qui doivent

20 s'occuper de la logistique des armées.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce une publication à

22 laquelle les autorités militaires font confiance dans le monde entier ?

23 M. Jankovic. - Je suppose.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maintenant, j'en viens au

25 dernier sujet qui m'intéresse. Il s'agit là des témoignages fournis par

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1 des témoins concernant les obus qui sont tombés sur Zenica. Ai-je raison

2 de me souvenir que vous avez dit que les témoignages que vous avez lus

3 suggéraient que ces obus étaient des obus explosifs, des projectiles

4 explosifs ?

5 M. Jankovic. - Oui.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). – Bien. Le fait que ces

7 projectiles soient des projectiles explosifs, est-ce que cela peut vous

8 fournir une indication quant à la portée de ces obus ?

9 M. Jankovic. – Parmi les tables de tir, par exemple celles que

10 j'ai ici avec moi, il y a des tables de tir de projectiles contre des

11 tanks, il y en a, dans le même volume, pour les projectiles explosifs et

12 il y a des tables de tir de projectiles éclairants et je crois même pour

13 les fumants.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). – Est-il possible d'avoir

15 différents types de projectiles explosifs tels que certains auraient une

16 portée plus longue que d'autres types de projectiles explosifs ?

17 M. Jankovic. - En effet, je vous ai présenté ici deux

18 projectiles explosifs de différentes portées, de différentes

19 caractéristiques. Mais dans cette table il n'y en avait qu'un. Il y a

20 maintenant le troisième que j'ai construit, qui a des portées plus grandes

21 encore. Mais on n'a pas encore de table de tir pour ce projectile.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). – Professeur, je vous

23 remercie.

24 M. le Président. - Professeur, je vais poser des questions qui

25 ne sont pas celles d'un expert. Je joins mes excuses à celles que vous a

Page 16632

1 adressées mon collègue et ami, le Juge

2 Shahabuddeen. Dois-je comprendre que vous avez trouvé les appréciations

3 des témoins, dans les déclarations vous ont été transmises, vous les avez

4 trouvées pour le moins légères ? Est-ce que je me trompe ?

5 M. Jankovic. – Voulez-vous m'expliquer ce que vous entendez par

6 "légères" ?

7 M. le Président. – Légères, c'est-à-dire pas rigoureuses.

8 M. Jankovic. – Je suis d'accord avec vous.

9 M. le Président. – Vous est-il arrivé de travailler avec des

10 officiers de l'OTAN, des officiers occidentaux, d'échanger vos

11 expériences, vos conclusions ?

12 M. Jankovic. – Oui, oui, pas mal de temps.

13 M. le Président. - Est-ce que votre science, qui est grande, a

14 été mise au service de la Croatie à un moment donné du conflit ? Est-ce

15 qu'on vous a demandé également finalement de mettre votre science du côté

16 de la Croatie, et peut-être même ailleurs ?

17 M. Jankovic. – Oui, j'ai coopéré avec l'armée croate depuis le

18 premier moment.

19 M. le Président. – Etes-vous capable d'élaborer des tables de

20 tir, vous-même ?

21 M. Jankovic. – Oui.

22 M. le Président. – Dois-je comprendre que vous vous êtes refusé

23 à établir des tables de tir de cet obus dont vous dites qu'il n'y a pas eu

24 de tables de tir ?

25 M. Jankovic. – Non, ce n'est pas le problème. Nous n'avons pas

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1 eu le champ de tir. C'est-à-dire même le champ de tir, on pouvait le

2 trouver, mais on n'avait pas les instruments nécessaires. C'était

3 l'embargo. On ne pouvait pas les trouver. On ne les avait pas, donc on

4 n'avait pas les moyens de faire des expériences nécessaires pour les

5 tables de tir.

6 M. le Président. - C'est la première fois, dans votre

7 déclaration, que vous parlez d'instruments. Je dois dire que dans toute

8 votre déclaration, vous n'avez parlé que du manque de champ de tir.

9 Mes souvenirs militaires sont très lointains, monsieur le

10 Professeur, mais je me

11 souvenais quand même que les champs de tir… Il me semble que dans un pays

12 comme la Croatie, on doit quand même être capable de trouver un champ de

13 tir. C'est pourquoi je ne comprenais pas très bien.

14 M. Jankovic. - J'ai toujours peur d'entrer dans de nombreux de

15 détails. Même quand on parle de champs de tir, il faut différencier les

16 champs de tir. Un champ de tir technique est une chose, une autre est un

17 champ de tir pour les unités, pour les exercices. Le champ de tir

18 technique dépend beaucoup des instruments. C'est très cher.

19 Tout d'abord, vous devez faire les mesures exactes des points

20 d'impacts dans toutes les coordonnées. Vous devez faire la mesure de la

21 vitesse initiale, même de la vitesse en chaque point le long de la

22 trajectoire. Vous devez faire la mesure de l'atmosphère, du vent en

23 fonction de la vitesse, de la température en fonction de la vitesse, de la

24 pression en fonction de la vitesse, de la température de la poudre. Il y a

25 beaucoup de choses. Il faut tout organiser.

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1 L'ex-Yougoslavie avait des champs de tir, mais tous du côté

2 serbes. Près de Samac, il y a un grand champ de tir très bien équipé.

3 L'autre se trouve sur la côte…

4 M. le Président. – Peu importe. Finalement, la Croatie a eu un

5 champ de tir quand ?

6 M. Jankovic. - Le premier essai sur le champ de tir ? Je ne sais

7 pas quand c'était... Mais c'était alors un champ de tir plutôt technique,

8 sans instrument. Le premier tir balistique que nous avons pu faire, c'est

9 exactement avec cet obus dont je vous ai parlé, c'est au début de 1997. A

10 moment-là, on avait le minimum nécessaire pour faire les tables de tir.

11 M. le Président. - Donc la Croatie n'a jamais pu se procurer les

12 tables de tir de cet obus ?

13 M. Jankovic. – Tant que je sache, non.

14 M. le Président. - En ce qui concerne, je n'ai pas d'autres

15 questions.

16 Nous allons faire la pause. Nous allons vous imposer un petit

17 travail. Que la règle

18 soit claire : ce travail ne donnera lieu à aucune question, ni de la part

19 de l'accusation ni de la défense. Le témoin sera en quelque sorte comme

20 une sorte d'amicus curiae, article 70, c'est-à-dire qu'il viendra tout à

21 l'heure exposer, pas très longtemps j'espère, la critique qu'il fait du

22 tableau, du schéma qui avait été fourni par le témoin W. Ceci sera

23 consigné dans les minutes du procès.

24 Nous n'allons pas reprendre une polémique autour de ce qu'a dit

25 le témoin sur tel ou tel point. Ce sont les Juges qui demandent ce

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1 complément d'information tant que nous avons la chance d'avoir cet expert

2 auprès de nous.

3 A présent, nous allons suspendre.

4 Combien de temps vous faut-il à peu près, monsieur le

5 Professeur ?

6 M. Jankovic. – Très peu.

7 M. le Président. – Bien. Les débats ont été techniques, les

8 interprètes doivent être un peu fatigués de ces termes techniques. Je vous

9 propose que nous reprenions à 16 heures. Le témoin va travailler. Si vous

10 le voulez, avant de reprendre le contre-interrogatoire du témoin

11 précédent, nous réécouterons le professeur Jankovic. Nous le remercions

12 d'avance de bien vouloir revenir.

13 Monsieur le greffier, quelque chose ne convient pas ?

14 M. Dubuisson. – Une question, à l'encontre du Procureur.

15 J'aimerais savoir s'il compte demander l'admission des pièces 564 à 566 ?

16 M. Cayley (interprétation). – Oui, s'il vous plaît. Merci.

17 M. le Président. – D'accord. La vidéo… Je fais peur à Me Hayman

18 maintenant. Il ne faut pas avoir peur, maître Hayman, vous êtes vigoureux

19 dans la défense de vos intérêts. Vous avez l'intérêt de votre client.

20 Nous, avec le Juge Shahabuddeen, nous avons l'intérêt de la justice. Mais

21 ce sont des combats tout à fait loyaux. Vous le savez très bien. Je me

22 suis expliqué sur la question. J'avais le sentiment que ce que voulait le

23 procureur, c'était simplement

24 faire passer une image du canon.

25 Maître Nobilo, vous n'êtes pas d'accord sur l'ensemble de la

Page 16636

1 vidéo ou uniquement sur le point ?

2 M. Nobilo (interprétation). – Nous ne savons pas quelle est la

3 source de la totalité de cette vidéo. Nous avons l'impression que c'est

4 une vidéo constituée en deux parties. Il a été question de Kiseljak dans

5 le texte, nous entendons que Rajic menace Sarajevo. Il y a beaucoup de

6 confusion. Le canon ne se voyait pas bien d'ailleurs.

7 M. le Président. – C'est un autre problème. Maître Cayley,

8 pourriez-vous apporter des précisions ? Je voudrais que nous arrivions à

9 résoudre ce petit problème. Au besoin, je consulterai bien entendu mon

10 collègue.

11 M. Cayley (interprétation). - Tout d'abord, monsieur le

12 Président, je voudrais savoir s'il y a des objections aux 564 et 565. Il

13 s'agit-là de documents publics, des extraits de la revue Jane's 1996.

14 M. Nobilo (interprétation). - Pas d'objections.

15 M. Cayley (interprétation). - La vidéo, je m'efforcerai de

16 trouver l'origine exacte de cette vidéo pour en informer le Tribunal. Elle

17 n'a pas été modifiée comme le suggère mon collègue, c'est simplement un

18 extrait d'un reportage de la télévision de Belgrade. Ce qui nous intéresse

19 avant tout, c'est la pièce d'artillerie. Si c'est nécessaire, nous pouvons

20 la couper pour uniquement avoir cette pièce.

21 M. le Président. - Je suis sûr que cela rassurerait Me Hayman et

22 Me Nobilo si vous coupiez la vidéo et si vous supprimiez la partie de

23 l'interview de Ivica Rajic.

24 M. Cayley (interprétation). - Je peux tout à fait faire cela.

25 M. Dubuisson. - On peut faire un instantané, une photo, au

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1 départ de la vidéo, uniquement du canon.

2 M. le Président. – Vous donnerez alors à la défense et aux Juges

3 l'origine

4 simplement de la vidéo. Maître Hayman, êtes-vous satisfait ?

5 M. Nobilo (interprétation). - Nous sommes d'accord. Oui, tout va

6 bien. Nous sommes d'accord.

7 M. le Président. – Maître Hayman est satisfait, très bien. Nous

8 allons suspendre l'audience jusqu'à 4 heures.

9 Vous êtes satisfait, Monsieur le Greffier, vous aussi ?

10 M. Dubuisson. - Oui. Simplement, ce document, cette photographie

11 portera le numéro 567.

12 M. le Président. – Parfait, nous reprenons à 4 heures.

13 L'audience, suspendue à 15 heures 35, est reprise à 16 heures 05.

14 M. le Président. - Nous reprenons. Nous introduisons l'accusé.

15 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

16 Bien, monsieur le Professeur, je vous remercie d'être là. Pour

17 que les choses soient très claires, le témoin, dans cette phase-ci, est en

18 quelque sorte le témoin du Tribunal sur la base de l'article 98 du

19 Règlement de preuve et de procédure. Comme il est, en quelque sorte, cité

20 à témoin sur la base de l'article 98, et par correction à l'égard de

21 chacune des parties, et bien sûr après en avoir conféré avec mon collègue,

22 nous autoriserons chacune des parties de faire part, éventuellement, de

23 quelques-unes de leurs observations.

24 Monsieur le Professeur, vous avez eu en main le schéma qui était

25 joint à l'un des témoignages. Nous l'aurons sur le rétroprojecteur,

Page 16638

1 monsieur le greffier. Nous ne l'avons pas, nous, les Juges.

2 M. Dubuisson. – Il est sur le rétroprojecteur.

3 M. le Président. – Il est sur le rétroprojecteur. Le public peut

4 donc le consulter. Maintenant, vous voici en possession d'un élément sur

5 lequel vous pouvez apporter toutes les observations que vous jugez

6 souhaitable de faire. Le Tribunal vous en remercie.

7 M. Jankovic. – Monsieur le Président, j'ai refait le calcul et

8 j'ai comparé cette trajectoire avec la trajectoire du projectile. C'est-à-

9 dire que nous ne nous sommes pas mis d'accord quels projectiles je dois

10 comparer. Il y a deux projectiles. Je suppose qu'il serait intéressant de

11 parler de ce projectile qu'avait l'armée croate, l'OF462, ou bien vous

12 désirez les deux ?

13 M. le Président. – Les deux peut-être, puisque vous avez vos

14 études sur les deux.

15 M. Jankovic. – Alors il me faut plus de temps. J'ai seulement

16 pour un. Pour les deux, il me faut plus de temps et il est trop dangereux

17 de faire les choses comme cela, en vitesse, car on fait alors facilement

18 une erreur. Il faut une concentration et il me faut plus de temps.

19 M. le Président. - Il vous faut combien de temps, s'il vous

20 plaît ?

21 M. Jankovic. – Si vous m'accordez le temps pendant lequel vous

22 interrogez l'autre témoin, je peux vous préparer. Je vais demander

23 maintenant exactement pour quel cas je dois vous donner les données. Je

24 peux vous les différentes données : quelle est la hauteur sur la distance

25 de…

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1 M. le Président. – L'hypothèse qu'avait adoptée le témoin en

2 fournissant ce témoignage était quelle hypothèse ? Nous, ce qui nous

3 intéresse, c'est la contradiction que vous pouvez apporter à ce schéma.

4 Quelle est l'hypothèse apportée par le témoin ?

5 Je dois dire que je n'en ai plus le souvenir, en ce qui me

6 concerne.

7 M. Jankovic. – Je l'ai. Je les ai toutes dans la tête. Lui n'a

8 pas dit quel projectile était en jeu. C'est à cause de cela que j'ai parlé

9 tout le temps de deux projectiles.

10 M. le Président. – D'accord.

11 M. Jankovic. – Donc je peux vous comparer ces chiffres sur les

12 deux projectiles.

13 M. le Président. – Sur les deux projectiles, je pense. Monsieur

14 le Juge Shahabuddeen ?

15 (Les juges se consultent sur le Siège.)

16 M. le Président. - Vous pouvez évaluer le temps qu'il vous faut,

17 monsieur le Professeur ?

18 M. Jankovic. – Dans une heure, je serai prêt.

19 M. le Président. - Une heure, c'est très bien. Une heure, vous

20 vous retirez. Nous allons entendre le témoin suivant.

21 Pour que les choses soient claires : le professeur Jankovic

22 reviendra à un moment que nous lui fixerons, au minimum une heure. Il

23 viendra apporter sa contribution sur ce schéma.

24 En attendons, nous reprenons le contre-interrogatoire d'un

25 témoin qui n'est pas protégé non plus et dont nous avions remis le contre-

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1 interrogatoire à aujourd'hui. Monsieur Harmon devait procéder au contre-

2 interrogatoire du témoin, M. Mato Tadic, ancien ministre de la Fédération.

3 Est-ce exact, monsieur Harmon.

4 M. Harmon (interprétation). – Oui. Bonjour, Monsieur le

5 Président, bonjour Monsieur le Juge Shahabuddeen. Je salue mes collègues

6 de la défense. Oui, c'est bien moi qui vais mener le contre-interrogatoire

7 de M. Tadic.

8 M. le Président. – Prenez votre temps, monsieur le Professeur,

9 mais pas dehors. Prenez votre temps.

10 M. Jankovic. – En effet, il est trop dangereux de faire les

11 choses en vitesse avec l'ordinateur.

12 M. le Président. – Vous parlez tellement de danger, alors que

13 vous êtes un spécialiste des explosifs. Vous commencez à nous inquiéter,

14 monsieur le Professeur. Bon

15 travail.

16 (Le témoin est escorté hors du prétoire.)

17 M. le Président. - Maintenant, nous introduisons M. Tadic. Je

18 rappelle, pour que les choses soient claires, que M. Tadic est venu hier,

19 ancien ministre de la Justice de la Fédération et, sur un incident de

20 procédure, le Tribunal a décidé que le contre-interrogatoire serait

21 reporté à cet après-midi.

22 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président. – Monsieur le greffier, le contre-

24 interrogatoire durera combien de temps à peu près, car nous allons le

25 caler sur l'interrogatoire principal ?

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1 M. Dubuisson. – Environ 2 heures 10.

2 M. le Président. – Deux heures dix de contre-interrogatoire ?

3 M. Dubuisson. – Oui.

4 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, si nous

5 commençons avec 10 ou 15 minutes de retard, est-ce que nous pouvons

6 prévoir de prolonger l'audience d'autant ce soir, parce que le professeur

7 devait partir aujourd'hui. Il a accepté de rester aujourd'hui pour

8 répondre à vos souhaits, mais il a dû retarder un certain nombre

9 d'engagements. Est-ce que nous pourrions rester un peu plus tard ce soir

10 pour qu'il puisse terminer son intervention ?

11 M. le Président. - Oui, cela dépend pour combien de temps. Nous

12 ne pouvons donner que ce qui nous appartient, mais il y a le temps des

13 interprètes. Nous devions faire une autre pause. Cela dépendra de

14 M. le Procureur qui a droit à deux heures. En toute hypothèse, vous

15 n'aurez pas terminé tout à l'heure, Monsieur Harmon ? Je le suppose. En

16 plus, nous devons réentendre l'expert, et vous avez tous compris que dès

17 que l'on parlait d'obus, de trajectoire, etc., c'était très long. Je ne

18 crois pas qu'il puisse repartir ce soir, hélas.

19 Vous introduisez, Monsieur l'Huissier, le témoin.

20 Je ne peux pas vous répondre, Maître Nobilo, cela ne dépend pas

21 de moi.

22 (Le témoin est introduit dans le prétoire)

23 M. le Président. - Monsieur Tadic, merci. Je vous rappelle que

24 vous êtes toujours sous serment pour recevoir les questions. Je suis

25 désolé, il est fort possible que vous ne puissiez pas repartir ce soir,

Page 16642

1 Monsieur Tadic. Je sais que c'est très ennuyeux pour vous. Nous allons

2 voir. Peut-être, mais j'en doute un peu. Nous allons sans perdre de temps,

3 Monsieur Harmon c'est à vous.

4 M. Harmon (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

5 Bonjour Monsieur Tadic.

6 M. Tadic (interprétation). - Bonjour.

7 M. Harmon (interprétation). - Je m'appelle Marc Harmon, à mes

8 côtés Me Cayley et Me Kehoe, tous deux membres du Bureau du Procureur,

9 comme moi-même.

10 Je vais commencer le contre-interrogatoire. Pourrais-je avoir la

11 pièce de l'accusation 22 et la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous

12 plaît ?

13 Monsieur Tadic, il y a à vos côtés une carte, elle se trouve sur

14 le rétroprojecteur qui est sur votre gauche et vous aurez rapidement sur

15 l'écran, qui est sous vos yeux, l'image de cette carte.

16 Hier, dans le cadre de l'interrogatoire principal, vous avez

17 déclaré qu'en 1993 vous vous trouviez en Posavina. Vous y êtes resté

18 pendant toute l'année 1993.

19 Je voudrais vous demander de bien vouloir nous indiquer la

20 Posavina sur la carte que vous avez sous les yeux et je vous demanderai,

21 dans un deuxième temps, puisque vous nous avez dit que vous vous étiez

22 trouvé dans le secteur d'Orasje, je vous demanderai de bien vouloir

23 indiquer aux Juges où se trouve cette enclave.

24 M. Tadic (interprétation). - Voici la Posavina. Je l'indique en

25 ce moment, c'est une région qui se trouve au nord de la Bosnie-

Page 16643

1 Herzégovine. Orasje se trouve ici.

2 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie. Vous pointez au-

3 dessus de la

4 lettre A de l'indication Posavina sur cette carte, n'est-ce pas ?

5 M. Tadic (interprétation). - Effectivement.

6 M. Harmon (interprétation). - Merci, vous nous aider à nous

7 orienter sur cette carte. Et tant que vous y êtes, pourriez-vous nous

8 montrer l'emplacement des municipalités de Kiseljak, Vitez et Busovaca.

9 M. Tadic (interprétation). - Voici, Vitez. C'est le point que

10 j'indique en ce moment. Busovaca se trouve ici, et voici Kiseljak.

11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Tadic, le territoire qui

12 séparait la Posavina de Vitez, de Kiseljak et de Busovaca était un

13 territoire occupé par les forces de la Republika Srpska en 1993, n'est-ce

14 pas ?

15 M. Tadic (interprétation). - Effectivement. La majeure partie de

16 ce secteur était occupé par l'armée de la Republika Srpska. Une partie de

17 ce secteur était occupé par les forces de Bosnie-Herzégovine, l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine.

19 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous vous trouviez au

20 sein du HVO en 1992 et en 1993, ainsi qu'en 1994 ?

21 M. Tadic (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - Quelles étaient vos activités au

23 sein du HVO, Monsieur Tadic ?

24 M. Tadic (interprétation). - J'ai essayé d'expliquer quelles

25 étaient ces activités hier. En 1992, le 28 avril, pour être plus précis,

Page 16644

1 je suis sorti de Sarajevo. J'ai atteint la ville de Brcko qui se trouve

2 également en Posavina. Malheureusement, je n'ai pu passer qu'une seule

3 nuit à Brcko. Je suis parti en direction des territoires qui se trouvent

4 au sud-ouest. Nous nous y trouvions en compagnie des Musulmans de Bosnie

5 et des Croates de Bosnie. Nous avons établi un système de défense

6 conjointe que nous appelions la 108ème brigade du HVO.

7 Les autorités civiles ont été également présentes et ont été

8 constituées en

9 gouvernement. Je n'ai jamais eu de grade au sein de l'armée, mais j'étais

10 membre de ce que l'on appelait "l'état-major de crise" à l'époque. Il

11 s'agissait d'une entité civile. Nous étions en fait un Gouvernement de

12 guerre, intervenant sur un territoire qui n'était pas encore occupé.

13 Après avoir passé deux ou trois mois à Brcko, je me suis rendu à

14 Bosanski Brod qui se trouve également en Posavina. Après la chute de

15 Bosanski Brod, je me suis rendu à Orasje. C'est là que l'on m'a confié la

16 mission de constituer des autorités civiles.

17 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez à

18 Orasje, est-ce que vous étiez également membre du HVO ?

19 M. Tadic (interprétation). – Non, je n'étais pas membre d'une

20 unité militaire. Je répète que je n'ai jamais appartenu au HVO en tant que

21 militaire. Il faut bien comprendre une chose. En tant que conseil de

22 défense croate, le HVO recouvrait à la fois une entité civile et une

23 entité militaire. La composante civile du HVO disposait de sa branche

24 exécutive et de sa branche judiciaire alors que la composante militaire

25 disposait de structures de son propre côté. Je vais tâcher de ralentir.

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1 M. Harmon (interprétation). - D'après ce que je comprends,

2 pendant une période de temps très court, vous avez été membre de la

3 composante militaire du HVO, et ensuite vous êtes devenu membre de la

4 composante civile du HVO. Vous ai-je bien compris ?

5 M. Tadic (interprétation). - Jamais je n'ai porté un uniforme.

6 M. Harmon (interprétation). - J'en déduis donc que vous n'avez

7 jamais été membre de la police militaire du HVO.

8 M. Tadic (interprétation). – Non, jamais.

9 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de vous

10 rendre dans les municipalités de Vitez, Kiseljak et Busovaca, dans le

11 courant de l'année 1993 ?

12 M. Tadic (interprétation). - Non.

13 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de vous

14 rendre dans ces

15 mêmes municipalités dans le courant de l'année 1992 ?

16 M. Tadic (interprétation). - En 1992, oui, je me suis rendu dans

17 ces municipalités, alors que je me dirigeais vers la Posavina, vers la

18 municipalité de Brcko. Je venais de la partie sud-ouest de la Bosnie-

19 Herzégovine. Cette partie était contrôlée par les unités de HVO. Je répète

20 qu'il s'agissait alors de forces conjointes composées de Musulmans de

21 Bosnie et de Croates de Bosnie. Nous avons donc traversé les municipalités

22 que vous avez citées avec des convois de nourriture et des équipements

23 logistiques.

24 M. Harmon (interprétation). – Donc, en fait, vous avez traversé

25 l'une ou plusieurs de ces municipalités en une seule occasion en 1992,

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1 alors que vous vous dirigiez vers la Posavina. C'est bien cela ?

2 M. Tadic (interprétation). - J'ai suivi la route qui existait à

3 cette époque-là. Cette route traversait des zones habitées, mais pas

4 toujours. En fait, d'une façon générale, cette route traversait des

5 régions montagneuses. Nous essayions de nous placer dans les secteurs où

6 il n'y avait pas de combats dans les régions où il était possible de se

7 déplacer. Oui, je me suis déplacé à de nombreuses reprises jusqu'au mois

8 d'octobre.

9 M. Harmon (interprétation). - Hier, vous avez déclaré qu'au

10 moment de votre arrivée dans la région d'Orasje, je rappelle ce que vous

11 avez dit page 6 de votre déposition, hier, lignes 8 et suivantes, je

12 cite :

13 "Pendant toute l'année 1993, votre tâche a été de vous occuper

14 de la mise en place de tribunaux militaires, de créer des bureaux de

15 procureurs publics et de mettre sur pied des institutions civiles, depuis

16 -je n'ai pas la date- jusqu'au mois de février ou mars 1994".

17 Voilà ce que vous avez déclaré et vous avez dit que telle était

18 votre mission lorsque vous vous trouviez dans la région d'Orasje.

19 Voici ma question : est-ce que vous établissiez ces institutions

20 civiles pour les autorités de l'Herceg-Bosna ou pour les autorités de

21 Bosnie-Herzégovine ?

22 M. Tadic (interprétation). - J'ai essayé d'expliquer quelle

23 était la situation hier. J'ai expliqué que j'étais arrivé dans la région

24 vers la fin du mois d'avril.

25 J'ai d'abord créé des institutions civiles sur le territoire de

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1 Brcko et sur les territoires voisins. J'ai également participé à la mise

2 en place d'institutions militaires parce que j'ai été l'un des premiers à

3 participer à la rédaction des règlements régissant le fonctionnement de la

4 police militaire. Mais ces règlements ne concernaient que la 100e brigade

5 du HVO à Brcko et ensuite, je me suis rendu à Bosanski Brod en 1992. Tout

6 cela a dû se passer entre les mois de juin et juillet 1992.

7 A cette époque-là, le conseil du HVO pour la Bosanski Posavina

8 agissait comme organe indépendant. J'étais alors chargé de créer des

9 structures judiciaires, à la fois militaires et civiles, sur le territoire

10 de la Posavina.

11 J'ai pris toutes les mesures nécessaires, j'ai rédigé les textes

12 nécessaires et je les ai envoyés à Zagreb. Je les ai portés moi-même à

13 Zagreb où se trouvait une partie du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine.

14 M. Harmon (interprétation). – Je dispose de très peu de temps et

15 je vous ai posé une question précise. Est-ce que vous étiez en train de

16 mettre en place les tribunaux militaires et les bureaux du procureur

17 général pour les autorités de la Bosnie-Herzégovine en 1993 ou pour les

18 autorités de l'Herceg-Bosna ?

19 M. Tadic (interprétation). - En 1992, je mettais en place ces

20 entités pour les autorités de la République de Bosnie-Herzégovine. En

21 1993, je l'ai fait dans le cadre de la communauté croate de Herceg-Bosna.

22 M. Harmon (interprétation). – En 1993, vous mettiez en place ces

23 différentes institutions pour les autorités d'Herceg-Bosna. Très bien. Qui

24 vous a donné l'ordre de faire cela en 1993 ?

25 M. Tadic (interprétation). - Le 6 janvier 1993, j'ai été nommé

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1 chef adjoint du

2 département de la Justice au sein de la communauté croate de Herceg-Bosna

3 et j'ai été envoyé en Posavina. J'étais chargé de mettre en place les

4 institutions judiciaires sur ce territoire. Les institutions judiciaires

5 n'avaient plus fonctionné du tout jusqu'à cette époque-là. Elles ont

6 recommencé à travailler en 1992.

7 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous faire passer un

8 document. Je vais vous permettre de le regarder rapidement pendant que le

9 greffier d'audience lui attribue une cote. Ce document est tiré du Journal

10 officiel. Il indique que vous êtes nommé chef adjoint du département dont

11 vous avez parlé et il est indiqué que cette nomination prend effet le

12 6 janvier 1993. Il est indiqué que vous êtes nommé par Jadranko Prlic qui

13 était alors président du HVO en Herceg-Bosna.

14 M. Tadic (interprétation). - Parfaitement.

15 M. Harmon.(interprétation) - Je vais vous demander de bien

16 vouloir authentifier ce document dans un court instant.

17 M. Tadic (interprétation). - Certainement, certainement, mais

18 c'est exactement ce que j'ai dit.

19 M. Dubuisson. - Document 568.

20 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur, je vais vous demander de

21 bien vouloir confirmer qu'il s'agit bien de la décision confirmant que

22 vous avez été nommé chef adjoint du département de la Justice, décision

23 qui a été publiée dans le Journal Officiel ?

24 M. Tadic (interprétation). - Oui. C'est une décision en date du

25 6 janvier 1993.

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1 M. Harmon.(interprétation) - Quel était votre titre officiel ?

2 Qu'est-ce qui apparaît sur ce document que vous avez sous les yeux ?

3 M. Tadic (interprétation). - "Chef adjoint du département de la

4 Justice et de l'administration de la communauté croate d'Herceg-Bosna."

5 M. Harmon.(interprétation) - Par la suite, après avoir été nommé

6 à ce poste, vous

7 vous êtes lancé dans la rédaction d'un certain nombre de textes

8 juridiques, dans la rédaction d'un certain nombre de règlements visant à

9 régir le fonctionnement des diverses institutions civiles d'Herceg-Bosna.

10 C'est bien exact ?

11 M. Tadic (interprétation). - Non, non, ce n'est pas ce que j'ai

12 fait. Je n'étais qu'une des personnes chargées de travailler à cette

13 tâche. Je faisais partie d'une équipe. Donc je n'étais pas à la tête du

14 département de la Justice, j'étais chef adjoint dudit département. Ce

15 département était dirigé par un responsable et il était aidé de trois

16 assistants. J'étais un de ses assistants.

17 M. Harmon.(interprétation) - Ma question n'était pas claire.

18 Avez-vous travaillé en tant que chef adjoint du département de la Justice

19 dans le cadre de l'établissement de ces textes juridiques et de ces

20 règlements relatifs au fonctionnement des institutions d'Herceg-Bosna ?

21 M. Tadic (interprétation). - Oui. Oui, dans le mesure où l'on

22 m'a demandé de le faire, et dans la mesure où j'étais à même de répondre à

23 ce qui m'était demandé, vu les circonstances.

24 M. Harmon.(interprétation) - En rédigeant les textes de loi pour

25 les autorités d'Herceg-Bosna, est-ce que vous êtes entré en contact avec

Page 16650

1 les autorités de la République de Croatie ?

2 M. Tadic (interprétation). - La République de Croatie ? Non.

3 Non. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a essayé de contacter ces

4 autorités, mais moi, non.

5 M. Harmon.(interprétation) - Hier, dans le cadre de votre

6 déposition, vous avez brièvement décrit le fonctionnement des divers

7 tribunaux en place. A la page 61 de votre déposition -je fais référence

8 plus précisément aux lignes 11 à 17 de cette déposition-, on vous pose la

9 question de savoir si, oui ou non, le Tribunal de Travnik et si le Bureau

10 du Procureur de Travnik fonctionnaient normalement entre 1992 et 1993.

11 Une partie de votre réponse à cette question est la suivante, je

12 cite :

13 "Indépendamment du fait que je ne me trouvais pas à Mostar, je

14 me trouvais en effet dans la partie Nord de la Bosnie à ce moment-là, en

15 Posavina, j'étais en contact direct et constant avec les autorités parce

16 que j'avais été détaché".

17 Je ne poursuis pas ou plutôt si, je vais poursuivre :

18 "Mes tâches consistaient à me rendre en Posavina pour créer les

19 institutions juridiques sur ce territoire."

20 Bien. Vous dites donc que vous étiez donc en contact constant et

21 permanent avec Mostar, je suppose ?

22 M. Tadic (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon.(interprétation) - Est-ce que vous étiez en contact

24 permanent avec les autorités de la municipalité de Vitez ?

25 M. Tadic (interprétation). - Non.

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1 M. Harmon.(interprétation) - Est-ce que vous étiez en contact

2 permanent avec les autorités judiciaires de la municipalité de Travnik ?

3 M. Tadic (interprétation). - Non.

4 M. Harmon.(interprétation) - Alors, d'où avez-vous obtenu vos

5 informations, informations relatives au fonctionnement des autorités

6 judiciaires de Travnik, puisque vous n'étiez pas en contact avec lesdites

7 autorités en 1993 ?

8 M. Tadic (interprétation). - Eh bien, très facilement, je les ai

9 obtenues depuis Mostar.

10 M. Harmon.(interprétation) - Donc seule Mostar était en contact

11 et était en mesure de rentrer en contact avec les autorités de la

12 municipalité de Vitez, pour ce qui est notamment du statut des autorités

13 judiciaires sur ces municipalités, n'est-ce pas ?

14 M. Tadic (interprétation). - Comment Mostar entrait en

15 possession de ces

16 informations, je n'en sais rien. Je me rendais fréquemment à Mostar et les

17 personnes qui travaillaient à Mostar venaient également me voir sur place

18 et nous discutions du fonctionnement des tribunaux. Il a été extrêmement

19 difficile de mettre en place ces institutions judiciaires parce qu'après

20 tout, jusqu'à la fin de 1992, nous n'avons même pas réussi à faire

21 fonctionner des tribunaux militaires.

22 Je crois que ce n'est qu'à Mostar qu'il y avait un tribunal

23 militaire qui fonctionnait. A Orasje, il n'y avait rien. Ce n'est qu'en

24 mars 1993 qu'un tribunal militaire a commencé à fonctionner à Orasje, même

25 si un décret avait été passé dès 1992.

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1 M. Harmon.(interprétation) - Les tribunaux militaires de

2 District de Travnik et de Vitez, quand ont-ils commencé à fonctionner ?

3 M. Tadic (interprétation). - Je crois qu'ils ont commencé à

4 fonctionner en 1993. Je ne peux pas être plus précis quant à la date ou au

5 mois précis. Mais vous avez les moyens de le vérifier, je suppose.

6 M. Harmon.(interprétation) - Pourrais-je avoir, s'il vous plaît,

7 la pièce de l'accusation 456/73 ? Et pourrait-on faire passer cette pièce

8 au témoin, s'il vous plaît ?

9 Monsieur Tadic, veuillez s'il vous plaît examiner ce document

10 qui est daté du 31 août 1993. En haut à gauche de ce document, vous

11 pourrez apercevoir que l'heure à laquelle ce document a été rédigé est

12 16 heures. Ce communiqué émane de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Il

13 émane plus précisément du commandement de la zone opérationnelle de Bosnie

14 centrale.

15 J'attire plus particulièrement votre attention sur un paragraphe

16 de ce document. Dans la version en anglais de ce document, il est fait

17 référence dans ce paragraphe au tribunal militaire de District de Travnik

18 qui était basé à Vitez. Il est établi que ce tribunal a prononcé un

19 certain nombre de sentences à l'encontre de certains individus. Vous voyez

20 la phrase à laquelle je fais référence ? Est-ce que vous vous y retrouvez

21 dans la version en BCS de ce document ?

22 M. Tadic (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon.(interprétation) - Ce document, qui je le répète est

24 un communiqué émanant du bureau d'information de la zone opérationnelle de

25 Bosnie centrale, ce document donc nous montre que le tribunal militaire de

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1 District de Travnik, basé à Vitez, fonctionnait au moins jusqu'au

2 31 août 1993 puisque, effectivement, nous voyons qu'il y a eu un acte

3 d'accusation qui a été délivré par ce tribunal. Nous voyons également que

4 ce Tribunal a prononcé un certain nombre de sentences à l'encontre

5 d'individus dont les noms sont cités d'ailleurs dans ce communiqué. Vous

6 êtes d'accord ?

7 M. Tadic (interprétation). - Mais je n'ai jamais nié ce que vous

8 affirmez. J'ai dit que le Tribunal avait commencé à fonctionner à partir

9 de 1993, pas 1992. Maintenant, quand exactement en 1993, je n'en sais

10 rien. Mais je ne vous contredis absolument pas.

11 M. Harmon.(interprétation) - Très bien. Pourriez-vous nous

12 apporter des compléments d'information quant au fonctionnement de ce

13 tribunal militaire de District en particulier, ce tribunal qui se trouvait

14 dans la municipalité de Vitez ? Vous pouvez nous apporter une information

15 complémentaire ?

16 M. Tadic (interprétation). - Je ne comprends, je ne comprend pas

17 votre question. Quel type d'information me demandez-vous ?

18 M. Harmon.(interprétation) - Eh bien, par exemple, pourriez-vous

19 nous donner le nom du Procureur de ce tribunal, pourriez-vous nous donner

20 le nom des Juges qui siégeaient à ce Tribunal ? Pourriez-vous nous

21 expliquer comment ce tribunal fonctionnait ? Pouvez-vous nous dire quoi

22 que ce soit sur le fonctionnement de cette institution ?

23 M. Tadic (interprétation). - Il me sera très difficile d'être

24 très précis dans ma réponse car hier, j'ai expliqué aux Juges qui se

25 trouvent ici que ma tâche consistait prioritairement en l'établissement de

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1 structures civiles en Posavina. Je connaissais des personnes qui se

2 trouvaient là-bas par leur nom puisque je travaillais avec elles.

3 Mais maintenant, pour le reste, je peux dire que je connaissais

4 des personnes travaillant au département de la Justice, dont j'étais le

5 chef adjoint et je sais également quels étaient les problèmes qui étaient

6 au centre de nos discussions au sein de ce département. Mais je ne me

7 rappelle pas aujourd'hui des personnes qui ont pris part à tout cela.

8 Je me souviens du nom de certaines personnes qui travaillaient

9 sur le terrain, par exemple Marinko Jurcevic. Mais que faisait-il

10 exactement à cette époque-là, je n'en sais rien. Aujourd'hui encore, cette

11 personne est un juge... ou pardon, ce doit être un juge de canton. Je

12 crois qu'il travaille en Bosnie centrale à l'heure actuelle.

13 Il y avait aussi d'autres personnes, des personnes que je

14 connaissais même avant la guerre et qui résidaient dans la région, qui

15 travaillaient pour des tribunaux. Maintenant, ces personnes occupaient-

16 elles les postes qui vous intéressent à ce moment-là ? Je ne le sais pas.

17 Mais vous pouvez le vérifier. Tout cela a été publié officiellement, donc

18 je ne crois pas que nous soyons en contradiction l'un avec l'autre.

19 M. Harmon.(interprétation) - Très bien, pourriez-vous nous dire

20 à quelle date la Bosnie-Herzégovine a été reconnue comme Etat souverain,

21 Monsieur Tadic ?

22 M. Tadic (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine a été

23 reconnue le 6 avril 1992.

24 M. Harmon (interprétation). - Qui présidait le Gouvernement de

25 cet Etat souverain en 1992 ?

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1 M. Tadic (interprétation). - C'est M. Jure Pelivan qui était le

2 Président.

3 M. Harmon (interprétation). - Alija Izetbegovic est-il devenu

4 chef de cet Etat, de la République de Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Tadic (interprétation). - Alija Izetbegovic était le

6 Président de la Présidence de la République de Bosnie-Herzégovine avant la

7 déclaration de l'indépendance, mais après également.

8 M. Harmon (interprétation). - Très bien, je ne veux pas trop

9 entrer dans le détail, mais la Republika Srpska qui avait à sa tête

10 M. Karadic a fait scission des autorités de Sarajevo, n'est-ce pas ?

11 M. Tadic (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Diriez-vous que l'entité connue

13 sous le nom de Republika Srpska était un état légitime ?

14 M. Tadic (interprétation). - Non, je n'ai jamais soutenu une

15 telle affirmation et nous n'avons jamais discuté de cette question, que ce

16 que soit au sein de cette Chambre de première instance ou ailleurs.

17 M. le Président. - Revenons sur l'interrogatoire principal

18 Monsieur Harmon, s'il vous plaît ?

19 M. Harmon (interprétation). - Très bien Monsieur le Président.

20 Monsieur Tadic, à quelle date l'Herceg-Bosna a-t-elle été créée ?

21 M. Tadic (interprétation). - Il faut absolument établir une

22 distinction entre deux éléments. Il y a, d'une part, la communauté croate

23 de Herceg-Bosna, communauté dont la création a précédé celle de l'Herceg-

24 Bosna. Je ne peux pas vous dire quelle a été la date précise de la

25 création de la communauté croate de Herceg-Bosna, je ne faisais pas partie

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1 des autorités compétentes.

2 Puis, d'autre part, en 1993, le 18 octobre si je ne m'abuse, la

3 République croate d'Herceg-Bosna a été créée.

4 M. Harmon (interprétation). - 18 octobre de quelle année ?

5 M. Tadic (interprétation). - 1993.

6 M. Harmon (interprétation). - La République croate de Herceg-

7 Bosna, ou la communauté croate de Herceg-Bosna ont-elles été reconnues par

8 la Communauté internationale comme étant des entités indépendantes ?

9 M. Tadic (interprétation). - Non, parce qu'elles n'ont pas

10 demandé à être reconnues.

11 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que l'on puisse faire

12 passer la pièce de l'accusation 38/22 à ce témoin.

13 Monsieur Tadic, vous avez une formation de juriste. Il me semble

14 qu'hier vous nous avez expliqué que vous aviez reçu votre diplôme de droit

15 en 1977. Vous avez été également le ministre de la Justice du gouvernement

16 de la Fédération.

17 En conséquence, pourriez-vous nous dire quel était le Tribunal

18 constitutionnel de Bosnie-Herzégovine en 1993 et quel était le rôle joué

19 par cette institution dans le cadre de la gestion des affaires de cet Etat

20 légitime.

21 M. Tadic (interprétation). - Le Tribunal constitutionnel de la

22 République de Bosnie-Herzégovine a été créé conformément à la constitution

23 de la République de Bosnie-Herzégovine. Ce Tribunal avait pour mission de

24 juger de la constitutionnalité et de la légalité des lois et des autres

25 textes juridiques qui étaient votés par les représentants de la République

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1 de Bosnie-Herzégovine.

2 M. Harmon (interprétation). - Le 18 septembre 1992, le Tribunal

3 constitutionnel de Bosnie-Herzégovine a rendu une décision par laquelle

4 elle annulait la décision relative à la création de la communauté croate

5 de Herceg-Bosna, décision prise le 18 novembre 1991, est-ce exact ?

6 M. Tadic (interprétation). - Je n'ai pas pris part à cette prise

7 de décision. Je n'ai même pas lu la décision qui a été rendue. Je n'ai

8 même pas vu ce texte.

9 Comprenez bien une chose, le Tribunal constitutionnel de la

10 République de Bosnie-Herzégovine, tout comme les autres institutions

11 juridiques en place à l'époque, ont été dissous en 1992. Les Croates et

12 les Serbes se sont retirés de ces différentes institutions qui ont cessé

13 de fonctionner.

14 M. Harmon (interprétation). - Je vous informe d'autres choses

15 puisque vous n'avez pas vu ce document, Monsieur Tadic. Je vous informe du

16 fait que la décision rendue par le Tribunal constitutionnel de

17 Bosnie-Herzégovine annulait également et en autre le décret portant sur la

18 création et le fonctionnement des autorités judiciaires en cas de guerre

19 ou en cas de menaces imminentes de guerre sur le territoire de la

20 Communauté croate d'Herceg-Bosna, décret adopté le 3 juillet par la

21 Présidence de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

22 Cette décision annulait également le décret portant sur les

23 forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna, décret adopté le

24 3 juillet 1992 par la Présidence de la communauté croate de Herceg-Bosna.

25 Monsieur Tadic, est-ce que vous affirmez que vous n'avez jamais

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1 entendu parler de cette décision ?

2 M. Tadic (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le

3 Juge, ceci entraîne un certain nombre d'autres questions. Je ne suis pas

4 venu ici pour donner un avis politique sur la communauté croate de Herceg-

5 Bosna. Sincèrement, je répète que je n'ai pas lu ces décisions qui ne

6 m'intéressaient pas.

7 Moi, mon champ de compétence était tout autre.

8 M. le Président. - C'est tout.

9 M. Tadic (interprétation). - J'ai déclaré que je ne les avais

10 jamais vus. J'en ai entendu parler, mais je ne les ai pas lus.

11 M. le Président. - Poursuivez Monsieur Harmon.

12 M. Harmon (interprétation). - En fait, Monsieur Tadic, sur la

13 base de la pièce à conviction 568 de l'accusation, nous constatons que

14 vous avez été nommé au poste d'adjoint du ministre de la Justice quelques

15 mois à peine après que le Tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine

16 ait annulé la législation qui traitait de l'organisation et du

17 fonctionnement des autorités judiciaires en Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

18 M. Tadic (interprétation). - Il est exact que j'ai été nommé le

19 6 janvier 1993.

20 M. Harmon (interprétation). - Par ailleurs, vous avez apporté

21 votre aide à la rédaction de la législation destinée à une organisation

22 dont l'existence n'était pas reconnue par l'Etat souverain de Bosnie-

23 Herzégovine ?

24 M. Tadic (interprétation). – Je ne sais pas quelle est la nature

25 de votre question. Est-ce que je suis en train d'être accusé parce que

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1 j'ai participé à ce travail ?

2 M. Harmon (interprétation). – Monsieur Tadic, vous n'êtes pas

3 jugé ici. Si vous avez compris ma question dans ce sens, je vous prie de

4 ne pas le faire. Ma question était tout à fait claire cependant. Après la

5 décision du Tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine qui a été

6 publiée le 18 septembre 1992, vous avez été nommé au poste d'adjoint du

7 ministre de la Justice et vous avez apporté votre aide à la rédaction de

8 lois destinées à une entité qui était connue sous le nom de République de

9 Herceg-Bosna. Est-ce exact ?

10 M. Tadic (interprétation). – Non, ce n'est pas exact parce qu'il

11 ne s'agissait pas de la République de Herceg-Bosna. Deuxièmement, ce

12 n'était pas un ministère de la Justice. C'était une forme d'organisation

13 qui se situait à un niveau inférieur. C'était ce que l'on appelait un

14 "Département". Il est exact que j'ai été nommé au poste auquel j'ai été

15 nommé le 6 janvier.

16 M. Harmon (interprétation). - Nous n'allons pas nous appesantir

17 sur ce point. Je crois que le compte rendu est clair.

18 J'aimerais maintenant que nous discutions de ce que vous avez

19 dit dans votre déposition hier, dans laquelle vous avez parlé longuement

20 de quelques-unes des lois relatives à la procédure pénale et au travail

21 mené à bien par les tribunaux militaires, les procureurs militaires ainsi

22 que d'autres lois qui portaient sur la réglementation de la police

23 militaire.

24 Monsieur Tadic, en bref, votre déposition a consisté à dire que

25 M. Blaskic n'avait aucune compétence lui permettant de lancer une enquête.

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1 Il n'avait aucune compétence lui permettant de diriger le travail de la

2 police civile ou militaire et il n'avait non plus aucune

3 compétence lui permettant de diriger le travail des tribunaux militaires

4 de District.

5 Dans le cadre de la législation dont vous avez parlé dans votre

6 déposition, voir quelles étaient les compétences qu'avait M. Blaskic.

7 J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce à conviction de la

8 défense 521.

9 Monsieur Tadic, j'aimerais d'abord attirer votre attention sur

10 le décret du Procureur militaire de District, article 6 émanant donc du

11 Bureau du Procureur militaire de district. En application de cet article

12 précis, le Bureau du Procureur militaire de District pouvait recevoir des

13 militaires, y compris des commandants militaires, ce que je lis dans ma

14 traduction, c'est-à-dire des plaintes criminelles ainsi que d'autres

15 requêtes portant sur des questions de sa compétence dans le but de prendre

16 les actions qu'il était autorisé à prendre.

17 Monsieur Tadic, pourriez-vous nous dire avec plus de précisions

18 quelles sont les charges criminelles que le Bureau du Procureur militaire

19 de District pouvait accepter de la part des commandants militaires ?

20 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président,

21 j'interviens sur un terme sur lequel nous avons tenté d'appeler votre

22 attention hier. "Krivicna Prijava" en BCS est traduit par "Criminal

23 charge" en anglais. Je dis que ce n'est pas une bonne traduction. Hier,

24 nous avons dit que le terme exact en anglais était "complaint" parce que

25 l'utilisation du terme "charge" en anglais laisse à penser qu'il s'agit du

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1 dépôt d'une accusation officielle alors que les citoyens ne peuvent que

2 déposer une plainte, porter plainte.

3 M. Harmon (interprétation). - Je lis une traduction qui m'a été

4 fournie par la défense. Donc, ma question, monsieur Tadic, et vous pourrez

5 peut-être nous aider rapidement, en nous expliquant quelle est la

6 signification de l'expression "Criminal charge" dans ce texte.

7 S'agit-il d'une accusation officielle soumise au commandant

8 militaire par le Procureur ou est-ce une plainte émanant du commandant

9 militaire et déposée auprès du Procureur militaire ?

10 M. Tadic (interprétation). - Je pensais avoir donné quelques

11 éclaircissements hier. Selon notre mode d'organisation et en application

12 de notre Code de procédure pénale, ce qu'on appelle en BCS "Krivicna

13 Prijava" n'est qu'un document de départ, document sur lequel s'appuie la

14 police ou le Procureur général. Ce n'est pas une mise en accusation

15 formelle, officielle.

16 M. Harmon (interprétation). - Très bien.

17 M. Tadic (interprétation). - Hier, j'ai dit à quel moment, dans

18 quelles conditions, le citoyen était habilité à effectuer une mise en

19 accusation devant le Tribunal.

20 M. Harmon (interprétation). - Outre ce dont nous venons de

21 discuter, le commandant d'une zone militaire peut également fournir au

22 Procureur militaire des déclarations qu'il a recueillis, des éléments de

23 preuve ou d'autres informations relatives à la commission d'un crime

24 particulier, n'est-ce pas ?

25 M. Tadic (interprétation). – Oui, il pouvait le faire. Il

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1 pouvait remettre ces éléments au procureur ou à la police militaire.

2 M. Harmon (interprétation). - Par la suite, le Procureur pouvait

3 lancer une accusation ou une enquête officielle.

4 M. Tadic (interprétation). - Tout à fait. Une mise en accusation

5 notamment.

6 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que l'on prenne

7 l'article 27, je parle du décret relatif aux tribunaux militaires. Est-ce

8 que vous avez cette disposition précise sous les yeux ?

9 M. Tadic (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé, dans votre

11 déposition hier, de cet article. Au nombre des obligations créées par cet

12 article 27 et imposées aux commandants des unités militaires, je cite une

13 partie du premier paragraphe : "recueillera toute information susceptible

14 d'être utile dans la conduite de poursuites pénales". Est-ce exact ?

15 M. Tadic (interprétation). – Oui, l'article 27 -paragraphe 1-

16 traite du fait que le commandant a pour devoir de prendre toutes les

17 mesures nécessaires pour que l'auteur d'un acte criminel soit arrêté,

18 c'est-à-dire qu'il ne puisse ni se cacher ni s'enfuir et toutes les

19 mesures destinées à permettre la préservation des éléments de preuve. Il

20 s'agit donc de l'auteur d'un acte criminel qui est un individu déterminé.

21 M. Harmon (interprétation). - Cette disposition est

22 contraignante. Le commandant a l'obligation de remettre cette information

23 au Procureur.

24 L'utilisation du terme "shall" en anglais impose l'obligation au

25 commandant militaire de remettre toute information relative à un crime au

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1 Procureur, de façon que ce dernier puisse mettre en oeuvre les procédures

2 qui sont imposées par la loi.

3 M. Tadic (interprétation). - Il y a devoir effectivement, donc

4 obligation, pour le commandant de donner des éléments à la police

5 militaire ou au Procureur. Si vous lisez le reste de l'article, vous

6 verrez également quelles en sont les autres dispositions.

7 M. Harmon (interprétation). - Nous en arriverons à ces autres

8 dispositions dans un instant, monsieur Tadic. Vous êtes donc d'accord

9 quant au fait qu'il s'agit d'une disposition contraignante. Cette

10 disposition contraignante exige que le commandant recueille et remette les

11 éléments de preuve, mais pas seulement cela. Il doit aussi remettre toute

12 information disponible au sujet du crime.

13 M. Tadic (interprétation). – Oui, quand l'auteur du crime est

14 connu.

15 M. Harmon (interprétation). – Venons-en à un point particulier.

16 Hier, quand on vous a demandé votre acquiescement quant à la signification

17 de cette disposition particulière, Me Nobilo vous a demandé si cela

18 signifie que l'auteur de l'acte doit être connu. Vous avez répondu oui.

19 Vous avez donné l'exemple d'une personne qui avait commis un homicide, qui

20 était connue et qui a été arrêtée. Vous avez dit que, dans de telles

21 circonstances, le commandant avait pour obligation de remettre toutes les

22 informations en question au Procureur

23 militaire.

24 J'aimerais maintenant vous poser une question ?

25 M. Tadic (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - Partons de l'hypothèse qu'un crime

2 particulièrement grave a été commis et que le commandant en est informé.

3 L'auteur n'est pas connu immédiatement.

4 (Signe affirmatif du témoin.)

5 Quelles sont les autres obligations qui incombent au commandant,

6 eu égard à la remise au Procureur d'informations susceptibles d'aider le

7 Procureur à mettre en oeuvre les procédures criminelles nécessaires ?

8 M. Tadic (interprétation). - La disposition dont nous sommes en

9 train de parler ne traite pas du cas que vous venez d'indiquer. Elle ne

10 dit pas que le commandant va remettre au Procureur telle ou telle

11 information lorsqu'il s'agit d'une personne inconnue, dont l'identité

12 n'est pas connue.

13 Mais le commandant demande aux services compétents d'enquêter

14 sur le problème de réunir des éléments de preuve, d'identifier l'auteur de

15 l'acte, de façon à ce que ces éléments puissent être fournis au Procureur

16 pour travail ultérieur.

17 M. Harmon (interprétation). - Vous admettez donc que la loi

18 exige, en vertu de l'article 27, qu'un commandant, s'il possède des

19 informations au sujet de la commission d'un crime, remette ces éléments

20 d'information même s'il ne connaît pas l'identité de l'auteur du crime en

21 question.

22 M. Tadic (interprétation). - Oui. Mais dans un cas de ce genre,

23 il n'a pas obligation de remettre ces éléments au Procureur général, mais

24 aux services chargés de la sécurité ou plus précisément, aux services

25 chargés des enquêtes criminelles qui font le travail qui s'impose.

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1 M. Harmon (interprétation). - Hier, vous avez dit que la police

2 militaire pouvait mener des enquêtes, mais que le Procureur militaire

3 pouvait le faire également. Le Procureur militaire peut donc lancer une

4 enquête, n'est-ce pas ?

5 M. Tadic (interprétation). - Je ne sais pas ce que vous entendez

6 par le terme "enquête". Si vous parlez d'un acte formel, officiel, seul le

7 Tribunal peut accomplir un tel acte. Mais dans des circonstances bien

8 précises, la loi autorise le Tribunal d'accepter que certaines tâches

9 d'enquête soient réalisées par les services chargés des enquêtes

10 criminelles. Dans le cas concret, il s'agit de la police militaire.

11 Chez nous, ni le Procureur général, ni quelque autre individu

12 n'est responsable de l'enquête. Chez nous, c'est le Tribunal qui mène

13 l'enquête. Tout ce dont nous parlons sont ce que nous appelons des

14 activités préalables.

15 M. Harmon (interprétation). - Donc en vertu de l'obligation qui

16 incombait au commandant à cette époque-là, en 1993, si le commandant était

17 au courant de la commission d'un crime, dans le cadre des lois existantes,

18 il avait pour obligation de remettre les informations concernant ce crime

19 aux autorités de la police militaire. Est-ce exact ?

20 M. Tadic (interprétation). – Oui, à la police militaire, au

21 service des enquêtes criminelles de la police militaire.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit dans votre

23 déposition qu'il n'avait absolument aucune obligation de remettre ces

24 informations au Procureur militaire ?

25 M. Tadic (interprétation). - Il pouvait remettre ces éléments au

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1 Procureur militaire, mais il n'avait pas l'obligation de le faire.

2 M. Harmon (interprétation). - Dans votre déposition hier, vous

3 avez également parlé d'une loi relative à la procédure pénale en vigueur

4 dans l'ex-Yougoslavie, vous avez parlé de l'article 73 relatif à la police

5 militaire. Vous avez dit dans votre déposition que, pour l'essentiel, tous

6 les citoyens dans l'ex-Yougoslavie avaient pour devoir d'aider la police.

7 Et cette obligation était également imposée aux entreprises. Les

8 entreprises avaient aussi pour obligation d'aider la police et les

9 tribunaux, n'est-ce pas ?

10 M. Tadic (interprétation). - Cette disposition traite avant tout

11 de l'aide à apporter à un certain nombre d'organes de ce que nous

12 appelions la police criminelle, pour des actes qui étaient répréhensibles,

13 ex officio, c'est-à-dire des actes commis par des personnes dans

14 l'exercice de leur fonction. Les citoyens n'avaient pas pour devoir de

15 rendre compte de n'importe quel acte. C'est exactement ce que stipulait la

16 loi.

17 La loi indique bien dans quels cas il y avait obligation pour le

18 citoyen et dans quel cas il n'y avait pas obligation.

19 M. Harmon (interprétation). - Mais est-ce que le citoyen avait

20 pour devoir d'aider les autorités chargées de l'enquête dans l'ex-

21 Yougoslavie ?

22 M. Tadic (interprétation). - Le Procureur public, le Procureur

23 général, pouvait demander certaines données. Il pouvait avoir demandé à la

24 police ces données, il pouvait les avoir demandées à des institutions

25 publiques, à des entreprises et uniquement, exceptionnellement, à des

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1 citoyens. Mais ces éléments n'avaient pas valeur de preuve devant le

2 Tribunal.

3 Si le Procureur général appelle un citoyen et que j'ai fait une

4 déclaration à ce citoyen, celle-ci ne peut pas être utilisée devant les

5 tribunaux. J'ai été Procureur général pendant des années et je n'ai jamais

6 recouru à ce genre de méthode.

7 M. Harmon (interprétation). - Nous parlons toujours de

8 l'article 27 et je parle maintenant du deuxième paragraphe qui indique,

9 selon la traduction que j'ai sous les yeux, je cite : "Le commandant d'une

10 unité ou entreprise informe immédiatement le Procureur militaire de

11 district, ou son officier commandant directement supérieur dans la

12 hiérarchie, des données dont il est question au paragraphe 1 du présent

13 article". Ceci est également contraignant, n'est-ce pas ?

14 M. Tadic (interprétation). - Ce paragraphe se situe dans le

15 contexte établi par le paragraphe 1 dont nous venons de parler.

16 M. Harmon (interprétation). - La raison pour laquelle à

17 l'évidence il est important d'informer immédiatement le Procureur

18 militaire de district, c'est que cela permet au Procureur militaire de

19 district de prendre les mesures qui s'imposent dans les délais qui

20 s'imposent ?

21 M. Tadic (interprétation). - Voyez-vous, encore une fois ce

22 qu'il est important de savoir ici, c'est que le Procureur général ne peut

23 pas lancer une enquête officielle. Il peut demander au Tribunal d'envoyer

24 des représentants sur place pour réaliser ce que l'on appelle une

25 inspection parce le Procureur général, chez nous, n'est pas habilité à

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1 réaliser une inspection. Il peut être présent simplement. Mais il est

2 habilité à prendre d'autres mesures, comme par exemple demander au service

3 d'investigation de la police militaire de rechercher le fusil, le revolver

4 ou d'autres éléments qui ont été utilisés dans la commission de cet acte

5 criminel.

6 M. Harmon (interprétation). - Il peut demander aux autorités

7 compétentes de réaliser une enquête complète et approfondie au sujet de la

8 commission du crime ?

9 M. Tadic (interprétation). - Pas une enquête, il peut demander

10 que soient recueillis les éléments qui lui permettront, qui l'aideront lui

11 à déterminer s'il va lancer une enquête devant le Tribunal, car seul le

12 Tribunal est habilité à lancer une enquête.

13 M. Harmon (interprétation). - Passons maintenant si vous le

14 voulez bien au quatrième paragraphe de cet article 27 qui traite : "Un

15 commandant militaire détenant le poste de commandant de compagnie, ou un

16 autre poste équivalent ou supérieur, ou d'un responsable habilité du

17 département de l'intérieur et du département de la sécurité ou de la

18 police militaire qui peut arrêter un membre de l'armée, un militaire, dans

19 les situations permettant une détention en vertu du Code de Procédure

20 pénal". Hier, vous nous avez dit que ce Code de Procédure pénal de l'ex-

21 Yougoslavie avait été adopté par l'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

22 M. Tadic (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que nous prenions

24 maintenant l'article 191 du Code de Procédure pénal de l'ex-Yougoslavie.

25 M. Tadic (interprétation). - C'est un article qui traite des

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1 conditions de privation de liberté, d'emprisonnement. Il y a plusieurs

2 paragraphes, 1, 2, 3, 4 qui étaient utilisés pour appliquer les mesures de

3 détention dans des circonstances ou plutôt des situations diverses.

4 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur Tadic, si un crime faisait

5 encourir à son auteur la peine de mort, il était prévu par la loi que

6 cette personne soit emprisonnée si des suspicions raisonnables existaient

7 que c'était bien l'auteur de ce crime, n'est-ce pas ?

8 M. Tadic (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon.(interprétation) - Si l'on explore de façon plus

10 approfondie les dispositions statutaires prévues dans le Code de procédure

11 pénale de l'ex-Yougoslavie, les crimes qui permettaient la peine de mort

12 incluaient les crimes de génocide, crimes de guerre, crimes commis contre

13 la population civile, contre les blessés et les malades, contre les

14 prisonniers de guerre, le meurtre d'un ennemi qui s'était rendu après

15 avoir rendu ses armes, n'est-ce pas ?

16 M. Tadic (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon.(interprétation) - Donc, en application de

18 l'article 27 du document dont nous sommes en train de parler, un

19 commandant pouvait arrêter un individu et avait même obligation d'arrêter

20 un individu s'il existait des suspicions fondées que cet individu avait

21 commis un crime tel que crime de guerre, crime contre la population

22 civile, contre des blessés ou des malades, contre des prisonniers de

23 guerre ou meurtre d'un ennemi qui avait rendu ses armes et s'était ensuite

24 rendu lui-même. Est-ce exact ?

25 M. Tadic (interprétation). - Oui, si la personne est connue,

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1 mais rien d'autre n'est permis à l'encontre de cette personne car cette

2 personne doit être remise entre les mains des

3 autorités compétentes.

4 M. Harmon.(interprétation) - Je vais essayer d'être un peu plus

5 précis encore, un peu plus concret, Monsieur Tadic. Le colonel Blaskic

6 avait obligation d'arrêter une personne s'il existait des suspicions

7 fondées que cette personne avait commis l'un des crimes que je viens

8 d'énumérer en application de cette disposition, n'est-ce pas ?

9 M. Tadic (interprétation). - Il pouvait mettre cette personne en

10 arrestation, en prison, mais les services chargés des enquêtes auprès de

11 la police pouvaient le faire également, car dans un cas de ce genre la

12 police militaire et lui pouvaient le faire également.

13 M. Harmon.(interprétation) - Oui, mais je ne vous interrogeais

14 pas au sujet de la police militaire, je vous interrogeais au sujet du

15 colonel Blaskic.

16 M. Tadic (interprétation). - Il pouvait le faire.

17 M. le Président. - Il est presque 17 heures 15. Je voudrais

18 quand même ménager une petite pause pour les interprètes de dix minutes.

19 Nous pourrions reprendre dans dix minutes.

20 La question est de savoir si nous reprenons avec le témoin,

21 quitte à faire revenir demain matin le professeur Jankovic. Qu'est-ce que

22 vous en pensez ? Ce sont les témoins de la défense, quel est votre avis ?

23 M. Nobilo (interprétation). - Nous proposons que l'on termine

24 l'audition de ce témoin. Le professeur pourra revenir demain.

25 M. Tadic (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le

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1 Juge, véritablement je devais être à Sarajevo aujourd'hui. J'ai remis ce

2 rendez-vous à demain, mon vol est à 11 heures 15 et je dois partir. Nous

3 pouvons travailler ce soir jusqu'à 10 heures ou quelque heure que vous

4 souhaitez.

5 M. le Président. - Très bien, votre disponibilité à l'égard de

6 la justice, j'y rends hommage, mais la justice a un rythme, voyez-vous,

7 Monsieur Tadic. Nous allons essayer.

8 Alors, si vous le voulez bien, le professeur Jankovic reviendra

9 demain. Nous allons prendre une petite pause de dix minutes et nous

10 reprendrons ensuite. Nous verrons ce que nous pouvons faire.

11 M. Tadic (interprétation). - Merci.

12 L'audience, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 30.

13 M. le Président. - Nous reprenons, vous introduisez l'accusé.

14 Monsieur le Procureur, continuez.

15 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

16 M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le

17 Président.

18 Monsieur Tadic, hier, vous avez parlé du document 522, de la

19 réglementation pour la police militaire. Il s'agit là d'une pièce datant

20 d'avril 1994, Mostar. Existaient-ils des réglementations pour la police

21 militaire en 1992 ?

22 M. Tadic (interprétation). - En 1992, je ne suis pas sûr.

23 M. Harmon (interprétation). - Qu'en était-il en 1993 ?

24 M. Tadic (interprétation). - En 1993, oui, il y en avait.

25 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous fait des comparaisons

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1 entre les réglementations de 1993 et les réglementations du document D 522

2 d'avril 1994, et si c'est le cas, pouvez-vous nous parler des différences

3 existant entre ces deux versions ?

4 M. Tadic (interprétation). - Je n'ai jamais comparé ces deux

5 réglementations.

6 M. Harmon (interprétation). - Je vais maintenant changer de

7 sujet. Permettez-moi d'attirer votre attention sur certaines réponses que

8 vous avez données hier lors de votre déposition. Je fais d'abord référence

9 à la page 23 du compte rendu en commençant par la ligne 2.

10 M. Nobilo avait posé la question suivante, je cite :

11 "Monsieur Tadic, pouvez-vous dire au Tribunal qui pouvait donner des

12 ordres à la police militaire ou civile afin d'entreprendre des actions

13 visant à une procédure préliminaire au jugement. Qui peut donner des

14 instructions à la police d'après la loi ?" Votre réponse était la

15 suivante, je cite : "Tout d'abord, il faut prendre comme point de départ

16 que la police connaît sa propre hiérarchie et ces propres chefs. Il existe

17 donc certaines lignes directrices indiquées par ces chefs". Dans votre

18 réponse, il est dit également que dans le Code de Procédure pénal il est

19 dit que le Procureur a le devoir de procéder ainsi s'il demande à la

20 police de procéder à un rapport et s'il étudie ce rapport, il peut ensuite

21 examiner certains éléments, etc.

22 Vous parlez ensuite de la police, du Procureur. Vous concluez

23 qu'il existe trois entités chargées de l'enquête : les Juges

24 d'instruction, le Procureur et les officiers de la police,q ui peuvent

25 donc diriger les enquêtes.

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1 Ensuite, à la page 25, on vous pose la question suivante : "Le

2 commandant de la zone opérationnelle, le colonel Blaskic, pouvait-il

3 demander à la police de prendre des empreintes, de mener des

4 interrogatoires ou toutes autres choses faisant partie d'une procédure

5 avant procès, quelques autres éléments de cette même nature".

6 A la ligne 19 et 20 de votre réponse, vous dites :

7 "Monsieur Blaskic n'avait pas cette compétence".

8 Enfin, je voudrais revenir à la question réponse que l'on trouve

9 page 43, ligne 12. Mon collègue vous a posé la question suivante :

10 "D'après le Code de procédure pénale, est-ce que le commandant de la zone

11 opérationnelle a-t-il la possibilité de commander à la police militaire

12 des mesures en termes d'enquêtes ou pré-enquêtes ? Et quelles mesures

13 doivent être celles-ci ?" Votre réponse a été : "Non, il n'avait pas cette

14 compétence".

15 Lorsque vous avez donné ces réponses, M. Tadic, vous parliez des

16 statuts et des règlements que vous avez décrits.

17 M. Tadic (interprétation). - Oui, j'avais à l'esprit la loi du

18 Code de procédure pénale et les réglementations qui doivent correspondre à

19 cette loi et être en conformité avec cette loi.

20 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez des pouvoirs

21 qui auraient pu... Est-ce que le colonel M. Blaskic avait le pouvoir de

22 facto qui étaient inscrits dans ces différents décrets et lois et

23 réglementations ?

24 M. Tadic (interprétation). - Je ne sais pas.

25 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'on pourrait avoir le

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1 document 456/74 jusqu'à 77, s'il vous plaît ?

2 Monsieur l'Huissier, si nous pouvons commencer par le document

3 456/75, si vous plaît ? Si vous voulez bien le passer au témoin.

4 Monsieur Tadic, nous avons là le document 456/75, il s'agit d'un

5 ordre donné par le colonel M. Blaskic le 4 septembre 1992. Est-ce que cela

6 est correct ?

7 M. Tadic (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). – Ce document, comme vous pouvez le

9 voir en haut à droite, est un ordre à l'intention du commandant de la

10 police militaire régionale, issu par le colonel Blaskic, est-ce exact ?

11 M. Tadic (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). – Pouvons-nous examiner les

13 dispositions de cet ordre parce que je voudrais vous poser des questions à

14 cet égard ?

15 Monsieur Tadic, il s'agit là d'un ordre du colonel Blaskic,

16 commandant de la police militaire régionale, ordonnant à la police

17 militaire d'organiser des patrouilles et d'arrêter un individu du nom de

18 Mladen Kosic et de l'emmener en prison. Est-ce correct ?

19 M. Tadic (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Dans la deuxième disposition, le

21 colonel Blaskic

22 ordonne à la police militaire une série de mesures. Tout d'abord, il

23 ordonne de préparer les documents nécessaires pour cet individu sus-cité,

24 ainsi que d'autres mesures. Il demande donc de préparer les documents et

25 les moyens de preuve. Est-ce correct ?

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1 M. Tadic (interprétation). - C'est ce qu'il est dit ici.

2 M. Harmon (interprétation). - Il identifie une accusation bien

3 précise. Il s'agit de vandalisme des bâtiments et de la police de

4 Kiseljak, de pénétrer illégalement les casernes du HVO à Kiseljak et

5 d'insulter le personnel lorsqu'il était en fonction.

6 Ma première question, monsieur Tadic, est-ce qu'il s'agit là de

7 plaintes criminelles ?

8 M. Tadic (interprétation). – Premièrement, il ne s'agit pas là

9 de plaines ou d'accusations criminelles parce que cela a une autre

10 définition. Il s'agit là d'ordres spécifiques donnés à la police

11 militaire. L'on peut discuter pour savoir si, conformément à la loi, tel

12 qu'il est dit dans ce document -et c'est la première fois que je le vois-

13 si cela aurait pu être effectivement donné par le colonel Blaskic.

14 M. Harmon (interprétation). - Au lieu d'utiliser le terme

15 "Criminals charges" en anglais, je vais utiliser un autre terme "Criminals

16 offences", "infractions criminelles". Est-ce qu'il s'agit là d'infractions

17 ciminelles, vandalisme, entrée illégale de bâtiments protégés et insultes

18 ? Est-ce qu'il s'agit là d'infractions pénales, soit dans l'ancienne

19 Yougoslavie ou en Herceg-Bosnie qui avait adopté les règles de l'ancienne

20 Yougoslavie ?

21 M. Tadic (interprétation). – J'ai mieux compris votre question

22 cette fois-ci. Vous souhaitez faire la différence entre une infraction et

23 un acte criminel.

24 M. Harmon (interprétation). - Une infraction et un acte criminel

25 menant à une accusation.

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1 M. Tadic (interprétation). - Oui, une infraction est une forme

2 atténuée d'un manque de respect pour les réglementations. Pour simplifier

3 les choses, je dirai la chose

4 suivante. Tel que l'on m'a apprend à agir, un acte criminel est un acte

5 plus sérieux qui peut entraîner une accusation devant un Tribunal,

6 accusation qui est émise par le Procureur public. Toute autre chose est en

7 fait un rapport, une plainte, ce qui est peut-être plus difficile à

8 traduire, mais c'est le matériel qui peut permettre à une accusation

9 d'être lancée ou à une enquête également d'être lancée.

10 M. Harmon (interprétation). – Monsieur Tadic, étant donné la

11 réponse que vous avez donnée hier, il incombait au colonel Blaskic, il

12 entrait dans ses compétences, d'ordonner à la police militaire certaines

13 mesures concernant l'enquête ou les mesures préenquêtes qu'il pouvait

14 prendre. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était l'autorité légale

15 du colonel Blaskic lui permettant de donner cet ordre ?

16 M. Tadic (interprétation). - Eh bien, la loi sur la procédure

17 pénale ne l'autorisait pas à prendre ce genre d'ordre. Nous avons parlé de

18 l'article 27, il y a un certain temps, concernant les réglementations

19 applicables aux cours militaires et s'il s'agit là d'une exception.

20 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous dire donc que

21 c'est une autorité ou une compétence que le colonel Blaskic s'est arrogée

22 de lui-même et qu'il a été plus loin que les compétences qui étaient les

23 siennes.

24 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je

25 m'excuse, mais mon collègue a interrompu notre témoin lors de sa

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1 déposition. Il voulait expliquer totalement quelles étaient les mesures

2 disciplinaires et autres. Donc nous voudrions qu'il laisse le témoin

3 s'exprimer totalement.

4 M. le Président. - Vous n'avez pas pu vous exprimer totalement,

5 Monsieur Tadic ? J'avais l'impression que vous vous étiez exprimé

6 totalement. Vous vouliez apporter un complément à votre réponse ?

7 M. Tadic (interprétation). - Je n'ai pas terminé de mentionner

8 une section. Il s'agit là des compétences du commandant, compétences

9 disciplinaires, c'est-à-dire les compétences qu'il avait à prendre des

10 mesures disciplinaires à l'égard de certains individus et de déterminer

11 également certaines mesures ou des sentences d'emprisonnement. Par

12 exemple, il pouvait donner un ordre d'emprisonnement d'un maximum de

13 soixante jours.

14 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur Tadic, nous allons revenir

15 à ces règles un peu plus tard, ces règles de discipline militaire. Je vous

16 demanderai donc de ne pas faire de commentaires sur ces règles de

17 discipline militaire, à moins que cela ne soit nécessaire pour préciser

18 votre réponse.

19 Ma question était la suivante : sur quoi se basait le colonel

20 Blaskic pour donner cet ordre à la police militaire en disant donc quelles

21 mesures étaient à prendre pour rassembler des preuves et sur quelles

22 infractions ils étaient censés enquêter ?

23 M. Tadic (interprétation). - Je ne vois pas de base juridique

24 ici sur laquelle il aurait pu se baser. Cela n'existe pas dans cette loi.

25 M. le Président. - Le pouvoir militaire, de discipline

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1 militaire, ce que l'on appelle la discipline militaire, des 60 jours

2 d'arrêt, tantôt vous dites qu'il n'y a pas de base juridique. Vous pouvez

3 bien spécifier votre pensée, s'il vous plaît. Vous avez affaire à des

4 juristes, donc ne rentrons pas dans des considérations trop complexes.

5 Il y a une question qui est très simple : sur quelle base

6 juridique le colonel Blaskic prend-il cela ? C'est une exception ou ce

7 n'en n'est pas une ? La question est très simple. Vous pouvez essayer d'y

8 répondre ?

9 M. Tadic (interprétation). - Il s'agissait là d'une exception.

10 D'après le Code de procédure pénal, il n'aurait pas pu émettre cet ordre,

11 sauf en se fondant sur les règles régissant les mesures disciplinaires, ce

12 qui est de sa compétence.

13 M. Harmon.(interprétation) - Permettez-moi maintenant de vous

14 montrer la pièce suivante, le document 456/76. Vous pouvez voir sur ce

15 document, Monsieur Tadic, la date : le 4 février 1993 ; son numéro de

16 référence : 01-2-05.

17 Et si vous prenez la deuxième page, excusez-moi, la première

18 page de la version BCS, il s'agit encore une fois d'un document émis par

19 le colonel Blaskic. Je voudrais faire référence au

20 paragraphe 6 et attirer votre attention sur ce paragraphe.

21 M. le Président. - Votre question, Monsieur Harmon ?

22 M. Harmon.(interprétation) - C'est un petit peu difficile à

23 lire, je pense que maintenant vous avez eu la possibilité de le lire. Il

24 s'agit là d'un ordre de M. Blaskic, comme vous pouvez le voir. Cela est

25 adressé à l'officier responsable de la brigade de Zenica, police

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1 militaire. Et l'ordre est le suivant : il s'agit de faire arrêter un

2 soldat qui a vendu un fusil à des membres musulmans de la police

3 militaire, arrestation immédiate.

4 Je voudrais savoir sur quoi se basait le colonel Blaskic pour

5 ordonner cette arrestation immédiate à la police militaire ?

6 M. Tadic (interprétation). - Il s'agit là de réglementations

7 régissant les mesures disciplinaires dans le cadre des unités militaires.

8 M. Harmon.(interprétation) - Vous faites là référence à une

9 série de règles dont vous n'avez pas parlé hier. Il s'agit des

10 réglementations régissant la discipline militaire.

11 M. Tadic (interprétation). - Oui, il existe dans ce cadre des

12 règles.

13 M. Harmon.(interprétation) - J'attire votre attention maintenant

14 sur le document 456/74. Il s'agit là d'un document plus court. Monsieur

15 Tadic, veuillez prendre une minute pour le lire. Avez-vous eu le temps de

16 le lire, Monsieur Tadic ?

17 M. Tadic (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon.(interprétation) - Ce document émis par le colonel

19 Blaskic est daté du 24 octobre 1992. Dans ce document, l'on voit que

20 "Mensur Alic, commandant de la JNA, se trouve à Trogir s'il prend le

21 chemin de Travnik, arrêtez-le, et s'il résiste, exécutez-le".

22 J'ai deux questions pour vous. Conformément à la loi du

23 24 octobre, avait-il l'autorité d'ordonner l'arrestation de cette

24 personne ? Il ne s'agit pas là d'un membre du HVO, mais d'un membre d'une

25 autre organisation, la JNA.

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1 M. Nobilo (interprétation). - La question contient une réponse

2 que l'on ne trouve

3 pas dans ce document. C'est-à-dire que ce document a été émis par le

4 colonel Blaskic. Cela n'a jamais été prouvé, il n'est pas signé. Il n'est

5 pas authentifié et personne n'a reconnu ce document.

6 M. Harmon (interprétation). - Il s'agit du document 456/74. Si

7 M. Nobilo veut critiquer ce document, il pourra le faire ultérieurement.

8 Mais je n'ai pas beaucoup de temps devant moi et je refuse de me faire

9 interrompre sans cesse avec des objections qui sont évidentes.

10 M. le Président. – Maître Nobilo, vous savez ce que je vous ai

11 dit tout à l'heure. Les interruptions sont toujours mal vécues par ceux

12 qui sont interrompus et bien vécues par ceux qui interrompent. Je suis là

13 pour maintenir un peu d'ordre.

14 Maître Harmon, continuez.

15 M. Harmon (interprétation). - Quelle était l'autorité légale

16 permettant à M. Blaskic d'émettre cet ordre le 24 octobre 1992 ?

17 M. Tadic (interprétation). - Si c'est effectivement M. Blaskic

18 qui a émis cet ordre, il a outrepassé ses compétences. Il n'avait pas

19 autorisation pour le faire, conformément à la loi.

20 M. Harmon (interprétation). – Ma deuxième question est la

21 suivante. Avait-il l'autorité légale d'ordonner l'exécution d'un

22 individu ?

23 M. Tadic (interprétation). – Non, il ne possédait pas les

24 compétences pour faire cela.

25 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi maintenant de passer

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1 au document 456/77. Avez-vous déjà vu ce document avant de venir déposer

2 aujourd'hui ?

3 M. Tadic (interprétation). – Non, je n'ai jamais vu aucun de ces

4 documents.

5 M. Harmon (interprétation). – Monsieur Tadic, vous pouvez voir

6 au coin gauche de ce document, qu'il s'agit d'un ordre daté du

7 11 octobre 1993. Vous pouvez voir, au bas de la page, l'auteur de cet

8 ordre, le colonel Blaskic. A droite de ce document, vous pouvez voir qu'il

9 a été émis à l'attention entre autres du 4ème Bataillon de police

10 militaire. Je voudrais attirer votre attention sur le premier paragraphe

11 qui dit la chose suivante :

12 "Prenez les mesures disciplinaires suivantes contre tout soldat

13 et leur commandant qui désertent les lignes de défense.

14 1) Exécution de l'unité/du soldat."

15 Ma première question est la suivante. Quelle était l'autorité

16 légale du colonel Blaskic lui permettant d'émettre cet ordre à l'attention

17 de la police militaire, exigeant l'exécution d'un soldat désertant les

18 lignes de défense ?

19 M. Tadic (interprétation). - Il ne possédait pas une telle

20 autorité.

21 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais passer au document

22 suivant, le document de la défense 368.

23 Aviez-vous vu déjà ce document de la défense avant de venir

24 déposer ?

25 M. Tadic (interprétation). - Non.

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1 M. Harmon (interprétation). – Prenez quelques instants pour le

2 lire. Je voudrais attirer votre attention sur les données du document qui

3 apparaissent en haut à gauche du document, la date 31 mai 1993, et

4 l'heure. Vous pouvez voir ensuite que cet ordre a été émis à l'intention

5 de l'officier commandant le 4ème Bataillon de la police militaire à Vitez

6 et de l'assistant de la SIS. Il s'agit là d'un ordre émis par le

7 colonel Blaskic. C'est évident.

8 Prenez rapidement le temps de lire ce document. Je voudrais vous

9 poser des questions ensuite.

10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Tadic, ma première

11 question est la suivante : il s'agit là d'un ordre -et c'est là ma

12 première observation- à l'intention de la police militaire pour mener une

13 enquête et prendre des mesures disciplinaires à l'intention d'un individu

14 qui est identifié au quatrième paragraphe. Quelle était l'autorité légale

15 du colonel Blaskic lui permettant d'ordonner à la police militaire de

16 prendre ces mesures contre

17 des membres de la police militaire ?

18 M. Tadic (interprétation). - Monsieur Blaskic aurait pu prendre

19 des mesures disciplinaires en tant que commandant et la police militaire

20 était supposée exécuter ces mesures en ce qui concerne leurs opérations,

21 leurs exécutions. C'est-à-dire qu'elle allait escorter l'individu en

22 question au Tribunal.

23 M. Harmon (interprétation). - Ma question est la suivante :

24 quelle était l'autorité légale du colonel Blaskic lui permettant

25 d'ordonner à la police militaire de prendre des mesures disciplinaires à

Page 16683

1 l'encontre de membres de la police militaire ?

2 M. Tadic (interprétation). - Cela aurait pu être vu dans le

3 contexte de l'ensemble des règles militaires disciplinaires.

4 M. Harmon (interprétation). - Vous dites donc, Monsieur Tadic,

5 que le colonel avait la possibilité d'ordonner des mesures disciplinaires

6 pour des membres de la police militaire ?

7 M. Tadic (interprétation). - Dans le cadre de mesures

8 disciplinaires, oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous poser une question

10 supplémentaire. Dans le cadre de votre déposition selon laquelle le

11 colonel Blaskic ne pouvait pas donner des ordres à la police militaire en

12 termes de sujet d'enquête, comment est-ce que vous pouvez rendre cette

13 nouvelle information compatible avec ce que vous avez dit ?

14 M. Tadic (interprétation). - Très facilement. Le colonel et tout

15 autre commandant possédaient certains pouvoirs fonctionnels, quotidiens,

16 en termes de police militaire. Le commandant de la police militaire

17 détenait d'autres pouvoirs et la police militaire avait une organisation

18 indépendante à l'intérieur du département de la Défense qui est devenu le

19 ministère de la Défense.

20 Ce que M. Blaskic a fait est une question différente. La

21 question de savoir s'il a respecté les règles ou pas, la question de

22 savoir s'il était obligé de faire certaines choses ou pas,

23 là je ne peux pas répondre à cette question.

24 M. Harmon (interprétation). - J'attire votre attention sur le

25 document de l'accusation 456/59.

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1 Pendant que l'huissier prépare ce document, Monsieur Tadic, je

2 vais revenir brièvement sur la pièce précédente.

3 Vous pouvez reposer ce document sur le rétroprojecteur.

4 Est-ce que vous affirmez, pour ce qui est de la pièce de la

5 défense 368, que le colonel Blaskic a outrepassé... Pardon, je vais

6 reformuler ma question. Est-ce que le colonel Blaskic, dans le cadre de ce

7 document, a outrepassé ses compétences ou est-ce qu'il a agi en conformité

8 avec les pouvoirs qui étaient les siens dans le cadre de cet ordre qui a

9 été émis à l'intention de l'officier commandant le 4ème bataillon de la

10 police militaire ?

11 M. Tadic (interprétation). - Oui, en partie.

12 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous élaborer un peu sur la

13 réponse que vous venez d'apporter ?

14 M. Tadic (interprétation). - Eh bien, il m'a semblé que j'ai

15 déjà expliqué quelle était la situation. Dans le règlement, il est stipulé

16 que le commandant jouit d'un certain nombre de pouvoirs qu'il peut exercer

17 dans le cadre d'opérations quotidiennes. Quant à la police militaire, elle

18 jouit d'autres pouvoirs.

19 Pourquoi ce type d'ordres a-t-il été émis à l'intention du

20 4ème bataillon de la police militaire par le colonel Blaskic, pourquoi

21 n'est-il pas passé par le biais du commandement de la police militaire, je

22 n'en sais rien. Seul le colonel Blaskic peut répondre à cette question.

23 M. Harmon (interprétation). – Est-ce que vous êtes en train de

24 dire qu'en délivrant cet ordre à l'intention du commandant du

25 4ème Bataillon de la police militaire, en lui demandant par le biais de cet

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1 ordre de prendre un certain nombre de sanctions militaires contre des

2 coupables, le colonel Blaskic outrepassait ses compétences ? Dans quelle

3 mesure pensez-vous que cet ordre signifie que le colonel Blaskic a

4 outrepassé ses compétences et dans quelle mesure pensez-vous que cet ordre

5 faisait partie des compétences attribuées au colonel Blaskic ?

6 M. Hayman (interprétation). - Cette question a été posée et a

7 reçu réponse, Monsieur le Président.

8 M. le Président. – Maître Harmon, cette question a effectivement

9 été posée. Mais je pensais que c'était parce que vous prépariez la

10 question suivante. Non ? C'est cela ?

11 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, si vous

12 êtes convaincu du fait que le témoin a apporté une réponse claire et

13 précise sur ce document, alors je n'ai plus de questions à poser.

14 Maître Hayman, s'il vous plaît, laissez-moi terminer.

15 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas ouvert la bouche. Je

16 me suis levé. Excusez-moi.

17 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, je ne sais

18 pas quelle a été la réponse apportée par ce témoin à la question posée.

19 Mais si vous êtes satisfait de la réponse, eh bien je vais passer à autre

20 chose.

21 M. le Président. - J'avais le sentiment que vous aviez posé la

22 question et que vous vouliez à nouveau lui faire répéter. C'était le

23 sentiment que j'avais. Sur ce point-là, j'étais un peu comme Me Hayman,

24 j'avais le sentiment que vous aviez posé la question. A partir de la

25 pièce 368, le témoin avait dit qu'il outrepassait ses droits.

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1 Mais je vois Me Hayman qui reste debout. Vous aviez encore une

2 objection à faire, maître Hayman ?

3 M. Hayman (interprétation). - Le témoin a déclaré que l'accusé

4 aurait dû passer par la chaîne de commandement de la police militaire. Il

5 a dit qu'il ne savait pas pourquoi l'accusé n'avait pas adopté cette

6 procédure. On lui a posé trois fois la même question. Le témoin a répondu

7 par trois fois. Je crois que nous répétons beaucoup de choses.

8 M. le Président. – Reconnaissez, maître Hayman, que j'avais

9 accepté votre objection. Donc ce n'est pas la peine, vous-même, de me

10 répéter pour la troisième fois votre objection.

11 Maître Harmon, vous continuez s'il vous plaît, encore quelques

12 minutes, mesdames, messieurs les interprètes.

13 Je voudrais que l'on passe à la pièce 456/59 qui intéresse les

14 Juges aussi.

15 M. Harmon (interprétation). – Oui, 59, Monsieur le Président,

16 459/59. Monsieur Tadic, pouvez-vous regarder ce document s'il vous plaît ?

17 L'avez-vous vu auparavant ?

18 M. Tadic (interprétation). – Non.

19 M. Harmon (interprétation). - Ce document est un ordre en date

20 du 10 mai 1993. Il a été émis à 17 heures 05. Malheureusement, nous

21 n'avons pas réussi à déchiffrer le nom du destinataire de cet ordre. Cet

22 ordre a trait aux événements qui se sont produits dans le village

23 d'Ahmici. Cet ordre émane du colonel Blaskic.

24 Prenez un instant pour lire ce document. Après quoi, je vous

25 poserai quelques questions.

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1 Monsieur Tadic, tout d'abord, j'attire votre attention sur le

2 deuxième paragraphe de cet ordre parce que je crois que nous pouvons

3 conclure, à la lecture de ce paragraphe, qui était le destinataire de cet

4 ordre. Parce qu'en effet, le nom du destinataire en haut du document a été

5 biffé, il n'était pas lisible. Mais c'est bien à cet endroit, normalement,

6 qu'apparaît le nom du destinataire d'un ordre, n'est-ce pas ?

7 M. Tadic (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Au paragraphe 2, on voit que le

9 colonel Blaskic demande à l'assistant du service de sécurité et

10 d'information… pardon, il désigne cette personne comme étant la personne

11 responsable pour la collecte d'informations relatives aux événements qui

12 se sont produits à Ahmici.

13 Ma question est la suivante : sur quelle base juridique, le

14 colonel Blaskic pouvait-il s'appuyer pour demander à l'assistant du

15 service de sécurité et d'information de prendre ces mesures ?

16 M. Tadic (interprétation). - Je crois que le colonel Blaskic

17 n'avait aucun droit de prendre cette décision et de procéder à cette

18 désignation.

19 M. Harmon (interprétation). - Lorsqu'un crime est commis et

20 lorsque le commandant de la zone opérationnelle est au courant du fait

21 qu'un crime a été commis, mais qu'il ne sait pas quels sont les auteurs de

22 cet acte, ai-je raison de dire, dans une telle situation, que c'est à

23 l'organe chargé de mener des enquêtes que ce type d'ordre aurait dû être

24 délivré ? Cet ordre aurait dû être délivré à la police militaire, n'est-ce

25 pas ?

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1 M. Tadic (interprétation). – Oui.

2 M. Harmon (interprétation). – Bien. Dans l'un quelconque des

3 documents que vous avez décrits à ce Tribunal, dans l'un quelconque des

4 textes de loi que vous avez décrits à ce Tribunal, y a-t-il une

5 disposition qui prévoit qu'un commandant militaire de zone opérationnelle

6 peut prendre ce type de mesure, mesure telle que celle que nous avons sous

7 les yeux ? A-t-il la compétence de prendre ce type de décision et de

8 demander à quelqu'un de mener une enquête ?

9 M. Tadic (interprétation). - Je ne crois pas. Il aurait dû

10 demander à ce qu'une enquête soit menée. Il aurait dû délivrer un ordre à

11 l'encontre de la police militaire et à l'encontre du service de sécurité.

12 Quant à la façon d'organiser de cela, tout dépendait de la façon

13 dont il choisissait de le faire.

14 M. Harmon (interprétation). – Venons-en maintenant à la

15 pièce 343.

16 Pendant que l'on prépare ce document, je vais vous poser une

17 question, monsieur Tadic. Lorsqu'un commandant de zone opérationnelle sait

18 qu'un crime a été commis, sait qu'un

19 crime grave a été commis sur le territoire de sa zone de responsabilité,

20 après avoir pris connaissance du fait qu'un crime a été commis, quel est

21 le délai qui lui a été accordé par la loi pour demander à ce qu'une

22 enquête soit menée sur ce crime par les membres de la police militaire ?

23 M. Tadic (interprétation). – Il faut qu'il agisse le plus

24 rapidement possible.

25 M. Harmon (interprétation). - Je vous demande de bien vouloir

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1 regarder la pièce de la défense 343. Vous vous apercevrez qu'il s'agit

2 également d'un ordre en date du 17 août 1993. Cet ordre émane du

3 colonel Blaskic et il est adressé à l'adjoint du SIS, M Anko Slikovic.

4 Cet ordre stipule qu'il est nécessaire de prendre des mesures

5 supplémentaires dans le cadre de l'enquête menée sur le massacre de civils

6 dans le village d'Ahmici. Vous verrez, à la lecture de cet ordre, que le

7 colonel Blaskic donne l'ordre que le SIS continue à rassembler des

8 informations sur la perpétration de ces crimes.

9 Monsieur Tadic, je suppose qu'il n'y a, dans ce document, rien

10 qui nous indique quel est le fondement juridique qui aurait permis au

11 colonel Blaskic d'ordonner au SIS de mener une enquête sur les crimes

12 commis à Ahmici.

13 M. Tadic (interprétation). - Le colonel Blaskic pouvait et

14 aurait dû demander à la police militaire de mener une enquête. Le SIS

15 faisait partie de la police militaire.

16 M. Harmon (interprétation). - Peut-être pourrez-vous m'aider sur

17 ce point-ci : le SIS était-il un organe de la police militaire ?

18 M. Tadic (interprétation). - Pendant un certain temps, cela a

19 été effectivement le cas. Comment la situation a-t-elle évolué, je n'en

20 sais rien, je ne faisais plus partie de cette structure.

21 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites que le SIS

22 était effectivement un organe de la police militaire, à quelle période de

23 temps faites-vous référence ?

24 M. Tadic (interprétation). - Cela a commencé à la fin de 1992 et

25 au début de 1993.

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1 M. Harmon (interprétation). - Le SIS était-il l'organe qui était

2 normalement chargé de mener des enquêtes sur des crimes tels que le

3 massacre de civils ?

4 M. Tadic (interprétation). - De par sa structure même, le SIS

5 était chargé de régler tous les problèmes de sécurité et de renseignements

6 entre autres. La police chargée des enquêtes criminelles était, elle,

7 chargée de mener les enquêtes précisément.

8 Ceci étant dit, c'est à une personne appartenant à ces services

9 que vous devriez poser vos questions.

10 M. Harmon (interprétation). – Je vais vous poser une dernière

11 question sur ce sujet. Est-ce qu'il y avait une disposition quelconque qui

12 aurait permis au colonel Blaskic de dire quel organe de la police

13 militaire devait être chargé de mener une enquête sur des infractions

14 pénales ?

15 M. Tadic (interprétation). - Il y avait des textes, des

16 règlements précisant que c'était la police chargée des enquêtes

17 criminelles qui devait être chargée de ces missions.

18 M. Harmon (interprétation). - Ce qui était un organe distinct du

19 SIS, n'est-ce pas ?

20 M. Tadic (interprétation). - Je viens de vous le dire. Pendant

21 toute une certaine période de temps, toutes ces entités n'en formaient

22 qu'une. Le règlement dont nous avons parlé ici date de 1994. Par la suite,

23 il a été très clairement indiqué que les services de recherche pénale

24 étaient un organe indépendant qui fonctionnait au sein de la police

25 militaire.

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1 M. le Président. - Il vous reste environ trente minutes.

2 Je pense que les interprètes ont fait une longue après-midi.

3 Demain, nous reprendrons. Monsieur Tadic, vous serez obligé de rester à

4 La Haye. Je suis désolé. Nous sommes tous au service de la justice. Au nom

5 de mon collègue et moi-même, je vous en remercie. Je ne peux pas demander

6 trente minutes. Ensuite, cela veut dire le droit de réplique, les

7 questions des Juges. Nous allons nous retrouver demain matin à 10 heures.

8 Monsieur Harmon, je vous demande de vous en tenir au temps qui vous reste

9 demain matin,

10 n'est-ce pas ?

11 M. Harmon (interprétation). – Merci, monsieur le Président.

12 M. Tadic (interprétation). - Cette solution ne me convient pas.

13 M. le Président. - Elle ne vous convient pas parce que vous

14 deviez repartir, je suppose.

15 M. Tadic (interprétation). – Oui, c'est le problème principal,

16 demain, à 11 heures 15, je dois être dans un avion. Je suis resté

17 aujourd'hui toute la journée parce qu'il fallait que je revienne devant

18 vous. J'ai passé également toute la journée d'hier devant vous.

19 M. le Président. – Si vous voulez, vous reviendrez une autre

20 fois. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Les Juges ne vont pas

21 s'accommoder de ne pas terminer l'interrogatoire, le contre-

22 interrogatoire. La justice ne peut pas s'accommoder de…

23 Elle peut essayer de se mettre à la place du témoin, et nous

24 allons essayé de le faire. Si vous ne pouvez pas être là demain, nous

25 remettrons à un autre jour. Que voulez-vous que je vous dise ? Mais vous

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1 reviendrez à ce moment-là. Donc c'est à vous de choisir.

2 Ecoutez, les Juges reprennent l'audience à 10 heures avec

3 M. Tadic. Si entre-temps M. Tadic ne peut pas, il le fera connaître au

4 Greffe et nous reconvoquerons M. Tadic en vertu de l'article 98, pour

5 continuer les trente minutes de contre-interrogatoire, le droit de

6 réplique de la défense et les questions des Juges. Ainsi va la justice,

7 Monsieur Tadic.

8 Ce n'est pas à un ancien ministre de la Justice que je pourrais

9 apprendre cela. Vous êtes d'accord ? La solution est entre vous. Les Juges

10 n'ont pas à discuter. Les Juges reprennent l'audience demain matin à

11 10 heures.

12 L'audience est levée à 18 heures 15.

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