Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 10 mars 1999

4 L'audience est ouverte à 13 heures 50.

5 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

6 pouvez-vous demander à notre témoin d'entrer dans le prétoire ?

7 (Le témoin est introduit dans le prétoire).

8 Je salue les interprètes, les sténotypistes, le conseil de

9 l'accusation, les conseils de la défense, les conseils de l'accusé qui est

10 notre témoin, qui continue à être notre témoin.

11 Avec M. Olivier Fourmy, nous avons essayé, hier, de bâtir un

12 nouveau programme qui tient compte d'un certain nombre de contingences que

13 nous avons les uns et les autres dans notre programme, pour essayer

14 d'achever notre procédure vers fin juin, peut-être le 23 juin qui était le

15 début du procès.

16 Nous vous communiquerons ces dates que nous avons essayé de

17 mettre au point hier soir.

18 Maître Nobilo ?

19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Eh

20 bien, hier, nous en étions arrivés à la fin de la narration chronologique

21 relative à la journée du 18 avril 1993. Nous avons discuté de deux

22 documents, deux ordres du général Blaskic concernant l'arrêt des combats,

23 le cessez-le-feu, ordres émanant également du général de brigade Petkovic.

24 Nous avons discuté de l'ordre 318, qui donnait les mêmes instructions à

25 toutes les unités relativement au cessez-le-feu sur les enquêtes, sur les

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1 crimes commis. J'aimerais que nous remettions au témoin la pièce à

2 conviction D307. Après quoi, nous aurons besoin des pièces à conviction

3 D309, puis D314 et D308.

4 (Les pièces sont remises au témoin.)

5 Nous avons donc sous les yeux le document D307, rapport de la

6 brigade de Vitez émis à 6 heures du matin à l'intention du commandement de

7 la zone opérationnelle.

8 Nous n'allons pas donner lecture de l'ensemble de ce texte qui

9 n'a guère d'intérêt dans notre procès, mais uniquement un paragraphe au

10 milieu de ce texte. Je cite : "Au cours de la nuit, la population du

11 village de Donja Vercerska a été évacuée dans la direction de Bila Han

12 Bila par la Forpronu."

13 Je vous demande d'abord si vous avez reçu ce rapport le

14 18 avril 1993 ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

16 M. Nobilo (interprétation). - Les informations contenues dans ce

17 rapport concordent-elles avec les informations que vous avez reçues

18 oralement par téléphone au cours de la journée, d'un certain nombre de

19 sources allant du service de renseignements militaires aux autorités

20 civiles ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

22 M. Nobilo (interprétation). - Passons au document suivant, le

23 document D309. Je demanderai que l'on prépare immédiatement les pièces à

24 conviction D314 et D308.

25 Ce document est un rapport de la brigade du HVO de Zenica qui

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1 stipule ce qui suit : "Ce matin, aux environs de 5 heures 30, une attaque

2 a été lancée en provenance de trois directions, nous sommes encerclés".

3 Pouvez-vous dire aux Juges quelle est la qualité de ce rapport, ce que ce

4 rapport vous permet d'apprendre, quelles conclusions vous pouvez tirer

5 d'un rapport de ce type ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Ceci est typiquement un rapport

7 qui ne permet pas au commandant de commander comme il le devrait. En

8 raison d'un tel rapport, j'ai réagi à plusieurs reprises, pour demander

9 que l'on me transmette des rapports complets, fidèles à la réalité et

10 transmis en temps opportun, bien entendu. Avec le rapport sous les yeux,

11 je ne pouvais pas être correctement informé et déterminer dans quelle

12 situation se trouvait le commandement de la brigade de Zenica par rapport

13 aux agresseurs. Je ne pouvais pas déterminer si cette brigade était

14 capable ou pas de se défendre. Je ne savais pas d'où venait exactement

15 l'attaque puisqu'il s'agissait de trois directions, je ne savais pas

16 quelles étaient les forces engagées dans cette attaque, la seule chose que

17 je pouvais constater, c'était que le commandement était encerclé. Les

18 informations reçues grâce à ce rapport sont très insuffisantes.

19 M. Nobilo (interprétation). – Etait-ce une exception pour vous

20 de recevoir des rapports de ce genre ou en avez-vous reçu un grand

21 nombre ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Ce rapport était très typique,

23 j'en ai reçu un grand nombre de ce type, à savoir des rapports

24 superficiels qui ne me mettaient pas en capacité de commander.

25 M. Nobilo (interprétation). – Sur la base de ce rapport, en tant

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1 qu'expert militaire, êtes-vous capable d'émettre un ordre quelconque ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Sur la base de ce rapport, à lui

3 seul, il m'est difficile d'émettre un ordre, car je ne sais pas quelle est

4 l'importance des forces qui a permis à l'agresseur de procéder à son

5 attaque. Dans ce texte, il n'est pas stipulé qui est l'agresseur. Je

6 pouvais supposer qu'il s'agissait de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je ne

7 savais pas, sur la base de ce texte, quelle était la situation exacte du

8 commandement ni quelle était l'importance des forces permettant de

9 défendre ce commandement.

10 M. Nobilo (interprétation). - Je demande que l'on remette au

11 témoin la pièce D 314.

12 Grâce à ce texte, le 18 avril 1993, deuxième jour de la guerre,

13 la brigade de Busovaca vous informe que les permissions sont suspendues,

14 que les unités sont en état d'alerte, etc. Mais que nous apprend ce

15 rapport ?

16 Ces tâches auraient-elles dû être accomplies bien avant, ou est-

17 il courant de voir l'aptitude au combat des troupes mises en oeuvre

18 uniquement le deuxième jour des combats ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Il est probable que les troupes

20 auraient été mises sur le pied de guerre à une date antérieure si la

21 brigade s'était attendue à des opérations importantes.

22 Mais ce rapport stipule également qu'il fallait un jour entier

23 pour obtempérer au contenu de l'ordre émis par moi le 17 avril 1993. Il

24 est question ici de l'unité la plus proche du HVO puisque c'était la

25 brigade de Busovaca.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Je demanderai que l'on remette au

2 témoin la pièce à conviction D 308 et que l'on prépare les pièces à

3 conviction D 305 et 306.

4 Le document D 308 est un rapport de la brigade de Vitez du

5 18 avril. Je vais en lire quelques extraits avant de vous poser des

6 questions.

7 Je donne lecture du deuxième paragraphe du texte. Je cite :

8 "Nous avons reçu de nos ressortissants, qui ont réussi à s'enfuir avant

9 leurs voisins terrorisés, une information selon laquelle Muhamed Sivro a

10 arrêté Mariza Kristo, Anto Kristo, chauffeur de taxi, son épouse et sa

11 soeur. Tous les prisonniers sont originaires de Poculica et se sont enfuis

12 en direction de Krizancevo Selo après les violentes attaques dues aux

13 forces musulmanes.

14 Comme nous avons découvert la raison de cette arrestation était

15 la disparition alléguée du fils de Muhamed Sivro. Son fils est un soldat

16 des forces musulmanes. Après vérification, nous avons pu confirmer qu'il

17 ne faisait pas partie des prisonniers, etc."

18 Je vous indique que ceci est un exemple de comportement

19 individuel, comportement violent à l'égard des Musulmans par des Croates.

20 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, mais je proposerais

21 que le conseil de la partie adverse ne fasse pas une proposition de

22 réponse au témoin, mais qu'il se contente de poser ses questions.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai même pas poser ma

24 question, Monsieur le Président, j'ai simplement appelé l'attention du

25 témoin...

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1 M. le Président. - (inaudible) ...Vous a déjà fait la

2 démonstration qu'il vous suivait à la trace. Maintenant, il vous fait la

3 démonstration qu'il vous précède à la trace, maître Nobilo !

4 Si vous voulez bien, ne suggérez pas trop la réponse. Ce n'est

5 pas un témoin ordinaire, c'est votre client. Je suppose que vous avez

6 beaucoup parlé de tout cela. Posez vos questions plus concrètement,

7 maître Nobilo, s'il vous plaît.

8 M. Nobilo (interprétation). - Je disais simplement que

9 j'appelais l'attention du témoin sur la teneur de ce document d'où il

10 ressort qu'il s'agit d'actes de violence individuels de Croates à l'égard

11 de Musulmans. Et maintenant, je pose ma question au témoin : est-ce qu'il

12 y a eu des actes de violence de la part de Croates à l'égard des Musulmans

13 dus à des motifs personnels de ce genre ?

14 M. Blaskic (interprétation). – Oui, et assez souvent.

15 M. Nobilo (interprétation). - Quel est l'acte de violence le

16 plus fréquent que vous avez eu à connaître ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Il y a eu des arrestations par

18 des particuliers et des échanges par des particuliers et puis un acte très

19 courant était l'expulsion de son domicile d'un Musulman bosnien de la part

20 de réfugiés croates chassés lui-même de chez lui et arrivant à Vitez. De

21 même, des réfugiés musulmans de Vitez arrivant à Zenica ont agi de la

22 sorte à l'encontre de Croates de Zenica. Il s'agissait d'une réaction de

23 vengeance.

24 Il y a eu aussi des cas où, compte tenu de la pénurie de travail

25 dans certaines institutions, tous ces actes -je parle d'arrestations dues

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1 à des particuliers, d'échanges..., d'entrées par effraction dans les

2 appartements- tous ces actes pouvaient donner lieu à une rémunération et

3 dans ce cas, il s'agissait d'actes dus à des criminels.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je demanderai maintenant que l'on

5 remette au témoin la pièce D305 qui est un rapport de la brigade de

6 Kiseljak.

7 Hier, nous parlions des ordres de préparation et d'exécution que

8 vous avez émis à l'intention de la brigade de Kiseljak, eu égard aux

9 villages de Gomionica et Svinjarevo et vous avez dessiné un schéma. La

10 pièce D305 est un rapport, c'est-à-dire une information que vous recevez

11 en retour de la brigade de Kiseljak.

12 Pourriez-vous commenter cette information que vous recevez en

13 retour ? Quel lien y a-t-il entre ce rapport et ce commandement ? Quelle

14 conclusion pouvez-vous tirer de la lecture de ce rapport ?

15 M. Blaskic (interprétation). - D'abord, cette unité n'a pas agi

16 selon mes ordres, elle a lancé une attaque frontale dans la direction de

17 Gomionica, et à l'entrée du village elle a été arrêtée comme cela est

18 stipulé dans le rapport près de la rivière Mlava.

19 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous dire, sur le

20 schéma que vous avez dessiné, ce que vous aviez ordonné et la direction

21 prise par la brigade de Zenica.

22 M. Blaskic (interprétation). - Je montre ici la route principale

23 Busovaca, Kiseljak et ce que j'avais ordonné, c'est qu'à partir de la

24 position de Sikulja et de Hadrovci, les forces du HVO réalisent une

25 attaque contre les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine et s'emparent

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1 de la crête qui se trouve ici. La direction de l'attaque devait être

2 Sikulja puis l'ouest de la crête et Hadrovci, ouest de la crête.

3 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous parlez de "crête", vous

4 impliquez qu'il y avait une montagne. Il est traduit que les deux attaques

5 devaient aller vers l'ouest. Pouvez-vous répéter ?

6 M. Blaskic (interprétation). - S'agissant de Sikulja, on voit

7 clairement que la flèche indique la direction de l'ouest alors que

8 Hadrovci est associé à une flèche qui va vers l'est, mais ici, ce n'est

9 pas un terrain plat, c'est une colline donc une partie de l'action des

10 forces est empêchée.

11 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce que

12 la brigade Ban Jelasic a fait en réalité ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Les forces sont arrivées par la

14 route principale, en provenance de Kiseljak, et pour autant que je puisse

15 le comprendre en lisant ce rapport, elles ont pris la direction de

16 Gomionica et ont été arrêtées au niveau de la rivière Mlava.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, Sikulje, est-ce

18 également une colline ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge. Sikulje

20 est également une colline, mais ici se trouve une autre colline qui n'a

21 pas de nom et qui se trouve dans le village de Hadrovci.

22 Sur ces deux collines étaient stationnées les forces du HVO,

23 alors que sur la troisième se trouvaient les forces de l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine.

25 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire où se trouve

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1 la rivière Mlava ?

2 M. Blaskic (interprétation). - La rivière Mlava se trouve ici.

3 M. Nobilo (interprétation). - Vous indiquez une direction qui

4 est parallèle à la vôtre ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - En amont de la route ?

7 M. Blaskic (interprétation). - La rivière Mlava change de

8 direction à cet endroit et coure en amont de la route alors que dans sa

9 portion antérieure elle courait en contrebas de la route, en aval de la

10 route. Mais je peux l'indiquer plus précisément si vous le souhaitez.

11 M. Nobilo (interprétation). - En tout cas, elle coure entre la

12 route et Gomionica ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

14 M. Nobilo (interprétation). - La rivière Mlava est-elle

15 l'élément fondamental qui vous a permis de conclure que les forces du HVO

16 allaient directement dans la direction du village et ne suivaient pas la

17 direction indiquée dans votre ordre ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Oui, les forces ont été arrêtées

19 parce que la rivière constitue une barrière naturelle et était donc un

20 obstacle pour la progression des forces du HVO.

21 M. Nobilo (interprétation). - Sur le plan militaire, était-il

22 sage de se diriger directement vers le village en pensant traverser la

23 rivière ?

24 M. Blaskic (interprétation). - La rivière, en tout état de

25 cause, constitue un obstacle naturel et le barrage de l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine de Gomionica contrôlait cette rivière.

2 Les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient également

3 stationnées tout prêt de la rivière, donc sur le plan militaire ce n'était

4 pas faire preuve de sagesse professionnelle que d'aller directement en

5 direction de la rivière.

6 M. Nobilo (interprétation). - Les forces de l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine ont donc arrêté les forces du HVO au niveau de la rivière

8 Mlava, près de Gomionica. Il est dit également dans le rapport qu'elles

9 ont été désarmées. Nous pouvons remettre le rapport sur le

10 rétroprojecteur.

11 Donc, dans ce rapport, il est stipulé que les villages de

12 Jehovac, Gromiljak jusqu'à la rivière Mlava et Palez ont été désarmés.

13 Est-ce que, eu égard au village de Jehovac, Palez et autres villages

14 mentionnés dans le texte, cela correspond à votre ordre ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Non, je sais que je n'ai pas

16 donné l'ordre de désarmer les forces.

17 M. Nobilo (interprétation). - Passons au document suivant qui

18 est également un rapport de la brigade de Kiseljak, le même jour,

19 18 avril 1993, mais à une heure plus tardive, à savoir 16 heures 45. Il

20 s'agit de la pièce à conviction D306. Ce texte est très court, je vais en

21 donner lecture et je vous demanderai de le commenter. Donc, Mijo Bozic,

22 commandant de la brigade de Kiseljak, vous envoie un nouveau rapport ce

23 même jour qui stipule ce qui suit, je cite :

24 "Le conflit s'est étendu jusqu'aux villages de Rotilj, Visnjica

25 Doci, Hercezi et Brestovsko. Nous avons perdu Zavrtaljka. Nous ne sommes

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1 pas parvenus à prendre Gomionica, mais nous nous sommes emparé d'un

2 kilomètre environ des deux côtés de Gomionica. Les combats sont intenses,

3 nous avons trois tués et quatre blessés", etc.

4 Je vous demande d'abord de nous dire ce qui était le plus

5 important à Kiseljak, ce qui s'est passé ce jour-là à Kiseljak et si vous

6 avez lancé un avertissement dans votre ordre en fonction de cela ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Dans mon ordre, il était stipulé

8 que pour les forces du HVO de Kiseljak, ce qui était le plus important

9 c'était de s'emparer de Zavrtaljka qui était le point le plus important

10 sur ce territoire et pour la vallée de la Lasva comme l'était le mont

11 Kuber.

12 M. Nobilo (interprétation). - Or, que s'est-il passé ? Que peut-

13 on constater en lisant le rapport ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Le commandant, dans ce rapport,

15 dit clairement que Zavrtaljka est perdue. Donc il s'agit d'un site très

16 important sur le plan stratégique. Il dit que Gomionica n'a pas été prise,

17 ce qui est compréhensible puisqu'à partir de Zavrtaljka , l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine pouvait fournir les soutiens et les renforts

19 nécessaires.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demanderai de nous dire si

21 mon collègue montre bien l'emplacement de la montagne Zbralta Alka ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

23 M. Nobilo (interprétation). - C'est donc une montagne qui domine

24 toute une partie du territoire de Kiseljak ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Pour les trois communautés

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1 locales de la municipalité de Kiseljak et pour les communautés locales de

2 Bilalovac, Brestovsko et une partie de la communauté locale de Gromiljak,

3 cette montagne de Zavrtaljka domine donc ces communautés locales.

4 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que vous avez compris en

5 lisant ce rapport ?

6 Avez-vous compris que les forces ont pénétré dans le village de

7 Gomionica ou pas ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Je peux l'indiquer sur la carte

9 mais, il est stipulé clairement dans le rapport que ces forces ne sont pas

10 entrées dans le village, mais ont été arrêtées avant la rivière Mlava,

11 comme c'est stipulé dans le rapport par les forces du HVO.

12 M. Nobilo (interprétation). - Il est dit également que les

13 combats se sont étendus dans les villages de Rotilj, Visnjica, Doci,

14 Hercezi et Brestovsko ?

15 En lisant ce rapport, savez-vous qui a attaqué ce village ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Il est question de conflits, de

17 combats dans ce rapport ; j'ai compris qu'il s'agissait de combats entre

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, car le commandant dit : "Le

19 conflit s'est étendu". En lisant cela, je ne peux pas dire qui a attaqué

20 qui, et il est impossible de le déterminer en lisant ce rapport.

21 M. Nobilo (interprétation). - Nous pouvons passer aux documents

22 suivants : D310, D311, D312.

23 M. Nobilo (interprétation). - Le document suivant est le

24 document D310. Il s'agit d'un rapport de la brigade de Vitez et destiné à

25 la zone opérationnelle de Bosnie centrale et il est daté du 18 avril à une

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1 heure.

2 M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi, mais le document qui

3 est sur le rétroprojecteur est très long et nous avons, en tant que

4 document D310, un autre document de la brigade Jure Francetic.

5 M. le Président. - Quel est le document mis qui finalement fait

6 l'objet du… ?

7 M. Nobilo (interprétation). – C'est ma faute, Monsieur le

8 Président, nous avons besoin en fait du document D312 qui est un rapport

9 de la brigade de Vitez.

10 Ensuite, nous passerons au document D311.

11 M. le Président. - C'est celui du 18 avril à 16 heures ? C'est

12 cela Maître Nobilo ?

13 M. Nobilo (interprétation). - A 16 heures.

14 Donc, rapport de la brigade de Vitez, 18 avril, 16 heures,

15 cote 312. Je vous demanderai de regarder ce document, nous n'allons pas le

16 lire en entier. Sur la maquette, j'aimerais que vous illustriez, du point

17 de vue des combats, ce que vous lisez sur ce rapport. Que les Juges

18 puissent voir, quand vous avez reçu cette feuille de papier, tout ce que

19 ce rapport vous indiquait au moment de sa réception ou dans les heures qui

20 ont suivi. Peut-être pourrions-nous opérer point par point. On ne lira pas

21 la totalité du texte, mais un paragraphe puis vous indiquerez et ainsi de

22 suite.

23 M. Blaskic (interprétation). - Sur la carte ?

24 M. Nobilo (interprétation). - Non, sur la maquette.

25 M. Nobilo (interprétation). - Un instant que le Procureur se

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1 rapproche de la maquette.

2 La question que je vous pose maintenant est la suivante : en

3 lisant le point n° 1 de ce rapport, qu'avez-vous appris quant à la

4 situation sur le terrain, que se passait-il dans la réalité ?

5 M. Blaskic (interprétation). - En lisant le point n° 1 du

6 rapport, j'apprends que les forces du HVO de Vitez tiennent fermement leur

7 position sur le mont Kuber, à savoir les cotes 708 et 808 qui pourront

8 être indiquées ultérieurement sur la carte.

9 Les forces du HVO sont toujours sur leurs positions. Il n'y a

10 pas de combats intenses, mais le regroupement des forces ennemies est en

11 train de s'opérer.

12 La brigade demande que soit effectuée la jonction de ses forces

13 avec celles du HVO de Busovaca.

14 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce la brigade de Busovaca ou

15 la brigade de Vitez qui tenait le mont Kuber ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Au début, c'est la brigade de

17 Busovaca qui tenait la plus grande partie du mont Kuber.

18 M. Nobilo (interprétation). - Au point 2...

19 M. le Président. - C'est certainement ma mémoire qui est

20 défaillante, mais j'avais cru comprendre hier, de la part du

21 général Blaskic, que Kuber était tombée ?

22 M. Blaskic (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

23 Président.

24 M. le Président. - Le juge Rodrigues allait poser la même

25 question.

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1 Il me semblait bien hier que Kuber était tombé 18 avril ?

2 M. Blaskic (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

3 Président. Le mont Kuber est tombé pas même le 18 avril, mais le 16 avril

4 au matin, le sommet du mont Kuber est tombé déjà.

5 M. Nobilo (interprétation). - Mais en ce moment, nous commentons

6 le document D312 qui est du 18 avril.

7 M. le Président. - Soyez synthétiques, Messieurs de la Défense

8 et Monsieur l'accusé. C'est vraiment compliqué. Mon collègue avait retenu

9 que Kuber était tombé.

10 C'est le sommet du mont Kuber qui est tombé et non pas la moitié

11 du mont Kuber ni la base ?

12 M. Blaskic (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

13 Président. Le sommet du mont Kuber est tombé le 4 février 1993 déjà. Je

14 commente simplement le texte.

15 M. Nobilo (interprétation). - Et ce texte date du 18 avril,

16 n'est-ce pas ? Ce que vous venez de dire était un retour en arrière ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

18 M. Nobilo (interprétation). - Paragraphe 2 du texte, pouvez-vous

19 nous illustrer la situation décrite au paragraphe 2 du texte du point de

20 vue des combats ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Le secteur ?

22 M. Nobilo (interprétation). - Gornji Santici ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Ce serait cette position.

24 M. Nobilo (interprétation). - Lisez le texte et illustrez-le.

25 M. Blaskic (interprétation). - "Dans le secteur du

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1 Gornji Santici et du hameau de Mahala, les combats sont intenses contre

2 des forces musulmanes largement plus nombreuses, qui intensifient leurs

3 attaques en provenance de la région de Sljivcica et Breza. Les villages de

4 Santici et Donja Dubravica sont sous feu constant des forces musulmanes

5 des villages de Sivrino Selo et Sljivcica. Un appui des lance-roquettes

6 multiples est donc nécessaire en vue de tenter de neutraliser les

7 positions de feu les plus importantes du village de Sivrino Selo et

8 d'arrêter ainsi l'action des forces musulmanes".

9 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous montrer où se

10 trouvaient les forces musulmanes, où se trouve Santici et à partir de

11 quelle direction venaient les tirs ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Santici, Gornji Santici se

13 trouvent ici, à côté de la route, la route Vitez Busovaca.

14 Sljivcica, je suis en train de le montrer et Sivrino Selo est

15 ici.

16 M. Nobilo (interprétation). - Juste en dessous de Sljivcica ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Oui, et de 50 à 100 mètres au

18 nord de la route principale, Vitez Busovaca, se trouvait stationnée

19 l'unité de l'armée de Bosnie-Herzégovine de Sivrino Selo, dans la région

20 de Kuce.

21 M. Nobilo (interprétation). - Sivrino Selo, Krcevine, Jardol

22 sont mentionnés au paragraphe 3 du texte, ce sont donc les lignes de

23 défense croates. Pourriez-vous les montrer ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

25 (L'interprète complète : Zidicine Kuce.)

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1 M. Nobilo (interprétation). - Krizancevo Selo, Krcevine et

2 Jardol.

3 M. Blaskic (interprétation). - Je montre d'abord Vitez ensuite,

4 Krizancevo Selo qui est à côté, ensuite, je montre Krcevine et le village

5 Jardol.

6 M. Nobilo (interprétation). - C'est à combien par rapport à la

7 route principale ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Ce n'est pas très loin. Krcevine

9 est à 150 mètres à peu près par rapport à la route principale. Il s'agit

10 d'une prairie, d'un champ, il y a le village également qui est dans cette

11 vallée. Mais ici, on dit que les lignes n'ont pas été changées alors que

12 nous étions dans la situation où la ligne a été changée au niveau de

13 Krcevine et en partie au niveau de Jardol.

14 M. Nobilo (interprétation). - Le point n °4, on dit que les

15 tireurs embusqués tirent. On précise ensuite que le secteur de Kruscica

16 est sous les frappes des forces musulmanes en provenance de Vranska et

17 Gornja Rovna. Pourriez-vous nous montrer sur la maquette où cela se

18 trouve ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Je l'ai déjà précisé, les

20 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont déjà pris le

21 trigonomètre Pintra 603 et à Vranska, la cote 502 à côté des maisons

22 Baricin.

23 Ensuite, le village Kajma Kovice où ils se trouvaient et

24 pouvaient tirer aussi bien sur Santic que sur Krcevine, Jardol et d'autres

25 villages.

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1 Les témoins ont dit également que les négociations sont en cours

2 et qu'on attend la conclusion. J'aimerais tout simplement ajouter quelque

3 chose : que nous avons sauté le point n °4 où l'on parle du secteur de la

4 région de Divjak. Il est intéressant parce que les forces de Grbavica

5 avaient cette communication, la communication principale Vitez-Nova Bila

6 et le pont qui traversait la rivière Lasva. Ils contrôlaient tout cela y

7 compris la région de Divjak. Cet axe routier de Vitez à Travnik était

8 controlé -les forces ont été positionnées à Divjak, à Grbavica- et sous le

9 contrôle total de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 M. Nobilo (interprétation). - Vous pouvez vous rasseoir et nous

11 allons poursuivre.

12 Je demande de passer le document D304, il s'agit du rapport de

13 la brigade de Vitez au sujet des explosions. D304, il s'agit du rapport

14 qui a été rédigé le 18 avril 1993 à 18 heures 45 minutes et c'est un

15 rapport qui a été adressé par la brigade de Vitez et la zone

16 opérationnelle de la Bosnie centrale.

17 "A 17 heures 30 minutes, une explosion violente s'est produite

18 pour laquelle nous ne pouvons pas encore déterminer d'où elle venait, mais

19 elle est arrivée entre l'entreprise municipale VitCom, et le

20 magasin Borac. Selon les données dont nous disposons et l'intensité de la

21 détonation, il s'agirait le plus probablement d'une des maisons qui se

22 trouve à côté de la boutique et où se trouvait l'entrepôt des explosifs.

23 Compte tenu du fait que, dans ce secteur, à cette époque-là, il

24 y avait des combats assez violents qui ont eu lieu, nous supposons que

25 l'entrepôt a été touché par un obus qui avait activé l'explosion.

Page 17993

1 Eu égard à l'intensité de l'explosion, on peut en conclure qu'il

2 s'agissait d'une grande quantité d'explosifs. Nous n'avons pas

3 d'information sur les victimes éventuelles, mais nous pouvons dès

4 maintenant constater que des dommages assez importants ont été effectués".

5 Général, est-ce que vous avez reçu ce rapport de la brigade de

6 Vitez, le document 304 ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que, vers 17 heures 30,

9 vous avez dans la zone opérationnelle enregistré le fait que cette

10 explosion s'était produite et est-ce que vous pouvez regarder ce qui a été

11 écrit dans votre journal opérationnel au sujet de cette explosion ? A

12 17 heures 20, si vous voulez bien voir, Général ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il est marqué que "l'hôtel a

14 été touché, l'obus de 120 mm probablement, Preocica."

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez pensé que l'hôtel a été

16 touché, la brigade de Vitez, l'entrepôt d'explosifs. Est-ce que vous

17 pouvez dire aux Juges ce que vous avez compris ultérieurement et quelles

18 étaient les informations que vous avez obtenues plus tard ?

19 M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé à l'adjoint de la

20 sécurité des informations complètes et j'ai appris qu'il s'agissait d'un

21 camion citerne où il y avait une quantité d'explosifs et que cette

22 quantité d'explosifs avait provoqué la détonation à Stari Vitez.

23 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous parlez de "citerne",

24 c'est un camion-citerne, n'est-ce pas, pour transporter le combustible,

25 l'explosif ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

2 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, vous pouvez

3 poursuivre.

4 M. Blaskic (interprétation). - L'adjoint à la sécurité m'avait

5 informé qu'il avait envoyé les résultats de l'enquête à ses supérieurs à

6 Mostar. Selon les informations dont je disposais, il a été dit que

7 c'étaient les membres des unités spéciales Vitezovi qui étaient les

8 auteurs d'un tel acte.

9 M. Nobilo (interprétation). - "PPN", qu'est-ce que cela veut

10 dire ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Ce sont les unités spéciales et

12 dans ce cas concret il s'agit d'unités spéciales appelées Vitezovi.

13 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi le service de sécurité ne

14 vous avait pas envoyé le rapport pour que vous puissiez entreprendre

15 quelque chose, mais ce rapport a été envoyé à Mostar. Quelle était la

16 raison pour qu'ils envoient le rapport à Mostar ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Moi-même, je n'ai jamais reçu les

18 informations.

19 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que vous n'avez pas

20 fait ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Je n'étais pas compétent pour les

22 rapports provenant des Vitezovi. Ce n'était pas ma responsabilité. J'avais

23 demandé un certain nombre de mesures, de peines et de sanctions à

24 entreprendre, mais en général c'était dans les prérogatives de Mostar.

25 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous-même vous avez eu

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1 la compétence de faire démissionner le commandant ou le chef d'une telle

2 unité ? Est-ce que vous aviez des responsabilités, des prérogatives dans

3 ce secteur-là ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Non, jamais.

5 M. le Président. - Je voudrais que vous confirmiez. J'avais cru

6 comprendre que la police militaire était rattachée depuis le 16 avril à

7 11 heures 42 au général Blaskic, colonel à l'époque. Ou me suis-je

8 trompé ?

9 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parfaitement raison. Il

10 ne s'agit pas de la police militaire, mais d'une unité spéciale appelée

11 Vitezovi.

12 M. le Président. - (hors micro) ... raccrochée au général

13 Blaskic, et quant aux unités spéciales j'avais compris que le chef, le

14 général Petkovic avait dit à l'accusé qu'il disposait de toutes les

15 unités, de toutes les forces, ceci depuis le 16 avril.

16 M. Nobilo (interprétation). - C'est vrai également, Monsieur le

17 Président. Mais quand nous disons "passée sous les ordres, a été

18 détachée", c'est dans le combat, mais il n'avait pas l'autorisation de

19 remplacer les commandants ni d'entreprendre des mesures disciplinaires.

20 Comme je ne suis pas témoin, il vaut peut-être mieux poser la question au

21 général.

22 Est-ce que vous avez disposé de prérogatives ? Est-ce que vous

23 étiez compétent pour remplacer les commandants des unités spéciales, pour

24 entreprendre des mesures disciplinaires ou éventuellement vous doter

25 d'autres compétences sur cet plan-là ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Non.

2 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez informé vos

3 supérieurs de cet incident ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Oui, j'ai informé de cet incident mes

5 supérieurs et du contenu de l'information que j'avais reçue de la part de

6 l'adjoint de sécurité, l'état-major à Mostar.

7 M. Nobilo (interprétation). - Il en ressort très clairement, mais je

8 vais vous poser la question très directe : est-ce que vous avez ordonné

9 l'action avec cette grenade qui a été effectuée à Stari Vitez ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Non.

11 M. Nobilo (interprétation). – Est-ce que vous-même, vous aviez un

12 indice, une information à la veille de cette action, que cette action aurait

13 pu se produire ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Non.

15 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, je pense que

16 c'est la pause ?

17 M. le Président. - Nous allons faire un quart d'heure de pause.

18 (L'audience, levée à 14 heures 40, est reprise à 15 heures 05.)

19 M. le Président. - L'audience est reprise.

20 Maître Nobilo, c'est à vous avec le témoin.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci. J'aimerais demander à

22 l'huissier de montrer les documents D310, D311, D312 et D315. Il s'agit des

23 rapports de la brigade de Vitez, de Busovaca.

24 M. Rodrigues. - Ce document qui est sur le rétroprojecteur, vous

25 pouvez le maintenir. C'était le premier.

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1 Peut-être, ma question est un peu naïve, mais j'ai lu dans les

2 documents que le 17 avril il y a eu une explosion d'un camion citerne. Est-ce

3 que cette terrible explosion qui est marquée sur le document a quelque chose

4 à voir avec ce camion ou non ?

5 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agissait de cette explosion

6 violente du 18 avril, et je pense que le mieux est de faire parler le témoin.

7 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges, il s'agit d'un rapport que nous avons reçu de la brigade de Vitez au

9 sujet de l'explosion.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'il s'agissait de cette

11 grande explosion du camion citerne qui a été piégé ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

13 M. Rodrigues. - Merci, Général.

14 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge Rodrigues. Vous pouvez

15 poursuivre, Maître Nobilo.

16 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Juste

17 une question supplémentaire. En date du 18 avril, est-ce qu'à Vitez, il y a

18 eu une seule explosion violente ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

20 M. Nobilo (interprétation). - Et le fait même que la brigade de

21 Vitez ait donné des explications qui n'étaient pas les mêmes que celles

22 obtenues par la zone opérationnelle et que dans la réalité, ce camion piégé,

23 ce camion citerne, avait explosé différemment par rapport à ce qu'on a dit ?

24 Qu'est-ce que vous en concluez ?

25 M. Blaskic (interprétation). - A mon avis, le commandant de la

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1 brigade de Vitez ne disposait d'aucune information concernant l'explosion qui

2 s'est produite avec le camion citerne qui a été piégé.

3 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne le rapport que vous

4 avez obtenu de la part du service de sécurité, est-ce que vous avez pu

5 comprendre où cette explosion s'est produite ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Non. Dans ce rapport, il a été

7 stipulé que l'explosion a eu lieu à Stari Vitez, et comme Stari Vitez était

8 contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine, je ne pouvais pas en tirer de

9 conclusions et savoir quel était l'endroit précis, à côté de quelle maison.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez compris que ce

11 camion citerne a été envoyé de l'autre côté de la ligne de front ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui, donc du côté de l'ennemi.

13 M. Nobilo (interprétation). – Est-ce que vous avez maintenant les

14 documents D310, D311, D315, et D313 ?

15 Nous n'allons pas lire les documents. Si vous voulez bien les

16 parcourir en vitesse et dire aux Juges si vous avez reçu de tels rapports, et

17 nous allons ainsi terminer avec la journée du 18 avril.

18 D310, D311, D313 et D315, quatre documents.

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui j'ai reçu ces rapports au cours

20 de la journée du 18 avril 1993.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

22 M. Blaskic (interprétation). - Exception faite du rapport D315 que

23 nous avons reçu le 19 avril à 00 heure 10 minutes.

24 M. Nobilo (interprétation). - Donc tout de suite, dans la nuit

25 vous voulez dire ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

2 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous n'allons plus nous

3 référer à ces documents. Nous avons tous ces rapports, je pense qu'ils en

4 disent beaucoup.

5 Maintenant, j'aimerais vous demander de nous parler du 19 avril

6 et du 20 avril et de nous dire brièvement ce qui s'est passé de

7 significatif ces jours-là ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Le 19...

9 M. le Président. - Excusez-moi, avant de passer au 19 avril, il

10 y a quelque chose que je ne comprends pas.

11 Je me tourne vers l'accusé, le témoin plutôt. Vous nous avez dit

12 hier que toute la situation était chaotique. Vous êtes au bord de la

13 capitulation, plus rien ne va, tout est complètement délabré. Vous dites :

14 "Je ne commande plus, je ne sais plus très bien ce que je commande". Bref,

15 tout va mal.

16 J'ai noté que c'était chaotique. Avant d'abandonner ces trois

17 rapports, j'y jette un petit coup d'œil : "Nos forces tiennent encore

18 bien. Le moral est bon. Toutes les lignes de défense restent stables. Le

19 moral, le moral logistique sont satisfaisants." Donc tout allait bien,

20 Général ?

21 Cela allait bien ou cela allait mal ? Vous êtes général, vous

22 êtes à la tête, vous deviez être informé ? Hier, tout allait mal. Ce sont

23 les rapports du 18 avril. Avant de passer au 19, il faut quand même savoir

24 si cela allait bien ou mal ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Tout allait mal. Nous étions

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1 pratiquement à la veille de la chute. Cela ressort de la situation et de

2 l'état qui régnaient. Je l'ai montré sur la maquette et notamment le 17,

3 le soir.

4 M. Nobilo (interprétation). - Comment pouvez-vous interpréter

5 que dans les rapports il y a de telles phrases dont le Président nous a

6 donné lecture ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Il y a très peu de rapports qui

8 reflétaient l'actualité, la réalité sur le terrain.

9 Le commandant, et c'était typique et systématique, ne disait pas

10 qu'il avait perdu un terrain. En revanche, il disait qu'il avait réussi à

11 le reprendre.

12 Par conséquent, je n'étais jamais au courant. Je ne savais quel

13 était le terrain ou le secteur qui était sous leur contrôle. C'était le

14 cas à Krcevine. Ils m'avaient dit qu'ils avaient réussi à reprendre la

15 ligne de front alors que je n'avais jamais été informé à quel moment ils

16 avaient repris la ligne.

17 M. le Président. - Quand vous faites un rapport au

18 général Petkovic, vous lui dites que cela va bien ou que cela va mal ?

19 Et si vous dites que cela va mal, vous le faites en fonction de

20 quoi, de quel rapport, de quelles communications, de quelles

21 informations ?

22 M. Blaskic (interprétation). - C'est sur la base des rapports

23 qui me sont parvenus, aussi bien dans la zone opérationnelle... La

24 situation sur les champs de bataille était claire. Par exemple, le

25 commandant de la brigade de Zenica ne m'avait pas dit que la brigade se

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1 trouvait à la veille de la capitulation. A partir du moment où il avait

2 capitulé, il m'avait renseigné par téléphone. Moi, j'avais signé la

3 capitulation. On avait fait le bilan pendant la nuit. On avait pu voir

4 qu'il y avait de grands changements qui étaient intervenus durant la nuit.

5 M. Rodrigues (interprétation). - Avant de passer au 19 avril, je

6 voudrais avoir quelques éclaircissements à propos des documents 305 et 306

7 de la défense qui ont été, d'une certaine façon, présentés pour montrer

8 que vos ordres n'étaient pas accomplis.

9 Je crois qu'il n'est pas nécessaire de revenir aux documents,

10 mais, d'une façon générale, vous avez donné ces documents comme exemples

11 de la situation où vos ordres n'étaient pas accomplis. Je crois que j'ai

12 bien compris cette partie ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

14 M. Rodrigues (interprétation). - Est-ce que vous savez, Général,

15 si dans le cas, vos ordres intérieurs avaient été reçus ou non ?

16 M. Blaskic (interprétation). - D'après les rapports que j'ai

17 reçus, et au moment où je recevais ces rapports, à ce moment-là, je

18 pouvais présumer ou partir du principe que mes ordres avaient été reçus.

19 Dans le cas qui nous intéresse, je n'avais pas la possibilité de

20 vérifier physiquement si l'ordre que j'avais donné avait été reçu.

21 Je n'avais pas la possibilité à destination pour aller voir le

22 commandant qui avait reçu cet ordre et voir s'il avait compris cet ordre.

23 C'est le cas des documents 305 et 306. Mais sur la base des rapports qu'il

24 a faits ensuite, je pars du principe qu'il a en effet reçu mes ordres.

25 M. Rodrigues. - Vous partez du principe, mais vous n'êtes pas

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1 sûr que les ordres ont été reçus ou non. Excusez-moi, parce que -je crois

2 que c'était hier- vous nous avez donné un exemple d'un ordre qui est

3 arrivé seulement dix jours après. Ma question est donc : c'était une

4 supposition de votre part ou était-ce vraiment une information ?

5 Je crois que vous avez dit que c'était une supposition, vous

6 avez supposé que vos ordres avaient été reçus, mais vous n'en étiez pas

7 sûr ? C'est cela ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Je suis parti, je partais du

9 principe que, du moment que le commandant m'informait d'actions qui

10 avaient été prises suite à mon ordre, cela signifiait qu'il avait en effet

11 reçu mon ordre. Mais je n'avais pas la possibilité personnellement de me

12 rendre sur place pour voir la façon dont le commandant en question

13 comprenait mon ordre et avait l'intention de procéder. Je n'avais pas la

14 possibilité de le faire. Mais les rapports, généralement, ou certains des

15 rapports, se référaient à un ordre reçu.

16 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge. Nous sommes obligés

17 de temps en temps, bien que ce ne soit pas la méthode adoptée depuis le

18 début de ce procès, de poser quelques demandes de précision. Merci,

19 poursuivez. Nous abordons le 19 avril 1993.

20 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

21 Comme nous l'avons déjà dit précédemment, la défense accueille tout à fait

22 favorablement les questions des Juges et nous interrompt parce que ce que

23 nous voulons chercher ici c'est de comprendre la situation, que la Chambre

24 comprenne la situation. Parfois, si on manque de précision, cela ne permet

25 pas de comprendre exactement la situation.

Page 18003

1 Général, pouvez-vous vous rappeler les événements les plus

2 importants du 19 avril ?

3 M. Blaskic (interprétation). - A 6 heures 45, le 19 avril 1993,

4 nous avons assisté au démarrage de pilonnage contre la ville de Busovaca,

5 les zones de Pilavica, Gradina, Osijek et Kula.

6 M. Nobilo (interprétation). - Si je me souviens bien, hier, nous

7 avons fini en parlant d'un accord de cessez-le-feu et de vos

8 communications avec le 3ème Corps d'armée. Est-ce que cela a amené à

9 quelque chose ?

10 M. Blaskic (interprétation). - J'ai donné un ordre pour

11 l'information du commandant du 3ème Corps d'armée, mais le traité de paix

12 n'a pas été respecté, les hostilités se sont poursuivies le 19 avril de la

13 part de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

14 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous continuer, s'il vous

15 plaît, l'énumération des événements principaux ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Dès que ces opérations ont

17 commencé, j'ai été informé qu'il s'agissait de forces de la 7ème Brigade

18 musulmane ainsi que d'unités de la 333ème Brigade de l'armée de Bosnie-

19 Herzégovine, la 309ème Brigade ainsi que des unités de la 305ème Brigade de

20 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

21 J'ai donc appris que vers 7 heures s'était déclenchée une

22 attaque avec l'artillerie et l'infanterie contre les abords de la ville de

23 Busovaca, attaque venant du nord et nord-est. Pour être plus précis, les

24 positions de Kula, Binovica (?), Prosje et Gradina ont fait l'objet de ces

25 attaques.

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1 Comme c'était le cas pour les journées précédentes, j'ai passé

2 la plupart du temps, ce jour-là, en conversations téléphoniques avec le

3 commandant de la brigade Nikola Subic Zrinski.

4 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact de dire que le

5 19 avril l'offensive sur Busovaca a connu son point culminant si l'on

6 examine toute la période ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il s'agissait de l'attaque

8 la plus violente contre la ville de Busovaca et contre les zones où se

9 trouvaient stationnées des unités du HVO. C'est alors, en effet, que notre

10 ennemi a mis en action le plus grand nombre de forces.

11 M. Nobilo (interprétation). - La situation à Vitez n'était pas

12 calme non plus ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait en effet des

14 opérations d'artillerie qui se déroulaient à Vitez, mais la situation

15 était beaucoup plus difficile dans la ville de Busovaca où il y avait des

16 chars de l'armée de Bosnie-Herzégovine, alors qu'à Vitez les opérations

17 étaient limitées à Kratine, Dubravica, Krizancevo Selo, Jardol et

18 Krcevine.

19 M. Nobilo (interprétation). - Ces villages que vous venez

20 d'énumérer, s'agit-il de villages où il y avait des positions du HVO ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il y avait des positions du

22 HVO. Tous ces villages se situent au nord de la route principale qui relie

23 Vitez, Travnik et Busovaca.

24 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous revenir au 20 avril où

25 vous avez reçu des informations assez préoccupantes de Travnik. Pouvez-

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1 vous nous dire ce qui s'est passé ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Ce jour-là, le 20 avril 1993,

3 j'ai reçu des informations sur le fait qu'à Travnik il y avait eu des

4 arrestations mutuelles.

5 M. Nobilo (interprétation). - Que voulez-vous dire par

6 "mutuelles" ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, il y a eu des

8 arrestations qui ont été faites par les membres du HVO, deux membres de

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine et réciproquement.

10 La situation devenait complètement incontrôlable et le

11 commandant de Travnik, Filipovic ainsi que le commandant de l'armée de

12 Bosnie-Herzégovine, Alagic, ont essayé de trouver un accord pour calmer le

13 jeu et pour que la situation devienne plus normale.

14 De plus, j'ai été informé du fait qu'à Travnik, il s'agissait du

15 20 avril, mais si je me souviens bien, en fait cela s'est passé la nuit

16 précédente où l'après-midi du 19, bref ! Il y a eu une tentative

17 d'assassinat contre le commandant de la brigade de Travnik, M. Gaso, et

18 lors de cette attaque sa femme a trouvé la mort.

19 Ce qui s'est passé, c'est que trois membres de l'armée de

20 Bosnie-Herzégovine sont venus chez lui, à la porte de l'appartement de

21 M. Gaso, ils ont sonné. Au moment où sa femme ouvrait la porte, ils ont

22 ouvert le feu avec une arme automatique. La femme de M. Gaso a été tuée

23 sur le coup.

24 A 4 heures 30 du matin ou vers 4 heures 30 du matin, j'ai reçu

25 des informations de la part du chef du service de renseignements

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1 militaires. Il m'a informé du fait qu'il y avait regroupement des forces

2 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il m'a également informé du fait que des

3 tirs d'artillerie avaient été déclenchés et des provocations avaient eu

4 lieu à Krcevine, Krizancevo Selo, Zabilje et vers 6 heures, a démarré une

5 attaque de l'infanterie.

6 Au cours de la journée, nous avons reçu régulièrement des

7 informations au sujet d'informations dans les régions de Sljivcica et

8 Gacice.

9 Ce jour-là, on a commencé à voir arriver des groupes de réfugiés

10 de Zenica. Il s'agissait de familles entières ou bien de conscrits.

11 Certains avaient des armes, des équipements militaires et

12 d'autres n'avaient avec eux que des sacs avec quelques affaires.

13 Vers 6 heures, ou plutôt 6 heures du matin jusqu'à 6 heures 30,

14 j'ai moi-même participé au soutien à la brigade de Vitez de la même façon

15 que cela s'était produit les 18 et 17 avril pour la défense de Krcevine,

16 Krizancevo Selo et Kratine.

17 A environ 16 heures 30, j'ai reçu un appel téléphonique du chef

18 d'état-major de l'état-major du HVO, le général de brigade Petkovic de

19 Zenica et il m'a ordonné de me préparer parce que la Forpronu allait venir

20 me chercher. Il fallait que je participe en personne à une réunion à

21 Zenica.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire les

23 circonstances qui ont prévalu quand vous avez quitté l'hôtel à Zenica ?

24 Etait-ce la première fois que vous quittiez l'hôtel depuis le début des

25 opérations de combat ?

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1 M. Nobilo (interprétation). - Oui, c'était la première fois que

2 je sortais de l'hôtel. A partir de la cave de l'hôtel, j'ai utilisé une

3 porte qui se trouvait sur le côté de l'hôtel, plutôt à l'arrière de

4 l'hôtel qui avait été touché par des tirs le premier jour. Il y avait deux

5 véhicules blindés à droite et à gauche, ils se sont approchés de

6 l'escalier.

7 M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi, quand vous parlez de

8 transports blindés, à qui appartenaient ces véhicules ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Ils appartenaient à la Forpronu,

10 au bataillon britannique de la Forpronu.

11 M. Nobilo (interprétation). - S'agissait-il de véhicules blindés

12 qui pouvaient résister aux balles ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui, des véhicules blindés de

14 bonne qualité. Ils sont donc venus se placer sur le côté de l'escalier. Un

15 véhicule est venu au milieu, c'était également un véhicule blindé qui est

16 venu au niveau des escaliers, la porte de derrière était ouverte, je suis

17 passé directement de la porte de l'immeuble et je suis monté tout de suite

18 dans le véhicule. Ensuite la porte a été refermée et nous sommes partis

19 pour cette réunion à Zenica.

20 M. Blaskic (interprétation). - Vous dites que c'était la

21 première fois que vous quittiez l'hôtel depuis le début des opérations à

22 l'aube du 19 avril ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui.

24 M. Nobilo (interprétation). - Vous était-il possible de quitter

25 le poste de commandement situé dans la discothèque de l'hôtel pour gagner

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1 la ligne de front afin d'y assurer le commandement sur certaines lignes de

2 combat ? Sinon, pourquoi ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Tout d'abord, il ne s'agissait

4 pas vraiment d'un P.C. C'était plutôt une boîte de nuit qu'un P.C. à vrai

5 dire. La seule différence, c'est que nous nous trouvions dans cette

6 discothèque plutôt que les clients de l'hôtel ou de la discothèque. Nous

7 avions deux lignes téléphoniques, donc nous devions essayer de travailler

8 au mieux dans les conditions qui prévalaient.

9 Deuxièmement, ce n'était pas possible, parce que dans ce cas-là,

10 je n'aurais plus aucun moyen de communiquer avec les commandants des

11 brigades et avec mes autres collègues.

12 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que cela aurait signifié

13 si vous étiez allé sur la ligne de front et si vous aviez quitté le P.C.

14 et ces deux lignes de téléphone ? Quelle en aurait été la conséquence pour

15 le système de défense qui a été mis en place dans l'enclave de Busovaca ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Il n'y aurait plus eu aucune

17 communication entre moi et mes adjoints. Il m'aurait été totalement

18 impossible de communiquer avec eux si j'avais été ailleurs.

19 Parce que si on pense à des moyens de communication mobiles,

20 tels qu'ils étaient disponible dans la JNA, tels que nous en avions, je

21 n'avais pas d'équipements mobiles de ce type.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous me dire s'il vous

23 plaît, dans une situation où un commandant, où un chef ne dispose pas d'un

24 véhicule de communication blindé qui lui permette d'aller sur la ligne de

25 front tout en restant en contact avec tout le monde et d'après la doctrine

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1 de défense de la JNA -c'est la formation que vous avez reçue- où est censé

2 se trouver un commandant tel que vous l'étiez à ce moment-là ? Sur la

3 ligne de front ou ailleurs ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Si on regarde les règles édictées

5 par l'ancienne JNA, on voit très clairement où doit se trouver un officier

6 commandant d'un certain rang, d'un certain grade.

7 Mais moi, je ne rentrais pas tellement dans le cadre de ces

8 règles parce que nous nous trouvions à 150 ou 200 mètres de la ligne de

9 front. Je m'efforçais d'utiliser au mieux les moyens de communication dont

10 je disposais.

11 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous nous dites que votre

12 poste de commandement, si on peut appeler cela ainsi, cette discothèque,

13 quand vous dites que ce P.C. échappait à ces règles, qu'est-ce que vous

14 voulez dire ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Je vais être bref. Le commandant

16 d'un bataillon est censé se trouver à au moins un kilomètre et demi ou

17 deux kilomètres derrière la ligne de front.

18 Le commandant d'une brigade doit se trouver de trois à

19 six kilomètres de distance. Et le commandant d'une zone opérationnelle,

20 d'un corps d'armée ou d'une division, doit être encore plus éloigné de la

21 ligne de front, afin qu'il puisse recevoir toutes les informations

22 nécessaires et émettre les ordres nécessaires.

23 Dans notre situation, il n'était pas possible de mettre en place

24 un poste de commandement qui répondait à ces exigences. Nous étions

25 obligés de faire avec ce que nous avions sur le moment.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si cela

2 aurait été logique, du point de vue militaire, que le commandant de la

3 zone opérationnelle quitte le poste de commandement qui se trouvait au

4 centre de tout le système de défense ? Qu'il quitte ce poste de

5 commandement et se rende sur la ligne de front pour s'occuper lui-même de

6 la défense de la ligne de front et qu'il y reste assez longtemps ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Cela dépendrait des moyens de

8 communication dont il disposerait.

9 M. Nobilo (interprétation). - Il faudrait des moyens mobiles de

10 communication ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Oui, pour lui permettre de

12 communiquer avec tout le monde. Il faut savoir que nous étions dans une

13 situation très chaotique. En fait, cela signifiait la chute de ces lignes

14 que nous nous efforcions de maintenir.

15 M. Nobilo (interprétation). - Si vous, vous aviez quitté ces

16 deux lignes de téléphone, sans moyen de communication mobile, sans

17 véhicule de communication mobile, est-ce que cela aurait entraîné

18 l'interruption totale des communications avec vos unités ?

19 Quelles en auraient été les conséquences sur votre capacité de

20 commandement ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Elles auraient été complètement

22 inexistantes. Je n'aurais plus pu donné des ordres qu'à une ou deux

23 personnes.

24 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

25 Vous nous dites que le 20 avril 1993, vous êtes parti à Zenica.

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1 J'imagine que vous êtes également arrivé à Zenica. Il y a donc eu une

2 réunion avec les représentants des Nations Unies, le représentant du

3 3ème Corps, etc. Pouvez-vous nous dire qui était présent lors de cette

4 réunion ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Je suis arrivé à Zenica, à

6 l'hôtel international où s'est déroulée la réunion.

7 Il y avait les personnes suivantes : le général Morillon, le

8 responsable la mission européenne de surveillance de la zone

9 opérationnelle pour Zenica, M. Thebault. Du côté de l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine, il y avait M. Ejup Ganic, je crois qu'il était l'adjoint

11 chargé de la défense à la présidence de M. Alija Izetbegovic. Il y avait

12 également M. Sefer Alilovic, chef de l'état-major principal de l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine ainsi que Enver Hadzinasnovic commandant du 3ème Corps

14 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, M. Dzemo Merdan, commandant adjoint du

15 3ème Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine et M. Hodzic, président du

16 comité régional du SDA.

17 M. Nobilo (interprétation). - S'agissait-il là du parti des

18 Musulmans de Bosnie ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Ensuite, il y avait

20 également M. Vehbija Karic, qui est également le commandant adjoint de

21 l'état-major principal de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Du côté du HVO,

22 M. Kresimir Zubak, vice premier ministre du conseil de défense croate. Il

23 y avait également le général de brigade Petkovic, chef de l'état-major

24 principal du conseil de défense croate.

25 Monsieur Lucic et M. Bandic, officiers de l'état-major, ou

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1 plutôt du département de la défense.

2 Moi-même, j'étais présent à cette réunion. Il y avait également

3 M. Pojavnik, Président du conseil de défense croate de Zenica, ainsi que

4 M. Dominik Sakic, vice-président de l'assemblée de la municipalité de

5 Zenica et Président du HVO de Zenica.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je tiens à signaler une erreur

7 dans le compte rendu, il faut dire Tojavnik et non Pojavnik.

8 M. Blaskic (interprétation). - Revenons à la réunion. La réunion

9 a été présidée par le général Morillon et M. Thebault qui menaient la

10 mission d'observation européenne. Le général Morillon nous a informés de

11 l'accord qui avait été signé le 18 avril. Il nous a fait savoir que, la

12 veille, il nous a dit "hier soir" -il faisait probablement référence au

13 19 avril 1993, qu'à Mezugorje, il y a eu une réunion du même type avec le

14 commandant de la zone opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine, ainsi

15 que le commandant du 4ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine et que,

16 aujourd'hui -c'est-à-dire le 20 avril 1993-, il nous a dit que cette

17 réunion avait pour objectif de faire respecter, de faire entrer dans les

18 faits, l'accord conclu le 18 avril 1993. C'est un accord qui avait été

19 signé entre le Président Alija Izetbegovic et le Président Mate Boban.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je me permets de vous interrompre.

21 Nous souhaiterions qu'un document soit distribué. Il s'agit de l'accord

22 auquel a fait référence le témoin.

23 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce D546, et D546A pour la

24 version anglaise.

25 M. Nobilo (interprétation). - Pendant que l'on procède à la

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1 distribution de ce document... C'est un document qui n'est pas très long,

2 je vais donc le lire.

3 M. le Président. - Il était en quelle langue quand il a été

4 signé ? Je voudrais savoir si le général Morillon l'avait quand même

5 rédigé en français.

6 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit d'un document, d'un

7 accord conclu entre Alija Izetbegovic et Mate Boban. Il n'est pas très

8 facile de vous dire de quelle langue il s'agit. Je vais vous dire croate,

9 d'autres vous diront bosniaque.

10 "Zagreb, 18 avril 1993. Alija Izetbegovic et Mate Boban. Après

11 des pourparlers sur les relations entre les Croates et les Musulmans,

12 Alija Izetbegovic et Mate Boban ont conclu les points suivants :

13 1. Tous les malentendus entre les peuples croate et musulman en

14 Bosnie-Herzégovine doivent trouver une solution politique.

15 2. Il n'existe aucune raison valable au conflit entre l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine et le HVO.

17 3. Nous ordonnons à toutes les unités de cesser immédiatement

18 les combats, de libérer les prisonniers et d'éliminer les causes par le

19 biais d'accord à tous les niveaux.

20 4. Il faut immédiatement établir la responsabilité et les

21 intentions des unités et des individus qui ont joué un rôle dès le début

22 du conflit."

23 Signé, Alija Izetbegovic et Mate Boban.

24 Général, connaissez-vous ces signatures et pouvez-vous nous

25 confirmer que ces deux personnes ont effectivement signé ces documents ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Oui, je connais la signature de

2 M. Izetbegovic et la signature de M. Boban.

3 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit de leurs signatures ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

5 M. Nobilo (interprétation). - S'agit-il là de l'accord auquel a

6 fait référence le général Morillon lorsqu'il a fait les remarques

7 préliminaires à la discussion à laquelle vous avez participé ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous parler de cette

10 réunion ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Le général de brigade

12 Petkovic a pris la parole et a dit que la réunion ne pouvait continuer que

13 lorsque le commandant de la brigade de Zenica du HVO où plutôt lorsque le

14 commandant adjoint de la brigade Vinko Baresic serait libéré car nous

15 avions des informations comme quoi il avait été emprisonné, qu'il était

16 interné dans une prison à Zenica.

17 Nous avons attendu environ 20 minutes jusqu'à l'arrivée de

18 Vinko Baresic et, pendant cette période de temps, j'ai informé le général

19 de brigade Petkovic de la situation critique que nous connaissions à Vitez

20 et à Busovaca. Je lui ai dit qu'à Vitez, l'armée de Bosnie-Herzégovine

21 avait réussi, pendant cette journée, à atteindre la route principale

22 reliant Vitez à Busovaca en provenance de la direction de Sljivcica et

23 Borovine.

24 Je lui ai même dit que je ne savais pas avec certitude si

25 j'aurais la possibilité de rentrer car je pensais que la route risquait

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1 d'être totalement coupée. Nous étions en train de commenter la situation.

2 C'est à ce moment-là qu'est arrivé Vinko Baresic qui nous a

3 rapporté la décision de libération de la prison le concernant dans

4 laquelle il était stipulé qu'il avait été mis en accusation en raison de

5 sa participation à des actes hostiles. Ce qui était une décision erronée.

6 Le général de brigade Petkovic a pris le texte de cette décision

7 des mains de Vinko Baresic et a déclaré : "Hier, nous avons discuté et

8 nous avons dit que le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine faisaient

9 partie intégrante des forces armées de Bosnie-Herzégovine. Or, voilà, il

10 apparaît à présent que des membres du HVO seraient accusés de faire partie

11 d'unités ennemies". Il a ajouté : "Personnellement, je me sens comme

12 faisant partie des forces armées de Bosnie-Herzégovine".

13 M. Nobilo (interprétation). - C'est le général de brigade

14 Petkovic qui a dit cela ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Oui. A l'époque, il était général

16 de brigade et c'est ce qu'il a dit. Il s'agit du général de brigade

17 Petkovic qui était chef d'état-major principal. Le général Morillon a pris

18 la parole à ce moment-là pour dire qu'il convenait de se concentrer sur la

19 nécessité d'appliquer l'accord. Il a redonné la parole au général Petkovic

20 qui a parlé du conflit.

21 Il a dit : "Ce conflit n'a pas été provoqué par cinq personnes,

22 c'est un conflit de caractère général. Vous", -et il pensait à l'armée de

23 Bosnie-Herzégovine-, "à Zenica, vous avez mis en oeuvre une action

24 terroriste pour enlever le commandant Totic".

25 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi. Le témoin est en train

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1 de lire ce qui est écrit dans un rapport, il ne s'agit pas de ses notes.

2 Apparemment, il a un rapport sous les yeux. Le Procureur renouvelle sa

3 demande, celle qui correspond à celle des Juges d'ailleurs, à savoir de

4 demander au témoin de ne pas lire.

5 M. Nobilo (interprétation). - Nous pouvons demander au témoin

6 s'il lit le rapport ou ses notes ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je lis mes notes personnelles. Je

8 souhaite dire avec précision ce que chacun des participants à la réunion a

9 effectivement dit. Je ne fais que lire ce qui est écrit dans mes notes.

10 M. le Président. - Ce sont des notes que vous aviez prises au

11 moment de la réunion générale, Général Blaskic ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-

13 moi, je n'ai pas entendu l'interprétation.

14 M. Blaskic (interprétation). - Je vous demandais si ce que vous

15 lisiez c'était les notes que vous aviez prises au moment même de la

16 réunion où si ce sont des notes que vous avez rédigées depuis que vous

17 êtes à La Haye ou s'il s'agit d'un rapport officiel que vous auriez obtenu

18 d'une voix externe comme les archives de tel ministère de la Défense. Il

19 n'y a que trois possibilités. Quelle est la véritable interprétation ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Dans mon journal de guerre, je

21 consignais des notes et j'ai pris ces notes pendant que j'étais présent à

22 là réunion car je n'ai pas été présent pendant toute la durée de la

23 réunion. Il s'agit de mes notes personnelles consignées au journal de

24 guerre. Ici, ce sont des notes que j'ai recopiées à partir du journal de

25 guerre. Je peux parler de cette réunion.

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1 Monsieur le Président, je peux vous rapporter ce qui s'y est

2 passé. Mais si j'agissais ainsi, je ne pourrais pas vous dire avec

3 exhaustivité ce que chacun des participants a dit, et je crois qu'il est

4 important pour vous Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de savoir

5 exactement ce que chacun a dit au cours de cette réunion. Il ne s'agit pas

6 en tous cas d'un rapport officiel émanant de cette réunion, je n'ai pas le

7 procès verbal de cette réunion.

8 M. le Président. – Poursuivez, Général Blaskic.

9 M. Kehoe (interprétation). - Si je puis me permettre.

10 M. Hayman (interprétation). - Si le conseil de la partie adverse

11 a une autre requête à présenter, je demanderai qu'elle le soit en dehors

12 de la présence du témoin car je pense qu'il essaie de déstabiliser le

13 témoin.

14 Si cela lui pose problème que le témoin lise ses notes

15 personnelles, j'aimerais que la discussion ait lieu en dehors de la

16 présence du témoin. C'est une erreur d'agir ainsi, c'est la deuxième ou

17 troisième fois que cela se passe.

18 M. le Président. – Ces incidents éclatent toujours quand on va

19 faire la pause. Vous devez avoir là un feeling particulier, pour parler

20 anglais, sur le moment où on va faire une pause.

21 D'abord Maître Kehoe, est-ce une observation à nouveau sur la

22 décision qu'ont prise les Juges ? Quand les Juges ont pris une décision,

23 vous savez que généralement, ils ne reviennent pas sur leur décision,

24 parce que c'est normal, ce n'est pas convenable.

25 Vous voulez insister quand même ?

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1 M. Kehoe (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je n'ai

2 rien fait pour déstabiliser quelque témoin que ce soit. Je prends

3 d'ailleurs ces commentaires très au sérieux. Mais ce que je voudrais dire,

4 c'est la chose suivante: je ne peux pas lire ce que le général Blaskic est

5 en train de lire, mais je peux vous dire qu'il s'agit d'une déclaration

6 tapée à la machine. Ma déclaration repose sur la déclaration que vous avez

7 faite vous-mêmes Monsieur le Président, Messieurs les Juges à une date

8 antérieure. S'il s'agit d'un rapport, si le témoin lit un rapport, les

9 Juges ont droit à voir ce rapport et le Procureur également. Cela fait des

10 mois que cela dure.

11 Je fais mon commentaire en disant que si le témoin lit un

12 rapport, le Procureur, avec tout le respect qu'il doit à chacun, demande

13 d'obtenir un exemplaire de ce rapport et le commentaire qui vient d'être

14 fait au sujet de notre simple requête est déplacé.

15 M. Nobilo (interprétation). - Le témoin vient de dire clairement

16 qu'il ne s'agit pas d'un rapport, il l'a dit il y a 10 minutes.

17 M. le Président. – Je dois dire, Maître Kehoe, que vous me

18 mettez dans l'embarras. Il m'est difficile de me pencher pour voir ce que

19 lit ou pas le témoin.

20 Vous savez, nous appliquons des règles, mais il faut les

21 appliquer avec une certaine souplesse. Maître Kehoe, vous savez très bien

22 que nous avons demandé que ce témoin, comme tous les témoins d'ailleurs,

23 comme dans tous les systèmes judiciaires développés, n'arrive pas avec une

24 déclaration pré constituée pour laquelle il aurait bénéficié de l'aide de

25 ses conseils. Ceci est très clair.

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1 Deuxièmement, il s'agit ici d'un témoignage très particulier.

2 Maître Kehoe, il s'agit de l'acteur principal de ce procès, celui qui est

3 inculpé, il a donc des droits qui sont les droits fondamentaux d'un

4 accusé. Il s'agit de faits douloureux, quel que soit le sort futur de ce

5 témoin, il n'en demeure pas moins vrai que ce sont des journées qui ont dû

6 beaucoup peser dans son existence. Il faut donc envisager la règle avec

7 une certaine souplesse et c'est ce que nous faisons. J'ai consulté mes

8 collègues du regard, et j'ai cru comprendre que nous devions accepter ce

9 qu'a dit le témoin.

10 Troisièmement, c'est un témoin qui est sous serment. Si nous

11 constatons qu'il ment, nous avons une panoplie de textes qui nous

12 permettent de le sanctionner, mais pour l'instant, il s'agit d'un

13 officier, d'un général maintenant, il nous a dit ce qu'il faisait. Je ne

14 sais pas si ses notes, il les a prises à la machine. Je ne crois pas

15 qu'effectivement à la réunion du 19 ou du 20 avril, le général Blaskic

16 avait une machine à écrire. Peut-être que ce sont des notes qu'il a

17 reconstituées par la suite. Il faut essayer de voir cela à la fois à la

18 lumière du principe que nous avons posé, d'une certaine flexibilité.

19 Je crois que vous avez tout à fait raison, vous avez appelé

20 notre attention sur la pause jugée nécessaire maintenant d'un quart

21 d'heure, ce qui apaisera les esprits et calmera les objections.

22 Nous reprenons dans 15 minutes.

23 (L'audience, levée a 15 heures 45 est reprise à 16 heures 15.)

24 M. le Président. - L'audience est reprise.

25 Maître Nobilo ?

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1 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Général, nous en étions

2 arrivés à cette réunion importante qui s'est tenue le 20 avril 1993 à

3 Zenica.

4 Pouvez-vous nous relater ce qui s'est passé à cette réunion et

5 ensuite, nous examinerons un document rédigé sur le la base de cette

6 réunion ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Après que le

8 général Morillon ait donné la parole au général de brigade Petkovic, le

9 général Petkovic a déclaré : "Cette réunion n'a pas été provoquée par cinq

10 personnes. C'est une réunion de caractère général. A Zenica, vous avez,

11 par un acte terroriste, enlevé le commandant Todic et à Kojnic, vous avez

12 attaqué le HVO.Nous n'avons toujours pas la possibilité de confirmer ce

13 qui se passe avec le HVO et les Croates à Konjic.

14 Les forces arrivent de l'extérieur ; les forces des 1er et

15 2ème Corps d'armée. Ce conflit n'est pas un conflit local".

16 Après cela, le chef de l'état-major principal de l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine, Sefer Alilovic, a pris la parole et a dit ce qui

18 suit : "Il nous faut d'abord enquêter sur les causes pour pouvoir

19 déterminer les conséquences. Notre service de renseignements militaires a

20 appris que tout ceci se prépare depuis longtemps sur la base d'un plan

21 intitulé "avril 1993".

22 Et c'est à M. Boban que la parole a été donnée en dernier.

23 Monsieur Boban qui avait participé à la réunion du 8 avril 1993 à Travnik.

24 Après cela, M. Petkovic a repris la parole pour dire à

25 M. Alilovic : "Vous avez amené ici à Vitez 400 soldats de Travnik, des

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1 membres de la 17ème Brigade de Krajina. Vous avez amené la 312ème Brigade de

2 montagne de Travnik et la 306ème Brigade de Travnik.

3 A Jablanica, vous avez amené des forces de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine de l'extérieur".

5 A ce moment-là, une discussion a commencé, en tout cas, chacun

6 tentait de prendre la parole et la prenait sans l'avoir reçue du

7 Président.

8 Dzemo Merdan a demandé la parole, ou plutôt il l'a prise lui-

9 même, pour dire ce qui suit...

10 M. Nobilo (interprétation). - Dzemo Merdan était qui ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Il était l'adjoint du commandant

12 du 3ème Corps d'armée.

13 Il a dit : "Là-bas, en bas, vous avez assassiné la population.

14 Il y a des cadavres civils dans le caniveau près de la route et

15 500 personnes, à peu près, ont été tuées.".

16 J'ai répondu à Dzemo Merdan : "Dzemo, si c'est ce que tu

17 affirmes, je propose que la commission conjointe procède à une enquête et

18 soumette un rapport à propos de ces affirmations.".

19 M. Nobilo (interprétation). - Général, "des civils tués gisent

20 dans le caniveau au bord de la route", est-ce que Dzemo Merdan a mentionné

21 Ahmici où n'a pas mentionné Ahmici ?

22 Que vous est-il resté dans la mémoire ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas consigné la totalité

24 des propos tenus par Dzemo Merdan. Peut-être a-t-il mentionné ce village ?

25 Mais je pense que non, car je l'aurais sûrement inscrit.

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1 Quand il a dit qu'il y avait des tués, des morts au bord de la

2 route, cela m'a amené à penser que cela pourrait correspondre au secteur

3 de Nadioci, Sivrino Selo, Ahmici, parce qu'Ahmici est l'un des villages

4 les plus proches de la route principale. Il a dit : "Là-bas, en bas, près

5 ou au bord de la route, dans le caniveau".

6 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous alliez à Zenica, quelle

7 route avez-vous emprunté ? Le savez-vous ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Je dirai avec une certitude de

9 99 % que j'ai emprunté la route de Vitez, Kaonik, Petja Lasva (?), en

10 direction de Zenica, c'est-à-dire la route principale.

11 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites : "Je suppose", mais

12 pourquoi supposez-vous ? Pourquoi ne le dites-vous pas avec certitude ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas vu quelle était la

14 route empruntée par le véhicule dans lequel je me trouvais. C'était un

15 blindé, il faisait déjà sombre et les volets étaient complètement baissés.

16 J'étais assis aux côtés de soldats de la Forpronu, physiquement

17 à côté d'eux. Je n'ai rien vu à l'extérieur du véhicule qui m'ait permis

18 de m'orienter. Mais je connais très bien la route et c'est la raison pour

19 laquelle je dis avec une certitude de 99 % que j'ai emprunté la route

20 principale : Vitez, Kaonik, Lasva, Zenica.

21 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous avez proposé une

22 commission conjointe à Dzemo Merdan, à quelle commission pensiez-vous ?

23 Pensiez-vous à une commission qui existait déjà ou à une commission qui

24 aurait dû être fondée, être créée ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Jusqu'à ce jour-là, tous les

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1 incidents, toutes les difficultés -il y en a eu des centaines qui ont

2 opposé les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO-, tous

3 ces incidents étaient réglés par la commission conjointe qui était

4 présidée par M. Dzemo Merdan et M. Franjo Nakic. Des représentants de la

5 commission d'observation européenne siégeaient avec eux à cette

6 commission.

7 Quant à la Forpronu, elle assurait, de temps en temps, la

8 sécurité des mouvements des membres de la commission lorsque c'était

9 nécessaire.

10 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous redire

11 aujourd'hui à quel moment cette commission a été créée et dans quelle

12 intention ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Cette commission a été créée lors

14 de la réunion tenue à Busovaca, d'ailleurs dans la région on l'appelait

15 souvent commission conjointe pour Busovaca. Son intention était d'obtenir

16 la mise en oeuvre des ordres conjoints émanant du général de brigade

17 Petkovic et du général Alilovic au mois de février 1992 qui avaient pour

18 but de supprimer toutes les répercussions du conflit de janvier entre

19 l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

20 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous avez proposé une

21 nouvelle fois que cette commission, qui remplissait ce genre de tâches de

22 façon routinière, agisse également en rapport avec Ahmici, que s'est-il

23 passé par la suite ? Comment la réunion s'est-elle déroulée par la suite ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas demandé à la

25 commission de mener une enquête au sujet d'Ahmici. J'ai dit : "Mezo, si

Page 18024

1 c'est ce que tu affirmes, je propose ici que la commission conjointe mène

2 enquête et soumette les résultats de cette enquête dans le cadre d'un

3 rapport." Je voulais dire : soumettre au commandant du 3ème Corps d'armée

4 et à moi-même.

5 Après cela, M. Ejup Ganic a pris la parole.

6 M. Nobilo (interprétation). - Quelles étaient ses fonctions ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

8 était suppléant du président de la présidence de guerre de la Bosnie-

9 Herzégovine, donc le suppléant de M. Alija Izetbegovic. Aujourd'hui, il

10 est vice-président de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et je crois que

11 jusqu'au 1er janvier 1999, il était président de la Fédération de Bosnie-

12 Herzégovine.

13 Monsieur Ejup Ganic a dit : "Ne parlons pas des morts

14 maintenant, soyons responsables. Que les commandants commencent par

15 s'entendre pour mettre un terme aux combats, ensuite, nous parlerons des

16 morts. Il faut arrêter cela." En employant le terme "cela", je pense qu'il

17 faisait référence aux opérations de combats.

18 Après cela, le général Morillon a repris la parole, et très peu

19 de temps après j'ai reçu l'information selon laquelle j'étais appelé

20 d'urgence à Vitez, ou plutôt j'étais appelé au téléphone à partir de

21 Vitez. J'ai donc quitté la salle où se déroulait la réunion, je suis allé

22 dans le même bâtiment au premier étage et j'ai reçu un appel téléphonique

23 de Slavko Marin qui m'annonçait que les forces de l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine avaient occupé l'école de Dubravica et que les premiers rangs

25 de ses forces étaient déjà au niveau de l'entreprise Impregnacija.

Page 18025

1 M. Nobilo (interprétation). - Ma première question est la

2 suivante : est-ce que vous avez demandé à Slavko Marin de vous remplacer

3 au sein du commandement ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

5 M. Nobilo (interprétation). - Et l'école de Dubravica et

6 l'entreprise Impregnacija, à quelle distance se trouvent-elles ?

7 M. Blaskic (interprétation). - L'entreprise Impregnacija se

8 trouve au sud de la route,

9 quant à l'école, elle se trouve du côté nord de la route. Je

10 peux le montrer sur la maquette. Mais d'après le rapport que j'ai reçu

11 après 18 heures, cela signifiait que la route a été coupée.

12 M. Nobilo (interprétation). - Nous reviendrons sur une autre

13 question que je voulais vous poser plus tard. Mais quand vous vous êtes

14 rendu à ces pourparlers de paix, en quittant le commandement de la zone

15 opérationnelle, la route était-elle déjà coupée ?

16 M. Blaskic (interprétation). – Non, mais il y avait des combats

17 devant l'école de Dubravica. Il y avait donc des combats destinés pour

18 défendre ce secteur.

19 M. Nobilo (interprétation). - Cela signifie-t-il que, pendant la

20 durée de la réunion, l'armée de Bosnie-Herzégovine a remporté une victoire

21 importante ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Selon le rapport qui m'a été

23 transmis à l'hôtel, cela signifiait que la route avait été coupée

24 précisément au moment où nous assistions à la réunion, parce que

25 Slavko Marin est passé par le commandement du 3ème Corps d'armée pour

Page 18026

1 m'obtenir au téléphone à la réunion. Il ne connaissait pas le numéro de

2 l'hôtel International et il a donc dû faire appel au chef d'état-major du

3 3ème Corps d'armée.

4 M. Nobilo (interprétation). - Comment avez-vous réagi en vous

5 rendant compte que, d'une part, vous étiez en train de négocier et qu'eux

6 continuaient leurs attaques ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je suis retourné dans la salle,

8 j'ai parlé au chef d'état-major principal, je lui ai transmis

9 l'information en ma possession à savoir que j'avais reçu un appel de

10 Slavko Marin et que la route était coupée, que l'armée de Bosnie-

11 Herzégovine s'était emparée de ce territoire, je parle du secteur de

12 l'école de Dubravica et que les premières lignes de ces troupes étaient

13 arrivées à l'entreprise Impregnacija.

14 Après cela, le général Petkovic a informé la réunion au sujet du

15 rapport et a demandé une explication à Enver Hadzihasanovic.

16 Enver Hadzihasanovic a dit : "Je n'ai pas permis cela", il pensait à

17 l'attaque "peut-être mes ordres ne sont-ils pas parvenus jusqu'aux unités

18 sur le terrain".

19 Il a dit également qu'il ne pouvait pas transmettre très

20 rapidement ces ordres sur le terrain, compte tenu du fait que les unités

21 étaient en opération de combat et qu'il était indispensable que l'ordre

22 parvienne jusqu'à chaque unité qui se trouvait à des positions

23 différentes. Ensuite, il a été suggéré que Enver et moi-même -je ne sais

24 pas si c'est le général de la brigade, Petkovic et Alilovic également qui

25 nous ont demandé-, mais de toute façon ils nous ont demandé d'aller tout

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1 de suite dans une pièce à côté, d'appeler lui-même son chef d'état-major,

2 M. Mekic, et moi-même d'appeler Slavko Marin à Vitez, et de leur ordonner

3 le cessez-le-feu, d'arrêter les opérations militaires.

4 Nous l'avons fait tous les deux et ensuite nous avons quitté la

5 réunion de nouveau. Je ne sais plus jusqu'à quel moment la réunion s'est

6 déroulée. Par la suite avec Enver Hadzihasanovic et moi-même, nous sommes

7 restés dans cette pièce, nous avons téléphoné, nous avons conversé au

8 téléphone en vue d'arrêter les opérations de combats. Au moment où nous

9 sommes retournés dans la pièce où les pourparlers avaient lieu, après

10 avoir téléphoné et effectué la mission, j'étais présent au moment où le

11 général avait donné lecture du rapport, moi-même j'ai mis des conclusions

12 dans mon journal de guerre à la main.

13 Les conclusions étaient les suivantes : tout d'abord à

14 19 heures 30, "Le Bataillon britannique de la Forpronu patrouillera dans

15 les rues de Vitez et va placer des véhicules blindés sur les lignes de

16 confrontation des forces. Il a pensé aux lignes qui délimitaient les

17 forces du HVO et les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine."

18 Ensuite, le commandement conjoint des forces armées de la

19 République de Bosnie-Herzégovine, qui a été désigné de la part de l'état-

20 major du commandement suprême et de la part de l'état-major du HVO, a le

21 même traitement, est traité sur le pied d'égalité. Ensuite, il s'est

22 adressé aux chefs d'état-major principaux, au général de brigade Petkovic

23 et Alilovic et il leur a dit : "C'est vous qui êtes responsables pour tout

24 ce qui se passe, car il n'y a aucune raison qui pourrait expliquer ce qui

25 se passe sur le terrain".

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1 Après cela, le chef de la mission d'observation européenne,

2 M. Thebault, a pris parole et a dicté les conclusions de cette réunion :

3 "1. L'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO sont des composantes

4 des forces armées de Bosnie-Herzégovine et sont traités sur un pied

5 d'égalité.

6 2. Tous les commandants à tous les niveaux se doivent d'exécuter

7 immédiatement l'ordre concernant le cessez-le-feu, le cessez-le-feu

8 complet.

9 3. A Vitez, on constitue un centre mixte opérationnel, ce qui

10 est le début de la mise en place d'un commandement conjoint pour les jours

11 à venir.

12 A la tête de ce centre opérationnel mixte, conjoint, sont

13 désignés les adjoints des commandants. "

14 Il a pensé à l'adjoint du commandant du 3ème Corps et à mon

15 adjoint de la zone opérationnelle.

16 M. Nobilo (interprétation). - Pour mettre au clair quelques

17 points, est-ce que, vous-même, vous aviez quelqu'un qui était formellement

18 votre suppléant ou bien à qui pensiez-vous ? Quel était le titre, le grade

19 de cette personne ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Je n'avais pas la personne qui

21 était suppléant du commandant, car en ce qui concerne la zone

22 opérationnelle les structures étaient différentes par rapport aux

23 structures du 3ème Corps.

24 J'avais bien évidemment quelqu'un qui m'a été subordonné, qui

25 était le n° 2. C'était le chef de l'état-major, Franjo Nakic. Le 3ème Corps

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1 avait le suppléant du commandant du 3ème Corps, c'était Dzemo Merdan.

2 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Vous pouvez poursuivre.

3 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait une conclusion

4 suivante.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le Général, est-ce

6 que cette différence, au niveau hiérarchique et au niveau des structures

7 du HVO d'un côté et de l'armée de Bosnie-Herzégovine, avait posé un

8 certain nombre de difficultés sur le plan administration pour un côté ou

9 l'autre ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Cela posait un certain nombre de

11 difficultés d'ordre pratique car, pour moi, cela voulait dire que mon

12 état-major restait sans son chef pendant une certaine période.

13 Je n'avais déjà pas beaucoup de personnes. J'étais obligé

14 maintenant d'engager le chef du quartier général pour une autre mission.

15 Deuxièmement, dans le 3ème Corps, il y avait le chef du quartier

16 général qui était resté à son poste, alors que le commandant avait désigné

17 son suppléant. Je parle du commandant du 3ème Corps qui avait détaché son

18 suppléant pour le centre opérationnel.

19 Il y a un commandement qui est resté sans le chef du quartier

20 général, alors que les autres avaient aussi bien le chef d'état-major que

21 l'autre personnel.

22 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire

23 quelle était la deuxième personne ? Aussi bien au niveau du 3ème Corps que

24 de votre zone opérationnelle ?

25 M. Blaskic (interprétation). - C'est toujours le chef de l'état-

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1 major. Ce sont les informations qui sont regroupées, rassemblées au niveau

2 de ce centre. Le chef d'état-major prépare toute les décisions pour le

3 commandement et c'est lui qui fait les rapports.

4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez donné lecture des

5 conclusions. Maintenant, je vais demander que l'on distribue le

6 document D339.

7 Nous allons demander l'aide de l'huissier pour le distribuer.

8 Les deux documents parlent des conclusions de cette réunion qui a eu lieu

9 à Zenica. Le document a été signé par les personnes dont il a été

10 question.

11 Si vous voulez bien distribuer ce document, le nouveau document

12 s'il vous plaît.

13 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce D547.

14 M. Nobilo (interprétation). - Général, voulez-vous voir d'abord

15 le document D339 et dites nous tout simplement s'il s'agit-là des

16 conclusions de la réunion dont vous avez parlé aujourd'hui. C'est le vieux

17 document que nous avons déjà vu, parcouru, le document D339.

18 La question que je vous pose est la question qui se réfère au

19 document D339. Est-ce qu'il contient les conclusions de la réunion à

20 Zenica dont vous venez de parler ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui, toutes les conclusions sont

22 contenues dans ce document. J'ai encore juste une autre donnée que j'ai

23 prise en note. Là, je ne vois pas ce complément. Et c'est le colonel

24 Stewart qui avait proposé cette conclusion. Il était à la tête de la

25 mission d'observation européenne.

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1 M. Nobilo (interprétation). - De quoi il s'agit ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Au moment où toutes les

3 conclusions ont été dictées -j'ai déjà expliqué comment on a procédé- le

4 colonel Stewart a pris une carte géographique et a montré au chef de la

5 mission d'observation, M. Thebault, cette carte et à ce moment-là, le chef

6 Thebault a donné la parole au colonel Stewart. On a demandé au HVO, à moi-

7 même et ensuite au commandant du 3ème Corps de l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine de définir par rapport à la position de la base de la

9 Forpronu, de démilitariser tout cet espace, de retirer toutes les forces

10 dans un rayon de 500 kilomètres autour de la base de la Forpronu.

11 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que l'armée de Bosnie-

12 Herzégovine l'avait fait ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Non.

14 M. Nobilo (interprétation). - Et si elle avait procédé à cette

15 évacuation, elle aurait dû évacuer quelle région ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Grbavica en grande partie et

17 Divjak également.

18 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Pourriez-vous parcourir le

19 deuxième document D 547. Il s'agit de l'accord et de faire attention aux

20 signatures. A la dernière page, est-ce que vous reconnaissez quelques unes

21 de ces signatures ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Je reconnais la signature du

23 général de brigade Petkovic, du général Sefer Alilovic et du général

24 Morillon.

25 M. Nobilo (interprétation). - Nous n'allons pas donner lecture

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1 du document, il est très clair et concluant.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le Général, dans ce

3 document, le point n °3, à la cinquième ligne, il est question de deux

4 adjoints. Est-ce qu'il s'agit également de votre chef d'état-major ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Non, je n'avais pas de suppléant,

6 mais de toute façon c'était une chose connue. Même le président de la

7 réunion, M. Thebault le savait.

8 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Eh bien, la réunion a

9 pris fin, vous êtes retourné au siège du commandement. Est-ce que vous

10 avez gardé le souvenir, est-ce que les combats se sont atténués ? Vous

11 n'avez pas fini de dire ce que vous avez commencé à dire. Etes-vous allé

12 de l'autre côté pour appeler les unités avec Hadzihasanovic ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui, nous étions dans la même

14 pièce, à côté de cette salle où la réunion se tenait. Et le commandant du

15 3ème Corps, Enver Hadzihasanovic avait appelé son chef d'état-major. Moi-

16 même, également, j'ai appelé Slavko Marin et nous avons dicté tous les

17 deux les décisions de cette réunion, décisions qui ont été prises.

18 C'étaient des ordres qu'on donnait. Nous avons demandé que ces ordres

19 soient adressés immédiatement à nos subordonnés sur le terrain. J'ai dit à

20 Slavko Marin qu'il ne fallait pas qu'il attende mon retour de Zenica à

21 Vitez, mais qu'il devait tout de suite envoyer l'ordre pour la mise en

22 application de cet ordre à des unités sur le terrain.

23 M. Nobilo (interprétation). - D'accord. Eh bien, à quel moment

24 êtes-vous retourné à l'hôtel et comment, par quels moyens ?

25 M. Blaskic (interprétation). - C'était très tard dans la nuit,

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1 peut-être à 3 heures du matin. Je ne m'en souviens pas tout à fait. Par le

2 même moyen, comme au moment où je me suis rendu à Zenica avec les trois

3 véhicules blindés de l'ONU, notre véhicule était au milieu et puis nous

4 sommes passés par derrière, à l'hôtel. Je pense que dans le canyon, à

5 Kaonik, dans ce tronçon de la route il y avait des opérations de combats,

6 quelques tirs ont été échangés sporadiquement, mais je n'en suis pas tout

7 à fait sûr. De toute façon, je ne pouvais pas voir quoi que ce soit parce

8 que les fenêtres étaient baissées, c'était la nuit. Et puis nous sommes

9 retournés à l'hôtel.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez gardé le

11 souvenir ? Est-ce que vous avez rencontré Marin ? Est-ce que vous lui avez

12 transmis ce que vous avez entendu à Zenica ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui, j'étais avec Slavko Marin.

14 Je lui ai transmis le contenu qui m'a été transmis par Dzemo Merdan. J'ai

15 dit à Slavko Marin que Dzemo Merdan avait affirmé lors de la réunion qu'il

16 y avait eu beaucoup de personnes tuées, qu'il y avait des civils

17 également, qu'il avait mentionné un chiffre de 500 personnes. J'ai posé la

18 question à Slavko Marin pour savoir si lui disposait d'un rapport, ou si

19 dans les archives opérationnelles on avait des informations à ce sujet,

20 notamment au sujet de cette affirmation.

21 Slavko Marin a riposté que nous n'avions pas de tels

22 renseignement Il m'a également raconté ce qui s'était passé à l'école de

23 Dubravica, à Impregnacija. Il m'a dit également comment la ligne était

24 tombée au début et ensuite qu'il l'avait reprise. Par la suite, je suis

25 donc retourné.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Le 24, vous avez eu une nouvelle

2 réunion avec les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine à midi.

3 Pouvez-vous également nous dire quelles étaient les informations que vous

4 avez reçues le matin, le 24 avril ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Les informations sont parvenues

6 au centre opérationnel et à 2 heures 00, on avait une fois de plus entendu

7 que les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine se déplaçaient.

8 A 03 heures, il y a eu une information de la brigade de Vitez

9 qui nous est parvenue, selon laquelle le feu avait été ouvert sur les

10 positions de Kratina, ensuite sur Nadioci, ceci en provenance de Kuber.

11 Nous avons reçu également une conversation interceptée par le

12 chef du centre de renseignements militaires selon laquelle, je cite :

13 "Vitez doit être prise indépendamment du prix que nous allons payer."

14 M. Nobilo (interprétation). - Qui avait parlé ?

15 M. Blaskic (interprétation). - C'était une conversation entre

16 les commandants des formations de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et c'est

17 le service de renseignements militaires qui avait enregistré et intercepté

18 cette conversation.

19 M. Nobilo (interprétation). - Ce matin-là, certaines

20 informations troublantes vous sont parvenues de Travnik ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Cette information nous est

22 parvenue à 10 heures 30. La situation à Travnik était troublante : il y

23 avait des tireurs embusqués dans le secteur de Kalibunar. Des tirs

24 également ont été dirigés vers les appartements des Croates, deux femmes

25 ont été blessées également par les tireurs embusqués dans la ville de

Page 18035

1 Travnik.

2 Les tensions étaient assez grandes et vers 11 heures 30, la

3 délégation de l'armée de Bosnie-Herzégovine est arrivée à l'hôtel Vitez.

4 Je pense qu'elle a été accompagnée de la Forpronu tout

5 simplement ou, éventuellement, avec des membres de la mission

6 d'observation. Monsieur Sefer Alilovic était membre de la délégation,

7 ensuite, l'adjoint du chef d'état-major de Bosnie-Herzégovine,

8 Stjepan Siber, Vehbija Karic, M. Dzemo Merdan, et au nom du HVO, c'était

9 le général de la brigade Petkovic, le chef d'état-major principal du HVO,

10 M. Lucic et M. Bandic. J'y ai moi-même assisté.

11 C'était une réunion assez brève. Un entretien très bref, juste

12 avant la rencontre de Nova Bila. Il s'agissait d'une discussion concernant

13 l'accord signé le 24 avril. Après quoi, nous nous sommes dirigés à Nova

14 Bila.

15 M. Nobilo (interprétation). - Comment êtes-vous partis à

16 Nova Bila ? Quel était le moyen de transport que vous avez utilisé ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Nous sommes partis séparément

18 accompagnés de la Forpronu. Nous nous sommes rendus dans la maison qui se

19 trouve juste en face de la base de l'ONU. C'est la mission d'observation

20 européenne qui avait loué cette maison.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelques

22 mots à propos de cette réunion ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Avant la réunion, j'ai transmis

24 au général Petkovic les informations inquiétantes que j'avais reçues sur

25 les opérations à Vitez, à Busovaca et à Kiseljak.

Page 18036

1 J'ai dit que l'accord n'était pas encore mis à exécution et

2 qu'il était évident ou bien que les informations n'étaient pas parvenues

3 ou bien n'étaient pas encore envoyées entre l'accord signé entre le HVO et

4 la l'armée de Bosnie-Herzégovine.

5 Lors de la réunion était présent -le 21 avril 1993, à midi- le

6 chef de la mission d'observation européenne, M. Thebault. Il y avait

7 également un haut responsable de la mission d'observation, je suppose

8 qu'il s'appelait M. Ford, mais je n'en suis pas sûr de ce nom.

9 M. le Président. - Je ne suis plus du tout.

10 M. Nobilo (interprétation). - Le 21.

11 M. Blaskic (interprétation). - Le 21 avril 1993, à midi. C'était

12 la réunion à Nova Bila.

13 Lors de cette réunion, le général de brigade Petkovic a dit, je

14 cite : "Nous n'avons pas pu arrêter les opérations de combat depuis hier

15 jusqu'à maintenant. Les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

16 non seulement ils n'ont pas arrêté les opérations de combat, mais, en

17 revanche, ils ont étendu les opérations de combat. Actuellement, ils

18 attaquent Busovaca, Kiseljak, et les opérations également sont effectuées

19 à Vitez".

20 Ensuite, il a dit : "Vous appelez, depuis hier, les unités de

21 l'armée de Bosnie-Herzégovine alors que les attaques, au lieu de

22 s'arrêter, s'étendent depuis Travnik jusqu'à Kiseljak. Le village de

23 Badnje, et le secteur autour de ce village a été attaqué par vous-mêmes et

24 vous l'avez pris". Il a pensé à cette attaque effectuée par les

25 représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

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1 Monsieur Thebault, le Président en exercice de cette réunion, a

2 dit : "Messieurs les commandants..." -il s'est adressé à Sefer, au général

3 de brigade Petkovic- "... maintenant c'est votre crédibilité qui est en

4 cause. Ce que nous avons signé hier, nous devons le mettre en application

5 aujourd'hui sur le terrain. Si vous n'en n'êtes pas capables, alors il

6 sera difficile de trouver une solution. Celui qui ne souhaite pas mettre

7 en exécution ce qui a été décidé, il peut se lever et sortir de cette

8 réunion, car la situation est très grave et sérieuse pour se permettre de

9 ne rien faire aujourd'hui".

10 Après quoi, c'est le général Alilovic, le chef d'état-major de

11 l'armée de Bosnie-Herzégovine, et il a dit : "Les opérations de combats

12 sont la conséquence de la situation sur le front car les unités sont

13 encore en affrontement direct, en contact direct. A Travnik, il y a des

14 opérations qui sont des opérations des deux côtés, que nous avons

15 remarquées, aussi bien le HVO que l'armée de Bosnie-Herzégovine. A Vitez,

16 à Busovaca, à Kiseljak, les unités sont au contact de combats et il est

17 très difficile de contrôler la situation et de s'arrêter d'un seul coup.

18 Je suis prêt à me rendre sur ces lignes de front tout de suite et de

19 résoudre tous les problèmes sur place".

20 M. Nobilo (interprétation). – Sefer Alilovic, le premier soldat

21 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, en dehors du Président de l'Etat, a dit

22 qu'il fallait se rendre sur les lignes de front et régler les problèmes.

23 Est-ce que vous ne pensez pas que du point de vue militaire, il

24 serait justifié que les deux commandants, Alilovic de l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine et Petkovic du HVO, envoient les ordres à leurs subordonnés,

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1 Petkovic à vous-même et Alilovic Hadzihasanovic, et que de cette manière-

2 là, par un automatisme et selon une chaîne hiérarchique, réussissent à

3 mettre en exécution ce qui a été décidé au niveau des commandants ? Ne

4 serait-ce pas plus normal, au lieu de demander au chef, de se rendre sur

5 la ligne ?

6 M. Blaskic (interprétation). - C'est ce qu'ils ont fait lors de

7 la réunion du 24 avril. Le général Petkovic m'avait commandé…

8 (L'interprète se corrige : du 20 avril.)

9 Ils nous ont demandé de dicter l'ordre de l'hôtel de Zenica où

10 nous étions tous les deux, et je sais qu'Enver avait appelé Mekic et qu'il

11 lui avait dicté les conclusions qui ont été retenues le 20 avril.

12 M. Nobilo (interprétation). – Qui est Mekic ?

13 M. Blaskic (interprétation). - C'est le chef d'état d'état-major

14 du 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine,.

15 M. Nobilo (interprétation). – Et vous, qui avez-vous appelé ?

16 M. Blaskic (interprétation). - J'ai appelé Slavko Marin et j'ai

17 dicté ce qui était convenu et j'ai dit : "Envoie l'ordre, n'attends pas

18 que je retourne pour le signer, tu n'as qu'a envoyer tout de suite cet

19 ordre".

20 M. Nobilo (interprétation). - Comment expliquez-vous que ceci

21 n'était pas suffisant et que ces ordres n'étaient pas respectés et,

22 maintenant, Sefer Alilovic qui est chef de l'état-major de Bosnie-

23 Herzégovine doit encore une fois demander le cessez-le-feu.

24 M. Blaskic (interprétation). – Il y avait certainement des

25 problèmes au niveau de la transmission des ordres, aussi bien au niveau de

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1 l'armée de Bosnie-Herzégovine que de l'autre côté, parce que le chef

2 d'état-major et le chef d'état-major du HVO se sont rendus ultérieurement

3 sur la ligne de front pour arrêter les opérations de combat.

4 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

5 Pouvez-vous continuer s'il vous plaît. A-t-il dit autre chose ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Sefer Alilovic s'est adressé

7 au général de brigade Petkovic et lui a dit, je cite : "Ce matin, votre

8 artillerie a tiré sur Zenica. Trois ou quatre obus ont touché la ville.

9 J'en ai été informé".

10 M. Nobilo (interprétation). - Vous parlez du 21 avril, est-ce

11 bien exact ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Ensuite, Petkovic a répété

13 que ce n'était pas le HVO qui effectuait ces tirs. Il a dit que Busovaca

14 et Kiseljak faisaient l'objet d'une offensive et que cette attaque venait

15 des positions de Kuber, Kacuni et du village de Badnje. Il lui a dit :

16 "Vous pouvez mettre un terme à cette offensive".

17 M. Ford, enfin cette personne dont je crois me rappeler qu'il

18 s'appelait Ford, a pris la parole, il a salué tous les participants à la

19 réunion et il a dit qu'il était peut-être un peu inutile de gaspiller

20 ainsi notre énergie, mais qu'il était plus important de nous concentrer

21 sur ce qui allait venir, et sur ce qui allait se produire. Les conclusions

22 de cette réunion, c'est que les opérations militaires devaient s'arrêter

23 et que tous les membres de la mission d'observation européenne et de la

24 Forpronu devaient pouvoir obtenir la garantie de leur liberté de

25 mouvements et d'autre part, qu'il devait y avoir la création d'une zone

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1 neutre entre les unités du HVO et les unités de l'armée de Bosnie-

2 Herzégovine. Il a également ajouté que, dans cette zone neutre, seules

3 pourraient patrouiller les forces de la Forpronu, c'est-à-dire les forces

4 du bataillon britannique et, d'autre part, qu'il fallait garantir la

5 sécurité de la population civile en insistant tout particulièrement sur

6 les Musulmans de Bosnie de Vitez et les Croates de Zenica.

7 Il a ajouté que l'ordre public devait être rétabli et que les

8 institutions responsables devaient faire tout ce qui était en leur pouvoir

9 pour l'assurer. De plus, une assistance devait être assurée à la

10 commission conjointe chargée de la mise en place de ces mesures.

11 M. Nobilo (interprétation). - A partir de cette réunion, vous

12 avez rédigé un ordre. Je voudrais, s'il vous plaît, que soit remis au

13 témoin et que soit distribuée la pièce D336.

14 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez, s'il vous plaît,

15 regarder ce document. D'abord? s'agit-il d'un ordre donné à vos propres

16 forces après la réunion de Nova Bila, réunion dont vous venez de nous

17 parler.

18 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est moi qui ai rédigé cet

19 ordre en personne et je l'ai signé.

20 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez adressé cet ordre au

21 chef d'état-major principal du HVO, pour information. Vous l'avez

22 également adressé à la mission d'observation européenne, au commandement

23 des Nations Unies ainsi qu'à tous les commandants sous vos ordres. Pouvez-

24 vous nous éclairer sur un point ? Donnez-vous un ordre à la mission

25 d'observation européenne et au bataillon britannique ? Pourquoi les avez-

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1 vous mis, dans ce document, à côté de vos subordonnés ? Pouvez-vous nous

2 expliquer la logique qui a prévalu à la rédaction de cet ordre ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Bien entendu, il aurait fallu que

4 soit écrit sur cet ordre : "Pour information de la mission d'observation

5 européenne et à l'intention du commandement des Nations Unies". C'est

6 certainement une erreur commise de la part de la sténographe. Je n'ai,

7 bien sûr, jamais donné d'ordre à la mission d'observation européenne ni au

8 commandement des Nations Unies à Nova Bila.

9 Pour chacun des points de cet ordre, j'ai indiqué exactement qui

10 était responsable de l'application de chacune des tâches qu'il contenait.

11 J'avais l'habitude de procéder de la façon suivante : dès qu'il y avait un

12 accord avec un représentant de la Bosnie-Herzégovine, j'y adjoignais un

13 ordre de façon que l'on sache exactement ce qu'il fallait faire.

14 M. Nobilo (interprétation). - Si on regarde l'intitulé, on peut

15 lire : "Application de l'accord passé entre les unités de l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine et le HVO". Ensuite, on peut lire : "A 12 heures,

17 le 21 avril 1993, une rencontre a eu lieu sur la base de laquelle j'émets

18 cet ordre". Cependant, il est clair, dans le texte, que la réunion a eu

19 lieu le 21 avril à 12 heures, mais dans l'intitulé où la date est

20 indiquée, on voit 9 heures 10. S'agit-il d'une erreur ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Oui, il y a souvent des

22 erreurs, des fautes de frappe qui se produisaient.

23 D'abord parce que j'ai une écriture très difficile à lire et

24 peut-être aussi à cause de l'épuisement de la personne chargée de taper

25 ces documents.

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1 M. Nobilo (interprétation). - En tout état de cause, cet réunion

2 a-t-elle commencé à 12 heures et combien de temps a-t-elle duré ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Je ne peux pas le dire avec

4 précision. Mais en tout cas moins de deux heures, peut-être un peu plus.

5 M. Nobilo (interprétation). - Et cet ordre, quand a-t-il été

6 écrit ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Dans l'après-midi, ou peut-être

8 vers 21 heures, 21 heures 10, je ne suis pas sûr.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous vous référer au

10 point 6 de cet ordre dont je vais donner lecture ? "Les commandants des

11 brigade du HVO sont dans l'obligation de garantir la sécurité totale des

12 civils musulmans et des autres civils dans leur zone de responsabilité.

13 Les institutions responsables du HVO sont dans l'obligation d'assurer

14 l'ordre public, surtout pour ce qui concerne les résidents musulmans de la

15 ville de Vitez et les résidents croates de la ville de Zenica."

16 Pouvez-vous, je vous prie, nous expliquer cette phrase ?

17 Pourquoi avez-vous écrit cette phrase dans cet ordre, dans quel objectif ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Pendant la réunion, nous avions

19 parlé de ce problème et de la réaction en chaîne que pourrait avoir toute

20 exaction, toute chose qui arriverait aux Croates de Zenica et de Travnik,

21 dans une zone sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Cela

22 aurait eu immédiatement une conséquence grave dans la zone de Vitez où les

23 victimes auraient été musulmanes.

24 C'est pourquoi j'ai insisté pour que l'on stipule clairement,

25 que l'on montre clairement nos efforts pour essayer de prévenir tout acte

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1 de violence contre les Croates et les Musulmans de Vitez afin d'éviter ce

2 genre de réactions en chaîne.

3 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous ne pouviez rien faire

4 quant à la situation à Zenica, n'est-ce pas ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Non, surtout pas après le

6 18 avril puisque le Conseil de défense croate à Zenica avait cessé ses

7 opérations et moi-même je n'avais aucun moyen d'atteindre Zenica. Je

8 savais que toutes les difficultés liées à l'arrivée de Croates réfugiés

9 venant de Zenica, qui essayaient de trouver de se loger à Vitez, avaient

10 des conséquences sur les Musulmans de Vitez parce qu'ils faisaient l'objet

11 d'agressions ou de persécutions de la part de ces Croates de Zenica. Donc

12 je voulais essayer de mettre fin à ce cercle vicieux.

13 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais attirer votre

14 attention sur le point 8 de votre ordre. Ensuite, je vous poserai une

15 question dès que je l'aurais lue : "Les commandants des brigades doivent

16 écrire, émettre des ordres écrits à l'attention de leurs subordonnés sur

17 la base du présent ordre, et commencer immédiatement l'application de cet

18 ordre. Ils sont dans l'obligation d'envoyer une copie des ordres qu'ils

19 rédigent au commandement de la zone opérationnelle à Vitez.".

20 Ma question est la suivante : pourquoi avoir stipulé ceci dans

21 votre ordre ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Depuis janvier, on avait remarqué

23 que la filière de transmission des ordres ne fonctionnait pas très bien.

24 Dès qu'il y avait un accord, on délivrait une série d'ordres, dont les

25 ordres délivrés par les officiers subordonnés. Parce que, parfois, les

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1 membres de la mission d'observation européenne ne voyaient pas très

2 clairement que lorsque nous donnions un ordre, cet ordre n'était pas

3 toujours appliqué sur le terrain. Nous voulions donc être absolument sûrs

4 que les officiers responsables délivreraient des ordres sur la base des

5 ordres que nous leur avions nous-mêmes donnés.

6 M. Rodrigues (interprétation). - Je suis désolé de vous

7 interrompre, Monsieur Nobilo, mais est-ce la première fois que vous

8 essayez de vous assurer que vos ordres étaient appliqués ou l'aviez-vous

9 déjà fait auparavant ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Non, nous l'avions déjà fait

11 auparavant.

12 M. Rodrigues (interprétation). - Merci.

13 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

14 pas exactement jusqu'à quelle heure nous allons travailler aujourd'hui,

15 jusqu'à 18 heures ou 17 heures 30 ?

16 M. le Président. - Nous allons travailler jusqu'à 17 heures 30,

17 c'est pour cela que je n'ai pas interrompu, et, à moins que l'accusé ne se

18 sente fatigué, dans ce cas-là, nous arrêterons immédiatement.

19 Général Blaskic, vous pouvez terminer jusqu'à 17 heures 30 ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

21 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous en avons maintenant

22 fini avec cet ordre. Nous allons passer au 22 avril 1993.

23 Pouvez-vous dire, je vous prie, à Messieurs les Juges, comment a

24 commencé cette journée, ce que vous avez fait ce jour-là, quelles étaient

25 vos préoccupations principales ce jour-là ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Ce jour-là, le 22 avril 1993,

2 j'ai eu une réunion avec les commandants. L'objectif de cette réunion, son

3 sujet, était l'application de l'ordre relatif à l'application de l'accord

4 du 21 avril 1993. Nous avons parlé principalement du contenu et des

5 différents points de cet ordre. Nous avons également parlé de la façon

6 d'appliquer cet ordre.

7 J'ai également demandé des garanties particulières pour la

8 protection, la sécurité des civils. J'ai insisté auprès des commandants

9 pour insister sur le fait que c'était là une de nos priorités.

10 J'ai d'autre part demandé à l'assistant responsable de

11 l'information de réunir toutes les informations reçues relatives à des

12 victimes civiles et la façon dont nous avions réagi à ce problème.

13 J'ai également demandé à la personne responsable de la sécurité

14 lors de cette réunion de prendre les mesures appropriées afin d'assurer la

15 sécurité des civils.

16 D'autre part, j'ai également donné des instructions aux

17 responsables des opérations. Je lui ai donc demandé d'établir un plan de

18 travail pour le commandement.

19 Lors de cette réunion, nous avons également parlé d'un plan sur

20 la séparation des forces, qui étaient peut-être, en fait, un des points

21 essentiels de cet ordre du 21 avril. En effet, l'objectif était, pour

22 toute la zone de Zenica, Vitez, Kaonik et Lasva de démilitariser cette

23 zone où ne devaient plus que rester des patrouilles de la Forpronu.

24 Cela signifiait qu'il fallait que les forces de l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine se retirent vers Zenica à partir de Kuber et des lignes

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1 qu'elles tenaient. Cela signifiait également que les forces du HVO

2 devaient se retirer vers Vitez et Busovaca.

3 J'ai également été informé par le chef de service de

4 renseignements militaires que

5 tout mouvement avait été interdit aux véhicules motorisés du HVO, y

6 compris les ambulances.

7 M. Nobilo (interprétation). - Donc, pour la première fois, vous

8 avez appliqué des critères différents pour le HCR, la Croix Rouge

9 internationale, la Forpronu. Pouvez-vous nous expliquer quels étaient ces

10 critères ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Je vais essayer de vous

12 expliquer, mais je dois dire que, moi-même, au départ j'ai trouvé cela

13 assez complexe.

14 La position du HCR, et là je parle uniquement de la zone que je

15 commandais, la position du HCR était que nous, commandants, militaires,

16 devions garantir la sécurité absolue de toute la population civile et tout

17 mouvement ou déplacement de la population civile, tout déplacement de la

18 population civile à partir de leur lieu de résidence constituait un acte

19 de nettoyage ethnique.

20 Ceci d'après les critères du HCR. La position de la Croix-Rouge

21 internationale et de la Forpronu était que, nous, commandants militaires,

22 devions assurer une liberté de mouvement pour l'ensemble des populations

23 civiles résidant dans la zone placée sous le contrôle du HVO et

24 probablement dans la zone contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

25 C'est du moins ce que je présume. Donc vous voyez que ces deux positions

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1 étaient contradictoires.

2 M. Nobilo (interprétation). - En situation de guerre civile et

3 de conflit inter ethnique où il y a deux armées qui chacune appartient à

4 des peuples différents, que signifie le terme de "liberté de mouvement".

5 M. Blaskic (interprétation). – J'ai essayé d'expliquer cela aux

6 représentants de la Croix Rouge internationale, je leur ai dit que si

7 devions autoriser la liberté de mouvement, à ce moment-là plus personne ne

8 resterait à Vitez. Vitez n'était qu'un exemple mais nous disposions de

9 renseignements sur Busovaca qui allaient dans le même sens.

10 M. Nobilo (interprétation). – Personne ne resterait là-bas ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Ni les Musulmans, ni les Croates

12 puisqu'ils se trouvaient dans une zone située à 6 kilomètres des combats.

13 Tous ces gens essaieraient de se rendre dans un endroit plus sûr. D'autre

14 part, la position du HCR qui m'a été communiquée, la position du HCR était

15 qu'il fallait garantir à 100 % la sécurité des civils et qu'il ne devait

16 pas y avoir de mouvement de population.

17 Très souvent, je me suis trouvé confronté à des arrangements

18 pris par la Croix Rouge internationale.

19 Je vais vous donner un exemple. Lorsque les Croates détenus à

20 Zenica ont été libérés, tous ou l'immense majorité de ces personnes, 90 %

21 sont allés à Vitez.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer

23 pourquoi les Croates de Zenica se sont rendus à Vitez alors qu'il y avait

24 également des combats à Vitez ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Parce qu'ils craignaient pour

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1 leur sécurité. Certains d'entre eux étaient mobilisés où ils pensaient

2 qu'ils allaient être mobilisés par l'armée de Bosnie-Herzégovine et menés

3 sur la ligne de front sur laquelle s'opposaient le HVO et l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine. Ils pensaient qu'ils seraient emprisonnés, interrogés.

5 (L'interprète se reprend.)

6 Pour pouvoir être emprisonnés et avoir la possibilité d'après

7 les critères des Nations Unies de choisir l'endroit où ils souhaitaient

8 résider, ces prisonniers ont choisi Busovaca et Vitez.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si je comprends ce que vous

10 nous dites, c'est que s'il y avait eu véritablement une liberté de

11 mouvement assurée, tous les Croates et tous les Musulmans de Vitez

12 auraient quitté Vitez, parce qu'il y avait des hostilités et des combats

13 dans les environs de Vitez. Comment cela est-il compatible avec le fait

14 que les Croates ont quitté Zenica et sont venus à Vitez ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, quand on doit

16 choisir entre deux solutions tout à fait négatives et mauvaises, on

17 choisit la moins mauvaise. C'est ce que j'en ai déduit après m'être

18 entretenu avec eux. Quand j'ai dit que tous les Croates et tous les

19 Musulmans seraient partis, je me souviens que dans la deuxième moitié du

20 mois de mars, j'ai reçu des informations en provenance de Busovaca, de

21 l'IPD, du service d'information et de propagande. J'ai reçu des

22 informations me disant qu'environ 60 familles de Busovaca s'étaient

23 présentées au commissariat de Busovaca et que 75 à 80 familles musulmanes

24 affirmaient qu'elles voulaient quitter Busovaca. Certains souhaitaient

25 quitter la Bosnie-Herzégovine, se rendre à l'étranger, alors que d'autres

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1 souhaitaient se rendre à Zenica ou dans d'autres zones contrôlées par leur

2 armée respective. Car il y avait la crainte de voir la chute de Busovaca.

3 M. Nobilo (interprétation). - Il n'est pas toujours possible

4 d'abandonner un pays de guerre, tout le monde n'a donc pas la possibilité

5 de le faire. Comment ont-ils pris leur décision ? Sur quel critère ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Ils se sont rendus dans les zones

7 contrôlées par leur armée, c'est-à-dire que les Croates se sont rendus

8 dans les zones sous le contrôle du HVO et les Musulmans de Bosnie dans les

9 zones placées sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 La situation était particulièrement grave quand les hommes de

11 certaines familles, et ce n'est pas seulement quelques centaines de

12 personnes, nous en avons reçu environ 300 de Zenica, alors que leur

13 famille était restée à Zenica.

14 M. Nobilo (interprétation). - Que s'est-il passé ? Qu'est-il

15 arrivé à ces Croates qui étaient venus à Vitez alors que leur famille

16 était restée dans des zones contrôlées par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Ils ont fait tout ce qu'ils

18 pouvaient pour que leur famille vienne les rejoindre. Certains ont essayé

19 d'obtenir cela par le biais de la Croix Rouge internationale.

20 J'ai parlé avec le représentant de la Croix Rouge internationale

21 le 22 avril lorsque j'ai pris connaissance de ces critères différents

22 puisque, d'après un de ces critères, tout mouvement de population était

23 considéré comme une opération de nettoyage ethnique et d'un autre côté,

24 j'étais dans l'obligation d'assurer la liberté de mouvements de tous.

25 D'autres ont essayé de se débrouiller par eux-mêmes. Ils ne sont

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1 pas passés par le Croix Rouge internationale. Ils sont allés voir des

2 Musulmans de Bosnie qu'ils connaissaient et ont demandé qu'ils les aident.

3 Ils savaient que la situation était la même chose pour eux. Il y avait des

4 Musulmans de Bosnie libérés qui avaient décidé de rester à Zenica et à

5 Travnik. Donc les gens se sont arrangés parfois, sans faire appel à ces

6 organisations internationales présentes sur les lieux. D'après ce que je

7 sais, une institution civile a été mise en place, rattachée aux autorités

8 civiles de Vitez, pour assurer l'échange d'appartements et la réunification

9 des familles.

10 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que vous avez dit aux

11 représentants de la Forpronu et aux représentants de la Croix Rouge ? Que

12 leur avez-vous demandé ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Tout d'abord, je leur ai dit que

14 le HCR avait des critères différents et qu'il liait les Musulmans de

15 Bosnie dans les territoires contrôlés par l'armée de la Republika Srpska,

16 qu'il y avait des cas où les déplacements de population de territoires

17 placés sous le contrôle de la Republika Srpska.

18 M. le Président. - Nous reprenons demain à l'ouverture de la... Il faut que

19 le témoin nous dise très clairement comment ces pourparlers avec les

20 représentants de la Croix Rouge, du Haut Commissariat aux Réfugiés, sous

21 l'égide de l'ONU,se sont déroulés, quelles en étaient les conséquences sur

22 les populations. Ce n'est pas maintenant que nous allons aborder cela. Le

23 témoin est fatigué. Nous allons suspendre jusqu'à demain matin où nous

24 reprendrons donc à 10 heures.

25 L'audience est levée à 17 heures 33.