Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 17 mars 1999

4 L'audience est ouverte à 10 heures 15.

5 M. le Président. - Bonjour. Veuillez vous asseoir.

6 Monsieur le Greffier, veuillez introduire le témoin.

7 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

8 M. le Président. - Je salue les interprètes, les conseils de

9 l'accusation, les conseils de la défense. Je salue l'accusé, qui est un

10 témoin, je le dis pour la galerie du public, témoin sous serment comme

11 tous les témoins.

12 Un petit mot d'explication ; nous avons pris du retard, puisque

13 l'administration du Tribunal a expliqué que c'est cette chambre qui va

14 servir de test et d'expérience pour la mise en place d'une nouvelle forme

15 de transcript français -test comparatif à partir de la semaine prochaine

16 entre le système- qui me permet, au nom de mes collègues, de rendre

17 hommage de ce que font nos amis qui assurent le transcript en français.

18 Mais il va peut-être y avoir un essai comparatif avec un autre système,

19 c'est la raison pour laquelle nous avons pris du retard. L'administration

20 du Tribunal a tenu, ce qui est tout à fait normal, à nous expliquer cela

21 et à nous dire que c'était dans cette Chambre-ci que se ferait les essais

22 en grandeur réelle du nouveau système. Voilà l'explication d'un retard

23 dont nous nous excusons bien entendu.

24 Maître Nobilo, c'est à vous ?

25 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

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1 Si j'ai bonne mémoire, nous en étions arrivés au 5 mai 1993 où

2 nous étions en train

3 de reconstituer les événements qui se sont produits ce jour-là et par la

4 suite.

5 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

6 les Juges, le 5 mai 1993, au cours de la réunion d'information de la

7 matinée, j'ai demandé que mes ordres soient exécutés, les ordres relatifs

8 à l'interdiction portant sur l'expulsion de Musulmans de leurs

9 appartements.

10 Dans le même esprit, j'ai également demandé que la police

11 militaire exécute certaines patrouilles afin d'éviter toutes nouvelles

12 expulsions des Musulmans de leurs appartements dans la zone contrôlée par

13 le HVO.

14 Nous avons également abordé un autre problème important lors de

15 cette réunion, à savoir l'enlèvement, ou le vol plus précisément, de

16 substances explosives de l'usine fabriquant ces explosifs. J'ai donc

17 demandé que des mesures soient prises afin de bloquer les sorties de

18 l'usine et afin d'éviter que de nouveaux vols se produisent.

19 Ce jour-là, nous avons envoyé une lettre aux autorités civiles

20 municipales de Vitez à partir de notre commandement. Dans cette lettre,

21 nous leur demandions des listes de logements dont les propriétaires

22 avaient changé, ou plutôt listes de logements d'où les Musulmans bosniens

23 avaient été expulsés et dans lesquels des Croates vivaient. Nous voulions

24 comparer ces informations et disposer d'informations précises sur ces

25 expulsions d'appartements et de maisons.

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1 Ce jour-là, j'ai rencontré d'autres problèmes. Il fallait

2 prévoir un autre espace pour les blessés, parce que dans l'hôpital, qui se

3 trouvait dans l'église, il n'y avait plus suffisamment de place pour

4 recevoir les blessés. Les locaux étaient bondés, je parle de l'église, et

5 des bâtiments qui se trouvaient autour de l'église.

6 Monsieur Slavko Marin m'a fait savoir que les mêmes problèmes

7 existaient à Novi Travnik -je parle d'expulsions de Musulmans bosniens de

8 leurs appartements- et que ceci avait certaines répercussions sur la

9 sécurité et l'ordre public à Novi Travnik ou, disons, la partie

10 de Novi Travnik contrôlée par le Conseil croate de défense. Après cela, le

11 lendemain, donc le 6 mai, j'ai eu un entretien avec le chef d'état-major

12 du commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale,

13 M. Vlado Jurcic, non excusez-moi, M. Franjo Nakic. Je lui ai demandé

14 d'agir en tant que médiateur afin d'obtenir l'autorisation du commandement

15 conjoint nous permettant d'évacuer les blessés de l'hôpital se trouvant

16 dans l'église.

17 Pendant la journée du 6 mai, le service de l'UPD, de

18 l'information et de la propagande m'a informé que mon ordre interdisant

19 l'expulsion de Musulmans bosniens de leurs résidences avait entraîné un

20 sentiment de révolte et une réprobation par les membres du HVO qui se

21 trouvaient à Busovaca.

22 A cet endroit, un grand nombre de soldats et de civils réfugiés

23 se trouvaient là, des gens qui arrivaient de Zenica. Ils ont exprimé leurs

24 oppositions, leurs désapprobations vis-à-vis d'un tel ordre puisqu'eux-

25 mêmes avaient été les victimes de persécutions et d'expulsions et que ceci

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1 les avait forcés à venir à Busovaca de Zenica.

2 Ce même jour, le 6 mai, j'ai également parlé au maire de la

3 ville de Vitez, M. Ivica Santic, et nous avons parlé de ce problème

4 d'expulsions de Musulmans bosniens de leur résidence à Vitez. Nous avons

5 convenu d'une réunion regroupant les personnes qui avaient participé aux

6 expulsions et de celles qui étaient censées sanctionner ces activités. Par

7 conséquent, nous avons eu une réunion le 6 mai 1993, à 18 heures, dans mon

8 bureau. Se trouvaient là le maire, M. Santic, le commandant des Vitezovi,

9 M. Darko Kraljevic, le chef de la police civile, Mirko Samija, M. Marjan

10 Skopljak ainsi que le commandant de la police militaire, Pasko Ljubicic et

11 le commandant de la brigade de Vitez, M. Mario Cerkez.

12 L'ordre du jour de la réunion était le suivant : nous avons

13 parlé du comportement violent de certains soldats dont certains membres du

14 Vitezovi et des membres de la police militaire. C'étaient eux qui étaient

15 les plus violents au cours des expulsions de Musulmans bosniens de leurs

16 résidences tout à fait contraire aux ordres donnés. Ensuite, crimes et

17 vols sur

18 les axes routiers, vols de véhicules et de différents équipements,

19 questions liées à l'ordre public, questions liées à la sécurité en général

20 et la nécessité d'éliminer des éléments extrémistes se trouvant dans les

21 unités du HVO.

22 Les conclusions de cette réunion ont été qu'il fallait mettre un

23 terme à de tels actes de violence et que les autorités devaient être

24 respectées, -les autorités détenant un certain pouvoir- et que le

25 commandant des unités des Vitezovi devait délivrer des ordres à

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1 l'attention de son unité, de ses soldats, des ordres correspondant aux

2 ordres que j'avais moi-même déjà donnés.

3 Lorsque nous en sommes arrivés à cette partie de la réunion, le

4 commandant de la police militaire s'est plaint en disant qu'il n'avait pas

5 suffisamment de soldats afin de maintenir l'ordre public dans la ville. Et

6 je lui ai dit que la raison principale motivant la réunion était justement

7 que la police militaire était la plus active dans ces expulsions de

8 Musulmans de leurs résidences et qu'il fallait absolument sanctionner ce

9 type de comportement.

10 Le commandant de la brigade de Vitez m'a fait savoir qu'il était

11 préoccupé étant donné l'arrivée constante de nouvelles forces dans les

12 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine, de Kruscica en provenance de

13 Novi Travnik.

14 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, Général, s'il vous

15 plaît. Quelle était la position des autorités civiles, du maire,

16 M. Santic, vis à vis des Musulmans ?

17 Etait-elle proche de la vôtre ou bien avait-il plutôt une

18 opinion extrémiste ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Il pensait que toute expulsion de

20 Musulmans bosniens de leur résidence devait être évitée et qu'ils devaient

21 pouvoir à la possibilité de continuer à vivre dans leur propre appartement

22 ou dans leur maison, là où ces familles vivaient déjà avant le conflit. Il

23 était tolérant et nous partagions la même position sur ce point.

24 M. Blaskic (interprétation). - Pourquoi vous et le maire de

25 Vitez deviez-vous organiser cette réunion militaire, enfin une réunion

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1 réunissant à la fois des autorités civiles et

2 des autorités militaires ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Nous voulions organiser cette

4 réunion afin d'éviter de nouveaux cas d'expulsion, et nous voulions dire

5 aux personnes que nous avions convoquées qu'il fallait sanctionner ce type

6 de comportement, parce qu'eux-mêmes étaient les commandants des hommes qui

7 se rendaient coupables de ce type d'acte. Nous voulions leur indiquer

8 clairement que nous ne tolérerions pas ce type de comportement. Mais,

9 malheureusement, ni lui ni moi n'avions de pouvoir suffisant pour mettre

10 un terme de façon définitive à ce type d'action.

11 M. Nobilo (interprétation). - A l'époque, avez-vous rencontré

12 Duncan, la personne qui allait devenir le commandant de la Forpronu ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai rencontré le colonel Duncan

14 lors d'une réunion qui s'est tenue par la suite, vers le 9 mai, je crois.

15 Peut-être est-il venu plus tôt, mais je n'en ai pas le souvenir.

16 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

17 M. Blaskic (interprétation). - Le 7 mai, un incident s'est

18 produit au cours duquel le commandant adjoint des forces armées de Bosnie-

19 Herzégovine, qui faisait en fait partie du commandement conjoint suprême,

20 le commandant adjoint a été enlevé sur la route entre Vitez et Bugojno. Il

21 était en voyage officiel et était escorté. Il se rendait donc à Bugojno,

22 et il a disparu entre Ravno et Rostovo. Ce sont des membres de la

23 7ème Brigade musulmane qui ont réalisé cet enlèvement, les Mudjahiddin

24 donc. Et nous avons passé la majeure partie de la journée à essayer

25 d'obtenir sa libération.

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1 A Ravno Rostovo, il a été libéré effectivement et a été renvoyé

2 à Bugojno à pied avec ses gardes du corps. Son nom était Miro Andric et

3 était donc le numéro 2 dans le commandement conjoint des forces armées de

4 la République de Bosnie-Herzégovine. Il parlait au nom du HVO.

5 M. le Président. – C'est bien ce que j'ai compris : dans le

6 commandement conjoint.

7 C'est bien cela !

8 M. Blaskic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, parce

9 que dans le commandement conjoint il y avait des représentants du HVO et

10 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

11 Ce jour-là, j'ai reçu un rapport disant que trois femmes avaient

12 été violées, que l'une d'entre elles avait été dans l'école de Dubravica,

13 et j'ai demandé qu'une enquête soit menée sur ce problème. Et pendant

14 cette même journée, on m'a informé que l'enquête avait débuté.

15 Au cours de la journée, j'ai également eu un entretien avec

16 M. de la Motta. Les questions abordées lors de cette réunion, le

17 7 mai 1993, ont été les suivantes : les tensions exacerbées à Vitez, le

18 rôle et la position des Mudjahiddin à Ravno Rostovo et à Travnik, puis les

19 pressions exercées à Zenica sur les hommes en âge de combattre les

20 Croates, dont l'armée de Bosnie-Herzégovine demandait qu'ils rejoignent

21 les unités de Bosnie-Herzégovine en tant que conscrits et que ces hommes

22 devaient se rendre sur le front contre le HVO.

23 J'ai dit à M. de la Motta que je comprenais l'obligation qui

24 pesait sur ces hommes de faire le service militaire et que je sais que les

25 Croates devaient remplir leurs obligations militaires, mais qu'à ce

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1 moment-là ils ne pouvaient le faire que dans le cadre de l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine. Cependant, il serait raisonnable que ces hommes se

3 rendent sur la ligne de front contre l'armée de la Republika Srpska,

4 plutôt que sur les lignes de front contre le HVO parce que -pour lui

5 donner un exemple- un frère pourrait se trouver dans le HVO et son frère

6 dans l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils se trouveraient sur le même front

7 mais feraient partie de camps opposés. Cela avait pour conséquence la

8 chose suivante : de nombreux Croates en âge de combattre seraient amenés à

9 quitter Zenica.

10 Ce jour-là, j'ai également abordé la question de l'utilisation

11 de l'eau à des fins militaires par l'armée de Bosnie-Herzégovine. En

12 effet, à Vitez, l'eau avait été coupée. Et à

13 Novi Travnik, dans la partie contrôlée par le HVO, la même chose s'était

14 produite ; l'eau avait été coupée. Et dans la partie de la municipalité de

15 Travnik où se trouvaient Nova Bila et l'église hôpital, l'eau avait été

16 également coupée et ceci compliquait la situation qui était déjà

17 suffisamment complexe.

18 J'ai signalé à M. de la Motta le problème que nous posait

19 l'arrivée de nouveaux hommes, de renforts, dans les rangs de l'armée de

20 Bosnie-Herzégovine sur la position de Tolovici, Preocica, Vrhovine, et que

21 de nouvelles opérations d'offensive pouvaient être prévues, alors que nous

22 nous travaillions à la séparation des forces et à la mise en oeuvre de

23 l'accord de cessez-le-feu.

24 J'ai demandé à M. de la Motta d'intervenir et de permettre

25 l'évacuation des personnes gravement blessées et que, grâce à ces efforts,

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1 nous pourrions peut-être obtenir l'autorisation des représentants de

2 l'armée de Bosnie-Herzégovine de mener à bien ces évacuations.

3 Dans l'après-midi du 7 mai, des tireurs isolés sont à nouveau

4 intervenus du côté de l'armée de Bosnie-Herzégovine de Stari Vitez vers le

5 quartier général de la zone opérationnelle à l'hôtel Vitez.

6 Le 8 mai 1993, j'ai tenu une conférence de presse, à 10 heures.

7 Au cours de cette conférence de presse, j'ai informé la population de la

8 vallée de la Lasva et les soldats de l'évolution récente de la situation

9 dans la zone contrôlée par le HVO.

10 M. Nobilo (interprétation). - De quel type d'évolution pouvez-

11 vous parler dans une conférence de presse ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Je parlais surtout de l'évolution

13 de la situation militaire, de la mise en oeuvre des accords signés.

14 Je leur parlais de mes décisions, de mes ordres pris à l'époque.

15 Il s'agissait surtout de questions militaires abordées au cours de cette

16 conférence et dont j'ai informé le public.

17 Au cours de la réunion d'information du matin, le 8 mai 1993,

18 j'ai demandé des informations au service de sécurité. En effet, je voulais

19 savoir si certaines personnes étaient détenues dans la région contrôlée

20 par le HVO et l'assistant chargé de la sécurité m'a informé qu'il n'y en

21 avait pas, ou en tout cas qu'il n'avait aucune connaissance de la présence

22 de personnes détenues sur le territoire.

23 On m'a également informé que d'anciens membres de la police du

24 HVO de Zenica avaient disparu : M. Jerkovic, M. Strbac, M. Kresevic,

25 M. Peric, M. Totic et le 7 mai, M. Anto Kristo et M. Zoran Culic avaient

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1 également disparu.

2 Au cours de la journée du 8, on m'a fait savoir qu'à Busovaca,

3 dans le quartier appelé Kula, ou le hameau de Kula dans la municipalité de

4 Busovaca, l'armée de Bosnie-Herzégovine avait coupé l'eau. Ainsi ce

5 quartier, cette région était privée d'eau.

6 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a incité à

7 demander au service chargé de la sécurité s'il y avait des personnes

8 détenues ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Auparavant, j'avais reçu un

10 rapport sur le viol de trois femmes et j'ai commencé à enquêter sur cet

11 incident, mais je savais également qu'à Zenica certaines personnes étaient

12 détenues dans des prisons privées. A plusieurs reprises, j'ai demandé que

13 l'on jette la lumière sur ce problème et j'ai demandé des informations

14 afin de savoir si ces personnes étaient encore en vie et dans quelles

15 conditions elles étaient détenues dans ces prisons privées.

16 M. Nobilo (interprétation). - De quoi avez-vous parlé avec

17 l'assistant chargé de la sécurité également ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Je lui ai demandé un rapport

19 écrit sur les conclusions de l'enquête relative à Ahmici, mais à l'époque,

20 il ne l'a pas fait. Il m'a fait part de ses observations par oral.

21 Il m'a dit qu'à sa connaissance des groupes portant des

22 vêtements noirs avaient participé à ce crime. Je lui ai demandé à nouveau

23 de me soumettre un rapport écrit sur toutes les informations recueillies

24 jusque-là au cours de l'enquête portant sur Ahmici.

25 A 14 heures, j'ai eu un entretien avec M. MacLeod. Il m'a

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1 demandé de lui donner un aperçu de la situation militaire, de lui parler

2 des questions principales qui se posaient. Je lui ai dit que nous étions

3 totalement encerclés, que je pensais qu'une séparation des forces allait

4 se produire entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine et que je

5 prévoyais également l'évacuation des personnes gravement blessées, des

6 personnes qui se trouvaient dans l'église hôpital afin qu'elles puissent

7 être transférées dans un hôpital mieux équipé qui se trouvait dans le sud.

8 Après cela, M. MacLeod m'a demandé ce que je pensais être la

9 solution à la situation dans laquelle nous nous trouvions. Je lui ai

10 répondu que la seule solution était de mettre en oeuvre l'accord signé,

11 l'accord de cessez-le-feu, qu'il fallait organiser la séparation des

12 forces et la coexistence avec les Musulmans bosniens dans la région de

13 Vitez, Novi Travnik, Busovaca, et qu'il fallait également que le

14 commandement conjoint fonctionne parfaitement. Je parlais du commandement

15 conjoint des forces armées de la Bosnie-Herzégovine et je parlais

16 également de la zone opérationnelle et du 3ème Corps d'armée.

17 Monsieur MacLeod m'a alors indiqué que ces actes étaient

18 également réprouvés par les hommes politiques de la vallée de la Lasva

19 avec lesquels il avait parlé, mais qu'il ne partageait pas exactement les

20 mêmes points de vue, car il m'a dit qu'il existait des différences entre

21 les points de vue exprimés par moi et les positions décrites par des

22 hommes politiques avec lesquels ils avaient eu des entretiens.

23 J'ai dit à MacLeod que je ne savais pas avec quels

24 représentants politiques il avait parlé, que je n'étais pas informé de

25 cela, mais que les positions que je venais d'exprimer étaient les miennes

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1 et celles des soldats qui collaboraient avec moi. Il m'a interrogé au

2 sujet de la

3 situation le 16 avril 1993 et je lui ai dit que j'avais été surpris par

4 l'importance des actions vécues ce jour-là, que le 15 avril 1993, il y

5 avait eu de très nombreux mouvements de l'armée de Bosnie-Herzégovine en

6 provenance de Travnik et en direction de Vitez, plus précisément

7 d'ailleurs en direction de Kruscica et que des troupes nombreuses avaient

8 été transférées d'un point à un autre. Ce qui, d'ailleurs, ressortait très

9 nettement des registres tenus par les barrages routiers.

10 J'ai cité l'exemple de trois autobus, six camions et treize

11 autres véhicules de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avait été

12 enregistrés à un barrage routier. J'ai ajouté que le 14 février 1993, avec

13 le commandant du 3ème Corps d'armée, j'avais signé un accord portant sur

14 le transport de la 305ème Brigade de montagne de l'armée de Bosnie-

15 Herzégovine depuis Gornji Vakuf jusqu'à Zenica, et ce, dans l'espoir et en

16 prévision du fait que cette unité pouvait s'engager contre l'armée de la

17 Republika Srpska sur le front de Travnik.

18 J'ai également dit que ma position aurait très certainement été

19 différente si j'avais pensé à une attaque contre l'armée de Bosnie-

20 Herzégovine. Monsieur MacLeod m'a demandé, puisqu'il avait une carte, de

21 dessiner sur cette carte, les positions tactiques dont j'avais parlé

22 quelques instants avant, lorsque je lui avais dit qu'à Vitez et de façon

23 plus générale dans l'ensemble de la vallée de la Lasva, le conflit qui

24 opposait des personnes qui jusqu'à moment-là, avaient été des voisins

25 avait créé des affrontements entre villages. Il arrivait parfois qu'une

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1 ligne de front traverse un village divisant ce village en deux parties,

2 une partie contrôlée par le HVO et l'autre partie contrôlée par l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine.

4 Je lui avais dit également que dans la région de Vitez, moi,

5 j'étais un étranger et que je n'avais résidé dans ce secteur jusqu'à ce

6 moment-là. J'ai mis l'accent sur le problème posé par le fait que des

7 Musulmans bosniens avaient été victimes d'expulsions dues à l'agression

8 serbe et qu'ils s'étaient donc retrouvés à Vitez. Après ces expulsions,

9 j'ai dit à M. MacLeod , qu'avec l'aide des soldats locaux de l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine, nous n'aurions certainement pas eu

11 des problèmes aussi graves avec les soldats ou les citoyens musulmans

12 bosniens s'il ne s'était pas produit de telles expulsions. Cet élément, ce

13 facteur avait aussi contribué à l'aggravation de la situation.

14 J'ai ajouté encore que si les deux forces n'étaient pas séparées

15 rapidement, les conflits allaient très certainement se poursuivre et que

16 l'armée de Bosnie-Herzégovine allait s'efforcer de s'emparer de l'usine

17 d'explosifs de Vitez ainsi que de territoires actuellement sous le

18 contrôle du HVO, de façon à assurer la jonction grâce aux axes routiers

19 entre ces diverses unités pour s'assurer le contrôle de tout le

20 territoire.

21 M. Nobilo (interprétation). - Quelques détails si vous voulez

22 bien. Il vous a donc apporté une carte de la vallée de la Lasva ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

24 M. Nobilo (interprétation). - Qu'avez-vous dessiné sur cette

25 carte ? Qu'avez-vous ajouté sur cette carte ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Il m'a demandé de dessiner

2 l'emplacement des positions tactiques dans les divers villages de la

3 municipalité de Vitez, donc des positions occupées par les forces du HVO.

4 Je crois qu'il a été aussi question d'inscrire les positions des forces de

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

6 M. Nobilo (interprétation). - Mais, dites-nous, vous a-t-il

7 demandé d'illustrer la situation le jour où vous étiez en train de parler

8 l'un avec l'autre ou la situation un autre jour ?

9 M. Blaskic (interprétation). - J'ai compris qu'il voulait que je

10 lui indique quelle était la situation le jour de notre entretien, c'est-à-

11 dire le 8 mai 1993, c'est écrit dans mes notes, à 14 heures.

12 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais que la pièce de

13 l'accusation 242 soit remise au témoin. Il s'agit de cette carte de

14 MacLeod.

15 Dans cette pièce à conviction 242, il y a divers éléments. L'un

16 de ces éléments,

17 l'élément 1G est cette carte. Avez-vous utilisé un feutre ou une couleur

18 particulière ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Il m'a donné plusieurs feutres.

20 Il avait des feutres qui, je crois, lui appartenaient. Je n'avais pas des

21 feutres de cette qualité à l'époque.

22 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous de quelle couleur vous

23 avez signalé telle ou telle position ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Je crois que j'ai utilisé les

25 couleurs bleues et vertes.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Je demanderai que l'on place cette

2 carte sur le rétroprojecteur de façon à ce que chacun puisse la voir.

3 Nous voyons trois couleurs sur la carte que nous avons sous les

4 yeux, une couleur signalant les villages croates, une deuxième couleur

5 signalant les villages musulmans et une troisième couleur signalant les

6 villages mixtes. Je vous demande si vous vous rappelez quelles couleurs

7 vous avez utilisé pour signaler ces différents villages, si vous vous le

8 rappelez ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Le vert correspond aux villages

10 musulmans, le rouge aux villages mixtes, et l'orange, il me semble,

11 correspond aux villages croates, mais il y a aussi du bleu pour autant que

12 je le voie.

13 M. Nobilo (interprétation). - Ahmici et Nadioci, avez-vous

14 signalé ces deux villages vous-même ou est-ce M. MacLeod qui l'a fait plus

15 tard ? Vous le rappelez vous ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je crois que je n'ai pas signalé

17 Ahmici et Nadioci.

18 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi n'avez-vous pas signalé

19 Ahmici dans cette situation ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas signalé Ahmici, car

21 il n'y avait ni soldat ni civil le 8 mai 1993 à Ahmici.

22 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Eh bien, veuillez

23 poursuivre le récit de cette même journée.

24 M. Blaskic (interprétation). - Après cela, j'ai eu une rencontre

25 avec les commandants de la brigade de Travnik et de la brigade Francopan

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1 qui venaient de Travnik. Je les ai rencontrés autour de 15 heures ou un

2 peu plus tard.

3 Le problème discuté a été le même, à savoir la situation du

4 point de vue de la sécurité, le renforcement de l'ordre public.

5 Ils m'ont informé au sujet de la très grande complexité de la

6 situation. Ils m'ont dit qu'ils tenaient un front de 40 km de large, à peu

7 près, face aux soldats de la Republika Srpska et qu'ils subissaient de

8 très fréquents incidents, de très fréquentes provocations qui survenaient

9 entre les membres du HVO et les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 Je leur ai demandé de prendre toutes les mesures possibles, y

11 compris de recourir à un transfert des forces du HVO si nécessaire, de

12 faire sortir les forces du HVO de la ville de Travnik, le cas échéant, de

13 façon à éviter un affrontement avec les forces de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine.

15 Eux m'ont fait savoir que les membres de l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine abandonnaient leurs positions face aux soldats de la Republika

17 Srpska à Travnik pour se concentrer dans la ville et à l'ouest de la ville

18 de Travnik, c'est-à-dire dans la direction de Novi Travnik.

19 J'ai dit à ces commandants qu'il était dans l'intérêt du HVO de

20 faire tout ce qui était possible pour essayer d'éviter un conflit à

21 Travnik et que, si une attaque se déclenchait ouvertement de la part de

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine à Travnik, il importait de prendre toutes

23 les mesures nécessaires pour protéger les villages croates de la

24 municipalité de Travnik.

25 Après cela, j'ai encore demandé que soient sanctionnés les actes

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1 individuels d'insubordination de certains commandants ou membres du HVO

2 dans ces deux brigades, la brigade de Travnik et la brigade Francopan qui

3 étaient encore à un stade de constitution.

4 Nous avons aussi parlé du problème de la police. A cette époque-

5 là il existait dans

6 la ville de Travnik huit espèces de polices différentes. Il y avait toutes

7 sortes d'unités militaires, notamment le HVO, le HOS, les Mudjahiddin, les

8 membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine, les réfugiés, les unités du MUP,

9 les unités de la police spéciale civile du HVO, de sorte que tout cela ne

10 faisait que rendre plus difficile la situation du point de vue de la

11 sécurité.

12 Pendant la journée, on m'a informé qu'un accord avait été conclu

13 entre les commandants de la brigade Nikola Subic Zrinski du HVO et les

14 commandant de la 333ème Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine, ainsi

15 qu'un accord entre le commandant de la 325ème Brigade de l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine et le commandant de la brigade de Vitez. Etaient présents à la

17 signature de ces accords les membres du commandement conjoint,

18 M. Dzemo Merdan et Franjo Nakic.

19 A ce moment-là, déjà, le commandement conjoint agissait en

20 faveur de l'application de l'accord et avait pris des positions

21 identiques, comme je l'avais fait avec le commandant du 3ème Corps d'armée

22 eu égard aux unités du HVO et aux unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine

23 sur le territoire de la Bosnie centrale.

24 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

25 que cela fait près de 45 minutes que nous travaillons. Nous allons passer

Page 18336

1 à une autre journée, donc peut-être pourrions-nous faire une pause ?

2 M. le Président. - Nous allons faire une pause d'un quart

3 d'heure. L'audience est suspendue.

4 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 20)

5 M. le Président. - L'audience est reprise. Maître Nobilo ?

6 M. Nobilo (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

7 Nous allons, je suppose, poursuivre, Général, avec la journée du

8 9 mai 1993. Je vous demanderai de nous dire quels sont les événements

9 importants dans cette journée liés à l'acte d'accusation.

10 M. Blaskic (interprétation). - Le 9 mai 1993, j'ai eu un

11 entretien avec le colonel Duncan. Cette réunion a été, si je ne m'abuse,

12 l'une des premières que nous avons eues l'un avec l'autre. Nous avons

13 parlé des événements du 16 avril 1993 et M. Duncan a dit...

14 M. le Président. - Excusez-moi, Général, le colonel Duncan a

15 remplacé le colonel Stewart, n'est-ce pas ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

17 M. le Président. - Merci.

18 M. Blaskic (interprétation). - Cela a été un de nos premiers

19 entretiens.

20 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président,

21 votre question n'est pas inscrite au compte rendu, en anglais en tout cas.

22 Avec tout le respect que je vous dois, je voulais vous le signaler.

23 M. le Président. - Je vous remercie. J'ai été surpris car ma

24 question a été reprise en anglais dans l'écouteur.

25 Monsieur le Greffier, je suis étonné, je parle en français et

Page 18337

1 j'entends un anglais parfaitement pur qui ne correspond pas à ma

2 connaissance de la langue de Shakespeare, il doit donc y avoir un petit

3 problème.

4 L'interprète. - L'interprète vérifie, Monsieur le Président.

5 M. le Président. - Le problème technique va se régler très

6 rapidement. Merci, Maître Kehoe.

7 M. Nobilo (interprétation). - Général, veuillez poursuivre. Le

8 colonel Duncan a remplacé le colonel Stewart ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

10 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivez, dites-nous comment

11 s'est déroulé cet entretien ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Le colonel Duncan a dit que le 16

13 avril 1993, à Vitez, 96 Musulmans et cinq Croates avaient trouvé la mort.

14 J'ai répondu que le colonel Duncan disposait sans doute

15 d'informations relatives aux cadavres datant environ du 29 avril 1993,

16 mais que toutes ces personnes n'étaient pas mortes le 16 avril 1993 mais

17 sans doute dans la période allant du 16 avril au 28 avril, date à laquelle

18 s'est produit l'échange des cadavres, qui s'est effectué le 29 avril.

19 Je lui ai signalé que ces données n'étaient sans doute pas

20 absolument exactes, mais qu'il y avait eu une légère confusion.

21 A cela M. Duncan a répondu en évoquant la question d'Ahmici. Je

22 lui ai répondu que je n'avais pas ordonné le crime et que je savais

23 qu'aucun de mes collaborateurs, aucun des membres du commandement de la

24 zone opérationnelle n'avait émis un ordre dans ce sens.

25 Je lui ai dit également que je savais que le commandant de la

Page 18338

1 brigade de Vitez n'avait pas ordonné le crime commis à Ahmici. J'ai encore

2 ajouté que la veille des événements d'Ahmici, au cours de la nuit du

3 15 avril, s'était effectué un regroupement des forces de l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine et que la police, qui tenait les barrages routiers,

5 m'avait appelé pour me parler du passage des réfugiés de la Krajina. C'est

6 ainsi que nous appelions les réfugiés de la 1ère et 7ème Brigade de l'armée

7 de Bosnie-Herzégovine qui circulaient en camion pour se rendre à Vitez en

8 permission à Kruscica et à Ahmici.

9 J'avais été informé de ces passages et tous ces hommes ont passé

10 les barrages routiers sans y être retenus.

11 J'ai dit au colonel Duncan que les hommes qui tenaient les

12 barrages m'avaient informé du fait que les soldats étaient ivres, assez

13 excités, qu'ils avaient lancé des injures à partir des véhicules dans

14 lesquels ils se trouvaient.

15 Lorsque nous avons parlé des événements d'Ahmici, j'ai dit qu'il

16 était possible qu'il y ait eu, parmi ces hommes, également des hommes en

17 uniforme noir.

18 Lorsque j'ai parlé des uniformes noirs, le colonel Duncan m'a

19 demandé qui étaient les hommes le plus souvent vêtus d'uniforme noir. J'ai

20 répondu que c'étaient les hommes du HOS qui portaient des uniformes noirs.

21 M. Nobilo (interprétation). - D'où vient cette information ou

22 cette donnée selon laquelle il y avait à Ahmici également des hommes en

23 uniforme noir ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Cela faisait quelque temps que

25 cette information circulait. Il était devenu courant d'entendre dire que

Page 18339

1 des hommes portant l'uniforme noir avaient participé aux événements

2 d'Ahmici. D'ailleurs, l'adjoint de la sécurité, lorsqu'il m'informait de

3 la situation, m'avait dit la même chose s'agissant de ces uniformes noirs.

4 M. Nobilo (interprétation). - Saviez-vous, à ce moment-là, que

5 certains membres de la police militaire portaient aussi un uniforme noir ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Il y avait des individus qui

7 portaient un uniforme noir à ce moment-là et je le savais.

8 M. Nobilo (interprétation). – Mais vous n'avez pas fait une

9 association avec les uniformes noirs portés par les policiers, mais vous

10 avez fait un association avec le HOS, pour quelle raison ?

11 M. Blaskic (interprétation). – A ce moment-là, j'avais de très

12 nombreuses réunions, tous les jours en fait, réunions au cours desquelles,

13 dans le cadre de l'enquête, on me demandait des informations dont

14 j'estimais qu'elles rendraient plus difficile ou même impossible une

15 enquête si je faisais connaître aux représentants internationaux tous les

16 doutes qui étaient les miens, toutes les suspicions qui étaient les

17 miennes.

18 M. le Président. – Nous n'y reviendrons pas ensuite mais

19 permettez-moi, quand même, de vous dire que l'on peut quand même être

20 étonné qu'avec un nouveau colonel, le

21 colonel Duncan, qui remplace Stewart, (là, on repart à zéro), vous avez

22 des doutes sur la police militaire depuis le 22 avril, je crois ; nous

23 sommes le 9 mai et vous continuez à donner comme interprétation possible

24 que ce sont peut-être des soldats de l'armée de Bosnie qui ont fait le

25 massacre.

Page 18340

1 Alors que, par ailleurs, vous avez toujours dit que c'était un

2 crime. Et vous dites, à l'instant, que vous ne mettez pas sur la voie le

3 colonel Duncan, que vous choisissez de ne pas dire quels sont vos doutes.

4 Avez-vous entendu la traduction ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, si j'ai

6 entendu une interprétation correcte… D'ailleurs, je ne sais pas…, mais je

7 n'ai jamais dit au colonel Duncan -et je n'ai rien écrit dans mes notes à

8 ce sujet-, je n'ai jamais dit au colonel Duncan que ce sont des membres de

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ont commis le crime.

10 Je tiens à dire que je n'étais pas en possibilité de faire

11 connaître tout ce que je savais au colonel Duncan à ce moment-là en raison

12 de l'état de l'enquête.

13 M. le Président. - Vous êtes très formaliste et très juridique,

14 je dois dire et vous faites très bien votre enquête. On peut quand même

15 vous poser la question, c'est légitime à mon sens de vous la poser là,

16 vous avez des doutes, vous dites, depuis plusieurs jours, que vous faites

17 tout pour que soit menée l'enquête. Vous suppliez que soit organisée une

18 enquête conjointe. Vous promettez que vous ferez tout pour que cette

19 enquête aboutisse. Vous n'avez plus le colonel Stewart, vous avez un

20 nouveau colonel qui n'est pas le plus au fait de ces questions, le plus au

21 courant de ces questions.

22 Vous avez des informations, vous le dites vous-même. Vous venez

23 de dire : "J'avais tous les jours des informations". On peut s'étonner ;

24 en tout cas vous poser la question de savoir pourquoi vous ne livrez pas

25 au colonel Duncan vos doutes en disant : "Il est possible que ce soit des

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1 membres du HVO de la police militaire", alors qu'en fin de compte vous

2 dites :

3 "Mais les uniformes noirs, ce sont les membres du HOS. D'ailleurs, la

4 vieille, il y avait des soldats de l'armée de Bosnie, le 15 avril, qui

5 circulaient". Cela donne l'impression que vous ne collaborez pas en

6 donnant en toute bonne foi votre sentiment.

7 Car je vous rappelle que, depuis le 22 avril, vous-même pensez

8 être persuadé que c'est un crime mais vous avez de très grands doutes par

9 rapport à la police militaire. C'est la question que je vous pose.

10 M. Blaskic (interprétation). - Mais, Monsieur le Président, je

11 pensais également que j'allais très bientôt recevoir des résultats

12 préliminaires au sujet de l'enquête, de la part du service d'informations

13 et que grâce à cette information, je pourrais procéder à une enquête au

14 plus haut niveau.

15 J'étais encore seul face aux problèmes de l'enquête qui

16 commençait et devait se terminer sur la base d'un ordre émanant de moi.

17 C'est d'ailleurs pour cette raison que je me suis adressé de cette façon

18 au colonel Duncan, car je croyais que j'étais sur le point de recevoir des

19 résultats au sujet de l'enquête, au moins des résultats préliminaires.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, peut-être, ma

21 mémoire n'est-elle pas parfaite, auquel cas je vous prierai de bien

22 vouloir me corriger si je commets une erreur, mais avez-vous entendu

23 quelqu'un dire dans sa déposition devant ce Tribunal que vous avez été

24 interrogé au sujet d'Ahmici et que vous avez déclaré que la responsabilité

25 incombait à l'une des trois catégories suivantes : premièrement : les

Page 18342

1 Serbes, deuxièmement : les Mujahiddin, troisièmement : des Musulmans

2 portant un uniforme noir ? Vous rappelez-vous avoir entendu une déposition

3 dans ce sens ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Je me le rappelle, Monsieur le

5 Juge et si vous me permettez de répondre, je dirai que je crois, au plus

6 profond de moi, que ce témoin a confondu des entretiens qu'il a eus avec

7 moi et éventuellement avec d'autres responsables avec lesquels il a parlé

8 du même sujet. Je le crois avec une grande certitude, car je n'ai jamais

9 évoqué la

10 possibilité que les Serbes aient pu commettre ce crime. Une telle idée

11 n'est pas conforme à ma théorie militaire. C'est totalement impossible.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quel témoin a dit cela ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Si je me rappelle bien, c'est le

14 colonel Duncan qui a dit cela.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quelqu'un, je ne me rappelle

16 pas qui exactement, mais je me rappelle avoir entendu M. Martin Bell dire

17 quelque chose à ce sujet. Vous rappelez-vous avoir entendu Martin Bell

18 dire quelque chose à ce sujet ?

19 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Juge, puis-je prendre

20 la parole ?

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Bell a vu une émission

23 d'informations, mais il n'y a pas participé. Monsieur Bell n'a pas dit que

24 cela lui a été dit à ce moment-là. On lui a montré un contre-

25 interrogatoire qui était censé être une série de questions, mais nous y

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1 reviendrons quand nous reprendrons la chronologie.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ah, d'accord.

3 M. Hayman (interprétation). - Je voulais éviter tout malentendu,

4 je vous prie de m'excuser pour mon interruption.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Peut-être ma mémoire n'est-

6 elle pas parfaite, mais je vous demande si M. Bell a dit quelque chose

7 quant au fait que vos réactions étaient tactiques sur ce point.

8 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement,

9 Monsieur le Juge ; vraiment, je ne me le rappelle pas.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Nous reprendrons le compte

11 rendu pour vérifier. Merci.

12 Une question encore : un ordre destiné à la police militaire a

13 été émis à 11 heures 42. Un ordre donc, détachant la police militaire à

14 11 heures 42, le 16 avril n'est-ce pas ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas à quel moment cet

16 ordre a été remis à la police militaire, car la police militaire reçoit

17 ses ordres du département de la police militaire de Mostar ou du

18 département de la Défense, mais ce que je sais, c'est que le commandant de

19 la police militaire m'a appelé à 11 heures 42.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - A 11 heure 42, mais avant

21 11 heures 42, où se trouvaient les membres de la police militaire ?

22 M. Blaskic (interprétation). - La police militaire était

23 déployée à Vitez, à Busovaca, dans le Bungalow, à Novi Travnik, à Travnik,

24 sur tous les territoires.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Etait-elle présente à

Page 18344

1 Ahmici ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Vous pensez au village d'Ahmici ?

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je pense au village ou aux

4 alentours du village d'Ahmici.

5 M. Blaskic (interprétation). - Je n'avais pas d'informations

6 dans ce sens, d'ailleurs, encore aujourd'hui, avant 11 heures 42, je ne

7 sais pas si ils y étaient. Je sais ce qui s'est passé après avoir entendu

8 des témoins qui ont parlé ici, des témoins de l'accusation, notamment.

9 Mais, à ce moment-là, je n'avais pas d'informations à ce sujet.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si vous prenez en compte les

11 dépositions que vous avez entendues ici, quelle est la conclusion à

12 laquelle vous parvenez quant au fait de savoir si la police militaire

13 était présente dans Ahmici ou aux alentours d'Ahmici avant 11 heures 42 ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Certains éléments de la police

15 militaire ou d'autres groupes y étaient présents, je crois, après avoir

16 entendu les dépositions des témoins qui sont

17 venus témoigner ici.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Qui commandait la police

19 militaire avant 11 heures 42, le 16 ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Le commandant de la police

21 militaire, M. Pasko Ljubicic.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Etait-il responsable devant

23 vous à ce moment-là ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Pour les tâches courantes, oui,

25 mais pour les opérations de combats, non.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque vous dites "Tâches

2 courantes", cela inclut-il les tâches militaires courantes dont vous dites

3 qu'elles ne recouvrent pas, qu'elles n'englobent pas les opérations

4 militaires ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.

7 M. Nobilo (interprétation). - Revenons sur votre rencontre avec

8 le colonel Duncan. Je vous pose la question suivante : au moment où vous

9 parliez avec le colonel Duncan, la Forpronu avait-elle accepté d'une façon

10 ou d'une autre de travailler sur le plan opérationnel dans le cadre de

11 l'enquête au sujet des événements d'Ahmici ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pu remarquer aucune

13 réaction à ma lettre.

14 M. Nobilo (interprétation). - La Forpronu s'est-elle mise à

15 votre disposition, vous a-t-elle fourni des experts ou ne s'est-elle

16 absolument pas exprimée sur votre demande ?

17 M. Blaskic (interprétation). - La Forpronu ne s'est pas mise à

18 ma disposition, nous le constaterons dans mon récit chronologique par la

19 suite. Des requêtes ont été présentées, mais elles n'ont produit aucune

20 réaction. Il est vrai que je n'ai jamais reçu de la Forpronu des

21 informations stipulant qu'elle refusait toute coopération. Mais lorsque

22 nous avons demandé des

23 mesures de sécurité, des escortes, etc., nous ne les avons pas reçues.

24 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, une enquête

25 interne a eu lieu sans la présence des représentants des Nations Unies. En

Page 18346

1 tant que soldat, estimez-vous qu'une personne qui est, disons, un corps

2 étranger, par rapport à l'organe qui mène l'enquête devrait savoir comment

3 l'enquête évolue ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Etant donné les circonstances, la

5 situation dans laquelle je me trouvais à l'époque, j'ai estimé qu'il

6 n'était pas nécessaire que j'informe qui que ce soit avant d'avoir obtenu

7 les conclusions préliminaires de l'enquête.

8 M. Nobilo (interprétation). - Outre les doutes que vous aviez,

9 le fait d'informer quelqu'un de l'évolution de l'enquête sans toutefois

10 avoir les résultats, pensez-vous que ceci mettrait en danger, menacerait

11 le bon déroulement de l'enquête, ou pensez-vous qu'elle pourrait améliorer

12 l'enquête ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Je pense que ceci pourrait

14 menacer le bon déroulement de l'enquête.

15 M. Nobilo (interprétation). - Aviez-vous pour responsabilité

16 vis-à-vis de vos supérieurs d'informer les représentants des Nations Unies

17 des résultats de l'enquête ou de vos propres doutes ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Non, absolument pas.

19 M. Nobilo (interprétation). - En tant que soldat, sans

20 autorisation de vos supérieurs, pouviez-vous informer un élément

21 extérieur, donc extérieur au HVO, de tout renseignement émanant du HVO et

22 notamment de dire qu'une enquête était en cours et qu'il existait certains

23 doutes vis-à-vis de la police militaire ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Non.

25 M. Nobilo (interprétation). - Avec le recul, auriez-vous agi de

Page 18347

1 la même façon ou bien auriez-vous utilisé un autre langage lorsque vous

2 parliez avec le colonel Duncan ? Avec l'expérience dont vous disposez

3 aujourd'hui, auriez-vous communiqué avec Duncan d'un manière différente,

4 maintenant que de nombreuses années se sont écoulées ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Peut-être aurais-je pu agir de

6 façon différente. Mais la situation était telle que j'étais seul,

7 totalement seul d'un côté, et que de l'autre tous les visiteurs et

8 collaborateurs demandaient des résultats, des conclusions.

9 Hier, nous avons parlé du type de soutien dont je bénéficiais,

10 soutien des personnes qui devaient envoyer une commission émanant d'un

11 haut niveau de direction. Nous avons parlé des autorisations que j'avais.

12 Même si la structure n'avait pas été modifiée jusque-là, même si

13 mes compétences et autorités n'avaient pas été modifiées sur la police

14 militaire, elle était maintenue sous le commandement de ses propres

15 commandants et non pas du mien.

16 M. le Président. - Quand vous répondez à votre défenseur que

17 vous ne pouviez pas renseigner les éléments extérieurs sur une enquête

18 dont vous n'aviez toujours pas les conclusions, cela veut dire,

19 Général Blaskic, que vous considériez la Forpronu comme un élément

20 extérieur à ce moment-là, au moment de votre entretien avec le

21 colonel Duncan ?

22 M. Blaskic (interprétation). - La Forpronu ne faisait pas partie

23 du HVO quoi qu'il en soit, et je craignais simplement qu'en communiquant

24 des informations au public, que si je diffusais un certain nombre

25 d'informations, cela risquerait de rendre la bonne conduite de l'enquête

Page 18348

1 impossible. Si j'avais mieux connu le colonel Duncan et si j'étais

2 convaincu qu'il ne communiquerait pas publiquement ces informations, peut-

3 être aurais-je agi de façon différente.

4 M. le Président. - Aujourd'hui, cela ne vous apparaît-il pas un

5 peu paradoxal de considérer comme un élément susceptible de troubler votre

6 enquête que de ne pas communiquer vos doutes au colonel Duncan, alors même

7 que vous faisiez tout jusqu'à ce jour-là pour avoir l'aide de la Forpronu

8 pour votre enquête ? N'y a-t-il pas quelque paradoxe à cette position ? Et

9 aujourd'hui agiriez-vous de la même façon ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est

11 précisément cette démarche unilatérale vis-à-vis de ce crime qui m'a privé

12 de tout soutien public dans la vallée de la Lasva. J'ai demandé aux

13 représentants extérieurs de traiter les deux camps de façon équitable.

14 Ahmici n'était ni le premier ni le dernier crime. Et un soutien public

15 m'aurait beaucoup aidé et aurait beaucoup aidé la partie honnête du HVO

16 dans son enquête.

17 Le 23, j'ai envoyé une note au colonel Stewart, il n'y a eu

18 aucune réaction non plus.

19 M. Rodrigues (interprétation). - Général Blaskic, vous avez dit

20 que si vous aviez mieux connu le colonel Duncan, vous auriez donné

21 l'information et notamment si vous aviez été convaincu qu'il ne donnerait

22 pas cette information au public. Est-ce cela ? Ai-je bien entendu ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Oui, j'ai dit qu'effectivement

24 j'aurais pu le faire avec le recul, avec ma position d'aujourd'hui.

25 M. Rodrigues (interprétation). - Quelles ont été les raisons qui

Page 18349

1 vous ont empêché de passer l'information au colonel Stewart ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Il n'y a pas eu de réactions

3 quelles qu'elles soient du colonel Stewart lorsque je lui ai envoyé une

4 lettre et lorsque je lui ai demandé son aide, et lorsque j'ai demandé

5 qu'une réunion au sommet soit organisée.

6 M. Rodrigues. - Peut-être, faudrait-il reprendre notre question

7 d'hier à propos de ce que j'ai parlé de dialogue de sourds. Par rapport au

8 colonel Robert Stewart, peut-être connaissait-il quelque chose sur

9 l'organisation du HVO ? Là, on pouvait quand même admettre que M. Stewart

10 savait que la police militaire n'était pas directement sous votre

11 commandement.

12 Mais, par rapport au colonel Duncan, il vient d'arriver, il ne

13 savait sûrement rien de l'organisation du HVO. A cet instant, n'avez-vous

14 pas senti la nécessité, le besoin de dire à M. Duncan que, peut-être, il y

15 aurait peut-être confusions car je rappelle mes unités dont nous avons

16 parlé hier. Et là, peut-être, une façon d'avoir l'aide pour votre enquête,

17 c'est-à-dire vraiment que les unités du HVO ont, sous vos soupçons, commis

18 les crimes mais c'étaient des unités qui n'étaient pas sous votre

19 commandement.

20 N'avez-vous pas senti cette nécessité de le dire à Duncan ?

21 M. Blaskic (interprétation). – Je pense que le colonel Duncan a

22 reçu certaines informations, au moins préliminaires par son prédécesseur

23 et qu'il a obtenu certaines informations sur l'organisation du HVO et la

24 situation dans la région. Mais, avec le recul, aujourd'hui, je me rends

25 compte que peut-être, effectivement, j'aurais dû agir de la sorte.

Page 18350

1 Mais lorsque les événements se sont produits à l'époque, j'ai

2 fait tout ce qui était en mon pouvoir pour parvenir à certains résultats

3 au cours de l'enquête parce que tout le monde demandait des résultats, des

4 conclusions, et me demandait cela à moi. Mais il y avait très peu de

5 personnes qui souhaitaient m'aider dans cette situation. Tout ceci a eu

6 lieu dans la situation que nous connaissons et alors que les deux camps

7 s'opposaient.

8 Par conséquent, aujourd'hui, et avec le recul, effectivement,

9 j'aurais peut-être dû suivre une voie différente. Mais je ne fais que dire

10 ce que j'ai fais à l'époque et ce que j'ai dit au colonel Duncan à

11 l'époque.

12 M. le Président. - Je voudrais rester sur ce point non pas pour

13 répéter ma propre question, mais pour compléter ce qui vient d'être dit.

14 Les préoccupations d'ordre tactique à l'intérieur du commandement du HVO

15 ont prévalu dans votre esprit pour retenir certains types d'information ?

16 Je m'explique. Vous venez de dire que vous aviez peur que des

17 éléments un peu prématurés de cette enquête soient diffusés dans le

18 public.

19 Y avait-il un débat à l'intérieur des structures les plus

20 élevées du HVO, débats, discussions dont les conclusions seraient :

21 "Attention, si l'on sait trop rapidement, si l'on a connaissance de façon

22 trop rapide que l'enquête va jeter le blâme sur certaines unités du HVO,

23 ce sera, premièrement de la faute du commandant Blaskic qui aura révélé

24 cela. Il nous aura trahis et, deuxièmement, il ne convient pas de le faire

25 pour que, vis-à-vis de la communauté internationale, nous gardions l'image

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1 d'un HVO propre".

2 Ma question est claire : ce débat entre le général Petkovic,

3 vous les membres les plus élevés de la direction politique de la

4 communauté croate d'Herceg-Bosna, ce débat a-t-il eu lieu en ces termes ou

5 pas du tout ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai bien

7 écouté et bien compris votre question. Entre moi et le général Petkovic,

8 il n'y a certainement jamais eu ce genre de discussions. Je ne sais pas,

9 même aujourd'hui, je ne dispose pas d'informations quant à savoir si une

10 telle discussion a eu lieu au sommet du HVO.

11 Ce que je sais, c'est que j'ai envoyé une lettre. Cela s'est

12 fait le 24 avril 1993, je crois. Je l'ai adressée aux supérieurs. C'est là

13 que j'ai exprimé mes opinions, mes positions, y compris en ce qui concerne

14 l'arrivée des plus hauts officiers dans la région de Vitez. Quant à la

15 situation, celle-ci est restée compliquée et rien n'a changé en ce qui

16 concerne mes compétences par rapport au commandement et la structure de

17 commandement par rapport à la police militaire. C'était la situation dans

18 laquelle je me trouvais avec mon commandement.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je vais ajouter quelque chose à ce

20 que vous venez de dire. Vous, en tant que militaire formé, auriez-vous pu

21 révéler à quelqu'un en dehors du HVO les résultats de l'enquête, sans

22 l'accord du commandement suprême ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Non.

24 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, s'il vous plaît, si les

25 Britanniques, l'ONU, la Forpronu avaient accepté de participer à l'enquête

Page 18352

1 officiellement ? Est-ce que dans ce cas-là vous auriez été dans une

2 situation où vous auriez pu montrer tous les documents au colonel Duncan,

3 étant donné qu'il aurait fait partie officiellement de cette commission

4 d'enquête ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui, parce qu'il s'agirait là

6 d'une commission

7 conjointe qui aurait travaillé de manière conjointe sur cette affaire, qui

8 se rendrait de manière conjointe sur le terrain. Et lors de la réunion

9 avec les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine, j'ai demandé que

10 eux participent dans cette commission, afin de mener l'enquête de la

11 manière la plus objective possible.

12 M. Nobilo (interprétation). - Plusieurs fois, vous avez dit

13 qu'avec les connaissances et l'expérience que vous avez obtenues par la

14 suite et avec le recul d'aujourd'hui, que probablement vous vous seriez

15 exprimé de manière différente vis-à-vis du colonel Duncan. Pouvez-vous

16 nous dire ce que vous auriez fait, ce que vous auriez dit ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Je pense que probablement

18 j'aurais agi de manière différente et je suppose que j'aurais dit que

19 c'étaient certains éléments de la police militaire qui étaient

20 responsables pour ce crime, mais qu'à cause de l'enquête qui n'était pas

21 terminée, je ne pouvais pas en dire plus que cela.

22 M. Nobilo (interprétation). - Le colonel Duncan prenait-il des

23 notes lors de sa discussion avec vous ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me souviens pas qu'il l'ait

25 fait.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous, avez-vous pris des notes ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Oui, j'ai pris des notes au début

3 et après la fin de la réunion. D'ailleurs, je prenais des notes par

4 rapport à toutes les réunions.

5 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous dit à quelque moment que

6 ce soit au colonel Duncan que, d'après vos soupçons, c'étaient

7 éventuellement les Serbes ou l'armée de Bosnie-Herzégovine qui étaient

8 responsables du crime d'Ahmici ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Non pas seulement à lui, mais je

10 n'ai jamais dit à qui que ce soit que cela aurait pu être les Serbes qui

11 étaient les responsables pour le crime d'Ahmici, étant donné que ceci

12 n'est pas conforme à ma logique militaire. Et je n'ai jamais dit non plus

13 que c'était l'armée de Bosnie-Herzégovine qui était responsable de ce

14 crime.

15 M. Nobilo (interprétation). - Continuons, que s'est-il produit

16 ensuite après cette réunion ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Nous avons continué à discuter de

18 la question de déplacement de la population musulmane de Vitez, et le

19 colonel Duncan m'a dit qu'il s'agissait là de persécutions et de nettoyage

20 ethnique de Vitez.

21 Je l'ai informé que, presque chaque semaine, nous avions une

22 centaine de familles arrivant de Zenica à Vitez et qu'il s'agissait là

23 d'un système de vases communiquants ou, si vous voulez, des actions

24 provoquant des réactions, étant donné qu'avec ces cent familles qui

25 arrivent de Zenica, de nombreuses familles comportent aussi des soldats

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1 qui résolvent leurs problèmes existentiels par le biais des expulsions des

2 Musulmans de Vitez ou en achetant leur appartement.

3 Il y a eu plusieurs formes sous lesquelles les gens obtenaient

4 les appartements ou les maisons. Mais en tout cas, tout ce qui se passait

5 avec les Croates à Zenica se reflétait sur la situation des Musulmans à

6 Vitez.

7 J'ai dit également au colonel Duncan que des éléments, des

8 groupes criminels constitués de criminels locaux persécutaient la

9 population pour obtenir des gains financiers étant donné qu'à chaque fois

10 il était possible de vendre les appartements pour une somme importante

11 d'argent. Ensuite, le colonel Duncan m'a demandé ce qu'il en était de

12 l'enlèvement des véhicules des équipes de télévision et j'ai dit que

13 j'allais faire tout ce que je pouvais afin de résoudre ce problème-là.

14 Durant la réunion qui a eu lieu dans la matinée, j'ai demandé

15 encore une fois qu'un rapport me soit soumis le 9 mai, et j'ai demandé

16 cela à l'adjoint de l'officier chargé de la sécurité ; un rapport

17 concernant l'enquête relative à Ahmici et j'ai reçu la réponse que le

18 service fonctionnait et que dès que la tâche serait terminée, je recevrais

19 un rapport par écrit. Il m'a informé de même que des déclarations étaient

20 en cours d'être prises et que tout le processus

21 allait bientôt se terminer.

22 Vers 12 heures 30, le 9 mai, j'ai eu une réunion également avec

23 Mme Claire de la Croix-Rouge internationale qui m'a informé de l'échange

24 qui avait eu lieu auparavant. Elle a souligné qu'elle avait rencontré un

25 problème avec les civils qui étaient obligés d'effectuer du travail forcé

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1 au sein de la brigade Nikola Zrinski Subic.

2 J'ai dit aux officiels de la Croix-Rouge internationale que

3 personnellement je n'ai jamais permis ce genre d'activité mais que

4 j'allais me renseigner et m'enquérir sur ce qui s'était passé.

5 Durant ce jour-là, on m'a informé que des membres du peloton de

6 travail étaient partis travailler dans le cadre de la brigade

7 Nikola Zrinski Subic dans le cadre de la défense de la municipalité de

8 Busovaca.

9 M. Nobilo (interprétation). - S'agissait-il des tranchées

10 creusées sur les lignes de front d'après les informations que vous aviez

11 reçues ?

12 M. Blaskic (interprétation). - D'après ces informations, j'ai

13 compris qu'il ne s'agissait pas des tranchées creusées sur la ligne de

14 front et je savais que la brigade Nikola Zrinski Subic tenait la ligne de

15 front contre l'armée de Bosnie-Herzégovine depuis le mois de janvier.

16 Dans la journée, j'ai également eu une réunion avec le chef

17 d'état-major, M. Nakic, qui m'a informé que le commandement conjoint de

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO était en train de préparer et

19 d'organiser des actions et des opérations conjointes contre les forces de

20 l'armée de Republika Srpska, afin de libérer le plateau de Vlasic au nord

21 de Travnik.

22 Le 10 mai 1993, le service de renseignements militaires m'a

23 informé que l'armée de Bosnie-Herzégovine regroupait les troupes, les

24 déplaçant de la Bosnie orientale dans la région près de Vares. Durant la

25 matinée, au cours de la réunion, j'ai redemandé qu'un rapport me soit

Page 18356

1 soumis. Je l'ai demandé à l'adjoint chargé de la sécurité. Ensuite, j'ai

2 donné un ordre écrit à

3 l'adjoint chargé de la sécurité pour qu'il me soumette un rapport.

4 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce qu'il vous a dit quand

5 vous avez demandé qu'il vous soumette un rapport et qu'est-ce qui vous a

6 poussé à donner un ordre par écrit à ce sujet ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Il m'a dit que le service était

8 en train de fonctionner. Sa réponse était assez vague. Il m'a dit qu'il

9 n'avait pas terminé de recueillir des déclarations. Je lui ai demandé de

10 m'informer par écrit en ce qui concerne les résultats de l'enquête menée

11 jusqu'à ce moment-là. C'est ensuite que j'ai également donné un ordre par

12 écrit.

13 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez soumettre au témoin la

14 pièce à conviction de la défense D341.

15 Peut-être faudrait-il faire une pause, étant donné que nous

16 allons nous arrêter un moment sur ce document ?

17 M. le Président. - Nous allons faire une pause d'un quart

18 d'heure.

19 (L'audience, suspendue à 12 heures 10, est reprise à

20 12 heures 30.)

21 M. le Président. - L'audience est reprise.

22 Pour des raisons d'organisation, Maître Nobilo, qui me sont

23 d'ailleurs imputables, je vous propose d'arrêter un peu avant 1 heure,

24 vers 1 heure moins 10, moins 5, et puis nous reprendrons, si vous le

25 voulez bien, à 3 heures moins le quart jusqu'à 6 heures moins le quart, si

Page 18357

1 les interprètes n'ont pas d'objection particulière.

2 Je n'ai pas de réponse, mais un proverbe en français dit : "Qui

3 ne dit mot consent".

4 L'Interprète. - Absolument, Monsieur le Président.

5 M. le Président. - Très bien, je vous en remercie. Nous

6 reprenons, Maître Nobilo.

7 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

8 demande que l'on

9 remette maintenant au témoin le document de la défense D341.

10 Donc je vais lire l'ordre. Ce n'est pas un ordre très long, mais

11 c'est important. La date est le 10 mai 1993, à 17 heures 05 et le nom de

12 la personne à laquelle l'ordre est adressé a été rayé et le texte est le

13 suivant :

14 "Enquête et rapport écrit sur les événements dans le village

15 d'Ahmici. Ordre : Depuis plusieurs jours dans le public, on peut entendre

16 toutes sortes d'informations concernant les événements qui se sont

17 produits dans le village d'Ahmici entre le 14 mai 1993 et aujourd'hui, et

18 aussi concernant les souffrances de la population civile. Afin de pouvoir

19 analyser les événements et établir les faits concernant cette affaire, et

20 afin d'appliquer l'ordre du commandant suprême du HVO, je donne l'ordre

21 suivant :

22 1. Recueillir toutes les informations et soumettre un rapport

23 sur les événements qui se sont réellement passés dans le village d'Ahmici,

24 plus particulièrement concernant le nombre de victimes et la manière dont

25 le crime a été commis, de même que les auteurs du crime.

Page 18358

1 2. Je demande que l'adjoint du service de sécurité et

2 d'informations de la zone opérationnelle de Bosnie centrale soit nommé

3 comme personne responsable pour cette tâche et la date limite est le

4 25 mai 1993.

5 Signé, Tihomir Blaskic."

6 Dites-nous d'abord, dans cette partie rayée, qu'est-ce qui a été

7 écrit ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Ce qui a été écrit était adressé

9 à l'adjoint chargé de la sécurité, M. Anto Sliskovic.

10 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi, dites-nous, le

11 10 mai 1993, à 17 heures 05, vous avez écrit cet ordre et donné cet

12 ordre ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai voulu faire pression encore

14 plus vis-à-vis de l'adjoint chargé de la sécurité afin de pouvoir obtenir

15 toutes les informations importantes que j'ai précisées ici dans les

16 points 1 et 2 du document, et par la suite j'avais l'intention de

17 transmettre ces informations-là à l'état-major principal.

18 M. Nobilo (interprétation). - Rappelez-nous, s'il vous plaît, à

19 quoi ressemblait votre discussion, la discussion que vous avez eue avec

20 Anto Sliskovic avant d'avoir écrit cet ordre-là, la discussion que vous

21 avez eue ce jour-là ? Est-ce que ceci a influencé votre décision d'écrire

22 cet ordre ?

23 M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé quels étaient les

24 résultats de l'enquête, je l'ai demandé à l'adjoint chargé de la sécurité.

25 J'ai appris, on m'a dit que l'adjoint chargé de la sécurité a créé une

Page 18359

1 équipe de personnes, de ses collaborateurs qui travaillaient exclusivement

2 sur l'affaire Ahmici. Mais moi, personnellement, je ne disposais toujours

3 pas de tous les résultats pertinents, et c'est pour cela que j'ai

4 souhaité, par le biais de cet ordre, exercer une pression supplémentaire

5 afin d'obtenir les résultats que j'ai requis.

6 M. Nobilo (interprétation). - Vous parlez des données

7 pertinentes, mais que saviez-vous réellement à ce moment-là ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Je savais quel était le nombre au

9 total des victimes, mais je ne disposais pas de données concernant la

10 manière dont elles sont mortes ni concernant les noms des auteurs du

11 crime.

12 M. Nobilo (interprétation). - Le jour du 10 mai 1993, avez-vous

13 considéré qu'il était temps pour vous de recevoir quelque résultat que ce

14 soit de cette enquête sous forme de documents ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Effectivement, c'est ce que j'ai

16 considéré. J'ai considéré qu'il était temps que j'obtienne des résultats

17 concernant l'enquête menée jusqu'à ce moment-là, jusqu'au 10 mai 1993.

18 J'ai demandé que ceci me soit soumis par écrit.

19 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi n'avez-vous pas donné un

20 ordre par écrit auparavant ?

21 M. Blaskic (interprétation). - J'ai eu des réunions de manière

22 régulière avec

23 l'adjoint chargé de la sécurité et je recevais à chaque fois des

24 informations selon lesquelles l'enquête suivait son cours, le service

25 fonctionnait et que l'on était en train de traiter les déclarations de

Page 18360

1 témoin, ou que l'on était en train de prendre les déclarations des témoins

2 oculaires. D'après mes informations, le service fonctionnait et l'enquête

3 suivait son cours.

4 M. Nobilo (interprétation). - Ce jour-là, vous vous dites qu'il

5 est temps de donner un ordre par écrit ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

7 M. Nobilo (interprétation). – Pourquoi, dans cet ordre donné par

8 écrit, vous n'avez pas mentionné l'ordre que vous aviez donné auparavant

9 oralement ? Pourquoi ne pas l'avoir mentionné ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Ici, je me suis référé à

11 l'exécution de l'ordre donné par le chef d'état-major principal lui aussi.

12 Etant donné que j'ai reçu l'information de l'adjoint de la sécurité selon

13 laquelle le service fonctionnait, je me suis dit qu'il n'était pas

14 nécessaire de me référer à l'ordre que j'avais donné oralement. C'est

15 pourquoi je me suis référé à l'ordre donné par le chef d'état-major

16 principal, ordre donné le 30 avril 1993.

17 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'analyse, nous allons

18 expliquer tout cela plus en détail mais, pour le moment, je veux demander

19 la chose suivante : ici, dans l'ordre, il est écrit que le crime d'Ahmici

20 a eu lieu le 14 mai 1993. Est-ce vrai ou est-ce une erreur ?

21 M. Blaskic (interprétation). - C'est probablement une erreur

22 faite par la dactylographe. Mais ce n'est pas vrai.

23 M. Nobilo (interprétation). - A quelle date le crime a-t-il eu

24 lieu ?

25 M. Blaskic (interprétation). - C'était le 16 avril 1993.

Page 18361

1 M. Nobilo (interprétation). - Au début du texte, vous dites que

2 depuis plusieurs jours on entend dans le public des interprétations

3 différentes concernant les événements qui ont eu lieu dans le village

4 d'Ahmici. Est-ce que ces interprétations différentes que l'on entend dans

5 le public ont un lien avec la version que vous avez donnée en partie au

6 colonel Duncan ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il y a eu un certain lien.

8 Parmi les interprétations que l'on pouvait entendre, on pouvait entendre

9 par exemple que c'étaient des membres de l'armée de la Republika Srpska

10 qui étaient responsables du crime, ou que c'étaient des hommes vêtus de

11 noir ou des membres du HVS, ou des membres de l'armée de Bosnie-

12 Herzégovine, ensuite, que c'étaient des membres des forces armées

13 musulmanes, que c'étaient même des membres de la Forpronu. Il y a eu toute

14 sorte de rumeurs qui circulaient dans toute la région durant toute cette

15 période.

16 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que vous vouliez obtenir

17 par cet ordre, couper ces rumeurs ou les encourager ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Le but est clair d'après cet

19 ordre. Je voulais atteindre la vérité et couper toutes ces rumeurs.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais lire la phrase : "Afin de

21 prendre en considération de manière générale les événements et afin

22 d'établir les faits", était-ce cela votre but ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai écrit moi-

24 même. C'était effectivement mon but. C'était d'atteindre la vérité absolue

25 concernant les événements qui se sont produits.

Page 18362

1 M. Nobilo (interprétation). - Dans cet ordre, dans le préambule,

2 vous mentionnez également l'ordre donné par le chef d'état-major

3 principal. Cela veut dire que ce but est conforme à son ordre et à ses

4 intentions, les intentions du chef d'état-major ? Quel est l'ordre dont

5 vous parlez dans ce document ? Rappelez le nous s'il vous plaît ?

6 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que le

7 30 avril 1993, j'ai donné un briefing au chef d'état-major principal avant

8 sa réunion avec tous les principaux collaborateurs.

9 Lors de cette réunion-là, le chef d'état-major a dit que la

10 tâche de ses collaborateurs était d'enquêter, de mener une enquête pour

11 chaque crime. Je parle de la réunion qu'il a eue après mon briefing, le

12 30 avril 1993.

13 M. Nobilo (interprétation). - Cet ordre de votre supérieur,

14 pourquoi mentionnez-vous cet ordre dans le préambule de ce document ?

15 Quel était le but de ceci ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Ceci constituait encore une

17 pression supplémentaire que j'exerçais afin d'obtenir les résultats, tout

18 d'abord en ce concerne la manière dont les victimes sont mortes, en ce qui

19 concerne les auteurs du crime et aussi pour arrêter toutes ces rumeurs

20 dans le public.

21 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous dites : "Pressions

22 supplémentaires", pression sur qui ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Sur le service de sécurité.

24 M. Nobilo (interprétation). - Qui était chargé de l'enquête sur

25 Ahmici ?

Page 18363

1 M. Blaskic (interprétation). - Tout à fait.

2 M. Nobilo (interprétation). - Parlons maintenant du paragraphe 1

3 dans lequel vous mentionnez le fait qu'il faut recueillir toutes les

4 informations et soumettre un rapport. Ensuite, vous énumérez le nombre des

5 victimes. De quelles victimes parlez-vous ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Je parlais de toutes les victimes

7 mortes à Ahmici, des civils, des femmes, les enfants, les civils, le

8 nombre total des victimes.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi dans le point n° 1, dans

10 le paragraphe 1, demandez-vous qu'un rapport vous soit soumis concernant

11 la manière dont les victimes sont mortes ? Pourquoi considériez-vous que

12 ceci était important à ce moment-là ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé un rapport

14 concernant la manière dont les personnes sont mortes afin de pouvoir

15 établir avec exactitude qui étaient les victimes des

16 crimes et qui étaient les victimes des opérations de combats ?

17 M. Nobilo (interprétation). - Pour finir, vous demandez tout

18 particulièrement que l'on vous soumette les données concernant les auteurs

19 du crime. Pourquoi l'avez-vous fait ? Et qu'avez-vous voulu obtenir en

20 obtenant ces noms-là, cette liste-là ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Moi, j'ai toujours insisté sur ce

22 point, étant donné que j'ai souhaité transmettre la liste des auteurs du

23 crime aux autorités supérieures pour les inciter à traiter dans son

24 intégralité cette affaire et de les traîner devant la justice.

25 M. Nobilo (interprétation). - Je vais être plus que concret. A

Page 18364

1 quoi vous attendiez-vous après avoir retransmis ce document à vos

2 supérieurs ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Je m'attendais à ce qu'une

4 commission constituée des plus hauts supérieurs vienne sur place afin

5 d'arrêter toutes les personnes dont les noms figurent sur cette liste et

6 afin de les traduire devant la justice.

7 M. Nobilo (interprétation). - Dans le paragraphe 2, vous dites

8 que la personne responsable pour cette tâche est l'adjoint chargé de la

9 sécurité et des informations qui travaillent déjà sur cette affaire, mais

10 la date limite que vous donnez est le 27 mai 1993. Ne considérez-vous pas

11 que c'était un délai trop court ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Non, il ne s'agissait pas d'un

13 délai trop court étant donné qu'il a reçu l'ordre le 24 avril 1993. A un

14 certain moment, il m'avait informé qu'il était en train de recueillir les

15 informations des témoins. C'est pour cela que, par le biais de cet ordre,

16 j'ai essayé d'exercer une pression sur lui afin d'accélérer les choses et

17 afin d'obtenir le résultat que je pourrais transmettre à mes supérieurs.

18 M. Nobilo (interprétation). - Le même jour, vous avez eu une

19 réunion avec M. de la Motta et (expurgée). Pouvez-vous nous dire

20 quelques mots à propos de cette réunion ?

21 M. Blaskic (interprétation). - J'ai eu une réunion avec M. de

22 la Motta et (expurgée). Monsieur de la Motta m'a demandé une

23 question concernant la situation qui régnait à Mostar en me demandant si

24 j'étais d'accord avec la thèse selon laquelle il s'agissait là d'un

25 scénario qui devait permettre d'éliminer les Croates de la Bosnie

Page 18365

1 centrale.

2 M. Nobilo (interprétation). - Sur la base de quelles données a-

3 t-il avancé la thèse selon laquelle quelqu'un voulait éliminer tous les

4 Croates de la Bosnie centrale ? Que vous a-t-il dit ?

5 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur de la Mota m'a dit que

6 tout le monde voyait quelle était la force du HVO en Herzégovine et quelle

7 était la force de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la Bosnie centrale.

8 L'Herzégovine et la Bosnie centrale travaillaient selon le principe des

9 vases communicants, et tous les événements négatifs que subissent les

10 Musulmans bosniens en Herzégovine se reflétaient et allaient se refléter

11 sur la situation des Croates en Bosnie centrale.

12 Il m'a dit également que, probablement, les Croates de la Bosnie

13 centrale allaient être éliminés étant donné que les Musulmans bosniens

14 étaient éliminés de la région d'Herzégovine.

15 Moi, je lui ai répondu que je ne disposais pas de suffisamment

16 d'informations concernant ce qui se passait effectivement dans la région

17 de Mostar. Après cela, nous avons également parlé du traitement des

18 personnes blessées dans les hôpitaux et de la mobilisation des Croates de

19 Zenica.

20 M. Nobilo (interprétation). - Général, dites nous, à ce moment-

21 là, quelles étaient les informations dont vous disposiez en ce qui

22 concerne la situation en règle générale en Bosnie-Herzégovine dans l'ex-

23 Yougoslavie etc.. ? Combien d'informations réelles aviez-vous concernant

24 les événements en général qui se produisaient sur tout le territoire de

25 l'Etat ?

Page 18366

1 M. Blaskic (interprétation). – Pour autant que je sache, à

2 l'époque, nous ne pouvions pas lire la presse, et les médias n'étaient pas

3 diffusés partout. Il était donc très difficile d'obtenir des informations

4 générales.

5 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez subi une

6 sorte de blocus médiatique dans la vallée de la Lasva ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Tout à fait, nous étions

8 complètement bloqués. La circulation était bloquée, les routes étaient

9 bloquées, et moi je me trouvais donc dans cette enclave de 6 kilomètres

10 sur 10 kilomètres. Et je n'avais absolument pas de possibilité de

11 communiquer avec le monde extérieur.

12 M. Nobilo (interprétation). - Ce jour-là, vous avez eu également

13 une discussion avec M. Kulinovic, un officier de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine. Dites nous quelque chose à ce sujet ?

15 M. Blaskic (interprétation). – Je pense qu'à l'époque, il était

16 toujours le commandant de la 312ème Brigade de montagne. C'était une

17 brigade musulmane.

18 M. Nobilo (interprétation). - Lui est Musulman ?

19 M. Blaskic (interprétation). – Oui, c'est un Musulman bosnien.

20 Il a demandé que je fournisse de l'aide à sa famille à Vitez. Et je l'ai

21 fait.

22 M. Nobilo (interprétation). - En quoi consistait cette aide ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Il s'agissait d'un paquet de

24 vivres, de nourriture.

25 M. Nobilo (interprétation). – Continuez, s'il vous plaît.

Page 18367

1 M. Blaskic (interprétation). - A 14 heures, j'ai reçu

2 l'information d'un officier d'un commandement conjoint selon laquelle

3 M. Matko Lucic, membre de l'état-major de Kiseljak, a été tué. Cela s'est

4 produit pendant la trêve. Plus tard, dans la journée, j'ai demandé au

5 colonel Stewart d'assurer mon transport pour que je puisse assister à

6 l'enterrement de M. Matko Lucic qui était le commandant de la brigade

7 Ban Jelasic.

8 M. Nobilo (interprétation). - Et vous y êtes allé à la fin,

9 n'est-ce pas ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Oui, tout à fait, grâce aux

11 véhicules de l'ONU, j'ai pu être transporté jusqu'à l'endroit où

12 l'enterrement a eu lieu. J'ai assisté à l'enterrement. Cela se

13 passait à Brnjaci et on m'a ramené tout de suite dans deux véhicules de la

14 Forpronu, tout de suite après l'enterrement. Nous avons pris la route, si

15 je me souviens bien, Vitez Busovaca - Kiseljak.

16 M. Nobilo (interprétation). – Continuez, à moins que.. Monsieur

17 le Président, il est 12 heures 50.

18 M. le Président. – Nous entamons le jour suivant ; nous allons

19 reporter nos travaux à 14 heures 45. Je vous remercie.

20 (L'audience, levée à 12 heures 50, est reprise à 14 heures 45.)

21 M. le Président. - Monsieur le Greffier, vous nous avez

22 entretenus des questions d'emploi du temps à la demande de la défense.

23 Pouvez-vous résumer pour demain et pour vendredi ?

24 M. le Greffier. - Tout à fait, Monsieur le Président. Je

25 rappelle aux parties que, demain matin, la Chambre ne sera sans doute pas

Page 18368

1 disponible à 10 heures, car elle sera occupée à 9 heures dans cette salle

2 d'audience par une autre affaire. Nous commencerons vers 10 heures 30,

3 peut-être même plus tard. Ce sera à déterminer en fonction de l'audience.

4 M. le Président. - Peut-être plus tôt, aussi !

5 M. le Greffier. - Peut-être plus tôt, également, mais

6 certainement pas avant 10 heures.

7 M. le Président. - Vous ne croyez plus à ma faculté impérieuse à

8 raccourcir les débats ! Nous essaierons 10 heures 15, 10 heures 30. Vous

9 préférez 10 heures 30 ?

10 M. le Greffier. - Ce serait peut-être préférable, également pour

11 l'accusé.

12 M. le Président. - Maître Hayman, préférez-vous 10 heures 30 ?

13 Nous fixons l'heure, comme cela si l'accusé doit attendre, qu'il n'attende

14 pas trop.

15 Pour vendredi, nous sommes dans la même affaire, mais c'est un

16 autre aspect de l'affaire Blaskic, n'est-ce pas ?

17 M. le Greffier. - Vendredi, il y a une audience ex parte qui

18 sera également tenue dans cette salle d'audience devant la Chambre Blaskic

19 et je crois me faire l'interprète de la défense en proposant qu'il n'y ait

20 pas d'audience concernant ce procès vendredi, car nous ne connaissons pas

21 la durée des débats qui risquent en effet d'être assez longs.

22 M. le Président. - J'ai cru comprendre que c'était à la demande

23 de la défense, c'est bien cela, Maître Hayman ?

24 M. Hayman (interprétation). - Oui, Effectivement, Monsieur le

25 Président, afin que la défense n'ait pas à attendre toute la matinée avant

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1 de commencer si toutefois une audience peut commencer pendant la journée

2 comme cela nous pourrons travailler pendant ce temps-là.

3 M. Kehoe (interprétation). - Cela me convient, Monsieur le

4 Président.

5 M. le Président. - Dans ce Tribunal, maintenant, il y a des

6 classiques procéduraux dont nous savons tous que cela dure un certain

7 temps.

8 Maître Nobilo, vous pouvez reprendre.

9 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

10 Avant la pause déjeuner, je pense que nous nous sommes arrêtés autour de

11 la date du 10 mai 1993. Je demanderai au témoin de nous raconter d'autres

12 événements importants jusqu'à la fin du mois de mai.

13 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

14 les Juges, le 11 mai 1993, j'ai reçu dans le commandement, une demande

15 d'aide dans le cadre de la défense de Maglaj. Cette défense était assurée

16 surtout par des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine et j'ai donné

17 l'ordre par téléphone au commandant Ivo Lozancic de fournir cette aide. Il

18 s'agissait surtout de munitions et de pièces d'artillerie permettant de

19 faire face à l'attaque de l'armée de la Republika Srpska.

20 Ensuite, nous avons eu un incident, le 11 mai, qui a été commis,

21 causé par les membres de la 308ème Brigade de l'armée de Bosnie-

22 Herzégovine de Novi Travnik. L'un des membres du commandement conjoint du

23 3ème Corps d'armée de la zone opérationnelle de Bosnie centrale,

24 M. Zoran Pilicic, s'est vu saisir le véhicule officiel lorsqu'il exerçait

25 ses fonctions officiellement, le 12 mai dans la région de la municipalité

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1 de vitesse.

2 M. Nobilo (interprétation). - Il y a eu une erreur sur le compte

3 rendu, il ne s'agissait pas de la 38ème, mais de la 308ème Brigade de

4 Bosnie-Herzégovine.

5 M. Blaskic (interprétation). - Le 12 mai 1993, dans la région de

6 la municipalité de Vitez, 233 familles sont arrivées. Il s'agissait de

7 presque 1 000 Croates qui sont arrivés dans une vague de réfugiés dans la

8 municipalité de Vitez. Elles ont toutes été expulsées et ont cherché à se

9 réfugier dans les logements de la municipalité de Vitez. Il y a eu un

10 nombre encore plus grand de personnes et de familles qui sont arrivées de

11 la région de Zenica dans la municipalité de Busovaca.

12 A une réunion que j'ai eue avec Franjo Nakic et un membre du

13 commandement conjoint du 3ème Corps d'armée et de la zone opérationnelle de

14 Bosnie centrale, j'ai demandé que l'on fasse une enquête avec l'aide du

15 général Merdan en ce qui concerne le meurtre de Mate Lucic, le commandant

16 qui a été tué à Kiseljak près de la ligne de front.

17 Dans l'après-midi, j'ai assisté à l'enterrement. J'ai été

18 transporté par les membres de la Forpronu et au cimetière j'ai appris qu'à

19 Kiseljak le commandant de la brigade Ban Josip Jelasic, M. Mijo Bozic, a

20 été expulsé par les soldats du quartier général et il n'a pas pu retourner

21 dans le commandement.

22 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, Général, est-ce que

23 Mijo Bozic était la même personne que vous aviez nommée au poste de

24 commandant de la brigade Ban Josip Jelasic en janvier 1993 ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est le même commandant de

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1 brigade que j'ai nommé en janvier et qui, après la mort du commandant en

2 chef, et après tout ce qui s'était passé, a été expulsé de force du

3 quartier général.

4 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous su cela avant votre

5 arrivée à l'enterrement ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Non, je n'ai pas eu ce genre

7 d'information avant l'enterrement. Après l'enterrement, j'ai dû retourner

8 immédiatement dans le véhicule de l'ONU à Vitez. Je n'ai donc pas pu

9 m'informer à ce sujet.

10 M. Nobilo (interprétation). - A quelque moment, avez-vous donné

11 l'ordre que l'on expulse de force Mijo Bozic du poste de commandant de la

12 brigade Ban Josip Jelasic ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Non.

14 M. Nobilo (interprétation). - Continuez, s'il vous plaît.

15 M. Blaskic (interprétation). - Le 13 mai, j'ai eu une réunion

16 régulière avec le commandement conjoint et avec Franjo Nakic qui m'a

17 informé qu'un jour il avait discuté avec Dzemo et il l'a entendu se vanter

18 à propos des victoires de l'armée de Bosnie-Herzégovine contre le HVO.

19 C'est Dzemo Merdan qui se vantait.

20 Ensuite, j'ai entendu que la police militaire entrait de force

21 dans les maisons des Musulmans et que l'on expulsait des Musulmans

22 bosniens de leur logement.

23 J'ai également reçu l'information concernant un incident qui

24 s'est produit au point de contrôle de Ovnak où un soldat, qui allait se

25 faire traiter dans l'hôpital de Zenica et qui se trouvait dans une

Page 18372

1 ambulance, a été arrêté au point de contrôle et il a subi de mauvais

2 traitements par les membres de la police militaire qui se trouvaient au

3 poste de contrôle. Il s'agissait d'un soldat de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine qui était soit blessé, soit gravement malade. Je sais qu'il

5 allait à l'hôpital de Zenica pour y suivre un traitement afin de se

6 soigner. J'ai demandé que l'on mène une enquête à ce propos et que l'on

7 établisse quels sont les auteurs de ce délit. J'ai aussi envoyé une lettre

8 d'excuse au commandant Alagic à Travnik.

9 M. Nobilo (interprétation). – Commandant de quoi ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Commandant du groupe opérationnel

11 Bosanska Krajina, au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine, à Travnik, et

12 je l'ai informé que cet incident et le traitement de cette personne

13 blessée, je les condamne et que j'allais entreprendre toutes les mesures

14 pour apprendre quels étaient les auteurs de cet acte et pour que ces

15 personnes-là soient tenues pour responsables de ces actes-là.

16 J'ai également demandé le commandant de la police, le chef de la

17 police. Je lui ai demandé de m'informer des noms des auteurs de cet acte

18 criminel à Ovnak afin que des mesures supplémentaires puissent être

19 entreprises.

20 Durant la journée, j'ai reçu un demande de Dominik Sakic

21 concernant la situation à Zenica. Selon cette information, 60 maisons ont

22 été incendiées. C'étaient des maisons appartenant à des familles croates.

23 Un nombre de maisons a été pillé également et 280 civils étaient détenus

24 dans des prisons différentes le 14 mai 1993.

25 M. Nobilo (interprétation). - Ces prisons différentes étaient

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1 toutes à Zenica, n'est-ce pas ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Dans la région de la municipalité

3 de Zenica.

4 M. Nobilo (interprétation). – Continuez.

5 M. Blaskic (interprétation). - Le 14 mai 1993, par le biais des

6 médias, sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine et des Musulmans

7 bosniens, j'ai appris que le HVO avait été proclamé ennemi. Et j'ai donc

8 eu une autre réunion avec Nakic et j'ai demandé que l'on organise le

9 passage d'un autre convoi acheminant les vivres dans la région de Zenica.

10 M. le Président. - Il a été proclamé ennemi. Par qui a-t-il été

11 proclamé ennemi ? Vous ne l'avez pas dit, en tout cas, cela ne m'a pas été

12 traduit.

13 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président,

14 l'information que j'ai reçue, c'est que ce sont les médias qui étaient

15 contrôlés par l'armée de Bosnie-Herzégovine et les Musulmans bosniens, et

16 que ce sont les médias qui ont proclamé que le HVO était un ennemi.

17 M. le Président. - Merci.

18 M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu l'information selon

19 laquelle le policier, Vlado Lesic, ensuite Zeljko Barbic et Zvonko Bilic

20 étaient responsables pour l'incident à l'encontre du soldat au point de

21 contrôle d'Ovnak. J'ai demandé qu'ils soient écartés de ce point de

22 contrôle et qu'ils n'exercent plus leur fonction et que l'on prenne des

23 mesures disciplinaires à leur encontre. J'ai demandé a être informé à

24 propos de ces mesures entreprises de la part du commandant de la police.

25 Malheureusement, je n'ai pas pu contacter directement le

Page 18374

1 commandant, le chef de police, mais j'ai parlé avec l'officier de garde au

2 poste de police puisqu'il ne pouvait pas me dire où se trouvait à ce

3 moment-là le commandant de la police militaire.

4 Pendant la journée, j'ai aussi reçu une information concernant

5 des provocations et des troubles à l'ordre public dans la ville de Travnik

6 où il y a eu plusieurs arrestations et d'autres formes de trouble de

7 l'ordre public.

8 J'ai également demandé que la Forpronu se rende dans la région

9 de Travnik, à Grahovcici et Brajkovci, étant donné qu'après l'information

10 que j'ai reçue, cette région était complètement encerclée et isolée. Il

11 n'y a pas eu de possibilité de communiquer. La région était encerclée par

12 des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Le 14 mai, à 14 heures, j'ai

13 reçu l'information selon laquelle tous les Tziganes de la région de Vitez

14 se préparaient pour partir.

15 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous quelle était leur

16 confession, la confession des Tziganes ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Je pense qu'ils sont de religion

18 musulmane.

19 M. Nobilo (interprétation). – Continuez.

20 M. Blaskic (interprétation). – Ils étaient au nombre de plus de

21 500 et ils avaient l'intention d'aller faire Novi Travnik et Travnik,

22 escortés par la Forpronu.

23 J'ai exprimé mon désaccord concernant cette décision de quitter

24 la région de Vitez et j'ai appelé le maire de Vitez. J'ai demandé sa

25 médiation pour que l'on empêche que les Tziganes quittent la région de

Page 18375

1 Vitez. Et j'ai également demandé que le maire de Vitez, Ivica Santic, ait

2 une discussion avec les représentants des Tziganes et avec leur leader et

3 qu'il leur fasse comprendre que nous allions faire tout pour leur

4 permettre de continuer à vivre dans les mêmes maisons dans lesquelles ils

5 avaient vécu jusqu'à ce moment-là.

6 A ce moment-là, j'ai eu un problème avec l'officier de liaison

7 qui était chez moi. Il était l'officier de liaison de la Forpronu, c'était

8 un capitaine, nous l'appelions "Peri". C'est comme cela qu'il s'est

9 présenté à nous, mais je ne sais pas si c'était son nom de famille ou s'il

10 s'agissait simplement d'un surnom. Il m'a dit que c'était moi qui ne

11 permettais pas la liberté de circulation pour ce groupe de 500 Tziganes,

12 et moi je lui ai dit que, dans cette situation, cette liberté de

13 circulation équivaudrait au départ des Tziganes de la région de la vallée

14 de la Lasva et que cela irait à l'encontre de l'attitude du HCR qui ne

15 soutient pas ce genre de déplacement de population.

16 J'ai dit également que le maire était en train de discuter avec

17 les représentants des Tziganes et que, si malgré tous les efforts, cette

18 communauté prenait la décision de partir, dans ce cas-là, ils n'avaient

19 qu'à partir effectivement.

20 Cependant, heureusement pour nous, la médiation du maire a

21 réussi et nous avons réussi à maintenir ce groupe dans la région dans la

22 municipalité de Vitez, et heureusement ils y vivent encore aujourd'hui.

23 Dans la journée, 50 autres familles sont arrivées de Zenica,

24 mais ils ont été retenus

25 au point de contrôle à Lasva qui était contrôlé par l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine, sur la route principale entre Zenica et Busovaca. C'est là

2 qu'ils ont attendu pour recevoir l'accord des autorités de l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine pour venir déménager à Busovaca ou à Vitez.

4 M. Nobilo (interprétation). - S'agissait-il des familles de

5 Zenica ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il s'agissait des familles

7 croates de Zenica qui arrivaient pratiquement tous les jours. Il y avait

8 tous les jours un certain nombre de familles qui arrivaient sur place.

9 Le 15 mai 1993, j'ai reçu l'information selon laquelle l'armée

10 de Bosnie-Herzégovine rassemblait ses troupes et que l'on pouvait

11 s'attendre à une attaque le jour suivant. Je me suis rendu sur les lignes

12 de défense à Vitez ce jour-là, et durant la journée, j'ai essayé de

13 nouveau de me mettre en contact avec le commandant de la police militaire,

14 mais ce jour-là non plus, je n'ai pas réussi à me mettre en contact avec

15 lui.

16 J'ai également donné l'ordre au commandant de la brigade de

17 Francopan pour qu'il reprenne le contrôle du point de contrôle d'Ovnak où

18 cet incident a eu lieu. Mais le commandant de la brigade n'a pas réussi à

19 mettre en oeuvre cet ordre et il m'a informé que les policiers militaires

20 au poste de contrôle lui ont répondu qu'il n'était pas compétent pour leur

21 donner des ordres et qu'ils avaient leur propre commandant.

22 J'ai également reçu l'information durant la journée que l'armée

23 de Bosnie-Herzégovine faisait venir de nouvelles troupes vers Vitez et

24 vers Busovaca. La même chose se passait autour de Novi Travnik, les forces

25 de Bugojno s'y dirigeaient.

Page 18377

1 Après avoir reçu ces informations concernant ces nouvelles

2 forces qui arrivaient et ayant compris que Guca Gora avec Brajkovici et

3 d'autres villages de la région étaient entourés, j'ai demandé d'avoir une

4 réunion avec le colonel Duncan. Vers 16 heures 30, cette réunion a eu

5 lieu. J'ai demandé sa médiation pour faire respecter le cessez-le-feu

6 signé entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO. Je l'ai informé de

7 toutes les informations que j'avais reçues

8 concernant le rassemblement de nouvelles troupes, le fait que de nouvelles

9 forces arrivaient, et les préparations pour l'attaque. Je l'ai fait étant

10 donné que je savais aussi que la base de la Forpronu se trouvait dans la

11 même région.

12 J'ai dit au colonel Duncan que nous étions dans cette situation

13 sans issue et que nous devions nous préparer à nous battre étant donné

14 qu'il n'y avait pas d'autres solutions. Durant la journée, j'ai reçu une

15 autre information concernant le départ de onze autocars remplis de

16 soldats, qui se sont dirigés de Zenica vers Vitez. Il s'agissait de

17 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai demandé à Franjo Nakic,

18 membre du commandement conjoint, qu'il organise une réunion avec les

19 représentants du 3ème Corps d'armée, avec le commandant Enver Hadzihasnovic

20 afin d'empêcher cette attaque en cours de préparation.

21 J'ai reçu du service de renseignements militaires également

22 l'information selon laquelle, depuis Sarajevo, par le biais d'Igman et de

23 Tarcin, on envoyait de nouvelles troupes vers Fojnica. J'ai également reçu

24 une information concernant la capture de civils à Novi Travnik perpétrée

25 par les membres de la 308ème Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine et

Page 18378

1 les civils capturés étaient des Croates.

2 Le 17 mai 1993, un incident s'est produit dans le commandement,

3 dans l'Hôtel Vitez et dans la maison de famille ou l'appartement où

4 séjournait de manière provisoire Dominik Sakic, expulsé de Zenica. Des

5 policiers militaires sont entrés dans ce logement provisoire de cette

6 personne, l'ont maltraitée et pillée devant les autres membres de sa

7 famille. Après cela, ils sont arrivés à l'Hôtel Vitez, ils ont passé à

8 tabac Zifko Todic qui avait été relâché par la 7ème Brigade musulmane

9 quelques jours plus tôt. Zifko Todic était le commandant de la brigade du

10 HVO à Zenica.

11 J'ai demandé qu'une enquête soit menée à ce sujet par la police

12 militaire, mais je ne recevais toujours pas de rapport.

13 M. Nobilo (interprétation). - Général, dites-nous, il y a eu des

14 incidents au point de

15 contrôle d'Ovnak, à l'Hôtel Vitez, dans l'appartement de Dominik Sakic, et

16 à chaque fois, vous demandez qu'une enquête soit menée. S'agissait-il là

17 d'une procédure habituelle, ou la police militaire, automatiquement,

18 devait mener une enquête et trouver les auteurs de ces actes ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Bien évidemment, cela faisait

20 partie des tâches, des missions de la police militaire. Automatiquement,

21 elle devait mener une enquête et trouver les responsables, mais

22 malheureusement, dans ces incidents, c'étaient leurs propres membres qui

23 étaient auteurs de ces incidents.

24 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, Général, en tant que

25 commandant de la zone opérationnelle, est-ce que c'était votre devoir de

Page 18379

1 vous occuper de chaque incident individuel ou bien c'était de faire en

2 sorte que le système général fonctionne ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Bien évidemment, ma tâche

4 principale était d'organiser le système, et bien évidemment, je n'aurais

5 même pas suffisamment de temps pour me pencher sur chaque incident

6 particulier.

7 M. Nobilo (interprétation). - Et comment pouvez-vous décrire

8 cette situation où vous avez pris pratiquement la tâche d'un simple

9 policier pour suivre les enquêtes concernant des incidents particuliers,

10 alors que ce genre d'enquête devrait être menée par un autre service ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Il s'agissait là d'une situation

12 particulière et de conditions particulières et j'ai voulu déployer des

13 efforts personnels afin de permettre un changement au sein de la chaîne de

14 commandement en ce qui concerne la police militaire.

15 M. Nobilo (interprétation). - Dites aux Juges, s'il vous plaît,

16 à ce moment-là, informiez-vous vos supérieurs de tous les problèmes que

17 vous rencontriez ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Mes supérieurs recevaient des

19 rapports à la fois réguliers et extraordinaires concernant tous les

20 incidents, par exemple, y compris cet incident où le commandant Totic qui

21 venait d'être relâché s'est vu attaqué.

22 M. Nobilo (interprétation). - Et quelle était la raison pour

23 laquelle vous envoyiez tout un tas de rapports à vos supérieurs à Mostar

24 concernant pratiquement tous les incidents particuliers ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Moi, j'ai souhaité les inciter à

Page 18380

1 changer les choses en ce qui concerne la police militaire étant donné que

2 j'ai reçu l'information selon laquelle environ une centaine de membres de

3 la police militaire avait un casier judiciaire. Je souhaitais donc que la

4 structure et la composition de la police militaire, de même que la chaîne

5 de commandement changent.

6 M. Nobilo (interprétation). - Très bien, continuez, s'il vous

7 plaît.

8 M. Blaskic (interprétation). - A 13 heures...

9 M. le Président. - Vous comptez citer des rapports,

10 Maître Nobilo, Maître Hayman, de ces rapports hiérarchiques où l'accusé

11 nous dit qu'il a proposé des changements, qu'il a relaté tous les

12 incidents ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé), a parlé de ce sujet. Malheureusement, la

16 défense n'a pas réussi à obtenir les documents des archives de la police

17 militaire et n'a obtenu aucun des documents de l'état-major principal.

18 L'archive de l'état-major principal, ces deux archives sont

19 complètement inaccessibles et inconnues pour la défense.

20 Tous les rapports envoyés par M. Blaskic à l'état-major

21 principal ne sont pas accessibles pour la défense. Mais, le fait reste, et

22 des documents reflètent ceci. (expurgé) a parlé également qu'un

23 changement a eu lieu et le général Blaskic expliquera quels ont été les

24 changements radicaux à propos de la police militaire et de Vitezovi qui

25 ont eu lieu. A un certain moment, il est devenu effectivement commandant à

Page 18381

1 la fois de la police militaire et des Vitezovi...

2 M. Nobilo (interprétation). - Continuez, Général.

3 M. Blaskic (interprétation). - Vers 13 heures 55, je me suis

4 entretenu avec le maire Santic qui m'a informé encore une fois de la

5 situation. Nous avons parlé du problème des Musulmans qui continuaient à

6 quitter la ville de Vitez malgré tous les efforts. Il a dit que c'était la

7 responsabilité des membres de la police militaire et des unités spéciales

8 des Vitezovi. Il a dit également que ces appartements quittés se voyaient

9 revendus. J'ai encore une fois essayé de contacter les deux commandants et

10 j'ai demandé qu'ils donnent les ordres à leurs subordonnés...

11 M. Nobilo (interprétation). - Quels commandants, s'il vous

12 plaît ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur Darko Kraljevic et

14 Pasko Ljubicic. J'ai demandé qu'ils émettent des ordres à leurs

15 subordonnés directs concernant mon ordre interdisant les expulsions et

16 j'ai demandé de recevoir une copie d'un tel ordre. Malheureusement, je

17 n'ai jamais réussi à obtenir la copie de l'ordre.

18 Ensuite j'ai téléphoné à Santic.

19 M. Nobilo (interprétation). - Qui était Santic ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Le maire de Vitez. J'ai demandé

21 d'engager la police civile pour que celle-ci empêche les persécutions des

22 Musulmans bosniens, et s'il n'était pas capable de s'opposer à cela, au

23 moins d'enregistrer les incidents afin de nous permettre d'obtenir un

24 certain contrôle sur les événements et la situation.

25 Le 17 mai, à 17 heures 10, je me suis entretenu avec l'officier

Page 18382

1 de liaison du Bataillon britannique et j'ai lui ai demandé de contacter le

2 colonel Duncan pour que celui-ci organise une réunion avec moi et le

3 commandant du 3ème Corps d'armée de l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai

4 également reçu l'information du service de renseignements militaires selon

5 laquelle à la radio Sarajevo, on diffusait de fausses informations selon

6 lesquelles il y a eu des charniers dans la ville de Vitez, des victimes

7 musulmanes et que cela pourrait créer une certaine ambiance qui préparait

8 le terrain pour une nouvelle attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

9 Des mouvements de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont été observés

10 dans la zone opérationnelle de la Lasva encore une fois. Le 18 mai 1993,

11 j'ai eu une conférence de presse à Busovaca qui a eu lieu vers 11 heures.

12 Et lors de cette conférence de presse, j'ai parlé publiquement des

13 problèmes de persécution des Musulmans bosniens. Je demandais que la

14 police militaire y émette un ordre interdisant les exclusions des

15 Musulmans bosniens de leur logement; Mais je n'ai toujours pas reçu les

16 copies de ces ordres.

17 J'ai également demandé que le service de sécurité m'informe

18 pleinement sur ces incidents d'expulsion de force, mais je n'ai jamais

19 reçu un tel rapport.

20 Le 18 mai, j'ai reçu l'information selon laquelle de nouvelles

21 familles arrivaient dans Vitez de la région de Busovaca et Zenica.

22 M. Nobilo (interprétation). – Des familles croates ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui, des familles croates qui

24 avaient été expulsées de Zenica et qui arrivaient à Busovaca et à Vitez.

25 J'ai également reçu l'information selon laquelle des mesures

Page 18383

1 disciplinaires ont été entreprises, à cause des expulsions des Musulmans

2 de leur logement. Et ces mesures ont été prises contre Zeljko Brankovic et

3 une autre personne.

4 M. Blaskic (interprétation). - Les noms ne figurent pas dans le

5 compte rendu. Veuillez répéter toute la phrase, s'il vous plaît.

6 M. Blaskic (interprétation). – Très bien.

7 M. Nobilo (interprétation). – Parlez un peu plus lentement.

8 M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu l'information que des

9 mesures disciplinaires ont été prises à l'encontre des soldats qui ont

10 expulsé des Musulmans bosniens de leur appartement. Les noms de ces

11 personnes-là sont Zeljko Brankovic et Zdrako Tomic. A 17 heures…

12 M. le Président. – Quel type de sanctions ? Des mesures

13 disciplinaires ont été prises, vous avez été informé, mais quelles mesures

14 disciplinaires ont été prises ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, lorsque je

16 parle de mesures disciplinaires, c'est ce que j'ai dans mes notes. Je

17 suppose qu'il s'agissait de la détention militaire, mais je ne suis pas

18 sûr, je n'ai pas d'information concernant le nombre de jours passés aux

19 arrêts.

20 M. le Président. - Vous avez terminé pour la journée du 18 mai ?

21 Avant de faire la pause...

22 M. Nobilo (interprétation). - Oui, c'est ce que j'allais

23 proposer, nous avons effectivement terminé avec cette journée-là.

24 (La séance, suspendue à 15 heures 30, reprend à 16 heures.)

25 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez vous

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1 asseoir.

2 M. Nobilo (interprétation). - Général, je crois que nous avons

3 terminé la journée du 18 mai. Peut-on poursuivre notre chronologie des

4 événements les plus importants ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Le 19 mai 1993, la ville de Vitez

6 a été pilonnée par l'artillerie de Kruscica, Sivrino Selo, des régions

7 contrôlées par l'armée de Bosnie-Herzégovine. J'ai encore donné un ordre

8 le 19 mai 1993 selon lequel les officiers de la Croix-Rouge internationale

9 devaient avoir la possibilité de mener à bien leur mandat, que ces visites

10 aient été annoncées auparavant ou non.

11 L'assistant chargé de l'information m'a informé au cours de la

12 journée, la journée du 19 mai, que les soldats se trouvant sur la ligne de

13 front étaient épuisés, que leur moral était très bas, qu'ils avaient faim.

14 On m'a également informé que onze soldats avaient été arrêtés, des anciens

15 membres de la brigade du HVO de Zenica qui avaient participé à la

16 persécution de Musulmans bosniens, et qu'ils avaient été expulsés de leur

17 foyer dans la municipalité de Vitez.

18 On m'a également informé que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait

19 pilonné Guca Gora, une zone contrôlée par le HVO, dans la municipalité de

20 Travnik.

21 A 10 heures, j'ai eu un entretien avec l'officier de liaison du

22 commandant Duncan des Nations Unies. Et je lui ai demandé de prendre des

23 mesures permettant d'éliminer des tireurs isolés de l'armée de

24 Bosnie-Herzégovine de la position de Grbavica puisque la zone de Grbavica

25 devait être démilitarisée selon l'accord conclu le 20 avril 1993, accord

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1 signé par les deux commandants, celui du HVO et celui de l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine, Alilovic et Petkovic.

3 L'officier de liaison de la Forpronu m'a fait savoir qu'il y

4 avait également des tireurs isolés du HVO aux alentours de la base de la

5 Forpronu. A la fin de la réunion, j'ai appelé le commandant de la brigade

6 de Vitez, M. Cerkez. J'ai vérifié auprès de lui si les fusils des tireurs

7 isolés avaient été confisqués. Et M. Cerkez m'a répondu qu'il avait fourni

8 une liste de tous les fusils à lunettes confisqués au commandement et que

9 les membres de la brigade de Vitez n'avaient pas de fusil à lunettes,

10 qu'ils n'en avaient plus.

11 J'ai demandé au commandant de la brigade de Vitez qu'il enferme,

12 si cela était nécessaire, les fusils à lunettes dans son bureau et qu'il

13 les place personnellement dans un meuble qui se trouvait dans son bureau

14 au quartier général de la brigade de Vitez.

15 Le problème de la nourriture s'est encore présenté parce que des

16 réfugiés arrivaient jour après jour, et nos réserves étaient très

17 limitées, quasiment nulles.

18 Le 20 mai 1993, le service de renseignements militaires m'a fait

19 savoir qu'environ 2000 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient

20 quitté Sarajevo en passant par Igman et Tarcin, et qu'ils allaient être

21 déployés au cours de l'opération à venir et au cours de l'attaque qui

22 allait être menée contre le HVO.

23 Dans ce rapport du service de renseignements militaires, j'ai

24 appris que l'armée de Bosnie-Herzégovine allait combattre jusqu'au bout,

25 ce qui veut dire jusqu'à la prise de contrôle de la région jusque-là

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1 contrôlée par le HVO.

2 Le service de renseignements militaires m'a également informé du

3 fait que dans la zone de Slimena, qui est dans la municipalité de Travnik,

4 une partie de la 17ème Brigade de Krajina était arrivée -il s'agissait

5 d'une brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui regroupait quelque

6 250 à 300 hommes-, et que ses hommes avaient été logés dans les maisons de

7 Musulmans bosniens aux environs de Slimena.

8 Le 21 mai 1993, on m'a informé d'une visite du commandement

9 conjoint à Kakanj. Et au cours de la journée, j'ai également appris que

10 deux officiers du HVO avaient été tués. Ils étaient membres de la brigade

11 Stjepan Tomacevic et ceci s'était produit alors qu'ils venaient de

12 Novi Travnik et qu'ils se rendaient sur la ligne de front à Kamenjas

13 Mravinjac et qu'ils avaient été arrêtés dans une embuscade, dans une

14 région contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

15 A Novi Travnik, des Musulmans avaient été échangés contre des

16 Croates dans une partie de la ville contrôlée par le HVO et l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine respectivement, à un certain prix.

18 J'ai demandé que les personnes qui occupaient le poste de

19 contrôle fassent l'objet d'une nouvelle sélection afin que des officiers

20 plus dignes de confiance soient recrutés et que les problèmes qui se

21 présentaient à certains postes de contrôle soient éliminés.

22 J'ai été informé de l'existence de victimes dans la vallée de la

23 rivière de la Lasva et selon les informations disponibles, à savoir le

24 21 mai, il y avait 124 soldats qui avaient été tués, 10 avaient disparu et

25 13 avaient été capturés et 323 avaient été blessés.

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1 Dans l'après-midi du 21 mai, un conflit armé s'est déclenché à

2 Nova Bila entre des membres de la police militaire et des membres de

3 l'unité spéciale des Vitezovi. Je suis parvenu à entrer en contact avec le

4 commandant de l'unité spéciale des Vitezovi, Darko Kraljevic, et j'ai

5 demandé que l'on mette un terme aux incidents et aux actes de provocation

6 qui menaient à ces incidents. Je lui ai demandé de prendre des mesures

7 afin de sanctionner les membres de son unité. L'adjoint chargé de la

8 sécurité...

9 M. le Président. - Ce sont des incidents entre les membres de la

10 police militaire et les membres des Vitezovi, c'est bien ce que vous avez

11 dit ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui, entre la police militaire du

13 HVO et les membres de l'unité spéciale des Vitezovi à Nova Bila, c'est

14 bien ce que j'ai dit.M. le Président. - C'était à quel propos, ces

15 incidents ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais plus quelle était la

17 cause de ces incidents, mais j'ai pris des notes et je vois dans mes notes

18 qu'il y avait un conflit armé entre ces deux groupes d'individus. Je ne me

19 souviens plus, je ne pourrais que formuler une hypothèse.

20 M. le Président. - D'accord. Une précision également. Vous êtes

21 passé vite pour dire que, dans cette même journée, il y a eu une visite du

22 commandant conjoint, de la commission conjointe.

23 C'est la commission conjointe ou le commandement conjoint ? Le

24 transcript défile rapidement, je ne me souviens plus. Est-ce le

25 commandement conjoint, du 21 mai, donc ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Le commandement conjoint

2 fonctionnait déjà à l'époque et, à un niveau inférieur, il y avait des

3 commissions conjointes, Monsieur le Président. J'ai dit que c'était le

4 commandement conjoint.

5 M. le Président. – Le commandement conjoint, c'est une visite.

6 Simplement, là aussi une précision : quel est le sens de ces visites qui

7 paraissent curieuses alors que, semble-t-il, les combats sont entre

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine et vous-même. De quoi parle-t-on dans ces

9 visites comme celles-ci ?

10 On parle du front contre la Republika Srpska toujours ? C'est

11 curieux pour un chef d'état-major comme vous. On parle de quoi, de quel

12 ennemi en fin de compte ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, à partir

14 du 21 avril 1993, lorsque le commandant conjoint a commencé à fonctionner,

15 il n'a cessé de l'être et il a continué de fonctionner, à la fois au

16 niveau des forces armées de la Bosnie-Herzégovine et également au niveau

17 du 3ème Corps et de la zone opérationnelle. Les réunions ont été

18 quotidiennes et selon un programme prévu par le commandement, ce

19 commandement se rendait dans les régions qu'il estimait nécessaire

20 d'examiner et de voir ou, parfois à ma demande, il se rendait dans des

21 régions suggérées par moi.

22 M. le Président. - Dans cette visite-là, vous avez participé à

23 la réunion ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Non, mais j'avais demandé depuis

25 un certain temps déjà qu'une réunion soit organisée entre moi et le

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1 commandant du 3ème Corps d'armée par le biais de l'officier de liaison de

2 la Forpronu, par le biais du colonel Duncan et par le biais de ce

3 commandement conjoint.

4 J'avais lancé un appel, j'avais demandé véritablement qu'une

5 réunion soit organisée entre moi et le commandant du 3ème Corps parce que,

6 d'une part, il y avait un conflit en cours, des hostilités armées, et

7 d'autre part, il y avait des engagements conjoints. Le commandement

8 conjoint fonctionnait et planifiait certaines activités conjointes, etc.

9 pour la libération de Lesic, etc.

10 M. le Président. - C'est là où j'ai quelques difficultés à

11 comprendre. Excusez-moi. Qu'est-ce qu'on dit dans ce genre de réunions ?

12 On parle de ce qu'on se fait entre soi ou de l'ennemi commun ? De quoi

13 parle-t-on ?

14 Quand vous dites -j'ai pris beaucoup de notes- : "2 000 soldats

15 arrivent". La veille, vous nous dites que vous avez reçu une information

16 que 2 000 soldats de l'armée de Bosnie viennent de Sarajevo et que vous

17 avez appris que l'armée de Bosnie va combattre jusqu'au bout. C'est cela ?

18 Le lendemain, vous êtes dans une réunion de commandement

19 conjoint, qu'est-ce que vous dites ? Vous dites : "Mais vous combattez

20 qui ? Vous nous combattez, nous ou la Republika Srpska ?" Quel est votre

21 rôle là-dedans ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, je n'étais

23 pas présent lors de la réunion du commandement conjoint, mon adjoint

24 Franjo Nakic s'y trouvait effectivement. Et l'adjoint du commandant du

25 3ème Corps d'armée, M. Dzemo Merdan.

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1 Par conséquent, ils ont participé à des réunions ; ils le

2 faisaient tous les jours. Lorsque j'ai reçu ce rapport, et pas seulement

3 ce rapport d'ailleurs, toute information ayant trait au rassemblement de

4 troupes, j'ai demandé une réunion avec le commandant du 3ème Corps, mais

5 je n'ai pas eu la possibilité de lui en parler directement. Si cela avait

6 été le cas, je lui aurais probablement parlé du rassemblement et du plan

7 d'attaque, peut-être.

8 M. le Président. - Peut-être pas vous, Général, si je comprends

9 bien. Mais vous y êtes représenté quand même. Il me semble, mais je ne

10 suis pas chef de guerre, que si la veille, j'avais appris que 2 000

11 soldats faisaient mouvement depuis Sarajevo, non pas pour combattre la

12 Republika Srpska mais pour me combattre moi, il me semble que, quand même,

13 soit j'aurais dit au général Petkovic : "A quoi joue-t-on ?, A quelle

14 guerre joue-t-on ?", soit j'aurais débarqué dans cette réunion du

15 commandement conjoint pour demander : "Qui fait la guerre ? Contre qui ?

16 Avec qui ?". C'est cela que je ne comprends pas.

17 Quand vous nous donnez votre emploi du temps très minuté, vous

18 passez ; vous dites : "21 mai, visite du commandement conjoint." En même

19 temps, deux officiers du HVO sont tués par l'armée de Bosnie. "2 000

20 soldats viennent de Sarajevo et vont nous combattre jusqu'au bout." C'est

21 quand même un peu surréaliste, tout cela !

22 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, toutes les

23 informations que j'ai reçues du service de renseignements militaires ont

24 été communiquées au chef d'état-major, à l'état-major principal. Toutes

25 les connaissances dont je disposais l'ont été également du point de vue

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1 opérationnel. Je ne pouvais pas me rendre à Zenica et demander directement

2 au commandant du 3ème Corps d'armée : "Qu'êtes-vous en train de faire ?"

3 D'une part, nous avons une trêve et, d'autre part, un

4 rassemblement de troupes et la préparation à une offensive. Je ne pouvais

5 me déplacer que dans l'enclave mais, effectivement, j'ai demandé à mon

6 adjoint, M. Nakic, de proposer une réunion au cours de laquelle nous

7 pourrions parler des accords obtenus et de la mise en place de ces

8 accords.

9 M. le Président. - Reconnaissez que c'est un peu compliqué de

10 voir quel était votre rôle dans tout cela. Je vais céder la parole au Juge

11 Rodrigues. De temps en temps, essayez de nous donner quelques précisions

12 car la chronologie sèche, comme cela, est vraiment difficilement

13 compréhensible, en tout cas pour quelqu'un qui n'est pas un militaire

14 comme moi. Quand on fait la guerre, on sait à peu près contre qui on fait

15 la guerre. Juge Rodrigues, vous comprenez peut-être mieux que moi ?

16 M. Rodrigues - Non, je ne suis pas militaire, mais j'ai quelques

17 doutes dans ce domaine qui m'accompagnent depuis quelques jours.

18 Les Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie étaient

19 ensemble. Il y avait de la coopération, etc. et tout cela, des commissions

20 conjointes, des réunions conjointes, etc. Mais tout cela pour combattre

21 l'ennemi, c'étaient les Serbes. Si on regarde la maquette, je crois

22 presque que les Serbes pouvaient regarder, voir, observer, les combats

23 entre les Croates et les Musulmans. Pourquoi les Serbes ne sont pas

24 venus ? Il y avait à résoudre tout ce problème.

25 Quand on regarde les cartes, on voit que les Serbes étaient

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1 partout, comme j'ai dit, ils pouvaient vous voir combattre. C'est ce que

2 dit la maquette. Vous êtes militaire, pas moi, mais pourquoi les Serbes ne

3 sont pas descendus et n'ont pas dit : "Voilà, nous avons la solution pour

4 ce problème ?" Pourquoi ?

5 A la fin, c'est la question que M. le Président a posée. On a un

6 peu l'impression que vous faisiez une guerre. Dans la réalité, les choses

7 se sont passées de façon tout à fait différente. Il paraît que vous

8 faisiez des guerres dans les bureaux, pendant les réunions, les accords

9 pour le cessez-le-feu que vous accordiez aujourd'hui mais pas demain, il

10 ne vaut rien, etc., etc.

11 Il y a des choses que je ne comprends pas, une chose que je ne

12 comprend pas est celle-ci: quel était vraiment l'ennemi ? Et si il y avait

13 un ennemi, comment, pourquoi, cet ennemi commun n'a-t-il pas profité de

14 l'occasion pour résoudre définitivement la question ?

15 Si vous étiez militaire, vous êtes militaire, si vous étiez de

16 l'autre côté, c'était très facile, si l'on voit l'autre ennemi divisé se

17 combattre entre eux ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, je vais tenter

19 de répondre à votre question. Mais vous avez raison pour ce qui est de la

20 situation générale, effectivement la situation était très chaotique.

21 J'aimerais répondre à la question de savoir pourquoi les Serbes ne sont

22 pas intervenus. Nos lignes de front étaient très bien reliées par rapport

23 à celles des serbes. Lorsque je dis : "Nos lignes de front", je parle de

24 celles du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Travnik.

25 Depuis le mois de novembre 1992, et sans tenir compte du fait

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1 que nous avons obtenu cette enclave à cause des conflits, la ligne de

2 front à Travnik demeurait identique. Environ 80 kilomètres de la ligne de

3 front vers les Serbes étaient tenus par le HVO et le reste par l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine.

5 Votre question de savoir pourquoi les Serbes ne sont pas

6 intervenus et n'ont pas résolu la situation, eh bien en partie parce que

7 cette ligne de front très longue existait face aux Serbes.

8 Une autre réalité était que les Serbes avaient leurs propres

9 priorités, leurs propres objectifs sur des lignes de front différentes

10 -nous parlons de mars, d'avril. A l'époque, les Serbes défendaient leurs

11 propres intérêts stratégiques et je suppose que la Bosnie centrale n'en

12 était pas un. Ils devaient résoudre certains problèmes au corridor de

13 Posavina afin de l'élargir. Ils souhaitaient également régler le problème

14 de la Bosnie orientale afin de relier cette région avec Sarajevo et avec

15 le corps qui se trouvait là-bas, le corps de Sarajevo, Romanja, de relier

16 donc ce corps avec la Bosnie orientale. Par conséquent, je pense qu'ils

17 avaient leurs propres réalités.

18 Je décris la situation. Je sais que c'est une situation qui est

19 difficile à comprendre, même pour moi, en tant que militaire.

20 Nous avons signé un accord le 21 avril 1993. A la fin du mois de

21 mars, un accord a été signé sur un accord suprême conjoint. Mais nous

22 n'étions pas parvenus à résoudre ce problème. Il s'agit là de toute la

23 région dans laquelle je pouvais manoeuvrer et me déplacer. Je ne pouvais

24 pas aller à Kiseljak ou dans d'autres villes.

25 Par conséquent, la seule solution qui me restait était de

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1 profiter de toutes les possibilités de rencontrer le commandant du

2 3ème Corps d'armée et d'insister pour que l'accord soit appliqué afin que

3 nous nous concentrions sur la ligne de front face aux Serbes. Le

4 commandement conjoint au niveau du 3ème Corps d'armée et de la zone

5 opérationnelle avait planifié la libération de Vlasic sur des cartes, sur

6 des plans différents. Mais d'autre part nous avions une arrivée massive de

7 réfugiés, la situation était très chaotique. Je ne sais pas si vous m'avez

8 bien compris, si ma réponse a été claire.

9 M. Rodrigues. - Merci, Général, vous m'avez aidé à comprendre un

10 peu mieux.

11 M. le Président. - Bien. Maître Nobilo ?

12 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Général. Conviendriez-vous

13 que les Juges viennent de dire des choses tout à fait vraies et que

14 c'était une situation absurde ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'était une situation

16 absurde, c'est tout à fait ce que je pense. Mais je parle de ce qui s'est

17 passé sur le terrain, de la réalité.

18 M. Nobilo (interprétation). - Avançons un peu dans la

19 chronologie. Quand la commission conjointe du 3ème Corps d'armée et la zone

20 opérationnelle ont-elles cessé de fonctionner ? Pourriez-vous expliquer

21 cela aux Juges ? Peut-être que la situation s'éclaircira ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Le commandement conjoint au

23 niveau du 3ème Corps d'armée de la zone opérationnelle a cessé de

24 fonctionner lorsque l'armée de Bosnie-Herzégovine a pris la ville de

25 Travnik, le 6 juin 1993.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Je vais éviter toute question

2 subjective. Combien d'ennemis l'armée de Bosnie-Herzégovine avait-elle au

3 printemps 1993 ? Quelle armée combattait l'armée de Bosnie-Herzégovine, et

4 vice versa ?

5 M. Blaskic (interprétation). - L'armée de la Republika Srpska et

6 le HVO.M. Nobilo (interprétation). - Contre qui se battait le HVO

7 en 1993 ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Contre l'armée de la Republika

9 Srpska et contre l'armée de Bosnie-Herzégovine. Mais il y a une autre

10 situation si, Messieurs les Juges, vous me permettez de l'expliquer. C'est

11 la situation qui se produisait à Bihac.

12 En effet, à Bihac, les Musulmans bosniens combattaient aux côtés

13 des Serbes contre les Croates et les Musulmans de Bosnie qui se trouvaient

14 dans la poche de Bihac. Et cela aussi existait.

15 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit de la poche de Bihac.

16 Donc, en fait, des Croates et des Musulmans combattaient de concert contre

17 des Musulmans et des Serbes dans la poche de Bihac. Vous parlez des

18 partisans de Alija Izetbegovic et des partisans de Fikret Bozic, n'est-ce

19 pas ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Oui, les forces du 5ème Corps

21 d'armée, de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO de Bihac qui

22 combattaient ensemble contre les Musulmans partisans de Fikret Abdic et

23 l'armée de la Republika Srpska.

24 M. Nobilo (interprétation). - Etait-il exact que Fikret Abdic

25 était l'adjoint d'Alija Izetbegovic, le vice-président ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Oui, tout à fait. C'est lui qui a

2 obtenu le plus grand nombre de voix au cours des élections en tant que

3 membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, mais il a cédé son poste

4 à M. Alija Izetbegovic qui est devenu, par conséquent, président.

5 M. Nobilo (interprétation). - Examinons une hypothèse : si les

6 Serbes de Vlasic avaient lancé une attaque décisive sur les pentes de la

7 colline et qu'ils étaient entrés dans la vallée de la Lasva, à votre avis,

8 le conflit entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine aurait-il cessé ?

9 Ou y aurait-il un mouvement de résistance conjointe ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Certainement.

11 M. Nobilo (interprétation). - N'était-il pas de l'intérêt des

12 Serbes de regarder ce qui se passait et d'attendre, de regarder leur

13 ennemi se battre ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Bien entendu, il était de leur

15 intérêt de regarder et d'attendre. En fait, de Vlasic, ils ont contribué

16 au combat.

17 M. Nobilo (interprétation). - Comment ?

18 M. Blaskic (interprétation). - En utilisant de l'artillerie, en

19 pilonnant Zenica, parfois Vitez. Au cours de 1993, le colonel Stewart est

20 venu me voir pour savoir si la base de la Forpronu se trouvait à portée de

21 l'artillerie serbe. Et je lui ai répondu qu'il pouvait vérifier lui-même,

22 qu'il pouvait se rendre compte que la base était à portée de cette

23 artillerie puisque je lui ai dit qu'il pouvait le faire lui-même.

24 M. Nobilo (interprétation). - Revenons aux questions

25 stratégiques, à la situation qui prévalait le 21 mai 1993. Une fois de

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1 plus, vous avez une conversation avec le chef de service de sécurité et

2 d'information sur Ahmici ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Oui, effectivement, j'ai reçu un

4 rapport émanant de l'adjoint chargé de la sécurité selon lequel certaines

5 questions devaient être résolues avant que le rapport sur Ahmici soit

6 terminé.

7 Je lui ai alors demandé de me soumettre les informations qu'il

8 avait réussi à obtenir jusque-là, à savoir jusqu'au 21 mai 1993.

9 M. Nobilo (interprétation). - Passons au lendemain.

10 M. Blaskic (interprétation). - Le lendemain, le 22 mai 1993,

11 j'ai de nouveau demandé à M. Franjo Nakic d'aborder la question d'une

12 éventuelle réunion avec le 3ème Corps d'armée au commandement conjoint. Je

13 n'ai pas réussi à entrer en contact avec le commandant de la police

14 militaire et le commandant local de la police militaire à Novi Travnik

15 avait établi son propre poste de contrôle en refusant d'obéir à l'ordre

16 que j'avais donné.

17 Là encore, j'ai reçu des informations du service de sécurité,

18 informations selon lesquelles le service ne pouvait pas terminer le

19 rapport. Là encore, j'ai insisté pour que ce service m'envoie toutes les

20 informations recueillies jusque-là sur mon ordre.

21 J'ai aussi reçu des informations selon lesquelles dans toutes

22 les municipalités de la vallée de la Lasva, sous le contrôle du HVO, il y

23 avait des groupes d'une centaine de criminels qui s'étaient répartis le

24 territoire et qui s'occupaient de marché de guerre ou de marché noir, et

25 qui, pour être reconnus, se rasaient le crâne complètement.

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1 Le 23 mai 1993, tôt le matin, nous avons vécu une attaque

2 généralisée sur les territoires de Krcevine, de Jardol, dans la

3 municipalité de Vitez.

4 M. Nobilo (interprétation). - Due à qui ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Due aux membres de la 7ème Brigade

6 musulmane. Cette attaque était une nouvelle tentative d'effectuer une

7 jonction entre Stari Vitez via Krcevine et Jardol, avec les territoires

8 musulmans de Bukve et Preocica.

9 Au cours de la journée, j'ai demandé une nouvelle fois à la

10 police militaire de se diriger vers Ovnak de façon à ce qu'au barrage

11 d'Ovnak, les policiers tenant ce barrage soient remplacés. Au lieu de

12 recevoir une réponse, j'ai vu se rassembler un groupe assez important

13 devant l'Hôtel Vitez qui lançait des injures, des insultes et qui plus

14 tard s'est mis à tirer en l'air, devant l'hôtel, devant mon bureau donc,

15 pour faire savoir ce qu'il pensait de mon ordre.

16 M. Nobilo (interprétation). - Dites nous, pourquoi vouliez-vous

17 retirer les policiers militaires de ce barrage routier d'Ovnak ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Je voulais les retirer du barrage

19 routier d'Ovnak parce qu'ils contribuaient, ils avaient leur part dans

20 cette activité des groupes criminels de la vallée de la Lasva, de Zenica

21 notamment. C'est en passant par ce barrage que le marché noir se

22 développait à savoir que des commerces traitant de tous les produits

23 interdits, notamment les automobiles, l'alcool, les cigarettes et d'autres

24 produits.

25 M. Nobilo (interprétation). - "Marché noir", cela signifie un

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1 commerce illégal, interdit, n'est-ce pas ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

4 M. Blaskic (interprétation). - Au cours de la journée, j'ai

5 demandé également que les camions de la mission humanitaire destinés à

6 Zenica, qui apportaient du gaz, puissent circuler. Et on m'a dit que

7 l'unité spéciale de l'armée de Bosnie-Herzégovine, connue sous le nom de

8 "Cygnes noirs" se dirigeait vers Konjic et en partie vers Zenica.

9 C'étaient donc des hommes qui répondaient à la dénomination de "Cygnes

10 noirs" et qui étaient commandés par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

11 Le 24 mai 1993, j'ai dit à l'adjoint chargé de la sécurité, lors

12 de la réunion du matin, qu'il n'avait plus besoin de venir aux réunions

13 matinales tant qu'il ne m'apporterait pas des renseignements précis au

14 sujet de l'enquête relative à Ahmici.

15 Après cela, j'ai reçu une mission d'observation de la mission

16 européenne qui m'a demandé de fournir une garantie par écrit permettant le

17 passage d'un convoi provenant de Tuzla et allant vers Split, donc une

18 autorisation permettant le voyage aller-retour. Ce convoi était composé de

19 250 camions. En répondant aux membres de la mission d'observation

20 européenne, j'ai essayé de leur dire que le corridor qu'ils souhaitaient

21 emprunter n'était pas sûr et qu'il ne serait pas bon du tout que le convoi

22 empreinte cet itinéraire.

23 J'ai proposé deux itinéraires différents dont je pensais qu'ils

24 étaient plus sûrs, l'un passant vers Visoko, Kiseljak et Tuzla en

25 direction de Konjic et de Mostar et l'autre partant de Tuzla vers Zenica,

Page 18400

1 Busovaca et Kiseljak pour se terminer à Konjic et à Mostar.

2 En effet, je savais que l'itinéraire prévu n'était pas sûr. En

3 dépit des avertissements que je leur ai fournis, eu égard à cet itinéraire

4 qui passait par la vallée de la Lasva et dans l'enclave, en dépit du fait

5 que j'ai refusé l'autorisation écrite, le convoi a traversé ce couloir,

6 passant par la vallée de la Lasva alors que j'avais dit que des troupes

7 étaient en affrontement direct, étaient au contact des unités militaires

8 dans cette région, séparées par à peine 50 à 100 mètres, le long de la

9 route principale.

10 Il m'était donc impossible de fournir une garantie écrite

11 assurant la sécurité de ce convoi. Le service de renseignements militaires

12 m'a appris également que l'aptitude de toutes les forces du 3ème Corps de

13 l'armée de Bosnie-Herzégovine aux combats avait été déclarée maximale et

14 que l'offensive générale contre le HVO était probablement éminente.

15 A 10 heures, j'ai eu une réunion avec les commandants, au cours

16 de laquelle la situation militaire du moment a été passée en revue et au

17 cours de laquelle, nous nous sommes organisés pour assurer la défense en

18 cas d'attaque générale de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

19 J'ai demandé aux commandants présents dans cette réunion de

20 faire connaître au public, les noms et prénoms de toutes les personnes

21 qui, par la violence, expulsaient les Musulmans bosniens de leurs

22 appartements, de leurs maisons, sur les territoires contrôlés par le HVO.

23 J'ai également demandé aux deux commandants, s'ils n'étaient pas capables

24 de combattre ces actes de violence, de bien vouloir au moins me fournir

25 les noms des personnes concernées.

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1 A 18 heures, je me suis retrouvé au sein de la brigade

2 Nikola Subic Zrinski où l'on m'a appris que le rapport des forces entre

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO à Busovaca était de 6 à 1 en

4 faveur de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et que la longueur du front à

5 Busovaca variait entre 35 et 40 kilomètres. Nous avons également examiné

6 les diverses possibilités pour empêcher les opérations à Kuber, Kaonik et

7 Kacuni Prosjek..

8 J'ai fait savoir au commandant de la brigade que je connaissais

9 les réactions négatives auxquelles avait donné lieu mon ordre interdisant

10 l'expulsion des Musulmans bosniens de leurs appartements dans la ville de

11 Busovaca, et j'ai souligné une nouvelle fois qu'il en allait de notre

12 devoir de prendre toutes les mesures possibles pour assurer une plus

13 grande sécurité aux civils dans leur habitation. J'ai souligné une

14 nouvelle fois que nous avions pour tâche d'assurer cette sécurité.

15 J'ai également demandé aux personnes présentes à cette réunion,

16 donc à l'ensemble des participants, d'assurer une bonne coopération avec

17 les organisations internationales.

18 Le 25 mai 1993, j'ai reçu des informations de l'adjoint chargé

19 de la sécurité qui m'informait des résultats de l'enquête relative à

20 Ahmici.

21 M. Nobilo (interprétation). - Oui, eh bien, nous pouvons parler

22 de ce document, si vous le voulez. Je demande donc le document D342.

23 J'aimerais qu'il soit remis au témoin, et nous parlerons de Stari Vitez

24 après. Donc, D342.

25 Je vais donner lecture de ce document de la défense : "Services

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1 d'informations et de sécurité. Poste de commandement : Vitez. Destiné en

2 main propre au commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale de

3 Vitez, colonel Tihomir Blaskic".

4 La date est celle du 25 mai 1993 et le numéro de référence est

5 82/93. Objet :

6 "Informations soumises". Le texte se lit comme suit : "Dans le

7 dossier ci-joint, nous vous soumettons des informations survenues dans le

8 village d'Ahmici dans la municipalité de Vitez. Ces informations

9 recouvrent des constatations opérationnelles ainsi que des récits de

10 témoins oculaires de ces événements, ainsi que le résultat d'inspections

11 réalisées sur place.

12 Ces informations ne sont pas complètes car l'affaire n'est pas

13 complètement résolue en raison des combats qui se poursuivent dans ce

14 secteur, combats qui ont rendu impossible le recueil de déclarations

15 écrites de la part de la plupart des témoins oculaires les plus

16 importants.

17 Des déclarations n'ont pas non plus pu être obtenues de

18 personnes de nationalité musulmane qui, après les événements survenus dans

19 le village d'Ahmici, ont fui vers la municipalité de Zenica, à Travnik et

20 ailleurs. A cet égard, une collaboration appropriée de la partie adverse

21 n'a pas pu être obtenue non plus pour la réalisation de ce dossier.

22 Après la fin des combats et la création de conditions plus

23 favorables, toutes les mesures nécessaires et toutes les actions

24 nécessaires seront prises afin de jeter davantage de lumière sur cette

25 affaire qui doit être complètement résolue."

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1 Signature : celle d'Anto Sliskovic, adjoint au commandant de la

2 zone opérationnelle de Bosnie centrale.

3 Et pièce jointe, il y en a une.

4 Donc, Général, je vous demande si j'ai bien compris lorsque je

5 crois pouvoir dire que ce document s'accompagnait d'un rapport portant sur

6 les événements d'Ahmici.

7 M. Blaskic (interprétation). – Oui, l'annexe 1 à ce document

8 était le rapport contenant les conclusions de l'enquête.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges quel

10 était le contenu de ce rapport, rapport dont nous ne sommes pas en

11 possession ici et qui a été annexé ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Il m'est difficile de relater

13 l'ensemble du contenu du rapport, mais je sais que les conclusions étaient

14 assez floues, et que ce rapport n'était pas précis s'agissant de

15 l'identité des auteurs que j'avais demandé à connaître, et n'était pas

16 précis non plus eu égard aux circonstances qui avaient créé les victimes.

17 Ce rapport fournissait des informations autres stipulant sur un

18 mode alternatif la possibilité que cet acte ait été commis par les uns ou

19 par les autres. Il n'était donc pas complet, mais j'aurais du mal à les

20 relater car je ne me souviens pas de tous les détails.

21 M. Nobilo (interprétation). - Ce rapport comportait-il les noms

22 des auteurs des crimes ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Il ne comportait pas les noms des

24 auteurs du crime, mais il est possible qu'un, deux ou trois noms aient été

25 cités. C'est possible.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous si la police

2 militaire était mentionnée dans ce rapport ou pas ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je me rappelle,

4 ce rapport ne mentionnait pas la police militaire.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites que, dans votre

6 souvenir, ce rapport se prononçait sur l'alternative quant aux auteurs

7 possibles du crime. Pouvez-vous nous dire qui étaient mentionné sur ce

8 mode alternatif ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Je vous parle de mémoire, mais le

10 rapport évoquait des groupes habillés en noir, et puis les membres du HOS

11 étaient mentionnés, ainsi que des groupes venant de l'extérieur, mais il

12 n'y avait pas de nom ou de prénom concret.

13 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous compris ce rapport comme

14 un rapport intérimaire, l'enquête devant se poursuivre jusqu'à la fin ou

15 avez-vous compris que ce rapport était un rapport final ?

16 M. Blaskic (interprétation). – Moi, j'ai compris que ce rapport

17 était intérimaire. J'ai dit à l'adjoint chargé de la sécurité que

18 j'insistais pour connaître les noms et prénoms. A la lecture du document

19 que nous venons d'examiner, dans les dernières phrases, il est dit que

20 l'enquête se poursuit, qu'elle n'est pas terminée.

21 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, ce rapport est-il allé

22 jusqu'aux hautes sphères de Mostar ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui, il est arrivé à l'état-major

24 principal ainsi qu'au service d'information et de sécurité.

25 Tous les renseignements sont donc disponibles au service

Page 18405

1 d'information et de sécurité de Mostar.

2 M. Nobilo (interprétation). - Dans le compte rendu, il est

3 question du rapport complet, alors que moi je vous interrogeais à propos

4 du rapport que nous examinons en ce moment, c'est-à-dire le document D342.

5 Ce document auquel était annexé le rapport est-il arrivé aux autorités

6 supérieures ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

8 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, je vous prie, à qui a-

9 t-il été envoyé et qui a envoyé le rapport ?

10 M. Blaskic (interprétation). - J'ai envoyé un exemplaire à

11 l'état-major du HVO et un exemplaire à l'adjoint chargé de la sécurité

12 dans les bureaux du département de la sécurité de Mostar, le ministère de

13 la Défense de Mostar.

14 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous : ce jour-là, le

15 25 mai, vous avez été convoqué à une réunion avec les membres du

16 gouvernement de Vitez. C'est la première fois que vous étiez invité à

17 participer à une réunion du gouvernement de Vitez. Que vous ont dit les

18 autorités civiles du gouvernement de Vitez ? Que voulaient-elles de vous ?

19 M. Blaskic (interprétation). - C'était la première fois que

20 j'étais invité à participer à une réunion du gouvernement municipal,

21 c'est-à-dire du gouvernement civil de Vitez. Et le problème discuté dans

22 le cadre de l'ordre du jour a été notamment celui de Stari Vitez. Les

23 autorités civiles ont insisté sur le grand nombre de pertes humaines

24 quotidiennes parmi les civils et donc, sur le fait que les habitants de

25 Vitez souffraient des tirs de tireurs isolés de l'armée de Bosnie-

Page 18406

1 Herzégovine en provenance de Stari Vitez. Ces autorités municipales ont

2 discuté principalement de deux points.

3 D'une part, la séparation nécessaire entre les forces du HVO et

4 les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine avec l'aide de la Forpronu

5 afin de permettre aux soldats, qui étaient venus à Vitez sous le contrôle

6 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, de quitter Stari Vitez ; cela aurait

7 permis la démilitarisation complète de la région et le retrait des tireurs

8 isolés. Le deuxième point évoqué a été celui d'un ultimatum de 48 heures

9 accordé pour que soit rétabli la sécurité des habitants de Stari Vitez,

10 48 heures avant de lancer une attaque contre Stari Vitez.

11 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous accepté d'organiser une

12 attaque contre Stari Vitez ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Je n'étais pas d'accord. J'ai

14 expliqué aux autorités civiles qu'il était impossible, sous prétexte de

15 défendre la sécurité des civils, d'organiser une attaque contre

16 Stari Vitez. Les civils et les militaires étaient logés dans les mêmes

17 bâtiments et donc dans absolument toutes les maisons, il y avait de temps

18 en temps un centre militaire, mais tout le temps des habitants civils.

19 Vitez, bien sûr, subissait un grand nombre de pertes humaines en

20 raison des activités des tireurs isolés de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

21 Mais j'étais absolument opposé à cette solution consistant à proposer une

22 quelconque opération militaire contre Stari Vitez.

23 M. Nobilo (interprétation). - Que craignez-vous si les soldats

24 du HVO entraient dans Stari Vitez ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Je craignais un grand nombre de

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1 pertes absolument inévitables à l'issue de telles opérations militaires,

2 car attaquer une zone urbanisée est l'une des tâches les plus difficiles

3 pour quelque armée que ce soit.

4 Par ailleurs, il était d'autant plus difficile de contrôler la

5 situation par la suite. Cela n'aurait pu aboutir qu'à un grand nombre de

6 victimes civiles parmi la population habitant Vitez.

7 M. Nobilo (interprétation). - Ce jour-là, ou à quelque moment

8 que ce soit par la suite, avez-vous jamais ordonné une attaque générale

9 contre Vitez, Stari Vitez ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Non.

11 M. Nobilo (interprétation). - A l'intérieur de votre enclave,

12 sur votre front, Stari Vitez vous posait-il un problème particulier du

13 point de vue de l'engagement des troupes, des forces ?

14 M. Blaskic (interprétation). - C'était un problème très

15 important, pas seulement du point de vue de l'engagement des forces, mais

16 également en raison des actions très nombreuses de la part des tireurs

17 isolés à partir d'un endroit où tous les jours les civils et d'autres

18 subissaient des pertes dans la ville de Vitez puisque c'était un endroit

19 habité. Je parle de civils et d'habitants sous le contrôle du HVO.

20 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît, de

21 façon que tout soit clair. Laissons de côté un instant les pertes civiles

22 de Vitez. Mais compte tenu du grand nombre de soldats qui défendaient

23 Vitez et compte tenu de la dimension du quartier de Stari Vitez,

24 étiez-vous capable, uniquement sur la base de ces deux facteurs,

25 d'attaquer Stari Vitez en oubliant la question des victimes civiles ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Il aurait été possible de le

2 faire bien sûr, d'un point de vue purement militaire. Il n'y avait aucune

3 difficulté à attaquer Stari Vitez qui était une enclave. Mais je n'ai

4 jamais accordé une pensée à cette possibilité, car il était impossible

5 d'accepter de provoquer des victimes civiles et des destructions aussi

6 importantes. S'il n'y avait pas eu des civils, s'il n'y avait eu que des

7 soldats, dans ce cas, nous aurions pu prendre le contrôle du secteur.

8 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie,

9 rappeler aux Juges quelle est la dimension de l'enclave à peu près ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Au maximum, 500, 800 mètres. Je

11 ne sais même pas si elle avait cette dimension.

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

13 un problème à vous soumettre. Notre client a un problème à l'oeil qui lui

14 donne des maux de tête. Si vous acceptiez que nous travaillons encore 15 à

15 20 minutes aujourd'hui et que nous reprenions demain, nous essaierons de

16 lui fournir une aide médicale dans la soirée, car cela dure déjà depuis

17 quelques jours et cela ne pas l'air de céder.

18 M. le Président. - Je suis tout à fait d'accord. Ecoutez, on va

19 jusqu'à l'heure qui vous convient. Vous voulez d'abord vous arrêter dix

20 minutes, un petit moment et puis nous reprenons ? Sinon, on fait un quart

21 d'heure, vingt minutes, et on arrête. Que préférez-vous, Général Blaskic ?

22 Que l'on arrête dix minutes uniquement pour vous reposer et nous reprenons

23 un quart d'heure ? Ou est-ce que vous préférez que l'on arrête à

24 17 heures 15 et que l'on ne fasse pas de petite pause ? Vous m'avez

25 entendu ?

Page 18409

1 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, si je puis

2 m'exprimer au nom de mon client, je suis en train d'essayer de savoir si

3 le médecin est disponible demain matin à la prison, auquel cas le général

4 Blaskic pourrait voir le médecin à 10 heures puisque nous ne sommes pas

5 censés commencer avant 11 heures, 11 heures et demie.

6 Donc, si nous avons une pause de dix minutes, je peux rappeler.

7 J'ai déjà appelé plusieurs fois cet après-midi, mais on n'a pas encore été

8 capable de me dire si le médecin serait présent à la prison demain. Si

9 j'avais une pause, je pourrais passer ce coup de fil et nous pourrons en

10 cas de nécessité adapter l'horaire, ce qu'il est possible de faire.

11 M. le Président. - Maître Hayman, je vous propose ainsi qu'à

12 l'accusé, au témoin, de suspendre dix minutes. Nous reprenons à 17 heures,

13 sauf si vous n'avez pas terminé vos ajustements téléphoniques. Nous ne

14 reprendrons de toute façon que pour un quart d'heure, vingt minutes, et

15 cela vous permettra de rentrer plus tôt au quartier pénitentiaire.

16 Demain matin, nous ne commencerons pas avant 10 heures 30.

17 N'est-ce pas, Monsieur Dubuisson, et donc c'est ainsi que nous allons

18 procéder.

19 Monsieur le Juge Shahabuddeen ?

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Messieurs, il serait peut-

21 être bon que je vous dise qu'à la reprise de l'audience cet après-midi, ou

22 demain, j'ai de grandes chances de me référer au compte rendu. Donc vous

23 pourriez vous armer du matériel nécessaire, je parle du compte rendu de

24 l'après-midi du 15 février 1999, pages 17 625 et 17 650.

25 M. le Président. - Nous suspendons une dizaine de minutes.

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1 (L'audience, suspendue à 16 heures 55, est reprise à

2 17 heures 12)

3 M. le Président. - L'audience est reprise. Maître Hayman, avez-

4 vous pu avoir ce contact ?

5 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, une

6 infirmière sera disponible demain matin. Par conséquent, le

7 général Blaskic pourra être présent comme convenu à 10 heures 30.

8 M. le Président. - Pouvez-vous témoigner encore un quart d'heure

9 environ ? Pouvez-vous déposer pendant un quart d'heure ? Nous arrêterons à

10 17 heures 30.

11 On continue donc pour un quart d'heure.

12 M. Nobilo (interprétation). - Très bien Général. Nous nous

13 sommes arrêtés au 25 mai 1993. Pouvez-vous continuer ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Dans l'après-midi du 25 mai 1993,

15 j'ai eu une réunion avec le chef de la police civile de la ville de Vitez,

16 M. Mirko Samija et nous avons surtout parlé des questions concernant

17 l'ordre public et les questions concernant la sécurité en générale à

18 Vitez.

19 Le chef de la police civile, M. Samija, a aussi parlé du

20 problème des tireurs embusqués qui tiraient surtout depuis trois positions

21 de Stari Vitez, Grbavica et Slibtica. Il s'agissait des tireurs embusqués

22 de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il a souligné un autre problème, celui

23 du pilonnage sur le cœur même de Vitez et du problème des groupes de

24 criminels dans la région de la municipalité. Et le chef de la police

25 civile m'a dit que ces groupes étaient tellement forts, qu'il ne disposait

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1 pas de suffisamment d'hommes pour entrer dans un règlement de compte total

2 avec ces groupes de criminels.

3 Le 26 mai 1993, j'ai été informé encore une fois par le chef

4 d'état-major, M. Franjo Nakic, du plan de préparation, une opération

5 conjointe du commandement conjoint de l'armée de Bosnie-Herzégovine et de

6 HVO, afin de libérer Vlasic et du fait que M. Nakic et Dzemo Merdan

7 s'étaient rendus dans les positions du HVO à Kula et les positions de

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine à Pesici.

9 Monsieur Nakic m'a relaté son impression selon laquelle il y a

10 eu un grand manque de discipline chez les soldats. Il a dit que les

11 soldats étaient en colère, qu'ils étaient dans le désordre. Il parlait des

12 deux camps des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine et aussi des

13 soldats du HVO.

14 Ce même jour, le 26 mai, j'ai également exprimé le souhait de

15 savoir pour quelle raison une délégation de l'UNHCR ne s'était pas rendue

16 dans le village de Krcevine et qui avait empêché cela.

17 L'information que j'ai reçue était que la brigade de Vitez avait

18 envoyé l'information selon laquelle la route vers Krcevine était contrôlée

19 par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Quand il disait "contrôlée", il voulait

20 dire que les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine ouvraient le feu sur

21 cette partie de la route. C'est pourquoi ils avaient averti les

22 représentants de l'UNHCR concernant cette partie de la route, mais qu'ils

23 n'ont pas empêché physiquement leur passage.

24 J'ai aussi été informé du fait que les forces de l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine étaient en train de se rassembler de nouveau à Travnik

Page 18412

1 et que dans la ville de Travnik des tensions étaient élevées entre le HVO

2 et l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce même jour, j'ai reçu l'information de

3 la brigade de Vitez, de son commandant, selon laquelle l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine avait pris le contrôle de Saracevo. C'est un site qui se

5 trouvait sur le mont de Kuber, dès le 15 avril 1993.

6 A 11 heures, j'ai eu une réunion avec le colonel Duncan et nous

7 avons discuté de plusieurs questions ; tout d'abord de l'enclave de la

8 Lasva, de la situation militaire dans cette partie-là.

9 Ensuite, nous avons parlé de la pénurie de toute sorte de

10 vivres. Nous avons parlé de problèmes de sécurité, et du fait qu'il

11 existait des groupes, des bandes armées dans la région de la vallée de la

12 Lasva.

13 Moi, j'ai souligné surtout le fait qu'un conflit avec l'armée de

14 Bosnie-Herzégovine n'était pas dans notre intérêt, ni la guerre,

15 d'ailleurs. J'ai demandé encore une fois au colonel Duncan d'exercer une

16 nouvelle pression sur le commandant du 3ème Corps d'armée afin d'organiser

17 une réunion entre moi-même et le commandant du 3ème Corps d'armée.

18 J'ai dit au colonel Duncan que, malheureusement, nous étions

19 attaqués le plus violemment par les victimes des persécutions. Il m'a

20 demandé ce que je voulais dire par là. J'ai dit que, dans le groupe

21 opérationnel de Bosanska Krajina appartenant à l'armée de Bosnie-

22 Herzégovine, il y avait surtout des soldats expulsés de Bosnie de nord-

23 ouest et qu'ils s'étaient organisés au sein de la 1ère, la 7ème et la

24 27ème Brigade de Krajina, et qu'ils se trouvaient maintenant dans une

25 situation où ils se battaient pour le territoire aux dépens des Croates.

Page 18413

1 J'ai également essayé de voir s'il y avait une possibilité en ce

2 qui concerne les réfugiés qui venaient tous les jours à Travnik pour qu'on

3 les place dans une sorte de centre d'accueil, plutôt que de les placer

4 dans la caserne de la ville, étant donné que, de cette manière, ils se

5 constituaient beaucoup plus facilement, ils s'organisaient beaucoup plus

6 facilement au sein des forces armées, ce qui favorisait encore plus

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

8 Le 27 mai 1993, j'ai été informé par le service de sécurité

9 qu'une réunion avait été organisée entre les représentants du service de

10 sécurité du 3ème Corps d'armée et du service de sécurité de la zone

11 opérationnelle et le sujet de la réunion devait être l'organisation d'un

12 convoi conjoint acheminant les vivres à la fois pour les membres de

13 l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO en Bosnie centrale.

14 J'ai aussi demandé qu'un enquête soit menée et que des mesures

15 soient prises en ce qui concerne l'expulsion de Nasim Music d'Ahmici qui a

16 été expulsé de son appartement. Je pense qu'il était à Vitez. Ce jour-là,

17 j'ai aussi reçu l'information que le commandant Stjepan Tuka de Fojnica

18 n'était toujours pas démis de ses fonctions.

19 Le service de renseignements militaires m'a informé que l'armée

20 de Bosnie-Herzégovine faisait venir de nouvelles troupes à Grbavica depuis

21 le village de Bukve afin de creuser les tranchées dans le village et de

22 fortifier leurs positions dans le village de Bukve afin de creuser des

23 tranchées et des abris souterrains.

24 Le poste de commandement de Grbavica était à Pescara, ce qui se

25 trouvait en face de la base de l'ONU. Et d'après les sources de

Page 18414

1 renseignements militaires, leur but était de relier Stari Vitez et Divjak.

2 J'ai également appris ce jour-là qu'une famille musulmane a été expulsée

3 de son appartement, à Vitez, et j'ai demandé que les mesures nécessaires

4 soient prises. J'ai entendu que c'était Miro Kozic et Srecko Maresovic qui

5 ont accompli cela.

6 Le 28 mai 1993, les officiers du...

7 M. le Président. - Une petite seconde. Dois-je comprendre de

8 votre récit détaillé que le 26 mai, quand vous rencontrez le colonel

9 Duncan, on ne parle absolument pas d'Ahmici dont pourtant il vous avait

10 parlé lors de votre rencontre du 9 mai 1993 ?Entre-temps, vous avez reçu

11 le rapport, et si j'ai bien pris mes notes, Ahmici n'est pas évoqué. Vous

12 ne lui remettez pas l'enquête, vous ne dites pas : "Cela y est, j'ai fait

13 mon travail...". On n'en parle pas.

14 M. Blaskic (interprétation). - Lors de la réunion qui a eu lieu

15 le 26 mai, nous n'avons pas abordé ce sujet-là, Monsieur le Président, le

16 26 mai.

17 D'après la traduction que j'ai entendue, c'était de la réunion

18 du 16 mai que vous parliez.

19 M. Nobilo (interprétation). - Il y a eu un problème de

20 traduction. Je crois que vous avez posé la question concernant le 26 mai,

21 donc la réunion dont le général Blaskic était en train de parler, mais la

22 traduction était le 16 mai.

23 M. le Président. - Non, non, je vais reformuler ma question qui

24 est d'ailleurs une confirmation que vous allez me donner. Si je vous ai

25 bien compris, en vous écoutant, le 26 mai à 11 heures, vous rencontrez le

Page 18415

1 colonel Duncan. Il vous parle, vous parlez entre vous deux de la situation

2 militaire, de la pénurie, vous parlez longuement de la sécurité et de

3 groupes de bandes armées, mais le problème d'Ahmici n'est pas abordé.

4 Problème qui avait quand même été abordé de fait de façon importante lors

5 de la réunion du 9 mai.

6 Je voulais avoir simplement confirmation, vous n'en parlez pas.

7 Il n'en a pas été question ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, d'après la

9 note que j'ai, ceci n'y figure pas, je n'ai donc pas l'impression que

10 cette question a été mentionnée. Peut-être avons-nous discuté de cela,

11 mais cela ne figure pas dans mes notes, donc je suppose que non.

12 M. le Président. - Général Blaskic, je vous suis tout à fait,

13 c'est bien pour cela que je pose la question. Je vous rappelle que depuis

14 la veille ou l'avant-veille, vous disposez d'un rapport, certes incomplet,

15 vague, mais vous disposez du fameux rapport qui était votre contribution,

16 en tout cas, celle de votre commandement, votre collaboration à l'enquête

17 pour essayer de trouver les coupables d'Ahmici. Ma question était de

18 savoir si j'avais bien compris. Personne ne parle pas d'Ahmici ni le

19 commandant de la Forpronu ni vous-même.

20 M. Blaskic (interprétation). - D'après mes notes, nous avons

21 parlé des bandes armées. Cela ne figure pas dans mes notes,

22 Monsieur le Président.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur, peut-être

24 pourrions-nous, à ce moment-là, reparler avec le témoin du mois de mai, de

25 la date du 9 mai ? Lorsque que vous vous êtes entretenu avec le colonel

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1 Duncan, au cours de cette conversation, vous a-t-on posé la question de

2 savoir quel était le développement éventuel de la situation à Ahmici ?

3 Avez-vous mentionné les trois possibilités dont j'ai parlé plus tôt

4 aujourd'hui ?

5 Tout d'abord que peut-être c'étaient les Serbes qui avaient

6 commis le crime, deuxièmement éventuellement que ces crimes étaient commis

7 par les Musulmans. Je crois que ce matin j'ai dit: "Les Mujahiddin", mais

8 dans le compte rendu, il est écrit : "Les Musulmans", ou bien,

9 troisièmement qu'il s'agissait de Musulmans qui étaient vêtus en uniforme

10 du HVO.

11 Avez-vous mentionné l'une quelconque de ces trois possibilités

12 durant la réunion du 9 mai ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Ce que j'ai dit lors de la

14 réunion du 9 mai figure dans mes notes. Ce que j'ai dit, c'est que c'est

15 possible qu'il s'agissait des personnes vêtues de noir qui l'ont fait. Et

16 lorsque le colonel Duncan m'a demandé d'expliquer qui portait des

17 uniformes noirs, j'ai répondu que c'étaient les membres du HOS. D'après

18 mes notes et d'après mes souvenirs, je sais que je n'ai jamais dit que

19 c'étaient les Serbes qui auraient pu commettre ce crime et je n'ai jamais

20 dit que c'étaient les Musulmans qui portaient des uniformes du HVO et qui

21 auraient commis ces crimes-là.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, si quelqu'un

23 témoignait devant ce Tribunal que vous avez proposé l'une de ces trois

24 possibilités, vous diriez que ce n'est pas exact, que vous n'avez pas

25 parlé de ces trois possibilités-là ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Comme je vous l'ai dit, j'ai les

2 notes qui figurent dans mon journal et comme je l'ai dit, je n'ai pas

3 parlé de ces trois possibilités-là ?

4 M. Shahabudden (interprétation). - Merci, Général.

5 M. Nobilo (interprétation). – Est-ce que le colonel Duncan a

6 parlé avec d'autres personnes dans la vallée de la Lasva du même sujet ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je crois que oui, étant donné

8 qu'il était une pratique habituelle pour les commandants du bataillon

9 britannique de se rencontrer avec d'autres officiels, avec des commandants

10 militaires et des maires et aussi des représentants des autorités civiles.

11 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, s'il vous plaît, le

12 26 mai, lorsque vous avez de nouveau parlé avec le colonel Duncan, est-ce

13 que vous avez reçu un accord de l'état-major principal pour dévoiler

14 certains éléments du rapport sur l'enquête au colonel Duncan ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Non.

16 M. Nobilo (interprétation). – A ce moment-là, est-ce que le

17 rapport que vous aviez reçu à propos d'Ahmici était déjà envoyé à l'état-

18 major principal ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Oui et non, pas seulement à

20 l'état-major principal mais aussi au service d'information et de sécurité.

21 C'était envoyé le jour même.

22 M. Nobilo (interprétation). - Vu l'heure, Monsieur le Président,

23 peut-être, il est 17 heures 30.

24 M. le Président. - Nous reprenons dans une autre affaire à

25 9 heures, demain matin. Et ensuite, nous reprenons la suite de la

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1 déposition du témoin à partir de 10 heures 30. L'audience est levée à

2 17 heures 30.

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