Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 25 mars 1999

4

5 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

6 M. le Président. - Monsieur le Greffier, je vous demanderai

7 d'introduire notre témoin dans la salle d'audience.

8 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

9 Je voudrais saluer les interprètes, m'assurer que tout

10 fonctionne bien. Je salue aussi les sténotypistes, les conseils de

11 l'accusation, les conseils de la défense. Je salue l'accusé.

12 Je rappelle pour l'audience qui est publique que nous sommes

13 dans la séquence du procès intenté par le Bureau du Procureur contre le

14 général Blaskic, l'accusé ici présent, et que l'accusé est en position de

15 témoin et qu'il est donc sous serment. Il dépose ici depuis plusieurs

16 jours, sinon plusieurs semaines. C'est Me Nobilo qui conduit

17 l'interrogatoire principal de notre témoin.

18 Maître Nobilo, c'est à vous.

19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. A la

20 fin de la journée, hier, nous avons mentionné le deuxième ordre écrit

21 relatif à l'enquête sur les événements d'Ahmici. Peut-on soumettre au

22 témoin, s'il vous plaît, le document D343 ? C'est une pièce de la défense.

23 Par conséquent, il s'agit du document D343. C'est un de vos

24 ordres, je crois, délivré le 17 août 1993. Il est adressé à l'assistant du

25 responsable du service de la sécurité et de

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1 l'information, le service du SIS, et cet ordre est intitulé "Poursuite de

2 l'enquête relative aux meurtres de civils dans le village d'Ahmici.

3 J'ordonne ce qui suit, afin d'établir les faits et de progresser dans

4 l'enquête relative au meurtre de civils dans le village d'Ahmici,

5 j'ordonne la chose suivante :

6 1. Poursuivre le recueil d'information et de renseignements sur

7 les victimes civiles dans le village d'Ahmici, afin de regrouper tous les

8 éléments disponibles et de les fournir aux instances compétentes du

9 Tribunal militaire de district.

10 2. Lors du recueil de ces informations, il faut accorder une

11 attention particulière à celles qui ont le plus de pertinence dans le

12 cours de l'enquête.

13 3. La date d'exécution de cet ordre, la date butoir est le

14 17 septembre 1993. A cette date, un rapport complet doit m'être envoyé

15 afin que nous puissions lancer une nouvelle procédure devant les autorités

16 compétentes. Commandant général Blaskic."

17 Général, qu'est-ce qui vous a incité à donner cet ordre écrit

18 après avoir donné un certain nombre d'ordres oraux et après le premier

19 ordre écrit que vous avez rédigé précédemment ?

20 M. Blaskic (interprétation). - A plusieurs reprises, après les

21 modifications de la structure de la police militaire, j'ai demandé la

22 poursuite de l'enquête auprès du département de sécurité, étant donné que

23 je considérais que les circonstances s'étaient aggravées et, après tous

24 les efforts que j'avais déployés, je voulais exercer une nouvelle pression

25 afin que tous les documents relatifs à l'enquête soient prêts et qu'ils

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1 soient soumis au Tribunal de district afin que des poursuites pénales

2 puissent être engagées.

3 M. Nobilo (interprétation). - Poursuivons votre récit des

4 événements. Nous étions à la date du 17 août 1993. Quel a été l'événement

5 principal qui s'est produit au cours des semaines à venir ?

6 M. le Président. - Permettez-moi, Maître Nobilo, de vous

7 interrompre. Il s'agit

8 d'Ahmici et je ne pensais pas que nous passerions aussi rapidement. Je

9 voudrais quand même demander au témoin si ce document, cet ordre D343, est

10 conçu comme un acte de police judiciaire que vous accomplissez ou si c'est

11 un rappel en tant que commandant de la zone opérationnelle.

12 Autrement dit, ma question est celle-ci : est-ce qu'à travers

13 cet ordre, vous vous conduisez comme un chef de la police judiciaire,

14 puisque vous prenez partie : vous dites qu'il faut réunir les éléments

15 matériels de preuve -ce sont des ordres en général que donnent un Juge

16 d'instruction, un Procureur de la République-, ou est-ce que c'est

17 simplement en votre qualité de commandant de la zone opérationnelle : vous

18 vous inquiétez du fait que vous n'avez pas obtenu des résultats tangibles

19 sur Ahmici ? Est-ce que vous comprenez ma question ?

20 Parce que cet ordre, on ne sait pas, on ne voit pas très bien si

21 c'est un acte de police judiciaire que vous accomplissez ou si c'est

22 uniquement un rappel administratif à l'assistant de la sécurité pour dire

23 que vous n'êtes toujours pas satisfait des résultats de l'enquête sur

24 Ahmici.

25 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai donné

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1 cet ordre en ma qualité de commandant de la zone opérationnelle et je l’ai

2 transmis à l'assistant chargé de la sécurité, exigeant qu'il mette un

3 terme à l'enquête, pensant que les conditions dans lesquelles l'enquête

4 pouvait se dérouler s'étaient changées puisqu'il y avait eu des

5 changements au sein de la police militaire. Par conséquent, les conditions

6 étaient beaucoup plus favorables et elles pourraient permettre à

7 l'assistant de poursuivre l'enquête.

8 M. le Président. - Est-ce que vous seriez d'accord avec moi,

9 Général Blaskic, pour dire quand même que nous sommes le 17 août -cela

10 fait donc mai, juin, juillet, cela fait quand même quatre mois- et qu'en

11 matière de...-je sais que vous n'êtes pas un spécialiste de la police

12 judiciaire- mais en matière d'enquête criminelle, en arriver au 17 août

13 pour dire qu'il faut relever les éléments pertinents de l'enquête, je

14 pense quand même que vous deviez bien vous douter que cela ne devait plus

15 servir à grand-chose.

16 Une enquête de police judiciaire, c'est quelque chose de sérieux

17 sur le plan criminel. Il fallait dès les premiers jours relever les traces

18 de balles, les directions, la balistique, savoir qui étaient ces hommes en

19 noir qui avaient débarqué dans ce village.

20 Je veux dire qu'un ordre comme celui-ci, est-ce que vous avez le

21 sentiment que c'est un ordre utile ou est-ce que c'est un ordre qui vous

22 permet simplement de dire que vous avez fait quelque chose ? Vous savez,

23 dans l'existence, il y a des ordres utiles et il y a des ordres qui sont

24 des ordres alibis. On le fait parce qu'il faut le faire. Est-ce que vous

25 avez le sentiment que c'est un ordre utile ? Voilà ma question.

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1 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

2 que cet ordre était utile parce que j'avais déjà ordonné à l'assistant

3 chargé de la sécurité de démarrer l'enquête le 24 avril 1993, et j'ai reçu

4 un rapport écrit de sa part sur l'enquête vers le 25 mai 1993. Et par cet

5 ordre, je lui demande à nouveau de poursuivre l'enquête et de l'amener à

6 son terme en rassemblant tous les éléments nécessaires et notamment de

7 donner les noms des suspects. Je lui ai demandé de poursuivre l'enquête,

8 pas de la commencer.

9 M. le Président. - Vous vous souvenez... Oui, vous dites "pas de

10 la commencer" mais, enfin, on peut se poser des questions. Mais vous vous

11 souvenez quand même, Général Blaskic, que le 25 mai le résultat que vous

12 avez eu était très indigent. C'était vraiment d'une indigence totale, en

13 tout cas sur le plan criminel. Sur le plan criminalistique, c'était

14 totalement indigent. Il s'est donc écoulé encore deux mois de plus.

15 Mais je note votre observation, vous pensez que cet ordre était

16 utile.

17 Et alors je poursuis, puisque vous dites que cet ordre était

18 utile, en quoi a-t-il été utile ? Avez-vous trouvé les coupables ? Et les

19 avez-vous fait poursuivre ? Vous venez de me dire que l'ordre était utile.

20 M. Blaskic (interprétation). - J'ai fini par recevoir des

21 informations selon lesquelles l'ensemble du dossier présentait également

22 le nom des suspects du crime d'Ahmici, et que ce

23 dossier avait été présenté aux autorités compétentes chargées de la

24 sécurité. Par conséquent, les répercussions de cet ordre ont été que

25 l'assistant de la sécurité a poursuivi l'enquête mais dans des

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1 circonstances tout à fait différentes puisque toute la structure de la

2 police militaire avait été modifiée entre-temps.

3 Il a bouclé le dossier de l'enquête et l'a fait parvenir aux

4 autorités chargées de la sécurité. Dans ce dossier figuraient notamment

5 les noms des suspects. En tout cas, c'est l'information que j'ai reçue de

6 sa part.

7 M. le Président. - Et vous avez eu les noms de ces suspects

8 vous-même ? Vous avez été destinataire de l'ensemble de ce dossier ? Vous

9 avez eu le dossier de ceux qui sont suspects des meurtres d'Ahmici ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, on m'a

11 informé..., c'est l’assistant chargé de la sécurité qui m'a informé qu'il

12 avait bouclé le dossier et que tous les éléments rassemblés au cours de

13 l'enquête avaient été soumis à l'administration chargée de la sécurité.

14 Moi-même, je n'ai pas reçu le rapport ou bien le nom des suspects ni le

15 dossier.

16 M. le Président. - Je ne comprends pas Général Blaskic. Vous

17 prenez un rôle à travers cet ordre du 17 août, vous vous attribuez un rôle

18 et vous dites même que vous voulez pour le 17 septembre que l'enquête soit

19 close, et vous n'avez pas la curiosité, le 17 septembre, de vous faire

20 communiquer le résultat de l'enquête, les suspects... Quels sont les

21 suspects ? Vous vous contentez de savoir que le dossier est parti dans une

22 autre structure. J'avoue que je ne comprends pas.

23 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, j'en

24 parlerai au cours du récit des événements, mais je n'ai pas été satisfait

25 par le fait de recevoir ces informations de l'assistant chargé de la

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1 sécurité, à savoir que tout le dossier avait été soumis au département

2 chargé de la sécurité. Ceci ne m'a pas satisfait, même en 1994. Mais je

3 dis simplement ce que j'ai reçu suite à l'ordre que j'ai envoyé à

4 l'assistant chargé de la sécurité.

5 M. Rodrigues. - Général Blaskic, j'ai au moins deux questions à

6 vous poser. La première question est celle-ci : nous savons que

7 Pasko Ljubicic a été promu, il a donc laissé le commandement de la police

8 militaire. Nous avons maintenant Marinko Palavra comme nouveau commandant

9 de la police militaire dès le 5 août, je crois.

10 Avez-vous partagé cette préoccupation à propos de

11 l'investigation de l'enquête, de votre désir de savoir ce qui s'est passé

12 à Ahmici ? Avez-vous partagé tout cela avec Marinko Palavra ou non ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'étais effectivement préoccupé

14 par l'enquête sur Ahmici et, Monsieur le Juge, j'ai demandé la reprise de

15 l'enquête après le changement radical qui a eu lieu dans le commandement.

16 Je n'ai pas reçu tous les détails. Le premier rapport que j'ai reçu le

17 25 mai, je n'en ai pas informé -je parle de Palavra qui était le nouveau

18 commandant de la police et qui jamais auparavant n'avait occupé de tel

19 poste. Par conséquent, j'ai consacré toute mon attention à la nouvelle

20 police militaire, à sa nouvelle structure, lorsque je me suis entretenu

21 avec lui.

22 Mais pour ce qui est des informations dont je disposais, de mes

23 soupçons quant à ce qui s'était passé à Ahmici, je l'ai abordé mais sans

24 rentrer dans les détails.

25 M. Rodrigues. - Mais il est vrai que vous avez parlé..., vous

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1 vous êtes entretenu avec Marinko Palavra, vous avez parlé avec lui à

2 propos de vos préoccupations.

3 M. Blaskic (interprétation). - J'ai parlé avec Palavra de la

4 structure de la police telle qu'elle existait à l'époque et de la

5 nécessité de la modifier de façon radicale, de bas en haut et, notamment,

6 de modifier la structure du commandement, etc..

7 M. Rodrigues. - Général, vous avez déjà dit cela mais, dans

8 votre conversation, vous avez partagé avec Marinko Palavra vos

9 préoccupations par rapport à Ahmici ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Oui, mais en termes généraux.

11 Enfin, il savait que le crime avait été commis, mais je ne lui ai pas

12 parlé de tous les détails du rapport que j'avais reçu. Je n'ai pas abordé

13 les détails.

14 M. Rodrigues. - Ma deuxième question est celle-ci : vous avez

15 invoqué comme raison pour émettre cet ordre des circonstances aggravées.

16 Vous avez dit qu'en considérant que les circonstances se sont aggravées,

17 vous avez émis cet ordre. Vous rappelez-vous de cela ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, je n'ai pas dit

19 "aggravées", il y a eu...

20 M. Rodrigues. - J'ai compris qu'il y avait quelque chose par

21 rapport à des circonstances ou changées ou aggravées. Vous rappelez-vous

22 qu'il y avait des raisons relatives aux circonstances ?

23 Ce que j'aimerais bien savoir, c'est : quelles circonstances

24 vous invoquez comme raison ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Oui, je dis que les circonstances

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1 avaient changé et qu'en fait, elles s'étaient améliorées. Alors de quoi

2 parlais-je ? Eh bien, du fait qu'il y avait un nouveau commandant de

3 police militaire et qu'avec lui, j'avais entrepris de réorganiser la

4 police militaire et que la police militaire avait été placée sous mon

5 commandement et que, par conséquent, l'assistant chargé de la sécurité

6 jouissait de meilleures circonstances lui permettant de mener mieux

7 l'enquête.

8 Je n'ai jamais dit que les circonstances s'étaient détériorées.

9 M. Rodrigues. - Merci beaucoup, Général, j'ai bien compris

10 maintenant que les circonstances s'étaient améliorées.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, je souhaiterais

12 revenir à une distinction que le Président a faite entre deux types

13 d'ordres. Vous vous souviendrez qu'il a parlé d'ordres utiles, d'une part,

14 et d'ordres alibis, d'autre part. Ai-je bonne mémoire ? Et à l'académie

15 militaire, vous avez eu connaissance des Conventions de Genève ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quand pour la première fois

18 avez-vous appris l'existence d'une proposition d'établir un Tribunal

19 chargé de juger les crimes de guerre, qui serait chargé entre autres

20 d'enquêter sur les événements d'Ahmici ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, si j'ai bien

22 compris, il y a deux questions dans votre question. On m'a informé de la

23 création du Tribunal, je ne sais plus exactement mais je crois que c'était

24 vers mai ou juin 1993. C'est mon assistant chargé de l'information qui m'a

25 communiqué cette information. Cependant, je ne savais pas si le Tribunal

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1 s'intéresserait exclusivement à Ahmici, jusqu'au moment où l'acte

2 d'accusation a été délivré contre moi en novembre 1995. Mais lorsque j'ai

3 dit pour la première fois, le 27 avril 1993, que ce qui s'était passé à

4 Ahmici était un crime, je ne pensais pas qu'une enquête incomplète, à

5 savoir où les noms des suspects ne figureraient pas, par exemple, serait

6 quelque chose d'acceptable. C'est pourquoi j'ai toujours pensé qu'une

7 enquête complète devrait être menée. Des crimes ont été commis des deux

8 côtés à ce moment-là.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je crois que les conseils

10 des deux parties admettront que ce Tribunal a été créé le 25 mai 1993.

11 Je voudrais maintenant m'éloigner un peu du sujet d'Ahmici où

12 les événements ont eu lieu le 16 avril 1993. Quand, pour la première fois,

13 avez-vous entendu parler d'une proposition visant à créer un Tribunal

14 chargé de juger les crimes de guerre, qui allait se concentrer sur tous

15 les événements s'étant produits sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, j'essaie de

17 m'en souvenir, mais la seule chose que je peux vous dire, c'est le moment

18 où j'ai entendu parler de l'établissement de ce Tribunal, donc le moment

19 où j'en ai entendu parler, et c'est vraisemblablement une date ultérieure

20 à la date du 25 mai. C'est probablement vers le début du mois de

21 juin 1993.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avant que ce Tribunal ne

23 soit créé, aviez-vous entendu parler d'une proposition visant à la

24 création de ce Tribunal ?

25 M. Blaskic (interprétation). - C'est tout à fait possible, mais

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1 je ne peux pas vous donner précisément la date où cela se serait produit.

2 Aujourd'hui, je ne peux pas vous le dire. Peut-être en retraçant ces

3 événements dans mes notes, je pourrais le voir.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie, Général.

5 M. Nobilo (interprétation). - Pour résoudre cette question qui

6 est en suspens, je suppose que l’on passe à l'examen d'une pièce sous

7 scellés, qu'on passe à une audience à huis clos

8 M. le Président. - Oui, d'accord, huis clos partiel.

9 Audience à huis clos partiel

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19 Audience publique

20 M. le Président. - Allez-y

21 M. Nobilo (interprétation). - Général, concentrons-nous à

22 nouveau sur le 19 août 1993, mais très brièvement. Faisons un récit

23 chronologique des événements, des événements importants.

24 M. Blaskic (interprétation). - Le 19 août 1993, j'ai eu un

25 entretien avec le colonel Duncan. Nous avons parlé de la situation

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1 militaire générale dans l'enclave de la vallée de la Lasva.

2 Le colonel Duncan m'a demandé si nous allions survivre à tout

3 cela ou si nous allions être forcés de quitter les lieux, de quitter

4 l'enclave de la vallée de la Lasva. J'ai répondu, ou plutôt j'ai présenté

5 au colonel Duncan quelle était ma vision de la situation. Et le colonel

6 Duncan m'a dit également, alors que je parlais à ce moment-là, il m'a

7 montré dans quelle direction, de quelle direction les attaques pourraient

8 provenir afin de prendre le contrôle de l'enclave de la vallée de la

9 Lasva.

10 M. Nobilo (interprétation). - A ce moment-là, le colonel Duncan

11 vous parlait-il de certains plans de l'ennemi ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, j'ai été assez surpris

13 de son intervention parce que nous avions effectivement des informations

14 similaires à celles-là. Moi, en tant que commandant, j'avais reçu ce type

15 d'informations et j'ai demandé au colonel Duncan, étant donné qu'il

16 n'avait pas passé une longue période dans la zone, comment il avait obtenu

17 ce type d'informations et de renseignement : les éventuels axes d'attaque

18 que pourrait utiliser l'armée de Bosnie-Herzégovine dans une éventuelle

19 attaque à venir contre la vallée de la Lasva.

20 Il m'a répondu que c'est lui, d'après ses observations personnelles sur

21 une carte opérationnelle dont il disposait, qui avait estimé que les axes

22 dont il me parlait étaient des axes d'attaque possibles et que les

23 observations qu'il avait faites à partir de la carte, correspondaient avec

24 son évaluation personnelle de la situation. Il pensait qu'il y aurait une

25 fragmentation de la poche de la Lasva.

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1 Et le 21 août 1993, dans Vitez, vers 9 heures 30, le professeur

2 Borislav Jozic a été tué. C'était une personne très respectée, un citoyen

3 de Vitez qui travaillait dans la commission civile chargée des échanges.

4 M. Nobilo (interprétation). - Comment a-t-il été tué ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Il a été tué devant la porte

6 d'entrée de son immeuble par un tireur isolé, un tireur isolé de l'armée

7 de Bosnie-Herzégovine qui se trouvait dans la zone de Stari Vitez.

8 A partir de 14 heures, cette même journée, j'ai reçu la visite

9 du père Petar Andelovic qui venait de Bosna Srebrna. Il est arrivé escorté

10 des membres de la Forpronu.

11 Et au cours de la réunion, dans mon bureau, vers 14 heures 20 à

12 peu près, le commandement de la zone opérationnelle a été touché par un

13 projectile lancé par un char, juste au-dessus de l'entrée principale de

14 l'hôtel. Ceci a provoqué des dégâts matériels très importants.

15 Heureusement, les blessures provoquées à certaines personnes dans l'hôtel

16 n'ont été que très légères, il n'y a pas eu de victimes et la remarque du

17 père Petar Andelovic a été : "Sont-ils encore en train de tirer ? Ils

18 savent que moi-même je suis dans le bâtiment et que Dzemo est encore à

19 Vitez".

20 D'après cette remarque, j'ai pu comprendre que le commandant

21 adjoint du 3ème Corps d'armée était également en visite à Stari Vitez,

22 qu'il était au commandement de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui se

23 trouvait là.

24 Le 23 août 1993, j'ai eu un autre entretien avec le représentant

25 du HCR, M. de la Motta et le colonel Duncan. Le thème de la discussion

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1 était l'évacuation de personnes blessées de l'hôpital de fortune qui se

2 trouvait dans l'église.

3 Je lui ai donné l'information selon laquelle cela faisait déjà

4 deux mois que nous attendions l'autorisation d'évacuer les personnes

5 gravement blessées qui se trouvaient dans cet hôpital et que nous n'avions

6 toujours pas reçue, cette autorisation, de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

7 Lors de cette réunion, nous avons également parlé des

8 interprètes de la Forpronu. J'ai estimé qu'afin d'améliorer la coopération

9 avec le commandement de la Forpronu, afin de créer un meilleur climat de

10 confiance, il serait bon que le groupe des interprètes soit un groupe

11 mixte, à savoir qu'il y ait un nombre égal de personnes venant des

12 différentes communautés ethniques.

13 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi avoir dit cela ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, j'ai dit cela tout

15 d'abord parce qu'étant donné les conditions de troubles qui régnaient,

16 étant donné le nombre de réfugiés, de personnes déplacées, qui venaient

17 toutes les régions frontalières de ces différentes municipalités et qui

18 étaient amères parce qu'elles avaient tout perdu au cours de ces attaques

19 lancées par l'armée de Bosnie-Herzégovine, je pensais que la Forpronu

20 pourrait améliorer le climat parce qu'il y avait un certain nombre de

21 plaintes qui avaient été formulées par les civils. Et, par exemple, au

22 lieu de faire venir de l'aide humanitaire, c'étaient des munitions qui

23 étaient amenées à Kruscica, des munitions qui étaient amenées à

24 Stari Vitez alors qu'officiellement, il s'agissait de convois d'aide

25 humanitaire. Alors, afin d'équilibrer les choses, nous pensions qu'il

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1 était nécessaire d'équilibrer le nombre d'interprètes.

2 M. le Président. - A la demande du témoin, nous allons prendre

3 10 minutes et nous reprenons à 12 heures 30 jusqu'à 13 heures.

4 (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à

5 12 heures 33).

6 M. le Président. - Veuillez-vous asseoir. Maître Nobilo, à vous.

7 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Le

8 général Blaskic a terminé de coller cette bande rouge pendant la pause.

9 Cela fait plusieurs jours qu'il s'emploie à faire cela. Je lui poserai

10 quelques questions à ce sujet. Nous essaierons d’en faire une photographie

11 et de verser cela au dossier.

12 Général Blaskic, nous voyons une bande rouge sur cette maquette.

13 Pouvez-vous nous expliquer ce que cela représente, à quelle date, etc. ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Cette bande rouge représente à

15 peu près la ligne de front, autrement dit la ligne de confrontation entre

16 les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine et les forces du conseil

17 croate de Défense. La date approximative serait la fin du mois de

18 juin 1993. Ces positions se sont maintenues, avec des modifications

19 minimes, jusqu'à la signature des accords de Washington.

20 M. Nobilo (interprétation). - Quand on aura eu la photographie

21 correspondante, nous demanderons la cote pour cette pièce. Veuillez

22 poursuivre dans l'ordre chronologique, Général.

23 M. Blaskic (interprétation). - Le 23 août 1993 vers

24 11 heures 30, l'armée de Bosnie-Herzégovine a pilonné le centre-ville de

25 Vitez. Cinq enfants ont été touchés ainsi que deux adultes, deux civils.

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1 Je ne dispose pas d'informations précisant s'il s'agit de personnes qui

2 ont été tuées ou si elles ont été uniquement blessées.

3 Le 25 août 1993 vers 14 heures, j'ai eu un entretien avec un

4 représentant de la Croix-Rouge internationale. Je n'ai pas noté dans mon

5 journal l'ordre du jour de cette réunion, et je ne m'en souviens pas.

6 Le 26 août 1993, le chef du service de renseignements militaires

7 pour la zone opérationnelle de Bosnie centrale m'a informé que lors d'une

8 réunion de l'état-major du commandement suprême de l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine, M. Izetbegovic avait donné l'ordre que Vitez et Busovaca

10 soient prises, quelle que soit l'issue des négociations de Genève, et que

11 le 3ème Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine, pour cette opération

12 précise de prise de Vitez et de Busovaca, sera renforcé, recevra les

13 renforts venant des éléments du 1er et du 6ème Corps de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine.

15 A la date du 28 août 1993, les forces de l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine ont effectué une percée à partir de leur position qui était

17 située à Grbavica vers une zone qui était sous le contrôle du HVO, à

18 l'endroit GP Bosna. Je peux le montrer sur le relief, si vous le

19 souhaitez.

20 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être plus tard, quand on

21 passera à la bataille pour Grbavica. Veuillez poursuivre.

22 M. Blaskic (interprétation). - Le 28 août 1993, de 11 heures à

23 midi, j'ai eu un entretien avec le chef de la mission des observateurs

24 européens, M. Watkins. Il m'a informé de la situation qui prévalait à

25 Bugojno et, quant à moi, j'ai abordé la question de l'évacuation des

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1 blessés de l'église-hôpital.

2 Ce que j'ai dit, c'est que nous attendions toujours

3 l'autorisation du 3ème Corps.

4 Je lui ai dit que l'électricité et l'eau étaient utilisées à des

5 fins militaires. En fait, je lui ai dit que cet hôpital situé dans

6 l'église n'avait pas du tout d'eau et que la ville même de Vitez et les

7 citoyens de Vitez n'avaient pas d'eau courante, qu'il n'y avait pas non

8 plus d'électricité dans toute la ville de Vitez.

9 Le 31 août 1993, à 10 heures, j'ai eu un entretien avec

10 l'assistant, l'adjoint au chef de la Croix-Rouge de Zagreb... excusez-moi,

11 de Zenica… M. Olivier Couteau et avec M. Philippe Lazzarini. Nous avons

12 abordé plusieurs questions : tout d'abord, la mission humanitaire du CICR,

13 les objectifs de cette mission et le soutien auquel s'attendaient les

14 représentants du CICR de la part du HVO.

15 Après, nous avons parlé des difficultés que connaissaient les

16 civils ; nous avons abordé la question des expulsions, des déplacements

17 des populations. Ce que je leur ai dit, c'était qu'ils étaient bien placés

18 pour connaître tous les aspects des difficultés que connaissaient les

19 civils, s'ils étaient prêts à analyser d'une manière réaliste ce qui se

20 passait, et je pensais à l'ensemble des 35 000 personnes expulsées dans

21 l'enclave de la Lasva et environ 15 000 enfants expulsés.

22 Je pensais donc à une situation déplorable qui régnait parmi ces

23 gens parce que, dans cette situation chaotique, seule la mort était

24 présente en abondance. Tous les jours, il y avait des morts. Alors, ce que

25 je leur ai demandé, c'était de déployer des efforts afin d'améliorer la

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1 situation des civils, de faire en sorte que leurs souffrances soient

2 moindres.

3 Alors, nous avons évoqué la question de l'organisation d'un

4 séminaire au sujet de leur mandat, un séminaire qui serait tenu pour mes

5 soldats qui m'étaient immédiatement subordonnés. Ils m'ont promis qu'ils

6 allaient organiser un séminaire de ce genre à l'hôtel Vitez et cela s'est

7 effectivement produit. Environ trente collaborateurs sont venus assister à

8 ce séminaire qui portait sur la mission et le mandat du CICR, et d'autres

9 questions y ont été abordées également. Nous avons également parlé de

10 prisons privées à Zenica.

11 Le 2 septembre 1993, vers 11 heures, une première évacuation a

12 été effectuée après pratiquement soixante-dix jours d'attente -une

13 évacuation de blessés, j'entends- de Nova Bila. Les blessés graves étaient

14 transportés par camions et par véhicules appartenant à la Forpronu et au

15 HCR. Ils ont été transportés de Nova Bila par Kakanj et Visoko à Kiseljak.

16 Puis de Kiseljak, par hélicoptère, ils ont été transportés à l'hôpital de

17 Split. Je pense que cette opération s'appelait "Medevac", et l'ensemble de

18 cette opération a été faite par les organisations humanitaires

19 internationales.

20 Le convoi a emprunté une route secondaire parce qu'il était

21 mieux de faire 45 à 50 minutes de plus de voyage que de traverser par

22 Kacuni et Bilalovac jusqu'à Kiseljak.

23 Le même jour, le 2 septembre, nous avons également reçu une aide

24 de la part du commandement de la Forpronu. C'était un groupe électrogène

25 pour cet hôpital-église, à Nova Bila.

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1 Le 3 septembre 1993, les tireurs embusqués de l'armée de Bosnie-

2 Herzégovine, qui était située à Grbavica, ont tué Ivica Ramljak, un homme

3 handicapé, un civil, qui était âgé d'environ 53 ans. Et pratiquement

4 pendant tout le temps, en juillet et en août, les tireurs embusqués ont

5 été actifs à Grbavica, quasiment pendant toute cette période. Même les

6 correspondants étrangers avaient remarqué ces positions et les

7 connaissaient, ou savaient s'il s'agissait de soldats de l'armée de

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Il y avait aussi des coups de feu d'artillerie sur la ville de

10 Vitez, et 24 obus de canon et d'artillerie ont été tirés à 17 heures le

11 même jour sur Busovaca par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

12 Vers 10 heures, le 4 septembre 1993, j'ai eu un entretien avec

13 le colonel Duncan. L'objet de notre entretien étaient les activités de

14 combat à proximité de la base de la Forpronu et du réservoir de carburant

15 de la Forpronu. J'ai dit au colonel Duncan que, sur la base de l'accord du

16 20 avril 1993, la zone qui se trouve à proximité immédiate de la base de

17 la Forpronu devait être démilitarisée et qu’en vertu de cet accord, à

18 500 mètres de la base de la Forpronu, il ne devait pas y avoir de soldats

19 de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du HVO.

20 J'ai dit qu'au lieu de démilitarisation, en fait c'étaient des

21 renforts qui étaient apportés, amenés dans la zone de Grbavica, et

22 l'agglomération à proximité immédiate de la base de la Forpronu, c'était

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui le faisait. D'après mes informations

24 fournies par mes services de renseignement, il y avait déjà 200 à

25 300 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine présents, occupant donc les

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1 positions à Grbavica. Et cela représentait un grand danger pour nous,

2 c'est ce que je leur ai dit.

3 J'ai souligné donc à nouveau le problème de l'activité des

4 tireurs embusqués et les victimes quotidiennes que nous avions à cause de

5 cette activité, parce que tous les jours, les tireurs embusqués de l'armée

6 de Bosnie-Herzégovine tiraient depuis Grbavica, soit en prenant pour cible

7 des passants, des civils qui se trouvaient dans la rue ou bien en tirant

8 sur la localité à proximité de la base de la Forpronu.

9 Un prêtre, Vinko Trogrlic a été touché à l'śil et donc

10 grièvement blessé alors qu'il était assis dans un séjour, dans un bâtiment

11 de logement civil. J'ai également évoqué la question des victimes civiles

12 à Novi Travnik. La ville de Novi Travnik, elle non plus n'avait pas d'eau

13 courante et il y avait des victimes civiles au moment où ces civils

14 essayaient de se procurer de l'eau parce qu'ils étaient pris pour cible

15 également par des tireurs embusqués.

16 Une fillette de trois ans a été touchée, ce jour-là à Travnik,

17 au moment où elle allait avec sa mère chercher de l'eau.. J'ai également

18 parlé avec le colonel Duncan du problème de l'afflux des réfugiés croates

19 en provenance de Zenica. C'était un afflux ininterrompu. Je lui ai dit que

20 nous n'avions plus la possibilité matérielle d'héberger dans l'enclave de

21 la Lasva ces réfugiés et que d'après les chiffres dont je disposais,

22 environ 75000 personnes se trouvaient dans l'enclave de la Lasva, dont

23 35000 réfugiés.

24 Et un problème encore plus grave était celui de fournir de la

25 nourriture à ces réfugiés désespérés, parce que nous avions des problèmes

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1 vraiment très graves pour trouver de la nourriture. Alors ce que j'ai

2 demandé au colonel Duncan, c'était de nous prêter du carburant pour notre

3 groupe électrogène que nous avions reçu, parce que je lui ai dit que nous

4 n'avions pas de carburant pour mettre en marche ce groupe électrogène et

5 je lui ai demandé de la nourriture également pour cet hôpital situé à

6 l'église de Nova Bila.

7 Le 5 septembre 1993, l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé une

8 attaque. Elle a pris le village de Dzotle et pendant cette attaque,

9 17 personnes ont été faites prisonnières et emmenées. D'après les

10 informations que j'ai reçues de la part de mon service de renseignement,

11 toutes ces 17 personnes ont été exécutées, fusillées. Il s'agit donc

12 d'habitants du village de Dzotle.

13 Le même jour, le 5 septembre, également dans la matinée, des

14 tirs de tireurs

15 embusqués ont eu lieu depuis Grbavica, des enfants ont été touchés, des

16 enfants qui revenaient de l'église. C'était dans les heures de la matinée.

17 Et ces tirs de Grbavica ont été ouverts par des membres de l'armée de

18 Bosnie-Herzégovine.

19 Le 6 septembre 1993, nous avons entamé des préparatifs pour

20 repousser les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine des positions qu'ils

21 tenaient sur Grbavica et des préparatifs pour s'emparer de la cote 5, 2,

22 3. Il s'agit d'une colline dans la zone de Grbavica. Faisaient partie de

23 ces préparatifs, mes collaborateurs, ainsi que les commandants de

24 certaines unités et ces préparatifs se sont déroulés en deux étapes :

25 premièrement, au sein du commandement et par la suite, sur le terrain.

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1 Nous avons effectué la reconnaissance quant aux cibles

2 militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine, nous avons identifié les

3 positions des tireurs embusqués, les forces de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine, les positions de tirs et nous avons également cherché à

5 identifier ce qui pouvait limiter notre opération à savoir la présence de

6 la population civile à Grbavica, ainsi que la localité de Grbavica, les

7 logements civils, puis la rivière qui coule à proximité du village. Nous

8 avons également identifié la répartition des forces de la Forpronu et les

9 lieux de culte situés dans la zone de Grbavica.

10 Ces préparatifs ont pris une journée entière. Je me suis rendu

11 personnellement au site de Gradina ainsi qu'aux positions à côté du pont

12 du village de Divjak. C'est de là qu'avec les commandants, j'ai cherché à

13 établir une tactique et à établir un plan pour mener l'opération de

14 Grbavica.

15 M. Nobilo (interprétation). - S'agit-il d'une première opération

16 d'attaque dans l'enclave de la Lasva que vous avez commandée et que vous

17 avez menée ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

19 M. Nobilo (interprétation). - Comment avez-vous choisi les

20 personnes qui allaient y participer ? Quels étaient vos critères de

21 choix ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Quant aux participants, nous

23 avons opéré une sélection parmi nos hommes. Nous avons constitué des

24 groupes spéciaux pour cette opération, des groupes constitués d'hommes

25 venus de nos unités, des unités existantes. Nous voulions avant tout avoir

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1 des hommes que nous pouvions contrôler, et donc des hommes qui allaient

2 exécuter de manière correcte et conséquente les ordres de leur commandant.

3 Comme il s'agissait d'hommes que leur commandant connaissait

4 déjà, ce que j'ai demandé, c'est qu'on me dresse une liste de tous les

5 hommes qui devaient participer à l'action et que chaque commandant signe

6 sa liste en prenant l'obligation de répondre devant moi de l'action de ses

7 soldats, donc qu'ils exécutent les ordres correctement.

8 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous vérifié ces listes, ces

9 hommes ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Oui, je l'ai fait personnellement

11 en collaboration avec les commandants. J'ai également passé en revue des

12 hommes et j'ai appelé leur attention sur l'importance d'avoir un

13 comportement militaire correct, responsable, parce que nous étions, je

14 dois le dire, dans une situation où nous n'avions pas le moyen de réitérer

15 cette opération, de la lancer une autre fois, compte tenu des munitions

16 dont nous disposions pour cette action.

17 M. Nobilo (interprétation). - Est-il normal, est-il habituel,

18 lorsqu'on choisit les hommes qui participeront à une opération, qu’on

19 insiste avant tout sur le critère qui est celui de la capacité de ces

20 hommes à exécuter des ordres qui seront donnés ? Est-ce habituellement le

21 premier critère ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Quand il s'agit de soldats

23 professionnels, là on chercherait peut-être à en distinguer un ou deux,

24 mais ici vous aviez, en fait, des paysans armés, et il était indispensable

25 de prendre ces mesures de précaution pour obtenir à la fin un comportement

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1 qui soit correct de la part de ces soldats, dans la mesure du possible…

2 enfin le plus possible. On est obligé d'entreprendre un maximum de mesures

3 lorsque vous avez une zone peuplée pour éviter des victimes civiles.

4 M. Nobilo (interprétation). - Il nous reste deux ou trois

5 minutes. Pouvez-vous nous décrire comment s'est déroulée cette opération ?

6 M. Blaskic (interprétation). - J'ai informé de l'objectif de

7 notre opération, de notre objectif premier, qui était celui de prendre la

8 cote 523. Donc notre objectif était de repousser les forces de l'armée de

9 Bosnie-Herzégovine et d'éliminer les positions de tirs des tireurs

10 embusqués de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Mais j'ai insisté également

11 sur le fait qu'il fallait au maximum tenir compte de la protection des

12 civils, des lieux de culte, des logements et des forces de la Forpronu

13 dans la zone de l'opération. C'est ce que j'ai fait ce soir vers

14 18 heures.

15 Nous avons également précisé quelles seront les cibles pour

16 chacun des groupes prenant part à l'opération, ainsi que le moment où ils

17 passeront à l'opération, les directions d'attaque, et nous avons prévu

18 cette opération sur une période de deux jours.

19 Nous avons également prévu comment cette opération serait

20 commandée, comment les contacts, les communications, seraient maintenues,

21 ainsi que des éléments de contrôle. Il a été prévu, par exemple, que, sur

22 chaque axe, l'un de mes collaborateurs suive le déroulement des opérations

23 et la manière dont sont exécutés les ordres par chacun de ces groupes.

24 M. Nobilo (interprétation). - Nous souhaitons utiliser une pièce

25 pour voir comment a été suivi le déroulement de cette opération. Je

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1 propose qu’on passe maintenant à la pause parce que nous perdrons du temps

2 en cherchant cette pièce.

3 M. le Président. - Nous allons donc reprendre à 14 heures 30.

4 L'audience est suspendue.

5 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.)

6

7 M. le Président. – L'audience est reprise, veuillez vous

8 rasseoir.

9 M. Abtahi (interprétation). - Juste une précision : la photo

10 demandée par la défense ce matin vient d'être reproduite. Elle portera la

11 cote D551.

12 M. le Président. - Vous rappelez, Maître Nobilo, de quoi il

13 s'agit pour le transcript.

14 M. Nobilo (interprétation). - Oui, c'est exact. Il s'agit des

15 limites, des frontières de l'enclave qui ont été inscrites par le

16 général Blaskic en rouge sur la carte. Et ces frontières de l'enclave,

17 selon les dires du général Blaskic dans sa déposition ici, datent de

18 juin 1993.

19 M. Abtahi (interprétation). - Deuxième remarque, c'est à propos

20 du document soumis hier. Le croquis qui a été réalisé par le témoin qui

21 porte donc, comme on l'avait dit, le numéro D550 pour le transparent, et

22 la nouvelle carte qu'on a réalisée, parce qu'on a fait une deuxième copie

23 puisque la première copie qu'on avait réalisée de la superposition a été

24 encore complétée, portera la cote D550bis et pas D550A.

25 M. le Président. - Merci, Monsieur le Greffier.

Page 18752

1 Maître Nobilo, pouvez-vous reprendre l'interrogatoire principal

2 de l'accusé qui dépose en qualité de témoin, je le dis pour la galerie du

3 public ?

4 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Si

5 je ne m'abuse, avant le déjeuner, nous nous sommes arrêtés au moment où

6 nous parlions des préparatifs de l'attaque sur Grbavica, action que vous

7 avez commandée. Pouvez-vous nous dire comment se sont poursuivis ces

8 préparatifs et comment s'est déroulée cette action ? Vous pouvez vous

9 aider de la photographie qui est sur le chevalet, si vous le souhaitez.

10 Et j'identifierai cette photographie aérienne en disant qu'il

11 s'agit de la pièce à conviction de l'accusation 272. Je le dis au profit

12 du compte rendu, au cas où le général Blaskic aurait besoin de se servir

13 de cette photographie aérienne lorsqu'il expliquera comment s'est déroulé

14 le combat en zone habitée qu'il a dirigé.

15 M. Abtahi (interprétation). - Une petite rectification, c'est

16 la 172, c'est la pièce du Procureur n °172.

17 M. Nobilo (interprétation). - D'accord, 172.

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges, ici se trouve la route principale qui mène de Travnik

20 vers Stari Vitez et la ville de Vitez, et ici se trouve la route

21 principale qui mène de Travnik également vers Busovaca en passant par la

22 municipalité de Vitez et sur la maquette…

23 M. le Président. - Le Nord est plutôt en bas, si je comprends

24 bien, Général Blaskic, par rapport aux cartes que nous avons d'ordinaire.

25 Vous mettez Travnik… il me semble que sur le plan de l'orientation… le

Page 18753

1 nord est où, s'il vous plaît ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Travnik est ici, et le Nord se

3 trouverait dans cette direction.

4 M. le Président. - D'accord, c'est ici. Parce que j'ai Travnik

5 ici. Donc, quand on nous montre cela, c'est donc bien dans ce sens-là,

6 n'est-ce pas ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Travnik est à l'ouest,

8 Monsieur le Président.

9 M. le Président. - C'est cela, Travnik est à l'ouest. D'accord,

10 Parfait.

11 M. Blaskic (interprétation). - Donc, il y a deux routes

12 principales venant de Travnik. Il y en a une qui passe par Stari Vitez et

13 qui passe devant l'hôtel Vitez pour aller vers la ville de Vitez, et une

14 autre qui part de Travnik pour passer par la municipalité de Vitez vers

15 Busovaca ; et la cote de Grbavica, c'est-à-dire la cote 523, se trouve

16 ici, la position que j'indique actuellement.

17 Quant aux unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine, elles avaient

18 pris position dans les endroits suivants : le commandement des forces de

19 Bosnie-Herzégovine se trouvait dans un bâtiment qui longeait, qui était au

20 bord même de la route. C'est là que se trouvait le commandement des forces

21 de la 325ème Brigade qui avait les effectifs d'une grande compagnie, et le

22 drapeau de l'armée de Bosnie-Herzégovine a été hissé sur ce bâtiment.

23 On voit ici nettement deux maisons qui se trouvent sur la

24 droite, donc à l'est du commandement, qui étaient reliées par des

25 tranchées et ces deux maisons constituaient une position de tirs.

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1 Ici nous avons le lieu-dit Marijanovica Kuce, les maisons de

2 Marijanovica, dont l'une était en construction et l'autre également en

3 construction avait néanmoins été habitée avant le conflit. Sur ces maisons

4 avait été hissé un drapeau de couleur vert foncé, le drapeau des forces de

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine, et ici se trouve une position d'où des

6 tireurs embusqués tiraient par dessus la base de la Forpronu, dans la

7 direction que je vous indique actuellement. Ces tireurs embusqués tiraient

8 sur la rangée de maisons qu'on voit ici, où étaient installés des

9 journalistes ; en fait, dans la région on appelait ces bâtiments et la rue

10 dans laquelle ils se trouvaient "la rue des journalistes". Une partie des

11 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine moins importante se trouvait au

12 bord de cette route qui mène vers Sadovaca et Zabilje, et l'espace que

13 j'indique ici, qui était entouré d'une enceinte était donc la base de la

14 Forpronu, la base du Bataillon britannique.

15 La maison que l’on voit ici au bord de la route était le club

16 des officiers du Bataillon britannique et faisait donc partie de la base

17 de la Forpronu.

18 La ligne de front que j'indique ici, c'est la ligne de front de

19 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il y avait ce groupe de maisons et, à

20 gauche de la route qui mène à Stari Vitez -ce que je suis en train de vous

21 montrer maintenant- était un restaurant, le "FAP", où se trouvait une

22 position de tirs, les autres étant alignés le long des maisons jusqu'à ce

23 carrefour, ici.

24 Ensuite, la ligne courait dans la direction que je suis en train

25 d'indiquer, toujours le long des maisons, et elle englobait y compris la

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1 ferme qu'on voit ici pour se poursuivre dans la direction de ce que je

2 crois être le lieu-dit Kavazovica Kuce et, plus loin encore, vers le

3 village de Jardol.

4 La ligne tenue par le Conseil croate de Défense, le HVO,

5 englobait les positions ici -ce que je suis en train de vous montrer-, et

6 l'entreprise IGM, une entreprise de bâtiment, de construction, qui se

7 trouvait au bord de la route.

8 Ensuite, on suit la route pour arriver à ce que je crois

9 s'appeler Krecane ici, jusqu'à ce carrefour-ci, après quoi la route

10 séparait encore une fois les deux forces jusqu'à l'intersection avec la

11 route principale et, ensuite, la ligne se poursuivait le long du bord nord

12 ici, longé par ces maisons.

13 L'armée de Bosnie-Herzégovine contrôlait la route principale à

14 partir de la position de Grbavica. Elle contrôlait aussi les axes menant à

15 Busovaca, et elle contrôlait également la route secondaire qui, en passant

16 par l'usine d'explosifs, que je vous montre ici, menait en passant par le

17 village de Mosur jusqu'au carrefour qui se trouve ici.

18 Quand j'ai mentionné ce groupe d'enfants qui rentraient de

19 l'église et qui ont été tués, eh bien, cela s'est passé ici à ce

20 carrefour, le 5 septembre 1993, et ils sont morts par des balles tirées

21 par des tireurs embusqués de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 Puis, je voudrais encore signaler que la position située ici

23 était une position de l'armée de Bosnie-Herzégovine très favorable pour

24 viser une partie des forces du HVO, pour tenter de prendre la montagne

25 ici, pour tenir sous son contrôle l'armée(?) d’explosifs et pour passer

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1 par Donja Veceriska en vue de couper l'enclave pour y créer deux poches

2 distinctes. L'idée qui présidait à cette action était la suivante : un

3 groupe d'assaut devait prendre le commandement...

4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé d'une cible,

5 dites-nous qui décidait quelles seraient les cibles sur les positions de

6 Grbavica ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, j'ai reçu la position

8 exacte des cibles militaires du service de renseignements militaires. Nous

9 les avons inscrites sur la carte dans les bureaux du commandement, et nous

10 sommes allés inspecter ces endroits au préalable. J'ai donc défini chacune

11 des cibles et j'ai déterminé l’heure exacte de la prise de chacune de ces

12 cibles au cours de l'action.

13 M. Nobilo (interprétation). - Est-il permis d'improviser dans ce

14 type d'action ? Un soldat de rang inférieur peut-il modifier telle ou

15 telle cible ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Non, ce qui constituait la

17 cible 1 et la cible 2 au cours de la première étape de l'attaque était

18 déterminé avec précision. Chacun savait quel était notre intérêt principal

19 le premier jour de l'offensive, et chacun savait également quel était le

20 but général de cette opération militaire.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous décrire aux Juges la

22 façon dont s'est déroulée cette opération dans sa première phase ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, afin de créer la

24 surprise, ce qui est tout à fait capital pour conserver le poste de

25 commandement, l'action a démarré au moment où se tenait une conférence de

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1 presse régulière, c'est-à-dire aux alentours de 13 heures 15. En fait,

2 c'est à 13 heures 55 que le premier groupe offensif a démarré.

3 M. Nobilo (interprétation). - Qui organisait cette conférence de

4 presse ?

5 M. Blaskic (interprétation). - C'était ma conférence de presse

6 que je tenais tous les mardis à 13 heures. Nous savions que des

7 observateurs nous observaient, des observateurs de l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine, à partir de Stari Vitez. Donc, nous avons fait semblant de

9 nous rendre à la conférence de presse. Nous estimions que la surprise

10 était tout à fait capitale, car une intervention à partir de Preocica ou

11 de Bucava était possible, c'est-à-dire à partir du nord, l'armée de

12 Bosnie-Herzégovine pouvait tout à fait intervenir à partir du nord.

13 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

14 M. Blaskic (interprétation). - Le premier groupe d'assaut est

15 parvenu à pénétrer dans ce poste de commandement après des tirs

16 d'artillerie aux alentours du poste de commandement, et nous avons

17 consolidé les possibilités de pénétrer à l'intérieur du poste de

18 commandement.

19 Entre 13 heures 55 et 15 heures 27, le combat s'est donc déroulé

20 dans le but de prendre le contrôle du poste de commandement. A partir de

21 la rivière qui se trouve ici, le long de la route, en aval de la ville, le

22 poste de commandement, en fait, est ce bâtiment en L que l'on voit ici.

23 Une fois que le groupe d'assaut a pris le contrôle du poste de

24 commandement, il s'est servi de l'existence de la forêt et des sentiers

25 qui se trouvent ici pour se diriger vers la cible n° 2 qui était

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1 constituée par les Marijanovica Kuce, l'endroit d'où tiraient des tireurs

2 embusqués.

3 Il a fallu pas mal de temps pour arriver jusqu'à la cible n° 2

4 parce qu'une résistance a été opposée à partir des maisons, des deux

5 maisons : la première maison que j'indique ici et la deuxième maison ici,

6 donc à partir de ces deux maisons.

7 Les forces qui opéraient à partir de Vitez avaient leur position

8 ici et, au début de l'action, les lignes de front de l'armée de

9 Bosnie-Herzégovine ont été neutralisées, les défenses ont été anéanties,

10 mais le groupe d'assaut n'a effectué aucune attaque pendant la première

11 étape de l'offensive. Elle a simplement ouvert le feu sur la position de

12 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui se trouvait sur la ligne de front.

13 Le groupe d'assaut n° 3 se trouvait dans le village de Jardol.

14 Il consolidait nos positions de défense destinées à défendre le village de

15 Jardol et, pendant toute la première journée des opérations, ce troisième

16 groupe a attendu que le premier groupe s'empare du poste de contrôle et

17 des positions des tireurs embusqués au niveau des Marijanovica Kuce.

18 Moi, je me trouvais sur le site de Gradina et j'avais une vue

19 directe sur l'ensemble de cette opération.

20 Aux alentours de 16 heures, le groupe d'assaut s'est emparé de

21 Marijanovica Kuce également. A ce moment-là, je leur ai donné le signal

22 pour qu'ils s'arrêtent à ce niveau, ici, car sortir à découvert était

23 encore impossible puisque les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine se

24 trouvaient tout autour, aux alentours de la ferme, ici notamment, au

25 contact avec le HVO.

Page 18759

1 J'ai donc lancé cet ordre temporaire à mon suppléant et, aux

2 alentours de 16 heures 15, peut-être 16 heures 30, je me suis rendu

3 personnellement au poste de commandement où j'ai organisé une réunion avec

4 le chef d'état-major, M. Franjo Nakic, avec le maire de Vitez,

5 M. Ivica Santic, avec le chef du bureau de la Défense,

6 M. Marijan Skopljak, avec M. Mirko Samija, chef de la police de Travnik. A

7 cette réunion ont participé Zivko Totic, officier chargé du génie au

8 commandement, ainsi que le chef du poste de police civile de Vitez.

9 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, je vous prie. Vous

10 avez déclaré que vous avez laissé l'ordre à votre suppléant. Qui vous a

11 remplacé au cours de cette opération de combat ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Après les actions préparatoires,

13 après le début de l'action, c'est le colonel Filip Filipovic qui m'a

14 remplacé, pour le moment où je me suis absenté uniquement.

15 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, quand cette action

16 s'est-elle interrompue le premier jour ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Elle s'est interrompue à

18 18 heures 30 et, au niveau de la position de Marijanovica Kuce, un groupe

19 composé de trois à cinq soldats est tout de même resté en position pour

20 consolider cette position et, dans le groupe de maisons que je montre

21 maintenant, un groupe composé de trois à cinq soldats est resté également

22 ainsi qu'au poste de commandement de l'armée de Bosnie-Herzégovine où un

23 groupe de soldats est également resté en position. Mais les autres se sont

24 retirés pour se reposer au cours de la nuit ainsi que les unités qui se

25 trouvaient dans la direction de Vitez et qui, à 18 heures 30, se sont

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1 également retirées pour aller se reposer.

2 M. Nobilo (interprétation). - Manifestement, cette action a bien

3 démarré pour vous. Pourquoi avez-vous interrompu cette opération à

4 18 heures 30 dans ces conditions ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Nous avons interrompu l'opération

6 à 18 heures 30 parce que je considérais que l'opération se déroulait

7 conformément au plan, en tout état de cause, et qu'étant donné que la nuit

8 tombait et qu'il était moins, plus difficile de contrôler mes soldats,

9 j'ai considéré que, pour être davantage en mesure de contrôler leur

10 comportement, pour éviter toute victime ou tout incident regrettable, il

11 était préférable de les retirer de leurs positions.

12 M. Nobilo (interprétation). - A 16 heures 45, vous participez à

13 la réunion avec les personnes que vous avez citées. Quel était l'ordre du

14 jour, quelles ont été les principales interventions et quelles ont été les

15 conclusions de cette réunion ?

16 M. Blaskic (interprétation). - J'ai participé à la réunion avec

17 les personnes dont j'ai cité les noms. L'ordre du jour portait sur la

18 protection des civils et sur un accord selon lequel les forces, les

19 unités, les groupes offensifs du HVO devaient le lendemain se lancer à

20 l'assaut de la cote 523.

21 M. le Président. - Général Blaskic, pouvez-vous nous replacer

22 cette partie de témoignage qui correspond à votre activité de chef de

23 guerre, de chef de l'état-major, dans ce qui est important pour vous à

24 nous démontrer ? Parce que je dois dire que, pour l'instant, je perçois

25 mal. Je comprends très bien que vous êtes dans votre activité de chef

Page 18761

1 d'état-major du HVO luttant contre l'armée de Bosnie-Herzégovine pour

2 attaquer Grbavica. Que voulez-vous nous montrer ? Cela nous permettra

3 d'être encore très attentifs à ce qui est important.

4 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, ce que je

5 m'efforce de montrer ici, c'est la façon dont nous avons mené cette

6 opération de combat et quelles sont les mesures que nous avons prises afin

7 d'éviter des souffrances superflues et afin d'éviter que les civils soient

8 frappés.

9 Je voudrais donc vous parler de tout ce qui a été entrepris afin

10 de protéger les civils et de défendre également les édifices du culte qui

11 se trouvaient dans la zone où se déroulaient cette opération, ainsi que

12 les bâtiments civils, les bâtiments d'habitation.

13 M. le Président. - Je vous demande de vous concentrer sur ces

14 points-là, s'il vous plaît. Je comprends mieux, maintenant, ce que vous

15 voulez nous démontrer parce que, jusqu'à présent, j'avais l'impression que

16 vous nous parliez d'une opération militaire comme certainement vous en

17 avez menées beaucoup d'autres. Depuis novembre 1992, vous avez pris la

18 tête de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Pour mes collègues et

19 moi-même, essayez de vous concentrer sur ce qui est important.

20 Maître Hayman, vous vouliez intervenir ?

21 M. Hayman (interprétation). - Oui, je peux peut-être vous

22 apporter une certaine assistance, Monsieur le Président. La défense

23 propose ces éléments de défense pour deux raisons : d'abord, comme vient

24 de le dire le général Blaskic, parce que vous y trouverez un bon exemple

25 d'opérations militaires dirigées par lui et il souhaite montrer aux Juges

Page 18762

1 et à l'ensemble des personnes présentes dans ce prétoire comment il menait

2 une action.

3 Je crois qu'il serait instructif de comparer l'opération

4 militaire de Grbavica avec des opérations telles que le massacre d'Ahmici

5 qui, selon notre point de vue et le point de vue du général Blaskic, est

6 une opération dans laquelle il n'a eu aucun rôle, ni du point de vue de la

7 planification, ni du point de vue de l'exécution.

8 D'autre part, la destruction de bâtiments civils à Grbavica fait

9 l'objet d'une allégation particulière dans l'acte d'accusation. Donc, nous

10 avons l'intention de répondre pleinement à cette allégation par le biais

11 de cette partie de la déposition du général.

12 M. le Président. - Je vous remercie beaucoup, Maître Hayman.

13 C'est comme cela qu'il faut faire quand vous sentez que votre client

14 risque d'égarer les Juges parce que, si nous devons prendre dans le détail

15 toutes les opérations militaires faites par le général Blaskic pendant son

16 commandement, le procès risque de durer encore plus de temps que nous ne

17 le souhaiterions tous les uns, les autres, et en premier l'accusé.

18 Mais vous avez raison, Grbavica est dans l'acte d'accusation.

19 Alors, essayez de vous centrer par rapport à ce qu'a dit votre défenseur.

20 Merci, poursuivez.

21 M. Blaskic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

22 M. Nobilo (interprétation). - Général, vous interrompez donc

23 l'opération à la fin de la première journée et vous participez à une

24 réunion. Pouvez-vous expliquer aux Juges exactement comment s'est déroulée

25 cette réunion, quel était l'objet de cette réunion, qui a pris quelle

Page 18763

1 responsabilité, quel engagement et quel était le plan pour la journée du

2 lendemain ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, l'objet de la réunion

4 consistait à garantir la sécurité des civils et la sécurité du village de

5 Grbavica. La défense des civils, la protection des civils et la sécurité

6 du village est un rôle qui est revenu à la police civile, pour être plus

7 précis, au chef du poste de police, du commissariat de police de Travnik

8 qui a donc donné des ordres au chef du commissariat de police de Vitez.

9 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi avez-vous estimé qu'il

10 était préférable que ce soit la police civile qui pénètre dans le village

11 plutôt que l'armée ?

12 M. Blaskic (interprétation). - La police civile était en tout

13 état de cause responsable de l'ordre public et de la sécurité publique. Je

14 pensais que la police civile, dans les effectifs de laquelle on trouvait

15 des policiers formés, instruits, remplirait mieux la tâche consistant à

16 protéger les civils que les soldats qui avaient participé à l'opération

17 militaire et qui risquaient de se laisser emporter par l'euphorie -si je

18 puis parler ainsi- pour faire des choses qui auraient été défavorables.

19 M. Nobilo (interprétation). - Quelle était la mission de

20 l'armée ? Quelles sont les tâches que vous avez assignées aux soldats le

21 lendemain ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, l'armée devait mener à

23 bien l'opération militaire. Elle devait prendre le contrôle du point 523,

24 donc de la colline elle-même, et devait également déminer les champs de

25 mines qui se trouvaient devant la ligne de front. Il fallait également

Page 18764

1 établir des positions de défense sur les lignes qui ont été atteintes le

2 lendemain.

3 M. Nobilo (interprétation). - Et le lendemain, que s'est-il

4 passé, pourriez-vous décrire la situation du lendemain ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Le lendemain, nous avons

6 poursuivi notre opération. Et au cours de la nuit, des renforts sont

7 arrivés, des renforts de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Une compagnie a

8 été envoyée de la position de Bukve, environ 100 à 150 soldats se sont

9 déployés dans la région de Grbavica ; et au cours de la nuit, la Forpronu

10 et ses véhicules ont évalué la population civile du groupe d'habitations

11 qui se trouvait au milieu du flanc de Grbavica.

12 M. Nobilo (interprétation). - Général, le HVO savait-il que la

13 Forpronu allait venir évacuer les civils et a-t-il donné l'autorisation

14 d'évacuer ces civils ? Et comment ces civils ont-ils été évacués de

15 Grbavica ?

16 M. Blaskic (interprétation). - La Forpronu faisait des

17 patrouilles dans cette région et lorsqu'ils se sont rapprochés de ce

18 groupe d'habitations, nous ne savions pas quelles étaient les intentions

19 de la Forpronu : s'ils voulaient évacuer tous les civils au cours de la

20 nuit, ou bien s'ils voulaient évacuer certains individus. Nous ne savions

21 pas quelles allaient être les intentions de la Forpronu, mais je sais et

22 je suis même certain que personne n'a entravé les activités de la

23 Forpronu. Ils ont mené cette opération sans que le HVO s'en mêle d'une

24 quelconque manière.

25 M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'ils sont repartis avec les

Page 18765

1 civils, ont-ils traversé les lignes du HVO ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre. Que s'est-il

4 passé ensuite, le lendemain donc ?

5 M. Blaskic (interprétation). - L'opération a été menée à son

6 terme et s'est terminée vers 14 heures 30. Toutes les forces du HVO se

7 sont regroupées sur la colline au point 523. Nous nous sommes arrêtés à

8 cet endroit alors que les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine se sont

9 retirées vers la position suivante, donc celles qui se trouvaient juste en

10 face de nos forces.

11 La police civile est arrivée avec certains policiers d'active et

12 d'autres de réserve et ils ont pris la suite pour assurer la sécurité de

13 tout le hameau.

14 M. Nobilo (interprétation). - Une précision, s'il vous plaît :

15 au moment où l'armée mettait un terme à ces opérations de combat et au

16 moment où la police civile s'est mise à assurer la sécurité du hameau,

17 combien de civils avaient été tués ? Y a-t-il eu des morts ? Combien de

18 maisons ont été incendiées au cours des opérations de combat ?

19 M. Blaskic (interprétation). - A l'époque, selon les

20 informations que j'avais eues, vraisemblablement aucun civil n'avait perdu

21 la vie ou aucun civil n'avait été blessé au moment de l'opération. Je

22 parle de l'opération de 8 septembre à 14 heures 30, ce sont les

23 informations dont je disposais à ce moment-là. Certaines maisons avaient

24 été incendiées, déjà le premier jour, mais il s'agissait de maisons qui

25 étaient en fait des positions militaires. Le feu a été ouvert de ces

Page 18766

1 habitations par des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais en fait

2 il ne s'agissait que de très peu de maisons.

3 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une

4 estimation ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, le premier jour, je

6 dirais pas plus de dix maisons pendant toute l'opération.

7 M. Nobilo (interprétation). - Et le deuxième jour ?

8 M. Blaskic (interprétation). - C'est difficile à dire pour ce

9 qui est du deuxième jour mais pas plus que, disons, cinq à huit maisons,

10 le deuxième jour de l'opération donc.

11 M. Nobilo (interprétation). - Et jusqu'à la fin de l'opération ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui, jusqu'à la fin de

13 l'opération à 14 heures 30.

14 M. Nobilo (interprétation). - Et la mosquée, dans quel état

15 était la mosquée ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je suis pratiquement sûr que la

17 mosquée n'a pas été touchée ni au cours du premier jour, ni au cours du

18 deuxième. Il n'y a pas eu de tirs à partir de la mosquée, il n'y a pas eu

19 d'opérations de combat autour de la mosquée, et elle est donc restée

20 parfaitement intacte.

21 M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous quitté la zone de

22 Grbavica ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Je suis parti lorsque les forces

24 de la police civile sont arrivées et ont mis en place leurs patrouille.

25 Devant Grbavica, il y avait des véhicules de police qui étaient visibles

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1 et qui avaient installé leur poste de sécurité vers 14 heures 30 ou

2 15 heures. C'est à ce moment-là que je me suis rendu au quartier général à

3 peu près. A partir du poste de commandement de Gradina.

4 M. Nobilo (interprétation). - Votre poste de commandement

5 n'était pas à Grbavica, n'est-ce pas ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Non, il était sur une colline à

7 Gradina en face de Grbavica, et de ce poste de commandement on voyait très

8 bien Grbavica.

9 M. Nobilo (interprétation). - Par la suite, au cours de la

10 journée au quartier général, quelles informations avez-vous reçues et qui

11 vous a transmis ces informations ?

12 M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu des informations de

13 l'officier de garde au cours de la soirée du 8 septembre 1993, selon

14 lesquelles il y avait eu un afflux massif de réfugiés de Donja Veceriska

15 et de Nova Bila ; et que les réfugiés s'étaient précipités vers Grbavica ;

16 que la police civile avait ouvert le feu, la police civile qui devait

17 assurer la sécurité de Grbavica.

18 Et au cours de cet affrontement, un réfugié de Nova Bila avait

19 été tué et que les civils ont commencé à piller des bâtiments en entrant

20 par la porte, par la fenêtre, en volant du bois et d'autres objets dans

21 les différentes maisons. Et la police civile s'est retirée et n'a pas

22 souhaité ouvrir le feu sur ces civils.

23 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous eu des contacts avec des

24 représentants des Nations Unies qui étaient pratiquement au même endroit

25 que vous et qui pouvaient donc assister à l'opération ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Effectivement, les représentants

2 des Nations Unies ont observé toute l'opération le premier jour et le

3 deuxième jour, et j'étais en contact avec un commandant, c'était son grade

4 mais je ne sais pas très bien quelle fonction il occupait au quartier

5 général du Bataillon britannique, mais il m'a rendu visite le

6 18 septembre 1993 et il m'a félicité personnellement pour le

7 professionnalisme et le bon fonctionnement de cette opération militaire et

8 pour avoir assuré la protection de la base de la Forpronu au cours de

9 l'opération. Il m'a donc félicité le 18 septembre 1993.

10 M. Nobilo (interprétation). - Nous allons cesser de parler un

11 instant de Grbavica mais je voudrais que vous reveniez au 7 septembre

12 parce que nous avons passé quelques éléments, à savoir la demande que vous

13 avez formulée au SIS le 7 septembre.

14 M. Blaskic (interprétation). - Oui, le 7 septembre, j'ai eu ma

15 réunion matinale habituelle avec mon assistant et mes collaborateurs et

16 j'ai demandé des informations auprès du service de sécurité quant au

17 résultat de l'enquête relative à Ahmici. Mon assistant chargé de la

18 sécurité m'a demandé de repousser la date finale parce qu'il m'a dit que

19 le délai que je lui proposais était trop court. J'avais proposé la date du

20 17 septembre. Il m'a dit que ce délai était trop court pour rédiger un

21 rapport complet. Par conséquent, j'ai repoussé cette date et j'ai dit que

22 le délai irait jusqu'au 30 septembre 1993.

23 M. Nobilo (interprétation). - Le 8 septembre donc, l'opération à

24 Grbavica est terminée. Passons ensuite au 9 septembre et aux événements

25 qui se sont produits par la suite.

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1 M. Blaskic (interprétation). - Le 9 septembre, j'ai eu une

2 réunion avec les commandants de la brigade qui étaient dans la poche de la

3 vallée de la Lasva. J'ai informé ces commandants de différentes brigades

4 de l'opération qui avait été menée et je leur ai demandé de m'envoyer un

5 rapport sur la façon dont ils avaient exécuté les ordres, et notamment sur

6 la façon dont ils avaient pris des mesures disciplinaires à l'encontre de

7 leurs subordonnés directs, parce que nous nous étions rendus compte, suite

8 à un contrôle, que certains commandants qui avaient demandé des mesures

9 disciplinaires n'avaient pas en fait assuré l'application de ces mesures

10 disciplinaires.

11 Certains commandants justifiaient leur comportement en disant

12 qu'ils n'avaient pas suffisamment de soldats sur les lignes de front et

13 qu'il était impossible pour eux d'envoyer certains soldats en prison.

14 Quelles que soient les justifications données, j'ai exigé que toutes les

15 mesures disciplinaires soient appliquées, que chaque soldat soit

16 sanctionné dans les faits.

17 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire

18 exactement "dans les faits" ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, si par exemple on

20 l'avait condamné à une peine de cinq jours en prison, il devait purger

21 cette peine, quelle que soit la situation sur la ligne de front et quelles

22 que soient les conséquences de sanctions appliquées à cinq ou dix soldats.

23 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

24 M. Blaskic (interprétation). - Le 10 septembre 1993, je me

25 trouvais à Nova Bila. Je passais en revue les soldats, les nouvelles

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1 recrues qui se trouvaient à Nova Bila et qui subissaient un entraînement

2 afin de pouvoir exécuter leurs tâches militaires, parce qu'ils n'avaient

3 pas fait leur service militaire jusque-là.

4 Et vers 12 heures 35, une attaque générale lancée par l'armée de

5 Bosnie-Herzégovine a débuté contre Vitez, Busovaca et Novi Travnik. Nous

6 avons pensé que c'était peut-être là une riposte suite à l'opération de

7 Grbavica, mais en fait il s'agissait d'une opération de plus grande

8 envergure de l'armée de Bosnie-Herzégovine contre l'enclave de la vallée

9 de la Lasva.

10 Le 11 septembre 1993, nous voulions mettre en marche une

11 opération similaire à celle de Grbavica vers le hameau de Sljivcica. Les

12 préparatifs pour cette opération étaient pratiquement les mêmes que ceux

13 pour l'opération de Grbavica. En fait, le point visé était le point 529,

14 vers Sljivcica, afin de débloquer la route principale menant de Vitez à

15 Busovaca. Nous avons donc mené les préparatifs pour toute cette opération

16 au cours de la journée et nous avons notamment pris toutes les mesures

17 visant à n'attaquer que des positions militaires. Nous avons pris toutes

18 les précautions nécessaires et l'opération devait avoir lieu le lendemain.

19 Après cela, il y a eu une réunion conjointe et donc après avoir

20 défini tous les aspects de cette opération...

21 M. le Président. - J'ai une précision à vous demander, Général.

22 Cela fait plusieurs fois que vous nous dites "attaque générale". Cela me

23 revient à l'esprit maintenant, "attaque générale sur Vitez", et c'est

24 revenu à deux ou trois reprises. J'avoue que je ne comprends pas très

25 bien, parce que vous ne nous dites pas en général quel est le résultat de

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1 cette attaque.

2 Cela fait trois ou quatre fois que vous nous parlez d'attaque

3 générale sur Vitez, sur Travnik, sur Busovaca, et je ne sais encore sur

4 quel lieu. Puis, là, aujourd'hui, cela me frappe particulièrement quand

5 vous dites : "Le lendemain, le 10 septembre, attaque générale sur Vitez,

6 Busovaca, Novi Travnik".

7 Je ne suis pas un stratège militaire. Cela me paraît donc très

8 important. Je me dis que le général Blaskic est en train de parer à cette

9 attaque. Or, dès le lendemain, en septembre, vous entamez une offensive

10 sur un village dont j'entends le nom peut-être pour la première fois.

11 Quand il y a une attaque générale, qu'est-ce que vous faites ?

12 Vous y répondez ? Qu'est-ce que vous faites ?

13 Cela fait plusieurs fois que vous parlez d'attaque générale. On

14 a l'impression que c'est l'attaque définitive, l'attaque finale, l'attaque

15 qui va... Puis, on passe alors à l'opération Sljivcica. Cela donne une

16 drôle d'impression sur le plan militaire.

17 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, lorsque je

18 parle d'attaque générale ou d'attaque généralisée, je dis qu'il s'agit

19 d'une attaque lancée par le 3ème Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine et

20 je parle de toutes les lignes de front qui s'empiètent les unes sur les

21 autres, le ruban rouge.

22 Je ne rentre pas dans tous les détails de ces attaques

23 généralisées, mais je peux, si vous le souhaitez, vous dire ce que nous

24 avons fait, ce que j'ai fait moi-même...

25 M. le Président. - Je ne voudrais pas que vous répondiez à

Page 18772

1 l'objection que j'ai faite tout à l'heure. C'est une question de

2 sémantique. Je voudrais savoir, quand vous dites "attaque générale", si

3 cette attaque vous a fait perdre des positions et si elle vous a fait

4 gagner. Je ne veux pas de plan ni de carte ni de maquette, je voudrais

5 simplement que vous ne me laissiez pas en plan dans cette attaque :

6 10 septembre, attaque générale, Vitez-Busovaca-Novi Travnik, vous perdez

7 ou vous gagner ? Vous êtes enfoncés, vous êtes enclavés, vous êtes

8 désespérés ? Qu'est-ce qui arrive ?

9 Quand le lendemain, je vous vois renaître de vos cendres, le

10 11 septembre, et vous entamez une attaque à Sljivcica, comme vous l'avez

11 fait pour Grbavica. Alors, je ne comprends pas, c'est pour cela. Mais ne

12 rentrez pas dans les détails, par pitié. "Attaque générale", qu'est-ce que

13 c'est ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, l'attaque

15 générale lancée contre la poche de la Lasva, c'est quelque chose qui est

16 apparu dans les journaux d'ailleurs, ce n'est pas du tout un secret

17 militaire. Les hauts responsables de l'armée de Bosnie-Herzégovine en ont

18 parlé, ils parlaient d'une attaque finale pour prendre le contrôle de la

19 poche de la vallée de la Lasva. Je parle d'une situation dans laquelle

20 toutes les positions principales sont attaquées, où il y a des combats sur

21 toutes les lignes de front. Il n'y avait pas de point particulièrement

22 important parce que c'était en fait une guerre très locale, nous étions

23 les uns à côté des autres, une zone très limitée de six kilomètres, à peu

24 près.

25 Par exemple, pour l'opération de Grbavica, c'était une opération

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1 désespérée. Si j'avais attendu, nous serions tombés. Par conséquent...

2 M. le Président. - (texte anglais)

3 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

4 pas parlé du 17 septembre.

5 M. le Président. - Non, 10 septembre.

6 M. Blaskic (interprétation). - J'ai dit qu'il s'agissait du

7 10 septembre et qu'une attaque avait été lancée par des tirs d'artillerie

8 le 10 septembre. Si vous voulez des positions détaillées, je peux vous les

9 donner, si vous le souhaitez.

10 M. le Président. - Je crois que vous n'avez pas compris ma

11 question, Général. J'essaie de regarder les grands ensembles et surtout

12 pas le détail. Quand vous dites "attaque générale contre

13 Vitez-Busovaca-Novi Travnik", cela fait au moins plusieurs fois -je

14 pourrais reprendre mes notes- que vous dites : "Ce jour-là, attaque

15 générale".

16 Simplement, mais d'un mot, quel est le résultat de cette attaque

17 générale ? Vous êtes enfoncés, vous y résistez ? Vous contre-attaquez ?

18 C'est cela que je voudrais savoir. Ce n'est pas compliqué. Ne rentrez pas

19 dans le détail. Vous perdez, vous gagnez ? Qu'est-ce qui se passe ? C'est

20 ce que je ne comprends pas et, là, dans ce cas précis, 10 septembre :

21 attaque générale, Vitez-Busovaca-Novi Travnik. Et nous passons au

22 11 septembre : je contre-attaque, opération Sljivcica. Alors l'attaque

23 générale, qu'est-ce qui s'est passé ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Après cette attaque générale,

25 nous n'avons pas perdu de positions importantes, nous avons eu des pertes

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1 effectivement, des pertes en hommes, mais nous nous sommes préparés pour

2 attaquer Sljivcica le 11.

3 M. le Président. - Voilà ce qu'il fallait dire, merci beaucoup.

4 Allez-y, poursuivez.

5 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Je vais poursuivre donc.

6 Lorsqu'on parle d'une attaque générale, parle-t-on de l'envergure de

7 l'attaque ou bien de la qualité de l'attaque ?

8 M. Blaskic (interprétation). - On parle de l'envergure de

9 l'attaque menée par Busovaca, Vitez, Novi Travnik et Kiseljak. Je n'ai pas

10 participé à la planification de cette attaque, mais toutes ces régions ont

11 fait l'objet de l'attaque.

12 M. Nobilo (interprétation). - La forme de l'enclave ou de la

13 poche que vous avez indiquée de cette ligne rouge s'est-elle modifiée ?

14 Avez-vous perdu de nouveaux territoires à partir de ce moment-là et

15 jusqu'à la signature des accords de Washington ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Messieurs les Juges, le

17 22 décembre 1993, nous avions perdu une très grande quantité, une très

18 grande surface, mais nous avons réussi à regagner du terrain.

19 C'est un peu la même chose qui s'est passée le 9 janvier 1994,

20 lors de l'opération de Krizancevo Selo et Buhine Kuce, mais la forme de la

21 poche de la vallée de la Lasva -telle qu'indiquée sur la carte- n'a pas

22 changé de façon significative.

23 M. Nobilo (interprétation). - Et à quel prix avez-vous réussi à

24 maintenir ce territoire, en vies humaines je parle ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, il y a eu environ

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1 2 000 tués dans la vallée de la Lasva et parmi ces 2 000 personnes,

2 environ 1 300 soldats.

3 M. Nobilo (interprétation). - Vous aviez pour projet d'attaquer

4 Sljivcica. Etait-ce un village ou une colline ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Non, c'est le point 529. Il

6 s'agit de l'altitude. C'est donc la cote 529. On parle de ce point comme

7 étant Sljivcica mais parfois on fait référence à ce point en utilisant

8 simplement la cote 529. Je peux vous le montrer sur la carte, si vous le

9 souhaitez. Ce n'est pas un village.

10 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous venons

11 juste de finir.

12 M. le Président. - Oui, nous pouvons faire une pause.

13 (L’audience, suspendue à 15 heures 25, est reprise à

14 15 heures 55).

15 M. le Président. - L'audience est reprise.

16 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on soumettre au témoin la

17 pièce de la défense 380, s'il vous plaît ? Il s'agit de la pièce de la

18 défense 380. C'est un de vos ordres du 26 août 1993 adressé à toutes les

19 brigades, à l'unité spéciale et à la police militaire. Le titre est :

20 "Arrestation de personnes contre lesquelles des procédures pénales ont été

21 engagées".

22 (Les interprètes demandent que le rétroprojecteur soit allumé).

23 Les personnes qui sont accusées doivent être arrêtées ou

24 incarcérées par les commandants de brigade", etc.

25 M. le Président. - Allez-y, excusez-moi.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais poursuivre.

2 (Les interprètes signalent à nouveau que le rétroprojecteur

3 n’est pas branché).

4 "Les personnes qui sont suspectées, accusées ou mises en

5 accusation doivent être arrêtées ou mises en détention."

6 Peut-on avoir le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

7 Je voudrais donc répéter le deuxième paragraphe :

8 "2. Si, pour des raisons objectives,- entre parenthèses, opposer

9 une résistance féroce, etc.- le commandement d'une brigade ou le

10 commandement d'une unité indépendante ne parvient pas à s'assurer qu'une

11 personne, à l'encontre de laquelle des procédures pénales sont engagées,

12 peut se présenter pour faire l'objet d'une enquête ou au cours d'une

13 audience devant un Tribunal, cette question doit être signalée au

14 commandant du 7ème Bataillon de la police militaire afin qu'il puisse

15 prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la présence de cette

16 personne au cours de son procès.

17 3. Les témoins ou les parties lésés et qui doivent participer à

18 l'enquête ou à l'audience principale, doivent être amenés à l'audience par

19 le 7ème Bataillon de la police militaire.

20 4. Les commandants des brigades et unités indépendantes et

21 l'adjoint responsable de la direction de la police militaire sont

22 responsables devant moi de l'exécution de cette tâche."

23 Pourquoi, Général, un ordre de ce type a-t-il été donné par

24 vous ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Cet ordre a été donné à la fin du

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1 mois d'août, lorsque nous avons été encerclés et il avait pour objectif

2 d'assurer un meilleur fonctionnement du Tribunal de district, afin que

3 tous les actes criminels soient sanctionnés. J'ai déjà dit que des

4 demandes avaient déjà été formulées par les commandants de brigade, étant

5 donné l'existence de circonstances exceptionnelles, à savoir que les

6 individus accusés soient néanmoins maintenus sur les lignes de front, mais

7 moi j'ai insisté personnellement pour que ces personnes soient arrêtées et

8 poursuivies. Je voulais donc m'assurer d'un meilleur fonctionnement du

9 Tribunal militaire de district.

10 M. Nobilo (interprétation). - Passons maintenant à la

11 pièce D382, s'il vous plaît.

12 M. le Président. - ...

13 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, tous les

14 actes criminels connus par le Tribunal, à savoir…

15 M. Nobilo (interprétation). - Je crois que votre question n'a

16 pas été interprétée.

17 M. le Président. - L'accusé témoin l'a entendue puisqu'il m'a

18 répondu. Général Blaskic, vous m'avez entendu, j'ai l'impression ?

19 M. Nobilo (interprétation). - C'est l'interprétation anglaise

20 qui manque et qui ne figure pas au compte rendu.

21 M. le Président. - Bien, est-ce que maintenant la cabine

22 anglaise est prête ? Oui, vous êtes prêt ? Ne m'obligez pas à parler

23 anglais, je vous en prie.

24 Je voudrais reprendre ma question, mon observation.

25 Manifestement cet ordre est un ordre où vous agissez comme quelqu'un

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1 disposant de pouvoirs de police judiciaire.

2 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, dans cet

3 ordre, je m'adresse à ceux qui me sont directement subordonnés, à savoir

4 aux brigades et aux unités spéciales ainsi qu'au 7ème Bataillon de la

5 police militaire. Ce que je demande, c'est que des individus soient amenés

6 et que les organes compétents se chargent de traiter le cas de toutes les

7 personnes ayant commis des délits ou des actes criminels.

8 M. le Président. - Merci. Poursuivez.

9 M. Nobilo (interprétation). - Au moment où vous émettez cet

10 ordre, vous êtes déjà aux commandes de la police militaire ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

12 M. Nobilo (interprétation). - La pièce de la défense D382, s'il

13 vous plaît. Je vais lire ce document du 12 septembre 1993, vous l'avez

14 émis à l'adresse du 7ème Bataillon de la police militaire. Le titre : "Le

15 fait d'avoir soumis un rapport incomplet. Ordre. Référence :votre document

16 02-4/3/III-07-8/93 du 11 septembre 1993. Une note officielle a été trop

17 générale et superficielle.

18 1. Qui sont les individus qui sont arrivés et combien y en

19 avait-il ? Nom, prénom, numéro.

20 2. Qui sont les personnes de nationalité musulmane qui sont

21 recherchées ?

22 3. Qu'on fait les autorités de la police civile et de la police

23 militaire à l'égard des suspects ayant été amenés du côté ennemi ?

24 4. Qui sont les soldats qui ont, de leur propre initiative,

25 organisé l'échange ? Leur nom et leur prénom.

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1 5. Il est inutile de décrire le déroulement de l'échange.

2 Vous étiez responsable de réunir les informations et d'entamer

3 une procédure de par vos fonctions officielles, alors que vous me

4 soumettez un rapport aussi superficiel ne contenant pas des informations

5 pertinentes et les éléments nécessaires. Je vous demande de lancer une

6 enquête détaillée et de me soumettre l'ensemble du dossier pour examen

7 avant le 14 septembre 1993. Signé : Tihomir Blaskic".

8 D'où ce ton très abrupt et très sec dans cet ordre ?

9 M. Blaskic (interprétation). - A l'époque, le 12 septembre 1993,

10 je suis directement subordonné à la police militaire. Celle-ci m'a informé

11 de manière incomplète et superficielle au sujet d'un échange, dont ils ont

12 pris l'initiative eux-mêmes, un échange effectué entre l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine et le HVO. En tant que leur supérieur direct, j'avais la

14 possibilité de m'adresser sur ce ton à la police militaire.

15 M. Rodrigues. - Général Blaskic, j'ai une question. Cet ordre et

16 l'autre antérieur, donc le D380, ont quelque chose à voir avec une réunion

17 que vous avez eue, je ne me souviens pas de la date. Vous avez eu une

18 réunion avec le Juge militaire du Tribunal de militaire de Travnik,

19 quelques jours avant ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Oui, j'ai eu une réunion avec le

21 Président du Tribunal militaire de district. Il s'agissait d'une réunion

22 portant sur la coordination et la coopération. Lui aussi me demandait de

23 l'aide et parfois c'était moi.

24 M. Rodrigues. - C'était le Juge Percinlic.

25 M. Blaskic (interprétation). - Oui, vous avez raison,

Page 18780

1 Monsieur le Juge.

2 M. Rodrigues. - Est-ce que ces ordres que nous avons vus

3 maintenant ont quelque chose à voir avec cette réunion ou cette

4 conversation que vous avez eue avec le Président du Tribunal militaire de

5 Travnik ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, c'est à Vitez

7 que j'ai eu cet entretien. A Novi Travnik, je ne pouvais pas m'y rendre,

8 ni moi ni lui.

9 Le Juge Percinlic a dit que chacun devait agir dans les limites

10 de ses compétences, et l'ordre précédent est davantage lié à cet entretien

11 du 9 septembre que j'ai eu avec mes collaborateurs qui se justifiaient en

12 disant qu'ils n'avaient pas suffisamment d'hommes et qu'ils avaient besoin

13 de chaque soldat sur la ligne de front, que ce soldat ait commis un délit

14 ou une infraction disciplinaire ou autre.

15 Ce que je souhaitais, c'était de faire part de mon point de vue

16 à moi et de montrer que chaque Tribunal pouvait accéder à tout soldat,

17 même si la ligne de front était en danger.

18 M. Rodrigues. - Merci, Général, merci.

19 M. Nobilo (interprétation). - L'ordre du 13 septembre, s'il vous

20 plaît, la pièce D384. Il s'agit d'un ordre du 13 septembre signé par vous.

21 Titre : "Comportement à l'égard des soldats faits prisonniers et des

22 soldats blessés". Cet ordre est adressé à toute une série d'unités. Je ne

23 lis pas la liste, mais je lis le texte : "Afin d'empêcher qu'il y ait des

24 actes effectués de son propre chef par un certain nombre d'individus à

25 l'égard des soldats blessés faits prisonniers qui font l'objet de soins

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1 médicaux dans nos hôpitaux, j'ordonne comme suit :

2 1. J'interdis de manière la plus stricte qu'on les attaque d'une

3 manière quelle qu'elle soit, ces soldats blessés faits prisonniers qui se

4 trouvent dans nos hôpitaux où ils font l'objet de soins médicaux.

5 2. A toute occasion où cet ordre n'aurait pas été respecté, il

6 faut demander l'assistance de la part du commandant du 7ème Bataillon de la

7 police militaire à Vitez au numéro de téléphone 711-308 et m'en informer

8 personnellement.

9 3. Tous les soldats doivent être informés par le biais des

10 commandants subordonnés du contenu de cet ordre.

11 4. Cet ordre entre en vigueur immédiatement. Responsables de son

12 exécution totale sont devant moi les commandants des brigades, les

13 commandants des unités indépendantes..."

14 Suit la suite des unités... "Commandant Tihomir Blaskic".

15 Général, pour quelle raison avez-vous émis cet ordre ?

16 M. Blaskic (interprétation). - La protection et le traitement

17 humain des soldats blessés faits prisonniers qui étaient soignés à

18 l'hôpital situé dans l'église, et je me souviens qu'à un moment il y a eu

19 un certain nombre de réactions parce que, en fait, il s'agissait d'un

20 hôpital improvisé, d'une église, et certains groupes de soldats,

21 lorsqu'ils apprenaient qu'un soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine était

22 soigné à cet endroit, essayaient de commettre des actes violents, et

23 j'essayais de les en empêcher. Nous avons heureusement réussi à mettre en

24 place cet ordre.

25 M. Nobilo (interprétation). - Je souhaite qu'on examine la

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1 pièce D387, l'ordre suivant... Pièce de la défense D387, s'il vous plaît.

2 La pièce D384 date du 13 septembre, D387 du 16 septembre 1993,

3 de la part du commandement du 2ème Bataillon de Bila, le 16 septembre 1993,

4 il y est dit : "Sur la base de l'ordre émis par le commandant de la

5 brigade de Vitez n° 01-1137-2/93 concernant la prévention d'un

6 comportement indiscipliné de la part des individus à l'égard des soldats

7 blessés faits prisonniers, soldats ennemis, j'ordonne :

8 1. J'interdis de manière la plus stricte que soient maltraités

9 et attaqués les soldats blessés ennemis qui sont soignés dans notre

10 hôpital.

11 2. Si cet ordre n'était pas respecté, il faut en informer

12 immédiatement l'officier de service du 2ème Bataillon ou bien de la brigade

13 de Vitez et demander immédiatement de l'assistance auprès du commandant du

14 7ème Bataillon de la police militaire à Vitez au numéro de téléphone

15 711-308.

16 3. Le contenu de cet ordre doit être communiqué par le biais des

17 commandants subordonnés à tous les membres de nos unités.

18 4. Cet ordre entre en vigueur immédiatement, les commandants des

19 compagnies me sont responsables quant à son exécution totale.

20 Signature : Tihomir Blaskic."

21 Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce qu'il y a un lien entre ces

22 deux ordres D384, me semble-t-il, et D387 ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Oui, bien entendu. Les éléments

24 de base sont pratiquement copiés d'un ordre à l'autre, mais ici, le

25 commandant fait référence à un ordre qu'il a reçu de la brigade de Vitez

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1 et, dans cette filière de commandement et de contrôle, on voit que le

2 document D384 descend jusqu'aux soldats faisant partie des unités, et l'on

3 voit que cet ordre était adressé à tous les soldats pour qu'ils

4 connaissent quelle attitude ils devaient adopter à l'égard des soldats

5 blessés de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui étaient soignés.

6 M. Nobilo (interprétation). - Revenons maintenant à la date du

7 11 septembre. Vous préparez une attaque sur la colline de Sljivcica. Que

8 s'est-il passé le 12 ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Le 12 septembre, vers 7 heures 30

10 à peu près, commence l'opération contre la cote 529, Sljivcica.

11 M. Nobilo (interprétation). - Pour qu'une chose soit tout à fait

12 claire : M. Fourmy m'a montré une carte pendant la pause où l'on voit la

13 cote 592 pour Sljivcica. Alors, quelle est la cote exacte ? 529 ou 592 ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Le mieux serait peut-être que je

15 consulte la carte.

16 M. Nobilo (interprétation). - Oui, allez-y.

17 M. Blaskic (interprétation). - (Inaudible).

18 M. Nobilo (interprétation). - Oui. Pouvez-vous le répéter dans

19 le microphone, s'il vous plaît ? Quelle est la cote ?

20 M. Blaskic (interprétation). - 592.

21 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre, s'il vous

22 plaît.

23 M. Blaskic (interprétation). - C'est vers 7 heures 30 que cette

24 action a été lancée. Elle a duré jusqu'à à peu près 8 heures 55. C'est à

25 ce moment que j'ai donné l'ordre que l'on arrête cette opération, et nous

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1 avons arrêté cette action d'attaque parce que, dans sa première phase,

2 cette opération n'a pas apporté le résultat attendu.

3 M. Nobilo (interprétation). - S'il vous plaît, à Sljivcica, donc

4 la cote 592, qu'est-ce qui se trouvait là-bas, un village ou autre chose ?

5 M. Blaskic (interprétation). - C'était une position complètement

6 aménagée où pratiquement, de manière ininterrompue, se trouvaient des

7 armes antiaériennes 20 mm de calibre, un char de temps en temps. Il y

8 avait également à cet endroit des armes de tireurs embusqués, et on

9 contrôlait parfaitement de cette cote la zone méridionale au sud, sur la

10 route Vitez-Busovaca.

11 Il s'agit d'un point aménagé militaire classique pour une unité

12 allant éventuellement jusqu'à la force d'une compagnie et à proximité se

13 trouve le poste de commandement du 2ème Bataillon de la 325ème Brigade.

14 M. Nobilo (interprétation). - De quelle armée ?

15 M. Blaskic (interprétation). - De l'armée de Bosnie-Herzégovine.

16 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu’il y avait des civils,

17 des maisons habitées à cet endroit ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Non. La seule chose qu'il y avait

19 en plus à cet endroit, c'était un pylône d'électricité, de lignes

20 électriques qui avait été abattu par l'armée de Bosnie-Herzégovine et, par

21 la suite, nous avons mis très longtemps à remettre ce pilier debout, après

22 la signature de l'accord de Washington.

23 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

24 M. Blaskic (interprétation). - Le 13 septembre 1993, j'ai été

25 informé par le CICR qu'une libération avait eu lieu de 70 Croates civils,

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1 des civils de Fojnica et que ces gens avaient été adressés à Kiseljak.

2 Le 14 septembre 1993, j'ai demandé d'être informé sur la perte

3 de la position de Prosje, c'est la ligne de front de Busovaca. Nous avions

4 perdu cette position quelques jours auparavant.

5 Le 16 septembre 1993, j'ai eu beaucoup de mal dans la brigade de

6 Travnik. De nouveau, il y a eu des conflits dans cette brigade et cette

7 brigade s'est divisée en deux groupes, deux camps.

8 Le 18 septembre 1993, c'est le commandant... Non, excusez-moi,

9 c’est un officier de la Forpronu du Bataillon britannique qui est venu me

10 voir, un commandant de son grade et il m'a remercié d'avoir fait preuve de

11 coopération et d'avoir respecté les forces de la Forpronu pendant

12 l'opération Grbavica.

13 Le même jour, j'ai reçu les représentants des observateurs

14 européens qui m'ont remercié également, qui ont remercié le commandement

15 de la zone opérationnelle de Bosnie centrale d'avoir fait preuve de

16 coopération, d'esprit de coopération dans l'exécution de leur mission, la

17 mission de nos visiteurs.

18 J'ai demandé qu'un aperçu sommaire me soit présenté de toutes

19 les exigences et de nos réactions à ces exigences, à ces demandes. Donc

20 j'ai demandé cela de la part de l’assistant chargé de la sécurité et

21 concernant toutes les enquêtes menées à Ahmici.

22 Vers 23 heures à peu près, j'étais à l'hôpital de Nova Bila, et

23 j'ai pu visiter environ 80 blessés dans cet hôpital situé à l'église.

24 Le 19 septembre 1993, une attaque d'artillerie et d'infanterie a

25 été menée sur les lignes de front à Vitez, donc là où était basée la

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1 brigade de Vitez.

2 M. Nobilo (interprétation). - Les lignes de front ont-elles été

3 modifiées ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Les lignes de front ont été

5 modifiées. Il y a eu un déplacement de ligne en provenance de Zabrde et en

6 direction de l'usine d'explosifs.

7 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous perdu ou gagné du

8 territoire ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Nous avons perdu du territoire.

10 Et de manière urgente, la nuit à 22 heures, j'ai eu un entretien

11 avec les commandants de cette partie sud du secteur. Il s'agit de ces

12 villages au sud. J'ai eu cet entretien à Donja Veceriska. Le colonel

13 Filipovic était avec moi ainsi que mes autres collaborateurs. C'était une

14 des situations les plus dramatiques parce que nous n'arrivions pas à

15 savoir, pour cette partie sud de la ligne de front, où se trouvaient nos

16 positions.

17 Il y a donc eu une réunion. Nous avons débattu de la situation

18 telle qu'elle était à ce moment-là, de la manière dont les ordres étaient

19 exécutés et nous avons également parlé de l'épuisement des hommes. Et ce

20 que j'ai demandé lors de cette réunion, c'était que tous les commandants

21 devaient quitter leur bureau et que nous devions tous rejoindre nos

22 soldats dans les tranchées, donc sur les lignes de front. J'ai dit que

23 c'était là notre place.

24 Alors une partie de ce secteur a été à partir de ce moment-là

25 sous la responsabilité du colonel Filipovic et une partie du secteur sous

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1 la mienne. Donc la partie vers l'usine d'explosifs, Zabrde, était sous mon

2 contrôle alors que Krucica vers Stari Vitez était sous le commandement de

3 la brigade de Vitez qui a également reçu une partie de la ligne de front,

4 300 mètres de cette ligne de front, où il existait pratiquement le rôle de

5 commandant, et nous passions donc les heures de la nuit avec nos soldats

6 dans ces tranchées.

7 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous avez interdit que les

8 commandants restent dans leur bureau, avant cela, votre commandement par

9 exemple se trouvait à quelle distance de la ligne de front ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien l'hôtel Vitez et le

11 commandement étaient situés à 100, voire 150 mètres des premières

12 positions où se trouvaient les tireurs embusqués de l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine. Et Marko Prskalo et Pilic Zoran ont été touchés là au retour

14 des négociations.

15 M. Nobilo (interprétation). - Pour qu'on comprenne mieux la

16 situation dans votre enclave, pouvez-vous nous dire, lorsqu'il existe une

17 ligne de front classique, quelle est la profondeur du déploiement d'une

18 brigade ? Et au bout de combien de kilomètres commence le territoire où

19 peuvent se trouver des civils, d'après la théorie que vous avez apprise

20 dans la JNA ?

21 M. Blaskic (interprétation). - La profondeur du déploiement

22 d'une brigade va de 12 kilomètres minimum à partir de la ligne de front,

23 et ce en fonction de la topographie et du type de brigade, jusqu'à

24 35 kilomètres de la ligne de front. Le poste de commandement du commandant

25 de la brigade, dans un cas où il se défend, est habituellement derrière

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1 les premières unités, environ à 6 kilomètres du front. Telles sont les

2 règles de l'ex-JNA. Mais c'est à peu près la même chose dans toutes les

3 autres armées. Il y a toujours des exceptions, bien entendu, mais les

4 règles étaient celles ci.

5 M. Nobilo (interprétation). - Dans la zone des activités de

6 combat, est-ce que les civils peuvent être présents ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Lorsqu'il s'agit d'opérations de

8 combat classiques et dans les guerres classiques, non, cela ne devrait pas

9 se produire, ils ne devraient pas s'y trouver, mais la question est de

10 savoir si on a une alternative, quelles sont les circonstances.

11 M. Nobilo (interprétation). - Alors, examinons maintenant la

12 ligne de front au nord, donc allant d'Ahmici vers Zenica. Quelle était la

13 profondeur du déploiement de vos forces derrière la ligne de front ?

14 Combien de kilomètres devait-on traverser pour atteindre la ligne de front

15 sud ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Au minimum 1000 mètres, autrement

17 dit, c'était inférieur à ce que défend une compagnie habituellement, parce

18 qu'une compagnie devrait disposer de 1000 à 1500 mètres, et au maximum,

19 c'était de 6000 mètres. Autrement dit, cela correspondrait à un bataillon

20 dans une situation de défense. Mais je compte 6000 entre le nord, entre la

21 ligne de front au nord et la ligne de front au sud, alors que toutes les

22 règles prévoient généralement que derrière, ce ne soit pas une ligne de

23 front avec des forces ennemies, que ce soient des forces de la même armée

24 qui s'y trouvent mais nous, nous étions dans un encerclement total.

25 M. Nobilo (interprétation). - Alors, l'ensemble de cette enclave

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1 représente une première zone d'opération de combat dans cette situation ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

3 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

4 Chronologiquement, quels sont les événements importants ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Dès le 20 septembre, l'assistant

6 chargé de l'information m'apprend que la radio de Zenica vient de diffuser

7 une information disant qu'un nouveau commandant de la zone opérationnelle

8 de Bosnie centrale vient d'être nommé et que je suis relevé de mes

9 fonctions. Le nouveau commandant, d'après ce qu'on a dit à la radio est

10 Zuti. C'est lui qui devient donc commandant de la zone opérationnelle de

11 Bosnie centrale.

12 Généralement, ces informations ont commencé à circuler dans

13 l'enclave de la Lasva et nous nous sommes trouvés dans l'obligation de

14 démentir ces informations déplacées.

15 De nouveau, à Donja Vecerska, j'ai eu un entretien avec mes

16 collaborateurs, avec des collaborateurs que j'ai pu convoquer, compte tenu

17 de la situation au front et par la suite, c'est à Donja et à

18 Gornja Veceriska que je me trouve, c'est de là que je commande, je ne suis

19 plus à l'hôtel Vitez, mais je me trouve dans les villages qui sont à

20 proximité immédiate de la ligne de front. Mes collaborateurs également

21 sont basés dans les différents secteurs de la défense.

22 Le 21 septembre 1993, Vitez est attaqué. C'est une opération qui

23 commence et qui se poursuit pratiquement sans interruption pendant cinq

24 jours, voire quatre ou cinq nuits. L'armée de Bosnie-Herzégovine a agi en

25 utilisant ses canons, son artillerie, ses chars, et il s'agit d'une

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1 attaque très puissante.

2 Au cours de la journée du 21 septembre, le site de Lazine à lui

3 seul qui se trouve dans la zone large de Krizancevo Selo, 300 obus sont

4 tombés, des obus de mortier, des obus d'artillerie qui sont donc lancés

5 par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Nous avons perdu ces positions au nord

6 de Krizancevo Selo allant en direction de Tolovici.

7 Au cours de cette journée, j'ai chargé les hommes de Busovaca

8 d'essayer de mener au moins une fausse attaque contre les lignes de

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine pour délester nos positions de Busovaca

10 parce que nous avions perdu les positions de Krizancevo Selo et de Lazine.

11 Je m'y suis rendu personnellement et j'ai vu le commandant du

12 2ème Bataillon le jour même, le commandant de la brigade de Busovaca qui

13 avait des cannes, qui venait d'être blessé grièvement à ses deux jambes,

14 mais il avait refusé de rester à l'hôpital. Il m'a dit qu'il exerçait

15 toujours le commandement sur son bataillon, bien qu'il ait été totalement

16 immobilisé, enfin, il ne pouvait se déplacer qu'à l'aide de ses cannes.

17 C'est dans cet état qu'il se trouvait, mais il est resté sur le front

18 néanmoins.

19 Le 22 septembre 1993, à 11 heures 10, l'hôtel Vitez a été frappé

20 une nouvelle fois par un projectile d'artillerie et il y a eu des blessés

21 dans l'hôtel Vitez.

22 A 15 heures 40, j'ai reçu une information du service de

23 renseignements militaires selon laquelle la Forpronu allait arriver dans

24 le village de Radojcici et qu'elle y apportait des caisses destinées à

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Selon l'avis du service de renseignements

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1 militaires, il s'agissait de caisses contenant des munitions.

2 J'ai demandé à rencontrer ce jour-là des représentants du SIS,

3 Darko Kraljevic et Miso Mijic, qui m'ont appris eux aussi qu'ils étaient

4 autonomes, indépendants dans leurs activités et qu'ils n'avaient aucune

5 obligation de me fournir des rapports quant à leurs activités. J'ai rédigé

6 un rapport écrit relatif à la pénurie en munitions que j'ai adressé à tous

7 les commandants présents sur la ligne de front, à qui je disais qu'il ne

8 fallait ouvrir le feu que sporadiquement.

9 Nous avons eu des difficultés liées au front de Vitez...

10 M. Nobilo (interprétation). - Bien, maintenant, c'est inscrit au

11 compte rendu. Quel est le contraire d'un tir sporadique ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Le contraire, c'est une rafale

13 qui peut être de plus ou moins longue durée mais qui, en tout état de

14 cause, entraîne une consommation de munitions plus importante.

15 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, poursuivez.

16 M. Blaskic (interprétation). - Ce même jour, nous avons

17 également eu de très grandes difficultés lorsque nous avons essayé

18 d'amener des soldats de brigade positionnés dans le voisinage jusqu'au

19 front de Vitez parce que, à Vitez, le nombre des soldats tués était le

20 plus important et personne n'avait très envie d'aller se battre sur ce

21 front. Il y a donc eu de très gros problèmes liés à l'arrivée des renforts

22 sur ce front.

23 Nous avons localisé un obusier de l'armée de Bosnie-Herzégovine

24 de 105 mm de calibre qui opérait à partir des positions de Krpeljic.

25 Le 23 septembre 1993, j'ai reçu des informations provenant du

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1 chef du service de renseignements militaires selon lesquelles cinq

2 autocars étaient arrivés de Zenica à Poculica, et que ce qui était en

3 cause était l'arrivée de forces fraîches, de renforts destinés à l'armée

4 de Bosnie-Herzégovine. J'ai également été informé par le service de

5 renseignements militaires qu'à Kruscica 120 soldats étaient arrivés en

6 renfort, soit une compagnie entière.

7 Le 23 septembre, j'ai demandé au service de sécurité militaire

8 qu'il mène une enquête en rapport avec les dommages subis par la mosquée

9 de Busovaca. J'ai été informé que c'est le 21 septembre 1993 que cette

10 mosquée avait été endommagée. J'ai reçu plus tard des informations à ce

11 sujet selon lesquelles les auteurs étaient non identifiés, que des

12 instances de la police civile avaient déjà diligenté une enquête...

13 M. Nobilo (interprétation). - Qu'avaient fait ces auteurs non

14 identifiés ? Pouvez-vous le dire selon ce dont vous vous souvenez ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Ils avaient allumé un feu dans la

16 mosquée de Busovaca.

17 M. Nobilo (interprétation). - Ont-ils réussi ?

18 M. Blaskic (interprétation). - J'ai été informé que les sapeurs-

19 pompiers étaient intervenus et que la police civile avait mené enquête sur

20 cette affaire.

21 M. Nobilo (interprétation). - A-t-elle découvert les auteurs de

22 cet acte ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas été informé quant au

24 fait de savoir si la police civile avait découvert l'identité des auteurs

25 de cet acte.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, veuillez

2 poursuivre.

3 M. Blaskic (interprétation). - A 12 heures 50, donc au cours de

4 la journée, j'ai reçu des informations selon lesquelles l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine s'apprêtait à attaquer le site de montagne de Zabrde, sans

6 doute dans le but de poursuivre au-delà, dans la direction de l'usine

7 d'explosifs. Cette position est une position située au sud, qui domine

8 l'endroit où se trouve l'usine d'explosifs.

9 J'ai convoqué le commandant qui se trouvait sur la ligne de

10 front et je lui ai fait connaître les intentions de l'armée de Bosnie-

11 Herzégovine. Quant à lui, il m'a informé que la situation était sous

12 contrôle et qu'au niveau de ses positions la situation était très stable.

13 Nous sommes même parvenus à enregistrer une conversation entre

14 les commandants de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui prévoyait qu'ils

15 allaient s'emparer de Zabrde au plus tard avant 14 heures, le

16 23 septembre 1993.

17 Après un certain temps, aux alentours de 16 heures 30, le

18 commandant du HVO sur les positions de Zabrde a demandé de l'aide et des

19 renforts pour assurer la défense de ce site et, vers 16 heures 38 déjà,

20 j'ai été informé que la position avait été perdue et que 68 soldats du HVO

21 s'étaient retirés des positions qu'ils occupaient précédemment au pied de

22 ce mont de Zabrde.

23 Dans l'après-midi, j'ai réussi à envoyer des renforts, mais ces

24 renforts étaient très peu nombreux. La première fois, j'ai réussi à

25 envoyer 12 soldats, puis une quinzaine vers 20 heures 15. Ce même jour, la

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1 7ème Brigade musulmane a attaqué le village, les positions du HVO situées à

2 l'entrée du village de Jardol et du village de Krcevine, c'est-à-dire sur

3 le nord de la ligne de front. Cette attaque a été repoussée.

4 Le 24 septembre 1993, j'étais également au poste de commandement

5 de Donja Veceriska, et j’ai reçu une convocation de l'état-major principal

6 qui me demandait de venir très rapidement au quartier général principal.

7 M. Nobilo (interprétation). - Si vous êtes d'accord, Monsieur le

8 Président, nous pourrions maintenant faire une pause.

9 M. le Président. - Nous terminerons donc à 17 heures 30.

10 L'audience est suspendue.

11 (L'audience, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 17 heures.)

12 M. le Président. - L'audience est reprise.

13 M. Nobilo (interprétation). - Général, le 24 septembre, vous

14 partez en Herzégovine sur ordre. Qui contactez-vous et de quoi est-il

15 question ?

16 M. Blaskic (interprétation). - J'avais reçu une convocation pour

17 me rendre au quartier général du HVO, quartier général principal. J'ai

18 pris l'hélicoptère en début de soirée et, vers 20 heures 30 je me suis

19 trouvé auprès du chef d'état-major principal qui avait à ce moment-là ses

20 bureaux à Citluk. Je me suis donc présenté devant le chef de l'état-major

21 principal à qui j'ai fait rapport au sujet de la situation.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges -parce

23 que, pour nous qui suivons ce procès, le chef de l'état-major principal

24 est le général Petkovic-, est-ce bien avec le général Petkovic que vous

25 avez parlé ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Non, à ce moment-là, j'ai parlé

2 avec le nouveau chef d'état-major principal du HVO, qui était le

3 général Praljak et, à cette époque, c'est-à-dire à cette date le

4 24 septembre, le général Petkovci était devenu le suppléant du chef

5 d'état-major principal du HVO. Je ne sais pas exactement à quelle date a

6 eu lieu le remplacement du général Petkovic par le général Praljak.

7 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre. De quoi avez-

8 vous parlé au cours de cette rencontre ?

9 M. Blaskic (interprétation). - J'ai informé le chef d'état-major

10 principal du HVO au sujet de la situation sur le front, des problèmes

11 auxquels se trouvait confrontée la défense ainsi que des problèmes liés à

12 l'enquête. J'ai dit que j'avais donné à l’assistant chargé de la sécurité

13 un délai pour la fin de l'enquête, délai qui se terminait le 29.

14 M. Nobilo (interprétation). - Quelle enquête ?

15 M. Blaskic (interprétation). - L'enquête au sujet d'Ahmici. Je

16 lui ai demandé de faire en sorte que cette enquête soit bien achevée dans

17 le délai prévu. Je l'ai ensuite informé de la réorganisation de la police

18 militaire. Je lui ai parlé des problèmes dans les rapports entre le centre

19 de la sécurité et l'assistant chargé de la sécurité auprès de la zone

20 opérationnelle de Bosnie centrale.

21 Je lui ai également parlé des problèmes que posait le

22 fonctionnement des unités spéciales qui exécutaient sélectivement mes

23 ordres, c'est-à-dire qui exécutaient mes ordres selon les modalités qui

24 leur convenaient, sans que j'ai la moindre possibilité d'influer sur ces

25 unités spéciales, et j'ai proposé que ces unités spéciales, comme la

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1 police militaire, soient placées sous mes ordres directs ou qu'elles

2 soient réorganisées, restructurées et qu'une unité différente soit créée

3 qui serait placée sous le commandement direct du commandement de la zone

4 opérationnelle de Bosnie centrale.

5 A l'issue de cette rencontre, j'ai demandé au chef de l'état-

6 major principal de me permettre de rendre visite à ma famille. J'ai reçu

7 cette autorisation, je me suis donc rendu auprès de mon épouse et de mon

8 fils en Autriche, à Kapfenberg, où mon fils se trouvait chez des parents

9 de mon épouse et mon épouse y était aussi pour un certain temps, mon fils

10 étant déjà inscrit à l'école maternelle en Autriche.

11 M. Nobilo (interprétation). - Jusqu'à quand y êtes-vous resté ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Je suis resté en Autriche

13 jusqu'au 27 septembre. J'en suis rentré le 28 septembre, je suis donc

14 rentré à Citluk le 28 septembre et j'ai attendu qu'un hélicoptère puisse

15 me ramener en Bosnie centrale, c'est-à-dire à Vitez.

16 Dans cette période, j'ai eu encore une rencontre avec le chef de

17 l'état-major principal au cours de laquelle j'ai appris que depuis

18 plusieurs mois le poste de commandement du quartier général principal du

19 HVO fonctionnait à Kiseljak et que le groupe opérationnel de Kiseljak

20 avait désormais un lien direct avec le quartier général du HVO après ce

21 transfert.

22 J'ai posé des questions liées à la logistique et j'ai compris

23 que, dans ces conditions, c'était l'aide maximale que je pouvais recevoir

24 pour défendre efficacement l'enclave de la Lasva.

25 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous êtes dans une enclave,

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1 vous êtes encerclés. Comment pouvez-vous obtenir une aide logistique dans

2 ces conditions ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Cette aide était parachutée,

4 c'est-à-dire que des hélicoptères devaient parachuter cette aide en volant

5 à très grande altitude. L'hélicoptère volait à une altitude de 3 500 à

6 4 000 mètres compte tenu de l'encerclement de la région par les forces de

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine et compte tenu de la présence de montagnes.

8 Dans ces conditions, une partie des parachutages arrivait dans les rangs

9 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et une autre partie de cette aide nous

10 arrivait au HVO.

11 Par la suite, un héliodrome improvisé a été créé qui a rendu

12 plus efficaces les parachutages, mais il n'était utilisable que de nuit et

13 il exigeait une très grande habileté de la part des pilotes, car

14 l'atterrissage des hélicoptères qui devaient descendre d'une altitude de

15 4 000 mètres jusqu'au sol était rendu très complexe notamment par les

16 opérations de l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine.

18 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous reçu à ce moment-là une

19 quelconque autorité sur les unités spéciales au cours de votre entretien

20 avec le général Praljak ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas reçu compétence ou

22 autorité sur les unités spéciales, mais le général Praljak m'a promis de

23 demander cette autorisation au ministère de la Défense. Il m'a dit qu'il

24 allait intervenir pour obtenir cette autorisation à mon profit.

25 M. Nobilo (interprétation). - Quand retournez-vous à Vitez ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Le 29 septembre 1993, je suis

2 rentré à Vitez par hélicoptère et j'ai eu un entretien avec l'homme qui me

3 remplaçait, M. Filip Filipovic, à l’hôtel Vitez.

4 Filip Filipovic m'a informé des événements survenus au cours de

5 mon absence. Il m'a dit que les positions de Zabrde avaient été perdues,

6 je parle des positions du HVO. Il m'a dit qu'à Stari Vitez, le

7 26 septembre 1993, une organisation humanitaire était venue en tournée

8 avec des équipes de journalistes dans les secteurs contrôlés par l'armée

9 de Bosnie-Herzégovine.

10 Le responsable de la sécurité de l'usine d'explosifs a interdit

11 l'accès à l'usine après cela, car il n'avait pas obtenu de cigarettes à

12 distribuer à ses soldats. C'était donc une décision personnelle de ce

13 commandant. J'ai appris qu'un conflit avait éclaté entre l'assistant

14 chargé de la sécurité, M. Sliskovic, et le suppléant du chef du centre de

15 sécurité, M. Kraljevic, et que des coups de feu avaient été tirés à Vitez.

16 M. Nobilo (interprétation). - Ce Kraljevic est Darko Kraljevic,

17 commandant des Vitezovi ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Filip Filipovic m'a appris

19 que des coups de feu avait été tirés à Vitez et que M. Dario Kordic,

20 M. Ignac Kostroman, et l'assistant chargé de la sécurité,

21 M. Ante Sliskovic étaient avec M. Kraljevic à ce moment-là, mais qu'ils

22 n'avaient pas pu quitter Vitez. Ils avaient été arrêtés.

23 En fait, c'est seulement après un appel de M. Mate Boban que ces

24 hommes ont été libérés car Mate Boban a donné l'ordre formel à

25 M. Kraljevic de libérer M. Dario Kordic, M. Ignac Kostroman et

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1 M. Ante Sliskovic. Cela étant, Darko Kraljevic a interdit à ces trois

2 hommes de revenir dans la ville de Vitez.

3 M. Nobilo (interprétation). - Général, vous dites que

4 Darko Kraljevic a fait arrêter Dario Kordic. Pouvez-vous dire aux Juges

5 quelles étaient les fonctions de Dario Kordic en 1993 en

6 Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Il était vice-Président de la

8 communauté..., du HDZ pour la Bosnie centrale et il était vice-Président

9 de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Pour autant que je le sache,

10 c'étaient ses deux fonctions.

11 M. Nobilo (interprétation). - Cela signifie-t-il que

12 Dario Kordic était le suppléant de Mate Boban ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

14 M. Nobilo (interprétation). - Quelles étaient les fonctions

15 d'Ignac Kostroman en 1993, le deuxième homme placé en état d'arrestation

16 par Darko Kraljevic ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Il était secrétaire général du

18 HDZ, pour autant que je le sache. Il avait occupé ce poste dès 1992, donc

19 en 1992 et 1993 il était secrétaire général du HDZ.

20 M. Nobilo (interprétation). - Uniquement pour l'Herceg-Bosna ou

21 pour la Bosnie-Herzégovine ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Au niveau de l'Etat de Bosnie-

23 Herzégovine.

24 M. Nobilo (interprétation). - Et le troisième homme que

25 Darko Kraljevic a fait arrêter avant de l'expulser de Vitez ou de lui

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1 interdire le retour à Vitez, c'était M. Ante Sliskovic. Quelles étaient

2 ses fonctions ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Il était assistant chargé de la

4 sécurité au niveau de la

5 zone opérationnelle de Bosnie centrale.

6 M. Nobilo (interprétation). - Et le chef du SIS, c'était lui ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il était le chef du SIS, du

8 service de sécurité pour la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

9 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que Mate Boban

10 était intervenu pour obtenir la remise en liberté de ces trois hommes ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Oui, pour obtenir la remise en

12 liberté de ces trois hommes, pour que ces trois homme soient autorisés à

13 quitter la ville de Vitez, M. Mate Boban est intervenu.

14 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si quelque chose est

15 arrivé à Darko Kraljevic par la suite ? S'il a été arrêté, s'il a été jugé

16 pour avoir mis en état d'arrestation ces trois fonctionnaires de rang très

17 élevé dans la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

19 n'a pas été jugé et il n'y a pas eu de poursuites contre lui en raison de

20 cet acte.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Peut-être que mes pensées se

22 sont un peu perdues, Général. Je vous dis cela au cas où vous auriez déjà

23 fourni les explications que je suis en train de vous demander, mais

24 pourriez-vous nous dire : à l'époque, avez-vous compris pourquoi

25 Darko Kraljevic a arrêté ces trois hommes, Kordic et les autres ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, à ce moment-là

2 je venais d'arriver d'Herzégovine et c'est mon suppléant qui m'a informé

3 de cela. Je n'avais à ce moment-là aucune connaissance et je n'en ai

4 aucune aujourd'hui quant au motif d'un tel comportement, je ne sais pas

5 pourquoi il a agi de la sorte.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.

7 M. le Président. - Pendant les trois jours où vous étiez en

8 Autriche, personne ne vous parlait de votre commandement ? Vous n'aviez

9 même pas de relations téléphoniques ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, pendant

11 ces trois jours, mon suppléant me remplaçait. Je n'ai pas établi de

12 contacts avec mon commandement parce que j'étais en visite dans ma

13 famille. Non, je n'ai établi aucun contact.

14 M. le Président. - Même dans votre famille, en pleine guerre,

15 comme cela, vous ne dites pas : "S'il y a quelque chose d'urgent,

16 avertissez-moi !" ? Je ne sais pas, par exemple si on vous avait remplacé,

17 il y avait quand même des choses urgentes à décider. Non ? Vous partez

18 trois jours sans problème ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne suis

20 jamais parti sans laisser tous les numéros de téléphone à mon suppléant,

21 numéros de téléphone qu'il pouvait composer pour m'appeler. Cela n'est

22 jamais arrivé. Au tout moment, mon suppléant avait la possibilité -bien

23 entendu, si la possibilité existait matériellement-, mais il savait en

24 tout cas où j'étais.

25 M. le Président. - Vous me rassurez parce que vous vous êtes

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1 présenté tout à l'heure comme étant un soldat professionnellement très

2 accompli. J'étais un peu étonné que vous puissiez quitter une guerre,

3 comme cela, qui se déroule.

4 Maintenant, je me pose la question de savoir si vraiment votre

5 suppléant a bien fait son travail de ne pas vous avertir alors que, quand

6 même, Dario Kordic, Ignac Kostraman et Ante Sliskovic sont arrêtés. C'est

7 quand même un événement qui n'est pas rien, cet événement. Il ne vous a

8 pas averti ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, il a

10 prévenu le chef d'état-major principal et M. Mate Boban. C'est sans doute

11 pour cela que M. Boban est intervenu, mais moi, personnellement, il ne m'a

12 pas informé au moment où la chose s'est passée.

13 M. le Président. - Bien, merci.

14 M. Nobilo (interprétation). - Général, si vous aviez été prévenu

15 par lui, auriez-vous pu donner l'ordre à Darko Kraljevic de libérer

16 Dario Kordic ?

17 M. Blaskic (interprétation). - J'aurais pu émettre un tel ordre,

18 mais y compris après l'ordre émanant de M. Mate Boban, Darko Kraljevic a

19 ordonné à Dario Kordic de ne plus jamais revenir à Vitez. C'était sa

20 réaction à l'ordre de M. Mate Boban, et nous constatons que

21 Darko Kraljevic n'a pas non plus exécuté complètement l'ordre de

22 M. Mate Boban.

23 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il une différence entre

24 votre autorité sur Darko Kraljevic et l'autorité de Mate Boban sur

25 Darko Kraljevic ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Cette différence était énorme.

2 Moi, j'avais un grade égal, équivalent à celui de M. Darko Kraljevic.

3 Donc, entre M. Mate Boban et moi, il y avait une très grande différence du

4 point de vue de l'autorité.

5 M. Nobilo (interprétation). - Au profit de qui ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Au profit de M. Mate Boban.

7 M. Nobilo (interprétation). - Estimez-vous que le colonel

8 Filip Filipovic a bien agi en ne vous appelant pas, vous, en Autriche,

9 mais en appelant M. Mate Boban à Grude ou à Mostar ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Il aurait été bon que

11 M. Filip Filipovic m'appelle moi aussi pour au moins me faire savoir ce

12 qui se passait, mais il s'est sans doute rendu compte que son pouvoir à

13 régler le problème était identique au mien, et il a sans doute voulu

14 régler le problème le plus rapidement possible. C'est pourquoi il a appelé

15 le chef d'état-major principal et M. Mate Boban. Mais il aurait été bon

16 que je sois informé également pour au moins être au courant de ce qui se

17 passait.

18 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien, poursuivons. Avez-vous eu

19 plus tard des rencontres avec les représentants de la Forpronu ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Oui. L'après-midi, sans doute,

21 j'ai eu une rencontre avec le colonel Duncan et le colonel Williamson qui

22 a été présenté comme le nouveau commandant du Bataillon britannique de la

23 Forpronu, dont le siège était à Nova Bila.

24 Lors de cette rencontre, nous avons discuté de question

25 d'affaires courantes. Il s'agissait davantage d'une visite de courtoisie

Page 18804

1 que de quoi que ce soit d'autre, car c'était la première fois que je

2 rencontrais le colonel Williamson. Les questions abordées ont porté

3 également sur les difficultés de passage d'un convoi dirigé vers

4 Stari Vitez-Kruscica.

5 En parlant de difficultés, je pense au comportement de civils

6 croates qui exprimaient des doutes quant au fait que ces convois

7 transportaient peut-être des munitions destinées à l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine. Ces civils croates exigeaient qu'un de leurs représentants

9 participe au contrôle du contenu de ces convois, contrôle qui pouvait

10 s'effectuer en quelque endroit que ce soit.

11 Ensuite, le colonel Williamson s'est intéressé à la situation à

12 Zepce, à Kiseljak, à Vares, et j'ai dit que j'avais des relations

13 sporadiques avec ces endroits, des informations parcellaires, mais que je

14 n'avais pas de renseignements complets au sujet de la situation dans ces

15 enclaves, que je ne connaissais pas parfaitement bien tous les événements.

16 Nous avons parlé de l'électricité parce que Vitez n'avait pas

17 d'électricité généralement, à ce moment-là. Nous avons aussi parlé de

18 l'adduction d'eau qui était insuffisante à Vitez et plus particulièrement

19 à l'hôpital, et nous avons parlé du problème que posait l'évacuation des

20 blessés de l'église-hôpital. Dans l'après-midi, j'ai encore, après cette

21 rencontre, reçu des informations provenant du quartier général principal,

22 informations qui portaient sur nos positions au nord de la ville de Vitez,

23 sur le front.

24 L'assistant chargé de l'information m'a également appris que des

25 rumeurs circulaient à Vitez, des rumeurs émanant de M. Darko Kraljevic

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1 quant au fait que la Bosnie centrale serait vendue et qu'il n'y avait plus

2 de raisons de rester en Bosnie centrale et de se battre pour y rester.

3 M. Nobilo (interprétation). - Ces rumeurs selon lesquelles la

4 Bosnie centrale aurait été vendue... Vendue par qui ? Dans quel but ?

5 Pouvez-vous donner quelques détails à ce sujet ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Il s'agissait de rumeurs qui

7 couraient en Bosnie centrale. Il était question du fait qu'il y aurait des

8 échanges de territoires, que Mostar appartiendrait à l'Herzégovine et aux

9 Croates et que la Bosnie centrale appartiendrait aux Musulmans bosniens,

10 qu'il n'y avait donc aucune raison de se battre pour essayer de maintenir

11 sa présence dans l'enclave de la Lasva puisqu'en fin de compte toute la

12 région tomberait aux mains de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

13 M. Nobilo (interprétation). - Ces rumeurs, quel était leur effet

14 sur le moral de vos combattants ? Ont-elles eu un effet sur leur moral ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Bien sûr, elles ont eu un effet

16 sur le moral des soldats, elles ont négativement influé sur la confiance

17 qu'ils avaient parce que, quand on meurt au quotidien, on peut se demander

18 pourquoi on accepterait ces morts quotidiennes, pourquoi on accepterait de

19 défendre un territoire si le territoire en question doit tomber entre les

20 mains de l'attaquant, de l'agresseur. Pourquoi se battre ? A quoi cela

21 sert-il ?

22 Nous avons eu des difficultés d'ailleurs à stabiliser la

23 situation et à éliminer ces rumeurs en montrant qu'elles étaient

24 infondées.

25 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que vous savez comment

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1 Darko Kraljevic pouvait affirmer qu'il avait des informations que vous

2 n'aviez pas ?

3 M. Blaskic (interprétation). - En tant que commandant d'une

4 unité spéciale, il avait un rôle important, il était également chef du

5 centre de sécurité, il avait donc des fonctions doubles qui étaient

6 importantes. Il dépendait directement du ministère de la Défense dans ses

7 capacités de chef du service de sécurité notamment, et il était donc sans

8 doute mieux informé, bien que je ne sache pas du tout sur quelle base il

9 fondait ses affirmations, quelle en était la source.

10 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

11 M. Blaskic (interprétation). - Le 29 septembre 1993,

12 M. Ivan Budimir, assistant chargé de la sécurité au sein du 1er Bataillon,

13 a été tué. C'est une personne non identifiée qui l'a tué, mais M. Budimir

14 était très connu comme un homme qui s'opposait très activement à la

15 criminalité et aux responsables de la criminalité dans son rôle

16 d'assistant chargé de la sécurité.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais M. Budimir, est-ce bien

18 Ivan Budimir, est-il bien le même Budimir que celui dont nous avons parlé

19 au début de votre déposition, lorsqu'il a fait rapport au sujet de la

20 situation prévalant à la fin de 1992 et au début de 1993 en disant que des

21 unités d'Herzégovine avaient attisé les conflits inter ethniques entre

22 Croates et Musulmans ? Est-ce bien le même homme ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui, c'est l'assistant chargé de

24 la sécurité au sein du 1er Bataillon de la brigade de Vitez.

25 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

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1 M. Blaskic (interprétation). - Le 30 septembre 1993, j'ai

2 demandé à l'assistant chargé de la sécurité de me faire un rapport au

3 sujet de l'enquête relative au crime d'Ahmici. Il m'a appris que le

4 dossier complet relatif aux crimes commis à Ahmici avait été transmis à la

5 direction de la sécurité, que je n'avais plus à m'en occuper parce que la

6 direction de la sécurité avait repris la totalité du dossier entre ses

7 mains.

8 Darko Kraljevic, au cours de cette même journée, a tiré à peu

9 près 600 projectiles d'une arme lourde et le chef du centre de sécurité

10 qui dépendait de lui avait pris le contrôle de l'usine d'explosifs et

11 interdit l'accès à cette usine d'explosifs à tout le monde, y compris à

12 moi, en annonçant qu'à partir du 30 septembre le centre de sécurité

13 reprenait l'usine d'explosifs, en reprenait le contrôle.

14 M. Nobilo (interprétation). - Général, pouvez-vous nous dire

15 quel est le nom du chef du centre de sécurité supérieur de

16 M. Darko Kraljevic ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Il s'appelle Miso Mijic.

18 M. le Président. - Avant de terminer, j’aimerais vous poser deux

19 questions, Général Blaskic. L'enquête d'Ahmici : on vous dit que vous

20 n'avez plus à vous en occuper, vous vous inclinez, vous dites : "Je ne

21 m'en occupe plus". Vous êtes donc un soldat discipliné. Vous êtes

22 d'accord ?

23 M. Blaskic (interprétation). - A ce moment-là, Monsieur le

24 Président, quand on m'a dit que l'affaire était réglée et que les noms des

25 auteurs potentiels avaient été transmis au centre de sécurité...

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1 M. le Président. - Je vous pose la question de savoir quelles

2 sont les conclusions de cette enquête, si j'ai bien compris.

3 M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé à l’assistant chargé

4 de la sécurité si le dossier était complet, s'il comportait les noms.

5 M. le Président. - J'ai compris, et ce n'est pas ma question. Je

6 crois que ce n'est pas la peine de poursuivre. J'ai compris que vous ne

7 vous en occupiez plus. C'est bien cela ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je m'en

9 suis occupé dans la dernière période.

10 M. le Président. - Oui, jusque-là vous estimez que ce n'est pas

11 dans votre chaîne de commandement.

12 La deuxième observation mais qui rejoint la première, c'est par

13 rapport à Darko Kraljevic : vous vous montrez un soldat parfaitement

14 discipliné sur la chaîne de commandement s'agissant d'Ahmici. Vous nous

15 avez expliqué à différents moments, depuis plusieurs jours, que ce n'est

16 pas votre chaîne de commandement, que cela ne dépend pas de vous. Et

17 d'ailleurs, au final, c'est bien la conclusion que vous en tirez.

18 Le 30 septembre 1993, on vous dit : "Un rapport est fait, vous

19 ne vous en occupez plus". Et comme vous êtes un soldat discipliné, vous

20 dites "Je ne m'en occupe plus, ce n'est pas dans ma chaîne de

21 commandement".

22 Alors la question que je vous pose, c'est par rapport à

23 Darko Kraljevic. Voilà quand même un homme qui, dans les quelques jours

24 qui viennent d'être posés, commet à nouveau une incartade militaire, une

25 indiscipline militaire puisqu'un de ses adjoints projette des projectiles

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1 sur une usine. Nous sommes d'accord, c'est bien ce que vous nous avez dit,

2 c'est un de ses adjoints ? Je crois que c'est cela ? J'ai cru comprendre

3 qu'on tire 600 projectiles d'armes lourdes. C'était sur quoi ? Je me suis

4 trompé, peut-être.

5 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est lui

6 qui a tiré, dans les rues de la ville, 600 projectiles.

7 M. le Président. - Oui, c'est bien ce que je vous dis. Je fais

8 le lien entre deux façons de voir la chaîne de commandement. Quand c'est

9 vous qui êtes subordonné, vous êtes un soldat particulièrement discipliné.

10 A tel point que pour Ahmici, quand on vous dit que c'est la sécurité

11 militaire, vous nous montrez l'organigramme : "C'est la sécurité

12 militaire, je ne m'en occupe plus".

13 Mais alors, s'agissant de Kraljevic, voilà quand même quelqu'un

14 qui vient interférer dans votre zone de commandement, et non seulement il

15 interfère dans les opérations en projetant 600 projectiles d'armes lourdes

16 au moment même où vous êtes dans une situation extrêmement complexe sur le

17 plan militaire, mais deuxièmement il démoralise vos troupes en faisant

18 courir le bruit que la Bosnie va être soldée.

19 Alors la question que je vous pose, -vous venez de voir le

20 général Praljak, c'est un nouveau chef d'état-major-, est-ce que vous lui

21 dites : "Maintenant c'est fini, ou vous gardez Kraljevic ou je

22 démissionne" ? Est-ce que cela vous vient à l'idée de dire cela ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

24 informé le chef d'état-major principal, avant tout de ce que j'étais

25 parvenu à faire dans le cadre de la réorganisation de la police militaire.

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1 Je lui ai dit que je demandais que le même modèle soit appliqué aux unités

2 spéciales, y compris donc Darko Kraljevic. Mais Darko Kraljevic n'était

3 pas seulement commandant de cette unité spéciale, il avait été promu dans

4 la hiérarchie car il était le suppléant du chef du centre de sécurité sur

5 lequel je n'avais absolument aucune compétence. Donc Darko Kraljevic

6 occupait deux fonctions distinctes et toutes aussi importantes dépendant

7 du ministère de la Défense.

8 Oui, j'ai présenté cette demande mais, Monsieur le Président,

9 ces incidents ne se sont pas produits avant mon départ, auquel cas

10 j'aurais pu réagir. Mais ces informations m'ont été transmises à mon

11 retour en ville par l'assistant chargé de la sécurité. Tout ce que j'ai

12 appris, je l’ai transmis, je l'ai fait savoir au chef d'état-major

13 principal et j'ai préconisé la restructuration des unités spéciales et la

14 constitution d'une brigade des gardes qui me serait directement rattachée.

15 M. le Président. - J'ai quand même l'impression qu'au fond vous

16 vous inclinez toujours quand il y a une chaîne de commandement au-dessus

17 de vous quelle que soit la situation. Est-ce que je peux interpréter cela

18 comme cela ?

19 A partir du moment où vous avez un chef au-dessus de vous, je

20 vois peut-être Me Hayman n'a pas bien compris, est-ce que je peux en

21 conclure que chaque fois vous vous trouvez dans une situation où vous êtes

22 dans une chaîne de commandement et qu'au-dessus de vous, on vous dit :

23 "C'est ainsi parce que vous êtes subordonné", vous vous inclinez quelles

24 que soient les situations ?

25 M. Blaskic (interprétation). - J'avais du respect pour chacun

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1 mais, Monsieur le Président, lorsque j'ai reçu ces informations relatives

2 à la sécurité et notamment les informations relatives au crime d'Ahmici,

3 je n'ai pas cessé d'essayer de savoir si, oui ou non, une enquête avait

4 été diligentée.

5 M. le Président. - C'est tout pour moi. Est-ce qu’il y a

6 d’autres questions ?

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, cet assistant

8 chargé de la sécurité était votre supérieur, votre subordonné, ou

9 occupait-il une position équivalente à la vôtre ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, il était

11 directement subordonné au service de sécurité et, par rapport à moi, il

12 répondait à des besoins. Je pouvais donc lui demander certaines choses,

13 mais il dépendait verticalement sur l'organigramme du service de sécurité,

14 du centre de sécurité de Mostar, de la direction de ce centre. Et il est

15 bien entendu que la direction chargée de la sécurité avait prééminence sur

16 mes demandes.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Une dernière question : je

18 crois comprendre que vous avez estimé que les rumeurs répandues par

19 Darko Kraljevic eu égard à un échange de territoire potentiel étaient sans

20 fondement. Vous êtes-vous fait une idée des raisons pour lesquelles

21 Darko Kraljevic diffusait ces rumeurs ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, je me suis

23 efforcé de maintenir chez les soldats la volonté de se battre et de se

24 défendre considérant que ces rumeurs étaient sans fondement. Mais,

25 Monsieur le Juge, je ne sais pas d’où Darko Kraljevic avait pris ces

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1 informations parce que, du point de vue hiérarchique, entre

2 Darko Kraljevic et moi il y avait une grande différence.

3 Au-dessus de Darko Kraljevic, il y avait le ministère de la

4 Défense, et ce à deux titres : en tant que commandant d'une unité

5 spéciale, il dépendait du ministère de la Défense ; en tant que

6 responsable du service d'information et de sécurité, il relevait également

7 du ministère de la Défense alors que moi je relevais de l'état-major

8 principal.

9 Je ne suis jamais parvenu à définir si, oui ou non, ces rumeurs

10 étaient fondées, mais dans les circonstances j'ai estimé qu'elles

11 n'étaient pas fondées, compte tenu des priorités qui étaient les nôtres.

12 M. le Président. - Demain, nous reprenons à 9 heures demain

13 matin. L'audience est levée.

14 L'audience est levée à 17 heures 40.

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