Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi 26 mars 1999

4

5 L'audience est ouverte à 11 heures 30.

6 M. le Président. - Monsieur le Greffier, pouvez-vous faire

7 entrer le témoin, si toutefois il est arrivé ?

8 Je salue les interprètes qui doivent être prêts depuis un

9 moment, je suppose. Il m'appartient de présenter les excuses de

10 l'institution tout entière pour ce retard qui est imputable à des

11 circonstances tout à fait extérieures et j'espère que, pour le témoin,

12 cela n'a pas été trop perturbant.

13 Sur ces entrefaites, je vous propose de ne pas changer notre fin

14 d'audience à 13 heures 30 mais, peut-être, en accord avec la défense, nous

15 pourrions nous limiter à une seule pause de vingt minutes dans une heure

16 environ. Sommes-nous d'accord ?

17 M. Nobilo (interprétation). - Oui.

18 M. le Président. - Le général Blaskic serait-il d'accord sur

19 cette façon de faire, c'est-à-dire que nous siégerons jusqu'à

20 12 heures 30, nous ferions une pause de vingt minutes et, ensuite, nous

21 arrêterions à 13 heures 30 pour ne pas prolonger, comme je l'avais dit à

22 un moment donné pensé, mais pour en rester à 13 heures 30. Cela vous

23 conviendrait ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Merci

25 de m'avoir posé la question.

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1 M. le Président. - Dans ces conditions, Maître Nobilo, nous

2 reprenons nos travaux.

3 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

4 Général, hier, nous en sommes arrivés à la fin du mois de

5 septembre et je vous prierai de bien vouloir nous parler à présent des

6 événements survenus au cours du mois d'octobre 1993.

7 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président,

8 Messieurs les Juges, le 1er octobre 1993, j'ai donné des instructions à

9 l'assistant chargé du personnel au sein du commandement de la zone

10 opérationnelle en lui demandant de préparer et de mettre à jour la

11 documentation nécessaire à toutes les nominations, à tous les octrois de

12 poste qu'il convenait d'examiner avant de les transmettre au ministère de

13 la Défense de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

14 Au début du mois d'octobre déjà, nous avons eu des problèmes dus

15 au fait que des soldats abandonnaient leur poste sur la ligne de front, et

16 la police militaire s'est engagée à arrêter ces soldats qui abandonnaient

17 de leur propre chef les lignes de défense contre l'armée de Bosnie-

18 Herzégovine.

19 Au cours de la journée, j'ai reçu des informations de

20 l'assistant chargé de la sécurité selon lesquelles les responsables des

21 troubles dans l'enclave de la Lasva étaient pour l'essentiel des personnes

22 déplacées et en majorité des réfugiés de Zenica.

23 J'ai informé mes collaborateurs également de la visite du chef

24 de l'état-major principal et je leur ai appris les détails des questions

25 dont j'avais discuté avec le chef de l'état-major principal, en soulignant

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1 plus particulièrement la question des commandements multiples et de la

2 responsabilité unique au sein du commandement de la zone opérationnelle de

3 Bosnie centrale.

4 J'ai également reçu des informations du chef d'état-major

5 principal selon lesquelles le poste de commandement du quartier général

6 principal du HVO avait été déplacé à Kiseljak pour être installé dans

7 l'ancien siège du groupe opérationnel n 2.

8 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, je vous prie. Pouvez-

9 vous dire aux Juges

10 ce que signifie le déplacement du poste de commandement du quartier

11 général ? Qui a effectué ce déplacement, ce transfert et quelles en ont

12 été les conséquences eu égard au commandement ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, le déplacement du poste

14 de commandement de l'état-major à Kiseljak signifie un commandement direct

15 à partir du groupe opérationnel n °2 de Kresevo de certaines parties de la

16 municipalité de Fojnica et de certaines parties de la municipalité de

17 Vares. A ce poste de commandement séjournaient, en principe, soit le

18 suppléant du chef d'état-major principal, soit un officier de haut rang du

19 quartier général choisi par le chef d'état-major du HVO et donc à qui le

20 chef d'état-major du HVO demandait de demeurer à ce poste de commandement.

21 Dans la filière de commandement, cela signifiait que les ordres

22 émanaient directement du groupe opérationnel n °2 situé à Kiseljak et que

23 ces ordres étaient les ordres du quartier général principal du HVO.

24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez reçu les premières

25 informations au sujet de la création d'un poste de commandement distinct à

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1 Kiseljak, vous les avez reçues déjà à la fin du mois de septembre, mais

2 que vous a-t-on dit quant à l'antériorité de l'existence de ce poste de

3 commandement ?

4 M. Blaskic (interprétation). - On m'a dit que ce poste de

5 commandement existait déjà depuis plusieurs mois. C'est ce que m'a dit le

6 chef d'état-major principal du HVO. Il m'a dit que ce poste de

7 commandement fonctionnait déjà depuis plusieurs mois, et il m'a dit cela à

8 la fin du mois de septembre. En tout cas, il m'a dit qu'il était certain

9 que ce poste fonctionnait déjà depuis au moins un mois.

10 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce le seul poste de

11 commandement de l'état-major principal déplacé à ce moment-là ou en

12 existait-il d'autres ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait des postes de

14 commandement déplacés, il y

15 en avait un à Prozor, mais c'était une autre zone de responsabilité.

16 C'était la zone de responsabilité du nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine.

17 Peut-être en existait-il aussi ailleurs, mais je ne suis pas au courant.

18 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

19 M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu une information rapide

20 de la part du commandant de la brigade Nikola Subic Zrinjski selon

21 laquelle, au cours du mois de septembre 1993, une enquête disciplinaire

22 avait été engagée contre un certain nombre de personnes, c'est-à-dire

23 contre 60 soldats, et que dans la zone de responsabilité de la brigade

24 Nikola Subic Zrinjski s'étaient produits à peu près six événements

25 extraordinaires.

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1 J'ai été informé par la brigade de Vitez que les pertes humaines

2 sur la ligne de front étaient énormes et que le commandant de la brigade

3 n'avait plus d'hommes pour compléter ces unités. Il m'a donc proposé que

4 des femmes soient engagées pour remplacer les hommes en âge de combattre

5 qui occupaient des fonctions non liées au combat de façon à pouvoir

6 envoyer les hommes remplacés par ces femmes sur les lignes de front de

7 Vitez.

8 Il m'a dit également que les soldats quittaient les lignes de

9 front en grand nombre et m'a dit que des tireurs embusqués de l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine opéraient à partir de Stari Vitez en tirant sur le

11 centre même de Vitez. Dans l'après-midi, je suis allé visiter les soldats

12 à Nova Bila et j'ai reçu d'autres informations du commandant du centre

13 d'entraînement de Nova Bila au sujet de la situation du point de vue de

14 l'entraînement des soldats, des recrues.

15 Le 2 octobre 1993, dans l'après-midi, un incident s'est produit

16 à Vitez, incident au cours duquel le passage a été interdit à une

17 patrouille de l'ECMM. Quatre membres de l'ECMM se trouvaient dans le

18 véhicule concerné et des coups de feu ont été tirés, des coups de feu

19 d'avertissement contre cette patrouille de la mission d'observation

20 européenne.

21 Une fois que j'ai appris l'existence de cet incident, j'ai

22 demandé une enquête et j'ai reçu un rapport écrit de l'assistant chargé de

23 la sécurité qui m'informait que cet acte avait été commis par des membres

24 des Vitezovi et les noms des hommes concernés étaient Josip

25 Goran Mezugorac et Slaven Kraljevic.

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1 J'ai demandé au commandant de l'unité des Vitezovi,

2 M. Darko Kraljevic, de venir me voir. Je l'ai convoqué et je lui ai

3 demandé de prendre des mesures disciplinaires contre les auteurs de cet

4 incident et de m'informer au sujet des mesures disciplinaires qui seraient

5 prises.

6 J'ai informé de l'existence de cet incident par écrit le chef

7 d'état-major principal du HVO également et je sais que l'assistant chargé

8 de la sécurité a, lui aussi, envoyé un rapport à la direction de la

9 sécurité.

10 M. le Président. - Qu'est-ce que vous répond Darko Kraljevic

11 dans ce cas-là ? Parce que je crois me souvenir qu'il vous avait dit qu'il

12 était indépendant de vous. Vous dites : "J'ai appelé le commandant des

13 Vitezovi, M. Darko Kraljevic". Il vous répond : "Je suis indépendant et

14 laisse-moi tranquille", ou est-ce qu'il vous dit : "Oui, je vais faire

15 l'enquête et je vais prendre les mesures disciplinaires" ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, lorsque

17 j'ai obtenu les résultats de l'enquête, c'est moi qui lui ai dit que ces

18 soldats étaient les auteurs de cet incident. J'ai demandé que des mesures

19 disciplinaires soient prises et que lui prenne ces mesures. Il m'a dit

20 qu'il allait le faire. Mais, je n'ai pas reçu de lui la moindre

21 information quant aux mesures qui auraient pu être prises et moi j'ai

22 informé le chef d'état-major de cet état de fait.

23 M. le Président. - Merci. Poursuivez.

24 M. Nobilo (interprétation). - Slaven Kraljevic est l'un des

25 auteurs de cet incident, est-il apparenté à Darko Kraljevic, le commandant

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1 des Vitezovi ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'était son frère.

3 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

4 M. Blaskic (interprétation). - Dans les jours qui ont suivi le

5 6 octobre 1993 en particulier, l'armée de Bosnie-Herzégovine s'est emparée

6 de la totalité du mont de Zabrde et de tous les versants jusqu'à une

7 position qui s'appelle Jelin Skok. Ce faisant, elle a rendu absolument

8 impossible l'atterrissage des hélicoptères ayant pris le contrôle de tout

9 le secteur.

10 Au cours de la journée du 6 octobre, j'ai été informé une

11 nouvelle fois par le service de renseignements militaires du fait que

12 l'armée de Bosnie-Herzégovine allait continuer ses attaques contre Vitez

13 tant qu'elle ne se serait pas emparé de tout le territoire de la

14 municipalité de Vitez. Au cours de cette même journée du 6 octobre, j'ai

15 envoyé une information écrite au chef de l'état-major principal du HVO

16 dans laquelle je traitais des problèmes que posaient les rapports entre le

17 chef du centre de sécurité et l'assistant chargé de la sécurité.

18 Et par écrit, j'ai demandé au chef de l'état-major principal de

19 résoudre ce problème le plus rapidement possible et je l'ai prié que le

20 règlement du problème soit réalisé avant le 8 octobre 1993. J'ai ensuite

21 demandé au responsable opérationnel qu'il me prépare un bref document dans

22 lequel seraient repris tous les ordres que j'avais adressés à la police

23 militaire au cours du mois de septembre, de façon à me permettre d'avoir

24 une vision très claire des tâches qui avaient été exécutées et des

25 demandes qui avaient été faites par le commandant de la police militaire

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1 dans le courant du mois de septembre.

2 M. Nobilo (interprétation). - Arrêtons-nous un instant, je vous

3 prie. Marinko Palavra a été nommé à son poste aux alentours du 4 août,

4 Marinko, pas Marko, Marinko Palavra. Il a donc été nommé au poste de

5 commandant. Pouvez-vous expliquer rapidement aux Juges de quelle façon

6 vous avez entrepris la réorganisation de la police militaire ? Quelles

7 sont les décisions que vous avez prises, les actions que vous avez

8 accomplies dans ce sens ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, il y avait une

10 difficulté à savoir que Marinko Palavra était un homme qui n'accomplissait

11 pas ses devoirs de policier militaire. Il est vrai que, par le passé, il

12 avait commandé une unité civile, une unité de la police civile. Il m'a

13 donc fallu consacrer pas mal de temps à reprendre tous les règlements

14 policiers relatifs à

15 l'armée ancienne pour en instruire Marinko Palavra.

16 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, quelles étaient ses

17 fonctions, sa profession avant la guerre ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges, Marinko Palavra était professeur d'éducation

20 physique. Il était représentant national de la Bosnie-Herzégovine dans des

21 compétitions de judo et il dirigeait également une école primaire. Il

22 était le principal d'une école primaire, je crois, dans la municipalité de

23 Travnik. Donc il n'avait pas grand rapport avec l'armée en dehors du fait

24 qu'il avait fait son service militaire comme tous les hommes aptes à le

25 faire.

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1 Je l’ai donc informé, j'ai essayé de le former aux

2 responsabilités d'un commandant de bataillon. Je lui ai fourni les

3 informations dont je disposais et je lui ai accordé le temps nécessaire

4 pour lui permettre d'examiner la situation et de faire le plus rapidement

5 possible des propositions eu égard à la réorganisation de la police

6 militaire.

7 Après cela, nous avons avancé pas à pas dans la mise en place

8 des commandements de bataillons, dans le choix des commandants de

9 compagnies, dans la structure, dans la structuration des unités de la

10 police militaire. Agissant de la sorte, nous nous sommes efforcé

11 d'intégrer à la police militaire des jeunes gens honnêtes qui, dans leur

12 grande majorité, se trouvaient sur les lignes de front. Donc, un des

13 critères prioritaires était leur honnêteté et le fait qu'ils n'aient pas

14 eu de casier judiciaire archivé dans les commissariats de police.

15 M. Nobilo (interprétation). - Mais qu'en était-il de ces hommes

16 qui avaient causé des troubles, qui avaient commis des actes de violence,

17 qui avaient un casier judiciaire et dont vous aviez établi l'identité

18 précédemment ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, là encore, nous avons

20 procédé pas à pas, c'est-à-dire que nous avons distingué parmi les hommes

21 de la police militaire et traité séparément ceux qui avaient un casier

22 judiciaire.

23 M. Nobilo (interprétation). - De quelle façon avez-vous

24 sélectionné les cadres destinés à la police militaire ? Comment avez-vous

25 obtenu des informations vous permettant de penser que tel ou tel homme

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1 était capable de remplir ces responsabilités ?

2 M. Blaskic (interprétation). - C'était la tâche que s'étaient

3 engagés à mener à bien Palavra et ses collaborateurs, c'est-à-dire que,

4 dans les villages ou dans les secteurs militaires, Palavra interrogeait à

5 ce sujet les commandants locaux de façon à savoir qui, sur les lignes de

6 front, pouvait devenir membre de la police militaire. Une liste

7 préliminaire a été établie dans ce sens, et ensuite Palavra avec ses

8 collaborateurs a vérifié sur la base de cette liste, si ces hommes dans

9 les postes de police de Vitez, Busovaca, Novi Travnik et pour partie au

10 commissariat de Travnik, c'est-à-dire là où fonctionnait le commissariat à

11 Nova Bila. Il a donc sur la base de cette liste vérifié que ces hommes

12 n'avaient pas de casier judiciaire.

13 Une fois cette vérification effectuée, Palavra sélectionnait ces

14 hommes pour rentrer dans la police militaire, même si ces jeunes gens

15 n'avaient jamais par le passé accompli la moindre mission liée à la police

16 militaire, y compris dans l'ancienne armée populaire yougoslave.

17 Après cela, j'accomplissais les tâches préparatoires nécessaires

18 et je procédais à la formation de ces hommes pour qu'ils soient aptes à

19 assurer leur mission au sein de la police militaire. Je le faisais avec

20 les commandants des compagnies et des bataillons.

21 M. Rodrigues. - Général Blaskic, avez-vous eu quelque rôle ou

22 participation dans le choix ou la nomination de Marinko Palavra comme

23 commandant de la police militaire ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge, j'ai joué

25 un rôle à cet égard, j'ai proposé son nom et j'ai reçu l'autorisation du

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1 chef d'état-major principal, pour que cette nomination soit réalisée.

2 C'est donc sur ma proposition qu'il a été nommé.

3 M. le Président. - Mais vous l'avez choisi, je suppose, ce n'est

4 pas uniquement pour ses qualités de professeur d'éducation physique ? Vous

5 aviez des raisons de le choisir ?

6 Appartenait-il au HVO, avait-il un rôle politique ? Vous voyez ma

7 question ? Vous avez tellement eu de difficultés avec la police militaire

8 que je suppose que le choix de Marinko Palavra a dû être très étudié par

9 vous.

10 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, il n'avait

11 absolument aucune fonction politique, mais je l'ai choisi et je l'ai

12 évalué à fond. Je l'ai interviewé deux fois, j'ai visité sa famille, il ne

13 savait pas à ce moment-là qu'il avait déjà été présélectionné et mon

14 assistant chargé du personnel est allé également sur le terrain pour

15 vérifier ses capacités. Mes critères principaux étaient son rapport

16 responsable par rapport aux hommes qui l'entouraient, son honnêteté, ses

17 habitudes personnelles et sa sincérité.

18 C'était un sportif, c'était un principal d'école primaire, il

19 avait des compétences pédagogiques indéniables, et je croyais qu'il

20 saurait donc travailler en collaboration avec d'autres. Mais c'est son

21 honnêteté qui était à mes yeux le critère le plus important. Il n'était

22 pas seulement un policier militaire, il n'était même pas un soldat dans

23 l'ancienne JNA.

24 M. le Président. - Merci.

25 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, une fois que vous avez

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1 choisi Mariko Palavra et au cours des mois qui ont suivi avant la

2 conclusion de l'accord de Washington….

3 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Maître, nous ne

4 recevons pas l'interprétation anglaise. Excusez-moi de vous avoir

5 interrompu, mais il conviendrait que vous répétiez votre question.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je vais la répéter. Après avoir

7 choisi Palavra en tant que commandant de la police militaire, et dans la

8 perspective d'aujourd'hui, entre le mois d'août et jusqu'au mois

9 de janvier 1994, quel est l'avis que vous exprimeriez sur les relations

10 qu'il a entretenues avec vous ? Comment appréciez vous sur le plan

11 militaire ses relations avec vous ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président,

13 Messieurs les Juges, eu égard

14 à ses rapports avec moi, il s'est montré correct, il a respecté les

15 rapports hiérarchiques de supériorité et d'infériorité. Il a eu un

16 comportement professionnel dans le cadre des missions qu'il a acceptées de

17 mener à bien.

18 Mais j'aimerais tout de même dire quelques mots de

19 l'environnement dans lequel il agissait car, en tant que commandant de la

20 police militaire, il avait pour tâche d'accomplir un certain nombre de

21 missions et, d'autre part, il avait pour tâche et pour devoir de créer

22 cette police militaire en collaboration avec moi.

23 Les responsabilités de la police militaire existaient donc

24 indépendamment de l'état de structuration de cette nouvelle police

25 militaire. Le front avait lui aussi ses exigences. Je pense donc, étant

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1 donné les circonstances de l'époque, qu’il a donné tout ce qu'il a pu

2 donner pour restructurer la police militaire et permettre à la police

3 militaire d'accomplir les tâches qui étaient les siennes.

4 Bien entendu, il était commandant dans une filière hiérarchique.

5 Il a mis en place une filière hiérarchique qui était beaucoup plus

6 efficace et il a contribué à améliorer la situation générale du point de

7 vue de la défense. Je pense qu'on ne peut qu'être reconnaissant du travail

8 qu'il a accompli.

9 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre. Que s'est-il

10 passé par la suite ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Dans le courant de la journée du

12 6 octobre, j'ai demandé à la police militaire d'enquêter également au

13 sujet de l'incident qui avait eu pour cible les représentants de la

14 mission des observateurs européens. Et, au cours de la journée, un autre

15 incident s'est produit, à savoir que des membres du SIS ont ouvert le feu

16 contre M. Zoran Maric, maire de la ville de Busovaca.

17 Là encore, j'ai demandé qu'une enquête soit menée et j'ai reçu

18 des informations selon lesquelles des membres du centre de sécurité

19 étaient en cause et qu'il était possible qu'une nouvelle unité ait été

20 constituée. Mais, ce jour-là, je n'ai pas eu confirmation du fait que

21 cette

22 nouvelle unité avait effectivement été créée.

23 Plus tard, j'ai appris qu'elle l'avait été, qu'elle s'appelait

24 Alpha et que ses effectifs comptaient 25 à 30 membres. Cette unité, tout

25 comme d'ailleurs le centre du SIS, était totalement indépendante du

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1 commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

2 J'ai demandé également à la police civile de Vitez de m'aider à

3 identifier les membres de cette unité parce que je n'avais aucune

4 information quant aux causes de la création de cette unité, ni à

5 l'identité de ses membres.

6 Le 8 octobre, j'ai eu une rencontre avec le commandant de la

7 police militaire, M. Palavra. Ensemble, nous avons examiné toutes les

8 questions liées à l'organisation, à l'encadrement de la police militaire,

9 ainsi qu'aux tâches de la police militaire, et à la possibilité pour la

10 police militaire d'accomplir ces tâches.

11 Le 9 octobre 1993, à Novi Travnik, nous avons vécu un événement

12 tragique au moment où un habitant de Novi Travnik est allé chercher de

13 l'eau ; il s'agissait d'une femme qui tenait à la main une petite fille de

14 deux ans et, dans l'autre main, elle tenait un seau qu'elle voulait

15 remplir d'eau et, lorsqu'elle a placé le seau sous la fontaine, à

16 Novi Travnik, un soldat a tué sur place la petite fille de deux ans et

17 grièvement blessé la mère.

18 A 11 heures, j'ai eu une rencontre avec les représentants de la

19 mission d'observation européenne ; je n'ai pas noté le nom des hommes que

20 j'ai rencontrés, mais ils m'ont appris qu'ils avaient des problèmes dans

21 leur collaboration avec le commandant de la brigade Josip Ban Jelasic de

22 Kiseljak. J'ai expliqué à ces représentants de la mission d'observation

23 européenne que, moi aussi, j'éprouvais quelques difficultés à communiquer

24 avec Kiseljak et que j'allais m'efforcer de prendre des mesures pour que

25 les problèmes liés à la coopération entre cette brigade et la mission

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1 d'observation européenne soient éliminés.

2 Le 10 octobre 1993, j'ai eu une rencontre avec M. de la Motta et

3 avec le colonel Duncan, commandant du Bataillon britannique de l'ONU. Au

4 cours de cette rencontre,

5 nous avons examiné un certain nombre de problèmes que je vais maintenant

6 énumérer. La

7 première question qui a été abordée a été celle de l'évacuation des

8 blessés de Stari Vitez et de l'église-hôpital. Il s'agissait de blessés de

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine pour Stari Vitez et de blessés du conseil de

10 Défense croate pour l'église-hôpital de Nova Bila. Ensuite, nous avons

11 parlé du carburant nécessaire au générateur de l'hôpital de Nova Bila que

12 j'avais demandé au HCR ou à la Forpronu. J'avais demandé une aide à cet

13 égard au HCR et à la Forpronu.

14 Nous avons également abordé la question de la nourriture, des

15 vivres pour les 35 000 réfugiés qui se trouvaient dans la zone de la

16 Lasva ; et je leur ai dit également que nous avions un nombre considérable

17 de personnes qui étaient concentrées sur un espace très réduit

18 (75 000 personnes), et j'ai demandé qu'on me fournisse des informations

19 sur les Croates détenus à Zenica.

20 J'ai évoqué le problème de l'approvisionnement en eau courante

21 et j'ai exposé aux représentants du HCR le problème d'absence d'eau

22 courante, aux représentants du HCR et de la Forpronu : qu'à Vitez il n'y

23 avait pas d'eau, qu'à Novi Travnik, il n'y avait pas d'eau non plus et

24 qu'à l'hôpital, nous n'avions pas d'eau courante. Et j'ai demandé de

25 l'aide pour que l'approvisionnement en eau courante soit rétabli.

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1 Nous avons également abordé la question des familles qui avaient

2 été séparées, de Croates qui se sont trouvés à Vitez alors que leur

3 famille était restée à Zenica et également de Musulmans bosniens qui

4 s'étaient retrouvés à Zenica alors que d'autres membres de leur famille

5 étaient à Vitez pour les raisons que nous connaissons.

6 Nous avons également abordé la question des difficultés qui

7 existaient à cause d'une divergence de points de vue entre la Forpronu et

8 le HCR : M. de la Motta représentait le HCR et M. le colonel Duncan

9 représentait les Nations Unies. Je leur ai demandé d'essayer de faire

10 converger leurs points de vue et que, moi, j'étais prêt à respecter leur

11 accord.

12 M. Nobilo (interprétation). - Si vous acceptez qu'un processus

13 humanitaire ait lieu,

14 que les familles se retrouvent, se regroupent, qu'une personne qui est à

15 Vitez puisse retrouver

16 son père à Zenica, comment est-ce que le HCR le qualifierait ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Le HCR estimait que tout

18 déplacement de familles revenait au nettoyage ethnique. C'est ce qu'ils

19 m'ont dit. Quant aux Nations Unies, ils estimaient fermement qu'il fallait

20 garantir une liberté de circulation et c'était le point de vue que

21 défendait également la Croix-Rouge internationale.

22 Alors, les points de vue dans les zones contrôlées par le HVO et

23 l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient contraires dans ces deux entités

24 internationales. Ce que je leur ai demandé, c'était donc de rapprocher

25 leurs points de vue et je leur ai dit que j'étais prêt à accepter une

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1 opinion commune.

2 A la fin de cette réunion, nous avons adopté des conclusions

3 disant que nous allions fournir une assistance pour apporter de l'aide aux

4 blessés, que le carburant allait être fourni à l'hôpital et aux pompiers,

5 que le HCR allait apporter une assistance en vivres pour les réfugiés,

6 qu'il allait jouer un rôle d'intermédiaire pour que l'eau soit rétablie à

7 Novi Travnik ainsi qu'à l'église-hôpital et que nous allions chercher à

8 recueillir des informations sur des Croates détenus.

9 Pour ce qui est du regroupement des familles, le représentant du

10 HCR, M. de la Motta, a dit que, dans des cas exceptionnels et à titre

11 individuel, après avoir procédé à des vérifications par le HCR, ils

12 étaient prêts à effectuer le regroupement de familles éclatées mais que

13 cela allait être fait au cas par cas.

14 Le 11 octobre 1993, une nouvelle attaque s'est produite sur

15 toutes les lignes du front tenues autour de Vitez et ce par l'armée de

16 Bosnie-Herzégovine.

17 A 14 heures, j'ai convoqué une réunion avec les commandants des

18 secteurs parce que je voulais régler la question de la défense et la

19 manière dont on allait effectuer la défense et réagir à cette attaque qui

20 était menée essentiellement depuis le sud, donc allant de Zabrde vers

21 l'usine d'explosifs.

22 Le 13 octobre 1993, j'ai été informé par le chef du service de

23 renseignements militaires que l'armée de Bosnie-Herzégovine acheminait des

24 renforts de Sarajevo ainsi que de Tuzla vers la zone de responsabilité du

25 3ème Corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et j'ai appris que ces forces

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1 allaient vraisemblablement être engagées dans les opérations de prise de

2 Vitez et de Busovaca.

3 J'ai appris qu'un soldat ou des soldats s'étaient blessés

4 eux-mêmes -c'est ce que j'ai appris le 13 octobre- sur la ligne de front.

5 Des cas fréquents s'étaient produits où un soldat se blessait lui-même,

6 convaincu qu'il avait plus de chances de survivre dans un hôpital -donc,

7 il se faisait évacuer dans un hôpital où il recevait des soins médicaux-,

8 que des rumeurs circulaient de nouveau, des rumeurs qui avaient un effet

9 dévastateur, disant que la Bosnie centrale était vendue, échangée, elle

10 devait être échangée contre Mostar. L'effet de ces rumeurs était

11 effectivement dévastateur quant à la stabilité des lignes de front de la

12 défense.

13 J'ai demandé au responsable de la police militaire, le

14 13 octobre, d'autoriser le passage d'un convoi du HCR. Il s'agissait d'un

15 convoi transportant des vivres vers Stari Vitez mais ce convoi a de

16 nouveau été bloqué par des civils, pour l'essentiel des femmes de Vitez.

17 Elles pensaient qu'il y avait des munitions dans ce convoi et elles

18 demandaient que le contenu soit contrôlé, inspecté. Alors j'ai essayé de

19 convaincre que ce convoi devait passer et heureusement, au bout d'une

20 période assez longue de négociation, ce convoi a pu pénétrer dans

21 Stari Vitez et il a pu donc accomplir sa mission humanitaire sans que le

22 convoi soit inspecté par les civils.

23 J'ai également demandé à la police militaire de lancer une

24 enquête concernant les véhicules qui avaient été enlevés, pris aux membres

25 du HCR et cette enquête a apporté des résultats. Nous avons réussi à

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1 restituer trois véhicules du HCR qui avaient été localisés, trouvés auprès

2 des membres des Vitezovi. Ces véhicules possédaient déjà des papiers en

3 règle qui

4 avaient été émis par le commissariat de police de Vitez, la police civile.

5 Durant cette journée, il y a eu des parachutages d'aide

6 logistique par hélicoptère qui étaient arrivés de Mostar. J'ai appris que

7 l'unité de Vitezovi, sur les 7 000 pièces de munitions qu'elle avait

8 demandées, en avait reçu 10 600. C'était une surprise pour moi également,

9 parce qu'habituellement nous demandions plus et recevions moins. Cette

10 fois-ci c'était le contraire : le commandant avait demandé moins qu'il n'a

11 obtenu. Il a donc reçu plus de munitions qu'il n'en avait demandées et ces

12 munitions nous manquaient. En outre, ces hélicoptères, à partir du moment

13 où l'armée de Bosnie-Herzégovine a pris le contrôle sur Zabrde, pouvaient

14 atterrir très rarement et c'est généralement par parachutage qu'ils nous

15 apportaient que ce soient les munitions ou d'autres éléments de matériels

16 pour approvisionner l'enclave de la Lasva.

17 J'ai eu une nouvelle réunion avec le commandant Palavra à

18 18 heures et nous avons examiné ensemble le règlement du service de

19 criminalité de la police militaire, en cherchant un moyen d'organiser le

20 travail de ce service de criminalité. Nous voulions trouver des hommes, un

21 personnel nouveau, parce que nous avons constaté que le personnel de ce

22 service collaborait en fait avec des membres de groupes criminels qui

23 agissaient dans les environs.

24 M. Nobilo (interprétation). – Marinko Palavra est devenu

25 commandant du 4ème Bataillon de la police militaire et vous étiez son

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1 supérieur. Palavra contrôlait-il l'ensemble de la police militaire qui se

2 trouvait en Bosnie centrale, ou bien une partie de la police militaire

3 échappait à son commandement, autrement dit à votre commandement

4 également ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Une partie de la police militaire

6 échappait à son commandement et au mien également à l'époque, donc Palavra

7 ne commandait aucune unité de la police militaire en plus du

8 4ème Bataillon, qui à partir d'un moment s'est appelé 7ème Bataillon.

9 Il y avait également une unité d'assaut léger qui n'était pas

10 sous son commandement, et moi non plus je n'avais pas de compétence sur

11 cette unité quant au contrôle

12 de commandement.

13 M. le Président. - Mais quand on vous a rattaché la police

14 militaire, ce fameux rattachement que vous appeliez de vos voeux depuis

15 longtemps, est-ce que l'on vous avait dit que vous ne commanderiez pas

16 toute la police militaire ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. C'est

18 un bataillon de la police militaire qui m'a été rattaché, un bataillon qui

19 m'a été directement subordonné pour ce qui est de la filière du

20 commandement et de contrôle mais il y avait un autre bataillon de police

21 militaire qui, pour la période qui nous concerne actuellement, ne m’était

22 pas subordonné.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je poserai quelques questions pour

24 préciser la nature de cette unité. Dites-nous quelle était la différence

25 entre le bataillon d'assaut léger, qui n'était subordonné ni à vous ni à

Page 18833

1 Marinko Palavra, et le 4ème ou le 7ème Bataillon de police militaire ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Ce sont des tâches de police

3 militaire qui étaient celles du 4ème ou 7ème Bataillon alors que le

4 bataillon d'assaut léger était celui qui devait se charger d'opérations de

5 combat menées par la police militaire.

6 M. Nobilo (interprétation). - Le bataillon d'assaut léger, vous

7 dites qu'il était exclusivement destiné au combat. Comment s'appelait-il

8 avant, donc le 16 avril 1993 ? Quel était son nom ? D’où a été créée cette

9 unité ?

10 M. Blaskic (interprétation). - C'était un peloton anti-

11 terroriste de la police militaire et, eux-mêmes s'appelaient Jockeri, mais

12 ce peloton anti-terroriste a été élargi pour devenir un bataillon d'assaut

13 léger de la police militaire.

14 M. Nobilo (interprétation). - Si ce n'était pas vous-même qui

15 commandiez ce bataillon d'assaut léger, autrement dit aux Jockeri, si

16 Marinko Palavra non plus ne commandait pas ce bataillon, alors qui était

17 leur supérieur ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Cette unité était directement

19 subordonnée au chef de la direction de la police militaire, basée à Mostar

20 et pour une période brève. Quand je dis

21 "brève", je pense à une période d'environ un mois. Cette unité était

22 subordonnée au chef de la direction de la police militaire, via

23 l'assistant de la direction de la police militaire pour chaque zone

24 opérationnelle.

25 Donc l'ensemble de la communauté croate d'Herzeg-Bosna, il y

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1 avait quatre zones opérationnelles et chacune de ces zones opérationnelles

2 avait un assistant du chef de la direction de la police militaire, et

3 c'est via ces assistants que le chef commandait à cette unité.

4 M. Nobilo (interprétation). - Et qui était-ce pour la vallée de

5 la Lasva ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Dans la vallée de la Lasva,

7 c'était pour une certaine période M. Pasko Ljubicic.

8 M. le Président. - Est-ce qu'on doit comprendre que c’est cette

9 unité des Jockeri qui pouvait intervenir au titre du point 8, de

10 l'article 10 du règlement, que la défense a cité hier sur la zone

11 d'activité, les devoirs de la police militaire ?

12 Vous vous souvenez, je vous avais questionné sur ce point ? Le

13 point 8, c’est la participation à la lutte contre les groupes de

14 terroristes, de rebelles, de saboteurs et de tout autre groupe ennemi.

15 Vous vous souvenez, Général Blaskic ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui, je m'en souviens,

17 Monsieur le Président.

18 M. le Président. - Est-ce qu'on peut comprendre que cette unité

19 de bataillon d'assaut Jockeri pouvait éventuellement intervenir à Ahmici

20 au titre du point 8 de l'article 10 ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Conformément au point 8, eh bien,

22 si je m'en souviens bien, il s'agit de lutte anti-terroriste. Oui, oui, il

23 pouvait intervenir. Et c'est vrai que c'est un peu ambigu ce que je dis

24 parce que, quant à ce point, une autorisation expresse du ministre de la

25 Défense n'est pas nécessaire.

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1 M. le Président. - Je crois, Maître Nobilo, que les Juges

2 attendront le moment venu une clarification complète sur ce problème de

3 réglementation parce qu'aujourd'hui on voit arriver les Jockeri qui sont

4 le groupe anti-terroriste, le 7ème Bataillon qui justement pouvait

5 intervenir. Je crois qu'il faudra bien éclaircir ce point le moment venu.

6 D'accord ?

7 Et puis je vous propose de faire une pause de vingt minutes.

8 Nous reprendrons à midi moins vingt.

9 (L’audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à

10 12 heures 40).

11 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez vous

12 asseoir. Maître Nobilo ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Général, je pense que nous

14 nous sommes arrêtés à la date du 14 octobre 1993.

15 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Le 14 octobre 1993, il y a

16 eu des opérations d'attaque et des combats qui se sont poursuivis. Vers la

17 deuxième partie de la nuit du 14 au 15 octobre, les membres de la Forpronu

18 ont amené devant le commandement à Vitez, devant l'hôtel de Vitez, trois

19 membres du HVO. Ces hommes avaient été pris au moment où ils pillaient le

20 carburant dans la base logistique des Nations Unies à Nova Bila. Ils ont

21 été remis à l'officier de service et il s'agissait de soldats appartenant

22 à la brigade de Vitez.

23 Durant la journée du lendemain, j'ai rédigé un remerciement par

24 écrit au commandant de la Forpronu pour avoir collaboré afin de combattre

25 la criminalité et j'ai prononcé des mesures disciplinaires à l'encontre de

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1 ces trois hommes de soixante jours de détention.

2 M. Nobilo (interprétation). - C'était votre maximum, n'est-ce

3 pas ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'était la peine maximale

5 que je pouvais prononcer. J'ai condamné cet acte criminel et,

6 publiquement, j'ai remercié pour la coopération et toute l'aide fournie

7 dans ce combat contre la criminalité lors d'une conférence de presse, et

8 j'ai demandé que l'assistance soit fournie à ce qu'on combatte la

9 criminalité dans l'enclave de la Lasva.

10 J'ai également eu une réunion avec les membres du commandement,

11 c'était durant cette journée. Nous avons examiné la question de la

12 criminalité et des vols ainsi que la confiscation des appartements qui

13 généralement appartenaient aux Musulmans bosniens, des appartements de

14 Vitez, de Novi Travnik et partiellement aussi à Busovaca.

15 Dans l’après midi, j’ai eu un entretien...

16 M. le Président. - Excusez-moi, quand vous dites que vous

17 examinez le problème des occupations d'appartements, cela veut dire quoi

18 exactement ? Parce que vous vous souvenez que vous avez pris beaucoup

19 d'ordres sur ces problèmes d'expulsion d'appartements, de confiscation

20 d'appartements : les pièces D376, etc. Vous en avez pris des ordres.

21 Quand vous faites une réunion comme celle-ci, celle du

22 14 octobre, vous répétez toujours qu'il ne faut pas prendre les

23 appartements des réfugiés qui sont partis ou est-ce que vous prenez des

24 sanctions ? Qu'est-ce que vous faites ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, quand j'ai

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1 examiné ces phénomènes d’occupation de logements, j'essayais de me

2 procurer des renseignements sur les auteurs de ces occupations. Je voulais

3 savoir s'il s'agissait exclusivement de réfugiés qui étaient concentrés,

4 très concentrés dans un espace réduit. Ils étaient au nombre de 35 000. Je

5 voulais savoir si c'étaient des soldats, si c'étaient des membres de la

6 police militaire, l'ancienne police militaire qui se distinguait

7 tristement par ses actes, notamment.

8 Donc s'il s'agissait de soldats, je donnais des ordres à la

9 police militaire pour que ces soldats soient mis dehors, expulsés de ces

10 appartements et que les appartements, s'il est possible, soient remis à

11 l'ancien propriétaire. Quand c'était possible, je demandais même qu'une

12 garde soit montée devant ces logements pour que le propriétaire se sente

13 au moins un peu plus en sécurité dans son appartement. Il y a eu des cas.

14 M. le Président. - Général Blaskic, vous les aviez déjà donnés,

15 souvenez-vous. Je crois que vous les avez donnés au moins un mois ou deux

16 mois avant. Répétez-vous toujours des ordres ou est-ce que vous assurez…

17 Est-ce que vous avez des sanctions réelles ? Comment cela se passe ?

18 Je me doute que cela devait être un très gros problème :

19 35 000 réfugiés. On est même étonné que ce soit vous qui ayez à vous

20 occuper de tout cela en même temps que de faire la guerre. Mais puisque

21 vous vous en occupez, concrètement, comment cela se passe ? Parce que les

22 ordres, vous les avez pris. Vous avez pris… Au moins un mois avant ou deux

23 mois avant, vous avez déjà pris des ordres sur l'expulsion des logements.

24 M. Blaskic (interprétation). - Quand j'ai reçu la liste,

25 Monsieur le Président, avec les noms et les prénoms, alors, par le

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1 truchement de la police militaire, j'ai donné des ordres pour que ces

2 gens, ces soldats soient expulsés des appartements, qu'il s'agisse de

3 réfugiés ou autres. Si c'était un soldat qui s'était emparé d'un

4 appartement appartenant à une famille musulmane bosnienne, il était chassé

5 de cet appartement et la famille était remise dans l'appartement, si

6 c'était possible, et donc c'était une mesure concrète.

7 J'ai même eu des entretiens avec un certain nombre de familles

8 musulmanes bosniennes et je leur ai dit de retourner dans leur

9 appartement. Alors, ils m'ont répondu : "Mais enfin, comment peut-on

10 revenir si deux jours plus tard on nous expulse à nouveau ?" Alors, ce que

11 je leur ai dit, c'était : "D'accord, on vous placera des gardes devant vos

12 appartements pour que vous soyez en sécurité, pour qu'on ne vous expulse

13 pas de nouveau". Il y a eu des mesures concrètes comme celle-ci.

14 M. le Président. - Je me tourne vers Me Nobilo. Et vous en avez

15 la preuve, vous avez des documents qui montrent ces mesures concrètes,

16 Maître Nobilo ?

17 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons des ordres par lesquels

18 le général Blaskic interdit cela. Nous avons même un ordre où l'on donne

19 les noms des policiers qui sont rentrés dans des appartements, où des

20 mesures disciplinaires sont prononcées contre eux. Nous avons également la

21 déposition du général Blaskic qui se souvient de cas concrets où il a

22 donné la protection à ces familles musulmanes. Quand il envoie une

23 patrouille pour qu'elle chasse un soldat d'un appartement, pour que la

24 famille soit remise dans l'appartement, il n'y a pas d'ordre

25 écrit, il n'y a pas de trace écrite pour ces mesures ponctuelles et

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1 concrètes.

2 M. le Président. - Monsieur le Juge Rodrigues ?

3 M. Rodrigues. - Général Blaskic, est-ce que dans ce domaine de

4 l'occupation des appartements, des maisons, vous aviez quelque coopération

5 ou façon d'articuler avec les autorités civiles, ou il s'agissait

6 seulement d'un problème pour vous ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, j'ai demandé...

8 Tout d'abord, Vitez était une ville inconnue pour moi avant la guerre, je

9 n'avais pas passé une minute dans cette ville. J'ai demandé au maire de me

10 faire parvenir la liste des logements ou des bâtiments de logements pour

11 lesquels ses services savaient que, d'une manière quelconque, leurs

12 propriétaires avaient été expulsés de ces logements.

13 A la réception de cette liste, moi-même j'ai été surpris. Il y

14 avait 39 appartements, me semble-t-il, et environ 53 unités de logements

15 qui avaient été prises par la police militaire, alors que je m'attendais à

16 ce que ce soit elle qui allait sanctionner ce problème. Donc, c'était dans

17 une période antérieure.

18 Par la suite, le maire et moi-même avons cherché à combattre et

19 à empêcher ce phénomène. Donc nous travaillions ensemble : il m'appelait

20 par téléphone et nous essayions ensemble de faire quelque chose. Nous

21 avons même convoqué une réunion avec ceux pour qui nous savions qu'ils

22 faisaient ces expulsions et ceux qui devraient sanctionner ces expulsions.

23 Donc j'ai eu cette réunion, j'ai pu coopérer avec le maire.

24 M. Rodrigues. - Merci, Général.

25 M. le Président. - Poursuivez, Maître Nobilo.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre, Général, avec

2 cette chronologie.

3 M. Blaskic (interprétation). - Le 14 octobre au soir, j'ai été

4 informé qu'un hélicoptère devait atterrir pour transporter des blessés.

5 J'ai appelé M. Palavra pour résoudre le problème de la sécurité, pour que

6 seuls les blessés graves soient mis dans cet hélicoptère. Ce que nous

7 redoutions, c'était que les réfugiés tentent de prendre des places qui

8 appartenaient aux blessés et qui revenaient aux blessés dans cet

9 hélicoptère.

10 M. Nobilo (interprétation). - Général, d'après vos estimations

11 propres, vous venez de dire que les réfugiés voulaient monter dans

12 l'hélicoptère et quitter cette zone. D'après votre estimation, si l'armée

13 de Bosnie-Herzégovine avait ouvert un corridor libre de Vitez à Busovaca

14 et l'Herzégovine, et si elle avait dit : "Nous garantissons la sécurité à

15 tous ceux qui empruntent ce corridor", et si cela avait été fait via les

16 organisations internationales, que se serait-il passé ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Dans des conditions de famine et

18 où nous manquions de tout, sauf de la mort, je suis convaincu que tous

19 auraient quitté cette zone.

20 Permettez-moi de faire observer que dans cette enclave de la

21 Lasva les valeurs essentielles étaient toutes en fait mises sens dessus

22 dessous. Tous les enterrements se produisaient la nuit et non pas le jour,

23 comme cela se doit. J'ai été étonné moi-même quand j'ai remarqué un

24 comportement anormal auprès de mes collaborateurs à une occasion, et je

25 leur ai demandé ce qui se passait. Ils m'ont répondu : "Dans mon service

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1 opérationnel, personne n'a été tué aujourd'hui". Et c'était une journée

2 étrange, tout le monde s'étonnait en voyant que personne n'avait été tué.

3 Malheureusement, nous n'avons connu que très peu de journées comme cela.

4 M. Nobilo (interprétation). - Un exemple : un paquet de

5 cigarettes, donc de 20 cigarettes, combien valait un paquet de cigarettes,

6 comme cela, dans cette enclave où vous vous trouviez ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Au moins 70 marks allemands

8 jusqu'à 100 marks allemands. Et une cigarette, non, pas une cigarette

9 mais, en fait, quand on roulait des cigarettes avec du tabac, trois à cinq

10 soldats fumaient une cigarette comme cela. Et à la fin du mois, mon

11 assistant chargé de la logistique m'a demandé comment on pouvait résoudre

12 le problème : on

13 disposait d'un kilogramme de lait en poudre pour 50 enfants !

14 M. Nobilo (interprétation). - Et que mangiez-vous à l'époque ?

15 Dites à la Chambre de quoi se nourrissaient les soldats ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Tous les soldats qui étaient

17 placés sur cette ligne de front recevait à 10 heures du matin des

18 lentilles ou bien du riz.

19 M. Nobilo (interprétation). - De la viande ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Non. Et dans l'après-midi, ils

21 mangeaient généralement du riz. Donc on alternait, lentilles, riz. Et

22 puis, vers la fin du mois de novembre, il n'y avait plus de pain à leur

23 distribuer, à distribuer à ces soldats, ils ne recevaient donc que deux

24 repas par jour.

25 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre dans l'ordre

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1 chronologique.

2 M. Blaskic (interprétation). - Le 15 octobre 1993, vers

3 18 heures 30, le commandant de la police militaire m'a informé qu'à la

4 ligne de défense Bombasi un policier militaire, Zeba, c'est comme cela

5 qu'il s'appelait, s'était entretenu avec un collègue de la 17ème Brigade de

6 Krajina de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils se connaissaient parce

7 qu'ils avaient fait ensemble partie du bataillon de Kotor Varos avant,

8 en 1992.

9 Alors son ami qui cette fois-ci était attaquant et je cite ce

10 qu'il a dit à Zeba : "Il n'y a pas d'accord avec le HVO, nous avons reçu

11 l'ordre d'aller jusqu'au bout. La 7ème Musulmane venant du nord attaquera

12 et tuera les Croates en rentrant dans Vitez".

13 M. Nobilo (interprétation). - Dites-nous, ces 70 000 Croates qui

14 étaient concentrés dans cette enclave de la Lasva, que pensaient-ils ? De

15 quoi étaient-ils convaincus si votre défense venait à être brisée ? Que

16 pensaient-ils ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, il y avait une

18 conviction répandue que ce serait une destruction générale, que la

19 majorité d'entre eux seraient tués.

20 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

21 M. Blaskic (interprétation). - Le 17 octobre 1993, le commandant

22 de la brigade Tomasevic m'a demandé à titre temporaire de mettre fin aux

23 mesures disciplinaires de mise aux arrêts. Ce qu'il m'a expliqué, c'était

24 que cela finissait par motiver les soldats, ces mesures disciplinaires,

25 autrement dit, que dans sa brigade à Novi Travnik les soldats faisaient

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1 intentionnellement des infractions disciplinaires afin d'être mis aux

2 arrêts pour éviter d'être envoyés sur la ligne de front. Il avait donc un

3 nombre accru sur une très brève période d'infractions disciplinaires.

4 M. Nobilo (interprétation). - Vos soldats mangeaient donc des

5 lentilles le matin, l'après-midi du riz, parfois ils recevaient du pain,

6 parfois ils n'en recevaient pas. Quelles étaient les conditions à la

7 prison de Kaonik, d'après vos connaissances ?

8 M. Blaskic (interprétation). - D'après mes connaissances et

9 d'après les informations que je recevais, les détenus à la prison de

10 Kaonik recevaient trois repas par jour. Même à l'hôpital, ils ne

11 recevaient pas trois repas, je veux dire, les blessés. Et parfois ils

12 recevaient deux repas et parfois on leur distribuait des graisses animales

13 au petit déjeuner.

14 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

15 M. Blaskic (interprétation). - A Busovaca, le 17 octobre, une

16 attaque a été lancée contre le bureau de la paroisse à Busovaca et contre

17 l'entrepôt Karitas. Cette attaque a été perpétrée par des individus

18 portant des uniformes, et des vivres ont été emmenées, surtout du riz et

19 de l'huile.

20 Au cours du 17 octobre, il y a également eu une attaque

21 d'artillerie dans le centre de la ville de Vitez et un procès avait été

22 organisé au Tribunal de district de Vitez alors que ces actions étaient en

23 cours. A 10 heures, j'ai reçu un appel du maire, Ivica Santic, qui m'a

24 demandé si, oui ou non, nous allions pouvoir tenir, ce que j'en pensais et

25 si notre défense allait tenir également.

Page 18844

1 Entre 11 heures et midi, ce jour-là, j'ai eu un entretien avec

2 le colonel Duncan,

3 commandant du Bataillon britannique. Il m'a informé qu'une réunion allait

4 se tenir à Kiseljak et que le général Petkovic allait y participer. Il

5 était alors l'adjoint du chef de l'état-major principal du HVO. J'ai dit

6 au colonel Duncan que j'étais très préoccupé par la situation dans

7 l'enclave de la Lasva et par les pénuries en aliments. Le colonel Duncan

8 m'a répondu qu'il était surpris, qu'il se demandait pourquoi le HVO

9 n'avait pas organisé un convoi de la République de Croatie et destiné à

10 l'enclave de la Lasva, peut-être également de Bosnie, ou d’Herzégovine

11 plus précisément. Et je lui ai demandé, à ce moment-là, quel itinéraire

12 pouvait être suivi parce que, à l'époque, les communications n'étaient pas

13 contrôlées par nous.

14 M. Nobilo (interprétation). - Général, si vous en avez le

15 souvenir, pouvez-vous nous dire quand, pour la dernière fois, un convoi

16 est parvenu dans la zone de Bosnie centrale d’Herzégovine, un convoi

17 alimentaire ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas de date exacte en

19 tête mais je crois qu'il n'y a plus eu de convois à partir d'avril 1993.

20 Je suis certain qu'aucun convoi n'est parvenu dans la région et les seuls

21 aliments qui étaient distribués étaient les aliments que nous pouvions

22 obtenir auprès du HCR, et ces aliments étaient distribués prioritairement

23 aux réfugiés. En effet, la mission du HCR était d'aider les réfugiés.

24 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

25 M. Blaskic (interprétation). - J'ai également abordé des

Page 18845

1 questions de communication avec le colonel Duncan, j'ai parlé de la

2 situation au front et je lui ai dit que ma principale préoccupation était

3 de survivre dans la région.

4 Le 17, au cours de la journée, j'ai reçu des informations selon

5 lesquelles le commandant de l'unité spéciale, Darko Kraljevic, afin de

6 répondre aux demandes d'une équipe de télévision étrangère, avait parlé ou

7 avait mis en place de fausses opérations en mettant des explosifs dans les

8 tranchées, en activant ces explosifs et en ouvrant le feu alors que la

9 caméra de télévision filmait la scène. Je crois que j'ai même vu un

10 extrait d'ailleurs de cette émission.

11 Je crois d'ailleurs que cette émission a été présentée ici même. Mais en

12 fait, il ne s'agissait que d'une fausse opération qui avait été mise en

13 scène pour la télévision. Il n'y a pas eu de résultat suite à cette

14 "opération" de Darko Kraljevic ce jour-là.

15 J'ai également reçu des informations écrites de l'assistant

16 chargé de la sécurité et j'ai moi-même informé le chef de l'état-major

17 principal du HVO de l'évolution de la situation.

18 Le 18 octobre 1993, les attaques se sont poursuivies contre

19 Vitez et Travnik et, ce même jour, à Busovaca, pendant toute la journée la

20 situation était calme. Mais vers 17 heures, un projectile d'artillerie est

21 tombé sur le centre de la ville de Busovaca et huit civils ont été

22 gravement blessés.

23 J'ai également reçu des informations selon lesquelles jusqu'au

24 18 octobre, entre plus précisément le 23 septembre et le 18 octobre, il y

25 avait eu quatre vols d'hélicoptères qui avaient amené huit tonnes

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1 d'équipement technique et autres.

2 Au cours du 18 octobre, j'ai eu une réunion avec l'assistant

3 chargé de la formation et de la propagande et nous avons examiné la

4 situation et l'état de fatigue chez les soldats, des névroses, une

5 sensibilité très aiguë des soldats, et le moral des troupes en général à

6 l'époque était très bas, particulièrement sur la ligne de front.

7 Nous nous sommes demandé comment régler ce problème et améliorer

8 le moral des soldats. J'ai également reçu des informations du chef d'état-

9 major principal au cours du 18 octobre 1993 me disant que les pilotes du

10 conseil croate de la Défense ne souhaitaient plus et ne pouvaient plus

11 combattre étant donné leur état de fatigue avancé parce qu'ils ne

12 cessaient de participer à des opérations de combat. Par conséquent, ils

13 avaient décidé de cesser d'approvisionner Vitez à partir du 18 octobre et

14 au cours des jours suivants.

15 Le 19 octobre, les activités se sont poursuivies. Tôt le matin,

16 des attaques d'artillerie ont été lancées à certains endroits du front de

17 Busovaca à Kaonik, au croisement entre les routes de

18 Vitez-Busovaca-Zenica.

19 Ce jour-là, un convoi de l'armée de Bosnie-Herzégovine est

20 passé, il se rendait vers Novi Travnik, Travnik, Guca Gora et devait

21 passer par Stranjani et Cajdras jusqu'à Zenica. Le convoi est passé sans

22 que le HVO ne tente de l'arrêter.

23 M. Nobilo (interprétation). - C'était un convoi de l'armée de

24 Bosnie Herzégovine, n'est-ce pas ?

25 M. Blaskic (interprétation). – Oui, de l'armée de Bosnie

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1 Herzegovine qui est passé juste à côté de la ligne de front, mais à ce

2 moment-là, la totalité de la route était contrôlée par l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine.

4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez laissé passer ce convoi

5 sans encombre. Ne pensez-vous pas donc par conséquent que l'état-major

6 principal du HVO à Mostar aurait pu de même organiser un convoi qui aurait

7 pu vous aider, vous ? Avez-vous une opinion sur cette question ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, je ne peux que supposer

9 qu'un accord de ce type effectivement aurait pu être conclu, mais ce

10 convoi aurait couru le risque d'avoir été arrêté par les unités qui se

11 trouvaient dans la poche de la Lasva. Cependant, nous, nous n'avons pas

12 entravé le passage de ce convoi et le convoi est arrivé à Zenica sans

13 encombre. Donc peut-être y aurait-il pu y avoir un accord afin d'envoyer

14 un convoi conjoint, d'autant plus qu'à une certaine époque, en

15 décembre 1993, cela a été le cas, à savoir que des convois conjoints ont

16 effectivement été envoyés dans la région, et donc peut-être que ceci

17 aurait également été possible en octobre 1993.

18 M. Nobilo (interprétation). - Et la nourriture qui était

19 transportée par ces convois, comment arrivait-elle en Bosnie-Herzégovine,

20 comment était-elle emmenée jusqu'à Zenica, quel territoire devaient

21 traverser ces convois ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, toute la nourriture

23 devait aller de la République de Croatie par la zone contrôlée par le HVO

24 et, ensuite, vers la zone contrôlée par

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Veuillez poursuivre.

2 M. Blaskic (interprétation). - Le 19 octobre à 15 heures, j'ai

3 eu un entretien téléphonique avec le ministre de la Défense, Bruno Stojic.

4 Il m'a dit qu'il allait intervenir dans le cadre du transport d'armes sur

5 lequel les responsables municipaux des municipalités de Busovaca, Vitez

6 Novi Travnik et Travnik avaient pris une décision, à savoir qu'ils avaient

7 décidé d'acheter ces armes sur le marché pour les soldats du HVO.

8 Il m'a demandé de coopérer avec le Président de ces

9 municipalités et d'envoyer certains détails quant à la nature des armes

10 dont nous avions besoin, les armes les plus nécessaires afin de pouvoir

11 assurer la défense dans la région.

12 M. Nobilo (interprétation). - Et avez-vous obtenu ces armes ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Oui, nous avons obtenu ces armes

14 après la signature de l'accord de Washington. Ces armes sont arrivées dans

15 la vallée de la Lasva; mais pas auparavant et, comme je l'ai dit, ces

16 armes ont été achetées sur le marché.

17 M. Nobilo (interprétation). - Veuillez poursuivre.

18 M. Blaskic (interprétation). - Le 19 octobre, au cours de

19 l'après-midi, j'ai envoyé au ministre de la Défense une proposition écrite

20 visant à modifier l'organisation dans l'enclave de la Lasva. En substance,

21 ma proposition consistait à démanteler les unités spéciales et former une

22 unité différente qui serait directement subordonnée à moi-même. J'ai dit,

23 par exemple, qu'il pourrait s'agir d'une unité de garde. C'est ainsi que

24 je souhaitais la baptiser. J'ai donc parlé du démantèlement de

25 l'unité Tvrtko, du bataillon d'assaut léger et des Vitezovi. Cette

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1 proposition a été envoyée le 19 octobre 1993.

2 Le 20 octobre 1993, à nouveau, nous avons étudié la question des

3 mesures disciplinaires et du manque de soldats sur les lignes de front.

4 Nous étions dans une situation dans laquelle ces mesures disciplinaires

5 pourraient être des mesures stimulantes et, le

6 21 octobre 1993, j'ai demandé que dans la ville de Vitez, des panneaux

7 appellent la population à la prudence vis-à-vis des tirs de tireurs

8 isolés. Dans la rue, des bannières devaient être installées afin que les

9 tireurs isolés ne puissent pas, de Stari Vitez, tirer sur les habitants de

10 Vitez. C'était simplement une façon de bloquer leur champ de vision. Il

11 s'agissait de grands panneaux en tissu et ceci aurait permis d'éviter à la

12 population de se voir viser par les tireurs isolés.

13 J'ai également reçu des informations le 20 octobre selon

14 lesquelles dans la poche de la Lasva, environ 80 enfants avaient perdu

15 soit un de leurs parents, soit les deux au cours des opérations de combat.

16 Ce jour-là, nous avons reçu de l'aide du HCR qui a ramené l'équivalent de

17 quatre camions d'aliments pour Kruscica et quatre chargements pour la

18 municipalité de Vitez qui était donc sous le contrôle des autorités

19 municipales.

20 A nouveau, des civils ont tenté de bloquer le passage d'un

21 convoi allant à Kruscica parce que ces civiles pensaient qu'il s'agissait

22 de munitions qui étaient transportées dans ces convois.

23 Le 21 octobre également, l'aide est parvenue à l'hôpital

24 installé dans l'église de Nova Bila. J'ai donné un ordre au cours de cette

25 journée selon lequel toutes les armes à long canon devaient être envoyées

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1 sur la ligne de front et que ce type d'armes ne soit pas utilisé à

2 d'autres endroits que sur les lignes de front. Cet ordre a été envoyé aux

3 unités du HVO.

4 J'ai également reçu des informations de Novi Travnik selon

5 lesquelles les Serbes étaient en train de quitter la région de

6 Novi Travnik. C’est le commandant de la brigade Stjepan Tomasevic de

7 Novi Travnik qui m’en a informé et je lui ai répondu qu'il devrait

8 exprimer notre position aux autorités civiles de Novi Travnik, notre

9 position étant qu'en principe, nous étions contre le départ des Serbes de

10 la région et que nous soutenions la position exprimée par le HCR, à savoir

11 que tout le monde devrait rester chez soi et ne devait pas quitter sa

12 région.

13 Je ne sais pas exactement comment cette question a été réglée,

14 je pense qu'une partie de la population a quitté Novi Travnik et qu'une

15 autre partie de la population y est restée. Ils ont dû quitter

16 Novi Travnik par Travnik en étant protégée par des organisations

17 internationales.

18 Le 22 octobre, j'ai reçu des informations selon lesquelles

19 l'armée de Bosnie-Herzégovine avait exécuté des recrues qui avaient été

20 mobilisées à Zenica parce qu'ils avaient refusé de se battre contre des

21 Croates à Zepce. C'est l'officier chargé des communications, M. Gelic, qui

22 m'a communiqué cette information. Par la suite, j'ai demandé une

23 confirmation de cette information auprès du colonel Duncan, mais je ne

24 l'ai pas reçue.

25 A 13 heures 35 à Travnik, il y a eu une confrontation entre

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1 différents dirigeants de bandes criminelles Tuka, d'une part, et Zuti, de

2 l'autre. C'était une confrontation classique et, au cours de cette

3 confrontation, Tuka a blessé assez gravement Zuti.

4 Par la suite, deux brigades de cette région, la brigade de

5 Travnik et la brigade Frankopan, se sont également confrontées. J'ai tenté

6 de calmer la situation entre les différentes brigades. J'ai dit que ce

7 n'était pas un moyen de résoudre les problèmes et j'ai donné un ordre à la

8 police militaire et au centre de la sécurité afin de mener une enquête.

9 Le lendemain, le 23 octobre, une nouvelle confrontation a eu

10 lieu. Les tensions ne cessaient d'augmenter entre ces deux brigades.

11 Le 24 octobre, le commandant de la police militaire a sanctionné

12 deux membres de la police militaire pour une mauvaise exécution ou non

13 exécution d'ordre, et ils ont été incarcéré, mis aux arrêts, ce qui était

14 une nouvelle assez spéciale puisque jusque-là très peu de mesures

15 disciplinaires avaient été prises à l'encontre de soldats.

16 J'ai également eu une réunion avec Miso Mijic, le responsable du

17 bureau du SIS, et il m'a dit...

18 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. Afin

19 de préciser certains éléments pour le compte rendu, vous avez dit qu'il

20 était très rare que des personnes soient mises au arrêt. S'agissait-il de

21 soldats ou de membres de la police militaire ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Non, de membres de la police

23 militaire.

24 M. Nobilo (interprétation). - Donc, au compte rendu anglais, il

25 est inscrit un peu plus haut que "des mesures disciplinaires ont été

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1 prises contre des soldats", alors que vous dites, Général, que ces mesures

2 militaires étaient rares contre des policiers militaires.

3 M. Blaskic (interprétation). - Oui, avant, c'était rare.

4 M. Nobilo (interprétation). - Eh bien, reprenons. Voulez-vous,

5 je vous prie, redire tout ce que vous avez dit au sujet des mesures

6 disciplinaires.

7 M. Blaskic (interprétation). - Le commandant de la police

8 militaire a pris des mesures disciplinaires à l'encontre de deux membres

9 de la police militaire qu'il a mis aux arrêts pour non exécution des

10 tâches de police militaire qui leur avaient été confiées.

11 M. Nobilo (interprétation). - Et votre commentaire, maintenant,

12 si vous le voulez bien ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai dit que c'était un événement

14 parce que, jusqu'à cette date, il était rare que des membres de la police

15 militaire, des policiers militaires soient sanctionnées sur le plan

16 disciplinaire, soient mis aux arrêts pour non exécution des tâches qui

17 leur étaient confiées.

18 M. Nobilo (interprétation). - Très bien, maintenant le compte

19 rendu est clair. Je vous demanderai maintenant, Général, de nous parler de

20 cette réunion, de cette rencontre que vous avez eue avec le chef du centre

21 du SIS, Miso Mijic et de ce qui a été dit lorsque vous avez parlé des

22 problèmes liés à ce centre du SIS.

23 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, le centre du SIS

24 continuait à cette date à fonctionner de façon entièrement autonome,

25 entièrement indépendante. Le chef du centre du

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1 SIS, Miso Mijic, m'a annoncé qu'il avait l'intention de prendre le

2 contrôle plein et entier de l'usine d'explosifs, ainsi que de tous les

3 mouvements des hélicoptères, atterrissages et décollages.

4 L'entendant dire cela, j'en ai tiré la conclusion qu'il n'y a eu

5 aucune réaction à ma demande, la demande que j'avais formulée de voir ce

6 problème, lié au centre du SIS, réglé au niveau de la direction de la

7 sécurité.

8 M. Nobilo (interprétation). - Général, pouvez-vous nous rappeler

9 qui était le suppléant du chef du centre du SIS ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Le suppléant du chef du centre du

11 SIS était le commandant de l'unité spéciale des Vitezovi, Darko Kraljevic.

12 M. Blaskic (interprétation). - A votre avis, pourquoi

13 Darko Kraljevic et Miso Mijic, qui viennent du nouveau centre du SIS,

14 souhaitent prendre sous leur contrôle précisément les atterrissages et

15 décollages d'hélicoptères et l'usine d'explosifs ? Selon vous, pourquoi ce

16 contrôle était-il important ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, en tout état de cause,

18 ils pouvaient contrôler non seulement leurs moyens logistiques, les moyens

19 logistiques qu'ils recevaient directement de l'état-major principal, mais

20 cela leur permettait de contrôler également les moyens logistiques de la

21 zone opérationnelle, et donc d'influer sur la façon dont se développait la

22 défense. Et puis, à l'usine d'explosifs, ils pouvaient trouver des

23 documents très importants, des moyens technologiques importants, et donc

24 avoir une influence sur la défense de cette usine.

25 M. le Président. - Maître Nobilo, si nous avons terminé pour

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1 cette journée, on va peut-être arrêter parce que je voudrais que nous

2 prenions cinq minutes à huis clos pour parler de l'organisation du travail

3 pour la première semaine d'avril. Il faut cinq ou six minutes, simplement.

4 M. Nobilo (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président,

5 c'est tout à fait possible.

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7 M. le Président. - Pouvons-nous être à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

8 Audience à huis clos partiel

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21 L'audience est levée à 13 heures 40.

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