Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                    AFFAIRE N° IT-95-14-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mercredi 26 mai 1999

  4   L'audience est ouverte à 10 heures 05.

  5   M. le Président. – L'audience est reprise. Monsieur le Greffier,

  6   veuillez introduire le témoin.

  7   (Le témoin est introduit dans le prétoire).

  8   Je salue les interprètes, je salue les avocats de la défense, le

  9   Procureur, je salue le témoin, le général Blaskic. Tout le monde est-il

 10   prêt ? Général Blaskic, êtes-vous prêt ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

 12   Messieurs les Juges. Je suis prêt, oui.

 13   M. le Président. – La parole est à M. le Procureur.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Oui, bonjour à tous, bonjour,

 15   Général Blaskic.

 16   M. Blaskic (interprétation). - Bonjour.

 17   M. Kehoe (interprétation). – Général, je vais parler de

 18   l'incident lié au camion piégé. Vous avez dit avoir reçu le rapport du SIS

 19   au mois de mai. Selon ce rapport, les Vitezovi avaient participé à cet

 20   incident. Vous avez ensuite appelé Darko Kraljevic afin qu'il prenne des

 21   mesures disciplinaires. Vous lui avez également dit d'arrêter

 22   immédiatement les individus, membres des Vitezovi, qui avaient participé à

 23   cet incident et de communiquer les noms de ces individus au Procureur afin

 24   que des poursuites soient engagées, ou à la police militaire.

 25   M. Blaskic (interprétation). - Je lui ai demandé de prendre des


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  1   mesures eu égard aux auteurs de cet acte terroriste. Je lui ai dit

  2   également de communiquer les informations dont il disposait aux autorités

  3   compétentes et de me dire ce qu'il avait fait.

  4   Mais, Monsieur le Président, j'ai fait une erreur hier lorsque

  5   j'ai répondu à une question de l'accusation sur le mauvais traitement de

  6   Musulmans de Bosnie, temporairement détenus au cinéma. J'ai fait une

  7   erreur quant au nom de la personne maltraitée. La personne s'appelait

  8   Suad Salkic ; il a été maltraité par des membres du HVO, par M. Marko du

  9   village de Zabilje. Et des mesures ont été prises contre ce M. Marko. Le

 10   mauvais traitement de Hasan Gerdijanovic a eu lieu à l'extérieur du

 11   cinéma, peut-être au poste de contrôle.

 12   M. le Président. – Je vous remercie de cette précision, Général.

 13   Mais je crois qu'après nous avions décidé qu'il ne s'agissait pas de la

 14   bonne date, que l'incident dont vous parliez était arrivé postérieurement.

 15   C'est ce qu'il me semble. Mais merci d'avoir apporté cette précision.

 16   M. Kehoe (interprétation). – Général, concernant les Vitezovi,

 17   avez-vous exigé que les individus impliqués soient arrêtés et que des

 18   mandats soient décernés à la police militaire, le plus rapidement

 19   possible ?

 20   M. Blaskic (interprétation). - J'ai dit avoir demandé au

 21   commandant des Vitezovi de prendre les mesures à l'encontre des auteurs de

 22   cet acte. Tout d'abord, je pensais qu'il devait identifier les auteurs. En

 23   effet, dans toutes ces enquêtes, la chose la plus importante était de

 24   découvrir les noms des auteurs du crime commis. C'était le problème le

 25   plus épineux au cours de la période de conflit. C'était généralement la


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  1   chose la plus difficile à découvrir.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais les pièces de la

  3   défense D360 et D361, s'il vous plaît.

  4   Général, les pièces D360 et D361 sont deux ordres émanant de

  5   vous. La pièce D360 est un ordre du 23 avril 1993, adressé à tous les

  6   commandants subordonnés. Il y est question du comportement de membres du

  7   HVO et du niveau de discipline dans les rangs du HVO. Au paragraphe 4,

  8   vous interdisez à toutes les unités du HVO de mener des actions

  9   offensives. Et cet ordre doit entrer en vigueur immédiatement.

 10   Peut-on allumer le rétro projecteur ? Il n'est pas allumé, je

 11   crois. Pourtant il est allumé là-bas, mais pas ici. Monsieur le Président,

 12   je crois que le moniteur dont nous disposons ne fonctionne pas, mais nous

 13   pouvons néanmoins continuer.

 14   Pièce suivante : il s'agit d'un ordre du 24 avril 1993 adressé à

 15   tous les commandants de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Il est

 16   question de l'élimination d'actes arbitraires par les commandants et

 17   d'autres personnes. Vous ordonnez la chose suivante :

 18   "Après avoir évalué la situation sur le terrain, il semble que

 19   des commandants occupant des rangs hiérarchiques inférieurs agissent et

 20   les unités hors de leur chaîne de commandement". Or, dans cet ordre, vous

 21   ordonnez la chose suivante : "Les individus et groupes qui sont hors

 22   contrôle doivent être arrêtés immédiatement et des mandats doivent être

 23   délivrés au commandant de la police militaire.".

 24   Ces deux ordres, Général, s'appliquent également aux Vitezovi, à

 25   Darko Kraljevic, n'est-ce pas ?


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  1   M. Blaskic (interprétation). - Le document D361, dans son titre,

  2   dit : "...aux commandants de toutes les unités de la zone opérationnelle,

  3   afin de mettre un terme à des actes arbitraires". C'est donc un document

  4   adressé à tous les commandants.

  5   En ce qui concerne le document D360, il s'applique à tous les

  6   commandants subordonnés dans le HVO, c'est-à-dire dans la structure

  7   opérationnelle de Bosnie centrale.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Ma question est : ces ordres

  9   s'appliquent à l'unité de Kraljevic et des Vitezovi également, n'est-ce

 10   pas ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - L'ordre 361 s'applique aussi à

 12   M. Kraljevic, j'en suis certain. Pour l'ordre 360, dans sa forme de

 13   l'époque, je ne sais pas si effectivement il s'applique également et s'il

 14   fait référence ou s'il a été envoyé à cette unité en particulier. Il

 15   s'agit d'unités subordonnées dans le cadre du HVO, donc les unités qui

 16   entraient dans la structure du HVO.

 17   Cet ordre, je parle de l'ordre 361, en tout cas son point 1,

 18   semble être quelque peu absurde, puisque j'ai demandé qu'un ordre soit

 19   exécuté. C'est un ordre ayant pour objectif de faire exécuter un ordre.

 20   M. Kehoe (interprétation). - La question est : cet ordre

 21   s'applique-t-il à Darko Kraljevic et aux Vitezovi ? Telle était ma

 22   question.

 23   M. Blaskic (interprétation). - J'ai répondu ; le document D361,

 24   j'en suis tout à fait certain, s'applique puisqu'il est adressé aux

 25   commandants de toutes les unités, alors que le document D360, je ne sais


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  1   pas très bien s'il s'applique, parce qu'il est fait mention de toutes les

  2   unités subordonnées du HVO qui se trouvent dans la structure de la zone

  3   opérationnelle de Bosnie centrale.

  4   M. Kehoe (interprétation). - En réponse à une question du

  5   Juge Shahabuddeen, lorsque nous avons parlé de ces deux pièces, vous avez

  6   fait remarquer en parlant de Kraljevic la chose suivante, je cite : "Je

  7   l'en ai informé par le biais de mes ordres 360 et 361 afin précisément

  8   d'éviter ce type d'actes arbitraires. Je lui ai envoyé également ces

  9   ordres pour lui dire que ces ordres s'appliquaient également à son unité".

 10   Cela se trouve à la page 19 506, lignes 12 à 15 du compte rendu. Par

 11   conséquent, vous avez dit au Juge Shahabuddeen que ces deux ordres

 12   s'appliquaient aussi à l'unité de Kraljevic, les Vitezovi, n'est-ce pas ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - J'ai dit que le document 361,

 14   d'après son titre, porte sur l'élimination, la suppression d'actes

 15   arbitraires de commandants et d'individus. Cela fait référence à toutes

 16   les unités de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Le document 360,

 17   d'après son titre, ne me permet pas d'affirmer avec certitude qu'il a été

 18   envoyé aux Vitezovi, puisqu'on parle des unités faisant partie de la

 19   structure de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Mais, quoi qu'il

 20   en soit, des actes arbitraires ont été perpétrés par des unités qui

 21   n'étaient pas dans la structure du HVO. Il y avait des actes arbitraires

 22   de la part de certains groupes, de certaines unités et notamment des

 23   Vitezovi.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Quand vous avez dit au

 25   Juge Shahabuddeen que ces deux documents s'appliquaient aux Vitezovi,


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  1   êtes-vous en train de dire que vous vous êtes trompé, que vous ne saviez

  2   pas de quoi vous parliez, que vous avez oublié de préciser quelque chose ?

  3   Quelle est exactement votre réponse ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - Je suis certain que le

  5   document D361, qui parle de la suppression d'actes arbitraires chez les

  6   commandants et les individus, s'appliquait à toutes les unités de la zone

  7   opérationnelle. Je voulais rappeler leurs devoirs. Alors que le

  8   document 360, comme je l'ai dit, ne me permet pas d'affirmer avec

  9   précision si, effectivement, il s'appliquait à des unités qui ont été

 10   ajoutées simplement. Je parle des Vitezovi et de la police militaire.

 11   C'est peut-être le cas, puisqu'on voit dans le titre : "A tous

 12   les commandants subordonnés". En essence, les deux documents sont

 13   similaires.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Parlons de votre ordre D361. Avez-

 15   vous exigé que Kraljevic identifie et arrête les membres des Vitezovi

 16   responsables de ce crime barbare ? L'avez-vous fait ? Et avez-vous un

 17   ordre écrit nous le montrant ?

 18   M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous poser des questions

 19   simples, Monsieur le Président ?

 20   M. le Président. - Souvent, les questions sont simples alors que

 21   les réponses sont compliquées. D'autre part, je vous rappelle que vous

 22   n'avez pas de rôle particulier, le témoin est seul. Les questions sont

 23   souvent simples et les réponses sont souvent plus compliquées. N'oubliez

 24   pas que nous avons ici dénoté une différence de changement de réponse à

 25   une question posée par un collègue de la Chambre.


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  1   Je vous en prie, Monsieur le Procureur, poursuivez. Je pourrais

  2   aussi poser la question à Me Hayman : comment, le 23 avril, le général

  3   Blaskic adresserait-il un ordre à des commandants, sauf à Darko Kraljevic,

  4   alors qu'il s'agit justement d'une unité qui agit de façon

  5   particulièrement illégale, en tout cas pas toujours conforme ? Alors, nous

  6   pourrions poser beaucoup de questions directes.

  7   Monsieur le Procureur, posez vos questions. Je demande au

  8   général Blaskic d'essayer d'y répondre de façon directe.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous entendu ma question,

 10   Général, ou souhaitez-vous que je la répète ?

 11   M. le Président. - Répétez la question pour qu'elle soit bien

 12   comprise du témoin, Monsieur le Procureur.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 14   Général, avez-vous exigé que Darko Kraljevic arrête les membres des

 15   Vitezovi responsables de ce crime et de ce qui s'est passé avec ce camion

 16   piégé ?

 17   M. Blaskic (interprétation). - J'ai exigé qu'il mène une enquête

 18   sur cette explosion du camion piégé. Cela impliquait qu'il donne le nom

 19   des auteurs, qu'il les arrête ou qu'il envoie la liste des noms à la

 20   police militaire afin que ce soit la police militaire qui les arrête. Mais

 21   j'ai demandé qu'il mène une enquête afin d'identifier les auteurs et leur

 22   donner leurs noms et prénoms.

 23   M. Kehoe (interprétation). - A votre connaissance, Général,

 24   quelqu'un a-t-il été arrêté à un quelconque moment pour ce crime ?

 25   M. Blaskic (interprétation). - A ma connaissance, personne. Mais


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  1   je dis, à ma connaissance. Personne n'a été arrêté parce que les noms et

  2   prénoms de ces auteurs n'ont jamais été découverts.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Je suppose donc que personne n'a

  4   jamais fait l'objet de mesures disciplinaires et n'a jamais été exclus du

  5   HVO pour avoir commis ce crime, n'est-ce pas ?

  6   M. Blaskic (interprétation). - D'après les informations dont je

  7   dispose, l'enquête n'a pas permis de découvrir les noms des auteurs de ce

  8   crime.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Mais au cours de votre grande

 10   enquête connue sous le nom d'opération "Pauk", "Araignée", votre enquête

 11   a-t-elle porté également sur les actes barbares qui ont été perpétrés par

 12   les membres des Vitezovi afin de découvrir les noms des auteurs de ce

 13   crime ?

 14   M. Blaskic (interprétation). - L'opération "Pauk" portait sur

 15   une enquête qui portait sur tous les crimes commis dans la République

 16   croate d'Herceg-Bosna à ce moment-là.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Mais, Colonel, ce crime a eu lieu à

 18   quelques mètres de votre quartier général en avril 1993 ! Et pendant que

 19   vous aviez mis sur pied l'opération "Pauk", avez-vous dans le cadre de

 20   cette opération mené une enquête sur ce crime terrible que votre chef

 21   d'état-major a qualifié "d'acte terroriste" ?

 22   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que l'opération

 23   "Pauk", "Araignée", portait sur tous les crimes. Effectivement, ce crime a

 24   eu lieu à quelques mètres du quartier général, mais de l'autre côté de la

 25   ligne de front.


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  1   M. le Président. - Maître Hayman, c'est typiquement la réponse

  2   qui ne correspond pas à la question. Je regrette, mais voilà deux fois que

  3   l'on pose la même question ! Dans le cadre de l'opération "Araignée", une

  4   enquête a-t-elle été ordonnée au moment où le témoin était en situation de

  5   le faire sur le camion piégé ? La réponse est toujours que l'on nous

  6   rappelle en quoi consistait l'opération "Araignée" ! Les Juges savent en

  7   quoi consistait l'opération "Araignée".

  8   Je vous en prie -le Procureur vous l'a demandé : dans le cadre

  9   de l'opération "Araignée", avez-vous fait une enquête ou avez-vous essayé

 10   de réunir des éléments sur le camion piégé ? C'est très simple comme

 11   question : oui ? Non ? Ou autre chose.

 12   M. Blaskic (interprétation). - L'enquête dans le cadre de

 13   l'opération "Pauk" portait sur tous les crimes, notamment le camion piégé,

 14   et tous les crimes commis dans la République d'Herceg-Bosna.

 15   M. le Président. - C'est ce que vous venez de nous dire...

 16   M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas quelle est

 17   l'interprétation qui vous a été donnée, mais l'enquête dans le cadre de

 18   l'opération "Araignée", qui incluait donc les crimes de guerre, incluait

 19   tous les crimes de guerre commis, et notamment le crime qui a été

 20   constitué par le camion piégé.

 21   M. le Président. - Merci. Poursuivez, Monsieur le Procureur.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre enquête sur le

 23   camion piégé dans le cadre de l'opération "Pauk", y a-t-il une personne ou

 24   plusieurs qui ont arrêtées pour cet incident à Stari Vitez ? Oui ou non ?

 25   M. Blaskic (interprétation). - Non, parce que comme je l'ai déjà


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  1   dit, l'enquête n'a pas permis de dévoiler les noms de personnes,

  2   simplement "unité des Vitezovi", c'est tout.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, l'enquête du SIS en

  4   mai n'a pas permis de découvrir de noms, et votre enquête dans le cadre de

  5   l'opération "Pauk" en 1994 n'a pas non plus permis d'obtenir des noms ?

  6   Est-ce bien exact ?

  7   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que l'enquête dans

  8   le cadre de l'opération "Pauk" portait sur tous les crimes, et notamment

  9   ce crime et que, effectivement, ceci n'a pas permis de découvrir de noms.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, suite à cet acte

 11   terroriste, afin de conclure sur cette opération "Pauk", personne n'a été

 12   arrêté, personne n'a été condamné et aucun soldat ne s'est vu imposer des

 13   mesures disciplinaires pour cet acte barbare ? C'est bien ce qui s'est

 14   passé, au fond, n'est-ce pas ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Oui, effectivement, mais je

 16   voudrais ajouter que l'enquête n'a pas permis d'identifier les auteurs de

 17   ce crime.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Slavko Marin, votre chef d'état-

 19   major, savait-il que vous aviez demandé au SIS d'enquêter sur le camion

 20   piégé, à Stari Vitez ?

 21   M. Blaskic (interprétation). – Je ne pense pas qu'il le savait à

 22   ce moment-là. Peut-être qu'il l'a appris par la suite parce que l'ordre a

 23   été envoyé à l'assistant du SIS et il n'était pas important que

 24   Slavko Marin en soit informé. Je ne sais donc pas s'il le savait ou pas.

 25   Peut-être, mais, quoi qu'il en soit, l'ordre a été envoyé à l'assistant


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  1   chargé du SIS.

  2   M. Kehoe (interprétation). – Eh bien, je vais vous lire deux

  3   extraits du témoignage de M. Marin, à la page 13 433, ligne 4 du compte

  4   rendu.

  5   Début de citation : "Général, un ordre a-t-il été envoyé par le

  6   colonel Blaskic afin de demander si un quelconque soldat du HVO était

  7   responsable de cette explosion ?" Ce à quoi M. Marin a répondu : "Je ne

  8   sais pas si un ordre de ce type a été envoyé".

  9   Puis, à la ligne 17, la citation continue. Il est question de la

 10   brigade de Vitez et de son rapport. Citation : "Par conséquent, ce rapport

 11   que nous voyons, la pièce de la défense 304, a été reçu par Blaskic de la

 12   brigade de Vitez. Et il a été convaincu qu'il avait toutes les

 13   informations quant à l'incident et il n'a pas pris de mesures

 14   supplémentaires afin de déterminer l'identité des responsables, n'est-ce

 15   pas ?"

 16   M. Marin répond : "Je ne sais pas quelles étaient les

 17   informations dont disposait le commandant et les mesures qui ont été

 18   prises après réception de ce rapport".

 19   Par conséquent, Général, il semble clair que votre chef d'état-

 20   major n'était absolument pas au courant des mesures que vous avez

 21   demandées eu égard à cet incident du camion piégé ?

 22   M. Blaskic (interprétation). – Il était effectivement le chef

 23   des opérations, Slavko Marin, et il était chargé des opérations de combat

 24   plus précisément, alors que le SIS avait ses propres tâches. D'après ce

 25   que j'ai compris, il dit qu'il n'était pas au courant de ce que j'avais


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  1   fait. Mais moi, j'ai effectivement confié une tâche au SIS et j'ai demandé

  2   qu'une enquête soit menée.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous un ordre écrit pour

  4   appuyer ce que vous venez de dire ?

  5   M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, nous

  6   écoutons cet échange depuis deux jours au moins. Monsieur le Procureur ne

  7   cesse de demander s'il y a un ordre écrit venant soutenir telle ou telle

  8   chose. Le témoin a répondu à la question. D'autre part, ce n'est pas à lui

  9   de prouver quoi que ce soit. Le Procureur a-t-il des éléments de preuve

 10   prouvant qu'il a ceci ou pas ? Il semble que l'on inverse la situation :

 11   les mêmes questions sont posées, le témoin est un peu secoué, on lui pose

 12   les mêmes questions à plusieurs reprises. Je crois que c'est là un moyen

 13   artificiel d'avoir un certain effet, de créer un certain effet. Je crois

 14   que ce n'est pas un bonne façon d'interroger le témoin.

 15   M. le Président. – Je vais vous répondre, Maître Nobilo. Dans

 16   tous les systèmes judiciaires, c'est au Procureur de faire la preuve de ce

 17   qu'il avance. Ce point-là, je vous en rends témoignage : vous avez tout à

 18   fait raison. Mais, dans tous les systèmes judiciaires du monde, lorsque le

 19   Procureur avance un élément et qu'il obtient d'un accusé, qui est témoin

 20   ici, -il s'agit d'un témoin et pas d'un accusé- qui avance une réponse en

 21   disant : "J'ai fait ceci ou j'ai fait cela", dans tous les systèmes

 22   judiciaires, il appartient à celui qui avance cet élément d'en donner au

 23   moins un commencement de preuve. Etes-vous d'accord sur ce point-là ?

 24   M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Mais

 25   je ne suis pas d'accord avec le fait que la même question soit posée


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  1   toutes les deux heures afin de créer la conviction selon laquelle il n'y a

  2   pas de preuve montrant telle ou telle chose. La même question est

  3   reposée : il s'agit de créer un certain effet pour influencer un jury.

  4   Ceci n'est donc pas approprié devant des Juges professionnels.

  5   M. le Président. – D'abord, il ne s'agit pas de jury ici. Comme

  6   vous dites très bien, nous sommes des Juges professionnels. Le moment

  7   venu, nous saurons faire le tri entre ce qui est de l'ordre d'une preuve

  8   solide et ce qui est de l'ordre d'une allégation venant du Procureur.

  9   Je vous indique simplement qu'il ne s'agit pas d'un témoin comme

 10   les autres témoins. Il s'agit d'un accusé qui a produit beaucoup d'ordres

 11   et dont on peut aussi penser qu'il a produit les ordres qui venaient à

 12   l'appui de sa thèse. Ce n'est pas vous, Maître Nobilo, qui pourrez me

 13   démentir sur ce point. C'est peut-être bien normal aussi. Le témoin, qui

 14   est accusé en même temps, a donc produit des ordres. Ayant produit des

 15   ordres, Maître Nobilo, il se met dans la situation où il faut que les

 16   Juges aient l'intégralité des ordres qui ont été produits.

 17   Me suivez-vous sur ce raisonnement ?

 18   (Assentiment de Me Nobilo.)

 19   Nous allons donc reprendre. Pourtant je parle doucement et je

 20   demande aux interprètes de faire très attention à ce que je dis.

 21   Il ne s'agit pas d'un témoin comme les autres. Il s'agit d'un

 22   témoin, accusé par ailleurs, qui, pour sa défense, avec votre aide

 23   compétente, a produit quantité d'ordres. C'est mon premier cran de

 24   raisonnement.

 25   Ayant décidé d'établir sa défense sur la production d'ordres, il


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  1   est tout à fait normal que la partie adverse ou même les Juges se placent

  2   sur le même terrain, c'est-à-dire les ordres qu'il a donnés. Deuxième cran

  3   du raisonnement.

  4   Troisième cran du raisonnement, Maître Nobilo : c'est le témoin

  5   lui-même qui dit : "J'ai donné un ordre de faire ceci, j'ai donné un ordre

  6   de faire cela." Il ne me paraît donc pas illégitime que le Procureur

  7   dise : "Avez-vous cet ordre ?"

  8   Maintenant, s'il ne l'a pas, Maître Nobilo, ce n'est pas pour

  9   cela que les Juges vont tirer les conclusions les plus néfastes que vous

 10   pouvez imaginer. Le procès a duré deux ans, beaucoup de choses ont été

 11   dites. Mais, sur le plan de la méthode, il ne me paraît pas illégitime que

 12   la partie de l'accusation, lorsque le témoin dit : "J'ai donné un ordre de

 13   faire ceci ; j'ai donné un ordre de faire cela", il demande s'il a cet

 14   ordre ou pas. S'il ne l'a pas, il ne l'a pas. C'est tout.

 15   Etes-vous quand même d'accord sur les crans de raisonnement ?

 16   M. Nobilo (interprétation). - Je suis absolument d'accord avec

 17   la logique qui préside à votre raisonnement, mais vous avez laissé de côté

 18   deux prémisses. Première prémisse : que le témoin a délivré un ordre oral.

 19   Il s'agit donc bien d'un ordre oral qui ne peut donc être écrit par

 20   définition. Deuxièmement, je ne suis pas d'accord pour que l'on répète la

 21   même question cinq ou six fois par jour. Je considère que c'est un effet

 22   et je ne suis pas d'accord.

 23   Le témoin a été interrogé il y a quelques instants au sujet de

 24   la pièce de la défense 361, et on lui a demandé où se trouve l'ordre lié

 25   au camion citerne. Mais cet ordre a été émis oralement au mois de mai, il


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  1   ne peut donc pas y avoir d'ordre écrit à la date dont il est question dans

  2   cette question. Quand on lui demande l'ordre lié à l'enquête qu'il a

  3   menée, s'agissant d'ordres oraux, il ne peut pas les fournir.

  4   M. le Président. - Maître Nobilo, je vous remercie de ce que

  5   vous apportez aux débats. Mais il peut être très important pour les Juges

  6   -et de ce point de vue, les questions du Procureur ne sont pas

  7   négligeables pour les Juges- par exemple, de constater que les ordres

  8   importants, qui pourraient venir à l'appui de ce que dit le témoin, sont

  9   toujours des ordres oraux.

 10   Voyez-vous ce que je veux dire ? Ce qui est important est

 11   toujours oral.

 12   Vous, vous avez fait apporter par le témoin des ordres écrits

 13   qui n'ont pas toujours une suite de numéros. Vous souvenez-vous de ce

 14   litige ?

 15   Pour les Juges, il peut être important dans le débat de

 16   constater que beaucoup d'ordres manquent et que, quand le témoin veut nous

 17   dire qu'il a donné un ordre d'enquête, nous constations que c'est un ordre

 18   oral. Et si cela arrive souvent, que ce soit des ordres oraux, il peut

 19   être important pour les Juges de constater que des ordres très importants

 20   sur des matières très importantes ont été donnés verbalement. Nous le

 21   constaterons, c'est tout.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Si vous me le permettez,

 23   Monsieur le Président, une phrase encore ; je vous suis reconnaissant

 24   d'avoir entamé ce débat.

 25   Il importe de bien comprendre la façon dont les choses se


Page 21243

  1   passaient. Les membres de commandement ne délivraient jamais, absolument

  2   jamais, il n'existe dans aucune armée un seul commandant qui délivre des

  3   ordres écrits à ses collaborateurs directs. Les ordres écrits sont

  4   délivrés aux unités, aux formations militaires qui se trouvent en-dehors

  5   du commandement, mais, au sein du commandement, les ordres sont verbaux.

  6   C'est pourquoi tous les ordres donnés au SIS, à Nakic, à Zeko,

  7   responsable d'un autre service lié à l'enquête, ont reçu des ordres oraux.

  8   Quand on donne un ordre écrit, c'est un ordre qui porte sur une situation

  9   tragique. C'est pourquoi nous avons deux ordres écrits relatifs à Ahmici.

 10   Mais dans aucune armée du monde un commandant ne donne un ordre à un de

 11   ses collaborateurs par écrit. Ils sont assis l'un à côté de l'autre, à

 12   deux tables dans la même pièce, et qui ne se délivrent pas des ordres

 13   écrits. C'est le cas dans toutes les armées.

 14   M. le Président. - Je vous répondrai tout d'abord que les crimes

 15   ne sont pas des événements quotidiens, les crimes les plus graves.

 16   Deuxièmement, votre témoin a dit combien il avait été bouleversé par ces

 17   crimes. Il l'a dit, il l'a répété. Et il se trouve qu'il a donné des

 18   ordres que vous avez été très satisfait de montrer aux Juges, des ordres

 19   écrits sur Ahmici; sur les exactions militaires de façon générale qui

 20   incluaient le camion piégé.

 21   Il se trouve que votre témoin a occupé des fonctions importantes

 22   dans le cadre de l'opération "Araignée". Il a été très satisfait de le

 23   dire aux Juges. Donc Maître Nobilo, on ne peut pas être satisfait de

 24   présenter aux Juges certains éléments et, ensuite, de protester quand la

 25   partie adverse ou les Juges demandent le complément de ces éléments. C'est


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  1   comme la défense d'alibis que vous n'avez pas invoquée. Mais, dans tous

  2   les systèmes judiciaires du monde, quand

  3   un témoin avance quelque chose, il le fait sous sa responsabilité. Et sa

  4   responsabilité inclut qu'il puisse dire où est passé cet ordre. Il n'est

  5   pas indifférent pour les Juges de constater que beaucoup d'ordres sont

  6   oraux et très souvent les ordres que votre témoin voudrait montrer comme

  7   étant à l'appui de sa thèse. Ce n'est pas négligeable pour les Juges de le

  8   constater. Voilà ce que j'avais à vous dire. Merci.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Oui, merci, Monsieur le Président.

 11   Général, avant que nous ne passions à un autre sujet, j'aimerais vous lire

 12   un autre court extrait de la déposition du lieutenant-colonel

 13   Henk Morsink, page 9 858 du compte rendu d'audience, ligne 15.

 14   Je cite : "Question : S'agissant du camion piégé, incident

 15   survenu à Stari Vitez, à l'issue duquel Mario Cerkez a dit qu'il allait

 16   mener une enquête, avez-vous jamais reçu un rapport d'enquête du HVO

 17   pendant que vous étiez sur le théâtre des opérations au sujet de cet

 18   incident du camion piégé ? Réponse : Jamais".

 19   Général, la communauté internationale a-t-elle été informée des

 20   résultats de cette prétendue enquête que vous auriez lancée et qui aurait

 21   été destinée à découvrir l'auteur de cet incident du camion piégé ?

 22   M. Blaskic (interprétation). - L'enquête n'est pas une prétendue

 23   enquête ; elle a été effectivement lancée et menée. Je dois répéter encore

 24   une fois que le rapport qui m'a été fourni par le service de sécurité

 25   signalait que les responsables étaient sans doute les Vitezovi. Ce n'était


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  1   pas une enquête prétendue mais effective.

  2   D'autre part, je n'ai jamais eu le devoir d'en informer la

  3   communauté internationale. Les représentants internationaux, eu égard à

  4   ces questions, étaient incompétents, non habilités, car il existait des

  5   règlements militaires qui m'imposaient de maintenir la confidentialité au

  6   sujet de ces renseignements et de ces informations. Pour l'essentiel, ce

  7   type d'information n'a pas été partagé avec les représentants de la

  8   communauté internationale.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Général, avançons, mais continuons

 10   à parler des Vitezovi. Nous allons avancer chronologiquement pour arriver

 11   à l'attaque contre Stari Vitez le 18 juillet 1993.

 12   M. Shahabbudeen (interprétation). - Avant que vous ne passiez à

 13   autre chose, j'aimerais saisir l'occasion pour interroger M. Blaskic quant

 14   au fait de savoir si les pièces à conviction de la défense 360 et 361

 15   s'appliquaient également à la police militaire ?

 16   Général, vous savez que nous avons parlé des Vitezovi et du

 17   service d'information et de sécurité, le SIS, j'aimerais être davantage au

 18   clair sur la situation de la police militaire.

 19   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, il ne fait

 20   aucun doute que le document, pièce à conviction de la défense 361,

 21   concerne également la police militaire. Il porte sur la police militaire.

 22   Quant à la pièce de la défense 360, comme je l'ai dit, c'est un

 23   document qui a un rapport avec toutes les unités subordonnées au sein de

 24   la zone opérationnelle. Il est donc possible que ce document concerne

 25   également la police militaire, mais je n'en suis pas sûr à 100 %. Alors


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  1   que pour la pièce à conviction 361, j'en suis sûr à 100 %

  2   M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, au moment des faits,

  3   votre point de vue consistait à penser que la police militaire vous était

  4   subordonnée ?

  5   M. Blaskic (interprétation). - La police militaire ne m'était

  6   pas subordonnée à l'époque des faits, elle m'était rattachée. Elle ne m'a

  7   été subordonnée qu'à partir de la fin du mois de juillet ou à partir du

  8   début du mois d'août 1993.

  9   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez parlé de

 10   l'établissement ou du rétablissement de l'Etat de droit. Dois-je

 11   considérer que vous avez ressenti le besoin de faire appel à la police

 12   militaire dans ces conditions pour vous aider dans votre entreprise ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Bien entendu, Monsieur le Juge,

 14   car la police militaire a, parmi ses missions, le devoir de découvrir les

 15   auteurs d'actes criminels, l'établissement de listes comportant les noms

 16   des auteurs d'actes criminels et la remise de ces listes au Procureur du

 17   tribunal militaire de district, selon le Code de procédure pénale dont, je

 18   crois, le témoin Tadic a parlé ici.

 19   Mais lorsque la police militaire ne m'est pas directement

 20   subordonnée, du point de vue du commandement et du contrôle, alors cette

 21   police militaire n'est pas un instrument de mon commandement et de mon

 22   contrôle. C'est la raison pour laquelle j'ai été placé dans une situation

 23   absurde, que l'on voit bien à la lecture de la pièce 360.1, où je demande

 24   que l'on veuille bien appliquer un ordre déjà délivré. Je répète en fait

 25   de façon absurde la nécessité d'appliquer, d'exécuter mon ordre qui existe


Page 21247

  1   déjà !

  2   M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci, Général.

  3   M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous voulez parler

  4   maintenant des Vitezovi, c'est cela ?

  5   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, parmi

  6   d'autres sujets nous allons parler de l'attaque de Stari Vitez le

  7   18 juillet 1993.

  8   Général, vous nous avez dit que, le matin du 18 juillet 1993,

  9   vous n'étiez pas à Vitez. Pouvez-vous nous redire ce que vous faisiez

 10   exactement ce matin-là ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - Le 18, je me trouvais à Busovaca,

 12   à la messe, à l'église, et j'ai déjeuné avec le curé de Busovaca.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Pour que tout soit très clair,

 14   Général, êtes-vous allé de l'Hôtel Vitez pour assister à la messe de

 15   Busovaca, et ensuite vous êtes allé déjeuner avec le prêtre de la paroisse

 16   de Busovaca ?

 17   M. Blaskic (interprétation). - J'ai quitté mon commandement à

 18   Nova Bila, je crois. C'est donc de Nova Bila que je suis parti le 17 dans

 19   la soirée pour me rendre à Busovaca au lieu-dit qui s'appelle Ravan. J'ai

 20   passé la nuit dans la maison de la famille d'Ivo Petrovic, ce sont des

 21   proches parents. Le matin, je suis allé à la messe, et le 18 juillet donc,

 22   je suis allé à la messe à l'église, puis dans la maison du curé où j'ai

 23   déjeuné dans la ville de Busovaca.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Mais le matin du 18, à quelle heure

 25   a commencé cette attaque à Stari Vitez ?


Page 21248

  1   M. Blaskic (interprétation). - Je devrais vérifier ma

  2   chronologie.

  3   M. le Président. - Allez-y, vérifiez.

  4   (Le témoin consulte ses notes.)

  5   Vous avez pu retrouver votre chronologie, Général Blaskic ?

  6   M. Blaskic (interprétation). - Pas encore, Monsieur le

  7   Président.

  8   (Le témoin examine sa chronologie.)

  9   M. le Président. - C'était sur le moment de l'attaque de

 10   Stara Bila ?

 11   L'Interprète. - C'est bien cela... Non, l'interprète vous prie

 12   de l'excuser, Monsieur le Président. L'attaque est sur Stari Vitez.

 13   Nova Bila est le lieu qu'a quitté le général.

 14   (Les Juges se consultent sur le Siège.)

 15   M. le Président. - Cela ne doit pas être trop compliqué. Le

 16   Procureur vous donne un jour exact. Vous avez minuté toute votre

 17   chronologie. Il faut que cela nous serve à quelque chose aujourd'hui. Vous

 18   avez bien parlé du 18 juillet 1993. A quelle heure ?

 19   Monsieur le Procureur, c'est une information que le témoin avait

 20   lui-même donnée ?

 21   M. Kehoe (interprétation). - Je ne pourrais pas affirmer

 22   absolument qu'il a fourni cette information. Il a raconté ce qui s'était

 23   passé ce jour-là, les voyages effectués par lui entre Nova Bila et

 24   Busovaca, mais la question que je souhaitais lui poser est : à quel moment

 25   avait commencé l'opération de Stari Vitez ?


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  1   M. le Président. - C'était une opération menée par le

  2   commandement du HVO ? Pouvez-vous nous rafraîchir la mémoire, Monsieur le

  3   Procureur, pendant que le général cherche ?

  4   M. Kehoe (interprétation). - C'était une opération menée par le

  5   HVO contre Stari Vitez le 18 juillet 1993.

  6   (Le témoin continue à consulter sa chronologie.)

  7   Général, vous pouvez vérifier cela pendant la pause. Je passe à

  8   une autre question. Général, vous pouvez laisser vos notes de côté, vous

  9   les regarderez pendant la pause.

 10   Ma question suivante est : à quel moment avez-vous appris qu'il

 11   y avait eu une attaque contre Stari Vitez ? Vous le rappelez-vous ? Je

 12   vous rappelle que dans votre déposition, page 19 496 du compte rendu

 13   d'audience, vous avez dit être rentré à Nova Bila à 18 heures.

 14   M. Blaskic (interprétation). - Quand je suis rentré à Nova Bila,

 15   donc dans l'après-midi, j'ai appris qu'il y avait eu des opérations de

 16   combat à Stari Vitez.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Vous n'aviez donc reçu aucune

 18   information au sujet de ces activités de combat jusqu'à votre retour dans

 19   votre quartier général à Nova Bila, à 18 heures, est-ce bien cela ?

 20   M. Blaskic (interprétation). - Je n'avais pas ces informations,

 21   je n'avais aucune connaissance de cela.

 22   M. Kehoe (interprétation). – Par la suite, avez-vous appris

 23   quelles étaient les méthodes utilisées au cours de ces attaques ?

 24   Notamment l'utilisation de bombes, qu'on appelle des babies, au cours de

 25   cette attaque contre Stari Vitez, les babies étant des extincteurs remplis


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  1   de diverses munitions ?

  2   M. Blaskic (interprétation). - Il y a eu y compris des histoires

  3   de ce genre, c'est possible. Mais j'ai appris que la méthode utilisée

  4   consistait à s'appuyer sur la brume pour se rapprocher de l'armée de

  5   Bosnie-Herzégovine, à Stari Vitez, et de profiter de l'effet de surprise.

  6   C'est de cette méthode qu'il a été le plus question parmi les commandants.

  7   Pour l'essentiel, l'histoire racontée consistait à parler de la grande

  8   victoire remportée par l'armée de Bosnie-Herzégovine, à parler également

  9   des pertes importantes subies par le HVO et…

 10   M. le Président. – Poursuivez, Monsieur le Procureur.

 11   M. Kehoe (interprétation). – Mais, en tant que commandant

 12   militaire, vous savez, n'est-ce pas, que l'utilisation de ces babies,

 13   c'est-à-dire le fait de tirer des extincteurs remplis de munitions

 14   consiste à lancer un projectile dont la direction ne peut être contrôlée ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Il ne s'agissait pas uniquement

 16   d'extincteurs, comme vous le prétendez. Il y avait aussi des explosifs

 17   utilisés à courte portée, pour l'essentiel contre des positions de l'armée

 18   de Bosnie-Herzégovine. Il y a eu des rumeurs, des histoires, des récits

 19   racontés selon lesquels des babies auraient été utilisés, mais je sais que

 20   l'artillerie de la zone opérationnelle n'a pas été utilisée. En revanche,

 21   personne ne m'a demandé d'utiliser l'artillerie de la zone opérationnelle.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Recourir à des babies est illégal

 23   en vertu des lois de la guerre, n'est-ce pas, car on tire ces projectiles

 24   de façon non discriminée sur la zone visée ?

 25   M. le Président. – C'est votre affirmation, Monsieur le


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  1   Procureur. Posez votre question, s'il vous plaît.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Je reformule ma question :

  3   l'utilisation de ces babies, à savoir des extincteurs remplis de

  4   munitions, est-elle illégale, car elles frappent leurs cibles de façon non

  5   discriminée ?

  6   M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, notre

  7   client n'est pas un juriste. On demande ici une conclusion juridique.

  8   C'est au Tribunal de répondre et pas au témoin.

  9   M. le Président. – Objection accordée : ne posez pas des

 10   questions trop juridiques, sauf celles qu'un commandant doit normalement

 11   savoir. Je conclus quand même auprès de Me Hayman que le témoin a dit

 12   qu'il avait reçu une formation, qu'il était au moins au courant, en tant

 13   que commandant militaire, de ce qui est licite et de ce qui ne l'est pas.

 14   Néanmoins, c'est vrai, Monsieur le Procureur : essayez de ne pas trop

 15   engager le témoin dans des débats juridiques trop complexes. Poursuivons.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 17   Général, ces babies étaient-ils une arme précise ? Quand je dis

 18   "précise", je vous demande s'il était possible de contrôler la direction

 19   du vol de ce projectile et le site où il explose ?

 20   M. Blaskic (interprétation). - S'agissant de la direction, il

 21   était possible de contrôler la direction. Selon ce que je sais, c'étaient

 22   les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine, à Zabilje ou sur le mont

 23   Stozerak, qui fabriquaient ces projectiles. Leur portée était de

 24   250 mètres et avaient une précision déterminée.

 25   M. le Président. – Vous avez répondu techniquement ; ici, il ne


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  1   s'agit plus de questions juridiques. La question est de savoir si ces

  2   armes sont contrôlables et précises. Elles sont relativement contrôlables

  3   et pas trop précises, si j'ai bien compris. Mais répondez au Procureur,

  4   s'il vous plaît.

  5   M. Blaskic (interprétation). - L'arme est relativement

  6   contrôlable et a une certaine précision, mais elle s'utilise sur des

  7   portées assez faibles, de 150 à 200 mètres de portée. Et les personnes qui

  8   les tirent peuvent viser une cible avec cette arme. Il est donc possible

  9   de contrôler et de diriger cette arme. Quand on parle de contrôle

 10   militaire, on parle également de lancer, de tirer un obus de mortier, sans

 11   coordonnées particulières.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Donc, Général, en tant que

 13   commandant militaire et en vous fondant sur votre formation militaire,

 14   considérez-vous que l'utilisation de ces babies est convenable ou non

 15   convenable, selon vous ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - Nous étions à l'époque dans une

 17   situation telle que nous n'avions tout simplement pas d'autre issue. Mais

 18   il est certain que nous avons réduit au minimum le recours à de tels

 19   engins et ce, avec un contrôle maximal. La situation était chaotique et

 20   les difficultés très nombreuses. Ce qui eût été préférable, c'est qu'il

 21   n'y ait pas eu nécessité de faire la guerre sur ce territoire.

 22   M. Kehoe (interprétation). – Donc, Général, pendant que vous

 23   étiez commandant de la zone opérationnelle de la zone de Bosnie centrale,

 24   avez-vous autorisé le recours à ces engins appelés babies, au cours

 25   d'opérations de combat ?


Page 21253

  1   M. Blaskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir

  2   autorisé le recours à des babies pendant des opérations de combat, mais je

  3   sais que ces engins ont été utilisés. Diverses informations et rumeurs me

  4   sont parvenues à ce propos. Il y a eu parfois utilisation improvisée de

  5   divers engins allant du simple fusil à d'autres engins improvisés par les

  6   soldats, lorsqu'ils étaient obligés de se défendre. La grande difficulté

  7   consistait à maintenir tout cela sous notre contrôle et à enregistrer

  8   toutes les armes pour avoir un certain contrôle sur ces armes.

  9   M. Kehoe (interprétation). – Général, passons à l'attaque de

 10   Stari Vitez, le 18, lorsque vous nous avez dit n'avoir reçu aucune

 11   information au sujet de l'attaque, jusqu'à votre retour au quartier

 12   général qui était le vôtre. J'aimerais vous montrer une photographie,

 13   pièce à conviction de l'accusation 433/4.

 14   Général, qui est la personne qui se trouve à gauche sur cette

 15   photo ?

 16   M. Blaskic (interprétation). – C'est Darko Gelic, l'officier

 17   chargé des rapports avec les officiers de la Forpronu ; c'est l'officier

 18   administratif au sein du commandement dans la zone opérationnelle.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi de vous lire

 20   certaines descriptions faites par des témoins sur Darko Gelic. Tout

 21   d'abord, le capitaine Lee Whithworth qui a dit les choses suivantes. Cela

 22   se trouve sur une série de pages : 10 193, 10 195, 10 198, 10 217, 10 296

 23   et 10 298.

 24   Monsieur Whithworth dit que Gelic est l'officier de liaison de

 25   Blaskic, qu'il parlait au nom de Blaskic durant cette période. Il y a eu


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  1   beaucoup de réunions avec Gelic plutôt qu'avec Blaskic.

  2   Page 10 341. Whithworth a dit qu'il contactait Blaskic par le

  3   biais de Gelic afin d'organiser des réunions.

  4   Sur la page 10 414, une fois, lorsque M. Withworth dit qu'il

  5   devait rencontrer M. Blaskic, il a vu M. Gelic au lieu de lui.

  6   Et page 10 433, M. Withworth a dit que, d'après lui, le rapport

  7   entre M. Blakic et M. Gelic était le même qu'entre M. Withworth et

  8   M. Duncan et qu'il agissait avec l'accord de M. Blaskic. Le commandant

  9   Mark Bower a parlé de ce rapport avec M. Gelic sur la page 9 425 du compte

 10   rendu. Il a dit qu'il avait des rapports avec M. Gelic à l'Hôtel Vitez

 11   quand il devait passer par les points de contrôle. 

 12   A la page 9 427, M. Bower parlait avec M. Gelic afin d'accéder à

 13   Kruscica afin de faire passer un convoi humanitaire avec de la nourriture.

 14   Page 9 459, M. Bower a dit que c'est M. Gelic qui facilitait le

 15   passage des convois.

 16   Page 9 493, M. Bower a dit : "Si vous voulez évacuer les blessés

 17   de Stari Vitez, il fallait aller à l'Hôtel Vitez pour parler à M. Gelic".

 18   Le général de brigade Duncan a dit à la page 9 164 que M. Gelic

 19   était l'officier de liaison avec le Bataillon britannique de la zone

 20   opérationnelle de la Bosnie centrale du HVO. Et le lieutenant-

 21   colonel Morsink a dit de Darko Gelic qu'il était l'officier de liaison de

 22   M. Blaskic. Cela se trouve en pages 9 935 et 940 du compte rendu.

 23   Donc, Général, Darko Gelic était la personne que vous avez

 24   autorisé à contacter les représentants de l'autorité internationale et

 25   notamment le Bataillon britannique pendant une période, pendant qu'il


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  1   était officier de liaison de la Bosnie centrale.

  2   M. Blaskic (interprétation). - Ce n'est pas vrai qu'il était la

  3   personne habilitée pour parler avec les représentants de la communauté

  4   internationale. Il était l'officier qui pouvait recevoir l'information des

  5   officiers de liaison, des représentants internationaux et il pouvait me

  6   transmettre ou aux autres supérieurs cette information.

  7   Il pouvait personnellement transmettre notre information, notre

  8   attitude aux officiers de liaison de la Forpronu ou aux autres personnes.

  9   Il était donc chargé de transmettre les informations dans les deux sens.

 10   C'étaient ses seules compétences. Il n'en avait pas d'autres, sauf pour

 11   transmettre.

 12   M. le Président. - Un officier qui reçoit et transmet ressemble

 13   quand même beaucoup à un officier de transmission. C'est une subtile

 14   nuance, mais j'ai cru comprendre que cet officier était habilité à

 15   recevoir, à vous transmettre et à répercuter ce que vous disiez. Ce n'est

 16   pas une question que je pose, Monsieur le Procureur, poursuivez.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, passons

 18   à un autre document, s'il vous plaît.

 19   M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce de l'accusation 708.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Des copies pour les cabines

 21   d'interprètes également.

 22   (L'huissier s'exécute.)

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit d'un

 24   bulletin d'information militaire du Bataillon britannique du

 25   18 juillet 1993. Il est marqué : "1PWO, Bulletin d'information militaire".


Page 21256

  1   Il s'agit d'une abréviation portant sur le régiment du Prince de Galles,

  2   le régiment de Chishire, qui a succédé au bataillon du régiment du

  3   Chishire.

  4   Je donne lecture lentement de ce document, Général. Encore une

  5   fois, il s'agit du 18 juillet 1993.

  6   "Dans la vallée de la Lasva, le HVO a lancé une attaque sur la

  7   poche musulmane de Stari Vitez". Monsieur le Greffier, pouvez-vous mettre

  8   le document plus vers le bas ? "Pour le moment, nous ne connaissons pas le

  9   résultat, étant donné que les combats se déroulent toujours. Il est

 10   impossible d'accéder à la région. L'attaque du HVO sur la vallée de la

 11   Vrbas n'est pas encore terminée, mais il y a des signes de tension de plus

 12   en plus élevés".

 13   Paragraphe 2 : "Le Bataillon britannique a indiqué que Vitez a

 14   connu la nuit la plus chargée depuis l'arrivée du premier PWO. Une source

 15   a indiqué la nuit dernière que le HVO s'apprêtait à attaquer Stari Vitez

 16   pendant la nuit. Il y avait des tirs d'échanges normands, avec les tirs de

 17   mortier. Mais, à 18 heures 45, les coups de feu se sont intensifiés dans

 18   la région musulmane et l'on entendait à la fois des tirs d'artillerie et

 19   de mortiers.

 20   Les combats se sont poursuivis toute la journée. Le 3ème Corps de

 21   l'armée de Bosnie-Herzégovine a indiqué qu'il y avait 15 victimes à

 22   Stari Vitez, mais il n'est pas sûr que ce chiffre constitue la totalité

 23   des victimes ou simplement les personnes qui doivent être évacuées.

 24   Pero Skopljak, le maire de Vitez, a parlé de l'évacuation des blessés.

 25   Tout accès à Vitez a été refusé.


Page 21257

  1   Darko Gelic, l'officier de liaison de la zone opérationnelle de

  2   Bosnie centrale, chargé des contacts avec le Bataillon britannique, a

  3   confirmé que le HVO attaquait Stari Vitez et que les tirs d'artillerie

  4   constituaient une phase préliminaire.

  5   Il a été rapporté que le village croate de Veceriska recevait

  6   des coups de feu d'armes légères ainsi que de mortiers. Des tirs de

  7   mortiers ont été constatés également dans le village croate de Jardol.

  8   Au moment où ce rapport a été rédigé, les combats continuaient à

  9   se dérouler.

 10   Commentaire : Souvent, le HVO a menacé de mener une action

 11   contre Stari Vitez. Maintenant, visiblement, ils réalisent leurs menaces.

 12   Le HVO, peut-être, exploite simplement le fait que, pour le moment, le

 13   3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine a son attention tournée dans un

 14   autre sens.

 15   Troisièmement, Darko Gelic a également confirmé qu'un

 16   hélicoptère a volé dans la région de Vitez, hier, et il a indiqué que cet

 17   hélicoptère avait apporté des pièces très importantes d'équipement. Il a

 18   aussi indiqué que l'hélicoptère avait deux pilotes, l'un pour les vols de

 19   jour et un autre pour les vols de nuit."

 20   Général, ici, votre officier de liaison parle de l'attaque avec

 21   l'officier de liaison du Bataillon britannique et il parle des tirs

 22   d'artillerie constituant les phases préliminaires de l'attaque. Cet homme

 23   parlait en votre nom, n'est-ce pas ?

 24   M. Blaskic (interprétation). - Tout d'abord, ici, il fait des

 25   commentaires sur les activités sur Stari Vitez. Il était officier de


Page 21258

  1   liaison, mais je souligne que le HVO n'avait pas déclenché une attaque

  2   contre Stari Vitez, mais cela s'est fait par des membres de l'unité

  3   spéciale des Vitezovi.

  4   D'après ma chronologie, le 17 juillet, c'est-à-dire la nuit

  5   avant, dans le centre de Vitez et dans d'autres régions de Vitez, il y a

  6   eu des activités. L'artillerie qui était sous mes ordres n'a pas tiré sur

  7   Stari Vitez, à aucun moment. Et le résultat de l'attaque du 18 juillet

  8   lancée par les Vitezovi a été la condamnation générale que j'ai reçue,

  9   étant donné que j'ai affirmé que je n'avais pas permis à l'artillerie du

 10   HVO de tirer sur Stari Vitez.

 11   Personne ne m'a donc demandé, personne ne m'a informé. Les

 12   commentaires de Gelic portent sur l'arrivée des hélicoptères. D'après mes

 13   notes, nous sommes arrivés seulement au début du début du mois d'août et

 14   non pas en juillet 1993.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Général, ce bulletin

 16   d'informations...

 17   M. le Président. - Là, j'en suis à la fin de la réponse du

 18   général Blaskic. Maintenant, quelle est votre question ? Je la lis pour

 19   que le témoin puisse avoir le temps de se préparer à répondre.

 20   Vous avez dit : "Bien, Général..."

 21   Allez-y, Monsieur le Procureur.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Ce bulletin d'information militaire

 23   montre que l'attaque d'artillerie contre Stari Vitez a commencé à

 24   4 heures 45 du matin. Dites-vous donc que, pendant toute cette journée et

 25   ce, jusqu'à 18 heures, vous n'avez rien entendu ? Vous n'avez pas entendu


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  1   parler de cette attaque qui avait débuté quelque treize heures avant ?

  2   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas reçu d'information

  3   concernant une quelconque attaque sur Stari Vitez pendant que j'étais à

  4   Busovaca. En ce qui concerne les tirs d'artillerie, je continue à affirmer

  5   que l'artillerie qui était sous mes ordres n'a pas du tout ouvert le feu

  6   contre Stari Vitez.

  7   M. le Président. - Vous ne savez pas qu'il y a eu une attaque.

  8   Poursuivez, Monsieur le Procureur, posez vos questions.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Passons à la pièce suivante,

 10   Monsieur. Il s'agit d'une carte indiquant les points mentionnés dans le

 11   bulletin d'information militaire et les coordonnées indiquées dans ce

 12   bulletin.

 13   M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce de l'accusation 709.

 14   M. le Président. - Bien, voici la carte. Posez votre question

 15   avant la pause, Monsieur le Procureur.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 17   Général, ces deux-points dont on donne les coordonnées sur la carte

 18   représentent les deux endroits où ont été érigés les postes de contrôle

 19   par le HVO, selon ce bulletin d'information militaire.

 20   Général, la mise en place de postes de contrôle de cette façon

 21   reflète un certain degré de coordination et de planification, n'est-ce

 22   pas ?

 23   M. Blaskic (interprétation). - Non, les points de contrôle s'y

 24   trouvaient depuis toujours. D'après ce que je vois sur la carte, c'est un

 25   point de contrôle près de l'église. Je vais lire : GR 22 59 35.


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  1   Ils servaient à ce que les civils qui se rendaient à l'église

  2   puissent savoir jusqu'où ils pouvaient aller, à partir de quelle région

  3   les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient déployées.

  4   Quant à la cote 24 39 23, cela se trouvait également dans la

  5   ville, sur la route principale entre Zenica et la ville de Vitez. Il

  6   s'agissait d'un endroit où il y avait toujours eu des points de contrôle.

  7   En ce qui concerne le troisième, dont il n'est apparemment pas

  8   question ici -et je ne sais pas pourquoi-, il s'agissait d'un point de

  9   contrôle près d'un arrêt d'autobus, pratiquement sur la ligne de front

 10   contrôlée par le HVO. Nous avons constitué ce point de contrôle afin

 11   d'avertir les civils pour qu'ils sachent à partir de quel endroit le

 12   territoire était contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Mais, Général, ce bulletin dit

 14   également que "tout accès à Vitez a été refusé" par le HVO à ces deux

 15   postes de contrôle. Etait-ce une situation tout à fait normale, à savoir

 16   que le HVO refuse l'accès à Vitez au niveau de ces deux postes de

 17   contrôle ?

 18   M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne le point de

 19   contrôle au poste GR 22 59 35, ce point de contrôle se trouvait sur la

 20   ligne de front ; et en ce qui concerne l'autre point de contrôle, ils

 21   n'ont jamais reçu d'ordres de ma part de bloquer cette région et

 22   d'empêcher l'entrée de qui que ce soit dans la région de Vitez. Il est

 23   donc certain que ce n'est pas moi qui leur ai donné une telle mission.

 24   C'est la première fois aujourd'hui que j'entends qu'il y a eu un tel

 25   blocus.


Page 21261

  1   M. Kehoe (interprétation). - Je peux poursuivre, mais je peux

  2   faire également la pause, c'est comme vous le souhaitez.

  3   M. le Président. - J'aime bien faire les pauses lorsqu'on a

  4   terminé un cycle cohérent de questions. En avez-vous encore pour beaucoup

  5   de temps sur cette attaque ? A ce moment-là, nous faisons la pause. S'il

  6   vous reste une ou deux questions, nous pouvons poursuivre, sinon nous

  7   pouvons passer à la pause. Comme vous le préférez.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Je souhaiterais poursuivre.

  9   M. le Président. – Je demande un peu de patience aux

 10   interprètes, même à celle qui a l'air bien malade de la voix, pour

 11   terminer sur ce problème de l'attaque de Stari Vitez. Merci.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Général, étant donné qu'à ces deux

 13   postes de contrôle l'accès à Stari Vitez a été refusé -d'après ce bulletin

 14   d'information militaire- et étant donné que -toujours d'après ce

 15   bulletin-, il y avait des mines à ces postes de contrôle et que les hommes

 16   qui les occupaient portaient de la crème sur le visage, il semble qu'il y

 17   avait un certain degré de coordination et de planification dans le cadre

 18   de cette attaque, n'est-ce pas ?

 19   M. Blaskic (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, le point

 20   de contrôle qui se trouve au nord-ouest avait des mines autour. Il s'agit

 21   de la cote 22 59 35. C'était sur la ligne de front. Il y avait donc

 22   toujours des mines autour. Et ce point de contrôle était sur la ligne de

 23   front. A partir de cet endroit, ils avertissaient ou empêchaient le

 24   passage. Et déjà les mines constituaient un obstacle. C'est à cause des

 25   "snipers" qu'ils empêchaient le passage, les tireurs embusqués de l'armée


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  1   de Bosnie-Herzégovine.

  2   En ce qui concerne la cote 24 39 23, peut-être y a-t-il eu des

  3   mines autour du point de contrôle. Mais, concernant les points de contrôle

  4   et leur rôle, je pense que, dans l'un de mes documents, c'est clairement

  5   indiqué : je n'ai jamais donné d'instructions concernant le contrôle de la

  6   circulation à ce point de contrôle ayant la cote 24 39 23.

  7   Il est erroné d'affirmer que le HVO a lancé l'attaque. Ce sont

  8   les Vitezovi qui ont lancé l'attaque. Ce n'est certainement aucun des

  9   Domobrani qui l'a fait.

 10   Concernant les victimes, ce sont les quinze soldats du HVO qui

 11   ont été tués.

 12   M. Kehoe (interprétation). – Pour être plus précis, Général,

 13   cette crème dont il est question dans ce bulletin d'information militaire,

 14   c'est en fait cette crème verte et noire que les soldats se mettent

 15   généralement sur le visage, n'est-ce pas ?

 16   M. Blaskic (interprétation). – Les soldats étaient sur le point

 17   de contrôler la cote 22 59 35, à côté de l'arrêt d'autobus.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Général, je souhaitais simplement

 19   obtenir une précision. Qu'est-ce que c'était cette crème "Cam" qui était

 20   appelée ainsi dans ce bulletin d'information militaire ? C'est bien cette

 21   crème noire et verte que les soldats se mettent sur le visage afin de se

 22   camoufler, n'est-ce pas ?

 23   M. Blaskic (interprétation). – Les soldats utilisent cela pour

 24   se masquer parfois et, parfois, ils en portent pour des raisons qui leur

 25   sont propres ; c'est parfois un look qu'ils créent. Normalement, ils


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  1   devraient l'utiliser uniquement pour se masquer.

  2   M. le Président. – Restons-en à votre première partie de

  3   réponse, je vous en prie. Ne parlons pas ici de look ou d'improvisation

  4   par des soldats, sinon vous feriez croire que, dans cette armée, chacun se

  5   regardait dans le miroir le matin pour savoir si la crème verte était plus

  6   jolie que la crème noire. Soyons sérieux, s'il vous plaît.

  7   Monsieur le Procureur, poursuivons.

  8   M. Kehoe (interprétation). – Etait-il normal que les soldats,

  9   occupant ces deux postes dont nous venons de parler, portent ce type de

 10   couleurs sur leur visage ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - Les soldats, sur les points de

 12   contrôle dont on parle, la cote 22 59 35, pouvaient avoir des apparences

 13   différentes, mais en ce qui concerne le point de contrôle dont la cote

 14   est 24 39 23, je crois qu'il s'agissait des membres de la police. Et quant

 15   aux membres de la police, il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'ils

 16   portent ce genre de couleurs.

 17   Mais il faut savoir, et je le rappelle, que mon commandement n'a

 18   jamais donné aucune instruction particulière aux points de contrôle.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Je vais rester sur ce point

 20   particulier, mais je vais passer à un aspect différent de cette attaque,

 21   Monsieur le Président.

 22   M. le Président. – Je propose de faire une pause d'un peu plus

 23   de vingt minutes, puisque certaines interprètes sont fatiguées.

 24   (L'audience, suspendue à 11 heures 27, est reprise à

 25   11 heures 50.)


Page 21264

  1   M. le Président. - L'audience est reprise. Le Juge Rodrigues

  2   voudrait poser une question au témoin.

  3   Monsieur le Juge, c'est à vous.

  4   M. Rodrigues. - Général, j'aimerais revenir au document 708 et

  5   vous demander si ma lecture est correcte. Ma lecture est celle-ci :

  6   "Darko Gelic ne semble pas seulement être au courant de toute cette

  7   opération, mais il semble aussi être d'accord avec l'opération".

  8   De votre point de vue, ma lecture est-elle correcte ou non ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, je n'ai pas ce

 10   document, et je ne me souviens pas du tout ce qui est dit dans ce

 11   document, le document 708 dont il est question. Mais j'ai exprimé mes

 12   opinions publiquement aux autorités civiles de Vitez, à savoir que nous ne

 13   pouvions pas entreprendre une quelconque opération sur Stari Vitez puisque

 14   nous devions assurer la sécurité à la population de Stari Vitez. Toutes

 15   les autorités, les représentants des autorités de Vitez connaissaient ma

 16   position sur ce point. Mais je souhaiterais voir ce document et voir ce

 17   qu'a dit Darko Gelic dans ce document 708.

 18   M. Rodrigues. - Il n'est pas nécessaire de revenir et de

 19   redonner lecture, mais Darko Gelic savait des hélicoptères, et quand il a

 20   parlé avec l'officier de la Forpronu, peut-être vous rappelez-vous cette

 21   conversation ? Il semble, d'après ma lecture, être au courant. Il savait

 22   qu'il y avait des hélicoptères qui ont amené quelques pièces d'équipement

 23   important. Il semble, dans la conversation avec l'officier de la Forpronu,

 24   être d'accord.

 25   Donc, ma question est de savoir si vous étiez d'accord avec


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  1   cette lecture, mais il n'est pas nécessaire de revenir au document.

  2   M. Blaskic (interprétation). - Il est possible que Darko Gelic

  3   ait dit à l'officier de liaison de la Forpronu ce qu'il savait sur ces

  4   hélicoptères, mais Darko Gelic, en tant qu'officier de liaison, je crois,

  5   n'avait pas accès à ce type d'informations logistiques.

  6   Et s'il avait formulé certaines remarques, là-dessus, il aurait

  7   sans doute laissé l'impression à l'officier de la Forpronu selon laquelle

  8   les hélicoptères ont commencé à arriver dans la vallée de la Lasva au

  9   début du mois d'août. Je ne sais pas très bien comment Darko Gelic a pu

 10   formuler ces remarques en ce qui concerne les hélicoptères, en tout cas.

 11   Pour les autres activités, il était à Vitez quand l'attaque a eu

 12   lieu et peut-être qu'il a entendu certains tirs, puisqu'il y avait des

 13   tirs sporadiques. Les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient

 14   parfois à une distance de 20, 30, 100 mètres.

 15   M. le Président. - Poursuivez, Monsieur le Procureur.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Général, afin de clarifier votre

 17   réponse donnée à la question du Juge Rodrigues, vous avez dit, au cours de

 18   votre témoignage, que vous vous étiez opposé à une attaque contre

 19   Stari Vitez. Une position que vous avez exprimée en mai 1993 et non pas en

 20   juillet 1993 ?

 21   M. Blaskic (interprétation). - Oui, à la fin du mois de mai, on

 22   m'a invité à une réunion des autorités civiles. Des questions ont été

 23   abordées, questions relatives à Stari Vitez et à la question de la

 24   sécurité de la population, j'ai dit que j'étais opposé à une éventuelle

 25   attaque.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Mais, Général, quelles unités en

  2   Bosnie centrale, unités du HVO, disposaient d'un lance-roquettes à

  3   plusieurs canons ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - De quel calibre ?

  5   M. Kehoe (interprétation). - N'importe quel calibre.

  6   M. Blaskic (interprétation). - Pendant une certaine période, le

  7   commandant de la division mixte d'artillerie avait un lance-roquettes

  8   multiple. Cela jusqu'au 8 janvier 1993. Le calibre était 122 millimètres.

  9   Après cela, le commandant du bataillon d'artillerie a eu un lance-

 10   roquettes multiple de 128 millimètres de calibre. Peut-être que certaines

 11   brigades disposaient de lance-roquettes multiples mais de calibre moindre.

 12   Cependant, je ne peux pas vous le dire ainsi, de mémoire. Mais en tout

 13   cas, c'était toujours au niveau des brigades. C'était la section

 14   d'artillerie placée sous l'autorité du commandement des brigades de

 15   Domobrani.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Dans la région de Vitez, la brigade

 17   disposait-elle d'un lance-roquettes multiple, en juillet 1993 ?

 18   M. Blaskic (interprétation). - Pendant un certain temps, cette

 19   brigade a disposé d'un lance-roquettes artisanal, en quelque sorte. Je ne

 20   sais pas comment cette arme a été conçue ni par qui, mais elle était

 21   improvisée ; sa portée était bien moindre que celle d'un lance-roquettes

 22   normal, un lance-roquettes multiple.

 23   Je sais que c'est effectivement le type d'armes dont disposait

 24   la brigade de Vitez. Je crois que ce sont des ouvriers de l'usine d'armes

 25   qui avaient conçu ce lance-roquettes, de Novi Travnik ou de Vitez.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Les Vitezovi avaient-ils un lance-

  2   roquettes multiple ?

  3   M. Blaskic (interprétation). - A ma connaissance, non, mais je

  4   n'ai jamais eu d'information me montrant qu'effectivement les Vitezovi

  5   disposaient d'une arme de ce type.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Général, lorsque ce bulletin

  7   d'information militaire montre qu'à 4 heures 45 du matin il y a eu des

  8   tirs provenant d'armes d'artillerie et d'un lance-roquettes multiples,

  9   vous en concluez que, vraisemblablement, ces tirs provenaient d'une unité

 10   autre que celle des Vitezovi ? Oui ou non ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - A ma connaissance, les Vitezovi

 12   n'avaient pas de lance-roquettes multiple. Alors, peut-être ces hommes

 13   sont-ils venus d'une autre unité, même si je dois ajouter qu'il existait

 14   certains types de lance-roquettes multiples improvisés, utilisés grâce à

 15   du courant électrique.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Nous avons parlé de certaines

 17   pièces, nous voudrions maintenant voir les pièces D250 et D345 afin que

 18   ces deux pièces soient soumises au témoin.

 19   (L'huissier s'exécute.)

 20   La première pièce qui nous intéresse, la pièce 250 de la

 21   défense, est un rapport des Vitezovi auquel nous avons fait référence à

 22   plusieurs reprises.

 23   M. Blaskic (interprétation). - Oui.

 24   M. Kehoe (interprétation). - En ce qui concerne la date du

 25   18 juillet, le document montre que trois soldats des Vitezovi sont morts :


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  1   Marinko Plavcic, Miroslav Jankovic et Ivo Babic.

  2   Passons au document suivant, la pièce de la défense 345, et

  3   venons-en aux personnes tuées. La première personne tuée à Vitez le 18 est

  4   le numéro 95 : Vlado Ivankovic. On ne dit pas qu'il était membre des

  5   Vitezovi.

  6   Ensuite, le numéro 136 : Jozo Andrije Krizanic ;

  7   le numéro 202 : Veska Zlatko Nakic ;

  8   le numéro 302 : Zoran Soro, tué le 18 ;

  9   ensuite, nous passons au numéro 436, une personne de la police

 10   régionale : Nikica Saric ;

 11   ensuite, numéro 139 : une personne provenant de la brigade Prko,

 12   Ivo Zoran Blandara, Prko 2.

 13   Numéro 444 : Roko Vojkovic, également de la brigade Prko.

 14   Les deux autres personnes sont les numéros 470 et 455, il s'agit

 15   des deux personnes membres des Vitezovi dont il est question dans le

 16   document précédent.

 17   Vraisemblablement donc, Général, selon ce document, des membres

 18   des Vitezovi de la brigade Prko de la police régionale et de la police de

 19   Vitez sont morts au cours de cette opération. Il semble donc que quatre

 20   unités différentes aient participé.

 21   M. Blaskic (interprétation). - Le document relatif aux personnes

 22   décédées dont nous avons parlé fait référence à des unités d'où

 23   provenaient les personnes qui ont succombé.

 24   Je n'ai pas retrouvé dans ce document l'endroit où ils avaient

 25   été tués, mais d'après les informations que j'ai pu recueillir par la


Page 21269

  1   suite, j'ai découvert qu'entre 13 et 15 membres d'unités ont perdu la vie

  2   dans une opération de ce type, je parle de membres du HVO.

  3   Toutes les personnes se trouvant sur les positions de défense du

  4   HVO ont été tuées dans le cadre de cette opération : peut-être 6 ou

  5   7 personnes.

  6   Dans ce document, cette liste de victimes, je parle du

  7   document 345, j'ai pu retrouver que, effectivement, ces personnes avaient

  8   été tuées et quelles dates, mais je ne sais pas où elles ont été tuées.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, le document

 10   parlera de lui-même. Le document reflète l'endroit où ces personnes ont

 11   été tuées, et en fait il est dit qu'elles ont été tuées à Vitez.

 12   Général, les Vitezovi ont donc participé à cette opération,

 13   n'est-ce pas ? Oui ou non ? Beaucoup de soldats des Vitezovi ?

 14   M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas, je n'ai pas ce

 15   type d'information. J'ai des informations quant au commandant de cette

 16   unité, qui était M. Darko Kraljevic.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Oui, mon collègue voudrait prendre

 18   la parole.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-

 20   moi.

 21   M. le Président. - Vous exercerez votre droit de réplique,

 22   Maître Nobilo, le moment venu. Le temps coure pour l'accusation. C'est le

 23   genre de renseignements que vous pourrez combattre au moment de votre

 24   droit de réplique. Le témoin est seul, normalement, je vous le rappelle.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Oui, c'est vrai. Mais lorsque,


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  1   dans la question, une information erronée est donnée, le témoin ne peut

  2   pas penser à tout cela en même temps. Le document ne parle pas de

  3   l'endroit de la mort de ces individus, mais de l'endroit où ils ont été

  4   enterrés.

  5   M. le Président. - Le témoin est comme tous les témoins. Je dois

  6   garder l'équilibre, c'est surtout cela. Cela étant, vous aurez largement

  7   le temps de préciser tout cela. Monsieur le Procureur ?

  8   M. Kehoe (interprétation). - Au cours de cette attaque, celle

  9   du 18, un blocus d'artillerie a donc commencé à 4 heures 45 du matin. On a

 10   utilisé des armes d'artillerie, un lance-roquettes multiple. Les postes de

 11   contrôle ont été mis en place, plusieurs unités ont participé à cette

 12   attaque et votre officier de liaison a parlé de cette attaque au Bataillon

 13   britannique. Il semble qu'il s'agisse là d'une attaque hautement organisée

 14   dont vous dites que vous ne saviez rien. C'est bien exact ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Et bien, tout d'abord, en ce qui

 16   concerne ce barrage d'artillerie, j'ai continué à affirmer que

 17   l'artillerie placée sous mon commandement ne fonctionnait pas. Il y a

 18   peut-être eu un échange de coup de feu, mais l'artillerie que je

 19   commandais, moi, c'est tout à fait certain, n'a pas agi.

 20   D'autre part, les postes de contrôle ont toujours été là, mais

 21   l'un d'entre eux ne figure pas dans la pièce que vous avez présentée.

 22   Peut-être qu'effectivement, ils ont tenté de limiter l'accès, mais je n'ai

 23   pas reçu d'information sur l'attaque en elle-même.

 24   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, passons à

 25   deux autres pièces, deux bulletins d'information militaire, des 19 et


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  1   20 juillet.

  2   M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce de l'accusation 710.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur l'Huissier, j'ai d'autres

  4   exemplaires de l'autre pièce.

  5   M. Abtahi. - Pièce de l'accusation 711.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Le premier est un bulletin

  7   d'information militaire : la pièce 710 du 17 juillet 1993.

  8   Concentrons-nous sur la zone de Vitez. Vous verrez dans ce

  9   document, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que ce bulletin

 10   parle d'une conversation avec Sefkija Djidic, commandant de la ville de

 11   Stari Bila. Je crois que le compte rendu contient la date à laquelle

 12   M. Djidic était commandant de la ville de Stari Bila. Il n'y a pas

 13   contestation sur ce point, je crois.

 14   Je lis le passage : "Vitez - L'officier de liaison du Britbat a

 15   tenté de négocier un cessez-le-feu afin de stopper l'attaque du HVO contre

 16   Stari Bila. (Ce devrait être Vitez.) Et cette tentative a été couronnée de

 17   succès. Le cessez-le-feu est entré en vigueur le 19, à 10 heures 30. Il

 18   prendra fin le 20, à 22 heures.

 19   Une conversation avec Sefkija Djidic, commandant de la ville de

 20   Stari Bila, a révélé les informations suivantes, non confirmées, sur

 21   l'attaque du HVO d'hier contre le secteur musulman. L'attaque a commencé

 22   le 18, à 4 heures, et s'est poursuivie pour se terminer le 18, vers

 23   16 heures. Au cours de cette période, environ 300 impacts ont été

 24   enregistrés contre le secteur musulman, principalement des tirs de

 25   grenades et de mortiers de 60, 82 et 120 mm.


Page 21272

  1   Petit b. Au cours de cette période, environ cent soldats

  2   d'infanterie du HVO ont tenté d'attaquer de toutes parts l'enclave, mais

  3   n'ont pas réussi à le faire et n'ont pas gagné de terrain. Le HVO a subi

  4   au moins six morts ; selon le HVO, trois de ces morts étaient de l'armée

  5   croate. Les autres blessés du HVO ont été évacués selon leurs propres

  6   arrangements, organisations, hier soir. L'armée de Bosnie-Herzégovine dit

  7   qu'au cours des deux derniers jours ils ont subi vingt morts, vingt

  8   victimes, plus précisément. L'une de ces victimes a succombé. Huit de ces

  9   victimes ont été évacuées par le CICR, avec l'aide de véhicules du

 10   Britbat, vers l'hôpital de Zenica.

 11   Commentaires : Le HVO va-t-il attaquer Stari Vitez à nouveau ?

 12   Il est difficile de le dire après ce premier échec.

 13   Malgré leur défense couronnée de succès, le moral de l'armée de

 14   Bosnie-Herzégovine dans l'enclave est, selon certaines sources, au plus

 15   bas. L'utilisation dans une large mesure de munitions par le HVO et leur

 16   pénurie… Ou plutôt, l'utilisation, dans une large mesure, des munitions

 17   par le HVO suggère qu'il dispose de grandes quantités et de grands stocks.

 18   Fin de commentaire."

 19   Le 20. Nous passons maintenant à la pièce 711 et nous passons en

 20   haut de ce document. "Le cessez-le-feu négocié hier..." Il s'agit du

 21   bulletin d'information militaire du 20 juillet 1993. Je cite.

 22   "1. Le cessez-le-feu négocié hier n'a pas été respecté par les

 23   deux factions dans la ville. Tôt ce matin, aux dernières nouvelles, sept

 24   projectiles ont atteint la partie musulmane de Stari Bila et cinq

 25   projectiles sont tombés dans le secteur croate, ce qui a entraîné la mort


Page 21273

  1   d'au moins une personne.

  2   2. Darko Gelic, l'officier de liaison de la 3ème zone

  3   opérationnelle du HVO affirme que, si l'armée de Bosnie-Herzégovine

  4   attaque Vitez, dans ce cas, le HVO ripostera en pilonnant Zenica. Il

  5   déclare également que 90 % des victimes du HVO en Bosnie centrale, depuis

  6   le début de ce conflit, ont été provoquées par des conflits avec l'armée

  7   de Bosnie-Herzégovine." Fin de citation.

  8   Par conséquent, Général, Darko Gelic, votre officier de liaison,

  9   a dit à un officier de liaison du Bataillon britannique que, si l'armée de

 10   Bosnie-Herzégovine attaquait Vitez, le HVO riposterait en pilonnant

 11   Zenica. L'avez-vous autorisé à faire cette déclaration au Bataillon

 12   britannique, Général ?

 13   M. Blaskic (interprétation). – Tout d'abord, j'ai déjà dit que

 14   Darko Gelic était l'officier chargé des communications. Il n'a jamais reçu

 15   cette autorisation de ma part. Mais je souhaite ajouter que le HVO, dans

 16   la zone opérationnelle de Bosnie centrale, a subi l'attaque de l'armée de

 17   Bosnie-Herzégovine. Mais le HVO n'a jamais pilonné Zenica, ni une

 18   quelconque autre ville. C'était une position tout à fait claire. Dans

 19   toutes les négociations, jamais je n'ai commencé à m'exprimer ainsi.

 20   M. le Président. – La question était savoir si vous aviez

 21   autorisé Darko Gelic à faire cette déclaration. Vous répondez non, je

 22   suppose ?

 23   M. Blaskic (interprétation). – Non. C'est la première fois que

 24   j'en entends parler, d'ailleurs. Aujourd'hui, c'est la première fois. Il

 25   ne m'a jamais informé s'être exprimé de la sorte.


Page 21274

  1   M. le Président. – Merci, là vous répondez à la question.

  2   Monsieur le Procureur, vous avez votre réponse.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Général, en ce qui concerne cette

  4   attaque, vous avez répondu au cours de l'interrogatoire principal que

  5   cette attaque, sans votre autorisation, attaque contre Stari Vitez, était

  6   une violation flagrante des règles disciplinaires et peut-être même un

  7   acte criminel. De quel acte criminel s'agissait-il, selon vous ? De quel

  8   type d'acte ?

  9   M. Blaskic (interprétation). – Il s'agissait là d'un acte

 10   arbitraire d'un commandant qui a agi de façon contraire à mes ordres. Il

 11   ne m'en a pas informé, il ne m'a pas demandé mon assentiment et personne

 12   de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou de cette mission d'observateurs ne

 13   m'en a jamais parlé jusqu'à ce que je vienne ici, à ce Tribunal. Et

 14   personne ne m'a jamais dit qu'il y avait eu un crime de guerre. Les seules

 15   nouvelles que j'ai reçues, c'est que c'était une grand victoire pour

 16   l'armée de Bosnie-Herzégovine et un désastre terrible, une terrible

 17   défaite pour le HVO.

 18   M. Kehoe (interprétation). – Général, revenons à votre

 19   ordre 361, dont vous dites qu'il s'appliquait à l'unité de

 20   Darko Kraljevic. Je vous renvoie au paragraphe 3 de cette pièce 361. Il

 21   est dit que les individus et groupes complètement hors contrôle doivent

 22   être arrêtés immédiatement et des mandats doivent être décernés au

 23   commandant de la police militaire.

 24   Avez-vous ordonné que ces individus, qui ont agi de façon

 25   contraire à votre ordre et qui ont mené cette attaque, qui ont participé à


Page 21275

  1   cette attaque, soient arrêtés et que des mandats soient transmis au

  2   commandant de la police militaire ? L'avez-vous fait ?

  3   M. Blaskic (interprétation). - Sur les actes de ces individus,

  4   j'en ai informé le chef d'état-major principal, car à aucun moment je

  5   n'étais chargé d'engager des poursuites disciplinaires contre cette unité

  6   spéciale des Vitezovi. En ce qui concerne l'opération, j'ai dit au chef

  7   d'état-major principal du HVO tout ce que j'en pensais. J'ai dit qu'il

  8   s'agissait d'une infraction grave des règles disciplinaires de la part des

  9   Vitezovi.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Général, étant donné que vous

 11   pensiez qu'il s'agissait d'un crime de guerre, avez-vous renvoyé cette

 12   affaire devant le Procureur du tribunal militaire de district afin,

 13   éventuellement, qu'il enquête et qu'il engage des poursuites, qu'il

 14   vérifie s'il y avait bien eu crime de guerre ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - J'ai dit que je pensais qu'il

 16   s'agissait d'un acte criminel. S'agissait-il d'un crime de guerre, je ne

 17   sais pas, je l'ai entendu ici dans ce Tribunal. J'ai dit que je pensais

 18   qu'il s'agissait d'une violation des règles disciplinaires et j'ai informé

 19   M. Petkovic de ce qui s'était passé.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous renvoyé cette question

 21   devant le Procureur du tribunal militaire de district, oui ou non ?

 22   M. Blaskic (interprétation). - Non, pas à lui mais à moi.

 23   M. Kehoe (interprétation). - A votre connaissance, personne n'a

 24   jamais été arrêté, condamné, fait l'objet de sanctions suite à cet acte

 25   criminel et à cette violation grave des règles disciplinaires ?


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  1   M. Blaskic (interprétation). - Cette unité a été démantelée

  2   totalement entre autres choses et c'est une unité différente qui a été

  3   réorganisée avec certains membres de l'unité, mais pas tous. Et cela s'est

  4   passé avant l'opération "Pauk". Le 15 janvier 1994, elle a cessé de

  5   fonctionner en tant qu'unité.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Ce n'est pas ma question ; je vais

  7   vous la relire. En ce qui concerne l'opération "Pauk", personne n'a jamais

  8   été arrêté ou n'a jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires suite à

  9   cette violation flagrante des règles disciplinaires ou suite à cet acte

 10   criminel, n'est-ce pas ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - L'opération "Pauk" avait un

 12   objectif différent. Il ne s'agissait pas de sanctions de nature

 13   disciplinaire. Il fallait repérer les actes criminels et, éventuellement,

 14   les crimes de guerre également. Pour ce qui est de la discipline

 15   militaire, elle n'entrait pas dans le cadre de l'opération "Pauk".

 16   M. Kehoe (interprétation). - Poursuivons.

 17   M. le Président. - Je demande à l'interprète de traduire

 18   l'opération par "Araignée". Je ne suis pas censé comprendre ce que veut

 19   dire "Pauk".

 20   L'interprète. - Excusez-moi, Monsieur le Président.

 21   M. le Président. - Que Me Kehoe ne dise pas "opération

 22   Araignée", je peux le comprendre. Il dit "Pauk", mais je dois entendre

 23   "Araignée". Je tiens à l'opération "Araignée". Merci.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Je pourrais également dire

 25   "Araignée" en anglais si vous le désirez, Monsieur le Président, "Spider".


Page 21277

  1   Avant de lancer l'opération contre Grbavica en septembre 1993,

  2   avez-vous découvert les noms des membres des Vitezovi qui étaient

  3   responsables de cet acte flagrant d'insubordination qui a eu lieu le

  4   18 juillet ?

  5   M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne le 18 juillet,

  6   le commandant lui-même a dit que c'était un acte qu'il avait commis à sa

  7   propre initiative, avec ses propres soldats. Le commandant s'est exprimé

  8   de façon très claire. Nous le voyons dans le document 250. C'est lui qui a

  9   commandé cette opération.

 10   M. Kehoe (interprétation). - C'était donc Darko Kraljevic ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - Oui.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Cette personne qui a commis cet

 13   acte d'insubordination était la même qui a sélectionné les soldats pour

 14   vous dans les rangs des Vitezovi, soldats qui ont participé à l'attaque de

 15   Grbavica au mois de septembre. Est-ce exact ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - Non, ce n'est pas exact. Ces

 17   individus ont été sélectionnés par M. Dragan Vinac et il a garanti leur

 18   comportement. C'était l'adjoint de M. Darko Kraljevic. C'est lui qui

 19   devait exécuter cette tâche. C'est lui qui a signé ce document 252.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, nous allons passer

 21   à cette attaque de Grbavica que vous avez planifiée vous-même. Il y a eu

 22   des membres des Vitezovi qui y ont participé. Vous ne savez pas si, oui ou

 23   non, ces membres des Vitezovi, qui ont participé à l'attaque de Grbavica,

 24   ont participé également à Ahmici ou à l'incident du camion piégé ou encore

 25   à l'attaque contre Stari Vitez le 18 juillet, est-ce bien cela ?


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  1   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai aucune information selon

  2   laquelle les Vitezovi auraient participé à Ahmici, sauf certains

  3   témoignages que j'ai entendus ici dans ce prétoire. Cependant, les

  4   Vitezovi n'avaient rien à faire là-bas, ils n'avaient pas reçu d'ordre

  5   pour être sur place, notamment dans le village d'Ahmici.

  6   Concernant Grbavica, j'ai demandé aux commandants de

  7   sélectionner certains hommes et de signer un document afin que cela

  8   constitue une garantie quant à l'attitude des soldats au cours de

  9   l'opération.

 10   M. Kehoe (interprétation). - En ce qui concerne cette opération,

 11   outre les Vitezovi, une autre unité qui a participé à l'opération de

 12   Grbavica les 7 et 8 septembre 1993 était le bataillon d'assaut léger.

 13   Maître Nobilo nous a d'ailleurs rappelé que c'était l'ancêtre des Jokeri à

 14   plusieurs reprises, c'est bien exact ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Les membres de la police

 16   militaire ont participé à cette opération, à ma connaissance.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Je souhaiterais vous lire l'extrait

 18   de la pièce 457 qui est ce document "Trois ans de police militaire". Dans

 19   ce document, M. Pasko Ljubicic a dit à la page 65 de ses notes : "Je peux

 20   mentionner Grbavica, Sivrino Selo, Kruscica, Ahmici et d'autres endroits

 21   encore au sujet desquels je suis sûr, et je peux en apporter la preuve,

 22   qu'ils ont été protégés avec succès grâce à la participation de la police

 23   militaire."

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)  "Ma partie de la police militaire n'a pas participé à


Page 21279

  1   l'opération Grbavica". Il s'agit de la page 16 793, ligne 17 du compte

  2   rendu.

  3   Ainsi, la section de la police militaire, que vous avez

  4   sélectionnée afin qu'elle participe à l'attaque de Grbavica, était bien

  5   les Jokeri, que l'on appelait "le bataillon d'assaut léger", c'est bien

  6   cela ?

  7   M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé d'obtenir des

  8   hommes, de la police militaire, c'est la demande que j'ai formulée.

  9   Ensuite, un document a été élaboré reprenant les noms des

 10   participants. Il y a eu 15 à 20 personnes.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Général, à la page 19 676 du compte

 12   rendu, ligne 13, vous nous dites, je cite : "Nous avons pris certaines

 13   sections de certaines unités en tenant compte du fait que ces groupes

 14   seraient des soldats que nous pourrions continuer et qui exécuteraient les

 15   ordres dans leur intégralité". C'étaient les Jokeri, n'est-ce pas ?

 16   M. Hayman (interprétation). - Il dit qu'il cite le compte rendu,

 17   mais, en fait, il a arrêté de le citer. Je voudrais que cela apparaisse

 18   clairement dans le compte rendu.

 19   M. le Président. - Maître Hayman a raison. Marquer bien la

 20   séparation entre ce que vous citez du compte rendu et ce qui est de votre

 21   commentaire ou observation.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Je vais lire l'ensemble du compte

 23   rendu. Il s'agit d'une question de Me Nobilo. Je cite : "Question :

 24   Pouvez-vous me dire quels sont les critères que vous avez employés pour

 25   déterminer les personnes qui allaient participer à cette opération ?


Page 21280

  1   Réponse : S'agissant des participants, nous avons choisi un

  2   certain nombre de moyens. Nous avons pris des éléments de certaines unités

  3   en tenant compte du fait qu'il fallait que ces soldats puissent être

  4   contrôlés par nous, qu'ils obéissent complètement aux ordres émanant de

  5   nous.

  6   Puisque les noms étaient connus à l'avance, j'ai demandé

  7   spécifiquement que les commandants dressent des listes de tous les noms,

  8   qu'ils les signent et qu'ils garantissent que ces soldats obéiraient aux

  9   ordres émis.

 10   Question : Est-ce vous qui avez contrôlé les listes et les

 11   moyens mis à votre disposition ?

 12   Réponse : Oui, c'est ce que j'ai fait avec mes commandants

 13   subordonnés et j'ai passé en revue les soldats. Je leur ai parlé de leurs

 14   responsabilités dans les tâches qui leur étaient confiées, car c'était

 15   pour eux une occasion unique de mener à bien cette action compte tenu des

 16   munitions et de la logistique limitées que nous avions." Fin de citation.

 17   Général, lors du choix que vous avez fait des personnes

 18   impliquées dans l'attaque de Grbavica, vous avez choisi des membres des

 19   Jokeri qui s'étaient baptisés eux-mêmes "bataillon d'assaut léger", n'est-

 20   ce pas ?

 21   M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu une liste comportant

 22   les noms d'une vingtaine de membres de la totalité des formations de la

 23   police militaire. Je sais qu'à ce moment-là l'unité des Jokeri n'existait

 24   pas. Il existait le bataillon d'assaut léger qui avait des effectifs

 25   beaucoup plus importants. Il est possible qu'il y ait eu ici ou là un


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  1   individu, mais vraiment les participants de ce groupe étaient des membres

  2   de la police militaire.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez dit que vous

  4   consacriez toutes vos

  5   journées à des activités de formation menées conjointement avec

  6   M. Marinko Palavra. Vous saviez donc qu'aucun des hommes de

  7   Marinko Palavra n'était impliqué dans l'attaque de Grbavica, oui ou non ?

  8   M. Blaskic (interprétation). - Je savais qu'ils étaient membres

  9   de la police militaire. (expurgé)  

 10   (expurgé)  Pensait-

 11   il à la compagnie de la police militaire qui en était encore à un stade de

 12   formation ou pensait-il à autre chose ? Je ne le sais pas avec certitude.

 13   M. Kehoe (interprétation). - N'avez-vous pas dit dans votre

 14   déposition que le bataillon d'assaut léger de la police militaire n'était

 15   pas sous le commandement de Marinko Palavra, n'avez-vous pas dit cela ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - En effet, le bataillon d'assaut

 17   léger n'était pas sous les ordres de Marinko Palavra, mais sous les ordres

 18   de l'adjoint à la direction de la police militaire, M. Valentin Coric.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Valentin Coric est-il l'homme qui

 20   vous a transmis la liste de noms des personnes que vous alliez utiliser

 21   dans l'opération contre Grbavica ?

 22   M. Blaskic (interprétation). - Ce n'est pas Valentin Coric. Je

 23   ne sais plus très bien si c'est Marinko Palavra qui a signé ce document ou

 24   si c'est quelqu'un d'autre qui l'a signé en son nom, mais ce n'est pas

 25   Valentin Coric qui m'a remis la liste des hommes qui allaient participer à


Page 21282

  1   cette opération.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Si ces soldats ne venaient pas des

  3   troupes de M. Palavra, d'où venaient ces hommes de la police militaire ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - S'il s'agissait d'individus qui

  5   ne dépendaient pas de Marinko Palavra mais appartenaient à la police

  6   militaire, il peut s'agir des membres du bataillon d'assaut léger, puisque

  7   c'est une formation qui comptait 300 soldats environ.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Dans ce bataillon d'assaut léger,

  9   et je vous demande de vous concentrer sur les hommes que vous aviez

 10   choisis, ces soldats que vous aviez choisis pour participer à l'attaque

 11   contre Grbavica avaient-ils participé aux atrocités d'Ahmici ?

 12   M. Blaskic (interprétation). - Je crains de ne pas avoir entendu

 13   complètement l'interprétation de votre question. Pourriez-vous répéter

 14   votre question ?

 15   M. Kehoe (interprétation). - Sans aucun doute, Général. Parmi

 16   les soldats de la police militaire que vous avez choisis pour participer à

 17   l'opération contre Grbavica, combien, parmi ces policiers militaires,

 18   étaient-ils impliqués dans les atrocités commises à Ahmici ?

 19   M. Blaskic (interprétation). - Je dirais tout d'abord que la

 20   question qui m'est posée... Parmi les soldats que j'ai choisis, ce n'est

 21   pas moi qui ai choisi ces soldats, c'est leur commandant qui les ont

 22   choisis. Je ne connaissais pas la majorité de ces soldats. Deuxièmement,

 23   je n'ai pas reçu les résultats de l'enquête qui m'auraient permis de

 24   connaître les noms et les prénoms des auteurs du crime d'Ahmici. Mais je

 25   sais que les soldats qui ont participé à l'opération contre Grbavica ont


Page 21283

  1   agi sur ordre et qu'ils ont agi selon des ordres contrôlables.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Ma question était : les policiers

  3   militaires que vous avez choisis pour participer à l'attaque contre

  4   Grbavica étaient-ils impliqués dans l'attaque d'Ahmici ? Un, deux ou trois

  5   d'entre eux ? Vous répondez oui ou non.

  6   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, la réponse

  7   a été apportée à cette question.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, il a dit

  9   qu'il avait choisi personnellement ces hommes.

 10   M. le Président. - Les hommes ont été choisis par le

 11   général Blaskic. Je trouve que votre question est trop suggestive et n'est

 12   pas complètement loyale, Monsieur le Procureur. Vous devez demander, me

 13   semble-t-il, au témoin si, parmi les hommes qu'il a choisis, il lui semble

 14   se souvenir qu'il y en avait qui auraient pu être à Ahmici. Il me semble

 15   que ce serait une question plus loyale. D'accord ?

 16   M. Nobilo (interprétation). - Je suis d'accord sur cette

 17   orientation, mais j'aimerais ajouter un mot. Le témoin ne cesse de dire

 18   qu'il n'a pas reçu les noms des auteurs du crime d'Ahmici. C'est par ruse

 19   que l'on essaie de le piéger.

 20   M. le Président. - Maître Nobilo, s'il y a des ruses, les Juges

 21   sont là pour les détecter. Votre client est assez grand pour répondre en

 22   tant que témoin comme il l'a choisi, je le rappelle. Par contre, il

 23   m'appartient de sauvegarder la loyauté du débat. Il est vrai que je

 24   trouvais que la question du Procureur n'était pas totalement loyale. Entre

 25   temps, le témoin a compris ce que lui demandait le Procureur, à savoir :


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  1   quand vous avez revendiqué d'avoir choisi les hommes, notamment pour

  2   l'attaque de Grbavica, a priori, dans ces hommes, pouvait-il y avoir des

  3   gens du bataillon de la police militaire qui avaient participé à Ahmici ?

  4   La question me paraît simple. Elle nécessite une réponse

  5   simple ; vous savez ou vous ne savez pas. Répondez, Général Blaskic, au

  6   moins aux Juges si vous ne répondez pas au Procureur.

  7   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges, je ne sais pas quelle est la formation militaire qui a

  9   participé à l'attaque contre Ahmici. Je n'ai pas reçu la liste comportant

 10   les noms. Je ne peux vous dire que ce qui est ma conviction. Je suis

 11   convaincu, en jugeant le comportement qui a été observable à Grbavica,

 12   qu'il n'y avait pas d'hommes de ce type dans ce groupe, mais je n'ai pas

 13   eu d'informations précises sur Ahmici.

 14   M. Kehoe (interprétation). – Général, lorsque vous avez obtenu

 15   la liste des membres de la police militaire qui allaient être employés

 16   dans l'opération de Grbavica, avez-vous demandé à leurs commandants si

 17   l'un ou l'autre d'entre eux avait été impliqué dans l'attaque d'Ahmici ?

 18   M. Blaskic (interprétation). - Je ne peux me rappeler tous les

 19   détails de cette conversation. Je sais seulement que j'ai exigé que les

 20   commandants responsables de cette activité, puisqu'il s'agissait d'une

 21   attaque dans un lieu urbanisé, j'ai exigé qu'ils vérifient le comportement

 22   de ces soldats et j'ai exigé que ces soldats soient les soldats les plus

 23   responsables, les plus consciencieux.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Avançons, Général.

 25   J'aimerais appeler votre attention sur un bulletin d'information


Page 21285

  1   militaire correspondant à la journée du 8 septembre 1993.

  2   M. Abtahi. - Pièce de l'accusation 712.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur l'Huissier, pourriez-vous

  4   remettre un exemplaire de ce document à la cabine d'interprétation

  5   anglaise et un autre exemplaire à la cabine d'interprétation française ?

  6   (L'huissier remet les documents.)

  7   M. le Président. – C'est la pièce 712.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Nous revenons sur une déposition

  9   antérieure, Monsieur le Président. Je vous rappelle que cette attaque

 10   s'est déroulée près de la base du Bataillon britannique à Grbavica ; nous

 11   avons ici sous les yeux un bulletin d'information militaire provenant du

 12   1er Bataillon du régiment du Prince de Galles, régiment du Yorkshire, en

 13   date du 8 septembre 1993. Je lis le texte à partir du début.

 14   "Général. Point 1. L'offensive menée par le HVO dans la zone du

 15   quartier général du Bataillon britannique a été couronnée du plus grand

 16   succès et a débouché sur la capture de Stari Bila et de Grbavica.

 17   Il y a eu une légère augmentation du niveau d'activité dans la

 18   zone de Gornji Vakuf, mais, pour le moment, pas de déplacement de troupes

 19   au sol. Au nord, il y a eu des pilonnages sporadiques.

 20   Point 2. Après une nuit relativement calme, ce matin, à

 21   10 heures, l'offensive du HVO s'est poursuivie contre Stari Bila et le

 22   village de Grbavica. Un char a observé au moins cent soldats du HVO qui

 23   tiraient et manœuvraient avec un appui d'artillerie, pour atteindre les

 24   sites visés et traverser le village.

 25   Un support de mortiers extincteurs a été installé à l'extrémité


Page 21286

  1   sud du site et des tirs de mortier directs ont été observés en provenance

  2   d'au moins quatre positions différentes. La contre-offensive de l'armée de

  3   Bosnie-Herzégovine, attendue au début du jour, ne s'est visiblement pas

  4   concrétisée. Il apparaît que les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine

  5   restés sur les lieux n'ont pu que se défendre comme ils le pouvaient en

  6   effectuant probablement une manœuvre de retraite tactique.

  7   En ce moment, aucune information n'est disponible au sujet des

  8   victimes. A 16 heures, tout le site ainsi que le village de Grbavica ont

  9   été pris. Les drapeaux du HVO ont remplacé ceux de Bosnie-Herzégovine qui

 10   étaient en place quelque 48 heures avant. La majorité des maisons du

 11   village, environ cinquante, sont en feu en ce moment et les soldats du HVO

 12   circulent dans les rues pour fêter leur victoire.

 13   Le Bataillon britannique dans la zone de Vitez reçoit des

 14   rapports des officiers de liaison selon lesquels l'unité extrémiste des

 15   Jokeri a aussi été impliquée dans cette attaque.

 16   Le trajet de fournitures principales auquel cette unité n'avait

 17   pas accès par le passé lui est maintenant ouvert et peut être utilisé par

 18   des véhicules civils normaux, pouvant servir également à des mouvements de

 19   soldats à pied. Les chicanes de l'armée de Bosnie-Herzégovine, installées

 20   par le passé sur ce trajet, ont été enlevées. Il apparaît en ce moment que

 21   le HVO consolide ses positions au sommet de ce site. Et il n'y a pas

 22   encore d'action en représailles par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 23   Les Musulmans locaux qui se sont rendus, la nuit dernière, au

 24   Bataillon britannique, ont été évacués ce soir vers Travnik pour leur

 25   sécurité.


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  1   Point 3. La zone du Bataillon britannique de Travnik, d'après

  2   l'officier de liaison qui a parlé avec Beba Salko, a rapporté que Salko

  3   était visiblement choqué suite aux prises récentes du HVO. Mehmed Alagic

  4   et Kelestura, lors d'une conversation distincte avec les responsables du

  5   Bataillon britannique de Vitez, ont déclaré qu'une action serait

  6   entreprise dans les 72 heures à venir.

  7   Commentaires : il apparaît clairement que la direction de

  8   l'armée de Bosnie-Herzégovine a sous-estimé la capacité de cette offensive

  9   du HVO dans la vallée de la Lasva et que, par conséquent, les gains

 10   réalisés actuellement par le HVO ne peuvent aboutir qu'à de nouvelles

 11   pertes au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine, si une action plus

 12   concertée n'est pas entreprise par elle.

 13   Ce terrain élevé domine les zones de Bosnie-Herzégovine de

 14   Sadovace, Bukve et le secteur récemment saisi au pied du mont Brdo. Si le

 15   HVO souhaite capitaliser actuellement sur ses gains récents et utiliser

 16   Bila en tant que base de tir, cette zone importante deviendra rapidement

 17   impossible à tenir." Fin de citation.

 18   Ensuite, nous avons la suite du commentaire.

 19   Général, je voudrais vous montrer d'abord une photographie qui

 20   fait partie de la pièce à conviction 82 de l'accusation, ainsi que la

 21   pièce 433/28.

 22   Voici la pièce à conviction 82. Excusez-moi, il s'agit de la

 23   pièce à conviction 82/5.

 24   Général, nous allons placer la pièce à conviction 82/5 sur le

 25   rétroprojecteur. Ce que nous voyons sur cette photo, Général, est l'un de


Page 21288

  1   ces engins appelé baby.

  2   M. Blaskic (interprétation). - Il est possible que, dans les

  3   premiers moments, il y ait eu des engins de ce genre, mais c'est ici au

  4   Tribunal que je les ai vus pour la première fois. Ce que l'on appelait un

  5   baby dans la zone de Vitez n'est pas ce que je vois ici. Les engins

  6   utilisés dans la zone de Vitez étaient tous identiques les uns aux autres

  7   mais ne correspondaient pas à cela.

  8   M. Kehoe (interprétation). – De quoi s'agissait-il ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - Ils étaient fabriqués à partir

 10   d'anciens projectiles d'artillerie. Il y avait donc une douille vide qui

 11   était utilisée et que l'on remplissait d'explosif. La douille était en

 12   métal, elle était vide ; on la remplissait d'explosifs tirés du front.

 13   C'est ce que l'on appelait dans la ville de Vitez et dans l'ensemble de la

 14   région un "bébé", mais les "bébés" n'ont pas été utilisés contre Grbavica,

 15   j'en suis sûr. Des armes d'artillerie, oui, des armes directes, très

 16   précises, mais pas les "bébés" ; cela n'a pas été utilisé dans l'attaque

 17   contre Grbavica. Et il n'y a eu aucun combat dans la région de Stara Bila,

 18   aucun combat. C'est aux alentours de la cote 532 que les combats se sont

 19   déroulés ; il n'y a eu aucun combat à Stara Bila, aucun mouvement de

 20   troupes à Stara Bila.

 21   M. Kehoe (interprétation). – Général, reprenons votre

 22   commentaire selon lequel les engins appelés "bébés" n'ont pas été

 23   utilisés.

 24   Je demande à l'huissier de bien vouloir mettre sur le

 25   rétroprojecteur la pièce à conviction 433/28 que nous comparons à la


Page 21289

  1   déposition du capitaine Lee Whithworth, à la page 10 282 du compte rendu

  2   d'audience. Ceci est une photographie dont ce témoin a dit qu'il l'avait

  3   prise lui-même.

  4   (L'huissier s'exécute.)

  5   J'aurais une série de questions à poser, Monsieur le Président.

  6   Nous allons revoir donc une nouvelle série de questions.

  7   L'interprète. – Monsieur le Président, l'interprète demande que

  8   l'on reprenne.

  9   M. le Président. – Monsieur le Procureur, c'est quelque peu

 10   confus et difficile pour les interprètes. Si je vous ai bien compris, vous

 11   rappelez le passage du transcript du témoignage du capitaine Lee

 12   Whithworth. C'est bien cela ?

 13   Peut-on reprendre pour permettre à l'interprète de suivre ?

 14   M. Kehoe (interprétation). – Oui, certainement. Et je prie les

 15   interprètes de bien vouloir m'excuser de procéder trop rapidement.

 16   M. le Président. – Les interprètes sont-elles prêtes ?

 17   (Assentiment des interprètes en cabine)

 18   Vous dites oui, mais j'ai l'impression que vous n'êtes pas

 19   prêtes ; je le sens au son de votre voix. Ne souhaitez-vous pas vous faire

 20   remplacer ? Tenez-vous ?

 21   (Assentiment des interprètes).

 22   Il nous reste neuf minutes à tenir.

 23   Allez-y, Monsieur le Procureur, allez-y plus lentement.

 24   M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président. Il

 25   s'agit donc de la page 10 282 du compte rendu d'audience, ligne 6. Je


Page 21290

  1   cite :

  2   "Question : La pièce à conviction 433/28 est donc cette photo ?

  3   Réponse : C'est une photo qui montre le HVO en train d'utiliser

  4   des "bébés" dans son assaut d'infanterie, le matin du 8 septembre.

  5   Question : Pouvez-vous nous montrer un "bébé" ?

  6   Réponse : La marque noire que l'on voit ici représente, en fait

  7   là, le point de chute d'un extincteur. On ne peut pas le voir très

  8   clairement sur l'écran, mais ici il y avait un éclat blanc. La photo était

  9   en couleurs et c'était un point plus clair sur la photo. C'est l'endroit

 10   où l'on voit la détonation produite par le lancement en l'air de ce

 11   "bébé". Fin de citation.

 12   S'agissant de cet engin appelé "bébé", Général, j'aimerais vous

 13   lire la déposition du commandant Mark Bower, page 9 381 du compte rendu

 14   d'audience. Il parle donc de cet engin, baptisé "bébé".

 15   Excusez-moi, il s'agit de la page 9 380, ligne 22. Je cite :

 16   "Ce sont des armes à tir indirect, tels que des mortiers, qui

 17   ont provoqué ces blessures. Et, au cours de l'été, c'est d'une bombe de

 18   confection artisanale que nous appelons,

 19   au sein du Bataillon britannique, une bombe à base d'extincteurs, qu'il

 20   s'agit. C'est en fait un extincteur qui était utilisé pour un tir

 21   balistique de 100 à 200 mètres de portée. Cet extincteur pouvait être

 22   rempli d'essence, en tout cas d'un produit destiné à provoquer un

 23   incendie. C'était donc une arme incendiaire ou une arme explosive de bas

 24   niveau destinée à provoquer une explosion.

 25   Question : Quel était l'effet… A quel point l'effet de ces armes


Page 21291

  1   était-il indiscriminé ?

  2   Réponse : Au point qu'il était impossible aux gens qui tiraient

  3   avec cette arme de voir à quel endroit cette arme allait tomber, car elle

  4   devait survoler des maisons.

  5   Question : Lorsque vous parlez d'extincteurs, parlez-vous

  6   d'extincteurs ou de munitions ?

  7   Réponse : On appelle cela une bombe à base d'extincteur ou un

  8   mortier à base de projectiles ; les deux termes sont utilisés également.

  9   C'est en tout cas une arme qui ne vole pas en ligne droite ; elle survole

 10   le secteur pour atteindre l'endroit où elle atterrit. Cet engin, de

 11   confection artisanale, est très instable comme peut l'être une bombe

 12   fabriquée à partir d'un extincteur. Elle n'a pas de guidage comme l'aurait

 13   un avion. Elle a donc un vol qui n'est pas stabilisé. C'est une arme

 14   brutale, imprécise et, parce qu'il lui faut du temps pour voyager du point

 15   de tir au point de détonation -il lui faut peut-être dix à quinze secondes

 16   entre ces deux points- il n'y a aucune garantie quant à l'identité de la

 17   cible, de l'endroit où la bombe va exploser. Et comme celui qui tire la

 18   bombe n'a pas un tir précis, c'est une arme indiscriminée, qui provoque un

 19   nombre de victimes important parmi les civils non combattants." Fin de

 20   citation.

 21   A ce moment, M. Bower parle de bombe fabriquée à partir d'un

 22   extincteur et de l'événement de Stari Vitez.

 23   En fait, Général, les soldats du HVO sous votre commandement ont

 24   utilisé ces bombes fabriquées à base d'extincteurs, que l'on appelait des

 25   "bébés", au cours de l'attaque de Grbavica, n'est-ce pas ?


Page 21292

  1   M. Blaskic (interprétation). – Pendant l'attaque contre

  2   Grbavica, jamais un "bébé" n'a été utilisé. Et je n'ai jamais autorisé que

  3   cette arme soit utilisée dans des zones urbanisées. L'artillerie a tiré

  4   avec la plus extrême précision, c'est-à-dire sur des cibles militaires.

  5   J'ai déjà expliqué que, pour pouvoir tirer un bébé, il faut un

  6   terrain découvert devant. Or, si ceci est un projectile qui est utilisé,

  7   le terrain était beaucoup trop élevé pour permettre le vol d'un "bébé".

  8   L'engin appelé "bébé" vole à une altitude inférieure et n'a en général

  9   qu'une portée de 150 à 200 mètres. Au cours de l'opération contre

 10   Grbavica, ce sont toutes les procédures en vigueur au cours d'une

 11   opération militaire qui ont été appliquées. Il y a eu des effectifs bien

 12   déterminés qui ont été utilisés. Il n'y a pas eu d'utilisation de "bébés",

 13   mais bien utilisation d'armes d'artillerie qui ont eu une précision

 14   extrême.

 15   D'ailleurs, la preuve en est apportée par le fait que

 16   l'opération a été menée en quelques heures à peine.

 17   M. Kehoe (interprétation). – Vous conviendrez, Général, n'est-ce

 18   pas, que le tir de ces bombes fabriquées à partir d'extincteurs est très

 19   dangereux ? Attaquer en utilisant ces armes, c'est attaquer de façon

 20   indiscriminée puisque ces armes ne peuvent être ni guidées ni dirigées

 21   avec précision.

 22   M. Blaskic (interprétation). - Il peut y avoir détermination de

 23   l'orientation de l'arme, mais pas avec une précision suffisante pour les

 24   utiliser dans des zones urbanisées. Ce sont des engins qui ne sont

 25   utilisés qu'en dernière extrémité, en général, sur le front séparant le


Page 21293

  1   HVO de l'armée de Bosnie-Herzégovine. A cet endroit, lorsque les munitions

  2   faisaient défaut, on utilisait en dernière extrémité ce type d'armes.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, je vais

  4   passer à un autre sujet. Nous traiterons toujours de l'attaque de

  5   Grbavica, mais sur un autre plan.

  6   M. le Président. – Simplement, un point pour mieux nous préciser

  7   une chose : dans votre dernière réponse, telle qu'elle m'est traduite,

  8   vous nous dites bien que le HVO a pu utiliser ces babies ? D'après la

  9   phrase que j'ai sous les yeux, cela a pu arriver ?

 10   M. Blaskic (interprétation). - Cela a pu arriver mais pas au

 11   cours de l'action contre Grbavica. Au cours de cette action, pas un seul

 12   baby n'a été utilisé. Ces babies n'étaient pas utilisés dans des zones

 13   urbanisées. Il y a eu des occasions où ces engins ont été utilisés sur le

 14   front.

 15   M. le Président. - Je crois avoir bien compris qu'il y a eu des

 16   moments où les troupes qui étaient sous votre commandement ont pu utiliser

 17   ces armes. C'est bien cela ?

 18   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai jamais autorisé ou

 19   justifié cela par écrit, mais j'ai entendu dire qu'il y a eu des occasions

 20   où cela a été le cas.

 21   M. le Président. - "J'ai entendu dire", c'est un peu difficile.

 22   Je lis les phrases qui me sont traduites. Je voudrais qu'on me la relise.

 23   Sinon, on change constamment. Il me semble que la dernière phrase du

 24   transcript, qui malheureusement maintenant est reparti, était bien de dire

 25   qu'il a pu arriver, en-dehors de Grbavica, que les troupes utilisaient ces


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  1   babies. Ma question était de dire que vous reconnaissiez donc que les

  2   troupes placées sous votre commandement avaient pu utiliser ces armes.

  3   Et vous me répondez maintenant : "J'en ai entendu parler". Vous

  4   êtes quand même commandant de la zone opérationnelle et vous revendiquez

  5   hautement le fait que vous commandiez cette zone opérationnelle. Ma

  6   question est très simple, c'était un commentaire de votre propre réponse.

  7   J'ai entendu que vous disiez qu'en-dehors de Grbavica, les troupes avaient

  8   pu, lorsqu'elles n'avaient plus d'autres munitions, utiliser des babies.

  9   C'est bien ce que j'ai entendu ?

 10   M. Blaskic (interprétation). - En-dehors des zones urbanisées,

 11   sur les lignes de front, sur les lignes qui séparaient les deux forces.

 12   M. le Président. - Je vous remercie de cette précision. Nous

 13   reprenons à 14 heures 30. J'invite les interprètes à se reposer.

 14   (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35).

 15   M. le Président. - L'audience est reprise, Monsieur le

 16   Procureur, c'est à vous.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Revenons à cette attaque contre

 18   Grbavica que vous avez planifiée. Je vais lire des parties des dépositions

 19   concernant les événements qui se sont produits vers la fin des hostilités,

 20   le 8 septembre. Il s'agit là d'un extrait de la déposition du

 21   commandant Mark Bower du Bataillon britannique, page 9 402, ligne 22 du

 22   compte rendu.

 23   "Question : Immédiatement après la fin de l'attaque et que les

 24   hommes se soient retirés, les pillages ont-ils commencé ?

 25   Réponse : Oui.


Page 21295

  1   Question : Par qui ?

  2   Réponse : Au début, il s'agissait des soldats du HVO. Ils

  3   prenaient des pièces de mobilier, des appareils électroniques et plus

  4   tard, les familles croates se sont déplacées et ont déménagé dans ces

  5   appartements. Apparemment, on a redistribué les biens ayant appartenu à

  6   ces maisons et c'est les non-combattants qui l'ont fait."

  7   Maintenant, Général, je souhaite que l'on regarde sur le

  8   rétroprojecteur la pièce à conviction 433/24. C'est une photographie prise

  9   par le capitaine Lee Withworth le 8 septembre 1993. Au début, il a

 10   témoigné sur ce sujet. A la page 10 279, ligne 3 : "J'ai vu plusieurs fois

 11   des soldats qui retiraient des choses des maisons. J'ai fait une

 12   photographie de quelqu'un qui partait avec un magnétoscope. Il y avait

 13   beaucoup de pillages effectués par la population locale. Les choses

 14   étaient stockées, chargées dans des camions. Et les gens prenaient

 15   rapidement tout ce qu'ils pouvaient prendre avant que l'endroit soit

 16   complètement brûlé".

 17   En ce qui concerne cette pièce à conviction 433/24, la question

 18   se trouve à la ligne 22 de la page 10 283. "Question : La photo suivante,

 19   433/24 ?

 20   Réponse : C'est une photo que j'ai prise des soldats qui avaient

 21   pillé dans la région. L'un d'eux avait un magnétoscope et l'autre avait

 22   une grande hache.

 23   Question : L'un d'eux porte une radio dans ses mains ?

 24   Réponse : Tout à fait."

 25   Général, d'après vous, ces soldats du HVO, qui avaient été


Page 21296

  1   sélectionnés pour perpétrer cette attaque, ont procédé à ce même pillage,

  2   n'est-ce pas ?

  3   M. Blaskic (interprétation). - Non, les soldats qui ont

  4   participé à l'action n'ont pas pillé. L'action s'est terminée vers

  5   14 heures 30 et la police civile a ensuite été chargée de la sécurité des

  6   villages. Et c'est vrai, non pas comme l'ont dit dans les rapports, que

  7   c'était la population locale, que c'étaient les réfugiés civils. Je crois

  8   qu'il y avait aussi des soldats parmi les réfugiés, mais non pas les

  9   soldats qui ont participé à l'action. Je crois que c'est eux qui ont

 10   participé au pillage. Ils ont pillé tout ; les fenêtres, les portes, les

 11   appareils, etc.

 12   A cette époque, il y avait un grand nombre de réfugiés ; environ

 13   35 000 dans la vallée de Lasva. Ils n'ont pas déménagé dans les maisons.

 14   Il y avait de tels cas isolés. Il n'est pas vrai que toutes les maisons

 15   ont été incendiées après les pillages. Après cette action opérationnelle,

 16   les maisons ont été brûlées dans une longue période de temps ; parfois une

 17   maison, parfois deux, trois, même en 1994. Cela se produisait surtout la

 18   nuit. Pendant qu'une maison était vide, des personnes inconnues

 19   l'incendiaient.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Lorsque le capitaine Withworth dit

 21   à la page 10 279 : "J'ai vu beaucoup de soldats qui retiraient des choses

 22   des maisons", vous considérez que l'officier capitaine Withworth se

 23   trompe ?

 24   M. Blaskic (interprétation). - Vous m'avez posé la question de

 25   savoir si les soldats, après l'action, ont perpétré les vols et les


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  1   pillages. Mais si le capitaine Wirthworth a vu des soldats, il se pose la

  2   question de savoir de quels soldats il s'agissait et si c'étaient des

  3   civils ou des soldats. Les soldats qui ont participé à l'action n'ont pas

  4   pillé des maisons, aucune maison. Ils ont gardé leur position.

  5   Les pillages ont été effectués par des réfugiés qui étaient des

  6   civils et parfois il y avait des soldats, parfois même des soldats du HVO.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Je souhaite maintenant attirer

  8   votre attention sur la photographie qui se trouve sur le rétroprojecteur :

  9   la 433/24. Ces deux personnes sont-elles des soldats ou des civils ? L'une

 10   d'elles porte un fusil du côté droit et, dans sa main gauche, se trouve

 11   une radio. L'autre porte une hache.

 12   M. Blaskic (interprétation). – Vous savez, d'après cette

 13   photographie et si je ne connaissais pas le contexte des circonstances,

 14   j'aurais du mal à savoir de qui il s'agit, étant donné qu'il n'y a pas

 15   d'insigne sur ces personnes. Il s'agit de deux individus armés. Et l'un

 16   des soldats porte un pardessus civil. Il est donc très difficile

 17   d'évaluer.

 18   Si je connais le contexte et les circonstances, et si je connais

 19   le village, si nous voyons ces deux personnes armées, nous pouvons

 20   conclure qu'il s'agit de soldats, effectivement. Mais il faut savoir

 21   également que les soldats ont pillé cet endroit ; il y avait des

 22   centaines, des milliers de soldats qui avaient besoin de faire cela pour

 23   se préparer pour l'hiver.

 24   M. Kehoe (interprétation). – Général, vous étiez dans le

 25   village, après la fin de l'opération ?


Page 21298

  1   M. Blaskic (interprétation). - J'ai vu, après qu'un accord a été

  2   conclu, que la police civile est arrivée et c'est elle qui a été chargée

  3   d'assurer la sécurité du village. Je suis ensuite entré dans mon

  4   commandement. Pendant ce moment de passage de compétences entre les

  5   soldats et la police civile, il n'y a pas eu de problème : la police a

  6   établi un point de contrôle –il s'agissait de la police civile- et a

  7   surveillé la région. C'est pendant la nuit que les vols ont été perpétrés.

  8   M. Kehoe (interprétation). – Général, n'y a-t-il aucun doute,

  9   selon vous, que les deux individus décrits sur cette photographie placée

 10   sur le rétroprojecteur, 433/24, ont pillé certaines des maisons de

 11   Grbavica ?

 12   M. Blaskic (interprétation). – Bien sûr, la photographie parle

 13   d'elle-même. Je n'ai pas dit que, peut-être, ils n'aient pas pillé une

 14   certaine maison ou plusieurs. Tout ce que je dis, simplement, c'est que le

 15   pillage a commencé lorsqu'une masse de réfugiés a commencé à commettre des

 16   pillages ; et la police a tiré et a même tué l'un deux. J'ai déjà dit

 17   qu'il s'agissait d'une situation où ils pillaient tout : les fenêtres, les

 18   portes, les poêles, tout ce qui pouvait servir à leur survie.

 19   M. Kehoe (interprétation). – Parlons maintenant des incendies,

 20   Général. Encore une fois, nous allons nous appuyer sur des témoignages de

 21   différents témoins. Nous allons commencer par Sefkija Djidic, à la

 22   page 12 612, ligne 17 du transcript.

 23   Je cite : "L'attaque s'est poursuivie pendant deux jours. Le

 24   premier jour, il y a eu des attaques d'artillerie utilisant des engins

 25   explosifs dits "bébés" ; nous les avons vu voler dans les airs. Le second


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  1   jour, j'ai vu des maisons incendiées. Au début, je pensais que c'étaient

  2   les munitions qui avaient provoqué le feu, mais j'avais tort : j'ai

  3   regardé de plus près et j'ai vu des soldats, pas seulement des soldats,

  4   mais aussi des civils qui pillaient des maisons à Grbavica, probablement

  5   déjà à ce moment-là. Cela a commencé dès que l'armée s'est retirée de

  6   Grbavica.

  7   Lorsqu'ils ont eu pris tout ce qu'ils voulaient prendre de ces

  8   maisons, ils les ont incendiées. A un certain moment, j'ai pu voir plus

  9   d'une centaine de maisons incendiées en train de brûler. Toutes les

 10   maisons appartenaient à des Musulmans ; seulement un petit nombre de

 11   maisons appartenant à des Musulmans ont échappé à ce sort, dans ce village

 12   qui a

 13   eu plus de deux cents maisons. Je pense que, ce jour-là, la mosquée de

 14   Grbavica a brûlé elle aussi, mais le minaret a survécu jusqu'à la fin de

 15   la guerre. Il a été détruit en 1994, après que le cessez-le-feu a été

 16   établi.

 17   Question : Et les incendies des maisons de Grbavica, est-ce que

 18   cela était conforme à une action systématique des incendies provoqués dans

 19   les maisons musulmanes dans toute la vallée de la Lasva ?

 20   Réponse : Apparemment. D'abord, on pillait, ensuite, on

 21   incendiait les maisons."

 22   J'aimerais maintenant attirer votre attention sur la déposition

 23   du commandant Roy Hunter, à la page 5 088, ligne 1.

 24   "Question : Que s'est-il passé en septembre 1993 ?

 25   Réponse : En septembre 1993, je pense que c'était le 6 ou le 7,


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  1   il y a eu une grande attaque du HVO, utilisant l'artillerie, les mortiers

  2   et l'infanterie contre Grbavica. Après, tout le village a brûlé."

  3   Maintenant, Monsieur le Président, je souhaite lire une partie

  4   en huis clos partiel, s'il vous plaît. Il s'agit simplement d'une

  5   quinzaine de lignes peut-être.

  6   M. le Président. – Lisez après que le huis clos partiel a été

  7   organisé. Nous passons en audience à huis clos partiel.

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 12   M. Kehoe (interprétation). - Nous pouvons revenir en audience

 13   publique, Monsieur le Président.

 14   Général, vous nous avez dit que, le 7 septembre, une dizaine de

 15   maisons brûlaient et le 8 septembre 5 à 8 maisons brûlaient. J'aimerais

 16   vous montrer un passage de votre déposition, page 19 684 à 19 695 du

 17   compte rendu d'audience. J'aimerais que la pièce à conviction 433/21 soit

 18   placée sur le rétroprojecteur.

 19   (L'huissier s'exécute.)

 20   Monsieur le Président, c'est encore une photographie prise par

 21   le capitaine Withworth au début de l'après-midi du 8 septembre. La

 22   déposition porte sur cette photographie, elle se trouve en page 10 279 du

 23   compte rendu, ligne 23.

 24   Je cite : "Question : Passons à la pièce à conviction 433/21, la

 25   photographie suivante. De quoi s'agit-il sur cette photographie,


Page 21303

  1   Monsieur ?

  2   Réponse : C'est une photographie que j'ai prise lorsque je

  3   quittai Vitez pour rentrer au Bataillon britannique et que j'étais aux

  4   abords de Grbavica. Vous pouvez voir la mosquée qui se trouve du côté de

  5   Vitez. Et pour l'essentiel, tous les bâtiments sont en feu." Fin de

  6   citation.

  7   Contre-interrogatoire par Me Hayman, nous nous concentrons sur

  8   la même période qui est encore restreinte par Me Hayman. En page 10 414 du

  9   compte rendu d'audience, ligne 17 de la déposition du capitaine Withworth

 10   -je commence donc à la ligne 14-, nous lisons ce qui suit, je cite : "J'ai

 11   passé la matinée du 8 dans le mess des officiers avec des jumelles et j'ai

 12   pris des photos, alors que les soldats du HVO progressaient vers le

 13   point 3 sur la carte qui était le point d'où ils ont démarré leur assaut.

 14   Aux environs de l'heure du déjeuner, j'ai observé des soldats

 15   qui traversaient la route, et des échanges d'armes légères. Je suis allé à

 16   l'Hôtel pour parler au colonel Blaskic, mais j'ai parlé à Darko Gelic. Le

 17   colonel Blaskic n'était pas disponible à ce moment-là. Je suis resté dans

 18   cet hôtel pendant une demi-heure avant de repartir dans l'après-midi,

 19   quelques temps après le déjeuner. Je ne me rappelle pas exactement à

 20   quelle heure.

 21   C'est à ce moment-là que j'ai pris les photographies qui

 22   montrent dans quelle mesure les bâtiments étaient en feu, alors que

 23   j'étais sur le chemin du retour. C'était dans l'après-midi, au début de

 24   l'après-midi, en tout cas dans l'après-midi."

 25   Maître Hayman vous demande en page 10 416 du compte rendu


Page 21304

  1   d'audience, ligne 23 , je cite : "Combien de maisons étaient en feu quand

  2   vous êtes rentré dans l'après-midi, au milieu de l'après-midi ?

  3   Réponse : Pas mal, je dirais la moitié des maisons.

  4   Question : La moitié de toutes les maisons que vous avez vues en

  5   feu le 8, ou la moitié des maisons de Grbavica ?

  6   Réponse : Oui, je dirais une bonne moitié des maisons. Il y

  7   avait en tout cas un mur de fumée qui semblait indiquer que le nombre des

  8   maisons en feu était assez important. Alors que j'ai pris des

  9   photographies à partir de mon blindé, je dirais que la moitié des maisons

 10   était en feu." Fin de citation.

 11   Général, selon la déposition de l'officier de liaison du

 12   Bataillon britannique, au début de l'après-midi, alors que vous meniez

 13   encore cette opération, la moitié des maisons de Grbavica était encore en

 14   feu. N'est-ce pas un fait ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Vous affirmez peut-être que la

 16   moitié de 200 maisons était en feu ?

 17   M. Kehoe (interprétation). - Je dis que la moitié des maisons de

 18   Grbavica, Monsieur, était en feu.

 19   M. Blaskic (interprétation). - Ce n'est pas exact. C'est

 20   absolument une contrevérité. Je continue à affirmer que les maisons de

 21   Grbavica ont été incendiées à la fin de l'année 1993, en octobre,

 22   novembre, décembre et durant les premiers mois de 1994. Et je ne vois pas

 23   sur cette photographie une seule maison en feu. On ne le voit pas

 24   clairement. La photo est peut-être un peu floue, mais on parle de fumée,

 25   on parle de mosquée, et je continue à affirmer qu'elle n'a pas


Page 21305

  1   été touchée, qu'elle n'a pas été atteinte pendant cette opération.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Passons à une bande vidéo, si vous

  3   le voulez bien, pièce à conviction 443... Excusez-moi, Monsieur le Juge

  4   Shahabuddeen !

  5   M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, avez-vous une

  6   théorie à proposer aux Juges pour expliquer la raison pour laquelle les

  7   maisons ont pu rester debout, qu'on les a laissées intactes et puis, elles

  8   ont été brûlées en octobre, novembre, décembre ? Qu'est-ce qui pourrait

  9   expliquer cela ?

 10   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, elles n'ont pas

 11   été laissées intactes après l'opération. L'idée était que le chef de la

 12   police civile régionale, responsable de la police civile dans toute

 13   l'enclave, devait assurer la protection de ces maisons.

 14   Je suis personnellement convaincu que nous ne pouvions pas

 15   assurer la sécurité d'une trentaine de milliers de réfugiés -c'était le

 16   nombre de réfugiés vivant dans l'enclave à ce moment-là-, et on ne nous a

 17   pas proposé même les conditions pour assurer leur survie. Ils pillaient

 18   les maisons croates de Krizancevo Selo à la fin de décembre 1993. Ils y

 19   mettaient le feu, ces gens-là ! Ce qui était important est que, dans ces

 20   maisons, il y avait des moyens de survie. Il leur importait donc d'avoir

 21   accès à ces moyens pour garantir leur survie biologique sur ce territoire.

 22   Les maisons ont été incendiées après des pillages, au cours des

 23   nuits, l'une après l'autre. Ce n'est pas que quelqu'un viendrait

 24   aujourd'hui mettre le feu, mais simplement, quand le pillage est terminé,

 25   quand tout est fini, on met le feu à la maison.


Page 21306

  1   Au cours des combats, comme je l'ai dit, il y a eu comme

  2   conséquences des combats certaines maisons qui ont brûlé au cours de la

  3   première et de la deuxième journée. C'était la conséquence du fait que le

  4   feu était ouvert par les deux parties. Ni d'un côté ni de l'autre il n'y a

  5   eu des tranchées près des maisons ni de fortins construits près des

  6   maisons.

  7   M. Shahabuddeen (interprétation). - Ce qui me surprend au plus

  8   haut point, c'est la chose suivante ; il y a eu au départ des combats,

  9   certaines maisons selon vous ont été incendiées, mais pas toutes. La

 10   plupart sont restées debout et elles le sont restées pendant quelque

 11   temps.

 12   Ensuite, en octobre, novembre, décembre, elles ont été brûlées.

 13   Pourquoi seraient-elles brûlées après être restées debout pendant pas mal

 14   de temps ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, à mon avis, il

 16   y a deux raisons qui expliquent cela. La première étant que, à la fin des

 17   pillages, on emporte tous les objets de valeur dans ces maisons et que

 18   l'on met ensuite le feu à ces maisons. Mais ces maisons présentaient un

 19   aspect misérable, puisque tout avait été emporté ; la couverture du toit,

 20   les fenêtres, tout ce qu'il était possible d'emporter.

 21   La deuxième raison possible, c'est qu'au moment de la signature

 22   des accords de Washington, sur le territoire contrôlé par l'armée de

 23   Bosnie-Herzégovine, les maisons des Croates étaient incendiées. Maisons

 24   d'où les Croates avaient été chassés. Un homme qui voit que sa maison est

 25   en feu, il réagit en mettant le feu à la maison d'un Bosnien musulman, y


Page 21307

  1   compris dans le voisinage le plus proche.

  2   C'était donc la deuxième raison. Je crois que ces raisons

  3   consistaient à camoufler un pillage et tenaient aussi à la situation très

  4   difficile dans laquelle se trouvait la police civile qui ne parvenait pas

  5   à déterminer les auteurs de ces actes. J'ai émis des ordres pour que ces

  6   actes s'arrêtent.

  7   Il y a eu pas mal de réactions destinées à empêcher ce genre

  8   d'actes.

  9   M. le Président. - (hors micro)

 10   M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais que l'on passe la

 11   cassette vidéo, pièce à conviction de l'accusation 443.

 12   M. Abtahi. - Je tiens à porter à l'attention des parties de la

 13   Chambre que cette pièce a été communiquée à la cabine vidéo, mais c'est

 14   une pièce qui n'a pas été admise.

 15   M. le Président. - Elle fera partie des pièces qui ne sont pas

 16   admises. La Chambre verra ce qu'elle en fait après avoir entendu les

 17   observations des deux parties.

 18   Je vous demande quelques secondes.

 19   (Les Juges se concertent sur le Siège.)

 20   M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit d'une vidéo de la BBC,

 21   Monsieur le Président, tournée le 8 septembre 1993.

 22   (Diffusion de la vidéo, avec commentaires en anglais.)

 23   L'interprète. - Les interprètes ne peuvent interpréter une vidéo

 24   s'ils n'ont pas la transcription.

 25   M. Kehoe (interprétation). - Pourrions-nous revenir en arrière


Page 21308

  1   quelques secondes plus tôt ? Je vous dirai où vous arrêter.

  2   (La vidéo revient en arrière.)

  3   Je vous demanderai d'avancer un peu.

  4   (Les images s'arrêtent sur un incendie de maison.)

  5   Général, la photo que nous voyons sur l'écran est un arrêt sur

  6   image qui nous montre un soldat se dirigeant vers une maison dont le bas

  7   est en feu. Cela fait partie de la pièce à conviction 446 de l'accusation,

  8   Monsieur le Président, et le soldat est un soldat du HVO.

  9   Général, j'aimerais vous donner lecture d'une partie de la

 10   déposition du capitaine Withworth qui porte sur cette image.

 11   Je cite : "On voit le tas de bois en dessous de la maison...".

 12   C'est la page 10 277, ligne 4, du compte rendu. Parlant de cette image, le

 13   témoin déclare : "On voit que c'est le tas de bois en dessous de la maison

 14   qui a été incendié délibérément, dans le but d'être réduit à néant et de

 15   rendre la maison inhabitable, en tout cas par quiconque qui voudrait s'y

 16   installer. Ce n'est pas l'artillerie ou des armes légères ou quoi que ce

 17   soit de ce genre qui a provoqué l'incendie de cette maison".

 18   Il s'agissait de la déposition du capitaine Withworth qui a

 19   déposé pour dire que cette maison avait été incendiée intentionnellement

 20   pendant que vos soldats, Général, étaient manifestement encore sur le

 21   terrain dans ce village. Il est vrai, Général, que les maisons de Grbavica

 22   ont été délibérément incendiées par vos soldats, alors que l'attaque était

 23   en cours et peu après l'attaque ?

 24   M. Blaskic (interprétation). - Non, pendant la durée de

 25   l'attaque, il est certain que cela n'a pas été fait. Il n'y a rien eu


Page 21309

  1   d'autre que des opérations de combat.

  2   La vidéo montre bien le drapeau. Or, le drapeau n'est érigé qu'à

  3   la fin de l'opération. Il devait être 14 heures ou 14 heures 30. Dans ce

  4   cas concret, en voyant la vidéo, je ne vois pas de quelle façon cette

  5   maison a été incendiée dans la pratique, mais je continue à affirmer que

  6   le premier jour, il y a dix maisons et le second jour, huit maisons

  7   incendiées au cours des combats.

  8   Quand les réfugiés sont arrivés et ont pillé, y a-t-il eu

  9   d'autres maisons incendié, je ne sais pas, mais c'est pendant l'année 1993

 10   que des maisons de Grbavica ont été incendiées.

 11   M. le Président. - Je comprends que l'on peut discuter de tout,

 12   vous avez raison, c'est votre droit le plus absolu. Je vous rappelle que

 13   vous êtes témoin avec les obligations d'un témoin sous serment.

 14   Ma question est celle-ci : est-ce que je me trompe si j'ai noté,

 15   à l'audience du 25 mars, à l'interrogatoire principal, que le 9 septembre

 16   vous aviez exigé que des mesures disciplinaires soient appliquées

 17   effectivement, même si cela doit dégarnir le front ?

 18   Cela tendrait à penser que vous aviez envisagé de prendre des

 19   mesures disciplinaires. Je n'ai pas envie de revenir au transcript, mais

 20   dans mes notes personnelles, à l'occasion de l'attaque de Grbavica, vous

 21   nous aviez montré votre souci de professionnalisme et votre souci constant

 22   de protéger les populations civiles. Et vous aviez dit que les maisons

 23   avaient été attaquées parce qu'elles étaient des positions militaires.

 24   J'avais noté cela.

 25   J'avais également noté que, le 9 septembre, vous aviez exigé que


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  1   les mesures disciplinaires soient appliquées même si cela devait dégarnir

  2   le front. Ces mesures visaient-elles d'éventuels pillages ou incendies au

  3   moment de l'attaque de Grbavica ou me suis-je trompé, ce qui est

  4   possible ?

  5   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

  6   les Juges, vous avez raison de dire que j'ai exigé l'application des

  7   mesures disciplinaires mais, là, il est question de la rencontre que j'ai

  8   eue avec mes commandants de brigades auxquels j'ai demandé que toutes les

  9   mesures disciplinaires militaires qui sont prises soient effectivement

 10   appliquées, c'est-à-dire qu'elles ne soient pas prises symboliquement. Si

 11   un soldat devait aller en prison, il devait y aller même si cela devait

 12   dégarnir le front.

 13   M. le Président. - ... (inaudible) à Grbavica spécialement,

 14   puisque c'était le 9 septembre. Vous faisiez référence à l'attaque de

 15   Grbavica ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - Non. J'avais reçu des

 17   informations selon lesquelles des réfugiés avaient envahi Grbavica le

 18   soir, mais que, en-dehors de cela, l'opération de Grbavica s'était achevée

 19   sans maison incendiée. L'action a duré jusqu'à 14 heures 30 le

 20   8 septembre 1993.

 21   M. le Président. - Pourquoi demander des mesures disciplinaires

 22   le 9 septembre si vous êtes sûr que vos soldats n'ont rien commis de

 23   fautif, puisque vous en êtes sûr ?

 24   M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé aux commandants des

 25   brigades que les mesures disciplinaires soient appliquées de façon


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  1   générale, simplement que l'on ne se contente pas de prendre des mesures

  2   disciplinaires, mais si elles ont été prises, le soldat doit être condamné

  3   aux arrêts. C'était une position générale.

  4   Si une mesure était prise, le soldat devait être mis aux arrêts

  5   de façon à ce que la mesure soit appliquée et non pas que les mesures

  6   soient simplement prises sur le papier, en théorie.

  7   M. le Président. - Je n'ai pas assez pris de notes pour être

  8   sûr, mais, le moment venu, les Juges reprendront le transcript sur ce

  9   point particulier. Merci de votre réponse.

 10   M. Rodrigues. - Général, si nous revenons à la photo qui est sur

 11   la vidéo, si cette fumée ne provient pas des maisons brûlées, comment est-

 12   il possible d'expliquer cette fumée, de votre point de vue ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, dans une région

 14   où il y avait des opérations de combat des deux côtés, la fumée pouvait

 15   être provoquée par des explosions, par des obus, par des lance-roquettes

 16   multiples ou des tirs de mortier, et peut-être une maison.

 17   M. Rodrigues. - Je vous pose une question d'un tout autre

 18   contexte. Cette photo a été prise par une personne à un certain endroit, à

 19   un certain moment. Dans ce contexte, comment expliquez-vous cette fumée ?

 20   M. Blaskic (interprétation). - Je l'explique comme conséquence

 21   d'une opération de combat et je n'exclus pas la possibilité d'avoir eu

 22   certaines maisons incendiées. Au cours de ma déposition, j'ai déjà dit que

 23   dix maisons ont été incendiées le premier jour et huit maisons le second

 24   jour. Environ vingt maisons ont donc été incendiées.

 25   M. Rodrigues. - Nous avons vu sur la vidéo des soldats tirer en


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  1   l'air pour fêter. Ce comportement, de votre point de vue, est-il

  2   discipliné ou non ?

  3   M. Blaskic (interprétation). - Ce n'est pas un comportement

  4   discipliné, mais je crois que tout le monde n'est pas capable de contrôler

  5   ses émotions de la même manière. Etant donné que c'était une première

  6   action très difficile pour eux, où ils ont réussi à avoir une petite

  7   victoire par rapport à l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais c'est un

  8   comportement non discipliné qui montre que l'armée n'a pas été bien

  9   organisée.

 10   M. le Président. - Merci, Monsieur Rodrigues. Monsieur le

 11   Procureur, vous avez à nouveau la parole.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 13   Général, je vais vous lire une partie de la déposition du général de

 14   brigade Duncan à la page 9 213. "Question : Quand vous êtes entré,

 15   Général, ...", il s'agissait à l'époque du colonel Duncan, commandant du

 16   Bataillon britannique à Stara Bila. A l'époque où il a déposé, il était

 17   général de Brigade. Ligne 14 : "...toutes les maisons étaient incendiées,

 18   n'est-ce pas ?

 19   Réponse : Oui, les maisons en haut de la colline n'ont pas servi

 20   de fortifications ni été utilisées pour la défense mais ont été rasées et

 21   brûlées.

 22   Question : Vous avez été dans la vallée de la Lasva pendant

 23   environ sept mois. Cela était-il conforme à la manière dont le HVO

 24   attaquait des villages partout dans la vallée de la Lasva ?

 25   Réponse : C'est le modus operandi de ces forces. Elles


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  1   attaquaient, elles rasaient ces maisons et les incendiaient".

  2   Vous avez dit, en réponse à une question posée au cours du

  3   contre-interrogatoire, qu'il n'y a pas de but militaire dans cette

  4   destruction de maisons ?

  5   Réponse : Effectivement, il n'y en a pas eu. En effet, à mon

  6   avis, cela aurait été avantageux pour eux d'avoir gardé ces maisons

  7   intactes.

  8   Question : Avant cette attaque, Blaskic vous a dit qu'il allait

  9   attaquer Grbavica et nettoyer le village musulman, n'est-ce pas ?

 10   Réponse : Oui.

 11   Question : Les maisons ont été incendiées sans aucun but

 12   militaire légitime dans la vallée de la Lasva. A votre avis, quel est le

 13   message que Blaskic et le HVO essayaient d'envoyer aux Musulmans ?

 14   Réponse : Il s'agissait d'un message très clair, qu'il n'y avait

 15   pas de maisons dans lesquelles les personnes auraient pu vouloir rentrer,

 16   et qu'il ne fallait même pas penser au retour dans ces maisons."

 17   Le capitaine Withworth, à la page 10 285 du compte rendu :

 18   "Question : Quel est le message, d'après vous, que le HVO envoyait aux

 19   Musulmans bosniens en brûlant toutes les maisons dans le village ?

 20   Réponse : C'est un message que j'ai vu se répéter tout le long

 21   de l'année. D'un côté, ils ne voulaient pas encourager le retour des

 22   Musulmans dans la région, et puis ils ne souhaitaient pas, ils n'étaient

 23   pas heureux de coexister avec eux. Ils voulaient rendre cet endroit

 24   invivable pour toute autre personne qu'eux-mêmes."

 25   Général, il s'agit là du témoignage du commandant du Bataillon


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  1   britannique qui a été dans la région pendant six mois. L'autre témoignage

  2   a été celui de l'officier de liaison du Bataillon britannique qui était en

  3   contact avec vous et votre personnel à l'Hôtel Vitez. Leurs témoignages

  4   coïncident quant aux événements, c'est-à-dire que ce sont vos soldats qui

  5   ont incendié les maisons afin d'empêcher les Musulmans de retourner.

  6   N'est-ce pas exact ?

  7   M. Blaskic (interprétation). - Non. Déjà, j'ai dit que l'action

  8   s'est terminée à 14 heures 30 et que les maisons ont été incendiées

  9   pendant une longue période de temps. Deuxièmement, c'est vrai que j'ai dit

 10   au colonel Duncan que j'allais être forcé de mener cette action, étant

 11   donné que l'accord sur la démilitarisation de la région n'était pas

 12   respecté et que de nombreux civils, y compris les enfants, étaient blessés

 13   à cause des activités de l'armée de Bosnie-Herzégovine, à cause des

 14   tireurs embusqués. Il s'agissait là de la responsabilité du 3ème Bataillon

 15   de la 325ème Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il ne s'agissait pas

 16   de Musulmans en tant que tels.

 17   Mes soldats avaient des instructions claires. Ils ne devaient

 18   pas entreprendre d'opérations contre les civils, c'était interdit. Dans la

 19   soirée, les membres de l'ONU ont évacué les civils, et pendant toute la

 20   journée précédente de combats, il n'y a pas eu de civils qui ont été

 21   attaqués ni blessés ni endommagés de quelque manière que ce soit.

 22   D'ailleurs, je suis content de constater qu'ils sont rentrés, et

 23   aujourd'hui ils vivent à Grbavica. Je souhaite ajouter une autre chose :

 24   avant l'attaque de Grbavica, il y avait 35 000 réfugiés. C'étaient des

 25   personnes expulsées par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Si quelqu'un était


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  1   expulsé dans cette région, c'étaient les 30 000 Croates qui étaient des

  2   réfugiés qui ont fui l'armée de Bosnie-Herzégovine. L'action de Grbavica

  3   était le résultat du non-respect de l'accord sur la démilitarisation.

  4   Parce que, si les tireurs embusqués s'étaient retirés et si les opérations

  5   de l'armée de Bosnie-Herzégovine s'étaient arrêtées, il n'y aurait pas eu

  6   cette action-là.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Général, un quelconque membre du

  8   HVO a-t-il reçu des sanctions disciplinaires ou a-t-il été arrêté ou

  9   poursuivi à cause des incendies des maisons de Grbavica ?

 10   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que, d'après les

 11   rapports que j'ai reçus, il n'y a pas eu de soldats du HVO qui ont

 12   incendié les maisons à Grbavica et j'ai déjà dit dans quelles

 13   circonstances ces incendies se sont produits.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Je souhaite attirer votre attention

 15   sur la dernière pièce dans ce domaine, si vous me le permettez.

 16   M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce de l'accusation 713.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges, la pièce à conviction 713 est un autre bulletin

 19   d'information militaire du 9 septembre 1993. Veuillez placer la partie

 20   concernant Vitez sur le rétroprojecteur, merci.

 21   (L'huissier s'exécute.)

 22   Je lis : "Dans la partie Vitez, la région a été très calme.

 23   Pendant cette période, il n'y a pas eu d'indices d'une contre-attaque

 24   lancée par l'armée de Bosnie-Herzégovine dans le village de Grbavica. On a

 25   découvert un cadavre d'un soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine décapité


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  1   et démembré. Apparemment, un certain nombre des troupes impliquées dans

  2   les combats venaient de Busovaca. Cela a été confirmé lorsque le bataillon

  3   néerlandais a observé que l'on a fait une parade avec la démonstration de

  4   la tête décapitée. Mais cela a été fait de la part des troupes qui étaient

  5   retournées de la région de Bila.

  6   Commentaires : le seul groupe des forces de HVO à Busovaca était

  7   la brigade Nikola-Subic Zrinjski. D'après les rapports de la nuit

  8   dernière, certains éléments de Jokeri, unité extrémiste, et unité qui a

  9   prétendument été impliquée dans le massacre d'Ahmici, aurait participé à

 10   ces dernières attaques. Il est possible que cette unité soit maintenant

 11   relogée à Busovaca."

 12   Général, je souhaite vous lire l'article 34 des Conventions de

 13   Genève indiquant que les dépouilles d'une personne qui est morte dans un

 14   contexte d'occupation ou de détention résultant des hostilités doivent

 15   être respectées. Dans l'article 34, il est noté qu'"il est nécessaire de

 16   respecter les dépouilles mortelles de quelqu'un qui a été tué."

 17   Cette mutilation et cette décapitation constituaient donc une

 18   violation des Conventions de Genève, n'est-ce pas ?

 19   M. Blaskic (interprétation). - Oui, et dans mes ordres

 20   j'insistais sur le respect des personnes blessées, et en termes généraux,

 21   de l'ennemi.

 22   M. Kehoe (interprétation). – Général, cette décapitation et ce

 23   démembrement ont été effectués par vos troupes, c'est-à-dire par vos

 24   subordonnés, les personnes sélectionnées pour perpétrer l'attaque sur

 25   Grbavica ?


Page 21317

  1   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai jamais reçu cette

  2   information même si la police civile a fouillé le terrain et a même filmé

  3   la région. Je n'ai jamais reçu une telle information sur la décapitation

  4   et le démembrement d'un soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  5   En ce qui concerne les Jokeri, à l'époque, cette unité qui était

  6   constituée d'une

  7   quinzaine de personnes, n'a pas existé : elle avait été démantelée

  8   auparavant.

  9   M. Kehoe (interprétation). – Général, vous n'avez pas reçu

 10   d'informations selon lesquelles des soldats du HVO, agissant aux alentours

 11   de Busovaca, avaient effectivement organisé une parade en montrant cette

 12   tête coupée, n'est-ce pas ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas reçu de telles

 14   informations, effectivement. Je n'ai pas non plus reçu d'information selon

 15   laquelle des corps de Musulmans étaient mutilés.

 16   M. le Président. – Vous nous dites souvent que vous n'avez pas

 17   reçu d'information. On peut se poser des questions de savoir comment le

 18   commandant de la zone opérationnelle peut ne pas recevoir d'information :

 19   vous semblez souvent être un commandant non informé.

 20   Mais alors, est-ce que l'on pourrait risquer une interprétation,

 21   si l'on va dans votre logique, que vous ne receviez pas d'information, si

 22   l'on va dans votre logique et que c'est exact : que vous ne receviez pas

 23   d'information, cela ne voudrait-il pas dire qu'on ne vous en informe pas

 24   parce que cela apparaît comme normal pour le chef de la brigade, Nikola-

 25   Subic Zrinjski ? Peut-être qu'effectivement, il ne vous envoie pas


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  1   d'information parce que, tout simplement, les troupes du HVO s'habituent à

  2   travailler de cette façon-là ?

  3   Est-ce que cela pourrait être une interprétation ? Vous voyez ce

  4   que je veux dire ? Je vais dans votre logique : j'essaie de comprendre

  5   votre logique. Et je vous crois : oui, le Général Blaskic n'a pas reçu

  6   d'information. Mais n'en recevez-vous pas parce que vous êtes un général

  7   mal informé ou est-ce que –c'est là le point où je vous interroge-, en fin

  8   de compte, vous n'en recevez pas parce que tout le système du HVO est basé

  9   sur le fait que c'est normal. Pourquoi, moi, commandant des Jokeri, j'irai

 10   avertir le général Blaskic, lui faire un rapport pour dire qu'on a

 11   incendié des maisons ? Car, au fond, c'est peut-être normal d'incendier

 12   des maisons quand on a conquis un village ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, tout

 14   d'abord, je vais tenter de parler d'informations spécifiques qui se

 15   trouvent ici sur le rétroprojecteur. Moi-même, je n'ai pas reçu de telles

 16   informations. Je pensais que si quelque chose de ce type s'était produit à

 17   Busovaca, le commandant de la brigade Nikola-Subic Zrinjski m'en aurait

 18   informé par un rapport normal ou par un rapport spécial. C'est ce que je

 19   pensais.

 20   D'autre part, je répète ce que j'ai déjà dit. Moi, je

 21   m'intéressais à Grbavica. J'occupais une position à partir de laquelle je

 22   voyais tout, très clairement. J'y suis resté jusqu'à 14 heures 30, jusqu'à

 23   ce que l'opération soit terminée ; ensuite, la police civile est arrivée.

 24   Il est vrai que des maisons ont été incendiées, mais il est

 25   également vrai que pas plus de maisons n'ont été incendiées que celles que


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  1   j'ai pu observer moi-même. La police civile qui a cherché le village a

  2   filmé à la vidéo ; je sais qu'elle a filmé le village, je sais qu'elle l'a

  3   fait. Et je sais que, dans les archives de la police civile, se trouvent

  4   ces cassettes. La police m'a dit qu'elle n'avait pas trouvé de corps

  5   mutilés, aucun. Eux ont pris des photos, ont filmé des images en voyant ce

  6   qu'ils ont vu.

  7   M. le Président. – Vous n'avez pas répondu à ma question, mais

  8   je ne vais pas insister. Je posais simplement la question de savoir si,

  9   par exemple, le message de la politique du HVO n'était pas justement le

 10   message de non-retour des populations musulmanes que, dans ces conditions,

 11   pour vos chefs de brigade, pourquoi avertir le colonel Blaskic ? Cela

 12   paraissait normal d'incendier un village : après tout, la politique du

 13   HVO, c'était qu'il n'y ait pas de retour possible. Donc, vous n'êtes pas

 14   informé. A ce moment-là, effectivement, vous ne l'êtes pas.

 15   M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président,,

 16   permettez-moi de vous poser cette question : comment peut-il y avoir une

 17   politique de non-retour avec des expulsions de trois fois plus de Croates

 18   que de Musulmans ? Aujourd'hui encore, les Musulmans gardent 65 % du

 19   contrôle du territoire de la municipalité de Vitez. Par conséquent, les

 20   Croates de Bosnie centrale veulent que tout le monde revienne ; ce sont

 21   les Croates qui ont été victimes d'expulsions.

 22   M. le Président. – Je vous remercie de me poser des questions,

 23   mais je ne me suis déclaré ni témoin dans l'affaire ni en quoi que ce

 24   soit. Je me posais simplement certaines

 25   interrogations. Surtout, les Juges éprouvent une certaine difficulté à


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  1   concevoir qu'alors que vous êtes en position de témoin, nous soyons

  2   obligés de nous confronter avec des témoignages qui sont tous assez

  3   concordants sur nombre de points. Nous essayons donc de trouver des

  4   interprétations. Là, j'essayais d'en trouver une qui aille dans votre

  5   sens : je n'ai pas été informé. Bon, je m'arrête là.

  6   Monsieur le Juge Rodrigues ?

  7   M. Rodrigues. - Dans le même sens que le Président Jorda,

  8   j'aimerais vous proposer une autre interprétation. Est-ce que des

  9   personnes, sachant que vous étiez contre la pratique de ces actes,

 10   notamment parce qu'elles connaissaient vos ordres, ne voulaient pas vous

 11   informer ? C'est une hypothèse d'explication.

 12   Avez vous compris ma question ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge, j'ai

 14   compris votre question. Peut-être qu'effectivement, il y avait certains

 15   cas spécifiques dans lesquels ils ne souhaitaient pas m'informer.

 16   Cependant, je ne comprends pas : si, par exemple, une personne

 17   était expulsée de Travnik, peut-être 10 000 Croates, 3 000 ou 4 000

 18   Croates de Novi Travnik, eh bien, une personne incendierait une maison

 19   afin qu'un Musulman ne puisse pas rentrer ? Parce que ce Croate, qui est

 20   un réfugié, sait quels sont ses intérêts : il sait qu'il devrait pouvoir

 21   rentrer parce que lui aussi a une maison qui lui appartient, qui est

 22   malheureusement sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 23   Par conséquent, moi-même, je ne comprends pas si c'est le

 24   désespoir qui les amenait à ce type d'attitude et de destruction ; je

 25   parle des réfugiés. Mais si nous examinons la proportion de personnes


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  1   expulsées de la région, il est bien entendu de l'intérêt des Croates de

  2   revenir, même aujourd'hui encore, de repartir à Zenica, Travnik,

  3   Novi Travnik et également dans la région de Vitez d'où ils ont été

  4   expulsés mutuellement.

  5   M. Rodrigues. – Autre hypothèse : je ne sais pas si je suis

  6   prétentieux, mais de ce que je commence à connaître de vous, vous ne me

  7   semblez pas être une personne passive. Je crois que vous êtes une personne

  8   active. Là, j'ai quelques difficultés à comprendre que, dans les

  9   situations que l'on peut dire plus importantes, dans les incidents si l'on

 10   peut les qualifier ainsi, à propos des événements significatifs, votre

 11   réponse est toujours passive : "Je n'ai pas eu d'information" ; c'est

 12   toujours votre réponse.

 13   J'attendais vous voir dans une position plus active. Donc, ma

 14   perception de vous en tant que personne active ne joue pas bien avec votre

 15   positions passive. Pouvez-vous m'aider ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - Je vais tenter, Monsieur le Juge.

 17   Le problème est peut-être que, dans l'enclave, tous les aspects de la

 18   sécurité intérieure étaient entre les mains des forces de la police

 19   civile. Et pendant toute la guerre, il y avait un responsable de la police

 20   civile au même niveau, au niveau régional donc. Ces forces de police ont

 21   tenté de faire le travail et de mener les enquêtes nécessaires. Quel a été

 22   le succès de ces enquêtes, je ne sais pas, mais, en tout cas, ils ont

 23   essayé.

 24   Je me suis concentré sur la ligne de front, sur la lutte nous

 25   permettant de survivre dans la région. C'était ma priorité, ma


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  1   préoccupation première, la ligne de front. En ce qui concerne la sécurité

  2   intérieure de l'enclave, c'étaient aux responsables de la police civile ou

  3   militaire de s'en charger. Si je recevais un dossier disant que les

  4   auteurs de tel ou tel crime avaient été identifiés, j'aurais réagi.

  5   M. Rodrigues. - Merci, Général.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous allons

  7   accélérer et passer à autre chose. Nous allons en arriver au sujet des

  8   tranchées. J'aimerais que les pièces suivantes soient soumises à

  9   l'accusé : D373 et P387.

 10   M. Hayman (interprétation). - Nous n'avons pas demandé de pause

 11   régulière, car nous ne voulons pas interrompre la procédure, mais je peux

 12   vous dire que cela fait dix à douze semaines que notre client répond aux

 13   questions. Je crois qu'une pause serait appropriée. Nous avions demandé

 14   des pauses de 45 minutes. Nous pensions que cela serait appropriée étant

 15   donné son état psychologique. Merci.

 16   M. le Président. - Nous allons faire la pause. Je n'ai pas

 17   poursuivi dans les pauses toutes les 45, 50 minutes ou une heure. Je

 18   comprends que votre client soit fatigué sous le feu des questions. Je

 19   n'oublie pas aussi que c'est pris sur le temps du Procureur qui doit

 20   traiter tous les sujets traités pendant l'interrogatoire principal.

 21   Nous attendions du Procureur que le problème de répartition des

 22   pouvoirs soit bien éclairé. Souvent on a un petit malaise, alors que nous

 23   sommes en pleine guerre, les Juges ont une perplexité. On a l'impression,

 24   d'après ce que nous dit le témoin, que la police civile continue à bien

 25   fonctionner, la police militaire, les unités spéciales et que le témoin


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  1   est à la tête d'une armée bien regroupée, bien ordonnée, bien disciplinée.

  2   L'exemple de Grbavica est significatif. Le témoin nous dit que

  3   la police civile est ensuite entrée, qu'elle avait son rôle, que c'était à

  4   elle de faire des enquêtes. Je ne sais pas si en temps de guerre cela se

  5   passe ainsi.

  6   Après cette observation qui n'implique que moi, nous allons

  7   maintenant faire une pause de plus de vingt minutes afin que le témoin se

  8   repose.

  9   (L'audience, suspendue à 15 heures 42, est reprise à

 10   16 heures 15.)

 11   M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Nous espérons que

 12   le témoin a pu se reposer. En accord avec mes collègues, nous lui avons

 13   donné un temps de pause plus important. J'espère que la défense ne nous en

 14   voudra pas, le moment venu, si l'accusation n'a pas tout à fait terminé,

 15   il faudra lui donner un peu plus de temps.

 16   Je vois que nous avons un nombreux public que je salue au nom de

 17   mes collègues. Nous sommes à la phase du procès intenté par le Procureur

 18   contre le général Blaskic, le général Blaskic ayant décidé de témoigner.

 19   Il est ici présent, il témoigne. Nous sommes dans la

 20   période du contre-interrogatoire.

 21   Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 23   Général, je voudrais revenir aux deux pièces dont nous avons parlé avant

 24   la pause : D373 et P387.

 25   M. le Président. - Que l'on prenne soin que, ces pièces faisant


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  1   partie du débat public, figurent sur le moniteur public.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Général, consultons ces deux

  3   pièces. La première pièce est un ordre émanant de vous en date du

  4   21 juin 1993. Par le biais de ce document, vous interdisez l'utilisation

  5   de prisonniers de guerre, notamment pour creuser des tranchées.

  6   Cet ordre bien sûr est fondé sur la réunion que vous avez eue

  7   avec le commandement conjoint plus tôt dans la journée ; réunion dont il

  8   est question dans la pièce de l'accusation 387.

  9   Après avoir reçu des instructions, au cours de cette réunion du

 10   commandement conjoint, Général, vous êtes retourné à votre quartier

 11   général et vous avez délivré l'ordre, cette pièce 373, n'est-ce pas ?

 12   M. Blaskic (interprétation). - J'ai le document 373, mais pas le

 13   document 387.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Regardez en bas de la page, je vais

 15   vous le dire, c'est en anglais malheureusement. Peut-on voir ce document

 16   sur le rétroprojecteur, Monsieur l'Huissier ? Il s'agit de la réunion du

 17   21 juin 1993, réunion du commandement conjoint, présidée par

 18   l'ambassadeur, M. Thébault, et le général Duncan. Il est question de

 19   libération de prisonniers. L'ambassadeur Thébault a remercié tous les

 20   participants de leur aide dans le cadre de la libération des prisonniers.

 21   Il a été convenu que tous soutiendraient les activités à venir du CICR et

 22   le travail de la commission conjointe.

 23   "Si des ordres à cet effet n'ont pas déjà été délivrés, les

 24   commandants doivent délivrer des ordres précis relatifs au traitement des

 25   prisonniers et aux sanctions imposées aux commandants qui ne tiendraient


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  1   pas compte de ces ordres. Les commandants qui se rendraient coupables de

  2   ces actes devront être démis de leurs fonctions de commandement. Des

  3   ordres particuliers doivent être délivrés afin d'interdire que les

  4   prisonniers soient envoyés creuser des tranchées ou qu'on le leur

  5   demande".

  6   Après cette réunion du commandement conjoint, Général, vous êtes

  7   retourné à votre quartier général et vous avez délivré la pièce D373,

  8   l'ordre du 21 juin à 20 heures 15. Est-ce bien exact ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - Je ne suis pas certain d'avoir

 10   participé à cette réunion du commandement conjoint, mais cet ordre, ce

 11   document 373 est effectivement un ordre dans lequel je tente, de façon

 12   préventive, d'empêcher ce type d'actes.

 13   Mais ce n'est pas le seul ordre. Il y a eu d'autres ordres

 14   similaires délivrés auparavant. Il est possible que cet ordre ait été

 15   rédigé sur la base de ce qui a été dit au cours de la réunion, mais, dans

 16   ma chronologie, je ne vois pas que j'y ai assisté. C'était peut-être

 17   M. Merdan ou M. Nakic.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Mais dès 1992 vous saviez qu'il

 19   était illégal de forcer des prisonniers ou des civils à creuser des

 20   tranchées ?

 21   M. Blaskic (interprétation). - Qu'il était illégal de forcer des

 22   prisonniers de guerre, je le savais et j'ai averti mes subordonnés par le

 23   biais d'ordres écrits et oraux, lors de réunions avec mes subordonnés.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Vous saviez également qu'il était

 25   illégal de forcer des civils et des détenus civils à creuser des


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  1   tranchées ?

  2   M. Hayman (interprétation). - C'est une question composée de

  3   plusieurs éléments.

  4   M. le Président. - (hors micro)... de décomposer mieux votre

  5   question. Sur l'aspect juridique, Maître Hayman, en lisant le paragraphe 3

  6   de l'ordre D373, le colonel Blaskic fait même allusion à la création du

  7   Tribunal pénal international. Il semble qu'il ait appréhendé le problème

  8   juridico-judiciaire de ce crime. Cela étant, vous avez raison, il faut

  9   bien séparer les questions.

 10   Monsieur le Procureur, séparez vos questions.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Etait-il illégal de forcer des

 12   détenus civils à creuser des tranchées, oui ou non ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Illégal contre la loi de forcer

 14   des détenus en général à creuser des tranchées.

 15   M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant à certains des

 16   événements dont nous avons déjà parlé avant avril 1993.

 17   Vous avez fait remarquer, Général, lorsque vous avez parlé d'une

 18   réunion du 5 février 1993, dont vos commentaires figurent à la page 18 267

 19   du compte rendu, vous avez dit qu'il y avait eu une réunion à laquelle

 20   avaient assisté le général Merdan et d'autres personnes. A la ligne 12,

 21   vous dites que Merdan avait déclaré que des civils étaient emmenés dans

 22   certains endroits pour y creuser des tranchées. La question était : "Où, à

 23   quel endroit". Vous avez répondu : "A Busovaca".

 24   Ce même jour, vous avez eu une réunion avec Iris du CICR. Il

 25   s'agit là encore du 5 février. Votre témoignage figure à la page 18 269.


Page 21327

  1   Ligne 16, vous dites : "J'ai eu une réunion distincte avec Mme Iris dans

  2   le même lobby de l'hôtel Tisa et nous n'avons abordé qu'une seule

  3   question. Cette question était la participation de prisonniers au

  4   creusement de tranchées. Madame Iris m'a dit qu'elle avait reçu un rapport

  5   selon lequel les prisonniers étaient utilisés et envoyés pour creuser des

  6   tranchées dans la municipalité de Busovaca".

  7   Général, quand vous avez reçu les informations le même jour de

  8   Merdan et de Mme Iris de la Croix-Rouge internationale, avez-vous parlé à

  9   qui que ce soit, au directeur de la prison de Kaonik par exemple,

 10   M. Aleksovski afin de découvrir ce qui se passait ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - Dès que j'ai reçu ces

 12   informations, j'ai promis à Mme Iris, la représentante de la Croix-Rouge,

 13   que j'allais vérifier. Mais je n'étais pas à même de le faire

 14   personnellement, parce que c'est la Forpronu qui m'avait emmené à la

 15   réunion et qui m'en avait ramené. Cependant, j'ai appelé le chef d'état-

 16   major et le commandant de la brigade Nikola Subic Zninski et j'ai vérifié

 17   ces allégations.

 18   J'ai également dit au chef d'état-major qu'il devait interdire

 19   ce type d'actes une fois de plus. Mais les informations qui m'ont été

 20   communiquées ont consisté en la chose suivante : les prisonniers n'étaient

 21   pas amenés pour creuser des tranchées.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Mais, Général, à l'époque, le

 23   directeur de la prison de Kaonik était Zlatko Aleksovski. Vous nous avez

 24   dit avoir eu quelques réunions avec lui. Ma question est la suivante : au

 25   moment où vous appelez le chef d'état-major, tentez-vous également de


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  1   contacter M. Zlatko  Aleksovski afin de découvrir si, effectivement, ces

  2   détenus étaient emmenés par des soldats du HVO afin de creuser des

  3   tranchées, l'avez-vous fait ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas le souvenir de cela

  5   et, à ma connaissance, je n'ai pas parlé à M. Aleksovski. Mais ce que je

  6   sais, c'est que j'ai appelé le commandant de la brigade de Busovaca et le

  7   chef d'état-major du district militaire de Vitez.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Qui était le commandant de la

  9   brigade Nikola-Subic Zrinski , à Busovaca, à l'époque ?

 10   M. Blaskic (interprétation). – A l'époque, le commandant était

 11   Niko Jozinovic et son adjoint était Dusko Grubesic.

 12   M. Kehoe (interprétation). – Avez-vous parlé à ces deux hommes ?

 13   Les avez-vous interrogés sur ces allégations de creusement de tranchées

 14   par d'éventuels prisonniers ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - J'ai parlé à Grubesic et je lui

 16   ai posé certaines questions concernant ces allégations. Non seulement lui

 17   ai-je posé des questions, mais je l'ai également averti en lui disant que

 18   ceci était interdit.

 19   M. Kehoe (interprétation). – A-t-il reconnu que certaines

 20   personnes avaient été emmenées pour creuser des tranchées et que des

 21   soldats de la brigade Nikola-Subic Zrinski avaient emmené des hommes pour

 22   creuser des tranchées ?

 23   M. Blaskic (interprétation). – Non. Il ne m'a pas communiqué ces

 24   informations-là. Il m'a dit que ses soldats n'emmenaient pas de

 25   prisonniers creuser des tranchées et que ce type d'actes n'était pas


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  1   perpétré par ses hommes. A ce moment-là, j'étais isolé à Kiseljak.

  2   M. Kehoe (interprétation). – Passons au 12 février, si vous le

  3   voulez bien. A cette date, Mme Iris du CICR vous dit que deux femmes

  4   musulmanes avaient été tuées alors qu'elles étaient forcées de creuser des

  5   tranchées. Cela figure dans votre témoignage, à la page 18 286 du compte

  6   rendu.

  7   M. Blaskic (interprétation). – Excusez-moi, je crois qu'il y a

  8   une erreur d'interprétation. En tout cas, j'ai compris que Mme Iris avait

  9   dit que deux femmes musulmanes avaient été tuées alors qu'elles creusaient

 10   des tranchées.

 11   M. Kehoe (interprétation). – Oui, je lis : "Deux femmes ont été

 12   tuées à Busovaca, le 7 février 1993, en creusant des tranchées."

 13   M. Blaskic (interprétation). – Non, elle ne m'a pas dit cela ;

 14   Mme Iris m'a dit que deux hommes musulmans avaient été emmenés de force de

 15   la prison et qu'ils avaient été tués pendant qu'ils creusaient des

 16   tranchées. Elle m'a dit qu'il y avait deux hommes, mais pas deux femmes.

 17   Peut-être y a-t-il eu une mauvaise interprétation ?

 18   M. Kehoe (interprétation). – Mais je lis une partie de

 19   témoignage dans lequel je lis "Deux femmes musulmanes" ; cela se trouve à

 20   la page 2 886 du compte rendu, à la ligne 11.

 21   Je cite : "J'ai eu une réunion, le 12 février 1993, à Kiseljak,

 22   avec Mme Iris, la représentante de la Croix-Rouge internationale, qui m'a

 23   informé qu'il y avait eu un meurtre de Mme Sehovic et Elezovic, le

 24   7 février 1993, dans la zone de Busovaca."

 25   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai jamais reçu de telles


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  1   informations et je n'ai jamais dit cela non plus. Peut-être qu'il y a eu

  2   un problème de traduction. Je sais qu'il y a eu deux hommes : Sehovic et

  3   Elezovic, qui ont été tués. Effectivement, j'ai parlé de cela le

  4   12 février 1993, à Kiseljak, avec Mme Iris, qui était à l'époque

  5   responsable de la Croix-Rouge pour la région de Zenica.

  6   M. Kehoe (interprétation). – Eh bien, le compte rendu reflétera

  7   cette correction quant au sexe de ces deux personnes ; je ne faisais que

  8   lire ce qui figurait déjà dans le compte rendu. Si c'est une erreur, c'est

  9   une erreur.

 10   Général, passons donc au 18 mars, à la page 18 365 du compte

 11   rendu : vous nous dites la chose suivante. Vous nous dites que Sliskovic

 12   vous a informé du fait que le cas des deux hommes ayant creusé des

 13   tranchées à Busovaca, cette affaire avait été soumise au Procureur du

 14   Tribunal militaire.

 15   Général, ces deux hommes, qui ont tué les individus qui ont été

 16   amenés creuser des tranchées, de quelle unité, de quelle brigade

 17   faisaient-ils partie ?

 18   M. Blaskic (interprétation). - De quoi parlez-vous ?

 19   M. Kehoe (interprétation). – Les deux hommes qui ont participé

 20   au meurtre de Elezovic et de Sehovic ?

 21   M. Blaskic (interprétation). - Elle m'a dit que ces personnes

 22   avaient été tuées ; elle m'a demandé de mener une enquête.

 23   M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi, ma question est : les

 24   deux auteurs dont le SIS vous a dit qu'ils avaient été arrêtés pour la

 25   mort de ces deux hommes, qui avaient été emmenés creuser des tranchées,


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  1   ils étaient de quelle brigade, de quelles unités ? Etaient-ils membres du

  2   HVO, étaient-ils de la brigade de Vitez ? Etait-ce une unité

  3   indépendante ? D'où venaient-ils ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - Je crois qu'ils appartenaient à

  5   la brigade Nikola-Subic Zrinski de Busovaca, mais je n'en suis pas sûr à

  6   100 %, étant donné que j'étais concentré sur le démarrage de l'enquête et

  7   son traitement par le tribunal militaire du district.

  8   M. Kehoe (interprétation). – Et, lorsque vous avez appris qu'ils

  9   étaient tués sur la ligne de front, avez-vous conclu que le commandant de

 10   la brigade Nikola-Subic Zrinjski vous a menti concernant le fait que les

 11   prisonniers étaient emmenés creuser des tranchées ? C'était bien ce que

 12   vous avez conclu : que Grubesic vous a menti ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu l'information que ces

 14   personnes ont emmené ces prisonniers de guerre et que ces deux personnes

 15   les ont exécutés. Mais, par la suite, il y a eu des cas où des groupes

 16   isolés faisaient irruption dans la prison et maltraitaient les

 17   prisonniers. Il m'a été difficile de savoir si, à ce moment-là, Grubesic

 18   m'a donné une fausse information ou pas.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Quand vous êtes rentré à Vitez, le

 20   3 mars 1993, avez-vous donné l'ordre à Grubesic de venir dans votre bureau

 21   pour vous donner une explication concernant ces deux soldats du HVO

 22   impliqués dans ce meurtre ? Avez-vous fait cela ?

 23   M. Blaskic (interprétation). – Pour ces deux soldats, leurs

 24   dossiers étaient traités ; ils étaient arrêtés par la prison militaire de

 25   district. Ils étaient donc poursuivis.


Page 21332

  1   M. Kehoe (interprétation). – Ma question est très brève : avez-

  2   vous fait venir Grubesic ? Concentrez-vous sur ma question. Avez-vous fait

  3   venir Grubesic pour lui demander une explication ? Si oui, que vous a-t-il

  4   répondu ?

  5   M. Blaskic (interprétation). – Le 4 mars, j'ai eu une réunion

  6   avec tous les commandants de brigade ; en tout cas, autour de cette date.

  7   A ce moment-là, j'ai également abordé ce sujet, c'est-à-dire le sujet

  8   d'information qu'il ne faut pas emmener des prisonniers et que, malgré ces

  9   instructions, cela s'était produit dans le cadre de la brigade Nikola-

 10   Subic Zrinjski.

 11   J'ai donc répété mes instructions, j'ai redit formellement et

 12   j'ai insisté pour dire que c'était une action interdite. Grubesic a

 13   assisté à cette réunion et je l'ai réprimandé de telle manière.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous entamé une procédure

 15   disciplinaire contre Grubesic en tant que commandant de ces deux soldats

 16   qui ont emmené ces personnes creuser les tranchées ?

 17   M. Blaskic (interprétation). - Non, étant donné que j'ai reçu

 18   des informations selon lesquelles un groupe a fait irruption de force et a

 19   amené de force ces prisonniers. Il ne s'agissait donc pas d'une action

 20   organisée, mais ce groupe a fait irruption dans la prison, a pris un

 21   nombre de prisonniers et les a emmenés creuser les tranchées.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Mais parlons maintenant de ces

 23   personnes qui ont fait irruption, qui ont emmené ces prisonniers pour

 24   creuser les tranchées. Que leur est-il arrivé ? Ont-ils été condamnés ?

 25   Ont-ils reçu une sentence et laquelle ?


Page 21333

  1   M. Blaskic (interprétation). - Je sais que le tribunal militaire

  2   du district a traité leur affaire, mais je n'ai jamais été compétent pour

  3   surveiller le travail de ce tribunal. Je ne sais donc pas quelle a été

  4   leur sanction, quelle a été la décision prise par le Président du tribunal

  5   militaire de district.. Cela ne relevait pas de ma compétence.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Général, avez-vous fait en sorte

  7   que ces deux soldats soient immédiatement expulsés du HVO conformément au

  8   règlement sur la discipline militaire ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - Si ces personnes, et c'était leur

 10   cas, ont commis un acte criminel, ils ont tout de suite été privés de

 11   liberté.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Ce n'est pas ma question. Ma

 13   question est la suivante : vous, en tant que commandant de la Bosnie

 14   centrale, avez-vous fait en sorte que ces deux soldats du HVO soient

 15   expulsés des rangs du HVO ? Oui ou non ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - La seule réponse que je peux

 17   donner est que le commandant de brigade a toutes les compétences, comme

 18   moi, et c'est lui qui a été chargé de tout cela, pas moi personnellement.

 19   M. le Président. - Concentrez-vous sur l'ensemble des réponses

 20   que vous faites aux Juges, tout de même. Une question de méthodologie se

 21   pose là. Il y a trois jours, on a lu le fameux décret sur les pouvoirs de

 22   discipline et les pouvoirs de la justice militaire. Vous vous souvenez de

 23   cela ? L'article 29, je crois. Vous vous en souvenez ? Vous vous souvenez

 24   de ce décret, c'est un décret important sur l'organisation de la justice

 25   militaire, etc., et notamment les pouvoirs disciplinaires.


Page 21334

  1   Concentrez-vous sur la question que vous pose le Procureur. Les

  2   Juges aimeraient savoir. L'autre jour, vous nous avez dit que vous ne

  3   pouviez pas prendre de sanctions disciplinaires quand des auteurs

  4   n'étaient pas identifiés. Vous vous souvenez de cela ? Il fallait attendre

  5   que l'enquête ait eu lieu et que vous n'étiez pas compétent pour l'enquête

  6   -c'était le Tribunal, le Procureur-, mais qu'il va de soi que si les

  7   auteurs sont identifiés, évidemment vous avez des pouvoirs disciplinaires.

  8   Je vous ramène à la logique de cet ensemble de réponses. Nous

  9   avons là des auteurs identifiés, Monsieur le Procureur ?

 10   M. Kehoe (interprétation). - Oui, ils l'étaient, d'après la

 11   déposition de ce témoin.

 12   M. le Président. - Cela couvrait la plénitude de ces pouvoirs.

 13   Alors, concentrez-vous sur la réponse. Avez-vous pris, oui ou non, des

 14   sanctions ? C'est tout, c'est oui ou c'est non. Je ne crois pas que la

 15   question appelle pas de longs commentaires. Réfléchissez et, au besoin,

 16   consultez vos notes s'il est nécessaire que vous preniez un peu de temps.

 17   (Le témoin consulte ses notes.)

 18   (Les Juges se consultent sur le Siège.)

 19   Pouvez-vous apporter une réponse ?

 20   M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. J'ai

 21   personnellement demandé qu'une enquête soit lancée concernant cette

 22   affaire et j'ai reçu l'information que le Procureur militaire du district

 23   entamait une enquête. Ce n'est pas moi, personnellement, qui ai pris des

 24   mesures disciplinaires contre les auteurs de cet acte criminel.

 25   M. le Président. - Je pense qu'il n'a pas répondu tout à fait à


Page 21335

  1   mes préoccupations. C'est à vous de faire vos preuves, Monsieur le

  2   Procureur ! Les Juges sont là pour écouter et essayer de se faire une

  3   idée.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Général, la question était très

  5   simple. Avez-vous fait en sorte que ces deux soldats du HVO soient

  6   expulsés, écartés du HVO ? L'avez-vous fait ? La réponse est oui ou non.

  7   M. Blaskic (interprétation). - J'ai fait en sorte, de telle

  8   manière que j'ai entamé une enquête contre ces personnes et ces soldats

  9   ont été emprisonnés dans la prison militaire du district.

 10   M. Kehoe (interprétation). - La réponse est donc que vous n'avez

 11   pas pris de mesures vous-même, par le biais de votre fonction

 12   disciplinaire militaire, afin d'écarter ces deux soldats du HVO. Est-ce

 13   exact ?

 14   M. Blaskic (interprétation). - Par le biais de la fonction

 15   disciplinaire militaire, non, étant donné que cette même sanction a été

 16   obtenue par le biais de poursuites militaires.

 17   M. le Président. - Excusez-moi, Général, là vraiment, je ne

 18   comprends plus. J'ai l'impression que nous tournons en rond. Vous avez

 19   deux soldats convaincus d'avoir commis ces crimes. La question paraît très

 20   simple : en tant que commandant ayant des pouvoirs disciplinaires, prenez-

 21   vous des mesures ? J'ai cru comprendre que vous les aviez envoyés dans une

 22   prison militaire après une enquête. C'est cela ?

 23   M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, à partir

 24   du moment où le Procureur militaire du district a entamé une enquête

 25   contre eux, ils ont été placés dans la prison d'instruction et ils ne sont


Page 21336

  1   plus membres du HVO.

  2   M. le Président. - (inaudible)... l'impression que nous avons

  3   beaucoup d'enquêtes. Vous avez dit que vous aviez demandé une enquête. Qui

  4   fait l'enquête : le Procureur, vous ? Qui fait une enquête ? Je ne

  5   comprends pas. Aidez-nous.

  6   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas été chargé de

  7   l'enquête. Je n'ai pas mené l'enquête moi-même ; c'est le Procureur du

  8   tribunal militaire du district de Travnik qui a mené l'enquête en

  9   collaboration avec l'adjoint chargé de la sécurité. Ils l'ont faite

 10   ensemble.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Ont-elles été condamnées, ces deux

 12   personnes ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Je sais qu'elles ont été

 14   traduites devant le tribunal militaire de district, mais je ne sais pas

 15   quelle a été la décision définitive du tribunal. Ces deux personnes ont

 16   été effectivement condamnées.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Si vous croyez qu'elles ont été

 18   condamnées, quelle est la sentence qu'elles auraient reçue ?

 19   M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas. La sanction dans

 20   la prison militaire de district, je ne sais pas quel ordre... Mais en ce

 21   qui concerne la politique pénale du tribunal militaire de district, je

 22   n'étais pas compétent pour surveiller leur politique pénale.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Général, leurs sentences ont-elles

 24   été suspendues, ont-ils réintégré les rangs du HVO dans le cadre de la

 25   brigade Nikola-Subic Zrinjski ?


Page 21337

  1   M. Blaskic (interprétation). - Mon attitude était claire aux

  2   commandants : j'ai plusieurs fois répété ma demande que les auteurs

  3   d'actes criminels soient dans la compétence du département de la défense

  4   afin de se voir assigner une obligation de travail et non pas une

  5   obligation militaire. Suite à l'ordre de ce département, ces personnes

  6   devaient faire partie d'unités de travail.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Mais, de toute façon, vous ne savez

  8   pas ce qui est arrivé à ces hommes ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - Je crois qu'après

 10   l'emprisonnement, ils n'ont plus été mobilisés.

 11   M. le Président. - Quand vous dites : "Je crois", c'est

 12   aujourd'hui que vous nous dites "Je crois" ou quand vous étiez en

 13   situation, que vous vous en êtes préoccupé ?

 14   M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas d'éléments précis

 15   ici, mais je sais qu'il existe mon ordre ; et je sais que cet ordre a été

 16   informé du fait que des personnes du HVO ayant commis des actes

 17   répréhensibles ont été écartées.

 18   Il était clair que ces personnes devaient être expulsées avec

 19   leurs armes et se rendre au bureau du ministère de la Défense pour

 20   recevoir de nouvelles affectations. Je n'ai pas d'informations selon

 21   lesquelles ces personnes seraient revenues au sein des unités du HVO.

 22   M. Kehoe (interprétation). - Général, j'aimerais vous lire un

 23   extrait de pièce à conviction, pièce 514, écrite en anglais.

 24   J'en lirai simplement une partie. C'est un rapport de l'ECMM en

 25   date du 6 février 1993.


Page 21338

  1   Nous y lisons, Général, "qu'il y a eu une forte augmentation du

  2   nombre de tranchées creusées par le HVO, principalement à l'aide de

  3   Musulmans, dont certains avaient été enlevés de leur domicile par la

  4   force. Le Président de la commission conjointe de Busovaca fait remarquer

  5   qu'il a observé l'emploi de Musulmans creusant des tranchées pour le HVO

  6   dans la région de Busovaca."

  7   Ensuite, pièce à conviction 677, bulletin d'information

  8   militaire daté du 6 février 1993. Je cite : "Dans la zone désignée sous le

  9   nom de Busovaca, le Bataillon britannique écrit qu'à Podjele un système de

 10   tranchée de cinquante à soixante mètres de long a été observé, à la cote

 11   32 58 98. Lieu où quinze à vingt civils creusent et trois soldats du HVO

 12   les surveillent."

 13   Plus bas, nous lisons, je cite : "A Gacice, à la cote telle et

 14   telle, une fois de plus, des civils sont vus creusant des tranchées à

 15   l'extrémité orientale du village sous la surveillance de soldats du HVO.

 16   Commentaire : Ces positions étaient clairement visibles à partir

 17   des positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais les soldats de

 18   l'armée de Bosnie-Herzégovine n'ont pas tiré sur les civils. Cela nous a

 19   conduit à penser que ces civils peuvent avoir été des Musulmans sous la

 20   garde du HVO".

 21   J'aimerais maintenant passer à un autre bulletin d'information

 22   militaire du Bataillon britannique. Nouvelle pièce à conviction.

 23   M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce de l'accusation 714.

 24   M. Kehoe (interprétation). - J'en ai quelques exemplaires pour

 25   la cabine, Monsieur l'Huissier.


Page 21339

  1   (L'huissier s'exécute.)

  2   M. le Président. - Monsieur le Greffier, vous aurez une forme

  3   physique extraordinaire à la fin du procès !

  4   M. Kehoe (interprétation). - Général, cette pièce à

  5   conviction 714 est un autre bulletin d'information militaire en date du

  6   7 février 1993, émanant du régiment du Chishire. Ce qui m'intéresse, c'est

  7   le commentaire du commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  8   Nous lisons ce qui suit : "Le commandant a déclaré ce qui suit :

  9   le HVO a utilisé des soldats musulmans pour creuser les positions

 10   offensives du HVO dans la zone des villages de Solakovici (dont on croit

 11   que cette zone est contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?) Skradno

 12   et Podjele ainsi que Kula." Nous sautons un paragraphe et nous en arrivons

 13   à la citation suivante : "Le rapport définitif de Zenica, en date du

 14   7 février 1933, fait savoir qu'une nouvelle fois le HVO a rompu l'accord

 15   de cessez-le-feu".

 16   Cela incluait ce qui suit : "Des tireurs isolés du HVO dans les

 17   villages de Bakije et de Podjele -avec les cotes- sont annoncés comme

 18   ayant tiré sur des villages musulmans de Putis et Merdani". Les cotes sont

 19   citées. "Les civils musulmans arrêtés à Podjele ont été contraints de

 20   creuser des tranchées pour le HVO. Il a été question de tireurs isolés du

 21   HVO qui auraient tiré sur des véhicules de civils circulant sur l'axe

 22   Kacuni-Lugovi.

 23   Commentaire : Nombre de déclarations émanant de deux commandants

 24   de l'armée de Bosnie-Herzégovine sont crédibles, notamment eu égard à

 25   l'accusation selon laquelle des civils musulmans auraient été forcés à


Page 21340

  1   creuser des positions pour le HVO. Cependant, il importe de ne pas perdre

  2   de vue que cela n'est qu'une facette de l'histoire et que le HVO a porté

  3   de nombreuses accusations contre les Musulmans qui auraient également

  4   rompu le cessez-le-feu."

  5   Général, vous conviendrez que l'emploi de Musulmans, le fait de

  6   contraindre des Musulmans à creuser des tranchées dans la région de

  7   Busovaca, fin janvier, début février 1993, était une pratique généralisée,

  8   n'est-ce pas ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - La seule chose que je peux dire

 10   est que, durant cette période, j'étais isolé à Kiseljak et qu'à ce moment-

 11   là, à Kiseljak, aucun Musulman n'a été placé en détention et qu'aucun

 12   Musulman n'a été forcé de creuser les tranchées.

 13   Je parle bien de Kiseljak où je me trouvais. A Kiseljak, je ne

 14   bénéficiais que des informations reçues de mes subordonnés directs et je

 15   recevais également des informations tenues à Busovaca, lors de la réunion

 16   de la commission conjointe. Notamment, lors de la réunion du 5 février où

 17   Dzemo Merdan, le commandant, a formulé quelques affirmations. Je lui ai

 18   demandé d'être plus concret lorsqu'il a affirmé que des Bosniens musulmans

 19   étaient utilisés pour creuser des tranchées. Chaque fois que je recevais

 20   des informations, je les vérifiais et j'interdisais de tels actes.

 21   M. Kehoe (interprétation). – Général, j'aimerais vous donner

 22   lecture d'une autre déposition d'un soldat du HVO. Monsieur le Président,

 23   j'aurais besoin d'une audience à huis clos partiel pendant quelques

 24   instants, car la déposition a été présentée en huis clos partiel.

 25   M. le Président. – Donc ce que va lire le Procureur a été


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  1   présenté sous couvert de mesures de protection. Le Procureur va en faire

  2   une petite lecture. Nous allons donc passer à huis clos partiel avant de

  3   repasser en audience publique. Je le dis pour que toute le monde soit

  4   informé.

  5   Monsieur le Greffier, nous passons à huis clos partiel.

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 15   M. le Président. – Nous repassons en audience publique.

 16   Posez vos questions et faites attention –je parle aussi bien

 17   pour le témoin que pour le Procureur- de ne pas mentionner le nom de cette

 18   personne qui a témoigné. Attention, puisque vous continuez sur les

 19   tranchées. Posez votre question.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 21   Mais, Général, vous dites dans votre déposition que ni votre

 22   chef d'état-major ni l'un quelconque des hommes de votre commandement, ni

 23   à Vitez ni à Busovaca, aucun de vos commandants de brigade ne vous a

 24   jamais parlé du grand nombre de détenus musulmans bosniens qui étaient

 25   emmenés et contraints à creuser des tranchées. C'est bien ce que vous


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  1   dites dans votre déposition ? Vous n'en saviez rien ? C'est bien cela ?

  2   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que j'ai reçu une

  3   information de Mme Iris, représentante du CICR, au sujet de ce malheureux

  4   événement survenu le 7 février.

  5   Quant à d'autres informations précises au sujet de ce type

  6   d'actes, je n'en ai pas reçu. J'étais isolé à Kiseljak, j'étais coupé de

  7   toute possibilité de communication. L'information que j'ai reçue de

  8   Mme Iris, je ne l'ai reçue qu'aux alentours du 12.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Très bien. Avançons pour arriver à

 10   la date du 16 et à la période ultérieure au 16. Je vais essayer d'en

 11   parler le plus rapidement possible, Général.

 12   Page 18 577 du compte rendu d'audience : le 16 avril, vous nous

 13   avez dit, en ligne 14, que Petkovic vous avait dit : "Nous devrions nous

 14   lancer dans des fortifications de type ingénierie, de type génie

 15   militaire". Cela signifie, n'est-ce pas, que Petkovic vous demandait de

 16   creuser des tranchées, n'est-ce pas ?

 17   M. Blaskic (interprétation). - Que commencent des travaux de

 18   fortifications destinés à créer des abris servant à la protection et à la

 19   bonne marche des opérations de combat.

 20   M. Kehoe (interprétation). – Puis, vous avez ajouté, en page

 21   18 590 du compte rendu d'audience, ligne 19, que "ce même jour –je cite-,

 22   à 19 heures 45, j'ai aussi parlé à Pasko à qui j'ai demandé de commencer à

 23   creuser et de poursuivre la construction des éléments de défense." Fin de

 24   citation.

 25   Le subordonné de Pasko Ljubicic était Vlado Santic, n'est-ce


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  1   pas ?

  2   M. Blaskic (interprétation). - Oui, et ces activités de

  3   creusement signifiaient que les commandants ne faisaient que leurs devoirs

  4   sur leurs positions.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Et le 16 avril, quel était le rôle

  6   de Vlado Santic ? Quel était son poste au sein de la police militaire ?

  7   M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

  8   était commandant chargé de la sécurité. Son rôle à la police militaire

  9   consistait à commander la 1ère Compagnie de la police militaire. Mais il

 10   changeait de fonction de temps en temps, je ne sais donc pas en fonction

 11   de la date quelle était sa fonction précise.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Mais le 16 avril 1993, il possédait

 13   un bureau dans votre quartier général, à l'Hôtel Vitez, n'est-ce pas ? Je

 14   parle bien sûr de Vlado Santic.

 15   M. Blaskic (interprétation). - Il avait un bureau même avant

 16   cela. Son bureau était dans les locaux de l'Hôtel Vitez.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Général, lorsque vous avez délivré

 18   cet ordre à Pasko Ljubicic, dont je pense que vous supposiez qu'il allait

 19   descendre selon la voie hiérarchique, cet ordre destiné à ce que des

 20   tranchées soient creusées, avez-vous averti Pasko que ses troupes avaient

 21   interdiction d'utiliser des civils ou des détenus pour creuser ces

 22   tranchées ?

 23   M. Blaskic (interprétation). - C'est toujours sous-entendu,

 24   c'est interdit par la loi. Au mois de septembre 1992, déjà j'ai délivré un

 25   ordre destiné à garantir le ratissage du terrain, et je supposais à ce


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  1   moment-là que ce serait des soldats et éventuellement des hommes ayant une

  2   obligation de travail qui allaient s'acquitter de cette tâche du ratissage

  3   du terrain.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Général, sachant que des civils ont

  5   été emmenés creuser des tranchées au cours du mois de février et ayant

  6   cela à l'esprit, avez-vous ou n'avez-vous pas précisément dit à Pasko :

  7   "Ne recours pas à des civils pour creuser des tranchées" ? Le lui avez-

  8   vous dit précisément ?

  9   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que lors de ma

 10   première rencontrent le 4 mars, j'ai dit à tous les commandants qu'il

 11   était interdit d'utiliser des prisonniers de guerre pour creuser des

 12   tranchées. De ma part, c'était une instruction tout à fait claire.

 13   S'agissant de cet acte précis, de cet événement précis, je ne l'ai pas dit

 14   à Pasko parce que je partais du principe que c'était quelque chose que

 15   chacun savait, à savoir qu'il était illégal et contre les lois de la

 16   guerre d'emmener des civils creuser des tranchées.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Général, avançons, si vous le

 18   voulez bien, pour parler quelques instants de la déposition de

 19   Sulejman Kavazovic. Sulejman Kavazovic était un des hommes musulmans

 20   bosniens qui a été arrêté à Vitez puis emmené creuser des tranchées. Il

 21   était d'abord en détention dans le bâtiment SDK. Quelle est la distance,

 22   d'ailleurs, entre ce bâtiment SDK et votre quartier général, dans le

 23   centre de Vitez ?

 24   M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas quelle est cette

 25   distance. Même si vous me montrez une photographie, je me rappellerais


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  1   peut-être, mais je ne sais même pas où se trouve ce bâtiment SDK.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Le bâtiment SDK était un autre

  3   bâtiment gouvernemental du centre de Vitez qui se trouvait à 100 mètres,

  4   150 mètres de l'Hôtel Vitez, peut-être un peu plus. A cet endroit se

  5   trouvaient des Musulmans bosniens qui étaient détenus et qui ont été

  6   emmenés creuser des tranchées. Je fais référence, Monsieur le Président,

  7   au témoignage de Sulejman Kavazovic qui a parlé dans sa déposition de ce

  8   sujet.

  9   M. le Président. - Donc, à SDK, ce témoin va témoigner pour lire

 10   les extraits pertinents de sa déposition ?

 11   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 12   J'aimerais, Général, vous donner lecture de quelques extraits de la

 13   déposition de Sulejman Kavazovic, à commencer par la ligne 22 de la

 14   page 2 321 du compte rendu d'audience. "Question : Combien de temps êtes-

 15   vous resté dans le bâtiment SDK ?

 16   Réponse : J'y suis resté trois jours, du 19 au 22, je me suis

 17   trouvé dans le bâtiment SDK jusqu'au moment où on m'a envoyé creuser des

 18   tranchées. "

 19   Ligne 4 de cette page, je cite : "A Vitez, dans tous les camps

 20   qu'il y avait dans cette ville, certains policiers militaires et même des

 21   membres du HVO, il leur arrivait de pénétrer dans le camp avec des

 22   camionnettes et ils choisissaient des hommes censés sortir du camp pour

 23   aller creuser des tranchés. Ce jour-là, quand ils m'ont fait sortir, ce

 24   même collègue à moi est arrivé avec Zabac, un policier militaire qui a dit

 25   qu'il avait besoin de 9 hommes pour aller à Rijeka creuser des tranchées."


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  1   Page 2 326 du compte rendu d'audience, ligne 4, nous lisons ce

  2   qui suit, et il est question du Bungalow, je cite : "Quand vous êtes

  3   arrivé à cet endroit -il est fait référence au Bungalow-, veuillez dire

  4   aux Juges qui vous avez vu et ce que vous avez vu.

  5   Réponse : Nous sommes sortis de la camionnette. Il y avait à cet

  6   endroit un restaurant et une terrasse devant le restaurant, une terrasse

  7   de béton avec des marches qui permettaient d'y arriver. Sur la terrasse,

  8   j'ai vu Vlado Santic qui m'a dit, dès que je suis sorti de la camionnette,

  9   il a dit, je cite : "C'est toi encore ?", fin de citation. A côté de lui,

 10   j'ai vu 13 Jokeri debout, des combattants qui appartenaient donc à la

 11   formation des Jokeri."

 12   Page 2 327, ligne 1, je cite : "Après cela, sur ordre de

 13   Vlado Santic, il a donné l'ordre à 5 Jokeri, il leur a dit : "Toi, toi,

 14   toi, toi et toi", et à Zabac ainsi qu'aux deux policiers de la camionnette

 15   de nous emmener à Kratine."

 16   En page 2 329 du compte rendu d'audience, il fait remarquer

 17   qu'il les a emmenés à Kratina jusqu'à Miroslav Bralo, dit Cicko.

 18   Ligne 19 de cette même page, il dit : "Je suis resté à Kratine

 19   du 22 au 28 ou au 29, donc 7 ou 8 jours, je ne me rappelle plus exactement

 20   combien. Notre séjour à Kratina a été très pénible. Nous avons dû creuser

 21   des abris, là où eux ne pouvaient pas creuser. Nous étions exposés aux

 22   tirs du HVO et aussi à des tirs de l'armée de Bosnie-Herzégovine parce

 23   que, à cet endroit, il fallait creuser des abris et eux, les soldats, ne

 24   pouvaient pas y creuser. Nous, nous avons été forcés d'y creuser toute la

 25   journée.


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  1   Nous avons coupé des arbres dans la forêt pour eux. Quand ils ne

  2   pouvaient pas traverser la forêt, ils nous forçaient à couper les arbres.

  3   Ils nous ont fait transporter des troncs d'arbre, c'était un travail très

  4   pénible sur le plan physique. Nous avons dû creuser des tranchées parce

  5   que nous obéissions à leurs ordres."

  6   Nous avançons dans la lecture de ce texte, rapidement.

  7   En conclusion, à la page 2 347 du compte rendu d'audience, nous

  8   lisons, je cite : "Quand vous êtes arrivé au bâtiment SDK, qui avez-vous

  9   vu ?

 10   Réponse : Quand je suis arrivé au bâtiment SDK, les hommes que

 11   j'avais laissés derrière moi s'y trouvaient. J'ai rencontré des hommes

 12   qui, eux aussi, avaient comme moi creusé des tranchées. Nous nous sommes

 13   donc parlé, nous nous sommes dit où nous étions allés, où nous étions allé

 14   creuser. J'ai dit que j'attendais un échange.

 15   Question : Où les hommes avec qui vous avez parlé vous ont-ils

 16   dit qu'ils avaient creusé des tranchées ?

 17   Réponse : Au cours de notre conversation et à en juger par les

 18   hommes qui était allés à Kratine, j'ai appris que les hommes qui avaient

 19   creusé des tranchées à Krcevine, Dubravica, Sivrino Selo, toutes sortes de

 20   villages autour de Vitez, dans tous ces villages, des hommes avaient été

 21   emmenés creuser des tranchées."

 22   Monsieur Kavazovic dit, dans son témoignage, qu'un membre de la

 23   police militaire, Vlado Santic, qui avait un bureau au fond du couloir où

 24   vous aviez le vôtre, dans l'Hôtel Vitez, avait ordonné à ces hommes de

 25   creuser des tranchées. Saviez-vous que M. Santic avait forcé ces hommes,


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  1   aux côtés de membres de la police militaire et d'autres soldats du HVO,

  2   qu'il avait donc forcé ces hommes à creuser des tranchées ou ne le saviez-

  3   vous pas ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - J'ai entendu cette déposition

  5   ici. C'était la première fois que j'entendais une telle déposition. Je

  6   n'ai reçu aucune information liée à ce genre d'action. Les ordres que j'ai

  7   délivrés exigeaient précisément le contraire.

  8   J'ajouterai que ces actes sont contraires à mes ordres. Mes

  9   ordres sont contenus dans les pièces à conviction de la défense 116,

 10   334.2, 362. 2, 364.2, 365.1, 370, 376.1, 373, 377. Cela était donc

 11   contraire à mes ordres et, chaque fois que j'en étais informé, je

 12   réagissais par rapport à cette information pour interdire de tels

 13   agissements.

 14   M. Kehoe (interprétation). – Général, nous allons changer de

 15   sujet quelques instants. Je prie M. le greffier de bien vouloir remettre

 16   au témoin la pièce à conviction de la défense 298, en même temps que la

 17   pièce à conviction de la défense 314 ainsi que la pièce de la défense 301,

 18   associée à la pièce de la défense 325.

 19   L'interprète. – Dans le passage précédent, il s'agissait, pour

 20   l'ordre correspondant à la pièce de la défense 370, du paragraphe 9.

 21   M. Kehoe (interprétation). – Général, prenons d'abord les deux

 22   premiers documents –pièces 299 et 314. Ce sont des ordres émanant de vous

 23   en réponse à Dusko Grubesic. Si nous les prenons isolément, la pièce 298

 24   et votre ordre du 17 avril 1993, le numéro de référence étant 01-4 393/93,

 25   et au point 4 de cet ordre, vous parlez de creuser des tranchées sur la


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  1   ligne de front et de préparer une contre-attaque.

  2   Je prends maintenant la pièce à conviction de la défense 314,

  3   qui est une réponse à votre ordre, dans laquelle Dusko Grubesic dit, au

  4   point 4, -je cite- : "La construction des tranchées a été réalisée sur

  5   l'ensemble des lignes de défense afin d'organiser la défense contre

  6   l'ennemi de manière aussi efficace que possible."

  7   Général, cet ordre adressé à toutes les autres unités va

  8   notamment à la Brigade Nikola-Subic Zrinski. Vous ne dites rien, dans cet

  9   ordre, qui interdise d'utiliser des civils pour creuser des tranchées,

 10   n'est-ce pas ?

 11   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit, il y a quelques

 12   instants, que j'avais rédigé un grand nombre de documents dans lesquels il

 13   était stipulé qu'il était interdit d'utiliser des civils pour creuser les

 14   tranchées.

 15   Quant à l'ordre qui correspond à la pièce 298, je vous demande

 16   quelques instants pour que je l'examine de manière plus approfondie.

 17   L'interprète. – Dans la phrase entendue, il ne s'agissait pas de

 18   civils, mais de prisonniers de guerre.

 19   M. Blaskic (interprétation). - L'ordre 298...

 20   M. Kehoe (interprétation). – Il n'y a pas eu de question ; je

 21   vais la poser, Général. En ce qui concerne la pièce 298, sachant que les

 22   membres de la brigade de Busovaca avaient forcé des détenus musulmans à

 23   creuser des tranchées, vous n'avez pas introduit un quelconque

 24   avertissement, dans cet ordre, afin d'empêcher que cela se reproduise ?

 25   N'est-ce pas exact ?


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  1   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà énuméré tous les ordres

  2   qui ont été émis, spécialement sur le traitement des prisonniers de

  3   guerre.

  4   Cet ordre 298 traite d'un sujet spécifique : concrètement, à

  5   Busovaca, les positions étaient déjà fortifiées depuis longtemps. A

  6   Busovaca, il y avait des opérations de combat qui se déroulaient depuis

  7   janvier 93 et les tranchées n'avaient même pas été couvertes.

  8   M. Kehoe (interprétation). – Merci, Général. Votre réponse est

  9   non, vous n'avez pas donné un tel avertissement dans cet ordre.

 10   M. Blaskic (interprétation). – Il n'y a pas de tel avertissement

 11   dans cet ordre, mais j'ai déjà énuméré les ordres portant sur le

 12   traitement des prisonniers de guerre.

 13   M. Kehoe (interprétation). – Veuillez examiner maintenant les

 14   pièces à conviction de la défense 301 et 325. L'ordre 301 est votre ordre

 15   donné à la brigade de Vitez pour creuser les tranchées, et l'ordre 325 est

 16   la réponse que vous avez reçue de la brigade de Vitez.

 17   M. Kehoe (interprétation). – Encore une fois, Général, dans

 18   cette série de documents, vous donnez l'ordre, au document 301.3, à la

 19   brigade de Vitez d'effectuer des travaux de génie militaire, et dans

 20   l'ordre 325, la brigade de Vitez répond que les fortifications et les

 21   creusements de tranchées se poursuivent sur toutes les lignes de front.

 22   Malgré le fait que vous saviez que les troupes du HVO avaient

 23   forcé des Musulmans bosniens à creuser des tranchées, vous n'avez pas

 24   inséré un quelconque avertissement ?

 25   M. Blaskic (interprétation). - Permettez-moi de consulter ce


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  1   document, de l'examiner.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Je vois que vous avez terminé.

  3   M. Blaskic (interprétation). - Permettez-moi un instant pour

  4   voir quelque chose.

  5   M. Kehoe (interprétation). - Oui, bien sûr.

  6   M. Blaskic (interprétation). - Le document 301, dans le point 3,

  7   on parle du premier décret de travaux de génie militaire. Cela veut dire

  8   que le soldat crée son propre abri pendant soixante minutes.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, ma question était la

 10   suivante...

 11   M. Blaskic (interprétation). - Je sais, mais l'ordre ici n'a pas

 12   été de creuser des tranchées ni des blockhaus . Dans l'ordre 301, on se

 13   limite aux travaux de génie militaire. Le soldat doit créer lui-même, dans

 14   l'espace de trente à soixante minutes, un abri lui permettant de rester

 15   debout. Donc, dans le paragraphe 3, il est défini quel doit être le niveau

 16   de ces travaux.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez dit que, le

 18   16 avril 1993, et cela figure à la page 18 591 : "A 19 heures 50, je me

 19   suis entretenu encore une fois avec le commandant de la brigade de Vitez

 20   et je lui ai dit de commencer à faire des fortifications et de se préparer

 21   pour un changement de position".

 22   M. Blaskic (interprétation). - A quelle heure ?

 23   M. Kehoe (interprétation). - A 19 heures 50.

 24   M. Blaskic (interprétation). - C'est vrai, mais ici, il est dit

 25   qu'il doit donner l'ordre, donc le commandant de brigade Cerkez doit


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  1   donner l'ordre à ses soldats de se fortifier, de creuser des tranchées. Il

  2   doit donner l'ordre à ses soldats de creuser les tranchées.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Général, passons maintenant au

  4   témoignage d'Ivica Zeko, l'un de vos officiers. A la page 11 717, ligne 7,

  5   il a dit, concernant les rapports entre les soldats de l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine et du HVO, en réponse à Me Nobilo, la question était : "Pour

  7   simplifier, la proportion serait de dix contre un en faveur de la Bosnie-

  8   Herzégovine ?

  9   Réponse : Oui."

 10   Général, vu votre déposition selon laquelle l'armée de Bosnie-

 11   Herzégovine attaquait le HVO et vu votre besoin de creuser les positions

 12   de défense et le fait que vous avez dit que vous n'aviez pas assez de

 13   temps pour défendre la poche, suffisamment d'hommes, qui creusait les

 14   tranchées ? A votre avis, qui devait être chargé de ce creusement

 15   important de tranchées ?

 16   M. Blaskic (interprétation). - Je vais essayer de vous expliquer

 17   cela. Cela est visible sur mon ordre donné le 16 avril 1993. Je donne

 18   l'ordre que les soldats de Vitez creusent les abris. Et en ce qui concerne

 19   les abris qui ne sont pas sur les lignes de front, ce sont surtout les

 20   unités de travail, les pelotons qui en étaient chargés.

 21   Il s'agissait des abris près des voies d'accès, mais, en avant,

 22   il y avait des abris où se trouvaient des soldats.

 23   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je pense

 24   qu'il faudrait que l'on attire l'attention sur l'interprétation, étant

 25   donné qu'à la fois lorsqu'il s'agit d'abris et de refuges, l'interprète


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  1   dit shelter, alors qu'en langue croate, il s'agit de deux mots ayant deux

  2   significations différentes : l'abri de soldat est un abri où se trouve le

  3   soldat qui tire, alors que le refuge est celui qui se trouve derrière. Il

  4   faut donc trouver deux termes en anglais. Abri pour le soldat sur la ligne

  5   de front et refuge, derrière.

  6   M. le Président. - Je dois dire que je ne suis pas très

  7   compétent pour trancher la question. Monsieur le Procureur, essayez de

  8   trouver deux termes.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Franchement, je n'étais pas

 10   conscient du problème.

 11   M. le Président. - J'ai compris que vous n'étiez pas conscient.

 12   Vous avez manqué d'informations vous aussi. Je constate que la langue

 13   serbo-croate est plus riche que la langue anglaise en ce domaine. C'est

 14   tout. Essayons de traduire cette nuance.

 15   Maître Nobilo, il s'agit de la nuance entre l'abri...

 16   M. Nobilo (interprétation). - Il ne s'agit pas d'une nuance.

 17   C'est vrai que cela fait longtemps que j'ai fait mon service militaire,

 18   mais je me rappelle avoir eu mal au dos quand, dans l'espace de soixante

 19   minutes, il fallait creuser un trou nous permettant d'être debout. Donc

 20   l'abri est un trou où reste debout le soldat qui tire et le refuge est en

 21   endroit en sécurité où je mange, je me repose et je dors. Entre l'abri et

 22   le refuge se trouvent les canaux qui relient les tranchées qui relient les

 23   deux endroits entre l'abri duquel on tire et le refuge où l'on dort.

 24   M. le Président. – (Inaudible) …qui est l'endroit où l'on tire

 25   et le refuge où, entre deux séances de tirs, on se repose. C'est bien


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  1   cela ?

  2   J'espère que vous n'avez pas mal au dos, Maître Nobilo, d'être

  3   resté debout ?

  4   M. Nobilo (interprétation). - Tout à fait, Monsieur le

  5   Président. Il s'agit de deux termes différents et de deux niveaux de

  6   construction différents. C'est important pour la sécurité aussi.

  7   M. le Président. – Si c'est important, merci de cette nuance.

  8   Monsieur le Procureur ?

  9   M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez dit que vous

 10   avez été attaqués le 16, que vous avez été surpris, que la proportion

 11   était de dix soldats contre un, que vous n'aviez pas suffisamment d'hommes

 12   pour défendre les poches.

 13   Sur la ligne de front, à votre avis, qui devait creuser les

 14   tranchées pour le HVO ?

 15   M. Blaskic (interprétation). - Je ne n'ai pas de document devant

 16   moi, mais je pense qu'il s'agissait du document 301.

 17   D'après ce document, nous pouvons voir que les ordres étaient

 18   donnés afin de creuser ces tranchées. Mais ils ne les creusaient même pas

 19   souvent. Bien sûr, s'il y avait des abris naturels, on les utilisait afin

 20   de se protéger. Mais, pendant des périodes de temps plus longues, à chaque

 21   fois lorsqu'il n'y avait pas d'opérations de combat, les soldats prenaient

 22   des pioches et ils creusaient les tranchées, ils creusaient le terrain.

 23   Par la suite, il y a eu des pelotons de travail.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Général, qui devait

 25   creuser les tranchées sur la première ligne de front, étant donné qu'il


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  1   s'agissait là d'une attaque surprise, étant donné que vous n'aviez pas

  2   suffisamment d'hommes pour vous défendre ? Qui creusait les tranchées sur

  3   la ligne de front ?

  4   M. Blaskic (interprétation). - Au début, personne ne le

  5   faisait : on utilisait les abris naturels. Si l'on parle de cet ordre du

  6   16 avril, tout le monde se débrouillait avec les abris naturels : parfois,

  7   c'était un fossé, parfois un tronc d'arbre, parfois une maison. Les gens

  8   s'abritaient derrière ces objets-là. Quand j'ai donné cet ordre, le

  9   16 avril, au commandant de la brigade de Vitez, il est clair que je lui ai

 10   dit précisément : "Donne l'ordre à tes soldats de creuser les abris, de

 11   creuser les tranchées". Je me disais que la nuit allait tomber et qu'il y

 12   aurait une accalmie : les soldats devaient creuser. D'après mes

 13   informations, c'est ce qu'ils ont fait.

 14   Dans mon ordre 301, c'est clair. Je donne l'ordre que les

 15   soldats procèdent au premier niveau de construction d'abris. Il s'agit des

 16   abris qu'ils peuvent creuser en soixante minutes.

 17   M. Kehoe (interprétation). – Général, hier, vous nous avez parlé

 18   de Musulmans qui allaient et venaient à partir du cinéma : ont-ils été

 19   amenés pour creuser des tranchées sur la ligne de front ?

 20   M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit, et nous l'avons

 21   entendu au cours de ce projet, qu'il y a eu certains cas spécifiques au

 22   cours desquels certaines personnes étaient amenées sur les lignes de front

 23   afin d'y établir certaines fortifications. Mais je pense -et j'en suis

 24   convaincu- que ces cas étaient isolés et qu'il s'agissait de creuser des

 25   abris ou des refuges.


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  1   Mais je n'ai pas reçu d'information de ce type. Lorsque j'ai

  2   entendu parler de ces cas spécifiques, j'ai réagi.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, vous avez entendu

  4   parler du fait que certains soldats utilisaient des détenus du cinéma,

  5   qu'ils les emmenaient sur les lignes de front afin de creuser des

  6   tranchées ou des fortifications. Vous en avez bien entendu parler ?

  7   M. Blaskic (interprétation). – Moi, je n'ai pas reçu

  8   d'information, de rapport faisant état de cela. J'ai reçu en mains des

  9   rapports de la Croix-Rouge internationale, qui me disaient que des

 10   pelotons de travail étaient emmenés pour réaliser des travaux de

 11   fortifications à Busovaca, sur les positions de Busovaca. Je crois que

 12   c'était le 9 : une représentante de la Croix-Rouge internationale,

 13   Claire Podbielski. C'est elle qui m'a informé.

 14   M. Kehoe (interprétation). – Général, comprenons-nous bien. Vous

 15   donnez un ordre de creuser les tranchées le 16 avril. La brigade de Vitez

 16   réagit à cet ordre et emmène des civils musulmans bosniens du cinéma pour

 17   aller creuser des tranchées. Mais vous ne savez pas si cela se produit

 18   effectivement. C'est cela ?

 19   M. Blaskic (interprétation). – A ma connaissance, d'abord, j'ai

 20   délivré un ordre. On le voit : à 19 heures 50, le 16 avril. Et j'ai dit

 21   que le commandant devait ordonner à ses soldats d'établir certaines

 22   fortifications. C'est un ordre précis donné le 16 avril, à 19 heures 50.

 23   Mais je ne sais pas si, au lieu d'ordonner à ses soldats d'agir de la

 24   sorte, il a pris des civils du cinéma. Je n'ai pas eu ce type

 25   d'information, je n'en ai jamais reçu des informations me disant cela.


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  1   M. Kehoe (interprétation). – Puis-je poursuivre, Monsieur le

  2   Président ? Je ne sais pas.

  3   M. le Président. – Poursuivez encore quelques minutes.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Général, vous êtes-vous rendu sur

  5   les lignes de front ?

  6   M. Blaskic (interprétation). - Oui, je me suis rendu

  7   pratiquement sur toutes les lignes de front, en différentes périodes. J'y

  8   ai passé de longues périodes à différents moments, comme je l'ai dit. Cela

  9   dépendait de l'endroit où nos positions prioritaires de défense se

 10   trouvaient.

 11   M. Kehoe (interprétation). – Par exemple, êtes-vous allé à

 12   Bobasi, en septembre 1993, sur la ligne de front ?

 13   M. Blaskic (interprétation). - Il faudrait que je vérifie ; vous

 14   me demandez une date précise et un lieu précis. Je dois donc consulter ma

 15   chronologie afin de voir ce que je faisais en septembre, si j'y suis allé

 16   effectivement.

 17   M. le Président. – Nous allons arrêter à ce point, ce qui vous

 18   permettra, Général Blaskic, de consulter votre chronologie : vous devez

 19   être fatigué de consulter votre chronologie.

 20   Nous reprenons demain matin à 10 heures, Monsieur le Greffier ?

 21   M. Abtahi. – Oui, Monsieur le Président.

 22   M. le Président. – Bien. L'audience est levée.

 23   L'audience est levée à 17 heures 35.

 24  

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