Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 19 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

7 Je vois qu'il y a deux avocats qui veulent intervenir.

8 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, merci, Monsieur Saxon de me donner la

9 priorité. Maître Residovic ne viendra que plus tard ce matin, je voulais

10 m'en excuser en son nom.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, de ce geste de la politesse, ce

12 n'est pas nécessaire de le répéter si ces absences sont de courtes durées.

13 Nous comprenons parfaitement.

14 Bonjour, Monsieur le Témoin.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Désolé que vous ayez dû attendre hier

17 pour finir par ne pas témoigner.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça ne fait rien.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes

20 toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée, vous

21 vous en souvenez. Elle est toujours en vigueur.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon, vous pouvez commencer.

24 M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 LE TÉMOIN: VIKTOR BEZRUCHENKO [Reprise]

26 [Le témoin répond par l'interprète]

27 Interrogatoire principal par M. Saxon : [Suite]

28 Q. [interprétation] Monsieur Bezruchenko, veuillez prendre le document qu

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1 figure à l'intercalaire 26 du classeur, cote 962.2 [comme interprété] de la

2 liste 65 ter. C'est un document que nous avons reçu des archives du service

3 des Renseignements du ministère de la Défense de Macédoine.

4 Et je préciserais pour la Chambre que ce document est mentionné à la note

5 de bas de page 106, à la 116, à la 122, à la 285, à la 286, à la 288 et à

6 la note 289 du rapport modifié de l'expert Bezruchenko.

7 Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous reconnaissez ce document ?

8 R. Oui.

9 Q. De façon générale, ce document porte sur quoi ?

10 R. Ce document porte sur divers aspects de l'Armée de libération

11 nationale; sur l'organisation, sa structure, sa logistique, sa stratégie,

12 sa tactique, son soutien financier entre autres.

13 Q. Fort bien. Voyons la troisième page si vous le voulez bien. Page 3 en

14 anglais mais aussi en macédonien.

15 Monsieur Bezruchenko, cette page de document qu'est-ce qu'elle nous dit ?

16 R. Cette page nous montre l'organisation de l'Armée de libération

17 nationale. En haut de la page, vous avez une case qui montre l'état-major

18 de commandement de l'ALN, et vous avez les deux fronts, le front de l'ouest

19 et le front de l'est, et en bas de page vous avez six cases qui montrent

20 six brigades de l'ALN; la 111e, la 112e, la 113e, la 114e, la 115e et la

21 116e.

22 Q. En haut, on voit : "Chef d'état-major de l'ALN, général de division

23 Gzim Ostreni." Vous voyez ?

24 R. Oui.

25 Q. Quelle importance faut-il attribuer au fait que ces six brigades soient

26 ici mentionnées ?

27 R. A mon avis, c'est important à plusieurs égards. Cela veut dire tout

28 d'abord que l'ALN avait un état-major qui se trouvait au sommet de la

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1 hiérarchie militaire et qui avait la responsabilité de la planification des

2 opérations militaires sur le terrain, c'est là la fonction première et

3 primordiale de toute organisation et de tout commandement. Et aussi

4 présence sur le terrain, vous avez six unités un peu partout dans le pays,

5 notamment sur le front de l'est et le front de l'ouest.

6 Q. Fort bien. Prenons le paragraphe 42 du rapport modifié de M.

7 Bezruchenko, c'est la section 2.2.2 du rapport de l'expert qui concerne ici

8 l'ALN.

9 Vous avez trouvé le paragraphe 42 ?

10 R. Oui.

11 Q. En quelques mots, quels sont les faits importants que vous décrivez ici

12 en ce paragraphe 42 ?

13 R. Ce paragraphe s'appuie sur plusieurs sources, les sources

14 internationales, l'OTAN, les sources militaires de Macédoine mais aussi de

15 l'ALN. Il y a un consensus général dans toutes ces sources, à savoir que

16 l'ALN ne comptait que six brigades sur le terrain et avait son QG à Prizren

17 ou aussi à Djakovica, mais il y avait d'autres QG à plusieurs autres

18 endroits.

19 Q. Poursuivons l'examen du rapport pour arriver au paragraphe 45. Les

20 faits saillants que vous décrivez ici, quels sont-ils ?

21 R. Ce paragraphe décrit plusieurs sources, procède à une estimation du

22 nombre des effectifs de l'ALN. Il y a aussi un document qui est cité à la

23 note de bas de page 40 qui estime les effectifs de l'ALN au départ à 2 400

24 hommes, mais il y a une autre source qui vient d'experts de premier plan,

25 experts militaires en Macédoine, ce sont des chiffes qui ont été publiés

26 après le conflit et eux estiment qu'il y avait jusqu'à 8 000 hommes dans

27 l'ALN. Il est difficile de donner un chiffre précis des effectifs de combat

28 de l'ALN à un stade ultérieur du conflit, mais je pense qu'en fait si on

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1 dit 8 000, on n'est pas trop loin de la réalité.

2 Q. Fort bien. Revenons à l'intercalaire 26 que nous avons examiné il y a

3 un instant, 969.2 c'est la cote de la liste 65 ter, page 4 en anglais, tout

4 comme dans la version en macédonien.

5 Au paragraphe 6, au haut de la page 4, nous avons une liste de ce qui

6 semble être des armes. Que nous décrit ce document ?

7 R. Je crois que ce document a été publié vers le 26 septembre 2001, c'est

8 à cette date-là que s'est terminée l'opération de l'OTAN Récolte

9 essentielle qui portait sur les armes de l'ALN. Ce document-ci fait une

10 estimation de l'armement que possédait l'ALN.

11 Si on parcourt ce document rapidement, on n'aura pas de peine à déterminer

12 combien d'armes comptait l'ALN. Un exemple, armes automatique de

13 fabrication chinoise ou bulgare; il y a des armes semi-automatiques, 2 000;

14 il y a 800 pièces de fusil à lunette,

15 12 000 pistolets, et ainsi de suite.

16 Ce qui est tout particulièrement important dans cette liste, c'est

17 qu'il y a certaines armes qui pourraient contribuer fortement à l'effort de

18 guerre de l'ALN. Normalement, vous avez des missiles antiaériens, des

19 missiles Strela-2M, apparemment 150 pièces de Stinger, de fabrication

20 américaine. Ce sont des missiles d'un type analogue qui ressemblent très

21 fort dans leur conception au Strela-2M, il en a 20; 90 pièces de missiles

22 antichars. 1 500 pièces de lance-grenades à plusieurs tubes; 80 canons sans

23 recul. Donc, c'est quand même assez impressionnant.

24 En fin de page, vous avez d'autres chiffres. Ils vous disent combien

25 d'armes l'OTAN a recueilli grâce à l'opération Récolte essentielle.

26 Q. Mais ça c'était après l'accord d'Ohrid ?

27 R. Oui, ça a été après l'accord.

28 Q. Est-ce qu'il y a une discordance ?

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1 R. Oui, elle est marquée et certaine. Même si on fait une analyse très

2 superficielle de ce document, on se rend compte qu'il n'y a qu'une infime

3 fraction des armes qu'il y avait sur le terrain qui ont été recueillies par

4 l'OTAN.

5 M. SAXON : [interprétation] Page 13, c'est la page 12 dans la version

6 macédonienne, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges.

7 Q. Vous voulez bien prendre la page 13 ?

8 R. Mais je regarde à l'écran, enfin, je peux la prendre dans le document.

9 Q. On voit "Formation des membres de l'ALN."

10 C'est la page 13.

11 R. Excusez-moi. Je suis toujours à la recherche du document.

12 Q. Mais vous voyez le document à l'écran ?

13 R. Oui.

14 Q. Faut-il attribuer une importance quelconque aux renseignements que l'on

15 trouve ici sous l'intitulé "Formation des membres de l'ALN" ?

16 R. Ici, on voit les centres de formation qui, apparemment, existaient pour

17 former les membres de l'ALN. Vous avez plusieurs endroits nombreux qui sont

18 mentionnés. Il y en avait au Kosovo, en République fédérale de Yougoslavie,

19 en République d'Albanie, mais il y en a en Macédoine même, sans doute deux

20 ou trois douzaines.

21 Q. Pourquoi est-ce que ces centres de formation sont importants dans le

22 cadre du travail que vous avez effectué ?

23 R. La formation d'effectifs militaires constitue un des facteurs qui

24 contribuent à l'efficacité de toute force militaire. C'est sans doute un

25 des facteurs les plus importants. Et pour moi cela veut dire que s'il y

26 avait bien ces centres de formation, l'ALN avait une capacité bien établie

27 sur le plan institutionnel d'établir, de faire fonctionner, d'administrer

28 ce genre de centres de formation, et avait aussi la capacité de former des

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1 combattants suffisamment bien formés.

2 M. SAXON : [interprétation] Prenons la page 18 en anglais, page 16, en

3 macédonien. Le paragraphe commence en tête de page. Vous le voyez peut-être

4 à l'écran.

5 "Les activités terroristes ont été effectuées partant du principe des vases

6 communicants, c'est-à-dire qu'on a transféré l'intérêt d'une zone de crise

7 à l'autre et on a maintenu une tension constante sur les territoires en

8 crise.

9 Q. Vous voyez ?

10 R. Oui.

11 Q. Sur l'angle militaire, qu'est-ce que cette discussion vous dit

12 s'agissant des activités de l'ALN ?

13 R. Vous avez ici la stratégie militaire, disons, classique, elle a pour

14 vocation de forcer l'ennemi à disperser ses forces sur un territoire plus

15 grand, de façon à ce qu'il ne puisse pas concentrer ses forces sur un point

16 décisif pour donner le coup décisif. Et du coup, l'adversaire a peu de mal

17 à lancer des manœuvres d'exercice, et il est plus difficile d'assurer

18 l'approvisionnement des forces sur plusieurs fronts.

19 C'est une stratégie assez classique qui va essayer de placer l'ennemi dans

20 une situation défavorable.

21 Q. Fort bien. Monsieur Bezruchenko, je pense que c'est la semaine dernière

22 que vous avez commencé votre déposition, et à la page 6 058 du compte rendu

23 d'audience, vous avez donné une définition militaire de la notion de

24 "conflit armé," vous avez dit dans ce cadre, notamment ceci :

25 "Un conflit est souvent assez long. Il y a utilisation d'armement et en

26 général on mène ce combat pour parvenir à certains objectifs militaires ou

27 politiques."

28 Vous en souvenez ?

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1 R. Oui.

2 M. SAXON : [interprétation] Je vais demander à la Chambre de prendre le

3 paragraphe 150 du rapport révisé de l'expert Bezrouchenko. Pour ceux qui

4 suivent en anglais, ceci se trouve à la page 41.

5 Q. Vous voyez le paragraphe 150 ?

6 R. Oui.

7 Q. Première phrase de ce paragraphe, pourriez-vous de façon générale nous

8 expliquer quelle était la stratégie, l'objectif poursuivi par l'ALN en 2001

9 ?

10 R. Madame et Messieurs les Juges, je me contenterai de faire lecture de la

11 première phrase de ce paragraphe.

12 "L'analyse de la stratégie de l'ALN indique que l'objectif était de

13 maintenir et d'élargir le territoire qu'elle contrôlait, pour vraiment

14 forcer les forces gouvernementales à s'étendre le plus possible, à se

15 disperser de façon à ce que le gouvernement ne puisse pas exercer

16 d'autorité sur les zones contrôlées par l'ALN."

17 Mon analyse, c'est que la stratégie de l'ALN cherchait à agrandir le

18 contrôle du territoire en Macédoine pour essayer de déloger les forces

19 gouvernementales qui s'y trouvaient et pour y installer son propre pouvoir.

20 L'idée c'était aussi d'empêcher les forces gouvernementales d'entrer dans

21 ces zones. Toute tentative de la part de ces forces gouvernementales pour

22 reprendre ces forces se heurtait inévitablement à une résistance armée, ce

23 qui entraînait des pertes dans les rangs des forces gouvernementales.

24 Les rapports faisaient la une des journaux du monde entier. Du coup,

25 le gouvernement se trouvait davantage sous pression pour essayer de

26 résoudre la crise et il y avait une montée en puissance de ces activités de

27 guerre. Voilà ce qui se passait. Les objectifs politiques de l'ALN étaient

28 notamment d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la

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1 crise qu'il y avait en Macédoine.

2 Q. Prenez le paragraphe qui est juste après celui-là, c'est le paragraphe

3 151. Car ce que vous venez de dire nous y amène. L'objectif ou les

4 objectifs militaires de l'ALN, d'après votre analyse, étaient-ils

5 concentrés sur un seul but politique ?

6 R. Oui. Au paragraphe 151 sont décrits les objectifs militaires de l'ALN.

7 Q. Prenez la toute première phrase de ce paragraphe 151.

8 R. Oui.

9 Q. Quel était l'objectif central ?

10 R. C'était d'accepter les conditions qu'imposait l'ALN pour régler le

11 conflit.

12 Q. Qui devait accepter ces conditions ?

13 R. Les partis politiques signataires à l'accord.

14 Q. Regardez la première phrase, s'il vous plaît.

15 R. Oui.

16 Q. "L'objectif est de forcer le gouvernement à accepter les conditions

17 proposées par l'ALN pour régler le conflit ?

18 R. Exact.

19 Q. Quels étaient les objectifs militaires de l'ALN, par conséquent ?

20 R. Il y en avait plusieurs. Il était impossible de tous les réaliser en

21 même temps. L'objectif initial c'était d'établir une base permettant des

22 opérations dans des zones montagneuses éloignées près de la frontière avec

23 le Kosovo, et il était difficile pour le gouvernement --

24 M. SAXON : [interprétation] Un instant, Monsieur Bezruchenko.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Il

26 semble que le témoin lisait simplement le rapport. Je me demandais si c'est

27 utile.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il lit une partie du rapport, je ne

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1 vois pas pourquoi on pourrait y faire objection, mais je laisse le soin à

2 M. Saxon de régler la question. A lui de décider si c'est la meilleure

3 façon d'agir.

4 M. SAXON : [interprétation]

5 Q. Pourriez-vous, de façon très succincte, décrire les objectifs

6 militaires de l'ALN.

7 R. Bien, le premier c'était d'établir une base permettant des opérations

8 sur le terrain. Il était tout à fait logique de penser qu'une telle base

9 pouvait se trouver dans les zones montagneuses éloignées, sur la frontière

10 avec le Kosovo et l'Albanie. De cette façon, il était facile de faire

11 passer des armes, des effectifs, par la frontière.

12 Deuxième objectif c'était de concentrer les activités militaires sur deux

13 zones-clés. Là non plus elles n'étaient pas loin de la frontière. Il

14 s'agissait de Tetovo et de Lipkovo.

15 L'autre objectif c'était de progresser, d'élargir de façon progressive les

16 zones d'opération avec une poussée vers le sud à partir de Tetovo, et à

17 partir de Lipkovo, vers le sud-est.

18 L'autre objectif c'était d'accroître ces gains de territoires à tel point

19 que le gouvernement et les autorités de Macédoine ne pourraient plus

20 contrôler ces zones et ne pourraient plus déplacer ses troupes pour battre

21 l'ALN.

22 Et à un moment donné, ce contrôle territorial, en plus des activités de

23 l'ALN provoquant des pertes, forcerait le gouvernement à accepter un accord

24 politique.

25 Q. Une précision. Vous avez dit Lipkovo. Est-ce que Lipkovo se trouve

26 encore dans la même zone que Kumanovo ?

27 R. Oui.

28 Q. Revenons au document qui se trouve à l'intercalaire 26 de votre

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1 classeur. C'est la pièce 962.2 [comme interprété] de la liste 65 ter, mais

2 cette fois nous allons regarder la page 18. C'est la même page en anglais

3 -- en fait, c'est la page 17 en macédonien. Il s'agit de la même page que

4 nous avons examinée un peu plus tôt, Monsieur.

5 R. D'accord.

6 Q. Vous voyez que vers le bas de la page, il y a un sous-titre "Stratégie

7 de l'ALN." Vous le voyez ?

8 R. Oui.

9 Q. Voilà quelle est la stratégie : premièrement, "attirer et maintenir

10 l'attention internationale et l'intervention, puis deuxièmement, s'emparer

11 territoires non défendus et assurer la protection de ces territoires avec

12 des pertes minimums (éviter les combats rapprochés), et ce, afin de forcer

13 le gouvernement de la République de Macédoine à négocier.

14 Vous voyez cette première parenthèse, "Eviter les combats rapprochés" ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourquoi est-ce que cela faisait partie de la stratégie de l'ALN ?

17 R. Bien, écoutez, il s'agit d'une expression consacrée de la doctrine

18 militaire. Car lors de combats directs, l'ALN n'aurait certainement pu que

19 pâtir de certains inconvénients, inconvénients du fait de l'avantage des

20 forces militaires macédoniennes qui étaient beaucoup mieux armées et

21 beaucoup mieux équipées.

22 M. SAXON : [interprétation] Bien. Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

23 prendre la page suivante. Il s'agit toujours de la page 17 en version

24 macédonienne.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

26 M. SAXON : [interprétation]

27 Q. Au milieu de cette page, il y a un paragraphe qui commence par les mots

28 suivants : "Pour obtenir une présentation coordonnée…" Vous le voyez ?

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1 R. Oui.

2 Q. Alors voilà ce qui est écrit :

3 "Pour que les différentes entités albanaises au sein de la République de

4 Macédoine se présentent de façon coordonnée aux futures négociations au

5 cours de juillet, une réunion a été organisée à Prizren entre Ali Ahmeti

6 d'un côté et les dirigeants des plus grands partis politiques albanais en

7 République de Macédoine; Arben Xhaferi, Imer Imeri. Ils ont signé une

8 déclaration au cours de cette réunion en vertu de laquelle ils se

9 ralliaient aux exigences politiques de l'ALN."

10 Vous voyez cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Cette déclaration, est-ce qu'elle a été connue sous un nom particulier

13 ?

14 R. Oui.

15 Q. Quel était ce nom ?

16 R. La tribune de Prizren, la plateforme, le manifeste de Prizren.

17 Q. Est-ce que vous pourriez répéter ?

18 R. La plateforme de Prizren.

19 Q. Pourquoi est-ce que la signature de cet accord, en quelque sorte, a été

20 si importante, dans la mesure où elle l'a été

21 importante ?

22 R. Il ne faut pas oublier que le DGAPDP -- non, le DPA et le DGAP étaient

23 les deux plus grands partis politiques albanais. Il s'agissait de partis

24 parlementaires en Macédoine, qui avaient des représentants, des députés

25 élus à l'assemblée macédonienne. Et ce fait est important, parce que cette

26 déclaration est signée par les représentants de ces deux partis politiques

27 et de l'ALN, ce qui fait que ces deux partis politiques se sont ralliés aux

28 objectifs politiques exprimés par l'ALN.

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1 M. SAXON : [interprétation] Bien. Madame, Messieurs les Juges, je

2 souhaiterais le versement au dossier de ce document.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Mettraux.

4 M. METTRAUX : [interprétation] Nous n'allons pas soulever d'objection au

5 versement de ce document, mais il se peut qu'il y ait des questions qu'il

6 faille aborder. Je pense au poids accordé au document, je pense aux

7 questions qui sont posées par l'Accusation. Premièrement, comme a indiqué

8 l'Accusation, il me semble que ce document émane des archives des Services

9 secrets militaires en Macédoine. Donc je serai extrêmement reconnaissant à

10 M. Saxon s'il pouvait avoir l'amabilité de nous indiquer, dans la mesure où

11 il le sait, bien entendu, qui a présenté ce document, sur la base de quels

12 renseignements, et également la date de rédaction de ce document.

13 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation ne sait pas

14 qui a rédigé le document. Il n'y a aucune indication à ce sujet sur le

15 document. Et nous ne savons pas sur quelle base il a été préparé, mais si

16 vous n'y autorisez peut-être que je pourrais demander à M. Bezruchenko

17 quelques questions, je pourrais lui poser quelques questions pour savoir

18 quelles sont les bases qui ont été utilisées pour ce document.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je vous en prie.

20 M. SAXON : [interprétation]

21 Q. Monsieur Bezruchenko lorsque vous lisez ce document et compte tenu de

22 votre expérience militaire, est-ce que vous pourriez estimer ou évaluer,

23 nous dire qui a préparé ce document, à partir de quels renseignements ?

24 R. Je pense que c'est un document qui a dû être préparé par le service

25 analytique du renseignement secret militaire. Donc je pense que c'était le

26 service G2 de l'état-major général macédonien, et je pense que ce document

27 a été préparé à partir de l'analyse effectuée sur des renseignements

28 disponibles, renseignements qui avaient certainement été compilés par les

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1 Services secrets pendant le conflit. Je pense que c'est un document qui a,

2 apparemment, dû être préparé et publié à un moment donné en septembre 2001.

3 M. SAXON : [interprétation] Ce document, manifestement, n'a pas de date.

4 Mais toutefois, par la traduction anglaise vous voyez qu'en anglais le

5 texte est écrit au passé, ce sont les termes du passé qui sont utilisés.

6 Donc cela semble indiquer que c'est un document qui a été préparé après

7 l'accord d'Ohrid. Etant donné que l'opération Récolte essentielle était

8 déjà en cours à ce moment-là. Et ce serait une deuxième indication qui nous

9 indiquerait que ce document a certainement été préparé pendant ou dès le

10 mois de septembre 2001.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P483, Madame,

13 Messieurs les Juges.

14 M. SAXON : [interprétation]

15 Q. Monsieur Bezruchenko, je vous demanderais de bien vouloir examiner le

16 paragraphe 95 de votre rapport d'expert modifié.

17 Il s'agit de la page 24 pour la version anglaise.

18 Et dans ce chapitre 2.5 intitulé "Commandement et contrôle de l'ALN" pour

19 ce qui est de votre rapport d'expert amendé.

20 Q. Est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous voyez qu'il y a une synthèse qui est présentée au début du

23 chapitre. Ce n'est pas la peine de nous en donner lecture, est-ce que vous

24 pourriez brièvement décrire votre évaluation du commandement du contrôle et

25 de la voie hiérarchique de l'ALN ?

26 R. Bien entendu, l'ALN ne disposait pas d'armement extrêmement

27 sophistiqué, mais il y a de nombreux exemples qui suggèrent que sur cette

28 terre, cette planète, il y a de nombreuses armées, il y a de nombreux

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1 groupes qui mènent à bien des combats avec un certain contrôle qui est

2 efficace. Alors, quelle est mon évaluation de l'ALN. Je pense que l'ALN

3 disposait de direction politique, elle avait un état-major général en

4 place, elle avait des unités de combat sur le terrain qui exécutaient les

5 ordres qui émanaient de la direction politique et de l'état-major général,

6 et elle avait également des procédures de commandement de base.

7 Q. Est-ce qu'elle avait une voie hiérarchique qui fonctionnait ?

8 R. Oui, tout à fait. S'il y avait direction politique et état-major

9 général, cela se traduit sur le terrain par un commandement et un contrôle.

10 Q. Est-ce que vous pourriez décrire la hiérarchie militaire de l'ALN ? Car

11 cela est évoqué brièvement au paragraphe 96.

12 R. Comme je l'ai déjà indiqué, il y avait Ali Ahmeti, la direction

13 politique de l'ALN ainsi que ses collaborateurs les plus proches. Puis,

14 juste en dessous de ce premier niveau, vous trouviez l'état-major général,

15 l'état-major militaire de l'ALN, comme on l'appelle parfois dans certains

16 documents. Cet état-major était dirigé par le général de division Ostreni.

17 Il y avait également des intermédiaires en quelque sorte. Il y avait le

18 commandement - et j'entends par cela le commandement de Tetovo et le

19 commandement de Kumanovo. Puis, finalement il y avait les six brigades qui

20 étaient déployées sur le terrain. Donc, en commençant, il s'agit d'une

21 hiérarchie verticale qui fonctionnait du haut vers le bas comme dans tout

22 autre organisation militaire.

23 Q. Au paragraphe 96, vous faites référence au principe d'unité du contrôle

24 militaire et du contrôle politique. Est-ce que vous pourriez nous décrire

25 brièvement ce que représente ce principe d'unité au sens militaire du terme

26 ?

27 R. Bien, en mon sens, ce principe peut être retrouvé, lorsque ou peut être

28 apparenté à certaines doctrines militaires ou à certains éléments de la

Page 6513

1 doctrine militaire de l'armée populaire de la Yougoslavie, mais il nous

2 faudrait un certain temps pour expliquer tout cela en détail.

3 En bref, je dirais que ce principe est comme suit : une personne en

4 haut, ou plutôt, un organe qui combine à la fois les fonctions militaire et

5 politique, et qui définit ainsi les objectifs politiques et les buts

6 militaires qui doivent être suivis pour étayer ces objectifs politiques.

7 Q. Et au sens militaire du terme, pourquoi est-ce que l'existence de cette

8 unité est si importante ?

9 R. Parce que c'est une méthode efficace qui permet d'obtenir sur le

10 terrain les objectifs militaires et politiques.

11 Q. Merci. J'aimerais maintenant que vous examiniez l'intercalaire 27, le

12 document qui se trouve à l'intercalaire 27. Il s'agit de la pièce P321. Et

13 je souhaiterais que nous prenions dans ce document la page ERN R037-6682 en

14 haut de la page. Il s'agit de la page qui est intitulée "Commandement et

15 contrôle de l'ALN." Page 42 en version macédonienne.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.

17 M. METTRAUX : [interprétation] Simplement pour aider la greffière

18 d'audience, je pense qu'il s'agit non pas du document 6682, mais 6862.

19 M. SAXON : [interprétation] Je m'excuse si j'ai fourni la mauvaise cote.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

21 M. SAXON : [interprétation] Effectivement, il s'agit de la pièce 6862.

22 Q. Est-ce que vous voyez cela maintenant sur votre écran, Monsieur ?

23 R. Oui.

24 Q. Il s'agit d'une page intitulée "Commandement et contrôle de l'ALN," et

25 nous voyons Ali Ahmeti en haut, puis juste en dessous de lui Gzim Ostreni,

26 puis il y a deux autres hommes qui se trouvent en dessous. Puis, juste en

27 bas de la page, nous voyons une autre ligne avec une série de chiffres

28 précédés par la lettre "G." Est-ce que vous pourriez nous dire à quoi

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1 correspond cette ligne qui se trouve en bas de la page et pourquoi est-ce

2 que cela a son importance pour vous ?

3 R. Cette ligne en bas de page nous permet de comprendre la structure et le

4 fonctionnement de l'état-major. "G," en fait, signifie essentiellement ou

5 représente un service au sein de l'état-major général. Et c'est ainsi que

6 tout état-major militaire est organisé dans le monde, en tout cas, il y en

7 a beaucoup qui sont organisés comme cela.

8 G1, normalement, représente le personnel; G2 il s'agit du renseignement

9 secret; G3 ce sont les opérations; G4 représente la logistique; G5

10 représente certaines questions militaires; G6 est responsable de la

11 communication; puis vous avez le G7, gestion des ressources, et c'est ainsi

12 que cet état-major, apparemment, était structuré et organisé.

13 Q. Pour que tout soit complet, est-ce que vous pourriez nous dire à

14 quoi correspond G7 ?

15 R. G7 c'est la gestion des ressources.

16 Q. Et G8 ?

17 R. C'est essentiellement la même chose que la direction des ressources.

18 Q. Bien. Est-ce que nous pouvons maintenant prendre le document qui

19 correspond à votre intercalaire 28. Il s'agit du document 65 ter 778.11. Il

20 est écrit "Armée de libération nationale," et en haut "Etat-major général.

21 En lettres capitales et en caractères gras, il est écrit "Développement de

22 la mobilisation et formation des effectifs et du matériel de l'état-major

23 général."

24 Vous voyez cela ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que nous pourrions, je vous prie, prendre la première page de ce

27 document. C'est la page 2 de la version macédonienne.

28 R. Oui.

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1 Q. Nous voyons un tableau. Vous le voyez ?

2 R. Oui.

3 Q. Il y a un titre au-dessus du tableau "Plan de mobilisation de base."

4 Vous le voyez ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire à quoi correspond ce tableau ?

7 R. Dans toutes les armées du monde, pour toute unité, vous avez une

8 structure qui se fait en fonction d'un certain plan, et dans les pays

9 occidentaux, c'est que nous appelons "Le tableau de l'organisation du

10 matériel." Dans certaines armées du monde - et je pense que cela a été le

11 cas pour l'ex-JNA, on parlait de "Formation". Et le plan, fondamentalement,

12 est un plan d'organisation fondamentale qui permet en quelque sorte d'avoir

13 ces formations, ces dotations et ce matériel.

14 Donc pour simplifier un peu les choses, je vous dirais que c'est un plan

15 qui détermine les effectifs, le matériel et toutes les autres ressources

16 qui sont nécessaires pour avoir une unité militaire qui fonctionne de façon

17 efficace. Ce document nous permet de comprendre quel était le nombre des

18 effectifs au sein de l'unité. Et là vous voyez qu'en l'espèce l'état-major

19 général indiquait comment est-ce que cela était structuré dans les

20 différents départements. Comme vous le voyez, les départements d'ailleurs

21 qui sont mentionnés dans ce document, de G1 à G8, sont exactement les mêmes

22 que ceux que nous avons vus dans le document précédent.

23 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire qui est à l'origine de ce document ?

24 R. C'est un document de l'ALN, et apparemment il a été préparé par Gzim

25 Ostreni.

26 M. SAXON : [interprétation] Je souhaiterais le versement au dossier de ce

27 document, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.

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1 M. METTRAUX : [interprétation] Objection, pour le moment.

2 Car premièrement, nous aimerions savoir qui a fourni le document en

3 question au bureau du Procureur. Nous aimerions savoir quelle est l'origine

4 du document avec la filière de conservation du document.

5 Puis deuxièmement, nous aimerions poser une autre question parce que

6 nous aimerions savoir quand est-ce que ce document a été préparé et si

7 l'Accusation le sait. Parce que nous pensons que si ce document a été

8 préparé par M. Ostreni, peut-être qu'il serait plus judicieux de verser ce

9 document au dossier lors de la comparution de M. Ostreni en tant que témoin

10 ici.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

12 M. SAXON : [interprétation] C'est un document qui a été fourni au

13 bureau du Procureur le 29 juillet 2005, et sans examiner la déclaration de

14 Gzim Ostreni, je dirais que, pour autant que je m'en souvienne, c'est un

15 document qui a été préparé par M. Ostreni en 2001.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé au

18 dossier.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P486, Monsieur le

20 Président.

21 M. SAXON : [interprétation]

22 Q. Monsieur Bezruchenko, j'aimerais vous demander d'examiner maintenant le

23 document de l'intercalaire 29 de votre classeur. Il s'agit du document

24 P00459, Madame, Messieurs les Juges.

25 Nous allons nous arrêter sur la première page. Premièrement, vous

26 voyez qu'il y a un titre "Armée de libération nationale, état-major

27 général," approuvé par le commandant de l'ALN, Ali Ahmeti. Puis, il est

28 écrit "Dotation et matériel de la brigade."

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1 Vous voyez cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Et si nous tournons la page, page suivante, je vous prie. Là, je pense

4 que nous voyons ce que vous appelez un tableau --

5 R. De dotation et matériel.

6 Q. Oui, de dotation de matériel. Mais si j'ai bien compris, on retrouve

7 cela au niveau d'une brigade également; c'est cela ?

8 R. Oui.

9 Q. Monsieur Bezruchenko, est-ce que nous pourrions prendre la page 7 de la

10 version anglaise, ce qui correspond à la page 5 de la version macédonienne.

11 R. Oui, c'est cela.

12 Q. Et là nous voyons au milieu de ce tableau, d'ailleurs c'est écrit en

13 caractère gras. Voyez-vous, il est écrit "S-1 Secteur du personnel," puis à

14 la page suivante nous voyons "S-2 Secteur du renseignement et du contre-

15 renseignement," puis ensuite à la page 9 de la version anglaise "S-3,

16 Secteur des opérations et de la formation."

17 Que signifie cette lettre "S" et les chiffres qui la suivent ?

18 R. "S" cela représente différentes sections. C'est la lettre qui

19 correspond à différentes sections au niveau du QG des brigades. Il s'agit

20 des sections qui s'occupent de certaines fonctions de base de l'état-major

21 de la brigade.

22 Q. Si je vous suis, Monsieur, dans ce contexte est-ce que la lettre "S" a

23 la même fonction que la lettre "G" que nous avons vue pour le tableau

24 d'état-major général ?

25 R. C'est tout à fait exact. La seule différence c'est la portée des

26 activités.

27 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, ou

28 plutôt --

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1 Q. Avant de passer à un autre document : est-ce que vous aviez déjà vu, au

2 cours de ma carrière, ce genre de tableaux pour des brigades ?

3 R. Oui, bien sûr.

4 Q. Pourquoi est-ce que vous dites "bien sûr" ?

5 R. Oui, parce que j'en ai vus.

6 Q. Bien. Mais est-ce que ce genre de tableaux, est-ce que ce sont des

7 tableaux qui sont communs ou non pour les armées ?

8 R. Oui, c'est tout à fait commun. En fait, c'est l'un des documents les

9 plus fondamentaux qui permettent de construire une force de combat

10 efficace.

11 Q. Bien.

12 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant prendre le

13 document de l'intercalaire 30.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.

15 M. METTRAUX : [interprétation] Avant de passer à ce document. J'aimerais

16 demander, par l'entreprise de M. Saxon et du témoin, si l'Accusation sait à

17 quelle date ce document a été préparé. Sur la page de garde nous avons

18 l'année 2001, mais peut-être que M. Saxon a d'autres informations à ce

19 sujet, peut-être que par l'entremise du témoin, nous pourrions avoir ce

20 genre de détails.

21 M. SAXON : [interprétation] Je peux poser la question au témoin, si vous le

22 souhaitez. Je n'ai pas de renseignements supplémentaires hormis les

23 renseignements que j'ai déjà fournis en réponse à la question précédente

24 posée par mon confrère.

25 Q. Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous savez quand, précisément en 2001,

26 ce document a été préparé ?

27 R. Non, je ne le sais pas, mais je suppose que ce document a probablement

28 été préparé au début de l'année 2001, peut-être en janvier 2001, peut-être

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1 ou peut-être avant.

2 Q. Mais vous n'en êtes pas sûr; c'est cela ?

3 R. Non, je n'en suis pas sûr.

4 Q. Intercalaire 30, il s'agit de la pièce P00460. Il s'agit d'un document

5 intitulé à nouveau "Armée de libération nationale, état-major général"

6 approuvé par le commandant de l'ALN, Ali Ahmeti. Là nous voyons une date,

7 20 avril 2001, et c'est un document qui porte le titre suivant : "Dotation

8 et matériel du bataillon d'infanterie".

9 Et là nous voyons dans ce document toute une série de tableaux. Vous les

10 voyez ?

11 R. Oui.

12 Q. Il s'agit là du commandement des bataillons et apparemment il s'agit de

13 questions relatives à l'organisation au niveau du bataillon. Vu sous un

14 angle militaire, pourquoi est-ce que ce document est important pour vous,

15 si tant est qu'il soit important ?

16 R. C'est un document particulièrement essentiel parce qu'en fait, il

17 s'agit de l'épine dorsale, en quelque sorte, de toute organisation au

18 niveau d'un bataillon d'infanterie. Il s'agit de la structure de base d'une

19 unité tactique sur le terrain.

20 Q. Pourquoi est-ce que ce document vous permet de comprendre la structure

21 générale de l'ALN ?

22 R. Parce que c'est un document qui m'indique qu'apparemment l'ALN avait

23 des documents de plan militaire qui étaient professionnels, qui

24 permettaient de mettre sur pied une force de combat efficace qui était à sa

25 disposition, et manifestement, l'ALN déployait des efforts pour mettre sur

26 pied ce genre de force et c'est sur la base de documents militaires

27 professionnels.

28 Q. Mais que nous indique ces documents à propos de la hiérarchie de l'ALN

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1 ?

2 R. Ces documents nous permettent de comprendre que l'ALN avait une

3 hiérarchie, et ce, depuis le niveau le plus haut, à savoir la direction

4 militaire et la direction politique jusqu'à son niveau le plus bas, en

5 quelque sorte, qui était une section d'infanterie.

6 Puis, nous pouvons avoir davantage d'information lorsque l'on étudie ce

7 document bien précis, car ce document décrit l'organisation d'un bataillon

8 d'infanterie qui est composé de trois compagnies d'infanterie. Vous avez

9 une compagnie d'appui feu et certains éléments d'appui. C'est une structure

10 particulièrement classique pour un bataillon d'infanterie où qu'il se

11 trouve dans le monde.

12 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

13 prendre l'intercalaire 31. Il s'agit de la pièce P00461.

14 Q. Une fois de plus, il s'agit d'un document qui a été remis au bureau du

15 Procureur par Gzim Ostreni. Il est intitulé "Règlement portant sur les

16 compétences et la fonction du commandement de la brigade".

17 Monsieur, quelles étaient la fonction et l'importance de ce document ?

18 R. Là encore, il s'agit d'un document capital pour toute armée du monde,

19 car c'est un document qui décrit la fonction, les responsabilités et les

20 secteurs d'activités des différents officiers de brigade. Comme vous pouvez

21 le voir, ce document est agencé de telle façon qu'il décrit les activités,

22 les responsabilités et les fonctions des différents secteurs de la brigade.

23 Q. Monsieur, est-ce que nous pourrions prendre la page 3 dans la version

24 anglaise.

25 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit de la page 4 de la version

26 macédonienne. Ce sera la page suivante dans la version anglaise, je vous

27 prie, et la page suivante en macédonien également.

28 Q. Monsieur Bezruchenko, en haut de la page on voit "Disposition

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1 générale," mais j'aimerais que vous examiniez, je vous prie, le quatrième

2 paragraphe de la page, qui commence par : "A la fois les ordres écrits et

3 oraux --" Est-ce que vous le voyez ?

4 R. Oui.

5 Q. Voilà ce que dit ce paragraphe :

6 "Les ordres écrits et verbaux doivent être exécutés sans réserve. Pour

7 exécuter les ordres reçus, les membres de l'UCK doivent contacter leurs

8 supérieurs directs dans un délai précis."

9 Quelle est l'importance à accorder, s'il y en a une, à ce paragraphe ?

10 R. Ce paragraphe énonce l'un des critères fondamentaux à respecter par une

11 armée, quelle qu'elle soit, pour un fonctionnement efficace. Il s'agit là

12 d'un des principes fondamentaux du commandement et du contrôle, à savoir la

13 subordination.

14 Q. Merci. Pouvons-nous passer à la page suivante, je vous prie, dans les

15 deux versions linguistiques. Nous voyons ici, Monsieur Bezruchenko, un

16 organigramme en apparence complexe.

17 R. Oui.

18 Q. Cet organigramme est intitulé "Structure du commandement de la

19 brigade." Vous le voyez ?

20 R. Oui.

21 Q. D'après vous, Monsieur Bezruchenko, est-ce que la structure des

22 brigades de l'ALN a atteint ce degré de complexité pendant la période de

23 crise en 2001 ?

24 R. Non.

25 Q. J'aimerais que nous passions à la page suivante, Monsieur Bezruchenko,

26 c'est là la page 6 en macédonien. Il s'agit là de la partie "3. Commandant

27 de la brigade." Et un certain nombre de dispositions énoncent les

28 responsabilités du commandant de la brigade.

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1 Vous voyez ici au paragraphe 3, la chose suivante :

2 "S'agissant de ces activités et de l'état général de la brigade, le

3 commandant de brigade est directement subordonné au commandant de l'UCK."

4 Est-ce que vous voyez ?

5 R. Oui.

6 Q. Au point 6, il est dit :

7 "Il doit organiser les activités au sein du commandement de la brigade tout

8 en respectant les règles, les règlements et les ordres émanant du

9 commandement de l'UCK."

10 Est-ce que vous le voyez ?

11 R. Oui.

12 Q. Et au point 7, il est dit :

13 "Il doit faire en sorte et insister auprès de tous les membres du

14 commandement de la brigade, ainsi que leurs subordonnés directs, pour

15 qu'ils s'acquittent de leurs devoirs et de leurs obligations avec précision

16 et ponctualité et conformément à leurs plans de travail périodiques,

17 mensuels ou annuels."

18 Vous le voyez ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que de telles responsabilités confiées à un commandant de

21 brigade se retrouvent dans d'autres armées dans le monde, s'agit-il là de

22 dispositions habituelles ?

23 R. Oui, c'est ce que l'on trouve habituellement.

24 Q. Monsieur Bezruchenko, j'aimerais que nous examinions, je vous prie, le

25 paragraphe 71 de votre rapport d'expert amendé.

26 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit là du bas de la page 17 de la version

27 anglaise du rapport d'expert modifié.

28 Q. Est-ce que vous avez le paragraphe 71 sous les yeux, Monsieur

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1 Bezruchenko ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous analysez ici un certain nombre de documents que nous avons

4 examinés brièvement il y a peu, et au paragraphe 71 vous affirmez la chose

5 suivante, je cite :

6 "Une analyse de ces documents suggère que les dirigeants de l'ALN

7 souhaitaient développer les brigades de l'ALN comme étant des forces de

8 combat efficaces en mettant l'accent sur les opérations de sabotage et les

9 opérations prolongées."

10 Vous le voyez ?

11 R. Oui.

12 Q. Pouvez-vous me dire la chose suivante : qu'entend-on par

13 "sabotage" dans le jargon militaire ?

14 R. Bien, on peut décrire les opérations de sabotage comme étant des

15 opérations clandestines qui impliqueraient de pénétrer derrière les lignes

16 ennemies en vue de faire exploser des ponts, des objectifs essentiels, le

17 fait de prendre des prisonniers, de s'emparer de quartiers généraux, et

18 cetera.

19 Q. Par conséquent, des activités de sabotage, en termes militaires,

20 bien, ces activités sont-elles courantes ?

21 R. Oui, elles sont très courantes. Si vous examinez ce qui s'est

22 passé lors de la Seconde Guerre mondiale, bien, toutes les parties

23 belligérantes, notamment les forces allemandes, les forces russes, les

24 forces britanniques ont toutes eu recours à ce type de tactique.

25 Q. Monsieur Bezruchenko, précédemment dans votre déposition, en page

26 6 067 du compte rendu d'audience - et d'ailleurs aujourd'hui également -

27 vous avez utilisé le concept de "guerre asymétrique." J'aurais dû vous

28 demander de définir à ce moment-là ce terme.

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1 Je vous pose à présent la question : pouvez-vous expliquer aux Juges

2 de la Chambre ce que vous entendez par là ?

3 R. Le terme de "guerre asymétrique" est un terme qui est apparu récemment

4 dans la doctrine militaire, qui décrit un affrontement qui s'opposerait à

5 une guerre conventionnelle.

6 Q. Puis-je vous interrompre un instant, je vous prie, pour aider à une

7 meilleure compréhension. Est-ce que vous pourriez au préalable nous définir

8 ce que vous entendez par "guerre conventionnelle" ?

9 R. Il y a plusieurs définitions. Certains théoriciens opposent "guerre

10 conventionnelle" à "guerre nucléaire", mais l'on s'accorde à reconnaître

11 qu'une guerre conventionnelle oppose deux armées qui s'affrontent sur le

12 terrain.

13 Un exemple classique serait la Première Guerre mondiale ou la Seconde

14 Guerre mondiale.

15 Par contre, par guerre asymétrique il faut entendre essentiellement

16 des combats impliquant des forces rebelles, de guérillas et autres qui sont

17 désavantagées en termes d'armements, de matériels par rapport à des armées

18 mieux équipées, et qui doivent donc avoir recours à des tactiques spéciales

19 pour continuer à se battre.

20 Q. Monsieur Bezruchenko, pourquoi en 2001 l'ALN a-t-elle dû utiliser

21 des techniques de guerre asymétrique ?

22 R. Parce que l'ALN n'était pas bien équipée. L'armement dont

23 disposait l'ALN suffisait certainement, mais n'était pas aussi sophistiqué

24 que les armes dont disposaient les forces gouvernementales. Par exemple,

25 ils n'avaient pas d'avions de combat, hélicoptères, avions de combat ou

26 autres, ils n'avaient pas d'artillerie à longue portée.

27 Q. Pourriez-vous nous donner quelques exemples, je vous prie, de tactiques

28 asymétriques auxquelles l'ALN a eu recours pendant l'année 2001 ?

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1 R. Un exemple classique de tactiques asymétriques dans ce type de combat

2 consisterait à effectuer un raid ou à préparer une embuscade ou encore à

3 s'infiltrer. Il s'agit là d'un exemple classique des tactiques

4 asymétriques. Et s'agissant du conflit en Macédoine en 2001, il y a eu

5 plusieurs exemples où l'ALN a organisé des embuscades avec succès et avec

6 des pertes importantes pour les forces de sécurité macédonienne.

7 Q. Merci. J'aimerais vous demander, Monsieur Bezruchenko, de bien vouloir

8 examiner la troisième partie de votre rapport d'expert amendé, partie

9 intitulée "Forces de sécurité gouvernementale." Et j'aimerais vous demander

10 d'examiner pour commencer le paragraphe 218.

11 Il s'agit là de la page 58 de la version anglaise.

12 Et j'aimerais que vous -- enfin, peut-être puis-je formuler la question

13 comme cela pour aller plus vite.

14 Est-il exact, Monsieur Bezruchenko, qu'au paragraphe 218 vous expliquez que

15 la partie 1 du chapitre 3 décrit la structure, l'organisation, la chaîne de

16 commandement ainsi que les armes dont disposait l'armée macédonienne; est-

17 ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Au paragraphe 219, vous indiquez que la partie 2 de ce même chapitre 3

20 concerne les forces du ministère de l'Intérieur où vous revenez sur la loi

21 régissant les Affaires intérieures, le règlement interne, ou plutôt le

22 règlement intérieur du ministère de l'Intérieur, la structure de ce même

23 ministère de l'Intérieur, la chaîne de commandement de ce dernier, les

24 pouvoirs ainsi que l'autorité du ministre de l'Intérieur et les unités de

25 police spéciale ?

26 R. Oui.

27 Q. J'aimerais que nous examinions à présent le paragraphe 266. Il s'agit

28 du bas de la page 74 de la version anglaise. Avant ce paragraphe 266, nous

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1 voyons un sous-titre au "3.2.4.1", intitulé "Doctrine de commandement et de

2 contrôle de la République de Macédoine."

3 Pouvez-vous nous dire sur quoi porte cette partie-là de votre rapport ?

4 R. L'objectif est de décrire la doctrine qui s'applique en matière de

5 commandement et contrôle avec la hiérarchie militaire, la chaîne de

6 commandement et les principes de commandement et de contrôle qui

7 s'appliquent.

8 Q. Qui concernent l'armée de la République de Macédoine, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, effectivement, l'ARM.

10 Q. Je vous demanderais d'examiner la page suivante en anglais, au bas de

11 la page, vous voyez le paragraphe 271 qui est très court -- en réalité, il

12 est long, mais il y a un chapeau de la page 75 de la version anglaise.

13 R. [aucune interprétation]

14 Q. Où vous faites référence à sept principes qui sont énumérés dans une

15 publication la JNA intitulée "Commandement et contrôle" publication datant

16 de 1983. Vous le voyez ?

17 R. Oui.

18 Q. En page suivante, vous énumérez ces sept principes de commandement et

19 de contrôle. Pourriez-vous nous résumer brièvement ces principes ?

20 R. Il s'agit là des principes qui sont énumérés dans le document que vous

21 venez de citer, et je crois que ces mêmes principes ont été repris comme

22 principes régissant le commandement et le contrôle de l'ARM.

23 Vous voyez pour commencer le principe de l'autorité unique. Il s'agit là de

24 "jednostar jasenstvo", en macédonien, qui correspond d'ailleurs au même

25 terme en B/C/S, plus ou moins. Ce qui veut dire qu'il n'y a qu'un seul

26 officier qui doit donner des ordres au personnel et aux unités qui lui sont

27 subordonnées et c'est à lui que ce personnel et ces unités font rapport.

28 Q. Qu'en est-il du principe de subordination ?

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1 R. Il s'agit là d'un autre principe fondamental de cette doctrine de

2 commandement et contrôle qui a été exprimé dans la loi macédonienne

3 relative à la défense. Ce principe implique une obligation pour toutes les

4 forces militaires d'exécuter les ordres donnés par leurs supérieurs.

5 Q. Vous avez décrit ce principe d'unité, le troisième principe

6 précédemment, nous n'allons donc pas y revenir, mais je vois que le

7 principe numéro 4 est celui de la "Continuité." Qu'est-ce que cela signifie

8 en termes militaires ?

9 R. Bien, cela veut dire que les principes de commandement et de contrôle

10 doivent être exécutés à tout moment de façon ininterrompue, car toute

11 rupture risque d'entraîner des conséquences graves.

12 Q. Principe 5, "Flexibilité," que faut-il entendre par la ?

13 R. Cela veut dire que le commandement et le contrôle devraient être

14 suffisamment souples pour garantir le fonctionnement ininterrompu en toutes

15 circonstances. Peut-être puis-je vous l'expliquer de façon assez

16 schématique, mais si un commandant souhaite exercer un contrôle vis-à-vis

17 de ses unités à tout moment en situation de combat, il doit prévoir

18 différents scénarios possibles où le contrôle risque d'être interrompu ou

19 alors où il y a des situations critiques, des personnes qui sont tuées,

20 blessées, et cetera; et pourtant, il se doit de garantir ce commandement et

21 ce contrôle à tout moment.

22 Q. Le principe numéro 6 est intitulé "Opérationnalité" [phon]. Qu'est-ce

23 qu'il faut entendre par là ?

24 R. Cela signifie que le commandant, lorsqu'il existe ses fonctions, doit

25 avoir le dessus sur son adversaire et il doit planifier, exécuter ses

26 actions de façon à pouvoir répondre de façon rapide et adéquate à tous

27 problèmes qui pourraient se présenter sur le terrain vis-à-vis de la partie

28 adverse.

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1 Q. Monsieur Bezruchenko, qu'en est-il du septième principe, le principe de

2 "Confidentialité" ?

3 R. Il s'agit là d'un autre principe important pour toute armée, quelle

4 qu'elle soit dans le monde, à savoir que les questions importantes doivent

5 être traitée en respectant ce principe de confidentialité. Il faut donc que

6 ces principes de secret et de confidentialité soient respectés de façon

7 stricte et que seules les personnes dûment habilitées puissent avoir accès

8 à certains renseignements.

9 Q. Merci.

10 Aux paragraphes 272 à 274, vous revenez sur ces principes. Pourriez-vous

11 nous dire, d'après les éléments dont vous disposez, si les officiers de

12 l'armée de Macédoine étaient conscients de ces principes et s'efforçaient-

13 ils de les mettre en oeuvre ?

14 R. Oui, ils devaient certainement être au courant de ces principes et ils

15 avaient l'obligation de les appliquer.

16 Q. Merci. La partie suivante 3.2.4.2, que je ne vais pas repasser en revue

17 avec vous, revient sur le rôle, les missions et la structure de l'armée de

18 la République de Macédoine, mais j'aimerais vous poser des questions sur la

19 deuxième partie du chapitre 3, où vous parlez du ministère de l'Intérieur.

20 Je vous demanderais d'examiner le paragraphe 369, il s'agit là de la page

21 106 de la version anglaise. Avant ce paragraphe, nous voyons qu'il s'agit

22 là d'une partie 3.3.3., "Système de commandement et de contrôle du

23 ministère de l'Intérieur."

24 Est-ce que vous me suivez, Monsieur Bezruchenko ?

25 R. Oui.

26 Q. Au paragraphe 369, vous faites référence à l'article 6 sur la loi

27 régissant les Affaires intérieures et les rapports de cette dernière avec

28 la question du commandement et du contrôle entre le ministre de l'Intérieur

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1 et les employés du ministère. Pourriez-vous nous expliquer à nouveau

2 l'importance de cet article 6 ?

3 R. Il revient sur l'importance du principe de subordination et sur la

4 question du commandement et du contrôle sur le système du commandement et

5 du contrôle.

6 Q. En 2001, qui se trouvait au sommet du ministère de l'Intérieur, qui se

7 trouvait au sommet de cette chaîne de commandement et de contrôle ?

8 R. C'était le ministre.

9 Q. J'aimerais vous demander d'examiner la page 118 de votre rapport

10 d'expert modifié en anglais, paragraphe 424. Vous constaterez que ce

11 paragraphe dépend d'une sous partie 3.3.3.7, intitulé "Pouvoirs

12 disciplinaires." Au paragraphe 424, il est fait référence à l'article 65 de

13 la Loi relative aux Affaires intérieures, et l'on décrit les violations de

14 la discipline du travail ainsi que la responsabilité du ministre en matière

15 de renvoi des employés." ?

16 Vous le voyez ?

17 R. Oui.

18 Q. Si vous passez à la page suivante de la version anglaise, vous voyez le

19 paragraphe 425, il s'agit là de la page 106 de la version macédonienne, au

20 paragraphe 425 vous citez l'article 65 de la Loi relative aux Affaires

21 intérieures et vous dites la chose suivante, je cite :

22 "Pour les cas plus graves d'atteinte à la discipline du travail, les

23 employés peuvent être démis de leurs fonctions, délai de renvoi ainsi que

24 les cas qui n'obligent pas à respecter un tel délai seront précisés par un

25 document du ministre."

26 Qu'entendez-vous par là ? Qu'entend-on par là ?

27 R. La façon dont j'interprète cet article, c'est que c'est le ministre qui

28 a le droit de décider quand un employé doit être démis de ses fonctions

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1 ainsi que de décider du moment d'une telle mesure où une telle mesure doit

2 être prise. Par ailleurs, une telle mesure doit apparaître dans un document

3 juridique émis par le ministre, vraisemblablement un décret.

4 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sur le point de

5 passer à un autre thème. Peut-être que le moment est bon pour faire notre

6 première pause ?

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous ferons notre pause

8 maintenant et nous reprendrons à 11 heures.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

10 --- L'audience est reprise à 11 heures 06.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, poursuivez, Monsieur Saxon.

12 M. SAXON : [interprétation]

13 Q. Monsieur Bezruchenko, veuillez prendre la page 122 en anglais de votre

14 rapport d'expert modifié. Nous allons examiner le paragraphe 441. C'est le

15 premier paragraphe qui se trouve en dessous d'une sous rubrique, ici nous

16 avons le point 3.3.4.2 et l'intitulé c'est "Unité spéciale de la police,

17 les 'Lions'." Vous me suivez ?

18 R. Oui.

19 Q. D'après la recherche que vous avez effectuée, qu'est-ce qui a débouché

20 sur la création de l'unité qu'on a appris à connaître sous le nom de Lions,

21 les Lions ?

22 R. A un moment donné du conflit, il était devenu évident qu'il y avait

23 quelque chose qui ne marchait pas dans la stratégie retenue par les forces

24 de sécurité de Macédoine.

25 Le conflit a commencé en janvier 2001, et jusqu'au mois d'août il n'y

26 a pas eu de défaite décisive qui aurait été infligée à l'Armée de

27 libération nationale. Et je pense que l'opinion publique en Macédoine était

28 particulièrement déçue et frustrée après la bataille d'Aracinovo, qui

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1 montrait que l'Armée de libération nationale était tout à fait capable

2 d'installer sa base tout près de la capitale, aux abords même de la

3 capitale, ce qui était une évolution assez dangereuse. Donc je pense,

4 qu'apparemment, tout en haut de la hiérarchie politique macédonienne, on

5 s'est dit qu'il fallait des effectifs supplémentaires dûment formés et

6 équipés pour mener une guerre asymétrique et des opérations de contre-

7 insurgence. Et ceci a abouti à la décision de constituer une unité spéciale

8 de la police qu'on a appelée les Lions.

9 Q. Vous avez parlé de la bataille d'Aracinovo, est-ce qu'elle a eu

10 lieu fin juin 2001 ?

11 R. En fait, l'ALN est entrée dans Aracinovo vers le

12 9 juin 2001, et au cours des deux semaines qui ont suivi s'est déroulée la

13 bataille.

14 Q. Prenons le début de la partie 4 de votre rapport, page 129 en anglais -

15 excusez-moi, je me suis trompé. C'est à la page précédente qu'elle

16 commence. L'intitulé en est "Attaque sur Ljuboten en août 2001."

17 Est-il exact de dire que dans cette partie-ci de votre rapport vous

18 faites la synthèse des renseignements disponibles sur les événements

19 survenus ce week-end à Ljuboten au vu des documents que vous aviez ?

20 R. Exact.

21 Q. Prenons le paragraphe 484. C'est à la page 129 en anglais. Dans ce

22 paragraphe, vous parlez du degré de résistance active opposée par le

23 village de Ljuboten le 12 août, et dès la première phrase vous dites qu'il

24 est difficile de mesurer le degré ou la quantité de la résistance qu'il y a

25 eu. Mais dans la dernière phrase, vous dites ceci :

26 "En supposant que les pertes subies au combat servent en général

27 d'indicateur principal pour déterminer le degré de résistance armée opposée

28 par l'adversaire, le niveau de résistance venant de Ljuboten face au groupe

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1 de Tarculovski le 12 août était sans doute insignifiant, voire non

2 existant."

3 Pourriez-vous vous expliquer ?

4 R. Beaucoup de documents militaires macédoniens indiquent ou laissent

5 entendre qu'il y avait beaucoup de tirs tirés depuis Ljuboten sur les

6 forces de sécurité macédonienne. Il est difficile de quantifier

7 l'importance de ces tirs. Bien des documents militaires semblent indiquer

8 qu'il y avait en tout cas plusieurs cibles militaires à Ljuboten dont une

9 mitrailleuse. Mais étant donné qu'il n'y a pas eu de pertes subies par les

10 forces macédoniennes, il serait difficile de dire de façon exacte combien

11 de résistance il y a eu de la part du village. J'ai conclu que c'était sans

12 doute peu.

13 Q. Je vais vous poser la question autrement. Si les membres des forces de

14 sécurité de Macédoine avaient subi de lourdes pertes ce week-end-là à

15 Ljuboten, qu'est-ce que vous auriez conclu ? Est-ce que vos conclusions

16 auraient été différentes ?

17 R. Oui. A ce moment-là, j'aurais conclu que le village était très protégé,

18 et quel que soit le groupe qui se serait trouvé dans ce village, groupe de

19 l'ALN ou un autre, ce groupe était lourdement armé et bien organisé.

20 Q. Fort bien. Pourriez-vous en quelques mots décrire la partie 5 de votre

21 rapport aux Juges ?

22 R. Cette partie montre la chronologie du conflit. Ceci a été établi à

23 partir de plusieurs documents dont des articles de presse, des médias, des

24 documents de la police, de l'armée de Macédoine ainsi que d'autres

25 documents.

26 Q. On trouve dans cette chronologie des événements survenus à partir de

27 janvier à octobre 2001 ?

28 R. Oui. Pour être plus précis, elle va de janvier à

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1 septembre 2001. Nous le savons, en septembre, le 26 septembre, l'Armée de

2 libération nationale a annoncé officiellement son démantèlement.

3 Q. Pourquoi avoir constitué cette chronologie ?

4 R. C'est un instrument, un outil important en analyse militaire, car une

5 telle chronologie vous montre le concept de l'opération et l'évolution de

6 l'opération sur le terrain, et les objectifs politiques et militaires à

7 l'origine de ces opérations.

8 Q. Est-ce qu'on parle aussi de l'intensité du conflit ?

9 R. Oui, bien entendu.

10 Q. Monsieur Bezruchenko, reprenons, si vous voulez bien, le classeur

11 contenant les documents et nous allons examiner l'intercalaire 32.

12 M. SAXON : [interprétation] C'est le document 159 de la liste 65 ter. Nous

13 l'avons obtenu de Gzim Ostreni en 2005. Cette pièce, faute d'un meilleur

14 terme pour le définir, contient deux parties. La première partie est une

15 carte que je vais montrer au témoin. Je suppose que vous avez une copie en

16 couleur de cette carte dans votre classeur. Vous l'avez ? C'était l'idée au

17 départ, de toute façon, ce que vous en disposiez.

18 Q. Si vous prenez cette carte, Monsieur Bezruchenko, nous allons voir un

19 terme, un nom en majuscule dans le coin supérieur gauche, "Direktive," puis

20 une date dans le coin supérieur droit le "13 juin 2001". Vers le bas de

21 cette page, on voit un cachet bleu surmonté d'un terme, celui de

22 "Komandant," ainsi que la signature d'un certain Ali Ahmet.

23 Pourriez-vous décrire à l'intention des Juges ce que montre cette carte. Si

24 vous le voulez, nous allons commencer par la partie en jaune dans le coin

25 supérieur gauche.

26 R. C'est un document de planification opérationnelle. Au fond, ceci vous

27 montre le concept qui préside à cette opération de l'ALN, comme la date

28 vous le montre, 13 juin 2001.

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1 Q. Qu'est-ce qui se passait à ce moment-là de façon générale dans ce

2 conflit ? Où se trouvait l'ALN ?

3 R. L'ALN progressait, se regroupait et les combats se poursuivaient en

4 dépit des tentatives entreprises pour parvenir à des cessez-le-feu. La

5 partie que vous voyez en jaune vous montre les zones sont contrôlées par

6 l'ALN ou, où l'ALN pouvait aller sans rencontrer trop de résistance. En

7 vert, vous avez les axes de progression prévue par l'ALN pour avancer.

8 Q. Qu'est-ce qu'elle semble indiquer cette carte s'agissant des axes de

9 progression, si on s'en tient à ces parties en vert ?

10 R. De façon générale, ça veut dire que l'ALN planifiait de poursuivre sa

11 progression vers l'intérieur du pays en partant du nord ainsi que de

12 l'ouest. Vous le voyez, les principes aux axes de progression devaient

13 partir de Tetovo et aller vers l'est vers la capitale de Skopje, et

14 Kumanovo. Vous avez vu là deux axes nord/sud visant apparemment à

15 l'encerclement de Kumanovo. A l'ouest, plusieurs lancées de la zone qui est

16 près de la frontière avec l'Albanie, vers l'est en direction de Gostivar et

17 Kicevo, puis il y a d'autres avancées aussi au sud.

18 Q. Quand on regarde ce plan d'un œil militaire, quels sont, d'après vous,

19 les objectifs poursuivis par l'ALN ?

20 R. L'ALN essayait de s'emparer de plus de territoires possibles afin de le

21 contrôler.

22 M. SAXON : [interprétation] Regardons le document qui accompagne cette

23 carte dans vos classeurs, Madame, Messieurs les Juges. Vous avez comme

24 intitulé "Idées en vue de l'opération."

25 Q. Monsieur Bezruchenko, premier paragraphe, il est dit ceci :

26 "Tout en continuant à augmenter le nombre d'unités dans la brigade

27 conformément à l'affectation organique, les opérations actives de combat

28 sont entreprises en vue de disperser et d'éliminer les forces ennemies de

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1 façon à encercler et prendre les villes et les artères routières

2 principales de la Macédoine occidentale dans les meilleurs délais."

3 Vous voyez ?

4 R. Oui.

5 Q. Puis, on dit que :

6 "Les routes Skopje-Debar et Skopje-Kicevo seront bloquées pour rendre

7 impossible toutes communications de l'ennemi par ces routes. Dans une

8 première phase, ces sièges ou blocus devront être installés dans la zone

9 des villages de Grupcin, Mavrova, Derventska/Krisura, Bukovik, et cetera.

10 Alors, qu'est-ce que ceci indique ?

11 R. C'est l'idée, l'idée fondamentale à la base de cette opération qui,

12 manifestement ou apparemment, se reposait sur trois objectifs : le premier

13 étant de démanteler les forces de sécurité; c'était aussi d'occuper les

14 villes principales de l'ouest de la Macédoine; et d'empêcher les forces de

15 sécurité macédoines de se déplacer par les routes principales du pays, du

16 moins à l'ouest.

17 Q. Et on dit :

18 "Qu'il y aura deux phases à cette opération."

19 La première devant être terminée le 10 juillet, la seconde fin juillet.

20 D'après ce que vous savez, est-ce que l'ALN a réussi à réaliser ses

21 objectifs à ces dates-là ?

22 R. Non.

23 Q. Page suivante en anglais, ce sera en macédonien la page 2. Ici, au

24 début de page, nous voyons un point 4 "Déploiement et missions des forces -

25 ici il indiqué UCK." Vous voyez ?

26 R. Oui.

27 Q. Nous avons tout d'abord ceci :

28 "D'ici au 10 juillet 2001, la 113e Brigade effectuera les préparatifs

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1 visant à capturer ou couper la ville de Kumanova et de couper les routes

2 Kumanova-Kriva Pallanka et Kumanova-Svet Nikole."

3 En dessous de ce paragraphe - je vais bientôt vous lire autre chose, mais

4 auparavant je vous demande ceci : est-ce que l'ALN a réussi à capturer

5 Kumanovo ?

6 R. Non.

7 Q. Mais par rapport à Kumanovo, qu'est-ce qu'elle a quand même réussi à

8 faire ?

9 R. La situation était assez grave dans cette zone. L'ALN a réussi à

10 contrôler plusieurs villages de la région et commencer à élargir son

11 contrôle.

12 Au fil du temps, elle serait sans doute parvenue à couper la route Kumanovo

13 et Kriva Pallanka.

14 Q. Paragraphe suivant, on dit :

15 "Parallèlement, la 113e Brigade qui tient le village d'Aracinovo va former

16 le 1er Bataillon de la 114e Brigade, et poursuivra le recrutement pour

17 parvenir au plein effectif au niveau de la brigade avec du personnel et des

18 combattants de Skopje, des villages du nord ainsi que dans les villages au

19 sud de Kumanovo."

20 Qu'est-ce que ça veut dire pour vous au point de vue militaire ?

21 R. Ceci montre un développement important. Ceci montre que tout d'abord

22 l'ALN est en train de constituer une nouvelle brigade, et deuxièmement, que

23 c'était une brigade qui était censée opérée dans la zone de la capitale.

24 Q. Au paragraphe suivant, il est question du bataillon de la 115e Brigade

25 dans la zone de Derventa :

26 " …qui va poursuivre ses efforts en vue de se développer pour devenir une

27 brigade en formant un 2e Bataillon dans la zone de Karshiaka et au-delà de

28 cette zone…"

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1 Puis, il est question de préparatifs en vue de s'emparer de territoires

2 supplémentaires.

3 Est-ce que pour vous il y a quelque chose d'important dans ces instructions

4 ?

5 R. Si c'est important à mes yeux, c'est parce qu'on donne des instructions

6 pour qu'il y ait un accroissement de la 115e Brigade, un renforcement qui

7 va former un 2e Bataillon dans une zone montagneuse Zadem [phon], c'est la

8 principale chaîne de montagne entre Tetovo et Skopje. Nous savons grâce à

9 la chronologie des événements, l'ALN a réussi à tendre une embuscade très

10 importante le 8 août dans cette zone. Alors pour rappeler l'importance que

11 revêt ce paragraphe, je vous dirais que cette 115e Brigade, en fait, elle

12 était investie pour couper la route Tetovo et Skopje, ce qui est de nouveau

13 de la tactique militaire et opérationnelle classique.

14 Q. Est-ce que vous voulez parler de la 115e ou d'un bataillon de la 115e ?

15 R. Ce paragraphe nous montre que la 115e Brigade était en train

16 d'accroître ses effectifs, je parle ici de la brigade en tant que telle, de

17 sa totalité.

18 Q. Au paragraphe suivant, nous lisons que : "La 112e Brigade dans le

19 secteur se trouvant à l'ouest de Tetova va dépêcher une compagnie dans la

20 région de la route de Skopje-Tetova dans le village de Grupcin."

21 Est-ce ça s'est bien passé ?

22 R. Je n'en suis pas sûr, mais ce que je sais c'est que les forces de l'ALN

23 opéraient bien dans la zone du mont Zadem. Est-ce que c'était la 112e ?

24 Est-ce que c'était la 115e ? Difficile de dire, mais je serais plutôt

25 enclin à penser que c'était la 115e.

26 Q. Mais ici, effectivement, dans ce paragraphe, on parle aussi de la 112e

27 que de la 115e, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, ce qui semble indiquer qu'il y avait coopération de ces deux

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1 brigades dans cette zone.

2 Q. Prenons la page suivante. Il y a une sous-rubrique qui s'appelle

3 "Equilibre des forces."

4 R. Oui.

5 Q. On dit que :

6 "Le rapport des forces à l'ouest de la Macédoine, pour le moment, est de 1

7 à 5 en faveur des troupes gouvernementales, qui bénéficient aussi d'une

8 supériorité importante en matière de matériel, mais d'ici à la fin du mois

9 de juillet, ce rapport va changer pour devenir 1 à 2 pour les forces

10 gouvernementales en matière de matériel, chars, unités aériennes, et

11 cetera, ce sera la même chose.

12 "Le moral des forces de l'ALN joue un rôle significatif pour ce qui est de

13 l'amélioration du rapport de forces entre les forces du gouvernement et

14 l'ALN et va modifier ce rapport de forces qui va se présenter comme étant

15 de 1 à 10 en faveur de l'infanterie de l'ALN."

16 Que pensez-vous de cette déclaration ?

17 R. Mon interprétation de ce paragraphe serait de dire qu'apparemment les

18 forces de sécurité gouvernementales avaient une supériorité numérique par

19 rapport à l'ALN dans l'ouest de la Macédoine, mais en raison de ce

20 processus de renforcement qui s'effectuait et de renforcement des unités de

21 l'ALN, ce rapport de forces évoluait rapidement et était beaucoup moins en

22 faveur des groupes gouvernementaux.

23 Ce paragraphe fait également état du très bon moral des forces de

24 l'ALN, apparemment, qui rend supérieur à celui des forces gouvernementales.

25 Q. En préparant votre rapport, qu'avez-vous appris du niveau du moral des

26 troupes de l'ALN par rapport à celui qu'on voyait dans les rangs des forces

27 gouvernementales ?

28 R. En préparant mon rapport, j'ai examiné beaucoup de documents de l'OTAN

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1 qui semblaient dire que le niveau de moral des troupes dans l'ALN était

2 très élevé et parfois était meilleur que celui qu'on voyait parmi les

3 hommes des forces gouvernementales.

4 Mais j'ai aussi lu quelques documents militaires macédoniens qui semblent

5 indiquer que les efforts de mobilisation ne semblaient pas avoir porté

6 leurs fruits; donc le moral des conscrits, des personnes qui étaient

7 censées être mobilisées, envoyées au front, n'était pas excellent.

8 Q. Pour que tout soit clair, vous avez parlé d'un effort de mobilisation

9 il y a un instant. Parliez-vous des efforts entrepris par le gouvernement

10 de Macédoine pour que plus d'hommes soient mobilisés ou de l'ALN ?

11 R. Je parle des efforts entrepris par le gouvernement.

12 Q. Un peu plus bas, on voit un autre paragraphe concernant la défense

13 antiaérienne ou le potentiel de défense. Si nous prenons la prochaine page,

14 ce sera la dernière, la dernière phrase, page 4 en macédonien. Cette phrase

15 dit ceci :

16 "Il faut absolument respecter et appliquer les conventions internationales

17 pendant toutes les opérations menées par l'ALN, et il faut absolument que

18 la façon dont sont traités les civils et les installations soit correcte et

19 corresponde aux normes."

20 Pourquoi est-ce dit ici ?

21 R. Le respect des conventions internationales, en temps de guerre, c'est

22 un facteur important qui contribue au bon moral des troupes, mais aussi des

23 troupes légitimes. Donc, à mon avis, je pense qu'il était important que

24 l'ALN maintienne le niveau requis de discipline et veille à ce qu'on

25 respecte bien les conventions de Genève.

26 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais le

27 versement au dossier de cette carte ainsi que des textes écrits qui

28 l'accompagnent.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Cela sera versé au dossier.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P487, Monsieur le

3 Président.

4 M. SAXON : [interprétation]

5 Q. Monsieur Bezruchenko, je souhaiterais vous demander de prendre

6 l'intercalaire 43 [comme interprété] de votre classeur.

7 Il s'agit de la pièce 611.1, liste 65 ter.

8 Avant que je ne poursuive, je dirais que dans le rapport de

9 M. Bezruchenko, la dernière pièce et où il y fait référence à cette pièce

10 que nous venons d'examiner, dans les notes en bas de page 34, 143, 236, il

11 s'agit de la carte, et les idées émises pour mener à bien les opérations se

12 trouvent aux notes en bas de page suivante, 79, 130, 131, 136 et 143.

13 Monsieur Bezruchenko, le document 611.1 de la liste 65 ter est une carte

14 qui a été obtenue des archives du ministère de la Défense de la Macédoine

15 en février 2006.

16 Monsieur le Président, vous trouverez une référence à cette carte dans la

17 note en bas de page 434 du rapport de M. Bezruchenko.

18 Très, très rapidement, Monsieur Bezruchenko, que voyons-nous sur cette

19 carte ? Et qu'est-ce qui est écrit en haut ?

20 R. Il est écrit "Décision du commandement de la 1ère Brigade des Gardes

21 pour la Défense."

22 Q. Et ces annotations en rouge, vous voyez ? A quoi cela correspond ? Il y

23 a du bleu, du rouge et du jaune.

24 R. Ce qui est en bleu correspond aux positions des forces de sécurité

25 macédoniennes. Et là il s'agit de la 1ère Brigade des Gardes dont il est

26 question. Vous voyez qu'à l'extrême droite de la zone de responsabilité,

27 vous voyez que nous avons la zone de responsabilité du 3e Bataillon des

28 Gardes. En rouge nous avons les forces de l'ALN.

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1 Q. Peut-être que nous pourrions nous concentrer sur les annotations rouges

2 qui se trouvent en haut du document. Vous voyez qu'il y a des flèches

3 rouges qui sont dessinées du haut vers le bas. A quoi est-ce qu'elles

4 correspondent ?

5 R. Ces flèches correspondent à l'axe et aux percées des forces de l'ALN.

6 Q. Mais quelle est la direction ?

7 R. Il s'agit du nord, à partir de Kumanovo vers le sud-ouest, vers la

8 capitale. Puis, également, à partir de l'ouest en direction de l'est,

9 toujours vers la capitale.

10 Q. D'après ce que vous savez et compte tenu des autres documents que vous

11 avez également vus, est-ce que vous pourriez nous indiquer quand, d'après

12 vous, cette carte a été dessinée ? A quelle période cela correspond ?

13 R. Au début du mois de juin 2001.

14 Q. Nous voyons que dans le coin inférieur droit, vous avez le cachet du

15 commandant et la signature du commandant qui a préparé cette carte.

16 Je souhaiterais le versement au dossier de cette carte.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.

18 M. METTRAUX : [interprétation] Nous n'allons pas soulever d'objection

19 officielle, mais j'aimerais quand même indiquer aux fins du compte rendu

20 d'audience qu'il y a trois témoins différents, qui faisaient partie de

21 cette organisation, qui ont été d'ailleurs convoqués par l'Accusation et à

22 qui l'on n'a pas présenté cette carte, et qui n'ont pas fourni de

23 renseignements à propos de la période ou des autres observations qui ont

24 été faites à propos de cette carte.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette carte sera versée au dossier.

26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 488.

27 M. SAXON : [interprétation]

28 Q. Puis en dernier lieu, Monsieur Bezruchenko, j'aimerais vous demander de

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1 prendre l'intercalaire 36 de votre classeur. Il s'agit d'une pièce

2 enregistrée aux fins d'identification P00464. Il est fait référence à ces

3 pièces dans la note en bas de page 4, 27, 28, 41, 137, 315, 327, 463 et 465

4 du rapport d'expert amendé ainsi qu'à la note en bas de page 1, 4, 5 et 8

5 de l'addendum modifié présenté avec le rapport d'expert modifié. Vous avez

6 déjà vu très brièvement cette pièce avec le témoin Nazim Bushi. Cela est

7 l'extrait d'un livre intitulé "Guerre 2001".

8 Je suppose que vous connaissez cet ouvrage, Monsieur Bezruchenko ?

9 R. Oui.

10 Q. Qui en sont les auteurs ?

11 R. Il s'agit de l'ancien chef de l'état-major général. Il s'agit du Dr

12 Mitre Arsovski qui, d'après moi, est un général et d'un autre expert

13 militaire macédonien qui est le colonel Kusev --

14 Q. J'aimerais que nous parlions brièvement de certains extraits de ce

15 livre qui a été traduit en anglais.

16 M. SAXON : [interprétation] Et j'aimerais demander l'aide de

17 M. l'Huissier, car je souhaiterais que soit affiché l'extrait qui porte

18 comme numéro ERN N006-3017 jusqu'à N006-3033.

19 Il s'agit de la page 96 pour ceux d'entre vous qui ont la version

20 macédonienne. C'est un chapitre qui est intitulé "Mesures prises par les

21 organes compétents du gouvernement dans le domaine de la Défense."

22 Q. Est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur Bezruchenko ?

23 R. Oui.

24 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais que nous prenions la page 7 de la

25 version anglaise. Cela correspond au bas de la page 105 en version

26 macédonienne. Voilà. Et je souhaiterais que soit affiché le bas de la page.

27 Il s'agit d'un sous-titre intitulé "Le gouvernement de la République de

28 Macédoine." Et voilà ce qui est écrit :

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1 "Le gouvernement de la République de Macédoine, en tant qu'entité du

2 pouvoir exécutif de la république, a un rôle très important à jouer dans le

3 domaine de la défense."

4 Vous voyez ?

5 R. Oui.

6 Q. "Outre la proposition des documents les plus importants dans ce

7 domaine, le gouvernement est également responsable de la présentation de

8 nombreuses réglementations et décisions qui régulent les secteurs précis du

9 système de défense des forces armées."

10 Ensuite, nous voyons qu'il est fait référence à la législation relative à

11 la défense, et nous voyons le début d'une énumération au début de la page

12 7, il s'agit des responsabilités du gouvernement de la Macédoine.

13 J'aimerais que soit affichée la page suivante en version anglaise et

14 cela correspond au bas de la page 106 pour la version macédonienne. Cet

15 extrait du livre et présenté comme référence dans la note en bas de page

16 402(a).

17 Vous voyez, Monsieur, qu'il est dit juste avant les mots en caractères gras

18 :

19 "Toutes les responsabilités gouvernementales promulguées par cette

20 législation ne sont pas énumérées ci-dessus, étant donné que certaines font

21 l'objet d'explications dans d'autres chapitres. Par conséquent, seule une

22 partie de ces responsabilités sont énumérées [comme interprété] ici.

23 Vous voyez ?

24 R. Oui.

25 Q. Et il est indiqué :

26 "Donnez l'ordre pour que la police soit utilisée en cas de loi

27 martiale, et ce, pour apporter un soutien à l'armée."

28 Vous voyez ?

Page 6548

1 R. Oui.

2 Q. Il est indiqué que :

3 "On remarque que la police est utilisée pour apporter un soutien à l'armée

4 lorsqu'il y a introduction à la loi martiale.

5 En 2001, le gouvernement a pleinement respecté cette réglementation

6 précisée par la législation relative à la défense et a donné l'ordre pour

7 que la police soit utilisée en temps de guerre, bien que la loi martiale

8 n'est pas et ne soit pas déclarée."

9 Ensuite, il est indiqué :

10 "Tous les malentendus entre la police et l'armée émanent de ceci."

11 Puis au paragraphe suivant, il est indiqué :

12 "Etant donné qu'il n'y avait pas eu promulgation de la loi martiale, la

13 police n'était pas placée sous commandement conjoint et agissait de façon

14 indépendante. D'aucuns peuvent imaginer que la situation était semblable à

15 une situation lorsque nous avons deux ministères du même gouvernement,

16 ministère de l'Intérieur et ministère de la Défense, ont deux branches

17 armées à leur disposition dont l'une est 'commandée' par le premier

18 ministre, par le truchement du ministère de l'Intérieur, alors que l'autre

19 est placée sous le commandement du président de la république par le

20 truchement du ministre de la Défense."

21 Vous nous avez déjà parlé un peu de l'importance de l'unité du

22 commandement. J'aimerais savoir ce que représente pour vous ce paragraphe

23 pour ce qui est du fonctionnement des forces de sécurité à l'époque ?

24 R. Apparemment, il y avait certains décalages lorsque l'on pense à la

25 chaîne de commandement des forces de sécurité macédonienne. Apparemment,

26 les autorités macédoniennes n'ont pas pu établir un seul centre de

27 commandement qui aurait été chargé des opérations de la police et de

28 l'armée.

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1 Q. Et au paragraphe suivant il est indiqué ce qui suit :

2 "Les deux ministres, qui avaient des origines politiques différentes, n'ont

3 pas choisi une défense conjointe pour défendre les intérêts nationaux et

4 les intérêts de l'Etat, au vu d'une situation sécuritaire particulièrement

5 compliquée et dangereuse, mais semblent s'être faits concurrence pour

6 obtenir des positions élevées dans leurs partis, au gouvernement et à la

7 défense."

8 Ce qui fait qu'on peut dire que les deux structures armées, à savoir

9 la police et l'armée, se sont battues chacune sur leur propre front. Ce

10 type de déploiement de la police, en tant que force armée du premier

11 ministre, a creusé le fossé pour ce qui est du commandement des forces de

12 sécurité conjointe de la République de Macédoine."

13 Il semblerait, Monsieur Bezruchenko, que les auteurs de cet ouvrage

14 sont d'accord avec ce que vous avancez lorsqu'il y a ce type de conflit et

15 ses conséquences ?

16 R. Je suis entièrement d'accord, je reprends entièrement à mon

17 compte les conclusions émises par les auteurs de cet ouvrage.

18 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous examinions, je

19 vous prie, un autre extrait de ce livre qui a pour numéro ERN N006-3064

20 jusqu'au numéro ERN N006-3067. Cela commence à la page 143 de la version

21 macédonienne.

22 Est-ce que vous avez trouvé cet extrait, Monsieur Bezruchenko ?

23 R. Oui, je le pense.

24 Q. Voilà ce qui est écrit en haut :

25 "Hormis le fait que la législation relative à la défense qui était à ce

26 moment-là valable régule de façon très, très claire l'utilisation de la

27 police en temps de guerre, pendant notre guerre, il y avait des points de

28 vue conflictuels et contradictoires à propos de ceux qui devaient contrôler

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1 et commander la police."

2 R. Je n'ai pas trouvé cette citation.

3 Q. Cela se trouve en haut de la page dans le premier paragraphe.

4 R. Je ne suis pas sûr si nous sommes à la même page.

5 Q. Est-ce que vous ne pouvez pas lire à l'écran ?

6 R. C'est au milieu de la page; c'est cela ?

7 Q. Monsieur Bezruchenko, regardez-moi, je vous prie.

8 R. Oui.

9 Q. Voilà la page en question. Il est dit : "Déploiement des forces armées

10 sur le front."

11 R. Oui, je le vois.

12 Q. Est-ce que vous pouvez voir le paragraphe au-dessus ?

13 R. Oui.

14 Q. Il est dit:

15 "Pendant notre guerre," en haut, "il y a eu des points de vue divergents et

16 contradictoires ou conflictuels à propos de qui devait contrôler et

17 commander la police."

18 Vous voyez, c'est la troisième ou la quatrième ligne à partir du haut de la

19 page.

20 Monsieur Bezruchenko, regardez la troisième ligne à partir du haut de la

21 phrase, vous verrez une phrase qui comme suit : "pendant notre guerre."

22 R. Je ne la vois pas, donc je ne dois pas être à la bonne page.

23 Q. Bien, vous devriez avoir un numéro ERN N006-3064. Je vous demanderais

24 de bien vouloir prendre l'extrait suivant ou le passage suivant.

25 M. SAXON : [interprétation] Ou peut-être que M. l'Huissier pourrait me

26 donner le classeur de M. Bezruchenko, et je lui présenterai la bonne page.

27 Merci beaucoup.

28 Q. Regardez ce que je viens de souligner, Monsieur Bezruchenko.

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1 R. Oui.

2 Q. Vous voyez qu'il est dit :

3 "Pendant notre guerre, il y avait des points de vue différents et

4 contradictoires à propos qui devait commander et contrôler la police." Vous

5 voyez ?

6 R. Oui.

7 Q. Un peu plus bas, il est dit :

8 "Dans un état en guerre ou en cas de guerre, la police doit être utilisée

9 pour exécuter des opérations de combat comme faisant partie intégrante de

10 l'armée." Est-ce que vous le voyez ?

11 R. Oui.

12 Q. "Cet article de la législation relative à la défense était évident et

13 clair pour tout le monde, à l'exception des politiciens des partis

14 'importants' au pouvoir." Vous voyez ?

15 R. Oui.

16 Q. "Toutefois, le fait est qu'il y avait une dualité du commandement et du

17 contrôle, parce que le premier ministre commandait la police par

18 l'entremise du ministre de l'Intérieur alors que le commandement Suprême

19 commandait l'armée. C'est la raison pour laquelle il y a eu tant

20 d'opérations de combat non coordonnées pendant la guerre, ce qui a

21 contribué à exacerber le nombre de victimes, ce qui explique la perte de

22 batailles et de combats et ce qui explique également la guerre." Vous le

23 voyez cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Permettez-nous de comprendre un peu ce que signifie, par exemple, cet

26 élément de phrase "dualité de commandement et de contrôle." Qu'est-ce que

27 cela signifie en règle générale ?

28 R. Cela décrit deux ou plusieurs chaînes de commandement dans des cas où

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1 le système de commandement et de contrôle est perturbé, ce qui fait qu'il y

2 a multiplicité des chaînes de commandement alors qu'il ne devrait en avoir

3 qu'une normalement.

4 Q. Bien. Est-ce que nous pourrions prendre la page suivante, je vous prie,

5 dans la version anglaise. Il s'agit de la page 145 de la version

6 macédonienne. Vous verrez qu'au milieu de la page il y a un paragraphe qui

7 commence par les mots suivants : "Nous devons préciser…" Vous le voyez ?

8 R. Oui.

9 Q. Voilà ce qui est écrit :

10 "Nous devons préciser que pendant la guerre il y a eu une réticence

11 judicieuse de la part du président du parlement, et le parlement n'a pas

12 déclaré si la Macédoine était en guerre ou non. On ne comprend

13 parfaitement, ou ce n'est que grâce à cela que l'on comprend de façon plus

14 claire pourquoi il y avait une divergence de point de vue pour le

15 commandement et le contrôle de l'armée de la police."

16 Puis, le paragraphe suivant se poursuit :

17 "Dans le contexte de la coalition élargie gouvernementale, le ministre de

18 la Défense était du parti SDSM, l'Alliance des forces démocratiques en

19 Macédoine, le ministre de l'Intérieur était du VMRO-DPMNE, et le ministre

20 de la Justice du DPA."

21 "Le ministre de la Défense avait carte blanche pour ce qui était du

22 commandement et du contrôle de l'armée de la République de Macédoine qui

23 était précisé, stipulé par la législation.

24 Par ailleurs, le ministre de l'Intérieur ne souhaitait pas se trouver

25 sans une 'armée', donc outre l'entité juridique de la police, à la suite

26 d'une décision prise par le gouvernement, il a constitué une unité illégale

27 appelée les Lions, qui a promu le président à la fonction de commandant

28 suprême, commandant suprême illégal donc. En tant que tel, il ne souhaitait

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1 pas subordonner le commandant suprême légal en se battant ou en luttant

2 avec sa propre armée, à savoir la police, en prenant ses propres décisions

3 et ses variantes tactiques, et en se battant sur le territoire de son

4 choix, il avait son propre opposant."

5 Vous le voyez cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que cela est un autre exemple de ce que vous aviez appelé la

8 dualité de commandement ?

9 R. Oui, c'est un exemple classique.

10 M. SAXON : [interprétation] Il y a un autre extrait, ou plutôt c'est un

11 extrait de ce livre qui a été montré pendant les questions supplémentaires

12 posées au témoin Nazim Bushi, et ce sont ces conclusions. J'aimerais vous

13 demander d'examiner rapidement une page de cet extrait. Il s'agit de la

14 partie du livre qui a comme numéro ERN le numéro allant de N006-3325 à

15 N006-3334.

16 J'aimerais vous demander de prendre la troisième page de la version

17 anglaise, il s'agit de la page 407 de la version macédonienne.

18 Q. Est-ce que vous voyez le paragraphe 7, Monsieur ? En fait, c'est le

19 dernier extrait du livre que vous avez dans votre classeur. Vous voyez,

20 cela est précédé par les mots "conclusions" en haut.

21 R. Oui.

22 Q. Je vous demanderais de bien vouloir prendre le paragraphe 7, troisième

23 page, le paragraphe 7 se trouvant en haut de la page. Voilà ce qui y est

24 indiqué dans ce paragraphe. Vous le voyez le paragraphe 7 ?

25 R. Oui, Monsieur.

26 Q. "Les forces belligérantes contre lesquelles se battait la république ou

27 les forces de sécurité de la République de Macédoine étaient différentes,

28 mais elles étaient unies pour ce qui est de leur objectif ultime."

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1 Puis, il est indiqué :

2 "Ensemble, elles représentaient une force armée conjointe de cette grande

3 Albanie imaginaire. Par conséquent, nous pouvons conclure que la Macédoine

4 était essentiellement ou livrait essentiellement une guerre officieuse à

5 l'Albanie et que l'objectif fondamental consistait à unifier tous les

6 Albanais dans les Balkans dans un Etat."

7 Vous le voyez ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que l'unité du commandement, d'après vous, était quelque chose

10 qui existait au sein de l'ALN ?

11 R. Oui.

12 M. SAXON : [interprétation] Je souhaiterais le versement au dossier de

13 cette pièce qui avait été enregistrée aux fins d'identification, il

14 s'agissait de la pièce P464.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la même cote, la cote P464,

17 Madame, Messieurs les Juges.

18 M. SAXON : [interprétation] Monsieur Bezruchenko, je n'ai plus de questions

19 à vous poser. Je vous remercie.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Saxon.

22 M. METTRAUX : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

23 Contre-interrogatoire par M. Mettraux :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bezruchenko. Je m'appelle Maître

25 Mettraux et je représente les intérêts de

26 M. Boskoski.

27 R. Bonjour.

28 Q. Monsieur Bezruchenko, vous vous souviendrez que le premier jour de

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1 votre interrogatoire principal, un certain nombre de questions vous ont été

2 posées par M. Saxon à propos de la notion que l'on connaît sous le mot de "

3 contrôle opérationnel." Vous vous en souvenez ?

4 R. Oui.

5 Q. Et lors de votre interrogatoire principal, vous avez indiqué que, à

6 votre avis, cette doctrine du contrôle opérationnel était telle que "le

7 ministre est la personne," et je cite : "qui est responsable de toutes les

8 opérations et actions du ministère ainsi que de ses subordonnés."

9 Vous vous souvenez avoir dit cela ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous vous souviendrez certainement que la Défense avait soulevé une

12 objection et M. Saxon avait, à ce moment-là, indiqué que votre

13 interprétation de cette notion, la doctrine du contrôle opérationnel,

14 faisait l'objet d'analyse dans le paragraphe 3.3.3.1 de votre rapport; est-

15 ce exact ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. J'aimerais attirer votre attention sur attention sur ce paragraphe de

18 votre rapport. Il s'agit du paragraphe 371 du rapport, et voilà ce que

19 vous y indiquez :

20 "Plusieurs documents du ministère de l'Intérieur macédonien suggèrent que

21 le ministre de l'Intérieur, Boskoski, avait exercé un contrôle opérationnel

22 des forces de police, qui s'est manifesté dans des ordres de déploiement de

23 la police dans différentes zones de crise."

24 Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous vous souvenez avoir dit cette

25 déclaration ou vous voulez voir le rapport ?

26 R. Je vous serais extrêmement reconnaissant de me donner la possibilité de

27 trouver ce paragraphe.

28 Q. Il s'agit de la page 107 de votre rapport, et c'est le paragraphe 371.

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1 M. METTRAUX : [interprétation] Et il s'agit, Madame, Messieurs les Juges,

2 de la pièce P466.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Et c'est la page - j'ai trouvé la page 107.

4 M. METTRAUX : [interprétation]

5 Q. Je vous remercie. J'aimerais vous demander de bien vouloir prendre le

6 paragraphe 371.

7 R. Oui.

8 Q. Il s'agit tout simplement de vous rafraîchir la mémoire à propos d'une

9 déclaration que vous avez faite. Voilà ce que vous avez dit :

10 "Plusieurs documents du ministère de l'Intérieur de Macédoine suggèrent que

11 le ministre de l'Intérieur, Boskoski, a exercé le contrôle opérationnel des

12 forces de police, contrôle qui s'est manifesté par des ordres de

13 déploiement de la police dans différentes zones de crise."

14 Vous vous en souvenez ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous vous souvenez avoir fait cette observation dans votre rapport ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-il exact, Monsieur Bezruchenko - et corrigez-moi si je me trompe -

19 que la pertinence supposée de votre déposition à propos de ce contrôle, de

20 ce qu'on appelle le contrôle opérationnel, est de suggérer que pendant la

21 période pertinente, le ministre Boskoski exerçait dans une certaine --

22 était capable ou était en mesure d'exercer ou d'avoir le contrôle des

23 forces de police pendant les opérations de la police; c'est cela ?

24 R. Si vous pensez -- si vous supposez qu'une certaine fonction du contrôle

25 opérationnel correspond au déploiement des forces sur le terrain, oui.

26 Q. Et comme vous l'avez indiqué, cette doctrine ou cette notion a

27 plusieurs éléments, dont l'un est le transfert de membres d'une entité vers

28 une autre zone. Donc c'est cela le contrôle opérationnel, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. A ce sujet, Monsieur Bezruchenko, vous vous fondez sur votre expérience

3 et sur vos compétences militaires pour avancer

4 cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Je pense que vous avez indiqué en réponse à une question de M. Saxon,

7 que la définition -- ou plutôt je pense que vous avez au moins dit que,

8 lorsqu'il y a des conflits armés, vous avez utilisé une définition qui est

9 une définition militaire; est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Et cela s'appliquerait notamment au concept de contrôle opérationnel;

12 est-ce exact ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Je crois que vous avez indiqué, en réponse à une question de M. Saxon

15 qui vous a été posée au cours de votre première journée d'interrogatoire

16 principal, donc vous avez indiqué que s'agissant des conflits armés, vous

17 vous êtes servi de la définition militaire de cette notion, donc vous avez

18 utilisé une publication du département de la Défense des Etats-Unis, si je

19 ne m'abuse ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

20 R. Oui.

21 Q. Il s'agit là de la Publication conjointe 1-02 du département de la

22 Défense; est-ce exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Avez-vous connaissance du fait que cette Publication conjointe 1-02

25 [comme interprété] contient également une définition de ce qu'il faut

26 entendre par contrôle opérationnel ?

27 R. Oui.

28 Q. Comme vous l'avez fait pour la définition de "conflit armé," vous

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1 considérez que cette définition devrait être généralement acceptable quant

2 à ce qui constitue un contrôle opérationnel ?

3 R. Oui.

4 Q. J'aimerais vous demander d'examiner cette définition que vous

5 connaissez probablement déjà, mais peut-être que cela pourra éclairer

6 d'autres personnes dans ce prétoire.

7 M. METTRAUX : [interprétation] Je demanderais que l'on montre le document

8 1D928 de la liste 65 ter, et la série de numéro ERN est 1D00-7874 à 1D00-

9 7885. Le document fait plusieurs centaines de pages au total. Nous avons

10 chargé différentes parties du document qui contiennent différentes

11 définitions de termes sur lesquels nous souhaitons interroger M.

12 Bezruchenko.

13 Je demanderais au greffe de bien vouloir nous montrer la page 391 de

14 ce document, c'est-à-dire la page 1D00-7885 -- ou plutôt 7883; je vous prie

15 de m'excuser. Si le greffe pouvait nous montrer le bas de la page, je vous

16 prie.

17 Q. Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous avez sous les yeux l'entrée

18 contenant une définition de ce concept de contrôle opérationnel ?

19 R. Oui.

20 Q. J'aimerais vous en donner lecture et je vous demanderais de bien

21 vouloir suivre ce que je vais vous lire car je vous poserai différentes

22 questions. Voilà quelle est la définition de ce concept :

23 "Contrôle opérationnel. Autorité de commandement qui peut être exercée par

24 des commandants à tous les échelons au niveau du commandement de combat ou

25 en dessous de ce niveau."

26 Je m'arrête là un instant. Est-il exact que dans la doctrine militaire

27 cette notion de contrôle opérationnel ne s'applique qu'au niveau de la

28 hiérarchie -- à un niveau particulier de la hiérarchie militaire ?

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1 R. Cela dépend de ce que vous entendez par là, "un niveau particulier."

2 Q. Est-il exact qu'au moins s'agissant de la définition américaine ou du

3 DOD américain, cette notion de contrôle opérationnel intervient uniquement

4 à des niveaux qui se trouvent au niveau du commandement de combat ou en

5 dessous de ce niveau; est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact, mais en réalité, on peut dire pas uniquement le

7 commandement de combat, mais toute institution impliquée dans les combats.

8 Q. Bien. Mais tenons-nous-en pour l'instant à cette définition

9 particulière, Monsieur Bezruchenko, nous verrons par la suite si nous

10 pouvons appliquer cette notion à d'autres circonstances. Mais vous serez

11 d'accord que pour ce qui est de cette définition fournie par le DOD qui

12 s'applique, si je ne m'abuse, à toutes les branches de l'armée américaine,

13 la doctrine de contrôle opérationnel ne s'applique qu'en dessous du niveau

14 de commandement de combat ou à ce niveau-là ?

15 R. Oui, c'est ce qui y est dit dans ce document.

16 Q. Est-ce qu'il s'agit là d'une notion que vous auriez dû relever et qui

17 devrait apparaître dans votre rapport ?

18 R. Je pense l'avoir fait.

19 Q. La définition continue et il y est dit la chose suivante :

20 "Le contrôle opérationnel représente l'autorité consistant à exécuter

21 les fonctions de commandement vis-à-vis de forces subordonnées, y compris

22 l'organisation et l'emploi des forces, le fait de déléguer des tâches, de

23 fixer des objectifs et de fournir des orientations faisant autorité

24 concernant la réalisation de la mission. Le contrôle opérationnel inclut le

25 fait de fournir des orientations faisant autorité sur tous les aspects des

26 opérations militaires et également s'agissant de la formation conjointe

27 nécessaire pour réaliser les missions confiées par le commandement.

28 "Le contrôle opérationnel doit s'exercer par le truchement des

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1 commandants des organisations subordonnées. Généralement cette autorité

2 s'exerce par le biais des commandants des forces conjointes subordonnées

3 ainsi que des commandants des services et/ou composantes fonctionnelles.

4 Le contrôle opérationnel comporte généralement une autorité totale

5 permettant d'organiser les commandements et les forces ainsi que régissant

6 l'emploi de ces forces, conformément aux besoins identifiés par le

7 commandant du contrôle opérationnel, et cela n'inclut pas une orientation

8 faisant autorité s'agissant de questions de logistique ou de questions,

9 d'administration, de discipline, d'organisation interne et de formation des

10 unités."

11 Avant de vous poser des questions au sujet de ces définitions,

12 Monsieur Bezruchenko, vous venez de nous dire que selon vous, vous aviez

13 dit dans votre rapport que cette doctrine ne s'appliquerait pas au niveau

14 du commandement de combat ou en dessous. Pouvez-vous nous dire où vous en

15 avez parlé exactement dans votre rapport ?

16 R. Je ne pense pas avoir fait référence de façon précise à ce

17 document-là dans mon rapport, mais en réalité, la totalité de mon rapport

18 se fonde sur la notion de contrôle opérationnel telle qu'elle est définie

19 ici dans ce document.

20 Q. Donc pour répondre à ma question, on peut dire que vous n'avez pas

21 précisément repris le fait que cette doctrine, en tout cas si on applique

22 cette définition-là, ne s'applique qu'à un certain niveau de la hiérarchie

23 militaire ?

24 R. Il s'agit là d'un fait généralement connu parmi les experts militaires.

25 Je ne pense que cela justifie que l'on fasse référence à ce document

26 précis. Il s'agit là uniquement d'une énumération de termes militaires qui

27 sont bien connus de tous.

28 Q. Monsieur Bezruchenko, on vient de nous mettre en garde pour que nous

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1 fassions une pause entre les questions et les réponses.

2 R. Oui, merci.

3 Q. Monsieur Bezruchenko, est-il exact que, comme vous venez de le dire,

4 vous ne faites à aucun moment référence à ce document précis. Je parle là

5 du document que nous avons à l'écran à présent et que, selon vous, vous

6 avez utilisé en tout cas pour ce qui est de la définition de ce qu'il faut

7 entendre par "conflit armé," vous ne faites pas référence à ce document

8 dans votre rapport ?

9 R. Si vous me demandez, Monsieur, si j'ai cité ce document en particulier

10 dans mon rapport et s'il est mentionné dans l'une quelconque des notes de

11 bas de page de mon rapport, alors je peux vous répondre, pour autant que je

12 le sache, que cela n'est pas le cas.

13 Q. Merci beaucoup, Monsieur Bezruchenko. Est-ce exact que, si l'on examine

14 cette définition particulière de ce qu'il faut entendre par contrôle

15 opérationnel, à différents moments il est fait référence à la question

16 d'opération -- d'opérationnel ainsi que de mission. Est-ce que ces termes-

17 là sont mentionnés ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que --

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

21 M. SAXON : [interprétation] Désolé de vous interrompre, mais pour faciliter

22 la tâche des interprètes, il serait peut-être utile que M. Bezruchenko

23 s'éloigne quelque peu des microphones.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Je remercie, M. Saxon, pour cette

26 intervention.

27 Q. Monsieur Bezruchenko, peut-on dire que ce concept d'opération que vous

28 utilisez à différents moments dans votre rapport, concept auquel vous

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1 faites référence, est également une notion militaire ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Et la façon dont vous avez utilisé ce concept est conforme à l'usage

4 militaire; est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 M. METTRAUX : [interprétation] Est-ce que le greffe pourrait nous montrer

7 la page précédente de ce document, la page 390 du document 1D00-7882.

8 Q. Monsieur Bezruchenko, j'aimerais vous demander d'examiner la dernière

9 entrée sur cette page. Il y a une entrée intitulée "Opération." Est-ce que

10 vous le voyez ?

11 R. Oui.

12 Q. Je vais vous donner lecture de la définition qui est fournie par le

13 département de la Défense des Etats-Unis. Voilà ce qui est dit :

14 "Opération."

15 "1. Une action militaire ou l'exécution d'une mission stratégique

16 opérationnelle, tactique, de service, de formation ou d'administration.

17 "2. Le processus d'une opération de combat, y compris le mouvement,

18 l'approvisionnement, l'attaque, la défense et les manœuvres nécessaires par

19 atteindre l'objectif d'une bataille ou d'une campagne."

20 J'imagine que vous conviendrez avec moi pour dire qu'il s'agit là d'une

21 définition relativement classique de la notion d'opération en termes

22 militaires ?

23 R. Oui.

24 Q. Et au petit 1 et au petit 2, on voit qu'il s'agit soit d'une "mission

25 militaire," soit du fait de participer à des combats au point 2; est-ce

26 exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Et une fois de plus, vos conclusions et constatations en la matière

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1 étaient fondées sur votre expérience militaire et étaient conformes à la

2 doctrine militaire; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Conviendrez-vous avec moi que des ordres fournis, par exemple, pour

5 offrir un appui feu dans le cadre d'une mission militaire, ou alors des

6 ordres visant à utiliser des troupes dans des combats montreraient ou

7 prouveraient même qu'un contrôle opérationnel s'exerce ? Etes-vous d'accord

8 ?

9 R. Oui, je suis d'accord.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que le

11 moment serait bienvenu de faire une pause.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Généralement, nous faisons une pause à

13 12 heures 30.

14 M. METTRAUX : [interprétation] C'est ma faute. J'ai confondu.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais en réalité, je crois que, dû à la

16 fatigue de tout le monde, le deuxième bloc est parfois plus court que le

17 premier.

18 M. METTRAUX : [interprétation] Je poursuis.

19 Q. Monsieur Bezruchenko, dans votre rapport vous faites référence à la

20 doctrine de contrôle opérationnel et vous l'appliquez au ministère de

21 l'Intérieur de la République de Macédoine; est-ce exact ?

22 R. Oui, c'est exact. Mais peut-être me permettrez-vous d'ajouter quelques

23 mots à ce stade.

24 C'est simplement parce que les forces du ministère de l'Intérieur ont

25 été impliquées dans la guerre en Macédoine en 2001.

26 Q. Merci beaucoup pour cette précision, Monsieur Bezruchenko.

27 J'aimerais vous poser la question suivante : avez-vous connaissance d'une

28 loi ou d'un règlement qui s'appliquerait au ministère de l'Intérieur et qui

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1 reposerait sur ce concept de contrôle

2 opérationnel ?

3 R. Ma réponse est la suivante : en réalité, l'ensemble du fonctionnement,

4 la hiérarchie ainsi que la notion de contrôle opérationnel du ministère de

5 l'Intérieur est mentionné dans la loi régissant les Affaires internes de la

6 République de la Macédoine. Et en un sens, ces caractéristiques

7 fondamentales ne diffèrent pas des caractéristiques fondamentales du

8 commandement et du contrôle décrits à la Loi relative à la Défense de la

9 République de Macédoine. Les mêmes principes apparaissent, à savoir

10 l'autorité unique, la subordination et l'unité de commandement.

11 Q. Pourrais-je vous demander de vous contenter de répondre à la question

12 précédente, Monsieur Bezruchenko. De par vos recherches, de par votre

13 examen des différents documents que vous avez examinés ou consultés pour

14 rédiger votre rapport ou que vous auriez pu autrement avoir entre les

15 mains, est-ce que vous avez rencontré une mention de la doctrine du

16 contrôle opérationnel qui se serait appliqué au ministère de l'Intérieur ?

17 R. Je ne comprends pas la nature de votre question.

18 Q. Voilà quelle est ma question : vous avez indiqué dans votre rapport et

19 dans votre déposition que cette doctrine, cette notion militaire qu'est "le

20 contrôle opérationnel," s'appliquerait, selon vous, au fonctionnement et à

21 la structure, aux mécanismes en place au sein du ministère de l'Intérieur ?

22 Ma question préliminaire pour l'instant est la suivante : est-ce que dans

23 les documents que vous avez pu examiner, ou plutôt, dans les lois et

24 règlements que vous avez pus examiner régissant le fonctionnement du

25 ministère de l'Intérieur, vous avez à un quelconque moment rencontré une

26 référence à cette doctrine ou à cette théorie. Est-ce que vous avez lu une

27 déclaration quelconque qui disait que cette doctrine s'appliquait au

28 ministère de l'Intérieur ?

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1 R. La définition du "contrôle opérationnel," fournit dans ce document

2 particulier, est une définition militaire, il s'agit également d'une

3 définition académique. Mais pour répondre à votre question de façon plus

4 précise, à savoir est-ce que j'ai pu lire un document qui aurait évoqué le

5 contrôle opérationnel et le fait qu'il s'appliquait au ministère de

6 l'Intérieur, je dirais que oui, il y a au moins un ensemble de règles qui

7 décrit le fonctionnement du ministère de l'Intérieur.

8 Q. Je vous remercie. Cela m'amène directement à la question que je

9 souhaitais vous poser ensuite.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit là de la pièce P96 que j'aimerais

11 que l'on montre au témoin. Et ce règlement correspond au numéro R042-4624-

12 ET-01, il s'agit là de l'anglais, et pour la version macédonienne, il

13 s'agit de la cote R042-4623-01.

14 Monsieur Bezruchenko, s'agit-il du document auquel vous venez de

15 faire référence ?

16 R. Est-ce que vous pourriez me montrer la page suivante, je vous prie.

17 Q. En anglais ou en macédonien ?

18 R. Peu importe.

19 M. METTRAUX : [interprétation] Est-ce que le greffe pourrait montrer cette

20 page.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, c'est bien ce document-là.

22 M. METTRAUX : [interprétation] Pourrais-je demander au greffe de nous

23 montrer l'article 154 de ce Règlement. Il s'agit là de la page R042-4643-

24 80-02 en anglais. Alors, je répète R042-4643-ET-02 et en macédonien ce

25 serait R042-4643-22.

26 Est-ce que vous avez l'article 154 sous les yeux ?

27 R. Oui.

28 Q. Pourrais-je vous demander d'examiner le troisième paragraphe en

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1 retrait, précédé d'un tiret qui dit : "Engagement préventif direct des

2 représentants autorisés --" Est-ce que vous le voyez ?

3 R. Oui.

4 Q. Si vous prenez la suite de cette disposition, vous verrez dans la

5 version anglaise qu'il y est fait référence "au contrôle opérationnel vis-

6 à-vis des zones dangereuses." Est-ce exact ?

7 R. Oui.

8 Q. J'aimerais vous demander de nous aider avec la version en macédonien

9 qui apparaît dans la partie droite de l'écran, et d'examiner ce même

10 article. Est-ce que vous pouvez apercevoir le même passage que je viens de

11 vous lire ?

12 R. Est-ce que vous pourriez me le lire, je vous prie.

13 Q. Oui, en tout cas en anglais. Ça commence par les termes : "Engagement

14 préventif direct de la part des représentants autorisés grâce à des mesures

15 appropriées permettant d'éviter matériellement une attaque…"

16 Ensuite, il est fait référence au "contrôle opérationnel sur des zones

17 dangereuses." Est-ce que vous le voyez ?

18 R. Oui, je le vois.

19 Q. Puis-je vous demander, Monsieur Bezruchenko, d'examiner le même passage

20 dans la version en macédonien.

21 R. Est-ce qu'on pourrait peut-être agrandir quelque peu.

22 M. METTRAUX : [interprétation] On vous demande de faire beaucoup de choses

23 à la fois.

24 Peut-être devrais-je remettre la copie papier à M. Bezruchenko.

25 Q. Pourriez-vous examiner toujours l'article 154. La deuxième partie en

26 retrait.

27 R. Oui, je vois.

28 Q. Est-ce qu'il est exact que dans l'original en macédonien on fait

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1 référence non pas au contrôle opérationnel mais "operativna kontrol," donc

2 des opérations ?

3 R. En réalité, sur le plan sémantique, je ne vois pas vraiment de

4 différence.

5 Q. Alors, puis-je vous demander la question suivante : avez-vous

6 connaissance d'un règlement interne quelconque ou d'instructions du

7 ministère de l'Intérieur qui contiennent une définition du concept de

8 contrôle opérationnel -- je commencerais par cette notion-là. Est-ce que

9 vous avez connaissance de documents analogues à celui du département de la

10 Défense américain [comme interprété] qui contiendraient une définition du

11 contrôle opérationnel ?

12 R. Est-ce que vous faites référence plus précisément au ministère de

13 l'Intérieur macédonien ?

14 R. Je vous prie de m'excuser. Le ministère de l'Intérieur, de façon

15 générale.

16 R. Contrôle opérationnel s'agissant du ministère de l'Intérieur, non, je

17 ne pense pas.

18 Q. Avez-vous connaissance d'instructions internes ou de règlements

19 internes qui s'appliquaient au ministère de l'Intérieur et qui faisaient

20 référence au contrôle des opérations, "operative control" ?

21 R. Il y en a plusieurs et, notamment celui que j'ai entre les mains

22 maintenant.

23 Q. Et vous conviendrez que les définitions utilisées par le ministère de

24 l'Intérieur font toutes référence à ce concept de contrôle des opérations

25 telles que citées à partir de cet original, et vous me corrigerez si je me

26 trompe, mais c'est "operativna kontrol".

27 R. Pour ma part, je ne vois pas de différence majeure entre "operativna,"

28 en macédonien et "operational" en anglais. Ces deux notions sont exprimées

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1 dans deux langues différentes, mais visent la même idée, c'est-à-dire le

2 contrôle de l'exécution d'une mission particulière. C'est très simple.

3 Q. Ce que vous venez de nous dire, s'agit-il là d'un point de vue

4 personnel qui vous est propre ou alors s'agit-il d'une observation que vous

5 avez faite sur la base de la lecture de règlement ou document du ministère

6 de l'Intérieur dont vous auriez pu avoir connaissance ?

7 R. Les deux.

8 Q. Lorsque vous avez fait cette distinction, lorsque vous avez fait

9 référence à cette définition de concept opérationnel ou des opérations, à

10 quel document songiez-vous exactement ?

11 R. Par exemple, le document que j'ai entre les mains maintenant.

12 Q. Et vous conviendrez que tous ces documents utilisent ce terme de

13 "operativni," "operative" en anglais, des "opérations" ?

14 R. Pas forcément.

15 Q. Est-ce que vous avez connaissance d'un document qui ferait référence,

16 désolé pour mon accent, mais on parle également de -- ou plutôt est-ce que

17 vous avez connaissance de documents qui feraient référence à

18 "operacijonalni kontrol" ?

19 R. Désolé, Monsieur, mais il s'agit là uniquement d'une querelle

20 sémantique.

21 Q. Peut-être, pourrais-je passer à autre chose pour tenter d'éclaircir

22 cette question. Est-ce qu'il est exact que vous n'avez pas connaissance de

23 règlements ou d'instructions internes du ministère de l'Intérieur où cette

24 notion de contrôle opérationnel est définie de façon précise ?

25 R. Si vous faites référence à ce qu'on dirait en langue macédonienne

26 "operacijonalni kontrol" alors non.

27 Q. Merci.

28 M. METTRAUX : [interprétation] Veuillez m'excusez, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que ce serait un bon moment

2 pour faire la pause. Nous allons faire une pause à présent et reprendre à

3 13 heures.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

5 --- L'audience est reprise à 13 heures 04.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Mettraux, veuillez

7 poursuivre.

8 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Est-il exact de dire que dans plusieurs documents que vous avez

10 examinés - je pense certains d'entre eux ont déjà été versés au dossier de

11 l'instance - il est fait référence à un organe, à une entité mentionnée

12 dans ces documents comme étant le centre de contrôle des opérations, et je

13 pense même que dans un document on dit "centre de contrôle opérationnel de

14 la MOI."

15 R. Je crois qu'il y a un problème de traduction.

16 M. METTRAUX : [interprétation] Est-ce qu'on peut aider le témoin.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'un coup, je reçois le macédonien. Il

18 faudrait éteindre ça, je pense.

19 M. METTRAUX : [interprétation]

20 Q. Le canal anglais, c'est le canal 4, je pense.

21 R. C'est bon, maintenant.

22 Q. Je vais reposer ma question.

23 Dans plusieurs documents que vous avez examinés, je pense, certains ayant

24 été versés au dossier, il est fait référence à un lieu ou à une instance

25 appelée le centre de contrôle des opérations. Et je pense que dans ce

26 document on parle même d'un centre de contrôle opérationnel. Etes-vous au

27 courant de l'existence de ces documents ?

28 R. Est-ce que vous parlez de documents militaires ou documents de la

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1 police ?

2 Q. Excusez-moi, j'aurais dû le dire la deuxième fois que j'ai posé la

3 question. Je parle ici du ministère de l'Intérieur.

4 R. Centre de contrôle opérationnel. Il y avait un QG qui avait été établi

5 au ministère de l'Intérieur. Oui, pour l'opération Ramno.

6 Q. Et ce QG en macédonien, ça s'appelle "DOC"; c'est ça, quand on parle du

7 centre de contrôle opérationnel ?

8 R. Je ne sais pas si ceci c'est le DOC.

9 Q. Est-ce que vous connaissez l'expression "Dezurni Operativni Centar" ?

10 R. Oui.

11 Q. Normalement, c'est le centre de contrôle des opérations ou

12 opérationnel, n'est-ce pas ?

13 R. Pas nécessairement. Je pense qu'il faut préciser cette expression. Est-

14 ce que c'est "Dezurni Operativna Centra" c'est-à-dire que c'est "l'officier

15 de permanence ou de service au centre opérationnel," ou encore "centre

16 opérationnel de permanence." Il y a une différence.

17 Q. Oui, mais au fond, est-ce que la responsabilité de cet organisme ce

18 n'est pas de centraliser les questions importantes, des informations

19 pertinentes pour le travail de la police et, parfois au pénal, de

20 transmettre ces informations au juge d'instruction et au parquet ?

21 R. Je serais enclin à penser que cet organe remplissait plusieurs

22 fonctions. Une de ces fonctions c'est que c'est le centre névralgique qui

23 collecte toutes les informations relatives à la situation opérationnelle en

24 Macédoine, donc la situation militaire sur les fronts, mais aussi, peut-

25 être, les opérations portant sur des activités criminelles. Quelles sont

26 les autres fonctions qu'un tel centre pourrait avoir, et si vous le voulez

27 je peux étoffer mon propos. Il peut y avoir parmi ces fonctions, une

28 fonction de contrôle, de l'exécution même de ces opérations.

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1 Q. Je vais vous poser, si c'est le cas, deux questions. Cet organe, est-ce

2 qu'il n'existait avant la crise de 2001; est-ce que vous savez cela, est-ce

3 que vous connaissez ce fait ?

4 R. Quand on dit "dezurni," ça c'est l'officier de permanence au centre

5 opérationnel. Sans doute existe-t-il en tant qu'instance. Mais ici - donc

6 on parle à ce moment-là simplement d'un officier, pas d'un organe.

7 Q. Mais votre réponse, vous dites que : "Ça peut inclure aussi une

8 fonction de contrôle pour l'exécution même de ces opérations sur le

9 terrain." Est-ce que c'est une croyance que vous exprimez là, une opinion

10 ou ce sont des connaissances que vous avez glanées grâce à un examen

11 concret de documents en vue de la préparation de votre rapport, documents

12 indiquant que dans certains cas le centre de contrôle de service ou de

13 permanence devrait être la meilleure appellation. C'est bien ce qui a été

14 fait ?

15 R. Moi, je parle du centre ou du QG chargé de l'opération Ramno.

16 Q. Et ce que vous appelez le QG de l'opération Ramno, est-ce que vous

17 pensez que ce centre avait pour fonction la fonction de contrôle de

18 l'exécution concrète des opérations sur le terrain. C'est bien ce que vous

19 dites ou n'est-ce qu'une opinion ?

20 R. Je suis certain que ce QG avait un rôle précis pour la planification et

21 l'exécution des opérations sur le terrain, mais je ne pense pas que ça

22 valait uniquement pour l'opération ou le centre opérationnel Ramno.

23 Q. Vous dites que ce centre que vous appelez opérationnel Ramno a joué son

24 rôle pour la planification et l'exécution d'opérations sur le terrain. Est-

25 ce que vous pourriez être plus précis et nous dire ce qui vous permet

26 d'arriver à cette conclusion ?

27 R. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j'ai rencontré de

28 nombreux documents intitulés "Opération Ramno." La plupart de ces documents

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1 sont des rapports émanant de plusieurs instances de la police, plusieurs

2 unités de la police sur le terrain envoyées au centre opérationnel Ramno.

3 Il est assez manifeste ici, en l'occurrence, qu'on envoyait ces rapports au

4 centre opérationnel Ramno et que c'était ce dernier qui avait la

5 responsabilité de la collecte de l'analyse de ces rapports et de préparer

6 des propositions pour une réponse opérationnelle.

7 Q. Est-ce que vous avez vu des documents laissant entendre -- des

8 documents qui suggéreraient des mesures de réponse opérationnelle

9 éventuelle ou est-ce que vous n'avez vu dans ces documents que des

10 informations qui arrivaient au QG ? L'ordre signé par le centre

11 opérationnel Ramno, comme vous l'appelez, est-ce que vous avez vu des

12 ordres signés par ce centre ?

13 R. Je ne dis pas que ce centre opérationnel Ramno donnait des ordres, je

14 disais qu'il jouait un certain rôle dans la planification et l'exécution de

15 ces opérations.

16 Q. Est-ce que vous auriez vu un plan, une carte de l'opération qui aurait

17 été préparée par le QG Ramno ?

18 R. Non, je n'ai pas vu de cartes.

19 Q. Vous dites que vous avez vu une possibilité, vous avez dit qu'il était

20 possible qu'on suggère éventuellement des mesures de réponse opérationnelle

21 - c'était à la ligne 3 - d'après vous, comment ces suggestions étaient-

22 elles formulées ?

23 R. Ça aurait pu être des suggestions, des propositions orales faites

24 oralement à des réunions d'informations, à des briefings ou des réunions au

25 ministère de l'Intérieur.

26 Q. Est-ce que vous en avez entendu parler ou est-ce que vous étiez présent

27 ? Est-ce que vous a relaté des cas précis d'ordres donnés oralement et qui

28 les aurait donnés, si c'est le cas ?

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1 R. C'est une procédure courante dans ce genre de situation au ministère

2 lorsqu'il y a guerre dans le pays. Je ne pense pas que la situation

3 nécessitait davantage de documents écrits sur la situation.

4 Q. Donc vous répondez à ma question en disant que vous n'avez vu aucune

5 preuve de l'existence d'ordre donné oralement, mais que c'est quelque chose

6 que vous croyez en raison de votre expérience ?

7 R. Exact. Je n'ai pas vu d'ordres qui seraient venus précisément du centre

8 opérationnel Ramno, mais j'ai vu beaucoup de rapports qui arrivaient à ce

9 centre.

10 Q. Excusez-moi, est-ce que je vous ai interrompu dans votre réponse.

11 R. Non, ça va.

12 Q. Est-il exact de dire qu'alors que vous prépariez votre rapport révisé

13 et en vue de votre déposition ici, vous avez compris que ce concept, cette

14 doctrine du contrôle opérationnel risquait d'être en conflit avec un autre

15 volet de la cause défendue par l'Accusation ou de ce qu'était devenue la

16 cause de l'Accusation ?

17 R. Non, pas du tout. Je ne vois pas trop ce que vous voulez dire.

18 Q. Bien, je vais vous demander ceci : pendant l'interrogatoire principal,

19 rappelez-vous, plusieurs questions vous ont été posées sur des questions de

20 discipline, de mesures disciplinaires ? Je pense à la première partie de

21 votre interrogatoire principal qui s'est faite le 4 octobre.

22 Je repose la question. Vous souvenez-vous, est-ce que vous avez le souvenir

23 de plusieurs questions qui vous ont été posées à propos de compétences en

24 matière de discipline et de sanctions, ceci le 4 octobre, vous en souvenez-

25 vous ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous souvenez-vous avoir répondu ceci notamment,

28 4 octobre 2007, page 6 070, voici ce que vous avez répondu :

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1 "Normalement, le contrôle opérationnel n'inclut pas les questions de

2 discipline ou de la logistique."

3 Vous souvenez-vous avoir tenu ces propos ?

4 R. Oui.

5 Q. Etes-vous d'accord pour dire qu'en fait, c'est une façon correcte

6 d'interpréter la doctrine militaire telle qu'elle est définie par le

7 département de la défense américain [comme interprété] ?

8 R. Oui.

9 Q. Et en vertu de cette doctrine et si on applique les normes qui sont

10 notamment celles du ministère de la Défense américain, un officier

11 militaire ou un supérieur qui a un contrôle opérationnel n'a pas

12 nécessairement de pouvoirs ni de responsabilités disciplinaires ou

13 logistiques à l'égard de ce groupe ?

14 R. Non, je pense que vous vous trompez. Je pense que nous avons une

15 interprétation radicalement différente de la notion de contrôle

16 opérationnel.

17 Ne mélangeons pas deux choses. Il y a le contrôle opérationnel. Il

18 est opérationnel parce qu'il concerne des opérations. Le contrôle

19 disciplinaire, c'est autre chose. Ça concerne la discipline.

20 Q. Je vais vous relire un passage de la définition donnée par le ministère

21 de la Défense américain. Je vais vous lire l'extrait pertinent. Voici ce

22 qu'il dit :

23 "Le contrôle opérationnel, en soit, n'inclut pas des instructions faisant

24 autorité en question de logistique ou d'administration ou de discipline,

25 d'organisation interne ou en matière de formation d'unités."

26 D'après cette définition, est-ce que le contrôle opérationnel est bien un

27 contrôle qui n'inclut pas la discipline ou les questions de discipline ?

28 Vous êtes d'accord avec moi ?

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1 R. Oui, tel que cela est défini dans ce document, c'est exact. Mais ce

2 n'est qu'une partie de la réponse à votre question, car la réponse

3 intégrale est comme suit : il y a une personne, un commandant sur le

4 terrain qui combine les deux, à savoir le contrôle opérationnel et le

5 contrôle disciplinaire. Donc ces deux types de contrôle sont différents.

6 Q. Monsieur Bezruchenko, est-il exact que ce que venez de dire n'est pas

7 conforme à la définition du département de la Défense américain dont je

8 viens de vous donner lecture ?

9 R. Non, non, cela n'est pas conforme à cette définition, en effet.

10 Q. Mais est-il exact, Monsieur Bezruchenko, que cette nouvelle déclaration

11 que vous avez faite à propos de cette combinaison de contrôle opérationnel

12 et contrôle disciplinaire n'est pas une notion que nous trouvons dans votre

13 rapport; est-ce exact ?

14 R. Vous savez, c'est quelque chose de tout à fait évident et manifeste, au

15 moins pour un expert militaire, Maître Mettraux. Et je ne pense pas qu'il

16 s'agisse de quelque chose à propos duquel une personne peut avoir deux

17 opinions.

18 Si un commandant militaire sur le terrain a la responsabilité

19 complète pour ses soldats, pour ses troupes, il doit avoir à la fois le

20 contrôle opérationnel et le contrôle disciplinaire. En d'autres termes, si

21 je suis le commandant d'une unité et si un homme de mon unité a enfreint et

22 a commis une faute de discipline, je suis justement la première personne de

23 la voie hiérarchique et de la chaîne de commandement à qui cela doit être

24 présenté qui doit prendre des mesures.

25 Q. Donc vous êtes en train de suggérer que la définition qui est donnée

26 dans le glossaire du département de la Défense américain n'est pas exacte

27 pour ce qui est de la doctrine militaire, puisqu'il s'agit d'exclure la

28 discipline du domaine du contrôle opérationnel ?

Page 6580

1 R. Non, il n'y a absolument rien d'erroné. Je le répète, Maître Mettraux.

2 Il y a peut-être un malentendu en quelque sorte. Il faut faire une

3 différence entre le contrôle opérationnel et le contrôle disciplinaire; le

4 contrôle disciplinaire qui vise la discipline. Et ce sont deux types de

5 contrôle qui sont tout à fait légitimes et qui doivent être combinés en un

6 seul et même commandant, en quelque sorte.

7 Q. N'est-il pas exact pour la première fois dans votre interrogatoire

8 principal le 4 octobre 2007, à la page 6 070, vous avez dit - et ce sont

9 des mots en fait qui font référence au pouvoir disciplinaire - vous avez

10 dit :

11 "Le pouvoir disciplinaire devrait être octroyé au supérieur par rapport au

12 commandant, à la personne en fait qui aurait le contrôle opérationnel de

13 ses troupes sur le terrain."

14 C'est ce que vous avez dit ?

15 R. Oui.

16 Q. Cette remarque ne se trouve nulle part dans votre rapport ?

17 R. Une fois de plus, je ne vois pas où est le problème, parce que ce que

18 j'ai dit c'est qu'il y a infraction, s'il y a infraction disciplinaire, la

19 personne qui est le plus élevé dans la chaîne de commandement est la

20 personne qui est censée s'occuper de ce problème de discipline.

21 Q. Je comprends, Monsieur Bezruchenko. Je comprends que c'est ce que vous

22 avancez ici. Mais ma question est comme suit : est-ce que vous avez

23 mentionné cette opinion qui est la vôtre ou ce point de vue qui est le

24 vôtre dans votre rapport ?

25 R. Ecoutez, c'est quelque chose de très, très clair, de très manifeste,

26 Maître Mettraux, et je ne pense pas véritablement que ce genre de détails

27 doive figurer dans mon rapport, parce que là nous sommes en train de couper

28 les choses en quatre.

Page 6581

1 Q. Si je comprends votre déposition, cette déclaration dont je viens de

2 vous donne lecture ne se fonde pas sur la doctrine du contrôle

3 opérationnel; est-ce exact ?

4 R. A quelle déclaration faites-vous référence ?

5 Q. Je vais vous en donner lecture à nouveau. Il s'agit du

6 4 octobre 2007, page 6 070, et voilà ce qui est indiqué. Vous dites :

7 "Ces pouvoirs" - et vous faites référence aux contrôles disciplinaires -

8 "est octroyé au supérieur suivant dans la ligne hiérarchique par rapport au

9 commandant, le supérieur qui aurait le contrôle opérationnel de ses soldats

10 sur le terrain."

11 R. Permettez-moi de préciser quelque chose à votre intention, Maître

12 Metttraux. Lorsque vous parlez de pouvoirs disciplinaires, vous parlez de

13 pouvoirs disciplinaires par rapport à quoi ?

14 Q. Ecoutez, je vous pose une question à propos d'une réponse que vous avez

15 apportée à une question qui vous avait été posée par

16 M. Saxon à l'époque. Alors, peut-être que je pourrais, pour vous aider,

17 poser ou vous lire la question qui vous avait été posée à l'époque. C'est

18 la même page d'ailleurs. Voilà ce qui est indiqué. Je cite :

19 "Comment est-ce que ce paragraphe" - il s'agit du paragraphe 415 de votre

20 déclaration - ou plutôt, en fait, j'aimerais plutôt que vous définissiez un

21 terme. Il s'agit du terme ou des termes suivants, 'contrôle opérationnel'."

22 Voilà ce que vous avez répondu :

23 "Conformément au concept de contrôle opérationnel, un commandant qui est

24 responsable pour l'exécution d'une mission doit exercer son autorité pour

25 organiser, déployer et diriger ses forces au sens opérationnel du terme. En

26 d'autres termes, il doit s'assurer que sa mission s'est terminée et

27 achevée."

28 Puis, vous avez ajouté :

Page 6582

1 "Normalement, le contrôle opérationnel n'englobe pas des questions telles

2 que la discipline, logistique, et la logistique."

3 M. Saxon, ensuite, vous a posé la question suivante :

4 "Et lorsque vous dites que 'normalement le contrôle opérationnel

5 n'englobait des notions telles que la discipline, la logistique et la

6 logistique.' Par exemple, pour ce qui est de la logistique, si ce n'est pas

7 le commandant, qui doit exercer le contrôle opérationnel pour ce qui est de

8 la discipline ?"

9 Voilà ce que vous avez répondu à ce moment-là :

10 "Ces pouvoirs seront octroyés au supérieur suivant dans la ligne de

11 commandement par rapport au commandant, au supérieur donc du commandant qui

12 a le pouvoir, le contrôle opérationnel de ses soldats sur le terrain."

13 Vous vous souvenez de cette conversation ?

14 R. Oui.

15 Q. En réponse à ma question, est-ce que vous avez précisé cela lorsque

16 vous avez apporté cette réponse à M. Saxon ?

17 R. Bien, comme nous le voyons dans le cadre de notre dialogue, j'ai fourni

18 une description du contrôle opérationnel. Et pour ce qui est de la deuxième

19 partie du dialogue en question, il était question du contrôle et du pouvoir

20 disciplinaire. En fait, ce contrôle disciplinaire incombe à la même

21 personne qui exerce le contrôle opérationnel sur son unité, mais si l'on se

22 rend compte qu'un commandant d'une unité particulière a commis une

23 infraction disciplinaire, il appartient à la personne qui est son supérieur

24 dans la chaîne de commandement de se charger du problème. C'est aussi

25 simple que cela.

26 Q. J'ai deux questions en guise de suivi : premièrement, vous dites que

27 vous avez apporté cette précision dans votre rapport. Est-ce que vous vous

28 souvenez exactement où est-ce que cela se trouve ?

Page 6583

1 R. Excusez-moi, Maître, mais j'aimerais quand même savoir à quoi vous

2 faites référence ?

3 Q. Je fais référence à votre suggestion suivant laquelle les pouvoirs

4 disciplinaires seraient octroyés au supérieur du commandant qui a le

5 contrôle opérationnel de ses troupes sur le terrain.

6 R. C'est une réponse, ou plutôt, mon rapport se fonde sur des documents.

7 Donc j'aimerais que vous m'indiquiez à quel document précis vous faites

8 référence.

9 Q. Là j'ai l'impression que nous ne nous comprenons pas, Monsieur

10 Bezruchenko. Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.

11 Je crois comprendre que ce que vous dites maintenant, à savoir le pouvoir

12 disciplinaire est octroyé au supérieur du commandant qui a le contrôle

13 opérationnel de ses soldats sur le terrain, vous m'avez dit que cela se

14 trouvait dans votre rapport, et c'est ma première question : j'aimerais que

15 vous m'indiquiez où est-ce que cela se trouve dans votre rapport et à quel

16 chapitre ?

17 R. Premièrement, Maître Mettraux, je ne comprends pas très bien ce que

18 vous entendez par "les pouvoirs opérationnels" par rapport à la discipline.

19 Parce qu'en ce qui me concerne, je ne pense pas qu'il y ait des pouvoirs

20 opérationnels par rapport à la discipline. Il y a un pouvoir opérationnel,

21 puis il y a un pouvoir disciplinaire.

22 Pour ce qui est de la question bien précise que vous m'avez posée, en

23 matière de contrôle disciplinaire, dans mon rapport cela fait partie du

24 chapitre qui porte sur Droit des Affaires intérieures.

25 Q. Donc vous êtes en train de nous dire - et j'ai utilisé

26 l'expression "pouvoirs," parce que c'est justement une expression que vous

27 avez utilisée lors de l'interrogatoire principal - et vous nous dites à ce

28 sujet que ce sont des pouvoirs disciplinaires qui reviennent au supérieur

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1 du commandant, supérieur qui aurait eu le contrôle opérationnel de ses

2 soldats sur le terrain. C'est ce que vous dites, n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact. Ce qui est exact c'est que dans mon rapport il y a

4 un chapitre relatif aux pouvoirs disciplinaires du responsable du ministère

5 de l'Intérieur, tel que cela est stipulé par le Droit interne.

6 Q. Tout simplement, Monsieur Bezruchenko - et je ne voudrais surtout pas

7 que le débat perde de sa transparence - mais cette déclaration que je vous

8 ai lue à maintes reprises est une déclaration que vous vous souvenez avoir

9 écrite dans votre rapport ?

10 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, Maître. A quelle

11 déclaration faites-vous référence ?

12 Q. Je m'excuse de ne pas être assez suffisamment clair. Votre déclaration

13 qui se trouve à la page 6 070 et qui indique que les pouvoirs

14 disciplinaires, c'est le terme que vous avez choisi et retenu, devraient

15 être octroyés au supérieur direct du commandant qui aurait le contrôle

16 opérationnel de ses troupes sur le terrain. Est-ce qu'il s'agit d'un avis

17 que l'on trouve dans votre rapport ?

18 R. Si vous faites référence expressis verbis [phon] à ces termes, je ne

19 pense pas que vous les retrouverez dans mon rapport.

20 Q. Et pour préciser la situation aux fins du compte rendu d'audience et

21 pour nous assurer de bien nous comprendre, Monsieur Bezruchenko, j'aimerais

22 que nous parlions maintenant de la portée en quelque sorte, de la notion de

23 contrôle opérationnel. Est-ce que vous êtes en train de nous dire

24 maintenant que cette notion de contrôle opérationnel englobe le concept des

25 pouvoirs disciplinaires ?

26 R. Non, Maître. Comme je l'ai déjà dit, mais je vais le répéter une fois

27 de plus, vous avez le contrôle opérationnel et vous avez les pouvoirs

28 disciplinaires, et on ne peut absolument pas mélanger l'une et l'autre

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1 notion.

2 Q. Lorsque le département d'Etat à la Défense américain stipule que le

3 contrôle opérationnel n'inclut pas en soi des pouvoirs disciplinaires ou

4 des questions de discipline, est-ce que vous êtes en train de me dire que

5 vous n'êtes pas d'accord avec cette proposition ?

6 R. Cette proposition, telle qu'elle est formulée dans le document du

7 département d'Etat est tout à fait exacte.

8 Q. Et je pense qu'un peu plus tard pendant votre déposition, vous avez

9 dit, toujours à M. Saxon - et corrigez-moi si je ne résume pas de la

10 meilleure façon ce que vous avez dit - que dans une structure militaire

11 classique, les supérieurs avaient des pouvoirs disciplinaires sur leurs

12 subordonnés. Est-ce que vous souvenez avoir dit cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Pour que tout soit bien clair, est-ce que vous n'avez jamais parlé de

15 la question des pouvoirs disciplinaires dans le contexte du ministère de la

16 Défense ou de l'armée dans votre rapport, j'entends ?

17 R. Non, je ne le pense pas.

18 Q. Est-il exact que vous n'avez pas évoqué la question des pouvoirs

19 disciplinaires ou des compétences en matière de discipline qu'aurait

20 éventuellement eus le commandant en chef de l'armée; est-ce exact ?

21 R. Dans mon rapport, j'ai décrit, entre autres, la législation relative à

22 l'organisation de la défense du pays, y compris la Loi relative à la

23 défense, et je crois avoir décrit de façon brève, certes, cette loi et la

24 façon dont elle doit être appliquée. Mais je ne pense pas avoir évoqué la

25 question des pouvoirs disciplinaires au sein de l'armée, qui ne me semble

26 pas susciter de controverse particulières et ne mérite donc pas d'être

27 évoquée dans le détail.

28 Q. Mais vous faites référence dans votre rapport à la question des

Page 6586

1 pouvoirs disciplinaires au ministère de l'Intérieur; est-ce

2 exact ?

3 R. Oui, parce que la loi traite de cette question.

4 Q. Il en va de même pour la loi relative à l'armée, n'est-ce pas ?

5 R. Je ne suis pas entièrement sûr de l'article qui porte là-dessus, mais

6 une armée est une armée. Les questions disciplinaires au sein d'une armée

7 vont de soi, sont évidentes.

8 Q. J'aimerais revenir à votre rapport quelques instants, Monsieur

9 Bezruchenko. Est-il exact que dans votre rapport, vous suggérez que M.

10 Boskoski - et je crois vous avoir lu ce passage - exerçait un contrôle

11 opérationnel vis-à-vis des forces de police; est-ce exact ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Est-il exact que dans votre rapport vous indiquez également que le

14 ministre Boskoski avait un certain nombre de responsabilités en matière de

15 discipline vis-à-vis de ces forces; est-ce exact ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Je reviendrai dans un instant à la question des compétences et pouvoirs

18 disciplinaires tels que vous les décrivez.

19 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que l'on montre le rapport au

20 témoin. Il s'agit là de la pièce P466, je crois. J'aimerais que nous

21 puissions examiner la page 107.

22 Q. D'ailleurs, votre document doit déjà être ouvert à cette page-là. Il

23 s'agit là du chapitre 3.3.3.1 traitant du contrôle opérationnel.

24 R. Oui.

25 Q. J'aimerais vous demander d'examiner à nouveau le même paragraphe,

26 c'est-à-dire le paragraphe 371. Ce paragraphe de votre rapport vous amène à

27 suggérer le fait que le ministre Boskoski exerçait un contrôle opérationnel

28 sur les forces de police, et vous ajoutez que ce contrôle opérationnel

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1 s'est exprimé dans des ordres de déploiement de forces de police dans

2 différentes zones de crise; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-il vrai que pour que votre conclusion en la matière soit exacte,

5 alors il faudrait qu'au préalable une telle conclusion soit acceptable dans

6 le cadre de l'application de cette doctrine du contrôle opérationnel. Il

7 faudrait donc au préalable que cette notion puisse s'appliquer à une

8 structure militaire et civile; est-ce

9 exact ?

10 R. Je ne comprends pas très bien votre question.

11 Q. Je vais essayer de reformuler. Vous conviendrez avec moi que la

12 doctrine de contrôle opérationnel est une doctrine militaire ?

13 R. Comme cela ressort du document sur lequel je me suis fondé, oui, il

14 s'agit là essentiellement d'une notion militaire.

15 Q. Et vous reconnaîtrez, Monsieur Bezruchenko, que pour que cette notion

16 s'applique au ministère de l'Intérieur de la République de Macédoine en

17 l'occurrence, il faudrait que les Juges de la Chambre commencent par

18 accepter qu'une telle doctrine militaire pourrait également s'appliquer à

19 un contexte civil, n'est-ce pas ?

20 R. Peut-être que cela serait de nature à susciter une controverse, peut-

21 être pas. Si je reviens au document que vous m'avez montré précédemment,

22 Maître Mettraux, même en anglais, on parle clairement du contrôle

23 opérationnel. Par conséquent, essentiellement, nous revenons à la case du

24 départ.

25 Q. Je vous demanderais de vous contenter de répondre à ma question,

26 Monsieur Bezruchenko. Reconnaissez-vous que pour pouvoir accepter vos

27 conclusions et constatations sur ce point, à savoir le contrôle

28 opérationnel, il faudrait au préalable accepter l'idée qu'une telle notion

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1 militaire pourrait également s'appliquer à une structure civile telle que

2 celle du ministère de l'Intérieur de la République de Macédoine; est-ce

3 exact ?

4 R. Voilà comment je vous répondrai, Maître Mettraux : les forces du

5 ministère de l'Intérieur étaient une composante des forces de sécurité de

6 la République de Macédoine et elles ont été déployées lors d'opérations de

7 combat sur le terrain. Par conséquent, le concept de contrôle opérationnel

8 tel qu'il est défini en termes militaires s'appliquerait également aux

9 unités du ministère de l'Intérieur.

10 Q. Par conséquent, si j'ai bien compris votre réponse, Monsieur

11 Bezruchenko, vous êtes en train de suggérer qu'effectivement cette doctrine

12 militaire de contrôle opérationnel s'applique ou peut s'appliquer à une

13 structure civile et, qu'à votre avis, elle s'applique bien à la situation

14 du ministère de l'Intérieur de la République de Macédoine. Est-ce que j'ai

15 résumé vos propos ?

16 R. Je faisais référence plus particulièrement aux forces, ou plutôt, aux

17 unités de police spéciale du ministère de l'Intérieur. Je ne sais pas dans

18 quelle mesure on pourrait les décrire comme des structures civiles.

19 Q. Par conséquent, est-ce que vous nuancez quelque peu votre déposition et

20 est-ce que vous nous affirmez que seules ces unités-là, par exemple, les

21 unités de police spéciale, qui ont participé à cet "usage de la force," je

22 ne sais pas ce que vous vouliez dire exactement, mais est-ce que ces

23 forces-là uniquement seraient concernées par l'application de cette notion,

24 ou alors est-ce que la portée de cette notion serait plus vaste ?

25 R. Je vous demanderais de reprendre l'ouvrage qui a été écrit par

26 plusieurs experts militaires de premier plan sur "La guerre en Macédoine."

27 On décrit clairement le fait que les forces de sécurité macédoniennes

28 étaient composées de deux entités : le ministère de l'Intérieur en tant que

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1 tel, en tant qu'institution, d'une part et d'autre part, les forces armées

2 de la République de Macédoine. Par conséquent, d'après ces experts-là et

3 j'aurais tendance à les rejoindre, la notion de contrôle opérationnel, au

4 sens militaire, s'appliquerait également à la totalité des forces de

5 sécurité de Macédoine, comme on pourrait les appeler - je vous prie de

6 m'excuser, Monsieur, si je puis poursuivre - qui seraient composées des

7 forces du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Intérieur, à

8 proprement parler et d'autre part, de l'armée de la République de

9 Macédoine.

10 Q. Merci beaucoup pour ces précisions, Monsieur Bezruchenko. J'aimerais,

11 par conséquent, vous poser la question suivante : à votre connaissance, y

12 a-t-il des précédents ou des sources dans votre domaine ou dans d'autres

13 qui indiqueraient que cette doctrine militaire pourrait éventuellement

14 s'appliquer à un organe civil ou une institution civile ? Est-ce que vous

15 avez connaissance de telle source éventuelle ou de tel précédent à la

16 matière ?

17 R. Vous pouvez revenir à la Loi sur la défense de la République de la

18 Macédoine qui parle clairement de l'implication éventuelle du ministère de

19 l'Intérieur dans des opérations militaires.

20 Q. Mais vous reconnaîtrez, Monsieur Bezruchenko, que cette Loi relative à

21 la Défense ne parle pas de contrôle opérationnel en tant que rattaché au

22 ministère de l'Intérieur ou à ses forces. Vous en conviendrez ?

23 R. Oui.

24 Q. Peut-on dire également que pour que les Juges de la Chambre acceptent

25 votre conclusion sur ce point, ils devraient également reconnaître que M.

26 Boskoski exerçait un tel contrôle opérationnel ? Peut-on dire cela ?

27 R. Je ne comprends pas votre question.

28 Q. Convenez-vous avec moi que votre rapport, pour reformuler les choses,

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1 votre rapport semble inviter les Juges de la Chambre à accepter deux choses

2 : premièrement, non seulement la théorie du contrôle opérationnel

3 s'appliquait au ministère de l'Intérieur en Macédoine pendant la période

4 visée, mais plus particulièrement au ministre lui-même, M. Boskoski, et

5 qu'en l'occurrence, selon vous, il exerçait un tel contrôle; est-ce exact ?

6 R. Oui. Aux fins du compte rendu d'audience, j'aimerais dire qu'en

7 situation de guerre et compte tenu de la guerre qui a eu lieu en Macédoine

8 en 2001, la notion de contrôle opérationnel s'appliquait de facto aux deux

9 composantes des forces de sécurité macédoniennes, à savoir le ministère de

10 l'Intérieur et l'armée de la République de Macédoine.

11 Q. Peut-on dire, également, Monsieur Bezruchenko, qu'en réalité, vous

12 invitez les Juges de la Chambre à appliquer cette doctrine de contrôle

13 opérationnel dans une certaine mesure, mais pas de façon complète, à M.

14 Boskoski ? Est-ce que c'est bien cela que vous attendez des Juges de la

15 Chambre ?

16 R. Non. Et il n'y a aucune implication qui accompagne ma déposition. Tout

17 ce que je dis est purement fondé sur mon expérience professionnelle.

18 Q. Mais est-il exact que vous attendez des Juges de la Chambre qu'ils

19 appliquent cette théorie du contrôle opérationnel dans la mesure où cela

20 vous paraît pertinent pour démontrer une autorité de la part du ministère

21 vis-à-vis des forces de police, mais de s'abstenir d'appliquer cette même

22 doctrine jusqu'au bout en matière de questions disciplinaire ? Est-ce qu'on

23 pourrait résumer votre déposition de cette façon-là ?

24 R. Non, malheureusement pas. Et au risque de me répéter, je préciserais

25 qu'il ne faut pas confondre deux choses différentes, c'est-à-dire le

26 contrôle opérationnel et les pouvoirs disciplinaires. Il s'agit là de deux

27 notions radicalement différentes. Mais cela ne veut pas dire pour autant

28 qu'une personne ne peut pas détenir une autorité pour ces deux questions-là

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1 en même temps.

2 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-être est-ce le bon moment pour

3 suspendre l'audience ?

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience

5 jusqu'à la semaine prochaine. Nous reprendrons à 14 heures 15 lundi

6 prochain.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le lundi 22 octobre

8 2007, à 14 heures 15.

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