Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 1er février 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Il est assez inquiétant de

6 voir que le témoin n'est pas là.

7 Monsieur Saxon, souhaitez-vous soulever quelque chose ?

8 M. SAXON : [interprétation] J'espère que cela n'est pas trop inquiétant;

9 c'est juste une question de procédure, Monsieur le Président.

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé) qui, comme vous le savez, est un

13 témoin extrêmement important dans cette affaire, et ce qu'il a dit porte

14 sur la crédibilité de ce témoin.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il vient de m'être suggéré qu'il

17 serait peut-être plus important de passer à huis clos partiel.

18 M. SAXON : [interprétation] Je m'excuse, c'est un oubli. C'est un oubli.

19 Vous avez raison.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, ce n'est pas moi qui ai raison;

21 c'est ma consoeur qui est beaucoup plus réveillée que moi et qui a raison.

22 Je pense qu'il va falloir que nous procédions, je le crains, à

23 l'expurgation et nous allons passer à huis clos.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

25 [Audience à huis clos partiel]

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3 (expurgé)

4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.

6 M. METTRAUX : [interprétation] Nous avons une requête très brève à

7 présenter. Je sais que le temps passe très vite, alors peut-être que pour

8 ne pas trop perdre de temps, il serait plus judicieux de terminer le

9 contre-interrogatoire du témoin et je présenterai ma requête par la suite.

10 En attendant que le témoin n'arrive, j'aimerais attirer votre attention sur

11 le fait que nous avons également communiqué les dispositions et closes qui,

12 d'après nous, sont pertinentes à la déposition de (expurgé). Nous

13 voulons tout simplement indiquer qu'il s'agit de dispositions qui me

14 semblent importantes, mais nous n'avons pas été à même de communiquer avec

15 (expurgé) du fait de ses déplacements.

16 Nous allons prendre contact avec (expurgé) le plus rapidement possible

17 afin de vérifier qu'il s'agit de dispositions et de closes qui sont, en

18 effet, pertinentes à sa déposition dès qu'elle arrivera à Skopje, et on

19 nous dit en fait que nous ne sommes toujours pas en audience publique.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience

21 publique.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Mesdames, Messieurs

23 les Juges, je souhaiterais que nous précédions à l'expurgation du nom de ce

24 témoin. Je vous remercie.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne pense pas que ce témoin ait

26 demandé des mesures de protection, à moins que je me trompe.

27 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions alors passer à

28 huis clos partiel, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

3 [Audience à huis clos partiel]

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6 [Audience publique]

7 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Saxon.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 Contre-interrogatoire par M. Saxon :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Galeva. Je m'appelle Dan Saxon. Je

12 suis avocat originaire de la ville de Boston aux Etats-Unis, et je

13 représente le bureau du Procureur dans cette affaire. J'aimerais vous poser

14 quelques questions.

15 Premièrement, vous avez commencé à travailler pour le ministère de

16 l'Intérieur en avril 2002; est-ce exact ?

17 R. Oui. Officiellement, à partir du 1er avril 2002.

18 Q. Auparavant, vous travailliez en tant qu'avocate pour une entreprise

19 privée. Vous aviez également votre propre cabinet d'avocat dans la ville de

20 Strumica; est-ce exact ?

21 R. Oui, oui. Il s'agit de la période allant de l'année 1996 à 1998. C'est

22 là que ce cabinet d'avocat a été ouvert, et ce, jusqu'en 2002. A ce moment-

23 là, je suis allée travailler au ministère de l'Intérieur.

24 Q. Strumica est une ville qui se trouve au sud-est de la Macédoine.

25 Strumica est une ville qui est assez proche de la Bulgarie et de la Grèce ?

26 R. Oui.

27 Q. Alors quel était le type d'affaires dont vous vous occupiez dans ce

28 cabinet d'avocat à Strumica ?

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1 R. Il s'agissait essentiellement de droits civils et de droits financiers

2 ou d'affaires économiques, du droit des affaires.

3 Q. Avant de commencer officiellement votre travail au sein du ministère de

4 l'Intérieur en avril 2002, est-ce que vous aviez jamais travaillé comme

5 officier de police ?

6 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ? A quelle période

7 faites-vous référence ?

8 Q. Avant que vous ne commenciez à travailler pour le ministère de

9 l'Intérieur, avez-vous jamais travaillé comme officier de police ?

10 R. Jusqu'au début de mes fonctions officielles en avril 2002, entre le

11 moment où mon cabinet d'avocat a fermé, je venais de temps à autre à

12 Skopje, au ministère, car à la fin du mois de décembre 2001, la procédure

13 d'emploi a commencé pour moi.

14 Il s'agit d'une procédure officielle, une procédure d'homologation,

15 ainsi que la procédure financière. C'est à ce moment-là, en fait, c'est là

16 que les ressources financières ont été mises à la disposition en avril

17 2002.

18 Q. Je m'excuse. Cela, je le comprends. Peut-être que ma question n'avait

19 pas été assez claire. Je vais peut-être m'exprimer de façon différente.

20 Avant que vous ne commenciez à travailler pour le ministère de l'Intérieur,

21 ou avant que vous ne commenciez à prendre contact avec le ministère de

22 l'Intérieur en décembre 2001, est-ce que vous avez jamais travaillé à un

23 moment donné de votre vie comme officier de police ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous aviez travaillé comme inspecteur de la police, chargé

26 d'enquête ?

27 R. Non.

28 Q. Est-ce que vous avez jamais suivi une formation spécialisée pour la

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1 police scientifique ?

2 R. A ce moment-là, non; pour ce qui est de cette période, non, si vous

3 parlez de la période qui précède mon arrivée à Skopje.

4 Q. Avez-vous jamais suivi une formation de procureur avant que vous

5 n'arriviez à Skopje ?

6 R. Non, il ne s'agissait pas d'une formation précise, mais il y avait un

7 examen que l'on devait obtenir, et c'était une condition, c'est la

8 condition qui vous permettait d'ouvrir un cabinet d'avocat, qui vous

9 permettait également de travailler comme juge et procureur. C'est une

10 formation que j'ai suivie, mais il ne s'agissait pas véritablement d'une

11 formation bien spécifique.

12 Q. De même, jusqu'au moment ou vous êtes arrivée à Skopje, vous n'avez

13 jamais suivi de formation pour ce qui est de la carrière de juge

14 d'instruction ?

15 R. Non, non, je n'ai pas suivi de formation spéciale.

16 Q. J'aimerais vous poser quelques questions à propos de votre période de

17 stage au ministère de l'Intérieur.

18 J'ai cru comprendre que vous aviez été stagiaire dans le secteur

19 d'Interpol, et ce, pendant deux mois, en avril et mai 2002; c'est cela,

20 n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. En tant que stagiaire dans le secteur d'Interpol, on vous a informée

23 des différents emplois, des différentes possibilités d'emplois dans ce

24 secteur, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Par exemple, je suppose que vous avez été formée en matière de

27 délivrance de mandats d'arrêt pour une personne, je suppose que vous avez

28 également été formée pour ce qui est de l'examen de l'origine de véhicules

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1 qui sont importés en Macédoine, ainsi que d'autres secteurs d'activités

2 d'Interpol, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Puis à un moment donné, à la mi-avril, vous avez accepté la proposition

5 de Spasen Sofevski qui était le chef du département de la police

6 judiciaire, et ce, à proposition qui consistait, qui vous demandait à

7 suivre ou à superviser les procédures d'exhumation à Ljuboten. C'est cela,

8 n'est-ce pas ? J'ai bien compris ?

9 R. Oui. Le premier appel téléphonique a été passé par le chef de la police

10 judiciaire, Spasen Sofevski.

11 Q. Vous avez justement mentionné à ce sujet qu'après votre première

12 conversation avec M. Sofevski, vous avez eu plusieurs conversations avec M.

13 Uslinkovski qui travaillait pour la division, le secteur de la police

14 scientifique à cette époque-là, parce qu'à ce moment-là les exhumations du

15 village de Ljuboten étaient en cours; c'est cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Mais je voudrais juste bien vous comprendre. Est-ce que vous-même vous

18 avez personnellement assisté aux exhumations de Ljuboten ? Est-ce que vous

19 vous êtes rendue, est-ce que vous êtes allée au cimetière ? Est-ce que vous

20 avez observé le travail effectué ?

21 R. Non, non. Je n'ai jamais été moi-même personnellement présente sur les

22 lieux. Cela c'était après, en fait. Ou plutôt, il fallait que je suive la

23 procédure d'exhumation, ce qui signifie que je devais en parler, avoir des

24 conversations, et non pas me rendre sur les lieux des exhumations.

25 Q. Après les exhumations, il y a eu plusieurs autopsies qui ont été menées

26 à bien au sein de l'institut médico-légal. Est-ce que vous-même, vous avez

27 observé ou assisté à ces autopsies ?

28 R. Non.

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1 Q. Bien. Puis, le premier juin 2002, vous avez accepté la fonction de

2 conseiller au sein du cabinet du ministre; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Cela représentait quand même une promotion très importante par rapport

5 à votre statut de stagiaire, n'est-ce pas ?

6 R. Il fallait que je sois stagiaire. Cela fait partie ou s'inscrit dans le

7 cadre de la procédure officielle. Cela est régulé par la réglementation

8 juridique et interne du ministère. Mais au vu de mon expérience

9 professionnelle préalable, c'était la condition que je devais respecter

10 pour obtenir cet emploi.

11 Q. Alors, peut-on dire qu'au cours des deux mois pendant lesquels vous

12 avez été stagiaire dans le secteur d'Interpol, vous avez véritablement créé

13 chez vos collègues une impression favorable ?

14 R. Oui, je le suppose. Parce que si les choses s'étaient passées

15 différemment, il est évident que dans le cadre de mon évaluation ils

16 n'auraient pas proposé mon nom pour que je sois promue et pour que je

17 commence à travailler dans le secteur ou j'ai été convoquée pour ce faire.

18 Q. Je suis sur que pendant cette période de stage vous avez su faire

19 preuve de professionnalisme ? Je pense à votre période de stage.

20 R. Je suppose que c'est ce qui s'est passé. C'est ce qui m'a été dit en

21 tout cas.

22 Q. Vous avez su montrer que vous étiez extrêmement professionnelle, que

23 vous étiez dévouée et diligente ?

24 R. C'est ce qu'on dit mes supérieurs.

25 Q. Ils ont dit que vous étiez organisée et méticuleuse ?

26 R. Oui.

27 Q. Que vous saviez établir des registres et vous occuper de ces registres

28 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Bien entendu, il vous fallait avoir de telles qualités pour gérer votre

3 cabinet d'avocats à Strumica.

4 R. Bien sûr.

5 Q. Je vais passer à un autre sujet. Hier, vous avez dit qu'après les

6 élections qui s'étaient tenues à l'automne 2002, M. Hari Kostov avait pris

7 ses fonctions en tant que nouveau ministre de l'Intérieur.

8 R. Oui.

9 Q. M. Kostov a remplacé Ljube Boskoski, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Hier, vous avez expliqué qu'avec l'arrivée de ce nouveau ministre, M.

12 Kostov, il y a eu de nombreuses mutations au sein du ministre de

13 l'Intérieur et que de nombreux employés ont été affectés à de nouveaux

14 postes. Vous avez ajouté que d'autres collègues, tels que Goran Mitevski

15 qui avait dirigé le bureau de la sécurité publique, avaient quitté le

16 ministère. Vous avez expliqué qu'à ce moment-là vous aviez cessé d'exercer

17 vos fonctions de conseillère auprès du cabinet du ministre le 1er novembre

18 2002, et que vous étiez partie en congé plusieurs mois.

19 Est-ce que je vous ai bien comprise ?

20 R. Oui. Avec l'entrée en fonction du nouveau gouvernement, il y a eu de

21 nombreux transferts, de nombreux employés ont été affectés de nouveaux

22 postes. Ce fut le cas également du directeur du bureau de la sécurité

23 publique, M. Mitevski, qui a quitté, de son plein gré, le ministère. Pour

24 ma part, j'étais autorisée à rester quelque temps à mon poste en attendant

25 qu'on me trouve un autre poste. On m'a présenté des excuses et on m'a

26 expliqué que l'on n'avait pas encore trouvé un poste adéquat pour moi; et

27 que, par conséquent, il serait préférable que j'attende un peu ou que je

28 prenne mes congés avant d'être convoquée ailleurs.

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1 Q. En novembre 2002, et avant cette période, lorsqu'un nouveau ministre

2 entrait en fonction en Macédoine, il préférait, si possible, remplir les

3 postes vacants au sein de son ministère en les confiant à des membres de

4 son parti politique ou des collègues en qui il avait confiance. Ai-je

5 raison de dire cela ?

6 R. Pour parler concrètement de cette période, avec l'arrivée du nouveau

7 ministre, le cabinet du ministre a été totalement remanié. Des décisions

8 également étaient prises au sujet de la réaffectation de nombreux employés

9 à d'autres postes.

10 Néanmoins, il n'est pas exclu que certains soient restés à leur poste en

11 raison de leurs qualifications professionnelles, mais pas à ce moment-là.

12 Au bout d'un certain temps, on a constaté cette erreur, si j'ose m'exprimer

13 ainsi, et on l'a corrigée, mais il a fallu un certain temps pour se faire

14 et cela ne s'est pas fait tout de suite.

15 Q. Je comprends. Mais la raison pour laquelle il y a eu tellement de

16 transferts, de mutations, de réaffectations, tient au fait que le nouveau

17 ministre préférait confier les postes importants à des personnes

18 appartenant à son propre parti politique, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, le plus souvent.

20 Q. Vous souvenez-vous à quel parti appartenait Hari Kostov ?

21 R. A l'Union sociodémocratique de Macédoine.

22 Q. A l'époque, Ljube Boskoski était membre du parti VMRO-DPMNE, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez dit que vous aviez pu rester à votre poste quelque temps.

26 Vous-même, étiez-vous membre du parti VRMO-DPMNE ?

27 R. Oui. Le 1er novembre 2002, comme je l'ai déjà dit, on m'a demandé de

28 quitter mes fonctions et d'attendre un certain temps avant d'exercer mes

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1 nouvelles fonctions, avant que l'on me trouve un poste adéquat. Plusieurs

2 fois, de ma propre initiative, j'ai essayé de rencontrer ces gens. Je leur

3 ai écrit et à la fin du mois de mars 2003, j'ai réussi à rencontrer le

4 secrétaire d'Etat du ministère et le directeur du bureau de la sécurité

5 publique. C'est alors qu'on m'a remis mon nouveau contrat.

6 Q. Madame Galeva, aurais-je raison de dire que l'une des raisons pour

7 lesquelles vous avez été choisie pour exercer le poste de conseillère

8 auprès du cabinet du ministre en 2002, c'est que vous étiez membre de son

9 parti politique ? Est-ce que vous pensez que cet élément a joué un rôle

10 dans la décision du ministre ?

11 R. Je pense que oui, mais je ne pense pas que c'est la raison principale.

12 Q. Je souhaiterais que l'on revienne aux événements survenus en avril

13 2002. Hier, vous avez parlé d'une réunion que vous aviez eue avec le

14 directeur du bureau de la sécurité publique, Goran Mitevski, et avec le

15 ministre Boskoski à la fin du mois d'avril 2002. Vous nous avez dit qu'à

16 l'occasion de cette réunion, M. Mitevski, M. Boskoski et vous-même aviez

17 parlé des activités que vous aviez entreprises jusqu'à cette date

18 concernant l'affaire de Ljuboten.

19 Vous souvenez-vous avoir parlé de cela hier ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez dit aux Juges de la Chambre qu'à l'occasion de cette réunion,

22 le ministre Boskoski vous avait dit qu'il voulait que vous soyez engagée à

23 plein temps sur l'affaire de Ljuboten. Il voulait que vous exerciez de

24 nouvelles fonctions au sein du cabinet du ministre, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Puis une certaine Katica Jovanovska, une analyste qui travaillait pour

27 le secteur chargé de l'analyse et des recherches au sein du ministère de

28 l'Intérieur, a été convoquée pour assister à la réunion; est-ce exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Mme Jovanovska, d'après ce que vous avez compris à l'époque, avait

3 rassemblé des informations au sujet des événements de Ljuboten ?

4 R. Ces informations étaient essentiellement analytiques, car elle

5 travaillait comme analyste au sein du secteur chargé de l'analyse et des

6 recherches au ministère. Elle était chargée de réunir toutes ces données

7 analytiques et devait rédiger un rapport, le détailler, traitant

8 exclusivement de l'affaire de Ljuboten. Elle ne l'a pas fait. Elle a

9 commencé à rédiger ce rapport, mais c'était une tâche sans fin. Elle n'a

10 pas complété tout le rapport avant de quitter le ministère.

11 Q. Oui, vous l'avez expliqué. Donc Mme Jovanovska a quitté le ministère de

12 l'Intérieur, a commencé à exercer ses nouvelles fonctions de juge, sans

13 vous communiquer la version finalisée du rapport d'analyse qu'elle avait

14 préparé ?

15 R. Oui. J'ai reçu des notes et d'autres documents de travail, mais je n'ai

16 pas reçu le rapport final. Elle m'a transmis les notes et d'autres

17 documents qu'elle avait réunis jusqu'au moment où elle a quitté le

18 ministère.

19 Q. Lorsque vous avez parlé au supérieur de Mme Jovanovska au sein du

20 secteur chargé des analyses et des recherches, Vasilka vous a expliqué que

21 Mme Jovanovska n'avait pas remis la version finalisée du rapport avant de

22 quitter le ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Donc, vous n'avez pas pu obtenir ce rapport ?

25 R. J'ai déployé des efforts, mais personne ne savait où se trouvait ce

26 rapport et il n'a pas été inclus dans les documents transmis et n'a jamais

27 été finalisé.

28 Q. Avez-vous appelé Katica Jovanovska à son nouveau poste de travail en

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1 tant que juge pour lui demander ces documents ?

2 R. Oui. Juste après son départ, je lui ai demandé ce qui allait se passer

3 à l'avenir. Je lui ai demandé si elle avait laissé quoi que ce soit qu'elle

4 souhaitait me remettre. Elle m'a répondu qu'elle était tout simplement

5 partie. Elle m'a dit : "Je vous ai donné tout ce que j'avais. S'il y a

6 autre chose, mes collègues du secteur vont continuer à travailler dessus et

7 ils continueront à vous transmettre les documents pertinents." Donc, j'ai

8 compris que ça allait inclure le rapport en question.

9 Q. Mme Jovanovska, par conséquent, ne vous a donné aucune information,

10 aucun rapport finalisé ?

11 R. Je parle de la version finalisée. En fait, j'avais vu la première

12 mouture du rapport, mais il s'agissait d'un texte dactylographié sur

13 ordinateur avec de nombreuses corrections apportées à la main. Il

14 s'agissait d'un rapport qui était loin d'être terminé. Je l'ai vu, mais je

15 n'ai pas reçu la version finalisée, mais j'ai reçu d'autres informations.

16 Q. Pensez-vous que Mme Jovanovska soit responsable d'avoir perdu la

17 version finalisée du rapport ?

18 R. Je ne peux pas vous répondre. On ne sait pas si on l'a perdu, si c'est

19 la raison pour laquelle elle ne l'a pas remis ou elle ne l'a pas terminé.

20 Elle serait mieux placée que moi pour vous répondre.

21 Q. Est-ce que vous sous-entendez que Mme Jovanovska aurait emporté des

22 documents avec elle au moment où elle a quitté le ministère de l'Intérieur

23 ?

24 R. J'en ai entendu parler, mais je n'ai rien constaté de tel, donc je ne

25 pourrai vous répondre avec certitude.

26 Q. Vous dites que vous en avez entendu parler. Qu'avez-vous entendu

27 exactement ?

28 R. A ce sujet ?

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1 Q. Au sujet de la possibilité que Mme Jovanovska ait en partie pris ces

2 documents avec elle lorsqu'elle a quitté le ministère de l'Intérieur.

3 R. Comme je l'ai déjà dit, j'ai simplement entendu des rumeurs à ce

4 propos.

5 Q. [aucune interprétation]

6 R. Elle n'a rien reconnu de tel. Il n'y a eu aucune information fiable à

7 ce sujet. Il s'agissait simplement de rumeurs qui circulaient selon

8 lesquelles des dossiers manquaient ainsi que certains documents et on a

9 pensé que le rapport faisait partie des documents en question.

10 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire qui vous a relaté ces rumeurs ?

11 R. Il s'agit de rumeurs qui circulaient. Je ne pourrais pas vous donner

12 précisément le nom des personnes qui m'en ont parlé. Plusieurs personnes

13 m'en ont parlé. Vasilka est la seule personne avec qui j'ai eu un entretien

14 officiel à ce sujet. C'était l'une des chefs de secteur. Elle s'occupait de

15 l'analyse et de la recherche. Je lui ai demandé de me communiquer des

16 informations, des données et je vous ai dit ce qu'elle m'a répondu. Pour le

17 reste, il s'agissait de rumeurs qui circulaient.

18 Q. Vous savez, bien sûr, que la dénommée Vasilka qui était l'une des chefs

19 du secteur chargé de l'analyse et des recherches est décédée l'année

20 dernière, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, malheureusement.

22 Q. Hier, vous avez dit que quelques jours après votre rencontre officielle

23 avec le ministre Boskoski, vous aviez rencontré le directeur Goran Mitevski

24 "parce que," je cite, "il était chargé de me remettre un exemplaire de tous

25 les documents que sa commission d'enquête avait rassemblés."

26 Vous souvenez-vous avoir dit cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Pour que les choses soient bien claires, c'est le ministre Boskoski qui

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1 avait confié à M. Mitevski la tâche de vous remettre un exemplaire de tous

2 les documents rassemblés par la commission Mitevski de 2001, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Je souhaiterais aborder un autre sujet, à savoir, vos attributions

5 précises concernant l'affaire de Ljuboten.

6 Hier, ma consoeur, Me Residovic, vous a demandé d'expliquer en quoi

7 consistaient vos tâches principales pour ce qui est de l'affaire de

8 Ljuboten. Vous avez répondu que votre travail consistait en plusieurs

9 éléments - et je vais répartir ces éléments en deux catégories - en fait,

10 vous deviez recueillir tous les documents dont disposait le ministère de

11 l'Intérieur au sujet de l'affaire de Ljuboten sans procéder à une analyse

12 détaillée de ces documents et sans préparer des rapports; deuxièmement,

13 vous deviez rassembler tous ces éléments en un seul endroit. Vous deviez

14 placer ces documents par ordre chronologique en un seul endroit, puis vous

15 deviez remettre ces documents aux directeurs chargés de la sécurité

16 publique, du contre-renseignement et au ministre Boskoski.

17 Ai-je bien compris votre déposition sur ce point ?

18 R. Oui.

19 Q. Tout d'abord, je souhaiterais que vous nous aidiez à comprendre quelque

20 chose. A l'époque, qu'entendiez-vous par l'expression "l'affaire de

21 Ljuboten" ? A vos yeux, c'était quoi l'affaire de Ljuboten ?

22 R. J'étais déjà au courant de l'affaire de Ljuboten, mais j'en avais

23 entendu parler seulement dans les médias. J'ai commencé à travailler au

24 ministère de l'Intérieur bien plus tard, donc après cette affaire. Tout ce

25 que j'ai pu apprendre à ce sujet, ce fut par le biais des médias.

26 J'ai été convoquée à un entretien avec le chef de la police judiciaire au

27 sein du ministère de l'Intérieur. Il m'a dit ce qu'il en pensait. Il m'a

28 fait cette proposition selon laquelle je devais me charger de l'affaire. Il

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1 m'en a parlé en long et en large. Les exhumations étaient en cours; par

2 conséquent, on en parlait tous les jours dans les médias, à la télévision,

3 mais on disait seulement que la procédure était en cours sans donner

4 davantage de détails.

5 Q. Je vais vous poser une question peut-être un peu plus précise.

6 Par "affaire de Ljuboten", est-ce que vous entendiez les événements qui

7 s'étaient déroulés dans le village de Ljuboten le 12 août 2001 ?

8 R. Oui.

9 Q. Le fait qu'un certain nombre de personnes avaient perdu la vie dans le

10 village de Ljuboten ce 12 août 2001, est-ce que c'est cela, à vos yeux,

11 l'affaire de Ljuboten ?

12 R. Oui. Je dirais plus précisément qu'il s'agissait d'un événement au

13 cours duquel plusieurs personnes avaient perdu la vie. C'est tout ce que je

14 savais avant de commencer à recueillir des informations à ce sujet.

15 Q. Dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, au printemps et à l'été

16 2002, est-ce que vous avez compris de manière différente ce que recouvrait

17 cette expression : " L'affaire de Ljuboten."

18 R. Avant, je ne savais quasiment rien, mais lorsque j'ai commencé à

19 recueillir des documents, des rapports, des décisions diverses, lorsque

20 j'ai commencé à étudier ces documents, bien entendu j'en ai appris bien

21 davantage.

22 Q. Est-il exact de dire que vos activités à l'été 2002 ce sont concentrées

23 essentiellement sur les événements survenus à Ljuboten le 12 août 2001 ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc votre travail ne consistait pas, par exemple, à recueillir des

26 informations relatives à la manière dont avaient été traitées les personnes

27 détenues aux postes de contrôle situés près de Ljuboten ?

28 R. Le gros des documents que j'ai recueilli comportait, bien sûr, d'autres

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1 rapports, d'autres documents officiels. Mais je répète que tous ces

2 documents portaient exclusivement sur cet événement. Donc il s'agissait de

3 documents, en fait, qui couvraient une période plus longue, mais j'ai donc

4 rassemblé des documents précédant l'événement, précédant le 12 août; donc

5 tout ce qui a précédé le 12 août afin de voir quels préparatifs avaient été

6 mis en place, qu'est-ce qui s'était passé avant, et enfin ce qui s'était

7 passé le jour en question.

8 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit bien clair, lorsque vous

9 utilisez "cet événement," vous parlez d'événement ou des événements

10 survenus au village de Ljuboten le 12 août, n'est-ce pas ?

11 R. J'utilise le terme "événement," parce que c'est le terme qu'on utilise.

12 Q. Je comprends. J'essaie simplement que les choses soient bien claires.

13 Donc, la définition que je propose, vous l'acceptez ?

14 Excusez-moi, je n'ai pas entendu votre réponse.

15 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ?

16 Q. Lorsque vous utilisez ce terme, cette expression, "cet événement," vous

17 parlez de ce qui s'est passé à Ljuboten le 12 août 2001, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Donc, en 2002, votre travail ne consistait pas à recueillir des

20 informations concernant le traitement des détenus aux postes de police

21 situés dans la zone de Skopje, les personnes qui avaient été détenues au

22 village de Ljuboten ou à proximité du village de Ljuboten ?

23 R. Je répète que j'ai travaillé exclusivement sur cet événement, mais j'ai

24 également recueilli des informations, des documents ayant trait à la

25 période située avant et après l'événement en question. Donc, il y avait

26 également d'autres documents.

27 Q. Bien. Pour simplifier les choses, votre travail, si je l'ai bien

28 compris, consistait à recueillir des documents ou des informations dont

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1 disposait le ministère de l'Intérieur sous une forme ou une autre, afin de

2 les rassembler en un seul et même endroit, par ordre chronologique, n'est-

3 ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Une partie importante de votre travail liée aux événements de Ljuboten

6 consistait à vous entretenir avec des personnes qui, comme vous l'avez dit

7 hier, occupaient des postes importants et étaient par conséquent

8 susceptibles de vous fournir certaines réponses concernant les événements

9 de Ljuboten, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Je souhaiterais vous montrer un document, si vous me le permettez.

12 M. SAXON : [interprétation] Nous avons préparé des classeurs à l'intention

13 des uns et des autres pour que tout le monde puisse suivre plus facilement.

14 Je souhaiterais que ces classeurs soient distribués aux parties. Nous avons

15 également un classeur que nous voudrions remettre au témoin.

16 Q. Madame Galeva, je vous invite à vous pencher sur le document

17 figurant à l'intercalaire 2.

18 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P73, Monsieur le

19 Président, c'est-à-dire, d'une décision portant création d'une commission

20 chargée de se pencher sur les circonstances et les activités entreprises

21 par les forces de sécurité du ministère de l'Intérieur afin de repousser

22 les attaques armées menées par les terroristes le 12 août 2001, dans le

23 village de Ljuboten.

24 Q. Est-ce que vous me suivez, Madame Galeva ?

25 R. Oui.

26 Q. Comme vous pouvez le constater, cette décision est datée du 13 août

27 2001. Je pense que vous la reconnaissez. Cette décision a été signée par le

28 ministre de l'époque, M. Boskoski. Un peu plus bas sur cette page, au

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1 paragraphe 2, le texte dit que la commission est chargée d'examiner les

2 circonstances et d'analyser les activités entreprises par les forces de

3 sécurité du ministère de l'Intérieur, afin de repousser les attaques armées

4 menées par des groupes terroristes le 12 août 2001 dans le village de

5 Ljuboten-Skopje.

6 Est-ce que vous avez vu cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Je vais maintenant vous inviter à examiner l'intercalaire 3, Madame

9 Galeva.

10 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce P378.

11 Q. Madame Galeva, vous verrez il y a une version macédonienne de ce

12 document, et c'est un rapport de la commission qui avait été créé par le

13 ministre Boskoski, qui avait été créé le 13 août 2001, et le rapport date

14 du 4 septembre 2001.

15 Si l'on se réfère à la première page, l'on verra qu'il s'agit d'examiner

16 les circonstances et de mener à bien une analyse des activités qui ont été

17 déployées par les forces de sécurité pour le ministère de l'Intérieur, afin

18 de repousser des attaques armées menées par des groupes terroristes le 12

19 août 2001.

20 Est-ce que vous avez trouvé cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Maintenant, je voudrais que l'on examine, en version anglaise, le

23 dernier paragraphe sur la première page. Il me semble que c'est la page 2

24 en macédonien, Madame Galeva.

25 Donc, page 2, vous verrez qu'il y a un paragraphe qui commence par des mots

26 : "Afin de mener à bien …"

27 Vous voyez cela ?

28 R. Oui.

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1 Q. Ce paragraphe se lit comme suite : "Afin de mener à bien une analyse

2 approfondie de tous les aspects des circonstances dans lesquelles ces

3 événements se sont déroulés, et également pour mener à bien une évaluation

4 d'expert de la manière dont ces activités ont été traduites dans les faits

5 le jour en question, un examen exhaustif, approfondi du déroulement

6 chronologique des événements a eu lieu, avec un examen professionnel de la

7 stabilité de ce type d'activité par rapport au règlement sur la base de

8 laquelle la commission se prononce comme suit."

9 Vous le voyez ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire, qu'en fait, en 2002, ce que

12 vous aviez à faire et ce qu'avait à faire la commission créée par Goran

13 Mitevski en 2001 était en fait très comparable, n'est-ce pas ?

14 R. Comparable. Cependant, je devais, moi, rassembler les éléments et lui

15 il devait procéder à une analyse. Il y a là une différence.

16 Q. D'accord, mais est-ce qu'on pourrait dire qu'avant d'analyser des

17 documents, il faut tout d'abord les rassembler ? Vous seriez d'accord avec

18 cela ?

19 R. Bien sûr, il faut d'abord les réunir, les rassembler.

20 Q. Bien entendu, à partir du moment où vous les avez réunis, il faut se

21 pencher sur la chronologie des événements, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Je voudrais maintenant que l'on nous montre la fin de la page 4 en

24 version anglaise, et ça va être la page 5 en version macédonienne, Madame

25 Galeva.

26 Vous voyez à la fin de la page 5, il y a un paragraphe qui commence par le

27 titre "avis", "opinion". Vous voyez ce paragraphe à la fin ? Il y a le mot

28 "avis".

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1 R. Non.

2 Q. Monsieur l'Huissier, pourriez-vous, s'il vous plaît, aider le témoin.

3 M. SAXON : [interprétation] Monsieur l'Huissier, je crois que je pourrais

4 vous montrer où cela se trouve.

5 C'est toujours l'intercalaire 3. C'est le rapport de la commission, le

6 rapport de 2001.

7 Q. Le premier paragraphe de cet avis se lit comme suit : "Les activités

8 qui ont été menées à bien par les forces de sécurité du ministère de

9 l'Intérieur afin de repousser les attaques armées des groupes terroristes

10 le 12 août 2001, dans le village de Ljuboten-Skopje, ont été fondées,

11 justifiées et correctement menées. Toutefois, il existe évidemment un léger

12 degré d'abus de pouvoir individuel de la part d'un petit nombre de

13 personnes du ministère de l'Intérieur qui ont pris part activement à

14 l'événement."

15 Vous avez vu cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous avez reçu un exemplaire de ce rapport de la part de Goran Mitevski

18 lorsque vous avez commencé à travailler vous-même sur Ljuboten ?

19 R. Oui.

20 Q. Lorsque vous avez eu l'occasion de vous adresser à des personnes qui

21 occupaient des postes de responsabilité au ministère, et lorsqu'il

22 s'agissait des événements de Ljuboten, lorsque vous leur avez posé des

23 questions, est-ce que vous leur avez demandé une liste des employés du

24 ministère de l'Intérieur qui ont pris par à ces événements, les événements

25 de Ljuboten ?

26 R. Oui, j'ai demandé cela. Toutefois, cette liste n'existait pas, et ce,

27 malgré le fait que le rapport qui avait été rédigé par la commission en a

28 fait état. On pensait que peut-être il y avait certains membres du

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1 ministère de l'Intérieur qui avaient pris part à l'événement. Mais malgré

2 les efforts déployés pour obtenir des informations sur ces personnes, ce

3 genre d'information n'a pas été reçu.

4 Donc ça n'a jamais pu être confirmé, prouvé, que telle ou telle personne

5 avait pris part à l'action ce jour-là.

6 Q. Mais ce rapport est signé par trois personnes très haut placées au

7 ministère de l'Intérieur. Il se réfère à un petit nombre d'employés du

8 ministère de l'Intérieur qui ont outrepassé leurs attributions le 12 août

9 2001 à Ljuboten.

10 Comment est-ce que cet avis s'explique si on ne sait pas et comment est-ce

11 qu'on peut le comprendre si on ne sait pas qui sont ces personnes ?

12 R. Il y avait beaucoup, beaucoup d'allégations et de conjectures répandues

13 dans l'opinion, dans les médias. Il y avait des rumeurs disant que des

14 membres de la police du ministère de l'Intérieur avaient pris part à cet

15 événement et que ce sont eux qui étaient coupables de cet abus de pouvoir.

16 La commission a tenu compte de cela dans son rapport. Toutefois, rien de

17 tout cela n'a pu être prouvé. On n'a jamais pu confirmer même si on a

18 constamment déployé des efforts afin de trouver ces participants, les

19 identifier pour les tenir responsables.

20 Mais malgré les efforts de la police judiciaire et malgré les efforts

21 déployés par le secteur de l'intérieur sous le commandement de qui ils

22 étaient placés, aucun nom n'a été donné.

23 Q. Si je vous comprends bien, cet avis se fonde, du moins partiellement,

24 sur des rumeurs. C'est ce que vous êtes en train de dire ?

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Residovic.

26 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas

27 qu'on puisse poser cette question au témoin, puisque tout d'abord elle

28 n'est pas l'auteur de ce rapport. On peut peut-être lui demander ce qu'elle

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1 a pu apprendre par la suite. Mais sur la base de quoi la commission a-t-

2 elle pondu ce rapport, nous avions ici le témoin Galevski, et ces questions

3 auraient dû lui être posées à lui. Merci.

4 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé au témoin

5 si elle avait essayé d'identifier les employés du ministère de l'Intérieur

6 dont il est question en termes généraux dans l'avis de ce rapport. J'ai

7 donc demandé au témoin comment cet avis a pu être rédigé si on n'avait pas

8 contacté ces gens, si on ne les a pas identifiés et le témoin a dit qu'il y

9 avait des rumeurs portant sur cette participation.

10 Donc il me semble que c'est une question de suivi correcte que j'ai posée,

11 puisque le témoin a parlé de rumeurs. On a tenu compte des rumeurs

12 lorsqu'on a rédigé ce rapport.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie. Vous pouvez

15 continuer, Monsieur Saxon.

16 M. SAXON : [interprétation]

17 Q. Je vais reprendre ma question, Madame Galeva. Est-ce que vous êtes en

18 train de dire, dans le cadre de votre déposition, que ce rapport qui a été

19 pondu par la commission créée en 2001 par Goran Mitevski et présidée par

20 lui était partiellement fondée sur des rumeurs ?

21 R. Compte tenu du fait que rien n'a été prouvé et que pour l'essentiel

22 c'était des accusations portant sur la participation des membres des forces

23 de sécurité à cet événement, il n'y avait pas suffisamment de temps pour

24 prouver tout cela et ce rapport devait être rédigé. C'est la raison pour

25 laquelle on a parlé de cela dans ce rapport. On a dit que c'était une

26 possibilité

27 Par conséquent, c'est mis au conditionnel. Une enquête plus

28 approfondie et des preuves étaient nécessaires de l'avis de ceux qui l'ont

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1 rédigé.

2 Q. Mais revenons à ce paragraphe, Madame Galeva, encore une fois. Il est

3 dit ici que : "Il y a, de toute évidence, un faible degré et un degré

4 tolérable d'abus de pouvoirs commis par un petit nombre d'employés du

5 ministère de l'Intérieur qui ont pris part activement à l'événement."

6 Dites-nous, s'il vous plaît, où est-ce que vous voyez le conditionnel dans

7 cette phrase que je viens de vous lire ?

8 R. Comme je vous l'ai déjà dit, il y a eu des rumeurs qui ont couru. On a

9 dit que des membres des forces de sécurité avaient pris part à cet

10 événement. N'oublions pas le fait qu'il y avait des postes de contrôle, des

11 forces de sécurité à cet endroit, et que dans une situation d'attaques

12 armées de grande intensité menées par l'Armée de libération nationale.

13 S'il y avait eu une attaque directe sur ces postes de contrôle, cette

14 action aurait été nécessaire. Ceci laisse une marge de manśuvre pour une

15 investigation. Il était impossible de savoir tout cela au clair dans si peu

16 de temps, donc on ne pouvait pas affirmer avec certitude si quelque chose

17 s'est passé ou non.

18 Je pense que cette phrase se fonde sur cela. Donc on n'exclut pas

19 que certaines choses se seraient produites ou ne pas produites dans un sens

20 comme de l'autre.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Residovic.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je suis avec beaucoup d'attention les

23 questions et les réponses, Monsieur le Président, et il me semble qu'en

24 fait ils ne se comprennent pas bien, qu'il y a malentendu. C'est la raison

25 pour laquelle je me suis référée au texte dans les deux langues. En

26 macédonien, le terme qui existe est celui que cite Mme le Témoin, et dans

27 la version anglaise on trouve le terme employé par l'Accusation.

28 Justement, je voudrais que l'on reprenne l'original en macédonien

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1 pour que les interprètes le traduisent ici, parce que dans le rapport il

2 est dit : "On a constaté ici une présence," et cetera, tandis que dans la

3 traduction il est dit que quelque chose est tout à fait évident, que

4 quelque chose a été établi, mais dans la version macédonienne c'est tout à

5 fait le contraire.

6 Je voudrais qu'on donne lecture du texte macédonien, puisque ce sont

7 deux significations tout à fait différentes, à savoir, est-ce que quelque

8 chose a été constaté d'une part, par opposition à quelque chose qui a été

9 établi d'autre part.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semblerait qu'il se pourrait

11 qu'il y ait une différence, d'après Mme Residovic, entre les deux textes;

12 le texte macédonien et la traduction anglaise. D'après ce que j'ai compris,

13 c'est dans l'avis. Le témoin pourrait peut-être donner lecture du texte en

14 macédonien et nous allons écouter l'interprétation.

15 M. SAXON : [interprétation]

16 Q. Madame Galeva, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner lecture de

17 ce premier paragraphe de l'avis dans votre langue.

18 R. "Les activités entreprises de la part des forces de sécurité du

19 ministère de l'Intérieur, afin de repousser les attaques armées des forces

20 terroristes le 12 août 2001 dans le village de Ljuboten et Skopje, se sont

21 fondées, justifiées et entreprises correctement, tandis qu'une présence

22 d'un degré tolérable d'abus de pouvoirs de la part d'un petit nombre de

23 membres du ministère de l'Intérieur qui ont pris part activement à

24 l'événement."

25 Q. Merci.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Residovic, vous attirez notre

28 attention sur quelle différence, s'il vous plaît ?

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, les mots : "On a

2 constaté le fait qu'il y avait quelque chose."

3 Maintenant, ça a été interprété par le terme "noted" en anglais, "relevé,"

4 "constaté," tandis que dans la traduction on dit : "De manière évidente,"

5 "de toute évidence il y a un léger …"

6 Dans l'original, il est question du fait qu'on a remarqué quelque chose,

7 mais on ne l'a pas encore établi. M. le Procureur ne cesse pas de reposer

8 sa question en disant quelque chose a été établi. C'est la raison pour

9 laquelle je suis intervenue.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Residovic.

11 J'essaie de comprendre ce que vous voulez dire. Vous avez montré le

12 passage qui vous interpelle. Je pense que M. Saxon doit explorer cela s'il

13 le souhaite.

14 M. SAXON : [interprétation] Dans la version anglaise du document, nous

15 avons le mot "est" "is" utilisé. Nous estimons que c'est ça qui est

16 important ici, "est," en français, "est".

17 Q. Madame Galeva, avec M. Goran Mitevski, vous avez eu l'occasion de

18 parler de ces personnes, de ces employés du ministère de l'Intérieur qui

19 ont pris part activement aux événements de Ljuboten ?

20 R. J'ai eu des conversations avec M. Goran Mitevski. Cependant, il m'a dit

21 que des le départ on a mené une instruction, une enquête pour savoir qui

22 étaient ces personnes et c'était fait par le renseignement, par les

23 services opérationnels qui avaient la charge de cela. C'est M. Petre

24 Stojanovski qui avait la charge de cela. Il était à la tête de la police

25 judiciaire dans le secteur des affaires intérieures de la ville de Skopje,

26 et c'était en passant aussi par l'unité des affaires intérieures de Cair.

27 On a demandé également au secteur du contrôle interne du ministère de

28 fournir des informations, ce qui y est fait régulièrement lorsqu'il y a un

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1 problème d'abus de pouvoirs. Un rapport doit être rédigé contre un individu

2 précis pour que la procédure et les mesures qui s'imposent puissent être

3 prises.

4 Q. Madame Galeva, est-ce qu'on pourrait résumer votre dernière réponse en

5 disant que M. Mitevski n'a pas été en mesure de vous fournir les noms des

6 employés du ministère de l'Intérieur qui ont pris part à l'événement de

7 Ljuboten ? Il ne les avait pas.

8 R. Oui.

9 Q. Si vous aviez parlé aux employés du ministère de l'Intérieur qui

10 étaient présents à Ljuboten le 12 août 2001, ces personnes auraient pu vous

11 préciser si les personnes qui ont perdu la vie à Ljuboten étaient des

12 civils ou pas ?

13 R. Est-ce que vous voulez bien répéter votre question.

14 Q. Si vous aviez eu l'occasion de vous adresser à des employés du

15 ministère de l'Intérieur qui ont pris part à l'événement Ljuboten le 12

16 août 2001, vous pensez que ces personnes auraient pu vous préciser si les

17 individus ayant perdu la vie à Ljuboten ce jour-là étaient des civils.

18 R. A ce sujet, je n'ai eu que des contacts avec l'équipe des médecins

19 légistes au ministère parce que ce sont eux qui devaient s'occuper de cela

20 et, bien entendu, c'est là qu'on pouvait obtenir les meilleurs éléments

21 d'information. J'ai toujours eu des contacts avec eux et, bien entendu,

22 j'ai obtenu des informations.

23 Q. Oui, Madame Galeva, je comprends, mais je vous ai posé une question

24 tout à fait différente.

25 Si vous aviez eu la possibilité de vous adresser à des employés du

26 ministère de l'Intérieur qui ont pris part à cet événement de Ljuboten,

27 est-ce que vous pensez que ces personnes auraient pu vous indiquer plus

28 précisément les circonstances dans lesquelles ces personnes ont perdu la

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1 vie à Ljuboten, est-ce que s'étaient des civils ou pas ?

2 R. J'ai eu des conversations avec beaucoup de personnes qui à l'époque ont

3 occupé des postes de responsabilité au ministère et, en particulier, je me

4 suis adressée à M. Petre Stojanovski. J'ai eu des contacts intenses avec

5 lui parce, que c'était le numéro un de la police judiciaire à l'unité des

6 affaires intérieures de la ville de Skopje. Donc il était le mieux placé

7 pour me fournir des informations là-dessus.

8 D'après ce que j'ai pu savoir, on ne pouvait pas connaître la vérité sur

9 les personnes qui ont pris part à ces événements. Des efforts très

10 considérables ont été déployés afin d'identifier ces personnes. Cela a été

11 fait par le biais de l'unité des affaires intérieures de Cair, en passant

12 par des postes de police, il y a eu des gens qui se sont rendus sur les

13 lieux, mais on n'a pas pu avoir des éléments d'information fiables.

14 Q. Madame Galeva, la commission de 2001, présidée par Goran Mitevski, elle

15 a rassemblé les mêmes éléments que ceux que vous deviez rassembler ?

16 R. Cette commission a été faite immédiatement après l'événement, et ce,

17 sur une décision du ministre prise le 13 août 2001. La mission de cette

18 commission a été de rassembler tous les éléments relatifs à cet événement

19 dans l'ordre chronologique et ceci devait être présenté à un ministre. La

20 commission avait pour mission de rassembler les éléments permettant de

21 rédiger un rapport à l'intention du ministre, mais il n'y avait pas que

22 cette commission.

23 Il y avait d'autres commissions, des groupes de travail qui devaient

24 s'occuper de cela et moi aussi. La commission dont j'ai fait partie et

25 toutes ces instances avaient pour tâche de rassembler des éléments qui

26 pouvaient apporter une lumière pour permettre d'apporter des réponses à

27 certaines questions qui étaient sans réponses à ce moment-là.

28 Q. Je vais revenir à cela. Mais une partie de ces éléments, de ces

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1 documents que vous avez classés par ordre chronologique et présentés au

2 ministre à l'été 2002, c'était les mêmes documents qui avaient été

3 rassemblés par la commission de 2001, n'est-ce pas ?

4 R. En partie, oui; mais pas la totalité de ce document.

5 Q. Il y a un instant, vous nous avez dit que la commission de 2001 n'était

6 pas la seule commission, et vous nous avez également dit, je vous cite :

7 "Il y avait d'autres commissions, des groupes de travail qui se sont

8 occupés de cela également, y compris la commission dont j'ai fait partie."

9 Est-ce que vous pourriez nous dire, s'il vous plaît, quelles étaient

10 ces autres commissions, ces groupes de travail qui se sont penchés sur

11 l'événement de Ljuboten ?

12 R. Il s'agit de la commission dont j'ai déjà parlé qui avait été créée sur

13 décision du ministre tout de suite après les événements. Elle était

14 présidée par M. Goran Mitevski; puis il y a une commission chargée des

15 crimes de guerre qui avait été ou qui était présidée par M. Apostol

16 Stojanovski qui, en fait, a travaillé, a étudié les griefs présentés par

17 les parties lésées; puis il y a la commission qui a été créée par les

18 Albanais. Il s'agissait de leur comportement vis-à-vis du comportement des

19 forces de police à leur égard.

20 Il y avait également un groupe de travail officieux qui ne

21 travaillait pas à partir d'une décision, auquel participait Katica

22 Jovanovska avant que je n'arrive au ministère. Il y avait parmi ces

23 membres, un ancien juge qui était un associé extérieur. De sus, s'il y a eu

24 des tâches bien concrètes, des autorisations dont le but était de compiler

25 des documents pour que cette commission puisse les étudier. Il y avait

26 quand même un groupe assez important de personnes qui s'occupaient de cette

27 affaire et dont l'objectif était de compiler des documents et des éléments

28 d'information qui pouvaient être considérés comme importants pour établir

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1 et déterminer les faits.

2 M. SAXON : [interprétation] Je sais que le temps passe. Est-ce que le

3 moment serait venu de faire une pause ?

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, très bien.

5 Nous allons avoir notre première pause et nous reprendrons à 11

6 heures 05.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

8 --- L'audience est reprise à 11 heures 06.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

10 M. SAXON : [interprétation]

11 Q. Madame Galeva, juste avant la pause, lorsque vous avez apporté votre

12 dernière réponse, vous avez mentionné le fait qu'il y avait ce que vous

13 avez appelé un groupe de travail officieux créé sans décision, auquel

14 participait Katica Jovanovska qui travaillait dans le cadre des événements

15 de Ljuboten. Ensuite, vous avez dit : "Il y avait un ancien juge qui était

16 associé extérieur."

17 Est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous indiquer de quoi il

18 s'agissait. Quel était ce groupe de travail officieux auquel participait

19 Mme Jovanovska, qui avait mis sur pied ce groupe de travail officieux et

20 quel était son mandat ?

21 R. Outre la commission qui travaillait sur décision du ministre, il y

22 avait également d'autres groupes de travail. Ces groupes de travail

23 travaillaient sans pour autant qu'il n'y ait eu de décision écrite portant

24 sur la création de ces groupes et indiquant quel était leurs mandats ou

25 leurs tâches. Leurs supérieurs hiérarchiques leur disaient tout simplement

26 qu'il fallait qu'ils étudient la question. Plus précisément, Mme Katica

27 Jovanovska qui, à l'époque, travaillait en tant qu'analyste au sein du

28 ministère de l'Intérieur et plus précisément pour le secteur de l'analyse

Page 8796

1 et de la recherche, s'est vue confier comme mandat la tâche qui consistait

2 à obtenir, compiler et collecter tous les documents qu'elle devait verser

3 dans un seul et même dossier. Il s'agissait des documents qui portaient sur

4 le conflit dans son ensemble et, plus particulièrement, sur les événements

5 de Ljuboten.

6 Il y avait également un associé juridique, un associé extérieur qui était

7 conseillé pour les questions juridiques. Il s'agissait de Jordan Arsov, qui

8 était un ancien juge. Il avait également suivi les événements et il avait

9 fourni des instructions. Mais je pense que pour ce qui est de l'affaire

10 Ljuboten, il s'agissait essentiellement de Katica Jovanovska ainsi que

11 Jordan Arsov qui étudiaient la question jusqu'au moment où je suis arrivée.

12 Q. Qui a enjoint ce conseiller juridique extérieur, Jordan Arsov, de

13 travailler dans le cadre de l'affaire Ljuboten ?

14 R. Cela a certainement été décidé lors d'une réunion collégiale du

15 ministre et il y avait la décision des conseillers qui a été présentée au

16 ministre. Donc il avait été indiqué qu'une de ces personnes devrait,

17 justement, étudier cette question. Mais il y avait également d'autres

18 missions, d'autres tâches dont il s'occupait en parallèle. Ljuboten,

19 c'était l'une de ces tâches-là, de ses devoirs. Il s'agissait d'assurer le

20 suivi des informations qui arrivaient au secteur de l'analyse et de la

21 recherche. Je pense, en fait, que le but était que lui et Katica Jovanovska

22 compilent l'information, en parlent, et placent les informations dans un

23 classeur.

24 Q. Si je vous comprends bien, les conseillers du ministre Boskoski, les

25 membres de son collège, ont recommandé au ministre que ce M. Jordan Arsov

26 s'acquitte de cette tâche, donc il fallait qu'il fournisse cette assistance

27 ?

28 R. J'insiste à nouveau sur le fait qu'il fallait que lui ainsi que Mme

Page 8797

1 Katica Jovanovska suivent toutes les informations analytiques --

2 Q. Madame Galeva, vous n'avez peut-être pas compris ma question qui,

3 pourtant, était fort simple. Vous êtes en train de nous dire que les

4 conseillers du ministre Boskoski, les membres de son collège, ont

5 recommandé au ministre que M. Jordan Arsov fournisse une aide pour ce qui

6 est de l'affaire de Ljuboten; c'est cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que c'est le ministre Boskoski qui a fait en sorte que ce soit

9 M. Arsov qui fournisse cette aide précise ?

10 R. Je n'étais pas présente lorsqu'il a été invité à faire ceci. Je n'étais

11 pas là au moment où il a été invité à le faire par le ministre. Est-ce que

12 cela s'est passé dans le cadre d'une réunion bilatérale avec le ministre ?

13 Est-ce que cela s'est passé lors d'une réunion du collège qui avait lieu

14 régulièrement dans le bureau du ministre avec les collègues du ministre ?

15 Je n'en sais rien. Ce qui est certain, c'est qu'il a été invité à un moment

16 donné et que cette mission lui a été confiée.

17 Q. Où est-ce que nous pourrions trouver un ou des rapports écrits, rédigés

18 par M. Arsov à propos du travail qu'il a accompli ?

19 R. Il n'y a pas de rapport écrit, tout comme, d'ailleurs, il n'y a pas de

20 rapport écrit portant sur le travail de Mme Jovanovska. Je le répète, à

21 nouveau, il s'agissait d'une équipe qui travaillait seulement dans le cadre

22 de l'information analytique. Il fallait qu'ils collectent les informations

23 relatives à cette période et il fallait qu'ils transmettent au secteur de

24 l'analyse et de la recherche du ministère de l'Intérieur les informations

25 analytiques.

26 Une partie de ces informations analytiques m'a été transmise et, bien

27 entendu, cela a été ensuite inclus dans les documents qui, par la suite,

28 ont été donnés au ministre.

Page 8798

1 Q. J'aimerais que nous passions à autre chose, maintenant. Madame

2 Galeva, j'aimerais que vous vous penchiez maintenant, que vous

3 réfléchissiez au secteur du ministère de l'Intérieur pour le contre-

4 renseignement. Vous aviez hier, d'ailleurs, utilisé le sigle d'UBK à

5 ce sujet.

6 Hier, lors de votre déposition, vous aviez expliqué, disais-je, que

7 l'un des aspects essentiels ou l'une des caractéristiques essentielles du

8 travail effectué pour l'UBK consistait, entre autres choses, d'obtenir des

9 informations, des renseignements, il s'agissait également de suivre des

10 personnes et d'intercepter des conversations téléphoniques, n'est-ce pas ?

11 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Mais en général, pour faire ce genre de travail, il faut faire

14 appel à de nombreuses personnes ou de nombreuses ressources, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, certes.

16 Q. Puis cela présuppose également que les personnes qui font ce travail,

17 et je pense aux membres de l'UBK, aient une certaine expérience et de

18 nombreuses compétences pour accomplir ce travail, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, tout à fait.

20 Q. Si les membres de l'UBK, qui est le secteur responsable du contre-

21 renseignement, devaient ou avaient dû identifier des officiers de police

22 qui avaient participé à une opération, les membres de l'UBK auraient pu

23 trouver cette information, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, oui, c'est une des méthodes.

25 Q. J'aimerais maintenant que nous abordions un autre sujet, parce qu'hier

26 vous avez mentionné qu'après avoir commencé votre travail, après avoir

27 commencé à collecter les documents et éléments d'information relatifs à

28 l'affaire de Ljuboten, vous avez indiqué qu'à de nombreuses reprises vous

Page 8799

1 vous êtes entretenue avec le ministre Boskoski pour lui présenter l'état

2 d'avancement de vos travaux. Puis-je comprendre de cela qu'il s'agit de

3 discussions qui ont eu lieu pendant l'été 2002, à savoir pendant les mois

4 juin, juillet, août 2002 ?

5 R. Oui, bien sûr. Après que j'ai commencé mon travail à ce sujet, après

6 avoir reçu la décision en vertu de laquelle j'avais été mutée au cabinet du

7 ministre, il est évident que le ministre voulait savoir dans quelle phase

8 de la procédure nous nous trouvions. Il voulait savoir ce que nous avions

9 pu obtenir comme renseignement.

10 Nous avons eu des discussions à ce sujet. Il y avait également des

11 questions qui étaient posées pendant les réunions de son collège. Là, il

12 s'agit de questions plus générales, puis il y avait également des décisions

13 qui étaient prises en bilatéral, si le ministre considérait que cela était

14 approprié et s'il souhaitait être informé de l'état d'avancement des

15 travaux.

16 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait eu de nombreuses conjectures à

17 propos des événements de Ljuboten, je pense aux médias à l'époque,

18 notamment après la procédure d'exhumation, et que le ministre Boskoski

19 voulait que la vérité éclate aussi rapidement que possible.

20 R. [aucune réponse verbale]

21 Q. Il faut que vous répondiez à ma question; je m'excuse.

22 R. Oui, c'est exact. Il y avait de nombreux bruits qui couraient

23 parmi les membres du public à propos de l'événement de Ljuboten. Il y avait

24 des allégations suivant lesquelles il y avait eu une attaque armée à

25 laquelle avaient participé les membres des forces de sécurité du ministère

26 de l'Intérieur; il avait été dit, entre autres choses, qu'il y avait eu des

27 meurtres de civils; et le public se perdait en conjecture à ce sujet. Je

28 dois dire qu'il y avait également, dans une grande mesure, des critiques

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1 qui étaient avancées par l'organisation "Human Rights Watch," et qui avait

2 présenté des recommandations au gouvernement. Ce qui fait que le ministre a

3 véritablement manifesté un intérêt important à propos de cette question. Il

4 voulait véritablement qu'une enquête soit diligentée. Il voulait que le

5 plus rapidement possible la vérité éclate. C'est la raison pour laquelle

6 des efforts ont été déployés pour créer des comités, des commissions et

7 pour établir des groupes officiels ou officieux, afin que tous ces groupes

8 puissent collecter les renseignements disponibles pour que les services des

9 ministères puissent trouver des réponses aux nombreuses questions qui

10 étaient posées à propos de cet événement. Voilà ce qui s'est passé.

11 Q. Oui. C'est clair. Il s'agit tout simplement de simplifier.

12 Certes, il y a eu beaucoup de questions qui ont été posées parmi les

13 médias, les gens se livraient à des conjectures, et cela s'est passé

14 pendant les mois après les exhumations et les autopsies également, parce

15 qu'elles ont été effectuées pendant le printemps 2002.

16 R. Mais il y a toujours, dans ce genre de situation, des bruits qui

17 courent.

18 Q. Bien.

19 R. C'étaient les mêmes conjectures au début de la procédure, tout comme

20 après d'ailleurs, puisqu'il n'y a pas eu de résultats qui aient été

21 présentés au public à la suite des autopsies.

22 Q. Alors, les exhumations, les autopsies ont été effectuées en avril 2002,

23 mais elles n'ont pas véritablement permis de préciser ce qui s'était passé

24 à Ljuboten le 12 août 2001, n'est-ce pas ?

25 R. Il n'y pas eu de rapport définitif. Ce que je dis c'est qu'au ministère

26 de l'Intérieur il n'y a pas eu de rapport définitif, mais il y a eu un

27 rapport définitif de la part de l'institut médico-légal, et ce rapport a

28 été communiqué aux instances de notre système judiciaire, et ensuite cela a

Page 8801

1 été communiqué au TPIY.

2 A l'époque, j'avais parlé au responsable de la police scientifique du

3 ministère de l'Intérieur, car c'est le seul service qui a participé à cette

4 procédure. J'ai moi-même obtenu de leur part des informations. J'ai

5 également obtenu des conclusions et constatations de la part de M. le Pr

6 Aleksej Duma qui était le directeur de l'institut médico-légal, et je dois

7 dire qu'il y a de nombreuses conclusions intéressantes qui ont été tirées,

8 d'ailleurs. Puis il y a également le rapport d'expert qui portait sur tous

9 les éléments obtenus et il faut savoir que tous les éléments trouvés ont

10 été amenés à un institut indépendant, un laboratoire indépendant qui se

11 trouve aux Pays-Bas.

12 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire dans quel rapport de l'institut

13 médico-légal et pour quelles autopsies et pour quelles exhumations nous

14 pourrions trouver ces conclusions nombreuses et intéressantes ?

15 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question ?

16 Q. Vous venez de dire qu'à la suite de discussions avec des personnes

17 telles que le directeur de l'institut médico-légal, le Dr Duma, de

18 nombreuses conclusions intéressantes ont été tirées. Je voulais tout

19 simplement vous demander si vous pourriez nous dire précisément dans quel

20 rapport de l'institut médico-légal nous pourrions trouver ce que vous

21 appelez, pour reprendre vos mots, "ces conclusions nombreuses et

22 intéressantes," donc ces conclusions que vous avez jugé intéressantes ?

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Residovic.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

26 Procureur ne peut pas poser cette question en reprenant la dernière réponse

27 du témoin. Il n'y a pas de base. Parce qu'à la ligne 20 de la page 40, le

28 témoin a indiqué qu'ils avaient eu de nombreuses discussions et qu'à partir

Page 8802

1 de ces discussions de nombreuses conclusions intéressantes avaient été

2 tirées. Alors, la question devrait porter sur les éléments d'information et

3 les documents, donc je pense que c'est cette question que devrait poser mon

4 estimé confrère.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense, Maître Residovic, je suis

6 absolument sûr que le témoin sera à même de préciser tout cela et même si

7 tel est le cas.

8 M. SAXON : [interprétation]

9 Q. Vous voulez que je répète la question ?

10 R. J'avais compris votre question, mais je crois que j'ai déjà répondu. Je

11 réitère et je dis que je n'ai pas lu cela dans un rapport. Ce que je vous

12 dis c'est que compte tenu des discussions que j'ai eues avec le chef de la

13 police scientifique, M. Uslinkovski; ainsi que le directeur de l'institut

14 médico-légal, le Pr Duma; puis j'ai également eu des discussions par la

15 suite avec le juge d'instruction qui présidait toute la procédure, M.

16 Dragan Nikolovski.

17 C'est à la suite de toutes ces discussions et seulement compte tenu

18 de toutes ces discussions que je me suis exprimée de la sorte.

19 Q. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit hier, le ministre Boskoski

20 vous a vivement encouragé à travailler avec célérité et à faire le plus

21 rapidement possible et du mieux que vous le pouvez; c'est cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Je suppose que M. Boskoski, lui, voulait connaître la vérité et en être

24 informé ?

25 R. Oui.

26 Q. Lors de vos discussions, est-ce que vous l'avez informé de l'identité

27 de vos interlocuteurs, vous lui avez dit ce que vous avez fait, ce que vous

28 étiez en train de faire et vous avez ainsi obtenu le soutien complet de M.

Page 8803

1 Boskoski ?

2 R. Il a toujours été tenu informé. Il voulait être informé des différentes

3 phases de la procédure. Il voulait savoir ce qui se passait, il voulait

4 savoir quels étaient mes contacts, quels types de documents je collectais.

5 Il était particulièrement intéressé par cela et il a toujours mis l'accent

6 sur le fait qu'il fallait que cet exercice soit terminé le plus rapidement

7 possible.

8 Q. Du fait de l'intérêt spécial manifesté par M. Boskoski, il vous donnait

9 l'aval pour parler à tous les chefs d'unités et de secteurs qui auraient pu

10 apporter une réponse à certaines questions bien précises, n'est-ce pas ?

11 R. Peut-être que cela était mentionné pendant certaines discussions, mais

12 essentiellement, fondamentalement, ce qui me servait de base c'était les

13 discussions avec les autres officiers. J'avais déjà certaines connaissances

14 sur cette question et je savais, parmi les officiers supérieurs, à qui je

15 pouvais m'adresser et je savais qui pouvait m'apporter une réponse.

16 Q. Je voudrais vous donner lecture d'une réponse que vous avez apportée

17 hier à ma consoeur, Me Residovic, en réponse à l'une de ses questions qui

18 portait justement sur vos discussions avec M. Boskoski. Il s'agit de la

19 page 8 704 du compte rendu d'audience.

20 Voilà ce que vous avez dit, et je cite : "Pour ce qui est des instructions

21 spéciales, il," il s'agit du ministre Boskoski, "il me faisait savoir que

22 tel chef de secteur ou d'unité pouvait m'apporter une réponse à certaines

23 questions. En quelque sorte, il m'a fourni certaines orientations pour

24 pouvoir orienter ou guider mes activités pour que je ne me perde pas trop

25 en essayant de trouver ces réponses."

26 Est-ce que c'est exact ?

27 R. Oui. Je vous ai dit qu'il avait mentionné ceci pendant certaines

28 discussions.

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1 Q. Est-ce que le ministre Boskoski vous a jamais indiqué qu'il fallait que

2 vous preniez contact avec Johan Tarculovski ?

3 R. Non.

4 Q. Est-ce que M. le ministre Boskoski vous a jamais donné comme

5 instruction la possibilité de parler à un homme qui possédait une

6 entreprise de sécurité appelée Kometa ?

7 R. Non.

8 Q. Un homme répond au nom de Zoran Jovanovski qui avait comme surnom

9 Bucuk, est-ce que le ministre a jamais suggéré que vous pourriez prendre

10 langue avec cet homme ?

11 R. Zoran Jovanovski faisait à l'époque partie du département de la police

12 lorsque je suis venue travailler au ministère de l'Intérieur, si c'est la

13 personne à laquelle vous faites référence.

14 Q. Je m'excuse, Madame Galeva. Je sais que cela peut prêter à la

15 confusion, mais je parle d'un homme du même nom, il a le même prénom, il a

16 le même nom de famille. Je sais qu'il s'agit de noms qui sont assez

17 courants en Macédoine. Mais cet homme, cet homme qui répond au nom de Zoran

18 Jovanovski, a pour surnom le surnom de Bucuk. Il a une entreprise de

19 sécurité qui s'appelle Kometa. Est-ce que le ministre Boskoski vous a

20 jamais suggéré de prendre contact avec cet homme ?

21 R. Non, non. Cela n'a jamais été mentionné.

22 Q. Est-ce que le ministre Boskoski vous a jamais suggéré de prendre

23 contact avec un homme répondant au nom de Kunta ?

24 R. Non.

25 Q. Qu'en est-il des deux frères qui ont comme un nom de famille Janevski ?

26 M. SAXON : [interprétation] Je vois que Me Apostolski s'est levé.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je l'avais vu mais j'attendais que

28 vous finissiez de poser vos questions sur ce sujet.

Page 8806

1 Maître Apostolski.

2 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

3 objection pour ce qui est des questions qui sont posées au témoin. Je pense

4 qu'il serait dans un premier temps juste et équitable de demander au témoin

5 si elle connaît ces personnes et ensuite il pourra lui poser ces questions.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Apostolski,

7 mais je pense que nous pouvons laisser cela aux bons soins de M. Saxon.

8 M. SAXON : [interprétation]

9 Q. Madame Galeva, je vais répéter ma question. M. Boskoski vous a-t-il

10 jamais donné pour instruction de vous entretenir avec un homme répondant au

11 nom de Kunta ?

12 R. Non.

13 Q. Qu'en est-il des deux frères Janev ou Janevski ?

14 R. Non.

15 Q. Je passe à un autre sujet maintenant. Hier, vous nous avez parlé du

16 rapport de l'organisation "Human Rights Watch" au sujet des événements de

17 Ljuboten. Vous en souvenez-vous ?

18 R. Oui.

19 Q. Avez-vous jamais parlé du rapport de "Human Rights Watch" avec M.

20 Boskoski ?

21 R. Le jour ou j'ai été invitée pour la première fois au bureau de M. le

22 ministre Boskoski, inutile de revenir sur toute cette conversation. Ce

23 jour-là, Katica Jovanovska était invitée elle aussi, car elle avait reçu

24 pour tâche de me remettre les documents qu'elle avait déjà recueillis.

25 Entre autres, les informations analytiques que j'ai déjà mentionnées, en

26 sus de ces documents se trouvait le rapport de "Human Rights Watch". Nous

27 avons eu une discussion assez brève et fait quelques commentaires assez

28 brefs également au sujet de ce rapport à ce moment-là ou au plus tard à

Page 8807

1 l'occasion d'autres réunions que nous avons eues.

2 Q. Vous souvenez-vous des commentaires éventuels fait par le ministre

3 Boskoski au sujet du rapport de "Human Rights Watch" ?

4 R. Oui, je m'en souviens, mais je ne saurais vous dire précisément si cela

5 a eu lieu ce jour-là ou à l'occasion de réunions ultérieures. En commentant

6 ce rapport, il a dit que ce dernier contenait de nombreux faits erronés et

7 non corroborés. N'importe qui pouvait affirmer n'importe quoi au public.

8 N'importe quoi pouvait être couché sur le papier.

9 Mais compte tenu de notre système judiciaire et de la présomption

10 d'innocence, tant que vous n'avez pas prouvé la responsabilité et la

11 culpabilité des personnes accusées, la personne est libre. Il s'agissait

12 d'allégations infondées, non corroborées.

13 C'est la raison pour laquelle il a voulu réfuter toutes les

14 allégations contenues dans ce rapport et prouver le contraire. Il voulait

15 résoudre cette affaire le plus vite possible, régler tous les problèmes,

16 apporter des réponses aux questions qui se posaient. Dans les documents que

17 j'ai recueillis par la suite, on a trouvé de nombreuses données précises.

18 Q. Merci, Madame Galeva. Vous nous avez déjà expliqué cela hier.

19 Je vous invite à vous reporter à l'intercalaire 4 de votre classeur.

20 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P355, Monsieur le

21 Président, qui devrait se trouver dans votre classeur également.

22 Q. Madame Galeva, j'espère que vous avez une traduction macédonienne de ce

23 document. Il s'agit d'un bulletin d'actualités de la BBC, en date du 27

24 août 2001, et le titre est le suivant : Le ministre de l'Intérieur

25 macédonien rejette des accusations relatives aux droits de l'homme.

26 Voyez-vous cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Apparemment, dans cet article il est dit au début que le ministre

Page 8808

1 Boskoski réfute les allégations qui, apparemment, contenues dans un rapport

2 de "Human Rights Watch" concernant les événements de Ljuboten. Vers le

3 milieu de la page, nous pouvons lire : "Je rejette vigoureusement ces

4 accusations."

5 Voyez-vous cela, Madame Galeva ?

6 R. Oui.

7 Q. Ensuite, on cite les propos du ministre. Il dit d'abord que ces

8 allégations ne sont pas fondées.

9 Ensuite, il dit : "Je rejette vigoureusement les accusations portées contre

10 le ministère de l'Intérieur et à l'encontre des forces régulières et de

11 réserve de la police qui ont fait montre d'un courage sans précédent en

12 défendant la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Macédoine au

13 cours des six mois écoulés."

14 Voyez-vous cela ?

15 R. Oui.

16 Q. Il ajoute ensuite, je cite : "Je considère les accusations portées par

17 "Human Rights Watch" comme un acte classique cherchant à tendre une

18 embuscade au ministre de l'Intérieur."

19 Un peu plus loin dans le texte, on peut lire : "Il," c'est-à-dire le

20 ministre Boskoski, "a déclaré que son but était de défendre les intérêts

21 nationaux du peuple macédonien et qu'il n'avait aucune intention de

22 justifier ses actions."

23 Voyez-vous cela ?

24 R. Oui.

25 Q. A la dernière ligne, le texte se lit comme suit, je cite : "S'il existe

26 la moindre preuve, je suis prêt à l'expliquer, même si c'est hors de

27 question."

28 Est-ce que vous m'avez suivi ?

Page 8809

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que l'un des intérêts qu'avait le ministre Boskoski à recueillir

3 des informations au sujet des événements de Ljuboten n'était pas de

4 protéger ce qu'il considérait être les intérêts nationaux ou l'intérêt

5 national du peuple macédonien ?

6 R. Excusez-moi, pouvez-vous répéter votre question ?

7 Q. Vous nous avez expliqué que le ministre Boskoski avait montré un

8 intérêt tout particulier pour ce qui est de recueillir des informations au

9 sein du ministère concernant les événements de Ljuboten. Vous avez dit que

10 le ministre Boskoski voulait élucider cette affaire dans les plus brefs

11 délais.

12 Comme il est dit ici, ne pensez-vous pas que le ministre Boskoski a fait

13 cela pour défendre l'intérêt du peuple macédonien ?

14 R. Absolument, tout à fait.

15 Q. A cet égard, aurais-je raison de dire que sans les cabinets du

16 ministre, du moins en 2002, on avait l'impression que le rapport de "Human

17 Rights Watch" allait à l'encontre de l'intérêt du peuple macédonien ?

18 R. Tel était le sentiment général et ces commentaires paraissaient

19 dérangeants et, comme ils n'étaient pas fondés ni corroborés, ils portaient

20 préjudice.

21 Q. Vous voulez parler des commentaires de "Human Rights

22 Watch" ?

23 R. Oui.

24 Q. Ljube Boskoski souhaitait protéger la réputation de la police

25 macédonienne, n'est-ce pas ?

26 R. Certainement.

27 Q. En fait, l'un des objectifs poursuivi par le ministre Boskoski était de

28 protéger la réputation de l'ensemble du ministère de l'Intérieur, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Certes, mais il n'était pas exclu qu'en cas de questions portant

3 atteinte à la réputation de la police en générale, il y aurait une

4 réaction. Bien entendu, en sa qualité de ministre de tutelle, il pensait

5 que la réputation du ministère était importante. Mais si quelque chose

6 mettait en péril cette réputation, il allait réagir.

7 Q. A titre d'exemple de réaction, le ministre Boskoski a mis sur pied une

8 commission, le 13 août 2001 afin d'enquêter sur les événements de Ljuboten,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Veuillez examiner le document figurant à l'intercalaire 6 de votre

12 classeur.

13 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P356.

14 Q. Je constate que vous n'avez pas de traduction de ce texte en

15 macédonien.

16 Je vais donner lecture de certains passages de cet article extrait du

17 New York Times, article paru en septembre 2001.

18 L'article s'intitule comme suit : "Le rapport affirme que des Macédoniens

19 ont tué des civils par vengeance."

20 On décrit le rapport de "Human Rights Watch" qui devait paraître le même

21 jour que cet article. Il est fait référence à certains détails et à

22 certaines allégations contenus dans le rapport de "Human Rights Watch". Il

23 est également fait référence à certains commentaires du ministre Boskoski

24 en réaction au rapport de "Human Rights Watch".

25 Vers le milieu de la page, colonne de droite, le texte se lit comme suit :

26 "Il," c'est-à-dire M. Boskoski, "a également attaqué "Human Rights Watch"

27 qui a enquêté sur l'incident. Il l'a qualifié 'd'organisation de

28 mercenaires internationale.'"

Page 8811

1 Madame Galeva, avez-vous jamais entendu ces propos dans la bouche de M.

2 Boskoski pour décrire "Human Rights Watch" ?

3 R. En ma présence ou en la présence d'autres collègues, à l'occasion de

4 nos réunions conjointes et des réunions de collège, je n'ai jamais entendu

5 de tels propos. Comme je l'ai dit, j'ai entendu qu'il y avait de nombreux

6 éléments contradictoires, beaucoup d'affirmations et d'allégations qui

7 étaient dénuées de fondement et non corroborées. Voilà ce qu'il a dit, en

8 termes généraux, sur ce rapport.

9 Q. Vous connaissez assez bien "Human Rights Watch" parce que l'une de vos

10 tâches consistait à vérifier l'exactitude de ces allégations. Est-ce que

11 vous estimez que "Human Rights Watch" est une organisation internationale

12 composée de mercenaires ?

13 R. Je ne souhaite pas vous donner mon avis personnel sur la question.

14 Q. Mais je vous le demande.

15 R. D'après ce que j'ai pu observer jusqu'à présent et compte tenu de mon

16 expérience, lorsque j'ai préparé ces documents, j'ai eu l'occasion de lire

17 des récits épouvantables qui m'ont paru incroyables. Au fil du temps, j'ai

18 recueilli de nombreux éléments bien différents de ceux qui sont contenus

19 dans ce rapport.

20 Il y avait une divergence énorme, ce qui m'a amené à conclure qu'il

21 s'agissait de désinformation de leur part. Pourquoi ont-ils agi ainsi ? Ce

22 n'est pas à moi d'en juger. Je constate et je sais qu'il y avait de grosses

23 différences et des faits non étayés, non corroborés.

24 Q. Excusez-moi. Mais dans le compte rendu en anglais il est dit : "Je

25 constate qu'il y avait une grosse divergence qui m'a conduit, ce qui m'a

26 amené à conclure qu'ils fournissaient ces informations."

27 M. SAXON : [interprétation] Bien.

28 Q. Que vous a dit M. Ljube Boskoski au sujet de ce Tribunal et de

Page 8812

1 l'enquête menée par ce Tribunal sur les événements de Ljuboten ?

2 R. S'agissant du Tribunal de La Haye, il s'est intéressé d'emblée au

3 recueil d'information pertinente le plus vite possible, information qui

4 pourrait être utile au Tribunal. Il s'agit d'un Tribunal qui a le dernier

5 mot. Nous sommes de l'autre côté. Nous sommes les représentants du

6 ministère qui doivent mettre à disposition tous les documents disponibles,

7 documents émanant de tous les services du ministère et qui pourraient

8 permettre au Tribunal de rendre sa décision ultime et de faire toute la

9 lumière sur les événements, d'étayer ses décisions par des arguments et des

10 faits.

11 C'est pour cela qu'il a demandé que des représentants du Tribunal de La

12 Haye soient impliqués dans toutes les procédures en cours dans notre pays,

13 notamment pour ce qui est des exhumations qui étaient les procédures les

14 plus importantes. Il a insisté pour que ces procédures ne soient traitées

15 uniquement par nous. Il a voulu qu'il y ait présence de superviseurs du

16 Tribunal de La Haye afin d'éviter toute manipulation.

17 Q. Vous avez déclaré que le ministre Boskoski avait dit qu'il souhaitait

18 que les documents pertinents soient recueillis dans les plus brefs délais,

19 documents qui pourraient être utiles au Tribunal. C'était au printemps et à

20 l'été 2002, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. A l'époque, le Procureur de ce Tribunal avait fait valoir sa primauté

23 pour ce qui est de l'affaire de Ljuboten, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Je souhaiterais maintenant passer à autre chose.

26 Hier, dans le cadre de votre déposition, vous avez évoqué un certain

27 nombre de réunions et de conversations téléphoniques que vous avez eues

28 avec des personnes susceptibles de vous fournir des renseignements relatifs

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1 aux événements de Ljuboten. Vous avez notamment mentionné le responsable du

2 secteur de la police scientifique, M. Uslinkovski. Vous avez déclaré à son

3 sujet que vous l'aviez rencontré plusieurs fois.

4 Vous souvenez-vous avoir dit cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Comme vous l'avez dit hier, M. Uslinkovski vous a fourni des

7 renseignements au sujet des personnes exhumées à Ljuboten, personnes qui

8 ont ensuite été autopsiées, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Ces discussions que vous avez eues avec M. Uslinkovski étaient des plus

11 importantes, n'est-ce pas, pour ce qui est de votre travail ?

12 R. Bien sûr.

13 Q. Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit hier, les discussions

14 que vous avez eues avec M. Uslinkovski vous ont amené à rencontrer le Pr

15 Duma, directeur de l'institut médico-légal, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous avez rencontré plusieurs fois le Pr Duma, et vous nous avez dit

18 que le Pr Duma a confirmé les propos tenus par

19 M. Uslinkovski. N'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Donc eu égard à votre travail, il s'agissait de réunions importantes,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Les conversations que vous avez eues avec le Pr Duma vous ont amené à

25 vous entretenir avec le juge d'instruction de l'époque, M. Dragan

26 Nikolovski, n'est-ce pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Le Juge Nikolovski vous a fourni des renseignements analogues à ceux

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1 qui vous avaient été fournis par M. Uslinkovski et le Pr Duma, n'est-ce pas

2 ?

3 R. Oui.

4 Q. Les conversations que vous avez eues avec le Juge Nikolovski, là

5 encore, étaient importantes pour ce qui est de votre travail ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Vous avez également téléphoné à M. Ljube Krstevski, mais ce dernier a

8 refusé de vous aider; est-ce bien cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez dû être déçue, mais manifestement cette conversation a été

11 importante à vos yeux puisque vous vous en souvenez ?

12 R. Oui.

13 Q. Où avez-vous noté les informations que vous avez obtenues dans le cadre

14 de ces conversations importantes avec M. Uslinkovski, le Pr Duma, le Juge

15 Nikolovski et Ljube Krstevski ? Où peut-on trouver une trace écrite de ces

16 conversations ?

17 R. Il n'y a pas eu de procès-verbal. Il s'agissait essentiellement de

18 réunions en tête-à-tête, et habituellement on ne prenait de procès-verbal à

19 l'occasion de ces réunions de collège, mais ce que je peux dire pour ma

20 part, c'est qu'à l'occasion de chaque réunion j'ai pris des notes

21 personnelles concernant toutes les questions soulevées et toutes les

22 réponses fournies par les intéressés.

23 Q. Où peut-on trouver vos notes personnelles concernant ces réunions ?

24 R. Il s'agissait de notes personnelles prises à l'époque. Je me rappelle

25 que j'ai remis tous les documents pertinents au procureur général. Donc

26 parmi ces documents se trouvaient mes notes.

27 Q. Ces documents ont été ensuite envoyés à ce Tribunal, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, c'est ce que m'a dit le procureur général.

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1 Q. Si des employés de ce Tribunal devaient examiner les documents

2 communiqués par le gouvernement de Macédoine en 2002, ils retrouveraient

3 vos notes personnelles concernant ces discussions importantes, n'est-ce pas

4 ?

5 R. En principe, oui, même s'il existe d'autres preuves. Mais je me

6 souviens des conversations que j'ai eues avec d'autres personnes qui

7 peuvent confirmer cela.

8 Q. C'est possible, mais moi je m'intéresse à vos notes, aux traces écrites

9 de ces conversations.

10 Vous avez déclaré un peu plus tôt aujourd'hui que l'une de vos qualités au

11 plan professionnel était votre capacité à tenir des registres. Pourquoi

12 n'avez-vous pas fait de PV de ces conversations très importantes que vous

13 avez eues ?

14 R. Au sein du ministère de l'Intérieur, lorsqu'il y avait des réunions,

15 les procès-verbaux étaient du ressort exclusif des analystes. Ce n'était

16 pas de mon ressort ou du ressort de quelqu'un d'autre. Toutes les notes que

17 j'ai prises à l'occasion des conversations que j'ai eues, tous les points

18 les plus importants, les questions, les réponses que j'ai notés ne

19 constituent pas un procès-verbal officiel.

20 Cela ne faisait pas partie de mes attributions. C'était du ressort exclusif

21 des analystes du ministère.

22 Q. Vous avez obtenu votre diplôme pour exercer en tant qu'avocate. Etait-

23 ce en 1993 ?

24 R. Oui, en 1993.

25 Q. Alors vous nous dites qu'avec toute l'expérience accumulée jusqu'en

26 2002, vous n'étiez pas en mesure de créer un procès-verbal des

27 conversations que vous avez eues ?

28 Mme RESIDOVIC : [interprétation] On déforme les propos du témoin. Le témoin

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1 a dit que ce n'était pas sa tâche, non pas qu'elle n'était pas en mesure de

2 le faire.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

4 Poursuivez, Monsieur Saxon.

5 M. SAXON : [interprétation]

6 Q. Pourriez-vous répondre à ma question, Madame Galeva, s'il vous plaît ?

7 R. Comme je l'ai déjà dit, au sein du ministère, l'établissement des

8 procès-verbaux était du ressort des analystes. Or, n'importe qui d'autre,

9 dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, pouvait rédiger des procès-

10 verbaux, mais il n'était pas obligatoire. Il ne s'agissait pas de procès-

11 verbaux officiels.

12 Q. Lorsque vous vous êtes entretenue avec ces personnes importantes, le Pr

13 Duma, le juge Nikolovski, M. Uslinkovski, vous n'étiez pas accompagnée d'un

14 analyste, n'est-ce pas ?

15 R. Non, jamais.

16 Q. Donc, vous êtes la seule personne représentant le ministère de

17 l'Intérieur qui aurait pu noter sur papier ces conversations ?

18 R. Oui.

19 Q. Pour bien vous comprendre, le ministre Boskoski vous avait confié une

20 tâche primordiale, à savoir, faire toute la lumière sur les événements de

21 Ljuboten, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Précédemment, en tant que juriste et lorsque vous avez débuté votre

24 carrière, est-ce que vous avez toujours essayé de garder une trace complète

25 de chacune de vos missions importantes ?

26 R. Bien entendu, j'ai gardé la trace, mais encore une fois, permettez-moi

27 de souligner que là, en l'occurrence, ce n'était pas quelque chose

28 d'obligatoire. On ne devait pas garder des traces. Ce n'était pas quelque

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1 chose qui était requis officiellement, parce que ce n'était pas encore une

2 commission officielle. C'était plutôt un groupe de travail qui avait été

3 organisé par le ministre.

4 Si ça avait été un organe de travail, une commission, officiellement il y

5 aurait eu des documents écrits, des traces écrites de ces activités.

6 Cependant, comme c'était quelque chose de complètement différent, ces

7 rapports n'étaient pas obligatoires. Quant à savoir si j'avais mes propres

8 notes, si j'avais garder la trace personnellement, là ça relève de ma

9 vision personnelle des choses. Ça n'a rien à voir avec ma mission ou mes

10 obligations professionnelles.

11 Q. Vous dites que ce n'était pas une commission officielle. Vous dites que

12 c'est le ministre de l'Intérieur qui vous a donné pour mission d'élucider

13 ou d'essayer d'élucider les faits, de trouver la vérité sur un événement

14 important où il y a eu morts d'hommes. Est-ce que vous êtes en train de

15 nous dire que ceci ne constituait pas partie intégrante et officielle de

16 vos devoirs en faisant partie de cette commission du ministère de

17 l'Intérieur ?

18 R. C'était un groupe de travail, oui. Officiel dans le sens où ce n'était

19 pas par écrit que cet organe était rendu officiel. Le ministre avait

20 l'autorisation de le faire par écrit et par oral. Compte tenu du fait que

21 la situation était critique et qu'on s'attendait à ce que les résultats

22 soient produits aussi vite que possible, et que la commission allait

23 pouvoir révéler la vérité, il y a eu plusieurs groupes de travail et de

24 commissions qui ont été créés. Il y avait beaucoup d'autres employés du

25 ministère de l'Intérieur qui devaient s'occuper de l'affaire Ljuboten.

26 Q. Je vous comprends [comme interprété]. Est-ce que vous êtes en train de

27 faire une différence entre ce qui a été fait au ministère de l'Intérieur

28 par le groupe de travail, d'une part, et par la commission officielle,

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1 d'autre part ? Est-ce que la mission de la commission officielle était

2 placée sur un échelon plus élevé ? Etait-ce quelque chose de plus formel

3 que les activités du groupe de travail ?

4 R. Non. C'est une question de procédure. La commission s'est créée par une

5 décision écrite, tandis qu'un groupe de travail, comme je l'ai déjà

6 précisé, peut être créé suite à une autorisation orale. Leurs attributions,

7 leur importance sont placées sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de

8 différence entre les deux.

9 Q. Mais s'agissant du groupe de travail dont vous avez fait partie en

10 2002, il n'y avait aucune raison qu'il n'y ait pas de procès-verbal des

11 réunions importantes du groupe de travail. Il n'y a pas de raison pourquoi

12 on n'aurait pas pu produire un procès-verbal.

13 R. Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus.

14 Q. Le juge Nikolovski vous a dit, et je le cite : "qu'au terme de la loi,

15 le juge d'instruction n'était pas tenu de fournir par écrit d'éléments

16 d'information au ministère de l'Intérieur."

17 Vous vous souvenez d'avoir dit cela dans votre déposition ?

18 R. Oui.

19 Q. Mais dites-nous, ces dispositions figurent dans quelle loi ? Quelle est

20 la loi qui le prohibe ?

21 R. Je ne le sais pas. Ceci ne relève pas de mon domaine de compétences.

22 Q. Très bien. Je voudrais passer à un autre sujet, maintenant.

23 Hier, vous avez dit qu'à un moment donné dans le cadre de votre travail,

24 vous avez passé un coup de téléphone à Ljube Krstevski. Vous avez essayé

25 d'établir un contact avec lui, et hier, dans votre déposition, vous avez

26 dit que M. Krstevski a refusé de coopérer avec vous. Vous vous en souvenez

27 que vous avez dit cela ?

28 R. Oui, je me souviens d'avoir dit cela.

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1 Q. Est-ce que cela veut dire que vous avez fait part de la réponse de M.

2 Krstevski au ministre Boskoski ?

3 R. Oui.

4 Q. Comment a réagi le ministre Boskoski lorsqu'il a appris cela ?

5 R. J'ai informé le ministre Ljube Boskoski brièvement du fait que M. Ljube

6 Krstevski, en dépit de mes tentatives de le rencontrer, a refusé cela et

7 qu'il a fourni une excuse lapidaire en disant que ce qu'il savait au sujet

8 de l'événement et tous les documents écrits avaient déjà été communiqués

9 par lui et qu'il ne pouvait rien ajouter. Bien entendu, j'en ai fait part à

10 Boskoski, M. le ministre. Je ne sais pas quelle a été la suite des

11 événements.

12 Q. Madame Galeva, je voudrais vous demander de bien vouloir répondre à ma

13 question. Excusez-moi, je comprends que nous sommes tous fatigués.

14 Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, répondre à la question que je vous

15 ai posée, à savoir, quelle a été la réponse, la réaction du ministre

16 Boskoski lorsque vous lui avez dit ce qui en était de votre tentative de

17 communiquer avec Ljube Krstevski ou ce qui s'est passé entre vous et Ljube

18 Krstevski ?

19 R. Tout simplement, il a été surpris d'apprendre la réponse et il m'a dit

20 de ne rien entreprendre là-dessus et de lui laisser le soin de s'en

21 occuper.

22 Q. Pour autant que vous le sachiez, est-ce que M. le ministre Boskoski a

23 pris des mesures par la suite ? Est-ce qu'il a fait quelque chose pour

24 obtenir la coopération de M. Krstevski ?

25 R. La seule chose que je sais, c'est que le numéro un de la police

26 judiciaire de Skopje communiquait tous les jours avec M. Krstevski. Je ne

27 sais pas qui en prenait l'initiative. Est-ce le ministre ou non, je ne le

28 sais pas.

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1 Q. Est-ce que vous avez demandé à M. Boskoski de donner l'ordre à M.

2 Krstevski de coopérer avec vous ?

3 R. Non.

4 Q. Pour quelle raison vous ne l'avez pas fait ?

5 R. Mais il m'avait déjà donné la réponse. Il m'a dit que c'est lui qui

6 allait se charger de tout ce qu'il fallait faire. Moi, il fallait que je me

7 désintéresse de cela. Donc je considérais que s'il allait avoir besoin de

8 quelque chose, il allait m'en parler. Je n'ai pas agi parce qu'il ne me l'a

9 pas demandé.

10 Q. Mais lorsque vous avez vu que vous ne receviez aucune réponse de la

11 part de M. Krstevski, est-ce que vous en avez reparlé avec le ministre

12 Boskoski ?

13 R. Je n'ai pas soulevé cette question de nouveau avec M. le ministre. Je

14 ne l'ai plus jamais fait. Mais j'avais des contacts réguliers avec

15 l'assistant de la police judiciaire, M. Lube Stojanovski, qui était en

16 contact avec le chef du département des affaires intérieures, Ljube

17 Krstevski. C'est comme ça qu'on recevait beaucoup d'informations.

18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise signalent qu'ils n'ont

19 pas bien entendu un nom, page 60, ligne première.

20 M. SAXON : [interprétation]

21 Q. Nous avons besoin de préciser quelque chose, Madame Galeva. Au début de

22 votre réponse, vous avez dit que vous n'aviez plus jamais reposé cette

23 question au ministre ou à M. … et l'interprète n'a pas entendu la suite. Je

24 pense que vous avez dit "M. Boskoski", est-ce exact ?

25 R. Oui, M. le ministre.

26 Q. Est-ce que vous avez informé le directeur du bureau chargé de la

27 sécurité publique, M. Goran Mitevski, du fait que Ljube Krstevski avait

28 refusé de coopérer avec vous ?

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1 R. Je l'ai fait immédiatement.

2 Q. Comment a-t-il réagi ?

3 R. Il a dit qu'il allait recueillir l'avis du ministre et qu'ils allaient

4 décider quelle devrait être la marche à suivre.

5 Q. Donc vous n'avez pas demandé à Goran Mitevski de donner l'ordre à M.

6 Krstevski de coopérer avec vous ?

7 R. Je me suis contentée de l'informer de la situation et j'attendais sa

8 réponse. Il m'a dit : "Je vais m'en occuper. Je vais en parler avec le

9 ministre et après on verra quelle sera notre stratégie à venir."

10 Q. Goran Mitevski, il vous en a reparlé par la suite ?

11 R. Non, plus jamais.

12 Q. Un autre sujet à présent, si vous voulez bien.

13 Hier, dans le cadre de votre déposition, vous avez informé les Juges de la

14 Chambre des choses sur Atulla Qaili, un homme qui est décédé peu après les

15 événements de Ljuboten. Je voudrais juste comprendre bien ce que vous avez

16 dit.

17 Est-ce que vous avez lu des rapports parlant de M. Atulla Qaili en 2002,

18 dans le cadre de votre travail ? Est-ce que vous avez lu des documents de

19 ce titre ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous avez fait rapport au ministre Boskoski des choses que

22 vous aviez apprises sur M. Atulla Qaili ?

23 R. Je ne me souviens pas si j'ai parlé de cela au ministre. Je me souviens

24 d'en avoir parlé avec M. Goran Mitevski, M. le directeur, et j'en ai parlé

25 également avec Petre Stojanovski. C'est Goran Mitevski qui m'a encouragée à

26 en parler avec M. Stojanovski.

27 Q. Donc Goran Mitevski vous a suggéré d'aller parler à Petre Stojanovski

28 de la mort d'Atulla Qaili ?

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1 R. Oui, entre autres informations qu'il m'a données oralement. Nous avons

2 eu une conversation. Il m'a fourni des informations portant sur cette

3 affaire et il m'a dit que je pouvais m'adresser à M. Petre Stojanovski pour

4 en parler, puisque cela relevait du territoire du OVR Cair, et

5 potentiellement ils allaient pouvoir me fournir d'autres informations

6 utiles.

7 Q. Goran Mitevski vous a-t-il encouragé à confirmer les circonstances de

8 la mort d'Atulla Qaili ?

9 R. Pour autant que je m'en souvienne, il y avait un document disant que la

10 personne a été hospitalisée. Je pense que c'était à l'hôpital général

11 municipal, que c'était en présence d'un juge; et dès que le ministre de

12 l'Intérieur en a été informé, ils avaient informé le procureur de garde de

13 la chose, de permanence.

14 Après cela, le procureur a demandé que l'identité de cette personne

15 soit établie. Il s'est adressé au ministère avec cette demande, et c'est ce

16 qui a été fait. Donc le bureau de médecine légale au sein du ministère a pu

17 établir l'identité de la personne sur la base des lignes papillaires.

18 Q. Merci de m'avoir apporté cette réponse, mais je ne pense que

19 c'est exactement ce que je vous avais demandé.

20 Ma question était la suivante : en plus de vous encourager d'aller

21 parler à M. Petre Stojanovski, quoi d'autre Goran Mitevski vous a-t-il

22 suggéré de faire afin de vous assurer des circonstances de la mort de M.

23 Qaili ? M. Mitevski vous a-t-il laissé penser à autre chose ou encouragé à

24 penser autre chose ?

25 R. C'était une demande qui a été envoyée de la part du ministère au bureau

26 du procureur disant que nous avions rencontré ce cas, qu'une personne était

27 décédée à l'hôpital et que, normalement, dans ce genre de situation, le

28 procureur avait demandé un rapport d'expert afin de pouvoir vérifier

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1 l'identité de la personne sur la base des lignes papillaires. Ce sont des

2 questions dont j'ai parlé avec Goran Mitevski et Petre Stojanovski. Ce sont

3 plusieurs gestes qui ont été faits au sujet de cette personne décédée.

4 Q. Je comprends. C'est très clair. Mais ces gestes exigent un rapport

5 d'expert pour identifier la personne sur la base des lignes papillaires, et

6 cetera. Donc il y a eu des documents qui ont été produits, documents

7 écrits, ils ont été produits en août 2001.

8 Mais ce que je voudrais savoir c'est le printemps et l'été 2002, à ce

9 moment-là, lorsque vous avez parlé avec Goran Mitevski de vos activités

10 liées à Ljuboten, les événements de Ljuboten, et lorsqu'il vous a dit de

11 vous adresser à Petre Stojanovski au sujet de la mort d'Atulla Qaili; tout

12 ça c'est très clair.

13 Mais je voudrais savoir s'il vous a suggéré quoi que ce soit d'autre à

14 l'époque, à ce moment-là, en 2002, sur les informations que vous pourriez

15 trouver portant sur la cause ou les circonstances de la mort d'Atulla

16 Qaili. C'est tout.

17 Si vous devez me répondre par la négative, c'est bien. Il me faut juste une

18 réponse.

19 R. Pour autant que je m'en souvienne, cette affaire-là, ce cas-là ainsi

20 que d'autres faisaient partie de la procédure, et on attendait d'avoir les

21 conclusions de l'autopsie, et je suppose qu'il y a eu un rapport sur cette

22 personne, entre autres.

23 Q. Donc vous ne vous êtes jamais familiarisée, vous n'avez jamais eu entre

24 vos mains un rapport d'autopsie du corps d'Atulla Qaili en août 2001 ? Vous

25 n'avez jamais pris connaissance de ce rapport ?

26 R. Non.

27 Q. Est-ce que vous êtes jamais allée à l'hôpital municipal de Skopje pour

28 voir les fichiers médicaux, les dossiers médicaux sur des personnes qui

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1 avaient été détenues à Ljuboten ?

2 R. Non.

3 Q. Mais pourquoi pas ?

4 R. Parce que je pensais que ce n'était pas nécessaire. J'avais déjà les

5 documents qu'il me fallait. C'était quelque chose qui s'était passé avant

6 que je ne vienne travailler au ministère de l'Intérieur, et je pensais que

7 les documents qui étaient accessibles au ministère étaient suffisants, et

8 qu'il n'y avait pas lieu au bout de si longtemps de se rendre à l'hôpital à

9 la recherche de dossiers ou de documents.

10 Q. Mais saviez-vous si avant de vous avoir employée, le ministère de

11 l'Intérieur avait obtenu des dossiers médicaux de l'hôpital municipal de

12 Skopje portant sur les personnes qui avaient été détenues à Ljuboten ?

13 R. Non.

14 Q. Madame Galeva, hier vous avez parlé dans le cadre de votre déposition

15 des autopsies menées sur des corps des personnes exhumées au cimetière de

16 Ljuboten, et vous nous avez dit que lorsque les corps étaient exhumés et

17 autopsiés, par la suite vous avez dit, je cite ce que vous avez déclaré :

18 "Donc ils portaient des tee-shirts noirs ou des tee-shirts de camouflage."

19 Est-ce que vous vous en souvenez ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que ça vous étonnerait d'entendre qu'aucun de ces rapports

22 d'autopsie, aucun examen de vêtements portés par des personnes décédées ne

23 nous permet de penser ou de voir que l'individu en question était en tee-

24 shirt de camouflage ?

25 R. C'est vraiment étonnant, car j'ai recoupé mes sources. Je ne me suis

26 pas contentée d'une seule source. Ça m'étonnerait qu'il y ait de telles

27 divergences entre les sources. Il y avait des éléments identiques, donc ça

28 m'étonnerait, ce serait impossible.

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1 M. SAXON : [interprétation] Je voudrais acter, Monsieur le Président, qu'il

2 s'agit des pièces P445 jusqu'à P450, pièce P452 et 1D74, ainsi que 1D77.

3 Q. Vous dites que vous avez utilisé de multiples sources pour obtenir

4 cette information, à savoir que ces personnes étaient en vêtement de

5 camouflage. Est-ce que vous pouvez nous citer ces

6 sources ?

7 R. Il y avait beaucoup de sources, les sources que j'ai déjà mentionnées.

8 Il s'agit du secteur du département de médecine légale au sein du ministère

9 de l'Intérieur. Il y avait là une équipe. Il y avait une équipe composée de

10 plusieurs experts, plusieurs experts compétents dans les différents

11 domaines, puis il y avait aussi le Pr Aleksej Duma; il y avait aussi le

12 juge d'instruction, le Juge Dragan Nikolovski qui était à la tête de

13 l'instruction et aussi chargé de l'autopsie de ces personnes. Donc toutes

14 ces sources m'ont fourni des réponses identiques sur ces questions-là.

15 Q. Vous nous dites que chacune de ces personnes vous auraient confirmé

16 qu'une ou plusieurs personnes exhumées du cimetière de Ljuboten portaient

17 une sorte de vêtement de camouflage; c'est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Hier, vous avez parlé d'une réunion à laquelle vous avez assisté à la

20 fin de l'été 2002, et vous avez dit que c'était en présence des membres de

21 la commission chargée d'enquêter sur des crimes de guerre.

22 Vous vous en souvenez ?

23 R. Oui.

24 Q. Il a été question de documents et de dossiers qui ont été -- le

25 ministre Boskoski n'aurait-il pas pu charger cette commission qu'il avait

26 déjà créée d'enquêter sur des crimes de guerre. Est-ce qu'il n'aurait pas

27 pu lui demander de travailler sur l'affaire Ljuboten ?

28 R. Mais pour autant que je l'ai compris, j'ai eu un seul contact, une

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1 seule réunion avec cette commission. Je pourrais vous dire plus en détail

2 comment ça c'est passé. C'était un groupe important de personnes. Je

3 pourrais vous nommer les personnes présentes si vous le souhaitez.

4 Q. Madame Galeva, je vais vous reposer ma question, essayez d'y répondre.

5 Le ministre Boskoski n'aurait-il pas pu charger cette commission qu'il

6 avait déjà créée afin d'enquêter sur des crimes de guerre, la charger

7 également de travailler sur l'affaire Ljuboten ?

8 R. Non, pas cette commission à elle seule, car cette commission ne

9 devaient s'occuper de beaucoup de choses différentes pas seulement de

10 Ljuboten.

11 Q. En d'autres termes, il y avait une commission ou un comité qui s'est

12 occupé de l'affaire Ljuboten entre autre.

13 R. Plus précisément, cette commission ou ce comité qui était chargé des

14 crimes de guerre.

15 Q. Donc ce comité ou cette commission chargée des crimes de guerre s'est

16 occupée également de l'affaire Ljuboten.

17 R. Oui.

18 Q. Et les membres de cette commission ou de ce comité étaient des

19 personnes qualifiées ?

20 R. Oui.

21 Q. Mais pourquoi, pourquoi est-ce qu'il a fallu alors lancer un autre

22 projet et vous confier la mission de rassembler ces éléments d'information

23 portant sur Ljuboten et de les classer par ordre chronologique ?

24 R. Parce qu'à l'époque il y avait plusieurs organes de travail, plusieurs

25 commissions et le besoin s'est fait sentir de regrouper, réunir tous les

26 éléments qui avaient été recueillis par les différents groupes et organes,

27 groupes de travail, et cetera, donc de rassembler tout cela pour en

28 constituer un seul et même dossier.

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1 Q. D'accord, je vois. Donc, en partie votre travail consistait à reprendre

2 les éléments, les documents qui avaient été rassemblés précédemment par la

3 commission chargée de crimes de guerre et portant sur Ljuboten et

4 d'incorporer, de rassembler tout cela dans un seul dossier.

5 R. La commission ou le comité qui s'occupait des crimes de guerre, comme

6 je l'ai déjà dit, bien, je les ai rencontrés qu'une seule fois. Peut-être

7 ai-je reçu par la suite des documents de leur part par courrier.

8 Mais tous les documents qu'ils avaient produits sur l'affaire

9 Ljuboten, bien, il fallait qu'ils les remettent directement au ministre

10 Boskoski et pas à moi. Ils n'avaient qu'à m'informer de leur travail.

11 Q. Très bien. Est-ce que cela veut dire que le dossier que vous avez

12 rassemblé qui comportait les documents rangés par ordre chronologique sur

13 Ljuboten, bien, qu'il ne contenait pas les 100 % de documents qui étaient

14 disponibles au ministère de l'Intérieur, puisqu'il y avait des documents

15 qu'il avait reçus aussi de la part de la commission chargée des crimes de

16 guerre. Et il a reçu ça directement de --

17 R. Les documents que j'ai rassemblés ont constitué les 100 % du dossier

18 disponible au ministre Boskoski. Ce que les autres commissions, les autres

19 comités ont fait spécifiquement sur cette affaire-là ne constituait qu'une

20 partie des documents qui ont été remis par la suite au ministre Ljube

21 Boskoski.

22 C'était une partie de ce que j'avais rassemblé, donc il y avait beaucoup de

23 choses dans le rapport qui étaient également contenues dans les documents

24 que j'avais. Mais il n'y avait aucune différence, absolument aucune

25 différence.

26 Q. Merci d'avoir précisé cela.

27 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois quelle heure il

28 est. Est-ce que ce serait le moment de faire la deuxième pause ?

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur Saxon. Nous

2 reprendrons à 13 heures.

3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.

4 --- L'audience est reprise à 13 heures 00

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

6 M. SAXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 Q. Madame Galeva, hier, lors votre interrogatoire principal, vous avez

8 expliqué à la Chambre de première instance que, je cite : "une fois que la

9 police s'adressait au parquet ou au juge d'instruction …" --

10 M. SAXON : [interprétation] Je reprends parce que je pense qu'il y a eu

11 quelques interférences.

12 Q. Hier, on vous avait posé une question et on vous avait demandé ce qui

13 se passait lorsque des membres des forces de la police font état d'un crime

14 au parquet, et à la page 8 747 du compte rendu d'audience, voilà ce que

15 vous avez dit, je cite : "Bien sûr, à partir du moment où la police

16 s'adresse au parquet ou au juge d'instruction, au même moment, l'obligation

17 de la police pour ce qui est de cette affaire cesse. Il n'y a plus

18 d'obligation de la part de la police."

19 Et vous poursuivez en disant :

20 "Il y a un transfert des obligations vers les instances judiciaires;

21 en l'espèce, le parquet."

22 Est-ce que vous vous souvenez d'avoir dit cela ?

23 R. [aucune réponse verbale]

24 Q. Est-ce que vous pouvez répondre ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire, je vous prie, où dans la

27 législation de la Macédoine vous trouvez l'article qui permet d'étayer

28 cette proposition ?

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1 R. Je ne peux pas vous le dire avec certitude.

2 Q. Est-ce que vous pourriez nous le dire de manière approximative ? Vous

3 avez le corpus de lois de la Macédoine. Où est-ce que nous pourrions

4 trouver la loi qui étaie cette proposition ?

5 R. Je peux vous dire de manière approximative que c'est quelque chose que

6 l'on trouve dans la loi en matière de procédure pénale. Il s'agit du droit

7 du parquet. C'est mon avis, mais je n'en suis pas sûre. Il se peut qu'il y

8 ait une autre loi également.

9 Q. Hier, vous avez dit, à propos de la transparence du travail effectué

10 par le ministère de l'Intérieur, eu égard aux événements de Ljuboten, et

11 vous avez dit à la page 8 726 que, et je cite : "Si l'on prend en

12 considération tous les éléments et tous les documents que j'ai collectés,

13 tous les entretiens que j'ai menés à bien, j'ai acquis l'impression que le

14 travail avait été fait de façon absolument transparente et que rien n'avait

15 été dissimulé."

16 Puis à la fin du même paragraphe, vous dites :

17 "Rien n'a été dissimulé. Tout était absolument transparent."

18 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?

19 R. Oui.

20 Q. J'aimerais demande, peut-être, l'aide de M. l'Huissier qui pourrait

21 vous aider à trouver l'intercalaire 23 de votre classeur.

22 Mais avant que vous ne le fassiez, avant que vous ne le fassiez,

23 Madame Galeva, j'aimerais juste vous poser une question : Est-ce que vous

24 savez qu'en 2003, la personne qui a remplacé Ljube Boskoski à la fonction

25 de ministre de l'Intérieur, Hari Kostov, a créé une autre commission

26 chargée de mener à bien une enquête sur les événements de Ljuboten ? Est-ce

27 que vous le savez, cela ?

28 R. Oui, j'en avais entendu parler, mais je n'ai jamais vu cette

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1 commission. Je n'ai jamais appris, en fait, si cette commission avait

2 véritablement existé, si elle avait véritablement fait son travail.

3 Avec l'arrivée ou la nomination du nouveau ministre, ce qu'on m'a dit

4 c'est qu'il n'y était plus besoin d'avoir ou que la décision qui

5 [imperceptible] une commission n'était plus valable, ce qui signifie qu'une

6 nouvelle commission allait être créée. Pour ce qui est de savoir si cela a

7 véritablement été fait, je n'en sais rien.

8 Q. Bien. J'aimerais maintenant vous montrer un ensemble de documents qui

9 portent sur le travail effectué par la commission, justement, commission

10 qui a été établie par Hari Kostov en 2003.

11 Je vous demanderais de bien vouloir prendre l'intercalaire 23.

12 M. SAXON : [interprétation] Cela ne fait pas partie de la pièce P379. C'est

13 un document qui porte toujours la cote 285.24, au titre d'un document de

14 l'Accusation en vertu de l'article 65 ter. C'est justement l'un des

15 documents qui, en fonction de votre décision du 7 décembre 2007 n'a pas été

16 versé au dossier.

17 Q. Madame Galeva, il s'agit d'un rapport relatif à une réunion de la

18 commission de 2003 qui devait mener à bien l'enquête sur les événements de

19 Ljuboten. Vous voyez que la date est la date du 6 mai 2003, et j'aimerais

20 vous demander de bien vouloir prendre la deuxième page de la version

21 macédonienne.

22 M. SAXON : [interprétation] Pour les personnes qui suivent en anglais,

23 j'indiquerais qu'il s'agit du paragraphe qui se trouve au bas de la

24 première page.

25 Q. Madame Galeva, si vous examinez le deuxième paragraphe de la deuxième

26 page en version macédonienne, vous verrez un paragraphe qui commence par

27 les mots suivants : "Johan Tarculovski."

28 Vous voyez cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Voilà ce qui est écrit : "Johan Tarculovski a joué le rôle principal au

3 cours des opérations de combat dans le village de Ljuboten, et il a indiqué

4 que alors qu'il était inspecteur chargé de l'accompagnement des personnes

5 au sein du secteur de la sécurité, le ministre précédent, Ljube Boskoski

6 l'a convoqué personnellement et lui a donné un ordre oralement, afin qu'il

7 élucide cette affaire et l'a informé du fait que le suspect, Xhavid

8 Hasani, se trouvait dans le village de Ljuboten."

9 Puis ensuite il est dit : "Tarculovski et les autres réservistes ont obtenu

10 des armes, des fusils semi-automatiques et des pistolets, au CO KOB, au

11 centre pour la formation du personnel chargé de la sécurité, sur l'ordre du

12 ministre en fonction alors, pour lesquelles des documents ont été émis,

13 ainsi que lorsque ces armes ont été rendues."

14 Puis ensuite vous avez d'autres paragraphes où il est question de

15 l'événement de Ljuboten le 12 août.

16 Vous m'avez suivi ?

17 R. Oui.

18 Q. J'aimerais vous poser une question : Lors de vos discussions avec le

19 ministre Boskoski pendant l'été 2002, est-ce qu'il vous a fourni ces

20 informations, ou --

21 R. [aucune interprétation]

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Residovic.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je pense que le témoin a déjà répondu à

24 une question semblable qui avait été posée. Le témoin a indiqué que le

25 ministre n'avait jamais mentionné le nom de Johan Tarculovski. A ce témoin,

26 on pose la même question maintenant. Avant que je n'aie pu soulever une

27 objection, le témoin avait déjà répondu.

28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, non, là il s'agit plus que la

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1 simple évocation d'un nom. Il s'agit d'obtenir des informations.

2 Poursuivez, Monsieur Saxon.

3 M. SAXON : [interprétation] Je vous remercie.

4 Q. Je souhaiterais que l'on prenne le document suivant de l'intercalaire

5 3.

6 M. SAXON : [interprétation] Il devrait s'agir de la pièce P379.02.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je m'excuse, mais nous ne voyons pas sur

8 le compte rendu d'audience la réponse du témoin, réponse apportée à la

9 question qui lui avait été posée précédemment.

10 M. SAXON : [interprétation] En réponse à cette question précédente, le

11 témoin a répondu par la négative.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous êtes en train de nous dire que

13 cette réponse n'a pas été consignée ?

14 M. SAXON : [interprétation] Oui, oui. Ma consoeur et moi-même sommes

15 d'accord sur ce fait.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Je vous remercie. Très bien.

17 M. SAXON : [interprétation]

18 Q. Nous avons maintenant le document suivant de l'intercalaire 23 qui est

19 un document qui a été versé au dossier, P379.01, et sa cote ERN est N000-

20 8922, et il s'agit d'une note officielle qui a été rédigée par Johan

21 Tarculovski en mai 2003.

22 Madame Galeva, je vois d'ici que vous n'avez pas le bon document affiché

23 sur votre écran.

24 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander à M. l'Huissier

25 de vous aider. Il s'agit du deuxième document de l'intercalaire 23,

26 document qui ne comporte que deux paragraphes.

27 Je demande une petite minute, je vous prie.

28 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

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1 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais demander l'aide de Monsieur

2 l'Huissier. Est-ce que vous pourriez afficher la version macédonienne à

3 l'écran, parce qu'apparemment elle ne se trouve pas dans le classeur. Je

4 vois que cette version se trouve dans le classeur de M. le Juge Thelin.

5 Q. Madame Galeva, si vous pouvez suivre, il s'agit d'une note officielle

6 qui a été donnée par Johan Tarculovski à la commission créée en 2003.

7 Voilà ce qui est indiqué : "La commission chargée de l'enquête pour le

8 village de Ljuboten m'a convoqué. Lors de cet entretien, il m'a demandé

9 comment les réservistes avaient obtenu leurs armes, ils nous ont posé des

10 questions à propos de leur arrivée, de leur cantonnement et du déroulement

11 des opérations.

12 "Les armes leur ont été données au poste de police. Les personnes qui

13 étaient inscrites comme étant réservistes étaient des volontaires. Etant

14 donné que j'étais de la région, je connaissais le terrain et je m'y suis

15 dirigée avec ces autres hommes vers Ljuboten."

16 Madame Galeva, est-ce que les personnes à qui vous avez parlé au ministère

17 de l'Intérieur à propos des événements de Ljuboten, avaient fait référence

18 à ce groupe de réservistes qui avaient été armés à PSOLO et qui, par la

19 suite, étaient entrés dans le village de Ljuboten ?

20 R. Non.

21 Q. Le ministre Boskoski vous a-t-il jamais parlé d'un groupe de

22 réservistes qui auraient reçu des armes à PSOLO avant d'entrer dans le

23 village de Ljuboten ?

24 R. Nous n'avons pas parlé de cela. En tout cas, il n'en a pas parlé en ma

25 présence.

26 Q. Je souhaiterais maintenant que vous examiniez un nouveau document.

27 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

28 Juges, je souhaiterais que l'on affiche maintenant le document P379.02.

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1 C'est le document suivant, dans le classeur. J'espère que Mme Galeva aura

2 la traduction en macédonien de ce document.

3 Q. Madame Galeva, il s'agit là d'un document intitulé, "Procès verbal

4 d'une réunion de la commission chargée d'enquêter sur les événements et

5 incidents survenus dans le village de Ljuboten."

6 Voyez-vous cela ?

7 R. Oui.

8 Q. La date est celle du 12 novembre 2003. Au bas de la page, dans la

9 version que vous avez, Madame Galeva, vous trouverez un paragraphe où il

10 est dit : "En réponse à ces questions, Tarculovski a d'abord expliqué qu'il

11 avait été convoqué à la première réunion en qualité d'employé du ministère

12 même si à présent il est un civil, après en avoir informé le ministère de

13 l'Intérieur.

14 "Il a déclaré qu'il était allé à Ljuboten de son propre chef et que

15 personne ne lui en avait donné l'ordre. S'agissant des personnes qui se

16 trouvaient à Ljuboten avec lui, Tarculovski a répondu qu'il avait décidé de

17 ne pas révéler leurs noms."

18 Est-ce que vous voyez cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Pourriez-vous passer à la page suivante dans votre version, s'il vous

21 plaît. "S'agissant de la question portant sur la manière dont les armes

22 avaient été délivrées…"

23 Voyez-vous cela ?

24 R. Oui.

25 Q. "…Tarculovski a répondu qu'il avait reçu un appel du ministre de

26 l'Intérieur de l'époque qui lui a dit de choisir les réservistes qui

27 devaient garder les bâtiments clés de l'Etat."

28 On peut lire ensuite, que : "Le ministre de l'Intérieur lui a

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1 personnellement ordonné de choisir ses hommes."

2 Voyez-vous cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Au paragraphe suivant, on peut lire que : "Tarculovski a répondu qu'il

5 était allé à Ljuboten avec un groupe important d'hommes, plus d'une

6 centaine."

7 Voyez-vous cela ?

8 R. Oui.

9 Q. Pour que tout soit bien clair, vous êtes-vous jamais entretenue avec

10 Johan Tarculovski dans le cadre de votre travail ?

11 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne connaissais pas Johan Tarculovski, ce qui

12 signifie que je n'ai jamais eu de conversations avec lui.

13 Q. Dans le cadre de vos conversations avec Ljube Boskoski, ce dernier vous

14 a-t-il fourni des renseignements concernant un groupe de réservistes dont

15 il voulait qu'ils gardent les bâtiments-clés de l'Etat ?

16 R. Le ministre ne m'a pas parlé de ce groupe de réservistes, mais je sais

17 que dès le début du conflit, des forces régulières des réservistes y ont

18 participé en tant que forces de sécurité du ministère.

19 Q. Madame Galeva, pourriez-vous examiner le document figurant à

20 l'intercalaire 13.

21 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit du document 1141 dans la liste 65

22 ter. C'est un document que l'Accusation a obtenu après avoir reçu de la

23 Défense la liste de ses témoins en application de l'article 65 ter,

24 paragraphe (G).

25 Q. Je ne pense pas que nous disposions d'une traduction en macédonien de

26 ce document, Madame Galeva, mais le document en question est daté du 19

27 janvier 2002.

28 C'est une lettre adressée par "Human Rights Watch" au premier

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1 ministre Ljubco Georgievski. L'objet de cette lettre est de formuler une

2 plainte concernant une campagne menée contre le comité macédonien -- le

3 comité qui, en Macédoine, est chargé de la défense des droits de l'homme et

4 sa présidente, Mme Marijana Najcevska. Mme Najcevska et le comité

5 d'Helsinki ont été pris pour cibles et --

6 Au deuxième paragraphe, il est dit : "Il est particulièrement inquiétant de

7 constater que des déclarations publiques répétées ont été faites par le

8 ministre de l'Intérieur Ljube Boskoski, qui a parlé à la presse et a paru à

9 l'occasion de deux programmes à la télévision où il a qualifié Mme

10 Najcevska de 'l'ennemi public numéro 1.'" Ensuite, il est dit que ces

11 attaques ont été menées par des médias contrôlés par le gouvernement et

12 amplifiées par la télévision publique et TV.

13 Serait-il exact de dire, Madame Galeva, que Ljube Boskoski n'avait pas une

14 très haute opinion de "Human Rights Watch" ou du comité d'Helsinki chargé

15 de la défense des droits de l'homme en Macédoine ?

16 R. Je n'étais pas au courant de cela et je ne peux rien vous dire au sujet

17 de quelque chose que je n'ai pas entendu ni vu.

18 Q. Je ne vous demande pas de commenter ceci en particulier. Je voudrais

19 savoir ce que vous savez dans le cadre de discussions que vous avez eues en

20 présence de Ljube Boskoski à l'époque où vous travailliez dans son cabinet.

21 A cette époque, Ljube Boskoski n'avait pas une très haute opinion de "Human

22 Rights Watch", n'est-ce pas ?

23 R. Je ne sais pas quelle était son opinion. Je sais que de nombreuses

24 accusations ont été portées par "Human Rights Watch" et qu'il voulait

25 prouver le contraire de ce que "Human Rights Watch" avait affirmé, il

26 voulait réfuter ces accusations.

27 Q. Savez-vous si Ljube Boskoski avait une opinion négative du bureau

28 macédonien du comité Helsinki chargé de la défense des droits de l'homme.

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1 R. Je ne suis pas au courant de cela.

2 Q. Mais le travail du ministère de l'Intérieur s'agissant d'élucider les

3 événements de Ljuboten ne s'est pas déroulé de façon très transparente,

4 n'est-ce pas ?

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Residovic.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je pensais que mon confrère allait

7 continuer à poser des questions au sujet du document qui a été présenté au

8 témoin précédemment. Je suis désolée d'interrompre, mais je souhaiterais

9 revenir sur un autre point concernant le document que nous avons vu tout à

10 l'heure.

11 Il s'agit d'un document de "Human Rights Watch", l'Accusation a

12 appelé à la barre M. Bouckaert, il a déposé devant cette Chambre sur ce

13 point. Peut-être aurait-il fallu demander à ce témoin aussi de répondre à

14 ces questions. Encore une fois, je souhaite présenter mes excuses pour

15 cette interruption.

16 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à autre

17 chose.

18 Q. Madame Galeva, je reviens à la question que je vous ai posée. J'affirme

19 que les activités menées par le ministère de l'Intérieur afin d'élucider

20 les événements de Ljuboten ne se sont pas déroulées de façon transparente.

21 Etes-vous d'accord avec moi ?

22 R. Non, je ne suis pas d'accord, je pense que ces activités étaient

23 transparentes.

24 Q. Votre travail, Madame Galeva, consistait à protéger la réputation de M.

25 Ljube Boskoski et celle du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

26 R. Dans une certaine mesure, sachant que le ministre voulait savoir ce qui

27 s'était passé coûte que coûte. Donc si quelque chose avait eu lieu, si

28 certaines des allégations étaient vraies, il voulait que tous les

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1 participants éventuels rendent des comptes.

2 Son but n'était pas seulement de protéger la réputation du ministère et de

3 ces membres. Bien au contraire, il voulait tirer les choses au clair, faire

4 éclater la vérité au grand jour. Si quelqu'un devait être tenu responsable,

5 il aurait fait le nécessaire et la personne aurait été effectivement tenue

6 responsable et aurait dû rendre des comptes.

7 Q. Donc vous dites aujourd'hui que le ministre Boskoski était prêt à

8 rendre lui-même des comptes au sujet des événements de Ljuboten.

9 R. On voit qu'il a prouvé cela en déclarant son intention d'élucider et de

10 tirer les choses au clair afin de déterminer la responsabilité des uns et

11 des autres, y compris lui-même.

12 Q. Mais votre travail consistait non pas à faire la vérité, à faire la

13 lumière sur ce qui s'est passé à Ljuboten, mais simplement collecter des

14 documents incomplets qui se trouvaient déjà en possession du ministère de

15 l'Intérieur afin de les transférer au Tribunal de La Haye.

16 R. Non. Cela concernait uniquement une partie des documents. Le reste des

17 documents a été recueilli après que le ministre m'ait confié cette tâche.

18 C'est ainsi que de nombreux documents ont été rassemblés dans lesquels vous

19 trouverez des réponses à de nombreuses questions concernant les événements

20 de Ljuboten.

21 Q. Vous avez dit un peu plus tôt aujourd'hui que vous saviez qu'en mai

22 2002, Carla Del Ponte, qui était alors Procureure de ce Tribunal, avait

23 fait valoir sa primauté concernant l'affaire de Ljuboten.

24 Est-ce que vous savez également que plusieurs mois se sont écoulés après

25 mai 2002, pendant lesquels les autorités macédoniennes ont refusé de se

26 dessaisir de l'affaire de Ljuboten en faveur du Tribunal, sans ordonnance

27 officielle du Tribunal. Etes-vous au courant de cela ?

28 R. J'en ai entendu parler, il y a eu des retards, mais je ne me suis pas

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1 penchée sur les détails.

2 Q. Est-ce que vous savez que le 5 septembre 2002, Carla Del Ponte a

3 présenté une demande officielle à ce tribunal aux fins qu'il rende une

4 ordonnance à l'adresse de la Macédoine pour qu'elle se dessaisisse,

5 s'agissant de l'affaire de Ljuboten en faveur du Tribunal de La Haye. Etes-

6 vous au courant de cela ?

7 R. J'en ai entendu parler.

8 Q. Est-ce que vous savez que le Tribunal de La Haye a effectivement émis

9 une ordonnance de dessaisissement à l'attention du gouvernement macédonien

10 et ce le 4 octobre 2002 ?

11 R. Oui. Je ne me souviens pas de la date.

12 M. SAXON : [interprétation] Pièce 1D218, c'est là que l'on trouve cette

13 information. Monsieur le Président, des éléments d'information

14 additionnels, pièce P391.

15 Q. Madame Galeva, c'était en juin ou en juillet 2002, lorsque vous avez

16 rencontré le Juge Nikolovski et il vous a dit qu'il ne pouvait pas fournir

17 des documents écrits au ministère de l'Intérieur; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. N'est-il pas vrai, également, que dans l'ensemble de vos activités qui

20 avaient à voir avec la collecte des informations portant sur Ljuboten, les

21 événements de Ljuboten, tout ce que vous avez fait entre mai et octobre

22 2002, avait à voir avec la procédure qui était en cours devant le Tribunal

23 de La Haye et le gouvernement macédonien portant sur le dessaisissement eu

24 égard de l'affaire de Ljuboten ?

25 R. Excusez-moi, mais j'aurais besoin que vous répétiez votre question.

26 Q. N'est-il pas vrai de dire que le véritable objectif de votre travail

27 était de préparer le gouvernement macédonien à fournir des documents au

28 Tribunal de La Haye une fois qu'on aurait tranché la question de

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1 dessaisissement lorsque la compétence aurait été transférée de la Macédoine

2 à ce Tribunal ?

3 R. Peut-être était-ce l'objectif, mais les activités menées et

4 l'initiative ont eu lieu bien avant. L'initiative est venue du ministre de

5 l'Intérieur avant que d'autres demandes ne soient formulées immédiatement

6 après les événements. Donc le ministre avait engagé la procédure au sein du

7 ministère avant que la justice de notre état ne s'en charge.

8 Q. Oui. Nous savons quel est le rapport qui a été produit par la première

9 commission créée par M. Boskoski.

10 Il est également vrai, n'est-il pas, Mme Galeva, que vous auriez pu sans

11 difficulté fournir des procès verbaux des réunions importantes et des

12 discussions que vous avez eues dans le cadre de votre travail.

13 R. Là encore, vous me posez votre question sur le

14 procès-verbal, mais il me semble que je vous ai déjà répondu là-dessus.

15 Q. D'accord. Merci.

16 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

17 Juges, je n'ai pas d'autres questions pour le moment. Je vous remercie.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon. Maître

19 Residovic, est-ce que vous avez des questions supplémentaires.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant. Maître Apostolski, j'ai

21 compris que - suis-je en droit de penser que vous n'avez pas de questions à

22 poser au témoin.

23 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Oui, vous avez raison, Monsieur le

24 Président, je n'ai pas de questions pour ce témoin.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

26 Maître Residovic.

27 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Excusez de

28 m'être tourné vers mon collègue, mon confrère, car tout simplement je

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1 pensais que c'était à lui de poser les questions, que c'était son tour.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Normalement, il aurait posé ses

3 questions avant M. Saxon. Donc c'est à vous que je suis arrivé lorsque M.

4 Saxon a commencé son contre-interrogatoire.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

6 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

7 Q. [interprétation] Madame Galeva, vous vous souvenez le Procureur vous a

8 posé des questions sur votre parcours dans la police avant que vous ne

9 veniez travailler au ministère de l'Intérieur, au poste que vous avez

10 décrit à la Chambre. Vous vous souvenez de ces questions ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous avez dit que jamais auparavant vous n'avez travaillé en tant que

13 policier. Vous vous en souvenez également ?

14 R. Oui.

15 Q. Mais vous avez dit que vous avez réussi à l'examen vous permettant de

16 travailler comme juge. J'aimerais savoir si, en cette qualité là, de

17 personne qualifiée a travailler comme juge, est-ce qu'il y a besoin d'une

18 formation supplémentaire pour exercer un métier de juge, voire de juge

19 d'instruction, de procureur, l'avocat ou le défenseur, même dans les

20 affaires les plus graves ?

21 Est-ce que l'examen auquel vous avez été reçu suffit pour qu'en

22 République de Macédoine un juriste puisse exercer tous ces métiers que je

23 viens d'évoquer ?

24 R. Il n'y a que cet examen-là qui permet à tout individu d'exercer ces

25 fonctions que vous venez d'énumérer.

26 Q. Lorsqu'on vous a chargé de rassembler tous les documents, tous les

27 éléments d'informations portant sur des mesures prises au sein du ministère

28 et eu égard à l'affaire de Ljuboten, mon collègue vous a posé plusieurs

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1 questions au sujet des collègues avec qui vous avez parlé de cela. Vous

2 vous en souvenez ?

3 R. Oui.

4 Q. Je voudrais vous demander maintenant : Vous avez confirmé qu'à

5 plusieurs reprises vous avez parlé à Goran Mitevski, Spasovski, Uslinkovski

6 Miroslav, Petre Stojanovski, et cetera. Est-ce que vous pouvez me dire si

7 vous savez si ces individus-là que vous avez cités ont une expérience dans

8 les forces de police et aussi de quelle réputation jouissaient-ils au sein

9 du ministère ?

10 R. A l'époque, jusqu'à maintenant, ils avaient une bonne réputation au

11 sein du ministère et ils étaient considérés comme des professionnels.

12 Q. Egalement, M. le Procureur vous a demandé si vous avez été membre d'un

13 parti politique et, si je me souviens bien, vous avez dit que vous étiez

14 membre de VMRO et vous avez estimé que ce n'était pas un élément décisif

15 qui vous a permis d'être nommée à ce poste.

16 Mais compte tenu du fait que vous aviez été avocate précédemment, de

17 quelles mesures c'est ça qui a compté ou n'a pas compté pour qu'on vous

18 nomme à des fonctions que vous avez exercées ?

19 R. Je pense que c'était ça qui a été décisif, à savoir, mon expérience

20 professionnelle précédente.

21 Q. Mon éminent confrère de l'Accusation vous a posé plusieurs questions au

22 sujet du rapport que vous avez reçu de la part de Katica Jovanovska. C'est

23 le rapport de "Human Rights Watch." Vous vous en souvenez ?

24 R. Oui.

25 Q. Dites-moi, au moment ou vous avez reçu ce rapport, est-ce que vous

26 l'avez lu ?

27 R. Bien entendu.

28 Q. Dans ce rapport, vous avez trouvé la description des événements qui se

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1 seraient produits dans le village et dans les alentours, aux postes de

2 contrôle, aux postes de police ?

3 R. Oui, il y avait ce genre de descriptions.

4 Q. Lorsque vous avez dit qu'il fallait que vous rassembliez les

5 informations sur les événements de Ljuboten, j'aimerais savoir dans quelle

6 mesure, à vos yeux, les événements de Ljuboten devaient être replacés dans

7 le contexte de l'ensemble de ces informations du rapport ?

8 R. Je me suis fait une idée sur ce qui s'était produit et il fallait que

9 j'aie d'autres sources pour pouvoir formuler mon opinion.

10 Q. Après avoir obtenu des informations de divers organes, est-ce que vous

11 avez demandé d'obtenir des informations sur tout ce qui figure dans ce

12 rapport, ou c'est juste certaines affirmations que vous vouliez vérifier ?

13 Est-ce que tout a fait l'objet de votre intérêt ou juste certains

14 éléments ?

15 R. Je peux dire que toutes les allégations m'ont intéressée, en

16 particulier celles qui portaient sur Ljuboten, donc tous les autres

17 événements aussi, ce qui m'aurait permis d'apprécier la fiabilité de ce qui

18 était écrit.

19 Q. Lorsque mon collègue de l'Accusation vous a posé ses questions, vous

20 lui avez dit comment vous avez compris la position adoptée par M. Boskoski,

21 lorsqu'il a formulé ses commentaires sur ce rapport; et si je ne me trompe

22 pas, lui et vous également avez trouvé des contradictions, des lacunes, des

23 inexactitudes dans ce rapport.

24 Dites-moi, premièrement, puisque M. le ministre la mentionné dans ce

25 rapport, puisqu'il est dit qu'il s'est trouvé sur un balcon et qu'il a

26 dirigé l'action pendant toute la journée, est-ce qu'a un moment donné vous

27 avez entendu le ministre dire que cette information était exacte ou, au

28 contraire, qu'elle était absolument inexacte ? Est-ce qu'il a formulé un

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1 commentaire quel qu'il soit suite à cette affirmation qui figure dans le

2 rapport ?

3 R. C'est quelque chose qui a particulièrement attiré mon attention

4 et c'est la raison pour laquelle j'en avais parlé précédemment avec des

5 employés du ministère et avec le ministre Boskoski, parce qu'il était le

6 mieux placé pour me dire comment cela s'est passé.

7 D'après ce qu'il m'a dit, d'après cette conversation, j'ai compris

8 qu'il s'est trouvé là mais pendant très peu de temps, et qu'après la fin de

9 l'événement, dans l'après-midi, mais qu'il est venu là pour apprendre ce

10 qui était en train de se produire.

11 Il m'a dit qu'il était en contact avec M. Ljube Krstevski, le chef de

12 l'OVR Cair, et qu'il a donné des instructions sur l'évacuation de la

13 population civile, et qu'à ce moment-là on a remarqué qu'il y avait des

14 déplacements massifs de la population locale vers des villages avoisinants.

15 Parce qu'ils avaient peur qu'il y ait une espèce de confrontation générale,

16 on a donné des instructions pour sauver la population.

17 Q. Madame Galeva, puisque le Procureur vous a demandé quelles sont

18 les forces qui se sont trouvées à Ljuboten, si toujours est-il qu'il y en a

19 eu, vous avez eu des conversations avec le secrétaire adjoint de la police,

20 M. Galevski, est-ce que vous avez parlé de la présence éventuelle des

21 unités de police à Ljuboten ?

22 R. Nous avons parlé avec le général Galevski et il ma dit que ce

23 jour-là il était absent de Skopje. Il était en déplacement à Ohrid, je

24 pense. Il a reçu un appel téléphonique de la part de Vlada [phon], je ne

25 sais plus exactement qui, et qu'on lui a dit que la situation sur le plan

26 sécuritaire était atroce, effroyable dans Ljuboten et dans les environs et

27 qu'il fallait prendre des mesures immédiatement pour évacuer la population.

28 Il a alerté toutes les unités de police dans cette zone pour aller

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1 aider la population civile, et le ministre avait le même objectif de sauver

2 la population et de permettre aux gens de retourner en sécurité à leurs

3 foyers.

4 Q. Si je vous ai bien comprise, ces questions-là vous ont intéressée. Vous

5 avez appris qu'après les événements la police a été engagée pour sauver la

6 population. C'est ce que vous avez essayé de me dire là, ou je vous ai mal

7 comprise ?

8 R. Oui, c'est tout à fait cela.

9 Q. Merci.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je ne sais pas si je peux proposer le

11 versement de certains documents, mais il me restera encore une demi-heure

12 pour les questions supplémentaires, et de toute évidence on ne pourra pas

13 le faire aujourd'hui.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience

15 maintenant et nous reprendrons lundi à 14 heures 15. Nous ne serons pas

16 dans le même prétoire. Je pense que ce sera dans le prétoire numéro I, mais

17 je vais vérifier cela.

18 Madame, je suis désolé, mais il faudra que vous continuiez de déposer

19 lundi. Donc vous allez devoir rester à La Haye pendant ce week-end.

20 Nous allons lever l'audience.

21 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

22 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le lundi 4 février

23 2008, à 14 heures 15.

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