Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 22 février 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

7 Mme le Juge Van der Wyngaert se voit dans l'impossibilité de siéger avec

8 nous ce matin. Normalement, elle devrait être de retour parmi nous lundi,

9 ce qui veut dire que le Juge Thelin et moi-même nous pourrons siéger en

10 application du Règlement.

11 Je le dis à M. Saxon, au conseil de la Défense, et surtout au témoin, pour

12 nous rassurer en matière du temps et pour être sûr que nous pourrons

13 terminer la déposition du témoin. Nous aurons trois volets chacun d'une

14 heure et demie. Nous ferons une pause d'une heure, à midi et demi, et nous

15 reprendrons à 13 heures 30 pour terminer à 15 heures.

16 Gardez ceci à l'esprit. Peut-être que vous pourrez terminer votre contre-

17 interrogatoire et Mme Residovic pourra avoir ses questions supplémentaires.

18 M. SAXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes

20 toujours sur le coup de la déclaration solennelle que vous avez prononcée

21 en début de déposition.

22 LE TÉMOIN: SLAGJANA TASEVA [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 Contre-interrogatoire par M. Saxon : [Suite]

25 M. SAXON : [interprétation] Est-ce qu'on peut rendre au témoin le premier

26 classeur des pièces à charge de façon à ce que le témoin puisse consulter

27 son rapport d'expert.

28 Je pense que c'est désormais la pièce 1D00309. Je pense que Mme la

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1 Greffière d'audience est plus au courant des cotes que moi.

2 Q. Veuillez prendre le paragraphe 55.

3 Première phrase : "Afin d'établir les obligations et de voir incombant à

4 chaque catégorie de fonctionnaires habilités en vertu du droit macédonien,

5 il devient nécessaire de lire la loi portant sur l'organisation des

6 Affaires intérieures, en même temps, conjointement, avec toutes

7 dispositions juridiques précises précisant le rôle et les responsabilités

8 de la catégorie de fonctionnaires habilités en question."

9 Là se trouve une indication de note de bas de page, la note 47, et vous

10 dites à cette note l'article 47 de cette Loi sur l'organisation et le

11 fonctionnement des instances gouvernementales, il s'agit de la pièce P92.

12 C'est celle que vous citez.

13 M. SAXON : [interprétation] Prenons la pièce P92 et prenons la page

14 suivante aussi bien en macédonien qu'en anglais.

15 Excusez-moi. En fait, le document que je voulais montrer au témoin n'est

16 pas le P92, mais le document P95, ceci se trouve à l'intercalaire 53 du

17 premier classeur de pièces à charge.

18 Apparemment, il n'y a pas de traduction en anglais consignée dans le

19 prétoire électronique.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pas non plus sur le document à

21 l'écran.

22 M. SAXON : [interprétation] Nous voulons la pièce P95.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce la pièce 1D310, par hasard ?

24 Vous voulez le rapport ?

25 M. SAXON : [interprétation] Excusez-moi si je sème la confusion dans les

26 esprits de tous ici présents.

27 C'est bien la pièce P95 qui m'intéresse, intercalaire 53.

28 Q. [aucune interprétation]

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Residovic.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Excusez-moi, je répugne à semer davantage

4 de confusion, mais pour que tout soit clair de façon à ce que nous suivions

5 les débats, le Procureur, à la ligne 2 : 13, mentionnait la conclusion du

6 témoin, et la note de bas de page 47 qui parlait de l'article 47. Or, nous

7 voyons ici qu'on cite uniquement le compte rendu d'audience à cette note

8 47. Alors, est-ce que M. Saxon pourrait éclairer notre lanterne.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. SAXON : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Residovic. Je me suis

11 trompé. Elle a tout à fait raison. Effectivement, ici le Professeur Taseva

12 utilisait à l'appui de ce qu'elle disait une partie du compte rendu

13 d'audience.

14 Ceci étant, pouvons-nous examiner maintenant la pièce P53, décret portant

15 sur l'utilisation des moyens de coercition et des armes à feu.

16 Q. Article 7.

17 Vous l'avez trouvé ?

18 M. SAXON : [interprétation] Excusez-moi. Il me semble que je me suis

19 trompé une fois de plus. Je ne parlais pas de la pièce P53, mais de

20 l'intercalaire 53, pièce P95.

21 Q. Est-ce que vous l'avez ?

22 R. Etant donné que j'ai constaté hier qu'il y avait beaucoup de problèmes

23 de traduction dans les documents, est-ce qu'on pourrait aussi me donner une

24 interprétation simultanée en macédonien, de façon à ce que je puisse bien

25 répondre à vos questions.

26 Q. Mais ici vous avez une traduction en macédonien, et vous l'avez aussi à

27 l'écran.

28 R. Merci.

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1 Q. Ce décret sur l'utilisation des moyens de coercition et les armes à feu

2 précise comment les personnes habilitées fonctionnaires du ministère de

3 l'Intérieur peuvent utiliser ces armes, quelles sont les modalités

4 d'utilisation. Il est dit à l'article 7 que les personnes habilitées

5 doivent subir une formation poussée sur l'utilisation et moyens

6 d'utilisation des armes à feu dans le respect et l'application des

7 dispositions spéciales.

8 Vous le voyez ?

9 R. Oui.

10 Q. A l'article 9 -- à l'article 8, une personne habilitée pourra utiliser

11 ces moyens de coercition à l'encontre des membres de l'armée de la

12 République de Macédoine uniquement en uniforme -- plutôt en uniforme

13 uniquement s'il n'est pas possible de veiller à ce qu'il y ait intervention

14 de la police de l'armée de la République de Macédoine.

15 R. Oui, je vois.

16 Q. L'article 7 et l'article 8 ne renvoient pas à des catégories spéciales

17 de fonctionnaires habilités, n'est-ce pas ?

18 R. Ces dispositions ne font pas référence à une catégorie spécifique. Ce

19 sont des dispositions générales.

20 Q. Il est question de fonctionnaires habilités de façon générale, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Donc, lorsque dans les lois et règlements du ministère de l'Intérieur,

24 lorsque des questions de fonctionnaires habilités, on en fait pas une

25 définition précise. On peut voir qu'il est fait l'utilisation générale et

26 assez large de cette notion.

27 R. Dans les documents officiels du ministère de l'Intérieur, les

28 catégories de fonctionnaires habilités sont définies et établies

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1 précisément. L'agrément que peut utiliser tout fonctionnaire habilité est

2 précisé de façon exacte dans la loi portant sur la systématisation et

3 l'organisation des postes de travail au ministère de l'Intérieur.

4 Q. Pour ce qui est du recours à la force, apparemment il semblerait,

5 d'après ces deux articles, que toute personne peut recevoir une formation

6 poussée dans le maniement des armes. Et ils semblent indiquer, ces

7 articles, que toute personne habilitée a le droit d'utiliser la force à

8 l'encontre de membres en uniforme de l'armée, mais uniquement dans

9 certaines circonstances particulières.

10 R. Dans cette disposition d'une loi adoptée par le président de la

11 République de Macédoine, M. Branko Crvenkoski, c'est donc une loi

12 nationale, ce n'est pas un règlement intérieur du ministère de l'Intérieur

13 adopté par ce dernier.

14 Q. Mais vous n'avez pas répondu à ma question.

15 R. Ce décret il est adopté, promulgué par le président et c'est un

16 document général, qui indique simplement qu'il s'agit de fonctionnaires

17 habilités sans préciser pour autant qui, parmi ces fonctionnaires, dispose

18 de cette autorisation et peut en faire usage. Ça c'est défini dans les

19 documents adoptés par le ministère de l'Intérieur en fonction du profil du

20 poste et des fonctions que les personnes l'occupant doivent exercer.

21 Q. Fort bien.

22 M. SAXON : [interprétation] Prenons maintenant l'article 17 de ce même

23 décret. Juste au-dessus de l'article 17, on voit qu'il s'agit d'un nouveau

24 chapitre, le chapitre 3, Utilisation d'autres moyens de coercition :

25 "Dans l'exécution de missions et de tâches, les personnes autorisées

26 peuvent utiliser des substances gazeuses et chimiques et des gaz

27 lacrymogènes afin de rétablir l'ordre public s'il y a eu violation à grande

28 échelle (manifestations violentes, combats de rue), il est autorisé à ce

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1 moment-là d'éloigner les personnes concernées des installations et de

2 moyens de transport ou d'autres zones par la force."

3 Vous voyez ?

4 R. Oui.

5 Q. Quand on dit : "d'autres zones," qu'est-ce que ça veut

6 dire ?

7 R. Ça pourrait être n'importe quel lieu public.

8 Q. N'importe quel lieu public, dites-vous. Est-ce que ça pourrait être une

9 zone commerciale, piétonnière ?

10 R. Ça se serait plutôt les installations.

11 Q. Vous voulez dire qu'un centre commercial c'est une installation ?

12 R. En macédonien c'est "obijek" ou "objetkti", et ça c'est n'importe quel

13 bâtiment, édifice. C'est un terme général qui indique un bâtiment sans

14 préciser sa fonction ou sa nature.

15 Q. Quand on dit "autres zones," est-ce que ça pourrait être un stade de

16 football ou un terrain de football ?

17 R. Oui. Ça peut aussi être un terrain de football.

18 Q. Comment le savez-vous ?

19 R. Parce qu'une autre zone, c'est une autre zone, c'est un lieu public.

20 Q. Où est-ce que c'est dit ça dans la loi ?

21 R. Je pense que la loi -- en fait, c'est plutôt un décret ici qui permet

22 un certain espace, qui ne subit aucune restriction. Parce que l'ordre

23 public peut être perturbé dans un parc, sur un terrain de football ou un

24 hippodrome, là où on a un espace, un lieu public.

25 Q. Et un terrain de jeu pour enfants ?

26 R. Pareil.

27 Q. Donc on pourrait utiliser des gaz lacrymogènes sur un terrain de jeu

28 destiné aux enfants ?

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1 R. S'il y a un besoin qui se fait sentir, des mesures prévues seront

2 appliquées chaque fois que c'est nécessaire ou qu'on l'estime nécessaire.

3 Q. Je pense que ce que vous me dites, ce que vous nous avez dit c'est

4 qu'une loi telle que celle-ci permet une certaine marge d'interprétation,

5 de souplesse, dirais-je ?

6 R. Un décret, des actes de ce type, donnent une marge suffisante

7 permettant de faire une estimation de la situation telle qu'elle se

8 présente sur le terrain, en fonction de ce qu'elle est sur le terrain.

9 Q. Mais est-ce que ceci ne serait pas vrai aussi pour des lois

10 s'appliquant au ministère de l'Intérieur, par exemple, cette loi portant

11 sur le ministère de l'Intérieur ? Ça donne une marge permettant d'estimer

12 la situation en fonction de ce qu'elle est sur le terrain ?

13 R. Non, on ne peut pas le dire de façon aussi générale.

14 Q. Pourquoi pas ?

15 R. Parce qu'il y a de nombreuses réglementations du département de

16 l'Intérieur dérivé de la loi portant sur le ministère de l'Intérieur qui

17 régissent des compétences et des modalités précises d'exécution de ces

18 dispositions. Et l'application des autorités spéciales elle, elle est régie

19 par d'autres règlements du ministère de l'Intérieur.

20 Q. Ces réglementations sont nécessaires, pourquoi, est-ce parce

21 qu'effectivement la marge de manœuvre, dirais-je, pour l'interprétation de

22 la loi portant sur le ministère de l'Intérieur est très vaste ?

23 R. Dans notre système juridique, chaque fois qu'une loi est adoptée, il

24 faut des règlements ou une législation d'application pour effectivement

25 permettre l'application de la loi adoptée au parlement. Je vous donne un

26 exemple à titre d'illustration. Pour qu'on puisse appliquer la Loi sur la

27 police, loi adoptée l'année dernière, le ministère de l'Intérieur est en

28 train d'élaborer plus de 200 lois d'application ou décrets d'application.

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1 Q. Donc je suppose que vous répondez affirmativement à ma question ?

2 R. Non. Parce que j'ai essayé de vous expliquer comment se présente le

3 système juridique, tout ce qui a trait à l'application de certaines

4 dispositions juridiques et tout ceci est régi par une législation des

5 décrets d'application et ceci n'autorise pas une interprétation trop large

6 de la loi initiale.

7 Q. Alors, parlons de la loi régissant les Affaires intérieures. Si cette

8 loi est rédigée de façon si précise, pourquoi est-il nécessaire de prévoir

9 des décrets d'application ?

10 R. Car il est nécessaire de prévoir la manière dont seront appliquées les

11 actions, mesures et habilitations prévues par la loi. Etant donné que la

12 loi ne précise pas en détail la manière dont elle sera appliquée.

13 Q. Justement. Et c'est le ministère de l'Intérieur qui approuve ces

14 décrets d'application, n'est-ce pas ?

15 R. Si, en vertu de la loi, pas seulement celle sur le ministère de

16 l'Intérieur, mais d'autres textes de lois également --

17 Q. Je pense qu'il s'agit d'une question simple à laquelle on peut répondre

18 par oui ou par non. Je souhaiterais que l'on avance assez rapidement afin

19 d'aborder d'autres sujets.

20 C'est le ministre de l'Intérieur qui approuve les décrets d'application,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Nous voyons là un décret adopté par le président. C'est la raison pour

23 laquelle j'ai déclaré que ces instruments juridiques ne sont pas toujours

24 adoptés par le ministre de l'Intérieur. A chaque fois que la loi l'y

25 autorise, le ministre de l'Intérieur le fait.

26 Q. Donc il arrive souvent que le ministre de l'Intérieur approuve des

27 décrets d'application concernant le ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas

28 ?

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1 R. Si la loi l'y autorise.

2 Q. Madame Taseva, avant de quitter le ministère de l'Intérieur en 2000,

3 est-ce que vous avez rencontré une collègue répondant au nom de Valentina

4 Naumova qui travaillait au département des affaires juridiques et des

5 ressources humaines ?

6 R. Je ne m'en souviens pas. C'est possible.

7 Q. Alors, une personne qui travaille au département des affaires

8 juridiques et des ressources humaines n'est pas considérée comme un agent

9 opérationnel ?

10 R. Je ne peux pas répondre à cette question, mais elle ne devrait pas être

11 considérée comme telle.

12 Q. Donc si j'ai bien compris, vous avez répondu par l'affirmative à ma

13 question ?

14 R. Oui.

15 M. SAXON : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce 1D113,

16 elle ne se trouve pas dans votre classeur. Pour le moment cette pièce se

17 trouve uniquement dans le système de prétoire électronique.

18 Q. Professeur, nous voyons ici une résolution en date du

19 18 juin 2001, ce document provient du ministère de l'Intérieur, cette

20 décision porte sur la création d'une commission chargée d'enquêter sur la

21 validité des rapports établis par les ressortissants albanais de souche en

22 République de Macédoine selon lesquels des membres du ministère de

23 l'Intérieur ont outrepassé leur pouvoir.

24 Au point I, il est dit qu'une commission doit être constituée afin

25 d'enquêter sur la validité des rapports établis -- des plaintes établies

26 par des ressortissants albanais de souche en République de Macédoine, alors

27 nous voyons le nom de Valentina Naumova, conseillère principale chargée des

28 questions juridiques relatives au bien et de la représentation auprès du

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1 secteur des affaires juridiques et des ressources humaines.

2 R. Oui, je vois

3 Q. Au point II, il est dit que la commission est chargée de déterminer la

4 validité des allégations figurant dans les plaintes déposées à titre privé

5 ou collectif auprès du ministère de l'Intérieur par des ressortissants

6 albanais de souche vivant en République de Macédoine, ainsi que par des

7 organisations non gouvernementales, et qu'elles affirment que certains

8 membres du ministère ont outrepassé leur autorité dans l'exercice de leur

9 fonction.

10 Est-ce que vous voyez cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Professeur, le travail de cette commission chargée d'enquêter sur la

13 validité de ces allégations suppose que l'on mène à bien certaines tâches

14 d'ordre opérationnel ?

15 R. Non. Il ne s'agit pas de travail opérationnel.

16 Q. Comment est-ce que la commission pourrait procéder à ces enquêtes sinon

17 ?

18 R. Est-ce que l'on pourrait afficher à l'écran la première partie de ce

19 document en langue macédonienne.

20 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit de la partie supérieure du document,

21 ou peut-être de la page précédente.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le texte en langue macédonienne, il est

23 question "d'examen," ce n'est pas la même chose qu'une enquête. Si bien que

24 cette commission n'a aucun rôle à jouer dans les enquêtes opérationnelles

25 ni dans aucune autre enquête considérée comme une mesure prise lors de la

26 phase préliminaire. Il s'agit d'une mesure uniquement administrative.

27 M. SAXON : [interprétation]

28 Q. Au chiffre romain II, il est dit que la commission se voit confier la

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1 responsabilité de déterminer la validité des allégations figurant dans les

2 rapports ou plaintes.

3 Alors, pour déterminer cela, Professeur, ne faut-il pas se livrer à des

4 activités d'enquête ?

5 R. Non. Comme je l'ai dit, il s'agit là d'une procédure exclusivement

6 administrative. Ici, des citoyens ont déposé plaintes, et cette commission

7 est chargée de déterminer s'il y a lieu de donner suite.

8 A titre d'illustration, je dirais que ce type de procédure est

9 fréquent dans les services de lutte contre la corruption qui n'ont pas de

10 pouvoir en matière d'enquête; des plaintes semblables sont déposées auprès

11 du secteur non gouvernemental, même si celui-ci n'a pas l'autorité requise

12 pour procéder à des enquêtes.

13 Q. Cette commission, pour faire son travail, ne doit-elle pas recueillir

14 tous les éléments de preuve existants concernant les agissements criminels

15 dont il est question ?

16 R. Ils doivent se pencher sur le dossier. S'ils peuvent obtenir un

17 complément d'information de manière à prendre d'autres mesures, ils le

18 font. Cette commission compte en son sein des personnes provenant de

19 différents secteurs qui doivent déterminer s'il y a lieu d'engager d'autres

20 procédures.

21 Q. Madame Taseva, conformément aux articles 140 et 142 du code de

22 procédure pénal, je pense que d'autres articles sont également pertinents

23 sur ce point, les policiers, donc les agents opérationnels du ministère de

24 l'Intérieur s'ils sont informés qu'un crime a été commis, ou qu'il y a lieu

25 de plein droit d'engager des poursuites, sont censés recueillir certains

26 éléments d'information afin de voir s'il y a des motifs valables permettant

27 de conclure qu'un crime a été commis, n'est-ce pas ?

28 R. Oui. Ceci relève du ressort du ministère de l'Intérieur, mais cette

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1 commission n'est pas une entité qui a de telle compétence.

2 Q. Le problème, d'après moi, c'est qu'il y a un instant vous nous avez

3 dit, à la page 12, lignes 10 à 12, que cette commission était chargée de

4 déterminer s'il y avait lieu de donner suite aux plaintes.

5 Quelle est la différence entre cette tâche et celle confiée aux agents de

6 police ?

7 R. Il s'agit en l'occurrence de plaintes déposées par des civils qui ont

8 trait au travail de membres de ministère de l'Intérieur. Ces plaintes

9 peuvent être de nature diverse. Elles peuvent avoir trait à des

10 comportements répréhensibles de la part de policier. Inutile d'aller

11 chercher plus loin.

12 Peut-être que le citoyen en question n'est pas satisfait de la manière dont

13 un officier de police s'est adressé à lui. Peut-être qu'il n'est pas

14 satisfait de la manière dont ce policier a effectué son travail. Il est

15 impossible de dire à première vue si cela doit faire l'objet d'une

16 procédure pénale.

17 Q. Je comprends, mais vous n'avez pas bien compris ma question, vous n'y

18 avez pas vraiment répondu.

19 Vous nous avez dit que les membres de cette commission devaient apprécier

20 les informations à leur disposition afin de déterminer, s'il y avait lieu,

21 de donner suite aux plaintes. Donc, quelle est la différence entre cette

22 activité et l'activité menée par un policier qui doit lui aussi déterminer

23 s'il y a des motifs valables permettant de conclure qu'un crime a été

24 commis, il doit faire l'objet d'un rapport auprès du procureur général ?

25 Quelle est la différence ?

26 R. Il s'agit de la phase préliminaire des opérations au ministère. Comme

27 je l'ai dit, cela concerne des membres du ministère et toutes sortes de

28 plaintes peuvent être déposées. Quelqu'un peu déposer plainte, car il a

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1 prêté 10 000 dinars à un policier, que ce policier ne lui a pas rendu cette

2 somme.

3 Alors il faut d'abord déterminer de quoi il s'agit afin de voir ce

4 qui doit être vu par la suite. Cela ne veut pas dire qu'il ne sera pas

5 nécessaire d'aller plus loin, mais il faut d'abord savoir ce qu'il convient

6 de faire et comment cela sera fait.

7 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revenir à la

8 première page du document en langue macédonienne, s'il vous plaît.

9 Q. Valentina Naumova, à l'époque où cette commission a été constituée,

10 était conseillère dans le domaine immobilier, et à l'époque ce type de

11 plainte ne relevait pas de ses attributions, n'est-ce pas ?

12 R. Le fait d'apprécier, d'évaluer la validité de ces plaintes est du

13 ressort du secteur des affaires juridiques et des ressources humaines, car

14 un certain nombre de questions peuvent être examinées et il faut avoir des

15 connaissances assez vastes dans le domaine du droit de la famille, du droit

16 du travail. Par exemple, on peut imaginer une plainte, une situation où une

17 femme se plaint du fait que son mari ne lui paie pas la pension à laquelle

18 elle a droit.

19 Est-ce que les personnes dans ces secteurs peuvent aider à élucider

20 ces affaires. Peut-être, et c'est la raison pour laquelle ces commissions

21 ont été constituées.

22 Q. Je souhaiterais passer à un autre sujet.

23 Parlons maintenant des attributions du ministre de l'Intérieur lui-même.

24 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir la pièce P92,

25 s'il vous plaît, qui doit se trouver dans le système de prétoire

26 électronique. Il s'agit de la loi régissant l'organisation et le

27 fonctionnement des instances gouvernementales. Est-ce que l'on pourrait

28 examiner l'article 49, s'il vous plaît.

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1 Q. L'article 49 de cette loi dispose dans son premier paragraphe que : "Le

2 ministre représente le ministère, organise et assure l'exécution licite et

3 efficace des tâches…"

4 Est-ce que vous voyez cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Et nous voyons d'autres attributions qui sont énumérées.

7 M. SAXON : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante, s'il vous

8 plaît.

9 Q. Nous voyons le chapitre 5 intitulé : Actes des instances

10 gouvernementales. A l'article 55, il est question du ministre, lequel doit

11 "présenter des règlements, des ordonnances, des directives, des plans, des

12 programmes, des décisions et d'autres types d'actes en vue de l'exécution

13 des lois et d'autres règlements s'il est autorisé à le faire par la loi."

14 Est-ce que vous voyez cela ?

15 R. Oui.

16 M. SAXON : [interprétation] Puis, à l'article 56, et je souhaiterais que

17 l'on passe à la page suivante dans le document en macédonien pour voir cet

18 article.

19 Q. Au paragraphe 2 de l'article 56, disais-je, le texte se lit comme suit

20 : "Les ordres permettent d'engager ou d'interdire des procédures dans une

21 situation donnée revêtant une importance pour l'exécution des lois et

22 règlements."

23 Est-ce que vous voyez cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc cela relève de la responsabilité du ministre, n'est-ce pas ?

26 R. Oui. Au paragraphe 1 de ce même article, il est indiqué que les

27 règlements précisent plus avant les lois et autres règlements. C'est de

28 cela que nous avons parlé tout à l'heure.

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1 Q. Il s'agit d'un pouvoir assez important que celui précisé au paragraphe

2 2 de l'article 56 ?

3 R. Les ministres du gouvernement de la République de Macédoine, d'après

4 les décrets d'application, doivent se voir octroyer certaines

5 habilitations; donc ceci concerne tous les ministres du gouvernement de la

6 République de Macédoine.

7 Q. Merci.

8 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la pièce

9 P00551 à présent.

10 Q. Puis, s'agissant de votre dernière réponse, est-ce que je dois la

11 considérer comme une réponse affirmative ?

12 R. Oui. Le ministre est habilité à ce faire par la loi.

13 Q. Bien. Peut-on voir la pièce P551 maintenant, s'il vous plaît. Il

14 s'agit, une fois de plus, de la loi portant sur le gouvernement de la

15 République de Macédoine en date du mois de

16 juillet 2001.

17 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait examiner ensemble

18 l'article 13, s'il vous plaît.

19 Q. L'article 13 de cette loi, Professeur, dispose que : "Un ministre gère

20 de façon indépendante le ministère auquel il a été affecté, surveille et

21 veille à la mise en œuvre des lois et autres règlements."

22 Est-ce que vous voyez cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Donc, à titre d'illustration, en ce qui concerne le ministère de

25 l'Intérieur, cette disposition juridique accorde beaucoup de

26 responsabilités et de pouvoirs au ministre, n'est-ce

27 pas ?

28 R. Effectivement. Ces pouvoirs sont définis également dans d'autres lois.

Page 9849

1 Q. Mais rien ici ne dit que le président gère les ministères, car ceci ne

2 relève pas des attributions du président, n'est-ce pas ?

3 R. Il s'agit d'une Loi relative au gouvernement, elle ne concerne pas le

4 président.

5 Q. Il n'existe pas de loi indiquant que le président peut gérer un

6 ministère, n'est-ce pas ?

7 R. Une telle loi n'existe pas, en effet.

8 Q. Bien.

9 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant voir la

10 pièce P00086, laquelle devrait s'afficher à l'écran. Il doit s'agir de la

11 Loi sur les Affaires intérieures. C'est bien le cas. Peut-on afficher

12 l'article 10, je vous prie. Est-ce que l'on pourrait faire défiler le texte

13 vers le bas dans la version anglaise, s'il vous plaît.

14 Afin d'afficher l'article 10, je souhaiterais qu'il s'affiche dans

15 les deux langues [comme interprété].

16 Q. Comme vous pouvez le constater, l'article 10 comporte deux paragraphes.

17 Au premier paragraphe, nous pouvons lire ce qui suit : "Les policiers

18 peuvent accomplir les activités visées à l'article 8 de la présente loi en

19 tenue civile, et si leur supérieur direct ou l'employé habilité par ce

20 dernier donne l'ordre de le faire."

21 Au deuxième paragraphe, on peut lire, je cite : "Lorsque l'ordre public est

22 perturbé de façon importante, le ministre peut également ordonner à

23 d'autres fonctionnaires habilités visés à l'article 24, paragraphe 2, de la

24 présente loi, de mener à bien certaines activités en uniforme."

25 Est-ce que vous voyez cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Pouvons-nous convenir que cette disposition de la loi régissant les

28 Affaires intérieures octroie des pouvoirs assez importants au ministre ?

Page 9850

1 R. Ici, il n'est nulle part fait mention du ministre.

2 Q. Bien nous avons peut-être un problème de traduction. Corrigez-moi si

3 j'ai fait une erreur. Au deuxième paragraphe, on peut lire, je cite :

4 "Lorsque l'ordre public est perturbé de façon importante, le ministre peut

5 également ordonner aux fonctionnaires habilités et visés à l'article 24,

6 paragraphe 2, de la présente loi, de mener à bien certaines activités en

7 uniforme."

8 R. Oui, la traduction est exacte.

9 Est-ce que l'on pourrait examiner l'article 24, s'il vous plaît.

10 Q. Tout à fait.

11 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir l'article 24.

12 Q. L'article 24 définit, précise qui sont les fonctionnaires habilités :

13 il s'agit de policiers, d'agents opérationnels, d'employés qui

14 accomplissent des activités en rapport direct avec la police et les

15 activités opérationnelles; le ministre, son adjoint et les chefs de

16 certaines unités.

17 Pour revenir à l'article 10, il est vrai de dire, n'est-ce pas, que le

18 deuxième paragraphe de l'article 10 accorde au ministre des pouvoirs assez

19 importants ?

20 R. Le ministre est autorisé à demander ou ordonner à d'autres

21 fonctionnaires habilités d'opérer en uniforme et seulement dans les

22 conditions précisées à l'article 8.

23 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revenir à l'article

24 10, je vous prie.

25 Q. A l'article 10, il n'est pas fait référence à l'article 8.

26 L'article 10 on peut lire que : "Le ministre peut ordonner à d'autres

27 fonctionnaires habilités de mener à bien certaines activités en uniforme si

28 l'ordre public est perturbé."

Page 9851

1 Est-ce que vous voyez cela ?

2 R. Au premier paragraphe de l'article 10, il est fait référence à

3 l'article 8.

4 Q. Bien.

5 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher l'article 8

6 dans sa version anglaise, s'il vous plaît.

7 Q. Nous pouvons y lire qu'il est question de ce qui suit : "Les activités

8 permettant de maintenir directement l'ordre public,

9 la régulation et le contrôle de la circulation sur la route, le contrôle

10 des carrefours, sécurité des lacs, ainsi que d'autres activités décrites à

11 l'article premier de cette loi, et ainsi de suite, peuvent être effectuées

12 par des employés en uniforme du ministère ou par la police."

13 R. [aucune interprétation]

14 Q. Alors, est-ce que l'article 8 limite de quelque manière que ce soit les

15 pouvoirs accordés au ministre dans le deuxième paragraphe de l'article 10 ?

16 R. Il est dit qu'il est question uniquement de maintenir l'ordre public,

17 de réguler le trafic, la circulation sur les routes, de contrôler les

18 frontières de l'Etat, d'assurer la sécurité des lacs. Tout cela est énuméré

19 à l'article 8.

20 Q. Le problème c'est que la deuxième partie de l'article 10 indique

21 clairement que : "Si l'ordre public est perturbé de façon importante, le

22 ministre peut ordonner que certaines activités soient menées à bien par des

23 fonctionnaires habilités."

24 R. Oui, si l'ordre public est menacé de façon importante. Ici les choses

25 sont encore plus restreintes.

26 Q. Professeur, serions-nous d'accord pour dire que pendant la crise qui a

27 sévi en 2001, l'ordre public en Macédoine était perturbé de façon

28 considérable ?

Page 9852

1 R. Non, car il n'y a pas eu de perturbation de l'ordre public. Il

2 conviendrait sans doute d'examiner la définition de l'ordre public.

3 Q. Je pense, après ceci je peux passer à autre chose.

4 M. SAXON : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce 1D107, le

5 manuel régissant le fonctionnement du ministère de l'Intérieur.

6 Article 25, c'est la page 20 du prétoire électronique en anglais et la page

7 18 en macédonien.

8 Q. Article 25 de ce manuel dit ceci : "Dans l'examen de points précis, à

9 préparation de projet de règlements et les avis et propositions sur des

10 points précis, ainsi que dans l'exécution des tâches précises incombant au

11 ministère, il est possible de constituer des commissions professionnelles

12 permanentes ou temporaires, des commissions aux groupes de travail."

13 Vous le voyez ?

14 R. Oui. Dans le texte en macédonien il est dit : "proucuvanje", ça c'est

15 plutôt "étudié" que "examiné."

16 Q. Merci de cette précision.

17 Qui a compétence pour établir de telles commissions aux groupes de travail

18 au sein du ministère ?

19 R. Au ministère, tous ceux qui sont à la tête de différentes unités du

20 service du ministère ont le droit d'établir ces commissions.

21 Q. Donc ici nous avons des chefs de service du ministère; et nous avons vu

22 plusieurs décisions, où il est dit que c'est le ministre en personne qui

23 établit des commissions chargées d'examiner tel ou tel sujet.

24 Peut-on dire que le ministre a aussi le pouvoir d'établir de telles

25 commissions ?

26 R. Si la loi le lui autorise, oui.

27 Q. Est-ce qu'il y a une disposition précise et une loi précise qui

28 autorisent le ministre de l'Intérieur à établir une commission précise ?

Page 9853

1 R. Oui.

2 Q. Quelle est cette loi, quelle est cette disposition ?

3 R. Un exemple, il désigne les membres de commissions au comité

4 disciplinaire. Autre exemple, c'est lui qui dit qui seront les membres de

5 commissions octroyant des permis à des entreprises ou pour établir et c'est

6 lui qui désigne des membres d'une entreprise d'auto-école, d'inspecteurs.

7 Q. Est-ce qu'il y a une loi ou une disposition précise qui dit que le

8 ministre a le droit d'établir une commission pour voir comment se sont

9 comportés les membres du ministère de l'Intérieur dans tel ou tel village à

10 tel ou tel moment ?

11 R. En vertu de la loi régissant le gouvernement, le ministre a le droit

12 d'établir ce genre de commission.

13 Q. Où le manuel dit-il que le ministre dispose de cette attribution de ce

14 droit ou de cette prérogative de constitution de commissions ? Ce n'est pas

15 dit à l'article 25, n'est-ce pas ?

16 R. L'article 25 est une disposition générale permettant la constitution de

17 commissions en temps de besoin.

18 Q. Professeur, ce manuel est-ce que ce n'est pas un exemple de lex

19 specialis eu égard aux lois générales régissant les activités du

20 gouvernement, et aussi en ce qui concerne le ministère de

21 l'Intérieur ?

22 R. Ce manuel permet la mise sur pied de commissions à tout moment chaque

23 fois qu'il faut déployer un effort.

24 Q. Excusez-moi. Je vous demande de répondre à la question que je viens de

25 vous poser, qui était vraiment très simple et directe. Je la repose.

26 Est-ce que ce manuel n'est pas une lex specialis par rapport aux lois

27 régissant le gouvernement de la Macédoine, y compris la loi concernant les

28 Affaires intérieures ?

Page 9854

1 R. Non, non, ce n'est pas une lex specialis. Ce manuel se contente de

2 réguler et de régir les compétences particulières du ministère de

3 l'Intérieur.

4 Q. Ces compétences aux pouvoirs donnés au ministère de l'Intérieur sont

5 prévues par les lois générales et par la constitution de la Macédoine,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui. Il y a aussi des décrets d'application en plus de ce manuel. C'est

8 pour ça qu'on ne peut pas considérer que ce soit le seul instrument

9 d'application.

10 Q. Donc ce manuel, c'est une lex specialis pour la loi portant sur les

11 Affaires intérieures, la constitution et autres lois de la République de

12 Macédoine qui précisent quelles sont les compétences et attributions des

13 personnes travaillant au ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

14 R. Ce manuel explique de façon plus concrète les modalités d'exécution des

15 affaires intérieures, mais ça ne mentionne pas tout, parce qu'il y a

16 d'autres actes législatifs ou décrets d'application qui précisent ceci

17 davantage.

18 Q. Est-ce que vous m'avez répondu par l'affirmative, suis-je en droit de

19 le supposer ?

20 R. Ça explique une partie des compétences, mais toutes les compétences ne

21 sont pas expliquées. D'autres compétences sont expliquées dans d'autres

22 décrets d'application.

23 Q. Je suis content que nous ayons au moins établi ceci.

24 Donc si ce manuel constitue une lex specialis, l'article 25 devrait

25 préciser qui sont les personnes au ministère de l'Intérieur qui ont

26 compétence et autorité pour établir des commissions, n'est-ce pas ?

27 R. Non, non, non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Ici c'est une

28 disposition générale qui donne latitude pour établir toutes sortes de

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1 comités au sein de différentes entités à différents niveaux.

2 Q. Où est-ce que dans les lois de la République de Macédoine ou dans la

3 Loi sur les Affaires intérieures il est dit que le ministre de l'Intérieur

4 peut mettre sur pied une commission chargée d'examiner ou d'enquêter sur le

5 comportement de certains de ces agents dans un village donné ? Où est-ce

6 que c'est dit expressément dans la loi ?

7 R. Ce n'est pas dit expressément dans la loi. La loi se contente de dire

8 qu'il est possible d'établir des commissions de divers types, en fonction

9 des besoins.

10 Q. Il y a eu au fil des ans plusieurs ministres de l'Intérieur qui étaient

11 dotés de cette compétence, de ce droit. Ils ont pris ce droit d'établir des

12 commissions, n'est-ce pas ?

13 R. Non, car ces comités ou des comités de ce genre ont été établis à

14 maintes reprises par d'autres chefs de service à toute sorte d'échelons du

15 ministère.

16 Q. Mais s'il n'y a pas de loi précise et spécifique qui dit qu'un ministre

17 a le droit d'établir ce genre de commission. Est-ce que ce n'est pas au fil

18 des ans au pouvoir que se sont arrogés des ministres en plus du fait que

19 d'autres chefs d'autres services avaient aussi le droit d'établir ces

20 commissions ?

21 R. Non, non, parce que des chefs d'entités ont aussi le droit d'établir

22 des commissions. Je vous donne un exemple. Une commission a été établieen

23 coopération avec les formes d'autogestion locale et les écoles pour

24 surmonter le problème que posait la criminalité des délinquants chez les

25 jeunes ou l'abus de stupéfiants, des comités ont été établis par des

26 personnes qui travaillent au niveau local.

27 Alors en fonction des besoins, ce genre de commission a été établie.

28 Q. Passons à autre chose.

Page 9856

1 M. SAXON : [interprétation] Dans la traduction en anglais, ce sera la page

2 suivante, l'article 26. Page 26 en macédonien aussi. Il y a peut-être une

3 coquille à la première ligne, mais examinons ce texte ensemble.

4 Q. Première ligne de cet article 26 : "Un collège existe au sein du

5 ministère qui fait office d'organe consultatif auprès du ministre."

6 Est-ce bien ce qui est dit dans l'original ?

7 R. Oui.

8 Q. Si j'ai bien compris, les membres de ce collège conseillent le ministre

9 sur des questions précises, après quoi le ministre prend une décision, aidé

10 par les conseils qu'il a reçus.

11 N'est-ce pas ?

12 R. C'est ce qui est écrit ici. J'ai dit que moi je n'ai jamais été membre

13 d'un collège, je ne peux pas vous faire part de mon expérience.

14 Q. Mais vous êtes un expert, est-ce comme ça que vous comprenez le

15 fonctionnement du système ?

16 R. Oui, c'est ce qui est écrit ici.

17 Q. Les membres de ce collège, pour reprendre votre terme à vous, ce serait

18 les membres professionnels du ministère de l'Intérieur dont vous avez parlé

19 au moment de l'interrogatoire principal, n'est-ce pas ?

20 R. Excusez-moi, mais je n'ai pas suivi parce que je relisais l'article 26

21 pour vérifier.

22 Q. Pendant l'interrogatoire principal, vous avez opéré une distinction

23 entre le ministre, quelqu'un qui a des fonctions politiques, et ses

24 collègues proches au ministère qui sont plutôt des professionnels, des

25 techniciens.

26 Ma question est simple, la voici : mis à part le ministre, les membres du

27 collège, ce sont ces techniciens du ministère de l'Intérieur dont vous avez

28 parlé précédemment ?

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1 R. Mis à part l'adjoint du ministre.

2 Q. Mais pendant l'interrogatoire principal vous avez dit à

3 Me Residovic que vous étiez d'accord avec l'hypothèse qu'elle vous

4 soumettait, à savoir que c'était ces professionnels ou techniciens du

5 ministère qui avaient le dernier mot pour ce qui est du travail effectué

6 par le ministère.

7 Alors comment concilier ces deux idées ? Vous nous avez dit

8 aujourd'hui que les membres du collège, ceux que vous appelez techniciens

9 ou professionnels, qu'ils conseillaient le ministre, et vous nous avez dit

10 que partant de ces conseils, c'était le ministre qui prenait les décisions.

11 Alors pourquoi avoir dit à ma consoeur que c'était les techniciens

12 qui décidaient ?

13 R. La décision prise par un ministre, c'est une décision politique.

14 Une décision portant sur l'exécution des tâches incombant au ministère de

15 l'Intérieur, c'est une décision exécutée exclusivement par des techniciens

16 ou professionnels. Les décisions, elles sont prises par eux.

17 Q. Professeur, essayons de nous remémorer l'année 2001, une période

18 difficile. Ljube Boskoski était ministre de l'Intérieur. Il y avait des

19 gens qui étaient tués, qui étaient chassés de chez eux.

20 Est-ce que vous nous dites ici, aujourd'hui, que le ministre Boskoski

21 n'a pas pris la moindre décision s'agissant de l'exécution des tâches

22 incombant au ministère de l'Intérieur ? Je veux simplement comprendre ce

23 que vous dites.

24 R. Les décisions sont prises au niveau du collège. Le ministre discute de

25 toutes les décisions avec le collège.

26 Q. Mais c'est finalement le ministre qui décide lorsque des questions

27 importantes se posent. C'est pour ça qu'un ministre a un collège pour en

28 discuter, de façon à être informé par ce collège.

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1 R. Oui, afin qu'il soit informé et instruit.

2 Q. Donc vous dites que les décisions sont amenées au niveau du collège,

3 que le ministre en discute avec les membres du collège après quoi c'est le

4 ministre qui prend la décision ultime.

5 R. S'il en est autorisé par la loi, oui. C'est le ministre qui prendra une

6 décision, mais ça pourrait être aussi une décision exigeant que des

7 renseignements soient réunis, renseignements qui doivent être fournis au

8 gouvernement.

9 Q. Excusez-moi de vous avoir interrompue.

10 Mais nous avons vu l'article 10 de cette loi sur les Affaires intérieures

11 il y a quelques instants. Cet article 10 disait qu'il s'agissait de la

12 pièce P86.

13 Le deuxième alinéa de cet article donne le pouvoir au ministre d'autoriser

14 certains fonctionnaires habilités ou d'ordonner à certains fonctionnaires

15 habilités d'effectuer "des activités importantes au moment où l'ordre

16 public est perturbé."

17 Alors, remontons à 2001. Est-ce que le ministre a peut-être décidé

18 d'utiliser les pouvoirs qu'il avait pour dire à certains agents habilités

19 d'effectuer certaines activités ?

20 Est-ce que ce n'est pas quelque chose du domaine du possible ?

21 R. Les décisions étaient prises au niveau du ministère de l'Intérieur. Je

22 ne peux pas comme ça, au débotté, vous donner mon avis ou supposer qui a

23 pris ou comment ces décisions ont été prises.

24 Q. Mais vous êtes ici à titre d'expert sur le fonctionnement du ministère

25 de l'Intérieur et sur son fonctionnement en 2001.

26 Et vous dites maintenant que vous n'êtes pas à même de nous dire ce que le

27 ministre a éventuellement fait en 2001 en application de l'article 10 ?

28 R. Je ne peux pas le faire, parce que je n'étais pas moi-même une partie

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1 prenante à ces événements, et vous me demandez une réponse directe.

2 Q. Mais dans votre rapport, vous parlez notamment d'opérations conjointes.

3 Vous avez déjà dit que jamais vous n'aviez participé à des opérations

4 conjointes, or il y a une partie de vos rapports avec des notes de bas de

5 page qui en parlent. Dans votre rapport, on parle de mobilisation et même

6 de la démobilisation des réservistes. Je ne pense pas que vous ayez été

7 jamais agent de police de réserve, je me trompe peut-être.

8 Dans votre rapport, il est question d'enquêtes au pénal, là, effectivement,

9 peut-être que je me trompe, est-ce que vous avez participé à de telles

10 enquêtes ?

11 Vous parlez aussi de la Loi sur l'amnistie et, je me trompe peut-être, mais

12 je ne pense pas que vous ayez vraiment été partie prenante à des questions

13 de poursuites ou à des choses qui n'avaient pas de rapport avec cette loi

14 sur l'amnistie.

15 Alors maintenant vous dites que vous n'êtes pas à même de nous donner votre

16 avis parce que vous n'avez pas été partie prenante ?

17 R. Ces questions que vous venez d'évoquer et que j'évoque dans mon

18 rapport, c'est quelque chose que j'ai eu l'occasion d'étudier, analyser au

19 moment où j'ai préparé ce rapport; analyse des lois, règlements, les faits

20 d'application, mais aussi de documents portant précisément sur ces

21 questions, et c'est ainsi que j'ai fourni mon avis.

22 Pour d'autres questions, je parle aussi de mon expérience personnelle. Ici

23 votre question portait sur un point précis de fonctionnement du collège, je

24 n'ai pas étudié cette question, il m'est donc impossible de vous donner une

25 réponse plus précise.

26 Q. Pourtant vous avez bien examiné le manuel de fonctionnement du

27 ministère de l'Intérieur dans le cadre de la préparation de votre rapport ?

28 R. Oui.

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1 Q. Il y a tout un chapitre de votre rapport, le cinquième, qui est

2 consacré à un sujet qui est le rôle et la position, le poste de ministre au

3 ministère de l'Intérieur. Je pense que ce sont les paragraphes 56 à 69 qui

4 sont concernés ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Pourquoi est-ce que vous nous dites maintenant qu'il vous est

7 impossible de dire quoi que ce soit à propos du collège, alors que vous en

8 parlez même dans les documents que vous avez étudiés pour établir votre

9 rapport ?

10 R. Pour écrire mon rapport j'ai étudié des documents, et se faisant, je

11 n'ai pas cherché de références particulières aux modalités de

12 fonctionnement du collège. Je ne me suis pas penchée sur cette question-là

13 de façon précise.

14 Q. Seriez-vous d'accord pour dire que cette question du fonctionnement de

15 ce collège c'est une question pertinente si on veut savoir comment le

16 ministère de l'Intérieur fonctionne ?

17 R. Sans doute que oui.

18 Q. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que la façon dont fonctionne

19 ce collège est importante pour savoir comment le pouvoir et l'autorité du

20 ministre s'exerce ? Suis-je en droit de le penser ?

21 R. C'est-à-dire qu'il faut voir quand même à côté des activités d'autres

22 institutions, comme le gouvernement, quand on parle de façon plus précise

23 des compétences du ministre.

24 Q. Passons rapidement à un autre sujet.

25 Paragraphe 60, s'il vous plaît, dans votre rapport. Il fait partie de la

26 rubrique qui s'intitule : Délégation des responsabilités du ministre.

27 "La loi non seulement donne des compétences et pouvoirs au ministre pour

28 faire certaines choses, mais la loi restreint aussi ses pouvoirs. En

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1 d'autres termes, la loi l'autorise à effectuer certaines choses, mais il

2 n'est autorisé à effectuer certaines tâches que s'il y est autorisé par la

3 loi."

4 Vous me suivez ?

5 R. Oui.

6 Q. Là vous ne citez aucun texte à l'appui de cette affirmation. Sur quoi

7 vous êtes-vous appuyée pour tirer cette conclusion, pourriez-vous me le

8 dire ?

9 R. Toutes les lois mentionnées en début de rapport et d'autres lois qui

10 n'ont pas été mentionnées mais que je connais.

11 Q. Mais je ne comprends pas. C'est pourtant un point important, très

12 important de votre rapport. Pourquoi ne pas avoir cité ces lois dans votre

13 rapport, celles qui concernent le

14 paragraphe 60 ?

15 R. C'est une conclusion générale que celle-ci, les dispositions

16 spécifiques se trouvent ailleurs dans le rapport et dans d'autres

17 références qu'il contient.

18 Q. Je vois. Dites-nous, s'il vous plaît, montrez-nous la disposition

19 juridique qui vient appuyer ce que vous dites au paragraphe 60 et surtout

20 la dernière phrase de ce paragraphe 60.

21 R. Mais ce sont des dispositions qu'on trouve dans la Loi sur les Affaires

22 intérieures.

23 Q. Lesquelles ?

24 R. Là il faudrait que je vois le texte, je vous dirai lesquelles.

25 M. SAXON : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est, Monsieur le

26 Président. Est-ce qu'on peut faire la première pause maintenant ?

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si ceci vous convient, nous allons

28 suspendre l'audience qui reprendra à 11 heures.

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1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

2 --- L'audience est reprise à 11 heures 06.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

4 M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Professeur Taseva, avant la pause, nous parlions du paragraphe 60 de

6 votre rapport, et en particulier, de la dernière phrase qui se lit comme

7 suit, je cite : "En d'autres termes, la loi l'autorise," il s'agit là du

8 ministre, je reprends la citation, "à entreprendre des missions et à

9 remplir des devoirs qui lui incombent d'après la loi."

10 Vous nous avez dit que le pouvoir appliqué par cette proposition était

11 défini par la Loi sur les Affaires intérieures.

12 M. SAXON : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la

13 pièce P86.

14 Q. Professeur, je vous demanderais de bien vouloir nous montrer dans ce

15 texte de loi la disposition qui vient étayer votre propos au paragraphe 60

16 de votre rapport.

17 R. Ce que je dis au paragraphe 60 de mon rapport représente une

18 observation générale au sujet des pouvoirs prévus par la loi dont est

19 investi le ministre. J'ai dit à la fin de la partie précédente de

20 l'audience, que ce que la loi prévoit pour le ministre est également

21 inscrit dans la Loi sur les Affaires intérieures; autrement dit, ce n'est

22 pas seulement cette loi, car nous l'avons vu précédemment, il y a la Loi

23 sur l'organisation du gouvernement et la Loi sur l'organisation de l'Etat

24 et de l'administration. Donc la Loi sur les Affaires intérieures, comme les

25 autres lois, définissent un certain nombre de pouvoirs dont les ministres

26 sont investis ainsi que ce qu'ils peuvent faire.

27 Q. Professeur Taseva, je vais vous interrompre ici, si cela nous vous

28 dérange pas.

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1 Avant la pause, je vous ai posé la question suivante : "Pouvez-vous, je

2 vous prie, nous indiquer quelle est la disposition juridique précise qui

3 vient étayer ce que vous dites au paragraphe 60, et plus particulièrement

4 dans la dernière phrase du paragraphe 60 de votre rapport."

5 Vous répondez : "Ce sont des dispositions de la Loi sur les Affaires

6 intérieures."

7 Je vous ai alors demandé : "Quelles dispositions ?"

8 Vous avez déclaré : "Je ne peux pas vous le dire de mémoire. J'ai besoin

9 d'avoir le texte de loi sous les yeux pour retrouver cette disposition."

10 Maintenant je vous demande, s'il vous plaît, de nous montrer quelle est la

11 disposition précise de la Loi sur les Affaires intérieures qui vient étayer

12 ce que vous dites dans la dernière phrase du paragraphe 60 de votre

13 rapport.

14 R. Si cela est indispensable, je demanderais une copie papier de la loi.

15 Q. Très bien, Professeur.

16 M. SAXON : [interprétation] Je demanderais à Mme l'huissière de vous

17 remettre mon exemplaire.

18 Q. C'est une copie papier de la loi qui se trouve dans mon classeur en

19 anglais et en macédonien.

20 R. L'article 11 de la Loi sur les Affaires intérieures est un de ces

21 exemples, une de ces illustrations.

22 M. SAXON : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche grâce au

23 prétoire électronique l'article 11 de la loi.

24 Q. Professeur, en quoi l'article 11 vient-il à l'appui de la proposition

25 que vous faites dans la dernière phrase du paragraphe 60 de votre rapport :

26 "Autrement dit, le fait de dire que la loi autorise le ministre à faire un

27 certain nombre de choses et qu'il est autorisé à entreprendre que les

28 tâches et devoirs que la loi l'autorise à entreprendre."

Page 9865

1 En quoi est-ce que l'article 11 vient à l'appui de cette proposition ?

2 R. L'article 11 précise de façon très définie les pouvoirs du ministre. La

3 loi autorise le ministre à entreprendre un certain nombre d'actions.

4 Q. Est-ce votre réponse ?

5 R. Oui.

6 Q. En quoi est-ce que l'article 11 vient étayer la proposition selon

7 laquelle "le ministre n'est autorisé à entreprendre que les actes et de

8 voir que la loi l'autorise à entreprendre" ?

9 En quoi est-ce que cet article 11 de la loi vient à l'appui de cette

10 proposition ?

11 R. Cette phrase de mon rapport est appuyée par de nombreux textes de lois.

12 Dans de nombreux textes de loi --

13 Q. Je vous interromps, car vous ne répondez pas à ma question.

14 Je vous ai demandé en quoi l'article 11 de la loi vient étayer la

15 proposition selon laquelle le ministre n'est autorisé à entreprendre que

16 les tâches et devoirs que la loi lui impose ?

17 R. Le ministre a le pouvoir d'entreprendre ce que la loi définit comme

18 étant ses attributions, puisque telles sont les attributions du ministre.

19 Les attributions du ministre sont ce qu'il est autorisé à faire.

20 Q. En quoi l'article 11 de la loi vient à l'appui de la proposition selon

21 laquelle le ministre n'est autorisé à entreprendre que les actes et devoirs

22 que la loi l'autorise à entreprendre ?

23 R. Mon observation et la position que je prends dans mon rapport résulte

24 de la lecture et de l'analyse de tout ce qui concerne les attributions d'un

25 ministre, y compris et très précisément en l'espèce, les attributions du

26 ministre de l'Intérieur. Le pouvoir que la loi lui attribue définit ce que

27 le ministre est autorisé à entreprendre.

28 Q. Mais c'est votre interprétation de la loi, n'est-ce pas, c'est votre

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1 façon de lire la loi ?

2 R. Oui, c'est mon interprétation de la loi.

3 Q. Professeur, l'interprétation assez étroite des pouvoirs du ministre de

4 l'Intérieur que vous faites figurer au paragraphe 60 de votre rapport ne

5 contredit-elle pas le principe d'interprétation utilisé pour décrire les

6 pouvoirs du président sur des opérations conjointes qui figurent au

7 paragraphe 17 de votre rapport ?

8 M. SAXON : [interprétation] Pourriez-vous vous pencher sur ce paragraphe 17

9 ?

10 Q. Vous voyez, dans la dernière phrase du paragraphe 17 de votre rapport,

11 vous dites et je cite : "Rien dans la constitution ou dans un quelconque

12 autre texte de loi n'empêcherait le président, en personne, de commander ou

13 de diriger une opération conjointe."

14 Donc vous semblez laisser entendre ici que si la loi n'interdit pas

15 expressément quelque chose, le président peut faire ce quelque chose.

16 Pourquoi utilisez-vous un mode d'interprétation plus restrictif, lorsque

17 vous examinez les pouvoirs dont est investi le président par rapport au

18 mode d'interprétation que vous utilisez ici, au paragraphe 17, s'agissant

19 des pouvoirs du ministre ?

20 R. A mon avis, les deux positions que j'ai prises dans mon rapport

21 correspondent tout à fait l'une avec l'autre, car elles relèvent toutes les

22 deux du même mode d'interprétation des dispositions de la loi. Elles sont

23 une interprétation correcte et précise de ce qui figure dans la loi.

24 Q. Bien. Voyez-vous, au paragraphe 17 de votre rapport, vous semblez

25 interpréter la constitution et le texte de loi comme signifiant que si la

26 constitution ou un texte de loi n'interdit pas une action particulière, le

27 président est autorisé à mener à bien cette action.

28 Et au paragraphe 60 de votre rapport, vous dites que le ministre ne peut

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1 entreprendre une tâche ou remplir un devoir que si la loi prévoit qu'il le

2 fasse. En d'autres termes, si cela n'est pas inscrit dans la loi, il ne

3 peut pas le faire.

4 Vous ne voyez pas de contradiction entre les deux ?

5 R. Non, je ne vois pas de contradiction. Et je ne vois d'ailleurs nulle

6 part dans mon rapport le mot "interdiction."

7 Je m'exprime en termes généraux sur la base de mon analyse des lois et

8 d'autres documents et cette analyse m'a amené à conclure qu'il n'y a rien

9 dans les textes de lois qui pourraient empêcher le président d'exercer ses

10 pouvoirs constitutionnels ou limiter ses pouvoirs, alors qu'il y a de

11 nombreux autres textes de loi qui contiennent des dispositions définissant

12 précisément les actions qu'un ministre peut entreprendre et quels sont

13 exactement les pouvoirs dont un ministre, et plus précisément le ministre

14 de l'Intérieur, est investi.

15 Q. Si rien ne figure dans la loi qui puisse empêcher le ministre de

16 l'Intérieur d'organiser une fête d'anniversaire pour un membre de sa

17 famille dans son bureau, par exemple, ou le limiter dans son désir de le

18 faire, il en ressort automatiquement que le ministre, lui, peut le faire;

19 c'est bien cela ?

20 R. Effectivement, c'est exact. Moi, d'ailleurs, je peux le faire aussi.

21 Q. Donc, prenons un exemple, la période est une période de crise et, si

22 dans la loi il n'y a rien qui empêche expressément le ministre d'envoyer,

23 disons, un groupe de responsables habilités mener à bien une action

24 déterminée ou d'envoyer un responsable habilité mener à bien une action

25 particulière, alors le ministre peut le faire, n'est-ce pas ?

26 R. S'agissant de ce type d'action, ce sont les structures professionnelles

27 du ministère qui sont compétentes.

28 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question était la suivante :

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1 Partant de l'hypothèse que nous sommes dans une période de crise et, dans

2 une période de crise, si rien n'est écrit dans la loi qui peut expressément

3 empêcher un ministre d'envoyer un responsable habilité mener à bien une

4 action particulière ou le limiter dans son désir de le faire, alors le

5 ministre peut le faire, n'est-ce pas ?

6 R. Non. Il ne peut pas le faire, parce que ce n'est pas dans le cadre de

7 ses compétences.

8 Q. Mais s'il n'y a rien dans un texte de loi particulier qui interdit

9 précisément un tel acte, alors selon le principe dont nous discutons depuis

10 quelques temps vous et moi, le ministre doit pouvoir accomplir cet acte,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Les lois établissent clairement quelles sont les prérogatives du

13 ministre et ceci ne relève pas de ses compétences.

14 Q. Mais l'article 10 de la Loi sur les Affaires intérieures précise qu'en

15 temps de paix, si l'ordre public est gravement perturbé, le ministre peut

16 ordonner à un responsable habilité ou à des responsables habilités de mener

17 à bien certaines actions.

18 Donc en temps de crise, le ministre, s'il souhaite envoyer un ou plusieurs

19 responsables habilités mener à bien une action déterminée, est autorisé à

20 le faire si cette action n'est pas expressément établie dans le texte de

21 lois, n'est-ce pas ?

22 R. Le ministre peut ordonner ce qui est précisément inscrit noir sur blanc

23 dans le texte de lois.

24 Q. Qu'en est-il de la façon dont on peut interpréter ce mot "certaines

25 actions ?"

26 R. Le ministre n'a pas le droit d'entreprendre des actions qui sortent du

27 champ de ses attributions. D'ailleurs, j'ai déjà dit précédemment que notre

28 interprétation du trouble à l'ordre public est précisément définie par des

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1 cas particuliers chez nous, donc nous savons précisément ce qu'est un

2 trouble à l'ordre public.

3 Q. Professeur, est-ce que vous pensez que des combats entre deux groupes

4 d'hommes - je veux parler des membres des forces de sécurité de la

5 République de Macédoine d'un côté et d'hommes qui se battent sous la

6 dénomination de l'ALN de l'autre et que si ces combats impliquent

7 l'utilisation de fusils automatiques, de grenades, donc l'emploi de fusils

8 automatiques, de roquettes, de chars d'artillerie, d'hélicoptères, d'autres

9 aéronefs - vous ne pensez pas que ceci pourrait être qualifié de trouble à

10 l'ordre public ?

11 R. Non.

12 Q. Je vois. Si, par exemple, des activités comme celles que je viens

13 d'évoquer avaient eu lieu en 2001, et si plutôt que d'exercer les pouvoirs

14 qui lui sont conférés par l'article 10 de la Loi sur les Affaires

15 intérieures le ministre ne faisait rien, qu'en penseriez-vous ?

16 R. Le ministre et les autres instances de l'Etat peuvent entreprendre un

17 certain nombre de mesures. Mais une telle mesure ne rentre pas dans le

18 cadre des mesures à prendre dans une situation de ce genre. Il y a des

19 mesures qui sont prévues en cas de trouble à l'ordre public, par exemple,

20 en cas de manifestations ou d'affrontements entre deux groupes de

21 représentants des médias.

22 Q. Qu'en est-il d'affrontements entre deux groupes d'appartenance ethnique

23 différente ? Est-ce que ceci pourrait être qualifié de trouble à l'ordre

24 public ?

25 R. Cela dépend de la nature de l'affrontement.

26 Q. Que voulez-vous dire par là ?

27 R. Je veux dire que si cela se passe dans la rue et devant le parlement,

28 comme cela a d'ailleurs été le cas, c'est bien un trouble à l'ordre public.

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1 Q. Et si cela se passe dans une zone rurale, dans un village quelque part,

2 est-ce qu'il ne s'agirait pas d'un trouble à l'ordre public ?

3 R. J'ai dit que cela dépendrait de la situation.

4 Q. [aucune interprétation]

5 R. Si deux groupes ont une altercation dans le bar du village, alors oui,

6 il y a trouble à l'ordre public.

7 Q. Répondant aux questions de l'interrogatoire principal, vous avez dit

8 que le ministre de l'Intérieur n'était pas chargé de missions

9 opérationnelles à en juger par les tâches qui lui incombent selon le texte

10 de la loi sur les Affaires intérieures, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais le ministre, s'il veut être efficace et performant, doit tout de

13 même superviser l'accomplissement de ce genre de travail par d'autres.

14 N'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Si, par exemple, le ministre n'apprécie pas la façon dont certains

17 responsables de tâches opérationnelles accomplissent leur travail, il lui

18 est permis de demander à la personne en question de travailler autrement,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Le ministre peut parler avec les personnes qui l'ont mécontenté pour

21 leur demander pourquoi elles ont agi comme elles l'ont fait, mais il ne

22 peut pas leur demander de travailler autrement.

23 Q. Le ministre peut s'adresser au directeur de la sécurité publique pour

24 lui demander d'intervenir auprès de ces personnes pour les prier de

25 travailler autrement, n'est-ce pas ?

26 R. Non. Le directeur de la sécurité publique agit en toute indépendance.

27 Q. Mais supposons que le ministre ne soit pas satisfait de la façon dont

28 le directeur travaille, le ministre est-il censé rester dans son coin sans

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1 dire un mot et sans rien faire, alors que des tâches opérationnelles sont

2 accomplies d'une façon insatisfaisante ?

3 R. Si le ministre a un problème avec la façon dont travaille le directeur,

4 il doit le faire savoir au gouvernement puisque c'est le gouvernement qui a

5 nommé le directeur à son poste, et il doit demander que des mesures

6 précises et particulières soient prises, qu'il s'agisse de mises à pied du

7 directeur ou éventuellement d'autres mesures que le gouvernement peut

8 entreprendre.

9 Q. Vous dites cela, parce que le ministre peut proposer des candidats au

10 poste de directeur, il peut le proposer au gouvernement et le ministre peut

11 également proposer au gouvernement de démettre un directeur, n'est-ce pas ?

12 R. Non. Le gouvernement est responsable de la nomination du directeur.

13 Q. Mais le gouvernement le fait sur proposition du ministre, n'est-ce pas

14 ?

15 R. Le gouvernement nomme le directeur à son poste en toute indépendance.

16 Q. Madame Taseva, êtes-vous en train de dire que le gouvernement - et je

17 parle bien de ce qui se passe concrètement dans la pratique - êtes-vous en

18 train de nous dire que le gouvernement ne nomme pas le directeur de la

19 sécurité publique à son poste sur la proposition du ministre de

20 l'Intérieur.

21 C'est ça ?

22 R. Est-ce que nous pourrions voir la disposition juridique y afférent ?

23 Q. Je suis désolé, Madame. C'est vous l'expert. Vous avez longuement parlé

24 du bureau de la sécurité publique et de son directeur.

25 Répondez à ma question, s'il vous plaît.

26 R. Le gouvernement nomme le directeur au poste de directeur du bureau de

27 la sécurité indépendamment.

28 Q. Mais il le fait sur proposition du ministre, n'est-ce pas ?

Page 9872

1 R. Non.

2 M. SAXON : [interprétation] Peut-on montrer une séquence vidéo de la liste

3 65 ter que nous allons diffuser à l'aide du système Sanction. Je rappelle

4 la cote de la liste 65 ter 1117.6, ERN 400047.1 [comme interprété] -- V000-

5 0771 [comme interprété], ce sont des images filmées le 29 juillet 2002, à

6 Tetovo.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 Q. Je vais vous demander de regarder ces images.

9 M. SAXON : [interprétation] Nous allons nous arrêter ici.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Residovic.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce que je peux demander ceci à M.

13 Saxon, avant qu'il ne pose sa question : quand ce discours a-t-il été

14 prononcé et à quelle occasion l'a-t-il été ? Est-ce que c'était un discours

15 de ministre ou est-ce que c'était quelque chose de tout à fait différent ?

16 Je le demande à cause de ce que j'ai entendu.

17 M. SAXON : [interprétation] C'est ce que M. Boskoski a fait comme discours

18 au cours d'une campagne politique le 29 juillet 2002 dans la ville de

19 Tetovo.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire quel

21 était l'objet de cette campagne politique. Est-ce que c'était une campagne

22 pour des élections générales --

23 M. SAXON : [interprétation] Si j'ai bien compris, ceci s'inscrit dans la

24 campagne électorale de l'accusé et d'autres membres de son parti en vue des

25 élections qui se sont déroulées plus tard au cours de cette année 2002.

26 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

27 M. SAXON : [interprétation]

28 Q. A votre avis, un ministre de l'Intérieur est-il autorisé à participer à

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1 des campagnes électorales ?

2 R. Tous les ministres de la République de Macédoine participent à des

3 campagnes politiques.

4 Q. Cette autorisation, cette compétence, où est-elle codifiée dans la

5 constitution ou dans les lois ? Est-ce que vous le savez ?

6 R. Je ne sais pas si la constitution ou les lois donnent cette

7 autorisation à participer à des campagnes électorales.

8 Q. Je vais peut-être être en mesure de vous aider. La constitution de la

9 République de Macédoine.

10 M. SAXON : [interprétation] Il s'agit ici de la pièce P00091.

11 Q. Et plus particulièrement son article 16, deuxième alinéa. Il est fait

12 référence à la liberté d'expression, même si on ne parle pas exclusivement

13 de campagne électorale. Article 20, alinéa premier, on parle de la liberté

14 d'association pour exercer des droits politiques et autres, même si on ne

15 parle pas de façon explicite de campagne électorale, on ne fait pas non

16 plus référence à des ministres.

17 Mais serait-il juste de dire que ce qui est implicite dans ces

18 dispositions de la constitution ou est-ce que celles-ci pourraient être

19 interprétées comme signifiant que les ministres ont la possibilité, sont

20 habilités à participer à des campagnes politiques alors qu'ils occupent des

21 fonctions ministérielles.

22 R. Cette partie-là de la constitution fait partie du chapitre consacré aux

23 dispositions relatives aux droits fondamentaux et aux libertés

24 fondamentales. Donc tout citoyen a le droit de participer à ce genre

25 d'activités, liberté d'expression, d'organisation et la liberté

26 d'association.

27 Les lois contiennent des restrictions, mais pour ce qui est des activités

28 professionnelles ou des personnes qui travaillent dans les administrations

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1 de l'Etat, ou cette capacité, ça c'est l'aspect professionnel, mais les

2 ministres, tous les ministres, eux font tous partie de la partie politique

3 de ces administrations et il n'y a aucune disposition qui limite leur

4 participation à ce genre d'activités.

5 Q. Puisque dans les lois on ne trouve aucune disposition restreignant les

6 droits qu'auraient ces ministres à participer à des activités politiques,

7 ça veut dire qu'ils ont le droit, ces ministres, de participer à ces

8 activités ?

9 R. Les ministres sont des hommes politiques, ce sont de membres de partis

10 politiques. Ils participent à l'exercice du pouvoir une fois les élections

11 remportées. Et en République de Macédoine on comprend la politique comme

12 suit : tous les titulaires de fonctions ou de postes politiques participent

13 aux activités politiques, peu importe que ce soit des campagnes ou d'autres

14 type d'activités.

15 Q. Donc on peut regarder des droits et interdictions s'appliquant à un

16 ministre aussi en voyant comment on comprend la politique en République de

17 Macédoine; est-ce exact ?

18 R. Non. J'ai dit précédemment que ce que le ministre peut ou ne peut pas

19 faire est stipulé de façon précise dans les lois.

20 Q. D'accord. Mais revenons à ma question précédente à laquelle vous n'avez

21 pas répondu.

22 Je vous ai dit qu'il n'y avait aucune loi qui limitait le droit

23 qu'auraient les ministres à participer à ce genre d'activités, ce qui

24 revenait à dire qu'ils ont le droit de le faire, de participer à ces

25 activités, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Passons à un sujet différent, Professeur.

28 Pendant l'interrogatoire principal, Me Residovic vous a demandé de

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1 confirmer ceci, et je cite : "Les directeurs des organes au sein du

2 ministère sont indépendants lorsqu'ils exécutent des fonctions qui leur

3 sont données ou les tâches qui leur sont données, et le ministre ne peut

4 exercer aucune influence sur eux pour les empêcher de le faire légalement."

5 Vous avez répondu : "Oui, c'est la disposition qui le prévoit en

6 droit."

7 Vous vous en souvenez ?

8 R. Oui.

9 Q. En 2001, est-ce qu'un ministre avait une possibilité d'exercer son

10 influence sur une instance gouvernementale, par exemple, sur le directeur

11 de sécurité publique et d'autres services du ministère pour veiller à ce

12 que ces derniers exécutent leurs fonctions dans le respect de la loi ?

13 R. Le ministre il peut, bien sûr, suivre le travail fait par ces

14 différents services, mais il n'a pas le droit d'imposer ni d'exercer son

15 influence.

16 Q. Une fois de plus, si le ministre n'aime pas la façon dont le directeur

17 de la sécurité publique fait son travail sur un point particulier, est-ce

18 que ce ministre, logiquement, ne va pas dire ce qu'il en pense à ce

19 directeur de la sécurité publique ? Est-ce qu'il ne va pas lui dire de

20 changer son fusil d'épaule ?

21 R. Il n'a le droit de donner aucun ordre au directeur ?

22 Q. Pourquoi pas ?

23 R. Parce que les directeurs sont indépendants, autonomes dans l'exécution

24 de leurs missions.

25 Q. Alors à quoi sert un ministre ?

26 R. Le ministre c'est le gestionnaire politique, c'est le chef du

27 ministère.

28 Q. Mais en tant que gestionnaire et chef du ministère, est-ce que le

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1 ministre n'est pas responsable des actes et comportements de ses employés

2 du ministère de l'Intérieur ?

3 R. Si. Il est compétent pour exécuter les tâches au sein de ce ministère.

4 Q. Comment voulez-vous qu'il assume, exerce ses responsabilités s'il ne

5 lui est pas loisible de dire à un directeur dans une telle situation de

6 faire autre chose ?

7 R. Le ministre de l'Intérieur n'a pas le droit de donner des ordres à

8 d'autres structures au sein du ministère. C'est pour ça qu'il y a d'autres

9 structures qui sont créées, établies, comme le collège. Et la loi dispose

10 qu'il y a deux instances indépendantes au sein du ministère qui exercent

11 leurs fonctions de façon autonome.

12 Le ministre peut coordonner, peut organiser des réunions du collège

13 pour discuter de telle ou telle question, mais il n'a pas le droit de dire

14 à quelqu'un ce qu'il doit faire et comment il doit le faire.

15 Q. Mais ce que vous venez de dire contredit l'article 10 de la loi sur les

16 Affaires intérieures, alinéa 2. Il est dit que : "Le ministre n'a pas le

17 droit de donner des ordres à d'autres structures au sein du ministère."

18 C'est ce que vous venez de dire.

19 Mais cette même disposition dit que lorsqu'il y a trouble à l'ordre public,

20 il peut donner des instructions et ordres pour que des fonctionnaires

21 habilités exécutent certaines activités, effectuent certaines activités.

22 Alors comment pouvez-vous dire maintenant qu'il n'a pas le droit de donner

23 des ordres à d'autres structures au sein du

24 ministère ?

25 R. Je fais une différence entre la façon dont une décision se prend et est

26 prise et la délivrance et la signature officielle d'une décision en tant

27 qu'acte officiel.

28 Q. Je ne suis pas sûre d'avoir parfaitement compris votre réponse. Est-ce

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1 que vous voulez dire qu'en vertu de l'article 10 de cette loi sur les

2 affaires intérieures, alinéa 2, un ministre n'a pas le droit de donner des

3 instructions à des fonctionnaires habilités au ministère, notamment au

4 directeur de la sécurité publique ?

5 R. Cette compétence de donner un ordre est ce qu'elle est, elle vaut ce

6 qu'elle vaut. Mais la façon dont une décision est prise, la façon dont une

7 décision est mise en œuvre, ce sont là des choses établies par d'autres

8 instruments. Une décision est prise par le collège, ce n'est pas une

9 décision prise par le ministre en personne, une décision qu'il peut prendre

10 seul, parce qu'il n'a pas tous les éléments dont il a besoin pour prendre

11 cette décision. C'est pour ça qu'il a besoin du collège.

12 Le ministre peut donner un ordre après que la décision eut été prise.

13 Q. Est-ce que vous êtes maintenant en train de nous dire, en tant que

14 témoin, qu'à l'occasion d'une réunion du collège, les membres du collège

15 prennent une décision consensuelle, par

16 consensus ?

17 Que c'est comme ça que la décision est prise, après quoi le ministre,

18 simplement, couche quelques mots sur papier pour dire que "Voilà, ma

19 décision c'est ceci" ?

20 R. C'est comme ça que je comprends les choses, mais je vous l'ai dit, je

21 ne peux pas vous dire quel est mon avis à propos du collège, parce que je

22 n'ai pas analysé cette facette, pas plus que je n'ai travaillé dans un

23 collège.

24 Q. Alors je ne comprends vraiment plus pourquoi vous avez parlé il y a un

25 instant des fonctions du collège, mais enfin, laissons ceci sur la touche.

26 Passons à autre chose.

27 Après la signature de la convention d'Ohrid le 13 août 2001 ou l'accord-

28 cadre, plus exactement, vous savez, n'est-ce pas, que l'Armée de libération

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1 nationale a commencé la démobilisation et a démantelé ses rangs et a livré

2 ses armes --

3 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai oublié de demander

4 le versement de cette séquence vidéo que nous avons vue. C'était la pièce

5 1117.6 de la liste 65 ter. Est-ce que je peux en demander le versement en

6 même temps que la transcription.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Residovic.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette séquence

9 ? Je l'ignore, car nous l'avons entendu, c'est un discours fait par M.

10 Boskoski dans le cadre d'une campagne politique de son parti au cours de

11 l'été 2002. Donc là, ça sort de la portée temporale de l'acte d'accusation,

12 aussi ce n'est plus dans ses fonctions de ministre.

13 M. SAXON : [interprétation] Mais il y a eu toute cette discussion avec le

14 témoin à propos des pouvoirs et attributions du ministère et nous avons

15 débattu de la question de savoir si ses pouvoirs et attributions étaient

16 limités par la loi. Nous en avons conclu que la loi ne les limitait pas de

17 façon stricte.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas la question

19 posée. La question est de savoir si cette séquence elle-même est

20 pertinente, le fait qu'il ait fait un discours politique, c'est montré par

21 la séquence et le témoin l'a accepté. Puis il y a eu une discussion à

22 propos du fait de savoir s'il en avait l'autorisation, la capacité.

23 Mais ici le contenu de ce discours est-il pertinent en

24 l'espèce ?

25 M. SAXON : [interprétation] Au compteur 1638, il fait référence aux

26 événements de 2001, Il est dit d'abord que lui et le premier ministre

27 Ljupco Georgievski étaient à Kosovo pendant la crise de 2001. Il fait plus

28 précisément référence au premier ministre, pas au président.

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1 A 22:16, il fait également référence au fait que le premier ministre

2 s'est trouvé à Tetovo avec les policiers qui défendaient à ce moment-là la

3 Macédoine.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est versé au dossier.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P577, Monsieur le

7 Président.

8 M. SAXON : [interprétation]

9 Q. Madame Taseva, je pense que vous savez qu'après la signature de

10 l'accord d'Ohrid, le 13 août 2001, l'ALN a procédé à la démobilisation de

11 ses hommes et a rendu ses armes. Le

12 26 septembre 2001, ce processus s'est achevé.

13 Vous en souvenez-vous ?

14 R. Oui, je pense que je m'en souviens.

15 Q. Alors la collecte des armes de l'ALN a été effectuée avec l'aide des

16 forces de l'OTAN dans le cadre d'une opération menée en août et en

17 septembre 2001 appelée "Moisson essentielle". Vous en souvenez-vous ?

18 R. Oui.

19 M. SAXON : [interprétation] Pourrait-on présenter au témoin la pièce

20 P00083. Il s'agit de la Loi relative à l'amnistie.

21 Q. Madame le Professeur, comme vous pouvez le constater, cette loi a été

22 publiée dans le journal officiel le vendredi 8 mars 2002. Nous pouvons lire

23 le titre de décret portant sur la Loi relative à l'amnistie adoptée par

24 l'assemblée de la République de Macédoine lors de sa session du 7 mars

25 2002.

26 Voyez-vous cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Au premier paragraphe, première ligne, nous pouvons lire : " N'étant

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1 pas sous le coup de la présente loi…" et ainsi de suite.

2 Est-ce que vous voyez ce qui est écrit ?

3 R. Oui.

4 Q. En anglais, aux deux dernières lignes de ce paragraphe, on peut lire

5 qu'il est question "…des personnes à propos desquelles il existe un doute

6 raisonnable permettant de penser qu'elles ont préparé ou commis des actes

7 criminels en rapport avec le conflit survenu dans le courant de l'année

8 2001."

9 Est-ce que vous voyez cela ?

10 R. Oui.

11 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait faire défiler le texte

12 vers le bas, s'il vous plaît. Merci.

13 Q. Au paragraphe suivant, il est fait référence aux personnes qui ont

14 préparé ou commis des actes criminels; puis, deux alinéas plus bas, il est

15 dit : "Les poursuites pénales en rapport avec des actes criminels

16 sanctionnés par le code pénal et d'autres textes de lois sont annulés."

17 Est-ce que vous voyez cela ?

18 R. Oui.

19 M. SAXON : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante, s'il vous

20 plaît.

21 Q. Rien dans la Loi sur l'amnistie ne fait référence à des procédures

22 disciplinaires, n'est-ce pas ?

23 R. Effectivement, il n'y a rien de tel.

24 Q. Savez-vous que dans les motifs pour lesquels le gouvernement de

25 Macédoine a adopté la motion d'amnistie, il a été dit que la Loi sur

26 l'amnistie concernait des personnes ayant participé au conflit et ayant

27 volontairement rendu leurs armes le

28 26 septembre 2001 au plus tard. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce qu'on ne peut pas en déduire que la Loi sur l'amnistie

3 concernait directement les membres de l'ALN et non pas les membres des

4 forces de sécurité macédonienne ?

5 R. La loi n'établit aucune distinction. Tout le monde est concerné par la

6 loi, tous ceux qui ont participé aux actions. La loi parle des citoyens de

7 la République de Macédoine, des personnes qui habitent officiellement en

8 Macédoine et qui ont des familles, des biens mais pour lesquelles il existe

9 des soupçons, comme vous l'avez indiqué. Mais il n'y a aucune distinction

10 qui est faite pour ce qui est de l'appartenance ethnique de ces personnes,

11 de leur confession, de leur fonction ou autres.

12 Q. Je comprends bien. Mais cela fait plusieurs jours maintenant que nous

13 parlons de l'interprétation des lois, est-ce que vous seriez d'accord avec

14 moi pour dire que souvent les lois sont un prolongement des activités --

15 des situations politiques ?

16 R. Les lois expriment la volonté des politiciens.

17 Q. En 2001, les membres de l'ALN étaient considérés comme des terroristes

18 et des hors-la-loi, n'est-ce pas ?

19 R. De nombreux termes ont été utilisés au cours de cette période et on a

20 parlé de hors-la-loi, de terroristes, effectivement.

21 Q. De nombreux membres de l'ALN, notamment leurs chefs vivaient dans la

22 clandestinité. Ils se cachaient des autorités et des institutions de

23 l'Etat, n'est-ce pas ?

24 R. Je ne pourrais pas confirmer cela.

25 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner votre avis sur la question,

26 puisque vous avez vécu cette période et que vous êtes au courant de ce qui

27 s'est passé au cours de cette période ?

28 R. Je ne saurais le confirmer, car c'est ainsi que vivaient beaucoup

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1 d'autres citoyens de la République de Macédoine.

2 Q. Ma question porte sur les membres de l'ALN.

3 R. Je ne sais pas.

4 Q. Bien. Serait-il juste de dire que de nombreux membres de l'ALN vivaient

5 de façon séparée et isolée par rapport à la population macédonienne de

6 souche ?

7 R. Non.

8 Q. Sur quoi vous fondez-vous pour nous faire cette réponse ?

9 R. Je n'ai pas de connaissance directe sur ce point.

10 Q. Pourquoi avez-vous répondu par la négative ?

11 R. Parce que je ne peux pas répondre par l'affirmative et parce que mon

12 expérience personnelle ne me permet pas de confirmer quoi que ce soit de

13 tel. C'est pour ça que j'ai répondu non. C'est mon avis.

14 Q. Mais si je vous ai bien comprise, vous dites que vous ne savez pas,

15 vous dites que vous n'êtes pas en mesure de répondre par l'affirmative ?

16 R. Effectivement, je ne sais pas.

17 Q. Pendant toute la période de crise en 2001, les membres de l'armée et de

18 la police ont continué à vivre comme des citoyens de Macédoine respectant

19 pleinement le cadre de la loi, n'est-ce pas ?

20 R. Tous les citoyens de la République de Macédoine à l'époque étaient des

21 citoyens actifs vivant dans le cadre de la loi en République de Macédoine.

22 Il n'y avait pas de restrictions pour qui que ce soit.

23 Q. Est-ce que vous nous dites que les combattants de l'ALN en 2001 étaient

24 des citoyens actifs vivant dans le cadre de la loi en République de

25 Macédoine ? Est-ce ce que vous nous dites ?

26 R. Oui.

27 Q. Et de la même manière, les membres des forces de sécurité étaient des

28 citoyens actifs vivant dans le cadre de la loi en République de Macédoine ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pourquoi alors au paragraphe 128 de votre rapport, première phrase vous

3 dites que : "L'objet essentiel de cette loi était de s'assurer du retour de

4 la paix dans le pays et de la réintégration au sein de la société des

5 personnes ayant participé au combat."

6 Alors pourquoi fallait-il réintégrer ces personnes au sein de la société si

7 elles n'avaient jamais quitté cette même société ?

8 R. Nous avons ici une décision politique qui a été prise qui signifie que

9 toutes les personnes ayant pris part au combat devaient être réintégrées,

10 réinsérées dans la société. Il n'y avait pas de restrictions d'un côté ou

11 de l'autre.

12 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que vous pourriez

13 répondre, s'il vous plaît.

14 R. Dans ce conflit, il y avait deux parties belligérantes, ici il est

15 question des personnes impliquées qui doivent être réinsérées, donc tout le

16 monde.

17 Q. Dans votre rapport d'expert, vous dites que : "Les personnes impliquées

18 dans les combats pouvaient ainsi être réinsérées dans la société."

19 Mais vous venez de nous dire que les membres de l'ALN, les combattants de

20 l'ALN, ainsi que les combattants appartenant aux forces de sécurité

21 macédonienne, n'avaient jamais quitté les rangs de la société macédonienne.

22 Donc j'essaie tout simplement de comprendre cette phrase de votre rapport.

23 J'essaie de comprendre en quoi ceci cadre avec ce que vous nous avez dit

24 aujourd'hui ?

25 R. Cette phrase illustre ce que l'on peut trouver dans les documents

26 politiques de l'époque, où l'on a débattu de la réinsertion dans la société

27 de tous les citoyens afin de reprendre le cours normal de la vie et des

28 activités professionnelles, indépendamment de l'appartenance à telle ou

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1 telle partie belligérante et en quelle capacité ces personnes avaient

2 participé à ces activités.

3 Q. Indépendamment du fait que ces personnes n'avaient jamais véritablement

4 quitté les rangs de la société.

5 R. C'est exact. Ces personnes n'ont jamais quitté les rangs de la société,

6 mais au sein de cette même société, les citoyens, les personnalités

7 politiques et la communauté internationale ont décidé qu'il convenait de

8 prendre certaines mesures pour faire face à la situation. C'est la raison

9 pour laquelle l'accord d'Ohrid a été signé.

10 Q. A la deuxième phrase du paragraphe 128 vous ajoutez que : "La Loi sur

11 l'amnistie avait également pour but de parvenir à certaines fins dans

12 l'intérêt de la société afin d'éviter des actes de vengeance et autres."

13 Puis à la note de bas de page 141, vous faites référence à la pièce 1D185.

14 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir cette pièce,

15 s'il vous plaît. Peut-on agrandir le texte en macédonien.

16 Q. Etes-vous en mesure de lire le deuxième paragraphe dans le texte

17 macédonien qui commence par les mots suivants : "Le ministère de

18 l'Intérieur."

19 Pouvez-vous nous en donner lecture à voix haute, s'il vous plaît.

20 R. "Le ministère de l'Intérieur garantit qu'il n'arrêtera pas, ne placera

21 pas en détention, n'appréhendera pas les citoyens de la République de

22 Macédoine, anciens membres de l'ALN qui ont volontairement remis leurs

23 armes le 26 septembre 2001 ou plus tard."

24 Q. Ce document est daté du 10 décembre 2001.

25 Personne n'a exigé des membres de la police ou de l'armée

26 macédonienne de rendre leurs armes le 26 septembre 2001 ou plus tard,

27 n'est-ce pas ?

28 R. Une action a été menée afin de recueillir les armes auprès des citoyens

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1 de la République de Macédoine.

2 Q. Professeur, n'est-il pas sous-entendu que cette action visait à

3 recueillir les armes que possédait l'ALN ?

4 Est-ce que vous pourriez répondre par un simple "oui" ou "non."

5 R. Non.

6 Q. Très bien.

7 M. SAXON : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document P00572,

8 lequel se trouve dans le premier classeur à l'intercalaire 29.

9 Peut-on voir la page suivante dans les deux versions, s'il vous plaît.

10 Q. Vous voyez que ce document est intitulé : "Plaintes au pénal."

11 Madame le Professeur, nous voyons qu'il s'agit d'une plainte au pénal

12 déposée par le ministère de l'Intérieur le 24 juillet 2001. Cette plainte

13 est envoyée au procureur général de la République de Macédoine ainsi qu'au

14 procureur du Tribunal d'instance de Skopje.

15 Nous voyons le nom d'Ali Ahmeti en première page de ce document. Il

16 est dit dans ce texte qu'il a activement participé à l'organisation, au

17 fonctionnement et aux activités de l'organisation appelée UCK.

18 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la page

19 suivante, s'il vous plaît.

20 Q. Dans la version en anglais, à la fin de ce même paragraphe, nous voyons

21 qu'il est fait référence à la possibilité que des actes de terrorisme

22 étaient commis par Ali Ahmeti, ensuite au paragraphe suivant, les

23 accusations sont les mêmes en ce qui concerne Veliu Fazli.

24 M. SAXON : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

25 Q. Il en va de même pour Gzim Ostreni, donc des personnes dont on savait

26 qu'elles étaient à la tête de l'ALN.

27 Est-ce que vous voyez cela ?

28 R. Oui.

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1 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait se pencher sur

2 la page 14 de ce document. Est-ce que l'on pourrait afficher la page

3 correspondante en langue macédonienne afin que le Pr Taseva puisse la lire

4 également, s'il vous plaît, page suivante en macédonien, je vous prie.

5 Encore une page, s'il vous plaît, encore une.

6 En fait, il faut que l'on trouve la page correspondante à l'anglais.

7 L'avant-dernière page du document.

8 Q. Alors, nous voyons ici qu'il est question de proposition. On propose,

9 Madame le Professeur, la chose suivante afin d'engager des poursuites à

10 l'encontre des auteurs des actes criminels décrits.

11 Est-ce que vous voyez cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Il est fait référence au code de procédure pénal. Et au paragraphe

14 suivant, on demande que les suspects mentionnés dans le document soient

15 placés en détention.

16 Est-ce que vous voyez cela ?

17 R. Oui.

18 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la partie

19 inférieure du document en macédonien. Est-ce que l'on pourrait passer

20 maintenant à la page suivante dans les deux versions, s'il vous plaît,

21 dernière page du document en langue macédonienne.

22 Q. Alors nous constatons que cette plainte au pénal a été signée par le

23 directeur du bureau de la sécurité publique de l'époque, M. Goran Mitevski.

24 Voyez-vous cela ?

25 R. Oui, je le vois.

26 Q. Maintenant, je souhaiterais vous montrer le document 1156 dans la liste

27 65 ter.

28 M. SAXON : [interprétation] Qui se trouve à l'intercalaire 30 du premier

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1 classeur. Je ne sais pas s'il serait plus rapide ou non que le témoin

2 examine la version papier. Mais je vois que le document est en train de

3 s'afficher à l'écran.

4 Q. Madame le Professeur, il est difficile de voir l'intégralité du

5 document, mais il s'agit d'une demande d'enquête ou demande de complément

6 d'enquête de la part du procureur général. Donc on demande que des enquêtes

7 complémentaires soient diligentées à l'encontre de ces mêmes dirigeants de

8 l'UCK, les documents portent la date du 8 octobre 2001.

9 Voyez-vous cela ?

10 R. Oui.

11 M. SAXON : [interprétation] Pourrait-on voir la dernière page du document.

12 Q. Nous voyons ici que le document en question a été présenté par le

13 procureur général adjoint, M. Marko Zrlevski.

14 Professeur, ici il est dit qu'en août 2001, l'enquête concernant les

15 dirigeants de l'ALN était en cours, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. On demande ici un complément d'enquête, la date est celle du 8 octobre

18 2001. J'ai commis une erreur tout à l'heure en ce qui concerne la date.

19 Voilà ma question : nous voyons ici, qu'à partir du mois d'octobre 2001,

20 l'enquête concernant les dirigeants de l'ALN se poursuivait ?

21 R. Effectivement. Nous en sommes encore au stade de l'instruction, c'est

22 le procureur général qui est saisi de l'affaire.

23 Q. Et à l'époque on s'attendait à ce qu'une loi sur l'amnistie soit

24 adoptée dans de brèves délais, n'est-ce pas ?

25 R. Le droit de décider si une activité serait sanctionnée par cette loi

26 incombe aux tribunaux.

27 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. En octobre 2001, tout le monde

28 en Macédoine s'attendait à ce que tôt ou tard une loi sur l'amnistie soit

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1 adoptée, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

4 au dossier de ce document.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera fait.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P578, Monsieur

7 le Président.

8 M. SAXON : [interprétation] Peut-on présenter au témoin le document 65 ter

9 1157 qui se trouve à l'intercalaire 31 du premier classeur.

10 Q. Nous voyons ici une décision datée du 15 octobre 2001, décision par

11 laquelle le juge d'instruction du tribunal de Skopje convient d'ouvrir une

12 information concernant ces mêmes dirigeants de l'ALN.

13 Est-ce que vous voyez cela ?

14 R. Oui.

15 M. SAXON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la dernière

16 page de ce document, s'il vous plaît.

17 Q. Nous voyons ici à la dernière page la décision suivante : au cours de

18 l'instruction, des documents et des témoignages seront obtenus, et ainsi de

19 suite, afin de voir ce qu'il convient de faire.

20 M. SAXON : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

21 Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P579, Monsieur le

24 Président.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est un bon moment pour

26 faire la pause ?

27 M. SAXON : [interprétation] Je suis conscient du temps qui passe et j'ai

28 vraiment fait l'impossible pour terminer en l'espace de deux volets, mais

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1 j'ai manifestement échoué. Je pense que si vous me donnez encore une demi-

2 heure j'aurai terminé.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puisque nous allons encore avoir une

4 heure et demie d'audience, vous pourriez même avoir 45 minutes.

5 M. SAXON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 13 heures 30.

7 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 30.

8 --- L'audience est reprise à 13 heures 34.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

10 M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de

11 reprendre mon interrogatoire, il importe que j'appelle l'attention de la

12 Chambre et de la Défense sur une erreur commise avant la pause.

13 Vous vous rappellerez que la pièce P00577, c'est-à-dire, la vidéo, a

14 été diffusée. Le numéro 65 ter de cette séquence vidéo était 1117.7 et non

15 1117.6, contrairement à ce qui a été dit à la Chambre. Comme j'ai fait

16 cette première erreur dans les chiffres, j'ai également donné une

17 information erronée au sujet de la date de ce discours.

18 En effet, la séquence vidéo qui montre un discours et qui constitue

19 la pièce P577, c'est un discours de M. Boskoski qui a été prononcé à Tetovo

20 pendant la campagne électorale le 28 août 2002, et non le 29 juillet 2002.

21 J'aimerais maintenant que l'on soumette au témoin le document 65 ter

22 numéro 1152, que l'on trouve à l'intercalaire 91 du deuxième classeur des

23 pièces de l'Accusation.

24 Q. Ce document est un acte d'accusation, Professeur Taseva, qui est

25 donc signifié le 6 mars 2002 par le procureur public.

26 Si l'on descend plus bas dans le texte, vous constaterez, par

27 exemple, au paragraphe 1, qu'il est écrit que cet acte d'accusation

28 concerne M. Skodran Idrizi. Au milieu de ce paragraphe nous lisons qu'il

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1 est en détention préventive sur la base de la décision du juge

2 d'instruction de la chambre numéro 2 du tribunal de Skopje.

3 Vous voyez cela dans le texte ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous voyez que dans ce texte on trouve le nom d'autres personnes qui

6 sont qualifiées de personnes en fuite, même si nous lisons également que la

7 détention préventive de ces personnes est recommandée dès qu'elles auront

8 été retrouvées. Vous voyez cela, sur la première page de ce texte, la liste

9 de ces noms ?

10 R. Oui.

11 M. SAXON : [interprétation] Je vous prierais maintenant de vous rendre en

12 page 2 de ce document dont je demande l'affichage dans les deux langues.

13 Q. Dans cette page, encore une fois, nous trouverons la liste d'un

14 certain nombre de noms et je crois comprendre que toutes ces personnes sont

15 en fuite, mais que la détention préventive est recommandée à leur encontre

16 au moment où ces personnes seront capturées.

17 Vous voyez cela, Professeur Taseva ?

18 R. Oui, oui. Je le vois.

19 Q. Pouvons-nous convenir que dans la plupart des cas ces personnes ont des

20 patronymes albanais ?

21 R. Oui, exact; en tout cas, probablement.

22 M. SAXON : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage de la page

23 suivante dans les deux langues.

24 Q. Là on trouve en page 3 une nouvelle liste de noms. Il s'agit toujours

25 de patronymes albanais. Au milieu de la page, nous voyons qu'il est proposé

26 de mettre en examen un mineur, Fadilj Ferati, surnommé Diljo.

27 M. SAXON : [interprétation] Je vous demande maintenant, Monsieur le

28 Président, de passer à huis clos partiel.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à

3 huis clos partiel.

4 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 M. SAXON : [interprétation]

20 Q. Pouvons-nous également convenir, Professeur Taseva, que dans une

21 société démocratique, les officiers de police jouent un rôle particulier

22 étant donné le pouvoir dont ils sont investis et les attributions qui sont

23 les leurs ? Vous en êtes d'accord ?

24 R. Leur rôle consiste à s'acquitter des missions que leur impose la loi.

25 Toute personne travaillant pour l'Etat ou pour les administrations

26 publiques peut se considérer comme jouant un rôle particulier.

27 Q. Bien sûr, oui, mais si nous parlons de la police en particulier, étant

28 donné la responsabilité qui est la sienne vis-à-vis de la protection de

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1 l'ordre public et du maintien de la paix, les policiers ont un rapport très

2 particulier empreint de confiance avec le public, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Si la Loi d'amnistie avait pour objet la promotion de la paix et de la

5 réconciliation, est-ce que cela n'irait pas à l'encontre de l'objet de

6 cette Loi d'amnistie de voir ces personnes qui sont censées avoir une

7 relation de confiance particulière avec la population, de voir ces

8 policiers commettre des actes répréhensibles graves tout en continuant à

9 s'acquitter comme par le passé de leurs missions et de leurs

10 responsabilités, est-ce que ceci n'irait pas gravement à l'encontre de

11 l'objectif poursuivi par la Loi

12 d'amnistie ?

13 R. Je m'efforce de comprendre ce que vous venez de demander, c'est la

14 raison pour laquelle il faut que je relise votre question.

15 Je ne peux vraiment pas répondre à cette question compte tenu de sa

16 formulation.

17 Q. Je vais essayer de la reformuler alors.

18 Vous nous avez déjà dit que la Loi d'amnistie avait pour premier objectif

19 de promouvoir la paix et la réconciliation.

20 Donc ma question est la suivante : si des policiers ayant commis un

21 acte répréhensible ne sont soumis à aucune sanction, ils se voient décerner

22 finalement un certain degré d'immunité, n'est-ce pas ? C'est la première

23 partie de ma question.

24 R. Je pense que vous n'avez pas raison dans ce que vous dites. Vous n'avez

25 pas raison quand vous dites que des policiers ont joui d'un certain degré

26 d'immunité, car la Loi d'amnistie ne distingue aucunement entre tous les

27 citoyens, sur quelque base que ce soit. C'est la raison pour laquelle les

28 diverses dispositions de cette loi s'appliquent à tous les citoyens de la

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1 République de Macédoine.

2 Q. Je me suis mal exprimé tout à l'heure. J'aurais dû parler d'"impunité"

3 plutôt que d'"immunité."

4 Mais si des policiers ne sont pas placés devant leurs responsabilités

5 en cas d'infractions de leur part, comment est-ce que la confiance de la

6 population qui joue un rôle si important dans le rétablissement de la paix

7 et la réconciliation, comment est-ce que cette confiance peut encore

8 exister ?

9 R. Comme dans de nombreux autres cas, les gens qui bénéficient de

10 l'amnistie ont participé aux événements de l'époque.

11 Q. Connaissez-vous des policiers qui ont été amnistiés ?

12 R. Je ne connais personne qui a été amnistié, car je ne les connais pas

13 personnellement.

14 Q. Vous prenez ma question de façon très littérale. Connaissez-vous ou

15 avez entendu parler d'un policier qui aurait bénéficié d'une amnistie pour

16 des actes commis en 2001 ?

17 R. J'ai entendu dire qu'il y avait des personnes qui ont été amnistiées;

18 mais qui sont ces personnes, je ne sais vraiment pas.

19 Q. Vous en avez entendu parler, vous n'avez pas eu de renseignements plus

20 précis que cela ?

21 R. Je n'ai aucun autre renseignement que le fait de savoir que la loi a

22 été appliquée.

23 M. SAXON : [interprétation] Je vais maintenant passer à un sujet un peu

24 différent. J'aimerais que l'on soumette au témoin la pièce P030 [comme

25 interprété] grâce au prétoire électronique.

26 Q. Comme vous pouvez le voir, ceci est un dossier qui concerne une

27 sanction disciplinaire concernant un certain Peco Josevski.

28 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche dans les deux

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1 langues la dernière page de ce texte.

2 Q. Comme vous pouvez le voir vous-même, Professeur Taseva, une sanction

3 disciplinaire a été imposée à cet homme. Et dans l'avant-avant-dernier

4 paragraphe, on a une phrase qui se lit comme suit -- en fait, c'est le

5 troisième paragraphe avant la fin : "Dans un délai de huit jours après

6 réception de cette décision, l'employé est en droit de se pourvoir en appel

7 devant le tribunal de deuxième instance dans le secteur où il travaille

8 pour le gouvernement de la République de Macédoine."

9 Vous voyez cela ?

10 R. Oui, je le vois.

11 Q. En d'autres termes, l'employé a huit jours pour se pourvoir en appel

12 contre cette décision, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est ce qui est écrit.

14 Q. Il est dit également que le pourvoi en appel ne fait pas obstacle à

15 l'exécution de la présente décision, n'est-ce pas ?

16 Vous voyez cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Donc cette décision entre en vigueur en dépit du fait que l'arrêt en

19 appel n'a pas encore été prononcé, n'est-ce pas ?

20 R. C'est ce que prévoit la loi et c'est ce que prévoit la convention

21 collective.

22 Q. Donc vous répondez affirmativement à ma question

23 précédente ?

24 R. Oui. C'est le cas, parce qu'il existe une réglementation qui en

25 dispose, qui dispose que tel est le cas.

26 Q. D'accord. J'aimerais maintenant que nous parlions de la Loi sur la

27 défense.

28 M. SAXON : [interprétation] Je vous renvoie à ce titre au paragraphe 18 de

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1 votre rapport.

2 Q. Qui se lit comme suit, je cite : "En 2001, le président pouvait en

3 général exercer son pouvoir sur les forces policières. Une nouvelle Loi sur

4 la défense a été votée en juin 2001 qui limitait les pouvoirs du président

5 sur les forces policières.

6 "Toutefois, et dans la pratique, le président a continué à exercer son

7 pouvoir constitutionnel aussi bien sur l'armée que sur les forces

8 policières de la République. Les décrets d'application nécessaires pour une

9 mise en vigueur complète de la nouvelle Loi sur la défense n'ayant pas

10 encore été votés."

11 Ce que vous dites dans ce paragraphe 18 de votre rapport, c'est que, dans

12 la pratique, durant l'été 2001, le président a continué à exercer son

13 pouvoir aussi bien sur l'armée que sur la police, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, exact.

15 M. SAXON : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la pièce

16 P464.

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit d'un livre intitulé :

18 La guerre en Macédoine. Dans les numéros ERN de la version anglaise, qui

19 vont de N006-3017 à N006-3033, je demande que l'on affiche la page 8 de la

20 version anglaise du texte. En macédonien, il s'agit de la page 107 dans le

21 prétoire électronique -- ou plutôt, excusez-moi, j'ai fait une erreur, de

22 la page 106.

23 Q. Vous voyez ici un passage qui se lit comme suit : "Ordonne à la police

24 pendant l'application de la loi martiale, d'apporter son concours à

25 l'armée."

26 Vous voyez cela ? C'est écrit en caractères gras, Professeur.

27 R. Oui, je vois cette ligne, mais je ne comprends pas la traduction

28 anglaise. Quant à la version macédonienne, il est indiqué "Ordonne l'emploi

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1 de la police en temps de guerre pour apporter son concours à l'armée."

2 Q. D'accord. Merci beaucoup. Au fait, l'état de guerre n'a jamais été

3 déclaré en Macédoine, en 2001, n'est-ce pas ?

4 R. Non, en effet.

5 Q. D'accord.

6 R. Il n'a pas été proclamé.

7 Q. Si vous regardez cette page, vous voyez un paragraphe qui commence par

8 les mots : "Puisque la loi martiale…" -- ou, excusez-moi, je devrais sans

9 doute dire : "Puisque l'état de guerre n'a pas été déclaré."

10 Vous voyez ce passage ?

11 R. Oui.

12 Q. Voici ce qu'il dit. Dans un instant, il faudra passer à la page

13 suivante en macédonien. "Puisque l'état de guerre n'a pas été déclaré, la

14 police ne se trouvait pas sous un commandement conjoint et a agi de façon

15 autonome. Vous pouvez imaginer la situation qui prévaut lorsqu'on a deux

16 ministres d'un même gouvernement (le ministère de l'Intérieur, MVR et le

17 MO, le ministère de la Défense) qui ont à leur disposition deux composantes

18 armées dont l'une est entre guillemets 'commandée' par le premier ministre

19 par le truchement du ministère de l'Intérieur, alors que l'autre se trouve

20 sous le commandement du président de la république, qui lui, passe par le

21 ministre de la Défense."

22 Vous voyez ce paragraphe ?

23 R. Oui.

24 Q. Les auteurs de ce livre indiquent que pendant la crise de 2001 il y

25 avait deux voies hiérarchiques de chaîne du commandement : l'une qui

26 remontait de l'armée jusqu'au président en tant que commandant en chef; et

27 l'autre qui était la voie de la police qui allait jusqu'au premier ministre

28 en passant par le ministère de l'Intérieur.

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1 Vous le voyez ?

2 R. Ce n'est pas mentionné ici.

3 Q. Est-ce que ce n'est pas une indication ?

4 R. Excusez-moi.

5 Q. Il parle de ministres qui se trouvent dans le même gouvernement qui ont

6 à leur disposition deux composantes armées. L'une qui est commandée par le

7 premier ministre qui passe par le ministre de l'Intérieur; et l'autre qui

8 est commandé par le président de la république, qui lui, passe par le

9 ministre de la Défense.

10 Vous le voyez, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 M. SAXON : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce P402. C'est

13 un livre qui s'intitule : Mon combat pour la Macédoine. L'auteur en est M.

14 Boskoski.

15 Page 12 dans le prétoire électronique en macédonien et pour ce qui est de

16 ce même prétoire électronique ce sera la page 12 en anglais également.

17 Nous allons nous intéresser au paragraphe en bas de page en anglais avec le

18 passage équivalent en macédonien qui commence par les mots suivants :

19 "Depuis le poste de directeur ou de gestionnaire…"

20 Q. Est-ce que vous voyez cet endroit dans le texte ?

21 R. Oui.

22 Q. Quelques lignes plus loin voici ce que nous voyons : "Il y a eu une

23 escalade de la situation et les circonstances ont abouti, ont entraîné un

24 remaniement ministériel. J'ai été nommé ministre de l'Intérieur. Le premier

25 ministre, qui, plusieurs fois, avait publiquement exigé que soit proclamé

26 un Etat…" - ici en anglais dans le texte nous avons "deux lois martiales"

27 ce que j'interprète, mais ça serait "état de guerre" peut-être - "tout ceci

28 pour mettre fin à l'invasion de façon rapide, professionnelle et efficace,

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1 mais le président n'a pas réagi à ces demandes. Le premier ministre voulait

2 une nation qui soit plus raffinée, sophistiquée, qui serait lancée par les

3 forces de sécurité macédonienne qui dépendaient dans une large mesure des

4 dirigeants du ministère de l'Intérieur."

5 Vous voyez ?

6 R. Oui.

7 Q. Ce qui se dit ici dans ce passage du livre correspond bien à l'extrait

8 du livre : La guerre en Macédoine que je vous ai lu il y a un instant,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Non, je ne suis pas d'accord. Il m'est impossible de commenter ces

11 questions.

12 Q. Pourquoi ? Vous avez commenté la loi portant sur la défense, sur les

13 activités du ministère de l'Intérieur, alors pourquoi êtes-vous incapable

14 d'apporter maintenant un commentaire ?

15 R. Ce que je vous ai dit auparavant se basait sur mon rapport, les

16 documents, lois et décrets d'application que j'avais examinés et consultés.

17 Alors qu'ici, ce sont des livres dont les auteurs défendent des

18 thèses. Je ne sais pas, dans ces livres, où ils relatent leur vécu

19 personnel, qu'ils ont appelé ici, ou peut-être des rêves, je ne sais pas

20 qu'ils expriment ici. Je ne m'aventurerais pas à apporter un commentaire

21 sur quelque chose que je vois pour la première fois s'agissant de mon

22 rapport. Je sais précisément pourquoi j'ai écrit ce que j'ai écrit et

23 pourquoi j'ai tiré ces conclusions.

24 Q. Passons à un sujet différent.

25 Pourriez-vous nous dire en quelques mots de quelle façon pendant

26 cette situation de crise qui a prévalu en 2001, des membres de la presse et

27 des médias ont communiqué avec le ministre ou le ministère de l'Intérieur.

28 Comment est-ce que des militaires ont obtenu leurs informations de ce

Page 9906

1 ministère de l'Intérieur ?

2 R. Je ne suis pas au courant.

3 Q. Fort bien.

4 Je vais vous soumettre quelques idées, si vous me le permettez,

5 quelques hypothèses, où vous avez interprété les règlements et lois

6 afférentes au ministère de l'Intérieur de façon très restrictive, qui n'est

7 pas logique et ne correspond d'ailleurs pas à la pratique qui est celle ou

8 qui était celle du ministère de l'Intérieur en 2001.

9 Etes-vous d'accord avec cette hypothèse ?

10 R. Non, je ne suis pas d'accord. Je vous ai commenté ces questions de la

11 façon dont il fallait le faire, me semble-t-il.

12 Q. Autre hypothèse : les règlements, les lois concernant les Affaires

13 intérieures ou le fonctionnement du ministère de l'Intérieur démontrent,

14 qu'en 2001, le ministère était une structure très centralisée dotée d'une

15 hiérarchie très stricte au sommet de laquelle il y avait le ministre.

16 Etes-vous d'accord avec cette idée ?

17 R. Non.

18 Q. Autre idée. Le département de la police, le département de la police

19 criminelle devait rendre des comptes au ministre en passant par le chef du

20 bureau chargé de la sécurité publique, n'est-ce pas ?

21 R. Oui. En vertu de la loi, le ministre a compétence pour ce qui est des

22 activités du ministère, ce qui veut dire qu'il est responsable du travail

23 du bureau, mais ce travail il est organisé et coordonné par le directeur du

24 bureau.

25 Q. Autre hypothèse que je vous soumets. En 2001, le ministre de

26 l'Intérieur avait effectivement un droit de tutelle et de contrôle sur les

27 opérations policières, comme le montre et le démontre ces divers ordres et

28 décisions rendus à l'époque.

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1 Vous êtes d'accord ?

2 R. Non.

3 Q. En 2001, le ministre Boskoski n'a pas suivi à la lettre la loi sur la

4 lettre noire et il avait le contrôle des unités de police qui se trouvaient

5 au ministère de l'Intérieur.

6 R. Ce n'est pas ce que j'ai vu.

7 Q. Autre hypothèse que je vous soumets. En 2001, des questions

8 importantes, elles n'étaient pas tranchées au ministère de l'Intérieur sans

9 qu'il y ait l'approbation du ministre de l'Intérieur. Etes-vous d'accord

10 avec cette idée ?

11 R. Impossible d'être d'accord, car je n'ai pas les faits à l'appui de

12 cette idée.

13 Q. Autre idée. En 2001, le ministre Boskoski avait le pouvoir et

14 l'autorité nécessaires pour établir des unités de police et même pour les

15 engager au combat sans devoir passer par des formalités très strictes; est-

16 ce exact ?

17 R. Non.

18 M. SAXON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

19 témoin, Monsieur le Président, je vous remercie.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon.

21 Maître Residovic, vous avez la parole.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Messieurs les Juges.

23 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.

25 R. Bonjour.

26 Q. Je vais commencer par la fin des questions posées par

27 M. Saxon. Il vous a montré un livre qui est l'œuvre de plusieurs auteurs,

28 et dans ce cadre, il vous a dit qu'il y avait une double chaîne de

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1 commandement en 2001, et vous avez rejeté cette idée. Vous vous en souvenez

2 ?

3 R. Oui.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce 1D1268

5 de la liste 65 ter.

6 Est-ce qu'on peut montrer l'article premier de la loi concernant les droits

7 particuliers ou spéciaux qu'ont les membres des forces de police du

8 ministère de l'Intérieur de Macédoine.

9 Q. Ou plutôt je vais vous demander de lire le deuxième article de cette

10 loi.

11 R. "Les membres des forces de police de la République de Macédoine, comme

12 le précise cette loi, sont des soldats qui font leur service militaire, les

13 soldats de carrière, les officiers, et les civils qui sont employés dans le

14 service permanent de l'armée de la République de Macédoine, les individus

15 employés au ministère de l'Intérieur, les personnes chargées de missions

16 spéciales et dotées d'autorisations spéciales qui sont employées au

17 ministère de la Défense ainsi qu'au ministère de l'Intérieur."

18 Q. Inutile d'aller plus loin dans cette lecture.

19 Madame le Professeur, cette description des personnes qui composent

20 les forces de sécurité correspond avec ce que vous pensez et connaissez des

21 forces unifiées de la République de Macédoine en 2001 ?

22 R. Oui.

23 M. SAXON : [interprétation] Objection. C'est mal utilisé ou les éléments de

24 preuve en tout cas en mauvais escient, parce qu'il me semble que c'est un

25 document qui remonte en janvier 2002.

26 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, mais c'est en rapport avec l'année

27 précédente ainsi qu'aux droits dont bénéficiaient ces personnes l'année

28 précédente.

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1 M. SAXON : [interprétation] Peut-on nous indiquer cette partie du texte qui

2 le dit. Je remercie d'avance ma consoeur de le faire.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Deuxième paragraphe, on dit :

4 "La participation à la défense de l'indépendance, de l'intégrité

5 territoriale et de la souveraineté de la République de Macédoine, et le

6 fait d'empêcher la destruction violente des institutions démocratiques

7 établies par la constitution de la République de Macédoine en défense de la

8 souveraineté, vu le premier paragraphe de cet article concerne les

9 activités organisées des membres des forces de sécurité."

10 Je suis désolée. Je n'ai pas la totalité du texte de loi. Cependant, au

11 premier paragraphe on donne une date précise. On dit que ceci est établi

12 dans la constitution à partir du 2 janvier 2002. Mais en fait il y a une

13 erreur dans la traduction on a 2002, mais si vous regardez le texte en

14 macédonien, vous verrez que c'est à partir du 1er janvier 2000.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez, Maître Residovic; si

16 cette question pose problème, nous pourrons en parler lundi.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

18 Peut-être convient-il de montrer au témoin le document du

19 23 juin 2001, il s'agit de la pièce 1D529 de la liste 65 ter. Page 1D4809.

20 En anglais ce sera 1D8176.

21 Q. Est-ce que vous voyez en haut du document la date, celle du 21 juin

22 2001 ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous conviendrez avec moi que c'est après l'entrée en vigueur de la

25 nouvelle loi ?

26 R. Exact.

27 Q. Qui est l'autorité délivrant l'exécution de cet ordre de combat ?

28 R. L'ordre le dit, c'est écrit, c'est le ministre de la Défense et le

Page 9910

1 Grand état-major de l'armée de la République de Macédoine et commandement

2 des forces de sécurité.

3 Q. Qui est le destinataire de cet ordre ?

4 R. Ici on a un sigle ESZ. Ce sont des unités de missions spéciales au sein

5 du ministère de l'Intérieur.

6 Q. C'est un ordre de combat envoyé directement par le quartier général à

7 une des unités du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que ce document confirme lui aussi ce que vous avez dit, à

10 savoir que les unités de police se trouvaient sous le commandement de

11 l'armée dans le courant de l'année 2001 ainsi qu'après l'entrée en vigueur

12 de la nouvelle loi sur la défense ?

13 R. Oui.

14 Q. Merci. M. Saxon vous a parlé de la restitution des armes ce qu'il

15 fallait faire avant le 26 septembre 2001. Vous vous en

16 souvenez ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce qu'en plus de l'Armée nationale de libération, est-ce qu'il y

19 avait d'autres groupes albanais ou autres qui auraient détenu de façon

20 illégale des armes à l'époque ?

21 R. Je ne suis pas au courant.

22 Q. Vous avez dit que tous les citoyens avaient l'obligation de rendre, de

23 restituer les armes. Est-ce que cet ordre portait sur la restitution

24 d'armes détenues de façon illégale ou des armes pour lesquelles on avait un

25 port d'armes licite ?

26 R. Tous les citoyens qui détenaient illégalement des armes devaient les

27 restituer au cours de cette action.

28 Q. L'armée et la police, est-ce qu'elles avaient des armes qu'elles

Page 9911

1 détenaient illégalement ?

2 R. Cette action ne concernait pas du tout ni l'armée ni la police.

3 Q. M. Saxon vous a montré plusieurs documents à propos de ce qu'on a

4 appelé l'affaire des travailleurs de Mavrovo. Vous vous en souvenez ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez dit connaître ce dossier.

7 R. Oui, pour avoir lu ce que j'ai lu et pour en avoir entendu parler de

8 cette affaire.

9 Q. Est-ce que vous savez qu'il y a certaines affaires de la République de

10 Macédoine qui ont été renvoyées à ce Tribunal-ci ?

11 R. Oui. Je sais que l'affaire des travailleurs de Mavrovo est un de ces

12 dossiers.

13 Q. Dans le cadre de la Loi sur l'amnistie est-ce que ces affaires ont été

14 exclues de l'applicabilité de cette Loi sur l'amnistie ?

15 R. Oui.

16 Q. En réponse aux questions de l'Accusation, vous avez dit que les membres

17 de l'ALN ne se sont pas vus spoliés de leurs droits. Vous vous en souvenez

18 ?

19 R. Oui.

20 Q. Alors qu'il y avait crise à l'époque, est-ce qu'il y a un seul citoyen

21 de Macédoine qui ait été privé de ses droits civiques à l'époque ?

22 R. Non.

23 Q. Est-ce là la raison pour laquelle vous avez répondu que leurs droits ne

24 devaient pas leur être restitués ?

25 R. Oui. Je pense que c'était là la raison de ma réponse.

26 Q. Professeur, hier et aujourd'hui le Procureur a fait référence aux

27 paragraphes 59 et 60 de votre rapport à plus d'une reprise. Donc vous y

28 dites que les attributions du ministre de l'Intérieur lui sont conférées

Page 9912

1 par la loi et que les restrictions qui lui sont imposées elles aussi sont

2 dictées par la loi.

3 Vous vous en souvenez n'est-ce pas, est-ce que vous vous souvenez que plus

4 d'une fois vous avez donné la même réponse ?

5 R. Oui.

6 Q. A plusieurs reprises, vous avez dit que ceci venait d'une loi -- pas

7 seulement d'une loi, mais de plusieurs lois et vous en avez cité certaines,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce P92 et

11 plus précisément l'article 55.

12 Q. Ce document vous le citez dans plusieurs notes de bas de page, n'est-ce

13 pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Au moment de répondre à des questions, vous avez dit que c'était une

16 loi cadre qu'il fallait appliquer, n'est-ce pas ?

17 R. Exactement.

18 Q. Lisez l'article 55, s'il vous plaît.

19 R. "Le ministre soumet des règlements, des ordres, lignes directrices,

20 plans, programmes, décisions et autres instruments en vue de l'exécution

21 des lois et autres règlements lorsque la loi l'autorise."

22 Q. Est-ce que c'est là-dessus que vous vous êtes fondée pour conclure que

23 tout ministre peut délivrer ce genre de documents si la loi l'autorise ?

24 R. Oui, et je l'ai d'ailleurs répété plusieurs fois.

25 Q. M. Saxon vous a montré l'article 56 de cette même loi. J'aimerais que

26 vous l'examiniez.

27 Premier point : "Le règlement développe certaines dispositions légales de

28 façon à permettre leur application."

Page 9913

1 Numéro 2 : "Les ordres instruisent ou interdisent des procédures

2 lorsque se présente une situation qui est particulièrement importante pour

3 l'exécution des loi et règlements."

4 Trois : "Les lignes directrices déterminent la façon ou les modalités

5 d'exécution de dispositions particulières des lois et règlements."

6 Est-ce que cette disposition octroie, accorde de nouveaux pouvoirs ou est-

7 ce qu'elle, en fait, va détailler la façon dont il faut appliquer les

8 pouvoirs déjà précités ?

9 R. Non. Cette disposition dit simplement comment ces autorisations ou ces

10 pouvoirs doivent être appliqués.

11 M. SAXON : [interprétation] Objection. C'était une question très

12 directrice, alors que la question est tout à fait cruciale et qu'une

13 réponse avait -- enfin, la réponse a été donnée.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Effectivement, je suis sûr que Me

15 Vidovic [comme interprété] va en tenir compte à l'avenir.

16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au Conseil et au témoin de tenir

17 compte du fait qu'il faut interpréter leurs propos.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Effectivement, le rythme s'emballait

19 un peu.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, mais je n'ai pas beaucoup de temps et

21 si je m'emballe c'est parce que je veux poser des questions qui me semblent

22 essentielles au témoin, et je pense que vous allez me le permettre de le

23 faire, Messieurs les Juges.

24 Prenons maintenant la pièce P551. La loi portant sur les instances

25 gouvernementales de la République de Macédoine.

26 Q. Là je reviens de nouveau sur la question posée par mon estimé confrère,

27 il vous a demandé de dire sur quoi vous vous basiez pour tirer les

28 conclusions qui sont énumérées au paragraphe 60: La loi, en même temps,

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1 restreint certains des droits et attributions conférés au ministre.

2 M. Saxon vous a montré l'article 13 de cette loi, qui dit

3 ceci : "Le ministre est à la tête du ministère où il est nommé et il a la

4 responsabilité de l'application des loi et autres règlements."

5 Vous vous en souvenez ? Vous vous souvenez que le Procureur vous a montré

6 ce document ?

7 R. Oui, je m'en souviens.

8 Q. Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur l'article 36 de

9 cette loi.

10 Au deuxième paragraphe, nous lisons, je cite : "Par décret, le

11 gouvernement réglemente l'application de la loi, l'organisation des

12 ministères et autres instances de l'administration publique et réglemente

13 d'autres relations en application de la constitution et des lois."

14 Le paragraphe 7 se lit comme suit, je le cite : "Par voie de conclusion, le

15 gouvernement prend position sur les questions qu'il a débattues durant une

16 séance du conseil."

17 Vers la fin, on ne va pas lire tout le texte, mais vers la fin nous voyons

18 la liste des missions dont les ministres et les diverses institutions de

19 l'administration publique sont chargés ainsi que des postes prévus dans le

20 cadre des compétences de ces instances.

21 Alors dites-moi, Professeur Taseva, compte tenu de la disposition dont

22 lecture vient d'être faite, celle de l'article 13 qui prévoit certaines

23 compétences du ministre, est-ce que le gouvernement pouvait passer des

24 actes officiels qui pouvaient avoir une influence sur la portée du travail

25 des ministres ?

26 R. Oui. Ce sont des actes officiels qui sont énumérés dans l'article en

27 question de la loi.

28 Q. Est-ce que ces actes officiels pouvaient réduire les droits

Page 9915

1 fondamentaux du ministre selon les dispositions de l'article 13 ?

2 R. Ces actes officiels réglementent directement la façon dont travaille le

3 ministre.

4 Q. Madame Taseva, dans la disposition dont lecture vient d'être faite,

5 est-ce que vous avez trouvé un fondement pour l'opinion dont vous faites

6 état aux paragraphes 59 et 60 de votre rapport, tout en prévoyant une

7 possibilité de restriction de ces compétences par la loi ?

8 R. Oui, précisément. Je l'ai répété dans mes conclusions, j'ai dit qu'elle

9 se fondait sur les dispositions de la loi.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Le témoin pourrait se pencher sur la pièce

11 P86 à présent.

12 Q. C'est la Loi sur les Affaires intérieures que vous avez eue sous les

13 yeux à plusieurs reprises durant le contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Discutons des pouvoirs du ministre et des restrictions à ces pouvoirs.

16 Vous avez expliqué que ces pouvoirs et ces restrictions pouvaient être

17 évoqués dans un certain nombre de lois que vous citez pour les avoir

18 analysées ?

19 R. Oui, ainsi que d'autres lois qui ne sont pas mentionnées dans mon

20 rapport.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous

22 penchions sur l'article 10 de la Loi sur les Affaires intérieures que

23 l'Accusation vous a montré à plusieurs reprises.

24 Q. Au paragraphe 2 de cet article, il est indiqué, vous en avez donné

25 lecture, que lorsque l'ordre public a été troublé et que la loi a été

26 enfreinte, le ministre peut ordonner à des responsables habilités du

27 ministère, article 24, paragraphe 2 de la présente loi, de conduire un

28 certain nombre de tâches revêtus d'un uniforme. C'est une disposition qui

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1 émane de la Loi sur les Affaires intérieures.

2 Dites-moi, Professeur Taseva, est-ce que cette disposition est conforme

3 avec celle dont nous avons donnée lecture il y a un instant et est-ce bien

4 votre position que seule cette loi définit les compétences du ministre ?

5 R. Oui, précisément.

6 Q. Est-ce que cette disposition de la loi prévoit que dans de telles

7 situations le ministre est habilité à donner un ordre ?

8 R. Oui. Je l'ai répété à plusieurs reprises. Cette disposition

9 particulière est l'une qui définit à quel moment et dans quelles

10 circonstances un ministre peut effectuer une telle action.

11 Q. En rapport avec votre conclusion et votre position décrite au

12 paragraphe 60 de votre rapport, selon lesquelles la loi définit, entre

13 autres, le pouvoir de donner des ordres, est-ce que cette loi peut aussi

14 restreindre ses pouvoirs.

15 Quelle est la nature de cette restriction ? Est-ce une restriction

16 qui porte sur des individus, sur des êtres humains ou sur les

17 circonstances, ou est-ce une restriction qui concerne des institutions ?

18 Est-ce que la loi prévoit des restrictions spécifiques ou est-ce que ces

19 restrictions peuvent être de nature diverse ?

20 R. La loi prévoyait des restrictions quant aux actes autorisés en fonction

21 de la situation précise à laquelle s'appliquait cette loi.

22 Q. Dites-moi, l'article 10, paragraphe 2, selon lequel le ministre peut

23 autoriser des employés qui, normalement, portent un uniforme de faire un

24 certain nombre de choses, est-ce que la loi prévoyait le moment où un tel

25 ordre pouvait être donné ?

26 R. En cas de perturbation de l'ordre public et d'infraction à la loi, donc

27 il s'agit de situation précisément définie.

28 Q. Lorsque vous avez souhaité donner un exemple des pouvoirs conférés en

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1 vertu de la loi et des restrictions à ces pouvoirs, vous avez demandé un

2 exemplaire papier du texte de lois et vous avez évoqué l'article 11 de

3 cette loi.

4 Vous avez dit que le ministre était habilité à créer une unité,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Ce pouvoir lui est-il conféré par la loi et conforme aux points de vue

8 que vous avez présentés au paragraphe 59 de votre rapport -- ou plutôt,

9 correspond-il aux dispositions que l'on trouve à l'article 45 de la loi sur

10 l'administration publique ?

11 R. En effet. C'est un droit qui est conféré au ministre par la loi et qui

12 correspond tout à fait à ce que j'ai déjà dit précédemment.

13 Q. Dans cette loi particulière les pouvoirs du ministre de créer une unité

14 sont évoqués, mais ce pouvoir est-il restreint par une limite de temps ou

15 en fonction d'êtres humains, de territoire, ou alors est-ce un droit absolu

16 qui est celui du ministre de créer une unité ?

17 R. Il y a un certain nombre de facteurs qui interviennent, dirais-je, par

18 rapport à ce qu'il est possible de faire. En d'autres termes, cela ne peut

19 se faire que lorsqu'il est nécessaire d'intervenir pour défendre la

20 sécurité en cas d'état de guerre ou en cas d'urgence. Ce sont deux

21 situations différentes.

22 Donc en cas d'état de guerre ou en cas d'état d'urgence, ou lorsque

23 l'Etat est gravement perturbé du point de vue de la loi et de l'ordre

24 public, dans des situations telles que celles-ci le ministre peut, par

25 rapport aux catégories professionnelles énumérées dans le texte de lois,

26 officiers de police, entre autres, mais également apprentis policiers. Ce

27 sont de jeunes officiers qui ont obtenu leur diplôme mais n'ont pas encore

28 passé l'examen qui leur donne droit à un emploi actif.

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1 Egalement des étudiants au-dessus de 18 ans. Donc les catégories de

2 personnes concernées sont très précisément définies dans la loi.

3 Q. Très bien. Je vous remercie. Nous avons pu constater nous-mêmes ce qui

4 figure dans l'article. Mais ma question est la

5 suivante : est-ce que cette disposition que vous avez citée confirme

6 également votre point de vue, celui que vous présentez au paragraphe 60 de

7 votre rapport, selon lequel la loi confère ces pouvoirs mais prévoit

8 également les restrictions à ce pouvoir ?

9 R. Oui, précisément.

10 Q. L'Accusation vous a posé plusieurs questions au sujet de la possibilité

11 pour le ministre Boskoski de se livrer à des actions politiques, n'est-ce

12 pas ?

13 R. Oui.

14 Q. A l'époque, vous avez expliqué que tous les ministres sont des

15 personnalités politiques et qu'elles ont un certain nombre de droits à ce

16 titre et notamment le droit de participer à des campagnes électorales. Est-

17 ce un résumé de vos propos conformes à ce que vous avez dit ?

18 R. Oui, oui, tout à fait.

19 Q. Ces droits de citoyens ou droits de ministres ne font l'objet d'aucune

20 disposition de cette loi, n'est-ce pas ?

21 R. Non. Les droits des citoyens et des représentants politiques ne sont

22 pas cités dans ces textes de lois.

23 Q. Madame Taseva, les ministres, y compris le ministre Boskoski,

24 jouissaient-ils d'autres droits comme, par exemple, des droits familiaux,

25 des droits fiscaux, et pouvaient-ils exercer ces droits nonobstant le fait

26 qu'ils étaient ministres ?

27 R. Bien sûr. Comme tout autre citoyen, il jouissait de bien d'autres

28 droits en application de la législation et de la constitution.

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1 Q. Et ces droits ne sont certainement pas énumérés dans la Loi sur les

2 Affaires intérieures ou dans la Loi sur l'administration publique, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Tout à fait. Il existe d'autres textes de lois qui prévoient d'autres

5 droits applicables à tous les citoyens de la République de Macédoine.

6 Q. L'Accusation vous a montré le document 1D113.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Dont je demande l'affichage sur les

8 écrans.

9 Q. Parlant de ce document qui est une décision, vous avez évoqué les

10 dispositions des articles 25 et 26 du règlement qui régit l'organisation et

11 le travail du ministère de l'Intérieur.

12 Vous, vous rappelez cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans le préambule du présent document, nous voyons que le pouvoir légal

15 de faire voter ce décret est évoqué à l'article 55, paragraphe 1, de la Loi

16 sur l'organisation et le travail des instances gouvernementales de

17 l'administration de l'Etat. Lorsque nous nous sommes penchés sur ce texte

18 de lois, vous avez dit qu'il définissait les pouvoirs de tous les

19 ministres, y compris du ministre de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Dites-moi, Professeur Taseva, le fait de fournir des renseignements à

22 ces diverses commissions, nuit-il de quelque façon que ce soit au travail

23 des autres instances et services du ministère de l'Intérieur ?

24 R. Comme je l'ai dit, ces commissions étaient créées pour réaliser un

25 travail bien défini, et en aucun cas l'existence de ces commissions

26 n'empiétait sur les attributions, obligations ou tâches des autres

27 divisions du ministère de l'Intérieur ou de quelque ministre que ce soit.

28 Mme RESIDOVIC : [interprétation] La page 2 de ce document, j'en demande

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1 l'affichage, paragraphe 4, plus précisément.

2 Q. Qui se lit comme suit, je cite : "S'agissant de quelque requête, le

3 service compétent responsable de l'examen des requêtes au ministère de

4 l'Intérieur, après avoir examiné et vérifié les allégations contenues dans

5 la présente requête, est tenu de soumettre un rapport à la commission dont

6 il est fait état en première partie de la présente décision."

7 Est-ce que ligne confirme votre position selon laquelle la commission ne

8 remplace pas les instances existantes, cette commission chargée d'examiner

9 les requêtes et griefs qui existent déjà au sein du ministère ?

10 R. En effet. Elle ne remplace pas les instances existantes.

11 Q. Paragraphe 2 du point 5, il se lit comme suit, je cite : "Si la

12 commission découvre qu'il y a eu abus de pouvoir de la part de certains

13 membres du ministère de l'Intérieur, elle recommande de lancer une

14 procédure destinée à déterminer les responsabilités vis-à-vis d'une

15 violation du règlement disciplinaire applicable au personnel des divers

16 organes du ministère."

17 Est-ce que ce passage de la décision corrobore votre position selon

18 laquelle la commission ne pouvait pas remplacer un organe existant

19 responsable de la mise en œuvre des procédures requises en cas d'abus de

20 pouvoir avéré ?

21 R. Oui, elle la corrobore.

22 Q. A plusieurs reprises, l'Accusation a fait valoir des objections par

23 rapport à ce que vous disiez. Au paragraphe 17 de votre rapport, vous dites

24 que le président -- ou plutôt, vous dites que rien n'empêche le président

25 d'exercer personnellement le commandement sur une opération déterminée. Je

26 paragraphe vos propos assez librement. Mais est-ce que ceci pourrait

27 correspondre à ce que vous pensez, de même, à ce que vous dites dans votre

28 rapport ?

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1 Est-ce que vous pourrez l'admettre maintenant ? Est-ce que vous vous

2 rappelez que cela vous a été soumis ?

3 R. Oui, je m'en souviens.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la

5 pièce P91, article 79, de la constitution de la République de Macédoine.

6 Q. L'article 79 de la constitution se lit comme suit, je

7 cite : "Le président de la République de Macédoine représente l'Etat."

8 Et un peu plus loin nous lisons, je cite : "Le président de la République

9 de Macédoine est le commandant suprême des forces armées de Macédoine."

10 Y a-t-il la moindre restriction prévue dans cette disposition particulière

11 ? Y a-t-il la moindre restriction qui est prévue dans la capacité pour le

12 président de jouer son rôle de commandant suprême ?

13 R. Non. Il n'y a aucun restriction eu égard à l'application directe de

14 cette disposition de la constitution.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on montre une nouvelle

16 fois au témoin la pièce P52, article 54.

17 Q. Qui définit les pouvoirs dont les ministres et le ministre de

18 l'Intérieur en particulier, sont investis. Au sujet de cet article, vous

19 avez dit qu'il conférait un certain nombre de pouvoirs aux ministres.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Article 55. Le texte en macédonien n'est

21 pas encore affiché. Bien.

22 Q. Madame, vous avez dit que c'est cet article qui prévoyait les

23 attributions, les pouvoirs du ministre qui pouvait traiter des décrets, et

24 cetera, et cetera. Contrairement aux dispositions qui régissent les

25 pouvoirs du président dont vous avez dit qu'il ne faisait l'objet d'aucune

26 condition, les pouvoirs conférés au ministre et que l'on trouve dans le

27 présent article sont-ils soumis à certaines conditions ?

28 R. Oui. Ils sont soumis à la condition d'une habilitation obligatoire et

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1 prévue par la loi pour que le ministre accomplisse quelque acte que ce

2 soit.

3 Q. Professeur Taseva, est-ce que c'est cet article qui fonde votre

4 conclusion exprimée au paragraphe 17 de votre rapport selon laquelle rien

5 n'empêchait le président d'exercer sa capacité de commandant suprême, et

6 vous l'avez dit dans les mots qui sont les vôtres ?

7 R. Oui.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette au

9 témoin le document 1D52.

10 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Saxon.

12 M. SAXON : [interprétation] Je pense qu'à l'avenir il serait plus

13 convenable que ma collègue de la Défense demande au témoin sur quoi elle a

14 fondé la conclusion exprimée par elle dans un paragraphe précis de son

15 rapport plutôt que de lui soumettre une disposition légale, et de lui

16 demander ensuite si le texte de cette disposition légale était bien la base

17 de la conclusion exprimée par elle.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez, Maître Residovic. Vous

19 venez d'entendre cette proposition pratique et, bien sûr, tout cela aura

20 une influence sur le point que la Chambre attachera aux réponses du témoin.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

22 Q. Professeur, vous avez été interrogée au sujet de l'avis que vous avez

23 exprimé -- non, excusez-moi. Ne regardez pas le texte affiché à l'écran, je

24 vous prie.

25 Répondez d'abord à ma question si vous le voulez bien. Le président,

26 en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la constitution, peut-il

27 donner un ordre particulier ou faire voter un décret particulier en sa

28 capacité de commandant suprême ?

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1 R. Oui, il le peut.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette au

3 témoin le document 1D52.

4 Q. Dans le préambule de ce décret adopté en urgence par le président de la

5 République de Macédoine le 7 août 2001, il est écrit, je cite : "C'est sur

6 la base de l'article 79, paragraphe 2, de la constitution de la République

7 de Macédoine que le président adopte le décret suivant."

8 Est-ce que ce décret confirme l'avis exprimé par vous il y a un instant ?

9 R. Oui, c'est bien ce texte qui corrobore directement et précisément la

10 position prise par moi.

11 Q. Je vous remercie. Hier, Professeur Taseva, vous avez discuté avec

12 l'Accusation de cette conception de la chaîne de commandement et vous avez

13 dit que le flux d'informations et la chaîne de commandement n'allaient pas

14 ensemble, si je puis m'exprimer ainsi. Vous avez donc exprimé un désaccord

15 par rapport à la position de l'Accusation, n'est-ce pas ? Vous vous

16 rappelez cela ?

17 R. Oui, je m'en souviens.

18 Q. Dites-moi, encore une fois, quelle est votre position par rapport aux

19 situations où un ordre est donné. Comment est-ce que les informations

20 circulent le long de la voie hiérarchique ?

21 R. S'il existe une voie hiérarchique, alors l'ordre est émis par un

22 commandant, et il faut qu'il y ait retour d'information de la part du

23 bénéficiaire de l'ordre, de celui qui a reçu l'ordre par voie de rapport

24 qu'il doit faire état de la façon dont a été accomplie une tâche précise

25 qui était l'objectif poursuivi dans l'ordre donné. C'est la raison pour

26 laquelle j'ai insisté hier sur la nécessité de bien définir ces diverses

27 notions.

28 Q. Je vous remercie.

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce P468.

2 Q. C'est une note d'information datant du 10 juin et que l'Accusation vous

3 a montrée hier.

4 Pendant que nous attendons l'affichage du texte sur les écrans,

5 pouvez-vous me dire de façon générale de quelle façon les mémos ou rapports

6 étaient rédigés au sein du ministère ? Comment est-ce que le secteur

7 analytique pour lequel vous travailliez recueillait les renseignements

8 nécessaires pour la rédaction de ces documents ? Comment est-ce que le

9 travail se faisait ?

10 R. Le secteur analytique du ministère de l'Intérieur recevait des

11 renseignements de diverses sources et de divers secteurs au quotidien. Ces

12 renseignements provenaient des différents secrétariats régionaux, ainsi que

13 du département des Affaires intérieures, donc du SVR et des OVR.

14 Les renseignements étaient réunis et si un renseignement apparaissait

15 comme particulièrement important, une note d'information était rédigée pour

16 envoi à tous les hauts responsables compétents du ministère de l'Intérieur.

17 Q. Je vous remercie. Ce que vous avez dit dans votre déposition il y a un

18 instant au sujet des notes d'information et de la façon dont elles étaient

19 rédigées, signifie qu'il ne s'agissait pas de rapport ou d'ordre, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Non. Ces notes d'information contenaient des renseignements au sujet

22 des événements en cours et de l'évolution de la situation.

23 Q. Excusez-moi, de vous avoir d'abord montré le document avant de vous

24 poser ma question.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la

26 pièce P575 qui est une note d'information datant du

27 7 juin.

28 Q. Dites-moi, Professeur, est-ce que le texte que nous avons sous les yeux

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1 en ce moment est également une note d'information rédigée selon les

2 modalités que vous venez de décrire dans votre dernière réponse ?

3 R. Oui. J'ai aussi dit cela hier pendant ma déposition. C'est une note

4 d'information qui a été rédigée par le secteur analytique selon les

5 modalités réglementaires.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Penchons-nous sur la page 2 de ce

7 document.

8 Q. Professeur Taseva, vous avez convenu hier que les renseignements que

9 l'on trouve dans ces notes pouvaient servir de base à un débat mais

10 également à l'adoption d'un certain nombre de décisions, n'est-ce pas ?

11 Vous en êtes d'accord ? Vous vous rappelez avoir dit au Procureur que vous

12 étiez d'accord sur ce point ?

13 R. Oui.

14 Q. Nous avons dans cette note une liste de noms qui est la liste des

15 destinataires de cette note.

16 Pourriez-vous nous dire, Professeur Taseva, qui au ministère pouvait

17 prendre une décision sur la base d'une note d'information comme celle-ci

18 après l'avoir reçue ?

19 R. Avant tout, les chefs de service du ministère de l'Intérieur, le

20 directeur du service chargé de la police criminelle, le directeur de l'UBK

21 recevaient ces notes d'information au quotidien et pouvaient s'en servir

22 pour prendre des mesures déterminées en cas de nécessité. Donc pour

23 entreprendre certaines actions ou prendre d'autres décisions à un niveau

24 plus élevé ou même entreprendre des actions bien précises.

25 Q. Sur la base d'une telle note d'information, est-ce que les instances

26 qui n'étaient pas compétentes pour traiter des questions évoquées dans une

27 note d'information pouvaient également prendre des décisions sur la base

28 d'une telle note ?

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1 R. Les personnes dont les noms figurent comme destinataires de la note

2 d'information sont les premières à recevoir cette note à des fins

3 d'information, mais pas à des fins d'actions. Il s'agit du secrétaire

4 d'Etat, du directeur de la direction chargée de la sécurité et du contre-

5 espionnage qui recevaient régulièrement ces notes d'information à des fins

6 d'information, pour être au courant.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous avons maintenant la pièce P468.

8 Q. Vous avez examiné ce document et un autre document similaire de façon

9 détaillée avec le Procureur, et je ne vais pas vous poser de question à ce

10 propos.

11 A cet égard, dans ce contexte vous avez dit la chose suivante : "Il

12 était nécessaire de prendre des mesures en matière de sécurité."

13 Je voudrais que vous examiniez la deuxième partie de la phrase qui

14 dit : "remplacement de forces de police…"

15 D'après ce que vous avez compris, y avait-il des effectifs de police

16 sur place ?

17 R. Oui, c'est écrit dans ce document qui dit que ces effectifs doivent

18 être remplacés, relevés. Ça veut dire qu'ils étaient déjà là pour

19 commencer.

20 Q. Ces effectifs de police qui doivent relever d'autres forces de police,

21 est-ce qu'elles ont quelque chose à voir avec la note d'information du 10

22 juin à propos de laquelle le Procureur a laissé entendre, en fait, c'était

23 l'objet de la rédaction de ce télégramme ?

24 R. J'ai dit déjà hier qu'il était impossible d'établir une corrélation

25 immédiate ou de procéder à une analyse isolée de ce genre de document. Il

26 m'était impossible de les corréler avec quoi que ce soit.

27 Q. Est-ce que le ministre est autorisé par la loi à déployer ou redéployer

28 des hommes ?

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1 R. Oui, c'est une attribution qu'il a aussi en tant qu'employeur.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce P86,

3 article 56.

4 Q. L'en-tête de cet article est : "Affectation d'employés." Il est dit

5 que: "Un employé peut être affecté…"

6 Au deuxième tiret on dit : "…assistance professionnelle pour

7 l'exécution des obligations et tâches de l'unité organisationnelle

8 régionale…"

9 Ensuite, tiret suivant : "…pour assurer un fonctionnement plus

10 efficace du ministère."

11 Il a ici l'autorisation d'affecter des employés, c'est ce que dit la loi.

12 Quelle fut l'incidence de ceci sur le fait qu'on dit que par exemple on

13 cherchait à affecter 50 hommes à un endroit différent afin de remplacer des

14 policiers étant donné la situation qui prévalait en matière de sécurité ?

15 R. Cet article donne le droit au ministre d'affecter des gens, de les

16 verser dans d'autres unités organisationnelles pour améliorer l'efficacité

17 du travail.

18 Q. Vous souvenez-vous avoir discuté avec le Procureur des instructions

19 données pour la fourniture d'armes, il s'agissait de la pièce P94 ?

20 Le Procureur vous a demandé ce qu'il en était des pouvoirs conférés par la

21 loi au ministre pour ce qui est de donner de telles instructions et où ceci

22 se trouvait. Vous vous en souvenez ?

23 R. Oui.

24 Q. Cette instruction précise les modalités de fourniture d'armes

25 officielles.

26 De prime abord, au vu du titre, à votre avis est-ce que ces

27 instructions confèrent un pouvoir, une compétence particulière ?

28 R. Cette instruction détermine les modalités d'exécution d'une activité

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1 prévue par la loi et un autre décret d'application.

2 Q. Dans ce contexte, le Procureur vous a montré l'article 25 de la loi de

3 cette pièce P86.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher cet article ?

5 Q. Voici ce que dit l'article 25 au deuxième alinéa : "Les fonctionnaires

6 habilités conformément aux règlements visant l'exécution de tâches

7 spéciales et autorisations spéciales seront en possession d'armes et de

8 munitions officielles."

9 Vous avez répondu à des questions du Procureur et vous n'avez cessé de dire

10 que tout ceci devait être défini et précisé par des décrets d'application.

11 Vous vous en souvenez ?

12 R. Oui.

13 Q. Mais le Procureur, partant de votre opinion, l'opinion que vous aviez

14 présentée aux paragraphes 59 et 60, vous a demandé où l'on trouvait la

15 compétence qu'aurait le ministre à ordonner de telles règlementations,

16 notamment pour ce qui est de l'exercice de pouvoirs spéciaux. Vous vous en

17 souvenez ?

18 R. Oui.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Prenons l'article 74 de la loi.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle que maintenant le

21 temps qui était prévu est écoulé. Vous allez devoir terminer.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il nous reste combien de minutes ? Hier je

23 vous ai demandé à pouvoir disposer de 50 minutes en tout et je ne pense pas

24 avoir utilisé 50 minutes.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous n'avez pas 50 minutes. Il

27 s'agit ici de questions supplémentaires posées à un témoin qui a présenté

28 un rapport circonstancié par écrit. Je pense que là vous avez eu deux fois

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1 plus de temps que la dernière période ordinaire, donc ça vous donnait en

2 tout 45 minutes. Donc ça c'est ce que vous auriez eu normalement, mais nous

3 avons doublé ce temps pour permettre à M. Saxon de terminer et vous avez

4 déjà bénéficié de plus de 50 minutes.

5 Mme RESIDOVIC : [aucune interprétation]

6 M. LE JUGE THELIN : [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Ce sera assez.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc vous devez poser votre dernière

10 question.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

12 Q. Prenez l'article 74 de cette loi. Est-ce qu'il confère certains

13 pouvoirs au ministre cet article ?

14 R. Effectivement, il lui donne le pouvoir d'adopter les décrets

15 d'application dont j'ai déjà parlé souvent, pour ce qui est du

16 fonctionnement du ministère de l'Intérieur entre autres.

17 Q. Parmi ces compétences qui lui sont données, est-ce qu'il y a aussi

18 compétence pour délivrer ces instructions ?

19 R. Je ne peux que répéter ce que j'ai dit, c'est qu'il a compétence pour

20 adopter des règlements, réglementations et décrets d'application spécifiant

21 les modalités d'exécution du travail des ministères. Le fait d'adopter des

22 instructions telles que celles que nous venons de voir, c'est

23 opérationnaliser davantage encore ce qui est consigné dans le manuel de

24 fonctionnement du ministère de l'Intérieur.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Avant de terminer, j'aimerais préciser,

26 Monsieur le Président, que les règlements de service qui dit que le

27 ministre a le droit de régler des questions concernant des fonctionnaires

28 habilités et leurs pouvoirs, tout ceci n'a pas été intégralement traduit.

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1 Nous avons fait une traduction, une première mouture qui montre de quelle

2 façon les armes officielles sont en possession des fonctionnaires

3 habilités, ça commence à partir de l'article 289. Une fois que la

4 traduction sera terminée nous en demanderons le versement en tant qu'annexe

5 de ce document.

6 Deuxième chose, il n'y a pas non plus de traduction pour ce qui est des

7 instructions.

8 On me dit que je dois préciser ceci, mon intervention concernant la pièce

9 P96, car l'article 84 concerne l'adoption du décret d'application conférant

10 certains pouvoirs.

11 Autre chose que je voulais dire en matière de traduction, c'est qu'il

12 y a ces instructions pour ce qui est de la fourniture d'armes et qu'il y a

13 dans cette traduction beaucoup d'erreurs, nous l'avons établi dès hier.

14 Nous allons demander une traduction officielle du CLSS, puisque c'est elle

15 que nous avons utilisée jusqu'à présent avait été fournie par l'Accusation.

16 Or, en son article 2, l'article plutôt que de parler de la fourniture

17 d'armes au bureau principal ou au siège principal du ministère de

18 l'Intérieur, on dit que c'est tout le ministère qui est concerné.

19 Voilà. Si c'est tout le temps qui m'est donné pour mes questions

20 supplémentaires, j'en ai terminé.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je me réjouis de voir ces

22 questions bientôt réglées.

23 Madame, vous serez contente d'apprendre qu'en étant assez vigoureux

24 pour ce qui est du temps consacré aux parties, vous pouvez désormais

25 terminer votre déposition, vous pouvez vaquer à vos autres occupations et

26 vous n'aurez pas à revenir.

27 Nous tenons à vous remercier d'être venue pour nous prêter

28 assistance. Merci aux conseils d'avoir réussi à terminer la déposition du

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1 témoin dans les temps voulu grâce au volet supplémentaire que nous avons pu

2 libérer.

3 Nous reprendrons lundi après-midi, à 14 heures 15.

4 Merci.

5 [Le témoin se retire]

6 --- L'audience est levée à 15 heures 17 et reprendra le lundi 25

7 février 2008, à 14 heures 15.

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