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1 Le mardi 26 février 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 09 heures 02.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
7 Bonjour à vous, Monsieur. La déclaration solennelle que vous avez prononcée
8 au début de votre déposition est toujours valable.
9 Maître Mettraux, je vous en prie.
10 LE TÉMOIN: ZLATKO KESKOVSKI [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. METTRAUX : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
13 Interrogatoire principal par M. Mettraux : [Suite]
14 Q. [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Keskovski.
15 R. Bonjour.
16 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions du dimanche 12 août et
17 j'aimerais vous demander si vous vous souvenez de l'endroit où vous vous
18 trouviez le matin du 12 août ?
19 R. Le matin du 12 août, vers 9 heures ou 10 heures, nous avons amené le
20 président de sa résidence à son bureau, au cabinet de la République de
21 Macédoine. Je suis ensuite resté dans mon bureau pour commencer les
22 préparatifs permettant d'aboutir à la signature de l'accord-cadre d'Ohrid
23 qui s'est déroulée le 13, donc le lendemain, à la résidence du président de
24 la République de Macédoine.
25 Q. Monsieur Keskovski, procédons par étapes. Vous venez de dire : "Nous
26 avons conduit le président de sa résidence à son bureau."
27 Lorsque vous dites "nous" ? Qui entendez-vous, est-ce qu'il y avait
28 quelqu'un d'autre avec vous ?
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1 R. Ce que j'entends ce sont les personnes qui assuraient la sécurité et la
2 protection du président.
3 Q. Qui conduisait le président ? Je pense que vous l'avez indiqué hier,
4 est-ce que vous pourriez nous rappeler qui était le chauffeur attitré du
5 président ?
6 R. Le premier chauffeur du président était, en règle générale, M.
7 Mladenov.
8 Q. Est-ce que vous vous souvenez si ce jour-là, c'est bien M. Mladenov qui
9 conduisait le président ?
10 R. Oui, comme je vous l'ai dit, il s'agissait de Mladenov.
11 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s'est passé lorsque vous êtes
12 arrivé au bureau du cabinet du président ce matin-là ?
13 R. Ce matin-là, lorsque nous sommes arrivés au cabinet du président, comme
14 j'avais déjà commencé à vous le dire, je suis allé dans mon bureau afin de
15 lancer les préparatifs pour la signature de l'accord d'Ohrid. Avant
16 d'arriver, le président m'avait demandé mon portable, il voulait passer
17 quelques appels, appels qu'il passait quotidiennement.
18 Q. Est-ce qu'à un moment le président a demandé à vous voir ou est-ce que
19 vous, de votre propre initiative, êtes allé voir le président ce matin-là ?
20 R. Pendant cette journée-là, à savoir avant le début de la réunion que
21 j'avais prévue pour les préparatifs de la signature de l'accord-cadre
22 d'Ohrid, parce qu'il ne faut pas oublier que c'était une réunion qui était
23 prévue avec tout le groupe qui assurait la sécurité du président, donc
24 avant que cela ne se passe, le président m'a appelé dans mon bureau et il
25 m'a demandé d'aller le trouver immédiatement.
26 Q. Qu'est-ce qu'il vous a dit, si tant est qu'il vous ait dit quelque
27 chose à ce moment-là ?
28 R. Le président m'a convoqué et m'a dit qu'à Ljuboten ainsi que dans le
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1 secteur de Ljubanci il y avait eu certaines activités, et qu'il voulait
2 prendre contact immédiatement avec le ministre de l'Intérieur, M. Ljube
3 Boskoski.
4 Sur ses ordres, j'ai d'abord essayé de localiser le ministre; toutefois, je
5 n'ai pas pu établir le contact avec le ministre. Il y avait un numéro de
6 téléphone qui se trouvait dans la mémoire de mon portable.
7 Q. Monsieur Keskovski, nous allons parler de cela dans un petit moment,
8 mais j'aimerais savoir si le président vous a indiqué de qui émanait
9 l'information à propos des événements qui se déroulaient à Ljuboten et
10 Ljubanci ? Est-ce qu'il vous l'a dit ?
11 R. Il ne m'a pas dit de qui il avait reçu cette information. Il m'a
12 demandé si j'avais la possibilité de prendre contact avec M. Tarculovski.
13 J'ai essayé de l'appeler avec mon portable, mais je n'ai pas pu le faire à
14 ce moment-là.
15 Q. Vous avez indiqué qu'il vous avait demandé et que vous avez essayé de
16 prendre contact avec M. Ljube Boskoski. Est-ce qu'il vous a dit pourquoi il
17 voulait prendre contact avec M. Boskoski à ce moment-là ?
18 R. Le matin du 12, il y avait des informations qui portaient sur une foule
19 de personnes, la foule était mécontente, c'est une foule de personnes qui
20 se trouvait dans le secteur de Radisani, ces personnes étaient armées de
21 barres de fer et d'autres armes, en fait il s'agissait d'outils et d'objets
22 de cuisine qu'ils voulaient utiliser en tant qu'armes, et ils étaient prêts
23 à régler leur compte aux groupes de terroristes qui se trouvaient cantonnés
24 dans le village de Ljuboten.
25 C'est pour ces raisons, du fait qu'il s'agissait de population civile et
26 qu'ils auraient pu avoir des contacts directs avec la population civile
27 d'appartenance ethnique albanaise, il faut savoir qu'il y avait également
28 des conflits ainsi que des escarmouches du fait de l'appartenance ethnique,
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1 donc tout cela aurait pu remettre en question la signature de l'accord-
2 cadre d'Ohrid. C'est pour toutes ces raisons que le président m'a demandé
3 d'essayer de localiser M. Boskoski et d'essayer de prendre contact avec
4 lui.
5 Q. Vous étiez en train de nous expliquer les efforts que vous avez
6 déployés pour essayer de prendre contact avec M. Boskoski. Est-ce que vous
7 pourriez nous dire quelles sont les mesures que vous avez prises et est-ce
8 que vous pouvez nous dire si vous avez pu finalement établir le contact
9 avec M. Boskoski ?
10 R. J'ai essayé de contacter M. Boskoski par téléphone, j'avais un numéro
11 de téléphone à ma disposition, mais je n'ai pas été en mesure de le faire
12 parce que pendant le week-end au bureau il n'y avait pas l'équipe qui
13 travaille d'habitude pendant la semaine. Le président m'a dit que je
14 devrais essayer de passer par le bureau du premier ministre, il m'a dit
15 qu'il fallait -- puisque je voulais prendre contact avec M. Boskoski, donc
16 j'ai essayé.
17 C'est ce que j'ai fait, j'ai parlé avec M. Ljusev qui se trouvait à
18 son poste de travail. Il m'a fourni plusieurs numéros de téléphone, il
19 s'agissait de numéros de téléphone de personnes qui faisaient partie de
20 l'entourage de M. Boskoski. Je pense qu'il s'agissait du numéro de
21 téléphone du chauffeur de M. Boskoski. J'ai appelé ce numéro, il s'agissait
22 d'un numéro de téléphone portable. J'ai pu établir le contact avec le
23 chauffeur, je lui ai demandé si le ministre était avec lui et s'il pouvait
24 répondre à mon appel téléphonique. Le chauffeur m'a dit que le ministre
25 était disponible. A ce premier contact que j'ai eu avec le ministre à ce
26 moment-là, je lui ai dit que le président voulait lui parler.
27 A ce moment-là, j'ai remis le combiné au président.
28 Q. Avant, Monsieur Keskovski, que nous parlions de cela.
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1 J'aimerais savoir si vous avez dit quoi que ce soit à M. Boskoski ou est-ce
2 que lui vous a dit quelque chose à ce moment-là ?
3 R. Non. D'après la procédure en vigueur, j'ai pris note du fait que M.
4 Boskoski était au téléphone. C'était la procédure qui était suivie. Parce
5 que lorsque le président parlait à un interlocuteur au téléphone, il
6 fallait que je sache de qui il s'agissait, mais il n'y a pas eu d'autres
7 conversations entre M. Boskoski et moi-même, juste les salutations d'usage
8 : "Bonjour, bonjour M. le Ministre, le Président de la République souhaite
9 vous parler ?"
10 Q. Est-ce que le président et le ministre se sont parlé à ce moment-là ?
11 R. Oui. Le président a expliqué à M. Boskoski, ou plutôt, lui a transmis
12 les informations qu'il m'avait également relayées, l'information dont je
13 vous ai parlé, donc il s'agissait de l'information qui portait sur la
14 situation qui prévalait dans le secteur de Radisani ainsi que cette
15 possibilité d'escalade et de radicalisation des manifestations qui
16 risquaient de dégénérer en affrontements ethniques entre les citoyens
17 d'appartenance ethnique macédonienne et les personnes d'appartenance
18 ethnique albanaise. Alors, pour calmer le jeu, et ce, parce qu'il ne
19 fallait pas oublier que le lendemain l'accord-cadre était censé être signé
20 et qu'il avait une importance capitale à ce moment-là. Il s'agissait de
21 l'accord-cadre qui était prévu pour calmer la crise qui prenait feu en
22 République de Macédoine. C'est à ce moment-là que le président a donné
23 l'ordre à M. Boskoski de se rendre là-bas et de faire usage de son autorité
24 et de son pouvoir pour calmer la foule et pour l'empêcher surtout d'aller
25 dans le village de Ljubanci.
26 Q. Est-ce que vous avez su à ce moment-là où se trouvait M. Boskoski
27 lorsque vous avez réussi à prendre contact avec lui ?
28 R. Non, je n'étais absolument pas en mesure de savoir où il était.
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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez plus ou moins de l'heure ou de la
2 journée, à quelle heure avez-vous finalement pu lui parler au téléphone ?
3 R. Comme je vous l'ai dit, cela s'est passé avant la réunion que j'avais
4 prévue avec les membres du secteur chargé d'assurer la sécurité du
5 président, donc il s'agissait de toute l'équipe. Je pense que cela s'est
6 passé avant midi.
7 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez fait pendant le reste
8 de la journée du dimanche 12 août 2001 ?
9 R. Comme je l'avais déjà mentionné, ce jour-là, je travaillais pour
10 assurer les préparatifs, il y avait tous les invités qui devaient arriver
11 le lendemain pour signer l'accord-cadre d'Ohrid. Il y avait des
12 personnalités très importantes de la communauté internationale, telles que
13 M. Javier Solana, M. George Robertson, M. Leotard, M. Pardew, il y avait
14 également plusieurs ambassadeurs qui étaient prévus, ainsi que 200
15 journalistes qui avaient annoncé leur présence, puis il y avait également
16 tout le gouvernement de la République de Macédoine qui devait être en
17 quelque sorte les invités du président, puisque cette signature devait se
18 dérouler à la résidence du président.
19 Donc il s'agit véritablement d'une activité extrêmement importante.
20 Vous pouvez jauger ou deviner l'importance et l'ampleur de l'événement pour
21 ce qui est de la sécurité et pour ce qui est du protocole également.
22 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, il semblerait
23 que nous avons tous quelques petits problèmes de compte rendu d'audience.
24 Nous allons poursuivre. Si nos collègues ou si vous-même souhaitez
25 interrompre s'il a un problème, enfin moi je peux continuer.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais nous avons une source pour le
27 compte rendu d'audience. Nous n'avons pas l'autre. Je ne sais pas pourquoi.
28 M. METTRAUX : [interprétation] Mais le problème, Monsieur le Président,
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1 c'est que je pense que je suis le seul à pouvoir lire le compte rendu
2 d'audience pour le moment. Je peux tout à fait poursuivre si vous le
3 souhaitez, mais mes collègues -- ma consoeur en tout cas ne peut pas suivre
4 le compte rendu d'audience.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que vous pouvez poursuivre.
6 M. METTRAUX : [interprétation] Tout simplement, je voudrais juste indiquer
7 pour le compte rendu d'audience, à la page 6, ligne 10, que le nom de M.
8 Leotard s'épelle L-e-o-t-a-r-d.
9 Q. Est-ce que vous savez, Monsieur Kestovski, où était le président le 12
10 août pendant le reste de la journée ?
11 R. Le président se trouvait dans son bureau à partir du matin, et ce,
12 jusqu'à tard dans la soirée.
13 Q. Est-ce que vous vous souvenez si votre téléphone, votre téléphone
14 portable j'entends, si vous avez eu votre téléphone portable avec vous
15 pendant toute la journée ?
16 R. Après l'arrivée de toute l'équipe à la résidence, le président a
17 demandé l'un des portables, et ce, pour passer des appels qui étaient des
18 appels réguliers, des appels qu'il passait tous les jours. Donc ce n'est
19 pas quelque chose qui s'est passé juste ce jour-là. Ça se passait tous les
20 jours.
21 Q. Vous-même, Monsieur Kestovski, est-ce que vous vous souvenez si ce
22 jour-là, donc le 12 août 2001, vous avez passé des appels où vous avez, par
23 exemple, essayé de contacter M. Tarculovski, car vous avez déjà indiqué que
24 lorsque vous aviez parlé avec le président vous aviez essayé de le faire ?
25 Est-ce que vous vous souvenez maintenant si vous avez essayé à nouveau
26 pendant le reste de la journée ?
27 R. Lorsque j'ai vu le président j'ai essayé de prendre contact avec M.
28 Tarculovski; toutefois en vain, je n'ai pas réussi à le contacter et je
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1 n'ai eu aucun contact avec M. Tarculovski ce jour-là.
2 Q. J'aimerais maintenant vous poser une question à propos d'un autre
3 moment. Est-ce que vous vous souvenez approximativement du moment où M.
4 Tarculovski est revenu au travail après tous ces événements ?
5 R. Vous voulez dire après le 12 août ?
6 R. [aucune interprétation]
7 Q. M. Tarculovski est revenu à son poste de travail immédiatement après
8 avoir accompagné la femme du président. Il a ensuite repris le fil de ses
9 activités et devoirs normaux.
10 Q. A ce moment-là, Monsieur Keskovski, vous aviez des raisons de croire
11 que M. Tarculovski avait commis un acte illégal ou criminel ?
12 R. Non, il n'y avait aucune raison pour moi d'avoir ce genre de soupçon.
13 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire si, à son retour, M.
14 Tarculovski s'est présenté et a fait un compte rendu au président ?
15 R. Je ne le sais pas.
16 Q. Plus tard, est-ce que vous avez appris ou est-ce que vous auriez appris
17 à un moment donné d'une source quelle qu'elle soit qu'il y avait des
18 allégations suivant lesquelles M. Tarculovski aurait pris part ou aurait
19 participé à l'action en question ?
20 R. En fait, j'en ai été informé dix mois après cet événement. Au moment où
21 le public a commencé à s'intéresser à cette affaire, et c'est dans les
22 médias que j'ai appris cela.
23 Q. Lorsque vous avez appris cela, est-ce que vous avez posé la question à
24 M. Tarculovski ? Est-ce que vous lui avez posé des questions à propos de
25 ces rapports ?
26 R. Il ne s'agissait pas de rapports. Il s'agissait d'informations qui
27 étaient du domaine public à ce moment-là. Je lui ai demandé une fois si ce
28 qui était relaté dans la presse était véridique. Il m'a dit qu'il
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1 s'agissait de conjectures et que cela n'était pas vrai.
2 Q. Est-ce que vous savez si le président a posé la question à M.
3 Tarculovski à ce sujet ?
4 R. Non. Nous étions ensemble lorsque je lui ai posé la question. Je ne
5 sais pas s'il avait été informé préalablement. Je ne sais pas ce qu'il
6 savait, mais en tout cas nous étions ensemble lorsque je lui ai posé la
7 question.
8 Q. Lorsque vous dites, "nous étions ensemble," ce que vous entendez, c'est
9 que lorsque vous avez posé la question à M. Tarculovski, le président était
10 présent ?
11 R. Oui. Nous étions en train de nous déplacer. Nous étions ensemble. Il ne
12 s'agissait pas d'une convocation spéciale pour M. Tarculovski. Il n'a pas
13 été convoqué pour que je pose ce genre de question, donc ce n'était pas
14 quelque chose d'officiel.
15 Q. Est-ce qu'à un moment donné, le président vous a indiqué ou vous a fait
16 savoir qu'il souhaiterait que cette affaire soit examinée de plus près ?
17 R. Non. Non, pas une seule fois.
18 Q. J'aimerais vous poser une toute dernière série de questions maintenant.
19 J'aimerais savoir si vous avez été informé de cas de policiers ou
20 d'officiers de police qui auraient été graciés pour des crimes commis
21 pendant la crise; et le cas échéant, si vous êtes au courant, comment est-
22 ce que vous l'avez appris ?
23 R. Oui, j'ai entendu parler d'un membre du ministère de l'Intérieur qui a
24 bénéficié de cette amnistie. Je l'ai rencontré d'ailleurs personnellement.
25 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
26 questions à poser pour le moment.
27 Q. Je vous remercie, Monsieur Keskovski.
28 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Mettraux.
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1 Maître Apostolski.
2 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
3 J'aimerais poser plusieurs questions à ce témoin. J'aimerais vous demander
4 quelques minutes de patience pour que je puisse me préparer.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 Contre-interrogatoire par M. Apostolski :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Keskovski.
8 R. Bonjour.
9 Q. Je m'appelle Me Antonio Apostolski, avec ma consoeur, Jasmina Zivkovic,
10 nous assurons la défense de M. Johan Tarculovski.
11 Avant que je ne commence à vous poser des questions, j'aimerais attirer
12 votre attention sur un fait. Nous nous exprimons dans la même langue, vous
13 et moi, donc nous pouvons nous comprendre très facilement. Toutefois,
14 j'aimerais vous demander de marquer un temps d'arrêt et d'attendre la fin
15 de l'interprétation de ma question avant de commencer à répondre, nous
16 ferons exactement la même chose et nous attendrons la fin de vos réponses
17 pour nous assurer que toutes les personnes qui dépendent de
18 l'interprétation puissent vous comprendre et puissent comprendre mes
19 questions et suivre votre déposition.
20 Est-ce que vous comprenez ce que je viens de vous dire ?
21 R. Oui.
22 Q. Hier, vous avez mentionné le fait qu'en tant que chef de la sécurité du
23 président Boris Trajkovski, vous étiez informé de nombreuses informations
24 relatives à la sécurité des forces de la sécurité, ainsi qu'à la sécurité
25 ou un signe portant également sur le groupe terroriste de l'ALN.
26 Est-ce que vous vous en souvenez ?
27 R. Oui.
28 Q. Hier encore vous avec indiqué que sur ordre du président Trajkovski,
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1 vous vous étiez rendu dans plusieurs secteurs où les forces de sécurité
2 macédoniennes menaient à bien des activités visant à anéantir le groupe
3 terroriste de l'ALN. Vous avez parlé de Vaksince, dans le secteur de
4 Tetovo, ainsi que d'Aracinovo.
5 Vous en souvenez-vous ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-il exact de dire que suite aux activités entreprises par les forces
8 de sécurité macédoniennes afin d'éliminer le groupe terroriste appelé ALN à
9 Tetovo, au mois de mars, ainsi que le 25 et le 26 mai à Vaksince, les
10 membres de l'ALN en uniformes ont disparu et se sont mélangés à la
11 population albanaise ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-il exact de dire que ceci s'inscrivait dans le cadre des tactiques
14 déployées par le groupe terroriste appelé ALN ?
15 R. Je suppose que oui.
16 Q. Est-il exact de dire qu'après cela, la police a dû procéder à des tests
17 au gant de paraffine, afin de déterminer si les personnes appréhendées
18 étaient des terroristes ou des civils ?
19 R. Je n'ai pas participé à cela. Je n'ai pas participé aux tests effectués
20 sur les membres des groupes terroristes afin de déterminer s'ils avaient
21 participé à ces activités ou pas. Ceci relevait du ressort des forces de
22 police régulière spécialisée dans ce domaine.
23 Q. Alors que vous vous trouviez dans les secteurs que vous avez mentionnés
24 un peu plus tôt, aviez-vous le pouvoir de donner des ordres aux membres des
25 forces de sécurité macédoniennes ?
26 R. Non. J'ai été dépêché sur place afin de pouvoir présenter des rapports
27 au sujet de la situation dans ces secteurs et à propos des activités visant
28 à éliminer ces groupes, je devais faire rapport également au sujet de
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1 l'ensemble de tout ce qui concernait les opérations menées par les forces
2 de sécurité de la République de Macédoine.
3 Q. Lorsque le président a envoyé Johan Tarculovski à Ljubanci et à
4 Ljuboten, lui a-t-il donné l'autorité requise pour donner des ordres aux
5 forces de sécurité macédoniennes dans cette région, ou est-ce que vous lui
6 avez donné l'autorité requise ?
7 R. Non. Je n'ai pas entendu dire qu'il lui avait donné l'autorité requise
8 pour donner des ordres. J'ai seulement entendu qu'il lui avait ordonné de
9 l'informer de la situation dans la région. C'est ce que j'ai entendu dire.
10 Q. Très bien. Merci. Est-il exact de dire qu'en juillet et en août 2001,
11 le groupe terroriste appelé ALN a procédé à un nettoyage ethnique
12 systématique dans les secteurs peuplés de Macédoniens et de Serbes,
13 notamment dans les régions de Tetovo, Kumanovo et Skopje, ce qui s'est
14 soldé par des meurtres, des sévices corporels et des enlèvements à
15 l'encontre de non-Albanais, dont certains n'ont toujours pas réapparus ?
16 Mme ISSA : [interprétation] Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Issa.
18 Mme ISSA : [interprétation] Je pense que le conseil de la Défense demande
19 au témoin de se livrer à des conjectures.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous n'avez pas établi les bases de
21 cette question. On ne sait pas comment le témoin aurait les connaissances
22 nécessaires pour répondre à une question aussi vaste. Si le témoin dispose
23 de connaissances personnelles sur ces questions, vous devez d'abord
24 l'établir. Ensuite, vous pourrez lui poser ce genre de questions.
25 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai posé cette
26 question car le témoin est un témoin direct des événements survenus en 2001
27 sur le territoire de la République de Macédoine. Par conséquent, j'ai
28 estimé qu'il serait en mesure de répondre à la question que je lui ai
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1 posée.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le fait qu'il vivait là-bas et qu'il a
3 été impliqué dans une certaine mesure dans les événements de 2001 ne suffit
4 pas à lui permettre de répondre à la question très large que vous lui avez
5 posée. Si vous souhaitez l'interroger au sujet de ses connaissances
6 personnelles concrètes concernant les questions évoquées dans votre
7 question, vous devez d'abord établir qu'il a des connaissances en la
8 matière, et vous devez déterminer quelles sont les sources de ses
9 connaissances.
10 Merci.
11 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Dans ce
12 cas, je vais reformuler ma question.
13 Q. Hier, dans le cadre de votre déposition, vous avec déclaré que c'est le
14 président lui-même, Boris Trajkovski, qui avait demandé à ce que certaines
15 personnes assurent sa sécurité. Vous en souvenez-vous ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-il exact de dire que suite à cette demande, c'est vous qui avez
18 évalué les personnes qui étaient censées assurer la sécurité du président
19 et de sa famille ?
20 R. Il s'agit d'une procédure tout à fait normale au sein du ministère de
21 l'Intérieur; il est tout à fait normal de procéder à quelques vérifications
22 concernant les personnes chargées d'assurer la sécurité du président. Il
23 s'agit de s'informer auprès de toutes les structures chargées de la
24 sécurité qui disposent d'information et peuvent se livrer à ces
25 évaluations.
26 Q. Est-ce que vous avez fait la même chose pour ce qui est de Johan
27 Tarculovski ?
28 R. Je l'ai fait pour tout le monde sans exception, y compris pour M. Johan
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1 Tarculovski.
2 Q. Est-ce que M. Johan Tarculovski avait des antécédents judiciaires ?
3 R. Non. C'est impossible. S'il avait eu un casier judiciaire, il n'aurait
4 pas été inclus dans le dispositif de sécurité du président.
5 Q. Est-ce que vous avez vérifié son état d'aptitude physique et
6 psychologique, est-ce que quelqu'un s'est chargé de cela ?
7 R. Cela se fait au moment où on commence à travailler pour le ministère de
8 l'Intérieur. Tous les employés du ministère de l'Intérieur, tous les
9 fonctionnaires habilités du ministère de l'Intérieur doivent suivre une
10 procédure par laquelle ils sont testés psychologiquement et physiquement,
11 un certificat est délivré, et dans ce certificat, il est dit que la
12 personne en question est apte à exercer ses fonctions au sein du ministère
13 de l'Intérieur. Donc cela concerne les fonctionnaires habilités.
14 Q. J'en déduis que M. Johan Tarculovski a été sélectionné pour assurer la
15 sécurité du président, suite au souhait exprimé par le président lui-même,
16 et qu'il remplissait toutes les conditions requises pour exercer ces
17 fonctions, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-il exact de dire que Johan Tarculovski était chargé de la sécurité
20 de la femme du président à l'occasion de ses visites à l'étranger, à titre
21 officiel ou à titre privé ?
22 R. Oui.
23 Q. Savez-vous s'il parle anglais ?
24 R. Je pense que oui, car plusieurs fois je l'ai envoyé à l'étranger pour
25 assurer la sécurité de la femme du président. C'est une condition
26 indispensable. Chaque employé doit parler au moins une langue étrangère
27 afin de pouvoir communiquer avec les autres services de sécurité qui
28 l'accueillent et l'escortent dans le pays où ils seront. Il est nécessaire
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1 de coopérer avec eux.
2 Q. Est-il exact de dire qu'avant ces déplacements à l'étranger - je veux
3 parler dans déplacements de la femme du président - vous étiez en contact
4 avec les services étrangers compétents chargés de sa sécurité ?
5 R. Oui. Il s'agit d'une procédure tout à fait normale.
6 Q. Est-il exact de dire que l'on ne vous a jamais fait part de critiques
7 concernant le travail de Johan Tarculovski, les services de sécurité
8 étrangers ne s'en sont jamais plaints, je veux parler des services de
9 sécurité avec lesquels vous coopériez.
10 R. Je n'ai jamais reçu de critiques concernant le travail de M. Johan
11 Tarculovski.
12 Q. Est-il exact de dire que lors des déplacements à l'étranger afin
13 d'assurer la sécurité de la femme du président, M. Johan Tarculovski était
14 armé ?
15 R. Si le pays d'accueil l'autorise, c'est exact, mais la législation en la
16 matière n'est pas la même dans tous les pays; en règle générale, oui, c'est
17 exact.
18 Q. Johan Tarculovski se déplaçait également à l'étranger avec M. Boris
19 Trajkoski, lorsque ce dernier était accompagné par son épouse, n'est-ce pas
20 ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-il exact de dire que Johan a accompagné le président et son épouse
23 en Italie, lorsque le président a rencontré le pape ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-il exact de dire que Johan Tarculovski s'est également rendu en
26 Norvège lorsque le président Trajkosvki a été récompensé pour ses activités
27 dans le domaine de la paix ?
28 R. Oui.
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1 Q. Est-il exact de dire que M. Johan Tarculovski s'est rendu en Chine en
2 compagnie du président et de son épouse lorsque le président s'est rendu en
3 visite en Chine ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Dans ma question, je vais dresser la liste de plusieurs Etats où M.
6 Johan Tarculovski s'est rendu uniquement avec la femme du président, donc
7 il l'a escortée à l'occasion de ses voyages. Je citerai la Grande-Bretagne,
8 l'Allemagne, l'Italie, la Croatie, la Bulgarie et la Grèce.
9 Pouvez-vous confirmer cela ?
10 R. Oui. J'ai la liste de tous les pays où il s'est rendu dans le cadre de
11 son travail.
12 Q. Aucun de ces pays, aucune des agences, aucun des services de ces pays
13 ne s'est jamais plaint du travail de M. Johan Tarculovski, n'est-ce pas ?
14 R. Comme je l'ai déjà dit, non, ils ne s'en sont jamais plaints.
15 Q. Est-il exact que Johan Tarculovski a pris part à toutes les opérations
16 importantes visant à assurer la sécurité des réunions tenues en République
17 de Macédoine, réunions organisées par le président, M. Boris Trajkoski ? Si
18 vous avez des informations à ce sujet, est-ce que vous pourriez nous en
19 parler ?
20 R. Je souhaiterais apporter une petite correction. Il ne s'agit pas de
21 réunions; il s'agit de sommets. Dans le cadre de toutes les opérations
22 importantes organisées par le service chargé de la sécurité du président et
23 en coordination avec tous les services de sécurité et agences compétentes
24 de la République de Macédoine, plusieurs événements ont été organisés, nous
25 avons reçu plus de 15 chefs d'Etat.
26 C'est ainsi qu'on les appelle car dans d'autres pays c'est notre président
27 qui est le chef de l'Etat. Mais toujours est-il que M. Tarculovski avait
28 certaines fonctions à remplir et qu'il l'a fait de façon efficace.
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1 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il est exact de dire que la
2 résidence du président, M. Boris Trajkoski, était située près de PSOLO;
3 c'est-à-dire près du poste de police chargé de la sécurité des personnes et
4 des bâtiments ?
5 R. La résidence du président Trajkovski se trouvait effectivement à cet
6 endroit, c'est toujours le cas, le président de la République de Macédoine
7 réside toujours à cet endroit, il y a un jardin commun avec la villa. C'est
8 ainsi qu'on appelle en Macédoine la résidence du premier ministre et la
9 résidence des invités qui se trouvent dans la même enceinte. Il s'agit
10 d'une enceinte qui comprend plusieurs installations de l'Etat et qui se
11 trouve à 300 à 400 mètres du poste de police PSOLO, c'est un endroit qui a
12 été choisi pour des raisons stratégiques.
13 Q. Est-ce que PSOLO vous a présenté des demandes en votre qualité de chef
14 de service chargé de la sécurité de Boris Trajkovski ?
15 R. Nous étions en communication avec PSOLO dans le cadre de la procédure
16 habituelle, car c'est PSOLO qui était chargé d'assurer la sécurité de
17 l'entrée de l'enceinte, du portail.
18 Q. Vous voulez parler du portail de la résidence ?
19 R. Oui, du portail d'entrée qui permet d'accéder à l'ensemble de la
20 résidence. Je parle des résidences du président et du premier ministre qui
21 se trouvent dans la même enceinte et qui partagent le même jardin.
22 Q. Est-il exact de dire que PSOLO était également chargé d'assurer la
23 sécurité du parlement où se trouvait le bureau du président ?
24 R. PSOLO est un poste de police chargé d'assurer la sécurité des
25 personnes, des biens et des représentations diplomatiques et consulaires.
26 Cela signifie que ce poste de police est chargé de la sécurité physique de
27 l'extérieur de ces installations situées sur le territoire de la République
28 de Macédoine. Donc le poste de police était chargé d'assurer également la
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1 sécurité du parlement, du bâtiment où se trouvait le gouvernement, de la
2 partie résidentielle de la villa, de la villa du président, et de toutes
3 les installations clés en République de Macédoine.
4 Q. Est-ce que cela signifie que les employés chargés de la sécurité du
5 président Boris Trajkovski devaient souvent se rendre en visite au poste de
6 police PSOLO ?
7 R. Peut-être, s'ils devaient avoir des contacts avec le poste de police au
8 sujet de la sécurité de la partie résidentielle et éventuellement du
9 cabinet. Cela s'inscrit dans le cadre des activités habituelles
10 quotidiennes. Il est inutile de disposer d'un ordre pour cela. Il s'agit
11 d'activités normales, régulières. Il n'y a rien de spécial. Ce sont des
12 activités quotidiennes.
13 Q. Donc vous affirmez qu'un employé du personnel pouvait, dans le cadre de
14 ses activités quotidiennes, se rendre en visite dans ce poste de police ?
15 R. Si l'inspecteur chargé de la sécurité, si un membre chargé de la
16 sécurité ressent le besoin d'entrer en contact avec PSOLO, estime qu'il
17 faut avoir des discussions à un échelon supérieur de PSOLO au sujet de la
18 sécurité, oui, absolument.
19 Q. Très bien. Je souhaiterais maintenant aborder un autre sujet.
20 Hier, vous avez déclaré que le président de la République de Macédoine
21 avait émis un ordre le 5 août 2001 par lequel, entre autres, il demandait
22 que la route entre Tetovo et Jezince soit nettoyée de la présence des
23 terroristes de l'ALN. Vous en souvenez-vous ?
24 R. Je ne me souviens pas en avoir parlé hier, mais je me souviens de ces
25 événements.
26 Q. Est-ce que vous êtes au courant de ces événements ?
27 R. Oui, je suis au courant de cela, même le public en a entendu parler.
28 Q. Est-il exact de dire que cet ordre a été divulgué aux médias par l'un
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1 des officiers de haut rang de l'armée, que l'on en a parlé à la télévision
2 nationale A-1, et que c'est la raison pour laquelle on n'a pas pu exécuter
3 cet ordre ?
4 R. Je sais que cela a été annoncé sur la chaîne A-1. Je ne sais pas qui a
5 communiqué ces informations à cette chaîne. Tout ce que je peux vous dire
6 c'est que l'ordre du président a été transmis au chef de l'état-major
7 général, après cela je ne sais pas quelle procédure a été suivie.
8 Q. Est-ce que vous savez que le président de la République de Macédoine a
9 été fortement perturbé et très en colère à cause de cela ? Il était
10 perturbé par le fait qu'il y avait eu cette fuite d'information.
11 R. Oui, bien sûr, n'importe quel fonctionnaire serait dérangé par le fait
12 qu'une information strictement confidentielle ait pu être divulguée.
13 Q. Vous avez dit hier qu'après les événements de Karpalak, le président de
14 la République de Macédoine avait congédié le chef de l'état-major général,
15 Pande Petrovski, c'était au mois d'août.
16 Vous en souvenez-vous ?
17 R. Oui.
18 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin
19 le document 726 dans la liste 65 ter, s'il vous plaît ?
20 Q. Voyez-vous à l'écran qui se trouve devant vous cet extrait du journal
21 officiel de la République de Macédoine ? Voyez-vous ce document ?
22 R. Oui, je le vois.
23 Q. On peut lire journal officiel de la République de Macédoine, n'est-ce
24 pas ?
25 R. Oui.
26 Q. La date est celle du vendredi 10 [comme interprété] août 2001. On peut
27 lire en dessous : "Décret numéro 38." Le texte se lit comme suit :
28 "Conformément aux dispositions du paragraphe premier de l'article 18, ligne
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1 18 de la Loi sur la défense, le général lieutenant-colonel Pande Alekso
2 Petrovski est démis de ses fonctions de chef de l'état-major général de
3 l'armée de la République de Macédoine."
4 Il est dit que : "La décision entre en vigueur le 9 août 2001. Donc ce
5 décret doit entrer en vigueur aussitôt." Il est signé par le président de
6 la République de Macédoine, Boris Trajkovski.
7 Est-ce que ceci confirme votre témoignage selon lequel le général
8 lieutenant-colonel Pande Petrovski a été démis de ses fonctions de chef de
9 l'état-major général le 9 août 2001 ?
10 R. Oui. C'est ce que j'ai déclaré hier.
11 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs
12 les Juges, je demande le versement au dossier de ce document.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera fait.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 2D84.
15 M. APOSTOLSKI : [interprétation]
16 Q. Disposez-vous d'informations selon lesquelles le président aurait reçu
17 des renseignements en provenance du secteur de renseignement de l'armée de
18 la République de Macédoine ?
19 R. C'est la procédure habituelle.
20 Q. Est-ce qu'il s'en est servi pour prendre certaines décisions ?
21 R. Toutes les instances chargées de la sécurité, y compris celles du
22 ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur, les agences de
23 renseignement et les services étrangers alliés actifs en République de
24 Macédoine envoyaient des informations de toutes sortes au président
25 Trajkovski; et sur la base de ces informations, après analyse, le président
26 les analysait et prenait certaines mesures et décisions.
27 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce
28 2D42. Page N002-4321-0129, il s'agit de la version en macédonien; pour ce
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1 qui est de la version en anglais, il s'agit du document 2D05-0386.
2 Q. Il s'agit du relevé quotidien d'information reçu les 10 et 11 août 2001
3 de l'armée de la République de Macédoine, secteur de la sécurité.
4 R. J'aimerais le voir à l'écran, plus précisément la version en macédonien
5 si possible, car c'est écrit tout petit et j'ai beaucoup de mal à le lire.
6 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Pourrait-on faire un zoom sur la version
7 en macédonien, s'il vous plaît.
8 Q. Voyez-vous le numéro 13 ? Il s'agit du 10 août à 16 heures 55, G-2 a
9 enregistré qu'il avait été informé qu'un groupe d'une centaine d'individus
10 doit quitter la région du village de Matejce pour se diriger vers les
11 villages de Ljubanci, Ljuboten, Brodec et Kodra Fura afin de pouvoir y
12 attaquer les positions des forces de la sécurité et de défense.
13 S'agissait-il là d'information dont le président disposait ?
14 R. Naturellement, ce sont des informations qui lui étaient destinées.
15 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Pouvez-vous nous montrer cette page en
16 macédonien, plus exactement la version macédonienne de la page N002 du même
17 document, N002-4321-0125; la page en anglais c'est la 2D05-0383.
18 Mme ISSA : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Mais nous pouvons
19 peut-être voir en même temps la version anglaise de façon à ce que
20 l'Accusation puisse suivre.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin a besoin du document en
22 macédonien. Il doit être possible de montrer un écran spécifique au témoin
23 et un écran différent à d'autres.
24 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Au cas où, je vais lire à partir du compte
25 rendu, de façon à ce tout le monde sache bien ce qui est écrit. C'est un
26 même compte rendu des événements, mais nous ne sommes plus sur la même
27 page.
28 Q. Vous voyez la ligne qui commence par un 8 ?
Page 10043
1 R. Oui, je le vois, c'est : "Le 10 août, à 16 heures 45."
2 Q. En effet. L'information vient du ministère de l'Intérieur, au poste de
3 police de Mirkovci. C'est un télégramme du 10 août 2001.
4 "A 15 heures 30, une patrouille provenant du poste de police de
5 Mirkovci, postée au-dessus du village de Ljuboten, et les officiers en
6 place nous ont informés que dans le village de Ljuboten, dans l'espace
7 entre l'école et le cimetière, dans la maison de la famille de Zendelovski,
8 ils ont remarqué trois individus portant des uniformes noirs et des armes
9 automatiques."
10 R. En effet, je vois cela.
11 Q. Le président aurait-il eu cette information de même que l'autre ?
12 R. C'est un télégramme qui a été envoyé à tous les organismes s'occupant
13 de questions de sécurité. Comme je l'ai déjà dit, le président recevait ces
14 informations. Nous recevions en général des informations provenant de tous
15 les services de sécurité actifs sur le territoire de la République de
16 Macédoine. Et nous les recevions en permanence, de façon continue.
17 Q. Je vous remercie.
18 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas
19 d'autres questions à poser à ce témoin.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Apostolski.
21 Mme ISSA : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je vous demander
22 cinq minutes de patience, s'il vous plaît.
23 Contre-interrogatoire par Mme Issa :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Keskovski.
25 R. Bonjour.
26 Q. Je m'appelle Antoinette Issa, je représente aujourd'hui le bureau du
27 Procureur.
28 Monsieur Keskovski, vous nous avez déclaré, lors de l'interrogatoire
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1 principal, qu'en décembre 1999, vous étiez devenu le responsable du secteur
2 de sécurité macédonien chargé de la sécurité du président. C'est bien cela
3 ?
4 R. Oui.
5 Q. Et le 28 mai 2001, vous avez été promu au poste d'inspecteur en chef
6 assurant la sécurité du président, et pour cela vous avez obtenu une
7 augmentation de salaire de votre salaire du ministère de l'Intérieur,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Non. Ça n'était pas une promotion. C'était une nouvelle organisation
10 datant de 2001. La fonction était la même, le titre seul changeait.
11 Q. D'accord. Mais il y a néanmoins une augmentation de salaire associée à
12 cela, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, une petite augmentation.
14 Q. Ceci s'est passé peu après que Ljube Boskoski soit devenu ministre de
15 l'Intérieur, n'est-ce pas ?
16 R. En effet. C'est à ce moment-là qu'a été mise en place la nouvelle
17 organisation.
18 Q. Vous avez conservé ce poste jusqu'au 7 juin 2002, n'est-ce pas ?
19 R. En effet, c'est cela.
20 Q. A ce moment-là, vous vous êtes à nouveau, ou plus exactement vous avez
21 été promu au poste vice-assistant au ministère de l'Intérieur pour les
22 questions relatives à la sécurité, n'est-ce pas ?
23 R. En effet.
24 Q. Puis, le 13 août 2002, donc à peu près deux mois plus tard, vous avez
25 obtenu le poste d'assistant auprès du directeur de la DBK, poste qui vous a
26 été attribué par le ministre Boskoski. C'est bien cela ?
27 R. En effet.
28 Q. Mais alors, le 5 novembre 2002, vous êtes passé du poste d'assistant au
Page 10045
1 directeur de la DBK à un retour au poste d'inspecteur chargé des questions
2 relatives au fondamentalisme musulman; c'est bien cela ?
3 R. Non, non. Ça, ce n'est pas vrai.
4 Q. Une décision n'a pas été prise par le ministre de l'époque, Hari
5 Kostov, visant à vous muter à un poste d'inspecteur indépendant des
6 questions relatives au fondamentalisme musulman. C'est n'est pas vrai ?
7 R. Non. Ça n'est pas vrai. C'est une erreur de la procédure. Parfois,
8 l'imagination dépasse la raison. Conformément au droit du travail, le 10
9 août 2002 et jusqu'au 31 janvier 2003, les responsables n'ont pas la
10 possibilité de déplacer et de muter une personne qui est en congé ou qui a
11 pris un congé sans solde. D'ailleurs, si vous regardez le document relatif
12 à mon changement, vous constaterez que lorsque j'ai été démis de mes
13 fonctions, c'était en tant qu'assistant du ministre auprès de l'UBK.
14 Q. Eh bien, Monsieur Keskovski --
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur
16 Mettraux.
17 M. METTRAUX : [interprétation] Il manque quelque chose en page 25 du compte
18 rendu. Je crois qu'il s'agit probablement du moment où M. Keskovski nous
19 disait ce qu'il faisait entre le 10 août et le 31 janvier. Cela dit, cela a
20 été précisé ailleurs dans sa réponse. Mais je pense qu'il fallait quand
21 même le rappeler pour le compte rendu, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez m'excuser, Madame
23 Issa. Vous pouvez poursuivre.
24 Mme ISSA : [interprétation]
25 Q. Bien. Alors, Monsieur Keskovski, que la décision ait été conforme au
26 droit du travail ou pas, n'est-il pas vrai que Hari Kostov a décidé à ce
27 moment-là de vous attribuer cette fameuse position, ce poste d'inspecteur à
28 la prévention du fondamentalisme musulman, position dans laquelle vous
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1 deviez entrer le 5 novembre 2002 ?
2 R. Je n'ai pas reçu de décision de ce genre.
3 Q. Parfait.
4 Mme ISSA : [interprétation] Nous pourrions peut-être distribuer le classeur
5 de l'Accusation, Monsieur le Président.
6 Q. Bien. Le classeur ayant dûment été distribué à chacun, je vous
7 demanderais maintenant, Témoin, de bien vouloir jeter un coup d'œil en page
8 31.
9 Mme ISSA : [interprétation] Pourrions-nous peut-être mettre ce document à
10 l'écran. Il s'agit de la page 31, 31 en anglais comme en macédonien, numéro
11 ERN N006-7461 "tab" 50, 65 ter 1139.
12 J'aurais dû vous dire d'abord le numéro du 65 ter en effet pour la
13 greffière, je m'en excuse.
14 Q. Je vous demanderais, Monsieur le Témoin, de bien vouloir ouvrir le
15 deuxième classeur.
16 Mme ISSA : [interprétation] Je remercie l'huissier.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Quel numéro ? Quel intercalaire ?
18 Mme ISSA : [interprétation]
19 Q. C'est l'intercalaire 50, s'il vous plaît. Je vais vous demander de
20 jeter un coup d'œil à la page N006-7461, qui devrait se trouver en page 31
21 de la version papier.
22 Mme ISSA : [interprétation] Je demanderais peut-être à l'huissier de bien
23 vouloir aider le témoin à retrouver ce document si nécessaire.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai déjà trouvé.
25 Mme ISSA : [interprétation]
26 Q. Vous voyez maintenant, Monsieur Keskovski, une décision bel et bien
27 datée du 5 novembre 2002 qui décrète : "Zlatko Keskovski" - nous sommes au
28 premier paragraphe en dessous du mot "décision" - "qui était jusqu'à
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1 présent assistant auprès du directeur des questions opérationnelles et de
2 coordination au cabinet du directeur de l'UBK au ministère de l'Intérieur
3 de la République de Macédoine, doit prendre ses fonctions d'inspecteur
4 indépendant de la prévention du fondamentalisme musulman et de l'extrémisme
5 religieux dans la section du département régional de l'UBK à partir du 5
6 novembre 2002."
7 Vous le voyez ?
8 R. Je le vois.
9 Q. Maintenant, si vous voulez bien tourner la page, vous constaterez que
10 cette décision a été prise par le ministre de l'époque, Hari Kostov, n'est-
11 ce pas ?
12 R. En effet.
13 Q. Monsieur Keskovski, vous avez rendu votre démission le 7 novembre 2002,
14 soit deux jours après que cette décision ait été prise. Est-ce que c'est
15 exact ?
16 R. J'ai déposé une demande de démission le 7 juillet, la décision date du
17 35 mai [comme interprété]. Comme on peut le voir sur ce document, il n'est
18 pas signé, ce qui signifie que le document n'était pas signé lorsque je
19 l'ai reçu, ce qui est obligatoire dans le ministère lorsqu'on reçoit
20 l'ordre de changer de fonctions.
21 Q. Si nous regardons à nouveau le document qui est à l'écran, Monsieur
22 Keskovski, je voudrais que cela soit précisé pour le compte rendu, nous
23 constatons que le document est bel et bien signé, qu'il est signé par le
24 ministre Hari Kostov et qu'il porte le cachet du ministère, n'est-ce pas ?
25 R. Sans doute. La signature dont je vous parle, c'est la mienne, celle qui
26 signifie que le document m'a bel et bien été remis.
27 Q. Donc vous nous dites que ce document ne vous a pas été remis, et que
28 malgré le fait que vous étiez censé prendre ces nouvelles fonctions au 5
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1 novembre; et que vous avez rendu votre démission le 7 novembre 2002 sans
2 jamais avoir reçu ce document. C'est ce que vous nous dites ?
3 R. C'est tout à fait cela. C'est d'ailleurs la première fois que je l'ai
4 sous les yeux, ce document.
5 Q. Pourriez-vous avoir l'obligeance de regarder la page 28 de cette même
6 pièce N006-7458 à l'écran.
7 Vous voyez le document ? Vous y êtes ?
8 R. Oui.
9 Q. Ne s'agit-il pas là de votre démission envoyée au ministère et datée du
10 7 novembre 2002 ? Ne s'agit-il pas là de votre signature, Monsieur
11 Keskovski ?
12 R. Tout à fait. Comme vous pouvez le constater vous-même, il est indiqué
13 dans ce document que je suis "assistant au directeur de l'UBK." Donc c'est
14 bien à ce poste que j'étais lorsque je rends ma démission.
15 Q. Mais cela s'est bien passé deux jours après l'entrée en vigueur de la
16 décision du ministre Hari Kostov, n'est-ce pas ?
17 R. Non, ce n'est pas le cas, parce que Hari Kostov n'est arrivé au
18 ministère de l'Intérieur que le 7 novembre 2002, le jour où je rendais ma
19 démission. Son souhait n'a donc pas été suivi, son désir de me faire entrer
20 dans de nouvelles fonctions n'a pas été suivi. Vous pouvez le constater, ma
21 démission a elle aussi été signée par Hari Kostov qui m'autorise à
22 démissionner en tant qu'assistant au directeur de l'UBK.
23 Ce qui signifie qu'il a par là même invalidé sa propre décision, sa
24 propre signature, et qu'il me permet de quitter ce même premier poste
25 d'assistant auprès du directeur du secteur de la sécurité et du contre-
26 renseignement. C'est ce même ministre.
27 Q. Mais ceci ne s'est passé que deux jours après qu'Hari Kostov ait pris
28 cette première décision. Donc vous voulez nous dire que si vous avez rendu
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1 votre démission deux jours après, c'était une pure coïncidence, ça n'avait
2 rien à voir avec la décision prise par le ministre ?
3 R. Ma décision a été soumise antérieurement à la décision du ministre Hari
4 Kostov de me faire entrer dans de nouvelles fonctions. Lorsqu'il est arrivé
5 au ministère pour son premier jour de travail, il nous a fait savoir les
6 décisions qu'il avait prises, mais ma demande de démission avait déjà été
7 envoyée.
8 Q. Lorsque vous nous dites que c'était "son premier jour de travail et que
9 dès son premier jour de travail il a distribué ces nouvelles décisions",
10 c'est que lorsqu'un nouveau ministre arrive au bureau et qu'il n'a pas
11 nécessairement le même réseau politique que certains membres du ministre
12 qui l'a précédé, alors il peut choisir de modifier les attributions, n'est-
13 ce pas ?
14 R. Il faudrait que vous précisiez votre pensée.
15 Q. Je parle de "rétrograder" certaines personnes, avez-vous besoin que je
16 précise ce terme, Monsieur Keskovski ?
17 R. S'il s'agit de remplacer alors un assistant directeur, comme je
18 l'étais, pourrait devenir chef du même secteur, par exemple. Mais si vous
19 parlez de rétrograder, c'est autre chose, et ça pourrait être même
20 l'expression d'une vengeance politique. C'est tout à fait autre chose.
21 Q. Alors je vais changer de formulation, Monsieur Keskovski. Est-il
22 possible que lorsqu'un ministre, un nouveau ministre arrive en fonction, il
23 transfère des personnes, des membres du ministère qui l'a précédé, comme
24 vous-même par exemple, et qu'il leur attribue des fonctions inférieures à
25 celle qui était la vôtre précédemment, n'est-ce pas possible ?
26 R. C'est possible, mais à deux ou trois grades de différence, pas plus.
27 Q. Donc lorsque vous avez donné votre démission, vous saviez que vous
28 alliez être rétrogradé, n'est-ce pas ?
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1 R. Non, ce n'est pas le cas. Lorsque j'ai donné ma démission, c'était lié
2 à des questions morales. Je n'avais aucune connaissance de cette décision
3 ou de quelque décision que ce soit.
4 Q. Donc cet intervalle de deux jours entre la décision de Hari Kostov et
5 votre décision de démissionner était une simple coïncidence ?
6 R. M. Kostov a signé cette démission le 5; mais le 5, il n'avait pas
7 encore mis les pieds au ministère de l'Intérieur. C'est un fait qui peut
8 être établi, il suffit de poser la question auprès de différentes
9 structures de la République de Macédoine qui vous fourniront les documents
10 nécessaires pour l'établir.
11 Mme ISSA : [interprétation] Monsieur le Président, je garde l'œil sur la
12 pendule, et je me prépare à passer à un autre sujet.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Alors nous allons faire la
14 première pause.
15 [Le témoin quitte la barre]
16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
17 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre vient d'être informée du
19 fait qu'il y a une question de procédure que vous souhaiteriez soulever.
20 Madame Issa.
21 Mme ISSA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il est évident que
22 je suis en mesure de commencer mon contre-interrogatoire aujourd'hui.
23 Toutefois, au vu des documents que nous avons reçus tardivement hier, je
24 dirais qu'il y a également des documents qui ont été présentés lors du
25 contre-interrogatoire de Me Apostolski. Nous allons, bien entendu, essayer
26 d'utiliser cet après-midi pour nous préparer au mieux pour demain.
27 Toutefois, je veux informer la Chambre de première instance du fait qu'il
28 se peut que nous demandions une séance supplémentaire, et ce, pour nous
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1 aider dans nos préparatifs. Ce qui nous permettrait d'obtenir des documents
2 supplémentaires que nous souhaiterions peut-être ajouter à la liste de nos
3 pièces à conviction, et ce, au vu de tous ces nouveaux documents qui ont
4 été présentés lors des interrogatoires principaux.
5 Je ne voulais pas commencer mon contre-interrogatoire et vous informer de
6 ce fait en présence du témoin.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Madame Issa.
8 Est-ce que je comprends bien, vous êtes en mesure de commencer d'ores et
9 déjà, mais il se peut qu'au cours de la séance ou au cours du reste de
10 l'audience vous demandiez à ce que l'on suspende la séance pour reprendre
11 demain pour vous donner la possibilité de vous préparer; c'est cela ?
12 Mme ISSA : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour que nous puissions tous nous
14 préparer de façon adéquate; c'est cela ?
15 Mme ISSA : [interprétation] Oui, c'est exact.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci de nous avoir
17 prévenus. Il se peut que cela ne se passe pas d'ailleurs, mais nous allons
18 poursuivre et vous serez à même de juger et de voir si nous nous trouverons
19 dans cette situation que vous avez prévue.
20 Mme ISSA : [interprétation] Oui, je vous remercie.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
22 Est-ce que l'on pourrait faire venir le témoin.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 [Le témoin vient à la barre]
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Issa.
26 Mme ISSA : [interprétation] Merci.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président. Monsieur le Président.
28 Je souhaiterais m'excuser. Il s'agit du dernier paragraphe de ma réponse
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1 apportée à la question du bureau du Procureur. Des questions m'avaient été
2 posées pendant les activités de cette époque, et je me suis souvenu pendant
3 la pause que, si ma mémoire ne me fait défaut, M. Kostov a pris ses
4 fonctions le 5 novembre 2002. Pendant cinq ans je n'ai pas vraiment eu
5 besoin de me pencher sur ces événements, mais pendant la pause j'ai essayé
6 de me souvenir et je me suis souvenu que M. Kostov avait pris ses fonctions
7 le 5 novembre, et c'est la raison pour laquelle je souhaitais m'excuser de
8 l'erreur que j'avais commise.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
10 Mme ISSA : [interprétation] Très bien. Merci.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Issa, vous pouvez reprendre
12 votre contre-interrogatoire.
13 Mme ISSA : [interprétation] Oui.
14 Q. Monsieur Keskovski, j'aimerais vous demander de bien vouloir prendre la
15 page 12 du document que nous étudiions un peu avant la pause. Il s'agit du
16 document de la liste 65 ter 1139. Il s'agit de votre dossier personnel.
17 Mme ISSA : [interprétation] Pour le prétoire électronique, il s'agit de la
18 page 12, le numéro ERN étant le numéro N006-7442.
19 Q. Le 5 novembre, après que cette décision a été prise par Hari Kostov, il
20 vous a été demandé de rendre des armes et du matériel qui vous avaient été
21 remis par le ministère de l'Intérieur; est-ce exact ?
22 R. Je n'avais pas reçu cette demande ou cette réprimande.
23 Q. Bien. J'aimerais que M. Keskovski prenne la page 17, numéro ERN N006-
24 7447.
25 Il s'agit d'un document qui porte la date du 14 octobre 2003, et le
26 ministère de l'Intérieur continue à être à votre recherche et à vous
27 demander de rendre votre carte d'identité officielle ou de service; est-ce
28 exact ?
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1 R. Oui, je vois ce qui est écrit sur le document, mais moi je n'avais pas
2 reçu ce document.
3 Q. En tant que membre du ministère de l'Intérieur, Monsieur Keskovski,
4 est-ce que vous ne saviez pas que vous deviez rendre les biens qui étaient
5 la propriété du ministère après votre démission ?
6 R. Oui. Oui, nous avons des obligations mutuelles. J'ai des obligations
7 envers le ministère et le ministère avait des obligations envers moi.
8 Q. Je souhaiterais que vous preniez la page 12 de votre document. Il
9 s'agit de la cote ERN N006-7442 -- en fait, j'aimerais vous demander de
10 prendre la page 13, N006-7443. Il s'agit d'une autre lettre qui porte la
11 date du 29 juin 2005, cette lettre vous demande et vous oblige d'ailleurs -
12 - ou plutôt, c'est une lettre que vous avez envoyée et vous demandez votre
13 carnet, votre dossier.
14 R. Oui. Cela, il fallait que le dossier me soit rendu pour que je puisse
15 exercer mes droits constitutionnels, tel que cela est prévu par la
16 constitution de la République de Macédoine. Tel que cela est indiqué dans
17 ma requête, je souhaite pouvoir exercer mes droits fondamentaux - il s'agit
18 de droits de l'homme - tel que cela est stipulé par la constitution de la
19 République de Macédoine.
20 Q. Monsieur Keskovski, en 2005, il est évident que vous étiez parfaitement
21 au courant des obligations, et vous, vous étiez parfaitement informé des
22 obligations que le ministère avait à votre égard et c'est pour cela que
23 vous avez demandé que vous soit rendu votre bien ?
24 R. Etant donné que j'avais téléphoné plusieurs fois au ministère de
25 l'Intérieur, je leur avais indiqué que nous avions ce problème. Il
26 s'agissait, dans mon cas, d'exercer, de faire valoir des droits de l'homme
27 fondamentaux. Il s'agissait du droit à l'emploi, du droit à la sécurité
28 sociale pour moi ainsi que pour ma famille. Je vous ferai remarquer qu'à
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1 l'époque j'avais un enfant de trois ans. J'avais été informé du fait que le
2 ministère de l'Intérieur n'allait pas me rendre mon dossier d'emploi tant
3 qu'il n'y aurait pas eu de réconciliation entre les parties. Mais pour ce
4 qui est de cette réconciliation des obligations, il s'agit de quelque chose
5 qui relève de la compétence du tribunal de première instance.
6 Le ministère de l'Intérieur n'a pas le droit, quel que soit le besoin
7 qu'ils avaient, de conserver mon dossier d'emploi. Il n'avait pas le droit
8 de m'empêcher d'exercer mes droits les plus fondamentaux qui sont garantis
9 par la constitution de la République de Macédoine ainsi que par différents
10 instruments juridiques internationaux d'ailleurs.
11 Q. Vous parlez du droit de conserver ce qui appartient au ministère; c'est
12 cela, Monsieur Keskovski ?
13 M. METTRAUX : [interprétation] Je m'excuse de soulever une objection, mais
14 je pense que si ma consoeur souhaite poser cette question au témoin, elle
15 devrait dans un premier temps lui demander s'il a conservé ces documents.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis absolument convaincu que tel
17 est le cas, le témoin pourra répondre lui-même.
18 Poursuivez, Madame Issa.
19 Mme ISSA : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous pensiez que vous aviez le droit de conserver des biens
21 ou des objets qui appartenaient au ministère, Monsieur Keskovski ?
22 R. A quoi faites-vous référence, exactement ?
23 Q. J'aimerais vous demander de bien vouloir examiner la page 9 de votre
24 dossier personnel. Le numéro ERN est N006-7439.
25 Il y a une information qui date du 11 juillet 2005, un mois après que vous
26 avez envoyé votre lettre au ministère, lettre dans laquelle vous demandez
27 que votre dossier vous soit restitué, et cette lettre indique que vous
28 n'avez toujours pas rendu au ministère ses biens et vous voyez que vous
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1 avez la liste de tous les objets et biens que vous n'aviez pas restitués.
2 Vous voyez cette liste ?
3 R. Il faut que je lise ce document, si vous m'y autorisez.
4 Q. Peut-être que nous allons pouvoir le lire ensemble, ce document.
5 Il s'agit d'un document qui porte la date du 30 juin 2005. C'est vous qui
6 présentez la lettre, et là, ensuite, vous avez une énumération qui porte
7 sur les biens qui sont décrits comme des biens et moyens techniques et
8 matériels fournis aux employés du ministère de l'Intérieur et vous ne les
9 aviez pas rendus.
10 Si nous voyons quels sont ces objets, voyez qu'il y a votre carte
11 officielle de service du ministère, des téléphones portables, des menottes,
12 des fusils automatiques, des munitions pour deux revolvers, un pistolet. Si
13 vous tournez la page, vous voyez qu'il y est question également d'un gilet
14 pare-balles, et cetera, et cetera.
15 Vous voyez cette liste ?
16 R. Oui, je la vois.
17 Q. Puis lorsque vous prenez le texte à proprement parler de la lettre, à
18 la deuxième page, page 10 de votre document papier, nous voyons qu'il est
19 dit : "Nous aimerions vous indiquer que nous vous avons déjà envoyé une
20 mise en garde avant de porter plainte, et que nous vous demandions de
21 restituer la carte de service ID, et cela porte la date du 14 octobre
22 2003."
23 Vous voyez ?
24 R. Oui.
25 Q. Cela est signé par l'assistante du ministre, Mme Vesna Dorevska. Vous
26 le voyez ?
27 R. Oui, oui, je vois cela.
28 Q. En tant que membre du ministère, Monsieur Keskovski, est-ce que vous
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1 n'étiez pas censé respecter la loi ?
2 R. Pour ce qui est de la liste que nous avons dans ce document, je vais
3 répéter une fois de plus que c'est un document que je vois pour la première
4 fois, parce que vous avez omis la partie qui indique que toutes les notes
5 avaient été renvoyées au ministère. Le ministère ne m'avait pas trouvé, ne
6 m'avait pas localisé. Donc, je dirais qu'il s'agissait d'autant de moyens
7 et d'instruments dont je disposais lorsque j'assurais mes fonctions de chef
8 de la sécurité du président. On peut voir que j'avais deux Nokia, deux
9 téléphones portables Ericksson, deux chargeurs de portable, que j'avais
10 également trois écouteurs. J'avais également deux étuis; un étui pour le
11 Nokia et un étui pour le téléphone Ericsson. Tout cela nous était donné au
12 nom du groupe chargé d'assurer la sécurité du président. Tout mon groupe
13 avait reçu cela.
14 Je dirais qu'en présence de deux inspecteurs au mois de juillet, nous
15 avions restitué au ministère de l'Intérieur tous les objets dont nous
16 disposions. Il s'agissait de tous les moyens qui avaient été mis à ma
17 disposition pour armer mon groupe.
18 Cela, je l'ai déjà dit lorsque j'ai répondu aux questions de la
19 Défense, il y avait une liste de téléphones, il y avait trois ou quatre
20 téléphones -- il y a trois ou quatre téléphones qui correspondent à mon
21 nom, mais je ne utilisais pas tous. Ce n'était pas moi qui les utilisais
22 tous. Là, visiblement, il s'agit d'une mauvaise gestion de l'administration
23 du ministère de l'Intérieur; et manifestement, je ne peux pas rendre
24 quelque chose que je n'ai plus en ma possession.
25 Je l'avais justement indiqué dans la lettre que vous avez lue.
26 J'avais dit que pour ce qui était du matériel et des armes, j'ai indiqué ce
27 qui s'était passé pour ce qui était de mon adresse. Il s'agissait de ma
28 carte d'identité, de mon numéro de téléphone à domicile, de mon numéro de
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1 téléphone portable. Ce sont autant de données que vous trouvez dans le
2 formulaire. Personne du ministère de l'Intérieur n'a jamais pris contact
3 avec moi à propos de cela.
4 Mais si vous poursuivez la lettre, voyez ce qui est écrit dans le
5 texte. Il est indiqué que le ministère n'a pas le droit de conserver mon
6 dossier d'emploi. C'est le ministère de l'Intérieur qui ne respectait pas
7 la loi. Est-ce que vous pensez véritablement que le ministère de
8 l'Intérieur est en droit d'enfreindre la loi ?
9 Q. Monsieur Keskovski, est-ce que vous êtes en train de suggérer que
10 si le ministère de l'Intérieur conservait votre dossier, vous, vous aviez
11 le droit alors de conserver leur matériel ? C'est ce que vous suggérez par
12 votre dernière intervention ?
13 R. Ce que j'ai dit, c'est qu'une commission a été établie et que le
14 matériel a été rendu en juillet 2002 au secteur chargé d'assurer la
15 sécurité du président, cela s'est fait en juin ou en juillet 2002. Le
16 ministère de l'Intérieur avait des dossiers du secteur des finances. Ce qui
17 signifie qu'ils auraient dû présenter des éléments de preuve comme quoi je
18 n'avais pas rendu le matériel en question. Cette lettre n'est pas une
19 preuve du fait que j'avais le matériel en question parce qu'il aurait fallu
20 ajouter les pièces à conviction.
21 Le ministère de l'Intérieur aurait pu indiquer également que j'avais à ma
22 disposition un blindé ou un lance-roquettes, mais ça ne correspond
23 absolument pas à la vérité. Ce sont les raisons pour lesquelles je me suis
24 adressé à eux et j'ai essayé de faire la part des choses et de faire en
25 sorte que l'on puisse réconcilier les différentes exigences, mais cela n'a
26 pas été fait. La seule chose qui a été faite, c'est que j'ai bien reçu 400
27 ou 600 dollars qui font l'objet d'un contentieux parce que le ministère
28 avait envoyé une pétition, ensuite cela a fait l'objet d'un litige, il y a
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1 deux notes de service qui devraient faire partie des éléments de preuve.
2 Q. Est-ce que vous avez mentionné dans votre requête au ministère en juin
3 2005 ceci, est-ce que vous leur avez dit que vous ne disposiez pas de tous
4 ces objets ?
5 R. Est-ce que je peux tourner la page, est-ce que nous pouvons lire la
6 lettre parce que cela est indiqué très précisément.
7 Q. La lettre à laquelle je fais référence, c'est votre demande de l'an
8 2005, il s'agit de la page 13 de votre dossier.
9 R. Je ne l'ai pas dans mon document macédonien. Est-ce que je pourrais la
10 voir affichée à l'écran pour que je puisse la lire en macédonien.
11 Q. Oui.
12 Mme ISSA : [interprétation] Il s'agit du numéro ERN N006-7443, je
13 souhaiterais que cela soit affiché, je vous prie.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai indiqué de façon précise :
15 "Eu égard à toute demande de votre part, je souhaiterais que vous
16 m'informiez à temps à mon adresse personnelle ou au numéro de téléphone
17 indiqué ici," et je leur ai également donné mon numéro de téléphone
18 portable, ce qui signifie que je n'essayais pas d'éviter toutes les
19 obligations qu'ils pensaient que j'avais à leur égard.
20 Je continue à parler de demandes qui n'étaient pas réalistes, je ne peux
21 absolument pas rendre ce que je n'avais pas. Si j'avais eu un fusil
22 automatique, le ministère de l'Intérieur aurait pu m'accuser de possession
23 illicite d'armes. Ce qui correspond à un chef d'inculpation au titre du
24 code pénal de la République de Macédoine. Ce qui signifie en fait que le
25 ministère de l'Intérieur aurait procédé à une perquisition de ma maison et
26 ils auraient pu confisquer les armes. Il ne s'agit pas d'une requête pour
27 que je rende un crayon ou un stylo, donc évidemment ils avaient quelques
28 problèmes.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.
2 M. METTRAUX : [interprétation] Je voulais tout simplement indiquer que nous
3 pensons que cette question n'est pas juste, je pense à la façon dont elle a
4 été formulée, parce qu'on demande au témoin s'il a fait référence à cette
5 lettre dans sa propre lettre. Il a indiqué à un certain nombre de reprises
6 qu'il n'avait pas reçu cette information, et cela est mentionné en
7 information. Et si vous prenez la page 18 du même dossier, vous voyez qu'il
8 y a une note ou une information où il est indiqué que la mise en garde
9 envoyée à M. Keskovski est revenue parce qu'elle avait été envoyée à
10 adresses erronées.
11 Donc nous avançons que la suggestion présentée par l'Accusation est
12 inexacte et erronée puisque M. Keskovski ne peut pas être conscient de la
13 teneur de l'information.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais le témoin a déjà mentionné
15 le fait qu'il ne les avait pas reçues, ces lettres, Maître Mettraux.
16 Mme ISSA : [interprétation]
17 Q. Ma question, Monsieur Keskovski, pour être peut-être un peu plus
18 précise, est comme suit : lorsque finalement le contact a été établi avec
19 ministère de l'Intérieur et que vous leur avez fourni votre numéro de
20 téléphone portable et votre adresse, l'adresse où ils pouvaient prendre
21 contact avec vous, vous n'avez pas indiqué dans cette lettre le fait que
22 vous n'aviez aucun bien ou objet qui était la propriété du ministère de
23 l'Intérieur, n'est-ce pas ?
24 R. C'est une demande que je présente pour récupérer mon dossier et le but
25 n'était pas de justifier le fait que j'avais ou je n'avais pas de propriété
26 ou de bien. Ils ne m'avaient rien demandé donc je n'avais pas à réagir.
27 Lorsqu'ils m'ont appelé par téléphone, ils m'ont dit qu'il y avait une
28 pétition qui avait été dressée à mon encontre, et que tant que cela ne sera
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1 pas réglé ils n'allaient pas me rendre mon dossier d'emploi, ce qui est
2 tout à fait contraire au droit du travail.
3 Donc j'en ai parlé avec mon avocat, nous avons envoyé deux lettres au
4 ministère de l'Intérieur et dans ces lettres nous citons la législation
5 relative au travail. A l'heure actuelle d'ailleurs, il y a une procédure
6 devant les tribunaux et c'est la méthode juridique qui permet d'établir une
7 communication entre deux parties qui ont un litige. Un document unilatéral
8 n'est pas valable dans un procès, dans des audiences des tribunaux de la
9 République de Macédoine. C'est la raison pour laquelle je souhaitais que
10 mes droits juridiques soient respectés. Poursuivez, je vous prie.
11 Q. Je vais vous interrompre parce que je pense que vous avez dépassé la
12 portée de ma question.
13 Qu'est-ce que vous entendiez un peu plus tôt lorsque vous avez dit que vous
14 et le ministère de l'Intérieur deviez vous mettre d'accord pour essayer de
15 réconcilier vos différends ? Qu'est-ce que vous entendiez pas cela ?
16 R. Exactement ce que j'ai dit, à savoir il s'agissait de toutes les autres
17 demandes. Ils ne m'ont absolument pas informé de leurs requêtes. Ils m'ont
18 dit qu'il y avait une pétition et ils m'ont dit que je pouvais voir ça
19 auprès des services juridiques du ministère. Et tant que cela n'était pas
20 réglé, ils m'ont dit qu'ils ne me rendraient pas mon livret.
21 Personnellement, je n'ai pas reçu ce genre de demandes. Je ne les ai pas
22 signées, elles ne m'ont pas été remises. C'est un peu comme la décision que
23 vous m'avez montrée. C'est une décision que je n'ai pas signée. Sur ma
24 lettre vous pouvez voir ma signature, je peux donc attester de cette
25 lettre.
26 Q. Donc, pour résumer, vous nous dites que le ministère, après vous avoir
27 envoyé toutes ces lettres demandant que vous restituiez le matériel, avait
28 tort d'affirmer que vous aviez gardé le matériel en question; est-ce bien
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1 cela ?
2 R. Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet, je ne peux rien dire au
3 sujet des mesures prises par le ministère. Je peux commenter mes propres
4 actions. Mais je n'avais pas cela. Une commission a été constituée; et dans
5 le courant de l'année 2002, une procédure de réconciliation a été engagée.
6 Q. Passons à un autre sujet maintenant.
7 Lorsque vous étiez assistant dans le secteur du DBK, vos attributions
8 consistaient, entre autres, à recueillir des informations, n'est-ce pas ?
9 R. En effet.
10 Q. Vous deviez notamment rédiger des rapports, n'est-ce pas ?
11 R. Non. J'étais assistant au directeur chargé des opérations, ce qui
12 signifie que je recevais des éléments d'information dont je devais prendre
13 connaissance pour être au fait de la situation et dans le cadre de mes
14 consultations avec le directeur.
15 Si je recueillais certains renseignements, ils étaient inclus dans
16 les rapports, comme c'est le cas pour les autres employés du ministère de
17 l'Intérieur. Tous les employés du ministère de l'Intérieur sont tenus,
18 lorsqu'ils ont obtenu certains renseignements, d'envoyer une note
19 concernant ces renseignements, laquelle note est ensuite transmise à qui de
20 droit.
21 Q. Donc vous avez examiné les rapports établis par d'autres employés.
22 C'est ce que vous faisiez, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. En examinant ces rapports portant sur des questions opérationnelles,
25 comme vous l'avez dit, vous deviez être aussi prudent et aussi précis que
26 possible afin de déterminer si toutes les informations pertinentes avaient
27 été incluses dans les rapports; est-ce bien cela ?
28 R. Oui, on pourrait dire les choses ainsi.
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1 Q. Lorsque vous parlez d'activités opérationnelles, est-ce que vous parlez
2 d'activités en rapport avec des crimes ?
3 R. Je veux parler de tout ce que l'on obtient comme information au sujet
4 de crimes, toutes ces informations sont du domaine de la sécurité et du
5 contre-renseignement.
6 Q. Donc cela concerne des agissements criminels graves faisant l'objet
7 d'enquêtes de la part du DBK; c'est bien cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Par conséquent, il était important d'être aussi prudent, précis et
10 exact que possible afin de s'assurer que toutes les informations
11 pertinentes concernant une enquête donnée était incluse dans les rapports,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui. Avant que ces informations ne me parviennent, ce travail devait
14 déjà avoir été fait.
15 Q. Mais en tant que superviseur, c'est vous qui aviez la responsabilité
16 globale de vous assurer que les rapports étaient précis et circonstanciés,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Comment aurais-je pu savoir dans mon bureau si ces informations étaient
19 pertinentes ou pas. Cette pertinence devait être établie au préalable. Il
20 s'agit d'informations qui avaient été recueillies sur le terrain.
21 Q. Mais vos subordonnés vous transmettaient des informations concernant
22 les enquêtes qui avaient été diligentées, ils vous transmettaient ces
23 informations qui, à leurs yeux, avaient une certaine pertinence par rapport
24 à l'enquête menée au sujet d'actes criminels qui avaient été commis; et
25 vous, vous apportiez votre contribution dans les rapports préparés par vos
26 subordonnés, n'est-ce pas ?
27 R. Je n'avais pas de subordonnés au ministère de l'Intérieur alors que je
28 travaillais pour le DBK. Par conséquent, je n'exerçais pas de contrôle sur
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1 des subordonnés. L'UBK [comme interprété] disposait de chefs de secteurs,
2 lesquels rendaient directement compte au directeur de la direction chargée
3 de la sécurité et du contre-renseignement. Pour ma part, j'étais assistant
4 du directeur, ce qui ne signifie pas pour autant que j'avais des
5 subordonnés dans la hiérarchie.
6 Q. Pourtant, vous nous avez dit que vos attributions consistaient, entre
7 autres, à examiner ces rapports, donc vous aviez une certaine
8 responsabilité pour ce qui est de leur contenu; en votre qualité
9 d'assistant du directeur du DBK, c'était un poste important que vous
10 occupiez ?
11 R. De façon générale, ce poste est celui d'assistant, mais ce n'est pas un
12 poste très élevé dans la hiérarchie du DBK car toutes les fonctions
13 importantes d'après la hiérarchie sont occupées par le chef du secteur qui
14 rend directement compte au directeur. Je n'avais pas de subordonnés, je me
15 contentais de lire les rapports présentés, et si j'avais des commentaires à
16 formuler, je les formulais auprès du directeur.
17 Q. Mais vous étiez consciencieux et prudent -- ou plutôt étiez-vous
18 consciencieux et prudent dans l'exercice de vos fonctions ?
19 R. Je dirais que oui.
20 Q. Est-ce que vous prépariez des rapports à l'intention du directeur en
21 vous appuyant sur les rapports que vous receviez d'autres membres du DBK ?
22 R. Cela ne faisait pas partie de mes attributions.
23 Q. Lorsque vous receviez des rapports d'autres membres du DBK, est-ce que
24 vous lisiez attentivement ces rapports ?
25 R. Les rapports que je recevais, le directeur de la direction les
26 recevaient lui aussi. Je ne servais pas de filtre.
27 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Lorsque vous receviez ces
28 rapports, est-ce que vous les lisiez attentivement ? La question est très
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1 simple.
2 R. Pour répondre à la question que vous venez de me poser, je dirais que
3 oui, je les lisais attentivement.
4 Q. Est-ce que vous essayiez de voir s'il y avait des problèmes ou des
5 erreurs qui devaient être corrigés lorsque vous lisiez ces rapports ?
6 R. Je n'ai pas lu beaucoup de rapports car je n'ai pas occupé longtemps ce
7 poste --
8 Q. Ce n'était pas là ma question. Ma question était comme suit : les
9 rapports que vous avez lus à l'époque où vous étiez assistant du directeur
10 du DBK, lorsque vous lisiez ces rapports, est-ce que vous repériez les
11 problèmes ou les erreurs qui devaient éventuellement être corrigés et qui
12 nécessitaient des mesures ?
13 R. Oui.
14 Q. Merci.
15 Mme ISSA : [interprétation] Je demande que l'on affiche à l'écran le
16 document 1290 dans la liste 65 ter.
17 Q. Monsieur Keskovski, ce document se trouve à l'intercalaire numéro 1 du
18 classeur préparé par l'Accusation.
19 R. Le premier classeur ?
20 Q. Oui, le premier classeur.
21 Mme ISSA : [interprétation] Peut-être que l'huissier pourrait vous aider.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Veuillez m'accorder un instant, je vous prie.
23 Ça y est, je l'ai trouvé. Est-ce que vous pourriez m'indiquer
24 l'intercalaire qui vous intéresse ?
25 Mme ISSA : [interprétation]
26 Q. Je vais le faire dans un instant, Monsieur Keskovski.
27 Mme ISSA : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche à l'écran le
28 document numéro 1290 dans la liste 65 ter. Il s'agit de la déclaration
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1 préalable de M. Keskovski recueillie par le bureau du Procureur.
2 Q. Monsieur Keskovski, j'appelle votre attention sur le document qui est
3 affiché à l'écran, c'est le document qui se trouve à l'intercalaire numéro
4 1 du classeur.
5 S'agit-il là de votre déclaration préalable ?
6 R. Oui.
7 Q. Si vous examinez le bas de la page, vous trouvez une signature, est-ce
8 qu'il s'agit de votre signature apposée au bas de la page ?
9 R. Oui.
10 Q. En page de garde, nous voyons des renseignements vous concernant :
11 votre nom, votre date de naissance, les langues qui ont été utilisées dans
12 le cadre du recueil de votre déclaration, à savoir le macédonien et
13 l'anglais.
14 R. Oui.
15 Q. Et les langues que vous avez utilisées ont été le macédonien et
16 l'anglais; c'est bien cela ?
17 R. Oui.
18 Q. En fait, vous parlez anglais plutôt bien, n'est-ce pas, Monsieur
19 Keskovski ?
20 R. Oui, on pourrait le dire.
21 Q. Nous avons vu un croquis que vous avez réalisé vous-même un peu plus
22 tôt, en fait ce croquis était en anglais, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Mme ISSA : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante de cette
25 déclaration, s'il vous plaît ?
26 Q. Est-ce votre signature et vos initiales que l'on voit au bas de la page
27 ?
28 R. Oui.
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1 Mme ISSA : [interprétation] Est-ce que l'on peut afficher la page suivante,
2 s'il vous plaît ?
3 Q. Là encore, nous voyons votre signature au bas de la page, n'est-ce pas
4 ?
5 R. Oui.
6 Mme ISSA : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.
7 Q. Là encore, il s'agit de votre signature, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Mme ISSA : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.
10 Q. Est-ce là votre signature ?
11 Mme ISSA : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience, il
12 s'agit de la page N001-4889.
13 Q. Est-ce bien cela, Monsieur Keskovski ?
14 R. Oui.
15 Mme ISSA : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher toutes les
16 pages du document les unes après les autres.
17 Q. Pourriez-vous identifier votre signature à chaque fois.
18 Ou plutôt, pour aller plus vite, peut-on dire que vous avez apposé
19 votre signature au bas de toutes les pages du document ?
20 R. Oui.
21 Mme ISSA : [interprétation] Peut-on afficher la dernière page de la
22 déclaration, s'il vous plaît -- est-ce que l'on pourrait voir la dernière
23 page du document où se trouve des signatures, N001-4898.
24 Il s'agit de la page précédente, Madame la Greffière.
25 Q. Nous voyons votre signature en date du 7 février 2005, au bas de
26 l'attestation du témoin nous pouvons lire : "Cette déclaration comportant
27 15 pages m'a été relue en langue macédonienne, est véridique et conforme à
28 mes connaissances et à mes souvenirs.
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1 "J'ai fait cette déclaration de façon volontaire et je suis conscient
2 qu'elle peut être utilisée dans le cadre de procédures judiciaires engagées
3 devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Je sais
4 également que je serai peut-être appelé à témoigner en public devant le
5 Tribunal."
6 Voyez-vous cela ?
7 R. Oui.
8 Q. Et c'est votre signature que nous voyons en dessous, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Lorsque vous avez fait cette déclaration, Monsieur Keskovski, vous
11 êtes-vous efforcé d'être aussi précis et exact que possible ?
12 R. J'ai répondu à toutes les questions qui m'ont été posées par
13 l'enquêteur. Je pense que j'ai bien étoffé mon propos. Je n'ai refusé de
14 répondre à aucune des questions qui m'étaient posées.
15 Q. Ce n'était pas ma question, Monsieur Keskovski. Je vous ai demandé la
16 chose suivante : lorsque vous avez fait cette déclaration, déclaration que
17 vous avez signée, vous êtes-vous efforcé d'être aussi précis et exact que
18 possible ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous saviez que les enquêteurs enquêtaient sur des crimes graves
21 survenus dans le cadre des événements de Ljuboten lorsqu'ils ont recueilli
22 votre témoignage.
23 R. Oui.
24 Q. Et vous avez été prudent en répondant aux questions qui vous étaient
25 posées, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, en ce qui concerne les questions qui m'étaient posées.
27 Q. Et vous n'avez pas souhaité omettre d'éléments importants dans vos
28 réponses, n'est-ce pas ?
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1 R. Je n'ai rien oublié délibérément. J'ai l'impression de n'avoir rien
2 omis, de n'avoir rien oublié.
3 Q. Cette déclaration a été faite en 2005, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, en 2005.
5 Q. Les faits étaient donc plus frais dans votre mémoire en quelque sorte
6 qu'ils ne le sont aujourd'hui. Ai-je raison de dire cela ?
7 R. Pour moi, c'est la même chose.
8 Q. Bien. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit que Ljube
9 Boskoski était témoin à votre mariage. Vous en souvenez-vous ?
10 R. Oui. Il était témoin à mon mariage.
11 Q. Dans votre culture, être témoin, ça revêt une importante toute
12 particulière, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, devant la loi.
14 Q. Mais c'est très important pour ce qui est de vos rapports personnels,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous étiez assez proche de Ljube Boskoski, et c'est la raison pour
18 laquelle vous l'avez choisi pour être votre témoin ?
19 R. Nous nous connaissions bien. Nous n'étions pas très proches.
20 Q. Mais vous avez continué à avoir des rapports avec la famille de Ljube,
21 n'est-ce pas ?
22 R. Depuis, oui, en effet.
23 Q. Donc je peux dire que vous êtes assez proche de Ljube Boskoski et de sa
24 famille ?
25 R. Oui, nous entretenons de bons rapports.
26 Q. En fait, vos rapports sont privilégiés en quelque sorte, puisqu'il
27 était témoin à votre mariage, n'est-ce pas ?
28 R. Est-ce que vous parlez de M. Boskoski ou de sa famille, maintenant ?
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1 Vous parlez de mes rapports avec M. Boskoski ou de mes rapports avec la
2 famille de M. Boskoski ?
3 Q. Je vous parle de vos rapports avec M. Boskoski.
4 R. Je n'ai aucun contact avec M. Boskoski car depuis le mois d'août 2004,
5 il est détenu à la prison du Tribunal à Scheveningen.
6 J'ai des rapports avec sa famille, bien entendu avec son épouse, avec
7 ses enfants mineurs qui sont seuls en Macédoine. De temps en temps, j'entre
8 en rapport avec eux afin de prendre des nouvelles, de voir comment va la
9 famille.
10 Q. Vous avez continué à avoir des contacts avec la famille de M. Boskoski
11 en raison de vos rapports et de l'amitié qui vous unit à M. Boskoski,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous avez déclaré que vous aviez choisi M. Boskoski pour être témoin à
15 votre mariage parce que vous le considériez comme quelqu'un d'honnête,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Monsieur Keskovski, est-ce que vous vous considérez comme quelqu'un
19 d'honnête ?
20 R. Oui. Cela fait 31 ans que je respecte ce code d'honneur.
21 Q. Donc vous qui êtes quelqu'un d'honnête, vous n'êtes pas susceptible de
22 mentir ou de chercher à esquiver les questions qui vous sont posées ?
23 R. En effet.
24 Q. Je souhaiterais à présent de passer à un autre sujet.
25 Lors de l'interrogatoire principal, vous avez expliqué que le secteur
26 chargé de la sécurité du président était une unité relevant du ministère de
27 l'Intérieur, vous en souvenez-vous ?
28 R. Oui.
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1 Mme ISSA : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche l'organigramme
2 préparé par le témoin dont il a été question hier. Il s'agit du document
3 9.2 dans la liste 65 ter. Je souhaiterais que ce document soit affiché à
4 l'écran grâce au système de prétoire électronique.
5 M. METTRAUX : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, peut-
6 être que je me trompe, mais si ma consoeur souhaite présenter
7 l'organigramme que je pense qu'elle souhaite présenter, c'est la pièce
8 1D317.
9 Mme ISSA : [interprétation] Je remercie la Défense de son aide. Il doit
10 s'agir du document 9.1 dans la liste 65 ter.
11 Q. Vous avez réalisé cet organigramme qui représente, d'après ce que vous
12 avez expliqué, l'organisation de votre secteur en 2001; est-ce exact ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Et c'est vous, en votre qualité de chef de secteur, qui décidiez de la
15 manière dont le secteur devait être organisé, n'est-ce pas ?
16 R. En effet.
17 Q. Et pour plus de précision, vous étiez responsable du secteur avec deux
18 adjoints que vous aviez sélectionnés pour être vos adjoints, et un membre
19 de l'ARM était votre assistant, n'est-ce pas ?
20 R. En ce qui concerne les deux adjoints, la sélection s'est faite en
21 concertation avec le président. C'était en effet ces deux adjoints qui
22 accompagnaient le président si je n'étais pas là, qui me remplaçaient et
23 qui reprenaient mes fonctions en mon absence. En ce qui concerne l'armée,
24 je n'avais pas la possibilité de sélectionner qui aurait ce poste parmi les
25 officiers car, conformément à la loi, l'armée choisit quelqu'un qui est une
26 connaissance du président pour cette position. Je coopère avec cette
27 personne comme l'exige ma fonction.
28 Q. Nous reviendrons sur ce point dans un instant, Monsieur le Témoin,
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1 cependant c'est bien vous qui avez décidé quel serait le poste qui serait
2 attribué à chacune de ces personnes, c'était vous qui faisiez ce choix en
3 tant que responsable du secteur, n'est-ce pas ?
4 R. Pas pour toutes ces positions, non. Ce n'est pas moi qui décidais
5 exactement sur chacun de ces postes. Certaines de ces tâches étaient très
6 sensibles, certains de ces postes étaient d'une nature très sensible,
7 parfois cela peut relever de questions privées, dans la mesure où il s'agit
8 de la sécurité du président, de sa personne, de sa famille. Donc j'avais
9 des concertations constantes avec le président quant au choix des personnes
10 qui allaient s'occuper de tâches d'une nature aussi sensible.
11 Donc, en général, la réponse à votre question est oui, mais pas toujours,
12 ce n'était pas toujours ma décision personnelle qui comptait. Pour
13 certaines tâches, je devais consulter le président et prendre en compte ses
14 préférences, ce qui me semble d'ailleurs parfaitement normal.
15 Q. Mais, en fin de compte, ce n'était tout de même pas le président qui
16 décidait de l'organisation du secteur sécurité, même si vous vous
17 concertiez ?
18 R. En ce qui concerne l'organisation même, j'étais responsable directement
19 de cette organisation, oui. C'est moi qui l'ai formulée, c'est moi qui l'ai
20 mise en œuvre. Maintenant, ce dont nous parlons, ce sur quoi je vous ai
21 répondu, c'est le choix d'une personne donnée pour un poste donné. En
22 revanche, en ce qui concerne l'organisation générale, la structure, oui,
23 c'est moi qui l'ai mise en place et c'est moi qui l'ai mise en œuvre.
24 Q. Donc quand vous dites que vous l'avez mise en œuvre, cela signifie bien
25 que vous avez choisi les personnes qui étaient, par exemple, chargées
26 d'être vos adjoints, n'est-ce pas ?
27 R. Vous parlez de la nomination de ces personnes ?
28 Q. Je vous parle de la sélection des personnes qui devaient prendre la
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1 responsabilité d'adjoints dans le cadre de la structure de votre secteur ?
2 R. Ces adjoints tels qu'ils apparaissent sur le diagramme, comme toutes
3 les autres personnes ainsi nommées à ces postes l'étaient par moi, à
4 l'exception des tâches les plus sensibles. Comme je vous l'ai déjà dit, il
5 y avait des tâches très sensibles dans le fonctionnement de notre secteur.
6 Nous avions une formation spéciale, une sélection spéciale en coopération
7 avec les Services secrets américains ou le groupe d'antiterrorisme. En
8 coopération avec eux, nous pratiquions une sélection dans laquelle le
9 président était naturellement également impliqué.
10 Q. Bien --
11 R. On procédait à cette sélection et les deux adjoints ont été nommés. Ils
12 étaient membres de l'unité spéciale professionnelle, Tigre.
13 Q. D'accord. Vous dites sans arrêt, "nous", "nous", "nous", mais, en fait,
14 Monsieur Keskovski, c'était vous personnellement chef de ce secteur qui
15 prenait la décision définitive, n'est-ce pas ?
16 R. Oui. Je pouvais prendre la décision définitive, mais il faut que je
17 précise, comme je l'ai d'ailleurs déjà fait à plusieurs reprises. En ce qui
18 concerne cette question, je m'entretenais avec le président pour pouvoir
19 suivre ses préférences.
20 Q. Certes, vous l'avez dit, et je vous demanderais de répondre à mes
21 questions aussi directement et précisément que possible, d'accord ? Bien.
22 Vous nous avez dit, Monsieur Keskovski, qu'il y avait des questions
23 sensibles à gérer dans le cadre de la sécurité. De fait, le fonctionnement
24 de la sécurité est quelque chose de très complexe, qu'il vise plus que
25 simplement garantir la sécurité personnelle du président en tant
26 qu'individu, n'est-ce pas ?
27 R. Vous voulez une réponse brève ou longue ?
28 Q. J'aimerais que vous répondiez de façon brève et j'aimerais que vous
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1 répondiez.
2 R. Oui. La sécurité du président, comme je l'ai déjà dit d'ailleurs en
3 répondant à des questions antérieures, est une tâche complexe qui exige que
4 l'on garantisse la sécurité du président en tant qu'institution, pas
5 simplement en tant qu'individu. Ce qui implique toutes sortes de tâches de
6 nature très diverse liées à sa sécurité et à sa sûreté.
7 Q. La raison pour laquelle il s'agit d'une tâche complexe est, en partie,
8 ce qui peut sembler évident, parce que le président, lui-même, est un
9 personnage très éminent dans le pays, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Pour ce qui est des autres personnages éminents, le premier ministre,
12 par exemple, l'organisation, la sécurité de ces autres personnages
13 importants ou éminents est également complexe à assurer, n'est-ce pas ?
14 R. Tout à fait.
15 Q. La personne responsable de la sécurité du premier ministre était Vlatko
16 Stefanovski, si je ne me trompe pas ?
17 R. En effet.
18 Q. La personne responsable de la sécurité du président du parlement était
19 une personne que l'on appelait "Aco", n'est-ce pas ?
20 R. En effet.
21 Q. Vous vous souvenez de son nom de famille ?
22 R. Non, je ne m'en souviens pas. C'est quelqu'un que je n'ai connu que
23 sous ce nom d'"Aco". Je n'ai jamais eu de liens avec lui en tant que
24 collègue.
25 Q. La personne responsable de la sécurité pour le ministère de l'Intérieur
26 était Zoran Trajkovski, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Etant donné la complexité de tout ce qui a trait à la sécurité de
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1 personnes éminentes, comme le président, vous, en tant que responsable de
2 votre secteur, deviez communiquer régulièrement avec, par exemple, la
3 personne responsable de la sécurité du premier ministre, n'est-ce pas ?
4 R. Non.
5 Q. Vous n'avez jamais communiqué avec la personne responsable de la
6 sécurité du premier ministre ?
7 R. Rarement, très rarement. Quand il nous arrivait d'avoir une tâche
8 commune, un événement que nous devions couvrir ensemble, pour ainsi dire.
9 Mais c'était rare.
10 Q. Lorsqu'il vous arrivait d'avoir une tâche commune, d'avoir un événement
11 à couvrir ensemble, il vous était nécessaire de communiquer avec d'autres
12 chefs de sécurité, notamment celui du premier ministre ou la personne
13 responsable de la sécurité du ministre Boskoski, de façon à faire en sorte
14 que vos efforts visant à assurer la sécurité de ces personnages éminents
15 soient bien coordonnés, soient bien efficaces, n'est-ce pas ?
16 R. Pendant un mouvement, nous appelions ça "un mouvement," pendant une
17 opération qui était nécessaire et où le président de l'Etat se trouvait
18 présent de même que d'autres personnes éminentes, la sécurité se trouvait
19 chargée de la sécurité du président. Tous les accords entre les différentes
20 institutions et leurs secteurs de sécurité respectifs étaient mis en place
21 entre les personnes de première ligne, disons. Là, nous sommes dans des
22 questions très techniques. Il y a la première ligne, d'abord; la première
23 ligne du premier ministre; puis la première ligne du président. Ils se
24 rencontrent et ce sont eux qui mettent en place les mesures nécessaires
25 pour l'opération.
26 Si quelqu'un désire prendre un contact direct avec moi, ça aurait été
27 différent, mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais été contacté
28 directement dans ce genre d'affaire.
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1 Q. Mais pour que vous puissiez faire ce que vous appelez ces
2 affaires de première ligne, en rapport avec, par exemple, la sécurité du
3 premier ministre donc, une rencontre entre la sécurité du premier ministre
4 et du président, il faut bien communiquer entre chefs de la sécurité du
5 président et du premier ministre ?
6 R. Non, ce n'était pas nécessaire. Je viens de vous l'expliquer.
7 Avant tout mouvement, les employés de première ligne se rencontrent deux ou
8 trois heures avant, selon le degré d'importance de l'événement en question.
9 Ça peut se faire aussi 48 heures à l'avance.
10 Puis tôt ou tard, les gens du premier ministre envoient leur
11 personnel de première ligne ou des éclaireurs, pour ainsi dire, qui ont
12 leurs propres tâches, et ils se mettent d'accord entre eux sur le site. Je
13 l'ai d'ailleurs déjà déclaré auparavant; s'il y a des personnes présentes
14 du secteur de sécurité du président, ce sont ces personnes-là qui sont
15 responsables, la présidence étant l'institution suprême.
16 Q. Mais si la présidence est l'institution suprême, comme vous le
17 dites, vous auriez reçu, vous auriez émis des informations concernant
18 d'autres personnes éminentes qui auraient pu être présentes à tel ou tel
19 événement où le président se trouvait à participer ?
20 R. Ce sont des questions qui sont gérées par les protocoles. Ce n'est pas
21 dans ma compétence. Mais si vous voulez, je peux vous expliquer plus
22 précisément comment tout cela fonctionne.
23 Q. Ce que vous me dites, Monsieur Keskovski, c'est s'il y avait là une
24 personne éminente autre que le président, lors d'un événement où le
25 président était présent, ce n'était pas à vous de coordonner vos efforts
26 avec ceux des autres services de sécurité ?
27 C'est ce que vous nous dites ?
28 R. Je vous l'ai déjà dit, si le président de l'Etat devait arriver ici
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1 même à telle heure, et qu'au même moment le premier ministre de l'Etat
2 arrive, au même moment, la sécurité serait assurée par le secteur de
3 sécurité du président, toutes les mesures seraient prises, toutes les
4 activités nécessaires seraient entreprises par le secteur de sécurité du
5 président. Toute la sécurité des autres personnes éminentes présentes sur
6 le site serait garantie par ce même secteur du président, qu'ils viennent
7 de Macédoine ou d'ailleurs, de l'étranger. Je crois l'avoir déjà dit.
8 Q. Mais, Monsieur Keskovski, ne serait-il pas nécessaire que vous vous
9 entreteniez avec, par exemple, les chefs des autres secteurs de sécurité
10 pour prendre les décisions nécessaires concernant la sécurité du président
11 et des autres personnes présentes à cet événement ?
12 R. De toute évidence, nous ne nous comprenons pas.
13 On me faisait parvenir des informations relatives à la situation
14 sécuritaire, où que cela se passe. On m'envoyait des informations provenant
15 de tous les services pertinents qui sont chargés de nous informer. Sur la
16 base de ces informations, nous prenions des décisions relatives au niveau
17 et à la force de sécurité nécessaire sur le site en question. Je n'avais
18 pas pour cela besoin de prendre contact avec d'autres personnes chargées de
19 la sécurité des autres personnes éminentes de la République de Macédoine.
20 C'est un fait. Je ne peux pas vous dire que j'ai eu des contacts alors que
21 je n'en avais pas.
22 Q. Mais lorsque vous dites que vous envoyiez des informations de la part
23 des autres services, ces services incluaient-ils, par exemple, les forces
24 de police locales au niveau OVR ou SVR ?
25 R. J'ai dit "d'autres services de sécurité", mais je pense que j'ai peut-
26 être été mal traduit.
27 En ce qui concerne les informations relatives à la situation de sécurité,
28 nous recevions des informations de la part des services chargés de la
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1 sécurité, il pouvait s'agir de l'UBK, des renseignements, du secteur chargé
2 de la sécurité dans le cadre du ministère de la Défense. En ce qui concerne
3 la sécurité à garantir sur un site donné, nous impliquions des membres du
4 ministère de l'Intérieur et des membres du ministère de la Défense, sur
5 différents sites lorsque cela était nécessaire.
6 Q. Donc en réponse à ma question, vous diriez qu'il y avait des cas, en
7 effet, où vous impliquiez des personnes du ministère de l'Intérieur,
8 lorsque cela était nécessaire ?
9 R. Certes. Il nous arrivait de faire appel à d'autres services provenant
10 du ministère de l'Intérieur ou de la Défense lorsque cela était nécessaire.
11 Q. Estimez-vous que le fonctionnement d'une opération de sécurité est une
12 tâche créative, Monsieur Keskovski ?
13 R. Oui.
14 Q. Cette tâche qui concerne la protection des représentants les plus
15 éminents de l'Etat doit réunir les différentes structures de sécurité,
16 différentes institutions chargées de la sécurité du pays, n'est-ce pas ?
17 R. Certainement, toutes.
18 Q. Etant donné la complexité de la situation sécuritaire, n'est-il pas
19 vrai que parfois, pour que le travail puisse se faire, les dirigeants, le
20 président notamment, se devaient de faire preuve de créativité, de
21 flexibilité, n'est-ce pas ?
22 R. Auriez-vous l'obligeance de préciser votre question ?
23 Que voulez-vous dire au juste quand vous dites qu'ils devaient faire preuve
24 de flexibilité ?
25 Q. Par exemple, Monsieur Keskovski, n'est-il pas exact que la raison pour
26 laquelle votre section était peuplée de personnes venant des unités
27 militaires, c'était qu'à ce moment-là le ministère de l'Intérieur n'avait
28 tout simplement pas les hommes nécessaires pour occuper ces fonctions,
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1 n'est-ce pas ?
2 R. Je crois me souvenir que, dans ma déclaration auprès des enquêteurs,
3 j'ai précisé que nous avions eu une rencontre entre les instances
4 supérieures du ministère de l'Intérieur; l'assistant au ministre, Gacovski;
5 et le chef de la sécurité de l'époque, ainsi que Dorevski; ainsi que le
6 conseiller à la sécurité nationale du président. C'est le conseiller qui
7 estimait nécessaire d'augmenter le nombre d'employés à la sécurité. Le
8 ministère de l'Intérieur a annoncé qu'à ce moment-là, ils n'avaient pas le
9 personnel nécessaire pour répondre à ce besoin. A ce moment-là, des
10 renforts ont été obtenus auprès de l'armée.
11 C'est cela que vous vouliez savoir ?
12 Q. Vous auriez pu simplement répondre "oui" à ma question, n'est-ce pas ?
13 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Mettraux.
15 M. METTRAUX : [interprétation] Nous n'avons pas fait objection la première
16 fois à cette question. M. Keskovski a demandé à ce que l'on précise ce que
17 l'on entendait par là. La base de l'objection, Monsieur le Président, est
18 que dans la question initiale, en lignes 23 et 24 de la page 58 du compte
19 rendu, l'Accusation a posé une question directrice.
20 Si mon honorable collègue désire poser des questions sur la
21 flexibilité et la créativité du président, ça ne nous dérange en aucune
22 façon. Mais si elle veut poser des questions précises sur d'autres
23 individus et leur créativité, je pense qu'il faut établir la base d'abord
24 pour savoir si M. Keskovski a des connaissances qui lui permettent de
25 répondre.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Mettraux.
27 Mme ISSA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas
28 qu'aucune de mes questions ait été déplacée, et je crois que si Me Mettraux
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1 a besoin que nous clarifiions, il pourra certainement le faire pendant le
2 contre-interrogatoire.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
4 Mme ISSA : [interprétation]
5 Q. Une partie de la raison, Monsieur Keskovski, pour laquelle votre unité
6 n'avait pas assez d'employés en 2001 était que la situation sécuritaire de
7 ce moment-là était extrêmement complexe, n'est-ce pas ?
8 R. Tout à fait.
9 Q. Donc pour pouvoir faire le travail nécessaire, ils ont été chercher des
10 hommes dans l'armée, et ils vous les ont mis à disposition, n'est-ce pas ?
11 Sous votre commandement.
12 R. Non. Non, ces gens ne sont pas devenus mes subordonnés. Ils n'étaient
13 pas employés. Ils ont été placés sous ma responsabilité c'est vrai, mais
14 ils n'ont pas été recrutés par le ministère.
15 Q. Donc, ils ont bien été placés sous votre commandement. Simplement, ils
16 étaient détachés par l'armée, n'est-ce pas ? Ils étaient chargés de
17 s'occuper des questions relatives à votre secteur, n'est-ce pas ?
18 R. Tout à fait. Leurs tâches étaient spécifiques, elles avaient trait à la
19 sécurité du président de la République de Macédoine, et le commandement
20 Suprême de l'armée de la République de Macédoine.
21 Q. En ce qui concerne les tâches ne relevant pas directement du secteur de
22 la sécurité du président, ces hommes de l'armée étaient toujours sous le
23 commandement de leurs supérieurs hiérarchiques dans l'armée, n'est-ce pas ?
24 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, ces hommes n'étaient là
25 que pour assurer la sécurité du président. Donc il n'y avait d'autres
26 tâches. Donc, il n'y avait aucun besoin pour eux d'envoyer des rapports
27 n'ayant pas de rapport direct avec cette tâche. Il n'y avait pas d'autres
28 tâches. Il n'y avait pas de tâches qui ne soient pas liées à la sécurité du
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1 président.
2 Q. Cependant, ils étaient toujours employés par l'armée, n'est-ce pas ?
3 R. Tout à fait.
4 Q. Ils étaient salariés de l'armée, n'est-ce pas ?
5 R. En effet. D'ailleurs, je crois que cela est mentionné dans l'ordonnance
6 en question, qu'il est précisé que cela était du devoir du ministère de la
7 Défense.
8 Q. Donc ils dépendaient toujours de la chaîne de commandement de l'armée,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Si vous pensez qu'il leur arrivait de recevoir des ordres de l'armée,
11 alors non, vous vous trompez. Ils étaient effectivement toujours salariés
12 de l'armée, cela dit, ils étaient détachés et étaient placés sous le
13 commandement du chef de la sécurité. Telle était la demande du commandement
14 Suprême de l'armée. Donc il était absolument interdit pour eux d'envoyer
15 des rapports à d'autres structures supérieures de l'armée. Il y aurait eu
16 là le risque de fuite d'information très complexe. Il n'y avait d'ailleurs
17 aucun besoin pour l'armée d'être tenue au courant de ce genre de chose, du
18 point de vue politique.
19 C'est bien l'un des principes de base du secteur de la sécurité,
20 quels que soient les membres concernés. D'ailleurs, nous avions parmi nous
21 des membres de l'agence de sécurité, de la DBK qui nous aidaient à
22 coordonner les informations nécessaires pour assurer la sécurité du
23 président de l'Etat, mais ils n'avaient pas envoyé de rapports concernant
24 ces événements.
25 Q. Encore une fois, il me semble que vous cherchez à contourner ma
26 question. Je vais vous demander d'être bref, précis et direct dans votre
27 réponse.
28 R. Mais il me semble que vous n'avez pas bien posé votre question. Je vous
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1 demanderais, si vous le voulez bien, de la reformuler plus précisément, car
2 votre question était ambiguë. Alors, je vous demanderais de me poser une
3 question précise, et je vous répondrai directement et sans chercher à
4 contourner quelque question que ce soit.
5 Q. Ces hommes provenant de l'armée qui ont été envoyés travailler pour le
6 ministère de l'Intérieur, n'ont-ils pas été envoyés au ministère de
7 l'Intérieur par l'armée ?
8 R. Ceux qui sont allés travailler pour le ministère de l'Intérieur,
9 qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
10 Q. On leur a ordonné d'aller travailler pour votre secteur qui fait partie
11 du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?
12 R. On ne peut pas vraiment dire qu'ils sont allés travailler pour le
13 ministère de l'Intérieur. Une personne travaille pour la personne
14 responsable de leur contrat de travail. Elles travaillent pour les
15 personnes qui les paient. Or, ils étaient toujours sous le commandement
16 Suprême des forces armées, et ils appartenaient à leurs unités dont ils
17 percevaient leur salaire. Simplement, ils étaient placés sous le
18 commandement d'une personne précisée par l'ordonnance du commandement
19 Suprême.
20 Q. Monsieur Keskovski, ils étaient placés sous votre commandement et vous
21 faisiez partie du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ? Ça, c'est une
22 question claire ?
23 R. En effet.
24 Q. Je vous remercie.
25 R. Mais vous nous dites qu'ils ont été placés et qu'ils ont été envoyés
26 travailler pour le ministère de l'Intérieur, et ça, c'est différent.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] L'heure est venue de prendre notre
28 deuxième pause de la matinée, Madame Issa. Je vais demander à l'huissier
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1 d'accompagner le témoin pour quitter le prétoire.
2 [Le témoin quitte la barre]
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Issa, nous avons attendu, avec
4 beaucoup de patience, pendant cette dernière heure et demie. La Chambre
5 s'inquiète que nous ayons consacré autant de temps à des questions qui ne
6 nous semblent pas très productives. Nous aimerions que vos questions soient
7 posées plus précisément, qu'elles concernent plus directement les questions
8 relatives à cette affaire, et que donc nous puissions accélérer, faute de
9 quoi, le contre-interrogatoire pourrait se retrouver considérablement
10 prolongé sans aucune nécessité.
11 Donc, je vous demanderais de bien vouloir prendre en compte ces
12 commentaires et faire en sorte d'aller plus vite et d'avancer plus
13 efficacement. Nous vous en serions très reconnaissants.
14 Merci.
15 A tout à l'heure à 13 heures.
16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.
17 [Le témoin vient à la barre]
18 --- L'audience est reprise à 13 heures 02.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Issa.
20 Mme ISSA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Q. Monsieur Keskovski, nous allons maintenant parler d'un autre sujet.
22 Vous avez mentionné lors de votre interrogatoire principal que Zivko
23 Gacovski était le chef du département chargé de la sécurité au sein du
24 ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?
25 R. Zivko Gacovski.
26 Q. Je vous remercie d'avoir corrigé ma prononciation, mais il s'occupait
27 non seulement de la sécurité de votre secteur, mais également de la
28 sécurité du premier ministre, ainsi que du président ?
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1 R. Ainsi que pour les délégations étrangères; oui, il s'occupait également
2 de la sécurité des délégations étrangères.
3 Q. Mais vous dites, vous avez dit en tout cas lors de votre interrogatoire
4 principal que vous n'étiez pas redevable ou responsable envers lui ?
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. Mais cela était expliqué par le fait que vous n'aviez pas une bonne
7 relation avec Zivko Gacovski ?
8 R. Non, non, non. Ce n'est pas à cause de cela.
9 Q. Mais le fait est que vous n'aviez pas une bonne relation avec Zivko
10 Gacovski, n'est-ce pas ?
11 R. Non, nous n'avions pas une bonne relation professionnelle. Cela n'avait
12 rien à voir la vie privée.
13 Q. Et Zivko Gacovski, ou ses supérieurs plutôt, c'était le ministre de
14 l'Intérieur ainsi que Goran Mitevski, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est ce qu'il me semble, mais il y a eu des positions et des
16 fonctions différentes, et cela a varié en fonction de la restructuration.
17 La première fois, je pense qu'il avait été nommé par le gouvernement et
18 qu'il était responsable seulement vis-à-vis du ministre. Donc il va falloir
19 que vous me posiez une question en me donnant une période bien précise et
20 je pourrais vous répondre de façon concrète.
21 Q. Monsieur Keskovski --
22 R. Vous vouliez parler de 2001 ?
23 Q. Je vais parler de l'année 2001. Si je venais à ne plus parler de
24 l'année 2001, je vous l'indiquerai, mais pour le moment nous parlons de
25 questions qui sont seulement relatives à l'année 2001.
26 Donc j'aimerais savoir si à cette époque-là, le ministre Boskoski ainsi que
27 Goran Mitevski étaient ses supérieurs ?
28 R. Oui, oui, en fonction de cette nouvelle organisation qui a eu lieu
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1 pendant le deuxième semestre de l'année 2001.
2 Q. Bien que vous ne communiquiez pas ou vous ne releviez pas de Zivko
3 Gacovski, vous communiquiez toutefois pour ce qui était des questions
4 relatives à votre secteur avec le ministre Boskoski, n'est-ce pas ?
5 R. En fait, à ce sujet je communiquais avec le directeur de la sécurité
6 publique, M. Goran Mitevski; lorsque nous avions des requêtes et lorsqu'il
7 était absent je communiquais avec l'assistant du ministre, M. Ljube
8 Boskoski.
9 Q. Mais le fait est que vous aviez une excellente relation avec le
10 ministre Boskoski ou en tout cas une relation qui était bien plus cordiale
11 que celle que vous aviez auparavant avec la ministre, Dosta Dimovska,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'est exact. Et je pense que j'avais d'ailleurs déclaré cela aux
14 enquêteurs.
15 Q. Oui. Cela est expliqué par le fait que le ministre Boskoski était un
16 directeur et gestionnaire efficace, n'est-ce pas ?
17 R. A la demande du président nous avions eu une réunion avec le ministre
18 de l'Intérieur, le directeur de la sécurité publique ainsi que moi-même, le
19 but était d'améliorer la sécurité --
20 Q. Non, non, ma question ne portait là-dessus. Je vous avais demandé si
21 votre relation avec le ministre Boskoski qui portait sur les questions de
22 votre secteur était une très bonne relation, et cela est expliqué par le
23 fait que le ministre Boskoski était un excellent ou un gestionnaire et
24 directeur efficace, n'est-ce pas ?
25 R. Je pourrais répondre par l'affirmative à votre question, mais il
26 faudrait que je vous explique la raison d'être de cette situation. Il se
27 peut que vous ayez une opinion, moi j'en ai une autre qui est tout à fait
28 différente.
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1 Q. Tout ce que je vous demande, Monsieur Keskovski, c'est de répondre à
2 mes questions. Je comprends tout à fait que vous ayez une opinion
3 différente.
4 Nous allons maintenant aborder autre chose, en 2001, l'accord-cadre
5 d'Ohrid devait être signé le 13 août 2001, n'est-ce pas ?
6 R. A Skopje, oui.
7 Q. Donc il devait être signé à Skopje le 13 août. Le président a passé un
8 mois environ à partir du 25 juillet, donc à partir de la fin du mois de
9 juillet jusqu'au 10 août à négocier l'accord-cadre d'Ohrid, n'est-ce pas ?
10 R. Oui, c'est exact.
11 Q. Au départ, le président ainsi que son entourage, dont vous faisiez
12 partie, s'est rendu à Ohrid, l'intention étant d'y séjourner quelques
13 jours, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est exact. Mais ils sont allés à la mi-juillet. Nous avions
15 l'intention d'y passer trois jours, et nous sommes restés aussi longtemps
16 que vous l'avez dit.
17 Q. Et cela, entre autres, parce que le président était placé sous
18 d'intenses pressions de la part de la communauté internationale pour qu'il
19 parvienne à un accord, et ce, essentiellement afin d'éviter une guerre
20 civile, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Et d'après ce que vous savez, le président souhaitait véritablement le
23 succès de cet accord. C'était une de ses préoccupations, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Donc il avait véritablement beaucoup travaillé et il a œuvré pour
26 s'assurer que cet accord allait être signé le 13 août, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, c'est exact.
28 Q. Vous nous avez dit, hier, lors de votre déposition, que le 10 août vous
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1 aviez reçu des renseignements qui émanaient du chef d'état-major, le
2 général Stamboliski, renseignements suivant lesquels une attaque avait eu
3 lieu, c'est en fait ce qu'on a appelé après l'incident de la mine à
4 Ljubotenski Bacila, et que cette attaque avait provoqué le décès de huit
5 soldats, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Et vous avez dit qu'à ce moment-là vous vous trouviez auprès du
8 président, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous avez également dit que vous avez donné le téléphone au président
11 et que le président avait parlé directement au général Stamboliski et lui
12 avait donné un ordre, n'est-ce pas ?
13 R. J'ai donné le téléphone au président, et le chef de l'état-major
14 général lui a transmis les renseignements qu'il m'avait préalablement
15 transmis.
16 Je n'avais jamais mentionné d'ordre.
17 Q. Vous avez dit, Monsieur Keskovski, que le président était en colère -
18 vous l'avez dit à la page 60 du compte rendu d'audience d'hier - comme vous
19 l'avez dit : "Il y avait eu Karpalak le 8 et dix membres de l'armée
20 macédonienne étaient morts."
21 Est-ce exact ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Et vous avez dit, à la page 62 du compte rendu d'audience, que le
24 président avait donné l'ordre au général Stamboliski d'envoyer
25 immédiatement des ordres pour que soient éliminés tous les groupes ou
26 groupements terroristes en Macédoine.
27 Vous en souvenez de cela ?
28 R. Ça c'était le point de vue adopté par le conseil de la sécurité
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1 nationale qui avait tenu séance au même moment, donc c'est un ordre du
2 président qui demande à l'armée d'agir.
3 Q. Donc, Monsieur Keskovski, vous êtes sûr que le président a donné cet
4 ordre au général Stamboliski alors que vous étiez présent ?
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. L'incident de Karpalak est arrivé le 8 août, n'est-ce pas, le 8 août
7 2001 ?
8 R. Oui.
9 Q. Et l'incident de Karpalak était fondamentalement un incident au cours
10 duquel l'ALN a tué dix soldats, et qu'il s'agissait de représailles à la
11 suite d'une opération menée à bien par les forces du ministère de
12 l'Intérieur le 7 août.
13 Est-ce exact ?
14 R. Je ne sais pas s'il s'agissait d'un acte de représailles. Tout ce que
15 je peux dire, c'est que cette attaque s'est produite et qu'à la suite de
16 cette attaque, dix soldats ont trouvé la mort.
17 Q. Pourriez-vous, je vous prie, examiner le document se trouvant à
18 l'intercalaire 5 de votre classeur ?
19 Mme ISSA : [interprétation] Ce qui correspond au document 314.1 de la liste
20 65 ter.
21 Q. Il s'agit d'un article, Monsieur Keskovski, il est intitulé "Les
22 négociations relatives à l'accord-cadre d'Ohrid."
23 Mme ISSA : [interprétation] Ceci provient d'un ouvrage intitulé "Ohrid et
24 au-delà", publié par l'Institut chargé de la guerre et des rapports
25 concernant les situations de guerre et de paix en 2002.
26 Q. Je souhaiterais que l'on examine la page N002-1350. Ce qui doit
27 correspondre à la page 55 dans la version papier que vous avez sous les
28 yeux, avant-dernier paragraphe sur cette page. Il y est fait référence à un
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1 incident survenu le 7 août.
2 Il est dit : "Les négociations se sont enfin achevées et on en est
3 venu à la signature du protocole, à la question de savoir si l'accord
4 devrait être signé à Ohrid ou à Skopje. Le 7 août, des violences se sont
5 produites. Une opération a été menée à bien dans la banlieue de Skopje par
6 une unité spéciale antiterroriste du ministère de l'Intérieur."
7 Puis le texte poursuit en décrivant l'opération en question.
8 A la fin de ce même paragraphe, le texte se lit comme suit : "Ce qui est
9 devenu tout de suite manifeste, c'est que cet incident a compromis l'avenir
10 de l'accord d'Ohrid."
11 Est-ce que vous voyez cela ?
12 R. Je le vois seulement en anglais, et j'entends l'interprétation de vos
13 propos.
14 Q. Au bas de cette page, il est dit : "'On a consacré 15 minutes d'antenne
15 à cette question', comme l'a dit Popovski, lequel a ajouté que l'équipe du
16 SDSM était préoccupée par ce qui allait suivre.
17 "Car il savait, vu les combats précédents, que l'ALN allait se venger
18 dans les 24 heures et les craintes de Popovski se sont réalisées. Le
19 lendemain, le 8 août, une unité de l'armée macédonienne équipée d'armes
20 légères s'est rendue sur l'autoroute menant de Tetovo à Skopje." Et il est
21 dit ensuite que neuf réservistes ont été tués.
22 Mme ISSA : [interprétation] Cela se trouve en haut de la page 56, N002-
23 1351.
24 Q. Vers le milieu de cette page, on décrit ce qui a précédé la
25 signature des accords d'Ohrid.
26 On peut lire : "L'envoyé des Etats-Unis, Pardew, a remis aux
27 représentants albanais un stylo et les a exhortés à parapher l'accord.
28 Xhaferi et Imeri étaient réticents, mais Pardew les a mis en garde en leur
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1 disant qu'une tragédie pourrait s'ensuivre s'ils refusaient. Après avoir
2 consulté le QG de l'ALN à Sipkovica et avoir reçu leur feu vert, les
3 représentants du PDP et du DPA sont convenus de parapher le document.
4 "Le même jour, le VRRO-DPMNE a annoncé qu'ils allaient suspendre leur
5 participation aux pourparlers. Après l'incident de Karpalak, le porte-
6 parole du parti a déclaré : 'On ne peut pas s'attendre de nous de
7 participer à un dialogue politique, alors que des soldats sont en train
8 d'être tués, que des civils sont enlevés, et qu'il y a des fusillades à
9 Tetovo et dans les environs.' Mais plus tard ce jour-là, ils ont paraphé le
10 document tout comme les représentants du SDSM, la signature a été prévue
11 pour le 13 août à Skopje."
12 Est-ce que vous voyez cela ?
13 R. Oui, je le vois.
14 Q. Donc après les violences survenues les 7 et 8 août, violences qui ont
15 compromis l'accord, l'accord a finalement été paraphé et la signature de
16 cet accord a été fixée pour le 13 août, donc c'était le lendemain de
17 l'incident de Karpalak, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Le 10 août, le président n'avait-il pas des raisons de craindre que des
20 représailles allaient peut-être compromettre la signature de l'accord
21 d'Ohrid prévue deux jours plus tard ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Je vous invite à examiner le paragraphe 32 de votre déclaration,
24 document numéro 1290 de la liste 65 ter. Ce document se trouve à
25 l'intercalaire numéro 1 du classeur de l'Accusation.
26 Si vous n'arrivez pas à trouver le document, nous pouvons l'afficher à
27 l'écran. Cela doit se trouver à la page N001-4892.
28 Est-ce que vous avez retrouvé le paragraphe 32 de votre déclaration
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1 préalable ?
2 R. Oui.
3 Q. Lorsque l'enquêteur vous a posé une question au sujet de votre retour
4 après Ohrid, vous avez déclaré : "Le 10 août 2001, nous sommes revenus
5 d'Ohrid dans la matinée, le chef de l'état-major général de l'armée de la
6 République de Macédoine, le général Metodija Stamboliski, m'a appelé au
7 téléphone et informé de l'incident de la mine à Ljubotenski Bacila. Plus
8 tard, j'ai transmis cette information au président. J'ai compris qu'à
9 l'occasion de l'incident de la mine plusieurs soldats de l'armée de la
10 République de Macédoine avaient trouvé la mort et qu'ils étaient
11 originaires du village de Ljubanci."
12 Voyez-vous cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Conviendrez-vous avec moi, Monsieur Keskovski, que vous venez de nous
15 dire dans le cadre de votre déposition que vous aviez donné le téléphone au
16 président et que le général Stamboliski avait directement transmis cette
17 information au président, et le président ensuite a donné un ordre à
18 Stamboliski; or dans votre déclaration préalable, vous affirmez que vous
19 avez transmis plus tard cette information au président; c'est bien cela ?
20 R. J'ai dit qu'en route pour Ohrid, le général Stamboliski avait appelé,
21 ce qui signifie que nous étions avec le président, c'est vrai.
22 Q. Monsieur Keskovski, il semble ressortir de votre déclaration préalable
23 que c'est vous qui aviez transmis cette information au président, et que le
24 président ne s'est pas entretenu à ce moment-là avec le général
25 Stamboliski; c'est bien ça ?
26 R. J'affirme que le président a directement parlé au général Stamboliski
27 qui lui a transmis l'information. Les enquêteurs m'ont posé une question
28 générale et j'ai répondu de façon générale au sujet de ce qui s'est passé
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1 le 10 août.
2 Donc je répondrais "oui" à votre question, mais au cours de ces
3 séances, on m'a posé des questions plus précises.
4 Q. Vous conviendrez avec moi, Monsieur Keskovski, que lorsque vous avez
5 dit expressément : "J'ai transmis l'information au président," c'est clair.
6 Il n'y a aucune ambiguïté ?
7 R. Oui.
8 Q. En réalité, si l'on examine le paragraphe 34 de votre déclaration, il
9 apparaît que le président a émis des préoccupations concernant cet
10 incident. Il a dit, d'après votre déclaration : "J'ai assisté à la
11 conversation avec Johan Tarculovski dans l'après-midi du 10 août 2001."
12 Et vous dites un peu plus loin : "J'ai entendu le président demander
13 à Johan Tarculovski d'appeler le lendemain et de l'informer de la situation
14 dans le village. Le président craignait qu'en cas de trouble dans le
15 village, la signature de l'accord d'Ohrid pourrait être reporté à plus
16 tard. Cette signature était prévue pour le lundi 13 août 2001."
17 Est-ce que vous voyez cela ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce que ce n'est pas là ce qui s'est véritablement passé ce jour-là,
20 Monsieur Keskovski, le président était inquiet, il craignait qu'il n'y ait
21 des troubles suite à l'incident de la mine à Ljubotenski Bacila, il a
22 demandé des informations à ce sujet car il ne voulait pas retarder la
23 signature des accords d'Ohrid, n'est-ce pas là ce qui s'est véritablement
24 passé ?
25 R. Oui, c'est ce que j'ai déclaré à l'époque, et c'est ce que j'affirme
26 aujourd'hui également.
27 Q. Donc le président n'a jamais ordonné au général Stamboliski de prendre
28 des mesures en représailles, n'est-ce pas ?
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1 R. La position du président, également dans ses communications avec le
2 chef de l'état-major de la République de Macédoine, était identique à celle
3 du conseil national de la sécurité, comme je l'ai dit hier, il s'agissait
4 de revenir à la position du 5 juillet de façon à faciliter la signature des
5 accords d'Ohrid. Je l'ai dit hier.
6 Q. Monsieur Keskovski, la question que je vous pose est la suivante : le
7 président n'a pas ordonné au général Stamboliski, conformément à votre
8 déclaration, d'entreprendre des mesures de représailles ce jour-là, le 10
9 août, n'est-ce pas ?
10 R. Le président a ordonné au général Stamboliski, mais cependant il ne
11 s'agissait pas dans ce contexte d'entreprendre des mesures de représailles.
12 Q. Votre déclaration ne dit pas que le 10 août, dans le contexte de
13 l'incident de la mine de Ljubotenski Bacila, le président a émis un ordre,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Vous me posez des questions sur ma déclaration que j'ai faite auprès de
16 l'enquêteur ?
17 Q. En effet. La déclaration que vous avez signée et dont vous nous avez
18 dit tout à l'heure que vous avez cherché à la rendre la plus claire et la
19 plus précise possible. C'est de cela que nous parlons aujourd'hui.
20 R. La déclaration que j'ai faite à l'enquêteur était précise et concise.
21 J'ai répondu comme on m'avait interrogé. Il n'a pas été posé de questions
22 précises et donc voilà ce que j'ai dit et ce que je peux répéter.
23 Q. En page 70 du compte rendu, vous nous l'avez répété aujourd'hui
24 d'ailleurs, quand vous étiez dans le véhicule et que vous vous rendiez à
25 Skopje, vous aviez quitté Ohrid, et vous avez immédiatement informé le
26 président de ce qui s'était passé à Ljubotenski Bacila, l'incident de la
27 mine. C'est bien ce que vous avez dit dans votre déclaration, n'est-ce pas
28 ?
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1 R. Oui.
2 Q. Si vous en avez informé le président pendant que vous étiez dans le
3 véhicule à ce moment-là, alors pourquoi est-il écrit dans votre
4 déclaration, au paragraphe 24 [comme interprété] : "Le 10 août 2001, le
5 président a approuvé cette demande, il m'a demandé d'appelé Johan
6 Tarculovski. Au cours de cette conversation, j'étais présent et j'ai
7 entendu le président demandé à Johan Tarculovski de rappeler le lendemain
8 pour tenir le président au courant de la situation dans le village" ?
9 Le texte dit ensuite qu'il était très préoccupé par ces événements qui
10 risquaient de retarder les accords d'Ohrid.
11 R. Oui.
12 Q. Ma question est : si c'est bien ce qui s'est passé, pourquoi le
13 président aurait-il attendu l'après-midi pour passer ce coup de fil pour en
14 parler si, en fait, vous l'avez informé immédiatement pendant que vous
15 étiez dans la voiture ?
16 R. Vous me parlez de deux situations complètement différentes, l'une
17 concerne Tarculovski, l'autre le général Stamboliski. Mais ce n'est pas la
18 même personne. La situation relative au général Stamboliski s'est passée le
19 matin, parce que c'est le matin que s'est produit cet incident, et le
20 président en a été informé immédiatement.
21 En ce qui concerne M. Tarculovski, il l'a appelé plus tard. L'information a
22 mis du temps à lui accéder, ce n'est pas la même situation.
23 Q. Mais vous nous avez dit que vous avez informé le président pendant que
24 vous étiez dans le véhicule et que le président parlait au général
25 Stamboliski, pourquoi votre déclaration dit-elle que : "Plus tard, j'ai
26 passé l'information au président" ?
27 R. "Plus tard" ça donne une référence de temps. J'ai communiqué
28 l'information immédiatement, et il a parlé immédiatement au général
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1 Stamboliski. J'étais dans le véhicule avec lui. Donc je ne peux que le
2 répéter.
3 Q. Monsieur Keskovski --
4 R. J'ai répondu aux questions de l'enquêteur exactement comme elles
5 m'étaient posées. Elles n'étaient pas suffisamment précises.
6 Q. Mais vous n'avez rien dit aux enquêteurs du fait que le président a
7 parlé à ce moment-là au général Stamboliski et a donné un ordre au général
8 Stamboliski. Ça, vous ne l'avez pas dit à l'époque, n'est-ce pas ? Voilà
9 une question précise.
10 R. J'ai répondu à la question posée, ce qui donne le contenu de ma
11 déclaration.
12 Q. L'information que vous avez transmise au général Stamboliski était
13 assez précise, n'est-ce pas ? L'information que vous avez donnée aux
14 enquêteurs concernant la façon dont ces éléments d'information vous sont
15 parvenus et la façon dont vous les avez transmis au président, c'est une
16 donnée très précise, n'est-ce pas ?
17 R. Ce genre d'informations nous parvenaient et étaient communiquées au
18 président tous les jours. Dans le cas présent, cela s'est passé comme je
19 l'ai dit.
20 Q. Mais ce n'est pas ce que je vous demande. L'information que vous avez
21 donnée à l'enquêteur dans votre déclaration, il s'agit plus
22 particulièrement du paragraphe 32, concernant la façon dont vous avez
23 transmis cette information au président, dont vous l'avez reçue et
24 transmise, concernant l'incident de la mine, c'est très précis, n'est-ce
25 pas ? Il nous faudrait une réponse par "oui" ou par "non".
26 R. Oui, j'ai transmis cette information au président, mais c'est lui qui a
27 parlé directement au chef d'état-major.
28 Q. Tout d'abord, je vous posais une question sur l'information que vous
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1 avez communiquée à l'enquêteur. Maintenant, vous nous répondez à une autre
2 question, n'est-ce pas ? Vous ne nous aviez pas dit que vous aviez
3 communiqué cette information au président. Vous nous aviez dit que vous
4 aviez passé le téléphone au président, n'est-ce pas ?
5 R. Ça ne s'est passé jamais comme cela quand on m'informait de quelque
6 chose. D'abord, je donnais quelques éléments d'information au président,
7 puis je lui passais le téléphone pour qu'il sache de quoi il s'agissait à
8 l'avance. C'est comme ça que l'on travaille. C'est comme ça que ça se
9 faisait tous les jours. Ce n'était pas un événement unique. C'est une chose
10 qui se produit tous les jours dans ce genre de cas, des informations de cet
11 ordre et de toute autre sorte de nature, d'ailleurs. C'est ainsi que je
12 travaillais toujours.
13 Q. Je vais vous poser une question pour la dernière fois, Monsieur
14 Keskovski.
15 Cette information concernant le fait que le président avait parlé
16 directement au général Stamboliski, vous ne l'avez pas donnée à l'enquêteur
17 lorsque vous avez fait votre déclaration, n'est-ce pas ?
18 R. Le président recevait des questions si sensibles constamment. Je ne
19 pouvais pas lui passer le téléphone directement comme cela.
20 Q. Mais je ne vous pose pas de questions sur le président. Je vous pose
21 une question sur vous et sur l'enquêteur, sur ce que vous avez dit à
22 l'enquêteur et sur ce qui se trouve dans votre déclaration. C'est une
23 question que je vous pose pour la énième fois.
24 R. Pourriez-vous poser la question à nouveau, s'il vous plaît.
25 Q. [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout d'abord, je vais donner la parole
27 à M. Mettraux.
28 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, je vous en suis
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1 reconnaissant. Je sais que la Chambre n'aime pas qu'on l'interrompe. Mais
2 il me semble qu'à ce stade le témoin s'est vu poser la même question à
3 plusieurs reprises et qu'il a donné une réponse tout à fait claire. Chacun
4 peut voir de ses propres yeux ce qui est dans la déclaration et ce qui n'y
5 est pas. Je ne vois pas en quoi il peut être intéressant de reposer la même
6 question.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous assure que ce sera la dernière
8 fois, Monsieur Mettraux. On nous promet que ce sera la dernière fois. Nous
9 allons faire preuve d'encore un peu de patience.
10 Poursuivez, Madame Issa.
11 Mme ISSA : [interprétation] Je cherche à obtenir une réponse claire.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A partir d'un certain point il faut
13 reconnaître qu'on n'obtiendra pas ce que l'on souhaite et qu'il faut passer
14 à autre chose et je pense que nous en sommes là.
15 Mme ISSA : [interprétation]
16 Q. Pour la dernière fois, Monsieur le Témoin, pouvez-vous répondre à cette
17 question.
18 R. Je vous ai demandé d'avoir la gentillesse de la répéter une dernière
19 fois.
20 Q. Je vous demande donc : vous n'avez pas dit à l'enquêteur, lorsque vous
21 avez fait votre déclaration, que le président avait donné un ordre au
22 général Stamboliski le 10 août après avoir été informé de l'incident de la
23 mine, n'est-ce pas ?
24 R. En effet. J'ai répondu à la question telle qu'elle m'avait été posée,
25 et c'est tout.
26 Q. Merci. Vous nous avez également dit dans votre déclaration, nous sommes
27 en page 70 du compte rendu d'hier, que vous aviez invité Johan à Skopje
28 après qu'il ait demandé un congé, parce que c'était une procédure normale.
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1 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?
2 R. Tout à fait.
3 Q. Vous nous avez également dit que le président avait ordonné à Johan
4 d'aller à Ljubanci pour le tenir au courant de ce qui s'y passait. Là nous
5 sommes en page 72 du compte rendu d'audience.
6 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?
7 R. Ce que je vous ai dit, c'est qu'il lui a ordonné, lorsqu'il prendrait
8 le congé qui lui avait été accordé, de s'en servir pour le tenir au courant
9 de l'évolution de la situation dans ce village de Ljubanci.
10 Q. Ne nous avez-vous pas dit précisément dans votre témoignage qu'il lui
11 avait ordonné d'aller à Ljubanci ?
12 R. Comme je vous l'ai dit hier, et comme je le répète aujourd'hui, et
13 c'est d'ailleurs dans ma déclaration, M. Tarculovski a demandé un congé,
14 une permission, parce qu'un membre de sa famille avait été tué. Donc il
15 aurait forcément été à Ljubanci. Le président lui a ordonné de le tenir au
16 courant de l'évolution de la situation à Ljubanci puisqu'il s'y trouverait
17 déjà.
18 Q. Où puis-je trouver dans votre déclaration une information selon
19 laquelle vous avez, avec le président, invité Johan Tarculovski à Skopje
20 après qu'il ait demandé une permission pour pouvoir participer à cet
21 enterrement ?
22 R. Dans ma déclaration, j'ai dit que Johan Tarculovski avait demandé une
23 permission pour pouvoir participer à l'enterrement d'une personne qui lui
24 était proche, que cette demande avait été faite le 10. Cela apparaît dans
25 ma déclaration aux enquêteurs, et ici également où je dis que c'est là une
26 procédure normale dont il a été fait usage, non seulement pour M.
27 Tarculovski mais pour beaucoup d'autres, lorsque le président désirait
28 présenter en personne ses condoléances à des membres de son équipe de
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1 sécurité qui avaient perdu quelqu'un de proche pendant la crise de 2001.
2 C'est pour cette raison que M. Tarculovski a effectivement été invité au
3 bureau du président, et le président lui a présenté personnellement ses
4 condoléances. Pendant cette conversation - comme je l'ai déjà dit et je le
5 répète - il lui a donné une tâche. Il lui a ordonné, à l'occasion de cette
6 visite et de cet enterrement, de recueillir des informations et de le tenir
7 au courant de l'évolution de la situation dans le village de Ljubanci.
8 Dans ma déclaration, je répète, dans ma déclaration aux enquêteurs, j'ai
9 répondu aux questions qui m'étaient posées. Or, cette question n'a pas été
10 posée précisément. Telle qu'elle m'a été posée, j'y ai répondue.
11 Q. Donc vous nous dites que le président a rencontré Johan Tarculovski, et
12 que c'est à cette occasion qu'il lui a dit que puisqu'il allait à Ljubanci,
13 il attendait de lui qu'il lui fournisse des éléments d'information sur
14 l'évolution de la situation dans le village. C'est ce que vous nous dites ?
15 R. Je vais répéter à nouveau parce que vous déformez mes propos.
16 Le président a exprimé ses condoléances à l'égard de M. Tarculovski. Nous
17 lui avons accordé un congé pendant plusieurs jours pour qu'il puisse se
18 rendre aux obsèques dans le village de Ljubanci, et il lui a donné l'ordre
19 de s'informer là-bas, de s'informer là où il allait aux obsèques, de
20 s'informer sur la situation qui prévalait sur le terrain.
21 C'est la réponse que vous attendez de moi ?
22 Q. Ma question, Monsieur Keskovski, est comme suit : est-ce que cela
23 s'est passé lorsque vous avez dit que le président avait rencontré Johan
24 Tarculovski à Skopje ?
25 R. Oui.
26 Q. Bien. Je pense que vous avez répondu à la question.
27 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le paragraphe 34 de votre
28 déclaration. Il s'agit du paragraphe 34, qui se trouve à la même page que
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1 le paragraphe 32. Est-ce que vous l'avez devant vous ?
2 Vous voyez qu'il est dit, et je cite : "Pendant l'après-midi du 10 août
3 2001, le président a approuvé la demande et m'a demandé d'appeler Johan
4 Tarculovski. Alors que je l'appelais, le président a demandé à lui parler,
5 donc je lui ai donné le téléphone portable. J'étais présent lors de la
6 conversation, et j'ai entendu le président demander à Johan Tarculovski de
7 venir le lendemain et de l'informer de la situation qui régnait dans le
8 village."
9 Monsieur Keskovski, vous conviendrez avec moi qu'il n'est absolument pas
10 dit là, dans ce paragraphe, que le président lui avait donné cet ordre à
11 Skopje et qu'il l'avait rencontré personnellement.
12 Là, c'est une question très précise que je vous pose, et j'aimerais
13 obtenir une réponse brève de votre part.
14 R. C'est votre observation à ce sujet. Je dis justement qu'il lui confie
15 une tâche. Il s'agit d'un ordre qu'il donne, cet ordre, à M. Tarculovski.
16 Il lui donne l'ordre de l'informer de la situation; puis, par ailleurs, il
17 faut savoir qu'ils se sont rencontrés deux fois. Une fois ils se sont
18 parlé, puis ensuite ils se sont rencontrés. Le président et Tarculovski se
19 sont parlé deux fois le même jour; une fois au téléphone, et la deuxième
20 fois alors qu'ils étaient l'un avec l'autre.
21 Mme ISSA : [interprétation] Je sais que le moment est venu.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
23 Nous allons lever l'audience et nous reprendrons demain matin à 9 heures.
24 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 27 février
25 2008, à 9 heures 00.
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