Page 180
1 Le mercredi 19 mai 2010
2 [
3 [Audience publique]
4 [L'appelant Tarculovski est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer
7 le numéro de l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ceci est
9 l'affaire IT-04-82-A, le Procureur contre Ljube Boskoski et Johan
10 Tarculovski.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais vérifier si M. Boskoski
12 peut suivre les débats dans une langue qu'il comprend grâce à
13 l'interprétation.
14 L'APPELANT BOSKOSKI : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tarculovski, pouvez-vous
16 suivre dans une langue que vous comprenez les débats ?
17 L'APPELANT TARCULOVSKI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
19 Puis-je maintenant avoir les présentations pour l'Accusation d'abord ?
20 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Paul Rogers,
21 Laurel Baig et notre commis à l'affaire, M. Colin Nawrot.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Pour la Défense Boskoski.
23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Conseil
24 principal, Edina Residovic, et Guenael Mettraux également, en tant que co-
25 conseil. Merci.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. La Défense de M. Tarculovski
27 à présent.
28 M. N. DERSHOWITZ [via téléconférence] : [interprétation] Bonjour, Monsieur
Page 181
1 le Président. Nathan Dershowitz pour le conseil de Johan Tarculovski, en
2 compagnie de Antonio Apostolski et de Johan Apostolski.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.
4 La Chambre d'appel rend aujourd'hui son arrêt dans la présente affaire.
5 Conformément à la pratique de ce Tribunal, je ne donnerai pas lecture
6 du texte intégral de l'arrêt à l'exception de son dispositif. Au lieu de
7 cela, je résumerai les questions soulevées en appel, et les constatations
8 de la Chambre d'appel. Le présent résumé ne fait pas partie du texte de
9 l'arrêt à proprement parler, qui seul fait foi pour ce qui est des
10 décisions prises, et des motifs retenus par la Chambre d'appel. Des
11 exemplaires de l'arrêt seront distribués aux partis à la fin de l'audience.
12 L'affaire concerne les événements survenus pendant et après l'opération de
13 police qui s'est déroulée le 12 août 2001 dans le village de Ljuboten,
14 situé dans la partie nord de l'ex-République yougoslave de Macédoine,
15 également connue sous l'abréviation de FYROM ou FYROM, et je m'y référerai
16 comme à la FYROM. A l'époque des faits, Ljube Boskoski était ministre de
17 l'intérieur de la FYROM et Johan Tarculovski était officier de police.
18 La Chambre de première instance a déclaré Johan Tarculovski coupable
19 d'avoir ordonné, planifié, et incité à commettre des meurtres, des
20 destructions sans motif et des actes de traitement cruel, qui constituent
21 autant de violation des lois et coutumes de la guerre en application de
22 l'Article 3 du Statut. Il a été condamné à une peine unique
23 d'emprisonnement de 12 années. Ljube Boskoski, quant à lui, a été acquitté
24 de tous les chefs d'accusation qui avaient été retenus contre lui.
25 Johan Tarculovski a présenté sept moyens d'appel remettant en cause
26 sa condamnation, et la peine prononcée. L'accusation de son côté a fait
27 appel de l'acquittement de Ljube Boskoski.
28 Je commencerai par les moyens d'appel présenté par Johan Tarculovski,
Page 182
1 et puis j'examinerai l'appel de l'Accusation avant de donner lecture du
2 dispositif en fin d'audience.
3 Dans son premier moyen d'appel, Johan Tarculovski avance que les
4 affrontements, survenus à l'époque des faits en ex-République et aux Serbes
5 de Macédoine, entre les forces de sécurité de cette dernière et l'armée de
6 libération nationale, également connue sous l'abréviation d'ALN, ne
7 constituait pas un conflit armé dans la mesure où il ne satisfaisait pas
8 aux critère du niveau d'intensité requis.
9 La Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant
10 que le niveau d'intensité des affrontement que connaissait la FYROM d'une
11 part, et les caractéristiques permettant de considérer l'ALN comme un
12 groupe armé organisé d'autres parts, suffisait à établir l'existence d'un
13 conflit armé interne, en ex-République yougoslave de Macédoine au mois
14 d'août 2001.
15 La Chambre de première instance ne trouve aucune erreur dans cette
16 constatation. M. Tarculovski fait valoir par ailleurs que la compétence
17 dont ce Tribunal s'est prévalu pour juger cette affaire, serait infondée
18 dans la mesure où le Tribunal n'a pas déterminé si le gouvernement de la
19 FYROM avait légalement donné l'ordre que cette opération soit déclenchée au
20 titre de la légitime défense, et afin d'éliminer les terroristes présents
21 parmi les villageois. Il affirme en outre que le Tribunal aurait exercé
22 cette compétence en contradiction avec l'action du Conseil de sécurité des
23 Nations Unies.
24 Selon la Chambre d'appel, le fait que dans un conflit armé interne,
25 un Etat recourt à la force contre un groupe armé, au titre de sa légitime
26 défense, n'empêche pas en soi que certains crimes commis dans le cadre de
27 ce recours à la force, puissent être qualifiés de violation grave du droit
28 international humanitaire. De plus, le Conseil de sécurité des Nations
Page 183
1 Unies n'a jamais affirmé que la compétence de ce Tribunal exclurait l'ex-
2 République yougoslave de Macédoine.
3 Par conséquent, le premier moyen d'appel de Johan Tarculovski est
4 rejeté dans son intégralité.
5 Dans son second moyen d'appel, M. Tarculovski avance que les
6 événements du 12 août 2001, à Ljuboten, ne constituaient pas une violation
7 des lois et coutumes de la guerre puisqu'ils résultaient de la riposte
8 légitime et proportionnée d'un Etat souverain confronté à une attaque
9 terroriste interne. Il conteste également l'applicabilité même des lois et
10 coutume de la guerre, lorsqu'il s'agit de déterminer la responsabilité
11 pénale individuelle d'une personne chargée de conduire une opération
12 légitime planifiée par un Etat souverain.
13 La Chambre d'appel estime que le caractère légitime du recours à la
14 force par une partie à un conflit armé, n'affecte en rien l'application des
15 règles pertinentes en matière de conflit armé. Par conséquent, le fait
16 qu'un Etat agisse au titre de sa légitime défense contre des terroristes
17 dans le cadre d'un conflit armé interne, ne disqualifie pas l'article
18 commun numéro 3 et le fait qu'un Etat agisse au titre de sa légitime
19 défense contre des terroristes dans le cadre d'un conflit armé interne,
20 n'est pas pertinent non plus quant à la question de savoir si un
21 représentant de cet Etat a commis une violation grave du droit
22 international humanitaire pendant l'exercice par l'Etat en question de son
23 droit à la légitime défense. Il en résulte que la Chambre de première
24 instance n'a pas commis d'erreur en invoquant les lois et coutumes de la
25 guerre dans la présente affaire.
26 Par conséquent, le second moyen d'appel de Johan Tarculovski est
27 rejeté dans son intégralité.
28 Dans son cinquième moyen d'appel, M. Tarculovski affirme que la
Page 184
1 Chambre de première instance aurait indûment rejeté la déposition de
2 catégories entières de témoins, pour ensuite se fonder de façon sélective
3 sur certaines parties de ces mêmes dépositions.
4 La Chambre d'appel note que la Chambre de première instance a fait le
5 choix de la prudence dans son évaluation des éléments de preuve fournis par
6 les catégories de témoins en question. M. Tarculovski n'a pas apporté la
7 preuve que la Chambre de première instance ait commis la moindre erreur en
8 admettant certaines parties de leurs dépositions et en en rejetant
9 d'autres.
10 Par conséquent, son cinquième moyen d'appel est rejeté.
11 Au titre d'une partie de ces troisième, quatrième, et cinquième moyens
12 d'appel, Johan Tarculovski fait valoir que la Chambre de première instance
13 aurait commis une erreur en considérant que pour tenir un accusé pénalement
14 responsable d'actes prohibés par l'article commun numéro 3, il était
15 suffisant d'établir que les victimes de ces violations ne participaient pas
16 activement aux hostilités, au moment de la commission des crimes. Il
17 affirme qu'il revient en outre à l'Accusation de prouver que l'auteur des
18 actes incriminés avait ou aurait dû avoir connaissance du statut protégé de
19 la victime.
20 Au vu du principe de la culpabilité individuelle, la Chambre de première
21 instance convient qu'il nécessaire de démontrer que l'auteur d'un crime de
22 l'article commun numéro 3 avait ou aurait dû avoir connaissance du fait que
23 la victime ne participait pas activement aux hostilités au moment de la
24 commission du crime. Bien que le jugement en première instance ne comporte
25 aucune constatation explicite à cet égard, sa lecture intégrale montre, et
26 ce, clairement, que la Chambre de première instance s'est effectivement
27 posé la question de savoir si les auteurs directs avaient ou auraient dû
28 avoir connaissance du statut protégé des victimes, et ce, pour chacun des
Page 185
1 crimes commis. Par conséquent, l'argument avancé par Johan Tarculovski sur
2 ce point est rejeté.
3 Dans son quatrième moyen d'appel, M. Tarculovski avance que les éléments de
4 preuve étaient insuffisants pour constater au-delà de tout doute
5 raisonnable que des meurtres, destructions sans motif et actes de
6 traitements cruels avaient bien été commis.
7 La Chambre d'appel constate, cependant, que la Chambre de première instance
8 a bien identifié les auteurs des trois meurtres retenus dans l'acte
9 d'accusation comme étant des membres du groupe de policiers dirigé par
10 Johan Tarculovski. Les éléments de preuve suffisaient également à établir
11 au-delà de tout doute raisonnable les circonstances du meurtre de chacune
12 des victimes et les circonstances des traitements cruels infligés, ainsi
13 que le statut des victimes de ces actes et la mens rea de leurs auteurs. M.
14 Tarculovski n'est pas parvenu à démontrer que les constatations de la
15 Chambre de première instance à cet égard seraient entachées d'erreurs.
16 Concernant la destruction arbitraire de 12 maisons, Johan Tarculovski n'a
17 pas apporté la preuve que la Chambre de première instance ait commis la
18 moindre erreur en constatant qu'aucune de ces maisons n'a pris feu par
19 accident ni suite aux pilonnages de l'armée de la FYROM ou de l'ALN; que
20 c'était la police qui avait ouvert le feu; et qu'aucune de ces maisons
21 n'était utilisée à des fins militaires au moment où il y a été mis feu.
22 Par conséquent, le quatrième moyen d'appel de M. Tarculovski est rejeté.
23 Dans son troisième moyen d'appel, Johan Tarculovski affirme que la Chambre
24 de première instance aurait commis une erreur en invoquant les modes de
25 responsabilité de la planification de l'incitation et de l'ordre en
26 application de l'article 7(1) du Statut.
27 Concernant la planification, M. Tarculovski avance que la Chambre de
28 première instance aurait commis une erreur en concluant que la finalité
Page 186
1 première de l'opération de police déclenchée le 12 août 2001 à Ljuboten
2 avait été de lancer une attaque dirigée sans distinction contre tous les
3 Albanais de souche et leurs biens. Selon lui, les éléments de preuve
4 démontrent que l'objectif de cette opération de police était de débarrasser
5 Ljuboten des membres de l'ALN qui y étaient présents et avaient été
6 qualifiés de terroristes. Il réaffirme également que l'opération pouvait
7 fort bien avoir été planifiée par le président de la FYROM ou par de hauts
8 fonctionnaires du ministère de l'Intérieur.
9 La Chambre d'appel ne constate aucune erreur lorsque la Chambre de première
10 instance conclut que la finalité première de l'opération de police avait
11 été de lancer une attaque dirigée sans distinction contre tous les Albanais
12 de souche et leurs biens; et que Johan Tarculovski était animé de
13 l'intention; et avait participé à la planification de l'opération.
14 L'éventuelle participation de tierces personnes à cette planification n'a
15 aucun effet sur la conclusion de la Chambre de première instance retenant
16 la responsabilité pénale de Johan Tarculovski pour avoir planifié
17 l'attaque.
18 S'agissant de la responsabilité pour avoir incité et ordonné, M.
19 Tarculovski fait valoir que la Chambre de première instance l'a condamné à
20 tort sous cette forme de responsabilité en raison de l'absence totale de
21 preuves donnant à penser qu'il aurait donné à d'autres des encouragements
22 ou des instructions en vue de commettre un crime. Pour ce qui est de la
23 responsabilité pour avoir ordonné, il invoque également l'absence totale de
24 preuves attestant qu'il aurait disposé de l'autorité de fait et de droit
25 nécessaire pour ordonner la commission de meurtres, d'intentions
26 criminelles ou de sévices graves. Il fait aussi valoir que la Chambre de
27 première instance a versé dans l'erreur en jugeant qu'il a été animé de la
28 mens rea requise pour ordonner certains crimes, alors qu'elle n'avait pas
Page 187
1 été en mesure de déterminer qui avait ordonné l'opération.
2 La Chambre d'appel ne constate aucune erreur lorsque la Chambre de première
3 instance conclut que M. Tarculovski a donné des encouragements et des
4 instructions à des policiers afin que ceux-ci commettent les crimes en
5 cause et qu'il occupait un poste à responsabilités lui donnant le pouvoir
6 de les forcer à commettre ces crimes. Le fait qu'il ait reçu l'ordre de
7 diriger l'opération ne le dispense pas de sa responsabilité pénale si, en
8 exécution de l'ordre reçu, il a, à son tour, ordonné à d'autres de
9 commettre un crime.
10 Par conséquent, le troisième moyen d'appel de M. Tarculovski est rejeté.
11 Le sixième moyen d'appel concerne les déclarations extrajudiciaires qu'il a
12 faites à une commission mise sur pied par le ministère de l'Intérieur et
13 chargée d'enquêter sur les événements de Ljuboten. Il affirme que ces
14 déclarations extrajudiciaires ont été indûment admises parce qu'elles ne
15 respectaient pas les conditions posées à l'article 89 du Règlement de
16 procédure et de preuve et les grands principes du droit. Il dit aussi que
17 puisque la Chambre a estimé que ces déclarations étaient recevables on
18 aurait dû donner foi aux déclarations qui lui étaient favorables. La
19 Chambre d'appel estime qu'en application de l'article 89 la Chambre de
20 première instance était en droit de déclarer ces déclarations recevables en
21 ce qu'elles représentaient fidèlement ce que M. Tarculovski avait dit à
22 cette commission. Les grands principes du droit n'imposent pas l'exclusion
23 de déclarations extrajudiciaires. De plus, la Chambre d'appel conclut que
24 la Chambre de première instance a bien apprécié ces déclarations en tenant
25 compte des autres éléments du dossier.
26 En conséquence, le sixième moyen d'appel de M. Tarculovski est rejeté.
27 Dans son septième moyen d'appel, M. Tarculovski affirme que la Chambre de
28 première instance a eu tort de le condamner à 12 ans de réclusion. Il fait
Page 188
1 notamment valoir que la Chambre de première instance n'a pas retenu comme
2 circonstance atténuante le fait qu'il exécutait les ordres que lui avaient
3 donnés ses supérieurs hiérarchiques. Il ajoute que la Chambre de première
4 instance n'a pas tenu compte du fait que la FYROM avait par la suite
5 accordé une amnistie générale à tous ceux qui avaient été partis au
6 conflit.
7 La Chambre d'appel considère que la Chambre de première instance a bien
8 pris en compte le fait que M. Tarculovski exécutait des ordres donnés par
9 d'autres, dans son analyse de la gravité des infractions reprochées. De
10 surcroît, il y a dans les textes de loi concernés de la FYROM une
11 disposition disant que les auteurs d'infractions pénales relevant de la
12 compétence du Tribunal n'ont pas le droit de bénéficier d'une amnistie. De
13 plus, la Chambre de première instance n'est pas tenue par la grille des
14 peines en vigueur en ex-république yougoslave de Macédoine.
15 En conséquence, le septième moyen d'appel de M. Tarculovski est rejeté.
16 Abordons maintenant l'appel interjeté par l'Accusation contre
17 l'acquittement de M. Boskoski.
18 Selon l'Accusation, la Chambre de première instance a commis une erreur de
19 droit à cause d'une mauvaise interprétation de l'article 7(3) du Statut
20 selon lequel il suffirait qu'un supérieur hiérarchique transmette un
21 rapport aux autorités compétentes, lequel aurait probablement entraîné
22 l'ouverture d'une enquête portant sur les faits en question.
23 Mais la Chambre d'appel est convaincue de la justesse de la conclusion de
24 la Chambre de première instance, laquelle a jugé que dans certaines
25 circonstances, supérieur hiérarchique peut s'acquitter de l'obligation de
26 punir un subordonné fautif en transmettant un rapport aux autorités
27 compétentes pour autant qu'il soit probable que ce rapport entraîne
28 l'ouverture d'une enquête, d'une procédure disciplinaire ou d'une procédure
Page 189
1 judiciaire.
2 A défaut, l'Accusation invoque une erreur de faits. Là où la Chambre de
3 première instance a conclu que M. Boskoski avait pris toutes les mesures
4 nécessaires et raisonnables pour punir ses subordonnés fautifs.
5 L'Accusation souligne notamment qu'il était impossible que ces rapports
6 fournis par le ministère de l'Intérieur aux autorités compétentes
7 entraînent vu leur nature l'ouverture d'une enquête judiciaire sur les
8 événements survenus à Ljuboten.
9 La Chambre d'appel fait observer que la Chambre de première instance
10 avait conscience du caractère incomplet et insuffisant des notifications
11 envoyées par le ministère de l'Intérieur aux autorités judiciaires
12 compétentes. Elle admet aussi qu'aucune enquête n'a été menée d'office par
13 les services de Police sur les événements en question. Mais la Chambre de
14 première instance avait conclu que ces notifications auraient logiquement
15 dû amener les autorités judiciaires à diligenter une enquête en bonne et
16 due forme.
17 Avant de tirer cette conclusion, la Chambre de première instance avait
18 notamment relevé que ces notifications avaient porté la mort d'Albanais de
19 souche à la connaissance des autorités compétentes. Mais elles ne se sont
20 pas prononcées quant à la cause de leur mort, se contentant d'avancer une
21 hypothèse. De plus, les éléments du dossier indiquent que des notifications
22 ont été effectuées les 12 et 14 août 2001, et qu'une commission d'enquête a
23 aussi été mise sur pied par les autorités judiciaires compétentes, et
24 qu'elle s'est rendue à Ljuboten pour essayer de mener une enquête sur les
25 lieux. Les éléments du dossier montrent aussi que M. Boskoski avait été
26 avisé de ces notifications et de la tentative faite de mener une enquête.
27 La Chambre de première instance a conclu que si une faute grave avait été
28 bien commise en n'enquêtant pas suite au rapport de police transmis aux
Page 190
1 autorités judiciaires, M. Boskoski ne serait en être tenu responsable étant
2 donné que les autorités judiciaires ne relevaient pas de son ministère,
3 elles n'étaient donc pas sur son autorité. La Chambre de première instance
4 a également jugé que rien dans le dossier ne permettait de conclure que M.
5 Boskoski aurait délibérément contrarié le déroulement des enquêtes, ou
6 qu'il avait connaissance d'une défaillance de la police dans
7 l'accomplissement des fonctions qui lui incombent. L'accusation n'a pas
8 prouvé le contraire.
9 La Chambre d'appel estime que la Chambre de première instance n'a pas
10 commis d'erreur en concluant que les notifications auraient dû en principe
11 amener les autorités judiciaires à diligenter une enquête en bonne et due
12 forme sur les événements de Ljuboten. Partant de cette conclusion, la
13 Chambre de première instance a jugé que n'avait pas été apporté la preuve
14 du manquement de M. Boskoski à l'obligation de prendre toutes les mesures
15 nécessaires et raisonnables. Au vu des éléments du dossier, un juge des
16 faits raisonnable était autorisé à prononcer l'acquittement de M. Boskoski
17 eu égard à la responsabilité requise contre lui pour manquement à
18 l'obligation de punir en raison des informations fournies aux autorités
19 judiciaires.
20 La Chambre de première instance n'a commis aucune erreur de fait dans cette
21 conclusion.
22 En conséquence, l'appel interjeté par l'Accusation est rejeté dans
23 son intégralité.
24 Je vais maintenant donner lecture du dispositif de l'arrêt.
25 M. Boskoski, M. Tarculovski, veuillez vous lever.
26 Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'article 25 du
27 Statut et des articles 117 et 118 du Règlement de procédures et de preuves;
28 Vu les écritures respectives des parties, et les arguments présentés à
Page 191
1 l'audience, du 29 octobre 2009;
2 Siégeant en audience publique;
3 Rejette tous les moyens d'appel soulevés par M. Johan Tarculovski;
4 Rejette tous les moyens d'appel soulevés par l'Accusation;
5 Confirme l'acquittement de Ljube Boskoski et la peine imposée par la
6 Chambre de première instance à Johan Tarculovski. La période passée en
7 détention étant déduite de la durée totale de la peine, en application de
8 l'article 101(C) du Règlement;
9 Ordonne, conformément à l'article 103(C) et à l'article 107 du Règlement,
10 que Johan Tarculovski reste sous la garde du Tribunal jusqu'à ce que soient
11 arrêtées les dispositions nécessaires pour son transfert vers l'Etat dans
12 lequel il purgera sa peine.
13 Le Juge Liu joint une opinion individuelle.
14 MM. Boskoski est Tarculovski, vous pouvez vous rasseoir.
15 Je vais demander à Mme La Greffière de distribuer une copie de l'appel aux
16 partis.
17 L'audience est levée.
18 --- L'audience est suspendue à 9 heures 59.
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28