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La Haye, 2 avril 2007
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Veuillez trouver ci-dessous le résumé de l'arret, tel que lu par la Juge Vaz :
Les faits donnant lieu au présent appel se sont produits d'avril a juillet 1993 en Bosnie centrale, dans les villages d'Ahmići, de Nadioći et alentour. Miroslav Bralo, né le 13 octobre 1967, était membre des Jokeri, section anti-terroriste du 4e bataillon de police militaire du Conseil de défense croate (le < HVO >) ; il a participé, le 16 avril 1993, a une attaque contre Ahmići, dont l'objectif était de procéder au nettoyage ethnique du village, de tuer les hommes musulmans en âge de porter les armes, d'incendier toutes les maisons appartenant a des Musulmans et d'expulser tous les habitants musulmans du village.
Dans le Jugement portant condamnation rendu le 7 décembre 2005, la Chambre de premiere instance a condamné Miroslav Bralo a une peine de 20 ans d'emprisonnement suite a l'acceptation de son plaidoyer de culpabilité le 19 juillet 2005 concernant huit chefs d'accusation retenus contre lui, plus spécifiquement :
- un chef de persécution pour des raisons politiques, raciales et religieuses aux termes des articles 5 h) et 7 1) du Statut ;
- quatre chefs d'infractions graves aux Conventions de Geneve de 1949, comprenant des actes de torture ou traitements inhumains et de détention illégale, punissables aux termes des articles 2 b), 2 g) et 7 1) du Statut;
- trois chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre punissables aux termes des articles 3 et 7 1) du Statut, comprenant le meurtre, ainsi que la torture et les atteintes a la dignité de la personne, y compris le viol.
M. Bralo a interjeté appel du Jugement portant condamnation le 5 janvier 2006 et a déposé son mémoire d'appel le 30 mars 2006. Je rappelle que dans le cadre du proces en appel la Chambre d'appel a admis trois éléments de preuve supplémentaires au titre de l'article 115 du Reglement de procédure et de preuve. Nous avons également reçu deux mémoires supplémentaires de l'Appelant au soutien de ses deuxieme et troisieme moyens d'appel. Il est enfin a noter que l'Accusation demande le rejet de tous les moyens d'appel de l'Appelant.
L'Appelant fait valoir en général que la Chambre de premiere instance a commis une erreur de droit et a outrepassé ses pouvoirs en le condamnant a une peine trop lourde. Il affirme que la peine qui lui a été infligée a entraîné un déni de justice, car elle ne rend pas compte, comme il convient, des circonstances atténuantes importantes en l'espece. A l'appui de son appel, il soutient en particulier que :
- premierement, la Chambre de premiere instance a eu tort de considérer que certains éléments étaient < sans rapport avec la peine > et de conclure qu'ils ne constituaient pas une circonstance atténuante ;
- deuxiemement, que la Chambre de premiere instance n'a pas accordé suffisamment de poids aux éléments qu'elle a retenus ;
- et enfin, que la Chambre de premiere instance aurait du prononcer une peine moins lourde, compte tenu du nombre et de l'importance des circonstances atténuantes.
La Chambre d'appel a examiné chacun de ces griefs comme des moyens d'appel distincts. Avant de les passer en revue, il convient de rappeler brievement les criteres applicables aux erreurs de fait et de droit alléguées en appel.
Les appels formés contre les jugements portant condamnation, comme ceux interjetés contre tout jugement, sont des appels au sens strict. Il s'agit de procédures < de nature corrective > qui ne donnent pas lieu a un proces de novo. En principe, la Chambre d'appel ne tient compte que des éléments suivants : les éléments de preuve cités par la Chambre de premiere instance, les éléments de preuve versés au dossier de premiere instance et cités par les parties et, enfin, les éléments de preuve supplémentaires admis en appel. La Chambre d'appel souligne que, lorsqu'elle est saisie d'une erreur de droit ou de fait concernant des circonstances atténuantes, la conclusion selon laquelle un fait représente une circonstance atténuante est établie sur la base de l'hypothese la plus probable.
Il ressort de l'article 25 du Statut que le rôle de la Chambre d'appel se limite a corriger les erreurs de droit qui invalident une décision et les erreurs de fait qui ont entraîné un déni de justice. Les Chambres de premiere instance ont un pouvoir d'appréciation tres large pour déterminer la juste peine. Cela tient en grande partie a l'obligation impérieuse qu'elles ont de personnaliser la peine pour tenir compte de la situation de l'accusé et de la gravité du crime. Ainsi, en regle générale, la Chambre d'appel ne révise une peine que si la Chambre de premiere instance a commis une erreur manifeste dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ou a dérogé aux regles de droit applicables. C'est a l'appelant qu'il revient de démontrer en quoi la Chambre de premiere instance a outrepassé ses larges pouvoirs discrétionnaires en fixant la peine.
A présent, examinons le premier moyen d'appel qui concerne les circonstances que la Chambre de premiere instance n'a pas, selon l'Appelant, considéré comme étant atténuantes. Plus particulierement, l'Appelant se réfere aux éléments suivants:
1) la situation militaire et politique qui s'était détériorée dans la vallée de la La¹va en 1992 et en 1993 ;
2) l'attaque dirigée contre l'Appelant et son épouse dans leur domicile en février 1993 ;
3) le fait que l'Appelant a été libéré de prison en échange de sa participation a l'attaque contre le village d'Ahmići ;
4) la maniere dont il a été utilisé par ses supérieurs.
De maniere générale, la Chambre d'appel fait observer que meme si l'Appelant reproche a la Chambre de premiere instance d'avoir commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de certains éléments, la question qui se pose a elle n'est pas celle de savoir si les éléments auxquels il fait référence constituent en droit des circonstances atténuantes, mais si la Chambre de premiere instance a outrepassé ses pouvoirs en décidant des éléments a retenir. Par ailleurs, l'unique circonstance atténuante que les Chambres de premiere instance sont tenues en droit de prendre en compte, conformément a l'article 101(B)(i) du Reglement de procédure et de preuve, est la coopération fournie par un accusé a l'Accusation.
En ce qui concerne la situation militaire et politique détériorée a Vitez, la Chambre d'appel fait observer que, comme le reconnaît l'Appelant, la Chambre de premiere instance a bel et bien tenu compte des arguments que celui-ci a présentés dans son mémoire et pendant l'audience consacrée a la peine. La Chambre de premiere instance n'a donc pas fait abstraction des arguments de l'Appelant, mais a refusé de retenir ce contexte chaotique comme circonstance atténuante. L'Appelant se contente de reprendre en appel des arguments qu'il a déja présentés a la Chambre de premiere instance et il ne démontre pas que celle-ci a commis une erreur manifeste. En tout état de cause, la Chambre d'appel a déja conclu que le contexte chaotique d'un conflit ne saurait etre retenu comme une circonstance atténuante. Par ces motifs, cette branche du premier moyen d'appel soulevé par l'Appelant est rejetée.
Eu égard a l'attaque dirigée contre l'Appelant et son épouse dans leur domicile en février 1993, la Chambre d'appel note que la Chambre de premiere instance a examiné les arguments de l'Appelant a la lumiere de la situation militaire et politique dans la municipalité de Vitez. La Chambre d'appel considere la Chambre de premiere instance n'avait nul besoin de s'appuyer sur des exemples précis. Que l'on tienne compte du contexte chaotique ou que l'on prenne en considération des exemples précis d'attaques contre des maisons, le raisonnement est le meme : toute personne impliquée dans un conflit a l'obligation de limiter ce chaos et de veiller au respect du droit international humanitaire. Un accusé ne peut donc se prévaloir du seul fait que son domicile a été attaqué pour demander une réduction de la peine qui lui a été infligée pour les crimes qu'il a commis par la suite. Par conséquent, cette branche du premier moyen d'appel de l'Appelant est rejetée.
Enfin, concernant les arguments relatifs a la contrainte et aux ordres donnés par des supérieurs hiérarchiques, la Chambre d'appel souligne que l'Appelant a reconnu qu'il a < toujours refusé d'exciper de la contrainte ou de l'obéissance aux ordres de supérieurs hiérarchiques >, et elle en déduit qu'il ne compte pas invoquer pour la premiere fois ces moyens de défense en appel. La Chambre d'appel fait remarquer qu'au moment de la fixation de la peine, l'Appelant a seulement indiqué a cet égard que ses supérieurs s'étaient servis de lui. La Chambre de premiere instance a expressément tenu compte de ces arguments et a reconnu que l'Appelant avait été libéré de prison en échange de sa participation a l'attaque contre Ahmići et que, dans une certaine mesure, des pressions avaient été exercées sur lui pour qu'il rejoigne les rangs des Jokeri et participe activement aux opérations de combat menées par le HVO. La Chambre d'appel met l'accent sur le fait que l'Appelant, qui ne conteste pas les conclusions de la Chambre de premiere instance, ne dit pas que les pressions exercées sur lui pour qu'il s'engage dans les Jokeri étaient plus fortes que ne l'a estimé la Chambre de premiere instance. La Chambre d'appel considere que les arguments de l'Appelant se rapportent au sentiment qu'il a eu de devoir obéir a des ordres illégaux. Toutefois, la Chambre d'appel est d'accord avec l'Accusation pour dire que l'Appelant ne démontre pas qu'il a obéi a des ordres illégaux sous < la contrainte >. La Chambre de premiere instance a conclu a juste titre que < toute personne engagée dans un conflit armé est tenue de se conformer aux regles applicables du droit international humanitaire et, meme s'il se peut que Miroslav Bralo ait été incité a prendre part aux combats, il était tenu légalement et moralement de se conformer a ces regles >. En outre, la Chambre d'appel considere que l'Appelant ne s'est non seulement pas opposé aux ordres illégaux, mais les a exécutés avec enthousiasme et empressement, comme le montrent les conclusions de la Chambre de premiere instance concernant sa volonté d'humilier ses victimes. Des lors, la Chambre d'appel conclut que l'Appelant n'a pas démontré que la Chambre de premiere instance avait commis une erreur manifeste lorsqu'elle a jugé que les pressions exercées sur lui ne constituaient pas une circonstance atténuante. Ainsi, le premier moyen d'appel est rejeté dans son intégralité.
Dans son deuxieme moyen d'appel, l'Appelant fait valoir que la Chambre de premiere instance a commis une erreur en n'accordant pas suffisamment de poids a sa situation personnelle et a < l'effet tres positif de sa coopération pour le Procureur, le Tribunal et les habitants d'Ahmići >.
Pour ce qui est de l'argument selon lequel la Chambre de premiere instance n'aurait tenu compte, dans son évaluation de la situation personnelle de l'Appelant, que des éléments de preuve se rapportant a sa < bonne moralité > et a sa < situation familiale >, la Chambre d'appel rappelle que la Chambre de premiere instance n'est pas tenue d'examiner les arguments de l'Appelant dans telle ou telle partie du Jugement. En l'espece, la Chambre de premiere instance a pris en compte l'ensemble des circonstances de l'espece et ne leur a pas accordé de poids.
En ce qui concerne le manquement allégué de la Chambre de premiere instance d'accorder suffisamment de poids au fait qu'il avait perdu son emploi a cause de la guerre, la Chambre d'appel estime que l'Appelant n'a pas démontré en quoi la perte de son emploi, dans les conditions économiques difficiles qui régnaient apres l'éclatement de la Yougoslavie, l'aurait placé dans une situation plus difficile que celle des autres habitants de la région.
S'agissant de l'argument de l'Appelant selon lequel la maison dans laquelle il est né et a été élevé était située sur la ligne de front, la Chambre d'appel observe qu'il n'a pas été avancé au moment de fixer la peine et qu'elle ne dispose donc d'aucun élément pour l'examiner. Partant, elle ne tiendra pas compte de cet argument.
En ce qui concerne le grief fait a la Chambre de premiere instance de n'avoir pas tenu compte du fait qu'il avait été placé en détention surveillée par le HVO pendant pres de deux ans apres sa tentative de reddition en 1997, la Chambre d'appel note qu'il est en effet incertain que la Chambre de premiere instance a précisément tenu compte de ce fait. Cela étant, meme si cet élément n'a pas été pris en compte, la Chambre d'appel estime que l'Appelant n'a pas établi l'incidence qu'il aurait pu avoir sur la peine, d'autant qu'il n'a pas expliqué pourquoi il était resté sous la garde du HVO. La Chambre d'appel conclut que l'Appelant n'a pas établi que la Chambre de premiere instance avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne tenant pas compte de cet élément.
Pour ce qui est de la balance entre la gravité des crimes commis par l'Appelant et sa situation personnelle, la Chambre d'appel rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle une Chambre de premiere instance < peut mettre en balance, d'une part, les circonstances atténuantes et, d'autre part, des éléments tels que la gravité du crime, les circonstances particulieres de l'espece, ainsi que le mode et le degré de participation de l'accusé au crime >. La Chambre d'appel note qu'en l'espece, lorsqu'elle a apprécié les éléments a prendre en compte dans la sentence, la Chambre de premiere instance a estimé que les crimes commis par l'Appelant étaient < extremement graves >. Outre le < caractere profondément choquant de ces crimes >, la Chambre de premiere instance a tout particulierement tenu compte de la maniere dont ces derniers avaient été exécutés et des conséquences qu'ils avaient eues pour les victimes. La Chambre d'appel estime donc qu'en appréciant ces circonstances propres a l'Appelant, la Chambre de premiere instance a aussi tenu compte, a juste titre, de la gravité des crimes. Cette branche du deuxieme moyen d'appel soulevé par l'Appelant est donc rejetée.
Pour ce qui est de l'argument sur la coopération de l'Appelant selon lequel la Chambre de premiere instance n'aurait pas tenu compte de son attitude conciliante avant le plaidoyer de culpabilité, la Chambre d'appel estime que l'Appelant, en n'expliquant pas en quoi la Chambre de premiere instance aurait commis une erreur manifeste, ne s'est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombe en appel. Ses arguments sont donc rejetés car manifestement infondés.
En ce qui concerne l'importance du plaidoyer de culpabilité et de l'Exposé des faits, la Chambre d'appel rappelle que l'accord sur le plaidoyer doit seulement, aux termes de l'article 62 bis iv) du Reglement, reposer sur < des faits suffisants > admis par les parties, ceux-ci étant appréciés lors de l'évaluation du plaidoyer de culpabilité. Cela n'empeche toutefois pas la Chambre de premiere instance de considérer toute information supplémentaire fournie par l'accusé, allant au-dela des < faits suffisants > nécessaires pour accepter le plaidoyer. La Chambre d'appel conclut qu'en tenant compte du fait que l'Appelant avait fourni des informations concernant d'autres crimes lorsqu'elle a apprécié la valeur de son plaidoyer de culpabilité et considéré que celui-ci constituait une < circonstance atténuante importante >, la Chambre de premiere instance n'a pas commis d'erreur manifeste en n'accordant a cet élément aucun poids particulier, venant s'ajouter a celui déja important qu'elle avait accordé au plaidoyer de culpabilité.
Quant a l'argument de l'Appelant selon lequel il aurait contribué a < dresser un constat du passé >, la Chambre d'appel estime que, bien que la Chambre de premiere instance ne l'ait pas expressément dit, cette contribution est par nature prise en compte dans le poids accordé au plaidoyer de culpabilité. En effet, la contribution de l'accusé a l'établissement de la vérité est l'un des motifs avancés dans la jurisprudence du Tribunal de céans et celle du Tribunal pour le Rwanda pour considérer le plaidoyer de culpabilité comme une circonstance atténuante et elle a, a ce titre, pesé dans la décision de la Chambre de premiere instance d'accorder un poids important au plaidoyer de culpabilité de l'Appelant.
S'agissant de l'argument de l'Appelant selon lequel il convient d'attacher une importance particuliere au fait qu'il a été le premier accusé dans une série d'affaires relatives a la vallée de la La¹va a plaider coupable avant le proces, la Chambre d'appel note que, lorsqu'elle a apprécié la valeur du plaidoyer de culpabilité et des remords de l'Appelant, la Chambre de premiere instance a précisément tenu compte de ce fait. Partant, la Chambre d'appel estime que l'Appelant n'a pas établi que la Chambre de premiere instance avait commis une erreur d'appréciation.
S'agissant enfin de l'affirmation de l'Appelant selon laquelle son plaidoyer de culpabilité < a permis de réaliser d'importantes économies d'argent, de temps et d'autres ressources >, la Chambre d'appel note que cette question a été soigneusement examinée par la Chambre de premiere instance qui a conclu que l'économie faite d'un long proces était certes un élément dont il faut tenir compte dans la sentence, mais qu'il ne fallait pas lui accorder trop d'importance. La Chambre d'appel estime qu'en l'espece, l'Appelant n'a pas établi que la Chambre de premiere instance avait commis une erreur manifeste en appréciant la valeur de son plaidoyer de culpabilité.
La Chambre d'appel conclut, par conséquent, que l'Appelant n'a pas démontré en quoi ces circonstances, qui ont largement contribué a l'atténuation de la peine, auraient du etre prises en compte séparément dans le cadre de la < coopération > et auraient mérité un poids supplémentaire. Cette branche du deuxieme moyen d'appel soulevé par l'Appelant est rejetée.
Ensuite, l'Appelant soutient que la Chambre de premiere instance aurait du prendre en compte sa coopération avec le Procureur en tant que coopération < sérieuse et étendue > et lui accorder du poids en tant que telle, tandis que la Chambre de premiere instance a considéré cette coopération comme < modérée >.
Bien que la coopération avec le Procureur est la seule circonstance atténuante citée expressément dans le Reglement, la Chambre d'appel souligne que le < sérieux et l'étendue de la coopération > n'y sont pas définis et que c'est a la Chambre de premiere instance d'apprécier l'étendue et la nature de la coopération fournie par l'Appelant. L'appréciation de l'étendue et du sérieux de la coopération dépend essentiellement des circonstances particulieres de l'espece. Cette appréciation ne saurait porter que sur un seul des actes d'un accusé, mais sur l'ensemble des efforts qu'il a entrepris dans ce sens. La qualification de la coopération d'un accusé avec le Procureur comme dépendra en particulier de la quantité et de la qualité des informations fournies.
La Chambre d'appel estime que cette qualité se mesure essentiellement a la < teneur précise > de ces informations. A ce propos, la communication de nouvelles informations, présentées pour la premiere fois au Tribunal, doit etre considérée comme un élément particulierement important. Des lors, la teneur des informations fournies n'est pas le seul élément a prendre en compte pour apprécier la qualité de ces informations puisque celle-ci dépend également du sérieux avec lequel l'accusé a fourni ces informations. Enfin, la Chambre d'appel considere que l'utilisation concrete de ces informations par l'Accusation dans d'autres affaires portées devant le Tribunal ne suffit pas a prouver la qualité de ces informations.
A la lumiere de ces conclusions, la Chambre d'appel a tout d'abord déterminé si la Chambre de premiere instance, en évaluant la coopération de l'Appelant avec le Procureur, a pris en compte, comme il convenait, tous les éléments de preuve qui lui avaient été présentés. En ce qui concerne les documents fournis par l'Appelant en 1997, la Chambre d'appel souligne que la Chambre de premiere instance a tenu compte de leur utilisation dans d'autres affaires, et qu'elle a donc retenu le fait que l'Appelant les avait fournis pour apprécier sa coopération avec le Procureur. En ce qui concerne l'évaluation par la Chambre de premiere instance de la valeur de la Base factuelle, sur laquelle repose le plaidoyer de culpabilité, la Chambre d'appel, tout en exprimant son accord avec la Chambre de premiere instance pour dire que l'utilisation de ces informations ne suffit pas a prouver leur qualité, note que les références a l'Appelant dans la procédure relative a la demande en révision dans l'affaire Bla¹kić suggerent une certaine utilité de ces informations pour le Procureur. Néanmoins, la Chambre d'appel souligne que la coopération doit etre considérée dans son ensemble.
La Chambre d'appel souligne que, dans le cadre de cette analyse, il convient d'accorder une attention toute particuliere a la volonté qu'a l'accusé de coopérer, qui inspire ses efforts et dont témoigne, tout particulierement, le sérieux avec lequel il communique des informations a l'Accusation. En l'espece, la Chambre d'appel fait observer que la Chambre de premiere instance, tout en tenant compte du fait que l'Appelant était pret a déposer dans d'autres affaires, a noté qu'il avait refusé de rencontrer l'Accusation pour etre interrogé. La Chambre d'appel releve également que l'Accord sur le plaidoyer présenté a la Chambre de premiere instance ne précisait pas, contrairement a d'autres, que l'Appelant s'était engagé a coopérer.
Au vu de ces éléments, la Chambre d'appel estime que la Chambre de premiere instance n'a pas commis d'erreur en déclarant que l'Appelant, s'il n'a pas fait obstruction, n'a pas pour autant fait preuve d'un engagement a coopérer avec l'Accusation. Par conséquent, la Chambre de premiere instance n'a pas commis d'erreur, au vu des éléments de preuve, en qualifiant la coopération de l'Appelant de < modérée >.
Pour ce qui est des moyens de preuve supplémentaires, la Chambre d'appel prend note que des éléments fournis par l'Appelant ont été utilisés dans les affaires Bla¹kić, Kordić et Čerkez, ainsi qu'au sein des éléments justificatifs présentés avec l'acte d'accusation dans l'affaire Ljubičić et au cours du transfert de cette affaire au Procureur de Bosnie Herzégovine en vertu de l'article 11bis du Statut. La Chambre d'appel retient également que ces éléments ont été utilisés au cours de la procédure relative a la demande en révision dans l'affaire Bla¹kić, mais simplement en tant que preuve concordante. La Chambre d'appel n'est donc pas convaincue que la qualité et la quantité de l'information contenue dans les moyens de preuve supplémentaire est de nature a conclure a une coopération sérieuse et étendue de la part de l'Appelant.
Considérant les moyens de preuve supplémentaires admis en appel, pris conjointement avec les éléments de preuve devant la Chambre de premiere instance, la Chambre d'appel conclut que l'Appelant n'a pas démontré que sa coopération était en fait sérieuse et étendue. Cette branche du deuxieme moyen d'appel soulevé par l'Appelant est rejetée.
Pour ce qui est de l'argument de l'Appelant selon lequel la Chambre de premiere instance n'a pas tenu compte comme il convient de l'importance toute particuliere de sa coopération pour les habitants d'Ahmići, la Chambre d'appel observe d'emblée que l'Appelant reconnaît que la Chambre de premiere instance a tenu compte de son comportement apres le conflit. La Chambre de premiere instance a conclu que les efforts déployés par l'Appelant pour tenter de se racheter, étaient l'expression de remords sinceres et a convenu que le fait qu'il avait reconnu ses méfaits était extremement important pour la communauté toute entiere et contribuait a l'apaisement et a la réconciliation. La Chambre d'appel observe que la Chambre de premiere instance a estimé que les remords sinceres exprimés par l'Appelant constituaient une circonstance atténuante importante a laquelle elle a accordé un poids important. L'Appelant n'a pas démontré pourquoi la Chambre de premiere instance aurait du tenir compte de ces éléments séparément et leur accorder du poids en tant qu'< efforts de coopération > alors qu'elle les a par ailleurs retenus comme circonstances atténuantes auxquelles elle a accordé un poids important. La Chambre d'appel estime en particulier que la Chambre de premiere instance pouvait parfaitement considérer que l'aide qu'il avait apportée a la localisation des lieux des crimes et des lieux d'inhumation ainsi qu'aux opérations de déminage témoignaient de ses remords et des efforts qu'il avait entrepris pour racheter ses crimes. Elle n'était pas tenue de prendre en compte ces éléments pour apprécier sa coopération. Cette branche du deuxieme moyen d'appel soulevé par l'Appelant est rejetée.
Enfin, pour ce qui est de l'argument de l'Appelant selon lequel l'expression de remords sinceres, qui va au-dela du simple fait de reconnaître ses crimes en plaidant coupable, est l'une des circonstances atténuantes les plus significatives et les plus completes, la Chambre d'appel rappelle que la Chambre de premiere instance a estimé que les remords sinceres exprimés par l'Appelant étaient une circonstance atténuante a laquelle elle accordait un poids important. La Chambre d'appel considere que l'Appelant n'a pas démontré que la Chambre de premiere instance avait commis une erreur manifeste dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. En conséquence, cette branche du deuxieme moyen d'appel soulevé par l'Appelant est rejetée.
Par ces motifs, le deuxieme moyen d'appel de l'Appelant est rejeté dans son intégralité.
Dans son troisieme moyen d'appel, l'Appelant soutient que la Chambre de premiere instance, apres avoir jugé que les circonstances atténuantes - considérées ensemble - justifiaient un allegement important de la peine, a commis une erreur d'appréciation en réduisant la peine totale de 5 ans seulement.
La Chambre d'appel note qu'apres avoir déterminé le poids a accorder aux circonstances atténuantes, la Chambre de premiere instance a conclu que le fait que Miroslav Bralo a plaidé coupable, a la date ou il l'a fait, qu'il a exprimé des remords, qu'il a fait des efforts pour se racheter, et qu'il s'est livré de son plein gré au Tribunal sont des éléments qui, considérés ensemble, justifient une modification substantielle de la peine qui serait autrement appropriée.
L'Appelant approuve cette conclusion mais affirme que, compte tenu de l'objectif plus large du Tribunal de < garantir la justice, la paix et la réconciliation dans la région >, la Chambre de premiere instance, lorsqu'elle a apprécié le poids a accorder aux circonstances atténuantes, a commis une erreur en interprétant de maniere trop restrictive la mission dévolue au Tribunal. La Chambre d'appel est d'accord avec l'Appelant pour dire que les travaux du Tribunal < font partie du processus de réconciliation et contribuent au maintien de la paix et de la sécurité > dans la région, une fonction inhérente au Tribunal depuis sa création. Elle considere toutefois que la Chambre de premiere instance avait parfaitement connaissance de ce rôle et qu'elle en a expressément tenu compte lorsqu'elle a examiné les finalités de la peine. En ce qui concerne l'argument avancé par l'Appelant selon lequel la Chambre de premiere instance n'a pas accordé suffisamment de poids a cet élément, la Chambre d'appel rappelle que < meme si la réconciliation dans la région et le rétablissement et le maintien de la paix sont des finalités importantes de la sanction, ce ne sont pas les seules >. Comme la Chambre de premiere instance l'a précisé a juste titre, les finalités de la peine sont clairement définies dans la jurisprudence du Tribunal. En particulier, la Chambre d'appel rappelle que, pour fixer la peine, le Tribunal accorde une importance particuliere aux principes de rétribution et de dissuasion.
La Chambre d'appel a déja jugé que la Chambre de premiere instance avait examiné en détail toutes les circonstances atténuantes et aggravantes en l'espece et qu'elle leur avait accordé le poids qui convenait. Elle rappelle en particulier que la Chambre de premiere instance a expressément tenu compte des remords sinceres de l'Appelant et de sa contribution personnelle a la réconciliation dans la région lorsqu'elle a analysé son plaidoyer de culpabilité, et qu'elle a accordé un poids important a ces éléments. La Chambre d'appel conclut par conséquent que l'Appelant n'a pas démontré que la Chambre de premiere instance a mal appliqué les principes gouvernant la fixation de la peine au Tribunal.
Concernant l'argument de l'Appelant selon lequel la Chambre de premiere instance n'a pas réduit sa peine de maniere a rendre pleinement compte de l'allegement important qui, selon elle, était justifié, au vu des circonstances atténuantes pertinentes, la Chambre d'appel rappelle que les circonstances atténuantes, une fois établies, n'ouvrent pas droit automatiquement a un "crédit" venant en déduction de la peine encourue ; la Chambre de premiere instance est simplement tenue d'en tenir compte dans la sentence. En l'espece, la Chambre d'appel note que la Chambre de premiere instance a effectivement tenu compte des circonstances atténuantes pertinentes pour fixer la peine de l'Appelant. La Chambre d'appel souligne qu'il appartient a l'Appelant de montrer que la Chambre de premiere instance a outrepassé ses pouvoirs en fixant la peine. En l'espece, la Chambre d'appel considere que l'Appelant n'a pas démontré que la Chambre de premiere instance a commis une erreur manifeste de droit ou de fait dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation pour déterminer la peine appropriée. Par ailleurs, la Chambre d'appel est d'avis que l'Appelant n'a pas démontré que la Chambre de premiere instance a manqué de transparence en procédant a la réduction de la peine. Selon elle, la Chambre de premiere instance a clairement mis en balance les circonstances atténuantes et aggravantes et la gravité des crimes commis par l'Appelant.
Enfin, pour ce qui est du mode de calcul du poids accordé aux circonstances atténuantes dans la peine, la Chambre d'appel considere que toute modification de celle-ci doit etre appréciée a la lumiere de l'ensemble des circonstances de l'espece et que l'on ne saurait procéder a une simple soustraction. Comme il a été dit plus haut, la Chambre de premiere instance a apprécié, comme il convenait, toutes les circonstances de l'espece avant de fixer la peine. La Chambre d'appel ne peut prononcer une autre peine que < lorsque celle prononcée par la Chambre de premiere instance ne peut etre conciliée avec les principes gouvernant la détermination de la peine au Tribunal >. En l'espece, et compte tenu en particulier de la gravité des crimes commis et des circonstances aggravantes que l'Appelant n'a pas contestées, la Chambre d'appel considere que l'Appelant n'a pas démontré que la peine prononcée a son encontre était a ce point déraisonnable qu'elle constitue une erreur d'appréciation de la part de la Chambre de premiere instance. Il n'a pas non plus établi que la peine prononcée allait a l'encontre des < principes gouvernant la détermination de la sentence au Tribunal >.
Par ces motifs, le troisieme moyen d'appel soulevé par l'Appelant est rejeté dans son intégralité.
Parvenue au terme de son analyse et ayant considéré toutes les circonstances particulieres de cette affaire, la Chambre d'appel est arrivée a la conclusion que confirme la peine de 20 (vingt) ans d'emprisonnement infligée par la Chambre de premiere instance.
Dispositif
Par ces motifs, LA CHAMBRE D'APPEL, a l'unanimité,
EN APPLICATION de l'article 25 du Statut et des articles 117 et 118 du Reglement de procédure et de preuve,
VU les écritures respectives des parties et leurs exposés a l'audience du 9 février 2007,
SIÉGEANT en audience publique,
REJETTE les moyens d'appel soulevés par l'Appelant,
CONFIRME la peine de 20 (vingt) ans d'emprisonnement infligée par la Chambre de premiere instance,
ORDONNE, en application des articles 103 C) et 107 du Reglement, que l'Appelant reste sous la garde du Tribunal international jusqu'a ce que soient arretées les dispositions nécessaires pour son transfert vers l'État dans lequel il purgera sa peine.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
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Les audiences du Tribunal peuvent etre suivies sur le site internet du Tribunal. |