Affaire n° : IT-99-36-A

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant :
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
9 décembre 2004

LE PROCUREUR

c/

RADOSLAV BRDJANIN

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DÉCISION RELATIVE AUX DEMANDES DE PROROGATION DE DÉLAI

_____________________________________

Le Conseil de l’Appelant :

M. John Ackerman

Le Bureau du Procureur :

M. Mark J. McKeon

 

NOUS, MOHAMED SHAHABUDDEEN, Juge de la Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU le Jugement rendu en l’espèce par la Chambre de première instance II le 1er septembre 2004 (le « Jugement »),

VU l’estimation la plus récente du Greffe, selon laquelle la traduction du Jugement en B/C/S ne sera pas terminée avant le 15 février 2005,

VU l’acte d’appel de l’Accusation (Prosecution’s Notice of Appeal), déposé le 30 septembre 2004,

VU l’acte d’appel (Notice of Appeal), déposé le 1er octobre 2004 par Radoslav Brdjanin (respectivement l’« Acte d’appel » et l’« Appelant »),

VU l’Ordonnance portant désignation d’un juge de la mise en état en appel, rendue le 22 octobre 2004, par laquelle nous avons été désigné pour remplir les fonctions de juge de la mise en état en appel en l’espèce,

VU la demande de prorogation du délai de dépôt du mémoire de l’Appelant (Motion to Extend Time for Filing Appellant’s Brief), déposée le 18 novembre 2004 par le Conseil de l’Appelant (la « Demande de l’Appelant »), par laquelle il sollicite un délai supplémentaire de 75 jours environ à compter du 15 février 2005, soit jusqu’au 1er mai 2005, pour déposer ledit mémoire,

VU la réponse de l’Accusation (Prosecution’s Response to Motion to Extend Time for Filing Appellant’s Brief) déposée le 29 novembre 2004 (la « Réponse »), par laquelle l’Accusation soutient que la Demande de l’Appelant devrait être accueillie, dans sa totalité ou partiellement, et que, le cas échéant, l’Accusation devrait obtenir une prorogation de délai identique à celle sollicitée par l’Appelant1,

ATTENDU que l’Appelant n’a pas répondu à la Réponse de l’Accusation,

VU, en outre, la demande de l’Accusation aux fins de proroger le délai de dépôt de son mémoire d’appel et de raccourcir un délai de dépôt imparti (Prosecution’s Motion for Extension of Time for Filing its Appeal Brief and Request for Order Shortening Time), déposée le 7 décembre 2004, (la « Demande de l’Accusation »), par laquelle l’Accusation demande, d’une part, pour le dépôt de son mémoire d’appel, une prorogation de délai identique à celle sollicitée par l’Appelant au motif qu’elle effectue actuellement des recherches sur les points de droit soulevés dans le cadre de son recours et, d’autre part, pour le dépôt d’une réponse à sa Demande, la réduction du délai imparti,

ATTENDU que l’article 111 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») prévoit que « [l]e mémoire de l’appelant, qui expose tous les arguments et les fondements des moyens d’appel, est déposé dans un délai de soixante-quinze jours à compter du dépôt de l’acte d’appel conformément à l’article 108 »,

ATTENDU qu’il est actuellement prévu, compte tenu des délais impartis, que l’Appelant et l’Accusation déposent leurs mémoires d’appel respectivement le 15 décembre 2004 et le 14 décembre 2004,

ATTENDU qu’en application des paragraphes A) et B) de l’article 127 du Règlement, la Chambre d’appel peut, lorsqu’une requête présente des motifs convaincants, proroger ou raccourcir tout délai prévu par le Règlement ou fixé en vertu de celui-ci,

ATTENDU qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder à l’Appelant suffisamment de temps pour lire le Jugement dans une langue qu’il comprend et pour consulter son conseil avant de déposer son mémoire en application de l’article 111 du Règlement, et que cela constitue « un motif convaincant » au sens de l’article 127 A) du Règlement2,

ATTENDU, toutefois, que c’est d’abord au Conseil qu’il revient de préparer l’appel car il a la capacité, compte tenu de ses connaissances juridiques, de signaler à l’Appelant tout point qui pourrait constituer une erreur de droit ou de fait,

ATTENDU, en outre, que l’anglais est la langue maternelle du Conseil de l’Appelant et qu’il peut commencer à préparer l’appel et à s’entretenir avec l’Appelant avant que la traduction du Jugement ne soit déposée, et qu’il n’y a donc pas lieu, dans l’intervalle, de suspendre totalement la procédure3,

VU la jurisprudence du Tribunal selon laquelle il y a lieu, en pareil cas, d’accorder une prorogation de délai de 30 à 40 jours suivant la date du dépôt de la traduction du jugement dans une langue que l’appelant comprend4,

ATTENDU que le degré de complexité de l’affaire et la longueur du Jugement constituent des « motifs convaincants » au sens de l’article 127 A) du Règlement et justifient de s’écarter de cette pratique,

ATTENDU que le Conseil de l’Appelant a indiqué son intention d’examiner les dossiers de première instance provenant d’affaires connexes, ainsi que des éléments de preuve récemment découverts, afin de décider s’il y a lieu de déposer une requête en application de l’article 115 du Règlement aux fins de l’admission de moyens de preuve supplémentaires5,

ATTENDU, toutefois, que l’intention de déposer une telle requête ne constitue pas un « motif convaincant » au sens de l’article 127 A) du Règlement,

ATTENDU que l’argument de l’Accusation selon lequel l’Appelant n’aura pas le temps de déposer son mémoire de l’intimé dans les 40 jours prévus puisqu’il sera pris par d’autres tâches jusqu’au dépôt de la traduction du Jugement en février 20056, ne constitue pas un « motif convaincant » au sens de l’article 127 A) du Règlement,

ATTENDU que l’argument de l’Accusation, selon lequel elle est en droit de bénéficier d’une prorogation de délai si un délai supplémentaire est accordé à l’Appelant, est infondé car l’Accusation n’a pas besoin du Jugement traduit en B/C/S pour préparer son mémoire de l’appelant, et qu’il convient d’examiner au cas par cas le bien–fondé des demandes de prorogation de délai7,

ATTENDU, en outre, que l’argument de l’Accusation selon lequel le dépôt simultané des mémoires des appelants permettra à la Chambre d’examiner en même temps les questions soulevées et selon lequel la logique du calendrier des dépôts sera respectée8, ne constitue pas un « motif convaincant » au sens de l’article 127 A) du Règlement,

ATTENDU que l’importance et la complexité des recherches qu’effectue actuellement l’Accusation constituent des « motifs convaincants » au sens de l’article 127 A) du Règlement, et justifient, en conséquence, de reporter le dépôt du mémoire d’appel de l’Accusation,

ATTENDU, toutefois, qu’il appert que l’Accusation sollicite une prorogation de délai excessive puisque, contrairement à l’Appelant, elle n’a pas besoin de la traduction du Jugement en B/C/S et qu’elle n’a présenté aucun autre motif sérieux justifiant de l’autoriser à déposer son mémoire d’appel à la même date que l’Appelant,

ATTENDU que le Conseil de l’Appelant a informé l’Accusation qu’il ne s’opposait pas à sa demande de prorogation de délai9,

ATTENDU, en conséquence, que le fait que la Chambre d’appel rende sa décision sans que l’Appelant ait la possibilité de répondre à la Demande de l’Accusation ne porte pas préjudice à l’Appelant,

ATTENDU, en outre, qu’au vu de ce qui précède, il n’y a plus lieu de raccourcir le délai imparti pour le dépôt d’une réponse à la Demande de l’Accusation,

PAR CES MOTIFS,

FAISONS DROIT, partiellement, à la Demande de l’Appelant et à la Demande de l’Accusation,

ORDONNONS à l’Appelant de déposer son mémoire dans un délai de 50 jours au plus tard suivant le dépôt de la traduction du Jugement en B/C/S,

ORDONNONS à l’Accusation de déposer son mémoire d’appel le 28 janvier 2005 au plus tard,

DEMANDONS au Greffier d’informer la Chambre d’appel et les parties en l’espèce du dépôt de la traduction du Jugement en B/C/S.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 9 décembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
______________
Mohamed Shahabuddeen

[Sceau du Tribunal]


1. Réponse, par. 19, 24 et 25.
2. Le Procureur c/ Mladen Naletilic alias « Tuta » et Vinko Martinovic alias « Stela », affaire nº IT-98-34-A, Decision on Motions for Extension of Time, 12 juin 2003, p. 4, et Decision on Mladen Naletilic’s Motions for Extension of Time, 25 juin 2003, p. 3 ; Le Procureur c/ Juvénal Kajelijeli, ICTR-98-44A-A, Decision on Motion for an Extension of Time to File Appellant’s Notice of Appeal and Brief, 17 décembre 2003, p. 3.
3. Voir Le Procureur c/ Milomir Stakic, affaire nº IT-97-24-A, Décision relative à la requête aux fins de prorogation de délai, 30 octobre 2003, p. 3 ; Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez, affaire nº IT-95-14-A, Décision relative aux requêtes aux fins de proroger le délai de dépôt des mémoires des appelants, 11 mai 2001, par. 18 : « Lorsque le Jugement est déjà disponible dans une langue que le conseil de l’accusé parle, l’intérêt de la justice ne commande pas de tout interrompre jusqu’à ce que l’accusé soit en mesure de lire le Jugement. […] Suspendre le délai jusqu’à ce que le jugement soit disponible dans une langue que l’accusé comprend serait peu judicieux, car le conseil pourrait commencer la préparation de l’appel, même s’il faut tenir compte du fait que l’appelant n’a pas disposé d’un délai identique pour lire et examiner le jugement. »
4. Le Procureur c/ Dragan Nikolic, affaire nº IT-94-2-A, Décision relative à la requête aux fins de modification de délai, 25 mars 2004, p. 3 ; Le Procureur c/ Momir Nikolic, affaire nº IT-02-60/1-A, Décision relative à la requête aux fins de modification de délai, 22 janvier 2004, p. 4.
5. Demande de l’Appelant, par. 4 et 5.
6. Voir article 112 du Règlement.
7. Le Procureur c/ Milorad Krnojelac, affaire nº IT-97-25-A, Decision on Requests for Extension of Time, 20 juin 2002, p. 3 ; Le Procureur c/ Dario Kordic & Mario Cerkez, affaire nº IT-95-14/2-A, Décision relative à la requête de Mario Cerkez aux fins de prorogation du délai de dépôt de son mémoire de l’intimé, 11 septembre 2001, par. 4 à 9.
8. Réponse, par. 23.
9. Demande de l’Accusation, par. 12.